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ROSWELL :
LA VÉRITÉ
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E-ISBN 9782845927131
Copyright © Presses du Châtelet, 2017.
Introduction
SERPENT DE MER
OU TOURNANT DU MILLÉNAIRE ?
Roswell en résumé
À
À son poste au Pentagone, dans le Groupe des armes spéciales, Marcel
continue à être bien noté. Le lieutenant-colonel Ray McDuffee écrit, dans son
évaluation du 30 juin 1949 : « Le major Marcel fait preuve d’un jugement de
haute qualité (superior judgement). » Sont notés sa réussite dans la supervision
et coordination de ses subordonnés, l’exemple qu’il donne en travaillant
énormément, sa haute moralité, sa grande intelligence, son expérience,
l’excellence de ses compétences techniques.
Des critiques virulentes contre Marcel
Dans les années 1990, des sceptiques ont tout fait pour discréditer le major
Marcel. Ils ont mis en avant, par exemple, le fait qu’il mit fin prématurément,
en septembre 1950, à sa carrière militaire, interprétant cela comme un aveu
d’échec. En réalité, nous savons maintenant qu’il l’a fait à la demande de sa
sœur Jennie Savoie, qui lui avait demandé de revenir à Houma, leur ville
natale, en Louisiane, pour prendre en charge leur mère malade, âgée de quatre-
vingt-douze ans, dont elle ne pouvait plus s’occuper après avoir subi une
opération. En 2007, son fils, le Dr Jesse Marcel Jr, a défendu chaleureusement
la mémoire de son père dans son livre, The Roswell Legacy.
Kevin Randle a pris lui aussi la défense du major Marcel pour répondre aux
critiques virulentes des sceptiques. Citons quelques arguments de Kevin
Randle, dans son livre The Roswell Encyclopedia 20 et sur la liste « UFO
Updates » qui était le principal forum sur Internet à l’époque, mais n’existe
plus aujourd’hui. Randle, lui-même ancien officier, réfute les accusations de
vantardises et de mensonges de Marcel sur sa carrière militaire, avec l’aide d’un
autre enquêteur, David Rudiak, qui a beaucoup travaillé sur Roswell, créant un
site web remarquable 21.
Sur la liste UFO Updates, le sceptique Kal Korff (à ne pas confondre avec
Karl Pflock) traitait avec virulence Marcel de menteur, à propos de son
curriculum :
« Vous vous trompez lourdement sur le curriculum de Marcel. Comment expliquez-vous le
fait que Marcel ait menti en disant qu’il avait été pilote et qu’il avait un diplôme (degree)
de physique de l’université d’État de Louisiane, alors que la vérité est qu’il n’en avait pas !
En outre, si Marcel était si “crédible”, pourquoi a-t-il menti de manière flagrante en
prétendant qu’il avait abattu cinq avions ennemis et qu’il avait reçu cinq médailles
aériennes, alors qu’il ne les avait certainement pas eues ? Il a aussi menti en disant qu’il
était entré dans l’armée comme aide du général Hap Arnold ! Comment expliquez-vous
cela ? »
Voici la réplique de Randle à Korff 22. Les mots en majuscules sont de
Randle) :
« D’abord, si vous lisez attentivement l’entretien de Pratt 23, vous verrez que Marcel n’a pas
dit qu’il était pilote, mais seulement qu’il avait volé COMME (AS) pilote. Ce n’est pas
vraiment la même chose. Je peux dire avec quelque autorité, étant apparemment le seul
membre de l’aviation militaire dans ce débat (Kevin Randle a été capitaine de l’armée de
l’Air, pilote d’hélicoptère de combat et officier de renseignement au Viêtnam), que les
personnels versés dans des unités d’aviation volaient souvent à des postes pour lesquels ils
n’étaient pas qualifiés.
Mon chef d’équipe et mon mitrailleur ont eu tous les deux des temps de vol “au manche”
(au poste de pilote). C’est-à-dire qu’ils ont volé COMME pilotes mais sans être qualifiés
pour cela. J’ai eu des officiers d’active qui ont volé comme mitrailleurs bien qu’ils ne
fussent pas qualifiés pour ce poste. Rien de tout cela n’apparaît dans leur dossier militaire.
Deuxièmement, on suppose que tout est correct à 100 % dans les dossiers militaires.
TOUS les anciens officiers avec qui j’en ai discuté m’ont dit que leur dossier contenait des
erreurs, certaines si peu importantes que ça ne valait pas la peine de les corriger. Dans mon
cas, mon dossier fait état de 2 médailles. Or j’en ai 41. Oui, je peux prouver mes autres
récompenses mais ça n’en vaut pas vraiment la peine.
Dans mon cas, mon dossier ne fait pas état d’un diplôme [d’enseignement supérieur].
Pourtant, j’ai reçu une affectation ROTC qu’on ne peut obtenir que si l’on a un diplôme
[d’enseignement supérieur]. Autrement dit, mon dossier contient des informations
contradictoires.
De plus, je ne vois aucune preuve que Marcel ait prétendu avoir un diplôme de physique
nucléaire de la LSU (Louisiana State University). Je vois qu’il dit avoir suivi des cours à la
LSU pendant un an et demi et y avoir étudié la physique. L’interview de Pratt est très
vague sur ce point. Et, en plus, nous supposons que Pratt a transcrit la bande magnétique
parfaitement.
Troisièmement, Marcel a dit à tout le monde, sauf à Bob Pratt, qu’il avait abattu
seulement UN avion ennemi. Il est possible que Pratt, parce que Marcel lui avait dit qu’il
avait eu cinq médailles, ait pensé que Marcel avait descendu un avion ennemi pour
chacune d’elles. Est-il possible que Marcel n’ai pas MENTI, mais que Pratt ait MAL
COMPRIS ce qu’il avait dit ?
Quatrièmement, j’ai été moi aussi l’aide d’un général pendant une courte période, et cela
n’apparaît pas dans mon dossier. Est-il possible que la même chose lui soit arrivée ?
En d’autres termes, il n’y a pas de véritable preuve que Marcel ait MENTI, simplement
que l’interview de Pratt est en conflit avec son dossier. À cause de cela, on décide qu’il a
MENTI, alors que, en fait, il se peut que des erreurs aient été faites de bonne foi par
d’autres et non par Jesse Marcel. »
Dans son livre The Roswell Encyclopedia, Kevin Randle présente une
argumentation de neuf pages, beaucoup plus détaillée, qui serait trop longue à
citer entièrement et qui comporte des redites par rapport à son message.
Elle contient cependant des compléments utiles qui clarifient davantage
plusieurs points.
Kevin Randle s’attaque d’abord à des critiques du sceptique britannique Peter
Brooksmith. Celui-ci a par exemple affirmé dans un de ses livres que Marcel
n’avait pas de réelle expérience au combat et qu’il n’avait volé que comme
passager pendant la Seconde Guerre mondiale, dans le Pacifique Sud. Randle
répond :
« En fait, dans les deux citations pour une médaille aérienne figurant dans le
dossier militaire de Marcel, il est écrit :
« “Pour accomplissement méritoire [meritorious achievement] lors de sa participation à des
missions aériennes opérationnelles soutenues… dans la zone du Pacifique Sud-Ouest,
durant lesquelles un contact hostile était probable et à prévoir. Ces opérations consistaient
en des missions de bombardement contre des aérodromes et installations ennemis, et des
attaques de navires ennemis. Le courage et le dévouement démontrés pendant ces vols
méritent d’être relevés.”
En d’autres termes, Marcel a figuré sur des missions en tant qu’officier de renseignement
pour différentes unités dans le Pacifique Sud pendant la guerre. On ne distribuait pas
habituellement des médailles à des passagers, si tant est qu’il y en ait eu. Marcel a fait son
travail, et suggérer, comme le dit Brooksmith, que “ses vols de combat étaient limités à un
job de passager”, est une tentative de réduire la réputation d’un homme sans aucune
preuve de cette allégation. »
Kevin Randle cite ensuite la critique visant le fait qu’il ait été l’assistant du
général Hap Arnold à Washington, à ses débuts dans l’armée :
« Marcel était à Washington D. C., et il n’avait pas d’affectation militaire. Arnold était à
Washington comme officier général et il avait droit à un assistant [an aide]. En fait il avait
droit à plusieurs assistants, vu sa position. Souvent, des officiers en attente d’une
affectation sont pris comme aides temporaires de généraux. Il est possible, et même
plausible, que Marcel ait été pris comme assistant du général Arnold. »
Et voici le commentaire de Randle sur la question des médailles :
« Peut-on prouver que son dossier est incomplet ? Marcel, selon une notation enregistrée, a
reçu l’étoile de bronze pour la qualité de son service, le 8 mai 1945. Or il n’y a pas de
citation pour l’étoile de bronze dans son dossier. Cela veut dire que son dossier est
incomplet.
La citation pour l’étoile de bronze est incluse dans l’histoire de l’unité de bombardement à
laquelle Marcel a été affecté en 1945. Cela prouve qu’il y a une citation qui aurait dû
figurer dans son dossier. La citation indique qu’il a reçu cette récompense le 3 mai 1945.
En d’autres termes, son dossier est erroné sur ce point. »
Kevin Randle a encore répliqué à d’autres critiques, mais abrégeons cette
pénible polémique. Pour conclure, il souligne que, de toute façon, elles ne
peuvent faire sombrer l’affaire de Roswell car Marcel n’est pas le seul témoin :
« D’autres, membres de l’équipe de Blanchard, incluant le major Edwin Easley et
l’adjudant-chef Patrick Saunders, ont confirmé la nature “alien” de l’engin découvert.
Ainsi, même si les critiques des sceptiques contre Marcel étaient justifiées, cela aurait peu
de signification au regard de l’ensemble du dossier. C’est une honte que la mémoire de ce
remarquable officier, vétéran de la Seconde Guerre mondiale, ait été attaquée parce que
certains ne peuvent faire face à la vérité. Jesse Marcel méritait mieux de tous. »
Je vais revenir plus loin sur ces autres témoins militaires importants, Edwin
Easley et Patrick Saunders.
Le général DuBose, témoin de premier plan
sur le cover-up
Le général Thomas DuBose était à l’époque colonel adjoint du général Roger
Ramey et avait participé à la mise en scène de Fort Worth. DuBose, à la
retraite, a raconté sa version de l’histoire à plusieurs enquêteurs. Il y avait des
imprécisions dans les premiers entretiens, mais elles ont pu être ensuite
résolues, notamment grâce à la nouvelle équipe d’enquêteurs, Kevin Randle et
Donald Schmitt.
Le premier entretien avec le général DuBose, à la retraite depuis 1959, a été
réalisé le 9 septembre 1979 par William Moore, l’auteur du premier livre sur
Roswell, The Roswell Incident, paru en 1980. Le compte rendu qu’en a fait
Moore dans son livre mérite encore d’être cité :
« S’exprimant avec un recul confortable de trente-deux ans après l’événement, il signala
qu’ils avaient reçu “des ordres d’en haut d’acheminer le matériel de Roswell directement au
terrain de Wright par avion spécial”. Il ajouta que le général Ramey dirigeait entièrement
l’opération et que les officiers et hommes impliqués “ne faisaient que suivre les ordres”. Le
général avait pour souci d’être débarrassé rapidement des nombreux journalistes présents.
L’histoire du ballon météo était une invention pour obtenir ce résultat et “éteindre le feu”
en même temps. Il ne se rappelait pas qui avait suggéré le premier l’explication du ballon
météo, mais il pensait que c’était peut-être le général Ramey lui-même. »
É
J’ai rencontré John Carpenter en mars 2000, lors d’une conférence aux États-
Unis, et il s’était alors convaincu qu’Anderson était une sorte de provocateur.
L’ayant rencontré plus tard par hasard, m’a-t-il dit, il avait été frappé par son
assurance, celle de quelqu’un qui a bien exécuté sa mission.
Randle et Schmitt ont apporté un autre élément de réponse en signalant
l’opinion de proches d’Anderson. À en croire Peggy Anderson, son épouse
pendant dix-sept ans, il était un peu mythomane : « Je ne sais comment
l’expliquer, mais il n’est presque rien que l’on puisse croire, venant de lui. » Ses
anciens collègues, interrogés, ont éclaté de rire, et un ancien employeur s’est
même rappelé qu’il se plaisait à embellir jusqu’au rapport le plus routinier.
Randle a aussi démasqué une vantardise d’Anderson. Celui-ci avait raconté
qu’il avait fait partie d’une unité d’élite, les Navy Seals. Or Randle, lui-même
ancien officier de renseignement, a pu vérifier qu’il n’en était rien. Cela n’exclut
pas, cependant, qu’on ait pu le manipuler : n’était-il pas le sujet idéal pour
monter une vaste duperie ?
Cette triste affaire Anderson pose la question de la désinformation – une
donnée qui va apparaître de plus en plus importante dans le dossier de Roswell.
Mais cette affaire n’a pas réussi à décourager les enquêteurs, qui ont continué à
progresser, remarquablement, comme on va le voir. En fait, d’autres
témoignages, apparus depuis, ont sans doute apporté la solution du problème :
Barnett et les archéologues avaient vu l’ovni, mais très probablement dans la
région de Roswell, et non pas de San Agustin.
Comment on a retrouvé les archéologues
qui avaient vu l’ovni
Un autre témoignage sur l’équipe des archéologues était déjà apparu à la suite
de la même émission que pour Gerald Anderson, « Unsolved Mysteries », mais
c’était lors d’une première diffusion, en septembre 1989. Une ancienne
infirmière, Mary Ann Gardner, s’est fait connaître. Elle a raconté avoir connu,
dans un hôpital où elle officiait, une cancéreuse en phase terminale qui lui avait
raconté la même histoire. C’était en 1976 ou 1977, donc avant que l’on
commence à parler de Roswell, si ce témoignage est authentique. Cette femme
mourante avait fait partie de l’équipe archéologique et elle lui a raconté tout à
fait la même histoire d’une découverte inopinée d’ovni. À l’époque, Mary Ann
Gardner n’y avait pas cru, bien qu’elle la lui ait fait répéter plusieurs fois, mais
elle a changé d’avis en l’entendant à la télévision. Malheureusement, cette
première piste s’arrêta là, sans confirmer le lieu de l’accident.
Le 15 février 1990, Kevin Randle fut appelé par un homme qui lui dit avoir
fait partie de l’équipe d’archéologues. Il refusa de lui dire son nom, par crainte
d’avoir des ennuis professionnels, mais confirma de nouveau cette histoire, en
apportant quelques précisions. Cette équipe cherchait des signes d’occupation
précolombienne au nord des monts Capitan. Précision très intéressante, car elle
les situait, non pas dans la plaine de San Agustin, mais dans la région de
Roswell. Au cours d’un déplacement sur le terrain, ils aperçurent ce qui
semblait être un « avion écrasé sans ailes », au fuselage très épais. Il n’y avait pas
de dôme ni d’ouverture visible. Comme ils s’approchaient, ils virent trois
cadavres. L’un d’eux était en meilleur état que les autres. Il était petit, avec une
tête plus grosse qu’une tête humaine. Il avait de grands yeux, mais sa
description ne correspondait pas tout à fait au portrait typique des histoires
d’enlèvement, déjà assez connues à l’époque. Il dit aussi avoir vu une bouche,
mais pas de nez. La créature portait une combinaison de vol argentée, et un
bras était plié bizarrement, comme s’il avait été cassé. Selon ce témoin
anonyme, des militaires étaient arrivés rapidement. Un officier écarta les
archéologues de l’engin et leur dit, en insistant beaucoup, que c’était une
question de sécurité nationale. Il prit leurs noms et l’adresse de l’institution à
laquelle ils appartenaient, et leur fit comprendre que, s’ils parlaient de leur
découverte, ils perdraient leurs bourses gouvernementales, et mettraient en
difficulté leurs carrières. Ils furent alors éloignés du site, sous escorte, jusqu’à la
route vers l’est la plus proche. Le site était déjà bouclé par des gardes armés.
Kevin Randle fut embarrassé par cette histoire qu’il ne pouvait creuser
davantage, le témoin ayant rompu le contact car il voulait apporter son
témoignage mais sans prendre aucun risque. De son côté, Tom Carey s’était
lancé dans une recherche systématique des archéologues qui auraient pu se
trouver là. Il en retrouva un vivant dans la région, le Dr George Agogino, qui
avait entendu parler d’une histoire semblable, racontée par un ami quelques
années auparavant. C’était la même histoire que celle du témoin anonyme, et
Agogino précisa que son témoin l’avait racontée à d’autres personnes. Celles-ci,
contactées par téléphone, le confirmèrent. C’était peut-être le témoin anonyme
qui avait appelé Randle, et Agogino donna son nom à Tom Carey qui le donna
à Randle. Celui-ci put lui rendre visite, à son bureau au Nouveau-Mexique,
mais il refusa de confirmer qu’il était bien le témoin du crash, sans toutefois le
nier. Le seul élément de plausibilité était qu’il aurait eu l’âge d’être étudiant à
l’époque. De nouveau, la piste des archéologues semblait s’arrêter là.
Par la suite, c’est Tom Carey qui a permis de retrouver les archéologues, par
le canal du Mufon, dont il faisait partie. Une nouvelle adhérente de ce groupe
ufologique lui a révélé que son père, le Dr Bertrand Schultz, lui avait parlé il y
avait déjà des années de cette histoire de soucoupe. Schultz était un
paléontologue qui avait vécu à Roswell à cette époque, et il y avait rencontré un
groupe d’archéologues qui lui avaient parlé du crash. Lui-même avait remarqué
un cordon de gardes militaires le long de la route 285 au nord de Roswell, sur
le côté ouest de la route. Mieux encore, il se rappelait le nom du chef du
groupe, le Dr Curry Holden, qui avait dirigé un département d’histoire et
d’anthropologie au Texas. Holden a été interviewé par Randle et Schmitt, en
1992, peu de temps avant sa mort, à l’âge de quatre-vingt-seize ans. Malgré son
grand âge, celui-ci a confirmé, de la manière la plus claire, qu’il était là et qu’il
avait tout vu. Bien entendu, ce témoignage a été mis en doute par les
sceptiques, soulignant l’âge de Holden, mais Randle et Schmitt soutiennent
qu’il était totalement lucide. Ils lui ont fait répéter son histoire trois fois, de
manières différentes, et il n’a pas varié dans son récit.
La piste du second site se précise
Le témoignage suivant est parmi les plus crédibles de Roswell, malgré les
mises en doute « usuelles » des sceptiques. Frankie Rowe, la fille de Dan
Dwyer, à l’époque pompier à Roswell, se souvient que son père était revenu un
soir d’une intervention au nord de la ville. Elle a signé un affidavit, le
22 novembre 1993, dans lequel elle dit ceci :
« En juillet 1947, mon père était pompier à Roswell, du Département Incendie du
Nouveau-Mexique. Il est rentré un soir en disant qu’il avait participé à une action au nord
de Roswell. Là, ils avaient trouvé l’épave d’une sorte d’avion et les corps de l’équipage
alien. »
Dans un entretien sur vidéo, elle a précisé que, selon son père, les militaires
étaient déjà arrivés, ainsi que des officiers de police de Roswell. Frankie affirme
que son père a vu trois petits extraterrestres, dont un vivant. Celui-ci fut
d’ailleurs emmené juste à ce moment-là dans une ambulance, et les deux
autres, enveloppés dans des sacs, furent emportés dans un autre véhicule. Ce
récit se recoupe assez bien avec celui d’autres témoins, sauf sur le dernier point.
Selon d’autres témoins, les cadavres ont été conservés sur place, dans la nuit du
lundi 7 au mardi 8 juillet, comme nous le verrons.
Sans surprise, Karl Pflock a mis en doute ce témoignage, le jugeant tout
simplement non crédible. Une mise en doute fort simple : « Je n’y crois pas ! »
On peut être d’un autre avis en visionnant le témoignage vidéo, d’une grande
intensité. Citons encore l’affidavit de Frankie Rowe, dans lequel elle dit avoir
vu un fragment de feuille métallique qu’on ne pouvait ni froisser, ni couper, ni
brûler :
« Au début de juillet 1947, j’étais à la caserne des pompiers, attendant mon père pour qu’il
me ramène à la maison. Un policier est arrivé et a montré un morceau de débris métallique
qu’il dit avoir ramassé sur le site du crash. Il était de couleur gris terne et avait à peu près
l’épaisseur d’une feuille d’aluminium. Lorsqu’on le froissait pour en faire une boule, il se
dépliait de lui-même. Les pompiers furent incapables de le couper ni de le brûler.
Quelques jours plus tard, plusieurs militaires vinrent visiter la maison, et dirent à mes
jeunes frères et sœurs d’attendre dehors. Ils dirent à ma mère et à moi de nous asseoir à la
table de la salle à manger, et me questionnèrent sur la pièce métallique que j’avais vue. Ils
me dirent que si jamais j’en parlais, je pourrais être emmenée dans le désert et ne jamais en
revenir, ou que ma mère et mon père seraient emmenés à Orchard Park, un ancien camp
de prisonniers de guerre. »
Ce témoignage de Frankie Rowe n’est pas le premier à mentionner des
menaces des militaires pour faire taire les témoins. Ce fut sans doute aussi le
cas du shérif Wilcox et de sa femme, ainsi que du fermier Brazel. Une sœur de
Frankie Rowe, Helen Cahill, a signé elle aussi un affidavit, le même jour que sa
sœur, confirmant indirectement cette histoire. Voici le témoignage de Helen
Cahill, qui figure dans le troisième livre de Kevin Randle, Roswell UFO Crash
Update 27, mais pas dans les livres de Karl Pflock :
« Durant une visite chez mes parents (M. et Mme Dan Dwyer) en 1948, mon père me dit
que quelque chose d’important était arrivé, mais qu’il ne pouvait pas me dire ce que
c’était. Il dit qu’il serait inquiet pour la sécurité de sa famille s’il en parlait. Il m’expliqua
qu’il vaudrait mieux pour moi que je ne le sache pas.
Pendant cette même visite, ma mère me confirma que quelque chose était arrivé et que
mon père aimerait en parler mais qu’il avait peur pour la famille. Ma mère me dit que
mon père avait peur que quelqu’un vienne me tuer si l’on pensait qu’il m’avait dit quelque
chose.
Ma sœur, Frankie, m’a parlé un peu de son expérience au début des années 1960. Frankie
m’a raconté comment on les avait fait asseoir autour de la table en 1947 et qu’on les avait
menacés. Ma sœur a aussi mentionné un matériau qui “coulait comme de l’eau”. »
Dans Roswell UFO Crash Update, Randle répond aux critiques formulées par
Karl Pflock sur ce témoignage. Celui-ci reproche notamment à Frankie Rowe
et à Helen Cahill de ne pas avoir signé de déclaration sous serment. Nous
venons de voir que si, mais il est vrai que Frankie Rowe avait refusé de signer le
texte qu’avait préparé Fred Whiting, du Fufor (Fund For UFO Research), car il
ne lui plaisait pas, en dépit des pressions exercées par Pflock pour qu’elle le
signe ! Pflock a finalement rajouté celui de Frankie Rowe dans son livre de
2001, mais pas celui de sa sœur, Helen Cahill.
Pflock a aussi avancé que les pompiers n’intervenaient jamais à une telle
distance de Roswell. Inexact, a répondu Randle, qui l’a vérifié dans leurs
archives : ils se rendaient parfois à plus de 50 kilomètres vers le nord ou l’ouest
car personne d’autre n’était à même de le faire.
Grosses turbulences au cours des années 1990
Les années 1994-1997 ont été une étape importante dans l’histoire des
enquêtes sur Roswell. En 1994, plusieurs événements médiatiques font monter
l’intérêt pour l’affaire. C’est le second livre de Randle et Schmitt, The Truth
about the UFO Crash at Roswell 28, mais c’est également le film Roswell, produit
par Showtime et Paul Davids, qui connaît un certain succès public, ainsi
qu’une émission de CBS favorable à Roswell, « 48 heures », diffusée en
première partie de soirée. Mais cette euphorie ne va pas durer. Dès l’été 1994,
l’armée de l’Air reprend la thèse des ballons Mogul exposée au printemps par
Karl Pflock, qui est aussitôt acceptée dans la grande presse, New York Times en
tête. Puis c’est, au cours de l’été 1995, la catastrophe pour Roswell du « film de
l’autopsie », malgré le rapport du GAO qui apporte de l’eau au moulin de
l’hypothèse ovni, mais est complètement occulté dans les grands médias par le
« scandale » de ce film très bizarre rendu public au même moment.
J’expliquerai au chapitre 5 pourquoi il y a de fortes raisons de penser que c’était
une torpille tirée au bon moment pour couler des enquêtes qui gênaient de
plus en plus le Pentagone. Puis, en 1997, c’est la parution du second livre du
Pentagone, Roswell Case Closed, juste au moment du cinquantenaire du crash,
marqué par des festivités assez médiatisées à Roswell. Il devait aussi, sans doute,
servir à contrer le livre du colonel Corso, paru en même temps,
malheureusement très critiquable et dont il faudra parler également. Tout cela
a beaucoup affaibli le dossier de Roswell au cours des années 1990, non
seulement aux yeux du grand public, mais aussi dans une partie du milieu
ufologique. Mais reprenons d’abord le fil des enquêtes et l’examen des
témoignages. La question principale, toujours la même, est celle de la
crédibilité et de la convergence des témoignages. Or, nous allons le voir, c’est
sur ce terrain que le nouveau scénario de Randle et Schmitt a dû affronter en
1995-1996 de grosses turbulences, avec la mise en doute des deux témoins
« vedettes » de leur nouveau livre, Frank Kaufmann et Jim Ragsdale.
Deux témoins discrédités : Frank Kaufmann
et Jim Ragsdale
Frank Kaufmann a été pendant quelques années un témoin majeur, propulsé
sur le devant de la scène par le deuxième livre de Kevin Randle et Donald
Schmitt, déjà cité, paru en 1994 et intitulé imprudemment The Truth about the
UFO Crash at Roswell (« La vérité sur le crash de Roswell »). Le témoignage de
Kaufmann était fascinant car il disait avoir été membre d’une équipe ultra-
secrète chargée de l’opération de récupération de l’ovni et des cadavres. Il a été
critiqué dès son apparition pour cette histoire jugée trop sensationnelle, mais il
a été soutenu quelque temps par Kevin Randle et Donald Schmitt, même après
que ceux-ci se sont séparés. Or, quelque temps après la mort de Kaufmann, en
février 2001, des enquêteurs ont pu rendre visite à sa veuve qui les a autorisés à
consulter ses papiers. Et ils ont découvert que Kaufmann avait fabriqué des
faux, en particulier ses états de service militaire. Ce fut le coup fatal pour ce
trop beau témoignage, et c’est Kevin Randle lui-même qui l’a révélé en
novembre 2002, sur le site du Cufos et dans un long article de la revue IUR.
En juillet 1995, j’avais rencontré Stanton Friedman à Roswell, alors qu’il
venait d’avoir un entretien avec Frank Kaufmann au musée de Roswell. « Je ne
crois pas à son histoire, m’avait-il dit. C’est un bonimenteur new-yorkais ! »
Friedman n’était pas mécontent de mettre en doute le témoin principal de son
rival Randle, qui avait discrédité son propre témoin, Gerald Anderson : 1
partout ! Pour sa part, Randle a dit en 2002 que Kaufmann ne méritait plus
guère qu’une « note de bas de page ». Malheureusement, les déboires des
enquêteurs ne se sont pas arrêtés là car un autre témoin vedette de Randle et
Schmitt, Jim Ragsdale, a flanché à son tour !
Jim Ragsdale : un récit qui tourne à la science-fiction
Donald Schmitt découvrit l’existence de Jim Ragsdale à la fin de l’année
1992.
Ragsdale se souvenait d’avoir vu passer de près un objet volant lumineux et
bruyant, vers 23 h 30, le vendredi 4 juillet, alors qu’il campait avec son amie
Trudy Truelove à une cinquantaine de kilomètres au nord-ouest de Roswell,
sur le ranch appartenant aujourd’hui au fermier Hub Corn – ce qui laisse
perplexe car cette région à l’ouest de la route 285 est sauvage, peuplée de
plantes très épineuses (elles peuvent facilement crever les pneus, comme me l’a
fait remarquer Hub Corn quand je l’ai rencontré en 1995 lors de ma visite du
site), et fréquentée surtout par des serpents à sonnette. Mais Jim et Trudy se
cachaient car elle était mariée ! Devinant que l’engin s’était écrasé tout près, il
avait entraîné Trudy, très inquiète, vers le point de chute. Il avait effectivement
aperçu l’engin au sol, mais ce n’est que le lendemain matin, en retournant à
l’aube sur les lieux, qu’il avait découvert l’appareil et les cadavres. L’engin avait
une forme de demi-cercle aux pointes arrondies. Au petit matin, Ragsdale et
son amie virent arriver les militaires, un bruyant convoi de plusieurs camions
(et même une sirène !). Ragsdale et Trudy restèrent cachés puis se retirèrent
sans se faire remarquer. Ils auraient toutefois eu le temps de ramasser quelques
débris qui jonchaient le sol aux alentours de l’appareil accidenté, et de
s’approcher suffisamment près des cadavres pour en donner une brève
description : de petits êtres ressemblant à des nains.
Le tournant dans le « dossier » de Jim Ragsdale se situe en septembre 1994,
lorsqu’il a commencé à modifier et embellir son récit. Jim Ragsdale, noyé dans
des problèmes personnels – santé, divorce, besoin d’argent –, s’est mis à
modifier ses propos sous l’influence du musée de Roswell, plus précisément de
l’avocat Max Littell, qui administrait le musée : « Il est évident – écrivit
Randle – que, depuis septembre 1994, Ragsdale a été “pris en main” et que son
histoire a commencé à lui rapporter de l’argent. » Le récit de Ragsdale
ressemblait à présent à une bande dessinée de Flash Gordon, avec un luxe de
détails sur les extraterrestres et leur appareil : ils portaient un casque en or, il y
avait à l’intérieur un fauteuil incrusté de diamants ! Un autre détail fâcheux est
que le musée avait d’abord voulu s’adjuger l’exclusivité d’exploitation
commerciale du site de Hub Corn, or celui-ci avait refusé. C’est alors que
Ragsdale s’était opportunément rappelé que l’incident avait eu lieu ailleurs,
plus loin à l’ouest de Roswell, aux abords du mont Capitan, dans la région
boisée et propice au camping de Pine Lodge Road et de Boy Scout Mountain.
Il faut bien dire ici un mot sur le mauvais tournant, de plus en plus
commercial, que prit alors le musée de Roswell. Heureusement, la direction a
été ensuite reprise en main par Walter Haut, puis par sa fille Julie Shuster, qui
le dirige aujourd’hui.
Des témoignages crédibles sur l’ovni et les cadavres
Après la mise en doute, voire l’effondrement de plusieurs témoins « vedettes »
concernant la découverte de l’ovni et de cadavres, cette partie cruciale du
dossier de Roswell s’est trouvée affaiblie pendant quelque temps, mais n’a
jamais été complètement éliminée. D’une part, il subsistait un certain nombre
de témoignages solides, certains apparus dès les premières enquêtes. D’autre
part, de nouveaux témoins se sont manifestés au cours des années. Certains
témoins ont gardé l’anonymat, mais d’autres ont signé une déclaration sous
serment (affidavit) et certains ont été enregistrés sur magnétophone ou filmés.
Le Fund for UFO Research (Fufor) a publié en 1993 une cassette vidéo
rassemblant une série de vingt-sept témoignages, filmés par plusieurs
enquêteurs indépendants 29. Je vais mentionner les affidavits et vidéos publiés.
Que savait le shérif Wilcox ?
Le shérif George Wilcox, chargé du comté de Chaves et résidant à Roswell, a
joué un rôle déterminant dans la prise en main des opérations par l’armée. S’il
s’était adressé directement à la presse, au lieu d’appeler la base aérienne pour
signaler la venue du fermier Brazel avec ses curieux débris, l’affaire de Roswell
aurait pu prendre un tout autre cours. À vrai dire, il a regretté plus tard d’avoir
agi ainsi, d’après ses proches. Selon les témoignages recueillis par Kevin Randle
et Donald Schmitt dans leur premier livre, Wilcox s’est plaint d’avoir été
complètement écarté de l’enquête. Les militaires, une fois le champ de débris
bouclé, en ont refusé l’accès à ses deux adjoints. Ceux-ci, en parcourant le pays,
ont quand même fait une intéressante découverte, une zone de sol noirci,
comme si un grand objet circulaire s’était posé là. Le sol était durci comme s’il
avait été cuit. Selon certains, un site d’impact avait été localisé non loin du
champ de débris, au nord-ouest de celui-ci.
Wilcox était mort à l’époque où les enquêtes ont commencé, mais ses enfants
et petits-enfants ont témoigné. En premier lieu, ses deux filles, Elizabeth Tulk
(affidavit et vidéo) et Phyllis McGuire (vidéo). Selon cette dernière, les
militaires sont arrivés à son bureau très vite, sans lui demander de précisions.
Cela dit, il subsiste aujourd’hui encore une incertitude : le colonel Blanchard
est-il venu lui-même ? Selon Elizabeth Tulk, son mari Jay se souvenait être
passé à la prison peu après les militaires, et avoir remarqué de nombreux
véhicules militaires en stationnement. Phyllis McGuire, qui voulait savoir ce
qui s’était passé, ne cessait de poser des questions à son père, si bien que sa
mère, Inez Wilcox, dut lui demander de cesser, car l’armée avait intimé l’ordre
à son père de se taire.
Que savait donc Wilcox ? Inez Wilcox, après la mort de son mari, a raconté à
Barbara Dugger, sa petite-fille (affidavit et vidéo), qu’une soucoupe volante
s’était bien écrasée à Roswell en 1947, et qu’on avait récupéré les corps d’êtres
non humains de petite taille. Elle fit promettre à Barbara de n’en rien dire car
elle avait dû, comme son mari, jurer de garder le secret. Inez Wilcox hésitait à
en dire plus, raconte Barbara Dugger, qui a toutefois appris que son grand-père
s’était rendu non loin au nord de la ville, dans une zone jonchée de débris
métalliques, là où les petits êtres, trois morts et un survivant, avaient été
trouvés. Inez n’était pas sûre, cependant, que son mari les ait vus. Selon Inez,
ces événements avaient affecté son mari au point qu’il avait perdu tout intérêt
pour son poste de shérif et avait renoncé à se faire réélire. L’un de ses adjoints,
Tommy Thompson, a confirmé que son supérieur avait été « anéanti » par les
« événements ». Selon Barbara Dugger, sa grand-mère Inez lui aurait confié
qu’ils avaient été menacés de mort, eux et leur famille, s’ils parlaient. Le
témoignage de Barbara Dugger sur vidéo frappe par son émotion et son
apparente sincérité. Selon certains, les militaires avaient obligé le shérif Wilcox
à aller menacer des témoins pour qu’ils ne parlent pas, avant d’être menacé à
son tour. Si cela est vrai, on comprend mieux qu’il ait été complètement
démoralisé par cette histoire.
Encore des témoins militaires importants
Le dossier de Roswell comporte beaucoup de témoins militaires, et c’est
encore le cas ici, concernant la découverte de l’ovni et des victimes de
l’accident. Il y en avait peu au début, mais leur nombre s’est accru ces dernières
années, en dépit du fiasco de Frank Kaufmann. L’un des témoins les plus
souvent cités est le capitaine Oliver Henderson (surnommé « Pappy » par ses
camarades car il était le plus âgé), à l’époque affecté à la première unité de
transport aérien, basée à Roswell. Il aurait piloté un quadrimoteur C-54 à
destination de la base de Wright (renommée plus tard Wright-Patterson), et
aurait vu des cadavres. C’est en tout cas ce qu’ont affirmé son épouse Sapho, sa
fille Mary Kathryn Groode et l’un de ses amis, le Dr John Kromschroeder
(avec, pour tous les trois, affidavit et vidéo). Sa femme et sa fille ont raconté
qu’en lisant en 1982 un article consacré à l’affaire Roswell Oliver leur a
expliqué que c’était une histoire vraie, dont il avait été l’un des acteurs. Il
décrivit les cadavres, de petits êtres gris pourvus d’yeux obliques et d’une petite
bouche. Selon son ami Kromschroeder, Henderson lui en avait déjà parlé au
début de 1978, précisant qu’il avait vu non seulement les corps, mais les restes
de leur véhicule. Plus tard, en 1986, Henderson déclarera les croire toujours
conservés à Wright-Patterson, mais ne voudra pas en dire plus, répétant, mal à
l’aise, qu’il n’avait pas le droit d’en parler. En fait, il a montré à John
Kromschroeder, un an plus tard, un petit bout de métal provenant de l’ovni.
Selon ce dernier, qui avait étudié pendant des années la métallurgie, ce
matériau ressemblait à de l’aluminium mais était totalement différent, de
structure non cristalline. Henderson lui a confié que ce morceau provenait du
matériau dont l’intérieur de l’appareil était tapissé : convenablement activé, il
procurait un éclairage parfaitement régulier !
Le récit du capitaine Henderson peut être recoupé avec d’autres témoignages
de militaires. Le capitaine Darwin Rasmussen, officier responsable des
opérations du 718e escadron de bombardement à Roswell, a confié à des
membres de sa famille qu’on avait découvert quatre corps à Roswell. Elaine
Vegh, cousine de Rasmussen, l’a entendu dire à son père qu’il n’avait aucun
doute sur la réalité des soucoupes volantes car il avait aidé à récupérer les
cadavres lors de l’accident de l’une d’elles.
Le sergent Melvin Brown a raconté à sa famille, d’abord brièvement à
l’époque des premiers vols sur la Lune qui ont fait remonter à sa mémoire ce
vieux souvenir caché, puis sur son lit de mort, qu’il avait été l’un des soldats
chargés de ramener les corps par camion, conservés entre de grands blocs de
glace. On lui avait interdit de regarder à l’intérieur, mais il avait quand même
soulevé un coin de la bâche et se souvenait avoir vu de petits corps à la peau
jaune orangé. Ce détail diffère des autres descriptions, qui parlent de peau grise
ou gris-rosé, mais il n’était pas dans des conditions idéales pour en juger. La
veuve de Melvin Brown, qui vivait en Angleterre avec sa fille lors des enquêtes,
a refusé de témoigner, de peur de voir supprimée sa pension de retraite, mais sa
fille Beverly Bean a parlé en 1986. Elle intervient assez longuement, et de façon
convaincante, dans la vidéo de Mark Wolf UFO Secret. The Roswell Crash 30.
Selon les souvenirs de son père, la caisse contenant les cadavres avait été
entreposée durant une nuit dans un hangar. Brown était de garde à l’extérieur
quand le capitaine John Martin vint lui dire : « Viens, Brownie, allons jeter un
coup d’œil à l’intérieur ! » Mais ils ne purent rien voir, car la caisse était déjà
emballée.
Le sceptique américain Philip Klass a mis en doute le témoignage de Melvin
Brown : il est improbable, dit-il non sans humour, que Brown ait participé au
convoyage des cadavres, à moins que l’armée ait eu l’intention de les manger,
car Brown était… cuisinier ! Mais Walter Haut m’a expliqué que, à Roswell,
tous les personnels étaient appelés à remplir plusieurs fonctions. Lui-même
n’était pas seulement l’officier chargé des relations publiques, mais aussi
aviateur embarqué, au poste de bombardier. L’un de ses souvenirs les plus forts
est d’avoir participé au vol du B-29 qui largua une bombe atomique sur l’atoll
de Bikini, en 1946. On peut supposer que l’affaire de Roswell avait mobilisé,
dans l’urgence, un certain nombre de soldats, notamment pour les transports,
les gardes, puis le nettoyage des lieux. Certains ont d’ailleurs été mutés ensuite
sur d’autres bases. Bien entendu, on peut toujours s’évertuer à mettre en doute,
l’un après l’autre, tous les témoignages. C’est une méthode bien connue des
détracteurs.
Deux anciens commandants : Edwin Easley
et Patrick Saunders
Le commandant Edwin Easley, chef de la police militaire de la base (provost
marshal) au moment de l’incident et responsable du cordon de sécurité autour
de l’appareil, interrogé alors qu’il était colonel à la retraite après une longue
carrière dans l’armée de l’Air, a dit et répété qu’il ne pouvait parler et qu’il avait
prêté serment de protection du secret. Que de précautions pour quelques
« ballons » ! Bien qu’il ait peu parlé, c’est l’un des témoins les plus crédibles et
importants aux yeux de Kevin Randle : un témoin solide qui parle peu vaut
mieux qu’un bavard qui raconte des histoires. Randle revient sur ce témoin
dans son livre The Roswell Encyclopedia. En février 1991, Randle a obtenu de
lui quelques informations qui semblaient corroborer l’histoire. Notamment
que le fermier Brazel avait été gardé, non pas en prison, mais à la maison
d’hôtes de la base. À la question : « Les enquêteurs en faveur de l’hypothèse
extraterrestre sont-ils sur la bonne voie ? », il a répondu : « Je vous dis
seulement ceci. Ce n’est pas la mauvaise voie. » En 2002, lors d’une émission
de télévision de la chaîne SciFi Channel consacrée à Roswell, plusieurs témoins
nouveaux ont été interviewés, dont la fille du colonel Easley, Nancy Easley
Johnston, qui a confirmé le rôle de son père. Selon elle, Easley a fini par avouer
à sa nièce, peu de temps avant sa mort, qu’il avait vu les « créatures ».
L’un des soldats du cordon de sécurité a parlé lui aussi. Toujours selon Kevin
Randle, Leo Spear faisait partie de la 1395e compagnie de police militaire, à
Roswell. Bien qu’il n’ait rien vu lui-même, il se souvient que d’autres soldats
étaient revenus du site du crash en parlant de soucoupe volante. Sur le
moment, il n’avait pas cru un mot de leur histoire, jusqu’à ce qu’il lise le
journal de Roswell quelques jours plus tard.
Un autre témoin militaire, mis en avant avec raison par Kevin Randle, mais
aussi par d’autres enquêteurs, est le commandant Patrick Saunders, devenu
plus tard colonel, et décédé en 1995. Il était à l’époque l’adjoint du
commandant de la base (base adjutant), et sa première réaction fut tout à fait
négative quand des enquêteurs l’interrogèrent sur l’hypothèse du crash d’un
ovni. Cependant, quelques mois avant sa mort, il aurait confié à plusieurs
membres de sa famille et amis proches que les officiers de Roswell avaient été
soudain confrontés à une technologie très supérieure à celle de la Terre. « Ils –
ces créatures – avaient le contrôle du ciel. L’Air Force était sans pouvoir contre
eux. » Il leur avait dit son intention d’enregistrer son témoignage sur vidéo,
mais il est mort avant de l’avoir fait. Il reste cependant une trace écrite,
indirecte, de son témoignage. Selon Randle, il avait acheté plusieurs
exemplaires de ses livres, et avait écrit, sur la première page du second, qu’il
avait envoyé à Randle : « Voici la vérité, et je n’en ai encore rien dit à
personne ! »
Un troisième site : des cadavres près du camp de débris
Voici maintenant un autre volet de l’histoire que l’on a mis du temps à
comprendre : selon plusieurs témoins convergents, on avait aussi découvert des
cadavres tout près du champ de débris de Brazel ! Pourtant, un premier
témoignage était apparu dès les premières enquêtes, qui aurait dû alerter les
enquêteurs. C’était celui du journaliste Frank Joyce, de la radio KGFL à
Roswell, que l’on a pu recouper plus récemment avec d’autres témoignages,
comme celui de Loretta Proctor, dont le jeune fils « Dee » avait accompagné
Brazel sur le champ de débris : il aurait vu les cadavres lui aussi et en serait resté
très perturbé toute sa vie.
Premiers témoins : Brazel et le journaliste Frank Joyce
Frank Joyce, le jeune journaliste de la radio KGFL à Roswell, a eu un premier
entretien au téléphone avec le fermier Mac Brazel, lorsqu’il a appelé le bureau
du shérif Wilcox, le dimanche 6 juillet, comme d’habitude pour avoir les
dernières nouvelles. Il n’était pas encore question à ce moment du crash de
Roswell. Brazel était justement dans son bureau et Wilcox le lui avait passé.
Qu’avait-il raconté à Frank Joyce ? En 1988, Tom Carey et Donald Schmitt
sont allés le voir à Albuquerque, où il résidait. Frank, d’abord réticent, s’est
décidé à leur raconter son entretien. Selon lui, Brazel lui avait parlé de la
découverte de cadavres de « petits êtres » non humains près du champ de
débris. Il était très ému au téléphone, parlant d’une scène macabre de cadavres
décomposés, dégageant une odeur insupportable. « Les pauvres petites
créatures ! », avait-il dit. Mais le témoignage de Joyce ne s’arrêtait pas là. Le
mardi 8 juillet, Brazel avait fait le tour des journaux et des radios de Roswell. Il
était cette fois sous escorte militaire, les yeux baissés et ne saluant pas les gens
qu’il croisait sur son passage, selon plusieurs témoins. Il avait alors raconté qu’il
n’avait trouvé que des restes de ballons. Frank Joyce, entendant cela, lui avait
fait remarquer qu’il ne racontait plus du tout la même histoire. Brazel, très
tendu, lui avait fait comprendre qu’il était obligé de le faire, mais il avait quand
même conclu en disant à peu près : « Vous savez, ces “petits hommes verts” ?
Eh bien, ils ne sont pas verts ! » Bien entendu, ce témoignage de Joyce a été mis
en doute par les sceptiques, mais cette découverte de cadavres sur le ranch de
Brazel a été confirmée par de nouveaux témoins.
Lorsque Mac Brazel avait découvert le vaste champ de débris, il était
accompagné par le jeune Timothy « Dee » Proctor, fils de ses voisins Floyd et
Loretta Proctor, âgé de sept ans, qu’il emmenait souvent avec lui parcourir son
ranch à cheval. À l’époque de la première enquête de Kevin Randle et Donald
Schmitt en 1989, Loretta Proctor leur avait dit que leur fils ne se rappelait pas
le lieu exact. Le jeune « Dee » lui-même était resté muet sur cette découverte
qui l’avait, semble-t-il, fortement impressionné. Cependant, selon Tom Carey
et Donald Schmitt, qui ont repris cette histoire dans un article de la revue IUR
(hiver 1999), Loretta a avoué que, lorsqu’elle avait été malade cinq ans plus tôt,
menacée par un caillot sanguin dans le cou, son fils avait tenu alors à
l’emmener voir un lieu où il avait « trouvé quelque chose d’autre », qui se
trouvait à environ à 3 kilomètres (2,5 miles) à l’est-sud-est du champ de débris.
Loretta et Dee n’en ont pas dit plus, mais il est évident qu’il avait fait une
exceptionnelle découverte. Les enquêteurs ont essayé de faire parler Dee – sans
succès. Il est resté muet, fuyant les enquêteurs et visiblement très perturbé.
Carey et Schmitt ont raconté cela dans leur livre de 2016 The Children of
Roswell 31.
Il faut citer ici les témoignages des deux patrons de Frank Joyce, Walt
Whitmore et George « Jud » Roberts. Lorsque Joyce leur avait signalé son
entretien téléphonique avec Mac Brazel, Whitmore s’était débrouillé pour le
faire revenir à Roswell. Il l’avait interviewé et enregistré chez lui dès le lundi
soir. Il avait essayé, sans succès, de le faire circuler par câble sur le réseau
Mutual. Dans le même temps, il avait commencé une diffusion locale sur la
radio KGFL, à Roswell. Mais il avait reçu alors, se souvient son fils Walt Jr, un
appel téléphonique longue distance d’un certain Slowie, qui s’était présenté
comme le secrétaire de la Commission des communications fédérales à
Washington (la FCC, qui accorde les licences d’exploitation de radio et de
télévision). Ce Slowie avait informé Whitmore, sur un ton coupant court à
toute discussion, que cette affaire mettait en cause la sûreté nationale et que, s’il
tenait à garder sa licence, il lui déconseillait fortement de l’évoquer sur les
ondes. Whitmore avait reçu ensuite un second appel de Washington, cette fois
du sénateur Chavez, du Nouveau-Mexique, à l’époque président du « Comité
des appropriations » au Sénat. Chavez, toujours selon le témoignage du fils
Whitmore, avait alors vivement conseillé au journaliste de se conformer à la
directive de la FCC. J’ai pu évoquer cet épisode avec Walter Haut, qui m’a dit
avoir bien connu Walt Whitmore. Directeur de radio avisé, toujours à la
recherche de l’information exclusive, ce « bon Américain » ne se serait jamais
mis en travers de l’ordre établi. C’est ainsi que, dès le lendemain matin, mardi
8 juillet, Whitmore avait conduit son témoin encombrant, qu’il avait hébergé
pour la nuit, à la base militaire de Roswell.
Cette relation des faits, telle que racontés par le fils de Walt Whitmore, a été
confirmée par deux autres témoins : le journaliste Frank Joyce de KGFL et le
partenaire de Whitmore, George « Jud » Roberts, qui détenait une part
minoritaire de la radio. Roberts a confirmé dans un affidavit en 1991 que
Whitmore avait bien « caché » Brazel chez lui pour la nuit, et qu’il avait ensuite
renoncé à diffuser l’entretien sur pressions directes de Washington. Il n’était pas
sûr du nom de la personne qui avait appelé depuis Washington, mais il n’avait
pas oublié ses paroles : « La personne a indiqué que nous pourrions perdre
notre licence dans un délai de trois jours. J’ai pris alors la décision de ne pas
diffuser l’interview. »
Roberts explique aussi dans cet affidavit qu’ils avaient douté de l’explication
du ballon météo : « Des ballons météo étaient lancés à un bloc de notre station
tous les jours. »
Un autre témoignage sur la découverte de cadavres près du champ de débris a
été recueilli par Tom Carey et Don Schmitt, et cité par eux dans la revue IUR
de l’hiver 1999. Il figure également dans leur livre de 2007 Witness to Roswell.
C’est celui d’une femme, vivant encore dans la région à Ruidoso, qui se
rappelait une curieuse histoire à laquelle avait été mêlé son ex-mari, à l’époque
militaire à Roswell. Un soir de l’été 1947, il était rentré dans un état de grande
excitation. Elle s’efforça de le calmer, et remarqua que son uniforme dégageait
une odeur fétide et bizarre. Il finit par lui raconter qu’il avait fait partie d’un
détachement qui avait récupéré des cadavres trouvés sur un ranch près de
Corona. Il s’agissait donc du ranch de Brazel.
Ce témoignage est renforcé par celui de Meyers Wahnee, mort en 1981, mais
dont Carey et Schmitt disent avoir rencontré la famille. Il s’agit, une fois de
plus, d’un témoignage indirect. Wahnee était pilote et commandant d’équipage
à Roswell, dans le 714e escadron de bombardement. Il a raconté à sa famille –
sa femme et deux enfants – dans la dernière année de sa vie, que l’incident de
Roswell était vrai et qu’il avait été impliqué. On peut penser que s’il avait osé
en parler c’est que le premier livre sur Roswell était alors paru. Selon lui, il y
avait eu, non pas deux, mais trois sites séparés. Wahnee avait parlé de corps
décomposés, trouvés « parmi les débris du ranch Foster », et de transport des
corps par avion au Texas. Ces trois sites, nous les connaissons déjà. Ce sont,
évidemment :
–le champ de débris sur le ranch Foster ;
–le site plus proche de Roswell, avec ovni et cadavres ;
–le troisième site, évoqué déjà par plusieurs témoins, avec cadavres, proche du
champ de débris.
Marcel n’avait pas tout dit
Quand on réfléchit à ces témoignages, une question vient à l’esprit. Le
fermier Brazel n’avait-il pas montré ce site avec les cadavres, aux deux officiers
Marcel et Cavitt, qu’il avait conduits au ranch Foster pour inspecter le champ
de débris ? Marcel n’avait-il donc pas tout dit ? Eh bien, c’est justement ce qu’il
a révélé à une jeune étudiante, Linda Corley, venue l’interviewer chez lui, alors
qu’il était à la retraite, en Louisiane, en 1991.
Cet entretien très intéressant est resté longtemps secret à la demande expresse
de Marcel, qui l’avait appelée peu après sa réalisation, très inquiet, pour lui dire
impérativement de ne pas en parler. Vu tout le contexte de Roswell, on devine
que Marcel était encore surveillé et qu’il avait été mis en garde. Mais Linda
Corley l’avait enregistré et l’a finalement révélé publiquement en 2000, au
symposium annuel du Mufon. J’ai obtenu la transcription complète de cet
entretien, et il y a un point très intéressant à souligner. À la fin de l’entretien,
amical et chaleureux, Marcel finit par faire un aveu à Linda Corley : il ne lui a
pas tout dit, comme d’ailleurs aux autres enquêteurs, « pour le bien de son
pays » (for the sake of my country !).
Il est très probable que le fermier Brazel avait montré également à Marcel et
Cavitt le site proche avec cadavres abîmés, étant donné qu’il en avait déjà parlé
la veille au journaliste Frank Joyce. Ce n’est pas une certitude car son propre
fils, le Dr Jesse Marcel Jr, en doute – il me l’a dit encore en juillet 2007 lors
d’un dîner à Roswell – car son père ne lui en avait jamais parlé. Mais peut-être
qu’il ne lui avait pas tout dit pour le protéger ? Ou était-ce un secret entre eux
dont il n’a pas voulu me parler ? Cependant, il y a d’autres témoins qui l’ont
confirmé. Ce sont des proches du major Marcel, qui déclarent qu’il leur en
avait parlé : le sergent Herschel Grice, membre de l’équipe de Marcel en 1947.
Selon lui, Marcel aurait même décrit leur apparence physique, avec des visages
blancs, d’aspect caoutchouteux (« white, rubbery figures »). C’est également Sue
Marcel Methane, de la famille Marcel, résidant à Houma, en Louisiane. Elle
aurait recueilli cette confidence de Marcel peu avant sa mort. Il lui aurait décrit
des visages blancs et « poudreux » (« white powdery figures »).
Les révélations posthumes de Walter Haut
Voici maintenant une pièce du dossier de Roswell qui est décisive à mes yeux.
Il s’agit de révélations de Walter Haut, publiées en 2007, donc après sa mort en
2005. Elles l’ont été par des enquêteurs respectés, dont l’ancienne militaire
Wendy Connors, et avec le feu vert de sa fille, Julie Shuster. Walter Haut a
ainsi fini par révéler que le colonel Blanchard l’avait emmené voir, brièvement,
l’ovni et les cadavres que l’on venait de rapporter du terrain et qui étaient
entreposés dans le fameux hangar 84. Évidemment, cette révélation posthume
a fait l’effet d’une bombe, et elle n’a pas manqué d’être mise en doute par les
sceptiques, tel Karl Pflock, qui a accusé Haut de sénilité.
L’affidavit de Walter Haut, rendu public en juin 2007 dans le livre de Tom
Carey et Donald Schmitt Witness to Roswell 32, est daté du 26 décembre 2002.
Signé devant le notaire Beverlee Morgan et un témoin dont le nom n’est pas
divulgué, il stipule, à la fin, que « cette déclaration doit rester scellée et mise en
sureté jusqu’à la date de ma mort, date à laquelle les membres encore en vie de
ma famille détermineront sa disposition ».
Walter Haut est décédé en décembre 2005, et sa famille a autorisé la
publication, dans le livre de Carey et Schmitt. Voici cette déclaration :
DÉCLARATION SOUS SERMENT SCELLÉE
de WALTER G. HAUT en 2002
DATE : 26 décembre 2002
TÉMOIN : Chris Xxxxxx
NOTAIRE : Beverlee Morgan
1.Mon nom est Walter G. Haut.
2.Je suis né le 2 juin 1922.
3.Mon adresse est 1405 W. 7e Rue, Roswell, NM 88203.
4.Je suis retraité.
5.En juillet 1947, j’étais en poste à la base aérienne militaire de Roswell, au Nouveau-
Mexique, comme officier de relations publiques. Je venais de passer le week-end du
4 juillet (samedi 5 et dimanche 6) à ma résidence privée à environ 10 miles [16 km] au
nord de la base, située au sud de la ville.
6.J’ai appris, au milieu de la matinée de mon retour au service, le lundi 7 juillet, que
quelqu’un avait fait état de restes d’un engin qui s’était écrasé. J’ai été informé que le
major Jesse A. Marcel, chef du renseignement, avait été envoyé par le commandant de la
base, le colonel William Blanchard, pour enquêter.
7.En fin d’après-midi le même jour, j’ai appris que de nouveaux rapports civils relatifs à un
second emplacement, juste au nord de Roswell, étaient arrivés. J’ai passé le reste de
l’après-midi à mes tâches quotidiennes, sans noter d’éléments nouveaux.
8.Mardi matin, le 8 juillet, j’ai assisté à la réunion habituelle du personnel à 7 h 30. En plus
de Blanchard et Marcel, il y avait également le capitaine Sheridan Cavitt, du CIC
[Service de contre-espionnage] ; le colonel James I. Hopkins, chef des opérations ; le
commandant Patrick Saunders, commandant adjoint de la base ; le commandant Isidore
Brown, officier responsable du personnel ; le lieutenant-colonel Ulysse S. Nero, officier
d’approvisionnement ; et, venus de la base aérienne de Carswell de Forth Worth au
Texas, le chef de Blanchard, le général de brigade Roger Ramey et son chef d’état-major,
le colonel Thomas J. DuBose, étaient également présents. Le sujet principal discuté, sur
un rapport de Marcel et Cavitt, a concerné un champ de débris dans le comté de
Lincoln à environ 75 miles [120 km] au nord-ouest de Roswell. Nous avons eu droit à
un briefing préliminaire de Blanchard au sujet du deuxième emplacement à environ 40
miles [60 km] au nord de la ville. Quelques débris ont été passés autour de la table. Je
n’avais jamais vu de tels matériaux de toute ma vie. Des morceaux qui ressemblaient à
des feuilles métalliques, de l’épaisseur d’une feuille de papier mais extrêmement
résistants, et des morceaux avec des inscriptions inhabituelles sur leur longueur
circulaient de main en main tandis que chacun donnait son avis. Personne ne fut
capable d’identifier les débris du crash.
9.L’une des principales interrogations fut de savoir si nous devions rendre publique ou non
la découverte. Le général Ramey a proposé un plan qui, je crois, avait été conçu par ses
supérieurs au Pentagone. L’attention devait être détournée de l’emplacement plus
important au nord de la ville, tout en confirmant l’autre endroit. Trop de civils étaient
déjà impliqués et la presse était déjà au courant. Je ne fus pas complètement informé de
la manière dont l’affaire serait conduite.
10.Vers 9 h 30, le colonel Blanchard a téléphoné à mon bureau et a dicté le communiqué
de presse déclarant que nous avions en notre possession un disque volant provenant
d’un ranch au nord-ouest de Roswell, et disant que Marcel expédiait le matériel par
avion vers le quartier général. Je devais livrer le communiqué aux stations de radio
KGFL et KSWS, et aux journaux, le Daily Record et le Morning Dispatch.
11.À partir du moment où le communiqué de presse fut transmis par les téléscripteurs,
mon bureau fut inondé d’appels téléphoniques du monde entier. Les messages
s’empilaient sur mon bureau, et le colonel Blanchard m’a suggéré de rentrer chez moi
pour me mettre à l’abri plutôt que d’affronter les médias.
12.Avant de quitter la base, le colonel Blanchard m’a emmené personnellement au
Bâtiment 84 [connu aussi sous le nom de hangar P-3], un hangar pour les B-29 situé du
côté est du tarmac. En approchant du bâtiment, j’ai observé qu’il était étroitement
gardé, aussi bien au-dehors qu’à l’intérieur. Une fois à l’intérieur, j’ai été autorisé, à une
distance de sécurité, à observer pour la première fois l’objet récupéré juste au nord de la
ville. Il faisait environ de 12 à 15 pieds [de 3,5 à 4,5 mètres] de longueur, pas autant en
largeur, environ 6 pieds [1,8 mètre] de haut, et il était plutôt en forme d’œuf. L’éclairage
était faible, mais sa surface m’a semblée métallique. Aucune fenêtre, ni hublot, ni aile, ni
section de queue, ni même un train d’atterrissage n’étaient apparents.
13.Toujours à distance, j’ai pu voir deux ou trois [a couple of] corps sous une bâche en toile.
Seules les têtes dépassaient de la bâche, et je ne pouvais rien voir du reste des corps. Les
têtes m’ont semblé plus grandes que la normale, et la disposition de la bâche suggérait
qu’ils avaient la taille d’un enfant de dix ans. Plus tard, dans le bureau de Blanchard, il
étendra son bras à environ 4 pieds [1,20 mètre] au-dessus du sol pour indiquer leur
taille.
14.J’ai été informé qu’une morgue provisoire avait été installée, pour y garder les corps
récupérés.
15.J’ai été informé que l’épave n’était pas « chaude » (radioactive).
16.À son retour de Fort Worth, le major Marcel m’a raconté avoir apporté des débris au
bureau du général Ramey, puis être revenu de la salle des cartes pour constater que des
restes de ballon météo et de cible radar leur avaient été substitués. Marcel a été très
contrarié de cette situation. Nous n’en avons plus discuté.
17.J’ai été autorisé à faire au moins une visite à l’un des sites de récupération pendant le
nettoyage militaire. Je suis revenu à la base avec quelques débris que j’ai alors exposés
dans mon bureau.
18.J’ai été informé que deux équipes distinctes retourneraient périodiquement sur chaque
emplacement au cours des mois suivants, à la recherche d’indices restants.
19.Je suis convaincu que ce que j’ai observé était une sorte d’appareil et son équipage,
venus de l’espace.
20.Je n’ai pas été payé et n’ai reçu quoi que ce soit de valeur pour faire cette déclaration, et
c’est la vérité selon mes souvenirs.
Signé : Walter G. Haut
le 26 décembre 2002.
Signature constatée par le témoin :
Chris Xxxxxxx.
Que penser de ce texte, surprenant à plus d’un titre ? Tout d’abord, une
remarque personnelle. J’ai rencontré Walter Haut en juillet 1995 au musée de
Roswell, qu’il dirigeait alors. Il avait bien voulu me recevoir à deux reprises,
seul à seul dans un bureau. Les deux fois, il avait énormément insisté sur le fait
que régnait, sur cette base des bombardiers atomiques, une discipline très
sévère. À l’époque, je n’avais pas bien compris cette insistance de sa part, mais
je la comprends maintenant. Il essayait de me dire à demi-mot, me semble-t-il,
qu’il en savait plus mais qu’il ne pouvait pas tout dire. Il est certain, en tout
cas, qu’il était encore tenu au secret, comme tous les anciens militaires ayant
été impliqués dans l’incident. Ainsi, de son vivant, il s’en est tenu
publiquement au communiqué de presse initial, qui annonçait tout de même
la découverte et la récupération d’une soucoupe. Le seul commentaire qu’il s’est
autorisé à faire publiquement de son vivant a été que le colonel Blanchard
n’avait certainement pas décidé tout seul de publier une telle bombe. S’il l’avait
fait, il aurait été sanctionné, ce qui ne fut pas le cas.
Revenons à la question de l’affidavit. Un témoignage intéressant est celui du
cinéaste français Vincent Gielly, qui a filmé Walter Haut, en compagnie de
l’ufologue américaine Wendy Connors, très respectée, au cours de l’été 2000
pour son film Ovnis. Le secret américain. Ce film a été diffusé par France 2 le
9 septembre 2001. Gielly m’avait aussi filmé à son retour, et il m’a raconté qu’il
avait enregistré un long entretien de Haut avec Wendy Connors, qui essayait
de l’amener à en dire plus sur Roswell – mais, devant la réticence de Haut,
Gielly avait arrêté la séance. Quoi qu’il en soit, tous ceux qui ont vu ce film
peuvent constater que Haut n’était pas du tout sénile à cette date-là.
En novembre 2002, on a appris, par un message sur Internet d’un ami de
Wendy Connors, Francis Ridge (message sur la liste Current Encounters, qui a
été divulgué plus tard, le 3 juillet 2003, sur la liste UFO Updates), qu’elle était
retournée à Roswell en novembre 2000, c’est-à-dire la même année que pour le
film de Vincent Gielly, afin de réaliser un nouvel entretien, lequel avait eu lieu
le 15 novembre 2000, conduit cette fois avec Dennis Balthaser, résidant à
Roswell. Dans un bref résumé de cet entretien, il était dit que Walter Haut
avait enfin révélé qu’il avait vu l’ovni et des cadavres, mais que cet entretien
enregistré sur vidéo ne serait divulgué, éventuellement, qu’après sa mort et avec
l’autorisation de sa famille. Wendy Connors a confirmé peu après le message de
Francis Ridge, et ces dispositions prises concernant l’entretien sur vidéo
(message du 27 novembe 2002). Des ufologues sceptiques, notamment Karl
Pflock, ont aussitôt mis en doute de telles révélations, arguant que Haut était
trop vieux et donnait des signes de sénilité. C’est Wendy Connors elle-même
qui lui a répliqué, sur la liste UFO Updates, que, n’ayant pas participé à cet
entretien avec Haut, il n’était pas du tout en situation de pouvoir juger de son
état de santé. En 2007, le même argument de la sénilité supposée de Haut a été
servi à nouveau par les sceptiques, à la parution de sa déclaration sous serment
dans le livre de Carey et Schmitt, mais il a été contredit par d’autres
enquêteurs, notamment David Rudiak, excellent spécialiste de Roswell. Ce
dernier a fait savoir, dans un message sur UFO Updates du 27 novembre 2007,
qu’il avait interviewé lui aussi Walter Haut, en août 2001, donc après la vidéo
de Wendy Connors, et qu’il n’avait manifesté aucun signe de sénilité.
Une autre critique, souvent formulée, veut que Walter Haut n’a pas écrit le
texte, et que celui-ci a été préparé par les auteurs du livre, Tom Carey et
Donald Schmitt. Ceux-ci l’ont admis mais ont affirmé que Haut avait relu
plusieurs fois le texte, que celui-ci rendait bien compte de ses entretiens avec
eux, et que Haut en avait pleinement approuvé le contenu avant de le signer,
devant notaire et témoin. De plus, cette publication de l’affidavit de Walter
Haut a eu lieu avec l’accord de sa fille, Julie Shuster, qui a succédé à son père à
la direction du musée et y a reçu les auteurs en 2007. En bref, les sceptiques
peuvent toujours mettre en doute ce document, mais il y a tout un faisceau
d’arguments qui plaident en faveur de son authenticité et de sa véracité.
Ajoutons qu’il est compatible avec une série d’autres témoignages, comme on
va le voir, sur le déroulement des opérations à Roswell.
Faisons le point. Nous avons déjà rassemblé, dans ce chapitre, de nombreux
témoignages, directs ou indirects, qui, après avoir écarté plusieurs fausses pistes,
semblent crédibles et cohérents. Ils nous permettent de retracer, dans le
chapitre suivant, la semaine cruciale de la découverte d’un ovni accidenté près
de Roswell. D’autres témoins vont encore apparaître, qui vont renforcer cette
histoire.
La semaine décisive
33. Tom Carey et Donald Schmitt, Witness to Roswell, juin 2007 ; rééd. 2009, op. cit.
34. Kevin Randle et Donald Schmitt, UFO Crash at Roswell, 1991, et The Truth About the
UFO Crash at Roswell, 1994, op. cit.
35. Kevin Randle, Roswell UFO Crash Update (1995), The Roswell Encyclopedia (2000) et
Roswell Revisited (2007), op. cit.
36. Tom Carey et Donald Schmitt, The Children of Roswell, 2016, op. cit.
37. Voir carte dans le cahier hors texte.
38. Tom Carey et Donald Schmitt, The Children of Roswell, op. cit.
4
C’est en 1994 et 1995 que l’affaire Roswell est devenue un sujet très
médiatique. Même les gens qui ne savent rien ou presque sur cette histoire se
souviennent peut-être du « scandale de l’autopsie d’un extraterrestre de
Roswell », un film d’une quinzaine de minutes, diffusé dans le monde entier en
1995 (en France par TF1), montrant l’autopsie d’un être étrange à grosse tête,
par des médecins dont le visage était caché – opportunément ? – sous une
combinaison protectrice. « Roswell ? Ah oui, le canular de l’autopsie ! » Mais ce
n’était que la partie la plus spectaculaire de l’affaire Roswell, et je vais la laisser
de côté pour le moment. Nous verrons cela au chapitre suivant car il faut
d’abord discuter de la thèse militaire des ballons Mogul apparue la même
année. Signalons, pour commencer, quelques « explications » de Roswell qui
ont été débattues à l’époque dans la presse spécialisée.
Avant Mogul, d’autres hypothèses
Beaucoup de gens ont supposé, parfois bien avant l’apparition de la thèse des
ballons Mogul, que l’on avait peut-être menti à l’époque sur la vraie nature de
la découverte parce qu’il s’agissait d’une affaire très secrète qu’il n’était pas
question de révéler, même cinquante ans plus tard. Par exemple, un accident
d’avion expérimental ou de bombardier atomique. Des enquêteurs sérieux, tel
Kevin Randle, officier de réserve très au fait des questions militaires, ont
examiné et écarté une à une ces hypothèses, et d’ailleurs l’armée de l’Air a fait
de même dans son volumineux rapport de 1995, intitulé « Le rapport de
Roswell. Faits contre fictions dans le désert du Nouveau-Mexique » (The
Roswell Report. Fact vs. Fiction in the New Mexico Desert 39), ne retenant
finalement que l’hypothèse Mogul. Rappelons quand même rapidement cette
discussion pour répondre à ceux qui se posent encore de telles questions.
Une bombe-ballon japonaise ?
On sait peu en Europe que, pendant la Seconde Guerre mondiale, les
Japonais avaient lancé en direction de l’Amérique du Nord de gros ballons
porteurs d’une bombe, appelés « Fu-Go ». Un certain nombre d’entre eux
avaient effectivement atteint la côte Ouest mais l’affaire avait été gardée très
secrète car les Américains savaient que, si les Japonais l’avaient appris, ils
auraient tenté d’envoyer cette fois, comme ils en avaient le projet, des bombes
bactériologiques, ce qui était évidemment une grave menace potentielle. Cela
dit, toute cette histoire fut divulguée après la fin de la guerre car un ballon
avait explosé pendant l’été 1945, tuant six pique-niqueurs dans l’Oregon. Il
avait donc fallu mettre en garde la population. Cela n’a pas empêché l’ufologue
occultiste John Keel de soutenir, dans un article du magazine Fate paru en avril
1990, que l’ovni de Roswell était en fait un ballon japonais. Kevin Randle et
Donald Schmitt, qui ont examiné cette affaire dans leur livre de 1994,
The Truth about the UFO Crash at Roswell 40 ont retrouvé des articles parus à
l’époque, notamment dans le New York Times et le Washington Post. Autrement
dit, en 1947, ce n’était plus un mystère du tout, contrairement à ce que
semblait croire John Keel qui, il faut le savoir, n’a jamais été considéré comme
une source très fiable sur quoi que ce soit. John Keel avait fait remarquer que
certains aspects de ces ballons auraient pu entraîner une telle confusion : leur
enveloppe pouvait ressembler à du « parchemin », et il y avait peut-être des
dessins de fleurs comme en peignent les enfants japonais. Or ce détail n’est
même pas sûr : en l’occurrence, les Japonais avaient pris soin d’effacer toute
trace d’origine, de peur que les Américains ne bombardent l’usine où ils étaient
fabriqués.
Il n’y a pas l’ombre d’une chance pour que les aviateurs d’élite de Roswell
aient pris un tel ballon pour une soucoupe extraterrestre, dans l’hypothèse où
ils en auraient trouvé un, et aucun journal local n’a mentionné une telle
découverte. D’ailleurs, s’ils l’avaient faite, ils auraient juste désamorcé ou fait
sauter la bombe, qui n’avait rien d’extraterrestre !
Une fusée V-2 ou un avion expérimental ?
Après la guerre, le polygone de White Sands et la base d’Alamogordo avaient
servi notamment à faire des essais de lancement de fusées V-2 récupérées en
Allemagne. C’est dans cette région qu’avaient été installés en résidence forcée
les experts et techniciens allemands faits prisonniers, dont Werner von Braun,
pour aider à ces essais. Un écrivain du nom de Ron Schaffner a suggéré qu’on
avait en réalité découvert à Roswell une fusée V-2 égarée. Il est vrai que, lors
d’un essai raté, une fusée V-2 avait franchi la frontière, assez proche, du
Mexique et était tombée près de la ville de Juarez, heureusement sans faire de
victimes. Mais on avait eu chaud, et il avait été décidé de faire très attention
par la suite, de suivre de près les trajectoires au radar et de récupérer les débris
(oui, il y avait bien un radar à White Sands). Donc, si une fusée V-2 ou autre
avait atteint le ranch Foster de Brazel, on ne l’aurait pas laissée à l’abandon,
contrairement aux ballons Mogul qu’on se souciait assez peu de récupérer car
c’était du matériel très ordinaire, comme on va le voir plus loin. Cela vaut a
fortiori pour tout autre modèle de fusée plus performant, tel que le modèle A-9
à deux étages dont les Allemands avaient fait des plans mais qu’ils n’avaient pas
eu le temps de développer. On sait également que les Américains n’ont jamais
construit ce projet nazi.
De toute façon, les aviateurs de Roswell n’auraient pas pris non plus de tels
débris pour une soucoupe. De plus, ils auraient évidemment appliqué la règle
élémentaire du secret militaire, à laquelle ils étaient parfaitement entraînés, s’ils
avaient fait une telle découverte. L’argument peut être étendu à n’importe quel
avion ou engin secret, construit avec des tôles et des boulons. Quant aux
témoignages sur la découverte de cadavres, certains se sont demandé s’il ne
s’agissait pas de singes qui auraient été lancés à bord de ces fusées. Il est facile
d’écarter cette hypothèse, car le premier essai de ce genre eut lieu le 11 juin
1948 à Alamogordo, et encore avec de très petits singes rhésus, de la taille d’un
gros chat. Nous pouvons donc oublier ces spéculations fantaisistes. De son
côté, l’Air Force va tenter d’expliquer, en 1997, ces témoignages comme étant
des confusions avec des essais de parachutes, effectués dans les années 1950
avec des mannequins en bois. Cette explication n’a convaincu pratiquement
personne dans les médias, et même dans les rangs des sceptiques. Je reviendrai
plus loin sur cet épisode assez ridicule.
Un accident de bombardier atomique ?
Pouvait-il s’agir d’un accident de bombardier porteur d’une bombe
atomique ? C’est une rumeur qui a circulé pendant quelque temps. L’auteur à
sensation Jim Keith a écrit dans un article du magazine Fate du 1er janvier
2000 41 qu’une source, anonyme lui avait « révélé » la vraie nature du crash de
Roswell : c’était un accident de bombardier atomique B-29 qu’on avait
maintenu secret pour ne pas affoler la population ! Selon le témoin, un
bombardier B-29 avait largué accidentellement dans la région de Corona, soit
une bombe véritable, soit une maquette de bombe qu’on utilisait alors pour
l’entraînement des pilotes. Cependant, croyait-il savoir, dans l’un ou l’autre cas,
l’engin s’aplatissait à l’impact et se mettait à ressembler à une soucoupe ! D’où,
faut-il comprendre, la confusion des aviateurs atomiques : nous avons trouvé
une soucoupe et nous allons l’annoncer au monde entier ! Le magazine Fate se
distingue dans la propagation de ce genre de rumeurs, qui plaisent beaucoup à
certains.
L’armée de l’Air a mentionné cette hypothèse dans son rapport de 1994.
Après avoir écarté celles d’un accident d’avion et d’un crash de missile, elle a
écarté également celle d’un accident nucléaire, n’ayant trouvé aucune
indication d’un tel accident près de Roswell, ni dans les archives militaires, ni
dans celles du ministère de l’Énergie (Department of Energy, DOE), lequel
aurait d’ailleurs divulgué un tel accident depuis longtemps. Nous pouvons lui
faire confiance sur ce point, pour une raison très simple. Si un tel accident avait
été la cause du communiqué de presse de Roswell – hypothèse absurde, mais
enfin supposons-le un instant – l’armée de l’Air aurait été trop contente de la
confirmer en 1994, ou même bien avant, pour se débarrasser de cette
empoisonnante rumeur de Roswell, au lieu d’avoir à publier une énorme
documentation sur les ballons qui n’a d’ailleurs rien prouvé.
En fait, il y a bien eu un certain nombre d’accidents de bombardiers
atomiques, à l’époque de la guerre froide, mais ils ont été divulgués les uns
après les autres. En 1957, par exemple, l’armée de l’Air avait lâché
accidentellement une bombe nucléaire dans la région d’Albuquerque, la grande
ville du Nouveau-Mexique. Les faits avaient été cachés pendant quelques
années, puis avaient été révélés dans les journaux de la ville.
Signalons une autre explication qui a été avancée en 2003 par un lecteur de la
revue Fate 42. Selon lui, ce serait un planeur militaire, pour transport de troupe,
comme ceux qui furent utilisés pendant la guerre, qu’auraient découvert les
aviateurs de Roswell. Mieux encore, un livre paru en 2005 a prétendu que les
aviateurs de Roswell avaient découvert en fait un planeur bizarre avec, à son
bord, des prisonniers japonais handicapés sur lesquels on faisait une expérience
d’irradiation en vol ! Je reviendrai à la fin du livre sur cette histoire ridicule.
Décidément, les sceptiques n’ont reculé devant rien pour évacuer le problème
de Roswell.
Un phénomène venu d’une « autre dimension » ?
Pour mémoire, je mentionne encore une hypothèse, ou plutôt une famille
d’hypothèses que l’on a avancées pour expliquer, non seulement Roswell, mais
l’ensemble de ce que beaucoup aiment appeler le « phénomène ovni » : les
ovnis, selon eux, seraient des manifestations de type paranormal, ou même
surnaturel. Dans une affaire comme le crash supposé d’un ovni – à Roswell ou
ailleurs –, on se demande alors s’il ne s’agit pas d’une mise en scène trompeuse,
d’une « matérialisation » venue d’une « autre dimension », pour nous faire
croire aux extraterrestres et ainsi nous cacher la véritable nature du phénomène.
L’un des auteurs connus sur cette voie est Jacques Vallée, qui a développé ce
genre d’idée dans plusieurs livres, et qui a fait un grand nombre d’adeptes, en
France notamment. Bien entendu, on ne peut prouver qu’une telle théorie est
fausse : elle n’est pas « falsifiable », comme disent les philosophes. À moins que
les militaires se décident un jour à tout révéler !
À vrai dire, on peut se poser aussi une telle question dans le cas d’un accident
d’engin extraterrestre : se pourrait-il qu’il ait été mis en scène volontairement,
par exemple pour attirer l’attention des militaires américains sur les risques de
guerre nucléaire ? Cela pose aussi de difficiles questions, comme celle du
sacrifice des pilotes, à moins que ceux-ci fussent seulement des « entités
biologiques » artificielles ! Laissons de côté ces spéculations. Pour l’heure, il
s’agit de savoir s’il y a bien eu un accident d’ovni près de Roswell (quelle qu’en
soit l’origine), ou s’il s’agit d’une lamentable méprise avec des ballons.
La thèse de l’armée de l’Air : un train de ballons Mogul
L’explication adoptée par l’armée de l’Air en 1995 est encore aujourd’hui que
les aviateurs de Roswell avaient découvert, non pas une mystérieuse soucoupe,
ni même un simple ballon météo comme elle l’avait dit à l’époque, mais un
grand « train » de ballons comprenant vingt à trente ballons météo attachés à
une ligne centrale, auxquels étaient accrochés quelques instruments et deux ou
trois cibles radar. Que penser de cette explication ? De fait, divers trains et
grappes de ballons avaient été lancés, au cours de juin et juillet 1947, depuis la
base aérienne d’Alamogordo (qui s’appelle aujourd’hui Holloman Air Force
Base), située au sud du polygone d’essais de White Sands où fut testée, en
1945, la première bombe atomique. Ils retombaient un peu partout dans la
région, après quelques heures de vol au gré des vents, et les habitants n’y
prêtaient aucune attention. L’un d’eux était-il tombé sur le ranch Foster de
Mac Brazel, situé à environ 130 kilomètres (80 miles) d’Alamogordo vers le
nord-est à vol d’oiseau ? Et avait-il impressionné, d’abord le fermier Brazel,
puis les aviateurs de Roswell au point de le prendre pour les débris d’une
soucoupe volante ?
Certains de ces lancements faisaient partie d’un projet appelé « Mogul », nom
très secret à l’époque, et ignoré même de ceux qui étaient chargés de les lancer
à White Sands. C’était une équipe civile, de la New York University (NYU),
travaillant sur un programme militaire, et la logistique locale était assurée par
des militaires. Seuls les principaux responsables du projet, dont le jeune
étudiant en physique Charles Moore (qui va faire plus tard carrière comme
professeur au Nouveau-Mexique), connaissaient le but final de ces lancements
expérimentaux : la mise au point d’un moyen de détection des futures
explosions atomiques soviétiques. Pour les autres, il s’agissait tout simplement
de recherches météorologiques, ce qui n’était pas complètement faux, d’ailleurs,
car cela faisait partie également de leur mission. Comme me l’a écrit le
professeur Charles Moore en 1995 : « Il n’y avait PAS de trains de ballons
MOGUL, seulement ceux lancés par NYU. »
Cette nature secrète du projet est essentielle pour l’armée de l’Air et pour les
défenseurs de cette « explication », car elle seule permet de justifier, selon eux –
en dehors de la découverte d’un ovni ! –, le démenti de Fort Worth, avec un
seul ballon météo et sa cible radar. Si c’était bien un train de ballons que les
militaires de Roswell ont découvert, la seule raison de le cacher au public était
la nature très secrète du projet. Et elle pouvait expliquer aussi, disent les
tenants de Mogul, la méprise des aviateurs de Roswell, du fait qu’ils ignoraient
l’existence de ce train de ballons très particulier. Mais ils ont beau faire, ils ne
peuvent éliminer une grosse difficulté de leur théorie : à savoir que vingt ou
trente petits ballons météo de 350 grammes chacun ne font pas une soucoupe,
pas plus que les cibles radar montées sur de légères baguettes de balsa ! En fait,
ces trains de ballons étaient constitués de matériels très courants, et c’est cela
qu’il faut bien garder à l’esprit dans cette histoire : une aussi grossière erreur est
très peu vraisemblable.
Que vaut la théorie des ballons Mogul ?
Résumons maintenant quelques arguments techniques, assez simples, qui
permettent d’écarter, selon moi, la théorie bizarre des ballons Mogul, bien
qu’elle soit encore soutenue aujourd’hui par les militaires américains.
Pour tenter de faire oublier la banalité de ces équipements, les tenants de
Mogul se sont efforcés de rendre ces trains de ballons impressionnants et
mystérieux. Karl Pflock, l’un des premiers enquêteurs à lancer l’hypothèse
Mogul, en même temps que l’Air Force au printemps 1994, décrit ainsi ces
trains de ballons, dans son livre principal 43, paru en 2001 : ils étaient
« énormes et complexes, s’étendant sur près de 700 pieds en vol, de haut en
bas » (en fait, de 600 à 650 pieds, soit de 200 à 220 mètres). L’armée de l’Air
américaine a publié l’année suivante son Roswell Report, dans lequel elle insiste
également sur cette grande taille, avec un dessin comparant le train de ballons
Mogul à la tour Eiffel !
Cette comparaison est trompeuse, évidemment. Le train de ballons complet
ne pesait que 25 kilos ! Et il faut souligner tout de suite une grosse difficulté :
on trouve dans ce Roswell Report de l’Air Force plusieurs schémas de trains de
ballons, notamment des numéros 2 et 5, mais pas de Mogul numéro 4, le seul
qui comportait des cibles radar. En effet, ces cibles étaient si fragiles qu’on les
avait remplacées, dès le vol numéro 5, par des émetteurs radio. Et ce n’est pas
tout. Nous allons voir plus loin que ce vol numéro 4 avait été annulé par
l’équipe de lancement à cause du temps couvert. Il n’y a aucune trace de ce
train de ballons dans les archives ! Pas même son schéma d’assemblage, comme
pour les autres vols.
Le train Mogul numéro 2, lancé en Pennsylvanie, avait servi de modèle pour
les lancers prévus à White Sands, début juin 1947. Il comprenait vingt-cinq
petits ballons météo en néoprène, pesant chacun 350 grammes, attachés à une
ligne verticale en nylon de 650 pieds (200 mètres), et plusieurs cibles radar. Les
ballons étaient distants de 20 pieds (6 mètres). L’ensemble était surmonté par
trois ballons en néoprène de 1 000 grammes, qui servaient à assurer le
décollage rapide et qui devaient être lâchés à partir de 45 000 pieds (13
700 mètres). Pour essayer de prolonger la durée des vols, les ingénieurs avaient
eu l’idée d’accrocher un réservoir de ballast destiné à s’écouler lentement.
C’était un réservoir rempli de kérosène, ou de sable, en plastique, avec une
valve de relâchement automatique en fonction de la pression atmosphérique.
Selon les modèles, il emportait environ de trois à cinq kilos de ballast. Pour
alimenter ce matériel, il y avait aussi une batterie électrique. On a fait grand cas
d’une autre pièce d’équipement, la « bouée acoustique » (sonobuoy), destinée à
la détection des explosions à distance, qui aurait pu intriguer, dit-on, les
aviateurs de Roswell. C’était un modèle marin comportant un hydrophone, un
émetteur et sans doute une petite batterie électrique, d’un poids total de treize
livres (6,9 kilos). Mais la photographie de l’appareil montre un vulgaire tube
métallique, long d’un mètre environ, cerclé ici et là, avec au sommet une petite
sangle et une boucle métallique, bref, un matériel très ordinaire. Pas la moindre
science-fiction là-dedans.
Ces équipements sont décrits, avec schémas, photographies, fiches techniques
détaillées, dans le volumineux Roswell Report. Cette abondante documentation
est destinée, évidemment, à impressionner et à décourager la lecture. Mais si
l’on ne perd pas son bon sens en route, il est flagrant que les composants de ces
trains de ballons étaient des équipements parfaitement ordinaires, qu’on
n’aurait pu manquer d’identifier comme tels. Il aurait suffi d’identifier l’un
quelconque de ces matériels – un ballon, une baguette de balsa des cibles radar,
une batterie, de la ficelle en nylon, une boucle métallique – pour régler la
question. Seul l’objectif du projet, mettre au point un système de détection des
futures explosions atomiques soviétiques, était secret. Même les personnels
techniques n’en savaient rien.
Fragiles cibles radar
Le train de ballons numéro 2 était équipé de trois cibles radar, du modèle
ML-307B, très légères et fragiles, d’un poids de 100 grammes seulement,
ressemblant à des cerfs-volants en forme de tétraèdre, avec des feuilles
d’aluminium collées sur papier et montées sur des baguettes de balsa de
8 millimètres (5/16 de pouce) de section.
Des aviateurs chevronnés, responsables des bombardiers atomiques,
pouvaient-ils prendre ces fragiles cerfs-volants pour des débris de soucoupe
volante extraterrestre ? Pour répondre à cette question, il n’en coûte qu’un
euro, le prix d’une baguette de balsa de 8 millimètres de section, achetée dans
n’importe quel magasin de fournitures artistiques et de bricolage. Faites
l’expérience, et voyez vous-même combien il est facile de casser une telle
baguette dans ses mains. C’est vraiment très fragile. De même, amusez-vous à
coller une feuille d’aluminium sur une feuille de papier, et voyez comme c’est
facile à déchirer. Voyez également comme c’est facile à froisser, et pratiquement
impossible à défroisser ensuite (contrairement aux feuilles infroissables décrites
par des témoins).
Les deux officiers de Roswell envoyés sur le terrain, le lundi 7 juillet, pour
inspecter le champ de débris, étaient parfaitement capables d’identifier ces
débris. Le commandant Jesse Marcel était le responsable de la sécurité de la
base de Roswell, et le capitaine Sheridan Cavitt était responsable du contre-
espionnage. L’année précédente, Marcel avait été félicité par toute la hiérarchie
pour son excellent travail comme responsable de la sécurité des expérimentions
atomiques à Bikini. Petit détail : son fils, le Dr Jesse Marcel Jr, a défendu sa
mémoire contre des attaques assez ignobles des sceptiques, dans son livre
The Roswell Legacy 44. Il y a reproduit son diplôme de radar intelligence officer
obtenu en 1945. Marcel n’ignorait rien des cibles radar !
L’argument de la colle à bois
Mentionnons un curieux argument des sceptiques, comme Karl Pflock et le
professeur Charles Moore, le physicien qui a participé aux lancements à
l’époque et qui était devenu dans les années 1990 un ardent défenseur de la
théorie Mogul, avec son livre UFO Crash at Roswell, paru en 1997 45. Ils ont
estimé que ces baguettes de balsa avaient été rendues peu reconnaissables car
elles avaient été renforcées, non seulement avec du ruban adhésif, mais en les
imprégnant de colle à bois. L’ingénieur Robert Galganski a fait une étude
complète de la résistance de ces baguettes de balsa, y compris en les traitant de
la sorte. L’étude de Galganski a été publiée par le très respecté Fund for UFO
Research 46.
Le résultat est sans appel : elles cassent presque aussi facilement. Pour ceux
qui aiment les chiffres, les mesures, faites dans les règles de l’art avec du
matériel adéquat, ont donné les résultats suivants. La force à appliquer pour
rompre ces baguettes de 8 millimètres est de 7,4 newtons pour une baguette
non traitée, et de 17,4 newtons pour une baguette traitée avec de la colle à la
caséine. Ce sont des forces faibles : un newton équivaut à 0,225 livre, ou
100 grammes. J’ai vérifié moi même qu’une baguette imprégnée de colle, bien
séchée, est aussi facile à briser, et que le bois reste parfaitement identifiable car
la colle s’enfonce dans le bois après séchage. Galganski a aussi fait des essais de
combustion. Les baguettes, traitées ou non avec de la colle, ont commencé à
brûler après une exposition de vingt secondes à la flamme d’un briquet. Or,
rappelons-nous que le commandant Jesse Marcel, qui avait inspecté le terrain le
7 juillet, ainsi que le rancher Brazel, qui avait découvert le champ de débris,
avaient essayé vainement de brûler les débris avec leur briquet. On le voit,
l’argument de la colle à bois est une plaisanterie.
Nous pouvons déjà faire un premier constat. Si les aviateurs de Roswell
avaient trouvé un tel matériel, il leur aurait suffi de ramasser l’une de ces
baguettes et de la casser pour voir à quoi ils avaient affaire. Il n’y aurait pas eu
de communiqué de presse, et pas d’affaire de Roswell. Il est invraisemblable
que les aviateurs chevronnés de Roswell, triés sur le volet pour être responsables
des bombardiers atomiques, aient pu prendre ces matériels d’une grande
banalité pour des débris de soucoupe volante.
L’argument du « Scotch à fleurs »
Cependant, nous ne sommes pas au bout de nos peines car les partisans de
Mogul ont encore mis en avant les fameuses cibles radar, une pièce dont ils ont
fait toute une histoire, pour la raison que celles de l’équipe de la New York
University (NYU), chargée des essais, avaient une particularité : elles étaient
renforcées avec du ruban adhésif décoré de motifs de fleurs stylisées. C’était
une idée du fabricant de jouets new-yorkais qui les avait assemblées, les
trouvant trop fragiles. C’est cette « technologie » pour cerfs-volants, explique-t-
on sans rire, qui avait étonné les aviateurs atomiques de Roswell. Et le
commandant Jesse Marcel avait pris ces dessins de fleurs pour des
« hiéroglyphes » extraterrestres !
Reconnaissons-le et n’esquivons pas cette difficulté : le fermier Mac Brazel et
sa fille Bessie Brazel-Schrieber ont bel et bien décrit, le père lors de son
entretien du 8 juillet 1947 (sous escorte militaire), et sa fille dans sa déclaration
sous serment du 22 septembre 1993, des débris de ballons, et très
probablement de cibles radar, comme celles qui étaient lancées début juin à
Alamogordo, avec ce détail révélateur du « Scotch à fleurs ». L’article du Roswell
Daily Record du 9 juillet cite Brazel : « Une grande quantité de ruban adhésif
Scotch et une certaine quantité de ruban avec des fleurs imprimées dessus
avaient été utilisées dans la construction. »
Ce n’est pas parfaitement clair, mais il faut admettre que Brazel avait bien fait
mention de ruban adhésif avec des dessins de fleurs. À moins de supposer qu’il
débordait d’imagination, il a bien cité là un détail « qui ne s’invente pas », et
qui semble être, à première vue, un point en faveur de la découverte d’un train
de ballons NYU. Soulignons cependant que c’est une découverte qu’il aurait
faite le 14 juin, alors que le communiqué de presse du 8 juillet parlait d’une
découverte la semaine précédente. Citons-le de nouveau : « L’objet volant a
atterri sur un ranch près de Roswell la semaine dernière. » Qu’avait donc
trouvé Brazel, le 14 juin, c’est-à-dire au moins quinze jours plus tôt ? Le train
de ballons Mogul numéro 4 ? Une hypothèse bien plus probable est celle de la
découverte d’une simple grappe de quelques ballons météorologiques avec
plusieurs cibles radar, qui ne l’avait d’ailleurs pas ému le moins du monde : on
en trouvait assez souvent dans la région et ce n’était pas pour cela qu’il avait fait
le voyage à Roswell le 6 juillet.
Le gros Roswell Report de l’Air Force mentionne clairement des lancements de
grappes de ballons météorologiques par l’équipe de la New York University, au
cours du mois de juin. Les rapports de NYU y sont reproduits et, dans celui
couvrant le mois de juin 1947, on lit :
« Des essais sur le terrain ont été effectués sur la base aérienne militaire d’Alamogordo
pendant la semaine du 1er juin, en utilisant des grappes (clusters) de ballons
météorologiques. L’objectif premier de ces essais était de perfectionner le maniement et les
techniques de lancement pour de grands assemblages, et de vérifier la mise en œuvre des
dispositifs de contrôle de l’altitude mis au point pour ce projet. »
Karl Pflock donne plus de détails sur ces lancements non répertoriés, dans
son livre sur Roswell 47. À côté des « vols de service » avec tout l’équipement
prévu pour les essais de type « Mogul », l’équipe de NYU effectuait aussi des
lancements météorologiques, pour vérifier les vents avant les lancements de
grands trains de ballons Mogul. Ces vols, précise Pflock, étaient des
assemblages en grappe de trois à sept ballons en néoprène transportant de trois
à cinq cibles radar ML-307B, attachées les unes aux autres comme la queue
d’un grand cerf-volant. Le physicien Charles Moore utilisait plusieurs cibles car
le signal de retour radar était trop faible avec une seule cible. Où ces grappes de
ballons étaient-elles retombées ? On ne le sait pas. Ainsi, la question de savoir
ce qu’avait trouvé Brazel, selon ses dires, le 14 juin, est bien plus incertaine que
ne le disent les tenants du train de ballons Mogul n°4.
Aucun témoin n’a décrit la découverte d’un train
de ballons Mogul
Un point important est à signaler ici : aucun témoin de Roswell n’a décrit la
découverte, sur le ranch Foster du fermier Brazel, d’un train de ballons Mogul
complet, avec ses équipements. Ni le fermier, ni sa fille Bessie, et pas davantage
Marcel et son collègue, le capitaine Sheridan Cavitt qui avait inspecté avec lui
le terrain, n’ont décrit les constituants des trains de ballons Mogul. Non
seulement les instruments tels que radiosonde, bouée acoustique, batterie et
réservoirs de ballast, mais pas même la longue cordelette en nylon, à laquelle
étaient accrochés les ballons, cibles radar et instruments.
Le physicien Charles Moore, qui a fait partie de l’équipe de NYU, le
reconnaît lui-même dans son livre de 1997, UFO Crash at Roswell 48, et
propose une explication embarrassée :
« Apparemment, une grande partie de l’équipement transporté dans ce vol n’a pas été
retrouvée. Brazel n’a pas dit avoir découvert de commutateur de pression, de microphone
du type bouée acoustique (sonobuoy), ou le filin en nylon de 600 pieds auquel étaient
attachés les ballons. Je soupçonne que les ballons restant (en état) dans le train ont décollé
de nouveau et sont partis vers le nord-est, après que les cibles radar, les fragments de
ballons déjà éclatés et les anneaux d’aluminium en bas du train ont été détachés par les
vents de surface qui soufflaient sur le train après son premier contact avec le sol. Quoi qu’il
en soit, aucune découverte des parties supérieures du train de ballons n°4 n’a jamais été
signalée. »
De fait, rien de tout cela n’a été retrouvé dans les environs, et il n’y a donc
pas la moindre preuve à l’appui de cette hypothèse.
Il y a cependant un témoin qui a tout vu : le capitaine Sheridan Cavitt, du
service de contre-espionnage, qui a accompagné le major Marcel sur le terrain.
Voilà l’homme qui est en position de trancher ce débat. Il est présenté dans le
Roswell Report de l’Air Force comme témoin en faveur de l’hypothèse Mogul.
Or, il n’en est rien ! Cavitt indique assez clairement, dans son long entretien
avec le colonel Weaver, qu’il n’a pas vu de train de ballons. Il n’a vu qu’un
ballon météo et sa cible radar. Et, questionné par Weaver qui lui demande
s’il connaît Karl Pflock, il s’offre le luxe de le qualifier de « notre meilleur
debunker » ! Ce mot anglais est dérivé du verbe to debunk qui signifie
démystifier, briser. Le debunker est donc le démystificateur, le briseur de
mythes, mot très utilisé en ufologie. Drôle de témoin en faveur de Mogul, qui
a passé la journée sur le terrain et n’a pas vu Mogul. Il suffisait qu’il dise : « Ah
oui, maintenant, je m’en souviens ! » pour que la discussion soit terminée.
Peut-être s’est-il refusé à s’associer à un nouveau mensonge, encore plus gros
que le premier.
De son côté, Brazel dit, dans son entretien publié par le Roswell Daily Record
du 9 juillet, que ce qu’il avait ramassé devait peser dans les 5 livres. C’est loin
du compte pour un train de ballons Mogul, même délabré, comme le concède
le professeur Charles Moore dans son livre. Le train numéro 5 pesait environ
25 kilos, c’est-à-dire dix fois plus. Cette difficulté n’a pas échappé à Moore, qui
a tenté de l’expliquer de la manière suivante :
« Brazel a déclaré avoir ramassé une quantité de caoutchouc “qui faisait un tas d’environ
18 à 20 pouces de long et 8 pouces d’épaisseur” [46 à 51 cm de long, 20 cm d’épaisseur].
Trois à quatre ballons météo de 350 grammes auraient fourni une telle quantité de
caoutchouc. Cependant, lorsqu’un ballon acoustique (de 350 grammes) éclate, tout ce qui
revient sur terre avec sa charge utile (par exemple une radiosonde) est le col du ballon. »
Tout cela suggère, pour Moore, que Brazel avait trouvé le 14 juin des débris
provenant d’une grappe de ballons qui aurait été quelque peu démembrée à
l’atterrissage. Il note ensuite que, pour arriver à un poids de cinq livres, en
comptant non seulement le caoutchouc des ballons mais aussi les autres
éléments constituant un train de ballons, « il aurait suffi d’environ quatre ou
cinq combinaisons de ballons et cibles ».
Cela correspondrait bien à la découverte d’une petite grappe de ballons, mais
pas d’un grand train de vingt-cinq à trente ballons accrochés à une ligne de
200 mètres avec divers instruments. On voit que Moore se prend lui-même les
pieds dans ses explications. Mais, alors, où donc était passé le grand train de
ballons Mogul 4 ? Nous allons voir maintenant que le débat est bien plus
simple, car il n’avait même pas décollé.
Le train de ballons Mogul numéro 4 a été annulé !
À part le témoignage de Brazel, et celui de sa fille, le seul document écrit
qu’on a retrouvé pour tenter d’étayer l’hypothèse du vol Mogul n°4 est le
journal personnel du géophysicien Albert Crary, responsable des lancements de
ballons à White Sands, fourni par sa veuve au professeur Charles Moore en
1994. Il est reproduit intégralement, pour cette période, dans le volumineux
Roswell Report de l’armée de l’Air, et Charles Moore s’y est référé pour tenter de
prouver que le vol Mogul n°4 a bien décollé. Or, Crary ne le dit pas du tout !
En voici les brèves phrases significatives qui indiquent tout le contraire :
« Mardi 3 juin. Debout à 2 h 30 du matin, prêt pour lancer de ballons, mais finalement
abandonné à cause du ciel couvert.
Mercredi 4 juin. Dehors dans la montagne de Tularosa et explosé charges de minuit à
6 heures du matin. De nouveau, pas de vol de ballons à cause des nuages. Ai fait voler une
bouée acoustique ordinaire [regular sonobuoy] avec une grappe [cluster] de ballons et j’ai eu
de la chance avec le récepteur. Dehors avec Thompson l’après-midi au sol, mais médiocre
par avion. Nous avons tiré des charges de 18 à 24 heures. »
En revanche, Crary mentionne ensuite en ces termes le premier lancement
réussi du train de ballons n°5, dans la nuit du 5 juin : « Assemblage complet de
ballons à altitude constante lancé à 5 heures » (« Whole assembly of constant-
altitude balloons set up at 0500 »).
On voit bien la différence de rédaction : le lancement d’une grappe avec une
bouée acoustique, dans la matinée du 4 juin, n’était pas du tout un train de
ballons Mogul. Pour être précis, la bouée acoustique en question pesait
6,9 kilos. Les ballons en néoprène, selon les données du Roswell Report,
pouvaient enlever une « charge utile » de deux fois et demie leur poids. Un
ballon de 1 000 grammes (un « lifter ») pouvait ainsi enlever 2,5 kilos, et il
suffisait de quatre ballons de cette taille, tout au plus, pour enlever la bouée
acoustique.
Ainsi, si l’on s’en tient à la lettre du journal de Crary, le train de ballons
numéro 4 n’avait pas été lancé. Charles Moore et Karl Pflock reconnaissent
chacun que ce journal est curieux (puzzling), contradictoire, même, admet
Moore. Et il fait ce commentaire :
« Une interprétation de la note du 4 juin est que le lancement prévu pour faire des mesures
en vol des explosions de surface de Crary après minuit fut annulé à cause des nuages, mais
que, quand le ciel s’éclaircit plus tard, la grappe [cluster] de ballons déjà gonflés fut
relâchée. »
Moore explique que le mot « grappe » était utilisé aussi bien pour décrire un
train de ballons qu’une simple grappe, comme celles du Projet Mogul. Détail
important : il avoue ne pas se souvenir de ce lancement de ballons. Mais il
suppose qu’il devait être semblable, comme prévu, au train du vol n°2 qui
devait leur servir de modèle pour les trois premiers vols à White Sands. Il est
donc probable, conclut Moore, que Crary ait bien fait un tel lancement. Et il
suppose en plus que ce lancement aurait eu lieu à 3 heures du matin, une
hypothèse dont il a absolument besoin pour élaborer une trajectoire
hypothétique jusqu’au ranch de Brazel. En fait, on le voit bien, cela ne
correspond pas du tout à la rédaction de Crary : si on le lit correctement, le vol
Mogul 4 n’a pas eu lieu.
Le seul fait que Moore avoue ne pas se rappeler du lancement de Mogul 4 est
extrêmement révélateur. Voilà un jeune étudiant en physique, à qui on a confié
un poste de responsabilité, prêt à entrer en action pour procéder au lancement
d’un projet important, qui ne se souvient pas du premier lancement, à 3 heures
du matin !
Le Rapport technique n°1 de NYU (New York University), du 1er avril 1948,
couvrant la période du 1er novembre 1946 au 1er janvier 1948, ne fait que
confirmer tout cela. Commentaire dans le tableau complet des lancements,
reproduit dans le Roswell Report de l’Air Force :
« Vol n°5 lancé le 5 juin, composé de 26 petits ballons météo de 350 grammes et 3 ballons
plus grands au sommet [lifters], d’une radiosonde et d’un réservoir de ballast liquide. Poids
total 26 kilos. Atterri à l’est de Roswell. »
Commentaire de NYU : « Premier vol réussi en emportant une charge
lourde. » Remarquons, dès le vol numéro 5, ils avaient déjà renoncé aux cibles
radar, beaucoup trop fragiles. Voilà qui est clair : le vol n°5 fut le premier
lancement réussi d’un train de ballons complet, avec instruments. Donc, pas le
train Mogul 4, qui ne figure pas dans le tableau. Les sceptiques ont soutenu
(certains le font encore) qu’il y avait bien eu des lancements, à White Sands,
avant Mogul 5, et que ce commentaire du rapport ne prouve rien. Ainsi, le
professeur Charles Moore s’est ingénié dans son livre à faire croire que ce train
de ballons fantôme Mogul 4 avait bien décollé. Et, en plus, il s’est livré, dans
son livre, à des calculs compliqués pour tenter de le faire atterrir sur le champ
de débris du ranch de Brazel. Mais d’autres chercheurs, tels Kevin Randle, Brad
Sparks et David Rudiak, y ont trouvé des erreurs, notamment des
manipulations des données météo, qui ont disqualifié cette tentative 49.
Les vrais débris : étranges, ne ressemblant à rien
de connu
Revenons un peu, pour en finir avec Mogul, sur les vrais débris de Roswell,
déjà largement évoqués. Finalement, les nombreux témoins ont décrit six types
de matériaux :
1.des feuilles métalliques minces, pliables mais infroissables, qu’on ne pouvait
ni couper ni brûler ;
2.des pièces métalliques rigides, très nombreuses, qu’on ne pouvait ni plier, ni
brûler ;
3.des morceaux minces et très solides ressemblant à du « parchemin » ;
4.des morceaux ressemblant à de la bakélite ;
5.des filaments transparents comme des fils de pêche en nylon ;
6.de petites poutrelles avec des « hiéroglyphes ».
Ce sont ces mystérieux « hiéroglyphes » décrits par le major Marcel et son fils,
Dr Jesse Marcel Jr, qui ont donné tant mal à l’armée de l’Air et aux sceptiques
pour les expliquer par une confusion avec les dessins de fleurs sur le ruban
adhésif renforçant les cibles radar. À ce propos, Charles Moore, à qui le
scrupuleux Dr Marcel avait rendu visite à Socorro, a essayé de le convaincre
qu’il avait vu des débris de cible radar, en lui montrant une cible qu’il avait
conservée chez lui. Jesse Marcel a raconté que la discussion avait été courtoise
mais brève. « Non, ce n’est pas ce que j’avais vu », lui avait-il dit. « Si, c’est cela
que vous aviez vu ! » Moore le savait mieux que lui ! Marcel lui avait redit que
non, puis était rentré chez lui, dans le Montana.
L’hypnose controversée du Dr Marcel Jr
Il faut signaler ici une autre tentative d’embrouiller le témoignage du
Dr Marcel. C’est son ami Kent Jeffrey qui l’a convaincu d’aller à Washington se
soumettre à une séance d’hypnose, menée par un expert réputé, pour revivre
cette soirée où son père lui avait montré des débris, dont cette fameuse petite
poutrelle avec des « hiéroglyphes ».
En 1997, la contre-offensive de l’armée de l’Air se poursuivit avec son second
livre Roswell. Case Closed 50, prétendant expliquer les témoignages sur des
cadavres comme des confusions avec des essais de parachutes, dont je vais
parler plus loin. Or, au même moment, le pilote de ligne Kent Jeffrey, jusque-là
fervent partisan de la thèse de l’ovni, publia un long réquisitoire contre cette
thèse, intitulé « Anatomie d’un mythe 51 ». Ce revirement soudain fit
évidemment l’effet d’une bombe dans le petit monde ufologique, non
seulement aux États-Unis mais à travers le monde, et les sceptiques ne
manquèrent pas de lui faire un maximum de publicité. De leur côté, les
partisans de l’ovni en firent une critique en règle.
Kent Jeffrey révéla qu’il avait soumis le fils du major Marcel à deux séances de
régression hypnotique, au cours desquelles celui-ci n’aurait décrit que des
débris très ordinaires. Deux longues séances avaient lieu à Washington, les 11
et 12 janvier 1997, conduites par un hypnothérapeute professionnel réputé, le
Dr Neil Hibbler (PhD), expert auprès d’administrations gouvernementales,
notamment la CIA. Le Dr Marcel, qui habitait dans le Montana, fut invité
tous frais payés, par Kent Jeffrey, semble-t-il. Un dessin des symboles
hiéroglyphiques fut exécuté en séance par une artiste professionnelle, Kimberly
Moeller, qui ressemblait d’assez près à celui qu’avait déjà fait Marcel lui-même.
Cependant, Jeffrey demanda ensuite à cette artiste de dessiner dans le même
style des symboles qui auraient été vus, dans les débris présentés à Fort Worth,
par l’adjudant météo Irving Newton. Et, miracle, ces nouveaux dessins, censés
être ceux du « Scotch à fleurs », ont un air de ressemblance avec les symboles de
Jesse Marcel !
Kent Jeffrey donna à cette révélation un maximum de publicité, cherchant
manifestement à toucher le plus de monde possible. Comme il me connaissait
un peu – nous nous étions vus au congrès du Mufon de 1995 à Seattle –, il me
téléphona même depuis son domicile, en Californie, pour essayer de me
convaincre. Or, plusieurs personnes qui ont pu voir l’enregistrement vidéo de
cette séance ne sont pas du tout de l’avis de Kent, notamment le pilote Robert
Durant, pilote comme Jeffrey chez Delta Airlines. Il est l’une des rares
personnes auxquelles Jeffrey a prêté à l’époque l’enregistrement vidéo des deux
séances, et il en a fait une analyse très détaillée, publiée dans le Mufon UFO
Journal, début 1998, qui contredit totalement les allégations de Kent Jeffrey.
J’ai eu pour ma part l’occasion d’en discuter longuement avec Jesse lui-même,
lors du symposium de Brasilia, en décembre 1997. Il a entièrement maintenu
son témoignage sur les débris que lui avait montrés son père, et il m’a fait ce
commentaire : « Je ne comprends pas ce qui est arrivé à Kent. Je sais ce que j’ai
vu, et c’étaient des débris extraordinaires. » En septembre 2003, j’ai rencontré à
Paris Bob Durant, grâce à l’ufologue français Jean-Luc Rivera qui a longtemps
vécu aux États-Unis et qui est son ami. Durant nous a révélé que Jeffrey, lequel
à l’époque ne lui avait laissé que très peu de temps pour voir les vidéos, avait
fini par les lui donner, ne s’intéressant plus du tout aux ovnis. C’est ainsi que
Durant a pu nous prêter ces vidéos, ainsi que la transcription minutieuse qu’il
en avait faite, sur plus de cent pages. Et je peux confirmer que, contrairement à
ce qu’avait dit Jeffrey, Jesse Jr a décrit, à plusieurs reprises et sans jamais en
dévier, des débris tout à fait étranges, et non identifiés. Selon Durant, Jeffrey se
demande maintenant s’il ne s’est pas lourdement trompé…
Rappel des principaux témoins sur les débris
Pour récapituler cet aspect si important des témoignages, rappelons ici
quelques-uns des témoins qui disent avoir eu en main, ou avoir vu des débris
de Roswell.
Des témoins qui ont eu en main des débris : Mac Brazel ; major Jesse
Marcel ; Dr Jesse Marcel Jr ; Ms. Sgt Lewis Rickett ; Sgt. Robert
Smith ; Loretta Proctor ; Bill Brazel ; Sally Strickland Tadolini ; Walter Haut ;
Sgt Homer Rowlette ; Sgt Earl Fulford.
Des témoins qui ont seulement vu des débris : Barbara Dugger (petite-fille
du shérif Wilcox) ; Robert Porter ; Robert Shirkey ; Elizabeth Tulk ; Major
Ellis Boldra ; Sgt Melvin Brown (selon sa fille Beverly Bean) ; Dan Dwyer
(selon ses filles Frankie Rowe et Helen Cahill) ; capitaine Olivier Henderson
(selon sa veuve Sapho, sa fille Mary Kathryn Groode et son ami John
Kromschroeder) ; Floyd Proctor ; Lyman Strickland ; Marian Strickland ;
Tommy Tyree ; shérif George Wilcox (selon sa veuve Inez Wilcox) ; caporal
Raymond Van Why.
1994-1995 : une enquête du Congrès américain contredit le Pentagone
Le gros Roswell Report publié en octobre 1995 par le Pentagone a-t-il donné
la version officielle et définitive du crash de Roswell ? En fait, pas vraiment, car
il était contredit dès le mois de juin par un autre document tout aussi officiel,
le rapport du service d’enquêtes du Congrès américain, le General Accounting
Office (GAO). Comment cela a-t-il pu se produire ?
En 1993, les enquêtes et les témoignages sur Roswell s’accumulant et l’armée
de l’Air restant muette, un député républicain du Nouveau-Mexique, Steven
H. Schiff, commence alors à s’interroger sur cette bizarre histoire de Roswell.
Sollicité lui-même par ses électeurs, il demande au ministère de la Défense des
informations sur l’affaire, mais ne peut en obtenir aucune. Il est renvoyé vers
les Archives nationales qui lui répondent qu’elles n’ont rien. Irrité par cette
attitude inhabituelle, il demande alors une enquête officielle au General
Accounting Office (GAO, qui s’appelle aujourd’hui General Accountibility
Office), sorte de Cour des comptes dépendant du Congrès et ayant pouvoir
d’enquêter officiellement sur la gestion des administrations. La demande de
Schiff est inhabituelle mais elle est néanmoins acceptée par le GAO.
Début 1994, le GAO se met au travail et commence à demander des
explications et des documents à l’armée de l’Air, ainsi qu’à d’autres
administrations. L’usage est que celles-ci se plient avec diligence aux demandes
de l’organisme d’enquêtes du Congrès. L’armée de l’Air, sortant de son
immobilisme, se lance alors avec zèle dans une vaste enquête. Entre-temps,
Kevin Randle et Donald Schmitt publient leur second livre, en avril, qui
apporte une nouvelle moisson de témoignages sur la découverte de l’ovni et des
cadavres. Un premier livre de Karl Pflock, qui présente, avant même l’Air
Force, la thèse des ballons « top secret » du Projet Mogul, le suit de peu. Même
ce livre, dont on voit rétrospectivement qu’il avait préparé le terrain pour les
militaires, ne rejette pas complètement l’hypothèse ovni, imaginant une
collision entre l’ovni et le train de ballons. En juillet, l’armée de l’Air,
devançant le GAO et lui coupant l’herbe sous les pieds contrairement aux
usages, publie un premier texte de vingt-trois pages, dévoilant à son tour cette
nouvelle explication. En remuant ses archives, elle est arrivée elle aussi à cette
conclusion : ce que les aviateurs de Roswell ont découvert est un train de
ballons expérimental dénommé Mogul.
La presse généraliste, dans sa quasi-unanimité, approuve le rapport de l’Air
Force. Cette manœuvre habile contraint le GAO au silence afin de ne pas
sembler prendre parti sur la thèse de l’ovni. Mais la commission poursuit son
enquête, alors qu’une vive controverse oppose les « pro-Mogul » aux « anti-
Mogul » dans la presse spécialisée. La publication de son rapport, d’abord
prévue pour la fin de l’année 1994, est reportée de mois en mois, sans que l’on
en sache la raison. On apprend cependant que le GAO, irrité d’avoir été
doublé par l’armée, a l’intention de mettre en doute les affirmations militaires,
sans aller toutefois jusqu’à endosser l’hypothèse de l’ovni. Deux journalistes
réputés, Jack Anderson et Michael Binstein, écrivent, dans le Washington Post
du 1er juin 1995, que les enquêteurs ont acquis la conviction que l’armée de
l’Air essayait de cacher quelque chose de très important (« something big »).
Finalement, le rapport du GAO est publié le 28 juillet 1995, avec une
discrétion remarquable. Ce document de seulement vingt pages, intitulé
« Résultats d’une recherche d’archives concernant le crash de 1947 près de
Roswell, Nouveau-Mexique 52 », est remis au député Schmitt, qui le fait
connaître aussitôt à la presse.
Que contient ce rapport du GAO ? Après un an et demi d’enquête, le GAO
constate sèchement que les administrations américaines déclarent ne rien savoir
sur Roswell, révèle la destruction d’archives importantes concernant l’affaire, et
considère que le débat sur ce qui s’est écrasé à Roswell « continue ». Il explique
qu’il n’a pu trouver de nouveaux documents relatifs au crash de Roswell, mais a
déterminé que plusieurs années (dont l’année 1947) d’archives de messages
émis par la base de Roswell ont été détruites. Également manquantes sont les
archives de la police militaire, la 1395e compagnie, qui aurait été responsable
de la garde du site du crash et des zones sensibles de la base. De plus, le GAO
n’a pu trouver trace ni de l’auteur de ces destructions d’archives, ni du motif,
contrairement aux règles en vigueur !
Finalement, l’armée de l’Air publie en septembre 1995 son énorme rapport
d’un millier de pages (c’est une estimation, ce document n’étant même pas
paginé). Ce gros pavé contient principalement une pléthore de documents
techniques sur les ballons de toutes sortes qui existaient à l’époque, ainsi que
les instruments et cibles radar qu’on y accrochait. Mais il n’y a pas l’ombre
d’une preuve véritable que les aviateurs de Roswell aient découvert un train de
ballons Mogul. Pas le moindre bout de papier !
Le rapport du GAO, répétons-le, ne s’aligne donc aucunement sur la thèse de
l’armée de l’Air, contrairement à ce qu’une partie de la presse a alors annoncé,
notamment en France. La seule conclusion du GAO, ou opinion si l’on
préfère, figurant dès la première page de ce rapport laconique est la suivante :
« Le débat sur ce qui s’est écrasé à Roswell continue » (« The debate on what
crashed at Roswell continues »).
Je tiens à le souligner car on a raconté en France que le GAO avait accepté
l’explication des ballons Mogul : rien n’est plus faux ! L’auteur de cette fausse
information est le sociologue Pierre Lagrange, dans un « dossier » de Science et
Vie (août 1995), suivi d’un article dans Libération du 8 août qui titrait de
manière trompeuse : « L’armée US dégonfle ses ovnis. Une commission du
Congrès met un coup d’arrêt à une vieille rumeur. » Lagrange y faisait
également un amalgame avec un nouvel avatar inattendu, la divulgation d’un
curieux film prétendant montrer l’autopsie d’un extraterrestre de Roswell, qui a
eu lieu juste avant la publication du rapport du GAO, et qui a accaparé
aussitôt l’attention des médias, au détriment du rapport. Un film montrant
l’autopsie d’un cadavre bizarre, d’apparence non humaine, aurait été acheté par
un producteur anglais, selon ses dires, à un vieux cameraman américain. Ce
document très controversé est projeté dès le 5 mai 1995 à Londres à une
centaine de journalistes et enquêteurs (j’en faisais partie). Il est rapidement
acheté par de nombreuses télévisions – en France par TF1 – qui vont le diffuser
dès la fin de l’été, provoquant un beau scandale. Remarquons juste, pour
l’instant, que l’on ne sait toujours pas d’où provient ce film. Je vais expliquer
dans le prochain chapitre pourquoi il y a de bonnes raisons de soupçonner qu’il
s’agissait d’une nouvelle opération de désinformation, de haute volée. Mais,
avant de plonger dans l’affaire complexe de l’autopsie, signalons un autre
épisode, curieux lui aussi, qui s’est produit en 1997. Cette année-là, alors que
l’affaire Roswell intéressait beaucoup les médias, avec un rassemblement très
médiatisé à Roswell, le Pentagone est à nouveau sorti du bois pour publier un
second livre, qui expliquait que les témoins de Roswell croyant avoir vu des
cadavres extraterrestres avaient vu en fait des mannequins en bois pour essais
de parachutes !
1997 : des Martiens en parachute !
Le mois de juin 1997 fut très spécial pour toute l’ufologie mondiale : c’était
le cinquantenaire de la première grande vague des « soucoupes volantes »,
apparues en juin et juillet 1947. Et c’était aussi le cinquantenaire de Roswell.
La ville de Roswell – petite ville, mais gros appétit médiatique – avait organisé
un anniversaire en fanfare, avec animation folklorique, qui fit fuir les ufologues
« sérieux » mais fit les choux gras des médias. En fait, cette date a surtout été
marquée par le rebondissement de la polémique sur Roswell, avec la parution
de deux ouvrages retentissants, l’un pour, l’autre contre. Côté pour, le livre,
tout de suite très controversé, d’un lieutenant-colonel à la retraite, Philip
Corso, intitulé The Day After Roswell, paru en juillet, sur lequel je reviendrai
plus loin. ; côté contre, un nouveau rapport de l’armée de l’Air,
The Roswell Report. Case Closed 53, paru dès fin juin, sans doute pour contrer les
festivités de Roswell.
Ce fut aussi le moment choisi par le pilote civil Kent Jeffrey, de Delta
Airlines, pour lancer un violent réquisitoire contre Roswell, après en avoir été
un partisan enthousiaste. De son côté, la CIA publiait peu après une étude de
son historien Gerald Haines, expliquant que beaucoup d’observations d’ovnis
relevaient plutôt de confusions avec des avions secrets. Confusion utile pour les
protéger et que les services secrets avaient donc encouragée, expliquait-il
benoîtement. Décidément, tout se compliquait de nouveau, au point que
beaucoup d’ufologues et d’observateurs allaient se détourner complètement de
l’affaire.
Le point de vue raisonnable du directeur du Cufos
Il est temps de contrebalancer les arguments des sceptiques. Voici maintenant
un point de vue favorable à l’hypothèse ovni, exprimé par Mark Rodeghier, le
directeur scientifique du Center for UFO Studies (Cufos), organisme de
recherche très respecté créé par l’astronome Allen Hynek en 1973. Citons la fin
d’un article, très mesuré, de Rodeghier, publié dans sa revue International UFO
Reporter (IUR) de mars-avril 1995 54, en réponse aux critiques des sceptiques
qui se renforçaient, comme celles du professeur Charles Moore et de Robert
Todd :
« Les lecteurs fidèles de IUR ont été déjà noyés par des dizaines d’articles sur Roswell qui
ont examiné au microscope, pour ainsi dire, les plus petits détails de l’événement.
Au lieu de cela, je suggère que nous prenions un peu de recul pour avoir une vue plus large
de Roswell en nous concentrant, comme le font tous les bons enquêteurs, sur la logique et
le bon sens pour comprendre les actions des personnels de l’armée de l’Air et d’autres
acteurs.
Le sens commun nous dit ceci : il n’est pas seulement improbable que des personnels
militaires entraînés puissent prendre une grappe [array] de ballons du Projet Mogul pour
quelque chose d’extraordinaire, c’est-à-dire une soucoupe volante. Non, des officiers de
renseignement militaire entraînés ne se tromperaient pas pour identifier un assemblage de
ballons en néoprène. Les faisceaux de ballons du Projet Mogul étaient simplement des
assemblages complexes de ballons, avec des paquets d’instruments pour les vols “de
travail”, conçus pour voler à haute altitude pendant un certain temps. Ils n’avaient pas l’air
“high-tech”, au sens où un avion à hautes performances pourrait avoir l’air hautement
technologique et exotique. Les faisceaux étaient composés de ballons et de réflecteurs
radar, point à la ligne.
Ceux qui voudraient soutenir une explication conventionnelle pour le crash de Roswell
n’ont jamais réussi à surmonter cette objection de base, raisonnable. L’argument selon
lequel les faisceaux de ballons étaient top secret et hautement classifiés, et dès lors
inconnus des officiers de l’Air Force, est à côté de la question. De plus, l’idée que des
officiers de renseignement militaire auraient identifié facilement des débris de ballons est
renforcée par la rapidité avec laquelle l’adjudant Irving Newton avait été capable
d’identifier le matériel dans le bureau du général Ramey comme étant des ballons avec
cibles radar.
Vous voyez, les sceptiques veulent gagner sur les deux tableaux. Ils prétendent que le major
Marcel et d’autres à Roswell n’ont pas pu identifier les débris, même après les avoir eus en
leur possession pendant deux jours (rappelez-vous que tout le monde admet que Mac
Brazel a apporté les débris à Roswell le dimanche 6 juillet, deux jours avant le
communiqué de presse). Mais les sceptiques soutiennent simultanément que les débris ont
été identifiés facilement et immédiatement quand ils ont été apportés à Fort Worth. Ces
deux choses ne peuvent être vraies en même temps, à moins que quelque chose manque
dans ce simple récit.
Ce qui manque, bien sûr, c’est l’affirmation de Jesse Marcel selon laquelle les débris
trouvés près de Roswell n’étaient pas ce qui fut étalé et photographié dans le bureau du
général Ramey, car les vrais matériaux avaient été remplacés par des ballons et cibles radar.
Bien que les sceptiques aient rejeté cette affirmation de Marcel comme due à une perte de
mémoire ou, pire, à l’imagination enfiévrée d’un amateur d’ovnis enthousiaste, l’analyse ci-
dessus montre que, indépendamment du témoignage de Marcel, il est extrêmement
improbable que les officiers du 509e groupe de Bombardement aient été incapables
d’identifier un paquet de ballons pendant deux jours. Le corollaire est que ce qu’ils ont
trouvé près de Roswell devait être tout à fait extraordinaire.
Il y a d’autres aspects logiques et de bon sens à considérer. Les défenseurs d’une explication
conventionnelle qui s’appuient sur le témoignage de Sheridan Cavitt selon lequel les débris
étaient ordinaires, se comportent d’une manière partisane et étroite, pour reprendre les
termes des reproches de Moore à Chesnay et moi. La raison en est évidente, à la réflexion.
Peut-on sérieusement croire que, si Cavitt avait bien reconnu des débris ordinaires, alors
que Marcel et lui étaient sur le site du crash, il ne se serait pas efforcé d’en convaincre
Marcel ? Je ne peux le croire car il ne serait pas logique qu’il ait gardé pour lui son opinion
alors qu’ils avaient passé toute la journée ensemble à ramasser des débris. Et, si Cavitt en
avait discuté avec Marcel, les événements se seraient sans doute passés de manière très
différente.
Si nous continuons dans cette veine, après que Marcel et Cavitt sont revenus à la base, le
bon sens nous dit qu’ils ont dû montrer les débris à Blanchard et à d’autres personnels.
Quand ils l’ont fait, Cavitt n’aurait pas eu d’autre choix que de convaincre tous ceux qui
étaient présents qu’il s’agissait de débris de ballon d’un type quelconque. Il est alors
difficile de croire qu’il y aurait eu un communiqué de presse le 8 juillet.
En ce qui concerne le communiqué de presse, Moore continue à croire, comme d’autres
sceptiques, que le lieutenant Walter Haut a émis le communiqué de presse sans avoir
l’autorisation de Blanchard. Ainsi il écrit que « Haut répéta l’idée du rancher qu’il avait
trouvé une soucoupe volante ». Ceci est un non-sens. Premièrement, Haut a soutenu,
depuis le début, que le colonel Blanchard lui avait dicté le communiqué de presse. Son
témoignage a été continuellement écarté par les sceptiques qui l’ont trouvé gênant (mais
qui exploitent rapidement les témoignages pouvant soutenir leur position). Secondement,
peut-on sérieusement croire que, sur une question d’une telle importance, un simple
lieutenant pourrait publier seul un communiqué aussi explosif ? Ce n’est absolument pas la
pratique courante chez les militaires, et donc pourquoi en serait-il allé autrement dans ce
cas ? Il n’y a aucune preuve que Haut ait fait ce communiqué de presse tout seul, et donc,
si Blanchard l’avait bien autorisé, il en découle qu’il aurait été lui aussi trompé par une
grappe de ballons.
Il y a beaucoup d’autres défauts de logique dans l’hypothèse d’une grappe de ballons
Mogul responsable du crash de Roswell, mais j’en mentionne une dernière. Marcel a dit
très clairement que lui et Cavitt avaient passé toute la journée du 7 juillet à ramasser et
rassembler des débris sur le site du crash. Cependant, rassembler un tel groupe de ballons
n’aurait pas pris toute la journée, en particulier si, selon l’interview de Mac Brazel publiée
par le Roswell Daily Record, il avait déjà ramassé avec sa fille Bessie une partie des débris le
4 juillet. Il n’aurait pas fallu autant de temps pour ramasser un assemblage de ballons
Mogul. C’est un simple point qui devrait être évident pour tous. »
Faisons simplement ce petit commentaire : Mark Rodeghier (PhD) est un
auteur sérieux, qui a su garder la tête froide au milieu de cette tempête
médiatique.
Après la parution du gros livre de l’armée de l’Air, The Roswell Report, en
1995, il apparut assez vite que celui-ci n’avait pas réussi à éteindre la
controverse sur Roswell. Non seulement l’explication des ballons Mogul était
de plus en plus critiquée par les spécialistes, mais elle avait laissé de côté le
second volet de témoignages, ayant trait à la découverte de l’ovni et des
cadavres, une lacune que l’Air Force a alors tenté de combler. Mal lui en a pris
car, cette fois, malgré un lancement très médiatisé, avec conférence de presse à
Washington et une préface signée par Sheila Widnall, secrétaire d’État à
l’armée de l’Air, ce Roswell Report. Case Closed, dont l’auteur était le capitaine
James McAndrews, qui avait déjà participé à l’élaboration du premier livre en
1995 sous la direction du colonel Weaver, s’est heurté cette fois au scepticisme
et même aux sarcasmes de nombreux journaux – alors qu’ils avaient plutôt bien
accueilli le premier – tant le dossier paraissait tiré par les cheveux. Ainsi, au lieu
de clore définitivement le débat comme l’annonçait le titre, il eut plutôt pour
effet de le relancer.
La thèse principale du livre de l’Air Force était pour le moins insolite : les
témoins de l’ovni et des cadavres, expliquait-on, étaient sincères mais avaient
mélangé dans leurs souvenirs des incidents tout autres, tels que des essais de
parachutes avec des mannequins en bois ou en plastique, ainsi que des
accidents d’avion et de ballon. Il y avait déjà un gros problème de dates. Les
essais de parachutes avaient eu lieu au début des années 1950, voire encore plus
tard, un peu partout au-dessus du Nouveau-Mexique. Les deux accidents
invoqués avaient eu lieu l’un en 1956 (un avion KC-97 qui fit onze morts),
l’autre en 1959 (un accident de ballon avec deux blessés). On voyait ainsi, dans
le rapport, la photo de l’un des blessés, le capitaine Fulgham, la tête encore
enflée et le front bandé quelques jours après son accident, qui avait été soigné à
l’hôpital de Roswell : peut-être l’avait-on pris pour un extraterrestre, semblait
suggérer le rapport ! Le fait que l’accident en question avait eu lieu en 1959 et
non en 1947 n’arrangeait pas les choses. Quant aux photographies de ces
lourds mannequins en bois (en anglais : dummies), à la tête anthropomorphe et
sanglés dans leur parachute, il fallait être un sacré idiot pour les prendre pour
des Martiens, remarqua Walter Haut, l’homme du communiqué de presse de
Roswell, qui fit ce commentaire : « Même un idiot peut reconnaître un
mannequin ! » – phrase qui, en anglais, est un jeu de mots : « Even a dummy
can see a dummy ! »
L’un des officiers qui avaient fait ces essais de parachutes, le lieutenant-
colonel Raymond Madson, a exprimé son scepticisme à l’Associated Press,
affirmant qu’on ne pouvait absolument pas prendre ces mannequins pour des
extraterrestres, et qu’ils ne correspondaient pas du tout aux descriptions qui ont
été faites des cadavres supposés de Roswell. De plus, ces tests n’avaient rien de
secret : ils avaient lieu publiquement, étaient annoncés dans la presse, et il y
avait même une récompense de 25 dollars à qui rapporterait un mannequin. Et
aucun membre du personnel chargé des essais ne se souvient de témoins civils
sur les lieux. Enfin, pour couronner le tout, les atterrissages étaient pour la
plupart fort éloignés des lieux supposés du crash de Roswell. Ces détails, et
bien d’autres non moins critiques, ont été présentés par le directeur scientifique
du Cufos, Mark Rodeghier, avec Mark Chesney, dans un article cinglant de la
revue IUR sous le titre : « Qui est l’idiot maintenant 55 ? » Essayons d’imaginer
la scène : un paysan de Roswell, voyant descendre un mannequin suspendu à
un parachute et s’exclamant : « Ciel ! Un Martien ! »
De fait, ce rapport n’a pas convaincu. Il suffisait de lire les titres de quelques
journaux français et étrangers pour se rendre compte d’un subtil changement
de ton, par exemple dans Libération du 26 juin, qui avait avalé jusqu’à présent
sans sourciller les explications militaires. Le quotidien était cette fois plus
prudent, au moins dans son sous-titre : « Le rapport rendu public par l’armée
n’empêche pas le doute. » De même, Le Figaro du 26 juin, titrant : « Pas
d’ovnis à Roswell selon le Pentagone. Rapport rêvé pour les Martiens. Le
document de l’armée américaine relance les spéculations sur l’existence des
petits hommes verts. » Le Monde du 26 juin distillait comme d’habitude
l’ambiguïté : « Le Pentagone ne parvient pas à saper la légende des
extraterrestres de Roswell. » Un coup d’œil sur la presse étrangère révélait le
même ton. Ainsi, le Times du 25 juin, avec le sous-titre : « Un rapport visant à
réduire au silence les rumeurs d’un crash d’ovni au Nouveau-Mexique ne
parvient pas à ébranler ses partisans. » Et l’International Herald Tribune du
26 juin : « L’affaire de Roswell est-elle classée ? Peut-être. » Signalons encore un
gros dossier de onze pages dans l’hebdomadaire américain Time du 23 juin,
intitulé Roswell or Bust (« Ou Roswell, ou rien » !) Ce dossier adoptait une
attitude assez ouverte dans sa présentation de Roswell, mais restait sceptique,
approuvant le point de vue du colonel Weaver, qui avait souligné le besoin
« véhément » des ufologues de croire à un engin extraterrestre : « Avec ce besoin
si fort de croire, la légende de Roswell va certainement continuer
indéfiniment », concluait Time. De même, la revue Popular Mechanics de juillet
affichait Roswell en couverture, avec un dossier de sept pages relativement
ouvert. Mais la conclusion était surprenante : tout en admettant qu’un engin
mystérieux s’était bien écrasé à Roswell, il soupçonnait qu’il s’agissait en fait
d’un avion secret américain, inspiré non pas de la technologie allemande, mais
de la technologie japonaise ! Ainsi, le nouveau rapport militaire n’a pas fait
basculer la grande presse, qui est restée assez sceptique sur Roswell comme sur
les ovnis, mais de manière plus circonspecte.
En France, nous retrouvons Pierre Lagrange, d’abord comme conseiller
technique d’une grande soirée sur Canal+, La Nuit extraterrestre, diffusée le
13 juin 1997, qui tourne copieusement en ridicule les ovnis, menée tambour
battant par un acteur en pleine forme, Benoît Poelvoorde, faisant le pitre dans
Monsieur Manatane. C’est encore Lagrange, interviewé à cette occasion par
Télérama du 4 juin, dans un article intitulé « L’invention des soucoupes », qui
brocarde de nouveau la « mythologie soucoupiste ». Au sujet de Roswell, il
explique : « Aujourd’hui on en fait tout un plat, mais l’affaire n’a duré qu’une
demi-journée ! » Nous avons vu dès le premier chapitre ce que l’on peut en
penser. Dans Science et Vie d’août 1997, ce n’est plus Lagrange qui est en
première ligne, cependant, mais un autre journaliste, Roman Ikonicoff, qui
présente The Roswell report. Case Closed en expliquant que, avec ce rapport,
« l’USAF a aboli le mythe fondateur de l’ufologie ». De son côté, la télévision
française est restée sagement alignée sur la version militaire, semble-t-il, avec
un bémol qui mérite d’être signalé, celui de la chaîne câblée LCI, dans ses
journaux de 18 et 20 heures du lundi 30 juin, présentés par David Pujadas. Je
peux en témoigner, ayant été invité in extremis à cette émission, à laquelle je
me suis retrouvé face à Pierre Lagrange, armé du rapport militaire et le
présentant comme la vérité indiscutable sur Roswell. Mais il y avait une
surprise : l’interview de Jean-Jacques Velasco, l’ingénieur chargé des ovnis au
Cnes, en duplex depuis Toulouse, qui n’a pas caché son scepticisme vis-à-vis
des explications américaines.
Faisons maintenant un petit retour en arrière, en 1995, qui fut l’année de la
plus grosse bataille médiatique, celle du film hyper-médiatisé sur l’autopsie
supposée d’un « extraterrestre de Roswell ».
39. Headquarters US Air Force, The Roswell Report. Facts and Fiction in the New Mexico Desert,
1995 (« Le rapport de Roswell. Faits contre fictions dans le désert du Nouveau-Mexique »).
Diffusé par l’US Government Printing Office, Washington DC.
40. Kevin Randle et Donald Schmitt, The Truth about the UFO Crash at Roswell, op. cit.
41. Magazine Fate du 1er janvier 2000, articles rassemblés dans son livre The Best of Roswell,
Galde Press, Inc., Lakeville, Minnesota, 2007.
42. Ibid.
43. Karl Pflock, Roswell: Inconvenient Facts and the Will to Believe, Amherst/New York,
Prometheus Books/John Glenn Drive, 2001; tr. fr. Roswell. L’ultime enquête, Rennes, Terre de
brume, 2007.
44. Dr Jesse Marcel Jr, The Roswell Legacy, Big Sky Press, 2007.
45. Charles B. Moore (avec Benson Saler et Charles A. Ziegler), UFO Crash at Roswell. The
Genesis of a Modern Myth, Washington, Smithsonian Institution Press, 1997.
46. Robert Galganski, « The glue explanation just won’t stick », IUR, hiver 1997-1998,
Chicago, CUFOs.
47. Karl Pflock, op. cit.
48. Charles Moore, op. cit.
49. David Rudiak: www.roswellproof.com/
50. The Roswell Report. Case Closed, Headquarters United States Air Force, 1997. Diffusé par
l’US Government Printing Office. Superintendant of Documents, Mail Stop: SSOP,
Washington D.C. 20402-9328.
51. Kent Jeffrey, « Roswell - Anatomy of a myth », Mufon UFO Journal, juin 1997.
52. United States General Accounting Office, Results of a Search for Records Concerning the
1947 Crash Near Roswell, New Mexico, juillet 1995. GZAO/NSIAD-95-187. Governments
Records. GAO, Washington, D.C., 20548.
53. The Roswell Report. Case Closed, op. cit.
54. Mark Rodeghier, article dans la revue du CUFO, International UFO Reporter (IUR) de
mars-avril 1995. 2457, West Peterson Avenue, Chicago, Illinois, 60659, USA.
55. Mark Rodeghier et Mark Chesney, « Who is the dummy now ? The latest Air Force
report », International UFO Reporter (IUR), fall 1997, vol. 22, Number 3.
5
Quelle assurance !
La presse française n’a pas brillé par le sérieux et la perspicacité dans cette
affaire. L’hebdomadaire Le Point racontait, dans son numéro du 16 septembre
1995, se référant à Pierre Lagrange : « Le 28 juillet dernier, le Congrès
confirme sobrement la version militaire. » Mais il y a mieux encore :
L’Événement du jeudi du 24 août a cru comprendre pour sa part que c’était le
GAO qui avait fourni l’explication des ballons Mogul. Totale confusion ! À la
fin de 1996, Pierre Lagrange a repris et développé ses arguments dans son livre
La Rumeur de Roswell 56 qui s’appliquait à mettre en doute non seulement
l’affaire de Roswell, mais l’existence même des ovnis, présentés par lui comme
un phénomène de « rumeur urbaine », selon l’expression consacrée en
sociologie.
C’est peut-être en France, toujours bien placée en matière de rationalisme
sceptique, que le « scandale » de l’autopsie a été le plus bruyant, mais il est clair
qu’il a fait du bruit partout dans le monde, notamment aux États-Unis, y
compris dans le petit monde de l’ufologie, qui s’est déchiré entre partisans et
adversaires, ces derniers étant largement majoritaires.
Canular ou film authentique ?
Parmi les arguments présentés dans les médias pour « prouver » le canular,
signalons tout de suite une petite séquence, complémentaire du film principal,
surnommée « séquence de la tente » (« tent footage »). Cette séquence très
courte et de très mauvaise qualité, qui n’avait même pas été diffusée par Ray
Santilli, présentait une autopsie complètement différente du film principal, se
déroulant, non pas sous une tente, mais dans une grange très sombre. Fin
1998, les auteurs de ce bout de film se sont révélés : c’était une équipe de
farceurs anglais qui avaient joué un bon tour à leur ami Santilli ! L’histoire de
ces faussaires, Keith Bateman et Andy Price Watts, du studio A.K. Music à
Milton Keynes, commença à être dévoilée au cours de l’été 1998 par l’ufologue
britannique Philip Mantle, celui-là même qui avait contribué efficacement à la
promotion du film principal, diffusé par Santilli. Bien entendu, cet épisode
ridicule n’a fait qu’embrouiller un peu plus les choses.
Le « vrai » film de l’autopsie, si l’on ose dire, a fait l’objet de nombreuses
critiques depuis sa parution. Il est très suspect mais il n’y a aucune preuve
décisive d’un vulgaire canular. Il y a aussi des arguments contraires qui font que
l’affaire est peut-être plus complexe qu’on ne le pense. Je crois pour ma part, et
je ne suis pas le seul, que l’on peut envisager l’hypothèse d’une opération des
services secrets américains, dont le but aurait été essentiellement de couler les
trop bonnes enquêtes sur Roswell qui se développaient à l’époque. Si c’est le
cas, on peut dire que l’opération a parfaitement réussi ! Voici quelques
arguments en faveur de cette supposition, que nous pourrions appeler
« l’hypothèse des services secrets ».
La plupart des commentateurs de la grande presse ont considéré à l’époque
que le film était une escroquerie montée par Ray Santilli dans le seul but de
« faire de l’argent ». Il y a bien des raisons pour écarter cette idée trop simple.
Tout d’abord, tous ceux qui ont pu approcher Santilli ont constaté qu’il ne
savait presque rien sur les ovnis et que le sujet ne l’intéressait pas du tout. Il
écrivait même le nom de Roswell avec une faute d’orthographe : « Rosewell » !
Comment ce petit producteur de musique, ne sachant rien des ovnis, aurait-il
pu concevoir un coup aussi sophistiqué, sans rapport avec son activité ? Et
aussi risqué, car une telle entreprise aurait été pleine de périls. Il aurait suffi que
l’un des complices lâche le morceau, avec des preuves solides, pour le mettre en
grande difficulté, notamment vis-à-vis de toutes les chaînes de télévision ayant
mordu à l’hameçon et payé cher les droits de diffusion. L’un des complices ne
risquait-il pas de le faire chanter, après tout l’argent qu’il avait gagné en
vendant le film ? L’ufologue britannique James Easton, connu pour son grand
scepticisme, a fait cette réponse à mes commentaires sur Internet :
« Oui, l’idée même de créer une “autopsie d’alien” qui soit suffisamment crédible pour être
prise au sérieux comporte tellement de problèmes à surmonter qu’il est difficile de
comprendre comment quiconque pourrait s’investir dans un tel projet 57. »
Peut-on supposer que l’affaire aurait été conçue et montée par une équipe
indépendante qui aurait vendu le produit à Santilli ? Difficile à croire,
également, pour la même raison : pourquoi une telle équipe aurait-elle lancé
un projet aussi coûteux, d’une réalisation difficile et d’une qualité remarquable,
quoi qu’en disent les critiques, pour se contenter de le vendre à un petit
producteur de musique anglais ? Une telle équipe serait probablement
américaine, car il fallait être très au fait des modes opératoires et du matériel
américain de l’époque. Contrairement à des critiques faites initialement,
aucune erreur n’a été relevée dans le film sur ce plan. Ils auraient sans doute pu
gagner beaucoup plus d’argent en le mettant en circulation directement aux
États-Unis.
Une telle production, à y bien réfléchir, aurait représenté un budget non
négligeable, rien que pour fabriquer les mannequins. On sait qu’il y en avait au
moins deux car il existe une autre autopsie (plusieurs personnes l’ont vue, dont
Philip Mantle), avec un cadavre presque identique mais sans blessure à la
jambe droite. Surtout, tout le monde s’accorde à reconnaître que, si ce sont
bien des mannequins, ils sont d’un réalisme étonnant. Santilli n’avait pas les
moyens de payer une telle production. Il a mis deux ans, en faisant appel à un
partenaire, d’ailleurs assez mystérieux, l’Allemand Volker Spielberg (sans
rapport avec le cinéaste du même nom, et qu’on dit lié aux services secrets
anglo-saxons), pour acheter le film supposé authentique au vieux cameraman.
Le bruit a couru qu’ils l’avaient payé 100 000 dollars : c’est beaucoup à
débourser pour un petit producteur de cassettes comme Santilli, mais pas assez
pour rémunérer une équipe d’escrocs de haute volée !
Alors, Santilli a-t-il dit la vérité, à savoir qu’il serait bel et bien tombé par
hasard sur un film authentique, que lui aurait proposé un vieux cameraman
américain alors qu’il recherchait des documents d’archives sur le chanteur Elvis
Presley ? Cette version pose elle aussi bien des problèmes. En voici un, pour
commencer, que peu de gens ont remarqué, semble-t-il : ne risquait-il pas, dès
le départ, d’être arrêté par les militaires américains, mis au courant de son
projet ? En effet, son acquisition supposée avait été annoncée pendant l’hiver
1994-1995 à la radio, par son ami le musicien Reg Presley, donc plusieurs mois
avant sa première présentation, le 5 mai à Londres. Et, selon Santilli, la
négociation avec le cameraman remontait à 1993. Cela laissait largement le
temps aux militaires américains de bloquer le projet par tous les moyens, s’il
avait été un film authentique et ultra-secret. L’affaire se serait rapidement
résorbée comme une vague rumeur, démentie et vite oubliée. En revanche, les
esprits « mal tournés » pourront remarquer que cette attente bizarre, et peut-
être dangereuse pour Santilli, était rigoureusement parallèle à une autre attente,
celle du rapport du GAO sur Roswell qui inquiétait fortement l’armée de l’Air
américaine. Ce rapport, annoncé depuis le début de l’année, avait été lui aussi
reporté de mois en mois, pour être finalement divulgué, dans la plus grande
discrétion, fin juillet 1995, à un moment où toute la presse avait les yeux
tournés vers le film de Santilli. En France, les premières images venaient d’être
diffusées fin juin par le magazine VSD et par Jacques Pradel à TF1. Simple
coïncidence ? Peut-être pas. Mais revenons aux critiques sur l’authenticité du
film.
Des critiques graves, mais non décisives
Il serait trop long de rappeler dans le détail le gros dossier des critiques
portées contre Santilli et son film. Bornons-nous à en rappeler quelques-unes,
parmi les plus pertinentes. Ce sont par exemple les critiques faites par d’anciens
caméramen militaires américains, en activité à l’époque, qui ont été présentées
par Kent Jeffrey dans la revue du Mufon aux États-Unis 58. Selon eux, le film
aurait dû être tourné en couleurs (on aurait vu enfin le sang vert !), avec au
moins deux caméras, dont une fixe sur pied, et un photographe pour avoir des
photos très nettes. Les mouvements de caméra sont maladroits, l’image est
floue, notamment au moment des gros plans, etc. Un autre détail que l’on peut
juger très suspect est le fait que tous les visages sont cachés, même celui de
l’observateur, masqué également alors qu’il est protégé derrière une vitre ! Et
pourquoi les médecins ont-ils le visage masqué par une visière foncée,
forcément gênante pour leur vision, comme s’ils devaient se protéger contre des
rayonnements ultraviolets ? Très commode en revanche pour cacher les visages.
Un autre aspect très faible est le récit du cameraman, tel que rapporté par
Santilli. En premier lieu, on a du mal à croire que le cameraman aurait pu
garder chez lui vingt-deux bobines de films, prétendument pour mieux les
développer lui-même car elles avaient un problème de mauvais éclairage ou de
temps de pose. Totalement impossible, affirment les cameramen militaires.
Dans un tournage très secret comme celui-là, toutes les bobines sont traitées
comme n’importe quel document secret : dûment enregistrées, numérotées, et
il n’est pas question de les emporter. On voit mal, d’ailleurs, l’intérêt de
développer soi-même, avec des moyens artisanaux, vingt-deux bobines de 100
pieds (33 mètres) chacune, alors qu’il suffisait de les donner au laboratoire
comme les autres. Il suffit alors de marquer sur la bobine qu’elle doit être
« poussée », d’un nombre de diaphragmes à préciser. On voit mal aussi
pourquoi tant de bobines (sur un total d’une centaine) auraient été ratées alors
que l’éclairage était probablement constant. De plus, ces vingt-deux bobines se
répartissent sur pratiquement toute la durée de l’autopsie. Mais, surtout, l’idée
qu’il n’aurait pas pu rendre le film à cause de la réorganisation des services qui
avait eu lieu alors (il est exact que la création de l’US Air Force, distincte de
l’armée de Terre, date de cette époque) paraît tout à fait invraisemblable. Se
pourrait-il qu’il ait pu obtenir en cachette une copie d’un paquet de bobines ?
Peut-être un tirage supplémentaire qu’il se serait approprié ? Cela paraît bien
improbable également, pour les mêmes raisons. Bref, cette histoire du
cameraman est très suspecte. On peut aussi citer, pour mémoire, des détails qui
ne collent pas, comme les boîtes métalliques pour bobines de 400 pieds
exhibées un moment par Santilli, avec des étiquettes qui se sont révélées fausses
après un examen attentif. En revanche, il y a, dans le récit du cameraman, des
détails d’une exactitude surprenante, tel le surnom familier du général Spaatz,
« Tooey », qu’il cite comme le ferait un proche collaborateur de ce général, à
l’époque chef d’état-major de l’Air. Pas mal pour des bricoleurs de faux
cadavres !
Vient alors la critique la plus grave portée à ce jour contre Ray Santilli.
Contrairement à ce que certains croient encore, Santilli, en dépit de
nombreuses manœuvres dilatoires, n’a jamais fourni le moindre bout de film
original qui aurait permis de le dater de façon certaine et donc d’authentifier le
film ! C’est ce qu’affirme notamment l’expert photographe Bob Shell, qui a été
quelque temps favorable au film (on a pu le voir à l’émission de TF1, dont il
était l’un des invités de marque), mais que les manœuvres de Santilli n’ont pas
réussi à tromper. Finalement, Santilli a fini par l’admettre, en donnant l’excuse
suivante : c’est son associé allemand Volker Spielberg qui possède tout le film
original, or ce dernier refuse d’en donner le moindre morceau ! C’est
totalement absurde, car cela suffirait pour conférer une valeur inestimable à son
acquisition. À moins que le film soit faux, évidemment. Ou, une fois encore, à
moins que toute l’affaire soit un montage bien plus compliqué qu’on pourrait
le croire à première vue. Dans l’hypothèse d’une opération des services secrets,
on peut supposer que Santilli n’aurait eu qu’une copie, peut-être même une
simple vidéo. Dans ce cas, on peut se demander quel rôle joue ce Spielberg, qui
est censé avoir déboursé une grosse somme d’argent pour l’achat du film au
cameraman.
Il est patent que Ray Santilli a menti en plusieurs occasions. Nous venons
d’en voir des exemples, mais en voici d’autres. D’abord en donnant un faux
nom pour celui du cameraman – mais il prétend que c’était pour protéger son
identité. Un autre exemple est celui de la « séquence de la tente ». Aujourd’hui,
Santilli dit que ses amis lui avaient avoué rapidement lui avoir fait une blague.
Mais il a continué à laisser présenter ce film comme étant authentique par
divers ufologues, notamment Philip Mantle, Bob Shell et Michael Hesemann,
les laissant ainsi s’enfoncer dans l’erreur ! Mantle, faisant confiance à Santilli,
avait soutenu l’authenticité de ce film en 1995, et Hesemann le faisait encore,
lui aussi, en 1996. Une erreur qui a beaucoup nui à leur crédibilité.
Le débat sur le cadavre
La question de l’authenticité du cadavre a été longuement débattue, sans que
l’on puisse arriver à une conclusion définitive à ce sujet. Kent Jeffrey, dans son
article publié en 1996 dans le Mufon UFO Journal, affirmait catégoriquement :
« Lorsqu’on les interroge, les experts en effets spéciaux sont unanimes pour
estimer que nous avons affaire à un mannequin. » Jeffrey citait notamment
l’opinion de Trey Stokes (ayant travaillé sur Abyss, Batman, etc.), citant lui-
même quinze de ses collègues, tels que Stan Winston (Jurassic Park) qui
pensent tous, selon lui, que le film est « bidon ». Beaucoup d’entre eux
trouvaient le film tellement risible qu’ils s’étaient étonnés que quelqu’un, dans
la profession, ait pu se poser la question. Winston, expliquait Jeffrey, s’était
d’abord prononcé favorablement lors de l’émission de Fox TV produite par
Bob Kiviat, mais avait ensuite totalement changé d’avis, dans un article de
Time Magazine : « Si je pense que c’est un montage ? Absolument. » Il est
notable, cependant, que de nombreux experts, médecins, biologistes,
chirurgiens et médecins légistes, mais aussi des spécialistes réputés des effets
spéciaux de cinéma, se sont déclarés impressionnés. Le Britannique James
Easton, pourtant lui aussi très sceptique, a cité des avis totalement contraires à
ceux qu’avait cités Kent Jeffrey, dans un long message sur la liste de discussion
UFO Updates 59. À commencer par le premier avis de Stan Winston lors de
l’émission de Fox TV, avec plusieurs membres de son équipe : « […] En fait,
s’il n’est pas réel, je serais vraiment fier de créer une telle image, aujourd’hui. »
Et plus loin : « Si vous veniez me voir et me disiez que vous avez créé cette
illusion, vous seriez engagé pour travailler ici. » Winston est l’un des
techniciens les plus réputés pour les effets spéciaux. Sa société a travaillé sur des
films comme Jurassic Park 1 et 2, Terminator 2, Alien, etc. Intrigué par le
changement d’opinion de Winston, James Easton raconte qu’il lui écrivit pour
lui demander de préciser ses raisons, mais celui-ci ne lui répondit jamais. On
ne sait donc pas ce qui l’a fait changer d’avis aussi radicalement… Winston
avait exprimé l’opinion qu’une telle production serait très coûteuse. C’était
aussi l’avis du spécialiste britannique Bob Keen, interrogé lors de l’émission
britannique de Channel 4, produite par John Purdie : « Ce sont de bons effets
spéciaux, ça ne peut pas être un produit bon marché. C’est de l’ordre de
plusieurs centaines de milliers de dollars, probablement. »
Certaines scènes sont particulièrement réalistes et difficiles à contrefaire,
comme l’autopsie de la tête, et la blessure ouverte à la cuisse. D’autre part, de
nombreux chirurgiens, tel le Dr Patrick Braun, invité à l’émission de Jacques
Pradel, ont exprimé l’opinion qu’il s’agit d’un vrai corps. Une question qui est
venue rapidement en débat était celle des différences par rapport aux récits
« classiques » de témoins supposés, qu’il s’agisse de témoins censés avoir vu des
cadavres provenant d’ovnis accidentés, ou de victimes alléguées d’enlèvements
par des « aliens ». On connaît le portrait-robot de l’alien à petit corps très
mince, à grosse tête avec de grands yeux en amande, et avec trois ou quatre
doigts. Parfois cinq, mais jamais six ! Pourquoi des faussaires n’ont-ils pas
respecté le modèle ? Il est vrai que l’argument suivant a été proposé par Joël
Mesnard : c’est en fait plus crédible que si l’on avait copié platement
l’archétype ! Là aussi, il n’y a pas de preuve décisive, pour ou contre
l’authenticité.
On a beaucoup spéculé sur l’idée qu’on avait utilisé le cadavre d’un (ou
d’une) malade, souffrant de nombreuses anomalies génétiques. Mais, à la
réflexion cela ne tient pas debout. D’abord, il faut penser au risque, énorme
cette fois, que prendraient de tels faussaires, sur le plan pénal. Profanation de
cadavre, de sépulture, pour une exploitation honteuse. Et rappelons-nous qu’il
y avait au moins deux cadavres, très semblables. Il aurait donc fallu trouver
deux malades graves, identiques ! Et puis il y a un argument très simple. Alors
que ces images choc ont circulé dans le monde entier, sur les télévisions, dans
les journaux et les magazines, personne n’a dit connaître, ou même seulement
avoir vu des photos semblables dans des archives médicales. D’où viennent ces
cadavres extraordinaires ? Mystère !
Un autre argument, mis en avant par Kent Jeffrey et quelques autres contre
l’hypothèse extraterrestre, est que des extraterrestres ne pourraient pas être aussi
semblables à nous en raison des hasards énormes de l’évolution. Mais il existe
des arguments contraires, tels que la rationalité de la forme humanoïde,
expliquée il y longtemps avec brio par l’astronome anglais Fred Hoyle. Il y a
aussi l’argument de la convergence des formes, présentée notamment en France
par l’astrophysicien Évry Schatzman qui, s’il était un adversaire farouche des
ovnis, a plaidé avec éloquence en faveur de la vie extraterrestre dans l’univers,
avec son livre Les Enfants d’Uranie 60. En fait, comme l’ont souligné les experts
médicaux, ce cadavre comporte de nombreux aspects, externes et internes, fort
différents de notre anatomie.
Les critiques de Theresa Carlson
Une analyse très poussée des images a été réalisée par une spécialiste
américaine de l’image informatique, Theresa Carlson, sur laquelle s’appuient
beaucoup aujourd’hui les sceptiques 61. Sa longue analyse révèle un certain
nombre d’anomalies, par exemple une tache de sang qui apparaît sur un mur,
puis disparaît, mais réapparaît ensuite. Certains ont fait observer qu’il y avait
sans doute une erreur dans le montage des vingt-deux bobines par Santilli qui
expliquerait cette anomalie. Mais le montage semble pourtant correct par
rapport au déroulement de l’autopsie. Un tel argument paraît donc solide, et
nous oriente une fois de plus vers l’hypothèse d’une habile manipulation.
Theresa Carlson a elle-même donné son opinion à deux reprises. Dans le
Mufon UFO Journal de novembre 1996, elle reconnaissait que, si c’était un
faux, il était remarquable : « Il a dû falloir beaucoup de temps, de travail et
d’argent, pour produire le film de l’autopsie. » Et aussi : « La théorie des effets
spéciaux est certainement une explication possible de ce que nous voyons dans
ce film. Mais c’est assemblé avec un soin considérable et ce n’est pas un simple
canular. » Dans son rapport final de novembre 1997, elle concluait : « Nous ne
savons toujours pas qui a fait ce film et pourquoi. Peut-être était-ce un “projet
artistique” créé pour la beauté de la chose. Ou une création conçue
spécialement pour le profit. » Ces suppositions me paraissent faibles, venant
après une analyse aussi remarquable. En tout cas, la question demeure, qui a
bien pu faire ce film ?
Une opération de désinformation ?
Beaucoup de gens répugnent à envisager l’hypothèse d’une opération de
désinformation. Lorsque j’avais été invité par Jacques Pradel à son émission de
TF1 en octobre 1995, en tant qu’auteur de la première édition de mon livre
sur Roswell qui venait de paraître, j’avais posé la question, à la fin de
l’émission, aux deux producteurs de télévision, l’Anglais John Purdie de
Channel 4 et l’Américain Bob Kiviat de Fox TV, également invités et
responsables de la même émission dans leur pays : « Que pensez-vous de
d’hypothèse des services secrets ? » Ils étaient restés tous deux silencieux, mais
Purdie m’avait dit ensuite en tête à tête qu’il y pensait aussi. Pourquoi des
services secrets américains auraient-ils pu concevoir une opération aussi
bizarre ? L’objectif principal aurait été, sans doute, de mettre un coup d’arrêt
aux enquêtes sur Roswell. En l’occurrence, c’est bien l’effet qu’a eu le film,
comme je le rappelais plus haut. En France, il a tué pour des années l’affaire
Roswell, mais a été en outre préjudiciable aux ovnis en général.
Supposons donc que l’hypothèse d’une opération secrète soit la bonne. On
est frappé d’abord par la précision du calendrier. Le film de l’autopsie a
commencé sa carrière juste avant la divulgation par le député américain Steven
Schiff du rapport que lui avait remis le GAO, rapport attendu depuis des mois
et qui embarrassait beaucoup l’armée de l’Air. Si nous adoptons cette
hypothèse, la question demeure de la nature du film : vrai ou faux ? À première
vue, il semble évident qu’ils auraient fabriqué un faux document, s’il s’agissait
seulement de démolir Roswell. Il me semble, cependant, qu’une autre
possibilité subsiste, celle d’une manœuvre plus subtile. Se pourrait-il qu’on ait
présenté, via Santilli, un vrai document, ou un « vrai faux » document, c’est-à-
dire une mise en scène proche de la réalité, en y introduisant éventuellement
des défauts pour neutraliser le film ? Le raisonnement serait le suivant :
utilisons un vrai cadavre pour notre canular. Il ne sera que plus efficace pour
impressionner les gens crédules, mais n’en sera pas moins rejeté par les
sceptiques.
Si l’on va plus loin, il pourrait aussi avoir un double objectif, à court et à long
terme : discréditer Roswell dans un premier temps, mais diffuser des images
très fortes dans le but d’habituer progressivement le public à l’idée d’une
présence extraterrestre. Ou encore, plus simplement, pour étudier les réactions
du public et voir s’il serait mûr pour des révélations sur cette présence ! Cette
hypothèse n’est pas absurde, me semble-t-il. Elle s’inscrit dans un ensemble de
révélations faites depuis la fin des années 1970, souvent par des témoins
anonymes tels que ceux recueillis par Leonard Stringfield, dont je vais parler
plus loin.
Ce film figure-t-il dans les archives
de l’armée de l’Air et de la CIA ?
Il est vrai qu’il n’y a pas de preuve solide à l’appui de cette hypothèse des
services secrets, et les nombreux sceptiques qui se répandent notamment sur
Internet ne se privent pas de le souligner, dénonçant les rumeurs « délirantes »
propagées par les « conspirationistes ». Cependant, voici deux témoignages qui
vont dans le sens d’une opération de services secrets, civils ou militaires : selon
eux, le film de l’autopsie se trouvait dans les archives de l’armée de l’Air et de la
CIA, bien avant sa diffusion par Santilli !
Les deux témoins que je cite maintenant sont malheureusement contestés
aujourd’hui pour diverses raisons. Il faut donc prendre leurs récits avec des
réserve, mais ils sont cependant intéressants. Ce sont, d’une part, l’expert
photographe américain Bob Shell, déjà cité ; d’autre part l’ufologue
britannique Colin Andrews. Ils les ont confirmés par écrit, Bob Shell sur la liste
UFO Updates, Colin Andrews dans un message personnel en réponse à ma
demande. Colin avait rendu visite à Ray Santilli le 26 juin 1995 à Londres,
accompagné de deux visiteurs qui voulaient voir le film : le Japonais Johsen
Takano, conseiller du gouvernement japonais sur la question des ovnis, et le
Dr Hoang-Yung Chiang, Chinois de Taiwan, du Centre national de recherche
biologique de Taipeh. Le Dr Chiang était également professeur à l’école de
médecine de l’université de Taipeh et, sous son impulsion, l’ufologie a été
reconnue officiellement en 1993 par le gouvernement de Taiwan comme
discipline scientifique. Après la projection du film de l’autopsie, ces deux
chercheurs ont confié à Colin Andrews qu’ils l’avaient déjà vu ! Le Japonais
Tanako, quand son gouvernement avait demandé des informations sur les
ovnis au gouvernement américain : un courrier de la CIA avait apporté des
documents parmi lesquels se trouvait le film. Le Dr Chiang, lors d’une visite
officielle au quartier général de la CIA à Langley, en Virginie. Il y avait assisté à
la projection d’environ cinq heures de films, parmi lesquels figurait l’autopsie
d’une créature, dans le même local. Mieux même, il croit se rappeler que les
scènes du film de Santilli étaient justement des scènes manquantes dans le film
de la CIA ! Avons-nous là un autre épisode d’une manipulation complexe et
sophistiquée ?
Pour sa part, Bob Shell a dit et répété, en réponse à une question que j’avais
posée sur la liste UFO Updates, que le capitaine James McAndrews, des
services de renseignement de l’armée de l’Air, lui avait avoué avoir vu le film, et
même dans une version plus longue, dans les archives de l’Air Force 62 !
McAndrews avait raconté cela à Bob Shell alors que celui-ci enquêtait
activement sur le film de Santilli, au cours de l’été 1995. Il lui dit qu’il savait
l’identité véritable du cameraman, mais demandait à Shell s’il avait son
adresse ! McAndrews a-t-il menti à Bob Shell, dans une manœuvre subtile de
désinformation « amplifiante » ? J’ai posé la question à Shell, et il ne l’exclut
pas. Mais pourquoi aurait-il fait cela ? En tout cas, Bob Shell a fait remarquer
que McAndrews n’a pas été sanctionné, bien au contraire. Il a reçu une
promotion et a été affecté à une école d’espionnage. Il a d’ailleurs signé le
second livre du Pentagone contre Roswell, Roswell Report. Case Closed, paru en
1997 et évoqué au chapitre précédent.
Plus récemment est apparu un nouveau témoignage, tout à fait crédible et
allant dans le même sens, cité par Philip Mantle dans le UFO Magazine
britannique de février 2002. Mike Maloney, photographe britannique réputé, a
révélé avoir vu le film, ou un film très proche, de manière confidentielle aux
É
États-Unis dans les années 1970. Maloney dirigeait l’équipe photographique
du Mirror Group et avait reçu de nombreux prix au cours de sa carrière. Alors
qu’il était en reportage aux studios Disney en Californie, lors d’un dîner offert
par les dirigeants du studio, l’un d’eux l’invita à voir quelques films rares chez
lui. Il lui montra des prises de vues sur les ovnis, et parmi elles un vieux film
qui, se souvient-il, ressemblait beaucoup au film de l’autopsie. Il faut souligner
que ceci se passait avant que naisse la controverse de Roswell, à la fin des
années 1970. Les films étaient d’authentiques bobines en 16 mm. C’est
pourquoi Maloney, questionné par Philip Mantle, lui a dit être convaincu que
le film de Santilli n’est pas un canular. À moins, encore une fois qu’il soit un
canular proche d’un vrai film !
Le récit invraisemblable du cameraman
La mise en circulation par Ray Santilli du film de l’autopsie, avec le récit du
mystérieux cameraman auquel Santilli disait avoir acheté le film, mais dont il
préservait l’identité, a entraîné tout au long de l’été 1995 la recherche fébrile de
celui-ci. Santilli donna deux noms, Jack Barret puis Jack Barnet, qui se
révélèrent faux tous les deux. L’assistant de Jacques Pradel, Nicolas Maillard,
passa un certain nombre de nuits – à cause du décalage horaire – à téléphoner
aux États-Unis, et il contribua efficacement à déjouer quelques pièges,
contenus notamment dans le récit du cameraman, mais ni lui, ni les autres
chercheurs n’ont réussi à mettre la main dessus. Incidemment, le récit de
« Jack » a relancé, d’une manière très douteuse, la piste de la plaine de San
Agustin, évoquée au chapitre 2, en indiquant que le lieu de l’accident se
trouvait « juste au sud-ouest de Socorro ». Nous avons vu que le témoin
principal pour cette version, Gerald Anderson, a été démasqué comme auteur
de faux documents et a disparu de la scène au début des années 1990, après
avoir fait de gros dégâts. Plusieurs enquêteurs se sont quand même lancés sur
cette piste, dont l’Allemand Michael Hesemann, qui a raconté son enquête
dans le livre Beyond Roswell, écrit avec Philip Mantle 63. Mais le récit du
cameraman, tel que publié à l’époque par Ray Santilli, était tellement
invraisemblable qu’il semble inutile de s’y arrêter aujourd’hui.
Les « révélations » de Ray Santilli en 2006
L’ufologue britannique Philip Mantle est incontestablement l’un des
meilleurs connaisseurs de l’affaire du film de l’autopsie. Il a longtemps cru au
récit de Ray Santilli, mais il a rompu avec lui en avril 2006 lorsque Santilli a
donné, avec beaucoup de publicité, une nouvelle version de son histoire, très
acrobatique, comme on va le voir. Santilli est « passé aux aveux » en révélant,
dans un documentaire britannique de la chaîne Sky One TV (Eamon
investigates – Alien Autopsy, diffusé le 4 avril 2006) que, s’il avait bien acheté ce
film au cameraman, qui le lui avait montré initialement en 1993, celui-ci
réclamait beaucoup d’argent (Santilli a cité à Mantle le chiffre de
150 000 dollars, mais il aurait aussi cité le montant de 100 000 dollars), et il
n’avait pu le payer qu’en novembre 1994 grâce à son associé allemand Volker
Spielberg. Or, a expliqué Santilli, lorsqu’il a enfin reçu le film, il s’était
terriblement détérioré (« oxydé ») et il n’en restait que 5 % d’exploitable !
Notons qu’une détérioration aussi rapide paraît peu crédible aux experts. Quoi
qu’il en soit, Santilli dit qu’il a eu alors d’idée de le « reconstruire », c’est-à-dire
de le refilmer, à partir des images restantes (lesquelles sont incorporées, dit-il,
dans le film final, mais il ne peut dire où, exactement !). Pour fabriquer un
cadavre (qui devait être rigoureusement identique, si l’on veut croire son
histoire), il a embauché le sculpteur John Humphreys, lequel a confirmé cette
histoire dans le documentaire de Sky One. On a pu visionner cette enquête de
la chaîne britannique sur Internet 64.
Beaucoup d’observateurs ont alors admis ces curieuses « révélations » de
Santilli, et se sont empressés de déclarer l’affaire enfin close. Philip Mantle, en
revanche, a déclaré qu’il ne croyait plus un mot de Santilli, et que le film du
cameraman n’avait jamais existé ! En revanche, il a accepté les explications de
Humphreys comme étant l’auteur du mannequin. Un petit nombre
d’observateurs, dont je suis, se sont bornés à estimer que Santilli n’avait pas
apporté de preuves solides de ses allégations. Par exemple, il n’a toujours pas
fourni un seul morceau du film pour examen, ni aucune photo de la
fabrication du cadavre, ni du tournage. Une bonne photo de l’équipe, autour
du cadavre, aurait pourtant été assez convaincante, mais rien de tel n’a été
fourni. Dans le film de Sky One, pendant que Humphreys parle, on voit des
images du film de 1995, ce qui ne prouve rien, évidemment, et seulement trois
petites images d’un cadavre qui ne sont en fait que des dessins ne ressemblant
même pas à celui du film !
Tout, dans ce film, donne l’impression que Santilli et ses « complices », son
partenaire Shoeffield et le sculpteur Humphreys, se moquent des spectateurs.
Par exemple, Santilli dit qu’ils ont tourné le film dans un petit appartement
(« a small flat ») du nord de Londres. On voit les trois compères déambuler
dans une rue, et Santilli dit avec un petit sourire en coin que ça devait être par
là, mais ils ne savent plus où exactement ! Pour la fabrication du cadavre,
Humphreys raconte qu’il avait mis environ trois semaines et demie pour
fabriquer le cadavre, ce qui paraît plausible. Mais il raconte ensuite qu’il a
fabriqué la grosse blessure à la cuisse en achetant des os de mouton à un
boucher de son quartier. Celui-ci, filmé à son étal, le confirme, mais il est
permis d’en douter en comparant les os qu’il exhibe avec les images du film.
Même remarque pour la fabrication du cerveau, prétendument avec de la
cervelle de mouton. Entendons-nous bien : je ne suggère pas que le cadavre
soit celui d’un véritable extraterrestre, mais je voudrais simplement souligner
quelques points très douteux de leur histoire.
Mais voici que se produit un nouveau rebondissement, en 2007 : allait-on
enfin tout savoir ?
Les révélations de Spyros Melaris en 2007
C’est encore l’ufologue britannique Philip Mantle qui a fait rebondir l’affaire
en annonçant, au cours de l’été 2007, qu’un nouveau venu, Spyros Melaris,
allait enfin révéler la vérité. Cette fois, pour Mantle, pas de doute, nous
détenons toute la vérité, a-t-il expliqué dans un article publié sur Internet :
« L’autopsie d’un alien – Fin de la partie. Le diable est dans les détails –
L’histoire de Spyros Melaris » (Alien Autopsy – Game Over. The devil is in the
detail – The Spyros Melaris Story). La traduction de cet article est disponible sur
Internet 65.
Que peut-on en penser ? Invité le 21 octobre 2007 à une conférence de la
revue UFO Data Magazine, Spyros Melaris, magicien professionnel, a raconté
que c’était lui qui avait tourné ce film de l’autopsie, et non pas Santilli, et que
le film censé avoir été acheté au cameraman américain n’existait pas. Santilli lui
en avait passé commande au début de 1995, pour la somme de 30 000 livres,
mais il ne lui en avait payé que 10 000, et il allait lui faire un procès pour
récupérer son dû. Ce procès n’a jamais eu lieu. La vraie question est la même
que pour les « révélations » de Santilli en 2006 : Melaris a-t-il fourni des
preuves solides de son histoire ? Il devait publier un livre et un DVD, où tout
serait expliqué en détail. On les attend toujours ! Pour ma part, j’ai demandé à
plusieurs reprises, sur la liste UFO Updates, que soient diffusées, tout
simplement, quelques photos de l’équipe sur le lieu de tournage, autour de la
table d’autopsie avec le cadavre dessus (le « vrai », celui du film !), mais Mantle,
qui me connaît pourtant, n’a pas répondu.
Tout cela prête plutôt à rire, mais remarquons qu’il y a beaucoup d’argent en
jeu. Si Melaris peut prouver qu’il a bien tourné ce film (et il le devra s’il fait un
procès), non seulement il pourra réclamer à Santilli l’argent que celui-ci lui
doit toujours (dont, selon Melaris, 33 % des recettes !), mais toutes les
télévisions qui ont acheté ce film très cher pourront alors, j’imagine, attaquer
Santilli pour escroquerie ! Et Melaris aussi, s’il est prouvé qu’il avait un accord
de partage des droits, ce qui ferait de lui un complice. Notons aussi que,
jusqu’à présent, Santilli reste silencieux face à ces allégations. En attendant que
soit fournie une preuve véritable, que l’on risque d’attendre longtemps,
essayons tout de même d’évaluer quelques éléments de cette nouvelle
« révélation ».
Spyros Melaris raconte que, lors d’une première rencontre à Cannes, au
Midem, fin 1994, Santilli lui a proposé de faire un documentaire autour du
film de l’autopsie d’un « alien » qu’il avait acheté aux États-Unis. Melaris avait
revu Santilli à Londres en janvier 1995 et, là, celui-ci était catastrophé car il
avait découvert que le film qu’il avait acheté ne valait rien ! Il lui a alors montré
une séquence très particulière, surnommée la « séquence de la tente » (« tent
footage »), déjà mentionnée plus haut. Mais nous savons, depuis 1999, qui a
tourné ce film : ce sont des « amis » de Santilli qui lui ont fait une bonne
blague, en 1994-1995, en tournant ce canular dans une grange !
Melaris affirme que Santilli ne lui a jamais montré le film du cameraman que
nous connaissons, car il n’existait pas. Il lui aurait montré uniquement la
séquence « de la tente », à lui et au sculpteur Humphreys, et c’est à partir de ces
mauvaises images qu’ils auraient travaillé tous les deux, pour fabriquer le
cadavre et tourner le film rapidement. S’ils disent la vérité, ils ont alors
fabriqué, en peu de temps, un film totalement original, n’ayant rien à voir avec
cette séquence de la tente. Mais ils ont fait encore plus fort. Après avoir tourné
une première version, la compagne de Melaris (ex-amie dont on ne connaît que
le pseudonyme, « Geraldine »), qui avait rassemblé la documentation, s’est
aperçue d’une erreur de procédure médicale, raconte Melaris, et il a fallu tout
recommencer, avec un nouveau cadavre que Humphreys a fabriqué en un rien
de temps, « le lendemain même » (« the very next day ») ! Mais il a un peu raté
son coup car il s’était formé une grosse bulle dans la jambe droite, lors du
moulage de la mousse plastique. Ils ont alors eu l’idée d’en faire une énorme
blessure ouverte, avec des os de mouton. Quelle rapidité, quelle habileté !
Rappelons que Humpreys disait, dans la version Santilli 2006, qu’il avait mis
trois semaines et demie à fabriquer le cadavre.
Ils avaient un autre problème. Il fallait expliquer l’existence de deux
autopsies ! L’une avec blessure à la jambe, montrée pour la première fois le
5 mai à Londres, celle qui a été ensuite diffusée ; l’autre, sans blessure, que seuls
quelques invités sélectionnés avaient vue (dont Philip Mantle), une semaine
avant. Quelques images de cette « seconde autopsie » ont quand même circulé,
lors de congrès ufologiques (je les ai vues à Brasilia en décembre 1997) et sur
Internet. Autre surprise : ce n’est plus dans un petit appartement du nord de
Londres que le film a été tourné, mais dans une grande maison du quartier de
Camden, propriété de l’amie « Geraldine ». Mais on n’a pas l’adresse exacte, ni
l’identité de cette personne, et l’on ne peut donc rien vérifier.
Voici encore une drôle de révélation. Melaris raconte qu’ils sont allés
enquêter à Roswell pour coller le mieux possible à l’histoire de l’accident d’un
ovni. Pourquoi donc n’ont-ils pas copié les descriptions de cadavres qui
circulaient déjà, et qu’ils auraient pu se procurer facilement au musée de
Roswell ? Leur cadavre, avec son gros ventre et ses six doigts, est très différent.
Melaris dit avoir survolé les environs et donne le nom du pilote, Rodney Corn.
Renseignement pris, ce pilote existe bien à Roswell, mais il ne se souvient pas
de leur visite. Mais l’histoire se corse, là aussi, car, selon Melaris, c’est grâce à
cette étude du terrain qu’ils ont pu repérer le site du crash, près de Roswell. Or,
il y a un petit problème. Santilli avait bien communiqué au cours de l’été 1995
un croquis des lieux, censé avoir été dessiné par le cameraman, mais il s’agit
d’un lieu beaucoup plus éloigné, dans les montagnes à l’ouest de la ville de
Socorro et de la vallée du Rio Grande ! Et que penser du sculpteur John
Humphreys, qui soutient Santilli en 2006, puis le laisse tomber pour soutenir
Melaris un an plus tard ? Signalons que, en 2006, Humphreys a fabriqué un
mannequin en plastique, censé être une copie conforme du cadavre du film de
1995, pour un film de la compagnie Warner Bros, intitulé Alien Autopsy, avec
les deux comiques « Ant and Dec », tournant en ridicule toute l’histoire. Mais
on voit bien, au premier coup d’œil, qu’il est en plastique et qu’il ne ressemble
que de loin à celui de 1995. On peut aussi remarquer que la tenue de
protection des médecins légistes n’est qu’une copie assez fantaisiste de celles du
film de 1995.
Tous ces personnages donnent l’impression de n’être que des menteurs et des
escrocs. Ce qui me choque le plus dans cette affaire incroyable, c’est la rapidité
avec laquelle beaucoup d’observateurs, qui avaient déjà accepté la version
acrobatique de Santilli en 2006, ont de nouveau accepté le roman de Melaris
l’année suivante. Cette attitude reflète bien, me semble-t-il, l’adage formulé par
l’excellent physicien et ufologue américain Bruce Maccabee, à l’humour pince-
sans-rire : « Toute explication (si fragile soit-elle) est jugée préférable à l’absence
d’explication. »
Laissons de côté, à présent, cette histoire invraisemblable, et revenons sur le
terrain de Roswell, où les enquêteurs ont recueilli, semble-t-il, des témoignages
crédibles sur les cadavres et les premières autopsies.
Témoignages médicaux à Roswell
L’un des premiers témoignages recueillis par les enquêteurs était celui de
Glenn Dennis, un employé de la maison de pompes funèbres de Roswell. Nous
allons voir qu’il a été longtemps mis en doute, mais récemment « réhabilité ».
Glenn Dennis, âgé de vingt-deux ans au moment des faits, était employé de
la Ballard Funeral Home, l’entreprise de pompes funèbres de Roswell. C’est
Stanton Friedman qui a réalisé le premier entretien, en août 1989, avec
Dennis, alors directeur d’un hôtel à Lincoln, au Nouveau-Mexique. Friedman
et Don Berlienr ont présenté ce témoignage dans leur livre Crash at Corona,
paru en 1992, mais Kevin Randle et Donald Schmitt l’avaient devancé. Ils
avaient eu juste le temps, après un premier entretien en novembre 1990, de
présenter ce témoignage important dans leur premier livre, paru en 1991, UFO
Crash at Roswell. Nous connaissons déjà ces deux livres, cités dans les chapitres
précédents. Dennis a confirmé son récit dans un affidavit en date du 7 août
1991.
Au début de juillet 1947, Glenn Dennis, qui ne sait encore rien de l’incident
de Roswell, reçoit un surprenant appel téléphonique de l’officier responsable
du service mortuaire de la base de Roswell, lui demandant quels sont les plus
petits cercueils hermétiques dont il dispose. Dans les premiers entretiens,
Dennis a parlé du 8 ou du 9 juillet ; selon Karl Pflock, il s’est ensuite rappelé la
date du lundi 7, donc la veille du communiqué de presse. Vingt minutes après
le premier appel, l’officier le rappelle pour lui poser une série de questions :
« Comment vous y prenez-vous pour conserver des corps qui sont restés dans la
nature pendant plusieurs jours ? Quels effets ont vos produits chimiques sur les
tissus ? Sur le contenu de l’estomac ? Les composants du sang s’en trouvent-ils
modifiés ? »
Dennis lui fournit ces informations et lui demande la raison de son appel :
« C’est pour un usage futur 66 », répond l’officier. Or, Kevin Randle et Donald
Schmitt ont pu vérifier, grâce aux archives qu’ils ont retrouvées, qu’aucun décès
n’avait été constaté sur la base durant cette période 67. Il se trouve que, trente
minutes plus tard, Glenn Dennis, qui assure aussi un service d’ambulance, est
appelé d’urgence pour mener à l’hôpital de la base un aviateur qui s’est cassé le
nez dans une chute de moto. À son arrivée, Dennis, qui était connu, a pu
entrer sans problème. Il remarque une ambulance parquée à l’entrée de service,
gardée par des policiers militaires qui ne font pas attention à lui. Les portes
arrière sont ouvertes ; en passant devant, Dennis aperçoit des débris bizarres :
« Il y avait là des pièces de 60 centimètres à un mètre de long, d’une forme
étrange, semblables à l’extrémité d’un canoë. Des inscriptions étaient portées
dessus, qui formaient une bande d’une dizaine de centimètres de largeur. On
aurait dit des hiéroglyphes égyptiens. Le métal n’avait pas l’air d’être de
l’aluminium. Il ressemblait à de l’acier inoxydable qui aurait été porté à haute
température, avec des nuances de bleu et de pourpre 68. » Karl Pflock, qui a
longtemps soutenu Dennis au point d’être son « porte-parole », a présenté, au
symposium du Mufon de juillet 1995, auquel j’ai assisté, deux croquis réalisés
par Dennis lui-même, dont l’un correspond bien à cette description, avec cette
précision supplémentaire : on a l’impression, sur les bords déchiquetés, d’être
en présence d’un matériau « feuilleté » à plusieurs couches. Un autre croquis,
plus vague, semble représenter une feuille métallique froissée. Incidemment,
cette anecdote montre l’ambiguïté d’un personnage comme Karl Pflock, qui
soutenait déjà la thèse des ballons Mogul.
Après avoir conduit l’aviateur accidenté à l’infirmerie, Glenn Dennis se rend
à la cafétéria pour se désaltérer, car il fait très chaud. Il y rencontre un capitaine
qu’il ne connaît pas, et lui demande : « Il y a eu un accident d’avion ? » Le
capitaine lui répond : « Qui êtes-vous ? » Dennis se présente comme employé
de la maison de pompes funèbres de Roswell, et offre d’apporter son aide. Il
s’entend répondre : « Restez où vous êtes. Ne bougez pas. » Après une ou deux
minutes, son interlocuteur revient, flanqué de deux policiers militaires,
auxquels il ordonne d’escorter Dennis jusqu’à son établissement. Alors qu’ils
traversent le hall, une forte voix lance : « Ramenez ce salopard ! » Il se retrouve,
dans un bureau, face à un autre officier, de forte taille et aux cheveux roux, qui
lui dit : « N’allez pas raconter des histoires sur un accident à Roswell. Il n’est
rien arrivé ici ! » Dennis se rappelle avoir senti monter la colère : jamais on ne
l’avait traité comme cela. Mais, comme il fait remarquer qu’il est un civil,
l’autre lui répond : « On retrouvera vos os dans le sable ! » Un sergent noir,
présent également, ajoute qu’il « ferait de la bonne nourriture pour chiens ».
Après l’avoir insulté de nouveau, l’officier donne l’ordre de le jeter dehors.
Dennis n’a fait que quelques pas lorsqu’une infirmière de sa connaissance,
sortant d’une pièce avec une serviette sur la bouche, comme si elle était
malade, le voit et s’exclame : « Glenn ! Que faites-vous ici ? Partez au plus vite
si vous ne voulez pas avoir de gros ennuis ! » Puis elle se retire aussitôt. Les
deux policiers, le tenant par les bras, l’escortent alors jusqu’à son entreprise de
pompes funèbres.
Sur le coup, Dennis est très secoué. Il rappelle son amie infirmière, pour en
savoir plus. Manifestement fort affectée elle aussi, elle lui répond le lendemain,
vers 11 heures, et lui donne rendez-vous au mess des officiers – il lui faut
absolument se confier à quelqu’un, précise-t-elle. Cette infirmière, dont Dennis
É
a toujours refusé de révéler le nom, avait vingt-trois ans. Élevée dans un
couvent catholique, elle n’était jamais allée à l’école publique. Certaine d’avoir
la vocation religieuse, elle voulait également enseigner, mais Dieu, disait-elle,
lui avait ordonné de devenir infirmière, et elle avait donc suivi une formation
appropriée. Elle s’était engagée dans l’armée pour finir ses études, avait été
nommée sous-lieutenant et devait servir trois ans. Elle n’était à la base que
depuis moins de trois mois. Lorsque Glenn Dennis rencontre l’infirmière au
mess des officiers, elle semble en état de choc et lui fait prêter serment de ne
jamais divulguer son nom ni rapporter ses propos, de peur de lui attirer de gros
ennuis. Remarquons que ce n’était peut-être pas prudent, dans ces conditions,
de se montrer avec lui en un tel lieu ! Elle lui raconte alors qu’en entrant dans
une pièce pour y prendre des fournitures elle y a trouvé deux médecins en train
d’examiner trois petits corps placés dans une enveloppe ou un sac en
caoutchouc, et ils lui ont demandé de rester avec eux pour les assister.
Deux des corps étaient sérieusement mutilés, comme si des animaux
prédateurs les avaient attaqués, mais le troisième était en assez bon état. Ils
dégageaient une odeur insupportable qui ne tarda pas à l’indisposer.
L’infirmière remet alors à Dennis un croquis qu’elle a dessiné de ces petits êtres
et lui explique que les médecins lui ont demandé de noter par écrit tout ce
qu’ils verraient pendant l’examen des corps. Ces êtres avaient une grosse tête et
des yeux enfoncés. Leur crâne était mou comme celui d’un nouveau-né. Les
oreilles, au lieu d’avoir un canal, en avaient deux ; dépourvues de lobe, elles
possédaient seulement un petit rabat au-dessus de chaque canal. Ils n’avaient
pas de dents. Leur bouche était une simple fente. Leur visage était concave. Le
nez consistait en deux orifices. Les mains avaient quatre doigts munis de petites
ventouses, sans ongles ni pouce opposable. Soulignons au passage ce détail
curieux des petites ventouses, qui semble très rare dans la panoplie des histoires
de contacts, vrais ou faux, avec des extraterrestres.
Glenn Dennis raconte qu’il a conservé, pendant des années, le croquis de
l’infirmière dans ses archives, avec toutes les enquêtes militaires et de police
judiciaire. Il le regardait chaque fois qu’il consultait ses archives et le
connaissait donc bien. Hélas, il n’en dispose plus aujourd’hui car il l’a laissé
quand il a quitté cet emploi, et ses archives personnelles avaient été détruites
quand il a voulu les récupérer ! On peut se demander comment il a pu ainsi
laisser derrière lui ce précieux dessin. Quoi qu’il en soit, il l’a reconstitué de
mémoire et l’a fait mettre au propre par le dessinateur professionnel Walter
Henn. Ce sont les croquis de ce dessinateur qui ont été reproduits dans le livre
de Randle et Schmitt en 1991, puis dans celui de Friedman et Berliner en
1992. Le témoignage de Glenn Dennis se termine sur un curieux épisode,
relaté par Friedman et Berliner. Quelques semaines après l’incident de l’hôpital,
en 1947, Glenn est pris à parti par son propre père, qui veut savoir quelle
bêtise il a faite. En effet, son vieil ami le shérif vient de lui apprendre que le
personnel de la base est venu le voir pour obtenir des informations sur Glenn
69
.
Dans leur premier livre, Randle et Schmitt font état d’autres témoignages
qui, s’ils sont authentiques, corroborent et complètent la description de
Dennis. Certains ont été fournis par Leonard Stringfield, enquêteur très
estimé, mais qui protège toujours l’anonymat de ses témoins. Stringfield a
recueilli le témoignage du Dr « Jesse Johnson », médecin légiste à la base de
Roswell en 1947. Selon lui, les corps mesuraient de 1 mètre à 1,40 mètre et
pesaient environ 20 kilos. Ils étaient très minces et fragiles. Leurs yeux, en
forme d’amande, grands et un peu écartés, leur donnaient une allure orientale.
Le nez était à peine visible, formé seulement d’une petite protubérance. Selon
le médecin, la bouche, très mince, n’avait que 3 centimètres de profondeur et
ne pouvait servir ni à parler ni à manger… Les bras étaient longs, les jambes
courtes et minces. Selon un témoin, les pieds n’avaient pas de doigts. Il n’y
avait pas d’organes de reproduction apparents, mais peut-être avaient-ils été
mangés par les prédateurs. La peau était de couleur gris-rosé. La peau elle-
même était résistante, comme une sorte de cuir. Plusieurs sources ont confirmé
l’odeur épouvantable que dégageaient ces cadavres, obligeant les médecins à
abréger la séance. Des enquêteurs ont même obtenu des descriptions de
l’anatomie interne, selon lesquelles ces corps n’étaient pas pourvus de système
digestif comparable au nôtre, mais étaient irrigués par un liquide incolore 70.
Glenn Dennis mis en doute, puis « réhabilité »
Le témoignage de Glenn Dennis a été mis en cause car, au sujet de
l’infirmière, ses déclarations étaient contradictoires. Dans leur livre, Friedman
et Berliner émettent l’hypothèse que Dennis a profité de sa venue à l’hôpital
pour passer voir « une jeune et jolie infirmière dont il a fait connaissance
récemment 71 ». Randle et Schmitt n’en disent rien dans leur premier livre,
mais confirment dans le second, paru en 1994, que les jeunes gens étaient liés
72
. Il n’est pas inutile de préciser que ces enquêteurs s’étaient déjà entretenus à
dix reprises avec Dennis, de 1990 à 1993, sans compter les conversations
téléphoniques. Le sceptique Philip Klass a pris prétexte d’éventuels liens
affectifs pour mettre en doute la crédibilité de Dennis. Dans son bulletin
Skeptics UFO Newsletter, il a prétendu que ce dernier lui avait caché des choses.
Trouvant curieux qu’une infirmière militaire tenue à la réserve divulgue une
affaire ultra-secrète à un civil qu’elle ne connaît que depuis peu, Klass lui a
demandé s’il avait eu des relations intimes avec elle ; il lui a répondu : « Non,
non, non… Elle ne s’intéressait pas aux hommes, de toute façon, sa vie était
entièrement planifiée. Elle allait entrer dans les ordres. » Or, poursuit Klass,
dans la vidéocassette UFO Secret, The Roswell Crash, le producteur Mark Wolf
révèle que Glenn et l’infirmière avaient projeté de se marier ! Interrogé par
Klass, Wolf a renchéri : sa famille y était même opposée car il était protestant et
elle catholique. Donald Schmitt a confirmé ce lien intime, mais, selon Klass
lui-même, un ami de Dennis affirme que ces témoignages sont faux 73. Où était
la vérité ? J’ai interrogé à ce sujet Walter Haut, qui était un ami de Glenn
Dennis et avait dirigé avec lui le principal musée ufologique de Roswell. Il m’a
répondu qu’il en avait discuté lui-même avec sa propre femme, qui connaissait
bien Glenn ; selon elle, à l’époque Glenn était déjà marié ! On voit combien il
est difficile, dans cette affaire comme dans d’autres, d’établir avec certitude la
vérité.
La crédibilité de Glenn Dennis, déjà un peu affectée par ces témoignages
contradictoires sur sa relation avec l’infirmière, a été encore mise à mal par sa
manière de cacher son nom, en donnant aux enquêteurs successivement
plusieurs noms qui se sont tous révélés faux : Naomi Self, puis Selff, puis
Sipes ! Cette façon de les mener en bateau a sérieusement nui à sa crédibilité.
D’autre part, on n’arrivait pas à retrouver sa trace dans les archives militaires,
quel que fût son vrai nom. Cette recherche a même été l’une des causes de la
rupture entre Kevin Randle et Donald Schmitt en 1995. Schmitt avait dit
qu’on ne pouvait retrouver trace, dans les archives militaires, des cinq
infirmières présentes à Roswell selon le livre d’or de la base. Or, un autre
enquêteur les a bien retrouvées sans difficulté, sauf « Naomi Self », qui est
demeurée introuvable. Kevin Randle et Donald Schmitt ont cessé leur
collaboration, mais Schmitt, nous l’avons vu, a alors continué avec un autre
enquêteur de qualité, Thomas Carey. Puis Randle a écrit, dans son nouveau
livre paru en 2007, Roswell Revisited 74, toute son estime pour Tom Carey, et ils
ont tous recommencé à collaborer dans leurs enquêtes.
Finalement, le témoignage de Glenn Dennis a été « réhabilité », lorsqu’une
autre équipe d’enquêteurs a fini par retrouver la trace de la mystérieuse
infirmière. Elle habitait toujours à Roswell, et s’appelait Mary Crowley Lowe.
C’est Wendy Connors, ancienne documentaliste militaire et membre du
groupe « Projet 1947 », réputé pour sa rigueur, qui lui a rendu visite en 2009, à
la demande de Tom Carey et Donald Schmitt. Wendy a raconté que Mary
n’avait pas vraiment confirmé son histoire, mais lui avait posé une question que
l’on peut juger significative. Elle voulait savoir si c’était Glenn qui lui avait
donné son nom. Or ce n’était pas lui. Il avait promis de ne jamais le divulguer.
Ainsi Glenn Dennis a tenu parole, et c’est cela qui lui a valu d’être mis en
doute !
D’autres témoignages à l’hôpital
Rappelons ici le témoignage très intéressant, déjà évoqué au chapitre 3, du
soldat Elias « Eli » Benjamin qui, selon Tom Carey et Donald Schmitt, s’est
décidé à parler en 2005 75. Jusque-là, il n’osait pas, de peur de perdre sa pension
de retraite militaire. Finalement, il a parlé publiquement pour la première fois
à l’âge de quatre-vingts ans, lors d’une émission de la chaîne câblée SciFi, qui a
été diffusée en novembre 2006 aux États-Unis (en 2008 en France). Eli
Benjamin a raconté comment il avait reçu l’ordre d’acheminer à l’hôpital de la
base, dans une ambulance, les cadavres que l’on venait de rapporter du terrain
et qui se trouvaient encore au hangar P-3. Ils étaient recouverts de draps sur
des brancards, mais Benjamin a remarqué que l’un d’eux semblait encore
bouger. Le drap a glissé et il a aperçu un visage grisâtre, une large tête sans
cheveux qui n’était pas humaine. Devant la caméra de SciFi Channel,
Benjamin a imité le mouvement de sa tête se penchant sur le côté, comme s’il
était mourant.
Lorsque Benjamin arrive à l’hôpital, plusieurs médecins, et des officiers, sont
là, attendant les corps. Ils enlèvent les draps, ce qui permet à Benjamin de les
apercevoir furtivement. Il remarque que les médecins sont comme fascinés,
immobiles, autour des cadavres. De mémoire, Benjamin fait la description
d’un petit corps, avec une grosse tête en forme d’œuf, des yeux allongés, une
bouche mince comme une fente, et deux trous à la place du nez. Benjamin
remarque aussi une très forte odeur de cadavres décomposés. Or cette odeur ne
provient pas des corps qu’il vient d’acheminer. Ce détail suggère que les
cadavres très abîmés du troisième site étaient déjà là, et semble confirmer le
récit que l’infirmière a fait à Glenn Dennis d’une tentative d’autopsie à laquelle
elle avait dû assister. Ces cadavres dégageaient une telle odeur de
décomposition qu’ils avaient dû y renoncer.
Miriam « Andrea » Bush, âgée de vingt-sept ans, était la secrétaire de
l’administrateur de l’hôpital, le lieutenant-colonel Harold Warne. Ce
témoignage a été révélé également par Tom Carey et Donald Schmitt dans leur
livre Witness to Roswell 76. Selon son frère George et sa sœur Jean, elle est
revenue un soir en état de choc. Elle a fini par dire qu’il y avait à l’hôpital du
personnel médical qu’elle ne connaissait pas. Warne l’avait emmenée dans une
pièce d’examen où elle avait vu plusieurs corps, petits comme des enfants. L’un
d’eux était encore vivant. Leur peau était grisâtre ou tirant vers le brun, et ils
avaient une grande tête et de grands yeux. Le lendemain, elle a déclaré que
personne ne devait plus rien dire sur cette histoire. La famille a eu l’impression
qu’elle avait été sévèrement menacée. Selon eux, l’événement l’avait tellement
perturbée qu’il a gâché sa vie. Elle est morte en 1989 dans des circonstances
suspectes, avec des traces de coups sur les bras, mais il a été conclu au suicide,
en s’étouffant avec un sac en plastique noué autour de sa tête… Sa belle-sœur
Pat Bush a témoigné publiquement (la vidéo a été publiée sur le site SciFi). Elle
ne croit pas du tout au suicide.
Les corps sont ensuite apportés dans une chambre froide, située à mi-chemin
entre le hangar et l’hôpital (ceci a été confirmé récemment à Carey et Schmitt
par une personne qui y a travaillé dans les années 1990, et a entendu parler de
l’événement de 1947). Puis, ils sont ramenés dans le hangar P-3 pour la nuit,
où l’on a préparé un local à cet effet, et où l’on a fabriqué des caisses spéciales
en bois pour leur transport le lendemain. Il s’agit là des corps du deuxième site,
rapportés à Roswell en début d’après-midi.
Après Roswell, la piste de Wright-Patterson
Que sont devenus l’ovni et les cadavres, après Roswell ? Selon de nombreux
témoignages, le « matériel » de Roswell, ou au moins une grande partie, a été
transporté par avion à la grande base aérienne de Wright-Patterson (le nouveau
nom de Wright Field), dans l’Ohio, où se trouvait le centre des études
techniques de l’armée de l’Air, l’Air Technical Intelligence Center (ATIC),
division de l’Air Materiel Command (AMC). Plusieurs de ces vols ont déjà été
évoqués au chapitre 3.
Depuis les années 1970, des enquêteurs, notamment Leonard Stringfield, ont
recueilli d’assez nombreux témoignages sur les études qui ont été menées après
Roswell, et peut-être d’autres accidents, relatifs au transport et aux études
menées secrètement sur les débris et les cadavres. Stringfield les a publiés dans
une série d’articles et de brochures sur les « crash retrievals », comme il les a
appelées, de 1978 à 1994 77. Il avait pour principe de tout publier, même des
témoignages incertains, et sans divulguer ses sources, ce qui lui avait permis
d’en recueillir beaucoup. Il y a encore du tri à faire, mais Stringfield était un
enquêteur crédible, lui-même ancien militaire, et ce serait une erreur de tout
écarter. Quoi qu’il en soit, Stringfield est loin d’est la seule source. Voici un
témoin important et très crédible, le général Arthur Exon, que Kevin Randle a
eu l’occasion d’interviewer.
Un témoin important : le général Exon
Pilote d’élite pendant la Seconde Guerre mondiale, Arthur Exon avait, après
cent trente-cinq missions de combat, été abattu en vol et fait prisonnier en
Allemagne. Après la guerre, Exon, alors lieutenant-colonel, venait d’être affecté
à la base de Wright en juillet 1947, dans l’Air Material Command (AMC).
Promu général, Exon fut plus tard commandant de la base de Wright-
Patterson. En 1947, déjà, il avait appris que certains collègues étaient chargés
de tester les étranges matériaux apportés de Roswell. Il apprit également
l’arrivée des cadavres. Tous les essais techniques possibles furent effectués,
depuis l’analyse chimique jusqu’aux tests de résistance, de compression, de
flexibilité, qui révélèrent des matériaux très inhabituels. Ses descriptions
recoupent bien celles de Roswell, et font notamment état de feuilles
extrêmement résistantes, flexibles mais indéformables, même en employant de
lourds marteaux. Certains officiers supposaient que c’était du matériel russe,
mais la grande majorité pensait que cela venait d’ailleurs. Selon Exon, jamais le
colonel Blanchard n’aurait pris un ballon pour une soucoupe. Quant au
général Ramey, dès l’instant où il avait compris le caractère extraordinaire de
cette découverte, il avait dû alerter immédiatement sa hiérarchie ; dès lors,
toutes les opérations étaient passées sous contrôle direct du Pentagone et, sans
doute, de la Maison Blanche. Nous pouvons considérer, avec Kevin Randle,
que le général Exon est un témoin de premier plan sur Roswell.
Le général Exon pensait qu’un comité secret avait été créé rapidement pour
diriger l’examen du matériel trouvé à Roswell, avec un petit groupe de contrôle
à la tête, un groupe secondaire aidant et assistant le premier, et un troisième
niveau pour réaliser les études techniques. Cette opinion recoupe évidemment
la déjà longue histoire de révélations et de documents sur la création d’un
groupe d’étude très secret, surnommé « Majestic 12 » par le président Truman
juste après Roswell. Malheureusement, ces documents, aussi appelés « MJ-12 »
(qui ont atteint des milliers de pages à la fin des années 1990 !) ont suscité une
énorme polémique. Il faut bien admettre qu’on y a trouvé pas mal d’erreurs,
voire de falsifications, si bien que cette affaire a beaucoup nui à la sérénité des
recherches. Je vais reparler de certaines « révélations » problématiques de
Majestic 12 dans le prochain chapitre. J’évoque, aussi, plus loin, les révélations
faites par le lieutenant-colonel Philip Corso en 1997 dans son livre The Day
After Roswell, qui ont provoqué une rude controverse.
Autres témoignages sur la base de Wright-Patterson
Voici un témoignage crédible, provenant de la base de Wright-Patterson.
C’est celui d’une ancienne secrétaire de la base, Norma Gardner. Malade, elle
s’est confiée peu de temps avant sa mort à un jeune homme, Charles Wilhelm,
qui lui rendait visite régulièrement. Selon le témoignage de celui-ci, elle avait
été affectée en 1955 à un poste nouveau ; elle devait cataloguer tous les
matériaux relatifs aux ovnis ! Habilitée à un haut niveau de secret, elle avait
ainsi archivé plus de mille objets différents, incluant des pièces internes d’un
ovni récupéré. Toutes ces pièces avaient été soigneusement photographiées et
étiquetées. Toujours en 1955, elle avait visité un hangar secret où avaient été
conservés deux appareils en forme de soucoupe, l’un apparemment intact et
l’autre endommagé. Enfin, elle avait vu passer un jour deux corps
d’humanoïdes transférés d’un local à un autre sur un chariot. Ces corps,
préservés dans un liquide, devaient mesurer entre 1,30 mètre et 1,50 mètre.
Leurs traits étaient humains, mais leur tête était disproportionnée, et leurs yeux
étaient obliques.
Cette description recoupe bien, outre les témoignages de témoins directs à
Roswell, d’autres descriptions, recueillies notamment par Leonard Stringfield,
et Tom Deuley, en particulier de médecins ayant pratiqué des autopsies.
Stringfield a recueilli plusieurs témoignages, en 1978 et 1979, qu’il a cités
anonymement dans ses rapports publiés au cours des années suivantes. Ils
provenaient de médecins, d’un biochimiste, d’un hématologiste en poste dans
un grand hôpital, et d’un médecin spécialiste qui lui dit avoir pratiqué
l’autopsie d’un cadavre d’extraterrestre au début des années 1950.
L’hématologiste confirma son témoignage par écrit un an plus tard. Stringfield
s’est dit persuadé qu’il avait eu un « feu vert » venu d’en haut, pour tester les
réactions de l’opinion. Si c’est le cas, ils ont dû être édifiés, car ce genre de
témoignage est resté assez marginal, et mal jugé, même au sein de l’ufologie : le
moment n’était pas venu pour de grandes divulgations ! En fait, il y a bien eu
un impact de tous ces témoignages « de l’intérieur », mais surtout pour
produire de juteuses séries de science-fiction comme les X Files, qui n’ont pas
aidé à crédibiliser la question. Et il y a eu ensuite, probablement, cette
puissante marche arrière qu’a été le film provocant de l’autopsie, qui a fait un
beau scandale en 1995.
Un autre témoignage intéressant est apparu plus récemment. C’est celui
d’une ancienne employée, June Crain, qui a travaillé à la base de 1942 à 1951
et a fini sa carrière comme employée-sténographe. Un ancien officier de police,
James Clarkson, a fait sa connaissance en 1993 et a recueilli son témoignage
É
alors qu’il était devenu enquêteur pour le Mufon sur la côte ouest des États-
Unis. Elle s’était décidée à parler, bien que très patriote, après la publication du
second rapport de l’Air Force sur Roswell en 1997, qui l’avait profondément
choquée : elle savait que c’était un tissu de mensonges ! June Crain avait
demandé avec insistance à James Clarkson de faire connaître son histoire, alors
qu’elle était très malade. Il l’a fait, en écrivant un livre intitulé Tell My Story.
June Crain, the Air Force and UFOs 78. James Clarkson a présenté son livre à
Paris en 2010. J’y ai assisté et j’ai trouvé cet auteur solide et crédible.
June Crain raconte qu’elle a travaillé avec des militaires au courant de
beaucoup de choses sur les ovnis, notamment les matériaux et les cadavres
provenant de plusieurs accidents d’ovnis conservés secrètement sur la base. Elle
dit même avoir eu en main, un jour, une pièce métallique apportée par un
officier. Cet officier s’était approché de son bureau et avait sorti de sa poche
une très curieuse feuille métallique. Il l’avait taquinée en l’invitant à essayer de
la déchirer. Elle avait essayé de la découper avec des ciseaux, mais il n’y avait
rien à faire. Cette feuille était pourtant légère comme une plume. On pouvait
la plier mais elle reprenait aussitôt sa forme initiale. C’était typiquement une
pièce « à mémoire de forme » comme en ont décrit les témoins de Roswell.
Nous allons voir plus loin que des essais auraient été faits pour dupliquer ces
matériaux à l’Institut Battelle, qui travaillait avec les services techniques
militaires.
Barry Goldwater et la « Blue Room »…
Un autre témoignage, peut-être révélateur sur les secrets de Wright-Patterson,
est celui du sénateur Barry Goldwater. Cet homme politique, très à droite, était
général d’aviation de réserve et ami du général Curtis LeMay, encore plus à
droite que lui. LeMay était célèbre pour avoir dirigé les bombardements
massifs sur le Japon à la fin de la guerre, avant même les deux bombes
atomiques. Ces gens n’étaient pas des agités d’extrême gauche ! Or Goldwater,
qui était connu pour s’intéresser aux ovnis, a fait à plusieurs reprises des
allusions aux matériels qui seraient cachés sur la base de Wright-Patterson, en
particulier dans un local surnommé la « Blue Room » car il se disait que ses
murs étaient peints en bleu. Questionné lors d’une émission de CNN, le
« Larry King Show », en octobre 1994, le sénateur Goldwater a raconté qu’il
avait demandé à son ami Curtis LeMay s’il pourrait visiter ce lieu ultra-secret.
LeMay était entré dans une violente colère et lui avait répondu : « Ne me posez
plus jamais cette question ! »
Autres témoignages, recueillis par Leonard Strigfield
On trouve dans les rapports de Leonard Stringfield, déjà évoqués plus haut,
pas mal de témoignages provenant de la base de Wright-Patterson, recueillis
parfois avec d’autres collègues enquêteurs. En voici quelques-uns.
1952, base de Wright-Patterson,
Ohio (Rapport n°1, 1978, p. 7)
Ce témoignage a été recueilli par l’un des ufologues américains les plus
respectés, John Schuessler, qui a fait une longue carrière d’ingénieur chez
McDonnell-Douglas et à la Nasa. Il a été informé indirectement par le père et
la belle-mère du témoin, qui était un garde civil à l’entrée de la base.
Il vit entrer un camion-remorque transportant un appareil caché sous une
bâche, qui fut dirigé vers une zone de haute sécurité. Mais ce n’est pas tout ! Il
dit aussi avoir vu (peut-être en une autre occasion, cela n’est pas précisé
clairement) des cadavres de petits humanoïdes trouvés lors du crash d’un ovni
qui avait eu lieu « quelque part dans le sud-ouest des États-Unis ». Schuessler a
essayé de contacter directement le témoin mais celui-ci s’y est absolument
refusé.
Début des années 1950,
Wright-Patterson (rapport n° 3, 1982, p. 19)
Voilà un témoignage bizarre, que l’on rejetterait a priori s’il était unique. Le
témoin, « Y. R. », était électricien sur la base de Wright-Patterson. C’est sa fille
qui a informé Leonard Stringfield, alors que son père était mort des suites d’un
cancer causé par des radiations. C’est l’un des rares témoins civils et non
scientifiques, souligne Stringfield, à avoir vu des cadavres sur cette base. Il était
resté absent plus d’une semaine, pour un travail très secret, dont il ne voulut
pas parler, jusqu’au jour où il vit à la télévision quelqu’un parler des accidents
d’ovnis. « Cet homme sait de quoi il parle ! », s’exclama-t-il. Au cours des mois
suivants, il lâcha quelques bribes d’informations sur sa mission secrète.
Il avait dû participer à l’installation d’un équipement produisant des
« radiations », près d’un local où étaient conservés sept cadavres extraterrestres.
L’opération était si secrète qu’il avait été logé sur place, mais il avait été exposé
à des radiations qui causèrent sa maladie et sa mort. Il y régnait également une
odeur pénible. Les humanoïdes étaient petits, avec une grosse tête, et leur peau
ressemblait à celle d’un reptile. Leurs mains étaient palmées et leur tête faisait
penser à celle d’une grenouille ! Cette description, faut-il le souligner, nous
éloigne quelque peu des « modèles » que nous connaissons sur Roswell.
1952, Wright-Patterson (rapport n°2, 1980, p. 5)
Le témoin est un ancien officier de l’armée de l’Air que Leonard Stringfield a
bien connu car il était souvent en rapport avec lui à l’époque où il avait mission
d’informer l’Air Defense Command des observations d’ovnis. Il contacta
Stringfield en 1979 en vue de la préparation d’une émission de télévision sur
les ovnis. Au cours de leurs discussions, lorsque Stringfield évoqua les rumeurs
d’ovnis accidentés et de cadavres récupérés, ce témoin lui confia que, en 1952,
il avait assisté à une réunion hautement secrète à Wright-Patterson au cours de
laquelle il avait vu, dans un local souterrain, l’un des corps d’extraterrestres,
conservé dans un congélateur. Sa taille était d’environ 1,20 mètre, avec une
grosse tête, la peau du visage lisse et grise, les yeux ouverts, et sans cheveux. Il
lui révéla aussi qu’il avait visité une installation souterraine à Colorado Springs
(quartier général de la Défense aérienne), où avait été transférée une partie des
débris d’ovnis de Wright-Patterson.
1953 (rapport n° 2, 1980, p. 21)
C’est un témoignage indirect, mais recueilli en 1978 par deux enquêteurs
respectés, Richard Hall et Don Berliner, du Fund for UFO Research (Fufor).
Le témoin était technicien sur la base, et travaillait en 1953 près du local où
étaient conservés les cadavres, au troisième étage d’un bâtiment – non, ce
n’était pas le mythique « hangar 18 », qui a été maintes fois évoqué dans la
littérature ufologique ! Selon ce témoin, il planait dans les couloirs une forte
odeur de formol. Des cadavres auraient été ensuite conservés sur la base de
Langley à Hampton Roads, Virginie (base proche de la CIA et du
Pentagone…). Il n’avait pas vu les cadavres mais son patron lui avait confirmé
toutes ces rumeurs.
Le livre controversé du colonel Corso
En 1997 a éclaté une autre polémique, encore plus vive que celle qui
concernait le major Marcel, visant elle aussi un ancien officier qui venait de
faire des révélations sensationnelles sur Roswell. Philip Corso, ex-lieutenant-
colonel de l’armée de Terre, était âgé de quatre-vingt-deux ans quand est paru
en juin, lors de l’anniversaire de Roswell, son livre The Day After Roswell 79, qui
prétendait dévoiler son rôle dans des études secrètes sur les débris du crash de
Roswell. Il aurait transmis en grand secret à des laboratoires civils ou militaires,
au cours de 1961 et 1962, quelques matériaux provenant de Roswell, qui
dormaient depuis quatorze ans dans un placard de la Division des technologies
étrangères de l’armée de Terre, au Pentagone. Il est fort possible que certains de
ces matériaux aient aidé des laboratoires de pointe à progresser, par exemple
dans les semi-conducteurs, et les fibres optiques.
Un aspect intéressant du livre est la description des rivalités très vives qui
existaient non seulement entre les trois armes, mais avec d’autres
administrations comme la CIA, chacune essayant de tirer la couverture à soi. Il
s’agissait pour son chef, le général Trudeau, de jouer un rôle dans ces
recherches ultra-secrètes, à l’insu des autres services. Corso reste silencieux, en
revanche, sur ce qu’a pu faire depuis 1947 l’armée de l’Air, détentrice – peut-
être avec la Marine – de la plus grande partie des débris de Roswell, sans parler
d’autres découvertes éventuelles concernant les ovnis.
Il y a dans ce livre, malheureusement, un épisode qui paraît difficilement
croyable. Philip Corso nous raconte comment il a aperçu le cadavre de l’un des
extraterrestres de Roswell, alors qu’il était officier de garde une nuit à Fort Riley
dans le Kansas, en juillet 1947. Ce cadavre était dans un caisson spécialement
aménagé, transporté par camion avec toute une cargaison de matériels
provenant du crash de Roswell, vers la base de Wright-Patterson, puis vers
l’hôpital militaire Walter Reed à Washington pour l’autopsie des cadavres. Que
penser de cet épisode à la X Files ? À vrai dire, il semble assez invraisemblable
qu’une cargaison aussi précieuse ait été laissée à la garde de militaires qui
n’étaient pas dans le secret. C’est l’une des nombreuses questions
embarrassantes que pose ce livre controversé.
Un autre aspect très critiqué du livre est le tableau inquiétant que nous brosse
le colonel Corso de la guerre cachée contre les « aliens », sur fond de guerre
froide et de rivalité entre les armes et les services secrets. Une vision, il faut bien
le dire, proche de celle de certains milieux d’extrême droite, qu’il fréquentait.
Corso affirme même que les militaires américains ont réussi à mettre au point
des systèmes de défense anti-ovnis, et qu’ils en ont abattu un (le premier, mais
sans doute pas le dernier, laisse-t-il entendre) sur la base de Ramstein en
Allemagne, en 1974 ! Mieux encore, cette lutte secrète était le véritable objectif
caché du programme de « guerre des étoiles » du président Reagan, et c’est
aussi cette guerre secrète contre les extraterrestres qui aurait contribué à mettre
fin à la guerre froide, après que Reagan eut offert une protection américaine à
Gorbatchev ! À la fin du livre, le colonel Corso finit par se donner la stature
d’un grand défenseur méconnu de l’humanité. Il est clair que cette attitude peu
modeste a énormément nui à la crédibilité du livre.
Les nombreuses critiques faites à ce livre vont des points de détail aux erreurs
lourdes, et aux accusations personnelles, comme on vient de le voir. Il faut dire
ici que le coauteur de Corso, l’écrivain et journaliste William Birnes, a été le
véritable rédacteur du livre, à partir de notes que lui a fournies Corso. Birnes
est agent littéraire, éditeur, auteur de livres à succès sur des histoires criminelles
et, plus récemment, responsable d’une série d’enquêtes télévisées sur les ovnis
et phénomènes paranormaux. C’est un homme d’affaires avisé. Il semble ne
s’être pas embarrassé de scrupules pour embellir le récit de Corso. Le premier
chapitre, consacré à la découverte de l’ovni de Roswell, est une pure
spéculation de Birnes, fondée essentiellement sur les témoignages fragiles de
Ragsdale et Kaufmann ! Birnes lui-même s’est avoué coupable d’un certain
nombre d’erreurs lors de deux entretiens. Selon plusieurs témoins qui l’ont
rencontré, Corso était très irrité contre les altérations de son témoignage
commises par Birnes sans son accord.
Le colonel Corso est mort d’une crise cardiaque au printemps 1998. Je l’ai
rencontré peu de temps avant sa mort, lors du symposium annuel d’ufologie de
San Marino. C’était un homme d’une grande courtoisie. Accompagné de
membres de sa famille, et il m’avait fait une bonne impression. Il m’avait même
dédicacé son livre : « Un nouvel âge va peut-être s’ouvrir pour vous » (« A new
age may dawn for you »), m’avait-il dit ! Cependant, je dois avouer que son
témoignage, s’il est intrigant, n’est certainement pas décisif, selon moi, en
faveur de Roswell, contrairement à ce que croient certains. Tout simplement
parce qu’il ne présente pas les qualités de crédibilité suffisantes. Je crains qu’il
ait quelque peu fabulé, comme il arrive à partir d’un certain âge, par exemple
quand il a raconté qu’il avait rencontré un « alien » alors qu’il explorait une
grotte près de White Sands !
Des études secrètes au Battelle Institute ?
En 1998, on a pu croire que s’ouvrait une nouvelle piste, avec des révélations
faites par un certain Jack Shulman, directeur d’une petite entreprise
d’informatique, l’American Computer Company (ACC). Hélas, il a fallu
rapidement déchanter lorsque l’intéressé a avoué peu après qu’il avait inventé
son histoire pour se faire connaître ! Mentionnons au passage une autre
« découverte » qui a fait long feu, celle d’une mystérieuse pierre gravée, censée
avoir été trouvée dans la région de Roswell, et annoncée abusivement comme
un « événement majeur » en 2009. On voit que la prudence est recommandée
face à de telles révélations, mais voici une nouvelle piste qui semble plus
sérieuse, sur des études secrètes au Battelle Institute, évoquée notamment par
Tom Carey et Donald Schmitt dans leur livre Witness to Roswell.
Selon un nouvel enquêteur, Anthony Bragalia, que Tom Carey et Donald
Schmitt ont qualifié de « chercheur intrépide », des études auraient été menées
secrètement au Battelle Memorial Institute dès la fin des années 1940, qui
auraient joué un rôle important dans la création d’un alliage aujourd’hui bien
connu, le Nitinol, composé de titane et de nickel et possédant des propriétés
analogues à ces feuilles à mémoire de forme. Le Battelle Institute est un centre
réputé de recherches techniques, notamment dans le domaine de la
métallurgie, situé à Columbus dans l’Ohio, non loin de la fameuse base de
Wright-Patterson où se trouvent les services techniques de l’armée de l’Air. Il a
mené, depuis sa création dans les années 1930, des études importantes pour les
armements, y compris pour la bombe atomique. Il est intéressant de rappeler
que c’est également au Battelle Institute que fut réalisée au début des
années 1950, pour le compte de l’armée de l’Air américaine, une remarquable
étude statistique sur les observations d’ovnis. Cette étude, menée sous la
direction du Dr Howard Cross, fut publiée plus tard sous le titre de
« Rapport 14 » de la commission Livre bleu (Blue Book), et elle est encore
aujourd’hui un document de référence en faveur de la réalité des ovnis.
Anthony Bragalia a raconté, dans le Mufon UFO Journal 80, avoir trouvé les
premières pièces du puzzle sous la forme de références, citées dans des
documents militaires déclassifiés, à deux études métallurgiques faites au Battelle
Institute dès la fin des années 1940, qui semblent bien être à l’origine de celles
qui ont été faites ensuite pour créer le Nitinol. Or, selon l’histoire « officielle »,
les études sur cet alliage n’auraient commencé qu’au début des années 1960.
Bragalia a donné quelques précisions sur la création du Nitinol. On considère
habituellement qu’il a été découvert « par hasard » au début des années 1960,
dans les laboratoiress de l’US Naval Ordnance, situés dans le Maryland, et que
ses co-inventeurs sont les Drs Wang et Buehler. Mais la véritable histoire du
Nitinol a été volontairement dénaturée – et elle ne tient pas la route, soutient
Bragalia. Dès la fin des années 1940, c’est le Dr Howard Cross, expert
métallurgiste de l’Institut Battelle, qui avait fourni l’information nécessaire sur
le Titane à l’US Naval Lab. Et c’est ce laboratoire qui a officiellement mis au
point le Nitinol dix ans plus tard. L’un des problèmes qui apparaît tout de suite
dans l’histoire « officielle » du Nitinol est l’année précise de sa découverte,
variable selon les sources, de 1959 à 1963. Même les co-inventeurs officiels,
William Buehler et Frederick Wang, ont évoqué différentes années alors qu’ils
travaillaient au Naval Lab. Les revues scientifiques et les articles de la grande
presse indiquent des années différentes. Bragalia raconte que, lorsqu’il a posé la
question à Wang, celui-ci a ri de manière bizarre et a reconnu qu’il n’était pas
très sûr de l’année, en ajoutant qu’il lui faudrait y réfléchir !
Le témoignage de l’ingénieur Elroy John Center
Toujours selon Anthony Bragalia, un ingénieur du Battelle Institute, Elroy
John Center, a reconnu qu’il avait analysé un métal provenant d’une épave
d’ovni alors qu’il était employé par Battelle. Elroy Center avait travaillé comme
expert-chimiste pour Battelle pendant près de vingt ans, de 1939 à 1957. Ceci
nous a été confirmé, dit Bragalia, à la fois par les registres de l’université du
Michigan et par les articles scientifiques qu’il a publiés du temps où il travaillait
pour Battelle. Ingénieur chimiste diplômé, Center a rédigé des articles publiés
dans des revues de haut niveau. Il a réalisé des analyses chimiques de métaux,
des études sur la « micro-identification » des métaux dans des alliages, et sur
l’analyse spectroscopique de matériaux particuliers. Center avait le profil idéal
pour être impliqué dans les premières études sur les débris de Roswell. Il avait
mis au point une technique d’analyse des métaux très innovante, signalée dans
plusieurs études concernant l’« identification polygraphique du titane » dans
des alliages. Or, il faut du titane spécialement préparé pour fabriquer du
Nitinol semblable au « métal à mémoire » de Roswell.
Les membres de la famille d’Elroy Center ont confirmé qu’il s’intéressait
beaucoup aux ovnis et à la vie extraterrestre. En mai 1992, le Dr Irena Scott, de
Columbus, Ohio, chercheuse et historienne réputée (qui a elle aussi fait partie
de l’équipe des scientifiques de Battelle) a interviewé un proche partenaire
professionnel d’Elroy Center. Elroy lui avait confié qu’il avait été impliqué dans
un très étrange programme de laboratoire. Ses supérieurs lui avaient demandé
de participer à une étude hautement classifiée de l’Institut, qui faisait l’objet
d’un contrat du gouvernement. Le projet consistait à travailler sur un matériau
très inhabituel. Center avait compris que ces fragments de matériau avaient été
récupérés par le gouvernement américain à la suite d’un crash d’ovni. Center
parlait de l’échantillon qu’il était chargé d’étudier comme d’un « morceau ». Il
avait expliqué que ce « morceau » était d’une nature totalement inhabituelle. Il
déclara également que d’étranges symboles, qu’il appelait des « glyphes »,
étaient inscrits sur ces fragments. Divers témoins des débris du crash de
Roswell ont bien sûr parlé de telles inscriptions. Center ne pourra nous fournir
d’autres indications, étant décédé en 1991.
Espérons que Tony Bragalia, et peut-être d’autres enquêteurs parviendront à
trouver de nouveaux documents, et à recueillir de nouveaux témoignages
susceptibles de renforcer cette histoire. Mais elle est bien intéressante, en l’état,
et elle vient s’ajouter aux témoignages et documents déjà connus sur les études
secrètes de matériaux, peut-être liées aux ovnis.
Nous avons déjà vu, au cours des chapitres précédents, à quel point l’affaire
Roswell a été secouée par de vives controverses, depuis les années 1990. En
voici encore quelques-unes, que j’ai gardées pour la fin de ce livre. Certaines
sont intéressantes, mais d’autres ont atteint, nous allons le voir, des sommets
dans le ridicule ! Commençons par un cas, peut-être sérieux, de fragment
supposé de l’ovni de Roswell, qui a au moins fait l’objet d’une étude
scientifique.
1997 : le fragment analysé par le Dr VernonClark
Une nouvelle controverse a éclaté pendant les festivités du cinquantième
anniversaire de Roswell, en juillet 1997. Le 4 juillet, à 9 heures du matin, une
conférence de presse a lieu à l’auditorium Pearson de Roswell. Le Dr Russell
VernonClark, chimiste de l’université de Californie à San Diego, révèle à une
centaine de journalistes et de visiteurs qu’il a procédé, depuis un an et demi, à
l’analyse chimique d’un fragment métallique censé provenir de l’ovni accidenté
à Roswell en 1947. Devant une assistance médusée, il affirme que les éléments
constitutifs de ce petit fragment ont une composition isotopique très différente
des proportions trouvées sur terre à l’état naturel. Rappelons que les isotopes
d’un élément atomique dépendent du nombre de neutrons, variable, dans le
noyau de l’atome. VernonClark présente les résultats d’analyses, comparant les
ratios isotopiques du fragment et les ratios naturels pour chaque élément
présent. Les éléments étudiés sont le silicium, le nickel, le zinc, l’argent et le
germanium. Il a fait ce travail de manière non officielle, on s’en doute, au
laboratoire de l’université. Le fragment est très solide mais a pu être découpé en
plusieurs petits morceaux, et des tests indépendants ont été menées dans
d’autres laboratoires, qui confirment ses résultats. Il mentionne une université
majeure de la côte Ouest et un laboratoire privé au Texas, mais il n’en donne
pas les noms. Les méthodes utilisées ont été la « spectroscopie de masse
secondaire ionique » (SIMS), pour le silicium et le germanium, la
« spectroscopie de masse couplée à une induction de plasma » (ICP/MS) pour
le nickel, le zinc et l’argent. Pour donner un exemple, trois isotopes du silicium
(silocon en anglais) ont été mesurés. Les proportions trouvées sont :
–silicium 28 : 26,55 % pour le fragment, contre 92,17 % dans la nature ;
–silicium 29 : 43,28 % contre 4,71 % ;
–silicium 30 : 30,16 % contre 3,12 %.
Une autre méthode, utilisant une « émission spectroscopique optique couplée
à une induction de plasma » (ICP/OES), a été utilisée par le laboratoire privé
au Texas. Elle révèle d’autre part que le fragment est composé de silicium à
99 %. Pour le profane, ces informations paraissent a priori dignes de foi, mais
elles vont être rapidement critiquées par plusieurs scientifiques. Pourtant, la
compétence scientifique de VernonClark, docteur en chimie, est incontestable,
et il était bien en poste au Département de chimie de l’université.
À Roswell, la conférence de presse a laissé sur leur faim les journalistes, car le
Dr VernonClark s’est retiré aussitôt après son exposé, entouré des
organisateurs, sans leur laisser la possibilité de lui poser des questions.
L’organisateur principal de la conférence, Chris Wyatt, un jeune producteur de
télévision travaillant pour la CBS, s’est ensuite justifié en expliquant que c’est
une pratique assez courante dans la profession 81. Mais il est évident que le
départ précipité du chimiste a fait mauvaise impression. Très vite, le
Dr VernonClark est contesté, d’abord par la grande agence Associated Press.
Celle-ci a voulu vérifier son appartenance à l’université de Californie en
donnant la seconde partie de son nom, que l’on écrit aussi en deux mots,
Vernon Clark. On lui a répondu au téléphone qu’il n’y avait pas de Dr Clark
dans les effectifs. La nouvelle se répand dans toute la presse. Or, il est listé dans
l’annuaire de l’université sous le nom de VernonClark, et ils n’ont pas pensé à
poser ainsi la question. Associated Press, aussitôt informée de son erreur,
diffuse un rectificatif, mais très peu de journaux se donneront la peine de le
citer, si bien que, aujourd’hui encore, de nombreux observateurs, même parmi
les ufologues les mieux disposés pour Roswell, sont restés sur l’idée qu’il était
un imposteur. Scénario classique !
Cette impression négative a été renforcée par un article assez dévastateur de
l’Albuquerque Journal du 25 juillet, aussitôt propagé sur le Net, comme il se
doit. Selon plusieurs scientifiques consultés, il y a des erreurs, et surtout ces
résultats ne prouvent rien car il serait assez facile de fabriquer de telles
proportions artificielles en laboratoire, autrement dit de faire un faux. Selon
l’auteur de l’article, John Fleck, le Dr VernonClark, qu’il a interrogé, a reconnu
qu’il n’aurait pas dû être aussi affirmatif sur l’origine extraterrestre du fragment.
Mais celui-ci a nié peu après avoir tenu ces propos, affirmant de nouveau sa
conviction que le fragment n’était pas de fabrication humaine. Ainsi, nous
avons là le scénario typique d’une information, peut-être solide et
sensationnelle, qui est aussitôt contestée brutalement, si bien qu’il est difficile
de savoir la vérité. D’autant plus que les données scientifiques, qui avaient été
affichées sur Internet par l’excellent bulletin CNI News de Michael Lindemann,
ne semblent plus être disponibles, ce bulletin et son site ayant cessé d’exister.
Mais j’ai obtenu des informations originales de la part du Dr Roger Leir, qui a
été associé de près à cette affaire.
Ce mystérieux fragment avait été fourni au Dr VernonClark par l’ufologue
texan Derrel Sims et le Dr Roger Leir, qui avaient fondé ensemble l’association
First, mais ils n’avaient pas divulgué l’identité de la personne leur ayant donné
le fragment. Il y avait donc une inconnue de taille sur son origine. D’autre
part, Leir et Sims, qui s’étaient associés dans leur recherche très pointue sur des
cas d’enlèvement supposés par des « aliens » avec pose d’implants dans le corps
des victimes, étaient eux-mêmes très controversés. De plus, la situation s’est
compliquée du fait qu’ils se sont séparés, quelques mois après l’affaire du
fragment, mais pour d’autres raisons. Quoi qu’il en soit, j’ai eu l’occasion de
rencontrer longuement le Dr Leir en septembre 2003 à Paris, à l’occasion de la
parution en français de son livre, Ovnis et implants 82, dans lequel il raconte
notamment sa version de cette histoire. Roger Leir m’a donné des informations
intéressantes, non publiées à ce jour. Certaines doivent rester confidentielles,
mais je peux quand même en donner une partie.
En premier lieu, une petite mise au point s’impose : rien ne prouve, selon
Leir, que ce fragment provient de l’ovni de Roswell. Il y a des raisons de
supposer qu’il pourrait provenir d’un autre engin accidenté. Le Dr Leir
connaissait la personne, aujourd’hui décédée, qui avait fourni ce fragment,
mais ne pouvait toujours pas en divulguer l’identité, car il faut dire que les
responsables des services secrets, civils et militaires, ne sont jamais loin dans ce
genre d’affaire, comme nous l’avons vu tout au long de ce livre. La discrétion
s’impose. Et le Dr Leir est lui aussi décédé, en 2014.
Leir m’avait confié que le Dr VernonClark s’était retrouvé en grande difficulté
à cause de cette affaire. Il avait perdu son poste à l’université de Californie,
n’arrivait pas à en trouver un autre, et sa femme l’avait quitté. Le producteur
Chris Wyatt, qui s’était passionné pour les ovnis et préparait le lancement d’un
grand site web, y a brutalement renoncé, et ne s’occupe plus du tout
d’ufologie. D’autres analyses avaient été annoncées par VernonClark, mais on
n’en avait plus de nouvelles. Selon le Dr Leir, elles ont bien eu lieu, de manière
très confidentielle. Il m’a autorisé à dire qu’il s’agit des South West Laboratories
à San Antonio, au Texas, et que ces nouveaux tests ont été réalisés par le
physicien William Mallow. Je peux citer au moins deux résultats : l’objet a une
légère courbure qui a pu être modélisée sur ordinateur. Il en résulte qu’il
semble provenir d’une paroi interne de forme cylindrique. De plus, il a été
établi que la surface interne du fragment a été exposée à des températures très
élevées… Or Mallow, qui avait donné ces informations à Leir, les a ensuite
démenties abruptement au téléphone. Ajoutons, au risque de choquer certains,
qu’il est mort très peu de temps après, de leucémie.
Soudain, de nombreux fragments sont apparus
Selon Derrel Sims, le mystérieux fragment que je viens d’évoquer lui avait été
donné en octobre 1995. Il l’avait présenté en mai 1996 à la conférence de
Saint-Marin en Italie, et avait informé des ufologues des analyses isotopiques
dès septembre de la même année, donc bien avant les révélations de
VernonClark. Cela pourrait-il expliquer l’apparition de deux autres débris
supposés de Roswell, à la même époque ? Heureusement, ceux-ci ont pu être
écartés assez rapidement. Voici d’abord le cas le plus simple.
Un fragment supposé de l’ovni de Roswell est apparu par le canal de
l’émission de radio populaire d’Art Bell. Celui-ci a reçu, le 10 avril 1996
(notons la proximité des dates), une première lettre anonyme avec un petit lot
de fragments métalliques. Cette lettre racontait une véritable histoire de
science-fiction. Le disque accidenté était une navette d’un grand vaisseau arrivé
par une « porte dimensionnelle » située à 32 années-lumière de la Terre, où il
stationnait (c’était encore loin !). C’est le survivant du crash qui avait raconté
son histoire par communication télépathique, en excellent anglais. La source
anonyme avait envoyé une seconde lettre, avec d’autres détails, notamment le
fait que leur appareil avait des panneaux de contrôle moulés aux formes de
leurs mains. Justement, il y avait un tel élément dans le film très controversé de
l’autopsie divulgué par Ray Santilli l’année précédente. Bien que ces fragments
aient été dûment analysés à la Midwestern University, on sent bien qu’il y avait
là un gros risque de désinformation, comme l’ont reconnu Michael Hesemann
et Philip Mantle, qui ont raconté cet épisode dans leur livre Beyond Roswell 83.
Mais voici un autre cas de faux débris qui a été plus difficile à élucider et qui
reste, pour cette raison, intéressant à raconter.
Un débris de joaillerie japonaise
Un débris mystérieux est apporté par un inconnu au musée de Roswell le 24
mars 1996. Le directeur du moment est Max Littell, connu pour son appétit
commercial. Littell fait rapidement un premier communiqué de presse
annonçant que le chef de la police et un membre du musée ont porté le
fragment au New Mexico Tech à Socorro, le 29 mars, pour analyse. Puis un
article du Roswell Daily Record du 5 avril fait savoir que le morceau a été
analysé « la semaine précédente » (admirons la célérité de l’opération), non pas
au New Mexico Tech, mais à l’Institute of Mining and Technology de la même
ville. Et l’analyste, Chris McKee, déclare déjà qu’il s’agit d’un matériau
d’origine inconnue. Comment est-il passé en un rien de temps d’un laboratoire
à l’autre, mystère.
Le dénouement de cette histoire va finir par tomber quelques mois plus tard.
L’Albuquerque Journal du 6 septembre 1996 publie les révélations des auteurs
du canular. C’est un artiste, Randy Fullbright, qui a créé ce débris de joaillerie,
d’aspect assez curieux et difficile à identifier, et c’est son complice Blake Larsen
qui l’a donné à Max Littell. Fullbright prétend avoir informé Littell dès qu’il a
vu la photo du morceau dans les journaux, mais que ce dernier ne l’a pas
écouté. Le journal ajoute que Littell dit avoir vendu des photos du morceau
aux visiteurs, qui lui ont rapporté 1 500 dollars ! On ne pouvait pas mieux
faire pour tourner en ridicule les analyses de fragments, pendant que le
Dr VernonClark poursuivait discrètement son étude. Le canular a été
démasqué, en fait, par le directeur des recherches du musée, Miller Johnson,
qui a raconté l’histoire dans un article du Mufon UFO Journal 84. Son enquête
est un modèle de rigueur scientifique qui mérite bien d’être racontée.
L’enquête de Miller Johnson, directeur des recherches du musée de Roswell
Citons le premier paragraphe de l’article :
« Comme le savent sans nul doute la plupart des lecteurs, un fragment métallique, censé
avoir été récupéré sur le site des débris du crash de Roswell, a attiré l’attention du monde
entier en mars dernier. Une analyse pour déterminer les éléments qui le composent a été
organisée au Bureau des Mines et ressources minérales du Nouveau-Mexique (à Socorro),
par Max Littell, du Musée international et centre de recherche. L’analyse par fluorescence
aux rayons X [« X ray fluorescence analysis »] a déterminé que le fragment de 1,616 gramme
était une combinaison de Cu (cuivre) et de Ag (argent) avec des traces de sodium,
d’aluminium, de silicium, de fer, de chrome, de soufre et de chlore. Le musée ovni de
Roswell a alors reçu un second fragment, fourni par la même source. »
Après discussion avec l’auteur du test, Chris McKee, et avec le professeur
C. B. Moore (alors en retraite à Socorro) qui y avait assisté, Johnson a
recommandé à la direction du musée une analyse isotopique. Lorsque les ratios
isotopiques d’un élément sont calculés, on peut les comparer aux ratios
courants sur terre. S’ils s’en écartent de plus de 0,5 à 1 %, on peut les
considérer comme une indication positive de possible origine extraterrestre.
Celle-ci nécessitait un équipement sophistiqué appelé « spectromètre de masse
par ionisation thermique » (« Thermal Ionization Mass Spectrometer », ou
TIMS). Miller Johnson a identifié un équipement de ce genre au Laboratoire
national de Los Alamos (LANL), dans le nord du Nouveau-Mexique, et a
obtenu qu’une telle analyse y soit réalisée. Faut-il le rappeler, le laboratoire de
Los Alamos est l’un des hauts lieux de la recherche scientifique, notamment
militaire, aux États-Unis. C’est là que fut conçue la première bombe atomique.
Après accord signé le 14 juin, l’étude a été réalisée par Larry Callis, chef de
l’équipe de spectrométrie de masse, le 1er et le 2 août 1996, avec l’aide de son
équipe, sur deux fragments, en présence de Miller Johnson. Miller Johnson a
reçu les résultats par fax le 15 août. Celui-ci soulignait que les tests avaient été
réalisés avec un appareil (modèle VG-354, fabriqué par FisonsVG en Grande-
Bretagne) utilisé normalement pour des analyses de haute précision de
matériaux nucléaires. Citons tout de suite la conclusion de l’étude : « Ainsi, il
apparaît que les ratios isotopiques mesurés sur les deux fragments ne sont pas
inhabituels – c’est-à-dire qu’ils sont typiques de valeurs terrestres. »
Résumons les résultats, détaillés par Miller Johnson dans son article.
Dans du cuivre ordinaire, on trouve environ 70 % de l’isotope 63 et 30 %
d’isotope 65. Plus précisément, le rapport des deux est le « ratio isotopique »
63Cu/65Cu, dont la « valeur acceptée » est de 2,244.
De même, pour l’argent, qui combine normalement les deux isotopes 107 et
109, la valeur acceptée du ratio isotopique 107Ag/109Ag est de 1,0764.
Les valeurs trouvées pour les fragments étaient : pour le cuivre, 2,2391 ±
0,0022 à 0,0024 ; pour l’argent (un seul fragment a pu être étudié par manque
de temps) : 1,0764 ± 0,0010. La valeur trouvée pour l’argent était parfaitement
normale, mais il y avait pour le cuivre une petite variation par rapport à la
valeur acceptée, de 0,2 %. L’étude de Los Alamos commentait ainsi ces
résultats :
« Les valeurs publiées indiquent qu’un écart de quelques dixièmes de pour cent sont
possibles. Ainsi, pour que les fragments puissent être décrits comme inhabituels, les ratios
isotopiques mesurés devraient être bien en dehors des valeurs terrestres possibles, soit
différentes d’au moins 0,5 à 1 %. Ce n’est certainement pas le cas du cuivre et de l’argent
contenus dans ces fragments. »
Ainsi, résume Miller Johnson dans son article, l’analyse isotopique a fourni
des valeurs « typiques de valeurs terrestres ». Cependant, il restait un aspect
curieux à examiner. Des microphotographies optiques réalisées également à
Los Alamos avaient fait apparaître que ces fragments comportaient huit
couches très fines, alternées, de cuivre et d’argent, ce qui était inhabituel. Mais
cette question a été elle aussi résolue. Le 5 septembre 1996, Miller Johnson a
eu plusieurs entretiens téléphoniques avec le journaliste John Fleck, de
l’Albuquerque Journal, au sujet de ce mystérieux fragment. Fleck lui a dit qu’il
était sur une piste, qui a été révélée dès le lendemain en première page du
journal. Voici exactement ce qu’en dit Johnson dans son article du Mufon UFO
Journal :
« Fleck avait interviewé par téléphone un certain Randy Fullbright, joaillier à Saint
George, dans l’Utah. Fullbight lui avait dit que le fragment original était un déchet (« a
piece of scrap ») provenant de son atelier. Le 7 septembre, j’ai visité la bijouterie James
Kallas à Santa Fe pour y photographier des échantillons de bijoux de Fullbright qui y
étaient exposés. Pour moi, le mystère des fragments était maintenant résolu à 99 %. »
Johnson raconte qu’il a eu trois longues conversations téléphoniques avec
Mr Fullbright, qui lui a décrit les caractéristiques du débris. Il s’agit d’une
ancienne technique japonaise appelé Mokun Gane, et Fullbright lui a posté des
échantillons de déchets pour comparaison. Johnson avait maintenant la preuve
convaincante, résolvant le puzzle du fragment. Et il écrit :
« Le 19 septembre, une réunion matinale avec les officiels du musée a refermé le dossier
[closed the case]. Il a été constaté que le fragment numéro 2 du musée et l’échantillon
fourni par le studio de Fullbright coïncidaient [positive match]. »
Miller Johnson conclut ainsi son article :
« L’enquête scientifique employée dans cette affaire très commentée, nationalement et
internationalement, a renforcé la crédibilité du Musée international et centre de recherche
sur les ovnis de Roswell. »
Ce qu’il ne dit pas, c’est que, au cours des mois précédents, le musée avait fait
une exploitation commerciale pour le moins imprudente de ce débris,
notamment à l’occasion du festival annuel du mois de juillet, qui commençait
à prendre de l’ampleur cette année-là, sous l’impulsion de l’avocat Max Littell,
administrateur du musée. Ainsi, l’enquête de Johnson venait à point nommé
pour redresser la situation…
Le canular de la momie indienne
Mentionnons ici brièvement un autre canular avéré, qui a déstabilisé,
pendant un temps, des enquêteurs, principalement Tom Carey et Donald
Schmitt. Ceux-ci annoncèrent en 2014 avoir mis la main sur une
photographie, qu’ils pensaient authentique, d’un cadavre extraterrestre ! Tom
Carey déclara que cette photo faisait partie d’un lot de diapositives
Kodachrome, authentifiées par les laboratoires Kodak comme datant de 1947,
qui lui avaient été remises par un couple âgé vivant au Texas. La femme était
une avocate qui avait travaillé dans le Renseignement pendant la Seconde
Guerre mondiale, et son mari avait été géologue pour une compagnie
pétrolière. Une source qui semblait donc crédible.
Cette annonce spectaculaire suscita un vif intérêt, mais ne tarda pas à
produire une polémique. Abrégeons cet épisode un peu triste des enquêtes sur
Roswell. L’examen poussé des diapositives finit par révéler que le cadavre était
la momie d’un enfant indien exposé dans un musée au Nouveau-Mexique !
Comment avait-on pu faire une telle erreur ? Il y a de bonnes raisons de penser
que c’était un piège qui avait été tendu à ces enquêteurs. D’une part, l’origine
des photos était en fait mal connue, et, de plus, les premiers documents fournis
étaient flous ! Puis, comme par magie, on avait eu enfin une photo nette de ce
cadavre, qui s’avéra être une momie dans une vitrine de musée…
2005 : Nick Redfern relance la polémique
Au début des années 2000, de nouvelles enquêtes, nous l’avons vu, ont
commencé à relancer Roswell. Mais, sans surprise, les attaques contre Roswell
ont repris elles aussi. Ainsi, en juin 2005, a été lancé avec beaucoup de
publicité un très curieux livre d’un ufologue britannique assez connu, Nick
Redfern, à qui des informateurs confidentiels, anglais et américains, auraient
« révélé » la vérité sur Roswell. Oui, il y avait bien eu un crash dans la région de
Roswell, mais c’était en fait celui d’une sorte de planeur expérimental, lancé à
White Sands avec à son bord des prisonniers handicapés de la guerre du
Pacifique, sur lesquels on avait fait secrètement des essais d’irradiation en vol !
Le titre du livre était lui-même exotique : Body Snatchers in the Desert 85, calqué
sur le titre du film d’horreur Invasion of the Body Snatchers (en français,
L’Invasion des profanateurs de sépultures, 1978).
Un examen un peu critique du livre a rapidement mis en pièces cette histoire
absurde. Les prisonniers étaient censés provenir du sinistre camp japonais près
de Harbin, l’Unité 731, en Mandchourie, où avaient été expérimentées des
armes de guerre biologique sur de malheureux prisonniers chinois. On y avait
même pratiqué des opérations de vivisection sans anesthésie ! L’existence de ce
camp est authentique, mais les militaires américains ne pouvaient pas avoir mis
la main sur ces prisonniers, tout simplement parce qu’ils n’avaient pas pu y
mettre les pieds. À la fin de la guerre, ce sont les Soviétiques qui ont envahi la
Mandchourie, en une dizaine de jours, avec plus de cinq mille chars. De toute
façon, les Japonais avaient rasé le camp et tué tous les prisonniers restants, juste
avant l’arrivée des Russes !
Tout était de la même cuvée dans le livre scandaleux de Redfern, et la seule
question qui demeure, à vrai dire, est de savoir pourquoi un auteur aussi réputé
a pu se fourvoyer à ce point. Au cours de l’été 2005, j’ai participé activement à
la critique du livre sur Internet, si bien que le Mufon UFO Journal m’a
commandé un article, publié dans son numéro de décembre. Redfern, furieux,
m’a répliqué dans un numéro suivant, auquel j’ai répondu à mon tour, et la
polémique s’est arrêtée là. Curieusement, cet auteur, maintenant établi aux
États-Unis, a encore pu défendre sa thèse au Festival de Roswell de 2007, où il
avait des amis. Mais, à une question posée par un spectateur lors du débat
final, il a dû avouer que plus personne ne croyait à son histoire.
Les documents « Majestic 12 »
et les trop nombreuses soucoupes de Roswell
Dans les précédents chapitres, nous avons déjà exploré, et refermé, plusieurs
fausses pistes sur la soucoupe de Roswell. En particulier, celle de la plaine de
San Agustin, soutenue par un faux témoin, Gerald Anderson. Vers la fin des
années 1990, de nouvelles pistes sont encore apparues, révélées dans des
documents qui ont fait couler beaucoup d’encre, surnommés « Majestic 12 »,
car ils émanaient, a-t-on dit, du groupe d’études ultra-secret qui aurait été créé
par le président Truman en 1947 dans la foulée du crash de Roswell. Ces
documents ont « fuité » de manière anonyme, et certains – mais pas tous –
évoquent d’autres crashs d’ovnis dans la région de Roswell. Leur authenticité
reste mise en doute par de nombreux chercheurs, mais ils contiennent des
éléments intéressants et il faut donc les examiner.
C’est d’abord le « Briefing pour le président-élu » Eisenhower reçu par la
poste en 1984, par Bill Moore et Jaime Shandera, et révélé en 1987. Il ne cite
pas le crash de Roswell, mais d’autres, apparus au cours des années suivantes.
Puis il y a un second Briefing, montré à Linda Howe en 1983, par l’agent
Richard Doty de l’Afosi (Air Force Office of Special Investigations) sur la base
de Kirtland, près d’Albuquerque, selon lequel il y aurait eu deux crashs dans la
région de Roswell. L’un d’eux, au moins, aurait été provoqué par un radar au
sol près de Corona qui aurait perturbé son système de navigation. Linda Howe a
demandé à Doty pourquoi il lui montrait cela et non pas à la grande
presse. « Parce que vous êtes plus facile à manipuler », lui aurait-t-il répondu !
Linda Howe l’a raconté dans son livre An Alien Harvest paru en 1989 86. Pour
ma part, je doute fortement de la véracité de cette histoire. En particulier, il n’y
a, à ma connaissance, aucun témoin de la région qui aurait vu ce radar près de
la bourgade de Corona.
Les crashs se multiplient dans les documents
« Majestic 12 »
L’histoire se corse avec l’apparition dans les années 1990 d’un gros paquet de
documents. Ils ont été révélés par un ufologue peu connu, Tim Cooper, qui a
dit les avoir reçus d’un agent retraité surnommé « Cantwheel », dont l’identité
reste inconnue. Le Dr Robert Wood et son fils Ryan les ont publiés dans une
brochure de 190 pages en 1998, The Majestic Documents 87. Ryan m’en a donné
une copie, lors de la conférence de Laughlin de 2000 au Nevada, où j’étais
invité pour présenter le rapport du Cometa. Voici quelques « révélations »,
résumées, contenues dans ces documents, qui tournent autour de la découverte
de plusieurs véhicules accidentés en juillet 1947. Ce sont, notamment :
–une instruction (field order) donnée début juillet 1947 à une unité spécialisée,
l’« Interplanetary Phenomenon Unit (IPU) » de se rendre immédiatement sur
les lieux ;
–un « résumé » de l’IPU, document de sept pages daté du 22 juillet. Celui-ci
décrit sommairement la découverte de deux objets volants entre le 4 et le
6 juillet, l’un près de Corona, site « LZ-1 » (LZ, pour landing zone) – on
reconnaît là le ranch de Brazel – et l’autre à environ 30 kilomètres au sud-
ouest de Socorro, près d’Oscura Peak, proche du site de l’explosion de la
première bombe atomique (en fait, au sud-est de Socorro). Sur ce deuxième
site, on a trouvé cinq cadavres, d’environ 1,50 mètre de haut, la peau gris-
rose, pas de cheveux, le corps mince, vêtus d’une combinaison ajustée, à
l’épreuve du feu. Ils sont sexués mais de manière peu visible. D’autres corps
ont été trouvés près du site LZ-1, ainsi que des parties de corps d’animaux à
l’intérieur de l’appareil à LZ-2. Peu après la découverte à LZ-2, quatre
techniciens sont tombés gravement malades et trois sont morts
d’hémorragie ;
–une instruction donnée le 8 juillet au général Twining de se rendre à White
Sands pour faire une évaluation des ovnis qui y sont conservés ;
–un rapport de Twining du 16 juillet, de trois pages, intitulé « Air Accident
Report », qui décrit la soucoupe trouvée près de Victorio Peak (autre site plus
au sud), en forme de “beignet” d’environ 10 mètres de diamètre (35 pieds).
À l’intérieur, un compartiment suggère la présence possible d’un « moteur
atomique ». Les scientifiques allemands de Fort Bliss et White Sands (c’est là
qu’était notamment von Braun) n’ont pu identifier cet appareil comme un
engin secret humain. Selon Oppenheimer et von Karman, c’est le corps
même de l’appareil qui pourrait faire partie du système de propulsion (une
idée qui figurait déjà dans le livre du colonel Corso : l’appareil pourrait se
charger électriquement…) ;
–un mémorandum du CIG (« Central Intelligence Group », précédant la CIA
qui va être mise en place le 18 septembre, le même jour que l’US Air Force).
Daté du 19 septembre, et signé Hillenkoetter (directeur du CIG puis de la
CIA dans la foulée), ce texte d’une seule page dévoile l’existence d’un
troisième site, à 50 kilomètres (30 miles) à l’est du terrain d’aviation
d’Alamogordo (plus tard Holloman), découvert le 5 juillet !
–vient ensuite un mission assessment de 19 pages, daté du 19 septembre, qui
inaugure le sigle « ULAT » pour désigner les ovnis (unidentified lenticular
shaped aerodyne). Là, il y a un petit problème : les deux zones de crash sont
inversées. LZ-1 est placée près de Socorro ;
–enfin, une pièce importante, non datée mais écrite d’après le contexte en
1952, le « Premier rapport annuel » du Groupe Majestic 12. De nouvelles
précisions sont apportées, sans toutefois clarifier complètement ce scénario
d’accidents en série. On y évoque l’éjection à haute altitude d’un « cylindre
de sauvetage » (escape cylinder) à la suite d’une collision entre deux soucoupes
d’origine interplanétaire. Des cinq corps retrouvés, deux étaient dans le
cylindre. Mais la suite n’est pas claire, envisageant l’hypothèse assez
incroyable d’une collision avec un appareil expérimental (on a observé la
fusion de trois spots radar).
Que penser de tout cela ? On pense, évidemment, au risque de
désinformation « amplifiante » déjà évoquée pour le film de l’autopsie en 1995.
Voici encore une « révélation » sensationnelle sur Roswell, publiée par le
Huffington Post le 8 juin 2012 et aussitôt répétée à satiété sur Internet. Selon un
officier à la retraite, le lieutenant-colonel Richard French, il y aurait eu deux
soucoupes accidentées, dont l’une au moins aurait été abattue par un avion
expérimental aux essais à White Sands, avec une arme à « pulsations
électroniques » ! Si l’on peut être sûr d’une chose, c’est qu’il n’existait pas de
telles armes à l’époque, et sans doute pas non plus aujourd’hui. Voilà donc un
pseudo-témoignage parfaitement ridicule, qui tourne à la science-fiction, à la
manière de la série Stargate. Ce lieutenant-colonel French révèle également
qu’il avait fait du « debunking » des ovnis à l’époque de la commission « Livre
bleu » de l’Air Force, dans les années 1950-1960. En somme, il a repris du
service.
Voici maintenant, pour terminer, ce live en beauté, la plus magnifique
« révélation » sur Roswell, faite en 2011 à une jeune journaliste par un
ingénieur à la retraite de la Zone 51.
L’ultime révélation : un canular de Staline
avec le Dr Mengele !
Un nouveau livre, paru en mai 2011 aux États-Unis, a vite fait du bruit :
Area 51: An Uncensored History of America’s Top Secret Military base 88.
L’auteur, Annie Jacobsen, semble avoir de sérieuses références. Elle est une
journaliste diplômée de la prestigieuse université de Princeton, et a publié des
reportages dans des journaux connus, comme le Los Angeles Times.
Son livre a rapidement attiré l’attention des médias, et a ouvert une vive
polémique. Pourquoi cela ? Pas sur le sujet principal de son enquête, l’histoire
de la mystérieuse Zone 51 – encore que des experts y ont trouvé des erreurs –
mais parce qu’elle évoque à la fin du livre un nouveau scénario sur le crash de
Roswell, qui lui aurait été révélé par un ancien ingénieur de la Zone 51 ayant
participé à l’étude de l’ovni.
Disons-le tout de suite : c’est peut-être le scénario le plus grotesque qu’on ait
proposé à ce jour sur le crash de Roswell ! Encore plus fort que les Body
Snatchers de Nick Redfern. Le journal britannique Daily Mail Online du
16 mai 2011 résume ainsi son scénario :
« Une révélation explosive sur le crash de Roswell en 1947 : un nouveau livre prétend que
l’“engin alien” accidenté était une invention nazie et que les corps d’“aliens” supposés
étaient ceux d’aviateurs mutants malformés, œuvre du Dr Joseph Mengele, l’“ange de la
mort” du IIIe Reich. Et c’était orchestré par le leader soviétique Joseph Staline pour
effrayer les Américains. »
Citons plus longuement cet article du Daily Mail Online :
« C’est l’une des plus grandes théories de conspiration de tous les temps sur les “aliens”.
Mais à présent un nouveau livre a trouvé une nouvelle explication, encore plus bizarre,
pour le crash supposé d’un engin alien à Roswell en 1947 : c’était un plan monté par
Staline pour effrayer les Américains. Après avoir interviewé d’anciens travailleurs de la
controversée Zone 51 au Nevada, l’auteur Annie Jacobsen a révélé un récit fantastique
impliquant l’ancien leader soviétique, le savant nazi Joseph Mengele et un groupe
d’aviateurs malformés à l’“allure d’enfants”. Selon le livre de Mme Jacobsen, Zone 51, une
histoire non censurée, Staline avait conçu une machination pour créer une panique d’une
ampleur comparable à celle causée par la célèbre émission radiophonique d’Orson Welles
en 1938 qui avait mis en scène l’invasion extraterrestre fumeuse de La Guerre des mondes.
Utilisant un seul chasseur à réaction nazi capturé, appelé le Horten HO 229, Staline avait
conçu le plan de faire atterrir l’avion aux États-Unis avec à son bord des aviateurs à
“l’allure d’enfants malformés”. Il était escompté, écrit Mme Jacobsen, que cet atterrissage
causerait une panique terrible chez les Américains. Pour créer ces créatures monstrueuses,
il avait fait appel au Dr Mengele, surnommé “l’ange de la mort” à la suite de ses horribles
expériences sur des prisonniers dans un camp de concentration (Auschwitz). Staline avait
eu recours à l’expertise de Mengele pour créer ces monstres à l’allure d’enfants, en échange
de la fourniture d’un laboratoire d’eugénisme. Apparemment, Mengele, qui se cachait à
l’époque en Amérique du Sud, ayant fui l’Allemagne à la fin de la Seconde Guerre
mondiale, avait jugé que le projet valait bien de prendre un risque pour sa sécurité.
Le crash de Roswell s’est inscrit, chez les adeptes de théories conspirationnistes, comme un
“cover-up” du gouvernement américain. Selon cette histoire, une soucoupe volante alien
s’était écrasée inexplicablement à Roswell, Nouveau-Mexique, avec des aliens gravement
blessés à son bord. À l’époque, les porte-parole de la base militaire de Roswell avaient dit
qu’un “disque volant” avait été trouvé, mais seulement quelques heures plus tard cette
déclaration avait été rétractée en affirmant qu’il s’agissait en fait d’un ballon météo.
L’incident avait été à peine rapporté, jusque dans les années 1970 quand une série de livres
et de documentaires avaient fait renaître les théories de la conspiration selon lesquelles un
atterrissage alien avait bien eu lieu.
Selon le livre (de Jacobsen), le stratagème ne s’était PAS déroulé comme prévu. L’avion,
piloté à distance, s’était écrasé lors d’un orage électrique, et le gouvernement américain
avait agi rapidement pour cacher l’incident. Mlle Jacobsen a écrit : “Ils trouvèrent des
corps à côté de l’appareil. Ce n’étaient pas des aliens. Ils n’étaient pas non plus des
aviateurs volontaires. Ils étaient des cobayes humains. D’une petitesse inhabituelle pour
des pilotes, il s’avéra qu’ils étaient des enfants. Chacun d’eux mesurait moins d’un mètre et
demi (cinq pieds). Ils étaient déformés de manière grotesque, mais tous de la même
manière. Leur tête était plus grosse que la normale et leurs yeux étaient également plus
grands, de forme anormale.”
Il n’est pas dit clairement comment le Dr Mengele avait réussi à “créer” ces pilotes
malformés mais, selon Mlle Jacobsen, certains avaient été trouvés dans le “coma mais
encore vivants” après le crash de Roswell. La source de Mlle Jacobsen pour cette histoire
fantastique est un ingénieur à la retraite de la société EG&G qui a travaillé à la Zone 51 en
1978. Cette société a été chargée de nombreux projets secrets du gouvernement
américain. »
Que conclure après un tel festival de stupidités ? Que le dossier de Roswell
mérite mieux que cela. Citons justement, pour finir, l’opinion de l’ancien
astronaute Edgar Mitchell, qui s’est déclaré convaincu de la réalité du crash de
Roswell, avant sa mort en 2016.
Le crash de Roswell confirmé par l’astronaute
Edgar Mitchell
C’est en 1998 que l’ancien astronaute Edgar Mitchell a commencé à révéler
publiquement qu’il avait eu confirmation, par des informateurs bien placés, de
la réalité de l’accident d’un ovni à Roswell. Il avait déjà commencé à évoquer
cela en privé dès 1991, mais c’est dans un entretien publié par le Sunday Times
du 11 octobre 1998 qu’il a vraiment révélé sa conviction, et ses déclarations
ont eu rapidement un certain retentissement, étant donné sa carrière
d’exception. Docteur en physique aéronautique et spatiale du prestigieux
Massachusetts Institute of Technology (MIT), et membre de la mission lunaire
Apollo 14 en 1971, Mitchell fait partie du petit nombre d’hommes qui ont
posé le pied sur la Lune. En dépit du scepticisme officiel américain,
notamment de la Nasa, sa carrière lui donnait « un certain poids » !
Les sceptiques n’ont pas manqué de le prendre pour cible, faisant de lui une
sorte d’illuminé qui croyait aux phénomènes paranormaux. Il est exact que
Mitchell s’y intéressait, et il ne s’en cachait pas. Il avait d’ailleurs tenté une
expérience de télépathie au cours du vol d’Apollo 14. Très marqué par cette
expédition lunaire, qui lui avait fait saisir l’immensité cosmique, il avait fondé
en 1973 l’Institut des « sciences néotiques », consacré à des recherches sur
l’esprit et la spiritualité.
Edgar Mitchell a réitéré publiquement sa conviction au sujet de Roswell et de
l’existence d’une politique du secret, à l’occasion d’un nouvel entretien diffusé
cette fois sur une petite radio britannique, Kerrangs, en juillet 2008. Cet
entretien impromptu a eu aussitôt un grand retentissement, tout
particulièrement aux États-Unis, signe que l’opinion a bien évolué dans ce
pays, y compris dans les grands médias, ces dernières années. Lors de cette
émission, Edgar Mitchell a notamment déclaré :
« Il se trouve que j’ai eu le privilège d’être mis au courant du fait que nous avons été visités
sur cette planète, et que le phénomène ovni est réel. Le secret a été bien gardé par tous les
gouvernements depuis environ soixante ans, mais cela transpire lentement et quelques-uns
d’entre nous ont eu le privilège d’être en partie informés. Des partisans de la théorie
extraterrestre pour les ovnis croient que Roswell, au Nouveau-Mexique, fut le site d’un
crash alien en 1947. J’ai fréquenté des milieux militaires et de renseignement qui savent
que, sous la surface de ce que l’on sait publiquement, nous avons bien été visités. En lisant
les journaux récents, on voit que cela semble arriver assez souvent. »
Edgar Mitchell n’a pas dévoilé ses sources, s’agissant de personnes en activité
à des postes élevés de responsabilités. Malheureusement, nous ne le saurons pas
car il est décédé en 2016. Espérons que sa prise de position, courageuse, va
inciter d’autres témoins importants et crédibles à parler et à franchir la barrière
du secret.
81. Chris Wyatt, « Press conference », Mufon UFO Journal, septembre 1997.
82. Roger K. Leir, The Aliens and the Scalpel. Scientific Proof of Extraterrestrial Implants in
Humans, Granite Publishing, P.O. Box 1429, Columbus, NC 28722, USA ; tr. fr. Ovnis et
É
implants. Un chirurgien témoigne, Éditions Le Mercure dauphinois, 2003, 4, rue de Paris,
38000 Grenoble.
83. Michael Hesemann et Philip Mantle, Beyond Roswell, op. cit.
84. Miller Johnson, « Roswell debris jeweler’s cast-off », Mufon UFO Journal, novembre 1996.
85. Nick Redfern, Body Snatchers in the Desert. The horrible truth at the heart of the Roswell
story, New York, Paraview Pocket Books, 2005.
86. Linda Moulton Howe, An Alien Harvest, 1989. Linda Moulton Howe Productions, P.O.
Box 538, UntingdonValley, PA 18006.
87. Dr Robert M. Wood et Ryan S. Wood (dir.), The Majestic Documents, 1998. Publié par
Wood & Wood Enterprises, PO Box 2272, Redwood City, CA 94064-2272.
88. Annie Jacobsen, Area 51: An Uncensored History of America’s Top Secret Military base
(« Zone 51 : une histoire non censurée de la base militaire américaine top secrète »), États-
Unis, Little, Brown, 2011.
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