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22/4/23, 4:25 μ.μ. J.-B. Bullen. Byzantium Rediscovered.

J.-B. Bullen. Byzantium Rediscovered. The Revival of the Art and Architecture of the Byzantine Empire

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Cahiers victoriens et édouardiens


67 printemps | 2008
Colloque de la S.F.E.V.E./Congrès de la S.A.E.S.
Comptes rendus

J.-B. Bullen. Byzantium Rediscovered. The


Revival of the Art and Architecture of the
Byzantine Empire
Bénédicte Coste
https://doi.org/10.4000/cve.8665

Bibliographical reference
J.-B. Bullen. Byzantium Rediscovered. The Revival of the Art and Architecture of the Byzantine Empire, London, Phaidon, ISBN : 0714839574. Hardback. ISBN :
0714846384. Paperback

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1 Victoria Street à Londres possède deux bâtiments qui résument sans doute l’histoire architecturale du xixe  siècle en
Occident  : le Parlement et la cathédrale de Westminster. Le premier est l’exemple du gothic revival auquel de nombreuses
études ont été consacrées, la seconde d’un renouveau byzantin qui demeure peu ou prou inexploré. C’est à combler cette
absence que s’emploie l’ouvrage de J.-B. Bullen avec talent et érudition. Retraçant l’histoire de Byzance depuis l’Empire romain
jusqu’à sa chute en 1453, l’auteur poursuit par une brève histoire de la fortune critique d’un art qui va, peu à peu, venir
symboliser l’altérité proche. Oublié lors de la Renaissance, frappé d’ostracisme par un xviiie siècle sceptique, le style byzantin
apparaît dans une dimension exotique au début du xixe dans un contexte de nationalisme naissant, et de découverte de
l’histoire. Byzance, berceau de la chrétienté, devient très rapidement un enjeu politique, religieux et esthétique, en particulier
sur le vieux continent, à l’inverse des U.S.A., moins tributaires du passé, qui ont un rapport purement esthétique à un style
qu’ils mêlent à d’autres pour créer des œuvres singulières. Au début du xixe  siècle, les Allemands et les Français utilisent le
terme pour décrire des monuments utilisant l’arc rond, en concurrence avec le terme de néo-grec ou de Rundbogenstil. Tout
édifice non-gothique se voit rangé dans la catégorie assez imprécise du style byzantin, ce qui conduit à une certaine confusion
que seules les fouilles et les recherches permettront de clarifier en définissant les styles byzantin, roman et gothique, à partir des
années 1830. Dès l’origine, le style byzantin apparaît comme le contre-modèle simple de l’exubérance gothique et son renouveau
commence dans la seconde moitié du xixe  siècle avant d’atteindre sa vitesse de croisière au tournant du siècle, quoique sans
l’intensité du renouveau gothique.
2 L’ouvrage est très ambitieux : un chapitre est consacré à l’aire germanophone (Bavière, Prusse, Autriche), à la France, puis à
la Grande-Bretagne ainsi qu’à l’Amérique du nord et c’est à une véritable histoire de ce renouveau qui se déploie en architecture,
en peinture et dans l’art de la mosaïque que J.-B.  Bullen s’attache. L’ouvrage adopte une double perspective à la fois
géographique et chronologique en commençant par l’Allemagne où, dans les années 1820, les frères Boisserée, Melchior, grand
collectionneur de peintures allemandes médiévales et Sulpiz, dessinateur des églises allemandes, font dériver la peinture et
l’architecture religieuse allemandes de Byzance. C’est cependant au roi de Prusse Frédéric-Guillaume IV que l’on doit l’Ancient
Architecture in Constantinople (1854) de Salzenberg qu’il a dépêché en Turquie et qui fait redécouvrir à l’Europe la Sainte-
Sophie de Justinien.
3 Incarné par les rois de Bavière, de Prusse ou certains artistes viennois, le byzantinisme germanophone est avant tout
individuel, non-conventionnel et permet l’expression d’idées ou de sexualités minoritaires. Tout différent sera le byzantinisme
français, né de l’exploration archéologique de la Grèce et de la Turquie, d’un engouement pour l’architecture byzantine perçue

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comme une tradition française et du renouveau de l’intérêt pour la décoration des églises au moyen d’un style hiératique et
permanent. Deux monuments-phares permettent d’éclairer les enjeux du renouveau byzantin français : Sainte-Marie-Majeure à
Marseille (1852) et le Sacré-Cœur parisien. Le premier relève de la tradition romantique, le second du renouveau catholique du
dernier tiers du xixe  siècle. À Marseille, Vaudoyer construit une église symbolisant la prospérité locale, le catholicisme et la
mythologie méditerranéenne. L’architecte ex-saint-simonien mêle harmonieusement divers procédés dans un bâtiment qui
reprend une histoire architecturale allant des thermes de Dioclétien à la renaissance florentine, en passant par les églises
méridionales, couvrant l’Orient et l’Occident... au cœur d’une zone commerciale. Le Sacré-Cœur parisien (1876-1891) est
l’expression de la consolidation rêvée du pouvoir religieux après la déroute de 1870. Il synthétise également divers styles avant
d’inspirer à son tour d’autres édifices. Ces deux monuments sont construits en des temps troublés par des hommes convaincus
et témoignent des relations houleuses entre l’Église et l’Etat en France. Dans cette perspective, l’art byzantin est principalement
apprécié des ultramontains et son renouveau culminera dans la décoration du Panthéon, expression du nationalisme consécutif
à la guerre de 1870.
4 En 1850, sous l’influence d’H. Flandrin, le style byzantin symbolise l’égalitarisme libéral. Après 1870, le renouveau de la
mosaïque exprime la stabilité religieuse et nationale avant que le style byzantin ne soit repris par la Décadence littéraire et
picturale sous une forme théâtralisée, contemporaine de la vulgarisation habile de Bayet dans L’art Byzantin (1883). Le
byzantinisme français sert à exprimer diverses tendances : l’ascétisme pieux voire dogmatique, la décadence et l’excès fin-de-
siècle. Les ultramontains désireux de stimuler un renouveau spirituel y voient un véhicule de l’autorité. Les architectes en usent
dans leurs expérimentations teintées de nationalisme. Les peintres en font un moyen de contestation du réalisme et du
matérialisme pictural.
5 Le renouveau byzantin en Grande-Bretagne s’inscrira également dans un contexte de débats religieux. Le style byzantin
apparaît dans un grand éloignement historique et géographique mais, dès les années 1830, les historiens de l’architecture s’y
intéressent et certains architectes commencent à l’utiliser pour leurs églises. Le débat sur la place des styles non-gothiques en
matière d’architecture ecclésiastique dans les années 1840 manifeste l’intérêt des Victoriens pour les styles, avant que la prose
enflammée de Ruskin ne déplace le centre de gravité de l’art vers Venise qui restera à ses yeux le paradigme de l’art byzantin.
Mais c’est le mouvement Arts and Crafts qui donne l’impulsion nécessaire au renouveau, en même temps que s’opère une
redécouverte de la mosaïque chez les Britanniques sous le patronage inattendu de la Reine Victoria avec une version germanisée
du style byzantin pour la décoration intérieure en mosaïque de l’Albert Memorial. Plus tard, la St  Paul’s American Church à
Rome sera décorée par les mosaïques de Burne-Jones dans une perspective de démocratisation de l’art héritée de Ruskin et
Morris. Dans les années 1880, ce dernier fait plusieurs conférences sur l’art byzantin, exemple d’un art autonome, témoin de la
liberté personnelle et politique en même temps qu’animé d’une dimension collective. Yeats en sera l’auditeur attentif. À cette
époque coexistent deux visions de Byzance qui donnent lieu à deux sortes de renouveau : une vision académique incarnée par
les études byzantines anglaises naissantes, et une version plus théâtrale exemplifiée par les arts vivants ou certaines églises à la
polychromie flamboyante. Le summum sera néanmoins atteint avec la cathédrale de Westminster construite par le converti
Bentley et qui est la première église catholique d’importance majeure depuis la Réforme. À la fois symbole du renouveau
catholique, cette basilique rassurante et accueillante, achevée en 1903, laissera le gothique à Westminster Abbey pour
réaffirmer la primauté chronologique du catholicisme. Sa décoration intérieure donne lieu à maints débats. Certaines chapelles
seront en mosaïque et jusqu’en 1950, Anrep travaillera à la Chapelle du Saint-Sacrement dans une perspective ouvertement

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néo-byzantine. L’histoire du renouveau byzantin en Grande-Bretagne est celle d’un combat inégal avec le gothique qui puise
néanmoins aux mêmes sources.
6 Telle n’est pas la situation américaine : les U.S.A. ne sont pas les héritiers des byzantins et le renouveau n’entretient que peu
de lien avec la théologie. C’est une Byzance profane qui part aux U.S.A. pour donner le style romano-byzantin ou roman-
provençal d’H.  H.  Richardson, autrement appelé «  Richardson Romanesque  », le byzantinisme des architectes R.  A.  Cram et
B.  Goodhue, tandis que L.  C.  Tiffany et J.  S.  Sargent reprennent des éléments originaux orientaux pour servir un art
éminemment idiosyncrasique. Leur byzantinisme synthétique sert davantage à créer une distance critique qu’à témoigner de la
place du religieux. Comme en Angleterre, quoiqu’avec quelques décennies d’écart, des édifices publics ou commerciaux
utiliseront le style byzantin avec une indifférence totale pour l’authenticité historique au profit de l’affirmation de la
fonctionnalité des lieux et de leur caractère laïc comme le State Capitol à Lincoln (Goodhue, 1920-32) qui célèbre la vie toute
profane du Nebraska.
7 Comme le renouveau gothique, le renouveau byzantin est né de la nostalgie pour un passé révolu. Incarné par l’architecture,
la peinture, la mosaïque, il s’agit d’un mouvement « riche, exotique, et complexe » (226) dont le potentiel théâtral ne pouvait
que donner lieu à une utilisation à des fins idéologiques et politiques sous la forme d’une tension entre une vision égalitaire et
une vision autoritaire. Néanmoins, parce qu’il a été le concurrent malheureux du gothique, il a été le style d’hommes singuliers
qui en ont fait un style également érotique, qu’il s’agisse des rois Louis de Bavière ou de Ruskin et Klimt.
8 Accompagnant de commentaires indispensables la définition progressive du style byzantin au xixe siècle, J.-B. Bullen dresse
tour à tour des portraits attachants de créateurs marginaux, de monuments ou d’œuvres singuliers. Les pages consacrées au
Sacré-Cœur ou à la cathédrale de Westminster sont excellentes, la description enrichissant les magnifiques photos, les portraits
des rois ou de certains architectes sont concis et précis, les très nombreux ouvrages cités sont synthétisés de façon
remarquable... y compris les redoutables Stones of Venice. Le chapitre consacré à la Grande-Bretagne est d’une érudition
impeccable et retrace le renouveau du début du xixe siècle jusqu’au milieu du xxe siècle, en passant par Bloomsbury, et offre un
panorama complet des hommes, des œuvres et des enjeux qui laisse le champ ouvert et balisé à des recherches ultérieures que
nous espérons nombreuses. La partie consacrée à la France nous fait regretter qu’une version en français de cet indispensable et
très bel ouvrage n’existe pas. Le thème et les recherches de J.-B. Bullen dont lui-même souligne le caractère inaugural (quid des
autres pays d’Europe centrale et orientale où le style byzantin n’était pas un renouveau mais une survivance  ?) mériteraient
d’être plus largement diffusés.
9 L’ouvrage s’accompagne d’un précieux index et d’une très riche bibliographie. Il est illustré de 250  photos dont  220 en
couleur qui sont tout simplement magnifiques. Le beau et le bien !

References
Electronic reference
Bénédicte Coste, “J.-B. Bullen. Byzantium Rediscovered. The Revival of the Art and Architecture of the Byzantine Empire”, Cahiers
victoriens et édouardiens [Online], 67 printemps | 2008, Online since 10 February 2021, connection on 22 April 2023. URL:
http://journals.openedition.org/cve/8665; DOI: https://doi.org/10.4000/cve.8665

https://journals.openedition.org/cve/8665?lang=en 4/5
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About the author


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Alexis Easley, Clare Hill, and Beth Rogers (eds), Women, Periodicals, and Print Culture in the Victorian Period, [Full text]
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