La jeune fille préparait sa valise avec une hâte mal dissimulée, mais ses
pensées n’étaient pas des plus joyeuses.
Elle était en colère, furieuse même, suite a une conversation qu’elle avait eue quelques heures plus tôt avec son grand-père. « alors ma chérie, il reste une journée avant la fin des inscriptions ne rate pas ta chance ! » avait-il déclaré d’un air insistant. La jeune fille avait levé les yeux au ciel, agacée. Et voilà qu'il recommençait son sermon. "Tu sais très bien que je n'ai pas besoin d'amis, surtout que les élèves de la classe n'ont pas l'air de m'aimer. Et puis en parlant de compagnie, il y a toi ou les autres". "Comment peux-tu savoir si elles ne t'aiment pas si tu ne leur a jamais parlé ? Et puis, quand je parle de compagnie, je parle de filles, des filles de ton âge," avait-il soupiré avant d'ajouter : "En tout cas, je vais t'inscrire. Tu verras, je suis persuadé que tu aimeras. Bon, va préparer ta valise." "Mais grand-père !", avait-elle protesté. "Il n'y a pas de 'mais' qui tienne," avait-il répliqué en souriant. La jeune fille avait soupiré, exaspérée, avant de sortir de la pièce, sous l'air amusé de son grand-père. Elle soupira et referma la valise, elle n'avait rien contre ce voyage scolaire en soi. Mais sympathiser avec des gens, ce n'était pas vraiment son truc. Elle aurait bien aimé avoir des amies, mais les relations sociales étaient un peu compliquées pour elle. En effet, depuis deux ans qu'elle suivait des cours en ligne, elle n'avait jamais interagi avec aucune de ses camarades. Au point que l'on croyait qu'elle était une sorte de fantôme ou bien carrément une machine. Les plus imaginatifs disaient même qu'elle était un agent de l'État ou quelque chose du genre, ce qui la faisait rire parfois. Elle ne faisait que le strict minimum en classe, ne participait que rarement et en groupe, elle ne faisait quasiment rien. Elle aurait pu être première de la classe si elle avait voulu investir plus d'efforts, mais elle préférait faire en sorte que sa note ne dépasse jamais les 14/20, histoire de garantir une vie d'écolière normale et totalement invisible. Tout cela pour dire que ces vacances scolaires ne seraient certainement pas de tout repos. Elle soupira encore en pensant à cela, puis descendit pour dîner. Deux jours plus tard, une voiture noire s'arrêta devant l'aéroport espagnol pour déposer l'étudiante de 14 ans. Avec une casquette et un masque, son visage était à peine visible. "Tu comptes vraiment rester comme ça?" demanda son grand-père, "Tu as l'air d'une personne suspecte." "Tu m'obliges à voyager contre mon gré, et maintenant tu critiques mes choix vestimentaires? C'est cruel de ta part, grand-père", rétorqua-t-elle. "N'en fais pas trop. J'ai hâte de rencontrer tes futures amies", répondit-il avec enthousiasme. "Très drôle ! Quand arrêteras-tu de me harceler à ce sujet ?", dit-elle avec un air abattu. "Jusqu'à ce que tu trouves une amie, bien sûr ! Je ne demande pas grand-chose, tu as juste besoin de te faire une amie. Ce n'est pas si compliqué. Considère cela comme l'objectif de ton voyage." Elle soupira, se résignant à l'idée. Au moins, elle allait essayer, il ne pourrait pas lui reprocher de ne pas avoir tenté. "D'accord, à dans un mois, grand-père", dit-elle en lui donnant un baiser affectueux. Le vieil homme sourit avant de remonter dans la voiture. Deux heures et demie plus tard, elle arriva à l'hôtel londonien où elle allait séjourner le temps d'un week-end. Le but était de rassembler tous les élèves qui n'arrivaient pas tous a la même date, avant de les séparer en deux groupes: l'un se rendrait en Irlande, tandis que l'autre partirait en Écosse. Le réceptionniste s'inclina légèrement en la saluant d'une voix polie. "Bienvenue, mademoiselle. Avez-vous une réservation ?" « Oui, la réservation a été faite sous le nom de Estella Hamilton". "Estella... ah, vous voilà. Tenez, voici vos clés. Vous serez au troisième étage, porte 105." Elle prit les clés et se dirigea vers les escaliers. Mais dès qu'elle leva les yeux vers eux, que les jeunes étudiantes bavardant joyeusement, la bloqua. "Il y'a trop de monde ici, trouvons les escaliers de secours", pensa-t-elle, et discrètement, elle se faufila jusqu'à sa chambre. En rentrant dans sa chambre, Estella ne put s'empêcher de faire une moue désapprobatrice. "Cette chambre est bien trop grande pour une élève en voyage, surtout si je l'occupe seule. Je lui avais pourtant dit d'éviter les dépenses inutiles", murmura-t-elle en observant les lieux. En effet, ayant fait une inscription de dernière minute, son grand-père avait pris en charge les frais de l'hôtel. C'est pourquoi elle se retrouvait seule dans une chambre, sans aucune de ses camarades de voyage. Sa chambre d'hôtel était trop spacieuse pour une élève en voyage. personne ne penserait qu'elle faisait partie du groupe d'étudiantes. Son grand-père avait dépensé de manière excessive, malgré ses recommandations contraires. "Commençons par déposer la valise", pensa-t-elle. Après une douche rafraîchissante elle mit un pyjama confortable, elle appela la réception pour commander de la nourriture. Le soleil venait juste de se coucher, laissant place à une légère brume nocturne. Elle avait acheté cette après-midi du matériel de dessin, elle commença un tableau, le temps passa et elle décida d'aller se coucher. Le lendemain matin, elle prit son petit déjeuner, veillant à ne croiser personne dans les couloirs de l'hôtel. Une fois dans sa chambre, elle s'enferma pour ne pas être dérangée. Elle sortit sur le balcon, profitant de l'air frais et paisible. Le paysage urbain de Londres s'étendait devant elle, baigné par les premières lueurs de l'aube. Elle se mit alors à travailler sur sa peinture inachevée de la veille. Au bout de trois heures de travail acharné sur son dessin, Estella ne remarqua pas la présence d'une personne qui l'observait attentivement. Subitement, une voix enjouée la sortit de sa concentration : "Waouh, c'est magnifique ce que tu dessines !" La jeune fille sursauta brusquement au bruit et, sans même tourner la tête vers son interlocutrice, se mit à rougir violemment avant de fuir vers sa chambre en toute hâte. Surprise, la fille qui avait interpellé Estella l'appela plusieurs fois sans obtenir de réponse, tandis que la jeune fille, honteuse sans raison apparente, resta immobile au milieu de la chambre. La jeune fille se sentit soudainement prise au piège alors qu'elle entendait les coups à sa porte. " il y'a quelqu'un ? Allez, je sais que tu es la !" Son cœur battait à tout rompre et elle ne voulait pas répondre. Doucement, elle s'approcha de la porte, sans pour autant bouger la poignée. L'inconnue continuait de frapper en vain. Estella ne put s'empêcher de penser que la personne de l'autre côté était assez tenace. Finalement, quelqu’un interpela la jeune fille à l'extérieur. "je peux savoir ce que tu fais, Mirai?" "Ah c'est toi Vivianne, rien, je voulais juste rencontrer ma voisine de chambre. Elle semble être une étudiante de voyage." "Premièrement arrête de harceler les gens, et deuxièmement je ne pense pas que tu aies raison, bien que la plupart des élèves logent a cet étage, cette chambre ne fait pas partie des chambre étudiante, donc ne dérange pas les clients inutilement c’est impoli.." "Oh, ce n'est pas la fin du monde", répliqua Mirai en feignant d'être boudeuse, elle ajouta "et aussi mademoiselle la voisine, j'aimerais bien voir votre tableau une fois terminé", ajouta la personne à l'extérieur de la porte. Estella, qui avait entendu toute la conversation, frissonna en entendant qu'on s'adressait à elle. Au moment de se coucher ce soir-là, Estella repensa à la scène de l'après-midi et serra les dents. Elle jugeait sa propre réaction pathétique, ne sachant comment réagir face à une simple approche. Elle se souvint alors qu’on l'avait "chargé" de se faire une amie, et elle réalisa que la situation n'était pas des plus encourageantes. Le lendemain matin, la jeune Mirai, pleine d'énergie, toqua à nouveau à la porte : "Y a-t-il quelqu'un ? Je ne vais pas te manger, tu sais !" Une femme de chambre qui passait par là lui demanda ce qu'elle cherchait. "Je toque, mais personne ne répond", dit-elle "Si vous parlez de la chambre 105, la cliente a déjà rendu les clés", répondit la femme de chambre. "Ah, je vois", soupira Mirai, déçue. "J'aurais aimé qu'elle me montre son tableau." Abattue, elle descendit les marches en direction de la réception pour restituer les clés de sa chambre. C'est alors que le réceptionniste l'appela : "Mademoiselle, êtes-vous la cliente de la chambre 104 ? Tenez, ceci vous est destiné." Il lui remit une enveloppe et un petit paquet. "S'agit-il de moi ?" demanda-t-elle, perplexe devant l'absence de nom sur les colis. "Savez-vous de qui cela provient ?" "Ces objets ont été confiés par la cliente de la chambre 105, qui a expressément demandé qu'ils vous soient remis." "Ces objets ont été confiés par la cliente de la chambre 105, qui a expressément demandé qu'ils vous soient remis." Les yeux de l'adolescente brillèrent alors qu'elle ouvrait l'enveloppe pour y découvrir plusieurs photos du tableau et du paysage. Puis, elle ouvrit le petit paquet et un sourire radieux illumina son visage : il contenait une version miniature du tableau peint par Estella. De l'autre côté de la réception, Estella scrutait attentivement la jeune fille qui ouvrait ses colis et esquissa un sourire timide en voyant l'émerveillement de sa camarade. La professeure d'histoire attendait patiemment que les élèves montent un à un dans le bus. Estella se posta contre une fenêtre, coiffée d'une casquette et équipée d'un masque et d'un casque audio vissé aux oreilles. Elle jeta un regard furtif à sa voisine, c'était Vivianne, l'amie de la turbulente Mirai. Discrètement elle observa minutieusement la jeune fille, elle avait deux ans de plus qu'elle, elle était assise parfaitement droite sur son siège, ses cheveux bruns et longs, descendant jusqu'à sa taille. La dernière arrivée fut Mirai, qui prit place sur la même rangé que Vivianne et Estella. Quand Mirai remarqua la présence d'Estella, elle questionna Vivianne : "Tiens, c'est qui près de toi Vivianne?" Estella paniqua légèrement. "Je ne sais pas, je n'ai pas demandé. Et puis, laisse les gens tranquilles." répondit Vivianne. "Tu n'es pas sympa, bougonna Mirai, avant d'ajouter, Mais attends, elle me dit quelque chose." Elle regarda fixement Estella, qui semblait s'enfoncer dans son siège, les yeux mi-clos, comme si elle allait s'endormir. Elle n'avait pas eu le temps de voir le visage de la jeune fille sur le balcon, mais elle savait pertinemment que c'était elle. Leurs regards se croisèrent et Mirai sourit malicieusement, avant de se dire qu'elle s'était peut-être trompée. Une trentaine de minutes plus tard, Estella semblait toujours endormie ou très concentrée sur ce qu'elle entendait. Vivianne lisait un livre près d'elle, tandis que Mirai discutait joyeusement avec une camarade. D'une voix méprisante, une jeune fille qui était assise sur le siège avant dit au deux filles assises près d'elle: " Apparemment le fantôme de la classe est parmi nous". - Tu parle d'Estella Hamilton ? comment cette fille minable peut-elle venir ! Muette comme elle est !" - On la voit jamais et on l'entend jamais, elle doit être tellement moche, j'aurais honte moi aussi si je lui ressemblais. - elle est tellement minable que c'en est risible." Leurs rires bruyants résonnaient dans le bus. Estella, restée immobile sur son siège, continuait de simuler le sommeil. Peu importe ce qu'elles disaient, cela n'avait pas d'importance pour elle. Une petite voix timide intervint : "Mm... je ne pense pas que cela soit correct..." la fille arrogante répliqua immédiatement, sans ménagement : "Tu n'es même pas dans la classe, mêle-toi de tes affaires." Estella fut surprise par cette intervention inattendue, mais ne dit rien. Vivianne prit la parole pour défendre sa camarade : "Ce n'est pas une façon de parler de sa camarade. Vous devriez avoir honte mesdemoiselles, surtout que vous l'accusez injustement." Un sourire s'afficha sur le visage de Estella, qui se sentait heureuse que quelqu'un prenne sa défense, même si elle savait que les accusations n'étaient pas entièrement injustifiées. La dispute s'apaisa progressivement lorsque la professeure s'approcha, mettant un terme aux échanges animés. Et pour le reste du trajet, le silence régna en maître. Le bus s'immobilisa devant une auberge de jeunesse. Madame Leroy, la professeure d'histoire annonça avec un sourire : "Nous allons séjourner ici pendant quatre jours avant de partir pour l'Écosse. Nous irons visiter le musée de Manchester après-demain." "Posez vos affaires et rejoignez-moi dans la grande salle pour que je distribue les clés des chambres", ordonna-t-elle. Estella fut affectée dans une chambre pour deux personnes, espérant secrètement ne pas avoir à cohabiter avec l'une des pestes du bus. En ouvrant la porte de sa chambre, elle vit Vivianne. "Ah, tu es également dans cette chambre ?" demanda la lycéenne. Estella hocha lentement la tête. "Enchantée, je m'appelle Vivianne de Vinci", se présenta-t-elle. "Une descendance de Léonard de Vinci ?" pensa Estella en souriant. "Je ne suis pas une descendante du grand peintre", répondit Vivianne, comme si elle avait lu dans les pensées de sa jeune camarade. "Et toi, quel est ton nom ?" "Estella Hamilton" répondit la jeune fille d'une voix timide. Vivianne resta immobile pendant un instant, avant de sourire maladroitement. " Elle doit croire que je dormais, pendant qu'elle réprimandait ces pestes". Elles déballèrent leurs valises. Vivianne proposa de faire une promenade à l'extérieur, mais Estella déclina l'invitation en bégayant. La lumière du jour déclina sur la ville de Manchester, laissant la place à une obscurité qui gagnait peu à peu du terrain. Vivianne était parvenue juste à temps pour le dîner, qui fut servi dans la salle a manger. Une fois le repas terminé, chacun regagna sa chambre respective. " la salle de bain est libre, tu peux aller te doucher" annonça Vivianne, en train de se sécher les cheveux. Estella acquiesça silencieusement avant de se retirer avec ses affaires. Pendant ce temps, Vivianne s'installa sur son lit, un ouvrage à la main. Lorsque Estella sortit de la salle de bain, Vivianne lui proposa son aide pour sécher ses cheveux, mais elle resta sans voix en la voyant pour la première fois sans sa casquette et son masque. depuis le début du voyage elle n’avait pas bien distingué son visage ni même son apparence. Estella était plus grande qu'elle ne le pensait, avec des cheveux noirs ténébreux et ébouriffés qui lui arrivait un peu au-dessus des épaules. Ses yeux verts profonds et timides brillaient d'une lueur pétillante. Vivianne ne pouvait s'empêcher de la trouver adorable. "Trop mignonne ! On dirait un bébé...", s'exclama Vivianne, réalisant trop tard qu'elle avait parlé à voix haute et rougissant d'embarras. Estella, prise au dépourvu par le commentaire de Vivianne, murmura un "merci" presque inaudible avant de cacher son visage avec sa serviette et de s'enfuir sous la couverture.