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Les amitiés toxiques

ISBN῀: format numérique


978-2-7640-3057-8

© 2010, Les Éditions Quebecor


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7, chemin Bates
Montréal (Québec) Canada
H2V 4V7

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Dépôt légal῀: 2010


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Éditeur῀: Jacques Simard


Conception de la couverture῀: Bernard Langlois
Illustration de la couverture῀: Corbis
Photo de l'auteure῀: Claude-Simon Langlois
Conception graphique῀: Sandra Laforest
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Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre
du Canada pour nos activités d’édition.
Introduction

Décider qu’une pomme est pourrie et la jeter῀? Parfois, c’est ce que l’on fait,
peut-être un peu vite, et on le regrette après. Mais quand soudain on se rend
compte qu’une amitié bascule, et qu’en lieu et place des sentiments de
chaleur, de complicité, de solidarité, qui sont ce qu’on attend habituellement
d’une amitié saine, on ressent un malaise, une tension, une frustration, que
faire῀?
On peut d’abord se demander ce qu’on attend de l’amitié en général, et
de chacun de ses amis en particulier. L’amitié a ceci de spécial que chacun a
sa propre façon de l’expliquer ou de la définir. Pour certains, c’est la
confiance, pour d’autres, le plaisir partagé, pour d’autres encore, l’écoute et
l’acceptation. Contrairement à la relation amoureuse, l’amitié semble être
une relation simple et comprise de part et d’autre, ce qui n’est pas tout à fait
conforme à la réalité, bien qu’il n’y ait pas de manuel pratique pour nous
aider en cas de relation d’amitié compliquée ou causant de la souffrance.
D’ailleurs, la littérature portant sur le sujet de l’amitié est plutôt limitée.
Pourtant, en psychologie, actuellement, la notion de relation avec l’autre
tient un rôle extrêmement important, et elle est presque considérée comme
une condition à la santé psychologique῀: certaines thérapies de la dépression
recommandent ainsi la création ou l’élargissement du cercle social,
l’approfondissement de liens autres qu’amoureux. Le mode de vie en
Occident, où l’on trouve de plus en plus de personnes qui vivent seules, la
rapidité des communications, l’écroulement des liens sociaux dits
traditionnels (famille, couple, tribu) nous incitent à une recherche parfois
éperdue de liens significatifs. Des relations à l’intérieur desquelles nous
pourrons être nous-même, sans fausse pudeur. Des relations où la critique
puisse être acceptée pourvu qu’elle soit constructive et sans jugement de
valeur. Des relations où il y a plaisir, parfois conflit, mais la plupart du
temps acceptation de notre individualité.
Il y a actuellement une légende sociale῀: celle de l’amitié éternelle.
Comme si «῀ami un jour, ami toujours῀» était une condition essentielle à la
notion de sociabilité. Ce mythe est presque aussi prévalent que celui de
l’amour éternel, et la rupture d’un lien amical peut avoir des conséquences
néfastes, par exemple un chagrin d’amitié, au même titre qu’une rupture
amoureuse, surtout si on reste passif devant la situation. Passif en ce sens
qu’on ne se pose pas trop de questions, qu’on ne remet en cause ni nous-
même ni l’autre. Ce qui est intéressant, c’est que l’amitié permanente et
éternelle ne peut pas exister, parce que cette notion ne tient pas compte du
changement, du fait que la vie n’est pas statique, et qu’une personne peut au
cours de sa vie et de ses expériences changer non pas de personnalité mais
de point de vue et de façon de réagir. Acquérir de la patience et de la
tolérance, ou, au contraire, devenir plus impatient à propos de ce qu’elle
considère comme une perte de temps. Et tout simplement se connaître
mieux, et donc faire des choix plus éclairés sur l’entourage. On peut en
effet, en se libérant de certains patterns de comportement, mettre fin à une
longue amitié, ou à tout le moins la remettre en question. Peu d’amitiés sont
permanentes et à temps plein῀; l’important, c’est qu’elles soient authentiques
et qu’on s’y sente bien. Le besoin de les faire durer toujours ne doit pas être
une obsession, car dès qu’il y a obsession, quelque chose de malsain et de
faux s’insère dans le lien῀: je veux que tu restes mon ami, je vais donc
changer mon comportement pour te plaire et ainsi conserver ce lien. Cela
fausse toute la relation.
Un autre mythe est celui de l’amitié «῀totale῀». Selon cette croyance, une
seule personne, notre «῀meilleur ami῀», peut combler tous les besoins
relationnels d’un autre ami. Or, Marie peut être très amie avec Virginie sans
avoir du tout les mêmes goûts en matière de cinéma. Elle a horreur du sang
ou des scènes de violence explicite, alors que Virginie adore l’action et le
suspense, quand Josée ne jure que par les comédies romantiques, que les
deux autres trouvent insipides. Que faire῀? Tout simplement d’abord ne pas
juger, accepter de ne pas partager l’intérêt pour cette activité… Et accepter
aussi que l’autre soit différent de soi, et non mieux ou moins bien. Cette
approche de l’amitié permet de diversifier les occasions de rencontre et
ouvre des avenues intéressantes socialement῀: de nouveaux sujets de
conversation, des expériences à partager. Lorsqu’on accepte sans problème
de ne pas toujours faire partie de la vie de l’autre, il en découle que l’autre
ne fait pas non plus partie de toute notre vie, ce qui permet une plus grande
liberté, mais aussi une plus grande acceptation et une plus grande
compréhension mutuelles.
Ce qui distingue l’amitié d’une simple relation, c’est le degré de
familiarité du lien entre deux personnes. Au départ, il y a des points
communs, des affinités, de la courtoisie, de la camaraderie. Mais pour que
l’autre devienne un ami, il doit y avoir un minimum de communauté de
pensée, de similarité des points de vue, presque une hiérarchie partagée des
valeurs. Il faut de la complicité, de la confiance, de l’intimité, une
compréhension mutuelle des références. L’amitié implique le partage, la
solidarité, la disponibilité réciproque. C’est la rencontre intime de deux
individualités. Tout cela fait qu’il y a enrichissement de la relation et
enrichissement personnel de chacun des partenaires. Il est donc plus simple
de trouver des références communes avec quelqu’un de la même origine et
du même milieu῀; cependant, l’ouverture d’esprit face à la différence peut
aussi être source d’amitié et de plaisirs partagés.
Par ailleurs, l’aspect de la qualité de la relation est plus important que
celui de la quantité de temps qui lui est consacré. En effet, on peut revoir un
ami après des années, se «῀re-rencontrer῀» comme si c’était hier et revenir au
présent sans que le passé soit un obstacle. À l’inverse, on peut voir une
personne chaque jour mais maintenir la relation à un niveau superficiel.
Certains amis comblent une partie de nos besoins affectifs, alors que
d’autres satisfont différentes attentes. Quelques-uns nous stimulent, d’autres
nous écoutent et nous calment, alors qu’avec d’autres encore nous pouvons
découvrir et jouer.
Dans certains cas, la relation s’adapte et progresse avec le temps, dans
d’autres, elle n’évolue pas et se brisera aussitôt qu’un changement de
situation se produira. Quelquefois, la relation s’éteint d’elle-même, sans
éclats. Parfois, elle se termine dans le bruit et la peine.
Une relation d’amitié peut aussi s’adapter aux changements de situation
des deux personnes, à l’évolution personnelle de l’une et de l’autre.
L’amitié peut survivre aux revers de fortune comme à l’obtention d’une
promotion, à la maladie, au mariage, aux enfants, au divorce et au deuil.
Elle peut s’épanouir dans la joie et dans la peine, dans le bruit et dans le
silence. Mais la relation peut aussi ne pas survivre aux événements de la
vie. Cela ne veut pas dire toutefois qu’elle soit moins authentique ou moins
profonde. Surtout, la relation d’amitié ne doit pas être contrainte, ni
obsessive.
Sophie a rencontré Geneviève au travail. Celle-ci était arrivée depuis
peu d’un autre pays et cherchait à se faire des relations. Sophie la
trouvait sympathique, drôle et cultivée, et elles avaient beaucoup
d’intérêts communs. Elles ont donc commencé à se fréquenter
régulièrement en dehors du travail. Sophie a présenté ses amis à
Geneviève, et elle lui proposait des activités. Puis, après deux῀ans
d’amitié, Sophie a rencontré son futur conjoint, auquel elle
consacrait de plus en plus de son temps. Or, elle s’est soudain
aperçue que quelque chose ne fonctionnait pas dans sa vie. Elle était
souvent tendue, voire anxieuse. Un jour, le téléphone a sonné chez
elle et lorsqu’elle a vu le nom de Geneviève sur l’afficheur, elle n’a
pas répondu, se disant «῀une autre fois῀». Elle a ressenti un petit choc
en réalisant que c’était la première fois – du moins de façon
consciente – que sa petite voix intérieure l’avertissait d’un malaise.
En réfléchissant bien, Sophie s’est aperçue que Geneviève l’appelait
tous les jours, et même plusieurs fois par jour, qu’elle passait très
souvent chez elle à l’improviste, et qu’elle ne prenait aucune décision
ou ne faisait aucune activité sans l’avoir consultée. Cette situation
s’était développée lentement et à son insu. Sophie a réalisé que
c’était trop pour elle et qu’elle n’avait plus à prendre en charge la
vie de Geneviève. Chaque fois qu’elle parlait à Geneviève, elle se
sentait obligée de le faire et n’en tirait plus de plaisir.
Geneviève, de son côté, était très contente de sa relation avec Sophie.
En effet, celle-ci proposait toujours des activités intéressantes et était
créative dans sa façon de voir les choses. Elle admirait aussi son
assurance, son charme et sa bonne humeur. Seule dans un nouveau
milieu, Geneviève était enchantée de s’être liée avec une personne
sympathique et intéressante, avec qui les discussions, sur toutes
sortes de sujets, étaient souvent passionnantes. Elle n’avait donc pas
cherché à se faire d’autres amis et avait concentré sa vie sociale sur
Sophie et ses amis. De son côté, lorsque Sophie a rencontré son futur
conjoint et noué avec lui une relation qui lui prenait de plus en plus
de temps, elle a pris du recul face à Geneviève, la voyant moins
fréquemment et ne lui proposant presque plus d’activités. Geneviève
a alors éprouvé un sentiment d’abandon, de trahison, ainsi qu’une
impression de solitude difficile à vivre pour elle.
Comme on peut le constater en lisant l’histoire de Geneviève et Sophie,
une personne ou l’autre n’a pas une nature toxique en elle-même῀; c’est
plutôt la dynamique entre les deux qui, à un certain point, peut devenir
toxique, puisque la vie n’est pas statique. En effet, les situations changent,
et la vie suit son cours.
Une amitié toxique nous fait souffrir, nous perturbe, nous bloque dans
l’expression de nous-même. La toxicité s’épanouit dans le non-dit, dans
l’insécurité, dans le manque de considération. Elle se manifeste d’une
infinité de façons, certaines triviales, certaines très sérieuses. Nous
n’aborderons pas ici les toxicités issues de la psychopathologie. En effet, la
majorité des gens ne souffrent pas de troubles mentaux de nature
psychotique ou de troubles de la personnalité. La plupart du temps, ceux qui
sont aux prises avec des problèmes relationnels dus à ces troubles doivent,
pour les résoudre, avoir recours à l’aide d’un professionnel.
Nous nous sommes tous, à un moment ou à un autre de notre vie,
retrouvés dans une situation d’amitié invivable, de différentes façons et
pour diverses raisons. Mais qu’est-ce qui fait qu’une amitié qui se déroulait
bien est tout à coup devenue toxique῀? Est-ce que la dynamique était
malsaine au départ῀? Est-ce qu’une des deux personnes a changé῀? Est-ce
que la situation a changé῀? Est-ce parce que l’on se rend compte, soudain,
que cette amitié ne nous apporte rien῀? Comment peut-on apprendre à
écouter notre «῀petite voix῀», qui nous dit parfois de réfléchir à ce qui se
passe῀?
Ce n’est pas la personne qui a une nature toxique, mais plutôt la relation,
qui s’est engluée dans des patterns de comportement qui sont devenus des
habitudes. Et forcément, les habitudes sont tenaces, car elles tendent à
devenir inconscientes῀: comment déceler quelque chose d’inconscient et
comment y remédier῀?
En fait, l’amitié se bâtit à deux, et la définir, c’est définir le lien et non
les personnes qui la vivent. Nous allons donc, dans ce livre, examiner les
différents types de liens amicaux, et par le fait même définir les
attachements ou les attirances spécifiques de certains types de personnalité.
Nous pourrons ensuite déterminer si ces liens sont sains ou toxiques, puis
voir comment l’on peut réagir, prendre des décisions, devant ce qui a été
constaté.
Il est donc intéressant de faire une recherche intérieure afin d’observer ce
qui ne va pas. Bien que les situations soient toutes différentes les unes des
autres, les pistes de solutions sont axées autour de trois paramètres de
réflexion῀: le diagnostic, la décision et les stratégies.
Première partie

Déceler les amitiés


toxiques
Chapitre 1

Est-ce que ça ne va vraiment pas ? ῀

Il est très rare que des gens aient des traits si toxiques qu’ils ne puissent
jamais nouer de relations d’amitié dénuées de souffrance. Il y en a, mais
cela tient alors de la pathologie. D’ailleurs, si vous faites un débat avec des
amis sur ce sujet et que vous leur posez les questions «῀Quelle est la
caractéristique la plus désagréable que quelqu’un puisse posséder selon
vous῀? Avec quel genre de personne ne pourriez-vous jamais vous entendre῀?
῀», en écoutant les réponses, vous remarquerez qu’elles sont toutes
différentes. Pour certains, ce sera une personne calculatrice, alors que pour
d’autres, sentir le calcul chez un ami ne fera qu’éclaircir les choses. Pour
d’autres, la personne la plus difficile à supporter est celle qui a une
mentalité de victime, qui a tendance à se plaindre et qui est toujours
déprimée ou malheureuse. Pour d’autres encore, c’est une personne qui est
changeante, instable, dont on ne sait jamais ce qu’elle va vouloir, dire ou
penser, alors que ces mêmes caractéristiques peuvent susciter de
l’amusement chez d’autres, qui ont plus de détachement et y verront plutôt
du mystère.
De là un premier constat῀: c’est habituellement la dynamique, la relation
qui est toxique, et non la nature des personnes qui la vivent. À propos des
relations, on parle souvent de «῀chimie῀»῀: il y a ainsi des réactions
chimiques répulsives et des réactions chimiques attractives. Mais comment
trouver l’équilibre au sein des relations et faire en sorte que celles-ci ne
comportent ni souffrance ni irritation, mais, au contraire, amour et autres
sentiments positifs῀? Il faut pour cela se questionner, chercher à l’intérieur
de soi, avec ses émotions et ses intuitions. Rester à l’écoute de soi-même et
des autres. Est-ce que nous sommes englué dans des patterns relationnels
qui nous empêchent d’évoluer, de ressentir des affinités῀? Dans la plupart
des cas, des éléments de notre passé nous poussent à rechercher certains
types de personnes, sans que l’on se demande pourquoi elles nous attirent,
et sans réaliser dès l’abord que ces personnes nous feront souffrir. En fait,
quand on réalise qu’une relation est toxique pour nous, la plupart du temps,
c’est qu’elle fait revivre une relation douloureuse de notre passé. Par
exemple, lorsque notre estime de soi en prend un coup, ou lorsqu’on a
l’impression, en présence de certaines personnes, d’être toujours inférieur
ou en défaut, fautif, lorsqu’on se sent irrité par certains mots ou certaines
choses avec un ami et pas avec un autre, lorsqu’on prend conscience de la
différence de nos émotions en présence de différents amis, on peut
s’apercevoir de la présence d’une amitié toxique. Mais lorsqu’on arrive à
comprendre de quelle manière elle est douloureuse, et ce qu’elle nous
rappelle, cette relation toxique peut nous faire avancer dans la connaissance
de nous-même et nous aider à ne plus rechercher des situations où nous
nous exposons à la souffrance.
La première difficulté consiste donc à repérer les relations qui sont
toxiques pour nous dans notre entourage. Souvent, elles sont enracinées
dans nos habitudes de vie et de contacts sociaux. Et la plupart du temps,
elles trouvent leur origine dans notre passé, dans ce qui nous a déjà dérangé
ou fait souffrir. Nous adoptons des règles de comportement différentes
selon les relations qui nous entourent῀: nous réagissons différemment selon
les gens avec qui nous sommes, même lorsqu’ils font ou disent la même
chose. En effet, c’est leur façon de le faire ou de le dire qui change notre
perception. Ainsi, le ton de la voix, la présence ou non d’une insistance, la
chaleur ou le détachement, la douceur ou l’irritation sont aussi sinon plus
importants que le message ou l’action en soi. Or nous recherchons ce que
nous connaissons῀: cette théorie n’est pas nouvelle, et Socrate lui-même
disait῀: «῀Connais-toi toi-même.῀» Si ce que nous connaissons a parfois été
douloureux ou toxique, nous aurons tendance à le rechercher. En fait, ce que
nous connaissons est un ensemble de relations positives et négatives, un
ensemble d’éléments sains et malsains, et nous recréons cet ensemble dans
notre vie.
Dans cet ouvrage, nous étudierons les différentes personnalités et
caractéristiques susceptibles de réveiller nos antagonismes et nos conflits
intérieurs. Nous verrons alors lesquelles nous devons éviter, en fonction de
nos propres caractéristiques, de notre tempérament, de notre personnalité.
Ce qui arrive fréquemment, c’est qu’une amitié devient souffrante en
raison d’un changement de situation. Par exemple, deux amis ont
sensiblement le même parcours professionnel, et l’un obtient soudain une
promotion, mais l’autre non῀; ou encore, deux femmes sont amies, mais
l’une se marie plusieurs années avant l’autre. Il y a aussi les changements
naturels de la vie, comme la croissance, les changements hormonaux dus à
la puberté, à la grossesse, à la ménopause. Et il y a également les réactions
que chacun a face au rejet, au deuil, à une perte d’emploi. On compte
également, parmi les changements de situation possibles, l’éloignement
géographique.
Ce dont on peut aussi se rendre compte, c’est que l’amitié qu’on a pour
quelqu’un peut se scléroser peu à peu῀: alors, il n’y a plus rien de nouveau,
de stimulant. La communication devient routinière, elle ne se renouvelle
pas. L’autre nous irrite toujours de la même façon, malgré toutes nos bonnes
intentions. Par exemple, Gilles et Thierry étaient devenus amis à l’école, et
ils se voyaient de temps en temps. Même si, chaque fois, Gilles était
heureux de revoir Thierry, il devenait irrité après un certain temps passé
avec lui. Il ne s’était pas véritablement interrogé à ce sujet, il subissait
simplement la situation, et avait catalogué Thierry dans les amis qu’on voit
de temps en temps, et pas trop longtemps chaque fois. Après leurs
rencontres, il se passait un long moment avant qu’il décide de revoir
Thierry. Or, Gilles a un jour pris conscience que Thierry avait un problème
obsessionnel et il s’est renseigné à ce sujet. Il a alors compris qu’il devait
prendre en compte le problème de Thierry durant leurs échanges, et petit à
petit la relation est devenue plus profonde, plus authentique. Thierry avait
toujours été très mal à l’aise à cause de ses obsessions, mais il n’en avait
jamais parlé. Le jeu de yoyo entre eux – malaise, retrait, communication
sporadique – a cessé quand la vérité s’est imposée et que Gilles a été à
même de prendre une décision éclairée au sujet de sa relation avec Thierry.
Dans ce cas, il a décidé de maintenir la relation parce qu’il a vu qu’elle
comportait pour lui plus de plaisir que d’inconvénients. Il a utilisé l’analyse
coût/bénéfices, que nous aborderons plus loin, et, après avoir pris
conscience du problème, il a fait appel à son intuition et à son empathie
dans son approche avec Thierry. Ainsi, il a pu créer une relation très
satisfaisante pour tous deux.
Chapitre 2

Y a-t-il un problème ? ῀

Les relations amicales sont comme toutes les autres relations humaines, en
ce sens qu’elles ne sont pas toujours au beau fixe. Ainsi, nous avons nos
humeurs, nos passions, nos défauts et nos qualités. Nous avons chacun nos
goûts, nos aversions, nous pouvons faire certains compromis que d’autres
ne pourraient pas faire, et, à l’inverse, être incapable d’accepter ce que
d’autres considèrent comme normal. Nous avons tous nos peurs, nos
déséquilibres, notre façon propre de voir la vie… et de la vivre. Déjà, nous
ne sommes pas tous attirés par les mêmes personnes. Ceux qui nous
intéressent s’adressent inconsciemment à une partie de nous qui est
stimulée par ce qu’ils dégagent. Et réciproquement. Il arrive que nous
soyons intéressé par quelqu’un que nous n’intéressons pas. Et
réciproquement῀: cela cause parfois une blessure de rejet, pour l’un ou pour
l’autre. Parfois, on ne se rend pas compte de la profondeur de cette blessure
que nous causons aux autres, et heureusement, car on ne doit pas toujours
avoir à marcher sur des œufs. Tout comme on ne se rend pas toujours
compte de l’intérêt que nous suscitons chez quelqu’un, les autres non plus
ne savent pas toujours que nous nous intéressons à eux. Personne ne lit dans
les pensées. Ce sont tous ces éléments qui font qu’une amitié est spéciale῀:
elle est choisie à chaque rencontre, et il n’y a pas de contrat ou d’obligation
civile, il y a simplement partage de temps passé ensemble et, au-delà de
cela, de confiance, de solidarité et de plaisir. Il y a une grande chance dans
l’amitié, et il faut y mettre un peu du sien si on veut la garder, et la garder
en bon état.
Si nous ne nous sentons pas bien dans une relation d’amitié, avant de la
rompre, il est préférable d’amorcer une réflexion, afin de savoir dans quoi
nous sommes engagé et si c’est bien là que se situe notre malaise. Nous
disposons de plusieurs outils pour engager une démarche dans le monde de
l’amitié qui est souffrante. D’abord, il s’agit de prendre conscience de nos
propres problèmes, de notre propre situation. Dans bien des cas, il ne faut
pas chercher plus loin. Le problème n’est pas celui de l’autre, après tout. Il
faut prêter attention aux messages physiques et somatiques que nous nous
envoyons à nous-même, et aussi prendre garde à ceux que les autres nous
envoient. En effet, quand nous sommes aux côtés d’une personne qui a sur
nous un effet toxique, nos réactions physiques peuvent déjà nous donner de
bonnes indications῀: on devient tendu, anxieux, on bloque sa respiration, on
se sent irrité ou triste, on a envie de s’enfuir ou encore de se fâcher contre
l’autre, d’être agressif avec lui. Toutes ces réactions que nous essayons de
ne pas manifester sont des émotions inutiles et nocives, tant physiquement
que psychologiquement. Ensuite, nous pouvons utiliser la connaissance que
nous avons de nous-même pour comprendre nos réactions face aux signaux
des autres. Enfin, nous disposons de notre intuition῀: bien que mal définie et
mal aimée des scientifiques, celle-ci existe à tous les niveaux de l’activité
sociale. À l’aide de tous ces repères, nous pouvons déjà avoir une idée de ce
qui cause notre malaise.
Chapitre 3

Utilisez le langage
non verbal : celui des

autres… et le vôtre

Tous les sentiments ont chacun un ton de voix,


des gestes et des mimes qui leur sont propres.
Et ce rapport bon ou mauvais, agréable ou désagréable,
est ce qui fait que les personnes plaisent ou déplaisent.
François de La Rochefoucauld, Maximes morales (1664)

L’expression du visage peut être attractive ou répulsive au premier abord.


Ainsi, vous pouvez faire une petite expérience῀: marchez dans la rue et
prenez une mine engageante et souriante, puis, au contraire, prenez un air
acariâtre et grognon. Remarquez les réactions des gens que vous croiserez.
Immanquablement, leur attitude reflétera la vôtre. Les gens sourient quand
ils vous voient sourire. C’est la même chose pour vous῀: quand vous voyez
une caissière ou un vendeur qui a l’air tendu et dépassé, vous ne réagissez
pas de la même façon qu’avec ceux qui sont avenants et souriants.
L’émotion est contagieuse, et elle se manifeste bien plus par le langage non
verbal que par le contenu sémantique de ce que nous disons. Quand nous
rencontrons quelqu’un, nous émettons et recevons des signaux émotifs qui
affectent les autres et nous affectent aussi.
Un bon truc à cet égard῀: prendre conscience du langage corporel. Il y a
en effet des gestes et des codes universels. Les peintres et les sculpteurs le
savent depuis longtemps, puisqu’ils donnent des émotions à leurs
personnages, tant par l’expression du visage que par la position de leur
corps. Pour ce faire, ils n’ont pas besoin d’étudier à l’école (où ça ne
s’apprend pas) «῀l’alphabet non verbal῀»῀; ils puisent plutôt dans leur propre
expérience, dans leur identification avec les émotions qu’ils veulent
représenter à ce moment, dans leur intuition. La seule école où l’on peut
apprendre à mimer une émotion est l’école de théâtre. Mais en fait, vous
êtes la personne la mieux placée pour décoder votre gestuelle personnelle et
prendre conscience du fait que vous décodez déjà celle des autres. À partir
de quelques codes de base, vous pourrez développer une meilleure
compréhension des émotions exprimées et par les autres et par vous-même,
ce qui pourra vous aider à déceler la toxicité à l’intérieur de vos relations.
Vous jouez beaucoup avec vos doigts, vous vous rongez les ongles῀? Cela
indique souvent que vous sentez à ce moment de l’insécurité en ce qui
concerne votre autonomie῀: vous ne savez pas quoi penser, quoi faire dans le
présent. Vous pouvez être en présence d’une personne à qui vous conférez
de l’autorité et avec qui vous vivez un conflit non résolu. Vous vous
attardez beaucoup aux petits détails d’un incident ou d’une perception. En
fait, vous êtes dans le doute, et ce doute touche à votre capacité
d’autonomie῀: vous pouvez être en présence de quelqu’un qui veut de façon
excessive exercer un contrôle sur vous, ou qui veut vous empêcher d’être la
personne que vous êtes. Généralement, le fait de se ronger les ongles
s’accompagne d’une sensation d’anxiété, qui se manifeste par une «῀boule
dans l’estomac῀».
Vous croisez les bras῀? Si le gauche est sur le droit, méfiance῀: vous
prenez de la distance, car la personne qui est devant vous prend trop de
votre espace. Si le droit est sur le gauche, attention à la colère.
Vous croisez les jambes῀? Attention, droitiers῀: la gauche sur la droite
indique la détente, et la droite sur la gauche, le stress et l’opposition. C’est
le contraire pour les gauchers. Pour les chevilles῀: si elles sont croisées
devant vous, pas de problème, vous êtes détendu. Par contre, si elles sont
sous votre chaise, cela signifie que vous êtes sur vos gardes, que vous êtes
méfiant.
Vous appuyez vos coudes sur la table en croisant les mains devant votre
nez῀: vous n’êtes pas d’accord avec ce qu’on vous dit, et vous attendez votre
tour de parler. Par contre, si vous tenez votre visage dans vos mains, vous
aimez bien la personne avec qui vous êtes, et vous vous sentez détendu et
stimulé. Vous tendez la main vers votre ami en lui parlant῀? Vous êtes ouvert
au dialogue, et vous vous sentez bien à l’idée d’échanger. Par contre, si vos
doigts sont serrés et le poing fermé… Pas besoin d’explications plus
précises῀!
Mordiller sa lèvre supérieure est signe de stress, d’anxiété, de malaise,
alors que mordiller sa lèvre inférieure indique le doute, le manque de
confiance. Passer la langue sur vos lèvres signifie… que vous avez soif.
Les yeux῀: baissés, ils indiquent la soumission ou le mensonge, la
dissimulation et un manque d’intérêt évident pour votre interlocuteur. Vous
regardez l’autre dans les yeux῀? Vous avez confiance et vous êtes curieux de
l’autre, de ce qu’il dit, de ce qu’il est. On dit plus avec les yeux qu’avec les
mots. On peut les lever au ciel, avoir un regard sombre, ou même noir, on
peut avoir des yeux inquisiteurs, on peut sourire avec les yeux.
Le sourire est beaucoup plus révélateur de ce que l’on ressent qu’on
pourrait le croire. Il peut être vrai, profond, exprimer de la joie, de la
confiance῀; il peut inviter, apprécier, agresser, rejeter, ironiser. Pensez à tous
les adjectifs qu’on peut utiliser pour qualifier un sourire῀; il y en a vraiment
beaucoup.
Le ton de votre voix est au moins aussi important que le contenu de ce
que vous dites, du message qui est communiqué. Ce fait est avéré, et il y a
même des logiciels ordinateurs qui sont programmés pour reconnaître
l’émotion contenue dans la voix. Par exemple, si vous dites à quelqu’un
«῀pas de problème῀!῀», vous pouvez vouloir dire qu’il n’y a pas de problème,
mais aussi que vous doutez qu’il n’y ait pas de problème, si vous le dites de
façon sarcastique. Vous pouvez aussi dire qu’il y a un problème si vous
avez un ton de voix pleurnichard et faible, qu’il y a un plus gros problème
encore si vous le dites avec colère, c’est-à-dire si votre voix devient plus
forte et plus profonde.
Attardons-nous un peu aux différents tons de la voix. Vous devez déjà
savoir de quoi il s’agit, puisque vous savez ressentir le manque de cohésion
entre le ton de voix et le discours… quand il s’agit des autres. Écoutez-vous
votre propre ton de voix῀? L’étudiez-vous pour savoir ce que vous sentez
vraiment῀? Il est difficile de modifier sa voix quand on est sous l’emprise
d’une émotion forte. Si vous êtes contrarié, votre voix risque d’être plus
aiguë qu’habituellement. Vous constaterez que vous êtes excité, en colère
ou effrayé lorsque vous parlez plus vite et plus fort. Si, au contraire, votre
voix devient plus douce et si son débit ralentit, alors il y a plus de chances
que vous soyez triste ou que vous vous sentiez coupable. Si votre voix est
douce et d’un ton moyen, vous êtes probablement timide et réfléchi. Si
votre voix est en général forte et timbrée, vous avez tendance à être hardi et
à vous mettre facilement en colère. Le ton de la voix exprime aussi les
émotions intérieures qu’on ressent lorsqu’une blessure ancienne est
réactivée par l’attitude ou le message de l’interlocuteur. Si c’est le rejet
qu’on ressent, la voix deviendra plus faible, les propos plus décousus et
vagues. Le sentiment de rejet vous empêche de parler et d’être compris, car
l’autre ne comprend pas exactement ce qui est dit, et il peut alors se sentir
déstabilisé, puis désintéressé. L’abandon provoque le sentiment d’être une
victime῀: le ton de la voix devient plus plaignard, voire geignard. Les
demandes sont relativement claires, mais souvent l’autre devient impatient
à cause, justement, de ce que provoque ce ton de voix῀: l’impression d’être
responsable de l’autre, et un sentiment de culpabilité latent, ce qui n’est pas
très agréable. Quand un sentiment d’injustice est éprouvé, la voix devient
plus forte, sèche, parfois indignée. Vous pouvez rester calme, mais votre ton
et votre attitude montrent votre indignation intérieure῀: vous répétez les
choses, vous restez distant, votre ton de voix se module de façon que votre
interlocuteur comprenne l’émotion cachée même si vous ne voulez pas
l’exprimer῀; l’autre se sent alors attaqué et cherche un mécanisme de
défense qui correspond à son type de personnalité.
Si vous vous écoutez parler, si vous modulez votre voix, si vous montrez
un visage souriant alors que vous êtes en colère, ou si vous feignez une
violente indignation alors que vous ne ressentez pas la moindre colère et
que les autres sont dupes῀: vous êtes probablement un politicien très doué.
Chapitre 4

Utilisez
votre connaissance
de vous-même

Connais-toi toi-même.
Devise de Socrate

Amélie ne pouvait plus supporter Françoise, son amie de toujours,


avec qui, pourtant, elle partageait ses secrets et faisait des activités.
Et cela la rendait malheureuse, car elle ne comprenait pas pourquoi.
Or, Françoise s’en est aperçue et lui a demandé ce qui se passait.
Elle a beaucoup réfléchi à ce qui la rendait nerveuse, aux
caractéristiques de Françoise qui la hérissaient. Et elle a constaté
que c’était depuis le décès de sa mère que c’était le cas. Elle s’est
donc demandé ce qui avait changé pour elle depuis ce décès, pour
qu’une belle amitié de longue date soit ainsi devenue impossible à
vivre. Elle alors a réalisé qu’elle vivait beaucoup de culpabilité vis-
à-vis de sa mère, car elle s’était éloignée d’elle depuis plusieurs
années. Et le fait que Françoise ait une relation privilégiée avec sa
mère lui remettait en tête, chaque fois qu’elle la voyait, cette
culpabilité. De plus, elle s’est rendu compte qu’elle avait un
sentiment de jalousie par rapport à cette belle relation, puisqu’elle
n’avait jamais eu, pour sa part, une relation mère-fille significative.
Après avoir compris ces éléments, elle a rétabli le lien avec
Françoise. En ne rejetant pas la faute sur l’autre, en reconnaissant
qu’elle avait aussi sa part de responsabilité dans la situation, Amélie
en est ainsi venue à consolider un lien de confiance important dans
sa vie.
Souvent, derrière une relation toxique, se cache une relation toxique de
notre passé. Nous répétons ainsi des comportements qui nous font souffrir
et nous recherchons inconsciemment des personnes qui vont faire ressortir
nos problèmes. Réfléchir aux raisons profondes qui font que ces personnes
nous irritent peut nous éviter, à l’avenir, de répéter ces patterns.
Avec une personne, vous êtes irrité facilement, pour des riens, alors
qu’avec une autre les mêmes choses ne vous dérangent pas. On peut en
déduire que ce ne sont pas les incidents qui vous énervent, mais les
personnes, et, au-delà des personnes, ce qu’elles éveillent en vous. Chaque
fois que Jean posait une question, ou faisait une affirmation, Sylvain se
sentait visé, coupable de quelque chose, il se sentait attaqué
personnellement, même pour les choses les plus triviales. «῀As-tu changé tes
pneus pour l’hiver῀?῀» devenait dans sa tête «῀Comment, tu ne l’as pas
encore fait῀? Tu devrais avoir honte de ton imprévoyance῀». «῀J’ai vu Patrice
aujourd’hui, il est vraiment intelligent῀!῀» devenait «῀Franchement, tu n’es
vraiment pas aussi intelligent que Patrice῀». Chaque fois qu’il était en
contact avec Jean, Sylvain était angoissé et susceptible. Il a pris conscience
doucement de cet état de choses, et il a essayé d’effacer ce concert intérieur
de reproches. Rien ne fonctionnait, jusqu’au jour où il a réalisé qu’il
rejouait sans arrêt la relation qu’il avait eue avec son oncle, qui n’avait pas
d’enfants et qui l’avait recueilli à la mort de ses parents. Quelque chose
dans la personnalité de Jean ressemblait à celle de son oncle et faisait
ressortir la relation humiliante et abaissante, pleine de critiques négatives et
de reproches qu’il avait vécue dans son enfance. Il se sentait presque
coupable d’exister, et ce discours intérieur, qu’il n’avait pas en permanence
dans la tête, était avivé par la personnalité de Jean, qui par ailleurs n’était
pas du tout méchant ou agressif envers lui.
Parvenir à la connaissance de soi et des autres permet un soulagement
certain quant à la cause du problème relationnel῀: on sort ainsi de la notion
de faute, de tort qui s’attache à une personne, pour s’attarder plutôt à la
notion de dynamique et d’évocation intérieure. Sylvain a eu comme
stratégie de se répéter, chaque fois qu’il devait voir Jean, que celui-ci n’est
pas son oncle, et de penser aux différences entre les deux. Après un certain
temps, il a réalisé que faire ressortir ces différences faisait en sorte qu’il ne
pouvait plus associer les remarques de Jean à celles de son oncle, et il a
commencé à se sentir de mieux en mieux en présence de Jean.
Si vous déterminez le type de personnalité que vous fréquentez le plus
souvent, vous constaterez que les mêmes problèmes se produisent dans vos
relations, avec des personnes différentes. Généralement, on attribue cela au
hasard, ou encore on se dit qu’on doit attirer ce genre de personne, mais
sans aller plus loin dans notre réflexion. En effet, nous attirons souvent le
même type de personnes… et nous sommes aussi attiré vers des personnes
du même type. Ainsi, nos attirances sont jusqu’à un certain point
déterminées par notre passé. Là où cela devient dommage, c’est quand nous
sentons le besoin de rejouer sans arrêt des parties où nous sommes perdant
du point de vue du plaisir, du partage et de la confiance.
Observer que le même type de problème est récurrent vous permettra de
trouver des stratégies afin de le régler en vous-même, et également de
prendre conscience d’outils qui peuvent vous aider dans vos relations
d’amitié. Ainsi, demandez-vous qui vous attire et pourquoi, et la réponse
vous apportera déjà la résolution de la moitié du problème. Avant de réagir
impulsivement à une situation ou à un événement relationnel toxique, il est
donc nécessaire de prendre du recul et de trouver, parmi plusieurs stratégies,
laquelle vous convient. Vous verrez dans la prochaine partie quelle sorte de
stratégie adopter selon les divers types de personnalité. Il est nécessaire
aussi de prendre conscience du fait que ces traits de personnalité peuvent
également être les vôtres. Et vos stratégies, dans ce cas, pourront vous aider
à prendre conscience de vos blessures et à réagir face à celles-ci.
Chapitre 5

La petite voix
intérieure, ou l’intuition

La pensée intuitive est un don sacré,


et la pensée rationnelle un serviteur loyal.
Albert Einstein

Vous sortez du four une cocotte brûlante, et vous la déposez en déséquilibre.


Votre petite voix intérieure vous dit que ce n’est pas une bonne idée, mais
vous le faites quand même. Résultat῀: elle tombe, et en plus d’avoir répandu
votre repas par terre, vous avez une brûlure au deuxième degré sur la cuisse.
Le téléphone sonne, vous regardez l’afficheur, vous voyez le nom d’un
ami et vous réalisez que vous n’avez pas envie de lui parler. Vous n’écoutez
pas cette information de votre inconscient et vous répondez. Résultat῀: vous
êtes englué dans une conversation qui vous empêche de faire ce que vous
avez à faire, et pour toutes sortes de raisons, dont la politesse, vous n’y
mettez pas fin.
Est-ce que ces incidents vous amènent à apprendre à écouter cette petite
voix῀? Eh bien non. Pourtant, la petite voix intérieure est un outil de
détection formidable lorsque vous apprenez à la connaître et à la maîtriser.
Si vous vous écoutiez et si vous faisiez confiance à vos intuitions, il y aurait
des chances pour que ce genre d’événements, somme toute très mineurs,
soient le point de départ d’une réflexion intéressante. Mais nous sommes
avant tout des êtres rationnels῀; donc, ces intuitions, ou messages de
l’inconscient, n’étant pas encore vraiment analysées scientifiquement, elles
ne nous semblent pas basées sur des faits. Ce qui fait que nous mettons de
côté ce que nous considérons comme des impressions. Mais, ainsi, nous
nous privons d’un outil relationnel très intéressant.
L’intuition a plusieurs noms῀: l’inspiration, le flair en affaires ou le
«῀momentum῀» dans les sports, la petite voix dans la vie de tous les jours,
instinct, sixième sens, vision, pressentiment, prémonition, ou encore ce
qu’on appelle «῀avoir du pif῀». L’intuition nous permet d’aller plus loin dans
la perception de ce qui nous entoure, et de faire face à ce que nous
ressentons au-delà de notre logique et de notre analyse῀: l’intuition nous
permet de compléter notre analyse consciente. Déjà Socrate concevait
l’intuition comme une partie essentielle du processus de décision humain῀: il
avait son «῀daïmon῀», qui agissait comme une force, une présence qui pousse
à l’action, qui inspire l’artiste, qui permet d’avoir un contact avec un
univers parallèle. Et, en y pensant bien, nous constatons que ceux qui
réussissent le mieux dans leur domaine sont ceux qui font preuve de flair,
de créativité, d’intuition, quoi῀!
Vous êtes en présence d’un ami de longue date et vous observez que vous
ne vous sentez pas à la hauteur, que vous avez l‘impression qu’il vous fait
une faveur en vous fréquentant. Mais comme cette impression est plutôt
diffuse, vous l’oubliez vite et continuez de le fréquenter. Mais si vous vous
arrêtez pour y penser, peut-être constaterez-vous qu’il y a longtemps que ce
sentiment de malaise vous oppresse et que vous l’avez chassé de vos
pensées parce que cela vous paraissait irrationnel, et donc inutile et non
pertinent. Deux approches d’analyse peuvent toutefois coexister, et si vous
les adoptez toutes deux, vous pouvez devenir quelqu’un à la perception plus
aiguisée et donc mieux armé pour prendre des décisions. La première
approche est rationnelle῀; elle est fondée sur le vrai et le faux, l’analyse
logique et la concordance de votre décision avec les faits avérés. De cette
façon, vous décelez les faits qui sont tangibles et vous pouvez ensuite les
mesurer, les évaluer et choisir une action qui correspond à vos déductions.
L’autre approche découle du ressenti et repose sur l’appréhension de ce qui
est intangible et imperceptible. Vous pouvez utiliser les deux approches, et
utiliser chacune à la lumière de l’autre. Voici un exercice qui vous y aidera.
Installez-vous dans une position confortable, respirez profondément et
pensez à la dernière fois que vous avez vu cette personne, sans analyser.
Essayez de simplement ressentir les effets qu’elle produit chez vous῀: le
simple fait d’être tendu ou décontracté vous donnera une indication.
Ensuite, essayez de définir ce qui vous plaît et ce qui ne vous plaît pas chez
cet ami. Vous pouvez même, après, faire un tableau. Pensez à des exemples
concrets de comportement ou de dynamique ponctuelle. À l’aide de votre
tableau, voyez s’il y a des faits qui étayent vos sentiments ou, au contraire,
qui montrent qu’ils ne sont pas fondés.

Exemples de faits infirmant ou confirmant des intuitions


Impressions intuitives Ce qui les confirme Ce qui les infirme
Impression d’être utilisé. Il a parlé de votre idée Il vous a donné
déco comme si elle le crédit pour votre
était la sienne. idée déco.
Il oublie souvent de Il paye toujours sa part
prendre de l’argent. lors des sorties.
Impression Il n’écoute pas ce que Il est empressé et sait
d’indifférence vous dites, il ne vous ce qui vous fait plaisir.
appelle jamais.
Impression C’est toujours vous Il vous appelle
de s’imposer qui le contactez. régulièrement.
Il ne vous lance jamais Il vous invite parfois.
d’invitation.
Impression Il se moque souvent Il vous écoute
d’infériorité de vous. Il vous traite comme attentivement et
un enfant. semble vous apprécier.
Il vous traite comme
un égal.

Faites attention de ne pas confondre l’intuition avec les impulsions, les


projections, les préjugés῀: cela pourrait invalider l’interprétation que vous en
faites. Certaines caractéristiques indiquent qu’il s’agit vraiment d’une
intuition. La persistance en est une῀; une autre est le fait que l’intuition
suscite une conviction profonde, qui se situe au-delà de l’ego. Souvent,
l’intuition semble aller à l’encontre de ce que nous dit notre conscient, que
cela soit issu de la logique ou de nos émotions, mais nous la repoussons du
revers de la main. Elle revient malgré tout, quand nous sommes confronté à
des situations semblables῀; c’est ce qu’on appelle la persistance. Quant à la
conviction intérieure, elle crée un effet de vérité profonde, une sorte d’éclair
de connaissance, de la même façon qu’arrivent les idées de génie, les éclats
de créativité. Ce qui peut nous amener à nous exclamer, à l’instar
d’Archimède dans son bain, «῀Eurêka῀! Eurêka῀!῀» (J’ai trouvé῀! J’ai trouvé῀!)
quand il a eu l’éclair de compréhension qui lui a permis de formuler son
principe. Cette conviction est inatteignable par les émotions, les
contradictions ou les raisonnements. En fait, l’émotion ressentie à ce
moment-là tient de la joie pure, du plaisir total de voir s’allumer une
lumière qui auparavant était éteinte. L’intuition se distingue de la
conscience par le fait qu’elle n’est pas issue de notre système de pensée ou
de notre système de valeurs. Elle ne se communique pas à nous par les
mots, par le langage ou par des images, et elle ne nous parvient pas avec ses
codes d’interprétation ou d’analyse. De plus, il ne suffit pas d’évoquer
l’intuition pour qu’elle survienne῀; il faut plutôt être réceptif à tout moment,
faire attention à ses premières impressions et les garder à l’esprit.
En ce qui concerne nos relations avec les autres, l’intuition peut nous
donner accès à un univers de réponses inattendues. Ainsi, mettre de côté
son ego, être réceptif aux besoins et aux tendances exprimés non
verbalement par nos amis peut nous amener à communiquer avec eux de
façon plus profonde et plus vraie. Vous le savez, certains regards, certains
moments de complicité pure sont la preuve que l’intuition peut exister sur le
plan de la communication.
Il n’y a pas de technique miracle pour devenir intuitif, ou en fait pour
développer l’intuition, que tout le monde possède en soi῀: oui, même les
plus sceptiques. Cependant, quelques trucs pour y avoir accès plus
facilement sont de plus en plus connus et enseignés, entre autres dans les
facultés de management, où la gestion intuitive est un thème qui prend une
place de plus en plus importante. Le premier truc est de laisser, autant que
possible, le chemin libre à l’intuition pour qu’elle se manifeste῀: faites le
vide, trouvez le calme, ne vous laissez pas envahir par des émotions
négatives, comme l’anxiété ou la peur. Vous vous placez ainsi dans une
position d’ouverture d’esprit dépourvue d’interprétations, de raisonnements,
de justifications. Le matin, par exemple, laissez venir à votre esprit ce qui
se présente à lui spontanément῀: vous pouvez avoir des pensées sur toutes
sortes de sujets, dont ce que vous devrez faire dans la journée, ou des idées
concernant un sujet qui vous préoccupe. Notez ces idées, sans
discrimination. Ne jugez pas de la validité des impressions que vous
éprouvez, afin de ne pas introduire un aspect rationnel dans le processus.
Attendez un peu, laissez les idées et impressions se déposer dans votre
conscient. C’est alors que le processus d’analyse rationnelle pourra vous
aider à dégager les priorités. Il importe à cette étape de ne pas nier les idées,
mais simplement de les tester῀: la plus grande ennemie de l’intuition est la
résistance de votre intellect à des idées que vous pensez irrationnelles.
Enfin, comparez la réalité de l’impression intuitive avec les faits tangibles,
comme, entre autres techniques, le montre le tableau précédent. L’intuition
ne se manifeste pas qu’en impressions῀: il peut s’agir d’impulsions, de
curiosité se rapportant à un thème, d’un éclair de compréhension. Si vous
voulez vérifier la valeur de vos intuitions, vous devez essayer, oser, prendre
des risques. Puis, surtout, recommencer, encore et encore῀; cela vous
permettra de manier ce nouvel outil avec de plus en plus d’habileté et
d’obtenir des résultats῀: plus vous l’utiliserez, plus vous serez à l’écoute des
autres et de vous-même.
Pour développer son intuition, apprendre à méditer ou à faire le vide est
une piste intéressante, car cela permet de développer sa créativité et son
écoute intérieure. Essayer, oser, prendre des risques permet d’apprendre à
valider ses intuitions῀; si on ne le fait pas, on n’y arrivera jamais.
Cependant, l’intuition a des ennemis. Ainsi, l’insécurité, la peur, vos
traumatismes peuvent bloquer vos intuitions. Ou encore, votre côté
analytique ou votre esprit rationnel peuvent vous amener à rejeter du revers
de la main des découvertes qui ne sont pas avérées… jusqu’à ce que
quelqu’un d’autre se rende compte de leur bien-fondé.
Maryse avait deux petits enfants au moment où elle a eu un grave
accident. Elle a dû passer plusieurs jours à l’hôpital et sa
convalescence a été longue et invalidante. Manifestement, elle avait
besoin de quelqu’un pour l’aider. Ginette, une amie qu’elle avait
connue récemment et qui était entre deux emplois, s’est alors
proposée. Maryse a accepté avec plaisir. Bien sûr, pendant quelque
temps, leur relation est devenue plus intime, mais Maryse ressentait
parfois un léger malaise à cet égard. Un matin où elle devait écrire
un mot autorisant Ginette à aller chercher les enfants à la
maternelle, elle a eu un signal d’alarme. Elle a donc écrit le mot
d’autorisation, mais elle a limité celle-ci dans le temps, à une
semaine, même si elle devrait donc en faire un autre la semaine
d’après. Ce n’est que longtemps après qu’elle s’est aperçue que
Ginette était en train de se comporter comme la mère de ses enfants
et comme la femme de son conjoint. Elle critiquait sans arrêt les
comportements de Maryse, tant comme mère que comme personne.
Elle se sentait trop chez elle et avait de moins en moins de
considération pour Maryse῀; elle parlait contre elle aux familiers de
Maryse, et souffrait manifestement d’un grave problème de jalousie.
Maryse a demandé à Ginette de ne plus venir la voir. Les faits ont
ainsi vérifié sa première intuition, et Maryse ne s’est rappelé cette
intuition que longtemps après.
Chapitre 6

La décision : ῀

laisser tomber
ou continuer ? ῀

Une fois qu’on a pris conscience de la présence d’une relation d’amitié


toxique, il y a plusieurs réactions possibles. Est-ce qu’on veut rester ami
avec l’autre῀? Est-ce qu’on veut se sauver en courant῀? Est-ce qu’on veut
prendre une pause῀?
Plusieurs pistes de réflexion s’offrent à nous. Il est d’abord intéressant de
cibler le plus exactement possible ce qu’on retire d’une amitié en
particulier, c’est-à-dire évaluer le pour et le contre. Une bonne façon de le
visualiser est de faire une analyse coûts/bénéfices. Il suffit de tracer deux
colonnes sur une feuille de papier῀: une pour les avantages et une pour les
inconvénients. On peut penser que c’est une façon par trop comptable ou
rationnelle d’évaluer une amitié, qui somme toute appartient tant au
domaine des émotions qu’à celui de la rationalité. Mais justement, si vous
notez tout ce qui vous passe par la tête au sujet de l’amitié qui vous
préoccupe, sans vous censurer, vous pourriez être surpris du résultat. Il n’est
pas nécessaire de le faire en une seule fois῀; vous pouvez y penser durant
une certaine période de temps, et chaque fois que vous vient une idée ou
une émotion au sujet de cette relation, vous le notez. La même entrée peut
figurer dans les deux colonnes῀: en effet, parfois, un trait de caractère ou une
qualité peut être tant positif que négatif en ce qui vous concerne.
L’important est d’inscrire tout ce que vous pensez, au moment où vous le
pensez. Le tableau suivant est un exemple de la recherche qu’aurait pu faire
Sophie, dans l’exemple cité précédemment, dans son questionnement relatif
à sa relation avec Geneviève.
Pour Contre
Drôle Dépendante
Sympathique N’utilise pas ses ressources intérieures
Disponible Apathique
Cultivée Opportuniste
Généreuse Manque de créativité

Une fois votre tableau fait, vous pouvez hiérarchiser vos colonnes, c’est-
à-dire placer chaque caractéristique en ordre d’importance et lui attribuer
des points. Puis, vous analysez la situation de la façon la plus détachée
possible. Vous êtes alors en mesure de décider des actions que vous voulez
entreprendre en ce qui concerne la relation. Parfois, un simple petit
changement d’attitude de votre part peut être la solution, alors qu’à l’autre
extrême il peut être nécessaire de rompre tout lien avec la personne. Quand
vous pensez à chaque caractéristique, est-ce que l’émotion ressentie est
faible ou forte, négative ou positive῀? Lorsque vous pensez à l’autre et que
vous utilisez votre intuition, que vous dit-elle῀? Si vous ressentez un malaise
général, essayez de faire une liste descriptive de ce qui vous dérange, et
focalisez-vous sur chaque caractéristique en essayant d’être objectif, c’est-
à-dire en essayant de mettre de côté les émotions qui vous appartiennent en
propre. Par exemple, si l’attitude d’Élise vous agace souvent et que vous
savez que ce sont ses critiques négatives qui vous mettent mal à l’aise,
essayez de vous dégager de vos problèmes face à la critique et de voir
quelles sont les raisons pour lesquelles Élise a ce défaut. Vous vous
apercevrez peut-être que vous avez toutes les deux eu un père qui n’était
jamais satisfait, qui était perfectionniste. Chez elle, ce trait s’est développé,
alors que chez vous il a pris la forme d’une répulsion envers le
perfectionnisme. Que faire dans ce cas῀? Soit vous trouvez que c’est trop
souffrant, et vous décidez de ne plus la voir, soit vous vous dites que vous
venez de trouver une nouvelle possibilité de connexion avec Élise῀: avoir le
même problème peut parfois conduire à des solutions.
Si le malaise que vous ressentez s’avère, après analyse, impossible à
vivre, à concilier avec une saine relation, rompez celle-ci. Il faut parfois le
faire, et ce n’est jamais drôle pour personne῀: ni pour celui qui écarte l’autre
de sa vie ni pour celui qui est écarté. Pour en parler, essayez de choisir un
moment où vous n’êtes pas en colère, sans quoi vos mots pourraient blesser
l’autre. Ne vous justifiez pas, ne vous excusez pas, car cela sous-tendrait
tacitement un intérêt à poursuivre la relation῀: c’est comme essayer d’inciter
l’autre à nous comprendre, et ainsi l’inviter à poursuivre une discussion ou
une relation. Tentez aussi d’avoir le plus de compassion possible pour les
sentiments de l’autre῀: ceux qui vous empoisonnent la vie ont aussi des
émotions. Si vous le faites avec respect et considération, et en faisant
preuve de compréhension à l’égard de l’autre et de sa réaction, quelle que
soit celle-ci, cela ne signifie pas que vous fermez la porte à tout jamais. Qui
peut voir dans l’avenir῀? Il est certain que les blessures provoquées par votre
propre insécurité et votre propre peur peuvent être plus longues à guérir que
celles provoquées par l’énonciation de la situation et de votre incapacité à
continuer à la subir. Dites la vérité, mais sans faire de reproches῀: vous
exprimer au «῀Je῀» fait ressortir que vous considérez que c’est votre
problème, ce qui est bien le cas, puisque c’est vous qui ne pouvez plus
supporter la relation avec l’autre. En effet, une relation difficile mine notre
humeur et notre équilibre῀: nous verrons plus loin quels en sont les effets.
Une chose est certaine, si vous n’êtes pas bien dans une relation, vous ne
devez pas vous y enliser, car cela ne vous mènerait nulle part, tant sur le
plan de votre évolution que sur celui de votre bien-être. La vie est si courte,
et il y a tant à faire῀!
Il est aussi possible de changer son attitude et de s’ouvrir les yeux sur
tout un pan de la personnalité de l’autre qu’on n’avait pas vu jusque-là.
Pourquoi῀? Tout simplement parce que nous avons rendu certains aspects de
l’amitié non pertinents en nous concentrant sur ceux qui sont issus de nos
soucis intérieurs. Par exemple, le fait que l’ami soit toujours disponible
pour nous, qu’il soit généreux et nous rende service a pu passer inaperçu à
nos yeux parce que nous étions trop occupé à essayer d’interpréter ses
critiques. Nous pouvons aussi avoir un ami dont l’humour nous déride, qui
nous écoute et nous met souvent de bonne humeur, mais que nous ne
pouvons plus supporter parce qu’il parle trop et qu’il prend trop de place. Si
nous changeons d’attitude et si nous acceptons les critiques comme des
preuves d’amitié, et la place que prend un ami comme une manifestation de
son impression d’être invisible lorsqu’il ne parle pas, nous serons plus
réaliste et pourrons avoir des relations plus satisfaisantes.
Nous pouvons aussi décider d’aborder avec notre ami la question du
malaise qui nous préoccupe, et voir s’il est prêt à se joindre à nous pour
trouver une solution῀: cheminer ensemble vers une plus grande
compréhension et une plus grande connaissance de l’autre peut permettre de
créer des liens plus profonds et plus sains.
Deuxième partie

Personnalités
à composantes
toxiques
Plusieurs types de personnalités peuvent être à l’origine des amitiés
toxiques, et ce, en fonction de vos propres forces et faiblesses. Nous verrons
ici quelques traits de caractère qui, poussés à l’extrême, deviennent des
pathologies ou à tout le moins des troubles de la personnalité. Chacun de
nous peut posséder ces traits de caractère de façon plus ou moins
importante. Nous nous sommes basé, pour cela, sur le DSM IV, le manuel
de diagnostic des troubles de la personnalité. Évidemment, la description
qui suit est une description des cas extrêmes, qui sera atténuée dans certains
exemples. La description des personnalités est en effet poussée à outrance
afin qu’il soit plus facile de les reconnaître. Cependant, il est rare que ces
personnalités soient pathologiques῀; en fait, chacune d’elles est présente,
jusqu’à un certain point, chez chacun d’entre nous. Et heureusement,
puisque chacune est innée et découle de notre état d’être humain.
Chaque personnalité se compose d’un côté pile et d’un côté face῀: il ne
faut donc pas trop vite rejeter certaines d’entre elles, en avoir peur ou les
mépriser῀; lorsque vous avez tendance à le faire, c’est souvent qu’un de ses
aspects vous est familier, et douloureux. Ce qui suit constitue un outil de
travail et non un outil permettant de détecter la maladie chez l’autre
puisque, encore une fois, nous pouvons tous posséder en nous une de ces
dominantes. Il n’y a donc pas de fautes ou de torts ici, il n’y a que des
tendances qui nous interpellent plus ou moins selon nos propres tendances,
notre tempérament et notre éducation.
Chapitre 7

La personnalité
narcissique

Pour la déceler
Si vous avez l’impression de connaître un narcissique, faites attention à ce
qu’il dit des autres ou à ce qu’il leur fait῀: votre tour pourrait venir῀! Des
indices῀: la nature de son humour est méchante, blessante, empreinte
d’insensibilité. Son manque de considération pour les autres, y compris
pour son conjoint, peut vous mettre sur la piste. Dans la plupart des cas, il
est imbu de lui-même. Son ego est surdimensionné. Il a de l’ambition, et sa
capacité d’empathie est égale à zéro. Quand il a obtenu de quelqu’un ce
qu’il voulait, après l’avoir flatté ou par une autre manœuvre, il peut le
rejeter comme un vieux chiffon, changer d’attitude en un instant, sans se
préoccuper des réactions de l’autre. Avec cette personne, vous vous sentez
diminué, réduit à l’impuissance. Il n’écoute pas ce que vous dites. Vous
pouvez éprouver du ressentiment envers lui, un désir de vengeance. Vous
pouvez vous sentir rabaissé et, de ce fait, irrité. Au départ, le narcissique
peut être charmant et séduisant῀; il fait souvent une bonne première
impression, car il sait se mettre en valeur et mettre les autres son côté. Mais
ça ne dure pas῀: à la moindre anicroche, il n’écoute pas l’autre, il le laisse
tomber ou se met en colère. Il n’est pas capable de travailler en équipe. Il
est impulsif.
Êtes-vous en présence d’un narcissique ? ῀

Toujours Parfois Jamais


Il se croit supérieur aux autres, 2 1 0
il se surestime.
Il est hautain et arrogant, 2 1 0
et peut être sarcastique et méprisant.
Il a besoin d’être admiré. 2 1 0
Il pense que tout lui est dû. 2 0
Il exploite et utilise les autres. 2 1 0
Il ne reconnaît pas les sentiments ou les besoins des autres. 2 1 0
Il envie les autres et croit que ceux-ci l’envient. 2 1 0
Il brise ses relations dès qu’elles ne lui conviennent plus. 2 1 0

Un total s’échelonnant entre 0 et 7 indique qu’une personne peut


présenter des traits narcissiques, mais de type narcissique mature. En effet,
nous pourrions presque tous répondre «῀parfois῀», en pensant à nous, à
plusieurs de ces questions. Nous n’en sommes pas nécessairement toujours
très fier, mais ce sont là des comportements humains. Un total entre 8 et 12
dénote une personnalité à tendance narcissique῀; cependant, la personne peut
aussi faire preuve d’empathie et de sincérité selon les circonstances de la
vie. Entre 13 et 16῀: la personne sera incapable d’entrer en relation avec
quelqu’un, car elle est trop investie dans son amour de soi.

Pour mieux comprendre


Il faut une certaine dose de narcissisme pour bien fonctionner, mais ce
narcissisme doit être mature, par opposition à un narcissisme immature ou
pathologique. Le narcissisme immature est celui de l’enfant qui a besoin
d’admiration et de sécurité, celui qui crie῀: «῀Regarde-moi, papa, regarde-
moi, maman῀!῀» quand il plonge ou qu’il court. Le narcissisme mature
consiste à croire que l’on possède ce qu’il faut pour réussir, à avoir
confiance en soi et en son avenir. Il permet de s’appuyer sur les autres au
besoin, mais pas de façon constante.
Le narcissique à outrance est incapable d’investir autre chose que lui-même.
Il s’agit de quelqu’un qui vit un amour excessif et exclusif de soi. Il a
tendance à faire de lui le centre de l’univers, il s’imagine que tout le monde
pense comme lui et a les mêmes préoccupations que lui dans la vie. Il a
probablement un problème de différentiation῀: à l’étape de l’apprentissage
de la différence de l’autre, il n’a pas acquis la notion de cette différence. Il
peut l’accepter intellectuellement, mais il ne l’applique pas dans les
situations de la vie quotidienne. Il subordonne les intérêts des autres aux
siens, il rapporte tout à lui, et il est indifférent aux autres. Son système de
valeurs ne dépasse pas sa propre individualité. Il ne voit pas en quoi faire du
mal aux autres pose problème, pourvu qu’il présume qu’il se fait du bien à
lui. Il n’est pas capable d’avoir de l’empathie ou de la compassion envers
les autres. On peut penser ici aux grands fraudeurs à l’origine des scandales
financiers qui éclatent de plus en plus souvent dans notre société. Les
narcissiques à outrance possèdent des traits extrêmement toxiques, car les
autres ne font pas partie de l’équation de leur vie.
Dans ses relations interpersonnelles, le narcissique n’a pas de
considération pour les besoins des autres. La première impression qu’il
suscite est généralement bonne, et il peut complimenter l’autre. Mais, quand
il le fait, c’est pour constater sa propre grandeur. En effet, l’autre est
intéressant pourvu qu’il nourrisse son narcissisme῀: il devient un miroir qui
doit refléter la grandeur du narcissique en l’admirant et en lui étant soumis.
Par ailleurs, lorsque l’autre n’est pas d’accord avec lui, qu’il défend un
point de vue différent du sien, il peut passer à l’attaque de façon dangereuse
et disproportionnée. Une fois que vous ne lui apportez plus rien, il peut
vous faire passer du statut d’ange à celui de démon. Il peut être
manipulateur῀: pour lui, la fin justifie les moyens. On parle ici du
narcissique pathologique, cette personne qui ne recule devant rien pour
obtenir ce qu’elle veut.
Suzie et Rachel étaient étudiantes en droit lorsqu’elles sont devenues
très amies. Pendant toutes leurs études, elles ont fait les mêmes choix
de cours et faisaient leurs travaux ensemble. Puisque Suzie avait plus
de facilité que Rachel, elle étudiait avec elle, palliait ses erreurs et
avait fini par faire en grande partie leurs travaux d’équipe. Elles ont
fait leur stage d’études au même endroit, dans un important bureau
d’avocats. À la fin du stage, elles ont toutes les deux été engagées.
Suzie travaillait très fort à ses dossiers, alors que Rachel travaillait
très fort à faire mousser sa popularité. Quand il y a eu possibilité de
promotion, Rachel a tout fait pour l’avoir, y compris dénigrer Suzie
et prétendre que c’est elle qui l’avait traînée à sa remorque tout au
long de leurs études. Rachel a eu la promotion, et a continué de faire
travailler les autres pour elle, surtout les stagiaires et les jeunes
avocats. Quand Suzie s’est rendu compte de ce que Rachel avait fait,
elle lui a posé des questions, et son amie lui a répondu que le droit
était un monde de loups et qu’il n’y avait rien ni personne qui serait
un obstacle à la progression de sa carrière. Rachel a dit à Suzie
qu’elle était une perdante et elle, une gagnante, et qu’elle ferait bien
de prendre exemple sur elle si elle voulait arriver à quelque chose. Et
tout ça sans le moindre remords, sans la moindre tristesse. D’autres
personnes étaient maintenant ses «῀amies῀». Suzie était bouleversée.
Elle n’avait rien vu. Il y avait pourtant une foule d’indices, comme la
façon de se moquer qu’avait Rachel, qui la mettait souvent un peu
mal à l’aise῀: un avertissement de sa petite voix, qu’elle n’avait pas
écoutée. Le fait aussi que Rachel avait systématiquement des excuses
pour ne pas faire sa part des travaux d’équipe, ou encore le mépris
qu’elle manifestait envers elle, sans raison (mais y a-t-il jamais de
raisons valables de mépriser quelqu’un῀?). Par ailleurs, Suzie tenait
cette amitié pour acquise῀: elle se confiait beaucoup à Rachel, qui
pour sa part restait secrète. Or, toutes ses confidences furent utilisées
par la suite par Rachel, et bien sûr au détriment de Suzie.
Ce genre de personne n’est pas capable d’amitié, ni de relations saines.
Ces personnes se sont fixé un but, ne serait-ce que les buts de quelqu’un
d’autre, et elles sont prêtes à manipuler consciemment les gens autour
d’elles pour obtenir ce qu’elles veulent. Elles ont un côté captatif῀: elles
s’attribuent et conservent pour elles les biens, les réalisations ou l’affection
des autres. Elles oscillent entre l’autoadmiration et l’insécurité, sont très
sensibles à l’échec et souffrent souvent de symptômes somatiques. Elles
peuvent devenir très déprimées lorsqu’un échec leur fait réaliser qu’elles ne
sont pas à la hauteur de leurs exigences narcissiques, c’est-à-dire à la
hauteur de leur «῀moi῀» idéalisé. Elles ont un problème en ce qui concerne la
formation de l’identité et de la confiance en soi. Elles souffrent
constamment de solitude et d’abandon.
Par contre, beaucoup d’entre nous ont des traits narcissiques modérés qui
peuvent être sains῀: en effet, si on ne s’aime pas soi-même, les chances
d’être heureux et de progresser dans la vie sont minimes. Donc, un certain
égoïsme (charité bien ordonnée commence par soi-même) est nécessaire.
Comment pourrait-on être bien avec les autres lorsqu’on n’est pas bien avec
soi῀? Parfois, le narcissique est moins égoïste῀; il peut être généreux, mais il
ne comprend pas que l’autre n’ait pas les mêmes goûts ou les mêmes envies
que lui. Il écoute ses amis et peut percevoir assez bien certains côtés de leur
personnalité, mais il applique toujours ses propres solutions, n’imaginant
pas une seconde que la solution des autres puisse être différente de la sienne
mais plus appropriée au problème. Il peut être manipulateur, à divers
degrés.
Roger recevait toujours de Jeanne des cadeaux d’anniversaire qui lui
plaisaient à elle, car elle ne se posait pas de questions sur ce que lui-
même préférait. Elle adorait les gadgets, alors qu’il privilégiait les
outils simples et ne désirait pas s’encombrer d’appareils inutiles. Il
finissait donc par les lui donner en constatant qu’elle les appréciait
plus que lui. Elle ne les acceptait qu’à condition qu’il les lui
«῀prête῀». Elle pouvait pourtant savoir que Roger était quelqu’un qui
n’aimait pas avoir trop de choses à ranger et à dépoussiérer῀!
Chaque fois qu’elle allait chez lui, elle trouvait d’ailleurs qu’il
manquait de tout, et elle lui faisait même faire la remarque, ne
comprenant pas qu’il puisse se passer de ce qu’elle considérait
comme essentiel.

Pour décider et pour réagir


Si vous rencontrez des personnes narcissiques pathologiques (elles sont
quand même rares), sauvez-vous en courant῀! Et si, pour toutes sortes de
raisons, la fuite n’est pas possible, essayez de rester froid et détaché.
Observez la façon dont agit la personne῀: les faits vous montreront pourquoi
vous faites bien de ne pas vous impliquer. Suzie a vécu un cauchemar avec
Rachel, elle a fini par prendre conscience du fait qu’elle avait vécu une
amitié profonde de son côté, mais qu’il n’y avait rien en échange, que du
vent et de la poudre aux yeux. Tant qu’elle a présenté un intérêt pour
Rachel, elle est restée son amie. Évidemment, Rachel ne mordait pas la
main qui la nourrissait. Si, comme Suzie, vous avez été ou vous êtes
toujours la victime d’un narcissique, peut-être devriez-vous étudier d’un
peu plus près vos propres mécanismes relationnels, afin d’éviter de
retomber dans le panneau ou d’en sortir.
En général, il est utile d’utiliser le tableau coût/bénéfices pour prendre
une décision en ce qui a trait au futur d’une relation difficile. Dans le cas de
Roger, qui était souvent agacé par les remarques ou les cadeaux inutiles de
Jeanne, mais qui par ailleurs appréciait sa vivacité, sa générosité et sa
conversation, il était bien conscient de l’égocentrisme de cette amie et
l’acceptait comme une partie déplaisante de quelqu’un qu’il aimait bien. Il a
donc décidé de se concentrer, dans sa relation avec Jeanne, sur les aspects
qu’il appréciait, et de supporter le reste, c’est-à-dire de faire le vide, de
respirer profondément et d’oublier les aspects qu’il n’appréciait pas.
Vous avez décidé de ne plus poursuivre la relation῀? Avec les
narcissiques, il est assez simple de le faire sans fermer la porte῀: vous n’avez
qu’à devenir un peu plus critique, à faire face à l’autre, et c’est lui qui vous
laissera tomber.
Vous avez décidé de ne rien changer῀? Alors, assumez votre décision et,
comme Roger, employez des techniques pour vous détendre quand vous
êtes irrité. Manifester votre impatience pourrait amener l’autre à réagir
fortement (à la hauteur de sa blessure) et à chercher à vous blesser à son
tour. Au lieu de cela, respirez profondément pour chasser les tensions
lorsqu’elles se manifestent῀; désamorcez-les en manifestant plutôt de la
chaleur et de l’affection.
Vous voudriez préserver la relation, mais que les choses changent῀? Dans
ce cas, il y a tout un travail à faire. D’abord, fixer des limites῀; pour vous,
mais aussi pour le narcissique῀: lui expliquer les comportements que vous ne
tolérez pas, mais sans agressivité et sans le pointer du doigt. Aussi, ne pas
se laisser prendre à son jeu, c’est-à-dire ne pas réagir avec colère ou
irritation lorsqu’il vous blesse, mais souligner son comportement, sans
antagonisme. User d’un humour gentil peut être indiqué. Il ne faut pas ici
établir un rapport antagoniste῀: l’autre ne le supporterait pas, surtout si (et
parce que) vous avez raison. Il faut comprendre que sa recherche de
comportements grandioses et selon lui supérieurs lui est essentielle῀: il s’agit
d’un mécanisme de défense contre son sentiment d’identité déficiente,
contre sa carence sur le plan de l’estime de soi. Il peut être intéressant ici de
se placer du point de vue de l’observateur et d’interpréter ses
comportements plutôt que les critiquer. Essayez ainsi de ne pas investir la
relation en tant que «῀victime῀» mais en tant qu’acteur. Tentez aussi de ne
pas vous laisser manipuler, ce qui est plus difficile qu’il n’y paraît῀: il s’agit
ici de prendre conscience qu’il y a manipulation, puis, simplement, de ne
pas réagir à cette manipulation. Aussi, vous pouvez parfois faire remarquer
à l’autre, avec gentillesse et affection, son désir d’avoir des comportements
grandioses. Enfin, respirez par le nez῀!
Chapitre 8

La personnalité
passive agressive
(ou négativiste)

Pour la déceler
Vous êtes avec un ami et vous avez sans cesse l’impression qu’il vous
critique, qu’il a une attitude hostile envers vous. Il semble gentil et plutôt
mou, mais en réalité vous n’avancez à rien puisqu’il refuse vos suggestions.
Vous sentez une agressivité, une colère qu’il reporte sur vous et qu’il nie
pourtant. Parfois, vous ressentez envers lui un sentiment de véritable rage,
comme si on vous avait provoqué. Ainsi, l’entourage du passif agressif est
aux prises avec des sentiments de colère, d’impuissance et de culpabilité.
Le passif agressif fait réagir les autres῀: il dérange, boude, se retire, se fait
attendre. Vous revenez épuisé d’une rencontre avec lui, car vous avez
l’impression que quoi que vous fassiez, vous aurez tort. Et tout ça dans le
non-dit. En fait, la personne passive agressive suscite en vous de
l’agressivité sans qu’il y paraisse, et elle vous en impute la cause. De plus,
elle parle dans le dos des autres῀: attention, elle dit peut-être du mal de vous.

Êtes-vous en présence d’un passif agressif ? ῀

Toujours Parfois Jamais


A-t-il des propos ambigus῀? 2 1 0
Est-il en retard de façon 2 1 0
chronique῀?
A-t-il tendance à se plaindre et 2 1 0
à rejeter la faute sur les autres῀?
Est-il sarcastique῀? 2 1 0
Est-il indirect dans sa façon 2 1 0
d’amener ses commentaires῀:
fait-il plutôt des insinuations que
des remarques affirmatives῀?
Montre-t-il une résistance à 2 1 0
l’action῀: il dit oui, mais il fait non῀?
Invente-t-il des excuses, et se 2 1 0
justifie-t-il ainsi῀?
Remet-il les choses à plus tard῀? 2 1 0
Est-il réticent à acquiescer aux 2 1 0
suggestions des autres῀?
Est-il sarcastique et moqueur῀? 2 1 0
Est-il entêté῀? 2 1 0
A-t-il peur de l’autorité῀? 2 1 0

Si vous obtenez un total de 0 à 8, cela signifie que des traits passifs


agressifs sont présents. On peut les voir de diverses manières῀: peut-être
s’agit-il de traits culturels, de timidité ou même d’une certaine insécurité.
Nous avons tous un peu de ces traits en nous. Il faut étudier la situation à la
lumière de la conjoncture et ne pas conclure au départ qu’il y a un problème
grave. Par exemple, remettre à plus tard un travail ou une corvée qu’on
nous a assigné est une réaction normale. Un résultat de 9 à 16 indique que
la personne est nettement passive agressive. Encore une fois, ce n’est pas
pour autant pathologique. Il faut tenir compte des attitudes de la personne,
et avoir des attentes réalistes envers elle. Par exemple, si c’est un
procrastinateur, ne pas s’attendre à ce que les choses soient faites quand il le
faudrait, à ce qu’une tâche ou une activité soit exécutée au bon moment. Un
total de 17 à 24 indique sans contredit qu’il s’agit d’une personne passive
agressive. Elle a des attitudes négatives, souvent non fondées, des conduites
d’opposition et des comportements critiques. Elle blâme l’autre sans le dire
et sans autre raison que de renforcer son hostilité face à ce qu’elle perçoit
comme l’autorité.

Pour mieux comprendre


Le sujet passif agressif perçoit l’autre comme une autorité qui a des attentes
déraisonnables par rapport à lui. Il voit la vie de façon pessimiste et
négative, mais conçoit son propre état comme venant de l’extérieur.
L’hostilité est un trait marqué de sa personnalité et elle se traduit la plupart
du temps indirectement. Il a souvent un sentiment très élevé
d’incompétence, ce qui l’incite à résister à l’action, à ne pas se mettre en
situation de «῀faire῀» et donc ainsi à éviter l’échec. Son agressivité est une
réaction contre ceux dont il estime dépendre, et elle se manifeste de façon
sournoise et indirecte, justement pour ne pas perdre cette dépendance, que
celle-ci soit matérielle, psychologique ou amicale. Le passif agressif ne
parlera pas directement et franchement à la personne à qui il a quelque
chose à dire, mais essaiera plutôt de faire transmettre le message par
d’autres. Ou encore, il fera des commentaires ironiques ou critiques, mais
sans trop de précision῀: ce manque de précision lui permettra de se justifier
si des explications lui sont demandées. S’il peut paraître soumis et victime,
incompris et mal-aimé, il peut aussi manifester de l’hostilité. Son humeur
est changeante, il résiste aux changements et il a de la difficulté à établir et
à maintenir des relations sociales. La plupart du temps, ses mécanismes de
défense consistent à rejeter la faute sur ce qui est extérieur à lui afin de ne
pas être confronté à sa réalité intérieure pessimiste῀; ou encore, il peut
rationaliser, c’est-à-dire trouver des explications rationnelles pour justifier
ses comportements et ainsi montrer que n’importe qui, à sa place, aurait fait
la même chose. De plus, celui qui souffre de négativisme ne fait pas
d’assertions. La plupart du temps, lors de son apprentissage, l’expression
directe de l’agressivité a été bloquée. Les réponses assertives ne font donc
pas partie de sa communication car elles sont inhibées, en raison de
l’appréhension du rejet ou de la punition. Il ne supporte ni les ordres ni les
critiques. Le passif agressif fait réagir les autres par des commentaires
acerbes, par un ton moqueur, par une dénégation du travail accompli par
l’autre ou des moments passés avec cette personne. Il dira des vacheries sur
un ton gentil ou fera des compliments sur un ton négatif. Il est le champion
des messages négatifs subliminaux, des insinuations, des messages
contradictoires. Il peut formuler une pensée désagréable, puis, s’il est
confronté, expliquer qu’il a été mal compris. Il a des comportements
significatifs, comme de fréquents retards ou oublis de rendez-vous. Il se met
souvent en situation de ne pas faire les choses, de façon à ne pas faire face à
sa grande incompétence intériorisée. Accepter les règles hiérarchiques et
complémentaires d’une relation est pour lui perçu comme un échec. Et pour
lui, un échec est particulièrement douloureux. Le comportement
apparemment passif est un leurre, une façon subtile d’exprimer son hostilité
et sa colère intérieure. Au lieu de dire ce qu’il pense vraiment, le passif
agressif se pose en victime, en incompris, et est éternellement insatisfait.
Le passif agressif est incapable de dire les choses telles qu’elles sont῀: il
tergiverse, complique son propos, tourne autour du pot. Il peut aussi se
plaindre d’un comportement auprès d’une autre personne que celle qui est
directement concernée. Mais ce qui le définit vraiment, c’est son hostilité
latente῀: comme si tout ce qui est extérieur à lui, tout ce qui est différent de
ce qu’il connaît, tout ce qui est nouveau était une menace, synonyme de
possibilité d’attaque. Il faut comprendre qu’intérieurement, il n’a de place
que pour l’anticipation hostile et non pour l’anticipation de la surprise, du
mystère. Enfin, il prépare ses justifications à l’avance au lieu d’écouter et
de découvrir peut-être quelque chose de nouveau et de merveilleux.

Pour décider et réagir


Si vous avez décidé de ne plus poursuivre cette relation sans pour autant
vouloir fermer la porte, cessez tout simplement de contacter cette personne.
Si elle vous contacte, trouvez des prétextes pour ne pas la voir. Essayez de
ne pas prendre un ton cassant, irrité ou sec, afin de ne pas causer de blessure
qui viendrait renforcer les problèmes déjà présents. En fait, évitez la
personne sans toutefois le montrer (ce qui est en soi un comportement
passif agressif). Une fois que vous aurez utilisé cette manœuvre pendant
quelque temps, le passif agressif ne fera plus partie de votre vie
quotidienne῀: il ne se mettra pas lui-même dans la situation qui consiste à
vous appeler s’il sait qu’il va essuyer un échec, c’est-à-dire que vous
refuserez de le voir.
Si vous décidez de ne rien changer, travaillez sur vos propres réactions῀:
prenez conscience de votre irritation, et constatez à quelles occasions vous
la ressentez. Restez aimable et comportez-vous avec tact, ce qui reviendra à
désapprouver l’hostilité sous-jacente. Rappelez-vous que cette hostilité est
ressentie envers des personnes significatives, ce qui signifie que vous êtes
important pour lui. Observez également comment s’en tirent d’autres de ses
amis, que le passif agressif ne dérange pas, et voyez comment vous pourriez
faire en sorte que l’agressivité sous-jacente ne vous atteigne pas.
Si vous voulez maintenir la relation avec un passif agressif, mais en y
apportant des changements, c’est vous qui devrez travailler. Demandez-lui
plus souvent son avis, et acceptez ce qu’il propose quand c’est possible῀;
ainsi, son sentiment d’incompétence ne sera pas mis en évidence. Essayez,
par des questions calmes et intéressées, de l’amener à être plus explicite
lorsqu’il fait des insinuations. Vous pouvez lui expliquer ce que vous
comprenez de ses messages, mais sans tomber dans les accusations ou les
reproches῀: le critiquer comme le ferait un parent ou un patron ne ferait que
le blesser, et il n’entendrait rien de votre message. Il ne faut pas non plus
faire semblant de ne pas remarquer ses comportements῀; toutefois, tant que
cela ne vous dérange pas personnellement, il n’y a pas de raisons de mettre
de l’huile sur le feu. En fait, vous n’êtes justement ni un de ses parents ni
son patron. Vous êtes en sa compagnie parce que cela vous plaît, et vous
n’avez donc pas à jouer au thérapeute῀: d’ailleurs, ce n’est probablement pas
le comportement qu’il recherche de votre part. Un dernier conseil῀: ne le
voyez pas quand vous êtes fatigué, vulnérable ou fragile, car rester aimable
avec un passif agressif demande un certain effort.
Adrien et Philippe préparaient un voyage de plusieurs mois après
leurs études, avant de commencer à travailler. Pendant toutes les
semaines de la préparation, Philippe s’occupait de la plupart des
choses à faire῀: se documenter, établir un itinéraire, prendre rendez-
vous pour les vaccins, réserver les billets d’avion, etc. Adrien se
laissait entraîner, mais faisait des remarques à Philippe sur un ton
sarcastique῀: «῀Ouais, tout un voyage que tu nous organises là῀!῀»
Quelques jours avant de partir, Adrien n’avait toujours pas son
passeport, ce qui a fait grimper la pression de Philippe au point qu’il
a remis le voyage en question. Avant qu’il ait pu se questionner
vraiment sur la nature de leur relation, Adrien a fini par avoir son
passeport, et ils sont partis. Adrien ne connaissait rien des endroits
où ils allaient, et il ne trouvait rien d’intéressant à ce qu’il voyait,
mais ne le manifestait pas ouvertement, sauf en laissant échapper
quelques sarcasmes. Philippe est devenu irrité, ce qu’Adrien lui a fait
remarquer par des insinuations. Après un incident majeur, Philippe a
fini par partir tout seul de son côté. Il se sentait coupable d’avoir
laissé tout seul le pauvre Adrien, mais il a enfin pu profiter de son
voyage sans avoir à se préoccuper sans cesse des flèches indirectes
d’Adrien. Adrien, de son côté, est revenu aussitôt à la maison et a
expliqué à tout le monde que Philippe était insupportable et agressif,
et que c’était la raison pour laquelle il était revenu plus tôt que
prévu. Inutile de mentionner que ces deux amis ne se sont plus jamais
revus. Ils auraient probablement pu renouer leur relation, puisque
Philippe aurait été plus libre de voir ou de ne pas voir Adrien, et
ainsi d’éviter la «῀contagion mentale῀» qu’est la transmission
involontaire de symptômes (dans ce cas le pessimisme). Cette
contagion influence nos attitudes, nos idées et cause des distorsions
cognitives. Or, cette suggestibilité cesse dès qu’il y a séparation
d’avec la personne qui la cause. Dans le cas de Philippe, le voyage
de sa jeunesse aurait pu être ruiné complètement. C’était
probablement une bonne stratégie pour lui que de partir de son côté,
bien que cette façon de faire ait conduit à la rupture de la relation.
Chapitre 9

La personnalité dépendante

Pour la déceler
Vous avez un ami qui est là sans arrêt. Vous ne pouvez rien faire sans qu’il
soit avec vous. Il est collant et semble dépourvu d’autonomie, ou à tout le
moins désarmé dans la vie. Au début de la relation, vous vous sentez
valorisé, flatté, apprécié. Vous avez tendance à vous attacher à lui et à vous
sentir responsable de son bien-être. Vous trouvez formidable que vous
soyez si bien assortis. Avec le temps, vous prenez conscience du fait que
vous ne connaissez pas ses goûts, mais vous constatez qu’ils sont toujours
les miroirs des vôtres. Vous finissez par être irrité, pour ne pas dire exaspéré
par sa présence constante et par sa passivité. Vous avez l’impression qu’il
est sans cesse en quête de votre compagnie, vous vidant de vos idées et de
votre énergie, qu’il est inerte et ne connaît pas le mot «῀initiative῀». Lorsque
vous lui dites que vous aimeriez être seul, un sentiment de culpabilité vous
assaille, surtout si votre ami vous fait du chantage émotif. Une autre
réaction que vous pouvez avoir est de devenir vous aussi dépendant de cette
personne. En effet, vous prenez conscience du fait qu’il est inclus dans
votre schéma intérieur῀: dans vos pensées, il fait partie de votre vie au point
que vous vous sentez responsabie de lui. Vous devenez sa personne
ressource, et même sa source de sécurité et de confort intérieur. Parfois,
vous le traitez comme un enfant en faisant pour lui des démarches qu’il
devrait faire par lui-même.
Êtes-vous en présence d’une personne dépendante ? ῀

Toujours Parfois Jamais


A-t-elle besoin des autres pour 2 1 0
prendre des décisions῀?
Évite-t-elle d’assumer des 2 1 0
responsabilités῀?
Est-ce qu’elle se tait lorsqu’elle 2 1 0
n’est pas d’accord avec vous῀?
Elle ne fait rien seule. 2 1 0
Elle recherche le soutien et 2 1 0
l’appui des autres, sans lesquels
elle ne fait rien.
Elle a peur d’être laissée 2 1 0
à elle-même.
Elle est toujours prête à accommoder 2 1 0
les autres, même lorsque
cela l’oblige à faire des choses
désagréables.
Elle ne met pas fin aux relations 2 1 0
malsaines ou abusives.

Un total de 0 à 6 indique qu’une personne n’est pas dépendante῀: les


manifestations qui s’apparentent aux traits dépendants peuvent être issues
de la politesse, de la timidité ou de la culture. Ne pas contredire l’autre, par
exemple, est le signe d’une bonne éducation, ce qui peut donner lieu à des
quiproquos. Entre 7 et 12῀: il s’agit de quelqu’un qui présente une
dominante de dépendance, mais selon les circonstances et pas
nécessairement à un niveau pathologique. Entre 13 et 16῀: la personne est
nettement dépendante, et ce, de façon malsaine. Il pourrait lui être conseillé
de consulter un thérapeute.

Pour mieux comprendre


La dépendance affective est une caractéristique normale et saine chez
l’humain῀: l’enfant qui naît est dépendant pour sa survie. De même, dans un
couple ou un groupe tribal, l’interdépendance est un facteur de survie et un
préalable à un travail d’équipe efficace. Là où la dépendance devient
maladive, c’est quand, au début de l’âge adulte, la personnalité s’organise
autour du besoin d’être pris en charge, à cause d’une peur constante de la
séparation ou du rejet. Cette angoisse de séparation, liée à une conscience
de soi dévalorisante (la personne dépendante se considère comme une
incapable), peut provoquer des comportements de soumission – la personne
s’accroche aux autres et a de la difficulté à mettre fin à ses relations – et se
manifester dans divers contextes, à tous les niveaux de relations affectives.
La personne vit de l’anxiété chaque fois qu’elle doit prendre une décision,
et consulte tout le monde autour d’elle-même quand il s’agit de choix
importants, très personnels, comme le travail ou le mariage. Elle est
incapable d’exprimer son désaccord ainsi que ses propres désirs῀: lorsque la
dépendance est poussée à l’extrême, elle n’a pas conscience de ses désirs.
Elle se fond ainsi dans les autres pour fuir la peur d’être seule ou celle
d’être incapable de se débrouiller seule.
Les relations avec les personnes dépendantes se créent souvent en trois
étapes de développement. La première étape est celle du rapprochement, où
la personne dépendante fait tout ce qu’elle peut pour être acceptée. Comme
elle semble ne pas avoir de sens critique, elle peut aller contre ses propres
idéaux ou contre ses valeurs morales, le plus important pour elle étant de
faire partie d’un groupe ou de nouer une relation. La deuxième étape est la
période de dépendance, de symbiose avec l’ami, étape lors de laquelle elle
se laisse porter par l’autre. Au cours de la troisième étape, la personne
dépendante devient accro, en ce sens que la présence de l’autre lui devient
indispensable. Puis, elle commence à avoir des exigences et à faire du
chantage affectif῀: «῀Si tu me laisses tomber, je serai très mal et ce sera ta
faute.῀»
Ces personnes, la plupart du temps, ont été dans leur enfance
surprotégées par des parents eux-mêmes inquiets qui, paradoxalement,
peuvent les avoir privées d’encouragement à prendre des initiatives et à être
autonomes. Dans certains cas, les parents ont même pu dénigrer l’enfant ou
l’accabler de sarcasmes quand il faisait preuve d’inventivité et de
débrouillardise. À l’inverse, les attitudes infantiles et conformistes, ainsi
que le lien d’attachement, ont probablement été encouragés et renforcés. Le
dépendant est insatiable d’attachement. Il impose sa dépendance aux autres
et cherche à les rendre eux aussi dépendants. Il a un besoin extrême de
protection et une hantise du rejet qui peut donner lieu à des comportements
soumis et obséquieux῀: par exemple, il ne manifestera pas son désaccord et
acceptera parfois l’inacceptable pour rester en relation avec l’autre. Il est
convaincu que la dépendance le protège et le rassure. Il sera loyal et dévoué
sans se poser de questions sur la validité de cette dévotion῀: il n’a pas
d’esprit critique face aux autres, et il les croit toujours supérieurs à lui et
plus compétents que lui. Il ressent constamment le besoin d’être accepté par
les autres même lorsqu’il n’y a pas de terrain d’entente, lorsqu’il n’a pas
grand-chose en commun avec eux, et surtout d’être accepté par certains
types de personnalité qui peuvent chercher à l’exploiter. La solitude et
l’isolement lui semblent correspondre à l’enfer, et il est prêt à tous les
compromis pour ne pas les vivre. La simple présence d’une personne avec
qui il sent avoir un lien profond suffit à combler tous ses besoins. Incapable
de se séparer de l’autre, il entretiendra le lien, même s’il est toxique.
Jean-Paul est le meilleur ami d’André. Pour le moment, en tout cas.
André l’appelle tous les jours, pour toutes sortes de raisons, pour
qu’il aide à faire toutes sortes de choix. Il va très souvent chez Jean-
Paul, et la plupart du temps sans s’annoncer. Il le complimente et,
devant les autres, utilise beaucoup le «῀nous῀» pour parler de lui ou
de Jean-Paul. Il se porte très fréquemment volontaire pour lui rendre
service, même pour des choses désagréables. Il est présent dans la
plupart des activités de Jean-Paul, tant sociales que sportives, et il
l’accapare dans les soirées. Au début, Jean-Paul était flatté et se
sentait valorisé de voir que quelqu’un l’appréciait. Mais, peu à peu,
il a commencé à douter de l’authenticité des compliments et des
protestations d’amitié d’André. Un jour où il se sentait irrité et
impatient avec André et où celui-ci ne répliquait pas, il a pris
conscience que quelque chose n’allait pas. Il a donc cessé de
répondre au téléphone quand l’afficheur lui indiquait le numéro
d’André, n’a plus répondu à la porte et ne lui a plus parlé de ses
activités. Le temps de prendre une pause et de réfléchir à ce qui se
passait.

Pour décider et réagir


Il faut, bien sûr, mener une réflexion sur le pour et le contre de la relation.
D’abord, notez les caractéristiques de la personne qui vous déplaisent ou ce
qui ne vous convient pas dans la relation. Dans le cas d’une personne
dépendante, ce peut être la passivité et le manque d’initiative, ou encore
l’impression que vous êtes responsable de son bien-être, alors que vous
n’avez pas choisi d’être son parent. Vous pouvez désirer la réciprocité dans
vos amitiés, c’est-à-dire que chacun apporte autant en matière d’idées,
d’initiatives ou d’activités. Par ailleurs, vous pouvez aussi écrire les
caractéristiques qui vous plaisent῀: vous pouvez apprécier la valorisation
que la personne vous apporte ou, par exemple, sa loyauté, sa générosité, sa
culture, son humour. Parce qu’être dépendant ne signifie pas être dépourvu
d’intelligence, de culture et d’humour, vous pouvez aimer être avec cette
personne. À la lumière de votre tableau coût/bénéfices, vous êtes
maintenant en mesure de prendre une décision en connaissance de cause.
Vous pouvez observer par exemple que vous avez des traits de personnalité
complémentaires et que la relation que vous entretenez avec la personne
dépendante comble des besoins spécifiques῀: si vous avez des tendances
narcissiques, vous appréciez son admiration envers vous῀; si vous avez des
tendances histrioniques, vous trouvez plaisir à capter son attention.
Si vous décidez de mettre fin à la relation parce qu’elle vous demande
trop d’énergie, vous pouvez le faire de plusieurs façons. Mais une bonne
idée est de ne pas fermer la porte à tout jamais, de ne pas briser la relation
avec fracas et blessure. Vous pouvez plutôt être plus froid avec l’autre, ne
plus l’appeler, lui dire que vous préférez ne pas le voir très fréquemment. À
ce stade, par exemple, Jean-Paul pourrait dire à André῀: «῀J’ai beaucoup
apprécié les moments où nous étions ensemble, mais maintenant j’ai besoin
d’être seul. Je trouve trop lourde la relation que nous avons et je préfère que
nous prenions une pause.῀» Il est sûr que l’autre se sentira rejeté, blessé et
qu’il revivra son angoisse de séparation. Il peut vous faire du chantage
affectif, mais si vous insistez sur le fait que c’est votre problème et que son
éloignement serait une bonne façon de vous aider, la pilule passera plus
facilement. Et si vous avez pris cette décision, assumez-la et ne vous sentez
pas trop coupable῀; il trouvera très vite un autre meilleur ami.
Si vous décidez de ne rien changer à la relation, parce que vous constatez
que les plus sont plus importants que les moins, assumez-le aussi et utilisez
votre empathie pour essayer de surmonter les moments d’irritation.
Si vous décidez de rester en relation avec cette personne à condition que
certaines choses changent, n’oubliez pas que, pour changer les autres ou la
dynamique avec eux, c’est vous qui devez modifier vos comportements.
D’abord, vous pouvez poser vos limites῀: «῀André, je te vois trop en ce
moment. Mais j’apprécie ta compagnie. Je pense que se voir une fois par
semaine serait une bonne idée.῀» Et, encore une fois, assumez votre
décision. Si vous posez des limites, vous devez les respecter et les faire
respecter. Attention à la critique῀: elle ne fait que s’ajouter à celles que le
dépendant se fait constamment dans son dialogue intérieur. De plus, elle
renforce l’idée qu’il est un incapable lorsqu’il est laissé à lui-même. Vous
pouvez aussi essayer de faire des demandes précises ayant trait à ce qui
vous dérange, par exemple῀: «῀André, je voudrais que la semaine prochaine,
ce soit toi qui proposes ce que nous ferons jeudi soir.῀» Et dans ce cas, vous
devrez vous y tenir en ne proposant rien vous-même, ce qui peut être
difficile compte tenu du pattern établi de la relation. Vous devez faire
attention de ne pas retomber dans la responsabilisation et la prise en charge,
qui ne feraient que renforcer le côté malsain de la relation.
Chapitre 10

La personnalité
évitante

Pour la déceler
Vous ressentez le besoin de vous approcher de votre ami, mais c’est
impossible puisqu’il évite le contact et qu’il a une peur panique de
l’intimité. Vous le sentez mal à l’aise lorsque vous parlez de sujets intimes,
et il va alors jusqu’à sortir de la pièce. Vous vous sentez impuissant, parce
que d’une part vous voudriez le secouer, mais que de l’autre le poids de la
responsabilité de sa vie semble être entre vos mains. Vous pouvez ressentir
de l’irritation et de la colère devant son hésitation, ses incertitudes et son
conformisme. Timide et introverti, il provoque chez vous un désir de le
protéger ou, à l’inverse, de l’affronter. On dit de lui qu’il souffre de timidité
maladive ou qu’il est trop gentil. On le trouve parfois ennuyant, parce qu’il
évite de s’exprimer. Vous avez fréquemment envie de le presser de s’ouvrir,
de changer, car il n’exprime pas grand-chose, pensant que ce qu’il
exprimerait pourrait être utilisé contre lui. Il n’a souvent pas de point de vue
sur les choses, d’opinion à exprimer, et vous avez donc l’impression de le
faire pour deux. Dans bien des cas, il vit seul et a peu d’amis. Vous le sentez
très susceptible, et vous avez l’impression de marcher sur des œufs dans vos
rapports avec lui.
Êtes-vous en présence d’une personnalité évitante ? ῀

Toujours Parfois Jamais


Il évite les activités sociales. 2 1 0
Il est réticent à s’impliquer avec 2 1 0
autrui, à moins d’être certain
d’être aimé.
Il est réservé dans les relations 2 1 0
intimes, par crainte d’être
ridicule.
Il est hypersensible 2 1 0
et susceptible.
Il est incapable de maintenir 2 1 0
un contact visuel prolongé avec
les autres.
Il a peu ou pas d’amis. 2 1 0
Il ne s’engage pas dans de 2 1 0
nouvelles relations῀: il ne prend
pas de risques.

Vous avez obtenu un total de 0 à 5῀: il s’agit d’une attitude sociale


adaptée. Il y a des limites à trop investir dans les relations. Un certain
niveau d’inhibition permet de maintenir la distance nécessaire dans les
relations pour qu’elles ne deviennent pas étouffantes. De 6 à 10῀: la
personne donne des signes de timidité prononcée. Elle essaie de passer
inaperçue, mais ce n’est pas maladif. Elle pourra réussir dans un travail
relativement solitaire, c’est-à-dire qui demande peu de contacts, et aura une
vie sociale limitée, malgré un désir certain d’être plus sociable. De 11 à 14῀:
le sujet est maladivement évitant, et adopte une position de retrait devant la
possibilité d’appartenir à un groupe. Il se sent menacé et voit dans les
rencontres et les événements non planifiés la possibilité d’une humiliation.

Pour mieux comprendre


Les personnes évitantes montrent un non-attachement au monde des
relations. Elles sont motivées par une hypersensibilité au rejet et à
l’humiliation. Elles ont une conduite inhibée en société. Elles se
différencient des personnes dépendantes par la crainte des relations sociales
et par l’évitement de ces relations. Championnes de l’esquive et de la fuite,
elles sont sans cesse vigilantes, sur le qui-vive. Elles sont très timides et
elles essaient de passer inaperçues. Ce qu’elles évitent, en fait, ce sont les
situations où leur «῀vrai moi῀» risque d’être mis au jour, ainsi que les
comportements ou les attitudes pouvant donner naissance à des réactions
négatives. Cet évitement de comportements «῀différents῀» en fait des
personnes conformistes, attachées aux conventions et inhibées. Elles
peuvent facilement devenir le souffre-douleur de quelqu’un d’un peu
sadique s’il se met «῀sur leur cas῀».
Deux facteurs peuvent être intervenus dans leur enfance ou leur passé.
L’un est un environnement plein de reproches, de critiques, d’humiliation,
conduisant à l’intériorisation de ces messages et à l’évitement des situations
qu’elles voient comme présentant des risques. L’autre facteur peut être des
situations répétées de rejet, comme à l’école, en raison par exemple d’un
problème physique. Il s’est ainsi développé chez cette personne un total
manque de confiance en soi et en les autres. Elle a donc tendance à
disqualifier le positif῀: ne pas croire en la véracité des compliments qu’on
lui fait et ne pas savoir comment y répondre. Il y a aussi exagération du
négatif῀: la personne perçoit les mouvements d’irritation comme des
critiques négatives qui viennent renforcer sa faible image. Elle prend donc
les choses de façon personnelle. Dans les relations interpersonnelles, la
personne évitante est hypersensible et craint continuellement d’être rejetée
ou humiliée῀: elle recrée ainsi les situations du passé. Les seules expériences
auxquelles elle accorde de la valeur sont négatives, et elle perçoit donc
toutes les interactions comme négatives. Avant de s’impliquer avec
quelqu’un, elle a un besoin viscéral d’être certaine de l’amour ou de
l’affection que cette personne lui porte. Bien qu’elle rêve de relations
enrichissantes, elle choisit le retrait comme mécanisme de défense. Elle
privilégie l’isolement῀: la peur de la relation l’emporte sur le désir de la
vivre. Elle essaye de passer inaperçue. Si elle est acculée au mur, elle peut
réagir avec force sur le moment, puis elle abandonnera la relation῀: elle est
certaine d’avoir tout gâché par son coup d’éclat. Elle fonctionne mieux dans
un entourage qui lui est familier, car elle connaît cet entourage et sait
comment le gérer de façon à ne pas souffrir. Les changements importants de
la vie, comme le mariage, une naissance, un décès ou une rupture, peuvent
avoir un effet considérable sur ses attitudes. Même les changements plus
mineurs, comme un déménagement, une promotion, un changement au
travail ou dans sa famille, peuvent avoir une portée exagérée par rapport à
la normale.
Jocelyne s’est mariée et a eu des enfants. Elle n’avait aucune vie en
dehors de la maison. Elle faisait des découpages de papier et
participait à des ateliers à l’école, avec ses enfants. Une éducatrice,
Marie, a remarqué qu’elle faisait de belles choses et qu’elle était
gentille et prévenante avec les enfants. Elle s’est approchée de
Jocelyne, qui est devenue méfiante et ne savait pas répondre à ses
compliments sur ses découpages. Elle s’est enfuie après l’atelier et
n’est pas revenue pendant un certain temps, jusqu’à ce que ses
enfants le lui demandent. À l’atelier, Jocelyne restait avec les enfants,
et évitait toute conversation avec les éducatrices. Une autre
éducatrice a commencé à lui faire des remarques sur son impolitesse,
sa sauvagerie. Marie lui a fait remarquer que Jocelyne était très bien
avec les enfants et qu’il n’y avait pas de problème, et elle lui a dit de
la laisser tranquille. Marie s’est ensuite peu à peu rapprochée de
Jocelyne῀: son intérêt avait été stimulé par le talent de Jocelyne et sa
culture artistique. Elles sont devenues d’abord «῀copines de musées῀»
et elles ont établi un lien d’abord ténu, qui est devenu, avec le temps,
un véritable lien d’amitié. Jocelyne a cessé de se méfier d’elle, et
elles sont devenues intimes, jusqu’à la limite de la capacité de
Jocelyne à cet égard. Le frère de Marie avait aussi ce type de
personnalité, et elle savait donc faire preuve d’empathie envers
Jocelyne῀; elle la comprenait et a pu créer avec elle un lien d’amitié
plaisant et enrichissant.

Pour décider et réagir


Vous pouvez avoir des traits de personnalité complémentaires de ceux d’une
personne évitante. Vous pouvez aussi avoir des traits évitants vous-même῀:
dans ce cas, vous comprendrez immédiatement ses besoins d’espace et de
solitude, et serez capable (ce sera même naturel) d’établir un lien non
menaçant. Vous pouvez vouloir un «῀public῀» si vous avez des tendances
histrioniques, sans toutefois avoir le désir de nouer des liens plus intimes. Si
vous avez des traits passifs agressifs, vous ne verrez pas la personne
évitante comme une menace, puisqu’elle ne vous demande rien et ne suscite
donc pas en vous de sentiment d’incompétence. Par contre, si vous avez des
traits de personne dépendante, n’essayez pas d’apprivoiser un évitant῀:
devant vos besoins de relation fusionnelle, il se sauvera en courant. Si vous
avez plutôt des tendances narcissiques, son comportement évitant risque de
vous irriter, et vous pourriez ressentir le besoin irraisonné de le secouer.
Si vous décidez de ne pas poursuivre la relation, dites-lui simplement
pourquoi. Ça ne le surprendra pas, et à la limite, si vous soulignez le fait
que le problème est le vôtre, il en sera soulagé, surtout s’il s’agit d’une
amitié récente. Dans le cas d’une amitié de longue date, il n’y a pas
vraiment de façon de rompre qui ne causera pas de blessure narcissique à la
personne évitante῀: son anticipation du rejet se trouvera justifiée. Vous
pouvez simplement vous demander ce qui vous a attiré au départ chez cette
personne῀: représentait-elle un défi, un mystère῀? Si la relation a duré un
certain temps, demandez-vous ce qui a pu vous inciter à la maintenir si
longtemps. Et à l’avenir, essayez de voir, à la lumière des critères ci-dessus,
si vous désirez vous engager dans une relation qui fera souffrir l’un et
ennuiera l’autre.
Si vous décidez de ne rien changer à la relation, assumez votre décision
et conservez-la en toute connaissance de cause. Focalisez-vous sur les côtés
agréables de la relation et acceptez le reste de bonne foi. En fait, ces
personnes aiment être acceptées pour elles-mêmes, à condition de ne pas
avoir à trop se révéler. Acceptez donc cette part de mystère῀: cela peut
parfois être plus stimulant que les choses connues. Respectez son besoin de
distance et d’espace. Dans son cas, l’espace est carrément vital.
Si vous voulez changer des choses dans la relation, sans pour autant la
rompre, manifestez de l’empathie et du respect pour l’autre. Commencez
par respecter son espace et son besoin d’être seul῀: rappelez-vous que c’est
son mécanisme de défense principal. Ne soyez pas déçu s’il annule une
soirée, et n’insistez pas pour qu’il vous accompagne. Vous devez être
conscient de vos propres exigences et être réaliste par rapport aux capacités
relationnelles de votre ami. Cela signifie ne pas être impatient face à la
lenteur de son investissement dans la relation. Avant de tenter de connaître
l’autre de façon intime, il faut d’abord constituer une alliance qui tienne la
route. Se révéler soi-même peu à peu est une façon de l’inciter à s’ouvrir
face aux mêmes choses, car alors la menace sera moins présente῀: nous
sommes dans le même lieu, au même moment, et nous sommes d’accord.
Manifestez votre appréciation et votre plaisir lorsqu’il vous fait part de ses
émotions ou même de goûts différents des vôtres. Attention à la dépendance
affective῀: vous n’êtes ni un de ses parents ni son thérapeute. Cela ne veut
pas dire pour autant être indifférent. L’équilibre s’impose. Expliquez-lui vos
mouvements d’impatience quand ils concernent d’autres que lui ou quand
ils proviennent de frustrations qui ne le concernent en rien. L’ouverture est
rassurante pour lui, et lui permettre de connaître vos émotions et votre
personnalité est le plus beau cadeau que vous puissiez lui faire. Vous vous
sentirez de plus en plus à l’aise dans cette relation, mais veillez à en
préciser les limites et la fréquence.
Chapitre 11

La personnalité
histrionique

Pour la déceler
Vous avez une amie qui vous fascine῀: flamboyante, vive, séduisante, elle
semble mener une vie active et captivante. Mais, après un certain temps,
vous la trouvez accaparante, énergivore. Vous sentez qu’elle a besoin de
toute l’attention bien qu’elle ait des connaissances et des émotions
superficielles. En effet, elle change facilement de registre émotionnel, et
cette inconstance vous hérisse. Vous avez un amoureux῀? Elle essaie de le
séduire. Vous racontez une histoire῀? Elle trouve mieux῀: plus intense, plus
drôle, ou en tout cas certainement plus intéressant. Il y a la personne qu’on
surnomme «῀le roi ou la reine du drame῀», pour qui tout est prétexte au
drame ou à la pièce de théâtre. Vous l’écoutez raconter avec force mimiques
et expressions, pour la énième fois, l’histoire de sa crevaison, et vous n’en
pouvez plus. Ou encore cette personne vous parle de trop près, à l’intérieur
de votre espace personnel, et elle n’arrête pas de parler, si bien que vous
n’arrivez pas à placer un mot.

Êtes-vous en présence d’une personne histrionique ? ῀

Toujours Parfois Jamais


Elle fait tout pour être le centre 2 1 0
de l’attention.
Elle est en mode séduction 2 1 0
ou provocation.
Elle a des émotions changeantes. 2 1 0
Elle travaille son apparence physique 2 1 0
de façon à attirer les regards.
Elle parle souvent de façon 2 1 0
subjective («῀moi, je…῀»).
Elle dramatise, exagère ses émotions. 2 1 0
Elle est influençable. 2 1 0
Elle pense que ses relations sont plus 2 1 0
intimes qu’elles ne le sont en réalité.

Si le total est de 0 à 6, cette personne n’est pas particulièrement attirée


par les applaudissements. Elle peut, jusqu’à un certain point, prendre sa
place en société, mais n’est pas le type à faire des discours en public. De 7 à
11῀: des traits histrioniques sont nettement présents. Dans ce cas, la
personne est à l’aise en public, sait se faire remarquer et apprécie l’attention
qu’elle reçoit. Elle n’est pas nécessairement dépendante de l’attention des
autres, et sait souvent se taire et prendre moins d’espace afin d’écouter et
d’apprécier les autres à son tour. À partir de 12῀: attention à la fragilité de la
personnalité. La recherche d’attention peut être la raison de vivre de cette
personne, qui connaît très peu la valorisation intérieure῀; en effet, elle ne se
sent exister qu’à travers les réactions venant de l’extérieur.

Pour mieux comprendre


Les sujets histrioniques sont constamment à la recherche de l’attention et de
l’affection de leur entourage. Ils utilisent toutes sortes de manœuvres pour
exercer un contrôle sur les autres et les inciter à leur accorder de l’attention.
Séduction, crises, expression outrée de leurs émotions, manipulation, rien
n’est à leur épreuve pour assurer la prise en charge par les autres de leurs
besoins affectifs. Il y a au fond d’eux une dépendance importante, mais, à la
différence des personnalités dépendantes, ils ont un comportement actif. Ils
ont souvent un côté infantile dans leur façon de s’habiller, qui est
provocante, ainsi que dans leur façon d’agir. Ils ont aussi un besoin constant
qu’on s’occupe d’eux et qu’on valorise leur présence et leurs qualités. Pour
qu’on s’occupe d’eux, ils en arrivent à développer de véritables talents, bien
que la persévérance et la continuité ne fassent pas partie de leurs forces. En
termes de relations interpersonnelles, la recherche de la nouveauté, de ce
qui est tendance, d’excitation, l’emporte sur l’investissement dans
l’approfondissement des relations déjà présentes. Ils pourront être acteurs,
avocats, politiciens, présentateurs télé, somme toute exercer tout métier qui
exige le sens du spectacle et des effets.
Ils cherchent à être rassurés par le regard des autres car, au fond, ils se
sentent dévalorisés. Toutes leurs actions sont motivées à la base par un
besoin excessif d’être aimés inconditionnellement et par le besoin de
protection d’un moi vulnérable et fragile. Peut-être ont-ils eu des parents
qui n’étaient pas aimants, ou qui étaient désintéressés par la valeur
personnelle de leurs enfants, qui ne manifestaient de l’intérêt que quand ils
étaient amusés. Peut-être ont-ils eu des parents superficiels, qui valorisaient
l’apparence plutôt que les valeurs morales ou les habiletés intellectuelles῀:
«῀Que vont dire ou penser les voisins῀?῀» Leur valeur n’étant renforcée que
lorsqu’ils étaient «῀charmants῀», ils ont appris à utiliser le charme ou le
spectaculaire pour se valoriser intérieurement῀: puisqu’ils attirent l’attention
des autres, cela prouve qu’ils sont intéressants. Ils pensent que tous doivent
les aimer, sinon ils se sentent incapables de s’en sortir seuls. Ils pensent
aussi qu’ils doivent être amusants et drôles pour impressionner les autres et
ainsi pouvoir croire qu’ils ne sons pas nuls et incapables de susciter
l’amour. Ils se désinvestissent des relations présentes dans leur vie au profit
de nouvelles relations, qui deviennent rapidement très intimes, puis sont à
leur tour désinvesties pour d’autres relations encore. Pour toujours nourrir
leur besoin d’attention et d’affection, ils vivent une sorte de fuite
relationnelle vers l’avant.
Julie n’aimait que les belles choses. Un pot à fleurs, un panier à
papier, tout pour elle était une occasion de s’exclamer, d’admirer, et
surtout d’admirer son propre sens de l’esthétisme.

Pour décider et réagir


Vous pouvez avoir des affinités avec des personnes histrioniques. Une
relation intime à long terme avec un histrionique pathologique est
cependant assez rare. Mais la plupart des histrioniques en sont capables,
dans la limite du temps dont ils disposent et de leur investissement dans la
nouveauté et la séduction. Vous pourriez justement être attiré par cette
recherche de la nouveauté, et apprendre d’eux beaucoup de choses que vous
pourrez ensuite approfondir vous-même, puisqu’ils n’ont ni le temps ni les
aptitudes pour approfondir les sujets, aimant rester à la surface des choses.
Si vous désirez ne pas poursuivre la relation, vous n’avez qu’à laisser
aller les choses. Si vous ne les contactez pas, si vous ne manifestez envers
eux ni intérêt ni admiration, si vous restez de votre côté, ils ne vous
poursuivront pas. Ils sont trop occupés à poursuivre le nouveau et le
flamboyant, et ils se trouveront rapidement d’autres spectateurs. Si vous
aviez avec eux une relation à long terme, vous pouvez vous demander ce
que vous apportait cette relation, à quel point elle est devenue désagréable
avec le temps, et pourquoi. Cela vous évitera d’être charmé à nouveau par
quelqu’un qui n’investit pas suffisamment dans une relation d’amitié par
rapport à ce que vous désirez.
Si vous décidez de ne rien changer, demandez-vous malgré tout pourquoi
il y a eu un malaise et travaillez sur les causes de votre irritation. Sachez
que celles-ci ne disparaîtront pas et qu’il faut donc en changer les effets.
Ainsi, vous pouvez décider d’éviter de voir votre ami histrionique quand
vous êtes fatigué ou que vous vous sentez vulnérable, bien que lorsque vous
êtes un peu déprimé la personne histrionique puisse, en faisant le clown et
grâce à sa superficialité, vous faire oublier vos problèmes et vous faire rire.
Si vous voulez rester en relation avec l’autre mais qu’un certain nombre
de choses changent, comme toujours, rappelez-vous de prime abord que le
changement ne doit pas être envisagé comme un changement chez l’autre
uniquement. En effet, c’est en modifiant vos réflexes et vos actions que
vous pourrez amener la dynamique à se modifier à son tour. L’histrionique
dispose, pour ses «῀représentations῀», de l’espace que vous lui donnez. Si
vous l’écoutez pendant un certain temps vous parler de trop près et que
vous commencez à ressentir de la fatigue, une baisse d’énergie, vous
pouvez le lui dire très gentiment῀: «῀J’aimerais que tu me parles d’un peu
plus loin, parce que j’ai besoin de plus d’espace. Sinon, je ne peux plus
écouter.῀» Cette façon de faire ressortir le problème comme le vôtre, et non
comme le sien, ne le blessera pas dans son sentiment profond de ne pas
avoir de valeur et aura des chances de fonctionner῀: après tout, vous lui dites
que vous voulez continuer à l’écouter῀; c’est donc que vous le trouvez
intéressant. Il doit comprendre aussi qu’il y a des moments où vous n’avez
pas de temps pour lui, mais que cela ne veut pas dire que vous n’en avez
jamais. N’oubliez pas que la personne histrionique s’arrêtera faute de
spectateur.
Chapitre 12

La personnalité limite

Pour la déceler
Est-ce que, dans certains cas, vous vous retenez d’exprimer vos vrais
sentiments parce que vous avez peur des réactions de colère d’un ami῀?
Évitez-vous de discuter, essayez-vous à tout prix de concilier votre point de
vue avec le sien῀? Il y a des chances, si c’est le cas, que votre ami possède
quelques traits de personnalité limite. Si vous constatez qu’il ne vous
apprécie que lorsque vous êtes d’accord avec lui, et que dans le cas
contraire la rage s’empare de lui, cela signifie qu’avec lui vous n’êtes
jamais sûr de ce qui va se passer. Un jour il peut dire une chose, et le
lendemain le contraire, mais ne vous avisez pas de le lui faire remarquer῀: il
se fâchera et vous accusera à tort de ne pas l’écouter ou de ne rien
comprendre. De plus, vous ne pouvez jamais savoir d’avance de quelle
humeur il sera. En fait, si vous observez une instabilité émotive, une
hypersensibilité, de l’impulsivité et une difficulté à vivre la solitude, il est
possible que cette personne possède des traits de personnalité limite.

Êtes-vous en présence d’une personnalité limite ? ῀

Toujours Parfois Jamais


Est-ce que ses relations avec les 2 1 0
autres sont instables῀?
Est-ce que ses relations avec les 2 1 0
autres sont intenses῀?
Est-il contrôlant ou manipulateur 2 1 0
avec son entourage῀?
Son humeur est-elle 2 1 0
changeante῀?
Est-il hypersensible à l’abandon 2 1 0
(réel ou imaginé)῀?
A-t-il des comportements 2 1 0
impulsifs comprenant
des sensations fortes ou
potentiellement dangereuses῀?
A-t-il de la difficulté à maîtriser 2 1 0
sa colère῀?
Est-ce que, pour lui, tout est 2 1 0
blanc ou noir῀?

De 0 à 6῀: peut-être la personne est-elle un peu trop émotive, ou


déprimée, mais on ne peut pas dire qu’elle possède des traits de personnalité
limite. De 7 à 11῀: la personne manifeste des signes de personnalité limite,
mais pas nécessairement de façon pathologique. À partir de 12, faites
attention à vous῀: il s’agit d’une personnalité limite, et elle peut causer bien
des problèmes à son entourage ainsi qu’à elle-même.

Pour mieux comprendre


Une personne qui présente des traits de personnalité limite ressent presque
toujours un tourment intérieur, qu’elle utilise comme une boussole pour
guider ses actions῀: tout ce qui peut servir à diminuer ce tourment va être
tenté. Par exemple, si elle rencontre quelqu’un qui semble répondre à ses
besoins, elle l’idéalisera immédiatement et investira sa force, son affection
dans la relation, de façon rapide et intense. L’autre pourra, au départ,
accepter cet investissement῀: il est toujours agréable d’être considéré comme
quelqu’un d’agréable ou d’idéal. Mais personne n’est parfait, et dès que
l’ami montrera une imperfection, ce qui est inévitable, il se retrouvera dans
le rôle d’un ennemi et il subira des attaques de l’autre, sans trop
comprendre ce qui lui arrive. Puis, la personne souffrant d’un trouble de
personnalité limite partira aussitôt à la recherche d’une autre personne à
idéaliser, et répétera son pattern. Elle sacrifie ainsi son identité à la
recherche de l’amour. L’imperfection des autres suscite chez elle de
l’anxiété, car elle lui rappelle sa propre imperfection. Elle se sent
fondamentalement misérable et sans identité, vide. Elle cherche donc
constamment une relation satisfaisante, qui comblerait ce vide et réparerait
les mauvaises relations de son enfance. Car des expériences pénibles ou
même traumatisantes dans l’enfance, comme l’abus, l’agression, la
négligence, peuvent être à l’origine du développement des traits de
personnalité limite. Ces éléments perturbateurs, alliés à un tempérament
impulsif, à une humeur changeante et à un milieu familial instable, peuvent
favoriser ces traits de personnalité.
Ceux qui souffrent de ce trouble, et qui font souffrir leur entourage, ne
font qu’agir en fonction de leurs mécanismes de défense. Et, pour eux,
attaquer est le meilleur mécanisme de défense. Leur instabilité les affecte
dans tous les domaines, et ils ont de la difficulté à s’organiser. Ils ont une
peur profonde de l’attachement en même temps qu’ils le recherchent, ce qui
justifie la succession de leurs attitudes de fusion puis de rejet. Ils n’ont pas
conscience de ce conflit intérieur῀; ils ne peuvent donc pas en parler et
l’expriment par leurs actes. Ils sont très sensibles aux autres et ils utilisent
souvent cette qualité pour les manipuler ou pour monter les gens de leur
entourage les uns contre les autres.

Pour décider et réagir


Si vous décidez de ne pas poursuivre la relation parce que vous la trouvez
trop lourde, essayez de ne pas le faire de façon brutale. La plupart des gens
attendent d’être excédés pour agir, et la rupture peut alors provoquer des
crises de ressentiment et une vengeance hostile῀: vous êtes devenu le diable.
Si vous décidez de ne rien changer, faites tout de même attention de ne
pas vous laisser entraîner dans une relation trop fusionnelle. Inévitablement,
cette relation va se rompre car vous n’aurez pas toujours été disponible et à
la hauteur des attentes de votre ami. Essayez aussi de ne pas répondre à ses
provocations῀; il nage dans le conflit comme un poisson, et ce n’est peut-
être pas votre cas.
Si vous avez décidé de maintenir la relation, mais en y apportant des
changements, gardez à l’esprit les besoins et les capacités de cette personne.
Elle a besoin, dans sa vie, de quelqu’un qui soit stable et persévérant vis-à-
vis de ses attachements, qui soit suffisamment empathique pour l’écouter et
la comprendre, mais qui ait aussi assez de force intérieure pour accepter ses
accès de rage sans les prendre pour soi. En fait, elle a besoin de quelqu’un
qui puisse l’amener à se sentir comprise et écoutée, à ne pas être dépassée
par ses peurs, ses besoins et ses anxiétés. Attention de ne pas vous sentir
coupable si vous l’excluez de certaines activités. Ne devenez pas non plus
partie prenante de ses problèmes. De plus, il ne faut pas lui mentir dans le
but de l’empêcher de souffrir, mais plutôt essayer de lui présenter les choses
de manière à lui faire comprendre qu’elle n’est pas la seule à avoir des
besoins. Il est important aussi de fixer ses limites῀: si elle vous agresse
verbalement, retirez-vous ou dites-lui que vous jugez cela inacceptable.
Enfin, ne croyez pas tout ce qu’elle vous dit au sujet des autres῀: son attitude
vis-à-vis d’eux peut changer d’un instant à l’autre, et elle peut interpréter
les événements de façon à justifier une tentative de manipulation ou de
provoquer un conflit entre deux autres personnes.
Troisième partie

La toxicité
en action
Maintenant que nous savons déceler les personnes qui ont des traits de
personnalité ayant potentiellement des effets toxiques sur nous, et que nous
comprenons un peu plus leur fonctionnement, nous pouvons nous attarder
aux éléments spécifiques de la toxicité. Dans un premier temps, nous
étudierons les traits précis qui nous agressent, nous empoisonnent
l’existence, avec des exemples plus spécifiques qui touchent ces éléments
en particulier. Ensuite, nous verrons comment soigner les émotions
négatives que ces éléments provoquent en nous.
Les traits blessants ne sont pas tous les mêmes pour tout le monde.
Comme nous avons vu plus haut, pour l’un ce sera le calcul, pour l’autre les
commérages, pour d’autres encore la complainte permanente. Comment
reconnaître ce qui vous dérange dans certains des traits que nous allons
aborder῀? Vous avez immédiatement une réaction émotionnelle, comme
nous l’avons vu dans le chapitre consacré à l’intuition. Selon la nature et
l’intensité de cette réaction, vous serez en mesure de déterminer ce qui
empêche une relation d’atteindre son optimum et d’utiliser les solutions que
nous vous proposons, à moins que vous n’inventiez vos propres stratégies,
ce qui vous permettra d’aller encore plus loin dans l’antidote à la toxicité de
certaines relations.
Chapitre 13

L’impatience,
l’irritation, la colère

La colère et ses dérivés font partie des péchés capitaux. La personne


colérique est très peu tolérante envers ce qui la contrarie. Des problèmes de
circulation, elle klaxonne. Le bruit d’une tondeuse à gazon par un après-
midi calme et ensoleillé d’été, elle s’énerve. Une caissière doit faire un
dépôt au moment où c’est son tour῀: elle se fâche contre elle. On la
contredit, elle se fâche. En fait, quand les choses ne vont pas à son goût, le
colérique explose. Il n’est pas capable de s’exprimer sans impatience ou
colère῀; c’est sa façon d’entrer en relation avec quelqu’un. Il est émotif,
impulsif῀; il est souvent hyperactif et d’une grande vitalité. Son impatience
prédomine et il ne tient pas en place. La frustration le fait réagir au quart de
tour. Il est intense et passionné. Le colérique vit intérieurement un
sentiment d’injustice. Ce sentiment peut venir de l’enfance ou d’un
traumatisme intérieur. Si ces réactions vous dérangent, vous pouvez
l’exprimer, mais attention aux disputes. Vous pouvez lui demander ce qu’il
trouve injuste, vous pouvez lui expliquer que vous avez du mal avec la
colère et que s’il veut que vous compreniez son message, il doit s’y prendre
autrement avec vous. Attention de ne pas déclencher l’escalade de la
colère῀: vous pouvez être de ces personnes qui, lorsqu’elles doivent affronter
la colère de quelqu’un, ressentent une profonde injustice, et répliquent à
leur tour par la colère. C’est sans fin. Une technique utile pour éviter le
conflit est d’écrire à votre ami colérique afin de lui expliquer l’effet qu’a
sur vous la colère en général. En effet, l’écriture permet de définir les
choses à froid, sans trop d’émotions dans le chemin.
Julie avait un propriétaire colérique et agressif. Il criait sans arrêt,
pour n’importe quoi, et Julie avait des sueurs froides juste à l’idée de
devoir lui parler. Un jour qu’il devait réparer une fuite chez elle, il
s’est mis à lui crier des injures alors qu’elle avait fait exactement ce
qu’il fallait pour limiter les dégâts. Elle a pris son courage à deux
mains et lui a dit de sa voix la plus douce῀: «῀J’ai de la difficulté avec
les cris῀: quand on me parle trop fort, je ne comprends pas ce qu’on
veut me dire. Si effectivement vous voulez me dire quelque chose, il
faudrait être plus doux.῀» Il s’est immédiatement calmé, il lui a même
demandé de l’excuser. Mais pour Julie, la plus grande victoire a été
d’avoir trouvé une façon de ne plus avoir peur de son propriétaire,
qui est même devenu un proche par la suite.
Même si, personnellement, l’expression de la colère ne vous dérange pas,
car vous ne la prenez pas comme s’adressant à vous, voyez si votre ami
colérique n’a pas d’autres traits de personnalité limite῀; dans ce cas, vous
pouvez employer certaines stratégies décrites au chapitre 12. Par ailleurs, il
faut faire attention de ne pas confondre une impatience ou une colère
ponctuelle ou justifiée et une colère chronique῀: il y a bien des occasions
dans la vie de constater l’injustice et d’en être fâché, de réagir avec
impatience ou d’être irrité par de multiples frustrations au quotidien. Il ne
faut pas s’attendre à ce qu’aucune manifestation de colère n’apparaisse
jamais῀; ce ne serait pas normal.
Chapitre 14

L’ironie, le sarcasme,
la moquerie, le mépris

Le sarcasme désigne la dérision ou la moquerie amère et blessante. L’ironie


et le sarcasme sont méchants, abaissants et provoquent presque toujours une
blessure chez la personne vers laquelle ils sont dirigés. Souvent, ce sont des
moyens de défense ou la réaction d’une personne à sa propre blessure
intérieure, ou encore une défense contre une attaque réelle ou imaginée.
L’ironie retourne le sens de ce qui est effectivement dit, et on la reconnaît
généralement au ton, à la mimique et au contexte dans lequel elle survient.
L’ironie, le sarcasme et le mépris sont en fait le camouflage d’émotions
vécues intérieurement, et une défense devant un agresseur potentiel῀: en
donnant un coup, en cherchant à blesser l’autre, la personne risque moins de
voir jusqu’à quel point l’autre est supérieur ou meilleur. Le but est de
blesser pour montrer qu’on est «῀au-dessus῀» de l’autre et qu’on n’est pas
touché par lui. C’est le contraire de la recherche de contact, car le contact
est ici douloureux, issu d’un mélange de crainte et d’agressivité. Il y a trois
types de comportements méprisants῀: celui où la personne prend l’autre de
haut et veut manifester sa prétendue supériorité῀; celui où elle exprime une
pitié insultante῀; et celui qui consiste à ignorer l’autre totalement῀: éviter
l’autre et lui montrer qu’on l’évite. La personne méprisante souffre
d’insécurité sur le plan de l’estime de soi, et quand les victimes de son
mépris l’ignorent, cette insécurité s’accroît. Quand on comprend le
mécanisme du mépris, il est relativement facile de le déjouer, si on tient à la
personne῀: il s’agit de valider une partie de la critique qu’elle vous fait (celle
avec laquelle vous êtes d’accord) et de lui accorder la compétence de faire
cette critique, ce qui revient à reconnaître sa valeur. Son ressentiment et sa
peur seront ainsi adoucis. Si l’on ne s’engage pas dans le pattern
attaque/défense, souvent, l’expression du mépris sera désamorcée. Il ne faut
pas oublier qu’ignorer le mépris complètement le nourrit et constitue une
forme de mépris en soi. Il ne faut pas réagir impulsivement῀: après tout, on
peut se sentir attaqué mais garder son calme, et commencer par ne pas
croire à la vérité de la critique. Attention ici de voir s’il ne s’agit pas du
trouble de la personnalité narcissique῀; dans ce cas, la personne n’utilise pas
nécessairement le mépris comme une arme, mais comme une manifestation
naturelle de sa prétendue supériorité.
Jean Jacques était très sarcastique, ayant toujours le mot pour rire,
surtout aux dépens des autres. Rien ne l’arrêtait à cet égard, ni
l’amitié ni l’amour. Cependant, il ne faisait plus rire personne autour
de lui῀: en effet, avec lui, toute affirmation était fausse, toute
remarque stupide, tout travail un échec. Cela donnait l’impression
qu’il descendait les autres pour se remonter lui-même, et Marc, son
meilleur ami, a fini par le trouver pathétique tant ce mécanisme de
défense était devenu systématique. La plupart de ses autres amis
l’évitaient, car il n’était pas très agréable d’être en sa compagnie.
Marc le lui a fait remarquer, mais cette remarque elle-même a été
tournée en ridicule῀: «῀Pauvre petit, on va pleurer, tu es tellement
sensible῀!῀» Marc a fini par utiliser une approche douce, car il ne
voulait pas laisser tomber Jean Jacques, avec qui, par ailleurs, il
avait beaucoup d’affinités. À chaque remarque de Jean Jacques,
Marc trouvait une façon d’acquiescer, mais seulement à une partie de
ce qu’il avait dit, et de féliciter Jean Jacques. Voici une de leurs
conversations῀:
Jean Jacques῀: Même un mauvais ébéniste aurait fait mieux que ça.῀»

Marc῀: J’avoue que j’ai un peu bâclé le travail.῀»

Jean Jacques῀: On n’appelle pas ça bâclé, on appelle ça gâché.῀»

Marc῀: Tu es observateur, tu vois les détails, et tu


te préoccupes de moi.῀»

Jean Jacques῀: En fait, ça peut passer, si on regarde pas trop attentivement.῀»

On constate que Marc a pu désamorcer un dialogue potentiellement


agressif et blessant, en ne répondant pas à la méchanceté du ton et
de l’agression, et en changeant son point de vue.
Chapitre 15

La susceptibilité,
l’orgueil

L’orgueilleux est certain de sa supériorité῀: il peut prendre des airs modestes,


mais il est porté à se mettre en valeur. Il est vaniteux et aime que ce qu’il
voit comme sa supériorité soit confirmé par les autres. Il est conscient en
permanence de sa propre valeur et tend à la surestimer. Il aime afficher ses
talents. Attention, il se distingue du narcissique, bien qu’il en possède
certains traits. L’orgueilleux est susceptible. Par ailleurs, il recherche les
honneurs. Il a horreur de l’autorité, car il a un côté contrôlant῀: il doit être
celui qui décide. Il a toujours les meilleures idées selon lui, et ne s’incline
que rarement devant les mérites et les réalisations des autres. Ses idées sont
toujours les meilleures, croit-il, et lorsqu’il estime ne pas avoir
l’approbation qu’il mérite, il se vexe. Il peut aller jusqu’à empêcher l’autre
d’être autonome et d’avoir de l’initiative. Il a l’esprit de contradiction, ce
qui est pour lui une façon d’affirmer sa supériorité. Il ne faut pas perdre de
vue que l’orgueil et la susceptibilité rendent ceux qui en souffrent
dépendants des autres en ce qui concerne leur estime de soi. Ils souffrent
d’une blessure d’humiliation injustifiée au regard des circonstances.
Annie ne peut supporter qu’on fasse devant elle des compliments à
quelqu’un d’autre. Ses réactions émotives peuvent aller de
l’irritation à la colère en passant par la peur de n’être rien. Elle dit
le contraire, minimise le compliment, peut trouver des raisons
logiques et rationnelles de faire une critique négative. Ses amis la
trouvent super intelligente et le lui disent, mais elle n’accepte aucune
réflexion qui ait pour elle la moindre touche de critique. Par ailleurs,
Annie a beaucoup de qualités et son problème ne devient source de
malaise que lorsqu’elle est en société. Au cours d’une soirée,
Philippe en a eu marre et il l’a affrontée. Affrontement sans
agressivité, lors duquel il a joué un rôle de parent ou de personne
référence. Il lui a gentiment fait remarquer qu’elle faisait des
commentaires intelligents, rationnels et logiques, mais que parfois ce
serait agréable qu’elle soit d’accord avec lui. Annie a tout nié῀; elle a
réagi avec beaucoup de colère et elle est partie. Mais cet incident l’a
fait réfléchir et, après que ses amis ne l’eurent pas invitée à des
événements pendant un certain temps, elle a fait une réflexion sur
elle-même et a pu s’améliorer.
Si vous comprenez la souffrance de l’orgueilleux, vous pouvez aussi être
attiré par ses efforts pour tout apprendre. Sa motivation à être supérieur aux
autres peut l’amener à être quelqu’un de très cultivé, qui a beaucoup de
connaissances et qui est disposé à les partager en échange d’un peu de
reconnaissance. En ce qui vous concerne, surtout, ne marchez pas sur des
œufs῀: rien n’est plus malsain dans une relation que de toujours faire
attention de ne pas blesser l’autre ou de ne pas être anxieux soi-même
devant ses réactions. Vous ne pouvez pas le blesser si vous êtes honnête῀: le
problème est le sien, et surtout le sien. Vous pouvez comprendre et compatir
à sa souffrance, mais vous n’avez ni à changer pour vous adapter à lui ni à
essayer de le «῀soigner῀».
Chapitre 16

Le contrôle,
la manipulation,
le despotisme

Le contrôlant est celui qui vous définit, qui croit vous connaître mieux que
vous-même. Il pense connaître vos goûts sans que vous ayez à les lui dire.
En fait, il n’en sait rien du tout, il ne fait tout simplement pas de différence
entre lui et les autres. Sa perception repose sur ses propres désirs et non pas
sur la réalité. Il croit donc savoir ce que vous voulez, ce que vous êtes. Il
essaie de vous faire correspondre à sa vision de vous et ne supporte pas que
vous ne vous conformiez pas à cette vision. Bien sûr, il s’agit d’un
mécanisme de défense, né d’une grande insécurité, probablement survenue
à l’étape normale de la différenciation entre lui et les autres. Par exemple,
cela peut provenir en partie de la présence de parents très contrôlants, qui
n’étaient pas à l’écoute de leur enfant et lui prêtaient une personnalité qui
correspondait surtout à leur conception de ce que devait être la personnalité
de leur enfant. Pour de tels parents, admettre que leur enfant soit différent
de ce qu’ils veulent qu’il soit serait trop douloureux.
Le contrôlant est autoritaire et il a toujours raison. Les choses doivent
être faites comme il le veut et quand il le veut. Il tient très peu compte des
opinions des autres ou de l’effet que son attitude peut provoquer. Il manque
de spontanéité et semble rigide dans ses comportements, ce qui peut vous
donner des indications sur son fonctionnement῀: il est prévisible. Avec lui,
vous pouvez indiquer vos limites, mais sans essayer à votre tour d’exercer
un contrôle sur lui. Vous pouvez l’approcher gentiment, avoir des propos
assertifs sans être agressif et ne pas vous attarder aux incidents triviaux.
Chaque fois que vous sentez qu’il exerce un contrôle sur vous, vous pouvez
vous poser deux questions avant de réagir῀: «῀Est-ce que c’est important῀?῀»
et «῀Est-ce que c’est grave῀?῀». Vous constaterez qu’il est souvent inutile de
s’en préoccuper. Vous pouvez toujours vous dire intérieurement que vous
allez faire ce qu’il vous demande malgré le fait qu’il vous le demande. Il
n’est parfois pas désagréable que quelqu’un exerce un contrôle sur nous῀: on
se repose et, en général, on découvre et on apprend bien des choses.
L’important est de garder un bon équilibre et de ne pas dépasser ses limites,
ou le moins souvent possible.
Gaspard pense qu’il a toujours raison et qu’il sait mieux que
chacun… ce que chacun veut. Une des phrases qui définirait le mieux
ce qu’il pense des autres serait῀: «῀Ces gens-là ne savent pas ce qui
est bon pour eux.῀» Par ailleurs, il est cultivé et curieux, ce qui en fait
quelqu’un d’intéressant à côtoyer. Dominique est parti en voyage
avec lui pendant une semaine. Comme celui-ci connaissait à l’avance
les caractéristiques de Gaspard, il a dès le départ spécifié ses
attentes῀: je mange ce que je veux, je visite les endroits que je veux et
je me repose quand je suis fatigué. Gaspard a acquiescé à ces
exigences spécifiques et ils sont partis. Dominique s’est aperçu dès le
départ que Gaspard n’avait pas vraiment accepté ses demandes῀: il
choisissait les restaurants, les lieux à visiter, concevait des
programmes quotidiens chargés. Dominique s’est demandé pour
quelles choses il pouvait se laisser aller et pour lesquelles il se
sentait agressé. Il a remercié Gaspard pour la qualité de ses
recherches et de ses itinéraires, mais lui a indiqué que pour sa part il
était trop fatigué pour suivre tout le programme de Gaspard chaque
jour, et donc qu’il partirait de son côté une partie de la journée. Et il
n’a pas voulu que Gaspard se mêle de ce qu’il ferait pendant ce
temps libre. Par ailleurs, Gaspard trouvait des restaurants très
intéressants, alors Dominique n’avait pas de raison de refuser d’y
aller. Il a cependant expliqué à Gaspard que c’était sa propre
décision d’accepter, et que cela pourrait changer s’il le désirait.
Finalement, en s’en tenant à ces arrangements, Dominique a passé
un bon voyage, alors que s’il n’avait fait que subir le contrôle de
Gaspard, il en aurait été irrité et même les découvertes merveilleuses
auraient été gâchées.
Chapitre 17

La critique,
le jugement,
l’intolérance,
les ragots

Le critique, le médisant, s’attribue la fonction de juger les mérites des


autres. Il a l’œil pour évaluer les bons points, mais surtout les faiblesses de
son entourage, et même parfois de ceux qui ne sont pas dans son entourage.
Son but prétendu est le bien de la personne critiquée ou la recherche de
l’information utile à son interlocuteur, alors qu’il veut plutôt se faire valoir
en se montrant informé, au courant῀; il sous-entend qu’il vaut mieux que
ceux auxquels il parle ou dont il parle, croyant ainsi atteindre un niveau
supérieur au leur. Souffrant intérieurement d’un manque d’estime
personnelle, le médisant parle des autres car il pense n’avoir rien
d’intéressant à dire à propos de lui-même. Il peut aussi imiter un parent
significatif qui témoignait de cette façon son intérêt pour les autres. Il va
sans dire qu’il ne s’aime pas. Cependant, il ne fait pas de lien entre sa
tendance à médire, à critiquer, et son sentiment d’être incompétent et
insuffisant. Il s’attaque aux autres dans un pattern supériorité/infériorité qui
a pour but de le rassurer sur sa valeur. Pour sentir qu’il est quelqu’un, il a
besoin de démolir les autres ou de dévaloriser leurs réalisations. Il y a
souvent dans cette attitude une part de projection, en ce sens qu’il peut
reprocher aux autres ce qu’il perçoit comme une de ses faiblesses. Le
critique ne peut pas être tolérant῀: accepter quelqu’un avec ses défauts et ses
qualités est au-delà de ses limites. S’il s’agit d’un défaut, il sera exagéré,
caricaturé, tourné en ridicule῀; si c’est une qualité, elle sera diminuée,
remise en question ou même oubliée. Il ne faut pas perdre de vue que si un
de vos amis parle en mal de quelqu’un d’autre devant vous, il y a lieu de
croire qu’il fait la même chose avec les autres à votre sujet. Vous devez
aussi voir que, s’il vous critique, il n’y a pas que vous qu’il critique. Cela
peut susciter une piste intéressante en ce qui concerne les stratégies à
adopter pour ne pas se laisser affecter. En effet, cela peut vous aider à ne
pas voir la critique comme dirigée vers vous personnellement῀: vous
comprenez que votre ami fait flèche de tout bois et que s’il émet des
commentaires ponctuellement contre vous, ce n’est pas pour vous nuire,
mais parce que ce mode de comportement l’aide à sentir qu’il est
quelqu’un. Vous n’êtes pas obligé de le supporter, mais le fait que cela ne
s’adresse pas à vous personnellement peut vous aider à moins en souffrir. Et
moins en souffrir permet d’adopter plus facilement les stratégies qui vous
conviennent. En voici quelques-unes.
D’abord, vous pouvez vous demander si la critique est vraie ou
injustifiée. Si elle est justifiée, vous pouvez utiliser cette information pour
vous améliorer. Si elle est injustifiée, elle ne peut vous atteindre, et vous
pouvez donc garder le silence. Si vous considérez que la critique et la
médisance sont un mécanisme de défense de l’autre, et si vous appréciez
cette personne, le silence et le refus de vous prêter à la médisance feront
partie d’une approche conciliante et respectueuse. Faites comprendre à
votre ami que les ragots ne vous intéressent pas. Expliquez-lui vos limites,
ce que vous considérez comme inacceptable en matière de critiques et de
ragots. Faites appel à votre bon sens.
Lise n’aime rien de plus que de savoir tout ce qui se passe et d’être la
première à l’annoncer à tout le monde, surtout lorsqu’il s’agit d’un
scandale. La malice et le jugement se mêlent à sa conversation, ce
qui donne lieu à des commentaires acides. Plus personne ne veut
passer une soirée avec elle, même si elle a un avis sur tout et sur
tous, et qu’elle pense que c’est pour le bien des gens qu’elle peut se
permettre ces réflexions. Elle a rencontré Marianne dans une salle
d’attente et elle a remarqué que celle-ci lisait un journal à potins.
Elle lui a tout de suite fait remarquer que tout ce qui était écrit dans
ces journaux n’était pas vrai et elle a agi de façon que Marianne
comprenne qu’elle avait des informations privilégiées. Marianne, qui
ne jetait un coup d’œil à ce journal que parce qu’il n’y avait rien
d’autre à lire, lui a gentiment répondu que les potins ne
l’intéressaient pas tellement et que pour elle il y avait des choses
beaucoup plus importantes dans la vie que cela. Elles ont alors
commencé à parler d’elles et de leurs vies, et Lise s’est sentie
écoutée et appréciée pour elle-même. Depuis, Marianne est sa
meilleure amie, et avec elle Lise ne ressent jamais le besoin de
critiquer ou de potiner῀: Marianne a su voir chez Lise le besoin
inexprimé d’être quelqu’un et l’a comblé, tout simplement en se
montrant intéressée par sa personnalité et ses connaissances.
Chapitre 18

Le calcul, l’avarice,
l’appropriation,
l’avidité

Votre ami oublie très souvent, pour ne pas dire systématiquement, son
portefeuille quand il sort avec vous῀? Ou il calcule ce que chacun a
consommé et le pourcentage des taxes et du pourboire au sou près῀? Il ne
veut pas sortir parce que c’est trop cher, il fait le tour de la ville pour
économiser un peu, il est sans arrêt à la recherche du «῀meilleur plan῀» et il
vous remet sur le nez le petit cadeau que vous lui avez donné à son
anniversaire en comparaison du gros qu’il vous avait donné avant῀? Il
souffre d’amnésie pour ce qu’il a reçu de vous, mais vous redemande le
billet de 10 qu’il vous avait prêté il y a deux ans… avec les intérêts. Le plus
horripilant, c’est que, comme vous ne tenez pas les comptes, votre
générosité passe inaperçue. La plupart du temps, il a plus de biens que vous.
Ce vice provient d’une dévalorisation de soi-même, d’un manque de
confiance en soi et d’audace, et traduit une insécurité profonde en ce qui a
trait au présent et à l’avenir. L’argent et les biens matériels semblent
combler cette insécurité et cette panique face au manque. Les possessions
matérielles procurent aussi un sentiment de pouvoir, de capacité d’agir sur
l’entourage, un sentiment qui fait défaut à la personne calculatrice. De plus,
le fait de ne pas être en situation de devoir quelque chose à quelqu’un mais
plutôt d’être la personne à qui l’on doit quelque chose est rassurant pour le
radin, qui voit les relations humaines comme uniquement sous l’angle des
relations matérielles et du pouvoir. En effet, il ne se rend pas compte qu’il
perçoit la richesse comme un but et non comme un moyen d’échange. Il a
peur de l’abandon, il a peur du manque. Vous pouvez encourager ses (rares)
élans de générosité῀: lui demander, par exemple, de participer à l’achat d’un
cadeau commun et le remercier chaudement pour son écot. Vous pouvez
aussi aborder le sujet et lui dire que c’est parfois à son tour de payer. Vous
pouvez même tenir un petit livre de comptes juste en ce qui concerne vos
relations avec lui῀: même si ce n’est vraiment pas votre type, vous aurez une
arme pour lui prouver que cela fonctionne dans les deux sens. Et favorisez
le partage dans d’autres domaines que le domaine matériel῀: profitez de sa
disponibilité en termes de temps, d’écoute, d’humour. Quand il n’y a pas
d’argent impliqué, il n’a pas l’impression que sa sécurité est menacée et il y
a des chances pour qu’il soit alors un très bon ami.
À partir du moment où Éric vous considère comme son ami, ce qui
est à vous est à lui῀: votre chalet, votre voiture, votre temps, vos idées.
Comme s’il était vide et qu’il avait besoin de vous pour le
«῀remplir῀»῀; c’est d’ailleurs ainsi qu’il se sent. On vous en avait
parlé, mais le constater, c’est autre chose. Il s’immisce dans votre
vie, puis c’est à vous de le nourrir. Il va dans un restaurant qui
appartient à un ami de Martine et dit au propriétaire qu’elle lui avait
promis qu’il aurait une bouteille de vin gratuite, ce qui est faux. Un
jour où Martine reçoit des amis, elle voit le nom d’Éric sur
l’afficheur de son téléphone et décide de ne pas répondre. Il insiste
en appelant sur son cellulaire, mais elle ne répond toujours pas. On
sonne à la porte. C’est Éric, qui entre et vient s’asseoir à table, avec
les amis de Martine. Et qui se sert à boire. Martine est estomaquée
devant le fait qu’il soit aussi sans-gêne et lui dit qu’il n’était pas
invité ce soir-là et qu’en fait elle préférerait qu’il ne vienne plus chez
elle et qu’il ne l’appelle plus. Éric part ce soir-là et ne reviendra pas.
Lorsqu’on attend trop longtemps pour fixer ses limites, on explose, et
c’est alors qu’on perd un ami. Martine aurait pu réagir autrement.
Mais peut-être sa réaction servira-t-elle à faire réfléchir Éric sur son
comportement anti-ami.
Chapitre 19

Le dépit, l’envie,
la jalousie

Nous connaissons tous le sentiment de jalousie. C’est le sentiment


d’insatisfaction et d’insuffisance éprouvé devant les biens, la réussite ou
l’amour que possèdent les autres, et le désir de posséder soi-même ces
biens, de connaître cette réussite ou de recevoir autant d’amour. À la base, il
s’agit de la crainte d’être dépossédé de quelque chose, ou de la peur qu’une
personne qu’on aime en préfère une autre que soi. Cette peur naît du
sentiment de ne pas être à la hauteur, de ne pas avoir de chance῀; c’est la
peur de vivre l’échec et d’être vu comme une personne incapable de réussir.
Parfois, la jalousie peut être un moteur, une motivation à se demander quels
sont ses buts réels et à travailler pour les atteindre. Quand on devient ami
avec quelqu’un, il se crée une relation de partage, de confiance et
d’échange. Avec le temps, il en découle une certaine dépendance qui peut
provoquer de l’insécurité si on a l’impression que l’autre change ou
s’éloigne. Il peut aussi s’agir d’un désir de posséder ce que l’autre a ou
obtient, et qui nous manque, que ce soit un travail, une qualité physique ou
la présence d’un conjoint. La jalousie et l’envie ont toujours un objet῀: une
situation, une qualité ou encore l’équilibre de la relation si une tierce
personne fait son apparition. La plupart du temps, la jalousie vient de ce
qu’on ne se considère pas comme complet, de ce qu’on souffre d’un
manque d’estime de soi. Ainsi, avoir une amitié exclusive nous donne
l’impression d’avoir une emprise sur l’autre, d’être associé à ses succès ou à
ce que nous lui envions. Un complexe d’infériorité peut aussi être à
l’origine de l’envie ou de la jalousie que nous ressentons envers un autre. Si
nous sommes jaloux et si nous nous l’avouons, nous pouvons effectuer un
travail sur notre estime de soi et sur l’émulation que ce sentiment peut
procurer, par exemple en profitant de la conscience de ce qui semble nous
manquer pour réévaluer ce que nous avons.
Lorsque quelqu’un est jaloux de nous, on peut chercher à atténuer ce
sentiment, mais on ne devrait pas lui mentir ou lui cacher des faits sous
prétexte de ne pas vouloir déclencher sa souffrance. On peut plutôt lui
expliquer qu’il a des qualités, et que nous l’apprécions pour ça. On peut lui
demander son avis, lui faire des compliments, lui faire remarquer qu’il
pourrait lui aussi travailler de façon à obtenir ce qu’il veut. Les gens qui
sont aux prises avec un problème de jalousie sont malheureux, car ils ne
savent pas voir ce qu’ils ont et ne savent pas profiter du moment présent. Ils
ont souvent des réactions qui ressemblent à celles des passifs agressifs. Si
vous constatez qu’ils vous font des remarques sur le fait que vous avez
mieux réussi qu’eux ou que vous avez eu plus de chance qu’eux, vous
pouvez leur expliquer votre truc, soit d’avoir des objectifs et de planifier
une démarche qui vous mène à leur réalisation. Vous pouvez aussi leur
montrer qu’il peut y avoir des inconvénients à votre situation et souligner
les avantages de la leur.
Nathalie souffre de ressentiment. Elle est à l’affût des réalisations de
ses amis et par ailleurs elle souffre d’aboulie, qui est une défaillance
de la volonté provoquant une incapacité à prendre des décisions ou à
réaliser des projets. Or, sa conscience d’être aboulique accroît son
malaise. Line est son amie et elle voit bien que Nathalie frôle la
dépression tant elle se compare aux autres en matière de réalisations.
Line a remarqué depuis longtemps que Nathalie avait une voix
fantastique, très pure et très juste. Elle lui a souvent demandé de
faire partie de sa chorale, mais Nathalie a toujours refusé car elle
pense en être incapable. Un jour, Line réussit à la convaincre. À
partir de ce moment, un lent changement s’opère dans la vie de
Nathalie. Elle se sent appréciée, elle a l’impression de communier
avec les autres membres de la chorale, au point où en en oublie peu à
peu de se comparer aux autres, d’abord en ce qui concerne le chant,
puis, lentement, par rapport au reste de sa vie. Elle change ensuite
d’emploi et travaille dans le milieu de la musique, où elle excelle
parce qu’elle a davantage confiance en elle et souffre moins
d’insécurité, ce qui lui permet d’essayer des choses au lieu de
regarder les autres essayer des choses et de rester dans son coin,
jalouse et dépitée.
Chapitre 20

Le conformisme,
l’inaction,
la dépendance

Le conformisme est une attitude qui vise à maintenir un individu en accord


avec son groupe social῀: c’est une condition facilitante à une bonne entente
avec celui-ci. En effet, le refus d’accepter les normes conduit à l’isolement,
car la transgression est punie. Par ailleurs, lorsqu’il y a excès de
conformisme, la personne agit seulement en fonction des autres et est prête
à tout pour se faire accepter. On peut ici penser aux initiations dans les
groupes criminalisés῀: il faut commettre des crimes pour se conformer aux
règles du groupe auquel on veut s’intégrer. On s’y intègre au risque de
perdre sa personnalité en chemin, de devenir trop influençable et d’agir de
façon irréfléchie. On oublie qui on est vraiment et on se laisse aller aux
dépendances, d’abord affectives῀; puis, lorsqu’on est déçu, on recherche les
évasions artificielles, comme la drogue ou l’alcool. Le conformisme peut
être entraîné par le rejet, surtout chez les jeunes qui sont facilement
influençables et qui souffrent de mises à l’écart. La personne conformiste à
l’excès aura tendance à entrer dans un cycle d’hésitation-inaction et ne
prendra plus d’initiatives à cause de la peur de ne pas être acceptée. La peur
du rejet est ainsi à l’origine de cette attitude, tout comme la certitude de ne
pas être acceptable à ses propres yeux. Le conformiste semble être soumis
aux idées du groupe dans lequel il vit, et il est influençable῀: il est plus facile
(et moins dangereux) de se conformer au modèle que de prendre des
initiatives et de se démarquer par des opinions ou des actions différentes. Le
conformiste est influençable et il change d’opinion selon les opinions des
groupes ou des personnes en présence desquelles il se trouve. On associe
parfois cela à l’hypocrisie῀; il s’agit plutôt de l’attitude enfantine de
quelqu’un qui dit ce qu’il croit que l’autre veut entendre. Il y a ici une
carence sur le plan de la conscience de soi῀; le conformiste ne sait plus
vraiment ce qu’il veut ni qui il est. Son but ultime est de faire partie de
quelque chose et de ne pas trop attirer l’attention.
À moins que vous n’aimiez que quelqu’un soit d’accord avec tout ce que
vous dites et avec tout ce que vous faites, il est important de ne pas
encourager la dépendance de l’autre῀: cela vous jouerait des tours, car
chacun doit prendre la responsabilité de sa propre vie. Les victimes tombent
dans cette catégorie῀: incapables de faire quelque chose par elles-mêmes,
elles blâment les autres, la malchance, le destin. Elles feignent
l’incompétence afin de se faire prendre par la main. Attention de ne pas
verser dans la dynamique sauveur/sauvé. La motivation consciente et
rationnelle du sauveur est d’éviter à l’autre de souffrir, alors que sa
motivation personnelle inconsciente est d’éviter de souffrir lui-même῀: si on
fait du bien à l’autre, on est une bonne personne et on peut donc être
pardonné pour les problèmes que l’on traîne. Le sauveur est créateur de
dépendance en ce sens qu’il promet de «῀sauver῀» l’autre et, peu à peu, il
crée l’illusion que sa présence lui est indispensable pour régler ses
problèmes ou prendre des décisions importantes. Cet état de fait peut rester
statique, en équilibre῀: les deux protagonistes tirent avantage de la situation
de façon vivable. Le sauveur permet au «῀sauvé῀» d’agir en fonction de son
pattern de comportement destructif, que ce soit un comportement dépressif,
toxicomane ou dépendant affectif. En effet, il facilite le comportement de
l’autre pour ainsi être mieux accepté et apprécié par lui. Tous deux
cherchent inconsciemment à renforcer leur pattern au lieu de s’interroger
sur sa raison d’être, ce qui impliquerait un processus douloureux. C’est
quand la dynamique devient insupportable pour l’un des deux que le lien
devient toxique. Et, généralement, la dynamique devient difficile à tolérer
lorsqu’intervient un changement de situation de l’un ou l’autre des deux
amis, comme un déménagement, un travail plus exigeant ou une rencontre
amoureuse.
Raymond et Alex étaient toujours ensemble. En fait, c’est Alex qui
était toujours avec Raymond (la nuance est importante). Raymond
n’avait jamais besoin d’appeler Alex῀: il était toujours là. Au
téléphone, chez lui, au resto. On les appelait «῀les inséparables῀».
Raymond était la locomotive, et Alex suivait. Alex demandait à
Raymond de prendre des décisions à sa place, ou du moins il pesait
le pour et le contre en sa compagnie et lui demandait son avis. Un
jour, Raymond a rencontré Anne-Marie, qui allait devenir sa
compagne. Anne-Marie, au début, était disposée à être amie avec
Alex, mais quand elle a vu qu’il était toujours là, elle a eu une
discussion avec Raymond et lui a expliqué que ce n’était pas d’Alex
qu’elle était amoureuse, mais de lui. Quand Raymond a réalisé
l’importance de la dépendance affective d’Alex, il est assez
brutalement retombé sur terre. Il s’est rendu compte qu’avant de
rencontrer Anne-Marie, cette relation lui convenait tout à fait, qu’elle
lui permettait de combler son besoin d’intimité et il en tirait des
avantages. Il a pris conscience du fait que la dynamique était
devenue trop lourde. Et il se demandait comment faire pour
s’éloigner sans blesser Alex et sans le perdre non plus, car il trouvait
qu’ils avaient beaucoup en commun. Il a fini par écrire une lettre à
Alex où il lui disait combien son amitié était précieuse, mais qu’il
devait prendre un peu de recul pour passer plus de temps avec Anne-
Marie, et également plus de temps pour lui. Alex a très mal réagi῀: il
s’est senti dépossédé et n’a plus vu Raymond pendant quelques
années. Puis, après avoir été rejeté par un autre meilleur ami, il est
revenu vers Raymond, à qui il est resté très attaché par la suite. C’est
à ce moment-là que Raymond, qui avait fait un travail sur lui de son
côté, a réussi à fixer des limites et à accepter de s’engager à
l’intérieur de celles-ci. Alex est devenu un ami proche du couple et le
parrain d’un de leurs enfants.
Ainsi, il ne faut pas nécessairement rejeter tout engagement avec une
personne dépendante῀; il faut simplement être conscient de nos limites et ne
pas enlever de responsabilités à l’autre. On peut l’aider à être autonome en
faisant ressortir ses qualités, comme sa loyauté, sa disponibilité et sa
générosité. En fait, accroître le sentiment de sécurité favorise l’autonomie.
Chapitre 21

L’indifférence,
le retrait, l’évitement

L’insensibilité. On pourrait aussi parler d’indifférence ou de flegme.


Souvent, la personne qui présente ce type de comportement est une
cérébrale, c’est-à-dire que chez elle la vie intellectuelle prédomine. Elle est
rationnelle, et ses décisions sont beaucoup plus logiques qu’intuitives ou
spontanées. Elle peut aussi être placide, calme. Elle est la plupart du temps
conformiste, mais toujours de façon réfléchie. Secrète, introvertie, elle se
livre peu, et quand elle le fait, c’est qu’elle pense ne plus avoir le choix. Sa
présence peut être toxique pour les personnes peu sûres d’elles-mêmes, qui
ont souvent besoin d’être rassurées. Le comble pour elle῀: que des amis lui
demandent constamment à quoi elle pense, comment elle se sent, ou encore
des amitiés où les conversations sur la spiritualité ou les émotions
prédominent. Elle est étrangère aux autres domaines que celui de la raison,
ou plutôt elle ne s’y aventure pas, sans toutefois savoir pourquoi. Si vous
avez besoin d’affection, de chaleur, de proximité et d’intimité pour vous
épanouir dans une relation d’amitié, cette personne n’est pas la candidate
idéale. Elle valorise l’indépendance et la liberté plus que tout et n’a pas
beaucoup d’empathie pour les autres, ni d’intérêt pour une relation intime.
Par ailleurs, si vous êtes à l’aise en compagnie de quelqu’un qui est
silencieux et débrouillard, vous avez trouvé la personne idéale.
L’indifférence émotionnelle est apprise, et généralement il n’est pas
convenable, selon notre éducation, de manifester ses émotions. On dira
ainsi «῀Un garçon ne pleure pas῀»῀; «῀Ne fais pas ça, tu vas lui faire de la
peine῀»῀; «῀Tu ris trop fort῀». Nous avons compris très jeunes qu’il ne
convient pas d’exprimer ses émotions et donc qu’il ne convient pas de les
ressentir. Souvent, l’indifférent est en état de carence affective῀; il manque
d’affection ou il n’en obtient pas suffisamment. Lorsque le besoin
d’affection est contrarié, on se convainc qu’il disparaît et on évite tout
comportement qui pourrait le laisser voir. L’évitement est une attitude de
défense visant à ne pas se retrouver dans une situation redoutée.
Ne demandez pas à cette personne comment elle se sent ou à quoi elle
pense῀: elle risque ensuite de répondre «῀jamais῀» si vous voulez savoir
quand vous la reverrez. Ne lui demandez pas non plus de penser à votre
place. Respectez son besoin de solitude, et partagez avec elle ce qui est
agréable pour vous deux. Riez ensemble῀; le rire crée une complicité qui
n’est pas envahissante.
Chapitre 22

Comment soigner
les émotions négatives issues de la toxicité

Les relations toxiques suscitent des émotions négatives. Ce sont d’ailleurs


ces émotions qui sont à l’origine de la prise de conscience de l’existence
d’une telle relation. Elles sont aussi l’effet des traits toxiques. Mais en fait,
selon l’approche cognitive, c’est vous qui êtes responsable de vos émotions.
Vous trouverez donc des exemples de stratégies ayant pour but de vous
débarrasser de certaines émotions pénibles, ou à tout le moins de les
atténuer. Généralement, l’origine de ces émotions est déjà en nous῀: nous
devons donc chercher à détecter les déclencheurs, puis à les neutraliser de
diverses façons. Ces déclencheurs, parmi lesquels se trouvent les attitudes
toxiques des gens que nous côtoyons, peuvent être replacés dans un
contexte réaliste, où ils perdront alors de leur importance et de leur gravité.
Voici quelques techniques pour réagir à ces émotions qui nous restreignent
notre jouissance de la vie.

La frustration,
le sentiment d’injustice
La frustration et le sentiment d’injustice entraînent la plupart du temps de la
colère ou des émotions qui lui ressemblent, comme l’irritation et
l’impatience. Quand la colère vous envahit, vous n’écoutez plus, vous êtes
obnubilé par votre indignation, vous ne pensez qu’à frapper fort et juste,
sans même réfléchir aux conséquences. Pourtant, la conséquence numéro
un, presque inévitablement, est que votre colère est contagieuse῀: elle
provoque celle de l’autre et enclenche une escalade. Entre amis, des paroles
qui sont d’autant plus impardonnables qu’on sait ce qui va blesser l’autre
peuvent être prononcées. Parfois, on réalise la portée de ce qu’on dit, mais
c’est rare. Deux approches peuvent être utilisées de concert. D’abord,
essayez de voir ce qui vous met en colère῀: faites une liste. Si vous n’y
arrivez pas, vous pouvez regarder sur Internet les tests sur la colère et
utiliser les énoncés de ces tests comme des points de départ pour cerner les
causes les plus fréquentes de votre irritation. Évaluez l’importance de
l’incident qui vous met en colère. Sachez que le sentiment d’injustice est à
l’origine de bien des réactions de colère῀: voyez ce que vous trouvez injuste.
Peut-être un ami vous semble-t-il ne pas reconnaître vos mérites à leur juste
valeur῀? Peut-être ne réagit-il pas conformément à vos attentes ou fait-il
preuve d’un manque de compréhension à votre égard῀? Ce sont là quelques
pistes à étudier, mais il n’y a que vous qui puissiez déterminer ce qui
déclenche votre colère῀: c’est vous qui la ressentez, c’est donc vous qui en
souffrez le plus. Quand vous réévaluez les déclencheurs, en essayant de les
interpréter différemment, vous apaisez votre sentiment de colère. La
deuxième approche consiste à partir de son côté lorsqu’on est en colère, par
exemple faire une promenade, une course, puisque l’exercice est un bon
calmant dans ce cas. Puis, réfléchissez à la cause et réglez le problème en
discutant calmement avec l’autre, ou encore, tout simplement, en repensant
à ce qui est à l’origine de la situation frustrante῀: vous constaterez souvent
que certaines raisons n’ont rien à voir avec vous.

L’anxiété, la crainte
L’anxiété est un sentiment naturel, qui vous met en état d’alerte. L’anxiété
est en vous pour vous avertir que quelque chose ne va pas, qu’il est temps
de changer quelque chose dans votre attitude et dans votre façon de penser.
La première étape est d’en arriver à discerner l’anxiété dès l’apparition de
ses premiers effets – boule dans l’estomac, pouls accéléré, fébrilité,
difficulté à avaler – et de mettre le doigt sur la situation ou la personne qui
provoquent ces symptômes. Reconnaître les déclencheurs de votre
sentiment d’anxiété vous donnera les armes nécessaires pour le combattre.
Si c’est dans le cadre d’une amitié, que ce soit la personne elle-même ou
quelque chose qu’elle fait ou dit (ou montre), vous pourrez à l’avenir être
sur vos gardes et ne pas rester là sans rien faire dans une situation qui vous
angoisse. Demandez-vous ce que vous pouvez faire pour vous débarrasser
de cette émotion, tant intérieurement, par exemple en changeant de point de
vue, qu’extérieurement, par exemple en verbalisant vos limites ou en vous
retirant. Si l’anxiété est importante et qu’elle dure malgré cela, vous pouvez
utiliser des techniques de visualisation, de méditation. Vous pouvez aussi
faire de l’exercice et de la relaxation.

La culpabilité, la responsabilisation
La culpabilité évoque plusieurs notions. Ainsi, il y a une différence entre la
responsabilité, la culpabilité et le remords. La responsabilité signifie qu’on
assume les conséquences de ses actes, ou qu’on s’engage à exécuter une
tâche ou à trouver une solution à un problème. Le remords est issu de la
responsabilité, en ce sens qu’il nous permet de reconnaître nos erreurs, de
nous en excuser, d’y remédier, autant que faire se peut, et enfin d’en tirer
des leçons. La culpabilité fonctionne main dans la main avec la notion de
faute. Elle est négative dans la mesure où c’est un sentiment de malaise, qui
suppose la conscience d’avoir fait quelque chose de mal, mais sans
nécessairement savoir quoi. Elle implique la conscience de la transgression
d’une norme et les reproches qu’on se fait à soi-même à cet égard. La
culpabilité dirige nos actions et notre vie, et c’est un boulet que nous
traînons. Entre amis, le développement d’un sentiment de culpabilité peut
être dû soit à une distorsion intérieure, soit à une manipulation extérieure.
Une distorsion intérieure est ce qui arrive quand vous vous croyez
responsable des malheurs, des tristesses, des problèmes des autres. Vous
prenez la responsabilité de leur état, et dans le futur, vous essayerez de les
aider à régler tous leurs problèmes, car selon vous, vous êtes à l’origine de
leur malaise. C’est donc vous qui assumez une responsabilité qui ne vous
appartient pas. À la limite, vous présumez que l’autre n’est pas armé pour
faire face à son problème. Une manipulation extérieure a le même effet, soit
de vous imputer une responsabilité qui ne vous appartient pas῀; mais cette
fois, c’est l’autre qui vous la met sur le dos pour échapper à la contrainte de
reconnaître ses erreurs, ce qui serait trop douloureux. Les relations basées
sur la dépendance ou sur la pitié comportent souvent une forme de
culpabilité. Dans les deux cas, comprendre que les problèmes sont ceux de
l’autre est essentiel pour vous en sortir. Si vous pensez «῀devoir῀» faire
quelque chose pour l’autre, demandez-vous d’où vient le devoir en
question. Est-ce de votre volonté pure et simple de faire plaisir, sans rien
attendre en retour, ou s’agit-il plutôt d’une façon de vous décharger de votre
sentiment de culpabilité῀? Décider d’être spectateur et de ne pas agir pour
les autres avant qu’on vous le demande est une bonne technique pour
repérer les projections de culpabilité῀: la nature même du culpabilisateur
manipulateur vous incitera à proposer votre aide ou à être disponible pour
lui, même si ça ne vous convient pas.

La déception, la tristesse
La tristesse issue de la déception est naturelle et saine quand elle est vécue
comme un deuil. Vous avez pris conscience du fait que la relation ne sera
jamais l’amitié dont vous rêviez, à cause des limites de chacun. Pour ne
plus souffrir de cette tristesse, il vous faut l’accueillir, et la vivre῀: vous
perdez de votre intérêt pour votre travail et vos activités habituelles, vous
vous retirez, vous êtes dans un état réceptif pour ce qui est de réévaluer le
sentiment de l’amitié, ses avantages et ses inconvénients. Profitez-en pour
faire des mises au point et pour établir un plan pour l’avenir, en matière de
relations amicales, tant avec l’ami qui vous a déçu qu’avec les autres, ceux
du présent et du futur. Pour favoriser la disparition de la tristesse, ne
ruminez pas ses causes de la situation῀: si vous le faites, les ressasser
deviendra obsessif et vous ne parviendrez pas à prendre le recul suffisant
pour réagir de façon satisfaisante. En effet, ressasser ses pensées négatives
passivement ne fait qu’aggraver la tristesse. Si vous réfléchissez aux causes
de ce qui s’est passé, menez ces réflexions à terme῀: faites-les aboutir à des
actions ou à des idées qui vous feront progresser. Et puis, sortez, rencontrez
des gens que vous aimez bien, allez au cinéma, faites-vous des petits
plaisirs. Quelle que soit l’issue de l’amitié qui vous a mené à la tristesse,
faites en sorte d’en sortir grandi, plus attentif à vous-même et aux autres.

L’humiliation
«῀Bon, c’en est assez, je ne veux plus jamais le voir, il m’a suffisamment
humilié, et devant les autres, en plus.῀» La blessure provoquée par
l’humiliation est de nature identitaire. Vous essayez de ne pas le manifester,
pour que les autres ne s’en aperçoivent pas et ne puissent pas utiliser cette
peur de l’humiliation contre vous. À l’origine du sentiment d’humiliation, il
y a le regard posé sur soi, plein d’insécurité, intérieurement, et qui est
validé par l’événement qui a causé l’humiliation. Il faut donc travailler la
confiance en soi, se dire que ce que pensent les autres n’a aucun effet sur
soi. Vous pouvez utiliser votre empathie et votre intuition pour vous
demander ce qu’il y a derrière l’incident humiliant῀: est-ce que l’autre est
jaloux῀? a-t-il peur lui-même d’être humilié et le fait-il donc avant que cela
lui arrive῀? Vous pouvez comprendre ce qu’il ressent῀: il est très rare qu’une
personne soit méchante simplement pour être méchante. La plupart du
temps, c’est un mécanisme de défense.
Conclusion

Il est important de connaître la nature de la relation que vous trouvez


problématique῀: nous avons appris à déceler des personnalités, nous avons
appris à réagir dans certains cas précis et à décider de l’avenir de la relation.
Il reste à prendre conscience que la nature d’une relation ne peut changer du
tout au tout en un instant. En fait, il ne suffit pas que vous ayez compris la
dynamique et que vous soyez décidé à la modifier. Encore faut-il que l’autre
soit conscient de votre démarche et qu’il s’y associe. En parlant avec lui,
vous vous apercevrez peut-être que c’est vous qui avez des tendances
narcissiques, histrioniques ou dépendantes, que l’autre accepte avec
difficulté. Il vous faut aussi prendre conscience qu’on ne change pas les
autres, sauf en changeant soi-même῀: lorsqu’on modifie ses propres
comportements, la relation, qui est une dynamique, doit forcément changer
puisque l’un des protagonistes agit de façon différente.
Apprenez à utiliser les stratégies qui vous conviennent, dans les
situations où elles sont efficaces. Vous pouvez fuir, vous pouvez vous
battre, mais il y a aussi toute une gamme de réactions intermédiaires qui
peuvent vous aider à résoudre les crises, les conflits ou les situations
délicates, et ce, dans l’équilibre, dans l’écoute et dans la considération.
Si vous vous sentez manipulé, la contre-manipulation vous permettra de
vous en tirer῀: rester flou, ne pas réagir au quart de tour, montrer que vous
êtes indifférent au chantage. N’essayez pas de manipuler un manipulateur si
vous ne l’êtes pas῀: il l’emportera haut la main, et vous éveillerez son
attention quant à votre prise de conscience de ses manœuvres. Faites des
phrases courtes et ne vous justifiez pas.
Si vous vous sentez agressé et si, malgré vos tentatives, l’autre ne change
pas, la technique du miroir peut l’irriter, bien sûr, mais comme c’est très
inattendu de votre part, cela risque de fonctionner. Vous devez toutefois être
prêt à voir la relation se terminer, l’autre vous ayant justement choisi pour
votre douceur.
Il est important de rester engagé, c’est-à-dire de prendre part à des
activités sociales qui vous plaisent véritablement, sans vous préoccuper de
l’opinion des autres même si vous vous sentez jugé, restreint ou même
agressé. Restez toutefois à l’écoute des autres, c’est-à-dire non seulement
de ce qu’ils disent, mais également de ce qu’ils montrent et ressentent. Vous
pouvez ignorer ceux qui ont un impact négatif sur votre vie, sur vos
émotions, sur votre bien-être. Entourez-vous de gens qui vous valorisent,
qui vous respectent pour ce que vous êtes, et souvenez-vous que la
valorisation et le respect vont dans les deux sens. Vous pouvez vous
affirmer sans être agressif῀: avoir confiance en vous et en vos capacités ne
veut pas dire rejeter les capacités et les contributions des autres. Au
contraire, la complémentarité donne naissance à de plus grandes
réalisations.
Utilisez le coping, qui est une modalité adaptative demandant une
réévaluation de la situation. C’est un processus qui suppose l’ouverture
d’esprit, l’empathie, l’intuition, l’ouverture aux compromis et aux
arrangements, et un sens du réalisme face à ses limites et à celles de l’autre.
Voici un exemple de coping. Vous avez à discuter d’un sujet délicat avec un
ami῀: vous avez au préalable réévalué sa façon d’agir, mais il y a encore de
ses gestes qui vous agacent, car d’après vous ils tiennent du manque de
respect. Vous vous préparez donc à le rencontrer avec ouverture, et sans
attentes quant à l’issue de la discussion. Votre objectif primaire est de
comprendre ces gestes de son point de vue῀: peut-être n’en a-t-il pas
conscience, ou, s’il en a conscience, peut-être n’y attache-t-il pas la même
importance que vous. Vous choisissez le lieu et le moment de votre
rencontre῀: un lieu propice à la discussion, où il n’y a pas trop de bruit, un
lieu neutre, ni chez vous ni chez lui, pour éviter «῀l’avantage du terrain῀».
Vous choisissez également un moment où vous êtes calme, ou rien ne vous
stresse de façon démesurée. Vous abordez l’autre gentiment, en parlant de
sujets légers, et vous utilisez votre intuition et votre empathie envers cet
ami pour décider s’il est prêt à s’engager dans cette discussion. Si vous
constatez un intérêt, vous plongez. Mais parlez de vous et des faits, ne
reprochez rien à l’autre. Vous vous donnerez ainsi toutes les chances de
mener à bien votre échange et de résoudre le malaise que vous ressentez à
propos de ces gestes. Évidemment, ce processus peut être scindé en
plusieurs parties῀; c’est même recommandé, car cela permet de digérer les
informations reçues et de laisser l’autre en faire autant.
Chaque personne a des qualités, pas seulement des défauts. Chaque
personne a des côtés fascinants. Mais il y a des moments où vos émotions
négatives prennent le dessus et où vous ne voyez plus que les défauts de
l’autre῀: c’est le temps de faire une démarche de remise en question, du
moins à l’égard de votre relation. Car sinon, le non-dit, la peur de blesser
l’autre ou la peur de devenir soi-même vulnérable feront de cette relation un
véritable enfer, une véritable relation toxique.
N’abandonnez pas trop vite῀: un sentiment d’abandon provoqué par la
rupture des liens affectifs cause une grande souffrance, tant chez
l’abandonné que chez celui qui abandonne l’autre. L’abandon se manifeste
par de la désapprobation, le retrait de l’amour, l’éloignement
(déménagement) ou la perte (décès, divorce). La réaction à l’abandon se
manifeste par un accablement ou de l’agressivité. La plupart du temps,
l’événement présent n’est pas la seule cause du sentiment d’abandon῀: il
réactive des expériences pénibles antérieures et fait apparaître un
traumatisme psychique latent.
N’oubliez jamais que de grandes querelles sont parfois résolues par
quelques paroles, surtout quand nous assumons sde bonne foi les
conséquences de nos actes et que les autres assument aussi les leurs, et que
nous sommes également prêt à le comprendre et à l’accepter. Soyez
convaincu que les différends sont souvent fondés sur l’orgueil et la fierté,
qui nous font oublier l’humanité de l’autre. Malgré ses travers, la valeur de
votre ami pour vous est inestimable, et avoir conscience de cette valeur peut
facilement diminuer l’importance des problèmes et des malaises en cause.
Bibliographie

L’intelligence émotionnelle 1, Traduction française, Paris, Robert


Laffont, 1997.
Daniel Goleman, L’intelligence émotionnelle 2, Traduction française,
Paris, Robert Laffont, 1999.
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Pierre Morency, Demandez et vous recevrez, Montréal, Éditions
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Harriet B. Braiker, Ces gens qui tirent vos ficelles, Montréal, Éditions
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Lilian Glass, Ces gens qui vous empoisonnent l’existence, Paris,
Marabout, 2007.
Quel type de personnalité êtes-vous῀?, Psycho textes,
www.psychoressources.com.
Table des matières

Introduction

Première partie
Déceler les amitiés toxiques
Chapitre 1῀: Est-ce que ça ne va vraiment pas῀?
Chapitre 2῀: Y a-t-il un problème῀?
Chapitre 3῀: Utilisez le langage non verbal῀: celui des autres…
et le vôtre

Chapitre 4῀: Utilisez votre connaissance de vous-même


Chapitre 5῀: La petite voix intérieure, ou l’intuition
Chapitre 6῀: La décision῀: laisser tomber ou continuer῀?

Deuxième partie
Personnalités à composantes toxiques
Chapitre 7῀: La personnalité narcissique
Chapitre 8῀: La personnalité passive agressive
(ou négativiste)
Chapitre 9῀: La personnalité dépendante

Chapitre 10῀: La personnalité évitante


Chapitre 11῀: La personnalité histrionique
Chapitre 12῀: La personnalité limite
Troisième partie
La toxicité en action
Chapitre 13῀: L’impatience, l’irritation, la colère
Chapitre 14῀: L’ironie, le sarcasme, la moquerie, le mépris
Chapitre 15῀: La susceptibilité, l’orgueil
Chapitre 16῀: Le contrôle, la manipulation, le despotisme

Chapitre 17῀: La critique, le jugement, l’intolérance,


les ragots
Chapitre 18῀: Le calcul, l’avarice, l’appropriation, l’avidité
Chapitre 19῀: Le dépit, l’envie, la jalousie
Chapitre 20῀: Le conformisme, l’inaction, la dépendance
Chapitre 21῀: L’indifférence, le retrait, l’évitement

Chapitre 22῀: Comment soigner les émotions négatives


issues de la toxicité
Conclusion
Bibliographie
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