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Chers parents, permettons à nos enfants de rêver

Ne tuons pas les rêves des enfants, si nous ne pouvons y participer


J’ai échangé en début de cette semaine avec une jeune fille, elle était âgée d’une
vingtaine d’années, plutôt la vingtaine entamée que finissante.
Elle a poursuivi son cursus scolaire, elle s’y était consacrée, pleinement
Elle venait de décrocher son diplôme de second cycle universitaire, brillamment
Elle devait décider de la suite.
Elle avait entretemps participé à des expériences internationales avec d’autres
jeunes et s’y était distinguée, assurément.
Ces expériences qui lui ouvraient des perspectives nouvelles et un positionnement
différent sur la façon de percevoir son avenir.
Il était question de décider d’une insertion professionnelle, immédiatement,
Ou de la poursuite des études, à l’étranger notamment.
Son choix penchait plus pour cette dernière possibilité, naturellement.
Le choix de ses parents pour la première, évidemment.
Elle se trouvait comme à un carrefour et souhaitait des conseils.
Son père estimait qu’elle rêvait.
Comment pouvait-elle choisir d’allonger sa scolarité alors que la perspective de se
sécuriser professionnellement s’offrait à elle ?
Elle m’avoua que les mots de son père pour traduire sa déception l’avait heurtée.
Comment pouvait-il assimiler sa vision à un rêve ?
Elle se prenait à douter d’elle-même.
Qu’avait-elle fait de si mal pour que son père à elle la qualifie de rêveuse ?
Elle ne comprenait rien.
Je la rassurais tout de suite
Son père avait l’expérience de la vie
Cette expérience-là lui commandait de travailler à autonomiser les enfants, à les faire
sortir de sa tutelle,
La sécurité de l’emploi, du point de vue du père était une garantie immédiate
d’accomplissement de sa mission de père
D’un autre côté, je comprenais la fille,
Je lui dis qu’elle n’avait rien fait de mal
Il était normal pour une enfant de son âge de rêver
Mais ces rêves devaient être assis sur des fondements concrets
Les fondements, elle les avait : une intelligence vive, une capacité à se focaliser sur
ses objectifs, une discipline conséquente. Il lui fallait maintenant articuler ces atouts
avec une capacité d’analyse de la réalité.
De ce point de vue, il n’y avait rien d’incompatible entre la proposition de son père et
la sienne
Je lui suggérais de trouver les moyens de concilier les deux visions
Elle voulait poursuivre ses études avec l’ambition d’être professeur d’université,
Son père lui offrait une occasion en or de tester son savoir,
L’utilité de cette pratique devrait se ressentir dans l’avenir,
Elle lui permettrait de saisir de façon concrète la portée des modélisations théoriques
qu’elle pourrait ultérieurement définir en tant que professeur,
Elle inscrirait ses enseignements dans une perspective réaliste dans la logique de
dessiner des solutions aux problèmes concrets de notre société,
Cette expérience pratique la distinguerait de ces autres professeurs qui professent
pour le but de professer, sans que ce qu’ils enseignent n’ait de prise sur la réalité
Je m’étonnais avec elle de cette propension à qualifier d’intelligents des personnes
qui avaient tendance à aligner des raisonnements parfaits théoriquement, mais
incapables de résoudre le moindre problème
L’intelligence n’est-elle pas la capacité de l’homme à apporter des solutions aux
problèmes de son environnement
Je lui demandais de rêver, de rêver de partir, de partir vers d’autres cieux si
nécessaire, comme étape d’un chemin initiatique
Ce chemin lui permettrait de se mesurer à ce qui se faisait autrement et ouvrirait son
intelligence à d’autres perspectives
Je lui demandais de rêver pour se donner la possibilité de réinvestir son espace avec
d’autres clés
Je lui demandais de rêver pour lui permettre de jouer sur le même tableau, avec les
mêmes armes que les autres qui avaient trop longtemps confiné le continent à la
périphérie de l’histoire
Je lui demandais de rêver car il était question d’un repositionnement, d’une
redéfinition de notre être au monde
Je lui demandais de rêver, non pas pour continuer dans la trajectoire dans laquelle
nos sociétés étaient engagées
Je lui demandais de rêver pour proposer demain une nouvelle histoire, une vision
renouvelée, un nouveau narratif, une trajectoire nouvelle ;
Je lui demandais de rêver car la réécriture de cette histoire nécessite la
compréhension des dynamiques de l’aujourd’hui mais aussi des ruptures pour faire
advenir des transformations
Je lui demandais de rêver car les ruptures devaient être intelligemment pensées et
assumées,
Je lui demandais de rêver car le monde de demain, c’est déjà aujourd’hui
Si demain, elle souhaitait être une actrice de poids dans l’orientation de la société
Alors aujourd’hui il lui fallait être fine, précise et déterminée dans ses choix
Les choix d’aujourd’hui conditionnent l’avenir

Je lui demandais de rêver tout en gardant les pieds ancrés dans la réalité
Je lui demandais d’entrer dans la vie, la tête haute, fière et entière
Je lui demandais de continuer de se construire
Car demain, il lui fallait être solidement ancrée avec une haute conception de sa
personne
Il lui fallait être elle-même, personne accomplie,
Consciente de son potentielle, fière de ses réalisations
Il lui fallait s’apprécier elle-même, et ne pas dépendre des appréciations des autres
Il lui fallait préparer sa capacité à faire des choix, pour garantir sa liberté
Sa liberté, elle en aura besoin
Surtout elle, parce que femme
Parce que la condition de la femme, n’avait pas encore finie d’être écrite,
Parce que la qualité de l’écriture qui nous était donnée était à parfaire,
Parce ce que la perfection du résultat dépendait aussi d’elle, dépendait aussi de
nous.
Femmes, nous devions écrire une histoire digne de nous-mêmes, une histoire digne
de nos enfants
Nos enfants à qui nous devrions laisser un monde, meilleur que ce qui nous avons
reçu
Il n’y a pas de meilleur héritage que la capacité de transformation transmise aux
générations futures
Chers parents, ne tuons pas les rêves de nos enfants, portons et
accompagnons leurs rêves autant que nous pouvons, ne les brisons pas, si
nous ne pouvons rien
Car vaut mieux une abstention qu’une action négative et destabilisante

Peut-être n’avons-nous pas les moyens de soutenir les rêves de nos enfants
Nous n’avons pas les moyens maintenant,
Qui sait demain ?
Même si nous n’avons pas les moyens, le premier des moyens est la parole
Il faut l’user, à bon escient
Il ne faut pas enfermer vos enfants dans des catégories closes
En leur disant qu’ils rêvent trop, qu’ils ne vont jamais y arriver quoi qu’ils fassent
N’oublions jamais, les mots sont comme l’a dit Rosenberg, les mots sont comme des
fenêtres ou des murs
Ils peuvent laisser ouvertes des perspectives, ils peuvent complètement fermer les
opportunités
Comme parents, nous avons à être des coaches pour nos enfants
Lorsqu’ils sont au plus bas, leur dire des paroles qui les encouragent, qui les
rassurent,
Lorsqu’ils sont dans des périodes fastes, attirer leur attention afin que la réussite ne
les enivre pas
Même si le chemin que nos enfants veulent emprunter ne semble pas tout à fait clair
pour nous, nous pouvons au mieux, les aider à déblayer la route si nous en avons
les capacités et les moyens, au moins nous de devons pas nous ériger en blocage,

Ne leur interdisons pas de se projeter

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