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Chapitre : Généralités sur le lac Kivu

1. Origine et découverte

 Introduction

En Afrique centrale se trouve un lac profond qui a une


dangereuse propension à exploser - mais l'exploiter comme
source d'énergie pourrait aider à éviter une catastrophe.
Le lac Kivu est l'une des plus étranges étendues d'eau
d'Afrique. Un ensemble de propriétés inhabituelles en font un
sujet intrigant pour les scientifiques, ainsi qu'une source
potentielle de danger et de prospérité pour les millions de
personnes vivant à proximité.
Le Kivu ne se comporte pas comme la plupart des lacs
profonds. En général, lorsque l'eau à la surface d'un lac est
refroidie - par les températures de l'air en hiver ou les rivières
qui transportent la fonte des neiges au printemps, par
exemple - cette eau froide et dense coule, et l'eau plus
chaude et moins dense remonte des profondeurs du lac.
Ce processus, connu sous le nom de convection, maintient
généralement la surface des lacs profonds plus chaude que
leur profondeur.

La première apparition du lac Kivu sur une carte date de la


mission de l’illustre Henry Morton Stanley (1878), qui avait été
envoyé par le rédacteur en chef du New York Herald Tribune,
avec pour mission de retrouver David Livingstone, parti, lui, à
la recherche de la source du Nil et porté disparu. Il lui faudra
de longs mois pour découvrir le célèbre explorateur. Il y
parviendra le 10 novembre 1871, sur les rives du lac
Tanganyika, à Ujiji, prêt de Kigoma (Tanzanie).

Le Roi Léopold II de Belgique avait également chargé Stanley


d’explorer la région et d’établir une série de comptoirs commerciaux
le long du Congo. Cependant, le premier Européen qui a visité le lac
Kivu et qui en a réalisé une cartographie détaillée, fut le Comte
Adolf Von Götzen, un officier allemand qui, en 1894, entra au
Rwanda à la tête d'une troupe de 620 soldats. Il fut également le
premier européen à traverser le Rwanda.

Le Professeur Damas constate dans les eaux profondes du lac Kivu la


présence du gaz une année après certaines études. Les eaux profondes
du lac Kivu sont non seulement putrides mais aussi gazeuses :
ramenées à la surface, elles pétillent comme du SODA, déclare cet
homme de science. En 1947, après un essai de combustibilité fait
sommairement sur place, Kufferath un chimiste et Capart zoologiste,
spécialiste en océanographie conclurent qu’il y a la présence du
méthane. Une analyse plus poussée effectuée cinq ans plus tard devait
non seulement confirmer la découverte mais préciser aussi la
proportion de méthane (CH4) dans les gaz recueillis (source).

2. Situation géographique

Le lac Kivu est situé à la frontière entre le Rwanda et la République


démocratique du Congo et atteint une profondeur maximale de ~500 mètres et
une superficie de 2370 km2.

251648000
Figures : Carte géographique du lac Kivu (ISUMBISHO et al., 2006

Le lac Kivu forme une grande partie de la frontière naturelle entre le Rwanda et la
RDC. La zone littorale est très réduite par rapport au milieu pélagique qui couvre
90% de la surface du lac et qui s'étend jusqu'à proximité des rives (Beadle, 1981). A
l'extrémité sud du bassin de Bukavu se forme la rivière Ruzizi, exutoire qui déverse
les eaux du lac Kivu dans le lac Tanganyika

Géographie

Coordonnées
2° 03′ 44″ S, 29° 07′ 24″ E

Superficie
2 700 km2

Longueur
89 km

Largeur
48 km

Altitude
1 463 m
Profondeur
485 m

Volume
500 km3

Hydrographie

Bassin versant
7 000 km2

Alimentation
Karundura (d)

Émissaire(s)
Rusizi

3.Caractéristiques

 Caractéristiques physiques

Le lac Kivu peut se décrire simplement comme une grande marmite


bouillante dont le couvercle qui est la couche d’eau superficielle,
empêche les gaz chauds de se disperser aux alentours (Iragi , 2009).

La répartition des propriétés physiques (lumière, chaleur, densité,


turbulence) et chimiques (concentration en solutés) impose aux lacs une
structure physique très liée à leur morphologie et dont dépend l'organisation
des communautés biologiques (Guyard, 2010). C'est ainsi que le lac Kivu
étant méromictique, sa biozone s'étend au maximum jusqu'à 70 m de
profondeur au-delà de laquelle toute vie aérobie est impossible. Seulement
12% de son volume total est habitable par les poissons (Beadle, 1981 et
Kaningini, 1995). Dans les lacs méromictiques, la couche profonde, le
monimolimnion, stagnant est vite dépourvue d'oxygène et riche en espèces
chimiques réduites (Mn2+, NH4+, Fe2+, H2S, voire CH4) (Guyard, 2010). Les
caractéristiques physiques du lac (Muvundja et al. 2009) sont les
suivantes :

 Volume total : ± 580 km3


 Périmètre côtier : 1 196 km
 Précipitation : 3,3 km3 par an,
 Evaporation de surface du lac 3,4 km3 par an
 Quantité d’eau entrant : 6500 km3/an
 Quantité d’eau sortant : 3,2 km3/ an
 Limite d’oxygénation : 50m
 Température en surface : 23,1oC – 24,5o C
 Son bassin hydrographique couvre près de 5340 km3

La rivière Ruzizi est l’exutoire du Lac Kivu, qui se jette au Nord du Lac
Tanganyika entre Uvira en République Démocratique du Congo et
Bujumbura au Burundi.

Tableau 1. Caractéristiques limnologiques du lac Kivu

Paramètre Valeur
Altitude (m)(1) 1463
Longueur (km)(2) 100
Largeur maximale (km)(1) 45
Profondeur maximale (m)(1) 485
Profondeur moyenne (m)(1) 245
Surface (km2) (excluant les îles)(2) 2370
Volume (km3)(1) 580
Surface du bassin (km2) (moins le lac)(1) 5100
Précipitation (km3.année-1)(1) 3,3
Affluents (km3.année-1)(2) 2,0
Evaporation (km3.année-1)(2) 3,6
Exutoire (km3.année-1)(2) 3,0
Température (°C) épilim.(3) 23,0-24,5
pH(3) 9,1-9,5
Transparence (m)(3) 3,5-6,0
Limite oxygène (m)(3) 70
Conductivité (us.cm-1)(3) 1240
Salinité (g.L-1)(3) 1,115

(1)
MUVUNDJA (2009) (2)SCHMID et al. (2010) (3)KANINGINI (1995)

De nombreuses études ont été faites sur le physico chimique du lac


Kivu en général, en particulier celle du Tietze dans les années 1975-
1977, rendant compte de ce phénomène. L’explication précise de ce
phénomène de stratification est complexe. Les différentes couches du
lac vont se séparer en couches homogènes où le mixage par
conversion se fait facilement, séparer par des couches à haut gradient
de densité qui jouent le rôle de barrière au processus de mélange.
La structure physico-chimique du lac présente une allure en escalier
comme présenter par les figures ?????????? .

Figure ???. Profil vertical des mesures en situation simultanées de


densité, conductivité, température et pression, moyenne sur 23 profils
(Tietze 1974-1975 cité par Pilot station project /Data Environnement,
2003).

La figure ci-dessous présente les mesures de février 2002 comparées


à la figure précédente

Figure ??????.Profondeur en fonction de la densité (Tietze 1974-1975


cité par Pilot station project /Data Environnement, 2003).

L’analyse des profils des teneurs en gaz du lac Kivu indique que le
gisement de gaz se trouve confiné à l’intérieur de l’isobathe -270m et
qu’une couche favorable au captage des eaux du lac Kivu se situe à
une profondeur d’environs 350m. L’analyse de l’eau prélevée à cette
profondeur monte qu’elle contient une proportion de gaz dissout de
l’ordre de 2,5 Lgaz/Leau.

Ce gaz est constitué pour 4/5 par du dioxyde de carbone (2,1


Lco2/Leau), et 1,5 de méthane (0,425 LCH4/Leau).

2. Composition

 Structure des eaux

Le lac Kivu est l’un des trois lacs méromictiques du continent Africain.
Les eaux du lac présentent une structure stratifiée particulièrement
évidente au vu des variations de ses paramètres physico-chimiques
avec la profondeur.

Il diffère des autres grands lacs Africain par sa stratification


permanente, caractérisé en outre par un chemocline principale
s’étendant de 255 à 262m. Sources subaquatiques entrent dans l’eau
profonde de façon permanente stratifiée à différentes profondeurs,
avec un apport total d’environ 1,3 Km3 par an (Schmid et al., 2005).

A cause de la stratification stable due à la densité élevée des eaux


profondes, les eaux du lac sont faiblement mélangées de la surface au
fond, ce qui implique la rareté des nutriments dans l’eau de la surface.

Comme résultat, une grande quantité de nutriments se dépose par


sédimentation au fond du lac. Seulement pendant les périodes de
mixage de l’eau généralement en saison sèche, la couche superficielle
de l’eau se mélange complément et produit une zone oxic relativement
importante engendrant un bloom phytoplanktonic.

Dans le lac Kivu, si ces eaux ne se mélangent pas, c’est principalement


pour deux raisons : la profondeur et faiblement son exposition aux
vents : le lac se situe à 1463m d’altitude, coincé au milieu d’une chaine
volcanique dont les sommets dépassent les 400m et bloquent donc
partiellement les vents.

La température et la salinité du Lac Kivu augmentent avec la


profondeur à deux origines (http://reflexion.ulg.ac.be/les secrets du lac
Kivu. 2017 )

La sédimentation, cet apport est dit biogénique, c'est-à-dire qu’il


résulte de la sédimentation de matières biologiques, qui meurt et
plonge dans les eaux profondes, un deuxième apport en sel est
géogénique, d’origine terrestre. Le lac Kivu est alimenté par de l’eau de
source chaude provenant des failles du sol d’origine volcanique, cette
eau est fortement chargée en sel, sa densité est donc plus forte et
elle plonge également au milieu de remonter en surface.

 Vie acquatique du lac Kivu

Faune aquatique

Entre 1958 et 1960, des grandes quantités de larves des poissons


supposés de Limnothrissa miodon et de Stolohtrissa
anganyika connues comme sardine du lac Tanganyika, ont été
introduites du lac Tanganyika au lac Kivu suite à la pauvreté du lac en
espèce pélagique. Seul le Limnothrissa miodon a réussi à se
développer malgré son régime alimentaire opportuniste.

Et d’ailleurs, il est dit et prouvé par les études expérimentales


effectuées quelques années plus tard que le Limnothrissa miodon a
colonisé l’ensemble du lac Kivu, bien que d’autres espèces piscicoles
existent sur ledit lac.

De ce qui précède, il apparait clairement que la pêcherie du lac Kivu


repose principalement sur l’exploitation du Limnothrissa miodon et de
quatre espèces d’Haplochromis, et une part secondaire est supportée
par les Cichlides, Tilapia et Clarias.

Figure ?????. Quelques espèces des poisons lac Kivu ( Cikuru


Recherche personnelle)

Flore aquatique
A l’instar de la faune aquatique, les plantes aquatiques offrent
également un intérêt particulier à l’homme. Par plante aquatique, il
faudrait entendre ‘’ les plantes qui fleurissent notamment dans l’eau
même si seule leur base est inondée’’. L’intérêt susdit de ladite
végétation aquatique est multiforme, notamment :

 Au point de vue écologique :


 Les plantes aquatiques fournissent la nourriture qui assure,
directement ou non, la vie dans l’eau et forment ainsi la base des
chaines trophiques (alimentaires)
 Elles oxygènent l’eau par le biais de la photosynthèse,
 Elles purifient le milieu par la possibilité qu’elles ont d’aborder et
de fixer les éléments dissous, etc
 Au point de vue économique :
 Les plants aquatiques contribuent largement à l’alimentation
humaine, et à la nutrition des animaux domestiques (bétail) dont
l’homme tire profit.
 Elle fournit des pailles, des engrains, divers remèdes, sans oublier
les ressources forestières (en particulier le bois des mangroves)

En dehors des dites plantes, il existe d’autres végétaux aquatiques, à


savoir :

 Les algues, elles peuvent former de masse flottant librement ou


s’accrocher sur toute surface dure et submergée, notamment sur
les tiges et feuilles d’autres plantes, jusqu’à une profondeur où
pénètre encore suffisamment la lumière.
 Les phytoplanctons par contre, sont des organismes végétaux de
tr ès petite taille, des microphytes aquatiques qui vivent en
suspension dans l’eau sans jamais s’attacher à aucun substrat.

Ce qu’il y a de commun entre ces deux autres genres de végétaux, est


qu’ils rentrent dans la chaine trophique. Autrement dit, ils constituent
d’importantes sources de nourriture pour les poissons et invertébrés
aquatiques.

 Contenance et composition moyenne du gaz

Les campagnes de mesure physique et chimique faites en 1974 et le


relevé bathymétrique effectué en 1998 par le consortium LAHMEYER
international/OSAE ont conduit aux résultats suivants :

 Dioxyde de carbone : 73,50% du volume (soit 300.109Nm3),


 Le gaz méthane : 24,90% du volume (soit 66.109Nm3),
 Hydrogène sulfuré : 0,05% du volume,
 Azote : 5.109Nm3
 Gaz inertes : 1,55% du volume,
 Autres éléments : sous forme des traces (éthane, propane, etc)

Ce gisement se renouvellerait à un rythme de 250-350 millions de


Nm3 par an.

4. Hypothèses sur la formation des gaz CH4 et CO2

Gaz méthane (CH4)

La seule hypothèse pour expliquer le processus de formation du


méthane a été montrée par des chercheurs (Schurtz, Kuffert, Tietze et
all). Ils ne conclurent que le CH4 du lac Kivu est produit par deux
procédés, par réduction du CO2 magmatique et par l’oxydation de
matière organique par activités bactériennes.

Le premier contribue au 2/3 et le second au 1/3 de la quantité totale de


méthane formé dans le lac et sont respectivement écrit sous la
formule :

 CO2+4CH4— 4H4 +H2O (1)


 CH3COOH — CO2 + CH4 (2)

Le CH4 est biogénique c'est-à-dire d’origine biologique. L’hypothèse la


plus vraisemblable serait que ce méthane viendrait de la
décomposition anaérobie de la matière organique.

Figure ??????. Modèle Tietze (Iragi, 2009)

Dioxyde de carbone

Des recherches ont montré que le CO2 est produit dans le lac par
activité volcanique, donc ils proviennent des sources hydrothermales
qui sont les catalyseurs des réactions chimiques avec les eaux de
pluies acides infiltrées dans le sol. La composition chimique de ces gaz
est exactement la même que celle provenant de la chambre
magmatique et qui s’échappent en surface par la cheminée.

Figure ??????. Modèle Tietze (Iragi,2009)

En dehors de l’activité magmatique, le CO2 est produit par :

 L’oxydation du méthane : CH4 + O2 — CO2 +H2


 La décomposition des matériaux organiques

3. Danger des gaz dissous du lac Kivu


Le lac Kivu est l'une des plus étranges étendues d'eau d'Afrique.
Un ensemble de propriétés inhabituelles en font un sujet intrigant
pour les scientifiques, ainsi qu'une source potentielle de danger
et de prospérité pour les millions de personnes vivant à proximité.
Le Kivu ne se comporte pas comme la plupart des lacs profonds.
En général, lorsque l'eau à la surface d'un lac est refroidie - par
les températures de l'air en hiver ou les rivières qui transportent
la fonte des neiges au printemps, par exemple - cette eau froide
et dense coule, et l'eau plus chaude et moins dense remonte des
profondeurs du lac.
Ce processus, connu sous le nom de convection, maintient
généralement la surface des lacs profonds plus chaude que leur
profondeur.
Mais au lac Kivu, les circonstances ont conspiré pour bloquer ce
mélange, donnant au lac des qualités inattendues - et des
conséquences surprenantes.

À cheval sur la frontière entre le Rwanda et la République


démocratique du Congo, le Kivu fait partie d'une série de lacs
bordant la vallée du Rift est-africain, où le continent africain est
lentement déchiré par les forces tectoniques.
Les tensions qui en résultent amincissent la croûte terrestre et
déclenchent une activité volcanique, créant des sources chaudes
sous le Kivu qui alimentent les couches inférieures du lac en eau
chaude, en dioxyde de carbone et en méthane.
Les microorganismes utilisent une partie du CO2, ainsi que la
matière organique qui s'enfonce par le haut, pour créer de l'énergie,
produisant du méthane supplémentaire comme sous-produit

Normalement, ces gaz sortent de l'eau par bulles, mais la grande


profondeur du Kivu - plus de 460 mètres à son point le plus profond -
crée une telle pression qu'ils restent dissous.
Ce mélange d'eau et de gaz dissous est plus dense que l'eau seule,
ce qui l'empêche de monter. L'eau plus profonde est également plus
salée en raison des sédiments qui tombent des couches supérieures
du lac et des minéraux des sources chaudes, ce qui augmente
encore la densité.
Le résultat, selon le limnologue Sergei Katsev de l'université du
Minnesota Duluth, est un lac avec plusieurs couches d'eau
distinctes de densités très différentes, avec seulement de fines
couches de transition entre elles.

Les couches peuvent être séparées grossièrement en deux régions :


une région d'eau de surface moins dense au-dessus d'une profondeur
d'environ 60 m et, en dessous, une région d'eau saline dense qui est
elle-même davantage stratifiée, explique Alfred Wüest, physicien
aquatique à l'École polytechnique fédérale de Lausanne.

Il y a un mélange à l'intérieur de chaque couche, mais elles


n'interagissent pas les unes avec les autres.
"Il suffit de penser à la masse d'eau entière qui est restée là
pendant des milliers d'années sans rien faire", dit Wüest, qui a
étudié la convection dans différents lacs du monde, y compris des
aberrations bizarres comme le lac Kivu.
Mais le lac Kivu est plus qu'une simple curiosité scientifique. Sa
stratification inhabituelle et le CO2 et le méthane piégés dans ses
couches profondes font craindre aux chercheurs une catastrophe
imminente.

À environ 2 250 km au nord-ouest du Kivu, un lac de cratère au


Cameroun, le lac Nyos, accumule et piège de grandes quantités de
gaz dissous - en l'occurrence du CO2 - provenant d'une cheminée
volcanique au fond du lac.
Le 21 août 1986, le potentiel mortel de ce réservoir de gaz a été mis
en évidence de façon tragique. Probablement en raison d'un
glissement de terrain, une grande quantité d'eau a soudainement été
déplacée, provoquant un mélange rapide du CO2 dissous avec les
couches supérieures du lac et sa libération dans l'air. Un grand
nuage de gaz mortel a asphyxié environ 1800 personnes dans les
villages voisins.
De tels événements sont appelés éruptions limniques, et les
scientifiques craignent que le Kivu ne soit mûr pour un événement
similaire, encore plus meurtrier. Le Nyos est un lac relativement
petit, mesurant un peu plus d'un mille de long (1,6 km), un peu moins
d'un mille de large et moins de 210 m de profondeur.

Le Kivu mesure 89 km de long, 48 km de large et plus de deux fois


plus profond que le Nyos. En raison de sa taille, dit Katsev, le Kivu
"a le potentiel pour une éruption limnique majeure et catastrophique
où de nombreux miles cubes de gaz seraient libérés".
Environ 14 000 personnes vivaient près du Nyos au moment de
l'éruption. Plus de deux millions de personnes vivent aujourd'hui aux
alentours du lac Kivu, dont environ un million dans la ville de
Bukavu, en République démocratique du Congo.

Si le Kivu entrait en éruption, dit la limnologue Sally MacIntyre de


l'Université de Californie à Santa Barbara, "ce serait complètement
catastrophique".
Ce n'est pas seulement une préoccupation théorique. Les
scientifiques ont trouvé ce qui pourrait être la preuve d'au moins
une précédente éruption limnique au Kivu, qui s'est probablement
produite il y a entre 3 500 et 5 000 ans, et peut-être plusieurs autres
plus récentes.

Des carottes de sédiments prélevées au fond du lac ont révélé des


caractéristiques connues sous le nom de couches brunes qui ne
ressemblent pas aux sédiments environnants. Ces bandes de
sédiments sont "des couches très inhabituelles, riches en matière
organique", dit M. Katsev, qui pourraient être le résultat d'éruptions.

Les éruptions limniques peuvent se produire pour deux raisons. Si


l'eau devient complètement saturée de gaz dissous, tout CO2 ou
méthane supplémentaire injecté dans le lac sera forcé de sortir de
la solution, de monter et d'être libéré dans l'air.

Des éruptions peuvent également se produire lorsque quelque chose


force l'eau profonde avec ses gaz dissous à se mélanger avec les
couches supérieures, réduisant la pression sur les gaz et leur
permettant de sortir rapidement de la solution et de s'échapper,
comme on le ferait en secouant une canette de soda puis en
l'ouvrant.
Bien qu'un glissement de terrain de l'ampleur de celui que l'on
soupçonne dans l'éruption du Nyos puisse ne pas provoquer un
mélange suffisant au Kivu, en raison de la taille et de la profondeur
du lac, il existe plusieurs autres déclencheurs possibles.

Le Kivu est une zone sismique active, un tremblement de terre


pourrait donc générer des vagues dans le lac qui mélangeraient
suffisamment les couches pour libérer les gaz emprisonnés. Le
climat est également un coupable potentiel.
Au moins une éruption passée découverte dans les sédiments
semble avoir été causée par la sécheresse qui a fait évaporer
suffisamment d'eau du haut du lac pour réduire la pression aux
niveaux inférieurs et libérer les gaz dissous.
La baisse des niveaux d'eau pendant les périodes sèches pourrait
également rendre le Kivu plus vulnérable aux perturbations dues à
des pluies particulièrement abondantes.
Ils pourraient chasser suffisamment de sédiments accumulés dans
les nombreux cours d'eau qui alimentent le lac pour que les couches
se mélangent, explique MacIntyre.
Les chances d'une telle séquence d'événements pourraient
augmenter à mesure que la planète se réchauffe, dit MacIntyre. On
s'attend à ce que le changement climatique apporte davantage de
pluie en Afrique de l'Est, et "cela va se faire sous la forme de pluies
plus extrêmes avec des intervalles de sécheresse plus longs entre
les deux".
L'activité volcanique sous le lac ou provenant des volcans
environnants est un autre déclencheur possible, mais les
scientifiques pensent que le risque est faible.

En 2002, une éruption du mont Nyiragongo, situé à proximité, n'a pas


apporté suffisamment de matière pour perturber les couches
inférieures du Kivu. Et des études de modélisation ont montré que le
volcanisme sous le lac ne causerait pas non plus de perturbations
assez importantes, explique MacIntyre.

Quelle que soit la cause d'une éruption, l'effet serait le même. Les
gaz accumulés seraient libérés de leur état dissous, créant des
nuages denses de CO2 et de méthane qui, comme cela s'est produit
avec le CO2 à Nyos, pourraient déplacer l'oxygène et conduire à
l'asphyxie. Et si suffisamment de méthane était libéré dans l'air au
Kivu, il y a le risque supplémentaire qu'il s'enflamme.

Katsev dit que le lac est surveillé régulièrement pour détecter les
signes de hausse de la concentration de gaz, de sorte qu'une
soudaine remontée "ne nous prendra pas par surprise".
Plus d'une douzaine de stations sismiques mesurent également
l'activité près du lac en temps réel. Et en 2001, un effort a été
entrepris pour réduire le risque d'une autre catastrophe à Nyos en
siphonnant l'eau du fond du lac par un tuyau jusqu'à la surface, où le
CO2 est libéré dans l'air à un rythme sûr. Des efforts similaires sont
en cours au Kivu.
Le risque augmente à mesure que les concentrations de gaz
augmentent dans les profondeurs du Kivu. Wüest et ses collègues
ont constaté que de 1974 à 2004, la concentration de CO2 a
augmenté de 10 %.

Mais la plus grande préoccupation au Kivu est la concentration de


méthane, qui a augmenté de 15 à 20 % au cours de la même période.
Il y a peut-être un moyen de transformer le risque du Kivu en
récompense, cependant. Le même gaz qui pourrait alimenter une
catastrophe naturelle mortelle a un potentiel en tant que source
d'énergie pour la région.
En 2008, le Rwanda a lancé un programme pilote consistant à brûler
le méthane du lac sous forme de gaz naturel et a signé l'année
dernière un contrat d'exportation de méthane en bouteille. Un
programme d'extraction de méthane beaucoup plus important,
appelé KivuWatt, a été mis en place en 2015.

Les projets pompent l'eau des couches profondes du lac, et lorsque


la pression sur cette eau est réduite, les gaz sont libérés. Le
méthane est extrait pour être utilisé comme carburant, et le CO2 est
pompé au fond du lac.
"Ils prennent ce gaz, l'envoient par pipeline sur la terre ferme et le
brûlent comme on brûlerait des combustibles fossiles pour produire
de l'électricité", explique M. Katsev.
Pour les personnes vivant à proximité du lac, cela pourrait devenir
une source d'énergie importante. Une fois que KivuWatt sera
pleinement opérationnel, les 100 mégawatts d'électricité produits
par le projet pourraient faire une différence significative pour le
Rwanda, un pays en développement où seulement 35 % de la
population a accès à l'électricité.

La récolte des gaz du lac Kivu pourrait contribuer à réduire le risque


d'éruption, sans toutefois l'éliminer. Néanmoins, pour un lac aussi
dangereux, toute réduction des risques est une étape importante.

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