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CATHERINE

Chicago : 1939- 1940


LE grand vent de la guerre, qui balayait I'Europe,
toujours plus violemment, n'était plus qu'un doux zéphir
quand il atteignait les rivages des Etats-Unis. A la
Northwestern, il y eut des manifestations d'étu- diants
pour presser le président Roosevelt de déclarer la
guerre à l'Allemagne, et quelques-uns des étudiants, les
plus âgés, s'engagèrent dans les Forces armées. Néan-
moins, le courant qui allait bientôt emporter le pays tout
entier était encore à peine perceptible. Par un
après-midi doctobre, Catherine Alexander allait prendre
son poste de caissière au Perchoir ; elle se demandait si
la guerre, au cas où elle se déclencherait, transformerait
sa vie. Il y avait une transformation, au moins, qu'elle
tenait à voir se produire, et le plus tôt serait le mieux.
Elle désirait désespérément savoir quel effet cela faisait
de faire l'amour avec un homme. Juste Ciel, dire qu'elle
pouvait passer sous une voiture, qu'on ferait une
autopsie et qu'on découvrirait qu'elle était vierge! Non, il
fallait y remédier. Tout de suite. Catherine fit du regard le
tour du «Perchoir », sans y trouver le visage qu'elle
cherchait. Quand Ron Peterson arriva une heure plus
tard avec Jean-Anne, Catherine sentit son cœur lui
marteler les côtes. Du coin de l'eil, elle vit le couple aller
s'asseoir à la table habituelle de Ron. Elle respira un
grand coup et alla les rejoindre. Ron Peterson, menu en
main, essayait de se décider. Je meurs de faim, disait-il.
Alors, essaie donc ça. Les deux jeunes gens, surpris,
levèrent les yeux vers Catherine. Elle tendit à Ron un
papier plié, tourna les talons et regagna la caisse. Ron
déplia la feuille, y jeta un coup d'æil et éclata de rire.
Jean-Anne le regardait calmement. C'est personnel, ou
bien on peut profiter de la plaisanterie ? Personnel, fit
Ron en souriant. Et il glissa le papier dans sa poche.
Jean-Anne et lui partirent bientốt après. Ron ne dit rien
en réglant son addition; il se contenta de dévisager
longuement Catherine, puis il sortit, Jean-Anne à son
bras. Catherine les suivit des yeux ; elle se sentait
idiote. Son service fini, elle passa son manteau, dit
bonsoir à sa rempiaçante et s'en fut. La soirée
d'automne était tiède, avec une brise rafraîchissante qui
venait du lac. Le ciel était de vėlours violet, et les étoiles
semblaient presque à portée de main. Une soirée
parfaite pou... Pour quoi? Mentalement, Catherine
dressa une liste. Je peux rentrer chez moi et me laver
les cheveux. Je peux aller à la bibliothèque et travailler
pour l'interro de latin qu'on a demain. Je peux aer c er
dass les buissons pour violer Je peux aller me cinéma.
le premier marin qui passera. Je peux aller me faire
enfermer. Elle se dirigeait vers la bibliothèque quand
une silhouette se détacha d'un éverbère. Eh, Cathy, où
vas-tu 2 C'était Ron Peterson. II lui souriait. Elle aurait
terri- blement aimé se recoiffer, vérifier son maquillage
et les coutures de ses bas, mais elle s'efforça de ne rien
laisser voir de sa nervosité. Règle nº 1:rester calme. Où
vas-tu ? Fallait-il lui répéter la liste ? Seigneur, nonl II la
prendrait pour une folle. Elle tenait sa grande chance; il
ne fallait rien faire pour la gâcher. Elle regarda Ron, de
l'air aguichant de Carole Lombard dans Nothing
Sacred». -Je n': rien particulier, dit-elle. Ro prudence.
Diin certain instinct lui conseillait la Un certain Et
aimerais-tu faire quelque chose de particulier ?
demanda-t-il. Çayétait. t. La proposition. Le Dis-moi
quoi. Je suis à toi, fit- Intérieurement, elle se ratatina sur
elle-même. C'était une réflexion tellement bête. II allait,
tourner les talons et la planter là. Mais non. Cétait
incroyable. II lui sourit et dit : sans retour. -Allons-y.
Abasourdie, Catherine se mit en marche à côté de lui.
Elle allait se faire baiser. Elle se sentit trembler. S'il
découvrait qu'elle était vierge, elle était fichue. Et de
quoi allait-elle parler, une fois au lit avec lui ? Est-ce que
les gens parlaient, pendant ce temps-là, ou bien
attendaient-ils que ce fût fini ? - As-tu đìné ? demanda
Ron. - Diné? Elle leva les yeux vers lui et tâcha de
réfléchir. Si elle répondait «Oui, il l'emmènerait tout de
suite au lit, et en aurait vite fini. - Non, dit-elle vivement.
Pas encore. Allons, pourquoi ai-je dit ça ? J'ai tout fichu
par terre. Bon, fit Ron sans paraftre démonté. Je
connais un petit restaurant chinois. Lum Fong. Ça te dit
quelque chose ? Non, mais elle ne l'oublierait jamais
plus. Qu'est-ce que tu as fait, la nut où tu as perdu ton
pucelage? Je suis dabord allée chez Lum Fong avec
Ron Peter- son. Cétait bon ? Oui, mais tu sais ce que
c'est, les plats chinois: une heure après, je me sentais
de nouveau tout excitée. IIs étaient devant la voiture de
Ron, une décapotable marron. II lui ouvrit la portière, et
elle s'assit là où avaient pris place toutes les filles qu'elle
avait enviées. Ron était charmant. C'était un athléte. Et
un maniaque sexuel. Peut-être aurait-elle dû exiger un
restaurant grande classe. Ron aurait pensé: Voilà le
genre de fille quej'aimerais présenter à maman. -A quoi
penses-tu ? Elle le regarda tendrement et se blottit
contre lui. A toi. Tu m'as bien fait marcher, Cathy, dit-il
en sou- riant. -Vraiment? J'ai toujours cru que tu étais
plutôt distante... que tu ne t'intéressais pas aux
hommes, si tu vois ce que je veux dire. Le mot que tu
cherches, c'est lesbienne, pensa Catherine. -Non, mais
j'aime choisir le moment et l'endroit, dit-elle. Content que
tu m'aies choisi. Je suis contente aussi. Et c'était vrai.
Elle pouvait avoir la certitude que Ron était un bon
amant. II avait fait largement ses preuves. Elle aurait
trouvé humiliant de connaître sa première expérience
sexuelle avec quelqu'un d'aussi ignorant qu'elle. Avec
Ron, elle aurait affaire à un maître. Après cette nuit, elle
ne s'appellerait plus sainte Catherine. Plutôt Catherine
la Grande. Et au lit, elle serait fantastique. Ce qu'il fallait,
c'était ne pas s'affoler. Son corps allait devenir un orgue
tout vibrant d'une exquise musique. Oh, elle savait que,
la première fois, elle aurait mal. .Mais Ron n'en saurait
rien. Elle remuerait le derrière tant qu'elle pourrait, parce
que les hommes ont horreur d'une femme qui reste là,
sans bouger. Et, quand Ron la pénétrerait, elle se
mordrait les lèvres, et son cri serait un cri de plaisir.
Qu'est-ce qu'il y a? Elle se retourna vers Ron,
épouvantée de s'apercevoir qu'elle avait crié pour tout
de bon. Je... je n'ai rien dit. Tu as poussé un drôle de
petit cri. C'est vrai ? dit-elle en se forçantà rire.
Catherine décida qu'il fallait être davantage comme
Jean-Anne. Elle posa la main sur le bras de Ron et se
rapprocha lui. Surpris, il baissa les yeux vers elle mais
ne lut sur son visage qu'une chaleureuse ardeur. «Lum
Fong était un assez sordide petit restaurant chinois situé
sous le métro aérien. Durant tout le diner, ils entendirent
la vaisselle vibrer au grondement des rames. Catherine
examinait en détail, pour ne rien oublier, le papier de
tenture douteux, la théière de porcelaine ébréchée, la
nappe tachée de sauce. Un petit serveur chinos 3elaue
chose. Une de leur table et leur demanda s'ils voulaient
ou deux fois dans sa vie, Catherine avait tâté le whisky
et elle détestait ça. Mais, ce jour-là, c'était le Nouvel An,
le 4 juillet, la Fin de sa Virginité. Il fallait arroser ça. - Je
prendrai un old-fashioned, avec une cerise. Une cerise !
Bon Dieu! Elle venait de se trahir! Un scotch and soda,
commanda Ron. Le serveur s'inclina, s'éloigna.
Catherine se demandait s'il était vrai que les Chinoises
fussent conformées de travers. -Je me demande
pourquoi nous ne sommes pas devenus copains plus
tôt, dit Ron. Tout le, monde prétend que tu es la fille la
plus brillante de toute cette sacrée université. Tu sais
comme les gens exagèrent. Et tu es drôlement jolie.
Merci, fit-elle d'une voix qu'elle essayait de rendre
semblable å celle de Katherine Hepburn. les yeux de
konder, Elle allait un regard lourd de plus Catherine
rejoindre Marlène Dietrich, Mae West, Cléopâtre. Elles
seraient toutes sceurs. Elle sens. Le serveur apporta
son cocktail, qu'elle but d'une lampée. Ron la regardait
avec étonnement. Attention, dit-il. C'est plutôt fort, ce
truc-là. Je le supporte très bien, affirma Catherine, sâre
d'elle. Remettez-nous ça, ordonna-t-il au serveur. C'est
drôle, reprit-il en caressant la main de Catherine, sur la
table. Tout le monde te prenait pour ce que tu n'es pas.
Faux. Personne ne m'a jamais prise. Il ouvrit de grands
yeux. Attention, ne fais pas d'esprit. Les hommes
préfèrent baiser des filles pour- vues d'énormes glandes
mammaires et de minuscules cervelles. -Ily a longtemps
que... j'en pince pour toi, dit-elle vivement. -Tu le
cachais rudement bien. Il tira de sa poche le billet o lui
avait écrit. Essavez done notre caíssière », lut-il tout
haut. en riant. Pour le moment, je préfère ça à la
Banane à la Crème. Il faisait courir ses mains sur le bras
de Catherine, et elle en avait de petits frissons le long
de l'échine. Peut-être écrirait-elle un manuel à l'intention
de toutes les pauvres sottes de vierges. Après le
deuxième verre, elle se prenait de pitié pour elles. C'est
dommage. Qu'est-ce qui est dommage ? Elle avait
encore parlé tout haut. Elle décida de payer d'audace.
J'étais en train de plaindre toutes les vierges du monde.
Ron lui sourit et leva son verre. -Je vais boire à cette
pensée, dit-il. Elle le regardait. Visiblement, il se plaisait
avec elle. Elle n'avait pas à s'en faire. Tout allait pour le
mieux. Il lui demanda si elle voulait un autre verre, mais
elle refusa. Elle n'avait pas l'intention dêtre plongée
dans une stupeur alcoolique quand il la déflorerait.
Déflorer ? Est-ce qu on employait encore ce genre de
mots? Elle voulait se rappeler chaque instant, chaque
sensation. Oh, mon Dieu, elle n'avait rien pour se
préserver! Et lui? Un type aussi expérimenté que Ron
Peterson devait sârement avoir quelque chose pour lui
éviter le risque d'une grossesse. Et sil comptait sur elle
? Pouvait-elle lui poser carrément la question ? Elle
décida qu'elle préférerait mourir sur place. On
emporterait son corps pour l'enterrer cérémonieusement
à la chinoise. Ron commanda le menu de six plats, et
Catherine fit semblant de manger, mais elle commençait
à se sentir tellement tendue que plus rien n'avait de
goût. Que se passe-t-il ? demanda Ron. Tu es toute
pâle. Je me sens très bien. C'est seulement le plaisir
dêtre avec toi. Ron la regarda d'un air approbateur ; ses
yeux bruns détaillèrent son visage, descendirent jusqu'à
ses seins, s'y attardèrent. Autant pour moi, dit-il. Le
Chinois avait desservi, Ron avait réglé l'addition, mais
Catherine ne pouvait pas bouger. Tu veux autre chose ?
demanda-t-il. Oh, oui! Je voudrais être sur un bateau en
route vers la Chine. Je voudrais etre en train de bouillir
dans une marmite de cannibales. Je voudrais mna
mère! - Je... non, rien. Bon, fit-il, en étirant si
longuement I'unique syl- labe que celle-ci parut placer
un lit entre eux, sur la table. Allons-y. II se leva, et
Catherine le suivit, les jambes tremblan- tes. IIs étaient
dehors, dans la nuit tiède, quand Catherine eut soudain
une idée qui l'emplit de soulagement. Il ne va pas
coucher avec moi dèss ce soir. Les hommes ne font
jamais ça à une fille dès le premier rendez-vous. Il me
réinvitera à diner et nous ferons plus ample connais-
sance. Nous tomberons sans doute amoureux I'un de
l'autre-follement il m'emmènera chez ses parents, et
alors. tout ira bien... Je ne me sentirai plus aussi
stupidement affolée. -u'est-ce que tu préfères, comme
motel ? demanda Ron. Catherine, interioquée, le
dévisagea. Ce salaud-là comptat la sauter dans un
motel. Bon, cétait bien ce qu voulait, non ? La main de
Ron glissait mainte- nant de son épaule à son bras. Elle
éprouvait une sensation de chaleur à l'entrejambes.
-Quand on a vu un motel, on les a tous vus, dit-elle. Ron
lui jeta un regard bizarre ; mais il dit seulement: Bon.
Allons-y. IIs montèrent en voiture et prit la direction de
l'ouest. Le corps de Catherine n'état plus qu'un bloc de
glace, mais son esprit fonctionnait dans la fièvre. La
dernière fois qu'elle avait couché dans un motel, c'était à
huit ans, au cours d'un voyage avec son père et sa
mère. Et maintenant, elle y allait avec un inconnu total.
Ron lui prit la main. Tu Les I u as les a es cuisses
chaudes. maine gelées, dit-il. Oh, Dieu, pensa-t-elle, me
voilà repartie! Ron tourna dans Clark Street, vers le sud.
Devant eux, de chaque côté de la rue, d'énormes yeux
rouges clignotaient, des enseignes au néon qui hurlaient
dans la nuit leurs offres de havres temporaires et bon
marché pour jeunes amoureux impatients. - Voilà à peu
près ce qu'il y a de mieux, fit Ron en désignant une
enseigne. AUBERGE DU PARADIS CHAMBRES
LIBRES. Un symbole. Il y avait de la place au Paradis,
et elle, Catherine Alexander, allait la prendre. Rom
arrêta la voiture dans la cour, près d'un petit bureau
crépi de blanc, avec un panneau qui đisait: SONNEZ ET
ENTREZ. Autour de la cour s'alignaient environ deux
douzaines de bungalows de bois numérotés. Qu'est-ce
que tu en penses ? demanda Ron. On dirait l'Enfer de
Dante. Ou le Colisée de Rome. quand les chrétiens
allaient être jetés aux lions. Ou le temple de Delphes,
quand une vierge allait passer à la casserole.
Formidable, dit Catherine. Formidable. -Je reviens, dit
Ron avec un sourire significatif. Il posa la main sur le
genou de Catherine, temonta vers la cuisse; puis, sur un
baiser impersonnel, il descendit de voiture et entra dans
le bureau. Elle le suivit des yeux, en essayant de ne
penser à rien. Au loin, elle entendit hurler la sirène. Oh,
Dieu, pensa-t-elle, la police! Ils font des descentes sans
arrêt dans ces endroits-là! La porte de la réception
s'ouvrit, Ron sortit. II avait une clé à la main et semblait
ne pas entendre la s se rapprochait. II vint ouvrir la
portière de Catherine Nous y sommes, dit-il. Viens. Tu
n'entends pas ? Quoi? La sirène les dépassa, et son
ululement diminua, s'éteignit. - Les oiseaux, fit-elle d'une
voix faible. Sur le visage de Ron passa une lueur
d'impatience. - Sily a quelque chose qui ne va pas. -
Non, non, interrompit vivement Catherine: Je viens. Elle
descendit de voiture, et ils se dirigèrent vers I'un des
bungalows. Sur la porte était inscrit le numéro 13. C'tait
bien ce qu'elle méritait. Le signe qu ele aat être
enceinte, que Dieu avait décidé de sainte Catherine.
Ron ouvrit la porte. Ii alluma, et Catherine entra. Elle
n'en crut pas ses yeux. La chambre semblait ne contenir
qu'un lit énorme. Les autres meubles étaient un fauteuil i
l'air inconfortable, poussé dans un coin, une petite
coiffeuse avec une glace et. près du lit, un poste de
radio décrépit avec une fente pour les pièces de
monnaie. Personne ne pouvait s'y tromper: cette
chambre était l'endroit où un gars amenait une fille pour
la sauter. Catherine se retourna pour voir ce que faisait
Ron. II poussait le verrou. Bon. St la Brigade des Meurs
les cherchait, il faudrait dabord qu'ils enfoncent la porte.
Elle se vit nue, entre les mains de deux agents, tandis
qu'un reporter la đu Chicago Doographiait pour la
première page Ron s'approcha de Catherine et I'entoura
de ses bras. Nerveuse? demanda-t-il. Elle leva les yeux
vers lui et força un rire qui eût fait honneur à Margaret
Sullavan. -Nerveuse ? Ron, ne sois pas ridicule. Mais il
continuait à l'examiner. Tu as déjà fait ça, hein,
Catherine ? Je ne tiens pas de comptes. Tu m'as fait un
drôle d'effet toute la soirée. Ça y était. Il allait l'envoyer
prendre une douche froide. Mais elle ne se laisserait pas
faire. Pas ce soir. Quel genre d'effet? Je n'en sais rien,
fit Ron d'un ton perplexe. Un moment, tu es plutôt sexy
et, comme qui dirait, dans le coup, et le moment
d'après, tu es comme absente, aussi frigide qu'un
glaçon. On croirait que tu es deux femmes à la fois.
Laquelle est la vraie Catherine Alexander ? Frigide
comme un glaçon, se répéta-t-elle machinale- ment. Je
vais te faire voir, dit-elle tout haut. Elle l'entoura de ses
bras et l'embrassa sur les lèvres. II l'embrassa lui aussi,
plus fort, il l'attira tout contre lui. Tout en lIui enfonça ui
caressait les seins Casbe dans la bouche, il sentit son
slip se mouiller. Ça y est, pensa-t-elle. Ça va vraiment
m'arri- ver! Elle s'accrochait à lui, en proie à une
surexcitation croissante, presque intolérable. Iui
Déshabillons-nous, dit Ron d'une voix rauque. Il s'écarta
et voulut ôter sa veste. Non, laisse-moi faire, dit-elle,
avec une confiance toute neuve. Si c'était là la nuit entre
toutes les nuits, elle allaits'y prendre comme il fallait.
Ron n'aurait pas l'occasion de ricaner en racontant aux
filles qu'il avait fait l'amour avec une petite vierge idiote.
Catherine n'avait peut-être pas les mensurations de
Jean-Anne, mais elle possédait un cerveau dix fois plus
utile et elle allait s'en servir pour rendre Ron si heureux
qu'il ne pourrait le suppor- ter. Elle lui ôta sa veste, la
posa sur le lit, tendit la main vers sa eravate. Minute, fit
Ron. Je veux te voir te déshabiller. Catherine le regarda,
avala sa salive, et, lentement, quitta sa robe. Elle n'avait
plus que son soutien-gorge, son jupon, son slip, ses
chaussures et ses bas. -Continue. Elle hésita un instant
avant de s'exécuter. Lions: 2, Chrétiens: 0. pensa-t-elle.
- Eh, sensass"! Vas-y. Catherine s'assit lentement sur le
lit et enleva soigneu- vement ses chaussures et ses bas.
Soudain, elle sentit Ron derrière elle: il dégrafait son
soutien-gorge. Il la fit lever et se mit en devoir de faire
glisser son slip le long de ses jambes. Elle ferma les
yeux. Elle eût voulu se trouver ailleurs avéc un autre
homme, avec un être humain qui l'aimerait, et qu'elle
aimerait, qui lui ferait des enfants magnifiques qui
porteraient son nom, qui se battrait, qui tuerait pour elle,
et pour qui elle serait une compagne adorante. Putain
dans son lit, cordon-bleu dans sa cuisine, hôtesse
charmante dans son salon.. Le slip tomba. Catherine
ouvit les yeux. Ron la contem- plait, plein d'admiration.
Seigneur, Cathy! tu es rudement belle ! II se pencha et
lui embrassa les seins. Elle aperçut leur reflet dans la
glace. On aurait dit une comédie de boulevard, salace et
sordide. Tout en elle, sauf la cuisante brûlure entre ses
cuisses, lui disait que ce qu'elle faisait était mal et laid,
mais il n'y avait plus moyen de s'arrêter. Ron, écarlate,
arrachait sa cravate, et déboutonnait sa chemise. Il
dégrafa sa ceinture, se retrouva en caleçon court. Il
s'assit sur le lit pour se déchausser. -Je parle
sérieusement, Cathy, dit-il d'une voix étranglée par
l'émotion. Tu es foutrement ce que j'ai vu de p plus
beau. Ses paroles ne faisaient qu'accentuer l'affolement
de Catherine. l se leva. Il arborait un large sourire
d'anticipation. In laissa son caleçon tomber sur le sol.
Son organe se dressait, tout raide, pareil à un énorme
saucisson gonflé, entouré de poils. C'était l'objet le plus
gros, le plus incroyable que Catherine eût jamais vu de
sa vie. Qu'est-ce que tu en penses? dit-il, en abaissant
dessus un regard fier. Sans réfléchir, Catherine dit : En
tranches, dans un sandwich. Avec moutarde et laitue. Et
elle le regarda s'affaisser.
Pendant 1la seconde année de Catherine à l'université,
il y eut un changement dans 1'atmosphère du campus.
Pour la première fois, on se souciait de ce qui se passait
en Europe et l'on avait de plus en plus l'impression que
l'Amérique allait être entraînée dans la guerre. Les
Nazis avaient occupé le Danemark et envahi la
Norvège. En l'espace de six mois, les conversations, sur
les campus du pays tout entier, avaient abandonné le
sexe, la mode et les bals pour la conscription et la loi
prêt- bail. Des étudiants de plus en plus nombreux
faisaient leur apparition en uniforme. Un jour, Susie
Roberts aborda Catherine dans un couloir. - Je voulais
te dire au revoir, Cathy. Je pars. Où ça? -A Washington.
Il paraît que, là-bas, il y a au moins une centaine
d'hommes pour chaque fille... Pour- quoi restes-tu ici?
Les études, c'est la barbe. Le monde attend. tout entier
t' Je ne peux pas partir pour l'instant, dit Catherine. Elle
ne savait trop pourquoi. Elle n'avait aucune attache
réelle à Chicago. Elle correspondait régulière- ment
avec son père, en Omaha, et lui téléphonait une ou
deux fois par mois. Chaque fois, il donnait l'impression
d'être en prison. Catherine était libre, à présent. Plus
elle songeait à Washington, et plus cela lui paraissait
tentant. Ce soir-là, elle appela son père au téléphone et
lui annonça qu'elle désirait quitter I'université pour aller
travailler à Washington. Le lendemain matin, elle alla
trouver la femme qui occupait le poste de recteur pour
les jeunes filles et T'informa de son départ. Catherine
envoya un télégramme à Susie Roberts. Le jour suivant,
elle prenait le train pour Washington.

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