LE grand vent de la guerre, qui balayait I'Europe, toujours plus violemment, n'était plus qu'un doux zéphir quand il atteignait les rivages des Etats-Unis. A la Northwestern, il y eut des manifestations d'étu- diants pour presser le président Roosevelt de déclarer la guerre à l'Allemagne, et quelques-uns des étudiants, les plus âgés, s'engagèrent dans les Forces armées. Néan- moins, le courant qui allait bientôt emporter le pays tout entier était encore à peine perceptible. Par un après-midi doctobre, Catherine Alexander allait prendre son poste de caissière au Perchoir ; elle se demandait si la guerre, au cas où elle se déclencherait, transformerait sa vie. Il y avait une transformation, au moins, qu'elle tenait à voir se produire, et le plus tôt serait le mieux. Elle désirait désespérément savoir quel effet cela faisait de faire l'amour avec un homme. Juste Ciel, dire qu'elle pouvait passer sous une voiture, qu'on ferait une autopsie et qu'on découvrirait qu'elle était vierge! Non, il fallait y remédier. Tout de suite. Catherine fit du regard le tour du «Perchoir », sans y trouver le visage qu'elle cherchait. Quand Ron Peterson arriva une heure plus tard avec Jean-Anne, Catherine sentit son cœur lui marteler les côtes. Du coin de l'eil, elle vit le couple aller s'asseoir à la table habituelle de Ron. Elle respira un grand coup et alla les rejoindre. Ron Peterson, menu en main, essayait de se décider. Je meurs de faim, disait-il. Alors, essaie donc ça. Les deux jeunes gens, surpris, levèrent les yeux vers Catherine. Elle tendit à Ron un papier plié, tourna les talons et regagna la caisse. Ron déplia la feuille, y jeta un coup d'æil et éclata de rire. Jean-Anne le regardait calmement. C'est personnel, ou bien on peut profiter de la plaisanterie ? Personnel, fit Ron en souriant. Et il glissa le papier dans sa poche. Jean-Anne et lui partirent bientốt après. Ron ne dit rien en réglant son addition; il se contenta de dévisager longuement Catherine, puis il sortit, Jean-Anne à son bras. Catherine les suivit des yeux ; elle se sentait idiote. Son service fini, elle passa son manteau, dit bonsoir à sa rempiaçante et s'en fut. La soirée d'automne était tiède, avec une brise rafraîchissante qui venait du lac. Le ciel était de vėlours violet, et les étoiles semblaient presque à portée de main. Une soirée parfaite pou... Pour quoi? Mentalement, Catherine dressa une liste. Je peux rentrer chez moi et me laver les cheveux. Je peux aller à la bibliothèque et travailler pour l'interro de latin qu'on a demain. Je peux aer c er dass les buissons pour violer Je peux aller me cinéma. le premier marin qui passera. Je peux aller me faire enfermer. Elle se dirigeait vers la bibliothèque quand une silhouette se détacha d'un éverbère. Eh, Cathy, où vas-tu 2 C'était Ron Peterson. II lui souriait. Elle aurait terri- blement aimé se recoiffer, vérifier son maquillage et les coutures de ses bas, mais elle s'efforça de ne rien laisser voir de sa nervosité. Règle nº 1:rester calme. Où vas-tu ? Fallait-il lui répéter la liste ? Seigneur, nonl II la prendrait pour une folle. Elle tenait sa grande chance; il ne fallait rien faire pour la gâcher. Elle regarda Ron, de l'air aguichant de Carole Lombard dans Nothing Sacred». -Je n': rien particulier, dit-elle. Ro prudence. Diin certain instinct lui conseillait la Un certain Et aimerais-tu faire quelque chose de particulier ? demanda-t-il. Çayétait. t. La proposition. Le Dis-moi quoi. Je suis à toi, fit- Intérieurement, elle se ratatina sur elle-même. C'était une réflexion tellement bête. II allait, tourner les talons et la planter là. Mais non. Cétait incroyable. II lui sourit et dit : sans retour. -Allons-y. Abasourdie, Catherine se mit en marche à côté de lui. Elle allait se faire baiser. Elle se sentit trembler. S'il découvrait qu'elle était vierge, elle était fichue. Et de quoi allait-elle parler, une fois au lit avec lui ? Est-ce que les gens parlaient, pendant ce temps-là, ou bien attendaient-ils que ce fût fini ? - As-tu đìné ? demanda Ron. - Diné? Elle leva les yeux vers lui et tâcha de réfléchir. Si elle répondait «Oui, il l'emmènerait tout de suite au lit, et en aurait vite fini. - Non, dit-elle vivement. Pas encore. Allons, pourquoi ai-je dit ça ? J'ai tout fichu par terre. Bon, fit Ron sans paraftre démonté. Je connais un petit restaurant chinois. Lum Fong. Ça te dit quelque chose ? Non, mais elle ne l'oublierait jamais plus. Qu'est-ce que tu as fait, la nut où tu as perdu ton pucelage? Je suis dabord allée chez Lum Fong avec Ron Peter- son. Cétait bon ? Oui, mais tu sais ce que c'est, les plats chinois: une heure après, je me sentais de nouveau tout excitée. IIs étaient devant la voiture de Ron, une décapotable marron. II lui ouvrit la portière, et elle s'assit là où avaient pris place toutes les filles qu'elle avait enviées. Ron était charmant. C'était un athléte. Et un maniaque sexuel. Peut-être aurait-elle dû exiger un restaurant grande classe. Ron aurait pensé: Voilà le genre de fille quej'aimerais présenter à maman. -A quoi penses-tu ? Elle le regarda tendrement et se blottit contre lui. A toi. Tu m'as bien fait marcher, Cathy, dit-il en sou- riant. -Vraiment? J'ai toujours cru que tu étais plutôt distante... que tu ne t'intéressais pas aux hommes, si tu vois ce que je veux dire. Le mot que tu cherches, c'est lesbienne, pensa Catherine. -Non, mais j'aime choisir le moment et l'endroit, dit-elle. Content que tu m'aies choisi. Je suis contente aussi. Et c'était vrai. Elle pouvait avoir la certitude que Ron était un bon amant. II avait fait largement ses preuves. Elle aurait trouvé humiliant de connaître sa première expérience sexuelle avec quelqu'un d'aussi ignorant qu'elle. Avec Ron, elle aurait affaire à un maître. Après cette nuit, elle ne s'appellerait plus sainte Catherine. Plutôt Catherine la Grande. Et au lit, elle serait fantastique. Ce qu'il fallait, c'était ne pas s'affoler. Son corps allait devenir un orgue tout vibrant d'une exquise musique. Oh, elle savait que, la première fois, elle aurait mal. .Mais Ron n'en saurait rien. Elle remuerait le derrière tant qu'elle pourrait, parce que les hommes ont horreur d'une femme qui reste là, sans bouger. Et, quand Ron la pénétrerait, elle se mordrait les lèvres, et son cri serait un cri de plaisir. Qu'est-ce qu'il y a? Elle se retourna vers Ron, épouvantée de s'apercevoir qu'elle avait crié pour tout de bon. Je... je n'ai rien dit. Tu as poussé un drôle de petit cri. C'est vrai ? dit-elle en se forçantà rire. Catherine décida qu'il fallait être davantage comme Jean-Anne. Elle posa la main sur le bras de Ron et se rapprocha lui. Surpris, il baissa les yeux vers elle mais ne lut sur son visage qu'une chaleureuse ardeur. «Lum Fong était un assez sordide petit restaurant chinois situé sous le métro aérien. Durant tout le diner, ils entendirent la vaisselle vibrer au grondement des rames. Catherine examinait en détail, pour ne rien oublier, le papier de tenture douteux, la théière de porcelaine ébréchée, la nappe tachée de sauce. Un petit serveur chinos 3elaue chose. Une de leur table et leur demanda s'ils voulaient ou deux fois dans sa vie, Catherine avait tâté le whisky et elle détestait ça. Mais, ce jour-là, c'était le Nouvel An, le 4 juillet, la Fin de sa Virginité. Il fallait arroser ça. - Je prendrai un old-fashioned, avec une cerise. Une cerise ! Bon Dieu! Elle venait de se trahir! Un scotch and soda, commanda Ron. Le serveur s'inclina, s'éloigna. Catherine se demandait s'il était vrai que les Chinoises fussent conformées de travers. -Je me demande pourquoi nous ne sommes pas devenus copains plus tôt, dit Ron. Tout le, monde prétend que tu es la fille la plus brillante de toute cette sacrée université. Tu sais comme les gens exagèrent. Et tu es drôlement jolie. Merci, fit-elle d'une voix qu'elle essayait de rendre semblable å celle de Katherine Hepburn. les yeux de konder, Elle allait un regard lourd de plus Catherine rejoindre Marlène Dietrich, Mae West, Cléopâtre. Elles seraient toutes sceurs. Elle sens. Le serveur apporta son cocktail, qu'elle but d'une lampée. Ron la regardait avec étonnement. Attention, dit-il. C'est plutôt fort, ce truc-là. Je le supporte très bien, affirma Catherine, sâre d'elle. Remettez-nous ça, ordonna-t-il au serveur. C'est drôle, reprit-il en caressant la main de Catherine, sur la table. Tout le monde te prenait pour ce que tu n'es pas. Faux. Personne ne m'a jamais prise. Il ouvrit de grands yeux. Attention, ne fais pas d'esprit. Les hommes préfèrent baiser des filles pour- vues d'énormes glandes mammaires et de minuscules cervelles. -Ily a longtemps que... j'en pince pour toi, dit-elle vivement. -Tu le cachais rudement bien. Il tira de sa poche le billet o lui avait écrit. Essavez done notre caíssière », lut-il tout haut. en riant. Pour le moment, je préfère ça à la Banane à la Crème. Il faisait courir ses mains sur le bras de Catherine, et elle en avait de petits frissons le long de l'échine. Peut-être écrirait-elle un manuel à l'intention de toutes les pauvres sottes de vierges. Après le deuxième verre, elle se prenait de pitié pour elles. C'est dommage. Qu'est-ce qui est dommage ? Elle avait encore parlé tout haut. Elle décida de payer d'audace. J'étais en train de plaindre toutes les vierges du monde. Ron lui sourit et leva son verre. -Je vais boire à cette pensée, dit-il. Elle le regardait. Visiblement, il se plaisait avec elle. Elle n'avait pas à s'en faire. Tout allait pour le mieux. Il lui demanda si elle voulait un autre verre, mais elle refusa. Elle n'avait pas l'intention dêtre plongée dans une stupeur alcoolique quand il la déflorerait. Déflorer ? Est-ce qu on employait encore ce genre de mots? Elle voulait se rappeler chaque instant, chaque sensation. Oh, mon Dieu, elle n'avait rien pour se préserver! Et lui? Un type aussi expérimenté que Ron Peterson devait sârement avoir quelque chose pour lui éviter le risque d'une grossesse. Et sil comptait sur elle ? Pouvait-elle lui poser carrément la question ? Elle décida qu'elle préférerait mourir sur place. On emporterait son corps pour l'enterrer cérémonieusement à la chinoise. Ron commanda le menu de six plats, et Catherine fit semblant de manger, mais elle commençait à se sentir tellement tendue que plus rien n'avait de goût. Que se passe-t-il ? demanda Ron. Tu es toute pâle. Je me sens très bien. C'est seulement le plaisir dêtre avec toi. Ron la regarda d'un air approbateur ; ses yeux bruns détaillèrent son visage, descendirent jusqu'à ses seins, s'y attardèrent. Autant pour moi, dit-il. Le Chinois avait desservi, Ron avait réglé l'addition, mais Catherine ne pouvait pas bouger. Tu veux autre chose ? demanda-t-il. Oh, oui! Je voudrais être sur un bateau en route vers la Chine. Je voudrais etre en train de bouillir dans une marmite de cannibales. Je voudrais mna mère! - Je... non, rien. Bon, fit-il, en étirant si longuement I'unique syl- labe que celle-ci parut placer un lit entre eux, sur la table. Allons-y. II se leva, et Catherine le suivit, les jambes tremblan- tes. IIs étaient dehors, dans la nuit tiède, quand Catherine eut soudain une idée qui l'emplit de soulagement. Il ne va pas coucher avec moi dèss ce soir. Les hommes ne font jamais ça à une fille dès le premier rendez-vous. Il me réinvitera à diner et nous ferons plus ample connais- sance. Nous tomberons sans doute amoureux I'un de l'autre-follement il m'emmènera chez ses parents, et alors. tout ira bien... Je ne me sentirai plus aussi stupidement affolée. -u'est-ce que tu préfères, comme motel ? demanda Ron. Catherine, interioquée, le dévisagea. Ce salaud-là comptat la sauter dans un motel. Bon, cétait bien ce qu voulait, non ? La main de Ron glissait mainte- nant de son épaule à son bras. Elle éprouvait une sensation de chaleur à l'entrejambes. -Quand on a vu un motel, on les a tous vus, dit-elle. Ron lui jeta un regard bizarre ; mais il dit seulement: Bon. Allons-y. IIs montèrent en voiture et prit la direction de l'ouest. Le corps de Catherine n'état plus qu'un bloc de glace, mais son esprit fonctionnait dans la fièvre. La dernière fois qu'elle avait couché dans un motel, c'était à huit ans, au cours d'un voyage avec son père et sa mère. Et maintenant, elle y allait avec un inconnu total. Ron lui prit la main. Tu Les I u as les a es cuisses chaudes. maine gelées, dit-il. Oh, Dieu, pensa-t-elle, me voilà repartie! Ron tourna dans Clark Street, vers le sud. Devant eux, de chaque côté de la rue, d'énormes yeux rouges clignotaient, des enseignes au néon qui hurlaient dans la nuit leurs offres de havres temporaires et bon marché pour jeunes amoureux impatients. - Voilà à peu près ce qu'il y a de mieux, fit Ron en désignant une enseigne. AUBERGE DU PARADIS CHAMBRES LIBRES. Un symbole. Il y avait de la place au Paradis, et elle, Catherine Alexander, allait la prendre. Rom arrêta la voiture dans la cour, près d'un petit bureau crépi de blanc, avec un panneau qui đisait: SONNEZ ET ENTREZ. Autour de la cour s'alignaient environ deux douzaines de bungalows de bois numérotés. Qu'est-ce que tu en penses ? demanda Ron. On dirait l'Enfer de Dante. Ou le Colisée de Rome. quand les chrétiens allaient être jetés aux lions. Ou le temple de Delphes, quand une vierge allait passer à la casserole. Formidable, dit Catherine. Formidable. -Je reviens, dit Ron avec un sourire significatif. Il posa la main sur le genou de Catherine, temonta vers la cuisse; puis, sur un baiser impersonnel, il descendit de voiture et entra dans le bureau. Elle le suivit des yeux, en essayant de ne penser à rien. Au loin, elle entendit hurler la sirène. Oh, Dieu, pensa-t-elle, la police! Ils font des descentes sans arrêt dans ces endroits-là! La porte de la réception s'ouvrit, Ron sortit. II avait une clé à la main et semblait ne pas entendre la s se rapprochait. II vint ouvrir la portière de Catherine Nous y sommes, dit-il. Viens. Tu n'entends pas ? Quoi? La sirène les dépassa, et son ululement diminua, s'éteignit. - Les oiseaux, fit-elle d'une voix faible. Sur le visage de Ron passa une lueur d'impatience. - Sily a quelque chose qui ne va pas. - Non, non, interrompit vivement Catherine: Je viens. Elle descendit de voiture, et ils se dirigèrent vers I'un des bungalows. Sur la porte était inscrit le numéro 13. C'tait bien ce qu'elle méritait. Le signe qu ele aat être enceinte, que Dieu avait décidé de sainte Catherine. Ron ouvrit la porte. Ii alluma, et Catherine entra. Elle n'en crut pas ses yeux. La chambre semblait ne contenir qu'un lit énorme. Les autres meubles étaient un fauteuil i l'air inconfortable, poussé dans un coin, une petite coiffeuse avec une glace et. près du lit, un poste de radio décrépit avec une fente pour les pièces de monnaie. Personne ne pouvait s'y tromper: cette chambre était l'endroit où un gars amenait une fille pour la sauter. Catherine se retourna pour voir ce que faisait Ron. II poussait le verrou. Bon. St la Brigade des Meurs les cherchait, il faudrait dabord qu'ils enfoncent la porte. Elle se vit nue, entre les mains de deux agents, tandis qu'un reporter la đu Chicago Doographiait pour la première page Ron s'approcha de Catherine et I'entoura de ses bras. Nerveuse? demanda-t-il. Elle leva les yeux vers lui et força un rire qui eût fait honneur à Margaret Sullavan. -Nerveuse ? Ron, ne sois pas ridicule. Mais il continuait à l'examiner. Tu as déjà fait ça, hein, Catherine ? Je ne tiens pas de comptes. Tu m'as fait un drôle d'effet toute la soirée. Ça y était. Il allait l'envoyer prendre une douche froide. Mais elle ne se laisserait pas faire. Pas ce soir. Quel genre d'effet? Je n'en sais rien, fit Ron d'un ton perplexe. Un moment, tu es plutôt sexy et, comme qui dirait, dans le coup, et le moment d'après, tu es comme absente, aussi frigide qu'un glaçon. On croirait que tu es deux femmes à la fois. Laquelle est la vraie Catherine Alexander ? Frigide comme un glaçon, se répéta-t-elle machinale- ment. Je vais te faire voir, dit-elle tout haut. Elle l'entoura de ses bras et l'embrassa sur les lèvres. II l'embrassa lui aussi, plus fort, il l'attira tout contre lui. Tout en lIui enfonça ui caressait les seins Casbe dans la bouche, il sentit son slip se mouiller. Ça y est, pensa-t-elle. Ça va vraiment m'arri- ver! Elle s'accrochait à lui, en proie à une surexcitation croissante, presque intolérable. Iui Déshabillons-nous, dit Ron d'une voix rauque. Il s'écarta et voulut ôter sa veste. Non, laisse-moi faire, dit-elle, avec une confiance toute neuve. Si c'était là la nuit entre toutes les nuits, elle allaits'y prendre comme il fallait. Ron n'aurait pas l'occasion de ricaner en racontant aux filles qu'il avait fait l'amour avec une petite vierge idiote. Catherine n'avait peut-être pas les mensurations de Jean-Anne, mais elle possédait un cerveau dix fois plus utile et elle allait s'en servir pour rendre Ron si heureux qu'il ne pourrait le suppor- ter. Elle lui ôta sa veste, la posa sur le lit, tendit la main vers sa eravate. Minute, fit Ron. Je veux te voir te déshabiller. Catherine le regarda, avala sa salive, et, lentement, quitta sa robe. Elle n'avait plus que son soutien-gorge, son jupon, son slip, ses chaussures et ses bas. -Continue. Elle hésita un instant avant de s'exécuter. Lions: 2, Chrétiens: 0. pensa-t-elle. - Eh, sensass"! Vas-y. Catherine s'assit lentement sur le lit et enleva soigneu- vement ses chaussures et ses bas. Soudain, elle sentit Ron derrière elle: il dégrafait son soutien-gorge. Il la fit lever et se mit en devoir de faire glisser son slip le long de ses jambes. Elle ferma les yeux. Elle eût voulu se trouver ailleurs avéc un autre homme, avec un être humain qui l'aimerait, et qu'elle aimerait, qui lui ferait des enfants magnifiques qui porteraient son nom, qui se battrait, qui tuerait pour elle, et pour qui elle serait une compagne adorante. Putain dans son lit, cordon-bleu dans sa cuisine, hôtesse charmante dans son salon.. Le slip tomba. Catherine ouvit les yeux. Ron la contem- plait, plein d'admiration. Seigneur, Cathy! tu es rudement belle ! II se pencha et lui embrassa les seins. Elle aperçut leur reflet dans la glace. On aurait dit une comédie de boulevard, salace et sordide. Tout en elle, sauf la cuisante brûlure entre ses cuisses, lui disait que ce qu'elle faisait était mal et laid, mais il n'y avait plus moyen de s'arrêter. Ron, écarlate, arrachait sa cravate, et déboutonnait sa chemise. Il dégrafa sa ceinture, se retrouva en caleçon court. Il s'assit sur le lit pour se déchausser. -Je parle sérieusement, Cathy, dit-il d'une voix étranglée par l'émotion. Tu es foutrement ce que j'ai vu de p plus beau. Ses paroles ne faisaient qu'accentuer l'affolement de Catherine. l se leva. Il arborait un large sourire d'anticipation. In laissa son caleçon tomber sur le sol. Son organe se dressait, tout raide, pareil à un énorme saucisson gonflé, entouré de poils. C'était l'objet le plus gros, le plus incroyable que Catherine eût jamais vu de sa vie. Qu'est-ce que tu en penses? dit-il, en abaissant dessus un regard fier. Sans réfléchir, Catherine dit : En tranches, dans un sandwich. Avec moutarde et laitue. Et elle le regarda s'affaisser. Pendant 1la seconde année de Catherine à l'université, il y eut un changement dans 1'atmosphère du campus. Pour la première fois, on se souciait de ce qui se passait en Europe et l'on avait de plus en plus l'impression que l'Amérique allait être entraînée dans la guerre. Les Nazis avaient occupé le Danemark et envahi la Norvège. En l'espace de six mois, les conversations, sur les campus du pays tout entier, avaient abandonné le sexe, la mode et les bals pour la conscription et la loi prêt- bail. Des étudiants de plus en plus nombreux faisaient leur apparition en uniforme. Un jour, Susie Roberts aborda Catherine dans un couloir. - Je voulais te dire au revoir, Cathy. Je pars. Où ça? -A Washington. Il paraît que, là-bas, il y a au moins une centaine d'hommes pour chaque fille... Pour- quoi restes-tu ici? Les études, c'est la barbe. Le monde attend. tout entier t' Je ne peux pas partir pour l'instant, dit Catherine. Elle ne savait trop pourquoi. Elle n'avait aucune attache réelle à Chicago. Elle correspondait régulière- ment avec son père, en Omaha, et lui téléphonait une ou deux fois par mois. Chaque fois, il donnait l'impression d'être en prison. Catherine était libre, à présent. Plus elle songeait à Washington, et plus cela lui paraissait tentant. Ce soir-là, elle appela son père au téléphone et lui annonça qu'elle désirait quitter I'université pour aller travailler à Washington. Le lendemain matin, elle alla trouver la femme qui occupait le poste de recteur pour les jeunes filles et T'informa de son départ. Catherine envoya un télégramme à Susie Roberts. Le jour suivant, elle prenait le train pour Washington.