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Une décision historique du


Conseil d’État appelle à
recadrer CNews
La plus haute juridiction
administrative demande au
gendarme de l’audiovisuel de mieux
veiller au respect par CNews de ses
obligations en matière de pluralisme
et d’honnêteté de l’information. La
chaîne de Vincent Bolloré risque de
devoir entièrement repenser la
composition de ses émissions.

Yunnes Abzouz
13 février 2024 à 20h06

Lire + tard O!rir

E t si l’obligation de pluralisme
s’appliquait à Pascal Praud et à ses
chroniqueurs habitués aux positions
outrancières et radicalement de droite, tout
autant qu’aux invité·es politiques de la
chaîne ? C’est le sens de la décision prise par
le Conseil d’État, mardi 13 février, qui
demande à l’Arcom, le régulateur de
l’audiovisuel, de renforcer son contrôle sur
CNews. Dans le détail, le Conseil d’État
« enjoint à l’Arcom de réexaminer dans un
délai de six mois le respect par la chaîne
CNews de ses obligations en matière de
pluralisme et d’indépendance de
l’information ».

Saisie par Reporters sans frontières (RSF) en


2021, qui lui demandait de mettre en
demeure la chaîne pour manquement à ses
obligations relatives à l’honnêteté, à
l’indépendance et au pluralisme de
l’information, la qualifiant de « média
d’opinion », l’Arcom avait refusé de se
pencher sur le cas de la chaîne du groupe
Canal+. Son président, Roch-Olivier Maistre,
s’était même permis, en février 2023, de
lancer : « CNews respecte strictement le
pluralisme politique. »

N’en démordant pas, l’ONG de défense de la


liberté de la presse avait alors saisi le Conseil
d’État afin de forcer le régulateur
indépendant à se saisir des multiples
entorses de la chaîne propriété du
milliardaire breton Vincent Bolloré,
demandant que l’instance « soit à la hauteur
de son rôle ».

La plus haute juridiction administrative


vient de donner raison sur presque toute la
ligne à RSF. Et inflige un sacré camouflet à
CNews, qui risque de devoir entièrement
repenser la composition de ses émissions,
des invité·es jusqu’aux animateurs et
animatrices.

Photomontage Mediapart © Armel Baudet

Pour la première fois, le Conseil d’État a


estimé que le respect du pluralisme, pour
une chaîne d’information, ne s’appréciait pas
seulement au regard de la diversité des
personnalités politiques invitées et à leur
temps d’intervention, mais devait aussi tenir
compte de la couleur politique de
« l’ensemble des participants aux programmes
diffusés, y compris les chroniqueurs,
animateurs et invités ».

Autrement dit, CNews pourrait être


contrainte de décompter le temps de parole
de nombre de ses chroniqueurs réguliers et
éditorialistes, connus pour leurs opinions
tranchées et dont les prises de position à
l’antenne les situent clairement
politiquement, le plus souvent à la droite
radicale ou à l’extrême droite.

Par ailleurs, l’autorité administrative charge


l’Arcom de trouver le moyen adéquat de
s’assurer du respect des règles du pluralisme,
sans préciser lequel.

Trois quarts d’invités de droite et


d’extrême droite

Le recours de RSF s’appuyait en particulier


sur une étude de François Jost, sémiologue et
professeur émérite à l’université Sorbonne-
Nouvelle, qui avait démontré, sur la base
d’une observation des programmes de
CNews sur une semaine, que « les invités de
droite et d’extrême droite représentent plus
des trois quarts des présences en plateau
(78 %) ». Parmi les fers de lance de
l’ultraconservatisme de la chaîne, érigé en
ligne éditoriale, les journalistes étaient plus
nombreux que les représentants de parti,
concluait l’universitaire dans son étude.

Patrice Spinosi, avocat de RSF, a salué mardi


une « décision historique » qui contredit
l’approche trop étroite de l’Arcom de la
notion de pluralisme. « Le Conseil d’État
donne tout son rôle à l’Arcom face au risque de
dévoiement de l’information à des fins
strictement politiques. Elle lui indique par sa
décision qu’elle ne peut pas se contenter d’une
vision abstraite et purement objective sur les
temps de parole, et doit aller plus loin en
examinant le contenu des programmes. »

Au rang des obligations que CNews


transgresse régulièrement, l’honnêteté dans
le traitement de l’information et la trop
grande place des opinions relativement aux
faits figurent en bonne place. Dénonçant « la
focalisation excessive de [CNews] sur certains
sujets », les juges administratifs ont aussi
fait leurs les arguments de RSF, qui
considérait qu’au regard « du volume des
séquences d’information proprement dites, de
la sélection des informations et leur
hiérarchie, de la place de l’animateur dans les
débats et du pluralisme des invités, la chaîne
ne peut plus être considérée comme une
chaîne d’information ».

Le Conseil d’État dénonce la


mainmise de Bolloré sur sa chaîne

Autre point clé de cette décision : le Conseil


d’État a estimé « que l’Arcom doit s’assurer de
l’indépendance de l’information au sein de la
chaîne en tenant compte de l’ensemble de ses
conditions de fonctionnement et des
caractéristiques de sa programmation, et pas
seulement à partir de la séquence d’un extrait
d’un programme particulier ».

Dans son viseur, l’ingérence exercée par


Bolloré sur le traitement de l’information par
sa chaîne et la transformation progressive de
CNews en média d’opinion. « L’information
par le service [CNews – ndlr] n’est pas
conforme à l’obligation d’indépendance vis-à-
vis de l’actionnaire principal de sa maison-
mère, tant au plan politique qu’au plan
économique, comme en attestent divers
témoignages et études », assènent les juges
administratifs.

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un problème spécifique avec CNews »

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« La portée de cette décision ne se limite pas à


CNews mais est plus générale, amplifie
Patrice Spinosi, qui vante une décision de
principe, ayant vocation à s’inscrire dans le
temps et susceptible d’enrayer la mainmise
des milliardaires sur les médias qu’ils
possèdent. Le Conseil d’État demande à
l’Arcom de vérifier quelle peut être l’influence
de l’actionnaire sur la ligne éditoriale d’un
média. Il dit au régulateur : “C’est votre boulot
de vérifier qu’un actionnaire ne pèse pas de
façon partiale sur la ligne éditoriale d’une
chaîne et qu’elle ne soit pas instrumentalisée à
des fins politiques.” »

Par sa décision, le Conseil d’État tance


sévèrement l’Arcom, à laquelle il revient de
faire respecter la loi de 1986 sur la liberté de
communication. Son refus de prendre à bras-
le-corps les transgressions permanentes des
médias Bolloré envers l’esprit des règles sur
le pluralisme et son choix d’assumer de
manière minimale son rôle de régulateur
viennent d’être désavoués.

Dans un communiqué, l’autorité de


régulation a indiqué prendre connaissance
de la décision du Conseil d’État. Lors d’une
rencontre organisée avec l’Association des
journalistes médias (AJM), le président de
l’Arcom, anticipant une décision en forme de
désaveu, avait déclaré : « Si le Conseil nous
demande d’aller plus loin, ça viendrait
confirmer et renforcer notre mission de
régulation, ce dont on se réjouit. »

Alors que l’Arcom est sur le point de lancer à


la fin du mois de février son appel à
candidatures pour le renouvellement des
fréquences de 15 chaînes de la TNT, dont
CNews et C8, la décision des juges
administratifs, qui ont estimé que l’Arcom
avait appliqué de manière inexacte la
convention conclue avec CNews, risque de
rebattre les cartes. La chaîne du groupe
Canal+, confiante en ses chances de voir sa
présence sur le canal 17 de la TNT renouvelée,
pourrait devoir changer de stratégie.

Ne déviant pas d’un millimètre de sa ligne


habituelle, CNews a réagi par la voix de l’une
de ses têtes de gondole, Laurence Ferrari :
« Vivement qu’une telle attention soit portée
sur tous les autres médias, y compris les
chaînes publiques qui vivent grâce à votre
argent, l’argent du contribuable. »

Yunnes Abzouz

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