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Annuaire international de justice

constitutionnelle

France
Olivier Le Bot, Xavier Magnon, Ariane Vidal-Naquet

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Le Bot Olivier, Magnon Xavier, Vidal-Naquet Ariane. France. In: Annuaire international de justice constitutionnelle, 32-
2016, 2017. Migrations internationales et justice constitutionnelle - Référendums et justice constitutionnelle. pp. 809-854;

doi : https://doi.org/10.3406/aijc.2017.2556

https://www.persee.fr/doc/aijc_0995-3817_2017_num_32_2016_2556

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CHRONIQUES

FRANCE

par Olivier LE BOT, Xavier MAGNON


et Ariane VIDAL-NAQUET*

I.- Le Conseil constitutionnel ; A.- L’institution ; B.- L’activité contentieuse ;


C.- Les techniques de contrôle ; 1.- La motivation des décisions du Conseil
constitutionnel ; 2.- Les effets des décisions de censure dans le cadre de la QPC ;
3.- L’explicitation de l’absence d’examen spécial dans le cadre des décisions DC – II.- La
jurisprudence constitutionnelle ; A.- Droit constitutionnel normatif ; Les
exigences de bonne législation ; B.- Droit constitutionnel institutionnel (local,
parlementaire, électoral, rapports exécutif/législatif) ; 1.- Droit parlementaire ; 2.- Rapports
exécutif / législatif ; 3.- Principe de libre administration des collectivités territoriales ;
4.- Autonomie et compensation financières ; C.- Droit constitutionnel substantiel ;
1.- Les droits-libertés ; 2.- Les droits sociaux-droits créances ; 3.- Les droits-garanties ; 4.- Le
principe d’égalité

I.- LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL

A.- L’institution

Le Conseil constitutionnel a accueilli trois nouveaux membres en 2016 :


Laurent Fabius, Michel Pinault et Corinne Luquiens, respectivement nommés par le
président de la République, le président du Sénat et le président de l’Assemblée
nationale. Le premier d’entre eux a été nommé président du Conseil constitutionnel
par le président de la République et il succède ainsi à Jean-Louis Debré.
Ancien élève de l’École normale supérieure, agrégé de lettres modernes,
diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris, Laurent Fabius sera auditeur au
Conseil d’État en 1973, puis Maître des requêtes en 1981 avant d’être détaché pour
exercer le mandat de député, qu’il occupera sans discontinuité de 1978 à 2012. Il
aura été deux fois président de l’Assemblée nationale, premier secrétaire du Parti
socialiste, député au Parlement européen. Il aura occupé des fonctions

* Professeurs à Aix-Marseille Université.

Annuaire international de justice constitutionnelle, XXXII-2016


810 CHRONIQUES

gouvernementales en étant ministre délégué auprès du ministre de l’Économie et des


Finances, chargé du budget (1981-1983), puis ministre de l’Industrie et de la
Recherche (1983-1984) avant d’être Premier ministre à 38 ans (1984-1986). Le
Conseil constitutionnel peut désormais s’enorgueillir de réunir, non seulement les
anciens présidents de la République, mais également les anciens Premiers ministres
ou, du moins, cette dernière situation n’étant pas imposée par la Constitution, deux
d’entre eux.
Michel Pinault est licencié en droit, diplômé de l’École des hautes études
commerciales (HEC) et ancien élève de l’École nationale d’administration. Auditeur
(1976-1980) puis Maître des requêtes (1980-1992) au Conseil d’État puis Conseiller
d’État (1992-2015), il y sera commissaire du gouvernement, secrétaire général,
président de la 9e sous-section à la section du contentieux et président de la section
de l’administration. Il fera sa carrière à la fois dans le secteur privé (Axa, UAP) et
dans le secteur public (membre de la Cour de discipline budgétaire et financière,
membre du Conseil des prélèvements obligatoires, président du Centre de recherche
pour l’étude et l’observation des conditions de vie…). Son dernier poste le conduit à
la présidence de la commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers.
Corinne Luquiens est diplômée de l’Institut d’études politiques de Paris et a
obtenu un diplôme d’études supérieures de droit public. Elle a fait toute sa carrière à
l’Assemblée nationale, ce qui permet de renforcer les compétentes du Conseil
constitutionnel dans le domaine parlementaire. Elle garantit une certaine diversité
dans les dernières nominations à deux égards au moins : elle est une femme et elle
n’est pas ancienne élève de l’École nationale d’administration.
Laurent Fabius a d’emblée marqué sa présidence en créant, à ses côtés, un
poste de directeur de cabinet, et en initiant la publication d’un rapport d’activité
annuel du Conseil constitutionnel, dont le premier numéro est édité en 2016. La
nomination d’un directeur de cabinet peut être rattachée à la compétence du
président du Conseil constitutionnel de recruter le personnel nécessaire à son
fonctionnement, consacrée par l’article 5 du décret n° 59-1293 du 13 novembre
1959 relatif à l’organisation du secrétariat général du Conseil constitutionnel. Une
telle nomination ne manque toutefois pas d’interroger, à la fois sur la fonction de
celui-ci, sur la connotation politique de ce poste et sur son articulation avec celui de
secrétaire général du Conseil constitutionnel. Le rapport d’activité sera publié tous
les 4 octobre. Le 1er rapport d’activité du Conseil constitutionnel, de 2016, réunit de
très belles photos, des membres et de l’institution, qui sauront tirer leur avantage
imprimé sur papier glacé. Il présente en effet les membres, l’institution, avec un
rappel des principales dates fondatrices de l’institution, de ses compétences, des
décisions importantes de l’année et de l’action internationale et de différents
évènements. Ce rapport d’activité témoigne d’une démarche spontanée du président
du Conseil constitutionnel qui n’est prévue par aucun texte. Il nous permet, cette
année, de réduire dans cette chronique les informations passionnantes concernant
l’activité du Conseil constitutionnel, en renvoyant à ce rapport pour de plus amples
informations.
Il n’est toutefois pas inintéressant de porter son regard sur les décisions que le
Conseil constitutionnel met en évidence dans son rapport comme étant dignes de
l’être. Les décisions sont celles qui portent, selon le titre générique retenu dans le
rapport, moins précis que la loi ou la disposition législative contestée, sur : le
renseignement (713 DC), la croissance (715 DC), le Grand Paris (717 DC),
l’environnement (718 DC), le bisphénol A (480 QPC), les taxis et VTC (484 QPC),
l’état d’urgence (527 QPC, 535 QPC), la fiscalité (725 DC), les crimes contre
l’humanité (512 QPC), le droit des détenus (485 QPC, 543 QPC), la santé (727
DC), les organisations professionnelles (519 QPC), les perquisitions (dans le cadre de
FRANCE 811

l’état d’urgence, 536 QPC), les collectivités territoriales (528 QPC), le droit du
travail (523 QPC, 736 DC), l’élection présidentielle (729 DC), la fraude fiscale (545
QPC), le travail dominical (547 QPC), les infractions fiscales (555 QPC), la
magistrature (732 DC) et la biodiversité (737 DC). Cette présentation est tout à fait
flatteuse de l’activité d’un Conseil constitutionnel. Celui-ci est présent, en tant que
gardien de la constitutionnalité des lois, sur un ensemble de sujets de société
d’importance, des questions économiques, environnementale, aux questions
sociétales. Le juge constitutionnel français apparaît comme un acteur institutionnel
majeur sur tous les sujets de société contemporains. La stratégie communicationnelle
du Conseil est d’une grande efficacité.

B.- L’activité contentieuse

En 2016, le Conseil constitutionnel a rendu 110 décisions dont 78 décisions


QPC, 18 décisions DC, 4 décisions L, 1 décision D, 2 LOM, 2 ORGA, 4 AN et 1
LP.
Dans le cadre du contentieux DC, deux saisines du premier ministre doivent
être relevées, dont l’une est conjointe à celle des parlementaires (741 DC). La
première est une saisine blanche dans la mesure où aucun grief d’inconstitutionnalité
n’est soulevé par le premier ministre. Dans cette situation, et selon une
jurisprudence inaugurée à propos d’une saisine parlementaire (630 DC), le Conseil
constitutionnel contrôle le respect des règles procédurales et se contente d’indiquer,
après avoir relevé « qu’aucun autre motif particulier d’inconstitutionnalité ne ressort
des travaux parlementaires », qu’il n’y a pas lieu pour lui « d’examiner spécialement
des dispositions de la loi déférée d’office ». Autrement dit, en dehors des règles
procédurales et en l’absence d’un « motif particulier d’inconstitutionnalité », le
Conseil n’exerce pas de contrôle substantiel sur la loi. La référence à l’absence
d’examen spécial permet de neutraliser la deuxième condition de renvoi et de
transmission des QPC, qui exige que la disposition contestée n’ait pas « déjà été
déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du
Conseil constitutionnel » en ayant fait l’objet d’un examen spécial (conformément à
la jurisprudence du Conseil constitutionnel 9 QPC).
Concernant les censures, sur les 18 décisions DC, 6 décisions ont formulé des
réserves d’interprétation, 13 ont abouti à une non-conformité partielle et 4 à une
conformité (une même décision pouvant entrer dans plusieurs de ces trois
catégories). Seules 4 lois contrôlées sur les 18 ont échappé à toute censure ou à une
réserve d’interprétation. Au regard des motifs des censures, il est à noter une forte
proportion de griefs procéduraux. L’on ne peut que suivre ici l’analyse développée
par le professeur Ariane Vidal Naquet selon laquelle la QPC tend à transformer le
contrôle a priori en un contrôle essentiellement procédural.
Dans le cadre de la QPC, sur les 78 décisions, et selon la qualification retenue
par le Conseil constitutionnel, 47 décisions sont des décisions de conformité, dont
35 de pure conformité, c’est-à-dire sans même une réserve d’interprétation, 15 ont
prononcé une réserve d’interprétation, 1 une réserve transitoire, 23 sont de
conformité totale, 7 de non-conformité partielle, 1 de non-conformité de date à date,
5 décisions de non-lieux et 1 en rectification en erreur matérielle. 43 des 78
décisions rendues ont donc prononcé, soit une censure, soit une réserve
d’interprétation, ce qui conduit à un taux de censure de 55,1 %. Il faut voir ici
l’efficacité du double filtre de la QPC. Une fois passés ces deux filtres, les justiciables
ont un peu plus d’une chance sur deux d’obtenir une censure.
812 CHRONIQUES

Tableau des décisions du Conseil constitutionnel ayant conduit à une déclaration


d’inconstitutionnalité ou de conformité sous réserve – Décisions QPC1

Disposition
Référence de la Type Motif d’invalidation
législative
décision DC d’invalidation Norme de référence
concernée
Absence de lien direct entre
Décision n° 2016-
les modifications apportées
728 DC du 3 mars
Non- en nouvelle lecture et une
2016, Loi relative Article 20, § VII
conformité disposition restant en
au droit des étrangers
discussion (cons. 4).
en France
Article 45 C.
1° à 6° du § I de
l’article 7-3 de
l’ordonnance n° 58-
1270 du 22 décembre
1958 introduit par le
§ I de l’article 26. Les Méconnaissance du principe
mots « les magistrats d’égalité (§ 57).
mentionnés au même
article 7-3 et »
figurant au
paragraphe X de
Décision n° 2016-
l’article 50
732 DC du
Absence de lien, même
28 juillet 2016,
indirect, entre les
Loi organique
dispositions introduites en
relative aux Articles 48, 49 et 50,
première lecture et celles
garanties statutaires, §§ XIV et XX
Non- qui figuraient dans le projet
aux obligations
conformité de loi organique (§§ 101,
déontologiques et au
102). Article 45 C.
recrutement des
magistrats ainsi Article 72-1 de
qu’au Conseil l’ordonnance n° 58-
supérieur de la 1270 du 22 décembre
1958, introduit par le
magistrature
§ II de l’article 25,
ainsi que la référence
« 72-1 » figurant au Méconnaissance du principe
§ I de l’article 25 (En d’égalité (§§ 37-39).Article
conséquence, la 6 de la DDCH.
référence « 72-1 »
figurant au premier
alinéa du § II de
l’article 25 doit être
remplacée par la
référence « 72-2 »)

1 Tableaux réalisés par Olga BODNARCHUK, Manon BONNET, Laurent LÉOTHIER, Marine
METHIVIER, Mathias NUNES, Julien PADOVANI, Mathias REVON, Romain ROUX, doctorants
contractuels à l’ILF GERJC CNRS UMR7318 DICE – Aix Marseille Université.
FRANCE 813

Disposition
Référence de la Type Motif d’invalidation
législative
décision DC d’invalidation Norme de référence
concernée

Respect du principe
d’indépendance de
Conformité
Articles 35 et 39 l’autorité judiciaire grâce à
sous réserve
une réserve d’interprétation
(§§ 74 et 78).

Décision n°2016-
733 DC du
28 juillet 2016,
Loi organique
Non-respect des règles de
rénovant les
procédure prévues par
modalités
l’article 90 de la LO du 19
d’inscription sur les Non-
Article 2, § II mars 1990 relative à la
listes électorales des conformité
Nouvelle-Calédonie (§ 9).
ressortissants d’un
Article 77 de la
État membre de
Constitution.
l’Union européenne
autre que la France
pour les élections
municipales
Atteinte disproportionnée
au regard des objectifs
Article 27, § III poursuivis (§§ 23,
24).Articles 4 et 16 de la
DDCH.
Absence de relation directe
entre les modifications
apportées en nouvelle
Décision n°2016- Article 39, § III lecture et une disposition
736 DC du 4 août
restant en discussion (§ 46).
2016, Loi relative Article 45 de la
au travail, à la Constitution.
Non-
modernisation du
conformité Absence de lien, même
dialogue social et à
indirect, entre les
la sécurisation des
dispositions introduites en
parcours
Articles 62 et 65 première lecture et celles
professionnels
qui figuraient dans le projet
de loi (§ 44). Article 45 de
la Constitution.
Les mots « ou, à
Atteinte disproportionnée à
défaut, par le
la liberté d’entreprendre
franchiseur » figurant
(§ 37). Article 4 de la
au sixième alinéa de
DDCH.
l’article 64
814 CHRONIQUES

Disposition
Référence de la Type Motif d’invalidation
législative
décision DC d’invalidation Norme de référence
concernée
Respect des exigences
constitutionnelles résultant
de l’article 13 de la DDCH
et du bon usage des deniers
Article 27, § I
publics grâce à une réserve
d’interprétation (§ 17).
Article 13 de la DDCH et
Conformité
article 72, alinéas 1 et 3, C.
sous réserve
Respect de la liberté
d’entreprendre et de
l’étendue de la compétence
Article 64, alinéas 2
du législateur grâce à une
et 5
réserve d’interprétation
(§§ 34, 35). Article 4 de la
DDCH et article 34 C.

Les mots « ou, s’il est


réalisé par une
association régie par
la loi du 1er janvier Méconnaissance du principe
1901 relative aux d’égalité (§ 22). Article 6
contrats d’association, de la DDCH.
à titre onéreux »
figurant au 1° de
Décision n°2016- l’article 11
737 DC 4 août
2016, Loi pour la Non-
reconquête de la conformité
biodiversité, de la Absence de lien, même
nature et des paysages indirect, entre les
Articles 76, 77, 78, dispositions introduites en
79 et 138 première lecture et celles
qui figuraient dans le projet
de loi (§ 44). Article 45 C.
Absence de relation directe
entre les modifications
apportées en deuxième
Articles 24 et 29, § II
lecture et une disposition
restant en discussion (§ 48).
Article 45 C.
FRANCE 815

Disposition
Référence de la Type Motif d’invalidation
législative
décision DC d’invalidation Norme de référence
concernée

Absence d’une conciliation


équilibrée entre la liberté
d’expression et de
communication et le droit
au respect de la vie privée,
le secret des
Article 4Référence
correspondances, la
Décision n°2016- « 4 » figurant au § I
recherche des auteurs
738 DC du de l’article 30
d’infractions et la
10 novembre
prévention des atteintes à
2016, Loi visant à Non-
l’ordre public (§ 23).
renforcer la liberté, conformité
Articles 11 et 2 de la
l’indépendance et le
DDHC, articles 5, 20 et 21
pluralisme des
C.
médias

Absence de lien, même


indirect, entre les
dispositions introduites en
Article 27 première lecture et celles
qui figuraient dans la
proposition de loi (§ 31).
Article 45 C.
Non respect de l’entonnoir
Article 51, 5°
(§§ 57 et 58). Article 45 C.

Décision n°2016-
739 DC du
17 novembre Non-
2016, Loi de conformité
modernisation de la Article 110 et 109, Non respect de l’entonnoir
justice du XXIe siècle § I, 10° (§ 90). Article 45 C.
816 CHRONIQUES

Disposition
Référence de la Type Motif d’invalidation
législative
décision DC d’invalidation Norme de référence
concernée
Décision n°2016-
740 DC du Les mots « et, en tant
8 décembre 2016, que de besoin, de lui
Loi organique assurer une aide Méconnaissance des
relative à la Non- financière ou un compétences du défenseur
compétence du conformité secours financier » des droits (§§ 5 et 6).
Défenseur des droits figurant au 1° de Article 71-1 C.
pour l’orientation et l’article unique de la
la protection des loi organique déférée
lanceurs d’alerte
Contraire à la bonne
administration de la justice,
Non- et à la lutte contre la fraude
Article 23
conformité fiscale (§§ 18, 19 et 20).
Articles 12, 13, 15 et 16 de
la DDHC.
Conforme au principe de
séparation des pouvoirs et à
l’objectif d’intérêt général
d’amélioration de la
transparence des relations
Conformité
Article 25 entre les représentants
sous réserve
d’intérêts et les pouvoirs
publics, sous la réserve
énoncée au paragraphe
28(§§ 24, 25 et 28). Article
16 de la DDHC.
Sur l’article 25, en ce
2016-741 DC du qu’il modifie l’article
8 décembre 2016, 18-10 de la loi du 11
Contraire au principe de
Loi relative à la octobre 2013, et sur
légalité des délits et des
transparence, à la les deuxième,
peines (§ 36). Article 8 de
lutte contre la quatrième et septième
la DDHC.
corruption et à la alinéas du § IV de
modernisation de la l’article 25 de la loi
vie économique déférée
Dispositions sans liens avec
le projet de loi (§ 82).
Articles 87 à 91
Article 45 C
(implicitement).
Non-
Dispositions dépourvues de
conformité
Article 134 portée normative (§§ 98 et
99). Article 6 de la DDHC.
Contraire à la liberté
d’entreprendre (§ 103).
Article 4 de la DDHC
(implicitement).En vertu de
la jurisp. État d’urgence en
Article 137, § I Nouvelle-Calédonie, et pour
les mêmes raisons, les
paragraphes III à V de
l’article 7 de la loi du 26
juillet 2013 sont également
déclarés contraires à la
FRANCE 817

Disposition
Référence de la Type Motif d’invalidation
législative
décision DC d’invalidation Norme de référence
concernée
Constitution (§ 104).
Article 156
Article 82

Articles 36, 135, 155,


158, 159, 162 et 163
Dispositions sans liens avec
le projet de loi (§ 107, 120,
122 et 135). Article 45 C.
(implicitement).
Articles 37, 58, 64,
86, 92, 93, 97, 103,
112, 145, 157 et 166

Contraire à la compétence
Article 14 du défenseur des droits
(§ 137). Article 71-1 C.
Méconnaissance du principe
de la légalité des délits et
Article 15, § VI
des peines (§ 139). Article
8 DDHC.
Loi ordinaire intervenant
dans le domaine d’une loi
Article 19, § II
organique (§ 143). Article
25 C.
Contraire à l’objectif de
valeur constitutionnelle
Article 28 d’intelligibilité et
d’accessibilité de la loi
(§ 146).
Méconnaissance du principe
de la séparation des
Article 57, 1°, c et d.
pouvoirs (§ 148). Article 16
de la DDHC.

Contraire à la liberté
contractuelle ; et atteinte
Article 28, § II aux contrats légalement
Décision n°2016- conclus (§ 29). Articles 4 et
742 DC du 22 16 de la DDHC.
décembre 2016, Non-
Loi de financement de conformité
la sécurité sociale Cavalier budgétaire (§ 32).
pour 2017 Article 47 de la
Article 32
Constitution
(implicitement).
Méconnaissance de la
Article 50 compétence du législateur
(§§ 37 et 38). Article 34 C.
818 CHRONIQUES

Disposition
Référence de la Type Motif d’invalidation
législative
décision DC d’invalidation Norme de référence
concernée

Cavalier budgétaire (§ 69).


Article 16 § VII Article 47 C.
(implicitement).

Cavalier budgétaire (§ 75).


Articles 55, 67, 71,
Article 47 C.
85, 86
(implicitement).
Décision n°2016- Méconnaissance de la
743 DC du 29 procédure d’adoption des
décembre 2016, Non- lois de finance ; cavalier
Article 147
Loi de finances conformité budgétaire (§ 33). Article
rectificative pour 47 C. et loi organique du
2016 1er août 2001.
Contraire au principe
d’égalité devant les charges
Article 7 § I
publiques (§ 20 et 22).
Article 13 de la DDHC.
Contraire à la nécessité des
Article 105 § I peines (§ 91 et 92). Article
Décision n° 2016- 8 de la DDHC.
744 DC du 29 Méconnaissance de la
Non-
décembre 2016, procédure d’adoption des
conformité Article 133 § I
Loi de finances pour lois de finance (§ 97).
2017 Articles 34 et 47 C.
Contraire à la procédure
d’adoption des lois de
Articles 110, 113,
finance ; cavalier budgétaire
126, 131, 132, 153,
(§ 98 et 106). Article 47 C.
154
et loi organique du 1er août
2001.

Tableau des décisions du Conseil constitutionnel ayant conduit à une déclaration


d’inconstitutionnalité ou de conformité sous réserve – Décisions QPC

Disposition
Référence de la Type Motif d’invalidation
législative
décision QPC d’invalidation Norme de référence
concernée
Décision n° 2015-
6° de l’article 18-6
511 QPC du
de la loi du 2 avril
7 janvier 2016,
1947 n° 47-585
Société Carcassonne
relative au statut des
Presse Diffusion Non-conformité Contraire à la liberté
entreprises de
SAS [Décisions de (cons. 10) Effet contractuelle, article 4
groupage et de
la commission différé (cons. 12) DDHC (cons. 10).
distribution des
spécialisée composée
journaux et
d’éditeurs en matière
publications
de distribution de
périodiques
presse]
Décision n° 2015- 1 alinéa 3 de l’article Conformité sous réserve au
Conformité sous
515 QPC du 14 150-0 D du Code principe d’égalité, article 6
réserve (cons. 12)
janvier 2016, général des impôts DDHC (cons. 12) et article
FRANCE 819

Disposition
Référence de la Type Motif d’invalidation
législative
décision QPC d’invalidation Norme de référence
concernée
M. Marc François- 13 DDHC (cons. 11).
Xavier M.-M.
[Exclusion de
certains compléments
de prix du bénéfice de
l’abattement pour
durée de détention en
matière de plus-value
mobilière]
Non-conformité
Décision n° 2015-
(cons. 7)
516 QPC du 15
Abrogation
janvier 2016,
immédiate
M. Robert M. et
(invocabilité Article L. 3121-10 Contraire à la liberté
autres
dans toutes les du Code des d’entreprendre, article 4
[Incompatibilité de
instances déjà transports DDHC (cons. 4)
l’exercice de l’activité
introduites et
de conducteur de taxi
non
avec celle de
définitivement
conducteur de VTC]
jugées) (cons. 9)
Décision n° 2015-
517 QPC du 22
janvier 2016,
Fédération des
promoteurs
immobiliers [Prise
Principe de responsabilité,
en charge par le
Conformité sous article 4 DDHC(cons. 15),
maître d’ouvrage ou Article L. 4231-1 du
réserve (cons. 11 égalité devant les charges
le donneur d’ordre de Code du travail
et 14) publiques, article 13
l’hébergement des
DDHC (cons.18)
salariés du
cocontractant ou du
sous-traitant soumis
à des conditions
d’hébergement
indignes]
Décision n° 2015-
520 QPC du 3
Non-conformité
février 2016,
(cons. 10)
Société Metro
Abrogation
Holding France SA Contraire au principe
immédiate
venant aux droits de d’égalité, article 6 DDHC
(invocabilité Article 145 6 bter du
la société CRFP (cons. 10) et principe
dans toutes les Code général des
Cash [Application d’égalité devant les charges
instances déjà impôts
du régime fiscal des publiques, article 13
introduites et
sociétés mères aux DDHC (cons. 10)
non
produits de titres
définitivement
auxquels ne sont pas
jugées)(cons. 12)
attachés des droits de
vote]
820 CHRONIQUES

Disposition
Référence de la Type Motif d’invalidation
législative
décision QPC d’invalidation Norme de référence
concernée
Non-conformité
(cons. 11)
Abrogation
Décision n° 2015-
immédiate
522 QPC, du
(invocabilité Article 52 I et II de Contraire à la garantie des
19 février 2016,
dans toutes les la loi du 18 droits, article 16 DDHC
Mme Josette B.-M.
instances déjà décembre 2013 (cons. 11)
[Allocation de
introduites et
reconnaissance III]
non
définitivement
jugées) (cons. 13)
Non-conformité
Décision n° 2016-
(cons. 14)
536 QPC du
Abrogation Seconde phrase du
19 février 2016,
immédiate troisième alinéa du Contraire à l’OVC de
Ligue des droits de
(invocabilité paragraphe I de sauvegarde de l’ordre
l’homme
dans toutes les l’article 11 I de la loi public, au droit à la vie
[Perquisitions et
instances déjà n° 55-385 du 3 avril privée, article 2 DDHC
saisies
introduites et 1955 relative à l’état (cons. 14)
administratives dans
non d’urgence
le cadre de l’état
définitivement
d’urgence]
jugées) (cons. 16)
Décision n° 2016- Non-conformité
523 QPC du (cons. 9)
2 mars 2016, Abrogation
M. Michel O. immédiate
Contraire au principe
[Absence d’indemnité (invocabilité Article L. 3141-26
d’égalité, article 6 DDHC
compensatrice de dans toutes les al. 2 du Code du
(cons. 9)(soulevé d’office
congé payé en cas de instances déjà travail
cons. 3)
rupture du contrat de introduites et
travail provoquée non
par la faute lourde définitivement
du salarié] jugées) (cons. 11)
Non-conformité
(cons. 20)
Les mots : « ou, de
Décision n° 2016- Abrogation
par leurs fonctions,
524 QPC du immédiate
sont susceptibles de
2 mars 2016, (invocabilité Contraire au droit de
commettre »
M. Abdel Manane dans toutes les propriété, article 2 et 17
figurant à l’article L.
M. K. [Gel instances déjà DDHC (cons. 20).
562-2 du Code
administratif des introduites et
monétaire et
avoirs] non
financier
définitivement
jugées) (cons. 24)
Décision n° 2016- Non-conformité
Article 32
525 QPC du (cons. 10)
paragraphe III de la
2 mars 2016, Abrogation
loi n° 2014-1655 du Contraire à la garantie des
Société civile immédiate
29 décembre 2014 droits, article 16 DDHC
immobilière PB 12 (invocabilité
de finances (cons.10)
[Validation des dans toutes les
rectificative pour
évaluations de valeur instances déjà
2014
locative par introduites et
FRANCE 821

Disposition
Référence de la Type Motif d’invalidation
législative
décision QPC d’invalidation Norme de référence
concernée
comparaison avec un non
local détruit ou définitivement
restructuré] jugées) (cons.12)
Décision n° 2016-
530 QPC du 23
mars 2016,
Non-conformité
M. Chérif Y.
(cons. 5)
[Modalités Contraire au principe
Abrogation
d’appréciation de la d’égalité de tous les
immédiate Article 13 de la loi
condition de Français devant les charges
(invocabilité n° 63-778 du 31
nationalité française qui résultent des calamités
dans toutes les juillet 1963 de
pour le bénéfice du nationales, al. 12
instances déjà finances rectificative
droit à pension en cas Préambule de 1946 (cons.
introduites et pour 1963
de dommage physique 5) (moyen soulevé d’office,
non
dufait d’attentat ou cons. 2)
définitivement
de tout autre acte de
jugées) (cons. 7)
violence en relation
avec les événements de
la guerre d’Algérie]
Décision n° 2016- Non-conformité
532 QPC du 1er (cons. 8)
avril 2016, Abrogation
M. Jean-Marc E. et immédiate
autre [Composition (invocabilité Alinéa 2 de l’article Contraire au droit à un
de la formation dans toutes les 836 du Code de procès équitable, article 66
collégiale du instances déjà procédure pénale C. (cons. 8)
tribunal introduites et
correctionnel du non
territoire des îles de définitivement
Wallis-et-Futuna] jugées) (cons. 10)
Décision n° 2016-
Alinéa 1 de l’article
533 QPC du 14
34 du décret n° 57-
avril 2016,
245 du 24 février
M. Jean-Marc P.
1957 sur la
[Accidents du
réparation et la Conformité sous réserve à
travail - Faute Conformité sous
prévention des la liberté personnelle,
inexcusable de réserve (cons. 9)
accidents du travail article 4 DDHC (cons.9)
l’employeur : régime
et des maladies
applicable dans
professionnelles dans
certaines collectivités
les territoires
d’outre-mer et en
d’outre-mer
Nouvelle-Calédonie]
822 CHRONIQUES

Disposition
Référence de la Type Motif d’invalidation
législative
décision QPC d’invalidation Norme de référence
concernée
Non-conformité
Décision n° 2016-
(cons. 5)
534 QPC du 14
Abrogation
avril 2016,
immédiate (cons.
Mme Francine E.
5) avec effet Article L. 341-10 du Contraire au principe
[Suppression des
immédiat sur les Code de la sécurité d’égalité devant la loi,
arrérages de la
instances sociale article 6 DDHC (cons. 3)
pension d’invalidité
introduites et
en cas d’activité
non
professionnelle non
définitivement
salariée]
jugées (cons. 7)

Non-conformité
Décision n° 2016- (cons. Les mots « ayant
539 QPC du 9)Abrogation chacun leur domicile
10 mai 2016, immédiate (§ 9) fiscal en Nouvelle
Mme Ève G. avec effet Calédonie », figurant Contraire au principe
[Condition de immédiat sur les à l’al. 2 § 1 de d’égalité devant la loi,
résidence fiscale pour instances l’article Lp. 52 I al. 2 article 6 DDHC (§ 5)
l’imposition commune introduites et du Code des impôts
des époux en non de la Nouvelle-
Nouvelle-Calédonie] définitivement Calédonie
jugées (§ 11)2
Méconnaissance
et privation de
garanties légales
la protection
constitutionnelle
Les mots « et, en ce
du droit au
qui concerne les
Décision n° 2016- respect de la vie
prévenus, aux
543 QPC du privée et vie
nécessités de
24 mai 2016, familiale Contraire au droit au
l’information »
Section française de normale (§ 16). respect de la vie privée,
figurant au deuxième
l’observatoire Report article 2 DDHC (§ 7)
alinéa de l’article 39
international des abrogation au Contraire au droit à un
de la loi n° 2009-
prisons [Permis de moment entrée recours juridictionnel
1436 du 24
visite et autorisation en vigueur effectif, article 16 DDHC
novembre 2009 et le
de téléphoner durant nouvelles (§ 9)
troisième alinéa de
la détention dispositions
l’article 145-4 du
provisoire] législatives ou,
Code de procédure
au plus tard, au
pénale
31 décembre
2016 et
validation
contentieux
(§ 21)

2 À partir de cette décision, le Conseil constitutionnel a décidé de « moderniser le mode de rédaction


de ses décisions » et a procédé à une reformulation des considérants en simples paragraphes, ce qui
explique la nouvelle typographie utilisée.
FRANCE 823

Disposition
Référence de la Type Motif d’invalidation
législative
décision QPC d’invalidation Norme de référence
concernée
Non-conformité
(§§ 14, 17, 21 et
22) Abrogation
immédiate.
Impossibilité de
contester les
Décision n° 2016-
arrêts des cours
544 QPC du 3
d’assises au motif
juin 2016,
d’une Article 877 al. 2,
M. Mohamadi C. Contraire au principe
inconstitutionnal article 885 al. 1 et 2
[Règles de d’indépendance et
ité (§ 25). et article 888 du
formation, de d’impartialité, article 16
Application à Code de procédure
composition et de DDHC (§§ 4, 6 et 9)
toutes les pénale
délibération de la
infractions non
cour d’assises de
définitivement
Mayotte]
jugées (§ 25).
Application aux
infractions
commise à
compter de la
décision (§ 26)
Décision n° 2016-
Conformité sous réserve au
545 QPC du
principe de Non bis in idem,
24 juin 2016,
au principe de nécessité des
M. Alec W. et autre Conformité sous Articles 1729 et
délits et des peines, au
[Pénalités fiscales réserve (§§ 13, 1741 du Code
principe de
pour insuffisance de 21 et 24). général des impôts
proportionnalité des
déclaration et
peines, article 8 DDHC
sanctions pénales
(§§ 4, 8 et 22)
pour fraude fiscale]
Article L. 3132-26
Décision n° 2016- Non-conformité
al. 4 du Code du
547 QPC du (§ 8) Abrogation
travail et des mots
24 juin 2016, immédiate (§ 8).
« ou, à Paris, le
Ville de Paris Application à
préfet » de l’article Contraire au principe
[Dérogations toutes les
257 III al. 2 de la loi d’égalité devant la loi,
temporaires au repos instances déjà
du 6 août 2015 pour article 6, DDHC (§ 5)
dominical des introduites et
la croissance,
salariés des non
l’activité et l’égalité
commerces de détail à définitivement
des chances
Paris] jugées (§ 10)
économiques
Décision n° 2016-
Conformité aux principes
550 QPC du Les mots « de
de nécessité des délits et
1er juillet 2016, l’action pénale et »
des peines et de
M. Stéphane R. et Conformité sous de l’article L. 314-
proportionnalité des peines
autre [Procédure réserve (§ 9) 18, al. 1erdu Code
(art. 8 DDHC) sous
devant la cour de des juridictions
réserves énoncées aux §§ 7
discipline budgétaire financières
et 8
et financière]
Décision n° 2016- Non-conformité Article 145, 6° b ter, Contraire aux principes
553 QPC du 8 (§ 8) Abrogation issu de l’article 39 de d’égalité devant la loi,
juillet 2016, Société avec effet la loi n° 2005-1720 article 6 DDHC, et devant
Natixis immédiat, du 30 décembre les charges publiques,
[Application du invocable dans 2005 de finances article 13 DDHC (§ 8)
824 CHRONIQUES

Disposition
Référence de la Type Motif d’invalidation
législative
décision QPC d’invalidation Norme de référence
concernée
régime fiscal des toutes les rectificative pour
sociétés mères aux instances déjà 2005
produits de titres introduites et
auxquels ne sont pas non jugées
attachés des droits de définitivement
vote II] (§ 10)
Non-conformité
(§ 16)
Abrogation avec
Décision n° 2016- Malgré le fait que la
effet immédiat,
554 QPC du disposition en cause
invocable dans
22 juillet 2016, poursuit l’OVC de lutte
toutes les
M. Gilbert B. Article 1736, § IV, contre la fraude et l’évasion
instances
[Amende pour défaut al. 2 du Code général fiscales, méconnaissance,
pouvant encore
de déclaration de des impôts relevée d’office, du principe
être formées ainsi
comptes bancaires de proportionnalité des
que celles déjà
ouverts, utilisés ou peines, article 8 DDHC
introduites et
clos à l’étranger II] (§ 6)
non jugées
définitivement
(§ 9)
Conformité à la liberté
Article 696-11, al. 2
individuelle, article 66 de
et 3 du Code de
la Constitution, à la liberté
procédure pénale
d’aller et venir, articles 2 et
dans sa rédaction
Décision n° 2016- 4 DDHC, et aux droits de
issue de la loi
561/562 QPC du la défense, article 16
n° 2011-392 du 14
9 septembre 2016, Conformité sous DDHC) sous les réserves
avril 2011 Article
M. Mukhtar A. réserve (§ 23) formulées (§§ 12 et 13)
696-19, al. 2 et 3 du
[Écrou Conformité à la liberté
Code de procédure
extraditionnel] individuelle, article 66 de
pénale dans sa
la Constitution, et aux
rédaction issue de la
droits de la défense, article
loi n° 2011-392 du
16 DDHC, sous la réserve
14 avril 2011
formulée (§ 21)
Décision n° 2016-
Non-conformité
566 QPC du
(§ 10) Article 197, al. 3 et
16 septembre Contraire au principe
Abrogation 4 du Code de
2016, Mme Marie- d’égalité devant la loi,
différée à la date procédure pénale
Lou B. et autre article 6 DDHC, et du
du 31 décembre dans sa rédaction
[Communication des principe du contradictoire
2017 (§ 12) et issue de la loi
réquisitions du et des droits de la défense,
réserve n° 2000-516 du 15
ministère public article 16 DDHC (§ 9)
d’interprétation juin 2000
devant la chambre de
transitoire (§ 13)
l’instruction]
Non-conformité Article 11, 1° de la
Décision n° 2016-
(§ 8) Abrogation loi n° 55-385 du 3
567/568 QPC du
immédiate (§ 10) avril 1955 relative à
23 septembre Contraire au droit au
Explicitation des l’état d’urgence dans
2016, M. Georges respect de la vie privée et
effets de la sa rédaction résultant
F. et autre en particulier de
censure dans le de l’ordonnance
[Perquisitions l’inviolabilité du domicile,
temps : n° 60-372 du 15
administratives dans article 2 DDHC (§ 8)
impossible avril 1960 modifiant
le cadre de l’état
contestation des certaines dispositions
d’urgence II]
mesures prises de la loi n° 55-385
FRANCE 825

Disposition
Référence de la Type Motif d’invalidation
législative
décision QPC d’invalidation Norme de référence
concernée
sur le fondement du 3 avril 1955
de cette instituant un état
disposition d’urgence
inconstitutionnel
le dans
l’ensemble des
procédures
pénales qui leur
sont consécutives
(§ 11)
4e § de l’article 41-1-
1 du Code de
procédure pénale Et
les mots « et peuvent
se voir transmettre
par ces mêmes
juridictions et ce
même service toute
Décision n° 2016-
information que
569 QPC du 23
ceux-ci jugent utile
septembre 2016,
au bon déroulement
Syndicat de la Méconnaissance de la
du suivi et du
magistrature et autre compétence du législateur,
contrôle de ces
[Transaction pénale art. 34 C. (§ 15) avec
Non-conformité personnes » du 4° du
par officier de police principe d’égalité devant la
(§§ 18 et 27) § I de l’article L.
judiciaire - procédure pénale, art. 6
Abrogation 132-10-1 du Code de
Participation des DDHC (§ 16). Droit au
immédiate (§ 30) la sécurité intérieure,
conseils respect de la vie privée,
Conformité sous dans leur rédaction
départementaux de Article 2 DDHC (§ 24).
réserve (§ 9) issue de la loi
prévention de la Conformité sous réserve
n° 2014-896 du 15
délinquance et des aux droits de la défense,
août 2014 relative à
zones de sécurité article 16 DDHC (§ 5)
l’individualisation
prioritaires à
des peines et
l’exécution des
renforçant l’efficacité
peines]
des sanctions pénales.
Autres dispositions
de l’article 41-1-1 du
Code de procédure
pénale dans sa
rédaction issue de la
loi mentionnée à
l’article 1er
826 CHRONIQUES

Disposition
Référence de la Type Motif d’invalidation
législative
décision QPC d’invalidation Norme de référence
concernée

Décision n° 2016-
573 QPC du
29 septembre
2016, M. Lakhdar L’article L. 654-6 du
Y. [Cumul des Code de commerce,
poursuites pénales dans sa rédaction
pour banqueroute Non-conformité résultant de
Contraire au principe
avec la procédure de (§ 17) l’ordonnance n°
d’égalité devant la loi,
redressement ou de Abrogation 2008-1345 du 18
article 6 DDHC (§ 15)
liquidation immédiate (§ 20) décembre 2008
judiciaire et cumul portant réforme du
des mesures de droit des entreprises
faillite ou en difficulté
d’interdiction
prononcées dans ces
cadres]

Les mots « entre


sociétés du même
Décision n° 2016- groupe au sens de
571 QPC du 30 l’article 223A »
septembre 2016, figurant au 1° du
Contraire au principe
Société Layher SAS paragraphe I de
Non-conformité d’égalité devant la loi,
[Exonération de la l’article 235 ter ZCA
(§ 10) article 6 DDHC (§ 3) et
contribution de 3 % du Code général des
Abrogation devant les charges
sur les montants impôts, dans sa
différée (§ 12) publiques, article 13
distribués en faveur rédaction résultant
DDHC (§ 4)
des sociétés d’un de la loi n° 2015-
groupe fiscalement 1786 du 29
intégré] décembre 2015 de
finances rectificative
pour 2015

Décision n° 2016- Article L. 465-2 du


572 QPC, 30 Code monétaire et
septembre 2016, financier et les mots
M. Gilles M. et « à la diffusion d’une
autres [Cumul des fausse information »
poursuites pénales figurant au c) et au
Conformité sous réserve au
pour le délit de d) du paragraphe II
Conformité sous principe de nécessité des
diffusion de fausses de l’article L. 621-15
réserve (§ 16) délits et des peines, Art. 8
informations avec des du Code monétaire et
DDHC (§ 6)
poursuites devant la financier dans leur
commission des rédaction résultant
sanctions de l’AMF de la loi n° 2010-
pour manquement à 1249 du 22 octobre
la bonne information 2010 de régulation
du public] bancaire et financière
FRANCE 827

Disposition
Référence de la Type Motif d’invalidation
législative
décision QPC d’invalidation Norme de référence
concernée
Les mots : « dans les
Décision n° 2016- mêmes locaux »
587 QPC, 14 figurant au c) du 1
octobre 2016, du paragraphe V de
Époux F. l’article 151 septies
Contraire au principe
[Exonération Non-conformité A du Code général
d’égalité devant les charges
d’impôt sur le revenu (§ 7) Abrogation des impôts dans sa
publiques, article 13
de l’indemnité immédiate (§ 9) rédaction résultant
DDHC et article 34 C (§ 5)
compensatrice de de la loi n° 2011-
cessation de mandat 1978 du 28
d’un agent général décembre 2011 de
d’assurances] finances rectificative
pour 2011
Décision n° 2016-
590 QPC, L’article L. 811-5 du
21 octobre 2016, Code de la sécurité
Contraire au droit au
La Quadrature du Non-conformité intérieure, dans sa
respect de la vie privée et
Net et autres (§ 9) Abrogation rédaction issue de la
du secret des
[Surveillance et différée (§§ 11 et loi n° 2015-912 du
correspondances, Article 2
contrôle des 12) 24 juillet 2015
DDHC (§ 3)
transmissions relative au
empruntant la voie renseignement
hertzienne]
Article 1649 AB al.
2 du Code général
des impôts dans sa
Décision n° 2016- rédaction issue de la
591 QPC du loi n° 2013-1117 du
Non-conformité Contraire au droit au
21 octobre 2016, 6 décembre 2013
-Abrogation respect de la vie privée,
Mme Helen S. relative à la lutte
immédiate (§ 8) article 2 DDHC (§ 6)
[Registre public des contre la fraude
trusts] fiscale et la grande
délinquance
économique et
financière
Décision n° 2016-
594 QPC du 4
novembre 2016, Contraire au principe selon
Mme Sylvie T. Non-conformité La seconde phrase de lequel nul n’est tenu de
[Absence de nullité (§ 8)-Abrogation l’article 153 du Code s’accuser, dont découle le
en cas d’audition immédiate (§ 10) de procédure pénale droit de se taire, article 9
réalisée sous serment DDHC (§ 8)
au cours d’une garde
à vue]
Décision n° 2016- Conformité Le premier alinéa de
595 QPC du avant le 3 mars l’article L. 541-22 du
18 novembre 2005, puis Code de
2016, Société contraire du l’environnement, Contraire au droit
Aprochim et autres 3 mars 2005 au dans sa rédaction d’accéder aux informations
[Conditions 13 juillet 2010, issue de l’ordonnance relatives à l’environnement,
d’exercice de et enfin n° 2000-914 du 18 article 7 Ch. env. (§ 12)
l’activité conforme à partir septembre 2000
d’élimination des du 14 juillet relative à la partie
déchets] 2010 (art. 2) législative du Code
828 CHRONIQUES

Disposition
Référence de la Type Motif d’invalidation
législative
décision QPC d’invalidation Norme de référence
concernée
de l’environnement
Décision n° 2016-
598 QPC du 25
Le 2 de l’article 187
novembre 2016,
du Code général des
Société Eurofrance
impôts, dans sa Contraire au principe de la
[Retenue à la source
Conformité sous rédaction résultant légalité des délits et des
de l’impôt sur les
réserve (§ 8) de la loi n° 2012- peines, article 13 DDHC
revenus appliquée
1509 du 29 (§ 10)
aux produits
décembre 2012 de
distribués dans un
finances pour 2013
État ou territoire
non coopératif]
Les mots : « À
l’exception de celles
qui caractérisent la
menace que constitue
pour la sécurité et
l’ordre publics le
comportement de la
personne
concernée, » figurant
à la dernière phrase
Décision n° 2016-
du huitième alinéa
600 QPC du
du paragraphe I de
2 décembre 2016, Non-conformité
l’article 11 de la loi Contraire au droit de
M. Raïme A. (§ 16)
n° 55-385 du 3 avril propriété, articles 2 et 17
[Perquisitions Abrogation
1955 relative à l’état DDHC (§ 22)
administratives dans différée (§ 24)
d’urgence, dans sa
le cadre de l’état
rédaction résultant
d’urgence III]
de la loi n° 2016-
987 du 21 juillet
2016 prorogeant
l’application de la loi
n° 55-385 du 3 avril
1955 relative à l’état
d’urgence et portant
mesures de
renforcement de la
lutte antiterroriste
Décision n° 2016-
601 QPC du 9
décembre 2016, Article 22 de
Non-conformité
M. Ibrahim B. l’ordonnance n° 45- Contraire au PFRLR de la
(§ 10)
[Exécution provisoire 174 du 2 février responsabilité pénale des
Abrogation
des décisions 1945 relative à mineurs (§ 9)
différée (§ 12)
prononcées à l’enfance délinquante
l’encontre des
mineurs]
FRANCE 829

Disposition
Référence de la Type Motif d’invalidation
législative
décision QPC d’invalidation Norme de référence
concernée

Contraire au droit des


personnes intéressées
Les deuxième et
d’exercer un recours effectif
Décision n° 2016- troisième alinéas de
devant une juridiction, au
602 QPC du 9 l’article 695-28 du
respect des droits de la
décembre 2016, Code de procédure
Conformité sous défense, à la garantie de la
M. Patrick H pénale dans sa
réserve (§ 15 et procédure juste et
[Incarcération lors rédaction résultant
16) équitable garantissant
de l’exécution d’un de la loi n° 2011-
l’équilibre des droits des
mandat d’arrêt 392 du 14 avril 2011
parties, article 16 DDHC
européen] relative à la garde à
ainsi que l’atteinte à la
vue
liberté individuelle, article
66 C. (§ 15 et 16)

Les deux alinéas de


Décision n° 2016- l’article 784 du Code Contraire aux situations
603 QPC du 9 général des impôts, légalement acquises ni
décembre 2016, dans sa rédaction remettre en cause les effets
Conformité sous
Consorts C. [Délai résultant de la loi qui peuvent légitimement
réserve (§ 8)
de rapport fiscal des n° 2012-958 du 16 être attendus de telles
donations août 2012 de situations, article 16
antérieures] finances rectificative DDHC (§ 8 et 11)
pour 2012

C.- Les techniques de contrôle

1.- La motivation des décisions du Conseil constitutionnel

Depuis la décision du 10 mai 2016, Mme Ève G. [Condition de résidence fiscale


pour l’imposition commune des époux en Nouvelle-Calédonie], le Conseil constitutionnel a
fait le choix de ne plus rédiger ses décisions sous la forme de considérant. Par un
communiqué laconique du 10 mai 2016, le président du Conseil constitutionnel a
fait valoir que l’institution entendait « moderniser le mode de rédaction de ses
décisions » et que ce nouveau mode de rédaction « a pour objectifs de simplifier la
lecture des décisions du Conseil constitutionnel et d’en approfondir la motivation ».
Il s’applique d’ailleurs à toutes les décisions du Conseil constitutionnel (sur la
première décision DC sans considérant : 2016-732 DC, 28 juillet 2016, Loi organique
relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des
magistrats ainsi qu’au Conseil supérieur de la magistrature). De manière formelle, il ne
sera plus désormais question de « considérants », mais de « paragraphes ».
Le double objet de simplification/approfondissement est tout à fait louable, à
condition de s’entendre peut-être, sur ce qu’est une motivation approfondie. La
lecture des décisions ne laisse apparaître ni des décisions plus longues, ni des
considérants (…paragraphes, il faudra s’y habituer) qui le seraient également.
L’approfondissement n’est donc pas quantitatif. Si l’on s’en tient à la structure
argumentative de la décision, elle demeure la même, le plus souvent, du moins
lorsque le Conseil constitutionnel ne s’inscrit pas dans une économie de moyen
radicale, à savoir : exposé des dispositions contestées, des griefs soulevés,
explicitation des normes de référence du contrôle et de leur signification,
appréciation de la conformité de la disposition législative aux normes de référence et
830 CHRONIQUES

solution. Point d’approfondissement là non plus. La formulation des considérants de


principe n’est pas non plus renforcée, elle demeure, en général, la même, sous réserve
de la disparition des considérants.
Bien loin d’un approfondissement, c’est plutôt un appauvrissement de la
motivation dont témoignent les décisions DC. Celles-ci apparaissent ainsi comme
des décisions dont la lecture n’intéresserait pas tous les citoyens, mais seulement les
pouvoirs publics, ce qui pourrait justifier cette motivation plus faible. Ainsi, dans
certaines décisions, le considérant de principe rappelant les normes de référence et
leur signification disparaît purement et simplement (voir par exemple, 727 DC,
cons. 38, reprise générique seulement des principes constitutionnels invoqués, cons.
43, dignité humaine et liberté de la femme, 62 principe d’égalité). Dans d’autres, la
référence aux dispositions constitutionnelles de fond de référence est totalement
absente (731 DC, cons. 3 et 4). Dans d’autres encore, les principes constitutionnels
ne sont pas rattachés à des dispositions textuelles (voir par exemple 739 DC, cons. 84
portée normative et incompétence négative non rattachés à des dispositions
textuelles, voir également 741 DC les « considérants générique 136 et s., après « Sur
d’autres dispositions »). Enfin, et même s’il s’agit de cavaliers budgétaires, le Conseil
constitutionnel dresse parfois une simple liste des dispositions législatives
inconstitutionnelles (744 DC, cons. 98 et s. après « sur la place d’autres dispositions
dans la loi déférée »), sans aucune argumentation.

2.- Les effets des décisions de censure dans le cadre de la QPC

En vertu de l’article 62 alinéa 2, l’effet de principe des décisions de censure


est l’abrogation immédiate, c’est-à-dire à la date de la publication de la décision du
Conseil constitutionnel. Le considérant de principe du Conseil constitutionnel sur
cette question s’inscrit dans cette même logique (voir par exemple 579 QPC, cons.
10). Aussi le choix de prononcer une abrogation différée semble-t-il devoir se
justifier en raison du caractère inadapté à la situation contentieuse de l’abrogation
immédiate. En d’autres termes, la motivation du juge dans le choix des effets dans le
temps d’une censure ne s’impose que s’il s’agit de s’éloigner de l’effet de principe et
de choisir une autre solution. Ainsi, le choix d’une abrogation différée est justifié au
regard des conséquences problématiques que pourrait avoir une abrogation
immédiate (voir 511 QPC, cons. 12 ; 543 QPC, cons. 21 ; 566 QPC, cons. 12 ; 571
QPC, cons. 12 ; 579 QPC, cons. 11 ; 588 QPC, cons. 12 ; 590 QPC, cons. 11 ; 600
QPC, cons. 21 ; 601 QPC, cons. 12). Les excès des conséquences de la solution de
principe justifient le recours à une autre solution.
Selon cette logique, longtemps, le Conseil constitutionnel n’a pas justifié le
choix d’une abrogation immédiate (voir 516 QPC, cons. 9 ; 520 QPC, cons. 12 ; 522
QPC, cons. 13 ; 523 QPC, cons. 11 ; 524 QPC, cons. 24 ; 525 QPC, cons. 12 : 530
QPC, cons. 6 ; 532 QPC, cons. 10 ; 534 QPC, cons. 7 ; 553 QPC, cons. 10). Après
avoir exposé le considérant de principe, il se contente d’indiquer que l’abrogation
aura lieu, conformément à l’article 62 alinéa 2 de la Constitution, à la date de la
publication de la décision, et que la censure pourra être invoquée « dans toutes les
instances introduites à cette date et non jugées définitivement ». Cependant, depuis
une décision du 10 mai 2016, Mme Ève G. [Condition de résidence fiscale pour
l’imposition commune des époux en Nouvelle-Calédonie] (539 QPC, cons. 11), et ce de
manière constante depuis lors à une exception près (553 QPC, cons. 10), en cas
d’abrogation immédiate, le juge constitutionnel prend soin de justifier ce choix, en
précisant en substance, même si les formulations varient, « qu’aucun motif ne
justifie de reporter la date de l’abrogation des dispositions contestées » (544 QPC,
cons. 25 ; 547 QPC, cons. 10 ; 554 QPC, cons. 9 ; 567/568 QPC, cons. 10 ; 569
FRANCE 831

QPC, cons. 30 ; cons. 573 QPC, cons. 20 ; 587 QPC, cons. 9 ; 591 QPC, cons. 8 ;
594 QPC, cons. 10 ; 595 QPC, cons. 12). Ce changement pose question.
L’abrogation immédiate n’est la solution de principe que s’il n’existe aucun motif de
procéder à une abrogation différée… ce qui tendrait à faire de cette dernière solution
le principe. Cette dernière lecture, de renversement du principe et de l’exception,
contraire autant à la Constitution qu’au considérant de principe du Conseil
constitutionnel, ne saurait pas non plus être retenue car le recours à l’abrogation
différée est lui-même justifié par le fait que la solution de principe, l’abrogation
immédiate, produit des conséquences excessives. Que retenir alors de ce changement
de motivation ? Peut-être faut-il y voir, certes pas une illustration de ce qu’une
logique rigoureuse habite la motivation du juge constitutionnel, mais une volonté de
ménager le législateur auquel il ne sera pas renvoyé pour tirer les conséquences de
l’inconstitutionnalité. Alors que l’abrogation différée pouvait être vu comme portant
atteinte à l’autonomie du Parlement, qui doit adopter une loi dans un certain délai,
le fait de ne pas y recourir devrait être justifié car le dernier mot n’est pas donné au
législateur après la censure.
L’année 2016 éclaire enfin sur deux catégories de classification des décisions
de censure initiées par le Conseil constitutionnel : la non-conformité de date à date et la
réserve transitoire.
La première catégorie résulte d’une qualification nouvelle, utilisée pour la
première fois dans la décision du 18 novembre 2016, Société Aprochim et autres
[Conditions d’exercice de l’activité d’élimination des déchets] (595 QPC). Dans cette
décision, plusieurs périodes sont explicitées. Ainsi, selon le juge constitutionnel, « le
premier alinéa de l’article L. 541-22 du Code de l’environnement doit être déclaré
conforme à la Constitution avant le 3 mars 2005, puis contraire à celle-ci à compter
de cette date et jusqu’au 13 juillet 2010. Il doit, enfin, être déclaré conforme à la
Constitution à compter du 14 juillet 2010 et jusqu’à l’entrée en vigueur de sa
nouvelle rédaction résultant de l’ordonnance du 17 décembre 2010 mentionnée »
(cons. 10). L’irrégularité est de « date à date » car il existe des périodes dans le temps
de non-conformité et des périodes de conformité. Il faut encore préciser que, pour la
période de non-conformité, et non sans un certain paradoxe temporel, l’abrogation
intervient « à compter de la date de publication » de la décision et « peut être
invoquée dans toutes les instances introduites et non jugées définitivement à cette
date » (cons. 12). L’inconstitutionnalité du 3 mars 2005 au 13 juillet 2010 produira
des effets uniquement pour l’avenir à compter de la publication de la décision du
18 novembre 2016. Dans un tel contexte, deux hypothèses seulement semblent
pouvoir bénéficier de la censure : des instances introduites et non jugées
définitivement à la date de la publication de la décision et qui concernent
l’application de la disposition censurée entre le 3 mars 2005 et le 13 juillet 2010 ou
des instances à venir, à supposer qu’elles puissent exister en pratique, concernant
l’application de cette même disposition législative au cours de cette même période.
La seconde n’est pas nouvelle, elle est apparue en 2014 (400 QPC, cons. 11)
et n’a été utilisée qu’à une seule reprise en 2016, dans la décision du 21 octobre
2016, La Quadrature du Net et autres [Surveillance et contrôle des transmissions empruntant
la voie hertzienne] (590 QPC). Cette utilisation unique ne permet pas de lever toutes
les incertitudes déjà énoncées dans les chroniques précédentes sur cette catégorie. Il
semble qu’une réserve transitoire soit susceptible d’être identifiée dès lors que la
censure n’aboutit pas à une situation « simple », soit d’abrogation immédiate, soit
d’abrogation différée, et qu’il soit nécessaire d’expliciter les modalités précises de la
censure dans un contexte déterminé, quel que soit par ailleurs le choix du Conseil
constitutionnel, abrogation immédiate, abrogation différée ou remise en cause des
effets de la loi dans le passé. En l’espèce, la réserve transitoire concerne un cas
832 CHRONIQUES

d’abrogation immédiate. Le Conseil constitutionnel précise qu’« afin de faire cesser


l’inconstitutionnalité constatée à compter de la publication de la présente décision, il
y a lieu de juger que, jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi ou, au plus tard,
jusqu’au 30 décembre 2017, les dispositions de l’article L. 811-5 du Code de la
sécurité intérieure ne sauraient être interprétées comme pouvant servir de fondement
à des mesures d’interception de correspondances, de recueil de données de connexion
ou de captation de données informatiques soumises à l’autorisation prévue au titre II
ou au chapitre IV du titre V du livre VIII du Code de la sécurité intérieure. Pendant
le même délai, les dispositions de l’article L. 811-5 du Code de la sécurité intérieure
ne sauraient être mises en œuvre sans que la Commission nationale de contrôle des
techniques de renseignement soit régulièrement informée sur-le-champ et la nature
des mesures prises en application de cet article » (cons. 12).

3.- L’explicitation de l’absence d’examen spécial dans le cadre


des décisions DC

Depuis la décision du 10 novembre 2016, Loi visant à renforcer la liberté,


l’indépendance et le pluralisme des médias, le Conseil constitutionnel a modifié la
formulation du « considérant » balai des décisions DC afin d’éviter toute ambiguïté
ultérieure sur la condition de l’examen spécial dans le cadre de la QPC. La formule
est désormais la suivante : « Le Conseil constitutionnel n’a soulevé d’office aucune
autre question de conformité à la Constitution et ne s’est donc pas prononcé sur la
constitutionnalité des autres dispositions que celles examinées dans la présente
décision » (n° 2016-738 DC, cons. 32). Cette formule contenue dans les motifs
reçoit un écho dans le dispositif de la décision qui énonce de manière explicite les
dispositions législatives déclarées contraires à la Constitution et celles jugées
conformes. Cette rédaction du dispositif a été initiée dans une décision antérieure, la
décision du 4 août 2016, Loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à
la sécurisation des parcours professionnels (n° 2016-736 DC). Les risques de mauvaise
lecture des décisions DC quant à l’exigence de ce qu’une disposition législative n’ait
pas été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une
décision du Conseil constitutionnel, après avoir fait l’objet d’un examen spécial,
s’amenuisent.

II.- LA JURISPRUDENCE CONSTITUTIONNELLE

A.- Droit constitutionnel normatif

Les exigences de bonne législation

À l’instar des griefs procéduraux, les exigences de bonne législation occupent


une place significative dans le contentieux de constitutionnalité a priori. Elles ne sont
d’ailleurs pas non plus absentes du contentieux QPC, en particulier pour le grief tiré
de l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi,
alors pourtant, on le sait, que les objectifs de valeur constitutionnelle ne sont pas, en
eux-mêmes invocables dans ce type de contentieux.
La première de ces exigences de bonne législation est issue de l’objectif de
valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi (727 DC, 737 DC,
739 DC, 741 DC, 742 DC, 744 DC).
Selon la formule consacrée, désormais dépourvue de « Considérant »,
« l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, qui
découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, impose au législateur
FRANCE 833

d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques. Il


doit en effet prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la
Constitution ou contre le risque d’arbitraire, sans reporter sur des autorités
administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination
n’a été confiée par la Constitution qu’à la loi » (737 DC, cons. 14 ; 739 DC, cons.
12, 741 DC, cons. 5 ; 742 DC, cons. 51).
Le grief est parfois couplé avec celui de l’incompétence négative (727 DC,
cons. 24). La carence de l’intervention du législateur se manifeste à la fois sur
l’étendue de cette intervention et sur sa qualité. Il est également parfois combiné, de
manière plus ou moins explicite, avec le principe de légalité des délits et des peines,
consacré par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du
26 août 1789. Il en renforce les contraintes pesant sur le législateur de sorte que « le
législateur tient de l’article 34 de la Constitution, ainsi que du principe de légalité
des délits et des peines qui résulte de l’article 8 de la Déclaration de 1789,
l’obligation de fixer lui-même le champ d’application de la loi pénale et de définir
les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l’arbitraire »
(741 DC, cons. 12).
La motivation du Conseil constitutionnel pour rejeter le grief permet de
dégager des considérations générales afin d’identifier à partir de quels critères il
apprécie le respect de cette exigence. Il n’en reste pas moins que la motivation peut
parfois apparaître pour le moins limitée : « contrairement à ce que soutiennent les
sénateurs requérants, les dispositions du dernier alinéa de l’article 2 de la loi déférée
ne sont entachées d’aucune inintelligibilité. Le grief doit par conséquent être écarté »
(737 DC, cons. 15). De manière plus explicite, dans la décision du 17 novembre
2016, Loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, il a toutefois pu juger que « d’une
part, la notion de « relation numérique » est claire. Elle recouvre la communication
et l’échange d’informations et de documents par voie électronique. D’autre part, les
dispositions contestées sont suffisamment précises dès lors que toute personne aura
accès aux données figurant dans les annuaires et tables nationales des professions
mentionnées au paragraphe I » (739 DC, cons. 13). Ainsi, l’on peut considérer avec
le Conseil constitutionnel qu’une expression utilisée est claire si elle renvoie à un
objet défini et que la détermination des bénéficiaires d’un droit répond à une
exigence de précision si ces personnes sont identifiables. L’on retrouve cette
dimension dans la décision du 8 décembre 2016, Loi relative à la transparence, à la
lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Le Conseil
constitutionnel reprend la définition posée par le législateur du lanceur d’alerte pour
conclure que les critères de définition retenus « ne sont pas imprécis » (741 DC,
cons. 6). Il s’attache encore à la définition posée dans la loi pour rejeter le grief tiré
de la méconnaissance de l’objectif d’accessibilité et d’intelligibilité (cons. 7). La
clarté de la définition dans la délimitation du domaine d’application de la loi
contribue encore au respect de l’objectif d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi
(741 DC, cons. 35). En outre, alors que la référence au « montant moyen pris en
charge par le patient » correspond « pour un médicament dont au moins une des
indications est prise en charge au titre d’une autorisation temporaire d’utilisation, au
montant total remboursé par l’assurance maladie divisé par le nombre de patients »
et qu’un montant de 10 000 euros, « qui a été déterminé au regard du coût moyen
des autorisations temporaires d’utilisation », n’est pas inintelligible, l’objectif
d’intelligibilité et d’accessibilité n’est pas méconnu (742 DC, cons. 52). Enfin, et il
s’agit là d’un cas rare de censure pour méconnaissance de cet objectif, le Conseil
constitutionnel prononce l’inconstitutionnalité des dispositions législatives en raison
de leur contradiction, dans la décision du 8 décembre 2016, Loi relative à la
transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Les
834 CHRONIQUES

dispositions en question « n’excluent la compétence de la commission de déontologie


de la fonction publique que pour les personnes exerçant, au moment de leur départ
dans le secteur privé, des fonctions à la décision du Gouvernement. Elles affirment
concurremment la compétence de la Haute autorité pour la transparence de la vie
publique pendant une durée de trois ans suivant la fin de l’exercice de fonctions de
cette nature » (cons. 146). C’est la contradiction entre des dispositions législatives
qui est ici à l’origine de la violation de l’objectif.
Dans le cadre de la QPC, en 2016, le grief n’a été invoqué sans appeler
aucune réponse spécifique de la part du Conseil constitutionnel (519 QPC, cons. 4 ;
537 QPC, cons. 10 et 4 ; 544 QPC, cons. 4 ; 581 QPC, cons. 4), alors que, parfois,
dans des décisions antérieures, il avait pu parfois préciser avant de conclure à la
conformité d’une disposition législative à la Constitution que celle-ci n’était pas « en
tout état de cause entachée d’inintelligibilité » (439 QPC, cons. 23).
La seconde des exigences de bonne législation qui apparaît en 2016 dans la
jurisprudence du Conseil constitutionnel est celle de l’exigence de la portée
normative que doit revêtir la loi. Celle-ci est plus rare en général que la précédente.
Aussi, avec trois décisions sur cette question (737 DC, 739 DC, 741 DC), l’année
2016 se singularise. Selon la formule du Conseil constitutionnel, « selon l’article 6
de la Déclaration de 1789 : « La loi est l’expression de la volonté générale… ». Il
résulte de cet article comme de l’ensemble des autres normes de valeur
constitutionnelle relatives à l’objet de la loi que, sous réserve de dispositions
particulières prévues par la Constitution, la loi a pour vocation d’énoncer des règles
et doit par suite être revêtue d’une portée normative » (737 DC, cons. 9, 741 DC,
cons. 98). Dans la décision du 4 août 2016, Loi pour la reconquête de la biodiversité, de la
nature et des paysages, le grief était opposé à une disposition législative au terme de
laquelle « la connaissance, la protection, la mise en valeur, la restauration, la remise
en état et la gestion de l’environnement doivent être inspirées par « le principe de
non-régression, selon lequel la protection de l’environnement, assurée par les
dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire
l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances
scientifiques et techniques du moment » » (731 DC, cons. 7). Pour le Conseil
constitutionnel, cette disposition énonce « un principe d’amélioration constante de
la protection de l’environnement, compte tenu des connaissances scientifiques et
techniques du moment. Ce principe s’impose, dans le cadre des dispositions
législatives propres à chaque matière, au pouvoir réglementaire » (cons. 10) et elle
n’est donc pas dépourvue de portée normative. La neutralisation du grief n’est ici pas
dépourvue de sens. Indirectement, le Conseil constitutionnel conforte la portée
normative du principe de non-régression en rappelant qu’il s’impose au pouvoir
réglementaire. La motivation du Conseil constitutionnel peut être parfois plus
expéditive. Dans la décision du 17 novembre 2016, Loi de modernisation de la justice du
e
XXI siècle, il a jugé que « les dispositions des articles 62 et 63, qui déterminent
respectivement l’objet de l’action de groupe et la qualité pour engager une telle
action, ne sont, en tout état de cause, pas dépourvues de portée normative » (739
DC, cons. 84). Autrement dit, la détermination de l’objet d’une action comme de la
qualité pour l’exercer ne saurait être considéré comme dépourvu de portée normative
dans la mesure où une telle portée est évidente car est précisé ainsi le domaine
d’application de la loi. Même si l’énoncé législatif n’est pas prescriptif, il doit être lu
comme tel. Un énoncé posant une définition doit être interprété comme imposant
une lecture de l’objet défini conformément à la définition posée. Dans la décision du
8 décembre 2016, Loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la
modernisation de la vie économique, le Conseil constitutionnel procède à une censure de
la loi sur le fondement de ce grief, ce qui constitue la seconde censure depuis la mise
FRANCE 835

en évidence de cette exigence par le Conseil constitutionnel (512 DC, cons. 16 et


17). L’article 134 de la loi déférée complétait l’article L 225-18 du Code du
commerce en y ajoutant un alinéa selon lequel « L’assemblée générale ordinaire peut
désigner un administrateur chargé du suivi des questions d’innovation et de
transformation numérique ». Pour le Conseil constitutionnel, ces dispositions, « qui
se bornent à conférer à l’assemblée générale ordinaire d’une société anonyme le
pouvoir de confier à un administrateur la charge de suivre des évolutions
technologiques, sont dépourvues de portée normative » (741 DC, cons. 99). Difficile
de suivre le juge constitutionnel dans ce choix. Sans doute a-t-il considéré que cette
précision n’ajoutait rien au droit positif, dans la mesure où l’assemblée générale
pouvait déjà, sans cette précision, désigner un tel administrateur. La loi ouvre ainsi
une permission d’agir qui existait déjà implicitement. Toutefois, un énoncé
prescriptif peut contenir une permission d’agir, tout en étant normatif. Formaliser
une possibilité d’action oriente à l’évidence les comportements.

B.- Droit constitutionnel institutionnel (local, parlementaire, électoral,


rapports exécutif/législatif)

1.- Droit parlementaire

L’analyse des décisions rendues en 2016 témoigne d’une tendance à la


spécialisation du contrôle a priori, de plus en plus concentré sur la procédure
législative, ainsi que sur les questions de légistique et de compétence législative. Les
griefs relatifs au non-respect de la procédure législative sont relevés de façon quasi
systématique par les requérants dans les décisions DC. À plusieurs reprises, des griefs
de procédure ont été relevés d’office par le Conseil constitutionnel, par exemple la
méconnaissance des articles 38 et 45 C soulevée d’office dans la décision n° 2015-
727 DC du 21 janvier 2016, Loi de modernisation de notre système de santé ou encore la
décision n ° 2016-741 DC 8 décembre 2016 Loi relative à la transparence, à la lutte
contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. De même, est de plus en
plus souvent évoqué, dans les saisines, le grief tiré de l’atteinte au principe de clarté
et de sincérité du débat parlementaire, à l’objectif de valeur constitutionnelle
d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi ou encore celui tiré de la méconnaissance
des droits de l’opposition, qui apparaissent comme autant de standards de bonne
législation. On peut y voir une juridictionnalisation accrue de la procédure
législative, avec une intrusion de plus en plus visible du Conseil constitutionnel dans
les règles du jeu politique, appelé à arbitrer entre Gouvernement et Parlement, entre
majorité et opposition, voire au sein de la majorité elle-même. On peut y voir
également une conséquence de l’entrée en vigueur de la QPC, spécialisant tout en
perfectionnant le contrôle a priori dans le respect de la procédure et de la compétence
législative et réservant au contrôle a posteriori la garantie des droits et libertés, ce qui
semble dessiner les lignes de la future articulation entre contrôle a priori et contrôle a
posteriori.
« Loi Travail, non merci » : une pétition en ligne ayant recueilli plus de
1,3 million de signatures, plus d’une dizaine de grèves et de manifestations, une
menace de motion de censure… La loi relative au travail, à la modernisation du
dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels a fait l’objet de
contestations très vives et a engendré une très forte mobilisation syndicale et
citoyenne. Son adoption a également été difficile (mise en œuvre de l’article 49 § 3 à
trois reprises, gonflement des articles de la loi passant de 52 à 123 articles au cours
de la discussion parlementaire) et s’est soldée par une saisine « arc-en-ciel » du
Conseil constitutionnel, émanant tant de l’opposition que de la majorité (n° 2016-
836 CHRONIQUES

736 DC, 4 août 2016, Loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la
sécurisation des parcours professionnels). Fait notable, les députés de la majorité
concentraient leurs griefs sur le non-respect de la procédure législative, dénonçant
l’atteinte aux attributions des partenaires sociaux et aux prérogatives parlementaires.
Selon l’un des arguments soulevés dans les saisines, la loi Travail n’aurait pas été
précédée d’une consultation des partenaires sociaux, en méconnaissance des
dispositions de l’article 1er du Code du travail, imposant que tout projet de réforme
envisagé par le Gouvernement portant sur le travail, l’emploi ou la formation
professionnelle et relevant du champ de la négociation nationale et
interprofessionnelle fasse l’objet d’une concertation préalable avec les organisations
syndicales de salariés et d’employeurs. Ce grief, dont les députés auteurs de la saisine
ne semblaient pas vraiment convaincus puisqu’ils ne l’avaient pas individualisé dans
leur saisine, n’a pas été examiné par le Conseil constitutionnel ; il l’aurait sans nul
doute jugé inopérant, ayant déjà considéré « que ni les dispositions du huitième
alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 invoqué par les requérants, ni
aucune autre règle de valeur constitutionnelle n’obligent le Gouvernement à faire
précéder la présentation au Parlement d’un projet de loi comportant des dispositions
touchant aux principes fondamentaux du droit du travail d’une négociation entre
partenaires sociaux » (n° 98-401 DC, Loi sur les trente-cinq heures I, cons. 5). S’agissant
de la procédure législative, était tout d’abord dénoncée l’utilisation irrégulière de
l’article 49 § 3, mis en œuvre à trois reprises au cours de la discussion du projet de
loi (en première lecture, en nouvelle lecture, puis en lecture définitive) mais précédé
d’une seule délibération en Conseil des ministres, délibération que le Conseil
constitutionnel a néanmoins jugé suffisante. Les requérants invoquaient également la
méconnaissance des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire, en
raison des délais fort réduits qu’avaient eu les députés pour prendre connaissance du
projet adopté par le Sénat après l’échec de la CMP, de même que du texte issu de la
CMP. L’argument a été balayé par le Conseil constitutionnel, qui juge que les
parlementaires avaient eu la possibilité d’anticiper sur les résultats de la CMP et de
préparer ainsi leurs amendements. Ces arguments de procédure législative et de
bonne législation soulevés par la majorité illustrent ce que Jean-Philippe Derosier a
appelé « le fait majoritaire contestataire » et l’instrumentalisation du Conseil
constitutionnel par la majorité et non plus seulement par l’opposition. Une telle
mutation avait pu être mise en évidence s’agissant de la contestation au fond des
dispositions législatives : en effet, la saisine du Conseil constitutionnel par la
majorité permet d’immuniser la future loi des risques d’une QPC ; ici, la logique est
fort différente, la saisine du Conseil constitutionnel par la majorité n’ayant pas
vocation à sauver par anticipation la loi, mais à permettre au Parlement de s’affirmer
face au Gouvernement.
La procédure d’adoption de la Loi de modernisation de la justice du XXIe siècle
était, selon les requérants, entachée d’un double détournement de procédure
(n° 2016-739 DC, 17 novembre 2016).
En premier lieu, ils contestaient un usage « dénaturé » du droit
d’amendement gouvernemental, en ce que l’introduction à l’Assemblée nationale de
nombreuses dispositions nouvelles par voie d’amendement du Gouvernement aurait
permis à ce dernier de contourner les exigences d’une étude d’impact, d’un examen
par le Conseil d’État et d’une délibération en Conseil des ministres. Le Conseil
constitutionnel commence par rappeler le fondement constitutionnel du droit
d’amendement, qui appartient aux membres du Parlement et au Gouvernement
(combinaison de l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de
1789, du premier alinéa des articles 34 et 39 de la Constitution, ainsi que de ses
articles 40, 41, 44, 45, 47 et 47-1) et précise qu’il ne peut être limité que par les
FRANCE 837

règles de recevabilité, notamment celle de la nécessité, pour un amendement, de


présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis (article 45 C). Le
Conseil constitutionnel en déduit la possibilité pour le Gouvernement de déposer
devant la seconde assemblée saisie des amendements, y compris juste avant la
réunion de la CMP. Il ajoute, néanmoins, que « par ailleurs, les dispositions
nouvelles introduites à l’Assemblée nationale par voie d’amendement du
Gouvernement n’ont, ni en raison de leur nombre, ni en raison de leur objet, porté
atteinte au respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire ».
Cette rédaction, précautionneuse, laisse entendre que le juge pourrait censurer un
usage abusif du droit d’amendement par le Gouvernement, interprétation qui est
confirmée par le commentaire de la décision. Quant au grief, classique, tiré de ce que
le droit d’amendement permettrait de contourner les exigences pesant sur les projets
de loi, notamment l’étude d’impact, la consultation du Conseil d’État ou encore la
délibération en Conseil des ministres, le Conseil constitutionnel juge le grief
inopérant en se réfugiant derrière les termes de l’article 39 C et de la loi organique
subséquente en date du 15 avril 2009.
Les requérants contestaient, en second lieu, l’usage de la procédure accélérée,
dont il aurait été fait un « usage détourné ». En effet, le Sénat, première assemblée
saisie, n’avait pas pu se prononcer sur les importantes dispositions apportées, par voie
d’amendement, par l’Assemblée nationale, la procédure accélérée limitant la navette
à une seule lecture dans chaque chambre, avant réunion de la CMP. Le Sénat avait
d’ailleurs demandé au Gouvernement, mais sans succès, de pouvoir procéder à une
deuxième lecture du projet de loi. Le Conseil constitutionnel commence par rappeler
que l’article 45 de la Constitution, tel qu’issu de la révision constitutionnelle de
2008, permet aux conférences des présidents des deux assemblées de s’y opposer
conjointement, ce qu’ils n’ont pas fait en l’espèce, et juge que la procédure a été, en
conséquence, régulièrement engagée (cons. 7 & 8). Ce qui résonne, dans
l’argumentation du Conseil, comme une véritable faculté d’empêcher est bien
fragile, dès lors que les conférences des présidents ne peuvent s’opposer que
conjointement à la mise en œuvre de la procédure accélérée, ce qui paraît bien
difficile. Par ailleurs, le Conseil constitutionnel constate qu’en l’espèce, après l’échec
de la CMP, les sénateurs ont recouvré leurs prérogatives et ont donc pu délibérer et
exercer, en nouvelle lecture, leur droit d’amendement. Cette motivation est fort
conjoncturelle, car limitée au cas d’espèce, à savoir l’échec de la CMP ; qu’en serait-il
en cas de succès de la CMP, dont le texte serait soumis à la première assemblée saisie,
ici le Sénat, appelé à se prononcer par un vote unique sur l’ensemble du texte ? La
motivation, prudente, retenue par le Conseil constitutionnel pourrait laisser penser
que l’engagement de la procédure accélérée cumulé à un exercice important du droit
d’amendement pourrait avoir pour effet de méconnaître les exigences de clarté et de
sincérité du débat parlementaire. La décision témoigne du pragmatisme du contrôle
opéré par le juge constitutionnel sur le fondement de ce standard de bonne
législation.

2.- Rapports exécutif / législatif

a) Ordonnances et ratification implicite

Décision importante par l’encadrement qu’elle apporte à l’état d’urgence,


puisqu’elle prononce la non-conformité du régime des perquisitions administratives
(voir infra), la décision n° 2016-567/568 QPC permet de préciser les contours de la
notion de « ratification implicite », longtemps tolérée pour les ordonnances de
l’article 38 C. L’expression même est curieuse : en droit civil, la ratification renvoie à
838 CHRONIQUES

l’acte par lequel une personne, au nom de laquelle un tiers a contracté des
engagements, déclare reconnaître ces engagements et s’oblige à les respecter.
Transposée aux ordonnances, elle implique que le Parlement, dans le domaine
duquel le Gouvernement est intervenu, reconnaît les ordonnances adoptées et les
confirme en leur conférant une valeur législative. Au regard de la nature de la
ratification, de la portée d’un tel acte, on conçoit mal comment cette ratification
peut être implicite. Pourtant, le Conseil constitutionnel a développé, en la matière,
une jurisprudence particulièrement tolérante, admettant que la ratification puisse
résulter d’une manifestation de volonté implicitement mais clairement exprimée par
le Parlement (n° 72-73 l, 29 février 1972) ou encore d’une loi qui, sans avoir cette
ratification pour objet direct, l’implique nécessairement (n° 86-224 DC, 23 janvier
1987, cons. 24). Dans la décision commentée, la QPC portait sur l’article 11 de la loi
n° 55-385 relative à l’état d’urgence telle que modifiée en 1960 par voie
d’ordonnance. La recevabilité de la QPC supposait donc de déterminer si cette
ordonnance, prise en application de l’article 38 C, avait valeur législative en raison
de sa ratification par le Parlement ou non. Dans la présente décision, le Conseil
constitutionnel juge que la loi appliquant l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie
entre janvier et juin 1985 doit être considérée comme une ratification implicite de la
loi de 1955 telle que modifiée par l’ordonnance de 1960. Une loi d’application d’une
autre loi est donc considérée comme la ratifiant implicitement. Le traitement
juridique de ces lois d’application paraît, à certains égards, curieux. La question
s’était déjà posée de savoir si une loi d’application pouvait être considérée comme
une loi modifiant, complétant ou affectant le domaine d’application de dispositions
législatives antérieurement promulguées, au sens de la jurisprudence État d’urgence en
Nouvelle-Calédonie et précisément à propos d’une loi appliquant l’état d’urgence. Le
Conseil constitutionnel avait expressément répondu par la négative (187 DC, cons.
10) : une loi d’application, de même d’ailleurs qu’une loi purement confirmative,
n’offre aucune prise à un éventuel contrôle de constitutionnalité de la loi appliquée
ou confirmée. La solution semble logique : la loi d’application est une loi neutre, qui
ne modifie pas la loi appliquée. Reste que, dans la décision commentée, la loi
d’application est vue comme une approbation implicite de la loi appliquée. Ce
procédé de « ratification implicite », en l’espèce « par application », semble
particulièrement peu respectueux des prérogatives du Parlement, conduisant
d’ailleurs à ce que la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 impose une
ratification explicite des ordonnances (article 38, al. 2 : « Elles ne peuvent être
ratifiées que de manière expresse »). En l’espèce, il a néanmoins le mérite de
permettre au Conseil constitutionnel d’examiner en QPC la disposition contestée,
dans ce domaine particulièrement sensible de l’état d’urgence.

b) Autonomie du pouvoir réglementaire

L’autonomie du pouvoir réglementaire est présente dans l’examen de la loi


dite Sapin II, lors duquel le Conseil constitutionnel a soulevé d’office la
méconnaissance du principe de séparation des pouvoirs à propos d’une disposition
législative imposant de recueillir l’avis des commissions parlementaires permanentes
avant l’édition d’un arrêté ministériel, au motif qu’une telle disposition ferait
« intervenir une instance législative dans la mise en œuvre du pouvoir
réglementaire » (n° 2016-741 DC, 8 décembre 2016, Loi relative à la transparence, à
la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique). Mais la nécessité de
recueillir un avis contraint-elle l’autorité normative et, le cas échéant, dans quelle
mesure ? Cette censure illustre les ambiguïtés de la procédure consultative,
aujourd’hui très en vogue sans que sa nature et son régime ne soient parfaitement
FRANCE 839

identifiés et précisés (à ce sujet, voir la thèse de Fleur Dargent, La consultation en droit


public, Thèse, Aix Marseille Université, décembre 2016).

c) Droit électoral

Se prononçant sur la loi organique de modernisation des règles applicables à


l’élection présidentielle, le Conseil constitutionnel a expressément jugé conformes à
la Constitution les nouvelles règles relatives aux modalités de présentation des
candidats à l’élection présidentielle ainsi que les dispositions imposant de rendre
publics les noms de tous les « parrains », alors même qu’il avait jugé, dans sa
décision n° 2012-233 QPC, Marine le Pen, la constitutionnalité des règles
n’imposant qu’une publicité partielle du nom des parrains (n° 2016-729 DC,
21 avril 2016, Loi organique de modernisation des règles applicables à l’élection
présidentielle). Il a également jugé conformes les dispositions prévoyant l’application,
en matière audiovisuelle, du « principe d’équité », au lieu du principe d’égalité,
pendant la période qui va de la publication de la liste des candidats jusqu’à la veille
de la campagne officielle. Il a jugé que la conciliation entre la liberté de
communication, posée par l’article 11 C, et le pluralisme des courants d’idées et
d’opinions, « fondement de la démocratie » posé par le troisième alinéa de l’article 4
C, n’était pas « manifestement déséquilibrée ». Dans une logique auto-référentielle
qui lui est chère, il n’a pas manqué, dans le commentaire de cette décision, de
souligner que la loi de modernisation de diverses règles applicables aux élections
tirait, pour l’essentiel, les conséquences des observations émises par le Conseil
constitutionnel sur les précédentes élections présidentielles, s’efforçant ainsi
d’accréditer l’autorité persuasive de ces observations.
Le Conseil a été saisi de la loi de modernisation de diverses règles applicables
aux élections par l’effet d’une saisine blanche émanant du Premier ministre, qui
n’invoquait aucun grief particulier à l’encontre de la loi (n° 2016-730 DC, 21 avril
2016, Loi de modernisation de diverses règles applicables aux élections). Cette loi ordinaire
étant liée à la loi organique automatiquement transmise au Conseil constitutionnel,
la saisine du Premier ministre semble compréhensible. Le Conseil constitutionnel se
focalise sur la procédure suivie, contestée lors des débats parlementaires, en
examinant notamment deux des dispositions de la loi au regard de l’article 45 C,
pour en déduire qu’elles avaient été adoptées selon une procédure conforme à la
Constitution. Comme il l’a déjà fait en cas de saisine blanche, le Conseil
constitutionnel constate qu’« aucun autre motif particulier d’inconstitutionnalité ne
ressort des travaux parlementaires » et qu’il n’y a donc pas lieu « d’examiner
spécialement des dispositions de la loi déférée d’office ». Cette position confirme le
souci qu’a le Conseil constitutionnel de ménager l’exercice d’un contrôle a posteriori
et de cantonner, en conséquence, le contrôle a priori à un contrôle de la procédure
législative en cas de saisine blanche.

d) Droit local

L’année 2016 confirme l’investissement de la QPC par les collectivités


territoriales, invoquant la méconnaissance du principe de libre administration de
collectivités territoriales et de ses déclinaisons.

3.- Principe de libre administration des collectivités territoriales

La question du travail dominical a fait l’objet d’une nouvelle décision, la


Ville de Paris contestant en QPC non pas la possibilité de supprimer le repos
840 CHRONIQUES

hebdomadaire, mais l’autorité compétente pour déterminer les règles de repos


hebdomadaire dominical des salariés des établissements de commerce de détail (voir
également n° 2009-588 DC du 6 août 2009, Loi réaffirmant le principe du repos
dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones
touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés
volontaires). En effet, si l’article L. 3132-26 al. 4 du Code du travail confie cette
compétence au maire, il la confie, par exception, au Préfet à Paris. Par une
motivation lapidaire dont il a l’habitude, tout particulièrement en QPC, le Conseil
constitutionnel estime qu’au regard de l’objet de la loi, réglementer le repos dans les
commerces de détail, la Ville de Paris n’est pas placée dans une situation différente
des autres communes et qu’aucun motif d’intérêt général ne justifie la dérogation
contestée. Il l’abroge en conséquence pour atteinte au principe d’égalité, avec effet
immédiat, sans examiner les autres griefs invoqués par les requérants, à savoir le
principe de libre administration et le principe de subsidiarité (n° 2016-547 QPC,
24 juin 2016, Ville de Paris [Dérogations temporaires au repos dominical des salariés des
commerces de détail à Paris]).
Le principe de libre administration des collectivités territoriales a également
été invoqué à l’encontre de la rationalisation intercommunale et, tout
particulièrement, du dispositif permettant le rattachement d’une commune nouvelle
à un EPCI à fiscalité propre (n° 2016-588 QPC, 21 octobre 2016, Communauté de
communes des sources du lac d’Annecy et autre [Choix de l’EPCI à fiscalité propre de
rattachement pour les communes nouvelles]). Le législateur avait prévu, en effet, que le
Préfet puisse imposer à la commune nouvelle un rattachement autre que celui qu’elle
souhaite. Cette disposition est validée par le Conseil constitutionnel au motif que le
législateur peut porter atteinte au principe de libre administration dès lors qu’il
poursuit un objectif d’intérêt général, sur lequel il se contente d’un contrôle quasi
inexistant, se contentant de relever que ce rattachement autoritaire décidé par le
Préfet permet de préserver la « cohérence » ou la « pertinence » des périmètres
intercommunaux existants. En revanche, il juge que le législateur aurait dû prévoir
la consultation des divers organes délibérants (notamment EPCI et conseillers
municipaux des communes membres de ces EPCI), ce qu’il n’a pas fait, portant ainsi
une atteinte manifestement disproportionnée à la libre administration des
communes. La consultation apparaît ainsi comme une garantie de la libre
administration des collectivités locales.
Le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la revendication d’un socle
minimum de compétences au profit des collectivités territoriales, rattaché au
principe de libre administration des collectivités territoriales, en examinant le grief
invoqué à propos de la suppression de la clause générale de compétence des
départements (n° 2016-565 QPC, 16 septembre 2016, Assemblée des départements de
France [Clause de compétence générale des départements]). Cette clause, illustration de la
véritable inconstance du législateur, a été codifiée en 1982 par l’article 23 de la loi
n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des
départements et des régions, a été supprimée par la loi n° 2010-1563 du
16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, puis rétablie, avant
même d’avoir eu le temps de disparaître faute pour la loi d’être entrée en vigueur,
par la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique
territoriale et d’affirmation des métropoles, puis d’être à nouveau supprimée par
l’article 94 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation
territoriale de la République. Véritable rescapée, cette disposition a néanmoins été
soumise au Conseil constitutionnel par le biais d’une QPC déposée par l’Association
des départements de France. Selon la requérante, la suppression de la clause générale
de compétence aurait dû être compensée par un dispositif leur permettant
FRANCE 841

d’intervenir dans les domaines qui ne sont dévolus à aucune autre personne publique
par la loi, leur conférant ainsi une compétence supplétive, en sus des attributions
expressément confiées par la loi. L’originalité de l’argumentation, fondée sur le
principe de libre administration des collectivités territoriale, résidait dans
l’invocation de l’autorité de la décision DC du 9 décembre 2010, qui rendait
nécessaire, selon la requérante, un tel mécanisme de « compétence supplétive ».
S’appuyant sur les articles 72 et 34 C, le Conseil constitutionnel considère, selon une
jurisprudence établie, que le principe de libre administration implique que toute
collectivité territoriale doive disposer d’une assemblée délibérante dotée par la loi
d’attributions effectives et que, pour ce faire, il est loisible au législateur de les
énumérer limitativement. Ainsi, il peut s’agir aussi bien d’une compétence de
principe (comme l’était la clause générale de compétence) que d’une compétence
d’attribution. Le Conseil constitutionnel ajoute que l’article 72 n’impose pas de
reconnaître la compétence des collectivités territoriales pour les domaines restés
orphelins, c’est-à-dire pour lesquels aucune autre personne publique ne dispose d’une
compétence attribuée par la loi. L’argumentation des requérants s’appuyait sur
l’interprétation de la décision du 9 décembre 2010, citée dans les visas, rendue à
propos de la première suppression de la clause générale de compétence, dans laquelle
le Conseil avait jugé que le grief tiré de l’atteinte au principe de libre administration
des collectivités territoriales devait être écarté au motif que les dispositions
critiquées permettent au conseil général ou au conseil régional, par délibération
spécialement motivée, de se saisir respectivement de tout objet d’intérêt
départemental ou régional pour lequel la loi n’a donné compétence à aucune autre
personne publique (cons. 55). Les requérants en avaient déduit que cette compétence
supplétive était une condition de la libre administration des collectivités
territoriales, interprétation écartée par le Conseil constitutionnel dans la présente
décision.

4.- Autonomie et compensation financières

Moins fructueuses sont, en revanche, les QPC fondées sur le principe de


l’autonomie financière (art 72-2 C) et de compensation financière (72-2, 4e alinéa).
Certes, le principe de l’autonomie financière des collectivités territoriales figure au
nombre des droits et libertés que la Constitution garantit dont la méconnaissance
peut être sanctionnée dans le cadre du contrôle a posteriori (n° 2012-255/265 QPC,
29 juin 2012, Départements de la Seine-Saint-Denis et du Var [Fonds national de
péréquation des droits de mutation à titre onéreux perçus par les départements], cons. 9.) mais
le Conseil constitutionnel s’en tient à un contrôle restreint voire minimum, vérifiant
que la baisse des recettes décidées par le législateur n’atteigne pas des proportions
telles qu’elle affecterait l’autonomie financière au point d’entraver la libre
administration. Autrement dit, l’autonomie financière n’est protégée qu’en tant
qu’elle permet la libre administration des collectivités territoriales, dont elle est n’est
pas détachée. Ce grief, déjà évoqué à plusieurs reprises en QPC, n’a, à nouveau, pas
prospéré dans la décision commentée. La collectivité de St Martin contestait le calcul
de la dotation globale de compensation, qui a vocation à compenser financièrement
les charges résultant des compétences transférées à la collectivité. La collectivité
invoquait également le quatrième alinéa de l’article 72-2 C, qui précise que « tout
transfert de compétences entre l’État et les collectivités territoriales s’accompagne de
l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice.
Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les
dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par
la loi ». Reste que l’interprétation du Conseil constitutionnel est particulièrement
842 CHRONIQUES

exigeante, distinguant entre le principe de la compensation intégrale des


compétences directement transférées par l’État, et le simple accompagnement
financier de ces compétences lorsqu’elles n’ont pas pour origine directe l’État, ce qui
n’était pas le cas en l’espèce (n° 2016-549 QPC, 1er juillet 2016, Collectivité de Saint-
Martin [Dotation globale de compensation].

C.- Droit constitutionnel substantiel

1.- Les droits-libertés

Avec cinq décisions relatives à l’état d’urgence et une portant sur le


renseignement, les dispositifs de lutte antiterroriste ont occupé en 2016 une place
centrale dans le contentieux constitutionnel des libertés. Des décisions éclairantes
sont également intervenues en dehors de ce cadre particulier.

a) Respect de la vie privée

Le droit au respect de la vie privée est protégé par l’article 2 de la DDHC.


Pour être conformes à la Constitution, « les atteintes à ce droit doivent être justifiées
par un motif d’intérêt général et mises en œuvre de manière adéquate et
proportionnée à cet objectif » (n° 2016-590 QPC, 21 octobre 2016, La Quadrature
du Net et autres, pt. 3). Les intrusions les plus significatives se sont développées dans
le cadre de la lutte contre le terrorisme. L’examen des outils confiés par la loi à
l’autorité administrative a permis au Conseil constitutionnel de dessiner une
frontière entre les atteintes pouvant être admises au nom de cet objectif et les limites
à ne pas franchir. La constitutionnalité de ces instruments a été, pour l’essentiel,
appréciée à l’aune des garanties entourant leur mise en œuvre.
L’absence de toute garantie était patente s’agissant de la surveillance des
communications empruntant la voie hertzienne (n° 2016-590 QPC, 21 octobre
2016, La Quadrature du Net et autres). L’article L. 811-5 du Code de la sécurité
intérieure (CSI) prévoyait que « Les mesures prises par les pouvoirs publics pour
assurer, aux seules fins de défense des intérêts nationaux, la surveillance et le contrôle
des transmissions empruntant la voie hertzienne ne sont pas soumises aux
dispositions du présent livre, ni à celles de la sous-section 2 de la section 3 du
chapitre Ier du titre III du livre Ier du Code de procédure pénale ». Il posait ainsi que
les communications émises par voie hertzienne ne se trouvaient régies ni par les
dispositions du Code de procédure pénale relatives aux interceptions ordonnées par
l’autorité judiciaire, ni par celles du CSI relatives aux interceptions de sécurité mises
en œuvre par l’autorité administrative. Certes, relève le Conseil constitutionnel, la
finalité poursuivie est légitime dans la mesure où le dispositif, limité par la loi « aux
seules fins de défense des intérêts nationaux », met en œuvre « les exigences
constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la
Nation » (pt. 7). Toutefois, l’exigence de proportionnalité de la restriction fait
radicalement défaut en l’absence de tout encadrement de celle-ci. Premièrement, la
disposition en cause n’interdit pas que les mesures qu’elle autorise puissent être
utilisées « à des fins plus larges » que la mise en œuvre des seules exigences
constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la nation
(pt. 7). Deuxièmement, la loi ne définit pas « la nature » des mesures de surveillance
et de contrôle que les pouvoirs publics sont autorisés à prendre (pt. 8).
Troisièmement et surtout, les dispositions en cause « ne soumettent le recours à ces
FRANCE 843

mesures à aucune condition de fond ni de procédure et n’encadrent leur mise en


œuvre d’aucune garantie » (pt. 8). Absence de conditions, absence d’autorisation
préalable, absence de contrôle juridictionnel : le Conseil estime « que, faute de
garanties appropriées, les dispositions contestées portent une atteinte manifestement
disproportionnée au droit au respect de la vie privée et au secret des correspondances
résultant de l’article 2 de la Déclaration de 1789 » (pt. 9).
Le même critère, tenant à l’existence de garanties suffisantes, a été mis en
œuvre relativement aux perquisitions administratives décidées sous le régime de
l’état d’urgence (article 11 de la loi du 3 avril 1955). Dans sa version initiale, a
relevé le Conseil, la loi de 1955 ne soumettait « le recours aux perquisitions à aucune
condition » et n’encadrait « leur mise en œuvre d’aucune garantie ». Aussi le
législateur n’avait-il « pas assuré une conciliation équilibrée entre l’objectif de valeur
constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public et le droit au respect de la vie
privée » (n° 2016-567/568 QPC, 23 septembre 2016, M. Georges F. et autre, pt. 8 :
examinant la loi de 1955 dans sa version initiale).
La loi du 20 novembre 2015 a apporté sur ce point deux modifications à la
loi de 1955. D’une part en posant des conditions à l’exercice d’une perquisition : il
doit exister « des raisons sérieuses de penser que » le lieu perquisitionné « est
fréquenté par une personne dont le comportement constitue une menace pour la
sécurité et l’ordre publics ». D’autre part en entourant sa mise en œuvre de
garanties : information du procureur de la République de la décision de
perquisitionner ; présence sur les lieux d’un officier de police judiciaire ; présence de
l’occupant ou, à défaut, de son représentant ou de deux témoins ; établissement d’un
compte rendu communiqué sans délai au procureur de la République. Le Conseil
constitutionnel a estimé que ces garanties n’étaient pas, à elles seules, suffisantes et a
en conséquence formulé une réserve d’interprétation (n° 2016-536 QPC, 19 février
2016, Ligue des droits de l’homme). Il affirme que les mesures de perquisition « doivent
être justifiées et proportionnées aux raisons ayant motivé la mesure dans les
circonstances particulières ayant conduit à la déclaration de l’état d’urgence ; qu’en
particulier, une perquisition se déroulant la nuit dans un domicile doit être justifiée
par l’urgence ou l’impossibilité de l’effectuer le jour ; que le juge administratif est
chargé de s’assurer que cette mesure qui doit être motivée est adaptée, nécessaire et
proportionnée à la finalité qu’elle poursuit » (pt. 10). Au regard de l’ensemble de ces
éléments, le Conseil estime que la loi opère, « s’agissant d’un régime de pouvoirs
exceptionnels dont les effets doivent être limités dans le temps et l’espace et qui
contribue à prévenir le péril imminent ou les conséquences de la calamité publique
auxquels le pays est exposé, une conciliation qui n’est pas manifestement
déséquilibrée entre les exigences de l’article 2 de la Déclaration de 1789 et l’objectif
de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public » (pt. 11).
La question des garanties entourant la mise en œuvre des perquisitions s’est
également posée concernant la saisie de données informatiques au cours de ces
opérations. Tel que prévu par la loi du 20 novembre 2015, ce pouvoir ne comportait
pas, selon le Conseil constitutionnel, les garanties légales propres à assurer une
conciliation équilibrée entre l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de
l’ordre public et le droit au respect de la vie privée (536 QPC). Cette appréciation se
fondait sur deux considérations. D’une part, « ni cette saisie ni l’exploitation des
données ainsi collectées ne sont autorisées par un juge, y compris lorsque l’occupant
du lieu perquisitionné ou le propriétaire des données s’y oppose et alors même
qu’aucune infraction n’est constatée ». D’autre part et « au demeurant peuvent être
copiées des données dépourvues de lien avec la personne dont le comportement
constitue une menace pour la sécurité et l’ordre publics ayant fréquenté le lieu où a
été ordonnée la perquisition » (cons. 14).
844 CHRONIQUES

Le législateur a donc revu sa copie. La loi du 20 juillet 2016 a rétabli ce


pouvoir en l’assortissant de garanties. La loi définit les motifs pouvant justifier la
saisie de données informatiques, détermine les conditions de sa mise en œuvre et
subordonne l’exploitation des données à une autorisation préalable délivrée par le
juge administratif des référés. En outre, elle pose que ne peuvent être exploitées que
les données présentant un lien avec la menace que représente l’intéressé pour l’ordre
public. Le Conseil constitutionnel a estimé qu’en « prévoyant ces différentes
garanties légales en ce qui concerne la saisie et l’exploitation de données
informatiques », le législateur a « assuré une conciliation qui n’est pas
manifestement déséquilibrée entre le droit au respect de la vie privée et l’objectif de
valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public » (n° 2016-600 QPC,
2 décembre 2016, M. Raïme A., pt. 13).
Seul un point du dispositif, à savoir la durée de conservation de certaines
données, a été jugé inconstitutionnel (sur l’exigence d’une conservation des données
limitée dans le temps, v. n° 2015-713 DC, 23 juillet 2015, cons. 38, 39 et 78). Un
terme à la durée de conservation a été prévu dans trois cas : lorsque le juge des référés
refuse l’exploitation des données (les données sont alors détruites sans délai) ; pour
les données qui ne caractérisent pas une menace pour l’ordre et la sécurité publics
(ces données ne peuvent être conservées plus de trois mois) ; lorsque l’exploitation
des données conduit à la constatation d’une infraction (ces données sont alors
conservées selon les règles applicables en matière de procédure pénale). En revanche,
« lorsque les données copiées caractérisent une menace sans conduire à la
constatation d’une infraction, le législateur n’a prévu aucun délai, après la fin de
l’état d’urgence, à l’issue duquel ces données sont détruites ». Par conséquent, estime
le Conseil, « le législateur n’a, en ce qui concerne la conservation de ces données, pas
prévu de garanties légales propres à assurer une conciliation équilibrée entre le droit
au respect de la vie privée et l’objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de
l’ordre public » (pt. 16). La possibilité d’une conservation indéfinie des données
s’avère contraire à la Constitution.

b) Liberté individuelle

L’article 66 de la Constitution a été plusieurs fois invoqué, notamment par le


Premier président de la Cour de cassation, pour revendiquer une compétence
judiciaire sur les mesures prises au titre de l’état d’urgence. Les pouvoirs publics
n’ont pas fait droit à cette demande. Le Conseil constitutionnel pas davantage.
Il est important de rappeler la rédaction de cet article afin de comprendre
l’interprétation qui lui en est donnée : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. /
L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce
principe dans les conditions prévues par la loi ». Il ressort du rapprochement de ces
deux phrases que le principe selon lequel l’autorité judiciaire est gardienne de la
liberté individuelle se limite à la protection de l’individu contre une détention
arbitraire. Il s’agit, pour reprendre une formule souvent citée, de l’habeas corpus à la
française. Le principe se limite en conséquence aux seules privations de liberté (garde
à vue, détention, rétention, hospitalisation sans consentement). La jurisprudence s’est
clairement stabilisée sur ce point depuis une décision de 1999 (411 DC), mettant un
terme à l’acceptation plus large qui prévalait auparavant. La lecture orthodoxe de
l’article 66, liant de façon combinée les deux phrases qu’elle comporte, s’est justifiée
par l’accroissement des outils mis à la disposition du juge administratif pour assurer
une protection efficace des libertés sur les actes relevant de son domaine.
Il en résulte que les mesures prises au titre de l’état d’urgence ne doivent
relever du contrôle de l’autorité judiciaire, en vertu de la Constitution, que si elles
FRANCE 845

emportent privation de liberté. Tel n’est le cas d’aucune de ces mesures. Le Conseil
l’avait déjà affirmé, en 2015, à propos des assignations à résidence (n° 2015-527
QPC, 22 décembre 2015, M. Cédric D. : posant qu’une assignation à résidence
constitue une mesure « restrictive » de liberté, mais basculerait dans le champ des
mesures « privatives » de liberté – donc dans la compétence judiciaire – si le
législateur décidait d’étendre la durée d’assignation à plus de 12 heures par jour). Le
Conseil en a jugé de même pour les perquisitions administratives, qui constituent
des intrusions dans le domicile privé mais « n’affectent pas la liberté individuelle au
sens de l’article 66 de la Constitution » (n° 2016-536 QPC, 19 février 2016, Ligue
des droits de l’homme, cons. 4).
La compétence pour connaître de ces mesures relève au contraire du juge
administratif. Puisqu’elles obéissent à une finalité préventive, et non pas répressive,
elles constituent des mesures de police administrative, c’est-à-dire ayant pour finalité
« la préservation de l’ordre public et la prévention des infractions » (formule
employée dans la décision n° 2015-524 QPC, 2 mars 2016, Gel administratif des
avoirs, cons. 9.). En tant que telles, et en conséquence du principe fondamental
reconnu par les lois de la République selon lequel les décisions prises par l’autorité
administrative dans l’exercice de prérogatives de puissance publique relèvent de la
compétence du juge administratif (n° 86-224 DC, 23 janvier 1987, Conseil de la
concurrence, cons. 15), elles ressortissent du contrôle du juge administratif. La
jurisprudence est constante sur ce point (n° 98-403 DC, 29 juillet 1998, Loi
d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, cons. 29 ; n° 2003-467 DC, 13 mars
2003, Loi pour la sécurité intérieure, cons. 4). S’agissant de l’état d’urgence, cette
solution a été confirmée en 2015 pour les assignations à résidence (n° 2015-527
QPC, 22 décembre 2015, M. Cédric D) et, en 2016, pour trois autres mesures : de
façon implicite (n° 2016-535 QPC, 19 février 2016, Ligue des droits de l’homme) pour
les fermetures de lieu de réunion (prises, pose le Conseil, pour « la préservation de
l’ordre public ») et pour les interdictions de réunion (lesquelles, selon la loi – que
cite le Conseil –, doivent être justifiées par le fait que cette réunion est « de nature à
provoquer ou entretenir le désordre ») ; de façon expresse pour les perquisitions
administratives, lesquelles « relèvent de la seule police administrative, y compris
lorsqu’elles ont lieu dans un domicile » (n° 2016-536 QPC, 19 février 2016, Ligue
des droits de l’homme).

c) Liberté contractuelle

La liberté contractuelle a été reconnue comme une liberté constitutionnelle


en l’an 2000 (n° 2000-437 DC, 19 décembre 2000, Loi de financement de la sécurité
sociale pour 2001, cons. 37).
Il ressort de la formule jurisprudentielle (p. ex. n° 2012-242 QPC, 14 mai
2012, Association Temps de Vie, cons. 6 : « Considérant qu’il est loisible au législateur
d’apporter à la liberté contractuelle, qui découle de l’article 4 de la Déclaration des
droits de l’homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences
constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte
pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi ») que le Conseil
constitutionnel exerce un contrôle restreint sur les limitations dont elle peut faire
l’objet. Tellement restreint, qu’à ce jour, seule une censure a été prononcée (n° 2013-
672 DC, 13 juin 2013, Loi relative à la sécurisation de l’emploi) malgré les invocations
relativement fréquentes de cette liberté.
Plus de quinze ans après sa consécration est intervenue, en 2016, la seconde
annulation d’une disposition portant atteinte à cette liberté (n° 2015-511 QPC,
7 janvier 2016, Société Carcassonne Presse Diffusion SAS). Elle concerne le domaine de
846 CHRONIQUES

la presse écrite, plus exactement la distribution de celle-ci sur le territoire national.


Afin d’assurer une distribution libre et impartiale de la presse écrite, la loi du 2 avril
1947 a instauré, pour les entreprises de presse ne souhaitant pas assurer elles-mêmes
la distribution de leurs publications, un système coopératif de distribution. Ce
système prévoit que la distribution ne peut être assurée que par des sociétés
coopératives de messageries de presse, qui concluent des contrats avec les dépositaires
centraux de presse.
L’une des particularités du dispositif tient au rôle reconnu par la loi au
Conseil supérieur des messageries de presse. Ce conseil, qui constitue une personne
morale de droit privé, est extérieur à la relation contractuelle. Il dispose néanmoins
du pouvoir de résilier les contrats conclus entre les dépositaires centraux et les
sociétés de messageries, soit en retirant l’agrément du dépositaire, soit en modifiant
la zone de chalandise de ce dernier.
Ce pouvoir conféré à un tiers porte bien évidemment atteinte à la liberté
contractuelle puisqu’elle lui permet de remettre en cause une convention légalement
formée sans être partie à celle-ci. Était-elle pour autant inconstitutionnelle ? Certes,
observe le Conseil constitutionnel, elle répond à un objectif légitime, à valeur
constitutionnelle : « le pluralisme et l’indépendance des quotidiens d’information
politique et générale ». Le système vise en effet à préserver les équilibres
économiques du système de distribution de la presse.
Pour autant, l’atteinte portée à la liberté contractuelle est « manifestement
disproportionnée » au regard de l’objectif poursuivi. Les décisions de retrait
d’agrément d’un dépositaire et de modification de la zone de chalandise « ne sont
subordonnées à aucune condition tenant à l’exécution ou à l’équilibre du contrat ».
Elles « ne font l’objet d’aucune procédure d’examen contradictoire ». Enfin, la
commission « n’est pas tenue de motiver sa décision ». Compte tenu de l’ampleur de
l’atteinte, le Conseil estime que « le législateur a insuffisamment encadré les
conditions dans lesquelles la décision d’un tiers au contrat conclu entre une société
de messagerie de presse et un dépositaire central de presse peut conduire à la
résiliation de ce contrat » (pt. 10).

d) Droit de propriété

Le droit de propriété dispose de deux fondements juridiques dans la


Constitution : l’article 17 de la DDHC, en cas de privation de propriété
(expropriation, nationalisations), l’article 2 de ce texte, en cas d’atteinte à la
propriété sans dépossession. En vertu d’une jurisprudence constante, une atteinte au
droit de propriété envisagée sous l’angle de l’article 2 n’est conforme à la
Constitution qu’à la condition d’être nécessaire et proportionnée.
Ces conditions ont été jugées comme étant remplies à propos de la loi
permettant l’instauration d’une servitude administrative pour les chalets de
montagne (n° 2016-540 QPC, 10 mai 2016, Société civile Groupement foncier rural
Namin et Co). L’article L. 145-3 du Code de l’urbanisme permet d’interdire
l’utilisation du chalet en période hivernale lorsque celui-ci n’est pas desservi.
L’objectif est considéré par le Conseil constitutionnel comme légitime. La servitude
dispense la commune de procéder à des travaux de déneigement de la voirie et la
libère de l’obligation de raccorder le bâtiment aux réseaux et équipements publics.
Elle permet en outre de « garantir la sécurité des personnes en période hivernale » en
empêchant que des individus se retrouvent dans un chalet isolé, inaccessible aux
véhicules, voire exposé au risque d’avalanches. L’atteinte qui en résulte pour le droit
de propriété est par ailleurs considérée comme proportionnée à l’objectif poursuivi
(pt. 8 et 9), les garanties prévues par le législateur apparaissant suffisantes pour
FRANCE 847

empêcher tout arbitraire de l’autorité administrative dans l’instauration de la


servitude : le champ d’application de la servitude est posé avec précision par la loi
(qui définit la nature des bâtiments et la période considérée) ; la servitude « ne peut
être instituée qu’à l’occasion de la réalisation de travaux exigeant un permis de
construire ou une déclaration de travaux » ; la décision qui établit la servitude « est
placée sous le contrôle du juge administratif » ; enfin, le propriétaire du bien objet
de la servitude « dispose de la faculté, au regard des changements de circonstances,
d’en demander l’abrogation à l’autorité administrative à tout moment ». La
restriction apportée à l’usage du bien n’est donc pas inconstitutionnelle.
Une atteinte plus substantielle au droit de propriété a été jugée régulière,
dans un autre domaine, en raison de l’étendue des garanties dont elle se trouve
entourée. Elle concerne la saisie de matériel informatique (ordinateurs, disques durs
externe, téléphones portables, tablettes) à l’occasion de perquisitions administratives
(n° 2016-600 QPC, 2 décembre 2016, M. Raïme A.). Le Conseil estime que
l’atteinte au droit de propriété est nécessaire car la copie de données sur le lieu même
de la perquisition peut être rendue impossible par les circonstances. Elle est en outre
proportionnée en raison des garanties prévues par la loi : mise en œuvre uniquement
pendant l’état d’urgence ; autorisation du juge des référés pour l’exploitation des
informations contenues dans les supports saisis ; conservation sous la responsabilité
du chef de service ; établissement d’un procès-verbal dressant l’inventaire des
matériels saisis ; restitution des matériels dans un délai maximum de 15 jours.

2.- Les droits sociaux-droits créances

a) Droit de la famille

Le divorce conventionnel, sans intervention du juge, créé par la Loi de


modernisation de la justice du XXIe siècle était contesté par les requérants, au motif qu’il
portait atteinte au « caractère d’ordre public du droit de la famille » découlant, selon
eux, du dixième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946, à la protection du
plus faible posée par le onzième alinéa du Préambule, ainsi qu’aux droits de l’enfant
protégés par les « principes du droit du divorce qui placent l’intérêt de l’enfant au
cœur du dispositif législatif », la convention internationale des droits de l’enfant et
le onzième alinéa du Préambule de 1946 (n° 2016-739 DC, 17 novembre 2016, Loi
de modernisation de la justice du XXIe siècle). Cette argumentation, particulièrement
brouillonne, est repositionnée par le Conseil constitutionnel sur le terrain du droit de
mener une vie familiale normale résultant du dixième alinéa du Préambule de 1946
qui dispose : « La Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires
à leur développement ». Énumérant les garanties législatives prévues pour assurer la
protection des époux et des enfants, il juge, de manière assez lapidaire, que le droit
de mener une vie familiale normale n’est pas méconnu et considère, de façon très
classique, que les griefs tirés de la méconnaissance d’une convention internationale
ou de principes et dispositions à valeur législative et non constitutionnelle sont
inopérants.

b) Droit constitutionnel au repos

Le Conseil constitutionnel a eu à se prononcer sur le droit constitutionnel au


repos dans la QPC portant sur l’article L. 3141-26 al. 2 du Code du travail (n° 2015-
523, 2 mars 2016, M. Michel O. [Absence d’indemnité compensatrice de congé payé en cas de
rupture du contrat de travail provoquée par la faute lourde du salarié]). Selon le requérant,
848 CHRONIQUES

en privant le salarié licencié pour faute lourde de l’octroi de l’indemnité


compensatrice de congé payé, l’article litigieux portait atteinte au droit au repos et
au droit à la protection de la santé, qui découlent des exigences du onzième alinéa du
Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, ainsi qu’au principe
d’individualisation des peines. Le Conseil constitutionnel écarte cette argumentation
pour se concentrer sur la méconnaissance du principe d’égalité, soulevée d’office : la
disposition législative prévoyait, en effet, que le salarié licencié pour faute lourde est
privé d’indemnité compensatrice de congé payé sauf lorsque son employeur est tenu
d’adhérer à une caisse de congés. Le Conseil constitutionnel ne censure donc pas
l’exception (l’absence de droit à l’indemnité compensatrice de congés payés en cas de
faute lourde), mais l’exception à l’exception (sauf lorsque l’employeur adhère à une
caisse de congé payé). Il donne ainsi satisfaction au requérant, puisque la disposition
litigieuse est abrogée, alors même que le dispositif est, dans son principe,
constitutionnel. Le Conseil constitutionnel admet, implicitement, que le législateur
puisse traiter différemment le salarié licencié pour faute lourde des autres, mais
n’accepte pas, en revanche, que la différence de traitement résulte de l’affiliation de
l’employeur à une caisse de congés ou non.

c) Droit de mener une vie familiale normale

Le droit de mener une vie familiale normale est également au cœur de la


QPC portant sur les articles 35 et 39 de la loi du 24 novembre 2009 et 145-4 et 715
du CPP (n° 2016-543 QPC, 24 mai 2016, Section française de l’observatoire
international des prisons [Permis de visite et autorisation de téléphoner durant la détention
provisoire]). Dans cette décision, le Conseil constitutionnel juge que l’absence de voie
de recours à l’encontre des décisions relatives au permis de visite et à l’autorisation
de téléphoner d’une personne placée en détention provisoire est contraire aux
exigences découlant de l’article 16 de la Déclaration de 1789 et privant de garanties
légales la protection constitutionnelle du droit au respect de la vie privée et du droit
de mener une vie familiale normale. Pour les mêmes motifs, le Conseil
constitutionnel déclare également contraire aux exigences constitutionnelles
l’absence de délai imparti au juge d’instruction pour répondre à une demande de
permis de visite d’un membre de la famille de la personne placée en détention
provisoire. Si cette QPC marque une avancée certaine dans la protection des droits
des personnes placées en détention provisoire, le Conseil constitutionnel retient
néanmoins une solution particulièrement sévère, choisissant de reporter les effets de
la déclaration d’inconstitutionnalité et donc de prolonger la situation
d’inconstitutionnalité, tout en validant toutes les décisions prises sur ce fondement
avant le 1er mars 2017.

d) Droit de participation

Le Conseil constitutionnel, dans la décision n° 2016-579 QPC, a dû concilier


le principe de participation des travailleurs à la libre détermination de leurs
conditions de travail, posé par l’alinéa 8 du Préambule de la Constitution de 1946,
avec l’article 34 C qui réserve au seul législateur le soin de fixer « les principes
fondamentaux (...) du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale »
(n° 2016-579 QPC, 5 octobre 2016, Caisse des dépôts et consignations [Renvoi à un
accord collectif pour la détermination des critères de représentation syndicale]). La
jurisprudence constitutionnelle semble ainsi réserver au législateur les conditions et
les garanties de la mise en œuvre du principe de participation, qui renvoie les
modalités concrètes de leur mise en œuvre aux accords collectifs conclus entre
FRANCE 849

partenaires sociaux. En l’espèce, étaient contestées les dispositions de l’article 34 de


la loi du 28 mai 1996 ou, plus exactement, ces dispositions telle qu’interprétées par
la Cour de cassation. Le Conseil constitutionnel juge que les dispositions litigieuses
ne permettaient pas de définir suffisamment précisément l’objet et les conditions de
la dérogation qu’il instaurait et que le législateur avait, en conséquence, méconnu
l’étendue de sa compétence et le huitième alinéa du Préambule de 1946. Mais les
conséquences de ce constat d’inconstitutionnalité sont particulièrement
intéressantes. Alors que les requérants souhaitaient que le Conseil constitutionnel
prononce une réserve d’interprétation, afin qu’elle s’agrège, pour l’avenir, à la
disposition contestée et que les accords déjà conclus ne soient pas privés de base
légale, le Conseil constitutionnel prononce l’abrogation de la loi, avec effet différé
néanmoins. Cette solution est clairement motivée par le souci d’éviter d’entrer en un
conflit direct d’interprétation avec la Cour de cassation, comme le souligne le
commentaire de la décision.
La décision n° 2016-736 DC a permis de délimiter le champ d’application du
principe de participation des travailleurs posé par le huitième alinéa du Préambule
de la Constitution de 1946. Était contesté l’article 64 de la loi, mettant en place une
instance de dialogue social commune à l’ensemble du réseau dans les réseaux
d’exploitants d’au moins 300 salariés qui sont liés par un contrat de franchise. Le
Conseil constitutionnel a déjà eu l’occasion de juger que le droit de participation a
« pour bénéficiaires, sinon la totalité des travailleurs employés à un moment donné
dans une entreprise, du moins tous ceux qui sont intégrés de façon étroite et
permanente à la communauté de travail qu’elle constitue même s’ils n’en sont pas les
salariés » (545 DC). Il a également admis que le législateur « précise cette notion
d’intégration à la communauté de travail afin de renforcer la sécurité juridique des
entreprises et des salariés » en prévoyant une condition de présence continue d’un an
ou de deux ans pour que les salariés mis à disposition puissent être électeurs ou
éligibles dans l’entreprise où ils travaillent (568 DC). En l’espèce, il estime qu’un
contrat de franchise ne permet pas de révéler l’existence d’une communauté de
travail justifiant la mise en place d’une représentation du personnel commune à
l’ensemble d’un réseau de franchise et donc la mise en œuvre du principe de
participation au sein de réseaux de franchise en général (n° 2016-736 DC, 4 août
2016, Loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des
parcours professionnels).

3.- Les droits-garanties

a) Droit au recours

L’état d’urgence a révélé que le Conseil constitutionnel avait une conception


peu exigeante du droit au recours. Il s’entend, au moins dans les états de crise,
comme la possibilité d’accéder à un juge et non pas celle d’accéder à un juge utile ou
efficace.
Le problème s’est rencontré à propos des perquisitions administratives,
mesures les plus utilisées, et de très loin, sous l’actuelle application de l’état
d’urgence. Leur contrôle relève du juge administratif, mais il s’exerce a posteriori. Il
permet seulement de sanctionner une perquisition illégale, mais nullement de s’y
opposer. En effet, les seules actions dont dispose l’intéressé devant le juge
administratif ne peuvent être mises en œuvre qu’une fois la perquisition exécutée.
Deux voies lui sont ouvertes. D’abord le recours pour excès de pouvoir, en vue
d’obtenir l’annulation d’une décision illégale de perquisition. Toutefois, une telle
annulation ne lui apportera aucun bénéfice concret. La personne peut également
850 CHRONIQUES

engager une action indemnitaire en vue d’obtenir la réparation du préjudice subi


(CE, Ass., 6 juil. 2016, Napol et autres, n° 398234, Lebon). Néanmoins, cette action,
si elle est fondée, n’effacera le cas échéant que les conséquences matérielles de la
perquisition (par exemple une porte fracturée), mais nullement l’atteinte à la
réputation de la personne qui en a fait l’objet à tort.
Pour autant, ces actions a posteriori, largement inutiles, et d’ailleurs, pour
cette raison, inutilisées, sont regardées comme suffisantes par le Conseil
constitutionnel. Il estime « que si les voies de recours prévues à l’encontre d’une
décision ordonnant une perquisition sur le fondement des dispositions contestées ne
peuvent être mises en œuvre que postérieurement à l’intervention de la mesure, elles
permettent à l’intéressé d’engager la responsabilité de l’État ; qu’ainsi les personnes
intéressées ne sont pas privées de voies de recours, lesquelles permettent un contrôle
de la mise en œuvre de la mesure dans des conditions appropriées au regard des
circonstances particulières ayant conduit à la déclaration de l’état d’urgence ». On se
rassurera en notant que cette solution est justifiée par les « circonstances
particulières ayant conduit à la déclaration de l’état d’urgence » (n° 2016-536 QPC,
19 février 2016, Ligue des droits de l’homme).

b) Nécessité et proportionnalité des peines

Le principe de nécessité des peines, découlant de l’article 8 de la DDHC,


conduit à enserrer dans certaines limites la possibilité pour le législateur d’instituer
des cumuls de poursuites. Si en lui-même, l’adage non bis in idem (interdiction qu’une
personne soit punie deux fois pour les mêmes faits) n’a pas valeur constitutionnelle et
peut donc être écarté par une loi (n° 82-143 DC, 30 juillet 1982, Loi sur les prix et
les revenus, cons. 13), la possibilité d’instituer des cumuls de poursuites ou d’actions
est en revanche encadrée.
La formule jurisprudentielle, telle qu’elle s’était stabilisée en 2015,
permettait au législateur d’instaurer un cumul dès lors que l’une des quatre
conditions suivantes n’était pas remplie : les sanctions ne tendent pas à réprimer les
mêmes faits qualifiés de même manière ; les deux procédures ne protègent pas les
mêmes intérêts sociaux ; elles aboutissent au prononcé de sanctions de nature
différente ; elles ne sont pas conduites devant le même ordre de juridiction (n° 2014-
453/454 QPC et 2015-462 QPC, 18 mars 2015, M. John L. et autres). En 2016, le
Conseil constitutionnel a confirmé ces critères dans une décision du 14 janvier
(n° 2015-513/514/526 QPC, M. Alain D. et autres). Il a ensuite supprimé la
quatrième condition dans deux décisions du 24 juin 2016 (n° 2016-545 QPC,
M. Alec W. et autre, pt. 8 ; n° 2016-546 QPC, M. Jérôme C., pt. 8). Peu importe,
désormais, que les poursuites se trouvent conduites ou non devant le même ordre de
juridiction. Le Conseil a fait application de ces critères dans plusieurs décisions.
D’abord en matière de fraude fiscale (n° 545 et 546 QPC). La loi prévoit, en
cas de manquement délibéré du contribuable, une majoration de 40 %, portée à
80 % dans certains cas d’abus de droit ou si le contribuable s’est rendu coupable de
manœuvres frauduleuses. Une procédure pénale peut parallèlement être mise en
œuvre, pour dissimulation volontaire des sommes soumises à l’impôt, pouvant
conduire à des peines d’amendes et d’emprisonnement. Le Conseil estime que
l’exercice simultané de ces deux actions « ne peut (…) être regardé comme
conduisant à l’engagement de poursuites différentes aux fins de sanctions de faits
identiques en application de corps de règles distincts » (pt. 23). Il admet en
conséquence le cumul, en l’assortissant toutefois de deux réserves. D’une part, la
majoration ne peut s’appliquer « qu’aux cas les plus graves de dissimulation
frauduleuse de sommes soumises à l’impôt. Cette gravité peut résulter du montant
FRANCE 851

des droits fraudés, de la nature des agissements de la personne poursuivie ou des


circonstances de leur intervention ». D’autre part, « un contribuable qui a été
déchargé de l’impôt par une décision juridictionnelle devenue définitive pour un
motif de fond » ne pourra « être condamné pour fraude fiscale ».
Le cumul a également été autorisé en matière commerciale au motif que les
sanctions encourues étaient « de nature différente ». Le juge civil pouvait condamner
à la faillite personnelle ou à l’interdiction de gérer, le juge pénal à une peine
d’emprisonnement et à une peine d’amende (n° 2016-573 QPC, 29 septembre 2016,
M. Lakhdar Y.).
Également rattaché à l’article 8 de la DDHC, le principe de proportionnalité
des peines a été appliqué au domaine du cumul de sanctions comme en dehors de
celui-ci. Dans la lignée d’une jurisprudence constante (v. not. n° 89-260 DC,
28 juillet 1989, Loi relative à la sécurité et à la transparence du marché financier, cons.
22), le Conseil rappelle le principe : « Si l’éventualité que deux procédures soient
engagées peut conduire à un cumul de sanctions, le principe de proportionnalité
implique qu’en tout état de cause le montant global des sanctions éventuellement
prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions
encourues ». Il réitère ensuite la réserve dont il assortit systématiquement son
énoncé : « lorsque plusieurs sanctions prononcées pour un même fait sont
susceptibles de se cumuler, le principe de proportionnalité implique qu’en tout état
de cause, le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas
le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues. Il appartient donc aux
autorités juridictionnelles compétentes de veiller au respect de cette exigence et de
tenir compte, lorsqu’elles se prononcent, des sanctions de même nature
antérieurement infligées ». Ce rappel a été fait notamment à propos du cumul de
sanctions pénales et fiscales (n° 2016-546 QPC) et au cumul de sanctions pénales et
disciplinaires (n° 2016-550 QPC, 1er juillet 2016, M. Stéphane R. et autre, pt. 8).
Si la formulation d’une réserve sauve généralement de l’inconstitutionnalité
les cumuls risquant d’aboutir à des sanctions excessives, la censure s’impose en
revanche lorsqu’une sanction envisagée isolément s’avère en elle-même
disproportionnée. Tel était le cas d’une sanction pouvant être prononcée en cas de
dissimulation d’un compte à l’étranger. La loi prévoyait que l’amende était fixée en
pourcentage du solde du compte non déclaré à l’administration fiscale. Le Conseil
estime qu’en prévoyant « une amende proportionnelle pour un simple manquement
à une obligation déclarative, le législateur a instauré une sanction manifestement
disproportionnée à la gravité des faits qu’il a entendu réprimer » (n° 2016-554 QPC,
22 juillet 2016, M. Gilbert B, pt. 6).

c) Personnalité des peines

Les principes résultant des articles 8 et 9 de la Déclaration de 1789


s’étendent à « toute sanction ayant le caractère d’une punition, même si le législateur
a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non juridictionnelle » (n° 82-
155 DC, 30 décembre 1982, Loi de finances rectificative pour 1982, cons. 33). Tel est
notamment le cas du principe de personnalité des peines (selon lequel « nul ne peut
être punissable que de son propre fait ») dont la jurisprudence a reconnu
l’application aux amendes civiles (n° 2010-85 QPC, 13 janvier 2011, Établissements
Darty et Fils, cons. 3). Ce principe est-il méconnu par une disposition permettant,
dans le cadre d’une fusion-absorption, d’infliger une amende civile à l’entreprise
absorbante à raison de pratiques imputables à l’entreprise absorbée ? Le Conseil
constitutionnel répond positivement. Compte tenu « de la mutabilité des formes
juridiques sous lesquelles s’exercent les activités économiques », le législateur
852 CHRONIQUES

pouvait rendre l’entreprise bénéficiaire de la fusion responsable des agissements de


l’entreprise absorbée (n° 2016-542 QPC, 18 mai 2016, Société ITM Alimentaire
International SAS).

4.- Le principe d’égalité

Le principe d’égalité occupe toujours une place déterminante dans le


contentieux constitutionnel, qu’il s’agisse des décisions DC ou des décisions QPC,
du principe d’égalité en général (727 DC, 729 DC, 732 DC, 736 DC, 739 DC, 741
DC, 742 DC ; 510 QPC, 515 QPC, 516 QPC, 519 QPC, 520 QPC, 521/528 QPC,
522 QPC, 530 QPC, 534 QPC, 537 QPC, 538 QPC, 539 QPC, 541 QPC, 551
QPC, 553 QPC, 558/559 QPC, 560 QPC, 563 QPC, 564 QPC, 566 QPC, 573
QPC, 571 QPC, 582 QPC, 587 QPC, 588 QPC, 591 QPC, 592 QPC, 599 QPC,
602 QPC) ou de ses différentes déclinaisons, égalité du suffrage (729 DC, 521/528
QPC), égalité dans le déroulement de carrière (732 DC), égalité devant les charges
publiques (737 DC, 743 DC, 744 DC, 515 QPC, 517 QPC, 520 QPC, 529 QPC,
537 QPC, 538 QPC, 539 QPC, 540 QPC, 553 QPC, 571 QPC, 587 QPC, 592
QPC), égalité devant la justice (741 DC, 532 QPC, 544 QPC), égalité devant la loi
pénale (512 QPC, 599 QPC), égalité devant la procédure pénale (601 QPC), égalité
devant les calamités nationales (530 QPC), égalité entre les collectivités territoriales
(547 QPC, 589 QPC) et égalité d’accès à la formation professionnelle (558/559
QPC).
D’une manière générale, la disparition du « considérant » n’a pas altéré ce
qui est désormais le « paragraphe » synthétisant l’appréciation par le Conseil
constitutionnel du respect du principe d’égalité : « Aux termes de l’article 6 de la
Déclaration de 1789 : « La loi... doit être la même pour tous, soit qu’elle protège,
soit qu’elle punisse ». Le principe d’égalité ne s’oppose ni à ce que le législateur règle
de façon différente des situations différentes ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des
raisons d’intérêt général, pourvu que, dans l’un et l’autre cas, la différence de
traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit ». À
cette formule générale, s’ajoute une précision, ponctuelle : « si, en règle générale, ce
principe impose de traiter de la même façon des personnes qui se trouvent dans la
même situation, il n’en résulte pas pour autant qu’il oblige à traiter différemment
des personnes se trouvant dans des situations différentes » (739 DC, cons. 39).
Dans la décision du 21 janvier 2016, Loi de modernisation de notre système de
santé, à deux titres au moins l’appréciation du principe d’égalité mérite d’être
relevée. D’une part, il est opposé, avec les principes d’accessibilité, d’intelligibilité,
de clarté de la loi et l’incompétence négative, à une disposition législative qui pose
une irresponsabilité pénale des intervenants agissant dans le cadre de la politique de
réduction des risques et des dommages en direction des usagers de drogues. Pour les
requérants, l’exonération de certains professionnels de leur responsabilité pénale en
cas d’infraction à la législation sur les stupéfiants porte une atteinte disproportionnée
au principe d’égalité. Le Conseil constitutionnel considère qu’« eu égard au
périmètre de cette immunité et à l’objectif que s’est fixé le législateur, la différence
de traitement qui en résulte ne méconnaît pas le principe d’égalité » (727 DC, cons.
30). D’autre part, la création à titre expérimental de salles de consommation à
moindre risque au sein des centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des
risques et des dommages pour usagers de drogues est également dénoncée au regard
du principe d’égalité. Plus précisément, le dispositif contesté pour violation du
principe d’égalité concerne le dispositif qui prévoit que les personnes majeures
consommant des drogues qui souhaitent bénéficier de conseils en réduction de
risques sont autorisées, dans ces salles, à détenir les produits destinés à leur
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consommation personnelle et à les consommer et que le professionnel intervenant


dans ces espaces ne peut être poursuivi pour complicité d’usage illicite de stupéfiants
et pour facilitation de l’usage illicite de stupéfiants. Les députés requérants
soutiennent que ce dispositif « méconnaîtrait le principe d’égalité devant la loi dès
lors que l’immunité qu’elles instaurent n’est pas justifiée par un motif d’intérêt
général et que le critère de la présence dans une salle de consommation à moindre
risque est inapproprié ». Le Conseil constitutionnel rappelle le cadre général de son
contrôle portant sur l’expérimentation législative : « si, sur le fondement de l’article
37-1 de la Constitution, le Parlement peut autoriser, dans la perspective de leur
éventuelle généralisation, des expérimentations dérogeant, pour un objet et une
durée limités, au principe d’égalité devant la loi, il doit en définir de façon
suffisamment précise l’objet et les conditions et ne pas méconnaître les autres
exigences de valeur constitutionnelle » (cons. 35). L’expérimentation autorise ainsi
des dérogations à la Constitution, ce dont on ne manque pas de toujours s’étonner
(décision de principe, 557 DC), et en particulier au principe d’égalité. En l’espèce, la
durée maximale de l’expérimentation a été posée par le législateur, l’objet et les
conditions de l’expérimentation sont suffisamment précis et donc « qu’en adoptant
les dispositions contestées le législateur a instauré une différence de traitement en
rapport avec l’objet de la loi » (cons. 38).
Dans la décision du 21 avril 2016, Loi organique de modernisation des règles
applicables à l’élection présidentielle, le Conseil constitutionnel a prononcé une réserve
d’interprétation en s’appuyant sur le principe d’égalité entre les candidats concernant
les modalités de présentation des candidats par les catégories de citoyens habilités. À
propos de l’obligation de présenter exclusivement par voie postale les parrainages
pour certains élus jusqu’à l’entrée en vigueur des dispositions législatives relatives au
vote électronique, il précise « ne sauraient avoir pour objet ou pour effet, sans
méconnaître le principe d’égalité entre candidats, de faire obstacle à ce que, saisi par
des personnes habilitées à présenter des candidats à l’élection du président de la
République, le Conseil constitutionnel puisse prendre en considération des
circonstances de force majeure ayant gravement affecté l’expédition et
l’acheminement des présentations dans les jours précédant l’expiration du délai de
présentation des candidats à l’élection du président de la République » (729 DC,
cons. 6).
Dans la décision du 19 février 2016, Commune d’Éguilles et autre, les règles de
composition de l’organe délibérant d’une métropole sont notamment contestées au
regard du principe d’égalité devant le suffrage. Selon les requérants, ces règles, en
améliorant « la représentativité des membres de l’organe délibérant de la métropole
issus des communes les plus peuplées de la métropole d’Aix-Marseille-Provence »,
« altèrent la représentativité de ceux des autres communes désignés à la
représentation proportionnelle à la plus forte moyenne » (521/528 QPC, cons. 5).
Face à ce grief, le Conseil constitutionnel s’appuie sur l’article 72 alinéas 1 et 3,
l’article 3 alinéa 3 de la Constitution et l’article 6 de la Déclaration des droits de
l’homme et du citoyen du 26 août 1789 pour juger « que, dès lors que des
établissements publics de coopération entre les collectivités territoriales exercent aux
lieu et place de celles-ci des compétences qui leur sont dévolues, leurs organes
délibérants doivent être élus sur des bases essentiellement démographiques ; que s’il
s’ensuit que la répartition des sièges doit respecter un principe général de
proportionnalité par rapport à la population de chaque collectivité territoriale
membre de l’établissement public de coopération, il peut être toutefois tenu compte,
dans une mesure limitée, d’autres considérations d’intérêt général » (cons. 8). En
l’espèce, il a jugé « qu’en attribuant des sièges supplémentaires à la représentation
proportionnelle à la plus forte moyenne aux communes qui se sont vus allouer des
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sièges lors de la première répartition selon la même règle, le législateur a permis que
la représentation des communes les plus peuplées de la métropole se rapproche de la
représentation moyenne de l’ensemble des communes de la métropole ; que
l’attribution de ces sièges a pour effet de réduire substantiellement l’écart entre le
rapport du nombre de membres de l’organe délibérant alloués à une commune et sa
population et le rapport du nombre total de membres de l’organe délibérant et la
population de la métropole ; que si, dans le même temps, cette attribution a pour
conséquence d’accroître « l’écart à la moyenne » pour certaines communes, ces
dernières ne représentent qu’une faible part de l’ensemble des communes et de
l’ensemble de la population de la métropole ; qu’il s’ensuit que les dispositions du
4°bis du paragraphe IV de l’article L. 5211-6-1 du Code général des collectivités
territoriales, qui ont pour effet d’améliorer la représentativité des membres de
l’organe délibérant de la métropole d’Aix-Marseille-Provence, ne méconnaissent pas
le principe d’égalité devant le suffrage » (cons. 11).
La décision du 10 mai 2016, Mme Ève G., illustre un cas de constat de
violation du principe d’égalité. Les dispositions contestées ont pour objet de déroger
au principe de l’imposition commune des couples mariés lorsque l’un des époux est
fiscalement domicilié hors de Nouvelle-Calédonie, ce qui conduit à priver chacun
des conjoints de l’application du quotient conjugal pour ceux de leurs revenus
taxables en Nouvelle-Calédonie. Pour le Conseil constitutionnel, la loi institue « de
ce fait une différence de traitement entre les couples mariés selon que chacun des
deux époux est ou non fiscalement domicilié en Nouvelle-Calédonie » (539 QPC,
cons. 7). Or, en vertu de la loi, les couples mariés sont, au regard de l’application du
principe de l’imposition commune, dans la même situation qu’ils aient ou non des
domiciles distincts. Le Conseil constitutionnel relève qu’en « excluant l’application
du quotient conjugal aux revenus taxables en Nouvelle-Calédonie des couples mariés
dont l’un des époux n’a pas son domicile fiscal en Nouvelle-Calédonie, le législateur
de la Nouvelle-Calédonie a voulu neutraliser les effets favorables susceptibles de
résulter de l’application du quotient conjugal aux seuls revenus imposables en
Nouvelle-Calédonie ». Toutefois, il conclut que « la différence de traitement
instituée n’est pas justifiée par une différence de situation en rapport avec l’objectif
poursuivi de neutralisation de l’effet du quotient conjugal qui est le corollaire, en
l’état du droit, de l’imposition commune des époux » (cons. 9).

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