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N° ISBN : 978-2-210-97485-2
Page de copyright
Dédicace
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Résumé du livre
1
À quoi bon :
Allongé sur mon lit, en pyjama alors qu’il est midi, j’ai les yeux rivés
sur mon smartphone. Au lieu de traîner sur TikTok ou Netflix, moi, je passe
ma vie à regarder des vidéos qui me remplissent la tête de craintes au lieu
de la vider :
Je sais que je devrais arrêter. En fait, je sais tout ça, mais, rien à faire,
c’est plus fort que moi.
Alors que je me plonge dans une capsule qui récapitule le rapport
alarmant du GIEC 1, Rachel frappe à la fenêtre. C’est son privilège de
voisine. Elle et moi, on a grandi côte à côte, au propre comme au figuré.
Pour faciliter nos allées et venues d’une maison à l’autre, mon père a
construit un escalier extérieur qui descend de ma chambre à la plateforme
mitoyenne sur laquelle donne la sienne. Un raccourci que notre amitié
emprunte à toute heure, depuis des années. Rachel et moi, on a partagé les
bobos, les bêtises, les larmes et les rêves, sans compter les fous rires. On a
fréquenté les mêmes parcs, la même crèche, la même école et le même
collège. Cette année, elle est au lycée tandis que je redouble ma troisième.
Chaque matin, on part désormais dans une direction différente et, à la fin
des cours, je reviens seul, sans vraiment m’habituer à son absence.
En plus, maintenant, il y a Eliott. Eliott, Eliott, Eliott. Mes problèmes et
ceux de la planète ne sont plus dans la stratosphère de Rachel. Même si je
suis content pour elle, ça me fiche un coup. Finis ces week-ends sans se
quitter et ces soirées à se mater des films sous un plaid avec un pot de
crème glacée, stracciatella pour elle, caramel au beurre salé pour moi. Ces
derniers temps, chaque fois que j’ai cogné à son carreau, Eliott était là. Ça a
scellé un accord tacite entre nous. Quand Rachel est dispo, c’est elle qui
vient. Moi, de toute façon, je ne bouge jamais de chez moi.
Je lui ouvre et elle enjambe le chambranle, laisse tomber ses baskets sur
le plancher sans aucune délicatesse.
— Toujours devant tes vidéos désastreuses ?
— Et toi, toujours in love ?
— Plus que jamais.
Elle me colle un énorme bisou sur la joue et me sourit autant que si
c’était le plus beau jour de sa vie.
— Allez, stop !
Elle me chipe mon téléphone, ferme l’application et me le renvoie en
gloussant. Elle s’installe sur ma chaise de bureau, y tourne avec les pieds
vite, vite, avant de m’annoncer :
— J’ai réfléchi : Rosalie.
— Raté.
Quand j’ai révélé à Rachel que mes parents avaient choisi le prénom de
ma future petite sœur, elle a parié avec moi que si elle le découvrait, je lui
offrais son abonnement de cinéma pendant six mois.
— Léa ? Alice ? Suzon ?
— T’as droit qu’à une suggestion par vingt-quatre heures, j’te rappelle.
J’observe sa moue faussement déçue. Depuis toujours, Rachel est
espiègle, légère, speedée. Petite, elle ne tenait pas en place, papotait non-
stop et touchait à tout. Ça n’a pas changé.
Sur mon bureau, elle empoigne ma dernière liste, celle des « À quoi
bon ? », et je lui fonce dessus pour l’empêcher d’y jeter un œil.
— C’est quoi ?
— Rends-moi ça !
Elle résiste, la serre contre elle en se tortillant comme un thon rouge sur
le pont d’un chalutier. Dans un éclat de rire, elle m’échappe, grimpe sur
mon lit et me demande :
— Une lettre d’amour ?
— Mais non ! C’est rien, je te dis.
— Ah, alors, si c’est rien, je lis !
Rachel plonge son regard bleu clair dans la feuille saturée de tirets et,
quelques lignes plus tard, il a la noirceur d’un gisement de charbon. Elle me
tend le papier.
— Tiens, ça pèse tellement lourd que ça me tombe des mains.
— T’exagères.
— Je savais pas que c’était à ce point-là.
— Rachel, il y a des tonnes de docus, des articles d’experts, des…
— Je parle pas du réchauffement climatique. Je parle de toi, Nono.
Mon amie m’a attribué ce surnom hyper moche il y a quinze ans, dès
qu’elle a commencé à parler. Aujourd’hui, elle l’emploie surtout lors des
conversations importantes, celles où on se raconte tout, y compris
l’inavouable.
Rachel se mordille les lèvres, redescend sur Terre. Un silence anormal
se glisse entre nous. Elle s’approche, pose ses mains sur mes épaules et me
dévisage avec tant de tendresse que je ne détourne pas la tête. On se fixe.
Pendant plusieurs secondes, elle réfléchit, au lieu de me balancer ce qui lui
traverse l’esprit. Pour une fois, elle se tait, longtemps, avant d’oser un
timide :
— Nono, t’as déjà pensé à consulter un psy ?
5
Et surtout :
Même si son message est rempli d’attention, j’en veux soudain à Rachel
de ne me consacrer que quatre lignes :
Pendant trois jours, son carnet d’émerveillement est resté sur mon
bureau, à me narguer chaque fois que mon regard s’arrêtait sur sa
couverture bleu foncé. Je l’ai ouvert, fermé, déplacé de quelques
centimètres, retourné, rouvert. J’ai remis sans cesse à plus tard. Ce n’était
jamais le bon moment. Ça ne l’est jamais quand on a peur de l’inconnu.
Hier soir, enfin, je me suis raisonné et installé, stylo en main, avec
l’impression d’attaquer une dissertation. J’ai écrit en haut de la première
page :
Et au centre, en grand :
Soudain, mon cerveau a buté sur ces derniers mots. Ils ont résonné dans
mes tempes, dans chacun de mes neurones. Une petite voix s’est
enclenchée, insupportable. Elle a déballé son flot de pensées. Comme
souvent, impossible de l’endiguer, de me sortir la tête de l’eau. J’ai sombré.
Tout est parti en vrille.
La mâchoire crispée par une horrible colère, j’ai arraché la page et
déchiré mes gribouillis. J’ai balancé le cahier de Rachel dans un tiroir avec
soulagement.
Sur le chemin du retour, je lui explique seulement que son carnet est
inutile, désolé, c’était gentil, merci quand même. Alors que je m’arrête
devant chez moi, elle me jette un demi-sourire :
— Tu imaginais vraiment que ça fonctionnerait du premier coup ?
Nono, c’est quoi cet optimisme ?
Elle rigole, grimpe sur le seuil et décide :
— On va s’y mettre à deux, peut-être qu’on aura plus de chance, ok ?
Allez, ouvre, aujourd’hui, j’ai envie d’entrer par la porte plutôt que par la
fenêtre !
Dans ma chambre, Rachel se rue sur mon lit tandis que je ressors son
cadeau de mon bureau. Ses yeux glissent, amusés, sur mon nouveau titre.
— Plus réaliste… mais moins joli !
Elle dévore un cookie, se lèche le bout des doigts et pianote sur son
téléphone.
— « Bonnes nouvelles pour la planète » comme recherche, qu’est-ce
que t’en dis ?
Moins d’une seconde plus tard, elle s’émerveille.
— 44 000 156 résultats ! Franchement, t’as plus qu’à choisir.
Aussi surpris qu’elle, je m’approche de l’écran où s’affichent une
multitude de liens. Rachel clique dessus d’une main frénétique et hop, la
voilà debout, en train de me lire un tas d’informations, façon présentatrice
d’un joyeux JT.
— Nouvelle-Zélande : les banques devront publier l’impact de leurs
investissements sur le climat ! Alors que cette espèce était en voie
d’extinction, près de 70 tortues luths sont nées depuis janvier sur des plages
d’Équateur ! La justice néerlandaise impose à Shell de réduire davantage
ses émissions de CO² ! Le nombre de personnes végétariennes ou véganes
explose à travers le monde ! Une station-service 100 % électrique ouvre au
Royaume-Uni !
Je lève la tête, étonné. Ces derniers mois, j’ai été si obsédé par les
catastrophes en ligne que j’avais perdu de vue le po-si-tif, comme dirait
Rachel. À l’écouter, il suffirait de le chercher pour retrouver un peu
d’espoir ? Apparemment oui. Plus mon amie débite ses good news, plus un
apaisement inattendu se faufile en moi. Rachel le sent et poursuit sa lecture,
encore et encore, jusqu’à ce que mon cerveau sature.
— Attends, attends, j’ai besoin d’une pause. Et fallait que je note, c’est
ça ? T’as cité tellement de choses que j’en ai déjà oublié la moitié.
— C’est exactement ça, Nono ! Il y a trop de bonnes nouvelles !
Je n’en reviens pas.
Le visage de mon amie brille autant que lorsqu’elle me ratatinait au
Stratego. Après une rapide danse de la joie, elle me lance un stylo avec une
confiance déconcertante :
— Vas-y, recopie celles que tu préfères. Moi, je file. Eliott m’a invitée
au ciné.
Déjà, elle enjambe le chambranle de ma fenêtre. Je l’appelle avant
qu’elle ne disparaisse :
— Rachel !
— Ah oui, c’est vrai, j’ai failli oublier : Emma ?
— Encore raté.
On se sourit et j’observe les trois phrases alignées dans mon carnet.
Elles me rassurent sans me soulager vraiment. Bien sûr, elles ont le mérite
d’exister. Reste qu’elles n’ont pas le pouvoir de réduire mes angoisses au
silence. Seulement celui de leur tenir compagnie. Comme Rachel, toujours
à mes côtés. Je lui murmure :
— Merci beaucoup.
— De rien. Avec tout ça, tu as de quoi faire de beaux rêves pendant un
moment, non ?
9
Je m’arrête. Mon imagination est plus douée pour les désastres que pour
les utopies. Ce monde-là n’existera jamais. Mon pouls reprend ses
accélérations. L’humanité va crever et… Noé, le positif, rien que le positif.
Je m’accroche aux conseils de Rachel, respire et tape sur mon téléphone les
mêmes mots qu’elle : « bonnes nouvelles pour la planète ». Depuis presque
deux semaines, je m’efforce de respecter ce rituel pour gérer mes angoisses.
Autant dire que j’ai déjà lu et relu une grande partie des résultats. Parmi ces
good news, il y a vraiment de tout :
Celles-là, je ne les garde pas. Elles ne me réconfortent qu’une
microseconde. Heureusement, d’autres me rassurent plus longtemps. J’en
liste quotidiennement cinq. C’est parti.
De retour dans ma chambre, mon pouls bat si fort qu’il presse ma peau
moite. Mon regard affolé s’arrête sur mon carnet, ricoche sur le mur où j’ai
punaisé la carte géographique confectionnée ce week-end, pleine
d’initiatives écolos presque partout dans le monde. Ce soir, ces bonnes
nouvelles sont dérisoires.
J’enfile mes baskets pour quitter à mon tour la maison. Dans
l’obscurité, je descends l’escalier qui mène à la passerelle voisine et à la
chambre de Rachel. Merde, les rideaux sont tirés, la lumière éteinte. Je
cogne au carreau. Tout en moi la supplie de répondre. Alors que je me délite
dans le froid, la tête de mon amie surgit, chiffonnée de chagrin. Un infime
instant, je culpabilise d’ajouter mes problèmes aux siens.
— Je peux dormir avec toi ?
— Bien sûr, Nono. Qu’est-ce qu’il y a ?
Elle entrouvre sa couette et je me glisse dessous. Cette proximité
soudaine me rappelle nos siestes à la crèche et à la maternelle, cette enfilade
d’après-midi qu’on a vécus blottis l’un contre l’autre, pouce en bouche et
doudous emmêlés. Allongé à ses côtés, je lui raconte le départ précipité de
mes parents, la vie et la mort presque à égalité dans les probabilités, et
Louis aux abonnés absents, encore. Rachel m’apaise, juste parce qu’elle est
là. Je lui dépose un bisou sur la tempe et lui demande :
— Ça va mieux, toi ?
— Bof… mais c’est pas le moment d’en parler.
Elle glisse sa main dans ma paume, la serre fort, et j’ai l’impression
fugace que tout ira bien.
— Nono, j’ai droit à un dernier essai : Célestine ?
Jusqu’au bout, Rachel garde toujours un peu d’espoir.
12
Lorsque nous rentrons seuls à la maison avec mon frère, je me rue sur
mon carnet. Aujourd’hui, inutile de naviguer de site en site pour ajouter une
ligne à mon répertoire :
13
Même si elle a perdu son pari, j’offre à Rachel son abonnement de ciné.
— Merci, tu es fabuleux ! Célestine, Céleste, c’est vrai que j’y étais
presque.
Ce petit cadeau, c’est ma façon de remonter son moral qui fond à la
vitesse du permafrost. Eliott a vraiment pris ses distances. Monsieur
souhaite tellement « respirer » qu’il s’éclipse chaque jour un peu plus. Leur
pause prend des airs de rupture.
— Il ose pas me larguer, je le sens, Nono. Peut-être qu’il est en crush
avec une autre ? À ton avis, c’est possible d’oublier d’un coup ses
sentiments ?
Je n’ai pas la lâcheté de lui promettre que « ça va s’arranger », d’autant
plus que ce crétin d’Eliott se barre en Égypte pendant les vacances
d’automne.
— C’est un drame, Nono !
Pas que pour elle. Ce vol vers le soleil annulera l’ensemble de mes
gestes quotidiens qui pèsent déjà si peu dans la balance : manger végétarien,
me déplacer à pied, en trottinette, en vélo ou en métro, acheter de seconde
main et en vrac, porter une couche de plus en hiver, boire dans ma gourde
plutôt que dans des bouteilles à usage unique, et j’en passe.
Rachel s’agace :
— Hé ! tu m’écoutes pas. À quoi tu penses ?
— À ton Eliott qui est doublement con : de te négliger et de prendre
l’avion à la première occasion.
Mon amie est trop déçue de lui pour répondre à mon clin d’œil par un
sourire. Comme souvent, ces derniers temps, la conversation se remplit de
silences, et Rachel s’envole à des kilomètres de moi. Pour la rapatrier sur
Terre, je complète :
— Certains cons sont parfois plus intelligents qu’on l’imagine et
capables de changer, cela dit.
Grâce à Louis, je peux désormais prononcer cette phrase dégoulinante
d’optimisme. Depuis la naissance de Céleste, lui et moi, on s’organise seuls
au quotidien puisque nos parents sont non-stop à la maternité. Au début, j’ai
eu l’impression de cohabiter avec un courant d’air. Et j’ai piqué une crise :
— C’est moi qui gère tout, t’es jamais là ! Même le soir de
l’accouchement, t’étais pas dispo. T’avais quoi de si important,
franchement ?
Mon frère a levé les yeux au ciel comme si j’étais maman.
— Tu diras rien, juré ?
J’ai acquiescé et il m’a jaugé plusieurs secondes avant de m’avouer :
— Avec des potes, on organise des light off tous les soirs à 22 heures.
— Hein ?
— Des light off. T’es l’écolo de la famille et tu sais pas ce que c’est ?
Il a démarré une vidéo sur son téléphone et m’a expliqué :
— On éteint les enseignes des magasins pour la nuit en appuyant sur les
interrupteurs de sécurité en façade. Le défi, c’est de réussir du premier
coup. Regarde, c’est cool. Je m’élance, clac, appui du pied sur le mur, petit
saut, et voilà le travail. Totalement légal, en plus. Pas de raisons de gaspiller
l’énergie de la planète pour des commerces fermés en soirée, pas vrai ?
Devant ces images, une lumière s’est tout de suite allumée dans ma
tête : si même Louis se bougeait, pourquoi, moi, je restais cloîtré à lister des
good news pour personne ?
Le soir même, alors que mon frère s’échappait pour une fois par la porte
d’entrée, j’ai adapté le titre de mon carnet :
J’ai cherché quelques actions, à ma mesure. Pas simple, mais plus facile
que de raccommoder le cœur en miettes de Rachel. Faute de mieux, j’ai
proposé à mon amie de rentabiliser son abonnement de ciné, avec moi et de
la crème glacée en cadeau, bien entendu.
14
Je commente :
— Dans les pires moments, ça me remonte le moral de savoir que j’ai
un minimum de pouvoir. Et au moins, ça change un truc pour moi.
Certains élèves acquiescent. Sauvé. J’ai presque terminé. Une grande
respiration, et je conclus, de mémoire cette fois :
— En fait, l’idéal, ce serait que nous tous, ensemble, on devienne une
de ces raisons d’espérer, de croire que ce monde vaut encore le coup de
s’engager. Je sais, c’est un peu naïf, mais je vous rappelle qu’en ce moment,
j’essaie d’être optimiste… Alors, ça vous paraît possible ?
Je n’ai pas l’occasion de clôturer avec le merci d’usage que Da Silva
m’applaudit, suivi par l’intello du groupe. Trois secondes plus tard, Julia et
Pablo, des inséparables auxquels je prête rarement attention, s’y mettent. De
clap en clap, toute ma classe embraye, pour le plaisir de taper des mains
plus que pour approuver mon exposé. La preuve du point de bascule, en
direct.
La sonnerie interrompt les applaudissements et, déjà, les chaises raclent
le carrelage. Avant de quitter le local, quelques-uns me lancent un clin d’œil
et Liam s’arrête en vitesse à ma hauteur pour me gratifier d’un :
— Il déchire, ton tee-shirt.
Je porte mon préféré, On ne peut pas recycler le temps perdu. Sur son
banc, il a oublié le pense-bête que j’ai distribué avec les chouettes assos et
les boutiques solidaires qu’il y a près du collège. Pas grave, d’autres élèves
l’ont glissé dans leur sac.
Soudain, Julia et Pablo s’approchent et, à la manière dont ils me
scrutent, je comprends qu’ils ont une énorme ressemblance avec moi.
— T’as eu un courage de dingue de partager ton expérience. Nous, on
n’en parle pas, à part sur nos comptes Insta, planqués derrière nos pseudos.
— Les listes, c’est une super idée. Ça aussi, on n’y aurait pas pensé.
On s’observe, gênés et surpris d’échanger avec autant de facilité alors
qu’on ne s’adresse jamais la parole, d’habitude.
— Si ça te tente, on va se balader au bois à la fin des cours. Une demi-
heure de métro et tu profites d’un bain de nature en pleine ville. Ça aussi, ça
fait un bien fou !
Quand on sort du bâtiment, tous les trois, Rachel accourt et me saute au
cou :
— Je parie que t’as assuré grave !
— J’irais pas jusque-là, mais je pense que j’ai géré…
— Bravo, Nono !
Elle est tellement excitée que je ne lui en veux pas d’employer mon
surnom en public.
— Tu sais quoi ? Moi aussi, j’ai une good news !
— Laisse-moi deviner. Le réchauffement planétaire est maintenu à
1,5° ?
— Je vois Eliott ce soir ! C’est lui qui l’a proposé. C’est bon signe,
hein ? Tu crois qu’il m’aime ?
Pour couper court à sa ribambelle de questions, je me tourne vers Julia
et Pablo, qu’elle a à peine aperçus :
— Voici ma meilleure amie. Elle parle beaucoup, mais elle est adorable.
Les listes positives, c’est elle. Elle peut venir avec nous ? Rachel, tu as le
temps pour une balade avant ton rencard ?
Elle acquiesce, et je lui murmure :
— Je ne sais pas si Eliott t’aime, mais moi, en tout cas, je t’adore.
18
Un mois plus tard, mon père et moi, on donne son bain à Céleste.
— Pa, c’est moi ou elle est plus grande qu’hier ?
— Tout le monde grandit à une de ces vitesses, ces dernières semaines !
Il m’éclabousse, taquin, et ma petite sœur bat des pieds.
— Ouais, mais certains jours, ça reste aussi compliqué dans ma tête que
dans le monde.
— Tu me rassures !
Il tord l’éponge, me la tend en échange d’une serviette et poursuit avec
sérieux :
— Effondrement ou pas, le plus dur est à la fois derrière et devant, et
c’est désespérant. Sauf si on est ensemble pour l’affronter.
Céleste gazouille comme pour confirmer qu’il a raison. Dans son
peignoir à la capuche en forme de canard, elle nous sourit. Et ça suffit à
enrober mes incertitudes de bonheur.
Dès que je m’installe à mon bureau pour l’indiquer sur l’une des
dernières pages de mon carnet, mon téléphone vibre :