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Journal I sur Jane Austen de l’édition Le livre de Poche 2011

L’arrivée de Mr Bingley au domaine de Netherfield


Dès les premiers chapitres du roman, un nouvel homme s’installe près de la demeure des
Bennet, soit Mr Bingley. Toute la famille en parle. Avant même l’avoir rencontré, on
veut le marier à l’une des filles, il devient une figure romantique par excellence pour ces
dernières, une future source monétaire pour la mère, et un beau-fils convoité par le père.

 C’est une vérité universelle reconnue qu’un célibataire pourvu d’une belle fortune
doit être en quête d’une épouse. Si secrets que puissent être les sentiments ou les
visées d’un homme lorsqu’il s’installe quelque part, cette vérité est tellement
ancrée dans l’esprit des familles des environs qu’elles voient en lui la propriété
légitime de l’un ou l’autre de leur fille. (p. 35)
 - Oh ! Il est célibataire mon cher, cela ne fait aucun doute ! Un jeune homme
seul et fortuné : quatre ou cinq mille livres de rente annuelle. Quelle aubaine pour
nos filles !
- Ah bon ? En quoi cela peut-il les concerner ?
- Mon cher Mr Bennet, répondit sa femme, ce que vous pouvez être pénible!
Sachez que je pense à lui faire épouser l’une d’entre elles. (p. 36)
 Mr Bennet fut l’un des tout premiers à rendre visite à Mr Bingley. Il avait toujours
eu l’intention de le faire, même si, jusqu’au dernier moment, il avait dit le
contraire à sa femme ; le lendemain de cette visite, elle ignorait encore qu’il
l’avait faite. (p. 39)
 Malgré cela, toutes les questions que Mr Bennet, assisté de ses cinq filles, put
poser à ce sujet ne lui permirent pas d’obtenir de son mari une description
satisfaisante de Mr Bingley. Elles s’y prirent de différentes façons, par des
questions impertinentes, des suppositions ingénieuses et de vagues hypothèses,
mais il déjoua leurs ruses et elles durent finalement s’en remettre aux
informations de secondes mains fournies par leur voisine, Lady Lucas. (p. 43)
 Elle en parlait de façon très favorable. Sir William l’avait trouvé charmant. Il était
fort, jeune, merveilleusement beau, tout à fait aimable et, pour couronner le tout,
il comptait se rendre au prochain bal avec un important groupe d’amis. Rien ne
pouvait être plus délicieux ! Aimer la danse, c’était assurément un premier pas
pour aimer tout court, et l’on fonda de grandes espérances sur la conquête du
cœur de Mr Bingley. (p. 43)

J’apprécie grandement le décorum entourant l’entrée de Mr Bingley. Tout le monde se


forme une idée magnifique de ce dernier sans le connaître et son entrée en devient
magique. Le fait que Mr Bennent refuse de le décrire rajoute à l’effet excitant, mystérieux
qu’entraîne l’arrivée de ce garçon. Enfin, comme dans l’Émile, lorsque ce dernier
s’éprend de Sophie sans la connaître, l’illusion créée par l’inconnu enflamme l’amour.

Dans l’Émile par contre, ce n’était pas tant un mérite mystérieux qui charmait le jeune
homme, mais des attributs assez hasardeux comme le nom Sophie, ou sa voix charmante.
Ici, la beauté du jeune homme, ses manières, son caractère aimable, plein de traits
estimables, le rendent admirable. Peut-être que des aspects insignifiants comme un
prénom et des vertus incroyables ont un même poids lorsqu’ils représentent une personne
qu’on magnifie et qu’on méconnaît ? L’illusion aurait juste besoin de détails pour
fonctionner. Mais c’est détails ne peuvent être relatifs, il doit y avoir un lien entre le nom
de Sophie et les belles vertus de Mr Bingley.

Sinon, j’adore qu’il y ait déjà question d’un bal. L’appréhension de ce dernier exacerbe le
désir des jeunes femmes. Elles se préparent à rencontrer un bel inconnu et le roman
débute déjà à me passionner.

Les réputations des nouveaux arrivants

Lors du bal, la réputation des hommes inconnus jusqu’alors par la famille Bennet se solde
rapidement. On dit de Mr Bingley qu’il est distingué, beau et Mr Darcy paraît d’abord
charmant, plus que Bingley même, puis il se donne des airs hautains, refuse de danser et
se fait juger comme le pire des égoïstes.

 Mr Bingley était un bel homme distingué, son visage était agréable, ses manières
simples et naturelles. Ses sœurs étaient jolies et d’une élégance incontestable.
Son beau-frère, Mr Hurst, avait seulement l’allure d’un gentleman, mais son ami,
Mr Darcy, attira bientôt les regards de l’assemblée : il était grand et mince, avait
de beaux traits, un maintien noble. (p. 44)
 Cinq minutes après son arrivée, on murmurait qu’il avait dix mille livres de rente.
Les messieurs s’accordèrent à louer sa prestance, les dames le décrétèrent bien
plus séduisant que Mr Bingley et, pendant la première moitié de la soirée ; il
suscita l’admiration générale ; ensuite, ses manières déplurent et sa popularité en
pâtit. On s’aperçut qu’il était orgueilleux, qu’il se donnait des airs supérieurs et
qu’il possédait dans le Derbyshire, on le jugea antipathique et désagréable.
 Mr Darcy n’avait dansé qu’une fois avec Mrs Hurst et qu’une fois avec Miss
Bingley : il avait refusé d’être présenté à aucune autre femme et avait passé le
reste de la soirée à se promener de long en large dans le salon, parlant de temps à
autre à son groupe d’amis. Sa réputation était faite. C’était l’homme le plus
orgueilleux, le plus désagréable qui fût, et tout le monde espérait qu’il ne
remettrait plus les pieds ici. (p. 45)

Je trouve les jugements très rapides et exagérés sur Mr Darcy. Ce dernier en une soirée
paraît à tous comme un homme terriblement désagréable, parce qu’il danse peu, c’est
hâtif et intense. En même temps, il est vrai que nous jugeons les gens rapidement dans la
vie, c’est humain, il me semble. Moins rationnel, parce qu’on ne se laisse pas le temps de
vraiment comprendre la personne, mais habituel. J’ignore pourquoi on est si rapidement
prompt au jugement et si c’est nécessairement une mauvaise chose. Dans le roman, ces
nombreux regards sur les nouveaux venus enrichissent le récit, ils le rendent plus
dynamique, moins ennuyeux, peut-être qu’on juge ses prochains pour contrer l’ennui.

Relation entre Jane et Mr Bennet

Après avoir dansé deux fois avec le charmant nouveau venu, Jane commence à le
fréquenter plus fréquemment jusqu’à établir une relation romantique avec lui. Cette
relation n’est pas tant mise de l’avant par Jane Austen, ce qui transparaît beaucoup, c’est
les paroles sur cette dernière et donc différentes perspectives de l’amour dites par ces
jeunes curieuses.
 Une fois que Jane et Élisabeth furent seules, la première qui s’était jusque-là
montrée réservée sur le compte de Mr Bingley dit à sa sœur combien elle
l’admirait.
- Il est exactement ce qu’un jeune homme doit être, dit-elle, sensé, gai et enjoué
; je n’avais encore jamais observé de manières si avenantes ! Tant d’aisance
alliée à tant de distinction. (p. 49)
 Neuf fois sur dix, une femme ferait bien de montrer davantage ce qu’elle ressent
vraiment. Ta sœur plaît à Mr Bingley, c’est certain, mais il est impossible qu’il
en reste là si elle n’y met pas un peu du sien.
- Mais elle le fait autant que sa nature le lui permet. Si moi je m’aperçois du
penchant qu’elle a pour lui, il faudrait qu’il soit idiot pour ne pas le voir aussi.
- Rappelle-toi Élisa, qu’il connaît moins bien que toi le caractère de ta sœur.
- Mais si une femme éprouve un sentiment particulier pour un homme et qu’elle
ne cherche pas à le cacher, c’est à lui de le découvrir.
- Oui, peut-être, s’il la voit assez souvent. Mais, bien que Bingley et Jane se
voient fréquemment, ils ne sont jamais très longtemps ensemble et, comme ils
sont toujours au milieu de beaucoup de monde, ils ne peuvent pas passer leur
temps à se parler. Jan devrait donc profiter de chaque instant où elle a la
possibilité d’attirer son attention. Quand elle sera sûre de ses sentiments, elle
pourra alors l’aimer autant qu’elle voudra.
- Ta stratégie est bonne, répliqua Élisabeth, lorsqu’il ne s’agit que du désir de
faire un beau mariage, et je dois dire que je l’adopterais moi aussi si j’étais
déterminée à avoir un mari riche ou un mari tout court. Mais ce ne sont pas là
les sentiments de Jane : elle n’agit pas de manière préméditée. Pour le
moment, elle ne sait pas si elle est vraiment éprise ni si ses sentiments sont
bien raisonnables. Elle ne le connaît que depuis quinze jours. Elle a dansé à
quatre reprises avec lui. Ce n’est certainement pas suffisant pour connaitre son
caractère. (p. 58-59)
- Eh bien, dit Charlotte, je souhaite de tout mon cœur que Jane réussisse ; et si
elle l’épousait demain, je crois qu’elle aurait autant de chances d’être heureuse
que si elle devait passer une année complète à étudier son caractère. Le
bonheur dans le mariage n’est que l’effet du hasard. Le fait que chacun se
connaisse parfaitement, ou ressemble à l’autre avant de se marier, ne garantit
en rien à l’avance le bonheur d’un couple. Chacun finit toujours par devenir
assez différent de l’autre pour avoir son lot de déconvenues; et mieux vaut
connaître aussi peu que possible les défauts de la personne avec qui vous
devrez passer votre vie. (p. 59)

Je trouve Charlotte bien pessimiste sur l’amour. Penser le mariage comme quelque chose
à régler le plus rapidement possible, au-delà des sentiments qu’on doit vivre avant, me
paraît une bien triste perspective. J’apprécie Élisabeth et sa défense de sa sœur. Il est vrai
qu’il faut prendre son temps et vraiment s’assurer de ses sentiments avant de dire
clairement son intérêt pour l’autre. C’est peut-être quelque chose qu’on perd, cette attente
exaltante, dans notre culture du sans oui c’est non. Avec ces réponses directes, on oublie
les moments d’incertitudes et de non-dit entre deux personnes qui se séduisent. Je pense
encore qu’il est plus sécuritaire d’être clair, on évite ces malentendus qui se transforment
en agression, mais la romance en prend un coup, je suis d’accord. Aussi, ce manque de
signaux clairs permet peut-être d’entretenir l’illusion comme le soutenait Rousseau. On
se questionne à savoir si l’autre nous aime vraiment, et on se l’imagine plus souvent, plus
longtemps, avec des traits magnifiés.

Élisabeth et ses nombreux prétendants

Au travers du premier volume du roman, Élisabeth charme, parfois malgré elle, plusieurs
hommes comme Mr Darcy, Mr Collins et Wickham.

 Au début, Mr Darcy avait à peine concédé qu’il la trouvait jolie, il l’avait


observé au bal sans la moindre admiration, et quand ils s‘étaient rencontrés la
fois suivante, il ne l’avait regardée que pour la critiquer. Mais il n’eut pas plus
tôt démontré à ses amis que ses traits n’avaient rien de remarquable qu’il
commença à se rendre compte que l’éclat de ses beaux yeux noirs éclairait son
visage d’intelligence. D’autres découvertes ne tardèrent pas à suivre, tout aussi
mortifiantes. Bien qu’à force de chercher il eût surpris quelques défauts dans
l’harmonie de ses formes, il se vit contraint de reconnaître que sa silhouette était
légère et gracieuse ; et, bien que ses manières ne fussent pas celles du beau
monde, il était séduit par sa gaîté facile. (p. 60)
 Son apparition provoqua la surprise générale. Parcourir cinq kilomètres à pied, si
tôt dans la journée et par si mauvais temps, voilà qui était presque incroyable
pour Mrs Hurst et Miss Bingley, et Élisabeth fut convaincue qu’elles la
méprisaient. […] Mr Darcy parla peu, et Mr Hurst n’ouvrit pas la bouche. Le
premier était partagé entre l’admiration que lui inspirait l’éclat donné à son
visage par l’exercice et la perplexité face au motif de sa venue, qui ne justifiait
pas qu’elle eût fait seule tout ce trajet. (p. 72)
 Élisabeth prit un air malicieux et s’éloigna. Son refus ne lui avait pas nui aux
yeux du jeune homme, et il pensait à elle avec plaisir lorsqu’il fut rejoint par
Miss Bingley.
- Je crois deviner à quoi vous songez, lui dit-elle.
- Cela m’étonnerait fort. (p. 64)
 C’est avec un chagrin qui n’était pas feint que le maître de maison apprit leur
départ imminent […] Pour Mr Darcy, c’était là une bonne nouvelle : il y avait
assez longtemps qu’Élisabeth était à Netherfield. Elle l’attirait plus qu’il n’aurait
voulu et Miss Bingley se montrait impolie envers elle et plus agaçante que
d’habitude à son égard. (p. 105)
 Mr Wickham était l’heureux homme vers lequel convergeaient presque tous les
regards féminins, et Élisabeth l’heureuse femme près de qui il choisit finalement
de s’asseoir. (p. 126)
 Élisabeth reconnut que ses explications étaient fondées et ils continuèrent à
bavarder avec un plaisir réciproque jusqu’à ce que le souper mît fin aux parties de
cartes et permît aux autres dames d’avoir leur part des attentions de Mr Wickham.
(p. 136)
 Et maintenant, il ne me reste plus qu’à vous assurer, dans les termes les plus
éloquents qui soient, de la violence de mes sentiments. (p. 162)
 Vous êtes vraiment charmante ! s’écria-t-il en prenant un air de galanterie
maladroite, et je suis persuadé que dès qu’elles auront reçu la bénédiction de vos
excellents parents, mes propositions ne manqueront pas d’être acceptées. (p. 165)
Je pense qu’Élisabeth charme autant les hommes parce qu’elle est sincère dans ce monde
de manières polies et superficielles. Elle dit ce qu’elle pense bien souvent, elle va voir sa
sœur malgré la pluie, elle discute longuement avec Wickham lorsque plein de femmes
veulent de lui. Enfin, elle est belle aussi, c’est un avantage considérable. Je suis moi-
même complètement charmé. J’ai hâte de découvrir si elle va s’éprendre pour Wickham,
ou comment elle va réagir à Mr Darcy qui semble particulièrement intéressé par elle.

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