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PAGE 35 SQUELETTE
Justine Niogret
PAGE 41 LE MASQUE
Justine Niogret
PAGE 49 LA VAUTOUR
Justine Niogret
Son visage était celui d’un homme sans âge. Une peau
de parchemin doré, percée d’une paire d’yeux qui ne
luisaient que lorsque la lumière du soleil les frappait
selon un certain angle. Des poils drus et épars héris-
saient ses joues maigres. Mais il conservait une carrure
puissante, peu commune aux hommes de son âge. Ses
mains épaisses gardaient un couteau dans son giron.
Après un long silence, il dit dans une langue avho-
réenne parfaite :
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Bragi n’a pas besoin d’un mot, juste de laisser voir l’éclat
de son arme pour exprimer ce qui bout dans sa tête.
Venger son amant. Alentour, elle observe les traces de
l’assaillant dans la neige, et déduit : il attendait derrière
le talus, caché dans les buissons. Il a laissé la colonne
passer devant lui. À son habitude, Ulfdal marchait en
queue de cortège et c’est là que la mort lui a sauté dans
le dos. Ils se sont battus dans le fossé. Pas longtemps.
Sans doute l’assaillant aurait-il pu utiliser une flèche, un
javelot, n’importe quoi qui lui aurait permis de tuer sans
risque. Il ne l’a pas fait. C’est volontairement que l’en-
nemi a engagé un corps-à-corps avec le guerrier le plus
solide de la colonne. Ici, seuls les Vaelkyrs cherchent
à affaiblir les meutes qu’ils traquent en tuant les plus
forts. Prélevant leurs cœurs pour l’offrir à leur Mère des
Glaces privée du sien. Sa fine face blanche tendue de
rage, Bragi ramasse la lance d’os d’Ulfdal. Et d’un bond,
disparaît derrière les ronces gelées.
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Au soir
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Au matin
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— Oui. Je sais. »
Plus tard
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Elle voyait les hommes mourir, les siens, les autres. Les
masses de métal et de chair onduler comme des vagues,
se heurtant, se brisant. Les mouvements répétitifs, les
cris, les chocs. Souffrance, fureur, agonie.
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Mais rien.
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Comment descendre.
J’ai creusé.
Je suis descendu.
Un mur.
J’ai cherché. Cette fois mon sac était plus léger, mes
rations plus maigres.
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Je fais silence.
Que dire.
Silence.
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Mais eux… il n’y avait pas de prière dans leur désir, mais
de la crasse. Pas tous, non. La plupart venaient prier avec
elle, et je les entendais, grands bruits de corps, de râles,
de rires aussi. Ils sortaient de son temple heureux, et
elle était heureuse elle aussi de cette rencontre. Je parle
de ceux qui lui donnaient de vilains noms, je parle de
ceux qui se provoquaient jusqu’à ce que l’un d’eux, les
doigts tremblants, sorte sa bourse et y prenne une pièce
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J’ai grandi sans lui, et son absence n’a pas été doulou-
reuse. Tous les pères meurent, et tous n’ont pas une
poignée de jours pour se voir mourir, pour dire adieu. Le
mien ne m’a pas dit adieu. Il regardait les vautours, les
gras, les repus. Il n’avait pas peur. Mais de quoi peut-on
avoir peur ? Les fins sont déjà toutes écrites.
Cette nuit-là, j’ai rêvé que je volais, haut sur le vent, que
l’immense plaine se déroulait dans toute sa splendeur,
sa violence, son inhumanité. Nous sommes voyageurs
dans les herbes dures, l’endroit n’est pas à nous. Nous
ne faisons que passer. Seuls restent les vautours.
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