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Des chrétiens de feu à la stature du Christ

DES CHRÉTIENS DE FEU


À LA STATURE DU CHRIST

Jubilé d’or et enjeu


du Renouveau charismatique

Préface de Mgr Christian Riesbeck, cc.

Édition Foi Rayonnante

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Des chrétiens de feu à la stature du Christ

Nihil Obstat : + Mgr Christian Riesbeck, cc.,


Censor deputatus 002017
Ottawa, le 10 mai 2017

Imprimatur : +Mgr Terrence Prendergast, archevêque d’Ottawa


Ottawa, le 10 mai 2017

© Copyright 2017, Éditions Foi Rayonnante, Ottawa

Dépôt légal 2017


Bibliothèque et Archives Canada
Bibliothèque nationale du Québec

ISBN : 978-0-9781861-1-1

www.francoiskibwenge.com

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Des chrétiens de feu à la stature du Christ

« Nous avons dépassé le point de réveil ; nous sommes passés au-delà de


la possibilité de restaurer par le biais de la réforme. Le christianisme
doit expérimenter une révolution vitale. » (H. J. Stanley)

« Le plus grand danger du XXe siècle sera une religion sans le Saint
Esprit, des chrétiens sans Christ, des pardons sans repentance, le salut
sans nouvelle naissance, la politique sans Dieu et un ciel sans enfer. »
(William Bush)

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Des chrétiens de feu à la stature du Christ

Remerciements

Je suis très reconnaissant à Albert Lozier et Madeleine Faniel


pour la lecture et la pertinence de corrections qu’ils ont
apportées à ce livre. Et je tiens à remercier de tout cœur
Monseigneur Christian Riesbeck, évêque auxiliaire d’Ottawa,
qui, malgré ses multiples occupations, a accepté de lire et de
préfacer le présent ouvrage.

Dédicace

Je dédie ce livre à tous les groupes de prière en Afrique, en


Haïti, aux États-Unis et au Canada, groupes de frères et soeurs
qui m’ont permis de cheminer et de grandir avec eux dans la
foi et le feu de l’Esprit, lors des Conventions, Congrès, retraites
ou simplement lors des journées de ressourcement. Puisse le
Saint Esprit consumer chacun(e) par le feu nouveau pour une
vie chrétienne victorieuse !

L’abbé François

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Des chrétiens de feu à la stature du Christ

PRÉFACE

’Église existe pour évangéliser. C’est son « identité la plus


profonde », sa raison d’être dans le monde. (EN, no 14). Et
tout acte d’évangélisation implique tout d’abord l’Esprit
Saint qui en est l’instigateur, l’agent principal; ensuite le Message
à annoncer; enfin les messagers, les disciples. Le but de cette
évangélisation est d’annoncer le Christ, en qui tout être humain
peut être sauvé. La nouveauté la plus grande, après le Concile, a
été la redécouverte de l’œuvre du Saint Esprit au cœur de la vie
et de la mission de l’Église. C’est pourquoi, le renouveau
charismatique, qui découle de cette œuvre de l’Esprit dans
l’Église, a été considéré par plusieurs comme une chance pour
notre Église ou, comme le dit le Pape François, un courant de
grâce destiné à toute l’Église.

Cette conviction de foi habite l’auteur de ce livre, l’abbé François


Kibwenge, qui ne parle pas en simple observateur mais qui a lui-
même connu et expérimenté les fruits de l’effusion du Saint
Esprit dans sa vie de foi et dans son ministère sacerdotal, et qui,
depuis plus de 20 ans, œuvre au sein du renouveau
charismatique.

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Des chrétiens de feu à la stature du Christ

Au moment où l’Église entière se prépare à souligner ce jubilé


d’or du renouveau charismatique autour du Pape François à
Rome, en vue de rendre grâce à Dieu pour sa présence bénéfique
dans l’Église, il est bon de rappeler qu’à la lumière de la
sécularisation radicale de la société, nous vivons dans l’aube
d’une nouvelle ère missionnaire. La nouveauté qu’apporte
l’auteur consiste à situer cette jubilation dans une perspective
d’avenir, celle d’une Église en crise dans une société en crise. Au-
delà des raisons de célébrer qui, du reste sont légitimes, et de
rendre grâce, comment envisager l’avenir du RCC bien que celui-
ci soit avant tout l’œuvre de l’Esprit lui-même? L’enjeu ici est de
prendre davantage conscience de la grâce de Dieu pour notre
époque et de chercher comment maintenir le feu de la Pentecôte
dans la vie des membres et de leurs assemblées de foi.

L’abbé Kibwenge y répond en deux temps : tout d’abord il faut,


en contexte de crise, préparer les membres du renouveau à
développer une « spiritualité de la présence » – à l’instar des
prophètes – afin de leur permettre d’atteindre la stature du
Christ lui-même c’est-à-dire, à devenir des christophores (porteurs
du Christ en nous). Ensuite, le renouveau doit s’investir dans
une évangélisation qui permet d’engendrer des chrétiens en qui
le Christ est bien formé c’est-à-dire en qui le Christ atteint sa
maturité. Et tout cela est l’œuvre de l’Esprit Saint car, quand
l’Esprit habite en nous il nous enracine dans le Christ.

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Des chrétiens de feu à la stature du Christ

En réalité ces deux parties se recoupent et se croisent car, lorsque


le Christ est bien formé en chaque chrétien, ce dernier devient un
christophore et le révèle, notamment en situation de crise. C’est
ce type de chrétiens que l’auteur appelle les chrétiens de feu. Dans
un contexte de crise généralisé, le chrétien de feu est celui qui
discerne avec lucidité ce qui nous dérobe insensiblement notre
intériorité spirituelle. Les textes bibliques dont l’auteur se nourrit
constamment – loin de faire de ce livre un traité de théologie ou
d’exégèse – vise simplement à montrer qu’il y a déjà dans les
Écritures bien des modèles qui peuvent nous guider dans
l’accomplissement de notre Pentecôte personnelle, modèles dont
Dieu s’est puissamment servis pour susciter un élan de feu en
tout temps. Tout cela a été mis par écrit pour servir d’exemple (1
Co 10, 11); car « l’Écriture ne sert à rien s’il ne conduit pas vers
l’esprit de foi » (cf Ps 3, 6).

Si la première évangélisation par les apôtres n’a été rendue


possible qu’après l’effusion du Saint Esprit, la nouvelle
évangélisation auxquelles ont fait allusion les différents Papes,
depuis Paul VI, ne pourra résulter, elle aussi, que des chrétiens
qui ne se conforment pas à l’esprit du monde présent, mais qui
se laissent transformer par Dieu et dont l’intelligence est
renouvelée par l’Esprit Saint (cf Rm 12, 2). Puisse ce livre amener
à une nouvelle conscience de notre engagement chrétien et à
l’émergence d’une nouvelle génération de chrétiens de feu, des

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Des chrétiens de feu à la stature du Christ

« évangélisateurs avec esprit », pleins de zèle, d’enthousiasme,


d’amour et de vie, pour que le monde de demain soit de
nouveau restauré par un feu nouveau, celui de la nouvelle
évangélisation!

Au-delà de ses points de vue personnels, on lui saura gré d’avoir


tenté de soulever des questions et de provoquer à une réflexion
sur le sens de responsabilité de notre foi chrétienne et de la
gestion des dons de l’Esprit. Il me fait donc plaisir de
recommander ce livre.

+Mgr Christian Riesbeck, cc.


Évêque auxiliaire d’Ottawa

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Des chrétiens de feu à la stature du Christ

INTRODUCTION

Bien que la plupart des croyants soient à l’aise pour parler d’une
relation personnelle avec Jésus, peu de concepts sont autant célébrés et
pourtant si peu expérimentés. (Wayne Jacobsen, Tales of the Vine,
1995)

our peu que l’on soit attentif à ce qui se passe dans le


domaine religieux aujourd’hui, on constate que la société
occidentale traverse une période d’« éclipse de Dieu »,
pour emprunter l’expression de Martin Buber1, une
période où « la foi exerce de moins en moins d’influence sur la
vie concrète des gens et sur la société. Sa force de persuasion et
de rayonnement semble se tarir. La rupture entre la foi et la
culture s’accentue. Il devient de plus en plus évident que la
transmission de la foi est en panne et qu’on n’arrive pas à rétablir
le courant. »2 Certes, le déclin de la pratique de la foi ne
représente pas une situation nouvelle en tant que telle. Ce qui est
nouveau, c’est son ampleur actuelle qui nous invite à offrir une
réflexion solide pouvant permettre une meilleure prise en charge
de sa vie chrétienne et susciter de nouvelles motivations de foi.
Car, le problème n’est pas tant du côté de ceux à qui on doit

1Éclipse de Dieu, Nouvelle Cité, « coll. Rencontres », Paris, 1987.


2 Normand PROVENCHER, Croire à quoi ? Croire à qui ?, Novalis, Ottawa,
2004, p.7

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Des chrétiens de feu à la stature du Christ

transmettre la foi, mais plutôt de ceux qui avaient déjà reçu cette
foi. Comme le stipule Enzo Bianchi : « […] les chrétiens devraient
se demander pourquoi, tout en étant plus d’un milliard (un
chrétien tous les cinq habitants de la planète), leur foi apparaît si
peu éloquente et si peu séduisante pour les hommes et les
femmes d’aujourd’hui. N’est-ce pas aussi par défaut de
cohérence entre ce que les chrétiens prêchent et ce qu’ils
vivent ? »3 Je suis convaincu que ce n’est pas par hasard que
nous, chrétiens, appartenons à cette époque et à cette société en
crise. Dieu nous a établis sur la terre pour connaître intimement
le Christ et expérimenter sa puissance au quotidien afin de le
faire connaître au monde. Paul écrit : « Tout ce que je désire c’est de
connaître le Christ et la puissance de sa résurrection, d’avoir part à ses
souffrances et d’être rendu semblable à lui dans sa mort, avec l’espoir
que je serai moi aussi relevé d’entre les morts » (Ph 3, 10). Et, dans
l’épître aux Éphésiens, il précise le but et la nécessité d’une vraie
connaissance du Christ, c’est de parvenir — ce qui suppose un
processus — « à l’état de l’homme parfait, à la plénitude de la
stature du Christ » (Ep 4, 13).

Cependant, face à ce malaise social généralisé il me semble utile


de soulever la question suivante : Comment donc permettre à ce
monde d’avoir une connaissance intime de Jésus Christ, le Fils de

3 Enzo BIANCHI, La différence chrétienne, Paris, Bayard, 2009, p.66.

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Des chrétiens de feu à la stature du Christ

Dieu et le Sauveur du monde et d’expérimenter la puissance de


sa résurrection ? À en croire Austin Sparks, « il n’est pas possible
d’avoir ou de connaître quoi que ce soit de toute la plénitude que
Dieu a enfermée en Son Fils, sans que le Saint-Esprit en donne
une révélation intérieure. »4 Dans le même ordre d’idées, le
Catéchisme de l’Église catholique renchérit que « pour être en
contact avec le Christ, il faut d’abord avoir été touché par le
Saint-Esprit »5. Être touché par le Saint-Esprit, c’est le
témoignage que le Renouveau charismatique6 catholique (RCC)
veut justement rendre, après cinquante ans de vie en Église. La
célébration de ce jubilé est une sorte d’anamnèse qui vise à
rappeler cette nouvelle Pentecôte qu’a vécue l’Église, grâce au
feu du Saint-Esprit qui a touché et changé la vie de milliers de
chrétiens depuis 50 années déjà. C’est aussi une façon de révéler
au monde que Dieu est vivant et qu’il n’a pas changé, même s’il
paraît souvent voilé par nos expressions de foi et nos

4 T. Austin SPARKS, Ministry: The Works of T. Austin-Sparks, vol III, “The


School of Christ”, Jacksonville: Seedsowers Publishing House, 1997, p.31
5 CATÉCHISME DE L’ÉGLISE CATHOLIQUE, Liberia Editrice Vaticana, 1993,

no 683, voir aussi Rm 8, 9)


6 Par « Renouveau charismatique » il faut entendre l’« œuvre souveraine de Dieu,

unique et puissante, réalisée par l’Esprit-Saint, qui touche la vie d’hommes et


de femmes dans des cadres et des situations très diverses, renouvelle leur foi
et fait brûler leurs cœurs d’amour et de zèle pour servir Dieu et son peuple. »
(C. WHITEHEAD, « Le Renouveau charismatique catholique : au cœur de
l’Église », in AA.VV., Le Renouveau charismatique, une grâce, un défi, une mission,
Éditions des Béatitudes, Paris, 2002, pp.66-67. Cf. aussi Apollinaire, p.34

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Des chrétiens de feu à la stature du Christ

célébrations sclérosées. Rendre ainsi témoignage, c’est affirmer à


la suite des apôtres : « Quant à nous, nous ne pouvons pas taire ce
que nous avons vu et entendu. » (Ac 4, 20)

Cette attitude de reconnaissance, on la retrouve aussi dans


l’adresse du pape Jean Paul II aux représentants du Renouveau
Charismatique Catholique International (ICCRO), lorsqu’il en
mai 1987, lors de la rencontre triennale tenue à Rome, il reconnut
que :

La vigueur des fruits que porte le Renouveau atteste bien


de la puissance présente de l’Esprit Saint à l’œuvre dans
l’Église depuis le Concile de Vatican II. Bien entendu,
l’Esprit n’a cessé de guider l’Église à travers les siècles,
produisant, parmi les fidèles, quantité de dons. Grâce à
l’Esprit, l’Église conserve une vitalité jeune et continuelle.
Une manifestation éloquente de cette vitalité aujourd’hui
en est bien le Renouveau charismatique… 7

Les pages qui suivent ne sont pas un traité de théologie. Elles se


veulent une humble méditation à partir des textes bibliques, sur
les cinquante ans du RCC, en vue d’approfondir davantage notre

7Extrait du discours de Jean-Paul II, cité par Yves JÉHANNO, L’enjeu du


Renouveau charismatique ?, (Collection dirigée par Jean-Claude DIDELOT),
Belgique, Le Sarment/Fayard, 1988, p.8.

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Des chrétiens de feu à la stature du Christ

connaissance de Jésus Christ « et d’expérimenter la puissance de


la résurrection ». La finalité de cette expérience est de devenir
des chrétiens de feu en ce temps de la fin.

En effet, s’il est vrai que beaucoup de des chrétiens


charismatiques ont été baptisés du Saint Esprit, il demeure que
dans la vie quotidienne, bien peu d’entre eux le sont de feu.
Qu’est-ce que cela veut dire? D’une part, le mot chrétien, comme
l’indique le père De Montigny, « signifie disciple du Christ. Un
homme est chrétien dans la mesure où il ressemble au Christ. Et
le parfait chrétien, pourrait-on dire, c’est un homme dans lequel
le Christ s’est incarné de nouveau. »8 Et d’autre part, le chrétien
de feu ou comme le désigne le père Ubaldi, l’apôtre de feu est
« celui qui se livre complètement à l’Esprit Saint par l’Immaculée pour
se laisser transformer totalement dans le Christ. Avec saint Paul, il
arrivera à dire : Je suis crucifié avec le Christ ; et ce n’est plus moi qui vis,
mais le Christ qui vit en moi. (Ga 2, 20) Le but est de parvenir à faire
l’œuvre de Dieu (Jn 6, 29) : il s’agit des œuvres que Dieu veut selon
son projet d’amour et de salut pour que tous les hommes soient sauvés
(1Tm 2, 4).9 »

8Armand MONTIGNY (De), Source de vie. Méditations sur LEsprit Saint,


Québec, Éditions Spirimédia, 1996, p.80
9 Emidio-Marie UBALDI, Apôtres de feu à la suite de Marie, Éditions des

Béatitudes, Belgique, 2016, p.322

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Des chrétiens de feu à la stature du Christ

Parvenir à ce stade, selon l’auteur, c’est atteindre la phase de la


pleine maturité de l’apôtre que les théologiens définissent
comme une « vie mystique ». Et celle-ci est « le fruit d’une
deuxième conversion » où le disciple — détaché de ses idoles et
de ses attachements désordonnés — s’est laissé décentrer de lui-
même et s’est livré totalement, sans condition et irrévocablement
à Marie, en laissant les rênes de sa vie à l’Esprit Saint.10

À ce tournant de son histoire, ce livre propose aussi de revisiter


l’expérience fondatrice du RCC, afin de tenter de comprendre ses
zones de gloire (forces) et d’ombres (faiblesses) ainsi que
différents défis pour son avenir, un avenir que je souhaite
radieux, toujours en renouvellement par l’œuvre de l’Esprit
Saint. Car, comme l’a si bien rappelé le pape Paul VI, « l’Église et
le monde ont besoin plus que jamais que le prodige de la
Pentecôte se poursuive dans l’histoire. (…) Rien n’est plus
nécessaire à un tel monde, de plus en plus sécularisé, que le
témoignage de ce “renouveau spirituel” que nous voyons le
Saint-Esprit susciter aujourd’hui dans les régions et les milieux
les plus divers. »11

Ibidem
10
11Extrait du Discours de Paul VI aux participants au IIIe Congrès international
du Renouveau charismatique en 1975.

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Des chrétiens de feu à la stature du Christ

Deux parties vont structurer le fil conducteur de ma réflexion. La


première situe le Renouveau charismatique dans le contexte
actuel de crise, avec cette question de fond : comment témoigner
du feu de l’Esprit dans un contexte de crise ? Pour y répondre,
j’examinerai les attitudes de quelques personnages bibliques en
contexte de crise sociale et spirituelle, en occurrence : Daniel,
Samuel et Élie. Cet aspect me permettra de considérer
l’importance d’un feu nouveau pour les jeunes générations afin
de contrer le feu sauvage qui a pénétré dans des assemblées de
prière. La deuxième partie se concentrera sur le type
d’évangélisation qu’il faut dans un contexte de crise. L’image de
l’enfantement empruntée de l’apôtre Paul me servira à plaider
pour une évangélisation d’engendrement, dont l’essentiel
consiste à ce que le Christ soit bien formé dans le sein de chaque
membre du RCC. Dans un temps de crise, il faut des chrétiens
affermis, fortifiés, solides, mais aussi des messagers témoins et
missionnaires. La maturation du Christ en chacun conduit à
acquérir la stature du Christ, d’une part, et d’autre part, à
transformer la société environnante, pour que les signes du
Royaume se manifestent. Permettez-moi de faire mienne pour
vous cette prière de l’apôtre Paul :

Je ne cesse pas de remercier Dieu à votre sujet. Je pense à vous


dans mes prières et je demande au Dieu de notre Seigneur Jésus-
Christ, au Père glorieux, de vous donner l’Esprit de sagesse qui

15
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

vous le révélera et vous le fera vraiment connaître. Qu’il ouvre


vos yeux à sa lumière, afin que vous compreniez à quelle
espérance il vous a appelés, quelle est la richesse et la splendeur
des biens destinés à ceux qui lui appartiennent, et quelle est la
puissance extraordinaire dont il dispose pour nous les croyants.
Cette puissance est celle-là même que Dieu a manifestée avec
tant de force quand il a ramené le Christ d’entre les morts et l’a
fait siéger à sa droite dans le monde céleste. Le Christ y est placé
au-dessus de toute autorité, de tout pouvoir, de toute puissance,
de toute domination et de tout autre titre qui puisse être cité non
seulement dans ce monde-ci, mais aussi dans le monde à venir.
Dieu a mis toutes choses sous les pieds du Christ et il l’a donné
à l’Église comme chef suprême. L’Église est le corps du Christ ;
c’est en elle que le Christ est pleinement présent, lui qui remplit
tout l’univers. (Ep 1, 16-23)

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Des chrétiens de feu à la stature du Christ

PREMIÈRE PARTIE

Une nouvelle situation


pour un nouveau mode de présence

La vie se comprend en regardant vers l’arrière, mais il ne faut pas


oublier qu’elle doit être vécue en regardant vers l’avant. (Soeren
Kierkegaard)

Une génération recommandera tes œuvres à une autre génération ;


elle racontera tes exploits. (Psaume 145, 4).

ans l’Évangile de Marc, Jésus invite ses contemporains à


adopter de nouveaux comportements parce que les
temps qu’il est venu inaugurer ont atteint leur
accomplissement. À cet effet, il déclare : « Personne ne coud une
pièce d’étoffe neuve sur un vieux vêtement ; sinon, la nouvelle pièce
arrache une partie du vieux vêtement et la déchirure s’agrandit encore »
(Mc 2, 21). Il en est de même du jubilé d’or du RCC : il nous
introduit dans un temps nouveau. Considérons d’abord la
description que le père Yves Jéhanno fait du parcours du
renouveau. Il me semble qu’elle illustre bien le cheminement de
ce mouvement spirituel, à savoir :

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Des chrétiens de feu à la stature du Christ

Sur l’arbre millénaire de l’Église, le Renouveau


charismatique est venu comme un souffle d’air frais et une
ondée bienfaisante. L’eau vive de l’Esprit a imbibé le sol et
donné une nouvelle énergie à la Semence-Parole de Dieu.
Le soleil de la louange a développé une nouvelle montée
de sève printanière. La brise vivifiante de l’Esprit a fait
reverdir des feuilles, pour réaliser de nouvelles synthèses.
Des chrétiens-jardiniers ont repris l’exercice intensif de la
prière, pour ameublir et nettoyer. »12

Quelle belle illustration que l’auteur nous présente ici !

Cependant, si le RCC a connu des moments réels de gloire à


cause de l’expérience de l’effusion du Saint-Esprit, le contexte
actuel de crise qui ne l’a pas épargné dans son épanouissement
interne, exige un autre type de présence afin qu’il soit encore
plus signifiant pour le monde et pour l’Église. Ce besoin de se
renouveler constamment pour devenir signifiant au monde a
toujours été présent dans l’histoire de l’Église. Le pape Paul VI
l’a reconnu lorsqu’il a déclaré : « L’Église a besoin de son
éternelle Pentecôte : Elle a besoin de feu dans son cœur, des
paroles dans sa bouche, des prophéties dans son regard (…)

12Yves JÉHANNO, L’enjeu du Renouveau charismatique ?, Le Sarment/Fayard,


1988, p.139

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Des chrétiens de feu à la stature du Christ

L’Église et le monde ont besoin plus que jamais que le prodige


de la Pentecôte se poursuive dans l’histoire. »13

Et l’histoire de l’Église témoigne à juste titre des différents


renouveaux, dont le renouveau biblique promu par l’encyclique
Divino Afflante Spiritu qui a favorisé l’accès de tous les laïcs à la
Parole de Dieu ; le renouveau liturgique qui a permis la
réappropriation par le peuple de Dieu de la liturgie en vue d’une
participation active ; le renouveau social avec l’encyclique Rerum
Novarum du pape Léon XIII ; le renouveau dans l’Esprit Saint à
travers lequel le pape Léon XIII consacra le XXe siècle au Saint-
Esprit. Le Concile Vatican II a été en quelque sorte le
couronnement de tous ces renouveaux. Dans son article sur le
Renouveau charismatique, Nestor Ndalibandu, un prêtre
congolais, qui a mené une étude approfondie sur le Renouveau
charismatique dans son diocèse, écrit : « le Renouveau a toujours
été à l’horizon de l’agir ecclésial dans l’histoire de l’humanité.
L’église étant l’œuvre de l’Esprit Saint vit le renouveau au cœur
de son existence (Ac 2). »14 Tous ces renouveaux depuis le début

13 Cité par Albert Marie de MONLÉON, Rendez témoignage, le Renouveau


charismatique catholique, Mame, Paris, 1998, p.135.
14 Nestor Salumu NDALIBANDU, « Le Renouveau charismatique dans

l’Église catholique et l’Église catholique dans le Renouveau charismatique.


Défis pastoraux », dans Dieu et l’Afrique. Une approche prophétique, émancipatrice
et pluridisciplinaire, (Dir. Benoît Awazi Mbambi), L’Harmattan, Paris, 2016,
p.355.

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Des chrétiens de feu à la stature du Christ

du christianisme révèlent suffisamment le besoin pour l’Église de


devenir signifiante pour chaque époque de l’histoire, eu égard à
chacun de ses défis. Il doit en être de même pour le RCC.

1. Au-delà de l’action de grâce

Celui qui, comme Élie, veut traverser le désert à la recherche


de la révélation divine ne peut marcher au hasard. Il doit
suivre une piste bien tracée et s’y engager avec toutes les
forces de la nature et de la grâce. (Carlo CARRETTO15)

Réfléchis au chemin que tu vas prendre, engage tes pas dans


une direction sûre. (Proverbes 4, 26)

n demi-siècle s’est écoulé pendant lequel l’Église, grâce à


l’expérience de l’effusion du Saint-Esprit par un petit
nombre de laïcs, a vu se développer dans tous les coins
du monde un mouvement que nul ne pouvait s’approprier et
dont les fruits se font encore voir à ce jour.

Qu’il me soit permis, de prime abord, de rendre témoignage de


ce que le Renouveau charismatique a apporté dans ma propre
vie et dans mon ministère sacerdotal. En effet, après avoir

15 Ce qui compte c’est d’aimer, Éditions Paulines, Ottawa, 1076, p.21

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Des chrétiens de feu à la stature du Christ

longtemps combattu ce mouvement comme jeune prêtre16, j’ai eu


la grâce de connaître le Renouveau charismatique en Belgique
(Mons), alors que j’y séjournais pour raisons de santé. Un groupe
de laïcs, qui avaient fait la rencontre personnelle avec Jésus le
ressuscité, m’avait invité à aller partager leur expérience de
prière de foi. Bien que j’admirais leur courage, leur enthousiasme
et leur foi audacieuse — car ils n’en avaient pas honte comme
moi — je ressentais cependant un mépris pour eux au fond de
moi-même. Ce sentiment en moi a aussitôt changé lorsque j’ai
accepté de prendre part au « Séminaire de vie dans l’Esprit ». À
l’issue de ce Séminaire, où j’ai reçu ce qu’on appelle
communément l’effusion du Saint-Esprit17, ma vie chrétienne et
sacerdotale a pris un tout autre tournant. Avec le temps, de
prêtre fonctionnaire et timide que j’étais, j’ai appris à aimer la
Parole de Dieu, à la méditer régulièrement pour moi-même et à

16 Ici je partage pleinement l’observation ci-après que le Père Apollinaire a


faite lorsqu’il écrit : « À l’apparition de ce Renouveau, certaines autorités de
l’Église avaient des réactions mitigées, parfois même opposées à cette façon
nouvelle de prier et d’être catholique. Mais, de telles réactions se
remarquaient plutôt au niveau local ou paroissial » (NTAMABYALIRO, Le feu
de l’Esprit-Saint au XXe siècle. La Pentecôte de notre temps, Éditions Ginette
Morin, Ottawa, 2015, p.180).
17 Le théologien SULLIVAN définit l’effusion de l’Esprit-Saint comme

« l’expérience vécue par un si grand nombre de gens qui ont vu leurs vies
transformées après qu’un groupe ait prié avec eux pour demander une
nouvelle effusion de l’Esprit. » (A-F SULLIVAN, Charismes et Renouveau
charismatique. Une étude biblique et théologique, Édition Pneumatique, Paris,
1988, p.93).

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Des chrétiens de feu à la stature du Christ

la partager avec conviction. Mon rayonnement d’aujourd’hui


comme prédicateur zélé, parcourant de nombreux pays, je le dois
fondamentalement à cette expérience de l’effusion du Saint-
Esprit en Belgique.

Ce type de transformation est aussi une des marques distinctives


de la nouvelle Pentecôte. Comment s’étonner dès lors qu’à la
suite de ses prédécesseurs, le pape François ait exhorté et
encouragé les membres du RCC à promouvoir ces « Séminaires
de vie dans l’Esprit » partout dans l’Église : « Organisez des
Séminaires de vie dans l’Esprit ! C’est de l’évangélisation.
Organisez-les dans les écoles, dans les paroisses, dans les
séminaires. Organisez-les, même pour les gens qui sont
marginalisés et qui vivent dans les rues »18 ?

S’il est vrai que le RCC a joué un rôle déterminant pour un bon
nombre d’hommes et de femmes, notamment, entre les années 60
et 80 ; et s’il est aussi vrai que ce mouvement continue sa marche
jusqu’à ce jour et a connu une grande extension, il demeure
néanmoins aussi vrai qu’il est en perte de vigueur par rapport à
ses débuts. En effet, qui ne se rappelle pas ces années où l’Église

18Cette exhortation a eu lieu en 2014, au stade olympique de Rome. Cf. le


commentaire de Patti Gallagher Mansfield sur l’annonciation en vue de la
préparation du Jubilé d’or du Renouveau charismatique.

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Des chrétiens de feu à la stature du Christ

catholique a reçu un vent puissant de Pentecôte19, donnant


naissance à plusieurs groupes de prière charismatiques et qui se
caractérisaient par la louange, la danse, les veillées de prière, les
enseignements. Et ceux et celles qui en avaient fait l’expérience
étaient tout rayonnants, c’est-à-dire tout feu et flamme. C’était un
grand moment d’enthousiasme (en theo= en Dieu) et d’auto
appropriation de la foi chrétienne sous le signe du Saint-Esprit ;
moment où le commun des mortels considérait facilement les
membres de ce mouvement comme un « cortège des fous de
Dieu », selon l’expression même de Richard Bergeron20.

Toutefois, de nos jours se posent des questions de fond :


pourquoi ce feu qui avait caractérisé la vie de plusieurs chrétiens
et de plusieurs groupes de prière après l’expérience du premier
baptême de feu de la Pentecôte semble-t-il aujourd’hui affaibli,
voire éteint, chez plusieurs ? Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné
dans ce cheminement ? Est-ce que leurs modes de rassemblement

19 Il s’agit ici de ce mouvement de réveil, (qui a commencé dans l’Église


catholique en 1967), que « certains appellent le Pentecôtisme, d’autres le
Renouveau charismatique, d’autres encore le Renouveau dans l’Esprit, avait
débuté un peu plus tôt, chez nos frères et sœurs d’autres confessions
chrétiennes. Quel que soit le nom donné à ce mouvement, il faut reconnaître
que le XXe siècle a connu un réveil spirituel populaire qui, en quelques
décennies, a embrasé presque tous les continents. » (NTAMABYALIRO, Le feu
de l’Esprit-Saint au XXe siècle, p.1)
20 Le cortège des fous de Dieu. Un chrétien scrute les nouvelles religions, Éditions

Paulines, Montréal, 1982.

23
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

et de prière aujourd’hui permettent encore de raviver la foi en


eux et autour d’eux, ou entretiennent-ils simplement une illusion
et un rêve qui sont relégués dans le passé ? Pourquoi, de ceux qui
ont commencé par l’Esprit, certains ont fini dans la chair, selon la
remarque de Paul aux Galates (Ga 3, 3) ?21 Quelles leçons en tirer
pour l’avenir de l’Église ?

Toutes ces questions méritent d’être posées, spécialement en


cette année où le RCC célèbre son jubilé d’or. Et c’est pour
enrichir le débat et oser envisager un nouveau réveil spirituel
pour notre temps qu’il m’a semblé utile d’ajouter ma réflexion à
celle de tant d’autres. Au-delà de la gloire et de l’ombre22, il s’agit
de revisiter les enjeux de l’expérience de l’effusion du Saint-
Esprit. L’expérience de la Pentecôte, qui permet d’être touché par
le Saint-Esprit, est non seulement une nécessité pour notre
temps, mais elle est aussi disponible en tout temps, comme l’a si
bien souligné sœur Elena Guerra, lorsqu’elle a déclaré :

La Pentecôte n’est pas finie ; en fait, c’est toujours la


Pentecôte, en tout temps et en tous lieux parce que l’Esprit
Saint désire ardemment se donner à tous les hommes, et

21 Selon l’apôtre Paul, voici les œuvres de la chair : « l’impudicité, l’impureté,


la dissolution, l’idolâtrie, la magie, les inimitiés, les querelles, les divisions, les
sectes, l’envie, l’ivrognerie, les excès de table. » (Ga 5, 19-21a)
22 Je m’inspire ici du livre de P. HOCKEN, La gloire et l’ombre : les enjeux d’une

effusion du Saint-Esprit au XXe siècle, Édition Pneumatique, Paris, 1998.

24
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

ceux qui le veulent peuvent toujours Le recevoir ; nous


n’avons donc pas à envier aux apôtres et aux premiers
croyants ; nous n’avons qu’à nous disposer comme eux à
bien Le recevoir et il viendra en nous comme Il l’a fait
pour eux.23

Je veux donc rendre grâce à Dieu pour tous ces hommes et ces
femmes qui, à l’instar de Marie, ont su dire leur oui à l’œuvre du
Saint-Esprit, préférant la volonté de Dieu au regard et au
jugement des humains. C’est grâce à eux, les plus connus comme
les moins connus, que nous pouvons parler du Renouveau
charismatique catholique, cinquante années après l’expérience
fondatrice. Voilà pourquoi je fais miens ces mots de l’apôtre Paul
aux chrétiens de Thessalonique : « Nous rendons continuellement
grâce à Dieu pour vous tous, faisant mention de vous dans nos prières,
nous rappelant sans cesse l’œuvre de votre foi, le travail de votre
charité, et la fermeté de votre espérance en notre Seigneur Jésus-Christ,
devant Dieu notre Père » (1Thess 1, 2-3).

23Traduction d’A. NTAMABYALIRO, Le feu de l’Esprit-Saint, p.54. Sœur Elena


Guerra est fondatrice des Oblats du Saint-Esprit. Le pape Jean XXIII l’a
baptisée « apôtre de l’Esprit-Saint de l’époque moderne ».

25
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

2. Le RCC face à une société en crise

« Le sort de Dieu nous est confié dans la mesure où,


porteurs de Dieu dans ce monde, c’est de notre attitude
que dépendra la connaissance et l’image de Dieu que les
hommes se feront. » (Adolphe GESCHÉ24)

’un des défis auxquels le Renouveau charismatique est


confronté aujourd’hui, c’est de maintenir sa flamme dans
une époque et une société marquées par une crise
multiforme. En effet, lorsque les fondements moraux, familiaux,
ecclésiaux et même culturels sont en crise ; lorsque notre société
actuelle vit « dans le naufrage généralisé des valeurs »25, quelle
doit être l’attitude profonde des enfants de Dieu ? J’envisage
d’examiner cette question de fond à l’aide des textes bibliques, en
faisant le lien avec des éléments qui ont entraîné la perte de
vigueur du RCC après tant de moments d’enchantement.
Comme l’a si bien souligné le père Cantalamessa, « la raison
principale pour laquelle chaque époque est à même d’interroger
l’Écriture et d’en tirer un sens toujours plus profond est que
chaque époque l’interroge à un niveau de conscience et avec une

24Dieu pour penser, V La destinée, Les Éditions du Cerf, Paris, 1995, p.174.
25Expression tirée de Georges MINOIS, Histoire de l’athéisme, Édition Fayard,
Paris, 2013, p.594.

26
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

expérience de vie différente et toujours plus riche par rapport au


passé. »26

2.1. Comprendre le temps de crise comme une interpellation


pour les chrétiens

Debout, Jérusalem, brille de mille feux, car la lumière se lève


pour toi : la glorieuse présence du Seigneur t’éclaire comme le
soleil levant. L’obscurité couvre la terre, la nuit enveloppe les
peuples. Mais toi, le Seigneur t’éclaire comme le soleil qui se
lève. Au-dessus de toi apparaît sa présence lumineuse. Alors des
nations marcheront vers la lumière dont tu rayonnes, des rois
seront attirés par l’éclat dont tu te mettras à briller. Regarde
bien autour de toi, et vois tous tes enfants : ils viennent et se
rassemblent auprès de toi. Tes fils arrivent de loin, on ramène
tes filles en les portant dans les bras. (Isaïe 60,1-4)

« Le monde, écrit le professeur Esu Buana Kibwenge, est en crise,


il bouge. Le monde change. Il bouscule réellement l’économie
des temps présents, les habitudes et les alliances. Le monde est
entré, pour le meilleur et pour le pire, dans une ère
nouvelle… »27 Une nouvelle ère marquée par une série de crises

26 Raniero CANTALAMESSA, La vie dans la seigneurie du Christ,


Cerf/Médiaspaul, Paris/Montréal, 1990, p.13.
27 L. Esu-Bwana KIBWENGE, Crise, immigration et culture de l’altérité, Éditions

universitaires européennes, Allemagne, 2013, p.5

27
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

qui ont affecté aussi la vie de l’Église en tant que telle. D’une
part, ce même monde est désabusé de Dieu et du langage
dogmatique. Il ne peut donc se laisser facilement toucher par des
paroles creuses et nébuleuses. Le monde est fatigué de voir une
Église en contradiction. De façon concomitante, les gens ont
besoin de toucher Dieu ainsi que d’expérimenter sa puissance
aujourd’hui.

Qu’est-ce qui fonde cette crise au sein de l’Église ? Dans son livre
Divine Renovation, l’auteur ramène toutes ces crises à leur racine
qui est la crise de notre propre identité en tant que corps du
Christ, c’est-à-dire Église. Voici ce qu’il écrit :

Aujourd’hui, on parle beaucoup dans notre Église de


diverses crises. On évoque la crise des vocations, de la
famille, du mariage, on parle aussi de la crise financière,
de celle de la foi, des abus sexuels, de leadership (…) Tout
en étant conscient qu’une bonne discussion autour de
cette situation mériterait d’être considérée, je reste
convaincu que la crise la plus profonde que nous
traversons est celle de notre propre identité, et les autres
crises ne sont que les symptômes de cette dernière : nous
avons oublié qui nous sommes et à quoi nous sommes
appelés comme Église. Quand cela arrive, nous oublions
vite non pas seulement ce pour quoi nos édifices ont été

28
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

bâtis, mais aussi la raison pour laquelle nous existons en


tant qu’Église.28

D’autre part, si cette crise est avant tout une crise d’identité, le
problème est que ceux-là mêmes qui devaient aider à la juguler
sont eux-mêmes en crise. Je parle des pasteurs du peuple de Dieu
dans l’Église. Les prêtres eux-mêmes sont confrontés à un déclin
de plus en plus inéluctable et semblent dépourvus, voire
désespérés face à un avenir incertain. Lors d’un Séminaire de
trois jours que le père Vincent Youngberg a animé à Pittsburgh
en Pennsylvanie, et dont le thème portait sur la crise de la
spiritualité, il fait ce constat selon lequel les membres du clergé
sont bien formés intellectuellement, mais pas au point de s’auto-
initier une croissance spirituelle. Ils fonctionnent plus avec leurs
têtes qu’avec leurs cœurs. La formation qu’ils ont reçue les
dispose à venir en aide aux autres, mais la même formation

28James MALLON, Divine Renovation. From a Maintenance to a Mission Parish,


QC, Novalis, 2014, p.13. J’ai choisi cette traduction libre de l’abbé Jacques
KABANGU (de l’archidiocèse d’Ottawa, Canada). Cependant, on peut
retrouver celle de l’édition française du livre paru sous le titre de Manuel de
survie pour les paroisses. Pour une conversion pastorale, Éditions Artège,
Perpignan, 2015 p.21

29
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

échoue, d’une certaine façon, de s’appliquer à eux-mêmes et de


répondre à leurs propres attentes.29

Comment dès lors se revitaliser dans sa foi chrétienne afin que le


feu de l’Esprit réchauffe à nouveau tous ces chrétiens qui sont
devenus comme congelés dans des églises refroidies ? Tel a été la
force de chaque renouveau dans l’histoire et dans l’histoire de
l’Église.

Chaque temps de crise invite l’Église, Corps du Christ, à entrer


dans une nouvelle phase, dans une autre dimension de sa
croissance, en vue de faire une nouvelle expérience de plénitude
dans l’Esprit qui a ressuscité Jésus d’entre les morts. Nous,
chrétiens, avons la responsabilité de révéler au monde notre
Dieu, le seul vrai Dieu, qui l’aime et qui désire ardemment son
salut. Nous avons l’obligation de briller précisément parce que le
monde qui nous entoure est envahi par l’obscurité (Is 60, 2). Quel
dommage que ce temps de crise nous remplisse de peurs, de
découragements, de pessimisme plutôt que d’une nouvelle
ardeur de l’Esprit ! Dans son livre Entretien sur la foi, Benoît XVI,
alors cardinal Ratzinger, écrit :

29From Fragmentation to Wholeness, St Gabriel Spiritual Center for Youth, NY,


2003, p.1. (Traduction libre de l’abbé Jacques KABANGU.

30
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

Ce qui est signe d’espoir dans l’étendue de toute l’Église


— précisément au milieu de la crise de l’Église dans le
monde occidental —, c’est l’éclosion de nouveaux
mouvements que personne n’a planifiés, auxquels
personne n’a fait appel, mais qui proviennent simplement
de la vitalité intérieure même de la foi. En eux se dessine
— bien que sans bruit — ce qui ferait songer à une aurore
de Pentecôte dans l’Église. Je pense par exemple au
Mouvement charismatique, au Néo-catéchuménat, à
Cursillo, Focolari, Communion et Libération, etc.30

L’évangéliste Luc rapporte comment Jésus, après avoir passé 40


jours dans le désert, en ressort revêtu de la puissance du Saint-
Esprit (Lc 4, 14), même si, au baptême, il était déjà rempli de ce
même Esprit. Le temps de désert ou de crise, si nous le vivons
dans la foi et la prière, en recherchant davantage la volonté de
Dieu, nous fait ressortir plus forts que jamais.

Témoigner malgré tout

« Quand je sortirai du désert, je serai plus grand », dit Job.


Lorsqu’on a extrait un minerai, on le fait passer en premier au
feu afin de le rendre malléable et lui donner une forme. C’est

30J. RATZINGER et MESSORI, V., Entretien sur la foi, Éditions Fayard, Paris,
1985, p.47

31
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

alors seulement qu’il peut servir sa finalité. Le feu sert à purifier


c’est-à-dire à séparer ce qui est utile de ce qui ne l’est pas, le
précieux de ce qui ne l’est pas. Pour plusieurs, le temps de crise
est comme un feu qui procède à la séparation du vil avec le sain.
Dieu n’aime pas le mélange.

La question que soulève le problème de la crise, telle que je viens


de la présenter, est celle-ci : dans un contexte de crise généralisée,
lorsque toutes les valeurs sociales s’effondrent les unes après les
autres, comment doivent se comporter les enfants de Dieu qui
portent en eux le feu de la nouvelle Pentecôte ? Comment doit se
tenir, dans une telle société, celui ou celle qui veut faire la
différence ? Pour y répondre, je vais faire recours à d’autres
contextes de crises dans les Écritures, afin de mettre en lumière
l’attitude des « hommes de Dieu » dont l’histoire et le courage
ont été mis par écrit pour servir d’exemple (1Co 10, 11). Leur
façon de se comporter et de se distinguer en temps de crise a fait
que Dieu s’en est servi puissamment. C’est ce que je veux éclairer
à partir de textes qui suivent.

32
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

2.2. Témoigner dans la fidélité : Daniel et ses amis

Aussitôt après, quelques Babyloniens vinrent accuser les Juifs.


Ils s’adressèrent au roi Nabuchodonosor et lui dirent : « Longue
vie au roi ! Sa Majesté le roi lui-même a donné l’ordre suivant :
“Tout homme devra s’incliner jusqu’à terre pour adorer la
statue d’or, dès qu’il entendra jouer de la trompette, de la flûte,
de la cithare, de la sambuque, du psaltérion, de la cornemuse et
de tous les genres d’instruments de musique. Si quelqu’un refuse
de s’incliner et d’adorer la statue, on le jettera dans la
fournaise où brûle un feu intense.” Eh bien, Majesté, les Juifs
Chadrac, Méchak et Abed-Négo, à qui tu as confié des postes
dans l’administration de la province de Babylone, n’ont pas
tenu compte de ton ordre : ils refusent de servir tes dieux et
d’adorer la statue d’or que tu as fait dresser. » Très en colère,
Nabuchodonosor ordonna qu’on lui amène Chadrac, Méchak et
Abed-Négo. Lorsqu’ils furent présents, le roi leur demanda :
« Est-il vrai, Chadrac, Méchak et Abed-Négo, que vous refusez
de servir mes dieux et d’adorer la statue d’or que j’ai fait
dresser ? Vous allez entendre de nouveau jouer de la trompette,
de la flûte, de la cithare, de la sambuque, du psaltérion, de la
cornemuse et de tous les genres d’instruments de musique. Êtes-
vous prêts maintenant à vous incliner jusqu’à terre pour adorer
la statue que j’ai faite ? Si vous refusez, vous serez jetés
immédiatement dans la fournaise où brûle un feu intense. Quel
dieu pourrait alors vous arracher à mon pouvoir ? » Chadrac,
Méchak et Abed-Négo répondirent au roi : « Majesté, nous ne

33
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

voulons pas essayer de nous justifier. Sache toutefois que notre


Dieu, le Dieu que nous servons, est capable de nous sauver ;
oui, il nous arrachera à la fournaise et à ton pouvoir. Et à
supposer qu’il ne le fasse pas, sache bien que nous refuserons
quand même de servir tes dieux et d’adorer la statue d’or que tu
as fait dresser. » (Dn 3, 8-18)

ien qu’en déportation en Babylone et séjournant dans


une société païenne, les amis de Daniel ont refusé de se
soumettre au culte national et d’adorer la statue comme
l’exigeait la loi. Ils ont choisi d’obéir à Dieu plutôt qu’aux
hommes, fussent-ils des rois. À l’impératif de la loi, s’ajoutaient
les menaces du roi lui-même de les jeter dans la fournaise en cas
d’insoumission. En dépit de tout cela, ils sont restés fermes dans
leur foi au seul vrai Dieu, créateur du ciel et de la terre. Leur
courage et leur témoignage de foi ont non seulement provoqué
l’étonnement de la part du roi, mais aussi ils ont convaincu ce
dernier à accepter leur Dieu comme le vrai. Il en ressort donc
que, dans des moments de confusion, comme à l’époque de
Daniel, les chrétiens, spécialement ceux qui ont fait l’expérience
du Renouveau, sont invités à un moment donné à témoigner
publiquement du Dieu qu’ils veulent servir et adorer. Il n’y a pas
de compromis possible avec Dieu. Ce qui est frappant ici est le
fait que Daniel et ses amis étaient une minorité par rapport au

34
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

reste de la population qui, quant à elle, avait choisi de se


prosterner devant les idoles.

Le temps de crise ou de désert est un moment favorable pour


passer le test de notre foi. Abraham, Isaac, Job, Esther, Élie,
David, Étienne et tant d’autres ont fait le choix de Dieu dans des
moments difficiles de leur vie. Ils n’ont pas cherché à faire plaisir
à ceux qui ne connaissaient pas Dieu. Il est dommage que
plusieurs enfants de Dieu, pour faire la paix ou pour faire plaisir
aux leurs, finissent par se compromettre eux-mêmes. Le Livre des
Proverbes compare un juste qui se fait influencer par un méchant
à « une source ou une fontaine dont l’eau a été polluée » (Pr 25, 26).

Même s’il ne leur a pas été donné une indication claire ni des
avertissements particuliers, les amis de Daniel sont demeurés
fidèles à leur foi. Au bout du compte, un quatrième homme s’est
manifesté à eux dans leur fournaise et les a couverts de sa gloire.
Il y a toujours une gloire pour ceux qui demeurent fidèles : « À
ceux qui auront remporté la victoire et qui auront fait ma volonté
jusqu’à la fin, j’accorderai le pouvoir que j’ai reçu moi-même de mon
Père : je leur donnerai le pouvoir sur les nations, ils les dirigeront avec
une autorité de fer et les briseront comme des pots d’argile. Je leur
donnerai aussi l’étoile du matin » (Ap 2, 26-28).

35
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

2.3. Dieu recherche de vrais adorateurs en temps de crise

e qui donne encore beaucoup d’espoir au milieu de la


crise que traverse aussi bien l’Église que le monde en
général, c’est de savoir que, comme dans le passé, l’Esprit
du Seigneur « veut, à travers nous (fils et filles de Dieu), susciter
dans le monde le vent et le feu d’une nouvelle Pentecôte »31. Oui,
le vent et le feu de la nouvelle Pentecôte continueront avec ceux
et celles qui apprennent à rechercher la face du Seigneur dans
leur vie et à marcher dans l’obéissance à sa Parole. Voici ce que
déclare le prophète Zacharie de la part de Dieu :

Des nations étrangères, les habitants de nombreuses villes


viendront de nouveau à Jérusalem. Les habitants d’une ville
proposeront à ceux d’une autre : « Venez, nous partons prier le
Seigneur de l’univers et rechercher sa présence. » « Nous venons
avec vous », répondront-ils. Oui, de nombreux peuples et de
puissantes nations viendront à Jérusalem rechercher ma
présence et m’implorer par leurs prières. À ce moment-là, je le
déclare, dix étrangers, parlant chacun une langue différente,
saisiront un Juif par le pan de son manteau, et lui diront :
« Nous voulons aller avec vous, car nous avons appris que Dieu
est avec vous. » (Za 8, 20-23)

31 BENOÎT XVI, La joie de la foi, Éditions Médiaspaul, Paris, 2012, p.74

36
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

Ce texte de Zacharie servira de toile de fond pour les autres


textes que je vais aborder dans ce livre. Si les étrangers, c’est-à-
dire les païens, s’attachent au Juif, c’est avant tout parce qu’ils
reconnaissent en lui la présence de ce Dieu qu’ils recherchent.
Alors que le monde se pose la question : où est Dieu ? C’est
auprès des chrétiens, notamment ceux et celles qui ont été
renouvelés par le feu de l’Esprit, que les païens devraient le
trouver, c’est-à-dire trouver sa présence. Dans les lignes qui
suivent, je mettrai en évidence un personnage qui, dans un
contexte de crise, s’est distingué par sa fidélité au milieu d’une
société corrompue, et qui, dans la suite, est devenu une source de
bénédiction pour tout le peuple. Je me propose de commencer
par le cas de Samuel.

Un problème de vision à l’époque de Samuel

En ces temps-là, il était rare que le Seigneur parle directement à


un homme ou lui accorde une vision. Une nuit, le prêtre Héli, qui
était devenu presque aveugle, dormait à sa place habituelle.
Samuel aussi dormait. Il était dans le temple du Seigneur, près du
coffre sacré (tabernacle). Avant l’aube, alors que la lampe du
sanctuaire brûlait encore, le Seigneur appela Samuel…(1S 3, 1-4)

Il ressort de ce texte quatre constats. Tout d’abord, la Parole de


Dieu se faisait rare alors qu’il y avait un prêtre dont la mission

37
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

est d’instruire le peuple de Dieu32. Le manque de Parole entraîne


le manque de connaissance et donc la mort spirituelle des enfants
de Dieu. Tel qu’il est écrit : « Mon peuple périt faute de
connaissance » (Os 4, 6). La conséquence de ce manque de
leadership spirituel est que la maison de Dieu a été
systématiquement souillée, en commençant par les propres fils
du prêtre et malheur sur malheur s’en sont suivi. Nous pouvons
rester longtemps dans l’église, mais être loin de la présence de
Dieu. Plusieurs serviteurs de Dieu sont devenus aveugles : ils ne
voient plus le péché comme Dieu le voit. Ils ont peur de perdre
les gens dans l’église. Un musicien chrétien a chanté : « J’ai
cherché le monde je l’ai trouvé dans l’église ; et l’église, je l’ai
trouvée dans le monde »33. Comme c’est vrai de nos jours. Les
hommes de Dieu comme les chrétiens sont devenus insensibles
au péché. Certains, comme les fils du prêtre Héli, profanent eux-
mêmes le temple. Qui sacre ? Ce ne sont pas les païens, mais les
chrétiens. On parle de réveil, mais combien sont réveillés par la
Parole ? Au commencement était la Parole. En elle était la Vie et
rien de ce qui a été fait ne s’est fait sans elle. (Cf. Jn 1, 1-6)

Ensuite, il n’y avait plus de vision. Or, sans vision, il n’y a pas de
motivation ni de direction. Il en ressort par conséquent une

32 Il est écrit que « de la bouche du prêtre on recherche l’instruction » (Mal 2,


7).
33 Il s’agit d’un pasteur et chanteur congolais, Patrice Noy.

38
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

grande confusion. L’environnement était devenu malsain à


l’époque de Samuel (1Sa 2, 12-22). Les fils du prêtre Héli étaient
pervers. Le temple était souillé. Ils pratiquaient la fornication
dans le temple alors qu’ils étaient mariés. Ils volaient les
offrandes dédiées à Dieu. La parole de l’Éternel fut adressée à
Samuel, car Dieu a vu le péché qui envahissait son temple.
Samuel est allé avertir le prêtre Héli du songe que Dieu lui a
révélé, mais celui-ci, faute de vision, a négligé l’avertissement.
Au lieu de jeûner et de prier, il a laissé les enfants d’Israël aller
combattre en se servant de l’Arche. Malheureusement, on les a
quasiment tous tués et les Philistins se sont emparés de l’Arche.
L’Arche du Seigneur s’est donc retrouvée, pendant vingt ans,
entre les mains infidèles d’une part, et, d’autre part, au bout de
compte, il y a eu une série de morts. En effet, un rescapé est venu
annoncer la défaite. Comme les fils du prêtre Héli ne s’étaient
pas repentis malgré la présence de l’Arche, ils ont connu la
défaite, puis la mort. La nouvelle de la mort des deux fils du
prêtre Héli ainsi que la prise de l’Arche du Seigneur ont
provoqué à leur tour la mort du sacrificateur lui-même et celle de
sa belle-fille. Cette période fut qualifiée de I-Kabod pour signifier
que la gloire de l’Éternel était bannie au sein de son peuple.

Toute la famille du prêtre Héli a mal fini à cause de leur vie de


péché. Ils étaient très nombreux quand ils sont partis affronter les
Philistins, et malgré leur nombre, plusieurs d’entre eux ont

39
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

trouvé la mort sur le champ de bataille. Notre groupe de


Renouveau peut prospérer, mais si les membres marchent dans
le péché, la gloire de Dieu sera bannie. Samson avait l’onction de
Dieu depuis sa naissance, mais quand il a brisé le silence du
secret, c’est-à-dire l’alliance, il a perdu cette onction et s’est
retrouvé aveugle et enchaîné.

C’est la vision qui soutient la mission et c’est elle qui encadre les
missionnaires-disciples de Jésus-Christ. Comme le remarque
Rick Warren, « la plupart des gens pensent que la vision est la
capacité de voir le futur. Dans notre monde si changeant, la
vision est aussi la capacité de déterminer, avec précision, les
changements qui s’opèrent et de profiter d’eux. Avoir une vision,
c’est être attentif aux occasions qui se présentent. » « La vision est
la capacité de percevoir les occasions qui se présentent à vous
dans certaines circonstances »34, pour s’en servir efficacement au
moment favorable. Être au service de Dieu, exercer un leadership
en église est une grâce, mais aussi une responsabilité. Car toute
autorité vient de Dieu. Et ce qu’on « attend d’un intendant est qu’il
se montre fidèle à son maître » (1Co 4, 2). Au lieu de provoquer en
eux l’adoration, l’Arche de l’Éternel a été manipulée pour des
fins égoïstes, et cela a entraîné la mort de la multitude (1S 5, 9).

34 Rick WARREN, L’Église, une passion, une vision. La croissance sans


compromettre le message et la mission, (traduction française par Nathalie
Valldecabres), Éditions Eternity Publishing House, Canada, 1999, p.17

40
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

Par ailleurs, en dépit de la rareté de la Parole et du manque de


vision, la lampe de l’Éternel n’était pas encore éteinte. Ceci révèle
que le feu de la lampe vient du ciel, cependant c’est à nous
qu’incombe la responsabilité de l’entretenir. La lumière qui ne
s’éteint pas est celle qui vient de Dieu : « Le feu qui brûle sur l’autel
ne doit pas s’éteindre : chaque matin le prêtre y remet des bûches sur
lesquelles il dispose le sacrifice complet (…) » (Lv 6, 5) On peut
considérer que cette disposition intérieure du jeune Samuel a pu
sauver la lampe pour qu’elle continue à brûler. Sans huile, la
lampe allait finir par s’éteindre. La prière35 de Samuel peut être
symbolique de cette huile qui a permis à la lampe du sanctuaire
de brûler encore. Ceci rappelle le miracle que le prophète Élie a
opéré avec la petite quantité d’huile d’une veuve qui était
endettée (2R 4, 1-7). Lorsque Dieu devient celui qui nous éclaire,
notre lumière brillera, quelle que soit l’épaisseur de l’obscurité.
Le feu de Dieu ne dépend pas de nos œuvres. Cependant, nous
avons le devoir de passer le flambeau d’une génération à une

35 Avant de se retirer de son pontificat, le pape Benoît XVI a beaucoup insisté,


dans son discours d’adieu au public, sur l’essentiel de la vie chrétienne c’est-à-
dire « le primat de la prière, sans laquelle tout l’engagement de l’apostolat et
de la charité se réduit à des activismes ». D’autant plus que « la prière n’est
pas une façon de s’isoler du monde et de ses contradictions, comme aurait
voulu le faire Pierre sur le Thabor, mais l’oraison ramène sur l’action ». Cité
par N. DIAT, L’homme qui ne voulait pas être pape. L’histoire secrète d’un règne,
Éditions Albin Michel, Paris, 2014, p.35. Voir aussi NTABAMALYRO, Le feu de
l’Esprit au XXe siècle, p.213.

41
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

autre. C’est cela qui explique que, même si le Renouveau


charismatique traverse un moment d’ombres, le feu de la
Pentecôte demeure allumé.

Enfin, le récit nous montre comment pendant ce temps, Samuel a


créé la différence. Il a recherché et est demeuré dans la présence
de l’Éternel36. Il ne fait pas de compromission, mais il recherche
la présence du Seigneur afin de « le servir dans la justice et la
sainteté véritables » (Lc 1, 75). Samuel n’a pas copié le mauvais
exemple de son temps. Il passait son temps dans la présence du
Seigneur, bien qu’il ne sache pas encore comment Dieu parlait.
Pour entrer dans le Saint des saints, là où était la présence de
l’Éternel (Arche), le sacrificateur devait se purifier au préalable.
Or, c’est dans ce lieu très saint que Samuel dormait. Il y avait
l’Arche (Dieu), la lampe (Jésus-Christ) et l’huile (le Saint-Esprit).
Si donc, en dormant dans ce lieu très saint, Samuel ne mourait
pas, c’est parce qu’il marchait dans la sanctification. C’est grâce à
son intégrité et à sa communion authentique avec Dieu que la
Parole fait de nouveau irruption et apporte le salut. Après 20 ans,
le peuple s’est tourné vers Samuel pour qu’il intercède en leur
faveur. Samuel a invoqué la miséricorde de Dieu. Le peuple s’est
repenti par le jeûne et la prière. Et Dieu l’a restauré. Cependant,
Samuel a eu besoin de l’aide du prêtre Héli — même si celui-ci

36 Voir aussi 1Jean 3, 21-22

42
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

n’avait ni Parole ni vision — pour reconnaître la voix de Dieu. La


nouvelle génération ou mieux les nouvelles communautés
charismatiques ont besoin de la sagesse et de l’expérience de
l’ancienne génération. Il ne faut pas mépriser le vieillard parce
qu’il est devenu aveugle. Il faut par contre devenir une source de
bénédiction pour lui. Ceci me fait penser aux Actes des apôtres
où il est question de Philippe qui quitte toute une assemblée qui
était en action de grâce à cause des miracles qu’il avait opérés,
l’Esprit le conduit vers le désert afin de donner la bonne
interprétation à un eunuque éthiopien. Quel que soit notre
charisme, il doit servir à relever d’autres et non à nous mettre en
concurrence les uns avec les autres.

Quelle ressemblance avec notre époque ! Bien que cette réalité de


crise ne soit pas du seul apanage de l’Église — car il est un
phénomène mondial —, les églises se vident littéralement et la
vie chrétienne est réduite au culte du dimanche. Les chrétiens
sont devenus anorexiques vis-à-vis de la Parole prophétique, ils
aiment les fables. Il y a une perte d’intérêts pour les
ressourcements spirituels qui ont pourtant nourri le dynamisme
du Renouveau dans sa première décennie, les pasteurs eux-
mêmes se servent de la Parole pour justifier leur point de vue au
lieu de la servir.

43
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

À une réunion des prêtres francophones37 en vue de réfléchir sur


l’avenir de l’Église d’ici, plusieurs ont exprimé leur désarroi. Il y
a vraisemblablement un manque de vision, d’audace et
d’espérance pour sortir de notre confort pastoral. Or, c’est ce qui
a été au cœur du Renouveau charismatique depuis ses débuts.
On peut donc affirmer à juste titre que, comme à l’époque de
Samuel, nous faisons face à une crise de vision et de Parole.
Malheureusement, force est de constater que c’est cela même qui
fait défaut aujourd’hui et qui a contribué au déclin de ce
mouvement spirituel, comme l’a si bien rappelé le père
Ntamabyaliro : « On se rappelle l’importance que ces témoins de
la puissance du Saint-Esprit accordaient à la Parole de Dieu.
Cette Parole de salut les accompagnait partout ! Ils ne vivaient
que pour et par elle. Ils la lisaient, ou mieux, ils la dévoraient et
allaient partout avec leurs Bibles. Ils étaient devenus (…) des
fous de l’Esprit Saint, de la Parole de Dieu et de la charité
fraternelle. »38 Dans le même ordre d’idées, il y a lieu de citer ce
passage du père Cantalamessa : « La Parole de Dieu a le pouvoir,
si nous lui obéissons, de nous faire accomplir la plus décisive et
la plus radicale des conversions : celle qui, du vivre pour nous-

37 Il s’agit d’une rencontre fraternelle des prêtres francophones de


l’archidiocèse d’Ottawa (Canada), qui a eu lieu en mars 2016.
38 NTAMABYALIRO, Le feu de l’Esprit-Saint au XXe siècle, p.5

44
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

mêmes, nous amène à vivre pour le Seigneur ». 39 Quelle vision


pour le Renouveau après 50 ans de présence bénéfique dans
l’Église ? Comment envisager un retour où la Parole prend sa
fonction de nourriture, de lampe et de vie ?

En ces temps de crise, les membres du RCC sont invités à


devenir « une école d’intercession, de foi et d’espérance ». Ils
doivent apprendre à se tenir entre l’autel (prêtre, prophète) et le
trône (roi). Il y a crise parce que précisément plusieurs chrétiens
viennent à l’église, mais peu seulement recherchent la présence
du Seigneur dans leur vie. Plusieurs, en effet, sont habitués aux
rites, mais peu sont habités par l’esprit de ces rites. À ce stage du
jubilé d’or, le RCC est invité sans faux-fuyant à faire une certaine
évaluation : « Quel est le chemin parcouru ? Quels sont les fruits
déjà perceptibles ? Quelles orientations semblent se dessiner ? »40

Qu’il me soit permis d’aborder maintenant un autre aspect de


cette crise. Je le fais en référence au Premier Livre des Rois.

Un temps de confusion à l’époque d’Élie

Pendant la trente-huitième année du règne d’Asa sur Juda,


Achab, fils d’Omri, devint roi d’Israël, et il régna vingt-deux

39 Raniero CANTALAMESSA, La vie dans la seigneurie du Christ,


Cerf/Médiaspaul, Paris/Montréal, 1997, p.8
40 JÉHANNO, L’enjeu du Renouveau charismatique ? p.13

45
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

ans à Samarie. Mais il fit ce qui déplaît au Seigneur, encore bien


plus que tous les rois qui l’avaient précédé. Non content d’imiter
les péchés de Jéroboam, fils de Nebath, il alla jusqu’à épouser
Jézabel, fille d’Etbaal, roi des Sidoniens, et il s’inclina devant le
dieu Baal pour lui rendre un culte. À Samarie même, il
construisit un temple pour Baal, y fit dresser un autel pour les
sacrifices et y plaça un poteau sacré. Par toutes ses actions, il
irrita le Seigneur, le Dieu d’Israël, plus encore que tous les rois
d’Israël qui l’avaient précédé. (1R 16, 29-33)

Le récit que j’ai retenu ici doit être lu en lien avec le chapitre 18
du même livre. Il met en exergue trois acteurs : le roi, le peuple et
le prophète. Sous le règne du roi Achab, la confusion spirituelle,
la séduction et la rébellion envers Dieu prévalaient dans le pays.
Non seulement a-t-il fait des compromissions en renversant
l’autel de Dieu, mais il a aussi fait alliance avec une femme
païenne et a adoré ses dieux païens. Jézabel a conduit beaucoup
de serviteurs de Dieu à la débauche et à manger à la table offerte
aux idoles. Qui est Jézabel ? Son nom signifie « louve ». Elle était
la fille d’Ethbaal (avec Baal). Son père faisait partie du sacerdoce,
très actif dans un culte païen. Pour devenir roi, son père avait
assassiné le roi précédent. Voilà pourquoi Jézabel a pu détruire le
culte à Yahvé, en influençant le roi et en entraînant le peuple
dans l’égarement total. Elle a conduit les serviteurs de Dieu à la
débauche et à manger à la table offerte aux idoles. Et elle voulait

46
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

rebâtir Jéricho, la ville que Dieu lui-même avait détruite. Le


peuple de Dieu était opprimé spirituellement. Dans ce contexte,
Dieu avait besoin d’un homme qui, le craignant, se tient en écart
pour qu’il s’en serve.

Cet homme était Élie. En dépit de la confusion spirituelle qui


régnait dans le pays, Élie était allé s’asseoir dans la présence de
Dieu. Et puisque la pluie est une bénédiction, Élie a fermé le ciel
pendant trois ans. C’était le temps de la sécheresse totale, mais
aussi de la confusion sur les dieux. Le peuple avait peur de
s’afficher pour Baal ou pour Yahvé. C’est alors qu’Élie lança le
défi de la confrontation : le Dieu qui répondrait par le feu, le
Dieu qui allait ouvrir le ciel pour que le feu tombe sur l’autel,
c’est lui le vrai Dieu. Après l’échec lamentable de la prière de 450
prophètes de Baal, Élie a invoqué son Dieu dans des
circonstances qui ne lui donnaient aucun avantage. Il a d’abord
rétabli l’autel avec douze pierres. Puis il a invoqué Yahvé et le
feu est descendu du ciel et a consumé l’holocauste, le bois et tout
(1R 18, 38-39). De façon concomitante, le feu du ciel a purifié les
cœurs du peuple. Leur peur ayant disparu, le peuple s’est élevé
avec une nouvelle onction et il a tué les faux prophètes. Notre
monde ne vit-il pas aujourd’hui un temps de confusion où Dieu
est réduit à la dimension d’un pourvoyeur, le péché est rendu
inexistant et où toutes les religions se valent ?

47
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

Il a fallu, en temps de crise et de confusion, un oint de Dieu, le


prophète Élie, pour apporter la lumière et instaurer la crainte de
l’Éternel dans ce règne de confusion. Nous avons souvent
tendance à rester dans nos églises et à y vivre notre foi. En temps
de crise, les vrais chrétiens en général et les membres du RCC en
particulier doivent sortir des églises pour aller vers les autres et
même vers la périphérie, comme l’exhorte le pape François.41

Lorsque l’on considère que dans l’Ancienne Alliance, le ROI, en


sa qualité de leader politique, était le représentant de Dieu sur la
terre et qu’il devait veiller à ce que le peuple de Dieu marche
dans le droit chemin, on comprend la gravité de l’alliance qu’il a
faite avec la fille d’un prêtre païen, une alliance qui a ouvert les
portes du royaume aux divinités païennes, notamment au dieu
Baal. En épousant Jézabel, une femme païenne, non seulement le
roi Achab a permis à une louve d’entrer dans la bergerie du
Seigneur, mais il a aussi créé une sorte d’anarchie spirituelle.
Une telle anarchie a provoqué une grande confusion en Israël, à
tel point que le PEUPLE ne savait plus à quel dieu se vouer.
L’autel de Dieu avait été renversé parce qu’Israël ne voulait plus
faire des sacrifices à Yahvé, alors il s’est tourné vers le dieu Baal,
dont 450 prophètes avaient dominé l’atmosphère en Israël.

41Cf. Evangelii Gaudium – La joie de l’Évangile. Exhortation apostolique du pape


François sur l’annonce de l’Évangile dans le monde d’aujourd’hui, Éditions de la
CECC, Ottawa, 2014, nos 20-24.

48
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

Ce fut le règne de la confusion, ou mieux du relativisme


religieux : tout était pareil. Dans plusieurs milieux ecclésiaux, la
flamme du Renouveau charismatique s’est éteinte à cause d’un
mauvais leadership spirituel d’une part et, d’autre part, d’une
mentalité de la mendicité des miracles que certains fidèles ont
développée. On court par-ci par-là à la recherche des miracles.
D’autres encore ont introduit des pratiques païennes dans leur
exercice de foi. Par exemple : enterrer la tête de la statue de saint
Joseph lorsqu’on veut vendre sa maison ; s’acheter une statue
d’éléphant dont la trompe est tournée vers le haut afin d’avoir la
chance de gagner une loterie ; placer une médaille miraculeuse
sous son oreiller si on veut dormir en paix, etc. Ainsi, sans s’en
rendre compte, on tombe dans le péché du peuple de Dieu à
l’époque d’Élie. Cela attire la colère de Dieu qui finit par quitter
nos temples et nos assemblées. En témoigne cet avertissement
qu’on retrouve chez le prophète Isaïe (1, 11-16) :

Vous venez vous présenter devant moi, mais vous ai-je demandé
de piétiner les cours de mon temple ? Cessez de m’apporter des
offrandes, c’est inutile ; cessez de m’offrir la fumée des sacrifices,
j’en ai horreur ; cessez vos célébrations de nouvelles lunes, de
sabbats ou de fêtes solennelles, je n’admets pas un culte mêlé au
crime, je déteste vos fêtes de nouvelle lune, vos cérémonies sont
un fardeau pour moi, je suis fatigué de les supporter. Quand
vous étendez les mains pour prier, je me bouche les yeux pour ne

49
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

pas voir. Vous avez beau faire prière sur prière, je refuse
d’écouter, car vos mains sont couvertes de sang. Nettoyez-vous,
purifiez-vous, écartez de ma vue vos mauvaises actions, cessez
de mal faire.42

Outre le roi et le peuple qui ont attiré la malédiction sur eux, en


occurrence la sécheresse qui a frappé le pays pendant trois
années, on note aussi la présence de SEPT MILLE HOMMES que
Dieu avait mis à part et qui n’avaient pas fléchi le genou devant
les dieux étrangers. Ce sont les bons pratiquants, dirait-on
aujourd’hui. On peut les comparer aux personnes « pieuses et
religieuses » dans nos églises : elles sont toujours là à la prière, à
l’adoration et à leur messe. Le problème est qu’ils ne font rien
pour changer les choses. Leur foi est repliée sur eux-mêmes. Ils
sont comme la mer Morte en dépit de l’eau que lui verse le
Jourdain. Elle est morte en réalité parce qu’elle ne donne pas ce
qu’elle reçoit. Ce n’est pas avec la seule bonne piété que l’Église
va retrouver son entrain et son dynamisme. Ça prend des
chrétiens qui acceptent de risquer, d’oser se salir en mettant les
mains à la pâte. « De tels chrétiens ne se contentent pas
seulement de participer à la messe dominicale ou aux

42On retrouve aussi cette idée dans : Amos 5, 21s ; Proverbes 15, 8 ; Proverbes
21, 27.

50
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

célébrations des fêtes d’obligations. Ils s’engagent pour le salut


de toute personne et le renouvellement du monde. »43

Ce fut le cas d’ÉLIE. Seul, il a obéi aux ordres de l’Éternel ; seul,


il a affronté le roi pour dénoncer ses fausses alliances ; seul, il a
confronté les 450 prophètes de Baal ; seul, il est allé se mettre en
présence de Dieu pour implorer de nouveau la bénédiction sur le
pays. Grâce à son audace et son obéissance à Dieu, il a ramené le
peuple en présence du vrai Dieu ; grâce à sa prière, la pluie est
tombée pendant trois jours et le sol a été de nouveau fertilisé.
Donc, comme dans le cas de Samuel, le salut du peuple de Dieu
intervient grâce à l’obéissance et la crainte de Dieu d’une seule
personne. Ceci est d’autant plus important pour les chrétiens en
général et les membres du RCC en particulier, surtout ceux et
celles aujourd’hui qui se découragent devant le nombre
décroissant dans leurs assemblées. Samuel et Élie sont des
modèles bibliques pour un nouveau réveil spirituel de notre
temps. Ce n’est pas le nombre qui compte, mais la qualité de
notre relation et de notre consécration à Dieu. Une telle qualité se
nourrit par notre intimité avec Dieu. C’est cela aussi que nous
devons favoriser et entretenir en période de crise. Seule une telle
intimité peut nous rendre obéissants aux directives de notre
Seigneur et Sauveur pour le salut de son peuple. En fait, en

43 NTAMABYALIRO, Le feu de l’Esprit-Saint au XXe siècle, p.46

51
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

temps de crise, Dieu met de côté une minorité de gens par


laquelle il apprend à la multitude la fidélité, l’obéissance.

2.4. Le « petit reste » au fil des temps

a notion de minorité est très présente dans la Bible. On


parle souvent du « petit reste », pour désigner la souche
ou les rescapés d’Israël, par exemple (Is 4, 3). Dans la
nouvelle Alliance, l’Évangile de Jean (6, 60-66) rapporte que de la
multitude de gens qui suivaient Jésus, seuls les apôtres sont
restés pour continuer avec lui. Plusieurs personnes l’avaient
quitté, estimant ses propos difficiles à accepter (Jn 6, 66). C’est à
ce petit reste que Jésus va réaliser la promesse du Saint-Esprit :
son effusion à la Pentecôte dans la chambre haute en vue de la
mission mondiale, de Jérusalem jusqu’aux extrémités de la terre ;
et c’est aussi pour ce « petit reste » qu’il adressa la prière dite
sacerdotale à son Père. (Jn 17) Dans l’histoire de l’Église, la
plupart des communautés religieuses sont nées dans des
contextes de crise. Des hommes et des femmes, inspirés par
l’Esprit, ont voulu apporter à leur manière un nouveau regain
spirituel, en privilégiant telle ou telle valeur évangélique en vue
d’un retour aux sources. « L’Église a toujours eu des hommes et
des femmes qui, grâce aux charismes spécifiques, ont fondé des
mouvements, des congrégations, voire des associations

52
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

caritatives, ou humanitaires. »44 C’est le cas de saint Benoît, saint


François d’Assise, saint Ignace de Loyola, saint Jean de la Croix,
sainte Bernadette Soubirous, sainte Mère Teresa et tant d’autres
hommes et de femmes élevés à la sainteté par l’Église. La
diversité des charismes et la particularité de personnalités font la
beauté de l’Église. Comme le disait la petite Thérèse : « Dans le
jardin de Dieu il n’y a pas que des roses, des lys, mais aussi de
petites pâquerettes. Elles aussi sont belles et contribuent à la
variété et à la beauté du jardin. »45 La préface de la liturgie des
saints pasteurs souligne le sens du témoignage de chacun en ces
termes : « Par l’exemple qu’il a donné, tu nous encourages, par
son enseignement, tu nous éclaires, à sa prière, tu veilles sur
nous »46.

Le début du RCC n’échappe pas à cette règle de la minorité. Ce


mouvement débute avec une trentaine d’étudiants et quelques
professeurs de l’université catholique de Duquesne regroupés au
centre The Ark and the Dove pour une récollection durant le week-
end du 17 au 19 février 1967. Cinquante années plus tard, il est
devenu un arbre mûr dont les branches s’étendent sur tous les
continents. Bien souvent, les gens sont plus portés à l’admiration
lorsqu’ils voient de grandes assemblées de prière. Ils en sont

44 NTAMABYALIRO, Le feu de l’Esprit-Saint au XXe siècle, p.31


45 Cité par UBALDI, Apôtres de feu à la suite de Marie, p.323
46 Missel romain. Extrait de la Préface des saints pasteurs

53
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

impressionnés, voire complexés, oubliant que ces assemblées ont


commencé toutes petites et ont grandi avec le temps, en
affrontant des problèmes, des épreuves, des revers et des échecs.
C’est là une loi naturelle de la croissance.

En tant que baptisés, quel que soit le type de ministère que nous
exerçons, nous partageons tous le même sacerdoce commun et
avons tous besoin de l’onction. Dans l’Ancienne Alliance,
personne ne pouvait servir Dieu sans d’abord être oint afin d’être
revêtu de cette habileté (aptitude) à servir Dieu dans le
tabernacle. Dans la nouvelle Alliance, l’onction est donnée pour
servir Dieu et pour servir son peuple tout à la fois. Elle permet
d’entrer dans une autre dimension, afin de continuer d’écrire
l’histoire du salut pour aujourd’hui (Ph 3, 10). Les chrétiens
renouvelés par le Saint-Esprit doivent devenir des faiseurs
d’histoire de leur groupe de prière et de leur communauté
ecclésiale ou religieuse ou encore leur groupe d’appartenance.
Par ses écrits, son témoignage de foi et sa prière pour l’Église du
Dieu vivant, Paul a été un faiseur d’histoire. Chaque chrétien est
appelé à s’inscrire dans l’histoire et à la marquer, peu importe
son parcours.

Le Renouveau charismatique célèbre son Jubilé d’or parce que


tant d’hommes et de femmes ont contribué à l’écriture d’une
nouvelle ère de cette histoire. S’adressant aux chrétiens de

54
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

Corinthe, l’apôtre Paul écrit : « Vous êtes manifestement une lettre


du Christ, écrite non avec l’encre de la religion, de la philosophie, ni du
légalisme, mais avec l’Esprit du Dieu vivant » (2Co 3, 3). Écrire
l’histoire du salut par l’Esprit de Dieu, c’est faire fructifier les
talents que Dieu a confiés à chacun de nous : « Seigneur, tu m’as
donné deux talents pour gagner cinquante âmes, j’en ai gagné
cent », pourrait-on ainsi paraphraser. Tous les dons et talents que
Dieu met à notre disposition sont là pour nous permettre de
grandir en amour et en puissance pour la réalisation des desseins
de Dieu pour le salut l’humanité. Embrasés par le feu de l’Esprit,
celui de l’amour de Dieu, et parvenus à la stature du Christ, nous
devenons disposés à donner notre vie jusqu’à mourir par amour
de Dieu et de son peuple qu’il veut sauver.

Puisse notre joie, en célébrant ce jubilé, reposer sur ce bon usage


des talents que Dieu nous a donnés et être une invitation à en
faire davantage en ces temps de crise généralisée. Dans un temps
de crise et de confusion, condamner ce qui ne va pas ne suffit
pas, il faut plutôt témoigner pour montrer au monde que nous
avons le vrai Dieu, le Dieu qui a exprimé son Amour en Jésus
Christ. C’est pour cela que l’Esprit Saint nous donne des
charismes diversifiés. Le Décret sur l’apostolat des Laïcs, par
exemple, stipule : « La réception des charismes, même les plus
simples, entraîne pour chaque croyant le droit et le devoir
d’exercer ces charismes dans l’Église et dans le monde, pour le

55
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

bien des hommes et l’édification de l’Église, dans la liberté de


l’Esprit Saint, en communion avec ses frères dans le Christ et très
particulièrement avec ses pasteurs. »47 Dans cette mise en
perspective, Syméon le nouveau théologien avait écrit, au
Moyen-Âge, dans un de ses traités théologiques et éthiques : « Le
Seigneur qui nous a favorisés des biens suprasensibles nous
donne aussi une nouvelle sensibilité suprasensible par son
Esprit, afin que ses dons et ses faveurs, qui dépassent la
sensation, nous soient clairement et purement sensibles. »48 Ces
biens suprasensibles, nous les recevons tous à travers chaque
sacrement où le Saint-Esprit est invoqué, mais aussi lors de
renouvellement de l’effusion de l’Esprit.

47 VATICAN II, Décret sur l’apostolat des Laïcs Apostolicam actuositatem, no 3


48 Édités et traduits par J. DARROUZES, Paris, 1963, p.105. (Apollinaire, p.139)

56
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

3. Le feu nouveau versus le feu sauvage

Sauvez-les en les arrachant au feu (sauvage) (Jude 23).

uand nous associons le Saint-Esprit au feu, de quel feu


s’agit-il ? Ce chapitre veut examiner deux types de feu : le
feu sauvage, étranger, non contrôlé d’une part, et, d’autre
part, le feu nouveau, celui de l’autel dont la source est Dieu lui-
même. Il vise à montrer la nécessité du feu nouveau pour
éteindre le feu sauvage qui détruit la vie de plusieurs chrétiens,
en les réduisant à des squelettes mobiles c’est-à-dire des
chrétiens vivants en apparence, mais « congelés » sur le plan de
l’esprit (Cf. Ap 3, 2).

3.1. Le feu sauvage

D’un point de vue spirituel, l’une des raisons pour lesquelles


plusieurs chrétiens se retrouvent dans un état d’ossements
desséchés est leur communion avec le feu sauvage. Dans son
livre Les saints de l’an 2000, le père Daniel-Ange soulève une
question qui mérite notre attention :

Pourquoi donc cette poussée spirituelle qui pointe de


partout ? La prolifération des sectes et des drogues, la
séduction des mystiques extrême-orientales, la

57
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

récupération du sens religieux par tel système politique :


que de clignotants avertisseurs, s’il en fallait !
Irrépressible, cette poussée risque d’être atrocement
sauvage. Son orientation et sa profondeur, qui donc la lui
donnera ?... L’Évangile : pas d’autre réponse ! Non pas un
évangile mièvre à force d’être édulcoré, mais l’Évangile
tout court, qui est Quelqu’un.49

Le feu sauvage n’épargne aucun continent. Dans une étude faite


sur le réveil spirituel en Afrique, par exemple, un auteur fait une
remarque pour le moins déconcertante :

« La religion est devenue un véritable business. Dans ces


pays de misère, faire rêver les pauvres est devenu une
industrie rentable. Les promesses de devenir riche
fulminent partout chez ces “bishops”, “apôtres”,
“prophètes” ou “messagers du Dieu Tout-Puissant”. Des
églises y poussent comme des champignons. »50 Dans une
autre étude menée par la revue internationale Jeune
Afrique, on rapporte le contraste entre les pasteurs des
églises de réveil qui mènent une vie fastueuse et les fidèles
qui les enrichissent. « Il n’y a pas de business plus lucratif

49 DANIEL ANGE, Les saints de l’an 2000 pourquoi les massacrer ?, Éditions
Anne Sigier, Québec, 1980, pp.14-15.
50 NTABAMABYLIRO, Le feu de l’Esprit-Saint, p.110.

58
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

(…) que les “Églises de réveil”. Leurs guides vendent au


prix fort leurs bénédictions aux fidèles (…) et leur
influence aux hommes politiques. »51

Cette question est au cœur des recherches du sociologue


congolais Jean Musway, qui soulève une question pertinente, à
savoir : « La religion est-elle paupérigène ou c’est la pauvreté qui
est religiogène ? »52 Dans le même ordre d’idées, Alban Mabiala
se questionne sur l’authenticité et la lucidité de prières de
bénédiction dans ces églises improvisées. Avec un style
caricatural, il écrit :

Au lieu d’aller chercher du travail, certains Africains


passent leur temps à prier. « Si vous êtes sans feu ni lieu,
Dieu vous le donnera. Amen. Si vous êtes malades, Dieu
vous guérira. Amen. Si vous êtes un ilote, Dieu vous
ennoblira. Amen. Fouillez dans vos poches et donnez tout
à l’Église, Dieu vous bénira. Amen. » C’est ce genre de

51 Trésor KIBANGULA, « RDC : pasteur, un job en or », dans Jeune Afrique


6/02/2014
52 Jean MUPEKA MUSWAY, « La pauvreté fait-elle le lit de la religion ? »,

dans Espace de libertés, no 387, juin 2010, p.18

59
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

quatrain que nous écoutions chaque jour dans certaines


maisons qui sont devenues des églises improvisées…53

Par ailleurs, il est devenu presque banal et anodin d’entendre de


nos jours parler du feu de l’Esprit lorsque les gens prient pour
chasser les esprits mauvais. Ils invoquent souvent le feu (fire)
pour détruire l’ennemi, prenant parfois les allures de spectacle
comme si Dieu avait besoin de spectacle pour sauver son peuple.
Ces expériences, caractéristiques du feu sauvage, on les retrouve
dans les églises chrétiennes, toutes dénominations confondues.
Le feu sauvage recherche le spectacle. Mais tout ce qui vient de
Dieu est ordonné, discipliné. Le feu de la Pentecôte est un feu qui
vient du ciel et qui est alimenté par la Parole. Ce feu vient d’en
haut et est inspiré par le Saint-Esprit.

Examinons un peu l’expérience du feu nouveau dans l’itinéraire


de l’apôtre Paul. Sur le chemin de Damas, l’apôtre Paul avait la
lettre qui lui octroyait l’autorité de persécuter les chrétiens. Sous
l’effet d’une apparition, il est tombé et il a perdu la vue. Saul, le
zélé fanatique, sera brisé. Car Dieu commence par briser le cœur
avant de donner l’onction. Il y a la grâce de Dieu pour tous,

53 Alban MABIALA-NSIMBVA, « La communication (communion) des


Africains avec Dieu, est-elle sincère ou hypocrite ? », dans Dieu et l’Afrique.
Une approche prophétique, émancipatrice et pluridisciplinaire. (Afroscopie, Revue
savante et pluridisciplinaire sur l’Afrique et les communautés noires),
L’Harmattan, Paris, 2016, p.279

60
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

même pour les pécheurs. Dieu envoie Ananie afin de prier sur
lui et Paul reçoit le Saint-Esprit. Le résultat est clair : il y a eu une
grande transformation. Ce dernier est devenu un fanatique du
Christ et cela, en dépit de l’opposition farouche que les Juifs ont
manifestée au Message chrétien. Ceci rappelle que Jésus est venu
mettre le feu sur la terre et ce feu a été allumé le jour de la
Pentecôte. Et son désir le plus grand était que ce feu se répande.
Il faut désirer ce feu. Malgré les oppositions de tous les temps, ce
feu brûle.

On ne peut pas fabriquer le feu qui vient du ciel. Dans certains


groupes ou assemblées, les gens font beaucoup de bruit, ils
composent des chants, ils parlent même en langues, mais cela
demeure artificiel, car l’œuvre est humaine. La froideur que l’on
ressent dans nos églises et nos assemblées de prière révèle le réel
besoin d’un feu nouveau qui provienne de l’autel. Le froid
entraîne la mort et rien ne peut redonner la vie sinon la chaleur.
C’est pourquoi, pour ressusciter le fils de la Sunamite (2R 6), le
prophète Élisée étend son corps sur le corps de l’enfant, son nez
sur son nez, sa bouche sur sa bouche, afin de réchauffer l’enfant
jusqu’à ce qu’il revienne à la vie. Beaucoup d’églises sont mortes
parce qu’elles n’ont pas de feu, elles sont réduites aux rites. Par
contre, quand il y a le feu de l’autel, il brûle dans le cœur et
donne vie à l’âme. En témoigne le récit des disciples d’Emmaüs
lorsque Christ ressuscité le réconforte, chemin faisant : « N’y

61
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

avait-il pas comme un feu qui brûlait au-dedans de nous quand il


(Jésus) nous parlait en chemin et nous expliquait les Écritures ? » (Lc
24, 32)54. Et lorsque le cœur brûle, on cherche à l’exprimer, car
« ce qui sort de la bouche, c’est ce qui déborde du cœur. » (Lc 6, 45 c) Si
votre feu ne passe pas par l’autel, tout sera artificiel. Une église
où Dieu demeure est un plus en chaleur chrétienne.

3.2. Le feu de l’autel ne s’éteindra pas

ors de son pontificat, le pape Benoît XVI a attiré


l’attention des chrétiens catholiques sur le risque
d’éteindre le feu de la foi. Dans sa lettre adressée aux
évêques au sujet de la levée de l’excommunication de quatre
évêques consacrés par Mgr Lefebvre en 2009, il a écrit ce qui
suit :

À notre époque… dans de vastes régions de la terre, la foi


risque de s’éteindre comme une flamme qui ne trouve
plus à s’alimenter (…) Le vrai problème est que Dieu
disparaît de l’horizon des hommes et que, tandis que
s’éteint la lumière provenant de Dieu, l’humanité manque

54 Traduction de la Bible en français courant.

62
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

d’orientation, et les effets destructeurs s’en manifestent


toujours plus en son sein.55

Ce constat doit nous faire prendre conscience plus que jamais de


la nécessité de prendre soin, pour les générations à venir, du feu
du Renouveau qui a été expérimenté par et dans l’Église depuis
50 années déjà. Je vais partir du livre de Josué pour continuer
cette réflexion et l’actualiser au contexte qui est celui du jubilé du
RCC :

Moïse, le serviteur du Seigneur, était mort. Le Seigneur dit


alors à Josué, fils de Noun et auxiliaire de Moïse : Mon
serviteur Moïse est mort. Maintenant, c’est à toi de traverser la
rivière du Jourdain avec tout le peuple, pour pénétrer dans le
pays que je donne aux Israélites… Lève-toi et fortifie-toi, car
c’est toi qui donneras en partage à ce peuple le pays que j’ai
promis à ses ancêtres. (Josué 1, 1-2. 6-7)

Dieu fait le constat de la mort de Moïse et s’étonne que Josué


continue à faire le deuil alors que le peuple demeure sans leader.
Moïse peut être considéré comme notre maître ou comme une
expérience de foi qui repose sur le savoir et le savoir-faire des
autres. Et dans cette mise en perspective, tant que ce « Moïse »

55Cité par la Commission doctrinale de l’ICCRS, L’Effusion de l’Esprit-Saint,


Éd. Les Béatitudes, 2012, p.12.

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Des chrétiens de feu à la stature du Christ

demeure vivant, nous ne pourrions jamais exercer notre


leadership de baptisés et, par conséquent, nous ne pourrons
jamais entrer dans notre Canaan. Et tant que nous resterons à
faire le deuil, à regretter le beau temps, à murmurer, à critiquer,
etc., nous ne pourrions jamais progresser dans notre mission ni
dans la réalisation de notre vision. Il y a une promesse que Dieu
a faite pour nous. Les générations antérieures ont fait leur part,
nous devons, nous aussi, faire la nôtre. En effet, pour que la
lampe du sanctuaire qui a éclairé et guidé la foi de pionniers du
Renouveau ne s’éteigne pas, chacun doit assumer sa
responsabilité. La Bible déclare : « le feu qui brûle sur l’autel ne
s’éteindra point » (Lv 6, 7). Cependant, comment faire pour que le
feu de l’autel ne s’éteigne pas ?

Il y a une disposition du cœur que Dieu attend de nous après 50


ans d’expérience de feu de la Pentecôte, apporté par le
Renouveau charismatique. Il est vrai que c’est Dieu qui prend
l’initiative d’allumer le feu. Par contre, il revient aux
sacrificateurs de l’entretenir avec de l’huile. Or, chaque chrétien a
été baptisé prêtre, prophète et roi, il est donc un sacrificateur.
C’est notre responsabilité en tant que baptisé de veiller à ce que
ce feu ne s’éteigne pas. Et l’autel qui abrite ce feu, c’est d’abord
notre cœur. En le remplissant de la Présence et de la Parole de
Dieu, nous gardons le feu allumé. La prière, la Parole et le

64
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

témoignage sont non seulement indispensables, mais aussi


nécessaires à l’entretien de ce feu du Renouveau.

À ce stade de ma méditation, je ne peux passer sous silence le


récit des dix vierges et sa leçon de vie dans le contexte
d’aujourd’hui. L’attitude prévoyante de cinq vierges sensées
s’explique par l’importance qu’elles attribuaient à la personne de
celui qu’elles attendaient et à la joie d’une rencontre éventuelle.
Si elles ont pu entrer lorsque l’Époux est arrivé, c’est parce que
leur lampe n’a pas fait défaut. Elles avaient l’huile dans les
lampes, mais aussi elles avaient prévu des réserves au cas où. Il
doit en être de même pour nous. Le soin que nous avons à
apporter au feu de l’autel est révélateur de nos dispositions
intérieures et du sérieux que nous accordons au projet de Dieu.
Comment garder concrètement ce feu allumé ? Comment en
prendre soin au quotidien ?

3.3. Rallumer le feu par le partage de la Parole

ans la lettre que Paul adresse à Timothée, il l’exhorte à


veiller sur le feu qu’il a reçu par l’imposition des mains.
En effet, bien que Timothée ait eu le don de parler en
langues, à force de rencontrer de multiples obstacles, le feu c’est-
à-dire le zèle du ministère s’était éteint en lui. Il en est de même
chez plusieurs d’entre nous. Certains ont perdu le feu du

65
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

premier amour dont parle l’ange à l’Église d’Éphèse (Ap 2, 4) ;


d’autres encore ont perdu la passion de la prière, de l’adoration
et de la louange, voire du témoignage. Faute de ce feu intérieur,
plusieurs ont abandonné le combat et ont choisi de retourner
dans leur vie antérieure, dans leur confort d’autrefois. Ceci fait
penser aux disciples d’Emmaüs qui, dans leur désespoir,
retournaient dans leur milieu paisible. Ils avaient perdu la
flamme de l’espérance. Chemin faisant, Jésus vient à leur
rencontre, marche avec eux, leur rappelle les Écritures afin de
rallumer ce feu dans leur cœur. Aussi ont-ils témoigné en ces
termes : « Notre cœur n’était-il pas brûlant tandis qu’il nous
parlait ? » (Lc 24). Telle doit être notre espérance après les 50 ans
de Renouveau charismatique. Notre Dieu vient vers nous quand
nous sommes tentés d’abandonner. La particularité du feu est
que, quand il brûle, il se propage. Lorsque le feu de l’Esprit est
de nouveau allumé en nous, il nous faut le partager avec d’autres
pour que l’expérience du Renouveau charismatique continue.

Pourquoi devons-nous partager ce feu avec d’autres ? La réponse


se trouve dans le livre des Actes des apôtres, où, s’adressant à Paul
dans une vision, alors qu’il était découragé par l’opposition des
Juifs, le Seigneur lui dit : « Ne crains point… Parle… Car j’ai un
peuple nombreux ici » (18, 9-10). Il faut témoigner de la Parole
(prédication), car Dieu a un peuple nombreux à qui il veut se
révéler et lui apporter le salut. Lorsque nous parlons aux gens

66
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

des promesses de Dieu ou lorsque nous les invitons à la


conversion, nous allumons le feu de Dieu dans le cœur de ce
peuple nombreux.

Nous avons tendance à faire beaucoup de choses, ou à organiser


une multitude de ministères, mais bien souvent nous confondons
les moyens avec le but. Le but, c’est le Seigneur. Nos yeux
doivent être fixés sur Lui et Lui seul. L’apôtre Paul déclare :
« Mon but est de connaître Jésus Christ et expérimenter la puissance de
la résurrection… » (Ph 3, 10) À propos de ce but qu’est Jésus-
Christ, d’une part, Jésus lui-même l’explique dans le récit des
disciples d’Emmaüs mentionné précédemment, lorsqu’il est dit :
« Puis il leur expliqua ce qui était dit à son sujet dans l’ensemble des
Écritures, en commençant par les livres de Moïse et en continuant par
tous les livres de Prophètes » (Lc 24, 27).

D’autre part, le récit de la transfiguration nous donne une


lumière là-dessus : les trois apôtres qui ont accompagné Jésus sur
le mont Thabor sont témoins d’une expérience grandiose. Non
seulement Jésus est transfiguré, mais aussi il est entouré de
Moïse (la Loi) et d’Élie (les Prophètes). Pourtant, malgré leur
présence, la voix qui descend du ciel ne parle que de Jésus :
« Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui je mets toute ma joie. Écoutez-
LE ! » (Mt 17, 5). Ces deux récits montrent vraiment l’importance
de se recentrer sur la personne de Jésus seul comme but ultime

67
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

de notre recherche, de notre expérience spirituelle ou de notre


évangélisation.

3.4. Agir en ferment d’Évangile56

Le Royaume de Dieu est semblable à du levain qu’une femme a pris et


a enfoui dans trois mesures de farine, jusqu’à ce que tout ait levé.
(Matthieu 13, 33).

« Avec les autres, agis en ami, agis en ferment d’Évangile » m’a


semblé très inspirant comme titre. Ce titre fait partie des slogans
du Mouvement des Cursillos. Qu’est-ce qu’un ami et que signifie
ferment ? Selon le dictionnaire Le Petit Robert, un ami est « une
personne bien disposée, qui a de la sympathie envers une autre
personne ou une collectivité ». Le ferment, quant à lui, signifie
« ce qui fait naître un sentiment, une idée, ce qui détermine un
changement interne. » C’est donc en se faisant ami et en agissant
en personne disposée et sympathique pour les autres qu’on peut

56Je m’inspire ici du thème que le Mouvement des Cursillos avait retenu lors
de leur ressourcement spirituel annuel de 2012 et qui a été résumé dans leur
revue Le quatrième jour de la même année : « Avec les autres, agis en ami, agis
en ferment d’Évangile ». « Le Mouvement des Cursillos est un mouvement
d’Église qui, au moyen d’une méthode spécifique, rend possible l’expérience
personnelle et communautaire de ce qui est fondamental dans le
christianisme, dans le but de former des noyaux de chrétiens, en les aidant à
découvrir et à réaliser leur vocation personnelle comme ferment d’Évangile
dans les milieux respectifs ». Cf. Description officielle du Mouvement des
Cursillos, Le quatrième jour, Automne 2012, p.6.

68
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

les amener à Jésus-Christ et leur permettre de faire l’expérience


du feu de l’Esprit dans la joie de l’Évangile. Il va sans dire que les
qualités humaines s’avèrent très importantes aujourd’hui dans
l’acte d’évangélisation. Ces qualités, que doit revêtir l’ami qui
veut amener d’autres amis à Jésus-Christ, sont déjà en elles-
mêmes les fruits de l’Esprit : « l’amour, la joie, la paix, la patience, la
bienveillance, la bonté, la fidélité, la douceur et la maîtrise de soi » (Ga
5, 22-23). Or, comme l’a stipulé le pape Benoît XVI : « Toute la
mission de Jésus avait pour objectif de donner l’Esprit de Dieu
aux hommes et de les baptiser dans son bain de régénération. »57
Le chemin de la conversion doit être soutenu par de vrais amis
dans la foi.

Les groupes de prière et de partage biblique doivent devenir des


lieux où l’on peut toucher Dieu grâce à la chaleur humaine, à
l’amour fraternel, au partage de notre témoignage de foi, à
l’accueil gratuit des nouveaux. C’est cet élan humain, fraternel et
amical que souligne Charles Migneaut, lorsqu’il s’adresse aux
Cursillistes : « Voilà l’importance des nouveaux et de leur
enthousiasme. Ils ont une générosité à partager avec les anciens,
leur étonnement de se savoir une merveille, leur fascination de
cette chaleur humaine qu’ils ressentent peut-être pour la
première fois, leur enthousiasme à se reconnaître amis des autres

57 L’Effusion de l’Esprit-Saint, p.9.

69
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

et de l’Autre ».58 C’est le prix à payer si nous voulons que la


lampe de l’autel ne s’éteigne pas : avoir une attention particulière
pour les nouveaux membres et bien soigner nos rencontres.
Chaque membre doit être comme une coupe que Dieu, par notre
accueil, fait déborder de son onction, de sa Parole, de son amour,
de sa paix, de sa bonté afin qu’ils coulent jusqu’aux confins de la
terre, en commençant par notre Jérusalem.

Pour la plupart de gens, notamment ceux qui ne pratiquent pas,


le témoignage de notre vie peut être le seul Évangile qu’ils
peuvent lire. Impacter notre entourage par la qualité de notre vie
de foi, de prière et notre témoignage peut ressembler au peu de
levain qui fait lever toute la pâte. Tel est le témoignage des saints
de tous les temps. Plus nous serons habités par les qualités
humaines, fruits de l’Esprit Saint, plus nous marquerons notre
entourage. Ainsi, le feu ne s’éteindra point, car notre foi ne sera
pas vécue de façon égoïste. Jésus ne nous a-t-il pas dit qu’il nous
a établis pour être le sel de la terre et la lumière du monde ? Mais
si le sel perd sa saveur, à quoi servira-t-il encore ? Et une lampe,
peut-on l’allumer pour la tenir sous le boisseau ? « Que votre
lumière brille devant les hommes, afin qu’ils voient le bien que vous
faites et qu’ils rendent gloire à votre Père qui est dans les cieux. » (Mt
5, 13-16)

Animateur spirituel du Mouvement des Cursillos, Message du 23 août 2012,


58

Notre-Dame-de-la-Paix, dans Le quatrième jour, Automne 2012, p.6.

70
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

4. Contrer la race des vipères dans nos églises

Un autre signe apparut dans le ciel : un énorme dragon rouge qui


avait sept têtes et dix cornes, et une couronne sur chaque tête(…). Il
se plaça devant la femme qui allait accoucher, afin de dévorer son
enfant dès qu’il serait né. (…)Alors une bataille s’engagea dans le ciel.
Michel et ses anges combattirent le dragon, et celui-ci se battit contre
eux avec ses anges. Mais le dragon fut vaincu, et ses anges et lui
n’eurent plus la possibilité de rester dans le ciel. L’énorme dragon fut
jeté dehors. C’est lui le serpent ancien, appelé le diable ou Satan, qui
trompe le monde entier. Il fut jeté sur la terre, et ses anges avec lui.
(Ap. 12, 3-4.7-9)

4.1. Pourquoi le feu nouveau ?

e feu nous prépare à être utiles pour l’œuvre de Dieu. En


effet, un Dieu saint a besoin d’hommes et de femmes qui
se sanctifient afin d’être utiles et efficaces à son œuvre.
Que signifie se sanctifier ? La sanctification est un processus de
purification moral de l’homme qui se met à part pour Dieu. On
peut aussi parler de consécration, c’est-à-dire de séparation en
vue d’être disposé pour Dieu. L’idée de purification consiste à se
débarrasser des impuretés. C’est l’action de purifier ou de rendre
pur. Et, comme pour l’or, c’est le feu qui permet le processus de
purification : « Afin que l’épreuve de votre foi, plus précieuse que l’or
périssable (qui cependant est éprouvé par le feu), ait pour résultat la

71
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

louange, la gloire et l’honneur, lorsque Jésus-Christ apparaîtra » (1P 1,


2. 6-7).

Ce passage montre clairement que la foi est toujours éprouvée à


l’instar de l’or qui doit passer par le feu pour être libéré de toutes
ses impuretés. C’est ainsi que, dans les grandes souffrances Job
exprima une confiance entière en son Dieu en déclarant : « Il sait
néanmoins quelle voie j’ai suivie. Et, s’il m’éprouvait, je sortirais pur
comme l’or » (Jb 23, 10).

Du point de vue de Dieu, tout objet de valeur doit passer par le


feu pour être pur. Tout ce qui vit sans Dieu ne peut être pur. Et
Dieu seul est en mesure de juger si une chose est pure ou pas.
C’est pourquoi le seul test révélateur de la pureté est le feu. Le
feu sépare le bien du mal afin de ne laisser que le bon, l’agréable
et le parfait. Malheureusement, il y a des chrétiens qui
recherchent la gloire de Dieu sans passer par le feu. Ils invoquent
le Saint-Esprit pour qu’il vienne enflammer son Église, mais qui,
dans les faits, préfèrent maintenir des structures et des attitudes
qui maintiennent les gens congelés spirituellement dans le froid.
Cette espèce de chrétiens est comme une vipère dans l’église.

72
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

4.2. Qu’est-ce que la race de vipères ?

Une foule de gens venaient à Jean pour qu’il les baptise. Il leur
disait : « Bande de vipères ! Qui vous a enseigné à vouloir
échapper au jugement divin, qui est proche ? Montrez par des
actes que vous avez changé de mentalité et ne vous mettez pas à
dire en vous-mêmes : “Abraham est notre ancêtre.” Car je vous
déclare que Dieu peut utiliser les pierres que voici pour en faire
des descendants d’Abraham ! La hache est déjà prête à couper les
arbres à la racine : tout arbre qui ne produit pas de bons fruits
va être coupé et jeté au feu. » (Lc 3, 7-9)

ean Baptiste établit un lien entre la race de vipères et le


comportement hypocrite. Selon sa mise en perspective,
nous pouvons considérer la race de vipères comme ceux
qui portent l’apparence religieuse, mais ne produisent aucun
fruit de leur foi. Jean Baptiste l’oppose à la race d’en haut. Jésus
aussi va emprunter cette expression pour stigmatiser les
Pharisiens qu’il qualifie d’hypocrites (Mt 23, 33). Les chrétiens
hypocrites sont dangereux, car ils vivent comme des sous-marins
c’est-à-dire qu’ils ont une vie double. Leur bouche confesse Dieu,
mais leur cœur n’y croit pas et leur vie ne l’honore pas non plus.
Jésus leur répondit : « Isaïe a bien prophétisé à votre sujet, hypocrites,
ainsi qu’il est écrit : Ce peuple m’honore des lèvres, mais son cœur
est loin de moi. » (Mc 7, 6). L’hypocrisie, comme le contre

73
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

témoignage, est comme un venin qui empoisonne la vie de Dieu


dans le cœur de plusieurs. Et c’est à cause de cela que des frères
et de sœurs ont abandonné l’Église. Des chrétiens hypocrites, on
en trouve aussi bien dans nos églises, nos assemblées de prière
que dans nos familles. C’est pourquoi la seule façon de changer
de race est la repentance (Ac 3, 19-20). Se repentir signifie changer
sa façon de penser, changer de direction. Quand on se repent, la
vie de Dieu vient en nous (Ac 11, 18 b). Seule sa présence en nous
peut nous sanctifier et nous faire porter beaucoup de fruits, car il
est la vigne et nous les sarments. Ces fruits, en définitive,
glorifient Dieu lui-même et témoignent de notre fidélité comme
disciples. Mais pour porter beaucoup de fruits, il faut être planté
dans la bonne terre et recevoir l’eau du ciel.

4.3. L’autorité d’écraser la vipère et le scorpion

armi les pouvoirs que Jésus donne à ses apôtres lorsqu’il


les envoie en mission, il y a celui de marcher sur la vipère
et le scorpion (Lc 10, 19). En tant que disciples de Jésus,
nous devons extirper les vipères de nos assemblées ecclésiales,
car elles pourront être nocives pour la semence de vie que donne
l’annonce de la Parole. Rappelons que l’ennemi ne vient que
pour voler, égorger et tuer ce qu’il y a de Dieu en nous. (Jn 10,
10) Je vous propose d’examiner tant soit peu le dernier chapitre
des Actes où il est question du serpent. En vue d’en faire

74
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

quelques applications et actualisations par rapport à l’objet de


notre méditation.

Une fois sauvés, nous avons appris que l’île s’appelait Malte.
Ses habitants nous traitèrent avec une grande bienveillance :
comme la pluie s’était mise à tomber et qu’il faisait froid, ils
allumèrent un grand feu autour duquel ils nous accueillirent
tous. Paul ramassa un tas de branches pour le jeter dans le
feu, mais un serpent en sortit à cause de la chaleur et
s’accrocha à sa main. Quand les habitants de l’île virent ce
serpent suspendu à la main de Paul, ils se dirent les uns aux
autres : « Cet homme est certainement un assassin, car la justice
divine ne lui permet pas de vivre, bien qu’il ait échappé à la
mer. » Mais Paul secoua le serpent dans le feu et ne ressentit
aucun mal. Les autres s’attendaient à le voir enfler ou tomber
mort subitement. Mais, après avoir attendu longtemps, ils
constatèrent qu’il ne lui arrivait aucun mal ; ils changèrent
alors d’idée et dirent qu’il était un dieu. (Ac 28, 1-6)

Tout d’abord, il sied de constater que le serpent était situé dans


un endroit humide, dans de la paille morte. Étant donné qu’il
n’aime pas le feu, à l’approche de la chaleur, il a mordu Paul
pour lui injecter son venin. Quel drame ! Surtout lorsqu’on sait
que cela entraîne la mort dans les instants qui suivent, à moins
de disposer d’un antidote. Le feu que Paul attisait en jetant de la
paille a réveillé le serpent qui aime le froid. Le feu de la sainteté,

75
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

de la droiteté fera sortir la race de vipères de leur cachette. Dès


qu’il y a du feu en vous, vous allez réveiller les vipères qui
dorment. Et il y en a beaucoup qui dorment dans les églises
froides. – Ne dit-on pas dans notre langage ordinaire : « telle
personne a une langue de vipère » ? – Lorsqu’une église se
refroidit, c’est parce qu’il y a du feu étranger. Or celui-ci refroidit
les cœurs sincères et attire les vipères. N’ayez cependant pas
peur du risque. Il en est de même de Jésus : lorsqu’il a voulu
apporter du feu sur la terre (Lc 12, 49), il a été attaqué jusqu’à
mourir sur une croix. La race de vipères vous fera mettre en
prison (1P 4, 12) ; elle jettera son poison sur vous en vous faisant
croire qu’elle a gagné, que Dieu ne vous a pas aidé, qu’au
contraire il vous a abandonné et, par conséquent, elle vous fera
douter de Dieu même. Rappelez-vous que, chaud ou froid, la
vipère est là. C’est à nous de la secouer au feu de l’autel. Quant à
Jésus le Christ, il nous a donné l’assurance d’être toujours avec
nous ainsi que l’autorité de marcher sur la vipère et le scorpion
(Lc 10, 19).

Plusieurs chrétiens dans le Renouveau charismatique sont attirés


par le parler en langue, mais peu d’entre eux recherchent
d’abord le feu. Ma prière est que des langues de feu, venant du
ciel, reposent sur chacun de vous et que vous soyez baptisés et
embrasés de ce feu sacré qui purifie. Dans le chapitre qui suit, je

76
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

me propose d’examiner avec vous le processus de purification


par le feu dans le cheminement de l’apôtre Pierre.

5. Trois types de feu dans le cheminement de Pierre

l y a Pentecôte parce qu’il y a d’abord eu Golgotha, c’est-à-


dire la mort et la résurrection de Jésus-Christ. C’est l’autel,
le prêtre et le sacrifice. J’ai choisi le parcours de Pierre pour
retracer le cheminement de l’expérience de feu dans sa vie, dans
l’espoir que cela puisse nous aider, 50 ans après, à désirer de
nouveau le feu qui nous consacre au service de Dieu et de son
Église.

Pourquoi Pierre ? Il est le seul apôtre qui fait parler de lui dans sa
relation avec Jésus : il pose des questions, il répond aux
questions, il intervient pour défendre Jésus, il renie son maître, il
pleure, il est parmi les premiers témoins de la résurrection du
Christ et enfin, c’est à lui que Jésus ressuscité confie
explicitement la charge de faire paître ses brebis. Revêtu de
puissance d’en haut, lors de la Pentecôte, Pierre est celui dont le
discours sur la résurrection de Jésus convertit plus de 3 000

77
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

personnes ; c’est aussi lui qui, accompagné de Jean, opère le


premier miracle au nom de Jésus. Pierre est donc une figure
biblique non négligeable pour l’affermissement de notre foi. On
retrouve trois types de feu dans le parcours de Pierre : le feu de
la trahison, le feu de la réconciliation et le feu de la consécration.

5.1. Le feu de la trahison (Lc 22, 54-62)

endant que Jésus est arrêté, Pierre va se réchauffer au feu


de ceux-là mêmes qui en voulaient à son Maître. Ce feu,
contrairement aux autres, est allumé la nuit parce que
l’homme n’est pas fait pour l’obscurité. C’est pourquoi les gens
cherchent à s’éclairer et à se réchauffer. À partir de ce moment,
dit l’Évangile, Pierre se mit à suivre Jésus de loin. Comment
expliquer que cet homme qui avait confessé que Jésus est le
Messie, le Fils du Dieu vivant, puisse en venir à se réchauffer au
feu des ennemis de Dieu et à prendre distance avec son Maître ?
Rappelons qu’au jardin de Gethsémani Jésus avait passé la nuit
en présence de ses disciples et leur avait demandé de prier pour
ne pas tomber en tentation. Jésus les avait amenés à l’écart pour
leur apprendre à lutter contre les forces de la nuit (ténèbres).
Mais, eux, ils ont préféré dormir. Et lorsqu’arrivent ceux qui
devaient arrêter Jésus, Pierre recourt à la violence. Une religion
qui recourt à la violence n’est pas de Dieu. Jésus est venu non
pour faire couler le sang des gens, mais pour faire couler son

78
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

propre sang qui avait le pouvoir de nous racheter. Le feu de la


trahison conduit au reniement. C’est autour de ce feu des
ennemis que Pierre se rappelle les paroles que Jésus lui avait
dites : « Avant que le coq ne chante, tu m’auras renié trois fois… » Et
il pleura. Nous courons tous ce danger de trahison parce que
nous recourons au feu des traîtres qui est devenu le feu de
malédiction. Si dans votre groupe de prière, votre communauté,
votre famille, votre mariage, vos amitiés, votre entreprise, il y a
du feu de la trahison, votre vie sombrera un jour ou l’autre dans
les pleurs et la déception.

5.2. Le feu de la réconciliation (Jn 21, 1-19).

ésus donne à Pierre une triple occasion de confesser sa foi


en son Maître après l’avoir renié trois fois auparavant. Là
où le péché abonde, Dieu donne sa grâce en
surabondance. Parfois, à cause de nos trahisons, nous pouvons
être tentés de penser que Dieu nous a oubliés ou rejetés. Jésus est
le bon berger qui, laissant de côté l’ensemble du troupeau, va à la
recherche de la brebis égarée. Si Dieu vient à notre recherche,
nous devons nous aussi exprimer le repentir. C’est ce que le roi
David a fait, après avoir commis l’adultère et provoqué le
meurtre de son officier militaire : « Ma faute est devant moi…
Restaure-moi de nouveau dans la joie de la rédemption » (Ps 51).
Remarquez que David ne demande pas le salut, mais la joie, car

79
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

c’est cela, la joie d’être sauvé, qu’il avait perdue. Plusieurs


d’entre nous n’ont-ils pas perdu la joie de leur premier baptême
de feu ? N’y a-t-il jamais eu un temps dans votre vie où vous
étiez plus proche du Christ que vous ne l’êtes maintenant ?
Qu’est-ce qui a détruit la joie d’être sauvée dans votre cœur et
qui fait que vous avez maintenant honte de votre foi et de votre
Dieu ? Ce temps de crise peut être un temps de restauration
profonde pour vous. Car c’est Dieu lui-même qui fait le premier
pas pour nous réconcilier avec lui.

Le feu de la réconciliation, dans le cas de Pierre, c’est le feu du


rivage. Après la trahison, c’est Jésus qui prend l’initiative de
venir vers ses apôtres. Pierre et les autres retournent à leur zone
de confort : la pêche. Alors qu’il est encore sous le choc d’avoir
trahi son Maître (Jésus), ce dernier lui offre une nouvelle
opportunité de se réconcilier. Ce rendez-vous se fera autour d’un
autre feu, le feu de la réconciliation. Comme on peut le
remarquer, ce feu est l’initiative de Dieu. Le repas est aussi
préparé par le Seigneur. Pour que ce feu soit rallumé, vous devez
répondre à une question essentielle que Jésus vous pose :
« M’aimes-tu ? » La Bonne Nouvelle est que, quelles que soient
nos trahisons, nous pouvons encore revenir au Seigneur notre
Dieu. Son amour et sa miséricorde sont là pour nous sauver.

80
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

5.3. Le feu de la consécration (Ac 2, 1-4).

’est le feu d’en haut. Cela se fait à la chambre haute. Le


feu d’en haut a consacré les apôtres pour qu’ils
manifestent la gloire de Dieu. Cette consécration a
provoqué une nouvelle passion pour le Seigneur dans le cœur de
Pierre et des autres apôtres. La vie de Pierre a changé après la
Pentecôte. Il a prononcé un discours qui a amené près de trois
mille personnes à donner leur vie à Jésus. (Ac 2, 41). De fait, Jésus
lui avait dit : « Je te donnerai les clés du royaume » pour ouvrir la
porte aux non convertis (versus les Pharisiens qui parcourent le
monde pour en faire entrer un seul, et quand ils l’ont fait entrer,
ils l’empêchent de se convertir (Mt 23, 13.15). Cependant, à cause
de ce feu d’en haut, Pierre a subi, lui aussi, le martyre, en
confessant le nom de Jésus Christ, son Maître. Si vous voulez
avoir de la valeur devant Dieu, vous devez passer par ce feu.
Alors vous deviendrez tout feu toute flamme. Le feu de la
consécration nous fait marcher dans la fidélité et le témoignage :
« Vous recevrez une puissance d’en haut et vous serez mes témoins »
(Ac 1, 8).

81
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

6. Si le Seigneur ne bâtit la maison

Une ville s’élève par la bénédiction des hommes droits. (Proverbes 11,
11)

Si le Seigneur ne bâtit pas la maison, c’est en vain que les maçons se


donnent du mal. Si le Seigneur ne veille pas sur la ville, c’est en vain
que les veilleurs montent la garde. (Psaumes 127, 1)

6.1. Nostalgie d’une époque révolue

mon arrivée, il y a cinq ans, dans la paroisse où je me


trouve actuellement, plusieurs personnes m’ont accueilli
avec joie en apprenant que j’étais un prêtre du Renouveau
charismatique. Elles m’ont parlé avec beaucoup de nostalgie de
l’époque où les charismatiques étaient tout feu tout flamme. Les
assemblées regorgeaient jusqu’à plus de 300 personnes ; les
membres étaient assidus à la prière et au partage de la Parole. On
y donnait des Séminaires de vie dans l’Esprit et plusieurs personnes
avaient reçu le don de parler en langues. Aujourd’hui, c’est juste
un souvenir lointain, une sorte d’anamnèse. Notre groupe actuel
de prière (Groupe Effata) peine à grossir. Heureusement que
nous pouvons compter sur une vingtaine de personnes assidues.
Certaines viennent de loin, mais demeurent fidèles depuis le
début. Plusieurs, par contre, qui sont partis, déplorent tout
carrément le manque de chants joyeux d’autrefois. Pour d’autres

82
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

enfin, ça ne leur tente plus. Il y a comme une sclérose qui passe


pour normale même auprès de ceux et celles qui étaient jadis très
fervents et bien engagés dans le Renouveau charismatique. Bref,
ce qui reste de ce mouvement spirituel, ce sont juste de beaux
souvenirs. Cette situation est devenue presque une
caractéristique pour la plupart des groupes de prières que j’ai
visités, particulièrement en Europe et en Amérique du Nord. On
y assiste quasiment avec impuissance à une décroissance
déroutante59.

Face à ce qui paraît comme un déclin de la foi, on est tenté de se


décourager et de sombrer dans le désespoir, oubliant même que
toute initiative vient de Dieu. Jésus a déclaré : « Ce n’est pas vous
qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis, afin que vous
alliez et que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure ». (Jn 15,
16) Alors que les apôtres vivaient le pire moment de leur vie, à la
suite de la mort de leur maître, et qu’ils étaient réduits à la
clandestinité, ils reçurent l’effusion du Saint-Esprit, selon la
promesse faite par le prophète Joël et confirmée par Jésus lui-
même. Leur vie fut bouleversée de fond en comble et ils
manifestèrent un nouveau regain et un zèle extraordinaire pour
l’évangélisation. Les Actes des Apôtres rapportent comment le
discours de Pierre a converti plus de 3 000 personnes. Dieu est le

59Bien entendu que ce constat n’est pas le seul apanage du Renouveau


charismatique. Elle est une réalité ecclésiale, plus précisément en Occident.

83
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

Maître des temps et des circonstances (cf. Dn 2, 21). Il peut, avec


ce qui paraît faible, confondre les sages de ce monde (1Co 1, 27-
28). C’est lui qui a le contrôle de notre destinée, nous devons
apprendre à lui faire confiance.

Multiplier des méthodes et des techniques nouvelles ne suffit


pas, encore faut-il donner l’initiative au Saint-Esprit, qui est
l’artisan et l’instigateur principal de tout renouveau. Si nous
n’apprenons pas à l’associer à nos projets, si nous ne lui donnons
pas la direction de nos vies, rien de ce que nous initierons ne
pourra tenir longtemps. Ni nos prières, ni nos jeûnes, ni nos
œuvres ne peuvent remplacer l’initiative de Dieu. Seul ce que
donne Dieu est durable. C’est lui qui sauve et qui bénit. « Notre
secours vient de l’Éternel, qui a fait le ciel et la terre » (Ps 120, 2).

6.2. Un appel à la purification et à l’abandon

n peut considérer à juste titre ce temps de crise comme un


temps de purification. Celle-ci concerne avant tout notre
façon de faire l’évangélisation. Nous sommes souvent
piégés par nos œuvres, pensant que c’est nous qui sauvons,
guérissons par notre évangélisation. Les Évangiles nous révèlent
que c’est toujours Dieu qui est l’initiateur du salut dans la vie
d’une personne. Tout a été accompli par l’œuvre de la croix de
Jésus Christ, notre Seigneur et notre Sauveur. Est-ce dire que

84
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

nous n’avons plus rien à faire ? Dans son livre Union mystique,
John Crowder écrit :

Beaucoup de gens se font assener de sermons sur la


grande commission axés sur les œuvres. Mais Matthieu
13, 39 me dit que je ne suis même pas moissonneur : ce
sont les anges qui le sont ! Je peux jeter mon filet toute la
nuit, mais à moins que le Seigneur apporte les poissons, je
perds mon temps. J’ai amené plus de cent mille âmes au
Seigneur à ce stade de ma vie. L’année prochaine, je
m’attends à ce que ce nombre double ou triple. Mais je
trouve que c’est plus facile quand j’en ignore le devoir ou
la pression. Il est rare que je m’attarde à penser à
l’évangélisation. Je reste simplement concentré sur la
présence de Dieu, et ça se produit tout seul. Je ne dis pas
que nous devrions être inconscients de la tâche à accomplir
ou que nous ne devrions pas y participer activement. Mais
Dieu ouvre les portes et me révèle le moment de les
franchir. En fait c’est lui qui travaille à travers moi ; c’est
donc facile et amusant.60

60John CROWDER, L’union mystique, Les Publications Le buisson ardent, QC,


2014, p.151.

85
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

Partant de l’expérience de la Pentecôte (Ac 2) où trois mille


personnes ont été converties, l’auteur fait cette remarque pour le
moins judicieuse :

Nous avons voulu les résultats, mais nous avons


contourné la personne. Dieu ne cherche pas des
travailleurs. Il cherche des amoureux. Et aujourd’hui, les
amoureux vont dépasser les œuvres des travailleurs. Les
amoureux radicaux vont voir un débordement de la gloire
de la moisson, et ce sera sans aucun effort. Vous n’aurez
qu’à vous présenter, débordant de son Esprit, et les anges
feront en sorte que les choses se produisent ! »61

Est-ce pour cette raison que Jésus demande à Pierre : « M’aimes-


tu ? » Aimer celui qui a donné sa propre vie en rançon pour notre
salut. Cet amour du Christ doit imprégner chacun de nos actes
au fil des jours. Car sans l’amour, tout le reste de nos œuvres est
dénué de sens (cf. 1Co 13). Ceci m’amène à aborder la deuxième
partie de cette méditation qui touche à l’évangélisation. Le pape
François établit un lien entre l’amour de Jésus Christ,
conséquence d’une rencontre personnelle, et l’évangélisation
dans le monde d’aujourd’hui. Il écrit en effet : « La première
motivation pour évangéliser est l’amour de Jésus que nous avons
reçu, l’expérience d’être sauvés par lui qui nous pousse à l’aimer

61 CROWDER, Ibid, p.152

86
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

toujours plus. Mais, quel est cet amour qui ne ressent pas la
nécessité de parler de l’être aimé, de le montrer, de le faire
connaître ? »62

62 PAPE FRANÇOIS, Evangelii Gaudium, no 264

87
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

88
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

DEUXIÈME PARTIE
Que le Christ soit bien formé en chacun (Ga 4, 19)
Le christianisme sans le Christ vivant est inévitablement un
christianisme sans disciple et le christianisme sans disciple est
toujours le christianisme sans Christ. (Dietrich Bonhoeffer,
The Cost of Discipleship)

Pour vous et moi, en tant que chrétiens ou serviteurs du


Seigneur, notre vie spirituelle réelle et notre utilité pour Dieu
dépendront entièrement de la mesure de notre connaissance
intérieure du Seigneur Jésus. (T. Austin Sparks, The
Centrality of Jesus Christ)

a première partie a décrit les étapes de gloire et d’ombres


pour le RCC, ainsi que l’importance d’un feu nouveau
afin de mieux témoigner dans le contexte de crise. Cette
étape peut être considérée comme celle de la première
conversion après le baptême. Bien qu’ayant reçu Jésus comme
Seigneur et Sauveur et bien qu’ayant fait l’expérience de
l’effusion, notre cœur « est encore partagé avec quelques
idoles » ; le don de soi (amour) n’est pas encore total ; par
conséquent, nous avons continué à décider nous-mêmes ce qu’il
fallait faire pour Dieu. L’Esprit Saint n’a donc pas pu faire son
œuvre en nous et nous sommes demeurés inféconds, stériles
dans plusieurs aspects de notre vie de foi.

89
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

Cette deuxième partie veut examiner un autre aspect de la


célébration du Jubilé du RCC, qui s’inscrit dans une prise en
charge de l’histoire en marche, en vue d’en ouvrir un nouveau
chapitre. Un tel effort soutenu pour du nouveau ne peut se faire
qu’à partir de nouvelles options et d’engagements concrets qui
puissent métamorphoser la vie et la physionomie des assemblées
de prière, à l’image de l’argile que le potier retravaille
constamment jusqu’à lui imprimer la forme idéale qu’il souhaite
(Jr 18a). La deuxième phase de l’évangélisation doit viser à faire
connaître le Christ comme la plénitude de toute vie chrétienne.
Car, comme l’a si bien exprimé Watchman Nee : « Dieu nous
montre que notre puissance n’est pas une chose ; c’est
simplement Christ. Notre puissance n’est pas la force pour faire
des choses, c’est plutôt une Personne. C’est Christ qui se
manifeste en nous, plutôt que d’utiliser Christ pour afficher nos
bonnes œuvres. »63 D’où l’importance que le Christ soit bien
formé en chaque membre, de la même manière qu’un enfant se
forme jusqu’à sa maturité dans le sein de sa mère, afin d’être en
mesure d’affronter les dures réalités de ce monde nouveau pour
lui.

Lorsque le Christ est bien formé, il affecte avant tout le caractère


du chrétien; celui de son vieil homme : impudicité, idolâtrie,

63The Sum of All Spiritual Things, New York, Christian Fellowship Publishers,
1973, p.17

90
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

inimitiés, querelles, jalousies, disputes, animosités, envie,


ivrognerie, excès de table (Ga 5, 19-20). Commence à disparaître
peu à peu ce caractère jusqu’à ce qu’il puisse revêtir totalement le
caractère du Christ c’est-à-dire ses sentiments (Ph2, 5). L’idée de
la maturité recèle le sens même du Jubilé à travers lequel Dieu
dit : « Assez ! » à nos nombreuses dérives et inconséquences
basées sur le « faire » et nous invite à repartir sur de nouvelles
bases, celle de la vraie connaissance du Christ, c’est-à-dire sur le
mode de présence et de relation.

Le RCC est-il encore capable d’actualiser son engagement aux


défis de l’heure et de rendre compte de sa foi au monde
d’aujourd’hui qui recherche de vraies raisons d’espérer ? Saura-t-
il encore faire toucher le Dieu que Jésus est venu révéler ? Pour
que le Christ soit bien formé en chacun, il nous faut tout d’abord
nous fortifier dans le Seigneur ; et, ensuite, engendrer des
chrétiens fortifiés et bien formés en les formant par la prière, la
louange, la Parole et le témoignage jusqu’à ce qu’ils aient atteint
la stature du Christ et qu’ils deviennent des agents de
transformation de leur milieu, des apôtres du feu nouveau, des
évangélisateurs avec esprit, comme le dit le pape François.

91
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

1. Fortifier l’homme intérieur

C’est seulement dans votre esprit que vous trouverez le


Seigneur, dans les recoins de votre être, dans le Saint des
saints ; c’est là qu’il demeure. (Jeanne Guyon, Experiencing
the Depths of Jesus Christ)

e compare souvent le chrétien à une montgolfière. Pour


bien s’envoler il faut que certaines conditions soient
réunies. Il faut une certaine température ambiante (froide).
Et pour s’envoler dans les hauteurs, il faut de temps en temps
gazer le feu. Plus on éjecte du feu, plus la montgolfière se
maintient dans l’air. Sinon, elle finit par s’écraser. Tel est le secret
d’une vie chrétienne qui se fortifie intérieurement.

1.1. Entrer dans la dimension de l’Esprit

Les esprits ressemblent à des parachutes; ils travaillent mieux


quand ils sont ouverts. (W.-A. CRISTWELL)

e modus operandi dans le ministère de Jésus, tel que nous


le présente le Nouveau Testament est très instructif pour
les membres du RCC. Dès le début, il appelle un petit
groupe de douze qu’il prépare pendant trois années et qu’il
consacre comme apôtres en vue de les associer à son projet de
salut. Grâce à eux, l’œuvre d’évangélisation qu’il a inaugurée
continue son chemin, en dépit de toutes sortes d’obstacles. Dans

92
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

un autre registre, les Actes des apôtres rapportent comment, dans


une période où les premiers chrétiens étaient minoritaires et
persécutés, ils ont puisé leur force dans la vie de communauté
(Ac 2, 42-47).

Lorsque l’apôtre Paul interpellait les chrétiens de Corinthe en


leur disant : « Ne saviez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu et
que l’Esprit de Dieu demeure en vous ? » (1Co 3, 16), à quoi faisait-il
allusion par cette image ? Nous savons, par exemple, que pour
parler des armes spirituelles (Ep 6), il se réfère à l’armure des
soldats romains de l’époque. Le temple à l’époque ancienne
comprenait trois parties. Tout d’abord, il y avait une cour
extérieure ouverte à tout le peuple. C’est là que les marchands
venaient étaler leur marchandise et c’est de là aussi que Jésus les
a chassés. Ensuite, il y avait un lieu saint où seuls les prêtres
pouvaient entrer pour offrir à Dieu le sang de sacrifice, l’encens,
l’huile et le pain.

C’est à ce niveau que David est entré pour manger le pain offert
que seul le prêtre pouvait manger. Enfin, il y avait, séparée par
un voile, la partie du temple qu’on appelait le Saint des saints, où
seul le grand prêtre pouvait pénétrer une seule fois l’année pour
faire l’expiation pour les péchés du peuple, en versant du sang
sur le propitiatoire de l’Arche. Et c’est là précisément que

93
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

demeurait la Présence du Seigneur. Le peuple ne pouvait y


accéder. En faisant un lien entre l’homme et le temple, l’apôtre
Paul est celui qui a le mieux révélé la nature tripartite de l’être
humain en distinguant le corps de l’âme et l’âme de l’esprit64
(1Th 5, 23). On peut considérer le corps (soma ; la chair, sarx)
comme la partie extérieure du temple. Le corps nous permet
d’entrer en contact avec le monde extérieur. L’âme (pneuma)
correspond plus au lieu saint du temple. L’âme est reliée aux
sentiments et aux émotions dans le contact avec son
environnement immédiat. Elle est le trait d’union entre le corps
et l’esprit. Enfin, l’esprit de l’homme ressemble à la partie du
Saint des saints du temple. C’est là le lieu de la véritable
rencontre avec le Seigneur.

Nombreux sont ceux et celles dont la prière demeure


uniquement sur le plan du corps et de l’âme ; une prière
centrée uniquement sur les besoins psychosomatiques
c’est-à-dire la guérison, l’argent, le travail, le manger et le
vêtir : Dieu est alors perçu comme un pourvoyeur des

64Je développe en détail cette tripartie dans mon livre Douze secrets pour prier
comme un enfant du Roi, Foi Rayonnante, Ottawa, 2006, pp.36-37. Marcel
Domerge reconnaît que « depuis plusieurs décennies, on répète que cette
distinction âme-corps doit être nuancée et même critiquée. D’abord, elle n’est
pas biblique ; elle nous vient des Grecs, en particulier de Platon et d’Aristote
acclimaté dans le discours chrétien par les théologiens du Moyen-Âge. » Cf.
« Le corps pour la foi », dans Lumen Vitae, 1993/3, p.263.

94
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

besoins humains. Par contre ceux et celles dont la prière


s’élève au niveau de l’esprit se préoccupent avant tout des
choses spirituelles. Ils recherchent d’abord les réalités du
Royaume et le reste leur est donné par surcroît.65

Oui, baser sa vie de foi sur les activités de l’âme et du corps


aboutit à limiter l’adoration dans le lieu saint ou dans la cour
extérieure. Par exemple, la prière des Juifs pieux devant se faire à
des heures fixes, c’est en ces lieux publics que certains trouvaient
une bonne occasion de faire remarquer leur zèle religieux, c’est-
à-dire pour adorer Dieu (Cf. Lc 18, 10-14). Une telle adoration
repose plus sur le faire, les œuvres, le mérite, l’ambiance
extérieure, les besoins que sur une expérience profonde de cœur
à cœur.

Si votre vie de foi provoque en vous la colère, la frustration, la


dépression, l’épuisement, la déception, c’est que vous n’êtes pas
dans l’être du Christ, mais encore dans le faire. Vous finirez par
blâmer Dieu, en réalité une fausse image de Dieu que vous aurez
créée, mais qui ne vous aide pas à accomplir quelque chose qu’il
ne vous a jamais demandé de faire.

65François El-Esu KIBWENGE, Douze secrets pour prier comme un enfant du Roi,
Éditions Foi Rayonnante, Ottawa, 2006, p.37

95
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

Jésus est venu inaugurer une autre ère d’adoration. Celle-ci n’est
basée ni sur le lieu ni sur la quantité des sacrifices extérieurs, ni
sur les prières de lèvres alors que le cœur n’y est pas (Mt 15, 8),
mais sur l’esprit : « L’heure vient et elle est déjà venue où les vrais
adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité, car ce sont là les
adorateurs que le Père recherche » (Jn 4, 23). L’esprit est un lieu de
liberté et de lumière où il n’y a que vous et le Seigneur, où il
devient en quelque sorte comme votre ami personnel, car il a
déchiré le voile qui pouvait vous empêcher de vous tenir près de
lui. Il vous appelle, non plus serviteur, mais ami (Jn 15, 15).

Les chrétiens de feu, les évangélisateurs de feu ou en esprit sont


avant tout ceux qui ont franchi cette étape de l’amitié. Seuls les
amis de Dieu peuvent avoir la vraie connaissance de sa personne
et la transmettre. Seuls les amis de Dieu peuvent entrer dans le
lieu secret de l’esprit pour adorer, non plus un objet mais une
personne. Puisque Jésus, le Grand-Prêtre, a fait l’expiation pour
nos péchés par son propre sang, les amis de Dieu peuvent donc
se tenir avec assurance en sa Présence et accéder au Saint des
saints. Jésus a dit :

Quand vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites : ils


aiment à prier debout dans les synagogues et au coin des rues
pour que tout le monde les voie. Je vous le déclare, c’est la
vérité : ils ont déjà leur récompense. Mais toi, lorsque tu veux
prier, entre dans ta chambre, ferme la porte et prie ton Père qui

96
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

est là, dans cet endroit secret ; et ton Père, qui voit ce que tu fais
en secret, te récompensera. » (Mt 6, 5-6)

Dieu nous attend dans ce lieu secret parce qu’il veut une
communion (intimité) profonde avec nous.

Dans cette même ligne de pensée, le pape François écrit : « Sans


des moments prolongés d’adoration, de rencontre priante avec la
Parole, de dialogue sincère avec le Seigneur, les tâches se vident
facilement de sens, nous nous affaiblissons à cause de la fatigue
et des difficultés, et la ferveur s’éteint. »66 Comme il a raison,
notamment en ce qui concerne les groupes de prière du
Renouveau charismatique. Avec le temps et les occupations,
plusieurs groupes s’articulent autour d’activités ponctuelles ou
régulières à organiser. Ils se contentent ainsi du lieu saint sans
désirer cette intimité du Saint des Saint de notre esprit. C’est la
raison pour laquelle plusieurs ont abandonné leur groupe de
prière. On a l’impression que la Présence glorieuse de Dieu
(Shekinah) a quitté nos assemblées de prière, faute de vrais
adorateurs.

Ceci n’est pas une critique, mais une invitation à revenir à la


source de toute vie et de tout renouveau, en faisant de la prière
notre vie, en toutes choses et non pas pour toutes choses.

66 Evangelii Gaudium, no 262

97
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

L’auteur de l’épître aux Hébreux montre que cette invitation à la


Présence de Dieu dans le secret du Saint des saints concerne tout
le monde, car le voile a été déchiré :

Ainsi, frères, nous avons la liberté d’entrer dans le lieu très


saint grâce au sang du sacrifice de Jésus. Il nous a ouvert un
chemin nouveau et vivant au travers du rideau, c’est-à-dire par
son propre corps. Nous avons un grand-prêtre placé à la tête de
la maison de Dieu. Approchons-nous donc de Dieu avec un
cœur sincère et une entière confiance, le cœur purifié de tout ce
qui donne mauvaise conscience et le corps lavé d’une eau pure.
(He 10, 19-22)

1.2. Être fortifié par la puissance de l’Esprit

La lampe du Seigneur sonde l’esprit de l’homme ; il sonde les


profondeurs de son être intérieur. (Proverbes 20, 27).

es amis de Dieu désirent demeurer en sa Présence (Jn 15,


4). Pourquoi ? Pour qu’en retour le Christ demeure en eux
et les fortifie. Lorsque le Christ atteint sa maturité dans le
cœur des chrétiens de feu, ceux-ci deviennent fortifiés, car c’est
d’abord dans l’être intérieur qu’on est fortifié. Dans une prière
que l’apôtre Paul adresse en faveur des Éphésiens, il écrit : « Je lui
(Dieu) demande que, selon la richesse de sa gloire, il fortifie votre être
intérieur par la puissance de son Esprit, et que le Christ habite

98
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

dans vos cœurs par la foi. Je demande que vous soyez enracinés et
solidement établis dans l’amour… » (Ep 3, 16-17) Ce processus
consiste à se renouveler de jour en jour (2Co 4, 7-15 ; 2Co 4, 16)
en prenant plaisir à la loi de Dieu (Rm 7, 22). Bref c’est veiller à
sa santé spirituelle (3Jn 1, 2). Ensuite, il s’agit de croître à tous
égards (Ep 4, 15) en menant à sa maturation le Christ en nous. De
la sorte, sa Présence deviendra notre force et notre victoire :
« Celui qui est en vous est plus grand que celui qui est dans le monde »
(1Jn 4, 4).

En nous laissant fortifier par la puissance de l’Esprit, nous


acquérons progressivement la stature du Christ (Ep 4, 13) : tel il
est, tels nous devenons nous aussi dans le monde (1Jn 4, 16-17).
Pour se fortifier, l’Écriture propose la Parole, car elle « est
puissance de Dieu pour le salut des hommes » (Rm 1, 16). Si, au
commencement était la Parole (Jn 1, 1), celle-ci doit être méditée
jour et nuit pour rendre fécond toute entreprise (Jos 1, 8).
Méditer la Parole lui permet de demeurer en nous. Or, la Parole
de Dieu est vivante et efficace (He 4, 12), elle ne peut sortir de lui
sans produire des effets (Is 55, 10-11). Voilà pourquoi Jésus a
déclaré : « Si vous demeurez unis à moi et que mes Paroles demeurent
en vous, demandez ce que vous voulez et vous le recevrez » (Jn 15, 7).
Car Dieu soutient toujours sa Parole puissante (He 1, 3).

La Parole de Dieu doit devenir la nourriture de ceux et celles qui


veulent se fortifier. Cela est d’autant plus important que nous

99
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

constatons aujourd’hui un mépris pour la Parole. Les chrétiens


sont devenus anorexiques. Ce qui devait les fortifier est devenu
de mauvais goût. Peut-être parce que la présentation de la Parole
n’a pas rejoint le vécu des gens et, par conséquent, elle n’a suscité
aucun intérêt.

À ce stade, je tiens à encourager les efforts qui se font par-ci par-


là dans plusieurs diocèses en accordant une place de choix aux
ressourcements spirituels, aux festivals de la Parole, à l’étude
biblique ou tout simplement à la Lectio divina, pour ne citer que
ceux-là. Si nous n’apprenons pas à nous connecter avec Christ
dans notre esprit et marcher instant après instant dans sa
Présence, nous ne pourrons pas le servir selon sa volonté. Aussi
bien les Écritures, les célébrations liturgiques, l’étude biblique, la
prière communautaire que les expériences personnelles de
souffrance, d’échec ou de réussite, de vie, de mariage sont autant
de moyens par lesquels nous devons apprendre du Christ et
nous fortifier par la puissance de son Esprit, car toutes ces
expériences sont le chemin qui nous équipe pour toute œuvre
bonne dans le Seigneur.

100
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

1.3. Se fortifier par association (se mettre ensemble)

Deux valent mieux qu’un parce qu’ils retirent un bon salaire de leur
travail… Et si quelqu’un est plus fort qu’un seul, les deux peuvent lui
résister, et la corde à trois fils ne se rompt pas
facilement. (Ecclésiaste 4, 9. 12)

« L’union fait la force », dit-on. Cela est vrai aussi sur le plan
spirituel, celui de l’évangélisation. Une des faiblesses de groupes
de prière aujourd’hui est une certaine tendance à l’isolement les
uns des autres et à un programme d’activités concurrentiel. On a
l’impression que chaque groupe veut organiser quelque chose
pour faire concurrence à l’autre groupe. À l’instar des villages
qui veulent avoir chacun son église, même si l’assistance et les
moyens financiers font défaut, on a l’impression que chaque
groupe de prière veut avoir son église pour se rassembler. Même
si cela est permis, cependant est-ce une bonne manière de faire ?
À l’heure actuelle, il me semble que ces groupes gagneraient à se
mettre ensemble et à profiter des différents charismes que
chacun mettrait au service du nouveau regroupement. Se mettre
ensemble pour être fort, c’est la leçon qui se dégage du texte
suivant du Livre des Juges :

Après la mort de Josué, les Israélites consultèrent le Seigneur


pour savoir laquelle de leurs tribus devait aller la première
attaquer les Cananéens. Le Seigneur répondit : « Ce sont les

101
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

hommes de la tribu de Juda ; je leur livre le pays. » Les hommes


de Juda dirent alors aux descendants de Siméon, frère de Juda :
« Venez avec nous conquérir le territoire qui nous a été attribué,
attaquons ensemble les Cananéens ! Ensuite nous irons
conquérir votre territoire avec vous. » Les gens de la tribu de
Siméon se joignirent à ceux de la tribu de Juda et ils partirent
donc à l’attaque. Le Seigneur leur livra les Cananéens et les
Perizites, et ils tuèrent dix mille hommes à Bézec. (Jg 1, 1-4)

Nos frères évangéliques ont bien compris pour leur part cette
leçon alors que nous, catholiques, restons encore mus par le
principe selon lequel « chacun pour soi et Dieu pour tous ». En
créant l’être humain, homme et femme, Dieu avait déjà inscrit
dans sa nature ce besoin de vivre avec d’autres. Sur le plan de
l’évangélisation, on retrouve beaucoup de textes inspirants pour
notre temps. Tout d’abord avec Moïse : Le premier récit concerne
la guerre entre les Israélites et les Amalécites. Voici comment le
principe d’association a permis la victoire totale du peuple de
Dieu.

Josué alla combattre les Amalécites, comme Moïse le lui avait


ordonné, tandis que Moïse, Aaron et Hour se postaient au
sommet de la colline. Tant que Moïse tenait un bras levé, les
Israélites étaient les plus forts, mais quand il le laissait
retomber, les Amalécites l’emportaient. Lorsque les deux bras de
Moïse furent fatigués, ils prirent une pierre qu’ils placèrent sous

102
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

lui, et il s’assit dessus. Aaron et Hour, chacun d’un côté, lui


soutinrent les bras, qui restèrent ainsi fermement levés jusqu’au
coucher du soleil. Josué remporta la victoire complète sur
l’armée amalécite. (Ex 17, 10-13)

Un autre récit, concernant Moïse, touche à l’exercice de son


leadership. Lorsque son beau-père Jéthro vint lui rendre visite, il
remarqua beaucoup de failles. La suggestion de s’associer
d’autres personnes vise à améliorer la qualité du travail de
Moïse :

Lorsque son beau-père vit tout ce qu’il avait à faire pour le


peuple, il lui dit : « Pourquoi procèdes-tu ainsi ? Pourquoi
fais-tu ce travail tout seul, en obligeant les gens à attendre
debout, du matin au soir, le moment de se présenter devant
toi ? » — « C’est que ces gens viennent à moi pour obtenir un
jugement inspiré par Dieu, répondit Moïse. Lorsqu’ils ont une
dispute à régler, ils viennent me trouver : je tranche le cas qui
les oppose et je leur fais connaître les lois et les enseignements de
Dieu. » Son beau-père reprit : « Il n’est pas judicieux de
procéder de cette manière ! Vous allez tous vous épuiser
complètement, toi et ceux qui viennent te consulter. Cette
tâche est vraiment trop lourde pour toi, tu ne peux pas
l’accomplir seul ! Écoute donc ce que je te conseille, et que
Dieu soit avec toi : Ton rôle consiste à représenter le peuple
devant Dieu pour lui présenter les affaires litigieuses ; tu dois

103
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

aussi informer les gens des lois et des enseignements de Dieu,


leur indiquer la conduite à tenir et leur dire ce qu’ils doivent
faire. Pour le reste, choisis parmi le peuple des hommes de
valeur, pleins de respect pour Dieu, aimant la vérité et
incorruptibles ; tu les désigneras comme responsables, à la tête
de groupes de mille, de cent, de cinquante ou de dix hommes. Ce
sont eux qui siégeront chaque jour pour juger les querelles du
peuple ; ils te soumettront les affaires importantes, mais
régleront eux-mêmes les causes mineures. De cette manière, tu
pourras alléger ta tâche, puisqu’ils en partageront la
responsabilité avec toi. Si tu fais cela — et si c’est bien ce que
Dieu t’ordonne -, tu ne t’épuiseras pas ; et de leur côté tous ces
gens pourront rentrer chez eux réconciliés. (Ex 18, 14-23)

Se fortifier par association, c’est aussi une invitation à veiller les


uns sur les autres pour que ceux qui sont faibles puisent leur
force dans ceux qui sont forts et que personne ne soit perdu à
cause d’un manque d’attention mutuelle.

L’Église est avant tout un peuple que Dieu a rendu possible par
la croix, en Jésus-Christ, et qu’il a uni en donnant son Esprit à
chacun de ses membres croyants. Et le principe central sur lequel
repose l’Église et qui guide la vie et les relations en son sein, c’est
l’amour mutuel, réciproque, selon le commandement même de
Dieu.

104
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

Un tel amour s’appuie sur deux applications. Tout d’abord,


l’accueil : « accueillez-vous les uns les autres » ; et ensuite le
soutien : « cherchez à vous faire grandir les uns les autres dans la
foi ». L’accueil mutuel suppose l’acceptation de l’autre dans sa
différence, à la manière dont Jésus accueille chacun de nous.
Mais si le Christ nous accueille tels que nous sommes, il désire
aussi nous faire grandir, nous aider à changer, à progresser. Et
de même entre nous, nous devons travailler à nous faire grandir
les uns les autres dans la foi. C’est parce que nous sommes tous
faillibles, limités que Dieu nous recommande l’unité, en nous
confiant les uns aux autres. Ainsi, ensemble, nous pouvons
« veiller les uns sur les autres pour nous encourager mutuellement à
l’amour et à la pratique du bien » (He 10, 23-24).

Veiller implique aussi la dimension de la prière d’intercession (Jc


5, 16). La force de cette prière est non seulement d’être
entièrement tournée vers les besoins des autres ; mais aussi de
renforcer les liens entre frères et avec Dieu. Car, celui qui
intercède se place entre Dieu et la personne en faveur de laquelle
il prie.

Tout le monde veut être indépendant. Mais en prenant l’image


du corps que nous formons (Rm 12, 5), l’apôtre Paul veut
souligner la nécessité pour les chrétiens d’être non pas
dépendants les uns des autres mais interdépendants, car nul ne
peut atteindre les objectifs de Dieu en s’isolant. Le désir de Dieu

105
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

est que nous soyons heureux et en pleine santé, non pas seuls,
mais ensemble. Et la clé de ce bonheur est l’unité dans le corps
du Christ. Et comme le stipule l’apôtre Paul : « C’est grâce à lui que
le corps forme un tout solide, bien uni par toutes les articulations dont
il est pourvu. Ainsi, lorsque chaque partie fonctionne comme elle doit,
le corps entier grandit et se développe par l’amour. » (Ep 4, 16) Dans
notre marche spirituelle, la présence des autres nous procure
sécurité, soutien et encouragement dans les moments difficiles
(Rm 12, 15). On peut aussi beaucoup apprendre des autres, car
on accomplit toujours plus de travail en étant plusieurs que seul.
Une personne, même efficace, ne réalisera jamais le travail de
plusieurs. En réalité, personne ne se suffit à lui-même, personne
ne possède toutes les compétences. Nous aurons toujours besoin
des autres afin de compenser nos failles, nos limites dans certains
domaines. La communauté est donc une réponse à l’isolement, à
l’épuisement, au découragement, à l’inefficacité et aux limites de
toutes sortes.

En définitive, la Bible accorde une grande importance au


renforcement spirituel des enfants de Dieu. Un jour, après une
longue prière tard dans l’église, prière dans laquelle je
demandais à Dieu d’intervenir dans la délivrance d’une famille
qui était manifestement aux prises avec le Malin, je reçus dans
mon sommeille passage d’Exode 23, 29. Voici ce qui est écrit :
« Cependant je ne ferai pas fuir tous ces peuples devant vous la même

106
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

année ; s’il en était ainsi, le pays deviendrait un désert où les bêtes


sauvages se multiplieraient à vos dépens. Je chasserai vos ennemis peu à
peu, au fur et à mesure que vous deviendrez plus nombreux et que vous
occuperez le pays. » J’ai compris avec une nette clarté que certaines
prières de délivrance ne semblent pas être exaucées parce que la
personne n’est pas encore fortifiée pour prendre le contrôle de sa
vie, de son territoire. Car, lorsqu’un esprit impur est chassé, il
revient avec plusieurs autres. Et si la maison n’est pas bien
occupée, ils s’y installent et l’état de la personne devient pire
qu’avant (Mt 12, 43-45). Puissions-nous fortifier le peuple de
Dieu avant d’engager toute autre forme de prière !

1.4. Se fortifier pour la guerre

« Saül s’installa à Guéba de Benjamin avec son fils Jonathan et


la troupe qui lui restait, tandis que les Philistins campaient à
Mikmas. Un jour, une troupe de choc sortit du camp philistin et
se divisa en trois sections. La première section prit la direction
d’Ofra, dans le territoire de Choual, la seconde, celle de Beth-
Horon, et la troisième, celle de la frontière, par le chemin qui
domine la vallée des Hyènes, côté désert. À cette époque, on ne
trouvait aucun forgeron dans tout le territoire d’Israël, car les
Philistins ne voulaient pas que les Hébreux puissent se fabriquer
des épées ou des lances. Chaque Israélite devait se rendre chez

107
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

un forgeron philistin pour faire aiguiser son soc de charrue, sa


pioche, sa hache ou son pic. L’aiguisage d’un soc de charrue,
d’une pioche, d’une fourche, d’une hache, ou le redressement
d’un aiguillon à bétail coûtait les deux tiers d’une pièce
d’argent. Au jour du combat, la troupe de Saül et Jonathan se
trouvait donc dépourvue d’épées et de lances. Seuls le roi et son
fils en possédaient. » (1S13, 16-22)

sraël avait du fer dans le pays, mais il n’avait personne pour


le travailler. Et cette situation profitait à l’ennemi, lui qui
n’avait ni fer ni cuivre, mais qui maîtrisait bien le travail de
transformation de fer, car il avait des forgerons. De sorte
qu’Israël recourait aux Philistins pour forger leur fer. Cependant,
il y a une chose que les forgerons philistins ne faisaient pas pour
les Israélites : il leur était interdit de fabriquer des armes pour
Israël. Par conséquent, étant donné qu’ils dépendaient du savoir-
faire de leurs ennemis, les Israélites s’étaient dotés de plusieurs
outils pour la maison et le travail, mais ne disposaient d’aucune
arme. Le jour où ils ont été attaqués, la Parole déclare que le
peuple n’avait ni épée ni lance pour combattre ses ennemis.

J’ai choisi ce texte afin d’en faire une application spirituelle, à la


lumière de ce que j’ai observé dans plusieurs groupes de prière.
L’expérience du Renouveau charismatique révèle que Dieu a mis
devant ses membres du fer et toutes sortes de richesses à l’état
brut. Au cours de ces cinquante années, il leur a fait don de

108
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

beaucoup de dons et de charismes. Cependant, quelles formes


leur a-t-on données ? La plus grande partie de ce fer est souvent
transformé en outils et non en armes. Plusieurs enseignements
chrétiens aujourd’hui parlent des choses agréables et
confortables. Les gens ont transformé tous les dons de Dieu en
outil de confort : prospérité, épanouissement personnel, etc. Et
les gens courent pour ce genre d’enseignements. Les
Charismatiques eux-mêmes ont fini par réduire les dons de Dieu
à leur propre épanouissement ou à un honneur. Bien entendu,
notre Dieu nous bénit (Dt 10, 9) mais pour quelle finalité ?

L’apôtre Paul nous rappelle que la vie chrétienne est un combat


et que pour résister, le chrétien doit s’exercer aux armes
spirituelles : « Au reste, fortifiez-vous dans le Seigneur, et par sa force
toute-puissante. Revêtez-vous de toutes les armes de Dieu, afin de
pouvoir tenir ferme contre les ruses du diable. Car nous n'avons pas à
lutter contre la chair et le sang, mais contre les dominations, contre les
autorités, contre les princes de ce monde de ténèbres, contre les esprits
méchants dans les lieux célestes.» (Ep 6, 10-12) Plusieurs groupes
de prière ont développé le don de prophétie, de parler en
langues, de piété (prière), de louange, de guérison.
Malheureusement, c’est comme au temps de Saül, où il y avait
des prophètes et d’autres services, mais les armes faisaient
défaut. Le paradoxe est qu’on parle en langues, on prophétise, on
guérit, mais en même temps on constate dans ces groupes une

109
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

sorte d’impuissance face aux attaques de l’ennemi. Plusieurs


groupes de prière sont dépourvus et se rabattent au minimum.
Où sont nos armes aujourd’hui ? Au temps de la guerre,
comment combattre ? Voilà pourquoi plusieurs chrétiens
choisissent le confort plutôt que le combat. Dans son homélie du
17 janvier 2017, au Vatican, le pape François invitait les chrétiens
à être courageux et à refuser toute forme de paresse spirituelle. Il
a rappelé que la vie chrétienne est une vie qui exige du courage
car « elle est une lutte entre le confort et le service des autres,
entre se distraire et prier ».
Les chrétiens paresseux n’ont pas envie d’aller de l’avant, ils
vivent dans le frigo. Or, quand l’apôtre réfléchit sur l’attitude du
chrétien face à la vie, « il nous parle de l’entraînement que font
dans le stade, dans la salle de sport, ceux qui veulent gagner »67.
La question qui se pose ici est celle-ci : dans le contexte du
combat spirituel, comment s’entraîner lorsque les armes font
défaut ?

Avec le même métal, le même feu et le même marteau, nous


pourrions forger des épées et des lances au lieu de nous
contenter de bêches. Le fer a un grand avantage : il est possible
de le transformer de nouveau en le replongeant dans le feu. Si
nous voulons que nos vies changent, il nous faut revenir au point

67Cf. L’Observatore Romano. Homélie du Pape FRANÇOIS du 17 et du 19


janvier 2017, dans la chapelle de la Maison Sainte Marthe au Vatican.

110
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

de départ : la croix de Jésus. Il faut que Dieu change notre


mentalité quant à la direction que nous donnons aux dons de
l’Esprit. C’est le chemin de la repentance.

Nous pensons que nous sommes pauvres alors que nous étions
riches de fer et de cuivre. Nous avons besoin de nous embraser
par le feu. Il faut que nous replongions dans la vision du
baptême de feu. Le baptême du Saint Esprit est une puissance
pour une mission à accomplir. Voici ce que déclare le Seigneur
Dieu au prophète Joël : « Que l’on crie aux nations étrangères :
Préparez le combat, mobilisez vos guerriers. Que tous les soldats se
mettent en marche. Transformez vos socs de charrue en épées et vos
faucilles en lances. Que même les plus craintifs se persuadent qu’ils
sont des héros » (Joël 4, 9-10).

Lorsque Dieu utilisera le marteau de la Parole pour briser nos


fers, ce qui était autrefois les instruments de notre confort
deviendra des armes, des casques, des boucliers… pour le
combat. Il est temps que nous tenions en mains ces armes et que
nous puissions dire : « je suis fort ». L’Église n’a jamais été aussi
confortable qu’aujourd’hui, mais elle n’a jamais été aussi faible,
parce qu’elle n’a pas su orienter sa mission selon la volonté de
Dieu. À la fin des temps, nous aurons des comptes à rendre sur
les talents que Dieu a confiés à chacun (Mt 25). Si nous voulons
aller au combat et partir à la conquête, il faut d’abord nous
laisser toucher par le feu de la Parole.

111
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

2. Pour une évangélisation d’engendrement


Mes enfants, je souffre de nouveau pour vous, comme une
femme qui accouche, jusqu’à ce qu’il soit clair que le Christ est
formé en chacun de vous. (Galates 4, 19)

Si un nouveau converti était introduit dans la prière réelle et


à une vraie expérience intérieure de Christ dès sa conversion,
vous verriez d’innombrables convertis devenir de vrais
disciples. (Jeanne Guyon, Experiencing the Depths of Jesus
Christ)

epuis le Concile de Latran (IVe s.) jusqu’à notre époque


s’est élaboré un modèle traditionnel qui a nourri la foi de
l’Église à travers de multiples générations : c’est le
modèle pastoral de la transmission ou de l’encadrement. Il s’agit
d’un modèle pastoral qui

visait avant tout à transmettre la foi comme un héritage


reçu, à une époque où celle-ci se communiquait de
génération en génération, selon des procédures quasi
automatiques. On devenait chrétien comme par osmose,
simplement en adoptant les manières de penser, les

112
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

comportements et les pratiques du milieu croyant auquel


on appartenait.68

À cause du changement de contexte culturel et des défis qui y


étaient reliés, se sont développées d’autres méthodes
conséquentes, telles que : la pastorale de l’accueil ou encore, celle
proposée par les évêques de France, c’est-à-dire la pastorale de
proposition69, selon laquelle l’objet de foi engage la responsabilité
personnelle et la liberté du croyant. Le fait de la proposer
suppose l’initiative de l’Église envers ceux qui accueillent cette
proposition. Il y a enfin la pastorale d’engendrement, dont le mot en
lui-même

renvoie à l’expérience humaine la plus puissante et la plus


fragile, la plus émouvante, la plus joyeuse et parfois la
plus douloureuse qui soit. Il évoque tout d’abord les

68 Philippe BACQ, « Vers une pastorale d’engendrement », dans Une nouvelle


chance pour l’Évangile, (Dir. Philippe BACQ), Lumen Vitae/Novalis, 2014, p.8.
À propos de la transmission, on peut aussi lire Christopher THEOBALD,
Transmettre un Évangile de liberté, Bayard, Paris, 2007
69 Voir Les ÉVÊQUES DE France, Proposer la foi dans la société actuelle, III. Lettre

aux catholiques de France, Cerf, Paris, 1996. On retrouve aussi cette idée de
proposition chez d’autres auteurs : Gilles ROUTHIER, « Inventer des lieux
pour proposer l’Évangile et rassembler les croyants », dans G. ROUTHIER et
A. BORRAS (Dir.), Paroisses et Ministères, Montréal, Médiaspaul, 2001 ; H.
MÜLLER, N. SCAB, W. TSCHEETZSCH (Éd), Un espérance qui parle – Une
Église en devenir, proposer la foi dans la société actuelle, Ostfildern, Schwaben
verlag AG, 2001.

113
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

paroles et les gestes de l’homme et de la femme qui


s’aiment et qui s’unissent pour donner la vie (…)
Ensemble, ils donnent la vie à un nouvel être qui à son
tour les engendre à devenir parents. (…) l’œuvre est
accomplie au moment où l’enfant de jadis, devenu adulte,
se détache de ses parents et se lance dans la vie, libre,
autonome, prêt à apporter à la société toute la richesse de
sa nouveauté.70

Et, comme le souligne l’auteur, la visée première d’une pastorale


d’engendrement est de susciter la vie dans toutes ses dimensions.
C’est ce que Dieu demande au prophète Ézéchiel, à savoir :
« souffler l’esprit de vie sur les ossements desséchés » (Ez 37). Vu de ce
point de vue, l’engendrement ne peut en aucun cas être sujet à
une idéologie quelconque. Cela requiert des messagers qui ont
eux-mêmes été régénérés par le feu de l’Esprit Saint.

70BACQ, « Vers une pastorale d’engendrement », pp.16-17. On lirait ici avec


intérêt l’article de Gille ROUTHIER, « L’initiation chrétienne au Québec ou la
difficulté à enfanter », dans Lumen Vitae, vol. LVI, 2001/14, pp.441-448.

114
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

2.1. Les Messagers

Quel est donc le serviteur fidèle et sensé à qui le maître de maison a


confié la charge de son personnel pour lui donner la nourriture en
temps voulu ? Heureux serviteur que son maître, en arrivant,
trouvera à son travail ! Amen, je vous le déclare : il lui confiera la
charge de tous ses biens. (Matthieu 24, 45-47)

lors que la modernité s’est débarrassé de Dieu, en


promettant un bonheur facile pour et par l’homme, la
postmodernité révèle que le monde a été désenchanté,
car les réponses de la modernité, sa philosophie athée, sa
technologie de pointe, ses pratiques occultes, et, en définitive,
son système de valeurs n’ont pu apporter de réponse aux
questions existentielles de l’être humain. Pour ceux et celles qui
ont été touchés par la puissance du feu de l’Esprit, n’est-ce pas là
une opportunité de présenter l’Évangile de la vie, par une
démonstration de puissance (1Co 2, 4-5 ; 1Thess 1, 5) ? Le monde
semble aujourd’hui, saturé et désabusé des promesses de la
modernité, il est par conséquent disposé à recevoir l’Évangile de
l’espérance. Encore faut-il que les messagers eux-mêmes en
soient convaincus. Pour souligner la nécessité d’une telle
évangélisation, l’apôtre Paul procède par une série des questions,
à savoir : « Quiconque fera appel au Seigneur sera sauvé. Mais
comment feront-ils appel à lui sans avoir cru en lui ? Et comment
croiront-ils en lui sans en avoir entendu parler ? Et comment en

115
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

entendront-ils parler si personne ne l’annonce ? Et comment l’annoncer


s’il n’y a pas des gens envoyés pour cela ? » Car « la foi vient de ce
qu’on écoute de la nouvelle proclamée, et cette nouvelle est l’annonce de
la Parole du Christ. » (Rm 10, 13-15. 17)

Nous ne pouvons annoncer le « Dieu qui vient sauver le monde »


que dans la mesure de la révélation que nous en avons eue et de
l’expérience que nous en faisons dans notre propre vie. C’est tout
le sens qui se dégage de ces mots de Jésus : « Alors vous serez mes
témoins » (Ac 1, 8). Nous avons besoin d’une annonce de
l’Évangile qui engendre car évangéliser c’est aussi enfanter pour
le Royaume de Dieu. Or, le concept même de l’enfantement exige
une intimité. Nous ne pouvons enfanter pour le Royaume de
Dieu sans d’abord développer ces moments d’intimité avec le
Saint-Esprit. C’est par lui que Dieu a rendu fécond le sein de la
vierge Marie. C’est aussi lui qui a donné puissance au ministère
des apôtres. L’intimité avec le Saint Esprit doit se fonder sur
notre communion avec Jésus Christ. Aussi a-t-il déclaré :
« Demeurez unis à moi, comme je suis uni au Père. Un sarment ne peut
pas porter de fruit par lui-même, sans être uni à la vigne ; de même,
vous ne pouvez pas porter de fruits si vous ne demeurez pas unis à moi.
Je suis la vigne, vous êtes les sarments. Celui qui demeure uni à moi, et
à qui je suis uni, porte beaucoup de fruits, car vous ne pouvez rien faire
sans moi. » (Jn 15, 4-5)

116
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

2.2. Témoins et missionnaires

« Le monde croit plus aux témoins qu’aux maîtres. S’il croit aux
maîtres, c’est d’abord parce qu’ils sont des témoins. » (Paul VI)

n jour que j’écoutais un humoriste à la télé, j’ai été surpris


quand, parlant des races en voie de disparition, il ajouta
le nom des chrétiens. Peut-on vraiment considérer les
chrétiens comme une race en voie de disparition ? Où sont passés
tous ceux et celles qui ont été baptisés au nom de Jésus ? Où sont-
ils tous ces baptisés qui ont communié à la table du Seigneur ?
Où sont tous ceux sur qui on a invoqué le Saint Esprit de Dieu ?

Lorsque JÉSUS reçoit l’onction, son ministère est caractérisé par


trois éléments : annoncer la Bonne Nouvelle ; délivrer les captifs ;
libérer les prisonniers. Après la Pentecôte, l’influence de Jésus a
continué de s’exercer dans la vie de ses disciples. Les gens les
reconnurent pour avoir été avec Jésus (Ac 5, 13). Leur
comportement et leur attitude les révélaient comme ses disciples.
Comme il l’a fait avec ses apôtres, il nous envoie aujourd’hui
chercher les âmes enchaînées afin qu’il puisse leur donner une
nouvelle direction.

Dans un de ses messages livrés à la basilique St-Pierre-Apôtre, le


pape François avait rappelé et salué le courage des premiers
disciples de Jésus qui, malgré la persécution et la mort des leurs,
ont continué à annoncer la bonne nouvelle. Il a insisté sur les

117
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

éléments qui ont contribué à leur évangélisation, à savoir : la


prière – la foi – le témoignage. C’est en priant qu’on apprend à
prier, c’est en la vivant qu’on annonce la foi et c’est par une vie
cohérente que l’on témoigne de sa foi. Le témoin est celui qui dit
aux autres comment Dieu a changé les choses, c’est-à-dire
comment il a mis de l’ordre dans sa propre vie. C’est le cas du
témoignage de l’apôtre Paul, décrit dans sa lettre aux
Philippiens :

Mais ces qualités que je regardais comme un gain, je les


considère maintenant comme une perte à cause du Christ. Et je
considère même toute chose comme une perte en comparaison de
ce bien suprême : connaître Jésus-Christ mon Seigneur, pour
qui je me suis privé de tout avantage personnel ; je considère
tout cela comme des déchets, afin de gagner le Christ et d’être
parfaitement uni à lui. Je n’ai plus la prétention d’être juste
grâce à ma pratique de la loi. C’est par la foi au Christ que je le
suis, grâce à cette possibilité d’être juste créée par Dieu et qu’il
accorde en réponse à la foi. » (Ph 3, 7-9)

Par ailleurs, Paul prévient Timothée que l’amour de plusieurs se


refroidira. Ils garderont les apparences de la piété, mais ils
renieront la puissance (Cf. 2Tm 3, 1-5). Il ne s’agit pas de
n’importe quelle foi, mais il s’agit de la foi qui plaît à Dieu. En
ces temps qui sont mauvais, les membres du RCC ont le devoir
de racheter ce temps en cherchant comment plaire à Dieu. Dieu

118
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

veut que son peuple soit debout et resplendisse de sa lumière.


Nous servons le Dieu de gloire qui veut que notre vie éclate cette
gloire et que les autres puissent la voir à travers notre
témoignage de vie de foi et d’abandon. Car, avant de chasser les
ténèbres chez les autres, nous devons d’abord les condamner en
nous-mêmes. Comment cela ? Par une vie sanctifiée. Combien de
couples brisés, de familles en difficulté, de cœurs malades ont
besoin de cette gloire pour être restaurés ? Les membres du RCC
devaient se préoccuper de remettre la pendule à l’heure juste.

Remettre la pendule à l’heure

Lors d’une visite au Québec chez des amis, j’étais attiré par une
pendule antique qu’ils avaient placée au salon. Mais quelle ne fut
pas ma déception lorsque je me suis rendu compte que quelque
chose n’allait pas bien : l’heure ne changeait pas. En réalité,
l’horloge n’était pas fonctionnelle. Ceci se compare au cas de
ceux qui sont accros au poids, et dont le pèse-personne, dans la
salle de bain, donne toujours une mauvaise mesure ! Cela peut
conduire à adopter de mauvaises habitudes, à forcer certaines
attitudes, à se priver de certaines choses inutilement, parce que
l’appareil fait défaut. Remonter l’horloge ou ajuster le pèse-
personne s’avère une nécessité si on veut avoir de bons résultats.
Notre monde aujourd’hui a besoin que nous lui adressions un
langage juste quand nous lui annonçons le plan de Dieu pour
son salut. On parle peu de nos jours de la repentance, alors

119
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

qu’elle est le premier message de la prédication de Jean-Baptiste


ainsi que de notre Seigneur Jésus Christ. (Mt 3, Mc 1, 15; Lc 3, 10;
Lc 24, 47; Ac 2, 38)

Témoins-missionnaires. Un jour j’avais acheté du miel. Cela a


attiré une abeille dans la maison. Après s’être nourrie d’une
quantité de miel, elle est repartie. Mais à ma grande surprise,
quelque temps après, quand je suis revenu à la maison, il y avait
une dizaine d’abeilles. En effet, cette abeille est allée annoncer
aux autres qu’elle avait trouvé de la nourriture et les a conduits
jusqu’à la source. Il en est de même de celui qu’on appelle
témoin-missionnaire. Il est comme un mendiant qui découvre là
où on donne du pain et qui révèle le secret aux autres mendiants.

Le livre des Rois (2R 7, 1-11) rapporte le témoignage de quatre


lépreux qui, en dépit de leur exclusion sociale, ont adopté une
attitude de témoin-missionnaire. En effet, pendant le siège
d’Israël par la Syrie, il y avait une grande disette. Par instinct de
survie, quatre lépreux qui vivaient en dehors de la ville ont
décidé de se rendre dans le territoire des occupants, la Syrie, afin
d’y chercher à manger. Et lorsqu’ils se sont aperçus que toute la
ville était déserte – les habitants ayant fui – et qu’ils ont trouvé à
manger dans les tentes, ils se dirent alors l’un à l’autre : « Ce que
nous faisons là n’est pas bien : aujourd’hui nous connaissons une bonne
nouvelle et nous la gardons pour nous. Si nous attendons qu’il fasse
jour pour la publier, nous serons certainement punis. Allons ! Nous

120
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

devons porter cette nouvelle au palais royal. » (2R 7, 9) Ils n’ont donc
pas gardé la bonne nouvelle pour eux-mêmes, mais ils sont
venus l’annoncer au roi d’Israël qui a tiré profit de cette situation
pour reprendre le contrôle de son pays.

On retrouve un autre cas de témoin-missionnaire, dans


l’Évangile de Jean (Jn 4). Il est question d’une Samaritaine qui est
venue chercher de l’eau au puits de Jacob. Elle y rencontre Jésus
de Nazareth et, au fil de leur échange, elle découvre qu’il est le
Messie attendu, capable de donner de l’eau vive. Elle n’a pas
gardé la nouvelle pour elle-même, même si elle était de
mauvaises mœurs. Elle est aussitôt retournée au village pour
répandre la nouvelle. Le récit se termine avec une autre bonne
nouvelle : plusieurs personnes ont pu rencontrer Jésus et ont cru
en lui. Combien d’âmes vivent un temps de sécheresse dans leur
vie de foi et ont soif d’une eau qui vivifie et réconforte ? Quels
sont les puits de nos rencontres spirituelles aujourd’hui et qui
peuvent devenir des lieux d’un nouvel élan missionnaire ?
Qu’est-ce que nous avons à annoncer comme Bonne Nouvelle
aujourd’hui ? Les gens recherchent, non plus des discours, mais
des témoins fascinants, branchés sur Christ et bien intégrés dans
leur milieu et leur culture. Voulez-vous être un témoin fascinant
pour le Christ ?

121
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

2.3. Les ouvriers de la dernière heure

ar « ouvriers de la dernière heure », j’entends l’ensemble


de ceux qui se révèlent comme fils de Dieu, à la lumière
de ce que l’apôtre Paul écrit aux Romains :

La création tout entière attend avec un désir ardent de voir la


révélation des fils de Dieu. Car la création est tombée sous le
pouvoir de forces qui ne mènent à rien, non parce qu’elle l’a
voulu elle-même, mais parce que Dieu l’y a soumise. Il y a
toutefois une espérance : c’est que la création elle-même sera
libérée un jour du pouvoir destructeur qui la tient en esclavage
et qu’elle aura part à la glorieuse liberté des enfants de Dieu.
Nous savons, en effet, que maintenant encore la création entière
gémit et souffre comme une femme qui accouche. Mais pas
seulement la création : nous qui avons déjà l’Esprit Saint
comme première part des dons de Dieu, nous gémissons aussi
intérieurement en attendant que Dieu fasse de nous ses enfants
et nous accorde une délivrance totale. (Rm 6, 19-23)

Il y a beaucoup d’enfants dans l’Église. Ils se contentent de leur


baptême et des sacrements en général sans développer un élan
missionnaire. Quelle différence y a-t-il entre un enfant et un fils ?
Alors que l’enfant naît de la chair, le fils, lui, est un don du ciel.
« Un enfant nous est né, un fils nous est donné » (Is 9, 5). Un enfant
dépend légalement de ses parents. Il est régi sous l’autorité de

122
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

ses parents, alors que le fils a atteint une maturité pour assumer
sa propre autonomie. Voici ce que déclare à cet effet l’épître aux
Hébreux :

Nous avons beaucoup à dire sur ce sujet, mais il est difficile de


vous donner des explications, car vous êtes bien lents à
comprendre. Il s’est passé suffisamment de temps pour que vous
deveniez des maîtres, et pourtant vous avez encore besoin qu’on
vous enseigne les premiers éléments du message de Dieu. Vous
avez encore besoin de lait, au lieu de nourriture solide. Celui qui
se contente de lait n’est qu’un enfant, il n’a aucune expérience
au sujet de ce qui est juste. Par contre, la nourriture solide est
destinée aux adultes qui, par la pratique, ont les sens habitués à
distinguer le bien du mal. (He 5, 11-14)

On peut donc à juste titre considérer les ouvriers de la dernière


heure comme une génération de ceux qui ont franchi l’étape des
« fils de Dieu ». Ils font partie de l’armée que Dieu suscite
maintenant pour le temps de la fin. Ils ont pour mission de
restaurer l’autorité de la Parole, car celle-ci est « puissance de Dieu
pour le salut des humains » (Rm 1, 16). Or, parler d’une armée
suppose la connaissance du maniement des armes et la discipline
dans l’esprit d’équipe. Pour les ouvriers de la dernière heure, la
Parole décrit trois armes qu’ils doivent revêtir : tout d’abord, la
foi qui soulève les montagnes. Jéricho est tombé par la foi. Les
promesses de Dieu sont vérité, mais il faut y croire. Ensuite, la

123
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

puissance (force) de Dieu. Jésus ordonne à ses apôtres de ne pas


quitter Jérusalem jusqu’à ce qu’ils soient revêtus d’une force
supérieure. Il faut être fortifié, en tant qu’armée, pour aller
combattre sur l’ordre de Dieu. Car « quel est ce roi qui va en guerre
contre un autre roi et qui ne commence pas par s’asseoir pour voir s’il
peut avec dix mille hommes, affronter son ennemi qui marche contre lui
avec vingt mille ? » (Lc 14 30). Enfin, la sensibilité spirituelle qui
est comme la boussole du serviteur de Dieu. On ne doit se lever
ni avant ni après le temps de Dieu. Cela ne donnerait aucun
résultat. La sensibilité spirituelle est le don ou l’habileté d’agir au
moment opportun. Voici donc ce que déclare le Seigneur : « Au
moment favorable, j’ai répondu à ton appel ; quand est arrivé le jour du
salut, je suis venu à ton secours. Je t’ai formé pour faire de toi le garant
de mon engagement envers l’humanité. Je vais relever le pays et
redistribuer les parts de la terre sainte aujourd’hui ravagée. » (Is 49, 8.
Cf. 2Co 6, 2)

Quels sont les signes caractéristiques des ouvriers de la dernière


heure et quels sont les critères de leur authenticité ? Ils sont mus
par un feu dévorant qui, d’une part, brûle dans leur cœur et les
pousse à aller annoncer le message de l’amour. « Dieu a tellement
aimé le monde qu’il a envoyé son Fils unique, afin que quiconque croit
en Lui ne périsse point mais qu’il ait la vie éternelle. » (Jn 3, 16). Et,
d’autre part, ils annoncent le temps de repentance et du réveil en
vue du retour imminent du Christ. Ils ont des grâces (onction)

124
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

uniques qui leur permettent d’accomplir cette mission. Ils sont


conscients de leur rôle (position) de sentinelle pour guetter71
l’avenir (Is 21, 11-12).

Il y a urgence de guetter l’avenir, car il y a de faux réveils,


engendrés par la recherche à tout prix de miracles, ainsi que par
la proclamation d’un Évangile de prospérité qui promet tout et
qui ne parle jamais de la repentance. Jean-Baptiste a commencé
sa prédication par l’invitation à la repentance (Lc 3, 3). Jésus
aussi a commencé sa prédication par l’invitation à la repentance :
« Les temps sont accomplis. Convertissez-vous et croyez à la Bonne
Nouvelle » (Mc 1, 15). Aucun Évangile de l’engendrement ou du
réveil ne peut faire l’économie de cet appel à la repentance,
surtout en ces temps qui sont les derniers. Bref, les ouvriers de la
dernière heure paraissent clairement comme des fils de la
révélation dont parle l’apôtre Paul.

Ils sont comme des aigles c’est-à-dire qu’ils s’élèvent et qu’ils se


tiennent constamment en sa Présence. Ils sont mis à part pour
restaurer l’autorité de Dieu et de sa Parole. Ils sonnent la
trompette pour rallumer la lampe éteinte afin d’aller à la
rencontre de l’Époux. Leur vie de foi se structure autour de trois
phases essentielles : primo, la préparation (placer les flèches dans

71 Je recommande ici aux lecteurs le livre de Jean DELUMEAU, Guetter


l’aurore. Un christianisme pour demain, Éditions Grasset et Fasquelle, Paris, 2003.

125
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

le carquois du Seigneur) ; secundo, la puissance descend d’en


haut : c’est le règne de Dieu qui vient remplacer le premier règne
dans la vie de ses enfants ; tertio, le temps de la moisson. Celle-ci
consiste à gagner les âmes pour le Seigneur.

126
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

3. Le relais du flambeau
« Chaque génération a la responsabilité de la mission ou de la
démission. » (Auteur inconnu)

epuis quatre ans, je suis continuellement invité à prêcher


la retraite aux jeunes du groupe Esprit-jeunesse du diocèse
d’Ottawa. Quelle grâce de voir près de cent cinquante à
deux cents jeunes rassemblés pour célébrer et approfondir leur
foi commune. Je suis toujours émerveillé de voir comment le
groupe des animateurs s’associe des jeunes afin de les préparer à
prendre la relève un jour. Ils se préparent à passer le flambeau à
la nouvelle génération. Tel devait être la préoccupation de
chaque groupe de prière au sein de l’Église. Une telle
préparation doit se faire pendant que les jeunes sont encore là
avec les adultes. Il faut, d’une part, leur inspirer la confiance et,
d’autre part, leur faire confiance, les soutenir et les encourager.

Dans ma culture, par exemple, la mère prépare l’aînée des filles à


son rôle futur en lui confiant l’organisation de la maison, la
gestion de l’argent, le programme de repas. La fille apprend à
côté de sa mère et, une fois au mariage, elle peut s’acquitter avec
beaucoup de facilité de la gestion de sa propre famille. Il devrait
en être ainsi dans nos communautés ecclésiales et dans nos
assemblées de prière. Lorsqu’un jeune se voit responsabilisé, sa

127
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

confiance en lui-même et dans les autres s’accroît ; et il peut


facilement attirer d’autres jeunes.

Une autre chose à laquelle il faut faire attention lorsqu’on veut


initier et s’associer les jeunes dans les groupes, c’est de soigner
notre langage. Malheureusement, on est porté à la critique, à la
médisance, aux plaintes et au découragement. Toutes ces
attitudes ne peuvent pas attirer les jeunes. Pourquoi viendraient-
ils s’associer à nous si c’est pour n’entendre que du négatif de la
bouche de ceux qui sont censés avoir de l’expérience dans le
Renouveau ? Ne dit-on pas qu’on n’attire pas les mouches avec
du vinaigre ?

Pour pouvoir passer le flambeau aux jeunes générations, il faut


d’abord créer un espace sain pour elles dans nos groupes, à tous
les niveaux. Ensuite, il faut donner un bon témoignage de et de
charité. Le témoignage est la meilleure preuve pour rendre le
discours de foi crédible. Enfin, il faut qu’il y ait une expérience
chrétienne à partager. C’est cette expérience de foi, de
conversion, de prière, de charismes qu’on transmet aux jeunes
générations. C’est par l’expérience que le prophète Élie a appris à
Élisée sa mission de prophète. Élisée a été aussi puissant que son
maître. C’est par l’expérience que Jésus a appris à ses apôtres.

128
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

Il faut créer des espaces dans nos assemblées de prière où nous


pouvons mettre au service des autres nos expériences72.

Dieu nous établit pour être la lumière du monde. Lorsque la


lumière est allumée en nous, nous devenons totalement
dépendants de lui ; c’est-à-dire que nous devenons un canal qu’il
va utiliser pour toucher des vies humaines ou des cœurs.
Lorsqu’on est touché par le feu de l’Esprit, on met de l’ordre
dans sa vie et on en fait un don pour les autres, comme le Christ
a donné sa vie pour nous.

Je me propose ici d’examiner de près comment la vie d’Élie (1ere


génération) a été un cadeau du ciel pour Élisée (2e génération).
Élie a su que sa mission prophétique touchait à son terme. Pour
éprouver son disciple Élisée, il lui demande de partir (la liberté
spirituelle), mais Élisée demeure fidèle à son maître jusqu’à la
fin, car il savait qu’il avait encore besoin d’un plus. En effet, avec

72 Je veux louer tous les efforts qui se font par-ci par-là en ce sens. Je cite
particulièrement à Neal Lozano qui, suite à ses longues années d’expérience, a
mis sur pieds un Ministère « Cœur du Père », où il donne dans différents pays
du monde des séminaires et des formations sur le thème de la libération et de
la délivrance. Je pense aussi à Henri Lemay qui a initié un programme sur
l’expérience de la guérison divine au Canada comme en Europe ; je pense
enfin à l’école de guérison « Cœur de Jésus » dans l’archidiocèse de Gatineau
(Canada), où nous (moi y compris) donnons des cours sur la guérison divine.
Bien entendu, ces exemples ne sont pas exhaustifs.

129
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

l’enlèvement d’Élie, la responsabilité de continuer la tâche


incombait désormais à Élisée.

Voyons de quelle manière il sera préparé à ce ministère, et


comment il recevra la puissance pour l’accomplir. C’est là un bel
exemple pour quiconque veut servir le Seigneur. Au départ,
Élisée est le serviteur d’Élie (1R 19, 21 ; 2R 2, 1-15; 2R 3, 11) et ils
marchent ensemble. Servir les autres est le préalable
indispensable au service de Dieu. Ensuite, sachant que son
maître va être enlevé, il montre une grande persévérance à le
suivre dans différents lieux qui ont, dans ce contexte, une valeur
symbolique. Après l’enlèvement de son maître, il se retrouve seul
devant le Jourdain. Contrairement aux cinquante fils de
prophètes qui ne font qu’observer, Élisée se sert de l’expérience
de son maître et fend le Jourdain en deux avec le manteau d’Élie.
Après cette traversée à pied sec, les fils de prophètes ont reconnu
son autorité et se sont prosternés devant lui. C’est ainsi qu’il a
rendu témoignage à l’esprit d’Élie qui était désormais en lui. Son
ministère a été rempli d’onction et de puissance.

Examinons le parcours d’Élisée en détail. Tout d’abord, Élie


amène Élisée à Guilgal. C’est le premier campement des
Israélites après la traversée du Jourdain. Si la sortie d’Égypte
représentait la délivrance de l’esclavage du péché (Jn 8, 36),
Guilgal peut symboliser la nouvelle naissance et la circoncision
du cœur. Tout cheminement de foi doit commencer par Guilgal,

130
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

c’est-à-dire la circoncision du cœur par laquelle Dieu marque de


son seau.

Ensuite, il le conduit à Bethel, car la circoncision de cœur fait


entrer dans la maison de Dieu (Bethel). On y apprend alors à
aimer ses frères et sœurs, à pardonner, à prendre patience. Bethel
est le symbole de la communion. Jacob y fera le songe avec cette
fameuse échelle qui lui révélera la Présence de Dieu (Gn 28, 12-
19 ; 31, 13). C’est le lieu de la vision. En d’autres termes, pour
avoir une véritable communion avec Dieu, nous avons besoin de
la révélation (Ep 1, 17-18).

La troisième étape est celle de Jéricho, que je considère comme le


symbole de la forteresse (de Satan) qui s’oppose à la prise de
Canaan. C’est aussi le symbole du combat spirituel, car Josué et
son armée ont renversé ses murailles.

Enfin il y a eu la traversée du Jourdain. C’est la dernière épreuve


qui conduit au baptême de feu. Élisée avait déjà goûté à l’onction
lorsqu’Élie lui avait jeté son manteau. À ce titre, je considère le
Jourdain comme symbole du témoignage ou de l’expérience.

Pour permettre à la nouvelle génération d’assumer sa mission


chrétienne, nous devons l’initier à l’expérience puissante de Dieu
et à la fidélité dans la marche chrétienne. Même si la majorité
demeure indifférente comme les fils de prophètes, nous devons

131
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

accorder beaucoup d’attention à ceux et celles qui s’attachent à


nos groupes de prière. J’ai souligné précédemment l’importance
d’un bon accueil fraternel, surtout vis-à-vis de nouveaux venus,
dans nos assemblées de prière. Quant à la jeune génération, la
démarche et l’attitude d’Élisée sont très instructives pour elle. Si
nous voulons servir le Seigneur avec efficacité, commençons par
nous mettre au service des autres. Cela nous évitera de devenir le
type de ces pseudo-serviteurs de Dieu qui ne servent qu’eux-
mêmes. Veillons à entretenir avec Dieu une profonde
communion, afin de savoir quelles sont les œuvres bonnes qu’il a
préparées à l’avance pour nous (Ep 2, 10). Ce qui dépend de
nous, ce n’est pas la puissance - Dieu s’en occupe -, mais la
fidélité à la Parole de Dieu. Recherchons-la de tout notre cœur,
dans la droiture et la justice. Dieu pourra alors nous faire
franchir le Jourdain pour déverser sur nous aussi une double
portion de son Esprit. C’est alors que nous pourrons accomplir
des œuvres plus grandes encore que la génération précédente.

132
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

4. Les destinataires de la mission continue


« La nouveauté de la vie en lui est la Bonne Nouvelle pour
l’homme de tous les temps : tous les hommes y sont appelés et
destinés. (…) L’Église, et en elle tout chrétien, ne peut cacher
ni garder pour elle cette nouveauté et cette richesse, reçues de
la bonté divine pour être communiquées à tous les hommes. »
(Jean-Paul II)

ors de son discours prononcé à la Curie romaine à


l’occasion de la présentation des vœux de noël, le 22
décembre 2011, le Pape émérite Benoît XVI déclarait : « Là
où l’homme a moins la perception d’être accueilli par Dieu,
d’être aimé de lui, la question de savoir s’il est vraiment bien
d’exister comme personne humaine ne trouve plus aucune
réponse. Le doute à propos de l’existence humaine devient
toujours plus surmontable. (…) Là où le doute au sujet de Dieu
devient dominant, le doute au sujet de l’être même des hommes
suit inévitablement »73. Pour cette raison, les disciples de feu
doivent être conscients de l’importance et de l’urgence d’une
nouvelle évangélisation pour notre temps.

73Cité par Michelle K. BORRAS, Qu’est-ce que la nouvelle évangélisation,


éditions des Chevaliers de Colomb, Washington, 2012, p. 11

133
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

4.1. Le cas du ministère de Philippe (Ac 8, 1- 40)

orsqu’on aborde le huitième chapitre des Actes des


Apôtres, on est frappé par la portée de l’enseignement
qu’il nous livre. Le récit nous présente d’une part le
diacre Philippe en train de proclamer la Parole avec une grande
onction et d’opérer des prodiges. On peut considérer cela comme
un moment de gloire dans son évangélisation. Laissons la parole
au texte :

Philippe se rendit dans la principale ville de Samarie et se mit à


annoncer le Messie à ses habitants. La population tout entière
était très attentive aux paroles de Philippe quand elle l’entendait
et voyait les miracles qu’il accomplissait. En effet, des esprits
mauvais sortaient de beaucoup de malades en poussant un
grand cri et de nombreux paralysés et boiteux étaient également
guéris. Ainsi, la joie fut grande dans cette ville. (Ac 8, 5-8)

Or, c’est justement en ce moment de grande joie et de célébration


que, d’autre part, un ange, c’est-à-dire un envoyé de Dieu, vient
demander à Philippe de se rendre dans le désert sans savoir ce
qui l’attendait : « Tu vas partir en direction du sud, sur la route qui
descend de Jérusalem à Gaza. Cette route est déserte. » (Ac 8, 26) Ce
qui est frappant ici est l’obéissance instantanée de Philippe, qui
abandonne ce moment de joie que son évangélisation avait
provoquée pour se rendre dans un lieu désert ; il abandonne

134
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

toute une foule de gens en liesse pour aller rejoindre un seul


individu : « Le Saint Esprit lui dit : Va rejoindre ce char. » (Ac 8, 29).
Et sur ce char était assis un éthiopien, un étranger à la peau
brûlée – aujourd’hui on dirait un noir. Ce texte est très instructif
pour tout évangélisateur.

Nous appartenons à une époque et une culture où le résultat se


mesure par le nombre, c’est-à-dire la production. On performe
pour produire davantage. On est prisonnier des chiffres, de sorte
qu’on considère une réussite ou un échec en fonction de la
rentabilité. Sur le plan religieux, il en est de même. Les plus
« grands » pasteurs sont ceux qui drainent le plus de monde,
remplissant les stades. Le Dieu de Jésus-Christ ne regarde pas
selon les apparences. Bien sûr que Jésus nous envoie évangéliser
le monde entier ; cependant il ne fait pas du nombre le critère du
gain spirituel. Le ministère de Philippe révèle à suffisance que
Dieu est capable d’abandonner une multitude qui est déjà
gagnée à l’Évangile pour aller s’occuper d’une seule personne
qui requiert le même soin spirituel. C’est aussi la leçon que nous
donne la parabole de la brebis égarée que j’aborderai dans le
prochain point.

Dans une de mes anciennes paroisses dans l’archidiocèse


d’Ottawa, une femme est venue me voir pour que je convainque
son mari, devenu aveugle, à revenir prier avec nous aux messes
dominicales. Pourtant, les premières années de mon affectation à

135
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

cette paroisse, il y venait, accompagné de sa femme. Mais


quelque temps après, je ne le voyais plus. J’ai compris la raison
lorsque sa femme m’a expliqué que depuis un certain temps, son
mari recevait tous les mercredis la visite de Témoins de Jéhovah.
Ceux-ci venaient prendre soin de lui pendant qu’il restait seul à
la maison et ils en profitaient pour lui enseigner la Bible. Et ils
ont été fidèles tout au long de l’année, semaine après semaine.
Lorsque j’ai parlé avec ce paroissien pour en savoir plus, sa
réponse m’a foncièrement déconcerté : « Monsieur le curé,
comment veux-tu que j’abandonne ces frères qui sont si généreux
de leur temps, prennent soin de moi chaque semaine et
m’enseignent la Parole de Dieu. Qui, dans notre église
paroissiale, peut faire ce qu’ils font là avec fidélité et en toute
gratuité ? »

Il venait de toucher un point crucial qui caractérise nos


communautés de foi et de prière. Et il avait raison, car ni moi ni
aucun autre paroissien n’étions capables de lui assurer ce soin
spirituel de façon continue. Nous étions si occupés à administrer
les affaires de la communauté qu’aucun de nous n’avait du
temps à consacrer à ce seul individu. Et c’est ainsi que nous
avions perdu un frère que le Seigneur nous avait confié : « Prends
soin de mes brebis » (Jn 21, 17).

Après un temps de gloire et de manifestation de puissance du


Saint Esprit, le Renouveau charismatique est appelé à marcher

136
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

dans l’humilité, cherchant avant tout à prendre soin de toutes ces


personnes blessées auxquelles nos structures ecclésiales
n’accordent plus de place ni d’attention souvent parce qu’elles
n’ont plus rien à donner en retour. Il nous faut restaurer
l’autorité de la Parole en Église afin qu’elle éclaire, réconforte,
console, guérisse, libère et sauve cette portion du peuple qui
ressemble aux brebis sans berger.

4.2. La brebis, la drachme, et l’enfant : trois symboles, trois


destinataires

uc, l’évangéliste de la miséricorde, est le seul à nous


rapporter ces trois paraboles consécutives. Pourquoi se
suivent ces paraboles ? Parce Jésus veut nous enseigner
sur l’état et la situation des destinataires de la Bonne Nouvelle.
Examinons-les de près, car chaque parabole invite à une
démarche différente.

Tout d’abord, la parabole de la brebis égarée (Lc 15, 3-7).


L’auteur ne nous dit rien de la raison de son égarement. Il se
pourrait que cette brebis se soit égarée simplement parce qu’elle
s’était éloignée du troupeau, en suivant une piste de bonne
herbe ; ou encore qu’elle était fatiguée et s’est reposée pendant
que le troupeau avançait ; ou encore parce qu’elle a été blessée ou
à cause d’un aveuglement subit, chemin faisant. On peut trouver

137
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

toutes sortes de raisons pour expliquer cet égarement et elles


sont toutes valables. Une chose cependant mérite notre
attention : l’égarement est une conséquence d’une négligence
consciente ou inconsciente de la brebis par rapport à la position
du berger. La Bonne Nouvelle est que le berger a abandonné
toutes les brebis qui étaient déjà dans l’enclos pour aller à la
recherche de la brebis égarée.

Ceci m’amène à faire cette parenthèse : d’un point de vue


théologique, on introduit une distinction entre la pastorale et
l’évangélisation. La pastorale s’occupe d’offrir des services à
ceux qui sont déjà constitués en communauté - c’est ainsi qu’on
parle de la pastorale des malades, la liturgie des enfants ; du
service de communion à domicile ; etc. - ; tandis que
l’évangélisation se préoccupe de ceux qui sont encore éloignés de
l’Église ou ceux qui n’ont pas encore eu la chance de connaître le
Christ et de l’accepter comme leur Seigneur et Sauveur. C’est ce
que le pape François appelle les gens de la « périphérie ». À la
lumière de cette parabole, on peut dire que le berger laisse ceux
et celles qui sont déjà gagnés par l’Église pour aller à la recherche
de ceux et celles qui s’en sont éloignés ou qui en ont été blessés,
afin de leur manifester l’amour de Jésus, le bon berger.

Ensuite, la parabole de la drachme perdue (Lc 15, 8-10). Ici on a


affaire à une pièce de monnaie qui n’a pas la possibilité de
s’échapper par elle-même. Si elle est perdue, c’est à celui qui le

138
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

détenait qu’incombe la faute. Il y a sans doute eu négligence de


sa part ou encore un oubli. Mais toujours est-il que ce n’est pas la
faute à la pièce (drachme) elle-même. Dans le contexte
d’aujourd’hui, nous connaissons beaucoup de gens qui ont
abandonné le chemin de la foi à cause de notre négligence à nous
chrétiens et de notre indifférence.

Il y a un temps où nos églises étaient remplies. Aujourd’hui, elles


se vident et sont vendues les unes après les autres. Pourquoi ?
Parce que notre évangélisation était une évangélisation de la
peur et non de l’amour ni de la repentance. Nous avons négligé
de nourrir ces gens de la vraie Parole qui donne la vie de Dieu.
Nous avons négligé de leur apprendre à prier par eux-mêmes ;
nous avons négligé de les amener à une relation personnelle avec
le Christ ressuscité. Et, aujourd’hui, nous les avons perdus à
cause de cette négligence. La parabole se termine pourtant sur
une note positive : il y a de la joie quand on retrouve ce qu’on a
perdu. Saurions-nous écouter la voix du Ressuscité qui nous dit :
« Allez dans le village voisin. Vous trouverez un âne attaché ; amenez-
le-moi. Si on vous demande… dites : le maître en a besoin » (Mt 21, 2-
3). Dieu a besoin de chaque âne perdu par notre négligence.
Nous avons le devoir d’aller les chercher, de les délier et les lui
amener.

Enfin, la parabole du Fils prodigue (Lc 15, 11-32). C’est la plus


longue des trois, car nous avons ici affaire à quelqu’un qui prend

139
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

librement la décision de partir de la maison. Il est vrai qu’il faut


que l’homme quitte un jour son père et sa mère pour s’attacher à
sa femme, mais il faut toutefois savoir comment quitter. C’est
plutôt l’usage de notre liberté (choix) et ses conséquences qui
sont en jeu dans cette parabole. Le récit commence avec la
demande du fils cadet qui veut se séparer de son père en
exigeant sa part d’héritage.

Quelles leçons peut-on tirer de cette parabole ? Le fils cadet a


reçu la liberté, mais il a détruit sa vie ; certaines libertés mènent
au péché et à la mort (la drogue, le sexe, la violence). Il a aussi
reçu sa part d’héritage, mais il a tout perdu. Le péché est
dangereux. Il tue, il dépouille de tout, il nous réduit à notre plus
simple expression. Il est parti comme un fils, mais il est revenu
comme un esclave. On peut donner beaucoup de choses à nos
enfants et même beaucoup d’amour : ils demeurent libres devant
le choix de leur vie. Cependant, il faut se le rappeler, la liberté a
ses responsabilités. Étant donné que c’est lui-même qui a décidé
de partir, lorsqu’il prend conscience de sa misère, il reconnaît en
lui-même : « J’ai péché » et il décide de revenir vers son père (la
conversion). Retourner vers le père était le chemin de la
rédemption pour le fils. Par-dessus tout, c’est l’amour du père
qui a sauvé le fils prodigue autant que le fils aîné, qui avait
continué à travailler pour son père.

140
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

Il s’ensuit que, quelles que soient les raisons pour lesquelles les
gens ont quitté l’Église, nous devons avoir pour eux le cœur du
père, un cœur rempli d’amour et de compassion pour les
accueillir lorsque, pour une raison ou une autre, ils décident de
revenir. Dans la plupart des cas, les chrétiens soi-disant
« pratiquants » adoptent l’attitude du fils aîné et se montrent
jaloux et intolérants face au retour de ceux qui avaient quitté. Il
n’y a pas d’évangélisation qui engendre sans un cœur plein
d’amour et de compassion. C’est en donnant sa propre vie que
Jésus nous a exprimé son amour. À cause de cet amour, il a été
pris de compassion devant le peuple : « Voyant cette foule, il fut
ému de compassion pour elle, parce qu’elle était languissante et abattue,
comme des brebis qui n’ont point de berger » (Mt 9, 36). Seul un tel
amour rempli de compassion peut rendre crédible notre
évangélisation d’engendrement.

141
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

5. Les sept fléaux du Renouveau charismatique


aujourd’hui
« Je préfère la lucidité à la complaisance. » (Auteur inconnu)

« Il est possible d’être très religieux sans toutefois aimer Dieu. » (Glen
Berteau)

orsqu’on parcourt les évangiles, il est intéressant de


remarquer que la majorité des griefs que Jésus adressait à
ses contemporains visaient plus les religieux, ceux qui
pensaient connaître Dieu et le servir par la pratique de la Loi,
que les païens. En effet, les personnes qui ont le plus résisté au
message de Jésus sont celles qui pratiquaient déjà la foi, à l’instar
des Pharisiens, des Scribes et des prêtres. Être membre du
Renouveau charismatique n’est pas une garantie d’être en union
profonde avec le Ressuscité, l’Homme de Galilée. S’adressant
aux chrétiens de Galates, Paul s’étonne qu’ils soient passés de
l’Esprit à la chair (Ga 3, 1) ; il exhorte les chrétiens d’Éphèse de
ne pas contrister le Saint Esprit (Ep 4, 30). Pourquoi ? Parce que
cela fait partie de notre nature humaine. L’expérience de
l’effusion du Saint Esprit nous a revêtus d’une puissance d’en
haut. La Présence du Saint Esprit est là pour parfaire en nous la
stature du Christ, en taillant notre système de pensée, notre
caractère, notre intelligence, etc., et en les soumettant aux lois du
Royaume. Or, Dieu nous ayant créés libres, le Saint Esprit ne

142
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

peut agir que si nous lui assurons notre coopération, à l’instar de


Marie, des apôtres et de tous les saints. Certaines habitudes
confortables constituées en forteresse peuvent malheureusement
nous installer dans la médiocrité et l’échec. Ce faisant, elles
obstruent l’ouverture aux grâces du Saint Esprit.

Examinons un peu ces habitudes qui sont devenues de véritables


fléaux chez plusieurs charismatiques et qui, la plupart du temps,
ont contribué au déclin de leurs assemblées. Les fléaux que je
présente ici en toute humilité ne « doivent pas être des excuses
pour réduire notre engagement et notre ferveur. Prenons-les
comme des défis pour croître. »74 Or, pour croître, il ne suffit pas
d’arroser la plante et de mettre du fumier, il faut aussi enlever
tout obstacle qui empêcherait la plante d’approfondir ses racines.

5.1. L’incohérence de la vie chrétienne

utrefois, les premiers chrétiens étaient appelés les


« christophores » c’est-à-dire des porteurs du Christ. Ils
étaient le reflet même de leur Maître. Ce n’était plus eux
qui vivaient, mais le Christ qui vivaient en eux. Leur témoignage
de vie et de foi a été tel que, en dépit du fait que la plupart

74 PAPE FRANÇOIS, Exhortation apostolique Evangelii Gaudium. La joie de


l’Évangile, Libreria Editrice Vaticana, Rome, 2013, no 84.

143
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

étaient des illettrés, ils ont pourtant conduit plusieurs personnes


à adhérer à la cause du Christ, le Royaume de Dieu. Ils étaient
une minorité, pourtant ils ont attiré une majorité à la foi
chrétienne. Curieusement, on a aujourd’hui de la peine à
reconnaître les chrétiens en dehors de l’église. Et, comme l’écrit
Enzo Bianchi, « les chrétiens devraient se demander pourquoi,
tout en étant plus d’un milliard (un chrétien tous les cinq
habitants de la planète), leur foi apparaît si peu éloquente et si
peu séduisante pour les hommes et les femmes d’aujourd’hui.
N’est-ce pas aussi par défaut de cohérence entre ce que les
chrétiens prêchent et ce qu’ils vivent ? »75

Tout récemment, notre Église a traversé un moment difficile avec


les accusations de pédophilie de certains prêtres. Ces révélations
ont fait déborder la goutte d’eau chez certaines personnes
fragiles et ont mis à nu la dichotomie entre le faire et l’être chez
les chrétiens en général et les prêtres en particulier. L’Église
continue encore à souffrir des conséquences de ces abus sexuels.
Au-delà des mesures disciplinaires qui ont été mises en place, il
nous faut une conscience pure et un témoignage authentique,
autant dans notre relation avec Dieu qu’entre nous. Outre ces
abus auprès des enfants, le pape François stigmatise le mal à la
racine à partir des comportements mêmes de ces hommes et de
ces femmes qui ont voué leur vie à Dieu dans une consécration

75 Enzo BIANCHI, La différence chrétienne, Bayard, Paris, 2009, p.66.

144
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

religieuse. Il y dénonce toutes sortes d’attitudes pour le moins


païennes, qui constituent un vrai contre-témoignage chez les
religieux. Voici ce qu’il écrit :

Cela me fait mal de voir comment, dans certaines


communautés chrétiennes, et même entre les personnes
consacrées, on donne de la place à diverses formes de
haine, de division, de calomnie, de diffamation, de
vengeance, de jalousie, de désir d’imposer ses propres
idées à n’importe quel prix, jusqu’à des persécutions qui
ressemblent à une implacable chasse aux sorcières. Qui
voulons-nous évangéliser avec de tels comportements ?76

Ces attitudes que le pape dénonce chez les consacrés concernent


tout baptisé. L’exode des catholiques vers les autres églises de
réveil ou évangéliques s’explique en grande partie par le contre-
témoignage des parents chrétiens, des couples chrétiens, des
écoles chrétiennes et des communautés chrétiennes.
Malheureusement, les membres du Renouveau charismatique
sont aussi tombés dans le même piège. Comme le remarque
Nestor Ndalibandu : « La disharmonie et la contradiction
s’observent chez de nombreux croyants entre la foi chrétienne et
le comportement quotidien. C’est le contre-témoignage qui se vit

76 PAPE FRANÇOIS, Evangelii Gaudium, Exhortation apostolique sur l’annonce de


l’Évangile dans le monde d’aujourd’hui, Liberia Vaticana, Rome, 2013, no 100

145
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

même dans les communautés de ceux qui devraient être des


modèles, notamment nous les membres du Renouveau et les
agents pastoraux. »77

Ainsi donc, on nous voit parler en langues, imposer les mains,


dire des prophéties tout en vivant des dissensions ouvertes et en
semant la zizanie entre membres ou entre responsables. La lettre
de l’Esprit aux églises peut faire écho d’une façon nouvelle : « Je
connais tes œuvres, mais j’ai contre toi… Convertis-toi vite, car je
reviens bientôt… » (Ap 2-3)

5.2. Une vie chrétienne rétrograde

’un point de vue chrétien, plusieurs sont spirituellement


demeurés des bébés. Ils sont en quelque sorte comme des
sous-développés spirituels dans la mesure où ils n’ont
jamais donné le meilleur de leur foi, ni suffisamment développé
leurs talents. La vie d’un chrétien qui a atteint la stature du Christ
déborde et impacte tout son environnement ; son influence
s’étend au loin. Le chrétien rétrogradé est généralement

77 Nestor SALUMU NDALIBANDU, « Le renouveau charismatique dans


l’église catholique et l’église catholique dans le renouveau charismatique.
Défis pastoraux », dans Dieu et l’Afrique. Une approche prophétique, émancipatrice
et pluridisciplinaire, (Dir. Benoît AWAZI MBAMBI KUGUA) L’Harmattan,
Paris, 2016, p.361

146
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

médiocre et sa « vie semble plate, vide, insignifiante. Et le pire,


peut-être, c’est qu’il trouve cela normal ! »78

Il y a un certain nombre de personnes qui disent qu’ils ont reçu


Jésus comme Seigneur et Sauveur mais dont la vie de foi est
demeurée stérile. Leur conversion est juste des lèvres (langage,
louange), mais leur cœur n’a pas été touché. Ce sont les chrétiens
rétrogrades. L’exemple typique des chrétiens rétrogrades est
celui de Démas. On le voit au début du ministère de Paul,
accompagné de Luc (Col 4, 14), puis, dix ans plus tard, il
abandonne Paul « parce qu’il est trop attaché au monde présent »
(2Tm 4, 10). N’est-ce pas une réalité qu’on retrouve dans le décor
de plusieurs groupes de prière ?

Normalement, de quelqu’un qui a reçu Jésus, on attend un


témoignage de foi. Car le monde païen nous observe en se
disant : on verra bien dans 10 ans. Un chrétien rétrograde est une
personne en danger qui n’est plus nourrie et dont le cœur s’est
endurci. Il est aussi un danger pour l’Église, car il sera un contre-
témoignage.

La raison essentielle d’une vie de foi rétrograde réside dans la


façon dont les fondations de cette vie ont été posées. Une
mauvaise fondation ne peut supporter le poids de toute la

78 De MONTIGNY, Source de vie, p.102

147
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

maison. Avec le temps, elle finit par se fissurer. Il faut un certain


nombre d’éléments pour soutenir la croissance. C’est pourquoi la
personne qui reçoit le Seigneur doit avoir des enseignements
propres, il doit apprendre à développer sa relation avec Dieu au
travers des divers ministères donnés à l’Église et à restaurer sa
relation avec lui-même (purification) et avec les autres.

Malheureusement, de nos jours, on assiste de plus en plus à une


génération de chrétiens réduits au culte de dimanche. Ils veulent
plus, alors qu’ils n’ont fait monter aucune vapeur au ciel pour
provoquer une pluie de bénédiction dans leur vie, dans leur
couple, leur famille, leur travail, etc.

À propos de cette image de vapeur et de pluie, il est bon de


rappeler que la pluie commence par les vapeurs, et que celles-ci
sont la conséquence du degré de soleil sur les rivières. La vapeur
monte, mais revient sous forme de pluie. Symboliquement
parlant, le chrétien peut aussi provoquer la pluie de bénédiction
en faisant monter la vapeur (prières de foi, action de grâces pour
la famille, le travail, etc.) au ciel. Cependant, la quantité de la
pluie dépendra de la quantité de vapeurs. Une vapeur abondante
fait tomber une pluie abondante. Il ne s’agit nullement de
multiplier des œuvres extérieures pour attirer la faveur de Dieu,
mais de rechercher sa Présence et d’entretenir une communion
avec ce Dieu-Père qui ne peut donner de la pierre à ses enfants

148
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

qui demandent du pain. Le prophète Élie a persévéré dans la


prière jusqu’à ce qu’il vit tomber la pluie.

Les chrétiens rétrogrades font de leurs prières des complaintes.


Or celle-ci est comme une accusation de Dieu devant la pléthore
de nos problèmes. Ce faisant, elle donne lieu à une sécheresse en
ce qui concerne la reconnaissance, le remerciement, l’action de
grâce, etc.

5.3. L’engouement pour le merveilleux

orsqu’on lit les évangiles, il est curieux de constater que


les gens qui venaient vers Jésus le faisaient pour des
motifs différents : pour certains, c’était la recherche de
guérison ; pour d’autres, parce qu’ils avaient mangé du pain à
satiété ; d’autres encore venaient vers lui parce qu’ils avaient vu
des miracles, et enfin certains venaient par curiosité afin de voir
celui qui avait ressuscité Lazare. Quant aux Pharisiens et aux
docteurs de la Loi, c’était pour le surveiller et l’incriminer selon
leur Loi. Malheureusement, on retrouve encore cette recherche
mercantile à l’égard de Dieu chez certains membres du RCC. Il y
a comme une sorte de « hiatus existant entre, d’une part, la
ferveur religieuse qui règne dans les différents lieux de prières
de plus en plus nombreux et, d’autre part, un certain

149
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

comportement qui laisse à désirer dans la vie pratique (…) »79.


Les fidèles qui éprouvent certaines difficultés existentielles se
tournent vers des groupes ou des pasteurs qui semblent bien
répondre à leurs problèmes. Ils ne viennent pas d’abord pour
chercher Dieu, mais pour résoudre leurs problèmes. Certains
passent d’un groupe à un autre ou d’un prêtre à un autre.

Y a-t-il un problème à faire cela ? Bien entendu il n’y a aucun mal


à changer de groupe ou à se choisir le pasteur d’âme qui nourrit
le mieux votre vie spirituelle. Cependant, ce qui est en jeu ici,
c’est cette recherche effrénée qui a piégé autant des fidèles que
des pasteurs d’âmes eux-mêmes. Comme le remarque si bien
Glen Berteau, ces fidèles recherchent des bénédictions mais sans
payer le prix de l’obéissance, du réconfort sans consentir de
sacrifice, du bonheur mais sans repentance personnelle.
Aujourd’hui nombre de responsables d’Église communiquent à
leurs auditoires un message à la fois agréable à entendre,
inspirant et positif. En fait, les bancs de leurs églises sont remplis
de croyants dont le seul désir est de se laisse bercer par ces
promesses ! Ce n’est là pourtant que la moitié de l’Évangile, et
une moitié d’Évangile n’est pas l’Évangile du tout. De loin, on

79 Lambert NIEME, « Guérisons-miracles dans les églises dites de réveil à


Kinshasa. Illusion, délire religieux et/ou économique ? », dans Dieu et
l’Afrique. Une approche prophétique, émancipatrice et pluridisciplinaire (Dir. Benoït
AWAZI MBAMBI KUNGUA), L’Harmattan, Paris, 2016, p.444

150
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

dirait un christianisme authentique mais c’est une illusion. Leur


évangile est dénué de force et de puissance. Malgré son côté
attrayant, il se révèle incapable d’accomplir le but ultime de Dieu
qui vise la transformation radicale de chaque individu. Il est
certainement plaisant d’aller dans une église où tout est positif,
mais on n’a là qu’une version light de la foi chrétienne qui met
l’accent sur les promesses grandioses et lumineuses de
bénédictions et passe sous silence les exigences de courage,
d’obéissance et de sacrifice requises du chrétien.80

Déjà, l’apôtre Paul faisait une remarque en ce sens aux chrétiens


galates : « Ô vous, chers idiots de la Galatie, qui avez vu Jésus-Christ
le crucifié si clairement ! Qui vous a jeté un sort ? (…) Est-ce que Dieu,
qui vous donne son Esprit et opère des miracles parmi vous, fait ces
choses parce que vous avez obéi à la loi ou parce que vous avez cru à
l’Évangile ? Posez-vous cette question. » (Ga 3, 1. 5)

Les Galates étaient immédiatement retournés aux formules et


aux efforts pour obtenir « plus » de Dieu. Une grande partie de
l’Église aujourd’hui est, à un certain degré, sous l’envoûtement
galate. Celui-ci consiste à mettre l’accent sur son pouvoir
personnel (œuvres) pour accomplir le merveilleux. Or, une

Glen BERTEAU, Le christianisme light, (Traduit de l’anglais par Nathalie


80

SURRE), Les Éditions VIDA, France, 2015, pp.9-10.

151
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

croyance dans le surnaturel sans un fondement de la grâce


aboutit simplement à la superstition.

Les Galates avaient perdu leur compréhension


fondamentale de l’union avec Dieu. Ils avaient commencé
par une révélation de la croix de Christ, mais étaient
revenus à des formules et à des efforts humains pour
approfondir leur relation avec lui. (…) Les gens sentent
qu’ils doivent se tourner vers l’effort personnel pour
obtenir plus de Saint Esprit ou pour accomplir des
miracles plus grands et plus fantastiques.81

Or, une telle approche spirituelle présente un grand danger, celui


notamment d’« affirmer Dieu parce qu’il est utile, le nier parce
qu’il est inutile : deux formes opposées de la même
médiocrité ».82 Dans mon livre sur la prière, j’affirmais que Dieu
n’est pas un dépanneur, mais un Père qui veut bâtir avec toi une
relation d’amour. « On ne va pas vers Dieu seulement pour
trouver des solutions quand on a des problèmes, pour chercher
de l’aide, comme on ferait appel à un dépanneur. La prière est un

81 John CROWDER, L’union mystique, Les Publications Le buisson ardent,


Canada, 2014, p.124
82 François VARILLON, L’humilité de Dieu, Le Centurion, Paris, 1974, p.39

152
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

acte d’amour qui exige un contexte de fidélité et de constance,


comme toute relation d’amitié ou d’amour. »83

5.4. « Traditionalisme », légalisme et mimétisme

xaminons maintenant un autre élément, et non le


moindre, qui contribue souvent à éteindre le feu, en
soignant les apparences mais sans en faire autant pour le
cœur. Plusieurs chrétiens, après avoir fait l’expérience du
baptême de feu sont tombés dans l’accoutumance du langage de
l’Esprit, de sorte qu’on constate aujourd’hui que « la plupart sont
habitués mais peu sont habités par l’Esprit et le feu du
Renouveau ». Ils sont toujours en train d’apprendre sans
parvenir à la vérité (2Tm 3, 6). Même s’ils sont généralement
sincères, ils ne sont cependant pas dans la Vérité. À cause de
répétition de rites, ils sont devenus comme ce peuple de Dieu à
qui le prophète Isaïe (29, 13) adresse de vifs griefs de la part de
Dieu, des griefs qui seront accrédités par Jésus lui-même : « C’est
en vain qu’ils m’honorent en donnant des préceptes qui sont des
commandements d’hommes. Vous abandonnez le commandement de
Dieu, et vous observez la tradition des hommes. Il leur dit encore : Vous

83François KIBWENGE, Douze secrets pour prier comme un enfant du roi, Éd. Foi
Rayonnante, Ottawa, 2006, p.114

153
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

anéantissez fort bien le commandement de Dieu, pour garder votre


tradition… » (Mc 7, 7-9)

Comment sont en effet nées les traditions ? L’être humain passe


facilement d’une convenance à un mimétisme voire une
obligation qui, à la longue devient une tradition. Il peut même
partir d’une pratique biblique (présentation de l’enfant au
temple, cérémonie de mariage (porter une robe blanche, porter la
bague de sa grand-mère), célébration des morts, usage d’eau
bénite, de bougies, de l’encens (sacramentaux), etc. et en faire des
traditions, c’est-à-dire des pratiques qui prennent force
d’obligations légales sur la conscience.

Il est vrai que toutes les sociétés humaines s’élèvent au-dessus de


l’animalité en se conformant à des règles transmises de
génération en génération, se donnant comme autant de valeurs
absolues. Les traditions permettent de rythmer notre vie et, ce
faisant, de construire notre identité en nous donnant un
sentiment d’appartenance et de sécurité ; bref, de points de
repère. Ainsi en est-il des traditions familiales et/ou religieuses.
Nos valeurs nous sont transmises par elles.

Les sociétés archaïques tendent à sacraliser cet héritage, tandis


que les sociétés modernes prétendent au contraire le dépasser,
développant une grande diversité d’attitudes. La « tradition »,
c’est-à-dire le fait de s’imposer des habitudes ancestrales ou

154
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

religieuses pour en faire une loi, peut nuire à toute relation


spirituelle vraie. Jusqu’où faut-il donc se soumettre aux
traditions ? Il faut dès le départ distinguer la soumission externe,
appelée aussi le conformisme social, de la soumission interne,
c’est-à-dire la reconnaissance par le sujet libre de la valeur de
l’ensemble des règles sociales de pensée et d’action, hérité du
passé humain.

Dans le contexte de cette méditation destinée au Renouveau


charismatique, un problème se pose dès lors que la routine, les
habitudes, les gestes répétés commencent à devenir une menace
pour la survie. Car ceux qui sont enclins à observer la tradition
soignent les formes extérieures de la foi tout en reniant la
puissance qui est l’apanage du Saint-Esprit (2Tm 3, 5). Le
Renouveau charismatique est né d’un élan de spontanéité de la
foi et d’abandon à la puissance transformatrice de l’Esprit Saint.
Malheureusement, comme l’explique si bien le Père Apollinaire :
« L’histoire de l’Église nous révèle en effet que, selon les
époques, les chrétiens ont eu peu à peu tendance à transformer le
message de Jésus en une morale et en un ensemble de lois et de
cultes. C’est ce qui, en fait, va, plus ou moins, à l’encontre de la
volonté de Jésus. »84

84 NTAMABYLIRO, Le feu de l’Esprit-Saint au XXe siècle, p.82

155
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

Jésus a condamné les traditions des Pharisiens lorsqu’elles


reléguaient au second plan la Parole de Dieu. Par leurs règles et
leurs traditions, en effet, les Pharisiens rendaient l’application de
la Loi pesante pour le peuple. Rappelons que la Loi de Moïse
définissait dans les grandes lignes, et non dans le menu détail, la
manière dont Israël devait adorer Jéhovah. En voulant combler
un manque de détails, les Pharisiens ont ajouté d’autres lois, des
définitions et des traditions. C’est la raison pour laquelle Jésus
rejette ces règles arbitraires (Mt 15, 17-18 ; 23, 23) et distingue la
lettre de l’esprit de la Loi. L’apôtre Paul écrit : « Si vous êtes morts
avec Christ, pourquoi marcher selon les traditions humaines ? » (Col 2,
8 ; Col 2, 20). Jésus Christ nous a affranchis des prescriptions du
monde. En effet, ces pratiques imposées peuvent à la longue
éteindre le feu de l’Esprit. Au lieu de nous diriger vers Dieu, ces
traditions peuvent nous en éloigner et nous maintenir dans une
mentalité d’esclavage, alors que Dieu nous a libérés. C’est parce
qu’il était libre et libéré que Jésus a marché contre la loi du
sabbat. Pour Jésus, aucune tradition n’est au-dessus de l’être
humain. Les traditions sont plutôt au service de son salut : « Le
sabbat est fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat » (Mc 2,
27).

Faisons donc attention à toutes ces pratiques qui se glissent


furtivement dans nos groupes de prières et commencent à
prendre force de loi. Cette mise en garde concerne plusieurs de

156
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

nos pratiques actuelles, telles que : manger le poisson tous les


vendredis et pourquoi pas un autre jour ? Préconiser toujours le
jeûne jusqu’à 18 h, et pourquoi cette heure ? Certains groupes
parlent du jeûne de Daniel ou de la prière de Jéricho. Le
problème survient, bien entendu, lorsque ces références à la Bible
ou à toute autre circonstance historique deviennent une tradition
religieuse (rites et rituels). En nous imposant de telles traditions,
voulons-nous nous donner une bonne conscience et nous dire
religieux ou spirituels ? En réalité, Dieu n’a que faire de tout ça.

À l’époque de Jésus, par exemple, les Juifs devaient prier Dieu


dans leur temple à Jérusalem et les Samaritains, eux, allaient sur
la montagne. Lorsque la femme samaritaine demande à Jésus
lequel de deux endroits était le meilleur pour adorer Dieu, la
réponse de Jésus est surprenante : « L’heure vient et elle est déjà
venue où les vrais adorateurs adoreront Dieu en esprit et en vérité » (Jn
4, 23).

5.5. La circoncision du cœur (non-circoncis)

Dans l’union avec lui, vous avez été circoncis, non pas de la
circoncision faite par les hommes, mais de la circoncision qui vient du
Christ et qui nous délivre de notre être pécheur. (Col 2, 6-7.11)

157
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

elon le dictionnaire Hachette, la circoncision est une


« opération qui consiste à exciser, complétement ou
partiellement, la peau du prépuce ».85 C’est en quelque
sorte une pratique rituelle d’émondage du croyant et qui
symbolise la nouvelle naissance. Dans l’Ancienne Alliance, par
exemple, c’était une obligation pour les Israélites, les serviteurs
et les étrangers, de se faire circoncire s’ils voulaient prendre
dignement le repas de la pâque du Seigneur.

Selon l’évangile de Luc (2, 21-38), Jésus aussi fut circoncis,


conformément à la loi juive. Et huit jours après la circoncision, il
a porté le nom que Dieu le Père avait révélé à Joseph. Ainsi donc,
on peut établir un lien entre la circoncision et le nom (identité,
mission). Le nom que Dieu révélait rendait la personne
signifiante dans le monde. Qu’en est-il du nom de chrétien ?

Les hommes donnent et aiment se donner des titres, mais sans


être circoncis par Dieu. Les titres sont là pour impressionner,
alors que le nom de Jésus a été donné avant même sa naissance,
pour prophétiser sa mission. Pourtant, il ne l’a porté qu’après
avoir été circoncis, c’est-à-dire le jour de la circoncision. La Bible
nous révèle que dans les temps anciens un groupe d’hommes se
sont dit : « Allons ! Bâtissons-nous une ville et une tour dont le
sommet touche au ciel, et faisons-nous un nom… » (Gn 11, 4). Ils

85 Dictionnaire encyclopédique Hachette, 1995

158
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

ont fini dans la confusion totale. Le peuple de Babel voulait se


faire un nom (une renommée). Se faire un nom c’est vouloir
exister par soi-même, ce qui est motivé par l’orgueil, le désir de
se faire connaître par ses propres œuvres et l’envie d’exister
devant les hommes. Par contre, le nom de Jésus a été caché. Il l’a
reçu comme une approbation de Dieu à cause de son obéissance.

Dans l’évangile de Marc (10, 46-52), il est question de Bartimée,


un nom d’honneur qui devait lui apporter la bénédiction.
Pourtant, dans la réalité, il était aveugle et donc mendiant. Grâce
à sa rencontre avec Jésus, le Fils de David, il a été racheté, guéri
et restauré. La persévérance de ses cris lui a permis de
contempler la gloire de Dieu à travers sa guérison. Seul Dieu
peut donner la vraie grandeur, la vraie dignité et le vrai honneur
à qui il veut. C’est ce que Jésus a fait avec Bartimée. C’est aussi la
promesse que Dieu avait faite à Josué quand il lui a dit :
« Aujourd’hui je vais commencer à te rendre grand devant tout Israël,
pour qu’il sache que je suis avec toi comme j’ai été avec Moïse » (Jos 3,
7-8). La vraie grandeur est celle qui vient de Dieu lui-même. On
retrouve encore cette vérité dans l’élévation du nom de Jésus par
son Père :

Il possédait depuis toujours la condition divine, mais il n’a pas


voulu demeurer de force l’égal de Dieu. Au contraire, il a de lui-
même renoncé à tout ce qu’il avait et il a pris la condition de
serviteur. Il est devenu homme parmi les hommes, il a été

159
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

reconnu comme homme ; il a choisi de vivre dans l’humilité et


s’est montré obéissant jusqu’à la mort, la mort sur une croix.
C’est pourquoi Dieu l’a élevé à la plus haute place et lui a donné
le nom supérieur à tout autre nom. » (Ph2, 6-9)

Le problème est qu’aujourd’hui plusieurs personnes veulent


porter le nom de chrétien, en accédant au baptême d’eau, mais
peu d’entre eux veulent être circoncis. Si Jésus, fils de Dieu, est
passé par ce rite de nouvelle naissance, combien, à plus forte
raison, devrions-nous désirer la circoncision, non celle des
hommes mais celle qui vient de Dieu ? Par la circoncision
spirituelle, quelque chose de notre personnalité, de notre
caractère, de nos relations, bref de notre vieil homme doit
mourir. On est donc en droit de se demander : qu’est-ce qui est
mort dans la vie de la plupart des chrétiens ? Qu’est-ce qui a été
circoncis dans notre propre vie ? Pour entrer dans le Royaume de
Dieu, nous devons être taillés selon la forme que Dieu décide car
« nous sommes l’argile et il est potier. » Nous pouvons le
demander si nous avons la foi et si nous sommes prêts à nous
laisser tailler pour le service du Royaume. L’Évangile n’est pas
virtuel, il est vivant, c’est-à-dire qu’il se vit et qu’il donne la vie.
La dimension spirituelle est avant tout une manière de vivre et
non une attitude liée à un lieu ou à un moment. D’où la nécessité
de se laisser tailler par Dieu en toutes circonstances.

160
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

À l’opposé, note l’apôtre Paul, il y a beaucoup de faux circoncis.


Ce sont eux qui enseignent de fausses doctrines. Parlant des
pharisiens, Jésus a mis en garde ses disciples contre leur levain,
c’est-à-dire leur hypocrisie ou leur corruption (Lc 12, 1). Il
condamnait par là leur enseignement (Mt 16, 12), car les
enseignements et les attitudes des pharisiens avaient
incontestablement un effet corrupteur sur tous ceux qui leur
prêtaient oreille. Ils s’enorgueillissaient de leur prétendue justice
et méprisaient le peuple (Lc 18, 11-14) ; ils cherchaient à
impressionner leur entourage en souhaitant être en vue et en
aspirant à des titres flatteurs (Mt 23, 5-7). Il y a des gens qui
veulent être baptisés, mais qui sont restés avec leur levain de
corruption. Lors de la préparation de la pâque, Dieu demande à
Moïse que le peuple mange cette nuit-là du pain sans levain.
Pendant sept jours, le prêtre devait vérifier qu’il n’y avait pas de
levain dans le pain qu’on apportait au temple.

Les faux circoncis sont enfin ceux qui méprisent leur dignité
(héritage) de fils à cause de choses de ce monde. Ainsi en était-il
d’Ésaü qui avait méprisé son droit d’aînesse à cause d’un potage
(Gn 25, 30-34). Il l’a regretté pour toujours. Il en est de même du
peuple de Dieu qui, à cause des difficultés rencontrées dans le
désert, aurait préféré demeurer esclave en Égypte et profiter de
la nourriture que leur donnait Pharaon (Ex 16, 1-3). Il était prêt à
vendre sa liberté pour du pain. Donc, sans la circoncision du

161
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

cœur, sans cette nouvelle naissance, nous ne pouvons pas plaire


à Dieu. Nous abandonnerons notre foi pour tout et pour rien.

5.6. Des rassemblements sans joie

« Si tu donnes la joie par le bien que tu fais, tu trouveras la


joie par ce bien que tu fais... » (Michel Prophette et John
Littleton).

es gens qui viennent se joindre à nous pour la prière


charismatique sont motivés par plusieurs raisons.
Certains viennent rechercher le réconfort, d’autres la
guérison divine, d’autres encore un soutien, une paix, une
chaleur fraternelle, etc. Ils viennent les chercher dans nos
assemblées chrétiennes parce que le monde d’aujourd’hui ne
peut les donner. Pourquoi ? Parce que son grand risque, « avec
son offre de consommations multiples et écrasantes, est une
tristesse individualiste qui vient du cœur bien installé et avare,
de la recherche malade de plaisirs superficiels, de la conscience
isolée ».86 Cependant, personne ne peut donner ce qu’il n’a pas.
En ce qui concerne la joie, elle est la résultante d’un cœur
reconnaissant envers Dieu, un cœur qui bénit le Seigneur parce
qu’il n’oublie aucun de ses bienfaits (Ps 103, 2). De ce cœur

86 PAPE FRANÇOIS, La joie de l’Évangile, no.2

162
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

habité par l’Esprit de Dieu, des sources d’eau vive jaillissent en


louange, en exaltation, en action de grâce, etc., comme nous
l’apprend Marie : « De tout mon être je veux dire la grandeur du
Seigneur, mon cœur est plein de joie à cause de Dieu, mon Sauveur »
(Lc1, 46-47).

Or, une des conséquences directes de la présence des faux


circoncis dans les assemblées de prière est l’absence de joie.
Alors que le psalmiste déclare qu’« il est bon d’être ensemble
comme des frères », la communion fraternelle est
malheureusement rendue difficile dans nos assemblées de prière
à cause de la présence des faux circoncis. Les gens — surtout les
nouveaux venus —ne sont pas attirés parce qu’ils n’y trouvent
pas la joie.

On a affaire aujourd’hui à des chrétiens congelés. Et comme l’a


dit le pape François dans une de ses homélies, « les chrétiens qui
n’ont pas envie d’aller de l’avant vivent dans le frigo »87. Et
pourtant, tout chrétien qui a fait l’expérience du feu de l’Esprit
Saint doit être fascinant. Jésus était désirable et désiré parce que,
d’abord, il était fascinant. De plus en plus, les gens ne veulent
pas intégrer nos groupes de prière parce que ces groupes ne sont
pas fascinants. Il n’y a pas de joie et par conséquent il n’y a pas

Homélie du 17 janvier 2017 prononcée dans la chapelle de la Maison Sainte-


87

Marthe au Vatican.

163
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

de louange. Jésus a dit à ses apôtres : « Je vous ai dit toutes ces


choses afin que ma joie habite en vous et que vous soyez comblés de
joie » (Jn 15, 11). Un fils ou une fille de Dieu rayonnera de joie en
toutes circonstances. C’est une marque de la rencontre avec Jésus
le Ressuscité, comme l’explique le pape François : « La joie de
l’Évangile remplit le cœur et toute la vie de ceux qui rencontrent
Jésus. Ceux qui se laissent sauver par lui sont libérés du péché,
de la tristesse, du vide intérieur, de l’isolement. Avec Jésus
Christ la joie naît et renaît toujours. »88

Le Saint Esprit souffre de notre tiédeur, de notre froideur et de


notre indifférence face à tout ce qu’il veut susciter en nous. Il
n’est pas normal qu’un familier de Jésus ne manifeste pas la joie
de l’intimité avec son maître. L’appel à la repentance que l’Esprit
adresse aux sept églises peut trouver ici toute son actualité : « Je
connais ton activité ; je sais que tu n’es ni froid ni bouillant. Si
seulement tu étais l’un ou l’autre ! Mais tu n’es ni bouillant ni froid, tu
es tiède, de sorte que je vais te vomir de ma bouche ! Tu dis : “Je suis
riche et j’ai fait de bonnes affaires, je ne manque de rien.” En fait, tu ne
sais pas combien tu es malheureux et misérable ! Tu es pauvre, nu et
aveugle. » (Ap 3, 15-17)

88 PAPE FRANÇOIS, La joie de l’Évangile, no 1.

164
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

5.7. Le racisme et l’ethnocentrisme

Votre union avec le Christ vous donne-t-elle du courage ? Son amour


vous apporte-t-il du réconfort ? Le Saint Esprit a-t-il établi la
communion entre vous ? Avez-vous de l’affection et de la bonté les
uns pour les autres ? Alors, rendez-moi parfaitement heureux en vous
mettant d’accord, en ayant un même amour, en étant unis de cœur et
d’intention. Ne faites rien par esprit de rivalité ou par désir inutile de
briller, mais, avec humilité, considérez les autres comme supérieurs à
vous-mêmes. Que personne ne recherche son propre intérêt, mais que
chacun de vous pense à celui des autres. Comportez-vous entre vous
comme on le fait quand on connaît Jésus-Christ. (Ph 2, 1-5)

epuis un certain temps, à cause de la peur qu’a


engendrée le terrorisme et les conséquences des guerres
créées par les grandes puissances elles-mêmes (tel le
mouvement migratoire du sud vers le nord qu’on observe à
l’échelle planétaire), le discours politique de certains leaders
privilégie l’exclusion, l’épuration ou la fermeture des frontières.
Doit-il aussi en être ainsi dans la maison de Dieu et dans le Corps
du Christ qu’est l’Église ?

Contrairement à la tour de Babel (Gn 11), où Dieu a suscité au


sein du groupe un langage différent pour y semer la confusion,
lors de l’expérience de la Pentecôte, le livre des Actes rapporte

165
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

que des gens de différentes cultures étaient rassemblés autour


des apôtres et pouvaient les comprendre dans leurs propres
langues. Lisons le récit :

Quand le jour de la Pentecôte arriva, les croyants étaient réunis


tous ensemble au même endroit. (…) À Jérusalem vivaient des
Juifs pieux, venus de tous les pays du monde. Quand ce bruit se
fit entendre, ils s’assemblèrent en foule. Ils étaient tous
profondément surpris, car chacun d’eux entendait les croyants
parler dans sa propre langue. Ils étaient remplis d’étonnement et
d’admiration, et disaient : « Ces gens qui parlent, ne sont-ils pas
tous Galiléens ? Comment se fait-il alors que chacun de nous les
entende parler dans sa langue maternelle ? Parmi nous, il y en a
qui viennent du pays des Parthes, de Médie et d’Élam. Il y a des
habitants de Mésopotamie, de Judée et de Cappadoce, du Pont et
de la province d’Asie, de Phrygie et de Pamphylie, d’Égypte et
de la région de Cyrène, en Libye ; il y en a qui sont venus de
Rome, de Crète et d’Arabie ; certains sont nés Juifs, et d’autres
se sont convertis à la religion juive. Et pourtant nous les
entendons parler dans nos diverses langues des grandes œuvres
de Dieu ! (Ac 2, 1-11)

En d’autres termes, l’Église qui est née de la Pentecôte est une


Église multiculturelle. Lorsque les apôtres ont voulu la
restreindre aux seuls Juifs en choisissant de demeurer à
Jérusalem, la persécution est arrivée et les a dispersés. C’est alors

166
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

qu’ils ont apporté la Bonne Nouvelle partout, de Jérusalem


jusqu’aux extrémités de la terre, comme le leur avait ordonné
leur Maître. Une Église qui se replie sur soi se met en
contradiction avec l’esprit même de la Pentecôte. Là où les
chrétiens ont fait l’expérience de la Pentecôte, « il n’importe donc
plus que l’on soit juif ou non juif, esclave ou libre, homme ou femme,
circoncis ou incirconcis » ; ce qui importe est que tous soient un dans la
communion avec Jésus-Christ » (Ga 3, 28 ; Col 3, 11).

Comme c’est malheureux de constater aujourd’hui qu’une


certaine tendance raciste ou préférentielle s’instaure avec aisance
dans les groupes de prière comme c’est le cas parfois dans
certaines églises. Le critère du rassemblement de plusieurs est
devenu la couleur ou la langue. Dans un groupe à majorité
blanche, dès que le nombre de noirs commence à augmenter, les
anciens y voient une menace au lieu de rendre grâce à Dieu. De
sorte que chaque groupe se referme sur lui-même, s’identifiant
avant tout à ses origines : groupes latino, haïtien, africain,
congolais, ivoirien, rwandais, burundais, etc.

Je veux être clair ici : le problème n’est pas de déterminer le


critère d’identité de son groupe de prière, mais le problème se
pose lorsque ces différents groupes s’isolent et referment sur
eux-mêmes. Je suis souvent peiné de voir le manque d’intérêt
qu’affichent ces petits groupes vis-à-vis des activités

167
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

charismatiques à l’échelle diocésaine89, régionale ou nationale.


Chaque groupe veut organiser ses activités à l’interne, mais
personne ne veut participer aux activités des autres. Sans le
savoir, nous en sommes arrivés à « Dieu pour tous, chacun pour
soi ». S’il est vrai qu’il est plus facile de comprendre la Parole et
de la transmettre dans sa langue, il ne demeure pas moins vrai
qu’il est nécessaire pour tous ces groupes de trouver et de
favoriser des moments de célébrations communes pour refléter
l’esprit de la Pentecôte. Sinon, tout en se désignant charismatiques,
c’est-à-dire issus de l’expérience de la Pentecôte, ils risquent de
vivre en contradiction de fait avec cet esprit. S’accommoder à
vivre ensemble l’expérience charismatique de la prière nous
prépare à bien vivre la joie du ciel dans la diversité des élus :

Après cela, je regardai encore et je vis une foule immense de


gens que personne ne pouvait compter. C’étaient des gens de
toute nation, de toute tribu, de tout peuple et de toute
langue. Ils se tenaient devant le trône et devant l’Agneau, vêtus
de robes blanches et avec des palmes à la main. Ils criaient avec
force : « Le salut vient de notre Dieu, qui siège sur le trône, et de
l’Agneau ! »

89Je pense ici aux différents Congrès organisés par différents diocèses, au
Festival de la Parole organisé par les diocèses d’Ottawa et de Gatineau, aux
fins de semaine de Foi et Télévision Chrétienne, etc., où on a de la peine à
remplir la salle paroissiale ou l’église.

168
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

Cette tendance se remarque aussi au niveau de l’accueil des


messagers de la Parole. Dans certains groupes, le critère de la
peau prime sur celui de la Parole en tant que telle. Le problème
n’est pas dans le fait de chercher un bon prédicateur, mais
d’exiger telle couleur et donc telle race. La Parole de Dieu n’a pas
de couleur ni de culture. C’est pour cela qu’à l’époque des
premières communautés chrétiennes, les chrétiens étaient
considérés comme une troisième race (triton) à côté des Juifs et
des Grecs. Leur identification n’avait pour référence que Jésus.
Déjà à l’époque de Paul, lorsque les chrétiens de Corinthe
nouvellement convertis voulaient s’approprier certains hommes
comme référence, il leur a vigoureusement adressé cet
avertissement :

En réalité, frères, je n’ai pas pu vous parler comme à des gens


qui ont l’Esprit de Dieu : j’ai dû vous parler comme à des gens
de ce monde, comme à des enfants dans la foi chrétienne. C’est
du lait que je vous ai donné, non de la nourriture solide, car
vous ne l’auriez pas supportée. Et même à présent vous ne le
pourriez pas, parce que vous vivez encore comme des gens de ce
monde. Du moment qu’il y a de la jalousie et des rivalités entre
vous, ne montrez-vous pas que vous êtes des gens de ce monde
et que vous vous conduisez d’une façon tout humaine ? Quand
l’un de vous déclare : « J’appartiens à Paul » et un autre :
« J’appartiens à Apollos », n’agissez-vous pas comme n’importe
quel être humain ? Au fond, qui est Apollos ? Et qui est Paul ?

169
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

Nous sommes simplement des serviteurs de Dieu, par lesquels


vous avez été amenés à croire. Chacun de nous accomplit le
devoir que le Seigneur lui a confié : j’ai mis la plante en terre,
Apollos l’a arrosée, mais c’est Dieu qui l’a fait croître. (1Co 3,
1-6)

Revenons donc à l’esprit de l’Évangile, celui de la Pentecôte, afin


de briser toutes frontières culturelles, raciales, linguistiques qui
se sont établies comme des forteresses dans nos groupes de
prière. Faisons l’expérience de l’amour de Jésus, un amour vrai,
sans préjugé. Voici comment l’apôtre Paul décrit un tel amour :
« L’amour est patient et bon. L’amour n’est pas jaloux, il ne se vante
pas, ne se gonfle pas d’orgueil, n’agit pas de façon inconvenante, ne
cherche pas ses propres intérêts, ne s’irrite pas. Il ne tient pas compte
du mal subi. Il ne se réjouit pas de l’injustice, mais se réjouit avec la
vérité. » (1Co 13, 4-6) Osons permettre à l’Esprit Saint de nous
conduire vers la Vérité qui affranchit, alors nous serons des
témoins crédibles, des disciples de feu.

170
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

CONCLUSION

« (…) N’aie pas peur, mais continue à parler, ne te tais pas, car je suis
avec toi. Personne ne pourra te maltraiter, parce que nombreux sont
ceux qui m’appartiennent dans cette ville. » (Actes 18, 9-10)

J’aimerais emprunter les mots de Fernand Dumont, tirés de son


livre Une foi partagée, pour conclure :

Comme mes contemporains, j’aurai vu s’effondrer une


Église triomphante. (…) Au milieu des décombres, j’ai
tâché de ne pas me laisser submerger par le scepticisme au
point d’en faire une sagesse. J’ai voulu savoir si, parmi les
ruines, il ne fallait pas procéder à un réexamen qui
exclurait aussi bien les anciennes servitudes que le
cynisme affiché en certains quartiers. Chrétien, j’ai tâché,
autant qu’il m’était possible, de ne dissimuler ni les
convictions ni les incertitudes que je mets en cette
appartenance. Si la foi est vivante, elle ne se refuse pas au
questionnement. On ne croit pas en Dieu, surtout à notre
époque, comme on adhère du bout des lèvres à une
opinion.90

Lorsque les apôtres furent arrêtés et accusés devant les membres


du Conseil, Gamaliel, un maître très respecté de la Loi leur fit cet

90 Éditions Bellarmin, Belgique, 1996, p. 11

171
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

avertissement judicieux : « ne vous occupez plus de ceux-ci et laissez-


les aller. Car si leurs intentions et leur activité viennent des hommes,
elles disparaîtront. Mais si elles viennent vraiment de Dieu, vous ne
pourrez pas les détruire. Ne prenez pas le risque de combattre Dieu ! »
(Ac 5, 38-39) Il est facile de faire des débuts impressionnants
mais il n’est pas évident de résister par soi-même à l’épreuve du
temps, sauf si cela vient de Dieu. Car ce que Dieu donne est
solide, y compris dans le temps. Un demi-siècle de présence
bienfaisante dans l’Église n’est pas un feu de paille. Il y a toutes
les raisons de rendre grâce au Maître de la moisson. C’était le but
que je m’étais assigné en écrivant ce livre. Cependant, comme l’a
fait remarquer Emidio-Marie Ubaldi,

L’heure actuelle est en effet grave et capitale : ou bien


nous acceptons de nous laisser réveiller de notre torpeur
habituelle pour placer tout le cheminement pastoral (dans
la perspective) de la sainteté, ou bien nous risquons des
heures de terribles ténèbres, d’un règne de confusion déjà
largement présent. Ou bien nous collaborons avec le
Christ vainqueur des ténèbres et de la mort, ou bien
l’Adversaire, Satan, entraînera dans sa chute une
humanité sans repères, sans force, tétanisée par toutes
sortes de peur.91

91 UBALDI, Apôtres de feu, p.10

172
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

Plus que jamais, nous avons besoin d’un christianisme de feu qui
engendre des disciples de feu. Malheur à ceux qui se contentent
de demeurer dans l’indifférence. L’indifférence, comme le
silence, dans les situations actuelles est aussi coupable que des
crimes. Seuls ceux qui se dressent comme une armée de l’Éternel,
seuls les amis de Dieu — restaurés par le sang de Jésus et
régénérés par le feu de l’Esprit — peuvent coopérer à
l’instauration du Royaume que Jésus est venu inaugurer.

Si le RCC a été une réponse à une Église tiède et, a donc été une
« chance »92 pour elle, le contexte actuel de crise multiforme
invite à l’émergence d’une génération de chrétiens régénérés par
le feu de l’Esprit, c’est-à-dire une génération de fils de Dieu dont
le monde attend avec impatience la révélation (Rm 8, 19). Ce
type de chrétien appelé à se révéler ne peut plus se limiter « à
mener une vie honnête agrémentée de quelques rites rassurants
avec quelques bonnes œuvres pour le Bon Dieu. Il ne se résout
pas non plus à se donner à l’Esprit pour se laisser transformer
partiellement et arriver ainsi à ne faire que des œuvres pour Dieu
selon son projet. »93 Bien au contraire, il doit toujours se tenir
entre l’autel (prêtre) et le trône (roi) pour intercéder en faveur du
monde. En même temps, il doit s’élever comme un prophète
pour souffler l’esprit de vie sur les ossements desséchés (Ez 37).

92 L’expression est du Pape PAUL VI, en 1975


93 UBALDI, Apôtres de feu, p.321

173
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

Que peut-on qualifier d’ossements desséchés aujourd’hui ? C’est


aussi bien le monde que l’Église en crise ; ce sont aussi les
assemblées de prière en perte de feu ; ce sont enfin tous ces
chrétiens qui étaient autrefois tout feu, tout flamme, mais qui ont
perdu leur ardeur, leur ferveur, leur joie de croire et qui ont fini
par abandonner leurs assemblées de prière. Lorsque l’esprit du
prophète, c’est-à-dire l’Esprit de Dieu lui-même, entrera en eux,
ils reprendront vie.

Dans la première partie de ce livre, j’ai évoqué quelques


personnages qui se sont avérés être des canaux de bénédiction et
de vie pour leur temps, en des moments de crise. C’était le cas de
Daniel à Babylone ; de Samuel à l’époque du prêtre Héli ; d’Élie à
l’époque du roi Achab. Leur témoignage prophétique a été mis
par écrit pour servir d’exemple à notre génération.

Si Jésus nous a donné le pouvoir d’écraser la vipère et le scorpion


(Lc 10, 19), c’est parce qu’ils ont la capacité d’empoisonner la vie
des enfants de Dieu. Or, la vipère comme le scorpion aiment se
réfugier dans les endroits humides et froids. La présence des
chrétiens « congelés » et sans vie qu’on retrouve aujourd’hui
dans nos communautés chrétiennes et charismatiques, est
produite par des églises froides (des frigos selon l’expression du
pape François). Sans le feu nouveau qui vient d’en haut, ces
chrétiens-là risquent la mort causée par le venin de la peur, du
découragement, de la critique, de la division, de la solitude, etc.

174
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

D’où la nécessité d’engendrer des chrétiens de feu, ceux qui


connaissent l’antidote contre le venin de la mort. Ils savent
comment élever le serpent d’airain du temps nouveau — Jésus
Christ — dans leur assemblée de prière pour qu’il soit reconnu et
accueilli comme celui qui est venu donner la vie en abondance
(Jn 10, 10). C’est lui leur modèle de vie et de foi. Leur plus grand
désir est de lui ressembler.

La deuxième partie de ce livre visait à montrer que la mission du


RCC doit continuer jusqu’à ce que les membres atteignent la
stature du Christ (Ep 4, 13) et soient totalement revêtus de la
puissance du Saint Esprit. Ce faisant, ils sauront passer ce feu à la
nouvelle génération par une évangélisation d’engendrement,
dont la caractéristique est la maturation du Christ en chacun (Ga
4, 19). Seule une telle évangélisation permet le passage de l’état
de bébés spirituels à celui de chrétiens adultes, qui sont des
chrétiens de feu. N’est-ce pas là le but de toute vie chrétienne ?
Rappelons-nous « qu’un homme est chrétien dans la mesure où il
ressemble au Christ. Et le parfait chrétien, pourrait-on dire, c’est
un homme dans lequel le Christ s’est incarné de nouveau. »94 Il
ne s’agit pas de notre naissance à la vie chrétienne par le
baptême, mais du renforcement du Christ en chacun de nous,
c’est-à-dire, pour emprunter encore les termes de De Montigny :

94 De MONTIGNY, Source de vie. Méditations sur l’Esprit Saint, p.80

175
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

Il faut qu’il croisse en nous. Il faut que, graduellement, par


l’action du Saint Esprit, Jésus soit formé en nous. Peu à peu,
l’Esprit Saint va nous apprendre à penser comme Jésus, à
juger comme Jésus, à aimer comme Jésus. Il va nous
amener à vouloir tout ce que Jésus veut, à rejeter tout ce
que Jésus réprouve. Parvenu au terme de cette croissance,
l’homme transfiguré pourrait s’écrier comme saint Paul :
Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi. (Ga 2,
20)95

Dans l’évangile de Jean, Jésus dit à ses apôtres : « C’est moi qui
vous ai choisis et établis, afin que vous partiez et que vous portiez
beaucoup de fruit, et que votre fruit demeure » (Jn 15, 16). À l’opposé
des fruits qui tombent sans avoir atteint leur maturation. Quels
sont les fruits qui demeurent sur l’arbre ? Ce sont ceux qui ont
subi et résisté au vent (qui fortifie et affermit), au soleil (qui fait
mûrir), à la pluie et à la poussière (qui nettoye et protège contre
les parasites). Ils ont subi un processus d’endurcissement et de
maturation. Ces fruits-là tomberont quand ils seront à terme,
pour remercier la terre qui les avait nourris.

Après cinquante ans de présence marquante dans l’Église, « si


l’effusion de l’Esprit Saint est une grâce qui doit durer, elle doit
s’accompagner d’un engagement à des pratiques qui

95 De MONTIGNY, Source de vie. Méditations sur l’Esprit Saint, p.81

176
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

construisent une vie spirituelle forte. Tout comme dans l’Église


primitive, il s’agit des enseignements, de la vie fraternelle, des
sacrements et de la prière. La formation doit aider les personnes
à prendre l’habitude de prier quotidiennement et de lire
l’Écriture dans une démarche de lectio divina. »96 Cette formation
doit aussi les aider à approfondir leur croissance spirituelle en
renonçant à leur conduite passée, en se débarrassant de leur
vieille nature et en se laissant complètement renouveler dans
leur cœur et leur esprit (Ep 4, 22-24), en vue de devenir
semblables au Christ dont la vie était remplie de puissance et de
l’onction du Saint Esprit. Étant donné que cela est un processus
de tous les jours, l’apôtre Pierre suggère une démarche sous
forme d’escaliers et qu’il faut monter une marche à la fois. Dans
sa deuxième lettre, il écrit :

Par sa divine puissance, le Seigneur nous a donné tout ce qui


nous est nécessaire pour vivre dans l’attachement à Dieu ; il
nous a fait connaître celui qui nous a appelés à participer à sa
propre gloire et à son œuvre merveilleuse. C’est ainsi qu’il nous
a accordé les biens si précieux et si importants qu’il avait
promis, afin qu’en les recevant vous puissiez échapper aux
désirs destructeurs qui règnent dans le monde et participer à la
nature divine. Pour cette raison même, faites tous vos efforts

COMMISSION DOCTRINALE DE L’ICCRS, L’effusion de l’Esprit Saint, Les


96

Éditions des Béatitudes, Canada, 2012, p.103

177
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

pour ajouter à votre foi la bonne conduite et à la bonne


conduite la vraie connaissance de Dieu ; à la connaissance
ajoutez la maîtrise de soi, à la maîtrise de soi la persévérance et
à la persévérance l’attachement à Dieu ; enfin, à
l’attachement à Dieu ajoutez l’affection fraternelle et à
l’affection fraternelle l’amour. Si vous avez ces qualités et si
vous les développez, elles vous rendront actifs et vous feront
progresser dans la connaissance de notre Seigneur Jésus-Christ.
(1P 1, 3-8)

Puisse le Saint Esprit vous convaincre et vous renouveler, avec


toute sa force, sa puissance, sa sagesse, tous ses dons, afin de
vous sanctifier, soutenir, édifier et de vous habiliter à devenir des
témoins puissants de Jésus Christ et des chrétiens de feu dans
notre monde en crise! Puisse-t-il vous rendre utiles, efficaces et
revêtus de puissance par une consécration et une détermination
centrées sur le royaume de Dieu et sur la personne de Jésus
Christ !

178
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

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182
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

PRÉFACE

INTRODUCTION

PREMIÈRE PARTIE :
Une nouvelle situation pour un nouveau mode de
présence

1. Au-delà de l’action de grâce

2. Le RCC face à une société en crise

2.1 Comprendre le temps de crise

2.2 Témoigner dans la fidélité

2.3 Dieu recherche de vrais adorateurs

2.4 Le « petit reste » au fil des temps

3. Le feu nouveau versus le feu sauvage

3.1 Le feu sauvage

3.2 Le feu de l’autel ne s’éteindra pas

183
Des chrétiens de feu à la stature du Christ

3.3 Rallumer le feu par le partage de la Parole

3.4 Agir en ferment d’Évangile

4. Contrer la race des vipères dans nos églises

4.1 Pourquoi le feu nouveau ?

4.2 Qu’est-ce que la race de vipères ?

4.3 L’autorité d’écraser la vipère et le scorpion

5. Trois types de feu dans le cheminement de Pierre

5.1 Le feu de la trahison (Lc 22, 54-62)

5.2 Le feu de la consécration (Ac 2, 1-4).

5.3 Le feu de la réconciliation (Jn 21, 1-19).

6. Si le Seigneur ne bâtit la maison

6.1 Nostalgie d’une époque révolue

6.2 Un appel à la purification et à l’abandon

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Des chrétiens de feu à la stature du Christ

DEUXIÈME PARTIE :
Que le Christ soit bien formé en chacun (Ga 4, 19)

1. Fortifier l’homme intérieur

1.1 Entrer dans la dimension de l’Esprit

1.2 Être fortifié par la puissance de l’Esprit

1.3 Se fortifier par association

1.4 Se fortifier pour la guerre

2. Pour une évangélisation d’engendrement

2.1. Les Messagers 77

2.2. Témoins et missionnaires

2.3. Les ouvriers de la dernière heure

3. Le relais du flambeau

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Des chrétiens de feu à la stature du Christ

4. Les destinataires de la mission continue

4.1 Le cas du ministère de Philippe (Ac 8, 1- 40)

4.2 La brebis, la drachme, et l’enfant

5. Les sept fléaux du RCC aujourd’hui

5.1 L’incohérence de la vie chrétienne

5.2 Une vie chrétienne rétrograde

5.3 L’engouement pour le merveilleux

5.4 « Traditionalisme », légalisme et mimétisme

5.5 La circoncision du cœur (non-circoncis)

5.6 Des rassemblements sans joie

5.7 Le racisme et l’ethnocentrisme

CONCLUSION

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Des chrétiens de feu à la stature du Christ

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