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Presses

universitaires
de
Rennes
Minorités et régulations sociales en Méditerranée
médiévale | John Tolan, Stéphane Boissellier, François Clément

Les homosexuels
dans l’Occident
musulman

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médiéval : peut-on
parler de
minorité ?
François Clément
p. 51-72

Texte intégral
1 La question de l’homosexualité, de ses pratiques et de sa
réalité sociale dans l’Islam médiéval demeure un sujet en
friche qui attend l’équivalent des travaux de John Boswell,
de Didier Godard ou de Richard E. Zeikowitz sur
l’homosexualité masculine dans la Chrétienté du Moyen
Âge1. À ma connaissance, on ne peut citer d’ouvrage
traitant la question que le recueil d’articles réunis par J. W.
Wright Jr. et Everett K. Rowson en 1997, Homoeroticism in
classical Arabic literature2. Encore s’agit-il, comme le titre
l’indique, d’une série d’études consacrées aux figures de
l’érotisme homosexuel dans la poésie et la littérature de
fiction arabes. Car la recherche semble surtout intéressée
par ce que Malek Chebel appelle l’« homosensualité3 », de
sorte que les travaux, quand ils ne se limitent pas à un
florilège de citations raboutées, ne quittent guère le champ
de l’histoire littéraire ou celui de l’anthropologie culturelle4.
Ainsi, l’essai d’Ibrahim Mahmoud, Le plaisir défendu. La
perversion sexuelle dans l’histoire des Arabes (en arabe)5,
reste-t-il prisonnier d’une approche textuelle qui, à partir
d’éléments tirés des sources littéraires, vise moins à écrire
l’histoire de l’homosexualité qu’à rassembler les preuves
induisant l’existence, au sein des sociétés arabes et
musulmanes, de pratiques sexuelles que la norme
considère comme abjectes : sodomie, saphisme, pédérastie,

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zoophilie. Quant à Islamic Homosexualities6, ouvrage
collectif publié par Stephen O. Murray et Will Roscoe, il
s’inscrit dans la mouvance des gender studies et n’aborde
que marginalement l’Islam arabe médiéval à travers deux
rapides études, l’une de Louis Crompton sur la position de
l’islam andalou vis-à-vis de l’amour masculin7, l’autre de
Murray lui-même sur l’Égypte mamelouke8 (aucun des
deux auteurs n’étant spécialiste de l’islam ou arabisant).
2 L’approche socio-historique des pratiques homosexuelles
demeure donc singulièrement absente de l’ensemble des
travaux consacrés de près ou de loin au sujet, y compris
ceux qui abordent la dimension politique de la « passion
gémellaire », pour reprendre l’expression de Jocelyne
Dakhlia9. On chercherait d’ailleurs en vain des indications
historiographiques dans l’Encyclopédie de l’islam qui, sous
une entrée Liwāṭ (sodomie et homosexualité) dont le
contenu, non signé, occupe un peu plus de trois pages10, se
limite à l’aspect juridico-littéraire de la question.
3 Ajoutons, pour être complet, que des références à
l’homosexualité figurent dans deux travaux classiques
consacrés au sexe dans Islam, celui de Georges-Henri
Bousquet, L’éthique sexuelle de l’Islam11, et celui
d’Abdelwahab Bouhdiba, La sexualité en islam12. Toujours
utiles, ces ouvrages répondent eux aussi à des
préoccupations qui ne sont que tangentiellement celles de
l’historien : Bousquet analyse en juriste et Bouhdiba pense
en anthropologue. Néanmoins, leur lecture permet de
contextualiser la question de l’homosexualité dans un
discours plus général qui est celui du rapport de l’individu à
la norme et au corps, c’est-à-dire à l’éros, avec ce que cela
implique de transaction entre le charnel et le spirituel, le
sexuel et le sacral ou, pour reprendre la dichotomie de
l’islam, al-dunyā, ou monde matériel (ici-bas), et al-āḫira,
ou monde ultime (au-delà). Bouhdiba parle, à ce propos,
d’un « ajustement permanent de la jouissance et de la
foi13 ».

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4 Lorsque l’on entreprend de constituer un corpus fiable et
exploitable sur la réalité de l’homosexualité dans le monde
arabo-musulman médiéval, on se heurte à une double
difficulté : celle de la sincérité des sources et celle des mots
pour le dire – non que les Arabes eussent été prudes dans
l’expression, mais parce qu’il y a mille façons de dire ou de
ne pas dire la chose.
5 Sur le premier point, disons tout de suite que l’abondance
des références à l’homosexualité masculine (ou, plus
exactement, à la pédérastie) qu’on relève dans la
production littéraire des élites cultivées ne doit pas faire
illusion. Depuis que le thème des amours garçonnières a
été popularisé par les poètes orientaux, au premier rang
desquels il faut citer Abū Nuwās (m. 815), déclarer son
amour à un beau jeune homme est devenu un poncif.
L’image de l’échanson imberbe dont le regard de gazelle ou
la taille souple affolent la sensualité du poète fait partie des
accessoires du métier au même titre que celle de l’esclave
chanteuse (si possible d’apparence garçonne)14. De là à en
déduire l’homosexualité ou la bisexualité du poète, il y a un
pas qu’on ne saurait franchir sans hésitation. Rien de plus
banal, sur le fond, que ces vers d’Ibn al-Sīd de Badajoz (XIe
siècle) :
« Combien de nuits dont tu as déchiré le voile
avec un vin ardent qui flamboie comme un astre !
Il sert, paupière noire, un vin comme tiré
depuis sa joue et, salive, à sa bouche fraîche.
Deux lunes : l’une dont tu ne crains le coucher
sert l’autre lune qui s’incline en se couchant ;
À petits traits savourant celle qui se couche,
savoure un trait de celle qui n’est pas couchée15. »

6 De la même façon, l’invective utilise volontiers l’injure


homophobe. La poétesse Wallāda (XIe siècle) y a recours
lorsqu’elle règle ses comptes avec son ancien amant :
« Ibn Zaydūn, bien qu’honnête garçon,
aime les queues des pantalons ;

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S’il voit dans l’arbre une verge, là-haut,
il fond comme un vol de gerfauts16. »

7 Ou encore :
« Je l’appelle Hexagone, un adjectif
qui lui collera, mort ou vif :
Pédéraste, putain, fornicateur,
maquereau, cornard et voleur17. »

8 Il est donc difficile de se baser sur de telles assertions qui


relèvent du poncif ou de la jactance pour en conclure à
l’homosexualité d’Ibn al-Sīd ou d’Ibn Zaydūn et, à plus
forte raison, à une généralisation de l’homosexualité dans
les milieux littéraires de l’époque. Il faut d’autres indices.
9 On les découvrira grâce à des notations quelque peu
techniques dont la crudité, comme chez Abū Nuwās ou
Verlaine, laisse entrevoir, notamment à travers des détails
d’ordre scatologique, une possible authenticité. Je me
contenterai de citer, à cet égard, la chute d’une pièce de
huit vers composée par c Ubayd Allāh b. Ǧacfar de Séville
(XIIe siècle ?). Le poète raconte comment il a enivré son
jeune serviteur afin de profiter de lui. Mais il a eu du mal à
s’y prendre. Il en tire la leçon :
« Après cela, n’allez pas railler la salive,
car la salive est la clef de la sodomie18. »
10 La salive en question n’est plus celle qu’on goûte
fictivement sur les lèvres de l’amant de poème, comme tout
à l’heure, mais l’humeur nécessaire à l’acte sexuel. C’est
aussi celle du poète, dont le corps se montre dans le poème,
ce qui est rare (d’ordinaire, le poète n’est présent que par
ses sensations, ses émotions). De même, le long cou de
chamelle que la providence enfile dans le chas d’une
aiguille (détournement grivois de la parole évangélique)19
renvoie, quatre vers plus haut, à une partie de sa personne
facilement identifiable. L’image, ici, n’est pas
métaphorique, mais simplement analogique. Ceci plaide en
faveur de la réalité des pratiques sexuelles d’Ibn Ǧacfar.

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11 Cependant, et même dans ce cas, il convient de rester
prudent. Abū Muḥammad cAbd al-Mawlā de Loja (XIIIe
siècle), qui traîne une réputation de libertin (māǧin),
sacrifie aux exigences du genre (vin, salive, joue de la
« gazelle », etc.) dans un septain qui se termine en
proclamation :
« Il n’est que ce que nous voyons.
Moi, je sais le chemin20. »

12 Or, comme on lui reproche son blasphème, il s’empresse


d’ajouter :
« Ce ne sont que des mots, pas des actes. Dieu (qu’Il soit
exalté !) a dit : “Ne vois-tu point qu’en chaque vallée ils
divaguent et disent ce qu’ils ne font point”21. »

13 On aura remarqué comment l’habile provocateur retourne


l’argument scripturaire, englobant dans sa dénégation aussi
bien le propos choquant que ses infractions supposées à la
loi. Alors, où est la vérité ? Grande gueule ou véritable
libertin ? Homosexuel ou pas ?
14 Il faut donc fournir d’autres arguments, c’est-à-dire une
mention explicite d’homosexualité. Ibn c Ammār (XIe
siècle) a collectionné les amants, du moins en poésie, à
commencer par son souverain, le roi-poète al-Muctamid de
Séville. Toutefois, le témoignage d’un contemporain
accrédite son homosexualité :
« Le fait qu’Ibn cAmmār s’entourait de nombreux jeunes
gens à la barbe naissante (mucaḏḏarīn) et qu’il les traitait
bien te montre, pour reprendre ce qu’on dit de lui, qu’il
raffolait de la coupe et de se coucher sans dormir22. »

15 On ne peut donc nier que la pédérastie littéraire recouvre


une part de réalité, que j’appellerai pédérastie mondaine,
circonscrite à un milieu très particulier, celui d’une frange
intellectuelle des élites sociales23. De là à parler de
minorité, il est difficile de franchir le pas. En effet, de tels
comportements correspondaient moins, je crois, à une
préférence sexuelle exclusive qu’à une pratique sociale, à

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l’instar de la consommation du vin (les deux sont d’ailleurs
liés). En outre, il s’agit souvent de bisexualité, car ceux qui
aiment les garçons aiment pareillement les filles, le tout
ressortissant à une forme de libertinage, comme en
témoigne le poète de Loja.
16 Précisons que j’utilise le terme de pédérastie (au sens grec)
car il ne s’agit pas d’homosexualité à proprement parler
mais d’un amour pour les garçons pubères. Ce qui fait
chavirer les cœurs, ce n’est pas un corps viril d’adulte ou
une belle grosse barbe d’imam, mais un corps androgyne,
mince et flexible (aġyad), un visage imberbe (amrad), une
joue sur laquelle un fol duvet commence à dessiner son
alphabet (la métaphore n’est pas de moi, je résume
simplement dans une image de synthèse les multiples
variations sur le thème). Écartons également toute
comparaison anachronique : à partir du moment où ils sont
mûrs sur le plan physiologique (c’est-à-dire où ils sont
capables d’éjaculation), les jeunes garçons ont le droit
d’avoir des relations sexuelles. L’interdiction qui frappe la
pédérastie n’est pas d’origine morale mais légale, elle n’est
pas liée à l’âge mais à l’absence de mariage, lequel est
évidemment impossible dans le cas d’une relation avec un
partenaire du même sexe24. Je reviendrai tout à l’heure sur
l’aspect juridique de la question.
17 Avant de passer à d’autres types de sources, je voudrais
signaler que cette pédérastie a fait l’objet d’ouvrages
littéraires spécifiques. Le plus connu d’entre eux est le
Kitāb mufāḫarat al-ǧawārī wa-l-ġilmān ou « Livre de
l’assaut de gloire entre les filles et les garçons », une des
nombreuses productions d’al-Ǧāḥiẓ (c. 775-868)25. Il s’agit
d’une disputatio dans laquelle le champion de l’amour
hétérosexuel et le champion de l’amour pédérastique
présentent, à tour de rôle, leurs arguments. Au-delà de
l’exercice littéraire, le propos implicite de l’ouvrage est
d’exposer les mérites de la pédérastie, puisqu’on voit mal
que l’amour hétérosexuel, qui est la norme, ait eu besoin

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d’être défendu. Si cette œuvre, en tant que source
documentaire, constitue un recueil commode de citations
de toute nature sur la pédérastie et, accessoirement,
l’homosexualité chez les anciens Arabes et dans les trois
premiers siècles de l’islam (traditions prophétiques,
poésies, anecdotes, dictons, proverbes), elle est de moindre
utilité pour notre propos.
18 Les sources juridiques et péri-juridiques sont d’un grand
intérêt. Pourtant, leur dépouillement s’avère décevant. Les
manuels de droit présentent la norme, mais nous allons
voir que celle-ci est beaucoup plus théorique que pratique,
en tout cas rarement appliquée pour des raisons de
consensus social et aussi de procédure. J’ai consulté deux
manuels : le Kitāb al-aḥkām al-sulṭāniyya wa-l-wilāyāt
al-dīniyya, ou « Livre sur les règles du pouvoir et les
fonctions publiques ordinaires » du juriste chaféite al-
Māwardī (Bassorah 974, Bagdad 1058)26, ouvrage d’un
Oriental qui présente l’avantage de donner la position des
différentes écoles jurisprudentielles de l’islam sunnite ; et
la Risāla ou « Épître » du juriste malékite Ibn Abī Zayd al-
Qayrawānī (Nafza 922/3, Kairouan c. 996)27, qui donne la
position de l’école dominante au Maghreb et en Andalus.
19 Les recueils de traditions (ḥadīt) fournissent, avec le
Coran, les sources de référence pour la jurisprudence. Ils
sont cependant d’un maigre intérêt dans la mesure où les
traditions actives se retrouvent un peu partout, y compris
dans les sources non juridiques, comme la Mufāḫara d’al-
Ǧāḥiẓ ou la Nihāyat al-c Arab d’al-Nuwayrī, qui les
regroupe de façon fort utile28.
20 Curieusement, les recueils de fatwas (ou nawāzil) semblent
moins riches qu’on n’aurait pu l’espérer. Le répertoire
analytique du Micyār d’al-Wanšarīsī, établi par Hady Roger
Idris et publié par Vincent Lagardère, n’offre que cinq
indexations de thèmes en liaison avec l’homosexualité, ce
qui est très peu (2 144 fatwas ont été analysées)29. Même
s’il s’agit d’une sélection et que celle-ci comporte, par

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nature, une part d’arbitraire, on demeure étonné car la
probabilité statistique aurait voulu un plus grand nombre
d’occurrences. On peut sans doute en tirer une indication
provisoire, en attendant un dépouillement systématique
des treize volumes du Micyār : le crime d’homosexualité
n’est pas ou peu poursuivi. Sur les cinq fatwas de la
sélection tirée du Micyār, quatre ont été émises à Kairouan
ou en Ifrīqiyya entre le Xe et le XIe siècle, une seule en
Andalus, à Grenade (XIIIe-XIVe siècle), mais aucune au
Maroc ou dans le Maghreb central. Or nous avons la
preuve, par d’autres sources, de la visibilité des
homosexuels non seulement en Espagne, mais un peu
partout au Maghreb (je vais y revenir).
21 Mon hypothèse trouve un début de confirmation lorsqu’on
consulte les manuels de ḥisba. Là, le dépouillement peut
être mené dans son intégralité. On constate que les
directives concernant la répression de l’homosexualité y
occupent peu de place : deux mentions chez Ibn cAbdūn,
deux chez al-Garsīfī (la deuxième étant incertaine), une
chez al-Saqaṭī et rien cher Ibn cAbd al-Raʾūf.
22 Quant aux sources historiographiques et géographiques,
elles fournissent d’utiles informations qui ont l’avantage,
par rapport à celles qui précèdent, d’être datées, localisées
et insérées dans leur contexte social. Ces informations sont
de nature diverse : considérations sur l’état des mœurs,
description de segments de la société, de lieux, éléments
biographiques, anecdotes ayant défrayé l’opinion.
23 Je n’ai pas étendu ma prospection aux dictionnaires
biographiques. En l’absence d’indices thématiques, le
travail eut été trop long pour le résultat escompté. Enfin,
j’ai laissé de côtés les ouvrages d’érotologie, lesquels
comportent parfois des développements sur la sodomie,
notamment celui d’al-Tīfāšī (mort en 1253). Mais ce genre
de littérature n’apporte rien de plus. Retenons seulement
qu’il existe et qu’il y a un lectorat, adepte ou non des
pratiques décrites.

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24 Un mot sur la terminologie. Elle pose moins de difficultés.
Le terme utilisé pour désigner un homosexuel est lūṭī. Il
dérive de Lūṭ, nom arabe de Loth, et il signifie donc,
étymologiquement, « sodomite ». Comme les rapports
anaux hétérosexuels sont exprimés par d’autres locutions,
le mot liwāṭ (formé sur la même racine), qui signifie à
proprement parler « sodomie », nomme par métonymie
toute forme d’homosexualité masculine. C’est l’emploi
d’usage habituel, jusqu’à nos jours.
25 L’homosexuel passif est appelé maɔbūn, au propre
« blâmable ». On utilise souvent ce terme pour désigner le
jeune prostitué, le nom d’action étant ubna. Le mot qaṭīm,
originellement « avide de chair » ou « en rut », désigne
également l’homosexuel passif, mais sans l’idée de
prostitution. Selon Dozy, cette acception particulière à
l’arabe andalou serait à mettre en relation avec Catamitus,
qui est le nom latin de Ganymède30. Qaṭīm pourrait se
rendre par catamite, c’est-à-dire, en demeurant dans le
registre littéraire, par bardache ou mignon.
26 Autre terme spécifique à l’arabe andalou : ḥāwī. Encore un
euphémisme. Dans son acception ordinaire, ce mot n’a pas
de connotation sexuelle. Il désigne l’escamoteur, le faiseur
de tours, ou encore le charmeur de serpents. Dans le sens
qui nous intéresse, il désigne le prostitué homosexuel, voire
l’homosexuel en général.
27 Le muḫannat, lui, est l’homme efféminé ou travesti en
femme. Bien que le mot n’implique pas, en lui-même,
l’homosexualité, il désigne couramment celui qu’on appelle
aujourd’hui un « travelo » ou un transsexuel (intervention
chirurgicale en moins). Le mot, au sens premier, signifie
« hermaphrodite ».
28 Ajoutons à ces termes composant le lexique de
l’homosexualité masculine des mots qui prennent, en
contexte, une valeur euphémistique sans équivoque :
muʾannat (« féminin », « efféminé »), ġulām (jeune
garçon, jeune serviteur), ġazāl (gazelle mâle), ẓabiyy

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(même signification), rīm wahšī (gazelle sauvage), etc.
29 L’homosexualité féminine dispose d’un lexique spécifique,
en ceci qu’il n’est pas formé à partir de lexèmes masculins
par ajout de la désinence du féminin. Ainsi, la lesbienne se
nomme saḥīqa ou saḥḥāqa (l’équivalent du latin fricatrix)
et le lesbianisme siḥāq. Les mots ḏakra, muḏkara,
mutaḏakkara, muraǧǧala et mustarǧila, qui désignent
une femme d’apparence et de mœurs viriles, une
hommasse, n’ont pas, à ma connaissance, la connotation
homosexuelle de leur équivalent masculin muḫannat.
Quant à la ġulāmiyya (« garçonne »), figure littéraire et
idéal de beauté féminine pour les bisexuels, il est difficile
d’en faire une lesbienne (contrairement à ce qu’affirme un
peu vite Malek Chebel31), puisqu’elle est destinée aux
hommes.
30 Il reste un point à voir avant d’aller plus loin. On me
pardonnera tous ces tours et détours mais, sur un sujet peu
frayé, ils sont inévitables. Il est nécessaire, en effet,
d’examiner la dimension sociétale de l’homosexualité, en
clair son rapport à la loi et son acceptation dans l’espace
quotidien.
31 Comme tout élément de l’Univers, lequel est la création de
Dieu, l’acte homosexuel qui va servir à qualifier l’individu
homosexuel (et non l’inverse) doit nécessairement recevoir
une double valeur, la première de nature eschatologique au
regard du Jugement dernier et la seconde dans l’ordre
juridique – les deux étant corrélées, bien évidemment.
Dans l’ordre juridique, il s’agit d’évaluer un acte selon une
règle graduée dont les marques extrêmes sont le licite
(ḥalāl), que la société, ou du moins ceux qui la dirigent ont
le devoir d’ordonner, et l’illicite (ḥarām), qu’ils ont le
devoir symétrique d’interdire. De cette jauge découlent les
peines légales dont l’individu coupable d’un tel acte est
éventuellement passible. Qu’en est-il concernant
l’homosexualité ?
32 La position du dogme musulman ne souffre pas

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d’ambiguïté : le liwāṭ est strictement illicite. Cette
appréciation est énoncée dès le Coran, ce qui en renforce le
caractère absolu. L’homosexualité se trouve, en effet, à la
conjonction de deux réprobations majeures. La première
est de nature originelle, ou principielle, puisqu’elle s’inscrit
dans la tradition biblique, à travers le rappel de l’anathème
ayant frappé la ville de Loth. À diverses reprises32, le Coran
interpelle ceux qui accomplissent « l’acte de chair avec des
hommes et non des femmes33 » et il rappelle comment fut
anéantie « la cité qui perpétrait les Turpitudes [et dont les
habitants] furent un peuple mauvais et pervers34 ».
33 La seconde réprobation vise la fornication (zinā), c’est-à-
dire le coït (waṭɔ) réalisé en dehors du mariage. Cela
concerne, par conséquent, les rapports homosexuels. Un
verset ambigu (« Ceux qui [tous] deux, parmi vous,
commettent [la Turpitude], sévissez contre eux »)35, bien
que diversement interprété par l’exégèse, pourrait
néanmoins se rapporter spécifiquement aux homosexuels.
On note que la peine n’est pas indiquée. La suite du verset
(« S’ils reviennent [de leur faute] et se réforment,
détournez-vous d’eux »)36 ouvre la possibilité d’une
amnistie quand le désordre cesse, mais la formulation fait
également question (faut-il prendre le « détournez-vous
d’eux » au pied de la lettre et isoler le repenti ou,
simplement, le laisser tranquille ?).
34 Toutefois, la plupart des commentateurs considèrent que
cette prescription a été abrogée par un autre passage du
Coran qui stipule, cette fois-ci sans latitude
d’interprétation, que la fornicatrice et le fornicateur
reçoivent cent coups de fouet (soit le maximum de ce type
de peine)37. Si, dans le contexte précis, la peine s’applique
aux amants adultères, l’exégèse l’a étendue aux
homosexuels. En revanche, le Coran ne fait nulle mention
de la mise à mort par lapidation, le prétendu « verset de la
Lapidation » invoqué par certains n’existant pas (ou
n’existant plus).

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35 Ajoutons autre chose. La tradition coranique ventile les
péchés en trois catégories qui sont, par ordre décroisant de
gravité : le crime contre Dieu (itm), le péché capital
(kabīra) et l’acte dépravé (fāḥiša). La sodomie relève de la
dernière catégorie38. Cette relative bénignité se trouve
confirmée par un hadith célèbre qui énumère les sept
péchés infernaux (mūqibāt)39 : la sodomie, à nouveau, n’en
fait pas partie. Al-Ḏahabī (Damas, Le Caire et autres lieux,
XIVe siècle) donne la définition du péché capital (kabīra) :
ce qui est puni d’une peine légale ici-bas ou qui entraîne
une menace (wacīd) dans l’au-delà. Certains péchés, dit-il,
sont plus graves que d’autres. Il cite le hadith des sept
mūqibāt puis un hadith d’Ibnc Abbās selon lequel les
mūqibāt ne seraient pas sept mais plutôt soixante-dix40.
Fort de cette autorité, il procède à un classement : la
sodomie apparaît en onzième position. Selon lui, elle est à
condamner avec d’autant plus de vigueur que l’attrait des
hommes imberbes semble supérieur à la tentation des
femmes ! Toutefois, l’homosexuel garde la possibilité de se
repentir41.
36 Ce que nous venons de voir, c’est ce qui saute aux yeux, à
savoir le rejet de l’homosexualité masculine. Or il y a, de
façon moins visible, un contrepoint qui introduit de
l’incertitude : je veux parler du paradis. On connaît les
délices promis aux Élus42 : des vêtements de soie, des sofas
sous les ombrages, de la fraîcheur, de l’eau, des fruits, des
plats de volaille, des coupes d’un breuvage qui n’enivre pas,
des houris aux grands yeux… et de jeunes garçons :
« Parmi eux circuleront des éphèbes (ġilmān) à leur service
qui sembleront perles cachées43. »

37 Ou bien :
« Parmi eux circuleront des éphèbes (wildān) immortels,
avec des cratères, des aiguières et des coupes d’un limpide
breuvage44. »

38 L’avocat des amours garçonnières, dans la Mufāḫara d’al-

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Ǧāḥiẓ, n’omet pas de citer les deux versets45, ce qui ne
laisse aucun doute sur l’interprétation qu’on pouvait en
faire et contredit la vision angélique de ces ġilmān et
wildān telle qu’elle est défendue par les gens de religion46.
Ainsi, l’illicite ici-bas devient-il récompense dans l’au-delà,
l’apparence étant sauve au prix de quelques édulcorations
sur le vin sans alcool et la pudeur des échansons que
l’exégèse n’a eu de cesse d’opposer à une lecture moins
éthérée. Certes, l’élu ignore le désir, qui est une passion
terrestre. Mais la description de sa félicité ressemble trait
pour trait à celle d’une partie de plaisirs dans laquelle des
jeunes gens des deux sexes contribuent au rassasiement des
sens. Enjeu de la promesse, le ġulām est dans le Jardin.
J’insiste sur cette image coranique qui structure
l’imaginaire des musulmans du Moyen Âge parce qu’elle
révèle des complexités qui expliquent, peut-être, le
décalage entre la rigueur de la loi et la modération dans son
application.
39 Car elle est rigoureuse, cette loi. En effet, la doctrine
juridique est venue préciser en les aggravant les
prescriptions coraniques, sur la foi de plusieurs traditions
prophétiques mentionnant que le sodomite, qu’il soit actif
ou passif (al-fācil wa-l-mafc ūl bi-hi), doit être mis à mort à
l’instar du fornicateur, c’est-à-dire par lapidation. Des
traditions non prophétiques font état de divers autres
procédés qui auraient été mis en œuvre par cAlī, Abū Bakr
et les premiers califes : précipiter le condamné la tête la
première du haut d’un minaret, l’ensevelir sous les débris
d’un mur, l’immoler par le feu.
40 La doctrine sunnite est bien établie quand al-Māwardī
rédige son traité de droit à la demande du calife. Le
paragraphe concernant l’homosexualité figure dans le
chapitre XIX sur les crimes et délits, où il forme une sorte
d’annexe au développement consacré au crime de
fornication (zinā). Il n’est pas inutile de prendre
connaissance de la définition que le juriste donne de cette

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:
dernière et de la peine encourue, car la sodomie, comme
nous l’avons dit, n’en est qu’une manifestation
particulière :
« Elle consiste en l’introduction, par un individu pubère et
ayant sa raison, du gland de sa verge dans l’un ou l’autre
des orifices antérieurs ou postérieurs de quelqu’un avec qui
il n’a pas de liens de protection, et sans excuse
plausible47. »

41 Les « liens de protection » sont ceux du mariage et


l’« excuse plausible » serait, par exemple, l’ignorance de
l’inexistence légale de ces liens. Continuons :
« Pour Abū Ḥanīfa, il n’y a fornication que par
l’introduction de l’orifice antérieur exclusivement et il
applique la même peine au coupable et à la coupable48. »

42 Ce qui signifie que la sodomie, pour Abū Ḥanīfa, est exclue


de l’incrimination de fornication – en tout cas, la sodomie
hétérosexuelle. Mais il est minoritaire sur ce point.
43 Après avoir indiqué la peine frappant le fornicateur (mise à
mort par lapidation du coupable marié et flagellation du
célibataire, sans distinction de sexe), al-Māwardī en vient
au sujet qui nous occupe :
« L’homosexualité (liwāṭ) et la bestialité constituent des
actes de relations illicites qui valent au coupable, s’il est
vierge, la flagellation, et s’il est muḥṣan (marié), la
lapidation. Une autre opinion veut que vierge ou muḥṣan,
il soit puni de mort. Abū Ḥanīfa ne rend ni l’un ni l’autre
passible de la peine légale. Or on rapporte que le Prophète
a dit : “Mettez à mort l’animal et celui qui a eu des rapports
avec lui”49. »

44 Il y a donc divergence entre hanbalites, malékites et


chaféites d’un côté, hanéfites de l’autre, sur la gravité de
l’infraction et sur ses conséquences pénales. On voit ici
qu’Abū Ḥanīfa est logique avec lui-même : si l’acte de
sodomie ne qualifie pas la fornication, l’homosexuel
masculin échappe à la peine prévue. Ne parlons pas de
l’homosexualité féminine, non évoquée : comme il ne

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:
saurait y avoir pénétration, la lesbienne ne peut pas être
considérée comme une fornicatrice. Voilà une première
chose.
45 En voici une seconde, sur laquelle les quatre doctrines
juridiques sont d’accord, et qui détruit l’édifice pénal :
l’administration de la preuve. Elle se fait par deux voies :
l’aveu et le témoignage. Glissons sur l’aveu, assez
inconcevable de la part d’un individu qui n’ignore pas la
gravité de ce qui l’attend. Reste le témoignage. Il doit être
apporté conjointement par quatre témoins masculins
attestant avoir vu, pour citer l’expression consacrée, « la
verge pénétrer dans les parties naturelles de la même façon
que le style pénètre dans le vase à collyre50 ». On imagine
difficilement que des ébats susceptibles de conduire à la
mort se déroulent sous l’expertise successive voire
simultanée de quatre teneurs de chandelle vérifiant la
conformité du dispositif. Ajoutons que le faux témoignage,
ou accusation calomnieuse de fornication (qaḏf), est très
sévèrement puni : quatre-vingts coups de fouet, soit
presque autant que ce qu’encourt le fornicateur
célibataire51. La peine est identique quand le faux
témoignage vise un prétendu homosexuel52. La simple
injure n’est toutefois pas assimilable à l’accusation
calomnieuse :
« Si l’on dit […] yā lūṭī ! (espèce de pédéraste !), c’est une
métonymie au sens ambigu, et la peine n’est encourue que
s’il y a eu intention d’accuser53. »

46 Pour résumer, les juristes, liés par la tradition mais sans


doute conscients de la disproportion entre l’acte incriminé
et ses conséquences, ont fait en sorte que la preuve soit
quasiment impossible à apporter. Ceci explique la
mansuétude de la jurisprudence à l’égard des homosexuels.
47 Avant d’en dire un mot, jetons un coup d’œil sur la position
du malékisme, puisque c’est la doctrine juridique
dominante au Maghreb et dans la péninsule Ibérique. On
ne note pas de grande différence avec ce qui vient d’être

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:
exposé. Certes, al-Qayrawānī (Kairouan, Xe siècle) se
montre plus sévère quant à la peine encourue :
« La sodomie (c amal qawm Lūṭ) pratiquée sur un mâle
pubère et consentant entraîne la lapidation des deux
coupables, qu’ils aient ou non la qualité d’iḥṣān54. »

48 Mais nous avons vu ce qu’il convenait de penser d’une telle


sévérité. Pour le reste, l’auteur de la Risāla considère que
l’imputation calomnieuse de fornication vaut à celui qui la
profère le tarif habituel (quatre-vingts coups de fouet pour
l’homme libre, la moitié pour l’esclave). Cependant, il ne
fait pas d’exception pour celui qui dit à un autre : yā lūṭī !
Cette injure calomnieuse vaut à son auteur la peine légale
du qaḏf55. Le juriste malékite exprime, par ailleurs, une
mise en garde d’ordre général qui frappe toute forme
d’intimité en dehors du mariage :
« N’entre point en contact, par tes parties sexuelles ou par
quelque autre partie de ton corps, avec ce qui n’est point
licite pour toi56. »

49 Comme les peines encourues ne sont pas indiquées, cela


laisse au cadi sa liberté d’appréciation.
50 Quelles sont, finalement, les peines réellement appliquées ?
À Kairouan, au IXe siècle, de jeunes garçons imberbes,
désœuvrés, se prostituent. Le cadi leur fait tondre la tête et
leur retire leurs beaux vêtements pour une tenue plus
modeste. Ils sont mis aux fers. Le mufti consulté (en
l’occurrence Ḥamdīs al-Qaṭṭān, un disciple de Saḥnūn, qui
est l’autorité de référence du malékisme maghrébin)
approuve la décision mais estime que ces adolescents
doivent être enfermés chez leurs parents et non jetés en
prison57. Toujours à Kairouan, au XIe siècle, le percepteur
du ḫarāǧ, personnage mauvais et injuste, buveur de vin, est
aussi un pédéraste notoire. Il doit être durement fustigé et
puni d’emprisonnement ; ses biens seront distribués en
aumônes58. À Séville, au début du XIIe siècle, Ibn c Abdūn
réclame la relégation des prostitués homosexuels en
l’assortissant d’une peine (qui n’est pas précisée) s’ils

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:
reparaissent en ville :
« Les prostitués homosexuels (ḥiwā) devront être expulsés
de la ville ; ceux qu’on y rencontrera encore, une fois cette
mesure prise, seront châtiés. On ne les laissera pas circuler
au milieu des musulmans, ni participer aux fêtes, car ce
sont de vils débauchés, maudits de Dieu et de tout le
monde59. »

51 Selon al-Saqaṭī (Málaga, même époque), « on veillera


fermement à ce que les travestis (muḫannatīn) ne se
laissent pas pousser de mèche sur les tempes ni n’assistent
aux repas de cérémonie ou aux réunions funéraires60 ».
Selon al-Garsīfī (royaume de Grenade ?), ils ne doivent pas
être admis non plus dans les maisons particulières, pas plus
que les saltimbanques61. Quant au mahdi Ibn Tūmart, il
défend aux hommes, lors de son passage à Bougie durant
l’hiver 1118-1119, de s’habiller comme des femmes62.
52 Résumons : pas de lapidation, la mise à mort demeure
exceptionnelle ; parfois, le châtiment corporel ;
éventuellement de la prison ; d’ordinaire, des mesures
d’éloignement ou de ségrégation ; une censure de
l’apparence. Et c’est à peu près tout. L’ictirāf almohade de
544 H ( = 1149-1150 AD), à Fès, au cours duquel « quatre-
vingts personnes parmi les gens efféminés et la populace
(min al-muʾannatīn wa-l-sūqa) sont mis à mort63 » relève
d’une répression englobant d’éventuels homosexuels mais
ne les visant pas spécifiquement.
53 À cette mansuétude, deux raisons. D’abord, ce que la loi
punit de mort ou de flagellation, c’est l’acte sexuel. Nous
avons vu qu’il était quasiment impossible d’en apporter la
preuve. Le risque d’accusation calomnieuse empêche donc
de poursuivre les homosexuels sur une simple
présomption, aussi solide soit-elle. Cette raison juridique
explique l’impuissance du cadi et du muḥtasib.
54 La seconde raison tient probablement à une certaine
tolérance de la population envers les marginaux, y compris
les homosexuels. Lorsque Ibn Tūmart entreprend de

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:
réformer les mœurs des habitants de Bougie, il provoque
scandale et bagarres et doit quitter la ville64. Ce n’est pas lui
qui a le dernier mot. Disons-le autrement : le ḥāwī et le
muḫannaṯ sont des figures familières dans les cités de
l’Occident musulman médiéval.
55 Il faut reconnaître, néanmoins, que la condamnation
théologique et juridique de l’homosexualité masculine se
double d’une répugnance morale que certains auteurs ne se
privent pas d’exprimer. Ibn Ḥazm (Cordoue, XIe siècle)
ponctue l’évocation d’un contemporain homosexuel par la
formule de conjuration du Malin : na c ūḏu bi-llāh65, « Dieu
nous protège ! ». Quelques pages plus loin, il s’exclame :
« Quant à ce que font les gens du peuple de Loth, c’est
quelque chose d’abominable et de répugnant66 ! » Il
rappelle la mise à mort de personnages ayant eu des
rapports homosexuels pédérastiques ou sodomites avec
éjaculation (encore ce fourvoiement de la semence, qui est
le critère décisif). Quant à Ibn Ḫaldūn (Tunis, XIVe siècle),
il introduit dans l’argumentaire homophobe un grief
d’intérêt général qui mérite d’être cité en entier :
« Un autre cause de la corruption des mœurs dans la
culture sédentaire, c’est la tendance au plaisir et
l’empressement par lequel, par goût du luxe, on s’y adonne.
On commence par varier la nourriture et la boisson, pour
complaire à son estomac. On continue par la multiplication
des plaisirs sexuels et la diversification des moyens de faire
l’amour, de la fornication (zinā) à la pédérastie (liwāṭ) qui,
toutes deux, conduisent à la disparition de l’espèce. […]
[L’espèce humaine] peut aussi risquer directement de se
perdre, par la faute de l’homosexualité, qui a pour résultat
l’absence de propagation de l’espèce. Celle-ci est encore
plus menacée que par l’adultère, puisque la pédérastie
conduit à l’inexistence des enfants, alors que l’adultère fait
que des enfants vivants ne peuvent pas vivre. Aussi l’école
malékite est-elle encore plus sévère que les autres pour la
répression de l’homosexualité, ce qui prouve qu’elle
comprend mieux les intentions des lois divines et leur objet

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:
dans l’intérêt général67. »

56 Il est temps, à présent, d’en arriver à la question formulée


dans le titre : peut-on parler, s’agissant des homosexuels,
de minorité ? Je l’aborderai selon deux axes. L’un est
sociologique : dans quels segments de la société
l’homosexualité apparaît-elle visiblement ? L’autre est
topographique : quels sont les lieux de cette visibilité ?
57 Si l’on se fie aux poètes, l’homosexualité est une pratique
courante dans les élites culturelles et politiques. J’ai dit ce
qu’il fallait en penser et je n’y reviens donc pas. Qu’un
percepteur de l’impôt foncier soit homosexuel dans
l’Ifrīqiyya du XIe siècle, comme il a été dit, ou un cadi de
village (même région, même époque)68, ou tel autre
notable, relève du cas individuel. En revanche, une
fréquence statistique m’intrigue et là, on peut émettre
l’hypothèse qu’elle a une signification du point de vue
sociologique. Je la livre telle quelle, en m’abstenant d’en
tirer conclusion : les homosexuels semblent plus nombreux
au sein de la mouvance amiride dans l’Espagne du XIe
siècle. À commencer par le ḥāǧibcAbd al-Raḥmān, dit
Sanchuelo, le fils cadet et second successeur d’al-Manṣūr,
que les chroniqueurs décrivent comme quelqu’un qui ne
cesse « de boire du vin, de pratiquer l’homosexualité
(liwāṭ) et de faire des choses mauvaises69 ». Il est qualifié
de maɔbūn (sodomite passif) et lorsque son cadavre est
ramené à Cordoue, la foule lui crache dans l’anus. Ajoutons
que la fidélité sans faille que lui témoigne jusqu’à la mort le
comte García Gómez de Carrión, dont la dépouille est
exhibée à côté de la sienne, ne s’explique peut-être pas
uniquement par l’esprit chevaleresque70.
58 Autre Amiride homosexuel, cAbd al-Malik b. cAbd al- cAzīz,
petit-fils de Sanchuelo, qui régna à Valence de 1060 à
1065 : il est qualifié de « débauché (ḫalīc), porté sur les
jeunes gens (fityān) et les adolescents (ġilma)71 ». Et puis il
y a les fatā esclavons. Anciens esclaves affranchis recrutés
par l’administration amiride, sans attaches familiales en

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:
Espagne, le plus souvent castrés, ils se regroupent dans le
Levante, d’Almería à Tortose, au moment de
l’effondrement du califat, où ils forment une sorte de caste
qui se partage le pouvoir. Si leurs préférences amoureuses
(à défaut d’improbables activités sexuelles) ne sont pas
connues, le cas du couple Mubārak-Muẓaffar de Valence
mérite qu’on s’y arrête.
59 Voici deux hommes dont la gémellité leur vaut d’être
comparés aux deux caroncules de la chèvre. Aussi loin que
le souvenir remonte, ils forment une paire, une sorte d’être
double, Mubārak, plus autoritaire et malin, assurant la
direction du tandem et Muẓaffar, plus débonnaire, s’en
remettant à son compagnon. Ils furent d’abord les cabday
ġayya du fatā amiride Mufarraǧ – une expression assez
obscure qui pourrait signifier « les esclaves naturels », à
l’instar des awlād ġayya (enfants naturels), le second
terme connotant l’égarement, l’erreur, la tentation, le vice
(d’où une possible allusion sexuelle). Ils furent ensuite
chargés de l’administration de l’irrigation à Valence. Puis
ils prirent le contrôle de la ville et la gouvernèrent pendant
sept ans. Ibn Ḥayyān, qui ne les épargne pas, s’attarde à
décrire la bizarrerie de ce couple. Eunuques, rustauds et
bègues, « ils partagèrent tout au long de leur vie un amour
(ulfa) sans défaut qui efface celui des frères les plus
proches et des amants les plus passionnés72 ». Ils vivaient
ensemble au palais émiral, se retrouvaient à la même table ;
rien ne les différenciait, ni le vêtement, ni les bijoux, ni le
lit73, ni les montures, ni les armes. Ils ne se séparaient que
dans le harem, chacun ayant le sien. Mais les femmes de
leurs gynécées se mélangeaient à travers les appartements
du palais, égales en tout – autrement dit, interchangeables.
Sans doute doit-on comprendre qu’elles faisaient de la
figuration, signe extérieur de pouvoir (voire de
normalité)74.
60 Ajoutons que Valence, en ce début du XIe siècle, est
devenue le point de ralliement de tout ce que l’Espagne

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:
compte d’esclaves en rupture de maître, de mercenaires,
d’aventuriers, de proscrits, de réfractaires, de clients
amirides, mais aussi d’artisans attirés par le rapide
développement de la ville75. C’est-à-dire d’hommes seuls,
dans la plupart des cas. On interprétera comme on
l’entendra cette dimension du phénomène.
61 Je ne sais pas ce qu’il faut penser, non plus, des désordres
constatés à Cordoue lors du premier hiver du siège imposé
par les armées berbères (hiver 1010-1011) : « le vin se
buvait ouvertement », « la fornication était libre », « la
sodomie (liwāṭ) ne se voilait pas », on « ne voyait que
péché ostensiblement étalé »76. En raison de la famine, les
interdits alimentaires ont sauté (le chroniqueur cite un cas
de nécrophagie) et le peuple en détresse s’affranchit dans le
même mouvement de la censure morale. Alcool et sexe en
profitent pour sortir de derrière le rideau. Et les
homosexuels pour effectuer une sorte de coming out.
62 Qui sont-ils, justement, ces homosexuels du peuple ? Il y a
les jeunes garçons qui se prostituent, les ġilmān ou ġilma
(pl. de ġulām). Il y a des prostitués sans doute plus âgés, les
ḥiwā (pl. de ḥāwī). Il y a les homosexuels qui pratiquent
l’amour non vénal, les quṭamāɔ (pl. de qaṭīm). Il y a les
travestis, muḫannatūn. Il n’existe pas de frontière entre les
catégories, la première mise à part, peut-être. La
terminologie n’est d’ailleurs pas discriminante, le ḥāwī
dans tel texte correspondant au muḫannat dans tel autre.
Ainsi, le proverbial al-Haydūra (Peau-de-Mouton)77 qui
vivait à Cordoue probablement au XIe siècle est qualifié de
muḫannat dans un contexte où il est question des quṭamāʾ
de la ville78.
63 Les travestis répondent à un type facilement identifiable et
sans doute exercent-ils un véritable métier. Sont-ils tous
homosexuels ? On pourrait, en effet, concevoir que leur
travestissement est de nature professionnelle, qu’ils sont
des sortes de comédiens. C’est peut-être le cas de certains.
Mais la réprobation qu’ils suscitent chez les bien-pensants

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:
tend à démontrer que leurs mœurs s’accordent à leur
apparence. Au demeurant, le terme de ḥāwī par lequel ils
sont parfois désignés lève l’incertitude.
64 Le travesti est d’ordinaire un homme jeune. Il se rase la
barbe et porte les cheveux longs, avec des mèches en oreille
de chien sur les tempes, ou des tresses postiches. Il coiffe
parfois un bonnet de soie, s’habille en femme, ou revêt à
Bougie une tunique spéciale dite futūḥiyya. Ses vêtements
sont ornés. Il porte des bijoux, notamment des anneaux
d’oreilles. Il parle de façon féminine, file la laine, vit en
couple avec son compagnon. Il fréquente les mariages, les
repas de cérémonie et les enterrements79. Sa présence y est
d’ordre professionnel, je veux dire qu’on l’embauche pour
ces occasions.
65 Al-Ḥasan b. Muḥammad al-Wazzān al-Zayyātī, alias Jean-
Léon l’Africain, nous a laissé la description de l’une de ces
cérémonies. Cela se passe à Fès dans les toutes premières
années du XVIe siècle (exemple certes tardif, mais il devait
en être ainsi durant les siècles précédents, puisque la
présence de travestis aux enterrements est attestée à
Málaga vers le début du XIIe siècle). Voici le passage :
« Les femmes, quand vient à mourir le mari, ou le père, ou
la mère, ou un frère de l’une d’elles, se réunissent, habillées
de vêtements grossiers. […] Elles font alors venir ces sales
individus qui circulent habillés en femmes. Ceux-ci, munis
de tambourins carrés dont ils jouent, improvisent des vers
tristes et larmoyants à la louange du mort. À la fin de
chaque vers, les femmes poussent des cris et se lacèrent la
poitrine et les joues […] Tel est l’usage commun dans le
peuple80. »

66 Les travestis apparaissent également dans une liste de


petits métiers dont les membres démarchent à domicile :
montreurs de singes, bouffons, diseurs de bonne aventure,
devins, herboristes, marchands de fil, phlébotomistes-
ventouseurs, garçons de bain81. Toutes ces activités entrent
dans la catégorie des métiers vils, ou bien elles se situent à

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:
la marge. À Fès, les ḥiwā sont éventuellement proxénètes
ou marchands de vin. Ils côtoient les repris de justice, les
vauriens82. Cette association est bien attestée dans l’Islam
médiéval83. Elle définit un milieu situé au bas de l’échelle
sociale, qui est celui de la rue, de la balle et de la
délinquance. Les travestis professionnels en sont une
composante, comme le confirment les événements de Fès
en 544 H84.
67 Quid des lesbiennes (saḥḥāqāt) ? Les auteurs arabes sont
muets à ce sujet, sauf Jean-Léon qui nous tire à nouveau
d’embarras en évoquant la situation à Fès :
« La troisième catégorie de devins comprend des femmes
qui font croire qu’elles sont liées d’amitié avec certains
démons d’espèces différentes. […] Mais les gens qui
joignent à l’honnêteté une certaine instruction ainsi que
l’expérience des choses nomment ces femmes sahacat, ce
qui a le sens du mot latin fricatrices. Et en vérité, elles ont
cette maudite habitude d’user l’une de l’autre, ce que je ne
peux exprimer par un terme plus décent. Lorsqu’il se
trouve une belle femme parmi celles qui viennent les
consulter, elles s’en éprennent ainsi qu’un jeune homme
s’éprend d’une jeune fille et, comme si le démon parlait en
personne, elles lui demandent en paiement des
embrassements amoureux. […] Beaucoup de femmes qui se
plaisent à ce jeu demandent aux devineresses d’entrer dans
leur corporation85. »

68 Le dernier mot est important, même s’il ne faut sans doute


pas le prendre au pied de la lettre. À défaut d’établir
l’existence d’une véritable structuration corporative, il
témoigne d’un profil clairement identifiable, celui des
lesbiennes-devineresses Comme pour les hommes, on peut
donc parler de visibilité sociale collective.
69 Il nous reste à examiner, enfin, les lieux de cette visibilité.
Ils sont indifférenciés ou spécifiques. Les lieux
indifférenciés sont la rue et l’espace public. Ibn Tūmart, à
Bougie, croise les travestis sur son chemin, il n’a pas à se
rendre dans un endroit particulier pour les voir. Mais

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:
comme tout le monde partage la rue, celle-ci, en elle-même,
n’est pas un lieu de l’homosexualité. En revanche, une rue
ou un quartier peuvent le devenir par destination. Ainsi, à
Cordoue, ville où les homosexuels sont nombreux, le darb
Ibn Zaydūn est leur quartier. C’en est devenu proverbial.
On dit par périphrase, en parlant d’un homosexuel : « Il est
du darb Ibn Zaydūn86 ».
70 Les lieux spécifiques sont les hôtelleries, les hammams et
les zāwiya. Je laisse de côté les couvents et les églises, qui
passent, selon l’opinion de certains censeurs, pour être
d’abominables lieux de débauche87, car il semble bien que
l’affirmation relève du fantasme ou de la polémique. En
effet, le célibat des prêtres heurte la conviction musulmane
selon laquelle le besoin sexuel, qui est naturel chez
l’homme dans le sens où il est conforme à la volonté divine,
nécessite satisfaction (« Coïtez et procréez » ordonne un
hadīt du Prophète)88. Comme il ne peut pas l’être dans le
cadre du mariage, qui est son lieu de satisfaction licite, « les
prêtres sont des débauchés, des fornicateurs et des
sodomites89 ». Quant aux récits mettant en scène des
musulmans accompagnant à l’église leur amant chrétien
pour des offices empreints de volupté90, ils tiennent autant
du contresens plus ou moins volontaire concernant le rituel
chrétien (embrasser son amant devant le prêtre) que de la
liberté de création du poète.
71 Les hôtelleries, en revanche, offrent un terrain plus solide.
Le témoignage de Jean-Léon s’avère une fois de plus
incontournable. Ces établissements, nous dit-il, logent les
étrangers de passage et les veufs qui n’ont maison ni
parent. Mais aussi, « certains individus qui constituent une
engeance appelée el cheua ( = al-ḥiwā) ». L’auteur ajoute
que « chacun de ces êtres abjects a un concubin et se
comporte avec celui-ci exactement comme une femme avec
son mari91 ».
72 Autre lieu, le hammam. Premier indice : al-Garsīfī reproche
aux garçons de bain d’entrer dans les maisons particulières

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:
car ils risquent de « corrompre les enfants musulmans92 ».
Il leur reproche également de « lancer des pierres », ce qui
évoque les combats entre bandes de jeunes signalés à Fès
par Jean-Léon – des jeunes dont les mœurs semblent
parfois spéciales93. Deuxième indice : à propos des règles de
décence au hammam, al-Qayrawānī stipule que « deux
hommes ou deux femmes ne se mettront point en contact
direct enroulés dans une même couverture94 ». Troisième
indice : le ḥammām al-šaṭṭāra, ou hammam des
Débauchés, à Séville au XIe siècle. Il était le point de
ralliement, autour d’une statue antique en marbre
représentant une femme avec un enfant, d’un groupe
d’hommes du peuple tombés – assure-t-on – follement
amoureux de l’effigie95. Bien que rien de plus ne soit dit, le
rapprochement entre le nom du hammam (à connotation
homosexuelle évidente) et ce rassemblement d’esthètes
impose une hypothèse : la rencontre avec l’art n’est-elle pas
l’alibi à des rapprochements de nature moins
marmoréenne ? Car les hammams ont mauvaise réputation
en raison de la promiscuité qu’ils favorisent. Le poète Ibn
ḫafāǧa y voit un paradis construit en enfer pour les
honnêtes gens et pour les libertins (fuǧǧār)96. Du fait de
l’absence de mixité, on saisit l’allusion.
73 Classer les zāwiya parmi les lieux spécifiques de
l’homosexualité soulève le même genre d’objection que
celle que j’ai énoncée à propos des lieux du culte chrétien :
un rituel soufimal compris peut conduire au fantasme.
Cependant, le regard critique de Jean-Léon laisse peu de
place au doute. Décrivant une cérémonie, il note :
« Ces gens disent alors qu’ils sont échauffés par la flamme
de l’amour divin. […] Ou bien, ce qui me paraît plus
vraisemblable […] c’est pour l’amour qu’ils portent à
quelques jeunes gens imberbes. […] Les plus âgés se
mettent à lacérer leurs vêtements et si, lorsqu’il danse, un
de ces hommes âgés tombe, il est aussitôt relevé et remis
sur pieds par un des jeunes soufistes qui lui donne souvent
un baiser lascif. De là est venu le dicton qui est dans la

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bouche de tout le monde à Fez : “C’est comme le banquet
des ermites qui nous a fait passer de vingt à dix.” Cela veut
dire que, la nuit après le bal, chaque jeune disciple sait ce
qui l’attend97. »

74 Dans une fatwa émise à Grenade vers le XIIIe-XIVe siècle, il


est reproché à une zāwiya sise à Qanāliš98 de recevoir,
outre des femmes, des personnes qui se livrent à des actes
honteux et s’acoquinent avec les « gens aux mœurs
corrompues (ahl al-fasād) »99. Ajoutons que les confréries
soufies recrutent surtout dans le petit peuple :
l’environnement social est le même que précédemment.
75 En conclusion (provisoire), je dirai que l’homosexualité
littéraire, reflet d’une homosexualité mondaine, est l’arbre
qui cache la forêt. Elle participe aux codes de l’élite
socioculturelle sans, pour autant, avoir de véritable
épaisseur sociale. Certaines époques l’ont valorisée plus
que d’autres, en particulier le XIe siècle andalou qui, à bien
des égards, peut être tenu pour le siècle libertin de l’histoire
de l’Espagne musulmane. Mais il est difficile d’extrapoler, à
partir de pratiques ou de poses pédérastiques, l’existence
d’une minorité homosexuelle parmi les élites
socioculturelles.
76 La question se pose différemment lorsque le regard se
déplace vers les milieux urbains populaires pour lesquels,
paradoxalement, l’information est bien moins abondante
que celle fournie par les classes dominantes sur
ellesmêmes. Cependant, différents éléments permettent de
mettre en relation avec l’homosexualité des lieux
spécifiques et des activités précises. On y verra l’indication,
à défaut de la preuve, non pas que les homosexuels, en tant
que catégorie transversale, mais des homosexuels, plus
particulièrement les travestis, forment un groupe visible et
identifiable. Ceci autorise à penser – mais j’avance
l’hypothèse avec beaucoup d’hésitation – que ces personnes
sont perçues et sans doute se ressentent comme
appartenant à une minorité sociale au sein de la cité.

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:
Notes
1. J. BOSWELL, Christianisme, tolérance sociale et homosexualité. Les
homosexuels en Europe occidentale, des débuts de l’ère chrétienne au
XIVe siècle, trad. de l’anglais par A. Tachet, Paris, Gallimard, 1985 ; D.
GODARD, Deux hommes sur un cheval. L’homosexualité masculine au
Moyen Âge, Béziers, H & O éd., 2003 ; R. E. ZEIKOWITZ, Homoeroticism
and chivalry. Discourses of male same-sex desire in the fourteenth
century, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2003.
2. J. W. WRIGHT Jr. et E. K. ROWSON (éd.), Homoeroticism in classical
Arabic literature, New-York, Columbia University Press, 1997.
3. M. CHEBEL, Encyclopédie de l’amour en Islam. Érotisme, beauté et
sexualité dans le monde arabe, en Perse et en Turquie, Paris, Payot et
Rivages, 1995, p. 312-313. On consultera, du même auteur, L’esprit de
sérail. Perversions et marginalités sexuelles au Maghreb, Paris, Lieu
commun, 1988 (ouvrage réédité avec un changement du sous-titre :
L’esprit de sérail. Mythes et pratiques sexuelles au Maghreb, Paris,
Payot et Rivages, 1995 ; nouv. éd. revue et corrigée, Paris, Payot, 2003).
Voir, également, son anthologie érotique, Le Kama-Sutra Arabe. Deux
mille ans de littérature érotique en Orient, Paris, Pauvert, 2006,
notamment le chap. 7 (Sodome ou « les amours particulières »), p. 239-
258.
4. Voir, par exemple, les travaux d’Abdallah CHEIKH-MOUSSA,
notamment : « La négation d’Eros ou le ‘ ishq d’après deux Épîtres d’al-
Ǧāḥiẓ », Studia Islamica, 72 (1990), p. 71-119 ; « Ǧāḥiẓ et les eunuques
ou la confusion du Même et de l’Autre », Arabica, 29/2 (1982) ;
« Figures de l’échanson (sāqī) dans la littérature arabe médiévale »,
colloque Ganymède et l’échanson dans la littérature et les arts,
Université de Paris X-Nanterre, 18-20 mai 2006.
5. I. MAḤMŪD, Al-mutc a al-maḥẓūra. Al-šuḏūḏ al-ǧinsī fī tārīḫ al-c
Arab, Beyrouth, Riad El-Rayyes Books, 2000.
6. S. O. MURRAY et W. ROSCOE, Islamic Homosexualities. Culture,
History and Literature, New-York University Press, 1997.
7. L. CROMPTON, « Male Love and Islamic Law in Arab Spain », ibid.,
p. 142-158.
8. S. O. MURRAY, « Male Homosexuality, Inheritance Rules, and the
Status of Women in Medieval Egypt: the Case of the Mamlūks », ibid.,
p. 161-173.
9. J. DAKHLIA, L’Empire des passions. L’arbitraire politique en islam,
Paris, Aubier, 2005, p. 26. Voir également C. S. JAEGER, « L’amour des
rois : structure sociale d’une forme de sensibilité aristocratique »,

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:
Annales ESC, mai-juin 1991, no 3, p. 547-571.
10. Encyclopaedia of Islam, nouv. éd., Leyde, Brill, 1986, V, p. 776-779.
11. G.-H. BOUSQUET, L’éthique sexuelle de l’Islam, nouv. éd. revue et
augmentée, Paris, G.-P. Maisonneuve et Larose, 1966 ; une première
version de ce travail est parue sous le titre de La morale de l’islam et
son éthique sexuelle, Paris, A. Maisonneuve, 1953.
12. A. BOUHDIBA, La sexualité en Islam, Paris, Quadrige/PUF, 1975.
13. Ibid., p. 7.
14. Albert Arazi fait remonter le genre tarqīq au poète de Bagdad Ḫālid
al-Kātib (IXe siècle) : « À Khālid revient l’honneur de franchir le pas
décisif ; la femme est absente de l’univers poétique de Khālid.
Désormais, chez lui, l’éphèbe règne sur le monde du mal d’amour et le
conditionne. Une nouvelle thématique s’introduit ainsi dans la poésie
arabe classique. » (A. ARAZI, Amour divin et amour profane dans
l’Islam médiéval à travers le Dīwān de ḫālid Al-Kātib, Paris, Éditions
G.-P. Maisonneuve et Larose, 1990, p. 44).
15. Ibn al-Sīd al-Baṭalyawšī, cité dans al-Maqqarī, Nafḥ al-ṭīb min ġuṣn
al-Andalus al-raṭīb, éd. I. cAbbās, Beyrouth, Dār ṣādir, 1388 H/1968
AD, I, p. 646, vers 1-4.
16. Wallāda bint al-Mustakfī, citée dans al-Maqqarī, Nafḥ al-ṭīb, IV,
p. 206.
17. Ibid., p. 205.
18. cUbayd Allāh b. Ǧacfar al-Išbīlī, cité dans al-Maqqarī, Nafḥ al-ṭīb,
IV, p. 61, vers 8.
19. « Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille
qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu. » (Matthieu 19, 24 ;
trad. L. Segond)
20. Cité dans al-Maqqarī, Nafḥ al-ṭīb, III, p. 509.
21. Cité ibid., p. 509-510. La citation est de Coran, XXVI (Les Poètes),
225-226. Trad. de R. BLACHÈRE, Le Coran (al-Qor’ân), Paris, G.-P.
Maisonneuve et Larose, 1966.
22. Al-Ḥiǧārī, cité dans al-Maqqarī, Nafḥ al-ṭīb, p. 73.
23. Voir C. S. JAEGER, « L’amour des rois… », op. cit.
24. Sur l’articulation, dans le droit musulman, entre les notions de
nubilité, de puberté et de sexualité, voir G.-H. BOUSQUET, L’éthique
sexuelle de l’Islam, op. cit.
25. Elle figure dans Rasāɔil al-Ǧāḥiẓ, éd. cA-S. M. Hārūn, Beyrouth,

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:
Dār al-Ǧīl, 1411 H/1991 AD, I, no 13, p. 91-137 ; trad. française par B.
BOUILLON, Le livre des mérites respectifs des jouvencelles et des
jouvenceaux, Arles, Philippe Picquier, 2000.
26. Première édition imprimée par M. ENGER, Mawardii constitutiones
politicae, Bonn, 1853. Nombreuses éditions dans le monde arabe. Trad.
française par E. FAGNAN, Les statuts gouvernementaux ou Règles de
droit public et administratif, Alger, Typographie A. Jourdan, 1915
(réimpr., Beyrouth, Éditions de Patrimone Arabe et Islamique, 1982).
27. Ibn Abî Zayd al-Qayrawânî, La Risâla ou Épître sur les éléments du
dogme et de la loi de l’Islâm selon le rite mâlikite, texte arabe et trad.
par L. Bercher, 5e éd., Alger, Éditions populaires de l’armée, 1968 (repr.
de la 1e éd., Alger, Éditions Jules Carbonel, 1945).
28. Al-Nuwayrī, Nihāyat al-c Arab fī funūn al-adab, Le Caire, 1923-
1949, II, p. 189-196.
29. V. LAGARDÈRE, Histoire et société en Occident musulman au Moyen
Âge. Analyse du Micyār d’al-Wanšarīsī, Madrid, Casa de Velázquez,
1995.
30. R. DOZY, Supplément aux dictionnaires arabes, Leyde, E. J. Brill,
1881, s. voc.
31. M. CHEBEL, L’Esprit de sérail…, 2003, p. 35.
32. Coran, VII (al-Acrāf), 80-84 ; XI (Hūd), 77-83 ; XV (al-Ḥijr), 61-75 ;
XXI (Les Prophètes), 74-75 ; XXVI (Les Poètes), 160-173 ; XXVII (Les
Fourmis), 54-58 (reprise paraphrastique de VII, 80-84) ; XXIX
(L’Araignée), 28-30 ; XXXVII (Celles qui sont en rang), 133-138 ; LIV
(La Lune), 33-40.
33. Coran, VII, 81.
34. Coran, XXI, 74.
35. Coran, IV (Les Femmes), 16.
36. Ibid.
37. Coran, XXIV (La Lumière), 2.
38. Voir l’article « Ḵẖaṭīɔa » [A. J. WENSINCK et L. GARDET],
Encyclopaedia of Islam, IV, p. 1107.
39. Cité dans Ibn Ḥazm, Tawq al-ḥamāma fī l-ulfa wa-l-ullāf, éd. I.
c
Abbās, Beyrouth, Al-muɔassasa al-carabiyya li-l-dirāsāt wa-l-našr,
1993, p. 291 ; al-Ḏahabī, Kitāb al-kabāɔir, nouvelle éd. revue et
corrigée, Le Caire, Dār al-turāt al-carabī, 1402 H/1992 AD, p. 6.
40. Al-Ḏahabī, Kitāb al-kabāɔir, p. 6.

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:
41. Al-Ḏahabī, Kitāb al-kabāɔir, p. 41-46.
42. Voir Coran, LII (La Montagne), 17-24 ; LVI (L’Échéante), 10-40 ;
LXXVI (L’Homme), 12-21.
43. Coran, LII, 24 (reprise paraphrastique dans LXXVI, 19).
44. Coran, LVI, 17-18.
45. Rasāɔil al-Ǧāḥiẓ, p. 96.
46. Voir M. CHEBEL, L’Esprit de sérail…, 2008, p. 54-55.
47. Al-Māwardī, texte p. 381 ; trad. p. 478.
48. Ibid.
49. Al-Māwardī, texte p. 382 ; trad. p. 479-480.
50. Al-Māwardī, texte p. 383 ; trad. p. 480.
51. Al-Māwardī, texte p. 390-391, trad. p. 490-493.
52. Al-Māwardī, p. 390, trad. p. 491.
53. Ibid.
54. Al-Qayrawānī, texte p. 254, trad. p. 255.
55. Al-Qayrawānī, texte p. 256, trad. p. 257.
56. Al-Qayrawānī, texte p. 294, trad. p. 295.
57. Al-Wanšarīsī, al-Mi cyār al-muġrib wa-l-ǧāmic al-mucrib can
fatāwā ahl Ifrīqiyya wa-l-Andalus wa-l-Maġrib, nouv. éd., Rabat,
Ministère de la Culture et des Affaires religieuses, 1981-1983, II,
p. 409 ; V. LAGARDÈRE, Histoire et société en Occident musulman…, p. 2,
no 19.
58. Al-Wanšarīsī, Mic yār, VI, p. 169-170 ; V. LAGARDÈRE, Histoire et
société en Occident musulman…, p. 125, no 54.
59. Ibn cAbdūn, dans É. LÉVI-PROVENÇAL, Documents arabes inédits sur
la vie sociale et économique en Occident musulman au Moyen Âge,
Première série, Trois traités hispaniques de ḥisba, Le Caire,
Imprimerie de l’IFAO, 1955, p. 51 ; trad. par le même, Séville
musulmane au début du XIIe siècle. Le traité d’Ibn ‘ Abdun sur la vie
urbaine et les corps de métiers, Paris, Librairie orientale et américaine
G. P. Maisonneuve, 1947, p. 114, § 170 (avec mes amendements).
60. G.-S. COLIN et É. LÉVI-PROVENÇAL, Un manuel hispanique de ḥisba.
Traité d’Abū cAbd Allāh Muḥammad b. Abī Muḥammad as-Saḳaṭī de
Malaga sur la surveillance des corporations et la répression des
fraudes en Espagne musulmane, Paris, Librairie Ernest Leroux, 1931,
p. 68.

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:
61. Al-Garsīfī, dans É. LÉVI-PROVENÇAL, Documents arabes inédits…,
p. 123 ; trad. par R. Arié, « Traduction annotée et commentée des
traités de ḥisba d’Ibn cAbd al-Raɔūf et dec Umar al-Garsīfī », Hespéris
Tamuda, 1/3 (1960), p. 369-370.
62. Al-Bayḏaq, Kitāb aḫbār al-mahdī Ibn Tūmart wa-btidāɔ dawlat
al-Muwaḥḥidīn, éd. et trad. par É. LÉVI-PROVENÇAL, Documents inédits
d’histoire almohade. Fragments manuscrits du « legajo » 1919 du
fonds arabe de l’Escurial, Paris, Librairie orientaliste Paul Geuthner,
1928, texte p. 52, trad. p. 79. Voir H. R. IDRIS, La Berbérie orientale
sous les Zirides. Xe-XIIe siècles, Paris, Librairie d’Amérique et d’Orient
Adrien-Maisonneuve, 1962, I, p. 329 ; II, p. 591, 595.
63. Al-Bayḏaq, texte p. 111, trad. p. 183 ; sur les motifs de cet ictirāf,
voir texte p. 112, trad. p. 185. Voir également H. PÉRÈS, « La poésie à Fès
sous les Almoravides et les Almohades », Hespéris, 18/1 (1934), p. 37.
64. Voir H. R. IDRIS, La Berbérie orientale…, I, p. 329-330.
65. Ibn Ḥazm, Tawq al-ḥamāma…, p. 278, 279.
66. Ibn Ḥazm, Tawq al-ḥamāma…, p. 292.
67. Ibn Ḫaldūn, Discours sur l’Histoire universelle. Al-Muqaddima,
trad. de V. MONTEIL, Paris, Sindbad, 2e éd. revue, 1978, p. 769-770.
68. Al-Wanšarīsī, Mic yār, X, p. 113 ; V. LAGARDÈRE, Histoire et société
en Occident musulman…, p. 432, no 27.
69. Ibn cIḏārī al-Marrākušī, al-Bayān al-muġrib fī aḫbār mulūk al-
Andalus wa-l-Maġrib, III, éd. É LÉVI-PROVENÇAL, Histoire de l’Espagne
musulmane au XIe siècle, Paris, Librairie orientaliste Paul Geuthner,
1930, p. 49.
70. Ibn cIḏārī, Bayān, III, p. 68-74. Voir É LÉVI-PROVENÇAL, Histoire de
l’Espagne musulmane, Paris, G.-P. Maisonneuve, et Leyde, E. J. Brill,
1950, II, p. 303-304. Sur le retour du cadavre de Sanchuelo et l’injure
subie, voir F. CLÉMENT, « Quelques anecdotes dérisoires tirées de
l’historiographie maghrébo-andalouse du Moyen-Âge », Ḥawliyyāt,
Annales de la Faculté des Lettres et des Sciences humaines, Université
de Balamand (Liban), 10 (2000), p. 10-12.
71. Ibn cIḏārī, Bayān, III, p. 267.
72. Ibn Ḥayyān, dans Ibn Bassām, al-Ḏaḫīra fī maḥāsin ahl al-Ǧazīra,
éd. I. cAbbās, Beyrouth, Dār al-Taqāfa, 1399 H/1979 AD, III, p. 15.
73. Firāš. Plutôt que de la couche, il s’agit probablement des matelas et
coussins sur lesquels ils s’installent lorsqu’ils accordent audience.
74. Ibn Bassām, Ḏaḫīra, III, p. 14-15. Sur les eunuques possédant un

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:
harem, voir D. AYALON, « On the term ḫādim in the sense of “eunuch” in
the early muslim sources », Arabica, 32 (1985), p. 306.
75. Ibn Bassām, Ḏaḫīra, III, p. 16.
76. Ibn Bassām, Ḏaḫīra, III, p. 106.
77. Le sobriquet renvoie probablement au réceptacle de ses ébats :
haydūra désigne, au Maroc, une peau de mouton jetée au sol en guise
de carpette.
78. Ibn Sacīd, al-Muġrib fī ḥulā l-Maġrib, éd. ḫ. al-Manṣūr, Beyrouth,
Dār al-Kutub al-cilmiyya, 1417 H/1997 AD, I, p. 117-118, no 115.
79. Ibn cAbdūn, texte p. 51, trad. p. 114, § 170 ; al-Saqaṭī, p. 68 ; al-
Bayḏaq, texte p. 52, trad. p. 79 ; Ibn al-Qaṭṭān, dans É. LÉVI-PROVENÇAL,
« Six fragments inédits d’une chronique anonyme du début des
Almohades », dans Mélanges René Basset. Études nord-africaines et
orientales publiées par l’Institut des Hautes Études Marocaines, Paris,
Librairie Ernest Leroux, 1923-1925, II, p. 374-375 ; Jean-Léon
l’Africain, Della descrittione dell’Africa et delle cose notabili che ivi
sono, nouv. éd. trad. de l’italien par A. Épaulard, Description de
l’Afrique, Paris, Librairie d’Amérique et d’Orient Adrien-Maisonneuve,
1956 (réimp. 1980), I, p. 191.
80. Jean-Léon l’Africain, I, p. 213.
81. Al-Garsīfī, texte p. 123, trad. p. 369-370.
82. Jean-Léon l’Africain, I, p. 191.
83. Voir F. CLÉMENT, « Catégories socioprofessionnelles et métiers
urbains dans l’Espagne musulmane », dans F. GÉAL (dir.), Regards sur
al-Andalus (VIIIe-XVe s.), Madrid, Casa de Velázquez, et Paris, Éditions
Rue d’Ulm, 2006 (Collection de la Casa de Velázquez, vol. 94).
84. Voir supra.
85. Jean-Léon l’Africain, I, p. 217.
86. Ibn Sacīd, Muġrib, I, p. 118.
87. Voir Ibn cAbdūn, texte p. 48, trad. p. 108-109, § 154.
88. Voir A. BOUHDIBA, La sexualité en Islam, p. 15-22.
89. Ibn cAbdūn, texte p. 48, trad. p. 109.
90. Voir, par exemple, à propos d’Ibn šuhayd, Ibn ḫāqān, Maṭmaḥ al-
anfus, cité dans al-Maqqarī, Nafḥ al-ṭīb, I, p. 525-526 ; à propos du
poète al-Ramādī, idem, cité ibid., IV, p. 40. Voir également H. PÉRÈS, La
poésie andalouse en arabe classique au XIe siècle. Ses aspects
généraux, ses principaux thèmes et sa valeur documentaire, 2e éd.

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:
revue et corrigée, Paris, Librairie d’Amérique et d’Orient Adrien-
Maisonneuve, 1953, p. 278-279.
91. Jean-Léon l’Africain, I, p. 191.
92. Al-Garsīfī, texte p. 123, trad. p. 370.
93. Voir M. CHEBEL, L’esprit de sérail…, 2008, p. 38.
94. Al-Qayrawānī, texte p. 306, trad. p. 307.
95. Voir al-Bakrī, Kitāb al-masālik wa-l-mamālik, éd. partielle par cA.-
R. cA. al-Ḥaǧǧī, Ǧuġrāfiyat al-Andalus wa-ūrūbbā min Kitāb al-
masālik wa-l-mamālik li-Abī cUbayd al-Bakrī, Beyrouth, Dār al-Iršād,
1968, p. 116 (repris dans al-Maqqarī, Nafḥ al-ṭīb, I, p. 158) ; al-
Ḥimyarī, Kitāb al-rawḍ al-micṭār fī ḫabar al-aqṭār, éd. partielle par É.
LÉVI-PROVENÇAL, ṣifat ǧazīrat al-Andalus muntaḫaba min Kitāb al-
rawḍ al-micṭār, Le Caire, Maṭbac at al-taɔlīf wa-l-tarǧama wa-l-našr,
1937, p. 123 ; trad. par le même, La péninsule Ibérique au Moyen Âge
d’après le Kitāb al-rawḍ al-micṭār fī ḫabar al-akṭār d’IbncAbd al-Munc
im al-Ḥimyarī, Leyde, E. J. Brill, 1938, p. 149-150 ; Ibn Bassām,
Ḏaḫīra, II, p. 826 (repris dans al-Maqqarī, Nafḥ al-ṭīb, I, p. 533). Voir
également F. CLÉMENT, « Rumeurs, croyances et émotions populaires
dans l’Islam d’Occident au Moyen Âge : quelques exemples »,
Ḥawliyyāt, Annales de la Faculté des Lettres et des Sciences
humaines, Université de Balamand (Liban), 9 (1999), p. 70-73.
96. Voir H. PÉRÈS, La poésie andalouse…, p. 340, n. 4 ; M. CHEBEL,
L’Esprit de sérail…, 2008, p. 31, 39.
97. Jean-Léon l’Africain, I, p. 222.
98. Canales, municipio de Güejar Sierra (Andalousie), à une quinzaine
de kilomètres à l’est-sud-est de Grenade, sur les premières pentes de la
sierra Nevada.
99. Al-Wanšarīsī, Micyār, XI, p. 38 ; V. LAGARDÈRE, Histoire et société
en Occident musulman…, p. 478, no 65. À propos du socratisme des
mystiques et de la sodomie comme technique de transmission du
savoir, voir A. ARAZI, Amour divin et amour profane…, p. 40 sq. Sur
l’amour des mystiques pour les jolis visages, voir A. RĀĠIB BĀSĀ, Safīnat
al-rāġib wa-dafīnat al-muṭālib, Būlāq, 1282 H, p. 318-325.

Auteur

François Clément
Maître de conférences de langue

https://books.openedition.org/pur/101070?lang=fr 27/10/2023 11 55
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:
et civilisation arabes, université
de Nantes.
Du même auteur

Minorités et régulations
sociales en Méditerranée
médiévale, Presses
universitaires de Rennes, 2010
Épidémies, épizooties, Presses
universitaires de Rennes, 2017
Histoire et nature, Presses
universitaires de Rennes, 2011
Tous les textes
Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés)
sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Référence électronique du chapitre


CLÉMENT, François. Les homosexuels dans l’Occident musulman
médiéval : peut-on parler de minorité ? In : Minorités et régulations
sociales en Méditerranée médiévale [en ligne]. Rennes : Presses
universitaires de Rennes, 2010 (généré le 27 octobre 2023). Disponible
sur Internet : <http://books.openedition.org/pur/101070>. ISBN :
9782753567313. DOI : https://doi.org/10.4000/books.pur.101070.

Référence électronique du livre


TOLAN, John (dir.) ; BOISSELLIER, Stéphane (dir.) ; et CLÉMENT,
François (dir.). Minorités et régulations sociales en Méditerranée
médiévale. Nouvelle édition [en ligne]. Rennes : Presses universitaires
de Rennes, 2010 (généré le 27 octobre 2023). Disponible sur Internet :
<http://books.openedition.org/pur/101052>. ISBN : 9782753567313.

https://books.openedition.org/pur/101070?lang=fr 27/10/2023 11 55
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DOI : https://doi.org/10.4000/books.pur.101052.
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Minorités et régulations sociales en


Méditerranée médiévale

Ce livre est recensé par


Abbès Zouache, Revue des mondes musulmans et de la
Méditerranée, mis en ligne le 01 décembre 2014. URL :
http://journals.openedition.org/remmm/8427 ; DOI :
https://doi.org/10.4000/remmm.8427

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