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Logiciel Tonalities
Une interface d’annotation de partitions de musique
à partir de traités théoriques de la musique
Au fur et à mesure que les saisons et les ambassades passaient, Marco Polo t
l'apprentissage de la langue tartare et de beaucoup d'idiomes de nations et de
dialectes de tribus.
Ses récits étaient désormais les plus précis et les plus minutieux que le Grand
Khan put désirer et il n'était de requête ou de curiosités auxquelles ils ne
répondissent. Pourtant, chaque nouvelle sur un lieu rappelait à l'esprit de l'empereur
ce premier geste ou ce premier objet par lequel le lieu avait été désigné par Marco.
La nouvelle donnée recevait un sens de cet emblème, et en même temps, elle
ajoutait à l'emblème un sens nouveau. Il se pourrait, pensa Kublai, que l’empire ne
soit qu'un zodiaque des fantasmes de l’esprit.
— Est-ce que le jour où je connaîtrai tous les emblèmes, demanda-t-il à Marco,
je parviendrai en n à posséder mon empire ?
Et le Vénitien de répondre : — Sire, n’y pense même pas : ce jour-là tu seras
toi-même emblème parmi les emblèmes.
Résumé
Ce rapport retrace un stage de n d’étude réalisé à l’institut de recherche en musicologie, à Paris. Cette période
de six mois clôture cinq années de formation d’ingénieur en université de technologie, à Compiègne.
Pendant six mois, j’ai élaboré et implémenté une solution numérique pour l’analyse musicale historiquement
située des partitions de musique. Ce chantier, encore en cours, s’intègre au sein d’un vaste projet de recherche
en musicologie soutenu par l’union européenne1.
Au-delà des nombreuses connaissances techniques, méthodologiques mais aussi musicologiques que j’ai pu
acquérir, j’ai eu la chance de mener un travail de bout-en-bout, en partant d’un recueil du besoin auprès des
musicologues et en collaborant étroitement avec mon tuteur pour façonner une interface et nous aligner autour
d’un langage conceptuel cohérent. Nous avons ensuite exploré des pistes ergonomiques autour des gestes
analytiques et j’ai nalement eu l’occasion de présenter ma contribution aux chercheurs du projet européen. Les
croquis et esquisses ont pris forme petit à petit, dans une implémentation organisée et fonctionnelle, qu’il reste
encore à confronter au réel.
Pour ce rapport, et après une mise en contexte générale du stage, j’évoquerai le cadre de notre quotidien de
travail, j’aborderai notre plan d’action et ses articulations au jour le jour. Je vous proposerai en n de rencontrer
l’outil développé et sa sémantique, et je tenterai d’en dégager la portée, au vu du projet de recherche et de ses
attentes spéci ques. En n, des annexes sont disponibles en complément pour mieux cerner les processus et
matériaux qui ont régi le travail.
‣ Mots clés: musicologie, patrimoine musical européen, analyse musicale, web sémantique, IHM, ingénierie
documentaire multimédia, génie logiciel, modélisation des pratiques savantes, annotation multimédia.
‣ Le logiciel Tonalities2 rend possible le travail sur une partition de musique en s’appuyant sur un traité
théorique de la musique. En ciblant des zones précises de la partition et en navigant au sein des traités,
l'utilisateur est capable de produire des annotations et de construire des objets musicologiques autour de la
partition. Le logiciel se veut en n collaboratif et rend possible la confrontation des analyses pour mieux
élucider certaines controverses.
Sommaire
Introduction 8
I. Contextes du stage 9
1. Contexte d’accueil 9
3. Contexte d’ingénierie 16
a. Quelles préoccupations ? Un point d’entrée — le principe de falsi abilité dans les apparats critiques 16
3. Focale technique — mise au point sur les technologies du web sémantique mobilisées 29
c. CIDOC Conceptual Reference Model (CRM) — une ontologie qui donne à penser 31
2. Formalisation conceptuelle 35
3. Conception ergonomique 39
4. Architecture logicielle 48
d. Authenti cation 52
Perspectives et bilan 54
1. Conséquences épistémologiques de l’algorithme analyste 54
2. Travailler sur la partition numérique — actualisation des modes de production et de transmission des
savoirs 54
3. Épilogue personnel 55
Bibliographie 56
Annexes 57
Recherche ergonomique 57
Recherche conceptuelle 60
Recherche technique 61
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Introduction
Les disciplines savantes interrogent les mondes, proches et lointains, au travers de di érents champs d’étude.
Aux côtés de ceux qui parcourent nos mondes célestes, marins ou minéraux, il y a ceux qui voyagent parmi les
notes musicales, et qui tentent d’en dégager un sens.
Les musicologues analystes s’intéressent au patrimoine musical manuscrit et en font leur objet d’étude. La
partition musicale se voit théorisée, analysée, démêlée. Cette création de savoirs autour de l’objet « partition »
tisse progressivement du sens et nous inscrit dans une histoire musicale. Le fait musical se réveille, se documente
et se concrétise à l’aune de l’engagement du musicologue, dans un processus interprétatif, argumentatif et
délibératif à propos de l’oeuvre étudiée.
A quoi pourrait correspondre ce travail, muni d’un clavier et d’une souris ? Quelles potentialités pourraient se
voir mobilisées dans la pratique interprétative de l’analyste ? En quoi les nouveaux outils numériques viendraient-
ils former une nouvelle « prothèse » pour le musicologue, la prothèse n’étant pas ce qui s’ajoute mais ce
qui fonde.
En n, comment ré échir à ces sujets à l’heure de l’industrialisation de la mémoire et de l’informatisation des
savoirs, avec le spectre de la dépossession du sujet agissant ?
Je vous propose de poursuivre, le long de ces quelques pages, une tentative de réponse à ces interrogations, en
prenant comme point de départ un logiciel d’analyse musicale développé à l’Institut de recherche en musicologie,
dans le cadre de mon projet de n d’étude en ingénierie informatique, et d’un projet européen autour de la
musicologie.
Après une mise en contexte du stage et de son sujet, j’évoquerai le cadre de mon quotidien de travail, en
présentant le paradigme du web sémantique. Je vous proposerai de rencontrer l’outil développé ainsi que le
travail conceptuel, ergonomique et technique qui a imbibé cette réalisation. Je tenterai en n d’en dégager la
portée, au regard de certaines attentes spéci ques du projet, en transmettant, je l’espère, l’enthousiasme qui
m’a animé durant ce stage.
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I. Contextes du stage
1. Contexte d’accueil
3 Nicholas COOK et Christophe DILYS, « Qu’est-ce que la musicologie ? », site de la Revue du Conservatoire. (consulté en ligne le
22/07/2022)
4 Guido ADLER, « Étendue, méthode et buts de la musicologie », 1885. (cité dans Nicholas COOK et Christophe DILYS)
5 Pierre AUBRY, Mélanges de musicologie critique : la musicologie médiévale, histoire et méthodes, Paris, Welter, 1900.
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majorité béné cient d'un statut de fonctionnaire, les autres sont des agents non titulaires, contractuels ou
vacataires.
Les acteurs au coeur de la politique nationale de recherche publique sont les unités mixtes de recherche (UMR).
Ces unités sont implantées sur l'ensemble du territoire national, ce sont des laboratoires qui regroupent des
chercheurs rattachés au CNRS, aux universités, et potentiellement à d’autres organismes publics7. Une grande
partie de la recherche en musicologie se mène au sein ce ces unités. Pour la plupart, les musicologues sont
LE LABORATOIREà des
rattachés PROGRAMMES
unités de RESSOURCES
recherche PROJETS DE RECHERCHE
pluridisciplinaires PUBLICATIONS
en sciences ÉVÉNEMENTS
humaines. Dans cette con guration, la
musicologie
Accueil> se maintient comme discipline « satellite » autour d’un sujet de recherche délimité.
Le laboratoire> Organigramme
Il existe aussi plusieurs laboratoires en France spécialistes d’une discipline ou d’une période, le CNBV pour la
musique baroque, l’IRCAM pour la recherche en électro-acoustique, mais la spéci cité de l’institut de recherche
DIRECTION
en musicologie (IReMus — UMR 8223) est qu’il aborde la plupart des sous-disciplines de la musicologie en
Directeur Gilles DEMONET
formant un groupe de recherche généraliste etDirecteur
uni adjoint
é autour de la musicologie. Par ailleurs l’IReMus assure une
Nicolas DUFETEL
mission de valorisation du patrimoine musical conservé en France, mission liée à ses partenariats privilégiés avec
la Bibliothèque nationale de France (BnF) et le ministère de la Culture.
COMITÉ STRATÉGIQUE
L’IReMus compte soixante-dix-huit membres titulaires
Jean-Pierrepermanents,
BARTOLI enseignants-chercheurs, chercheurs CNRS,
Achille DAVY-RIGAUX
conservateurs du département de la Musique de la BnF, ingénieurs et techniciens, cinquante chercheurs associés
Nicolas DUFETEL
et cent quarante-huit doctorants, ce qui constitue (quantitativement) la plus importante unité de recherche en
France pour la musicologie8.
ADMINISTRATION - GESTION SYSTÈME D'INFORMATION ACCOMPAGNEMENT À LA RECHERCHE
L’IReMus développe les cinq axes de recherche et les quinze équipes de recherche présentées
Marianne COUTURES Thomas BOTTINI ci-dessous, dont
Nathalie BERTON-BLIVET
Emilie DUMUIS Christelle CHEVALLIER Thomas BOTTINI
l’équipe Théorie musicale, méthodes et pratiques analytiques,
Marie-Angélique MENNECIERqui fut mon équipe d’accueil. Nous y reviendrons
Pascal DENÉCHEAU
David PENOT Alban FRAMBOISIER
davantage en prochaine partie. Fabien GUILLOUX
1.2. Corpus et collections 3.2. Genres, répertoires et 4.2. Cadres institutionnels et 5.2. Pédagogie, didactique
Responsable(s): Styles sociaux et cognition
Catherine VALLET-COLLOT 2.2 Histoire des théories Responsable(s): Responsable(s) Responsable(s):
Denis HERLIN musicales Muriel BOULAN Hyacinthe RAVET François GIROUX
Responsable(s): Philippe CATHÉ Louisa MARTIN-CHEVALIER Philippe LALITTE
Théodora PSYCHOYOU
CONSEIL DE LABORATOIRE
Schéma — Organigramme de la recherche à l’IReMus
Les travaux réalisés par l’IReMus prennent ainsi des formes variées :
‣ éditions critiques d’œuvres musicales (voir la section sur les apparats critiques), de traités et d’ouvrages
pédagogiques, de correspondances et autres écrits de musiciens ;
‣ recherches sur l’interprétation des musiques anciennes et contemporaines en collaboration avec les musiciens
et les compositeurs.
En n, l’IReMus est membre du Collegium Musicæ de l’Alliance Sorbonne Université, qui fédère plusieurs dizaines
d’institutions pour une approche transversale et interdisciplinaire de la musique, et dont fait partie l’université de
technologie de Compiègne (UTC) au travers du laboratoire BioMécanique et BioIngénierie (BIMI — UMR
7338). Le Collegium Musicæ rassemble musiciens et chercheurs d’horizons variés, autour de la création, la
recherche, la conservation et la pratique musicale9.
Genèse
L'IReMus est né en janvier 2014 de la fusion de trois équipes : les deux anciennes équipes d'accueil en
musicologie de Sorbonne Université (à l’époque université Paris IV-Sorbonne), l'Observatoire Musical Français
(OMF), l’équipe Patrimoine et Langages Musicaux (PLM), et l'Institut de recherche sur le patrimoine musical
en France (IRPMF), ancienne unité mixte de recherche du CNRS, de la BnF et du Ministère de la Culture.
L’IReMus, en tant que nouvelle UMR, a donc repris les 3 tutelles de l’IRPMF avec une quatrième, Sorbonne
Université. Les quatre tutelles de l’unité sont donc :
Gouvernance
DIRECTION
Directeur Gilles DEMONET
Directeur adjoint Nicolas DUFETEL
COMITÉ STRATÉGIQUE
Jean-Pierre BARTOLI
Achille DAVY-RIGAUX
Nicolas DUFETEL
1.2. Corpus et collections 3.2. Genres, répertoires et 4.2. Cadres institutionnels et 5.2. Pédagogie, didactique
‣ Jouer un rôle actif et utile au sein de la communauté
Responsable(s): Styles musicologiquesociaux
; et cognition
Catherine VALLET-COLLOT 2.2 Histoire des théories Responsable(s): Responsable(s) Responsable(s):
‣ Constituer
Denis HERLIN une plate-forme pour l’interdisciplinarité
musicales
Responsable(s):
;
Muriel BOULAN
Philippe CATHÉ
Hyacinthe RAVET
Louisa MARTIN-CHEVALIER
François GIROUX
Philippe LALITTE
Théodora PSYCHOYOU
‣ Renforcer les liens avec le monde professionnel ;
1.3. Interprétation, pratiques
musicales et enregistrements 3.3. Sémiotique Musicale (ex 4.3. Musique et Religion(s) 5.3. Esthétique et liens
‣ Développer
Responsable(s):
Isabelle RAGNARD
une vulgarisation exigeante
2.3. Historiographie
épistémologie
et et de qualité, incluant notamment
axe notation)
Responsable(s):
Responsable(s)
Jérôme CLER
le renforcement duautres
avec les lienartsavec la
Responsable(s):
formation ; Responsable(s): Jean-Pierre BARTOLI Nathalie BERTON-BLIVET Christophe CORBIER
Achille DAVY-RIGAUX Jean-Marc CHOUVEL Sylvie DOUCHE
Yves BALMER
‣ Favoriser l’accompagnement et l’insertion professionnelle des jeunes chercheurs et chercheuses.
Ne gure pas sur l’organigramme le conseil de laboratoire, présidé par le directeur de l'unité, qui est une instance
CONSEIL DE LABORATOIRE
consultative entre la direction et le personnel de l’unité. Le conseil est notamment appelé à donner son avis sur
toute mesure relative aux moyens, à l'organisation et au fonctionnement de l’unité10.
Par ailleurs, l’IReMus dispose d’un comité stratégique pour accompagner sa stratégie et son développement.
MEMBRES DE DROIT MEMBRES NOMMÉS MEMBRES ÉLUS
Cette instanceGilles
nonDEMONET
règlementaire est laissée à la responsabilité
Mathias AUCLAIR
de chaque unité et de ses tutelles.
Paul ALBENGE Doctorant(e) (représentant(e) titulaire)
Nicolas DUFETEL Jean-Pierre BARTOLI Stéphane AUDARD Doctorant(e) (représentant(e)
En n, le CNRS comme organisme de recherche supervisant l’unité assure un suivi de l’IReMus
Achille DAVY-RIGAUX suppléant(e)) au travers d’un
Louisa MARTIN-CHEVALIER Thomas BOTTINI Ingénieur d'études
institut, l’INSHS, et d’une délégation régionale, la délégation
Alice TACAILLE Paris-Centre. Il y a Muriel BOULANdélégations
dix-huit régionales
Maîtresse de conférences
Christophe CORBIER Chargé de recherche
du CNRS réparties sur l’ensemble du territoire et dix instituts du CNRS qui couvrent chacun
Astrid DESCHAMPS-DERCHEU unagrégée
Professeure champs
Olivier JULIEN Maître de conférences
disciplinaires plus ou moins étendu (biologie, physique, chimie, ingénierie, sciences Raphaëlle humaines
LEGRAND Professeureet sociales,
mathématiques, écologie, sciences de l’information et sciences de l’univers …). Marie-Angélique MENNECIER Ingénieure d'études
Anne PIÉJUS Directrice de recherche
Théodora PSYCHOYOU Maîtresse de conférences
‣ Institut des sciences humaines et sociales du CNRS (INSHS) : Il pilote la stratégie de recherche
Catherine VALLET-COLLOT du CNRS
Conservatrice
dans le champs des sciences humaines et sociales et coordonne les activités et les projets des laboratoires qui
lui sont rattachés.
BUREAU DES JEUNES CHERCHEURS ASSISTANT DE PRÉVENTION ET CORRESPONDANT DE FORMATION DE
Paul ALBENGE
L'UNITÉ
‣ Délégation régionaleStéphane
(DR) Paris-Centre du CNRS : Elle a un rôle de gestion
AUDARD
Louise CONDI
et d’accompagnement de
Thomas BOTTINI
Administrateur de bases de données
proximité des laboratoires répartis en Île-de-France. Elle apporte une aide
Francesca MIGNOGNA Fabienpour
GUILLOUXle montage de projets
David MUNIVE
industriels et de programmes
Marie RENAUDINeuropéens.
10Piloter les structures de recherche, site du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. (consulté en ligne le 04/08/2022)
TUTELLES
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‣ Enseignant-chercheur (EC) : maître de conférences (MC) ou professeur des universités (PU). Il a la double
mission d'assurer le développement de la recherche au sein de l’unité et de transmettre aux étudiants les
connaissances qui en sont issues par des charges de cours dans les licences et masters de musicologie. La
tutelle responsable est Sorbonne Université.
‣ Doctorant : Il s'engage, sous la supervision d'un directeur de thèse, dans un projet de recherche comprenant
la rédaction et la soutenance d'une thèse dans le but d'obtenir le diplôme de docteur. Avec le contrat
doctoral, le doctorant dispose d'un vrai contrat de travail pour trois années et, par conséquent, d'une
véritable reconnaissance du doctorat en tant qu'expérience professionnelle.
‣ Post-doctorant ou agent contractuel : Chercheur ou personnel qui s’engage dans un contrat à durée
déterminée (CDD). Le contractuel est payé sur les fonds propres de l’unité ou dans le cadre d’un projet de
recherche nancé.
‣ Chercheur ou enseignant-chercheur associé : l'association est une situation qui permet à un professionnel
d'assurer des fonctions de chercheur ou d'enseignant-chercheur, à mi-temps ou à temps plein.
‣ Attachés temporaire d'enseignement et de recherche (ATER) : Il assure des enseignements tout en préparant
une thèse ou en poursuivant d'autres travaux de recherche, en qualité d'agent contractuel.
En n d’autres statuts non contractuels existent à l’IReMus. Les personnes ne sont pas considérées comme
membres salariés car ils ou elles ne perçoivent pas de salaire.
‣ Vacataire : Il est recruté pour assurer une mission xe et déterminée dans la fonction publique.
Le vacataire est rémunéré à la tâche.
‣ Stagiaire : Il réalise des missions conformes au projet pédagogique de son établissement d’enseignement
d’origine. Il perçoit en retour une grati cation au seuil minimal xé par l’État.
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L’équipe de recherche Théorie musicale, méthodes et pratiques analytiques, dirigée par Christophe GUILLOTEL-
NOTHMANN, est une équipe d’analyse musicale qui s’intéresse aux partitions de musique. Ce dernier présente
l’analyse musicale comme « démarche analytique [qui] consiste à décomposer et à recomposer les éléments
musicaux dans l’optique d’identi er et/ou d’étudier des unités et des catégories sémiotiques et d’en exprimer les
relations formelles et combinatoires »11. L’analyse musicale des partitions permet ainsi d’en examiner le genre, la
forme, la structure, les indications de mouvement et de tempo, les tonalités, les enchaînements harmoniques, les
formules cadentielles ou encore l’orchestration. Le travail peut aussi se focaliser sur la mélodie, les di érentes
voix polyphoniques, le rythme, les nuances, la dynamique ou encore les ornementations.
« Le projet scienti que de l’équipe est centré sur l’exploration des logiques inhérentes aux répertoires tout en
reconnaissant que les modèles qui nous permettent de décoder ces logiques ont des implications scienti ques,
historiques, socio-culturelles, pédagogiques, esthétiques, philosophiques qui situent l’analyse et la théorisation dans un
réseau de connaissances complexe. »12
Il ne s’agit non pas de trouver une structure profonde indépendamment d’un ancrage historique mais de
mobiliser une trousse conceptuelle délimitée pour l’analyse. Cette approche historiquement située des partitions
de musique di ère donc d’une approche structuraliste qui se décorèlerai du contexte et du choix des outils de
l’analyse.
Plus spéci quement, Christophe GUILLOTEL-NOTHMANN oriente ses recherche sur les interactions entre l'histoire
du système musical et l'histoire des idées à l'époque moderne, la théorie et l’évolution du langage musical durant
la Renaissance, la sémiologie de la musique, la modélisation de connaissances musicales ainsi que l’épistémologie
de la musicologie numérique.
Dans la perspective de ré échir sur ses méthodes, et de tirer partie des potentialités du numérique, l’ambition
d’un projet mêlant informatique et musicologie autour de ce travail sur les partitions de musique a naturellement
germé pour l’équipe. En e et pour Christophe, l’outil numérique « facilite l’interconnexion, la mise en série, la
classi cation et l’exploration » de données. L’ambition serait d’arriver à développer un logiciel d’analyse musical
qui puisse permettre de faire le lien entre la logique interne du langage musical et son contexte théorique,
culturel ou esthétique. Cette recherche s’est nalement concrétisé au sein d’un projet de recherche d’envergure
internationale, le projet Polifonia.
Le projet européen Polifonia a pour objectif de recréer les liens entre la musique et le contexte historique dans
lequel elle est née, du XVIe siècle à nos jours. Une équipe internationale et interdisciplinaire développe un
ensemble d'outils numériques qui permettront d'explorer et de mieux comprendre notre patrimoine musical.
Informaticiens, musicologues, ethno-musicologues et anthropologues, linguistes, archivistes du patrimoine
musical et professionnels de la création sont réunis pour développer des outils numériques de navigation,
d’exploration, d'extraction, d’analyse et de mise en relation, destinés aux experts comme à un plus large public.
Ils permettront de découvrir l'évolution des musiques dans le temps et l'espace, mais aussi leurs liens avec les
sociétés et les grands événements tels que les guerres, les révolutions, ou les pandémies. Comment étudier, pour
mieux les préserver, des centaines de cloches séculaires ? Comment ressent-on la musique dans notre enfance ?
Comment représenter les réseaux artistiques dans l’histoire de la musique européenne ? Autant de questions
auxquelles s’e orce de répondre le projet Polifonia.
11 Christophe GUILLOTEL-NOTHMANN, Les signes musicaux et leur étude par l’informatique. Le statut épistémologique du numérique dans
l’appréhension du sens et de la signi cation en musique, Revue musicale OICRM, 2020.
12 Christophe GUILLOTEL-NOTHMANN, « Projet scienti que, Les structures internes et leurs modélisations » (consulté en ligne le
17/08/2022)
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Financé par l’Union européenne pendant quarante mois, ce projet de recherche doit, d’ici mai 2024, livrer un
portail web autour duquel graviteront dix projets pilotes, ciblant chacun des sujets très variés, et dont l’un — le
projet Tonalities — fut la raison d’être de mon stage.
Tonalities est l’un des dix pilotes du projet Polifonia, dont le travail doit aboutir entre-autre, au logiciel d’analyse
musical imaginé plus haut. Ce pilote a pour objectif de mettre en lumière l’histoire du langage musical, tout en
essayant de montrer à quel point la perception de cette évolution dépend des grilles de lecture théoriques,
historiques et philosophiques adoptées. Tonalities se focalise sur une période particulière de la musique
occidentale allant de la Renaissance au XVIIIe siècle et vise à retracer la naissance progressive de la musique
tonale. En cherchant à éclairer les points de bascule et les points de rencontre entre plusieurs systèmes
musicaux, les musicologues défendent l’idée qu’une même oeuvre musicale peut s’envisager à la fois dans sa
modalité (modèle pré-tonal) et dans sa tonalité. Ce double ancrage théorique pourrait venir renouveler notre
compréhension de cette période musicale.
Pour soutenir la pratique musicologique, le logiciel à développer doit embarquer des enjeux scienti ques,
techniques et méthodologiques. Tout d’abord sur un niveau scienti que, l’enjeux premier est de pouvoir
confronter des interprétations, représenter le dissensus pour parvenir à s’entendre sur le statuts des objets de la
partition. « L'objectif n'est pas seulement de produire des observations quanti ables, mais aussi de concevoir
des méthodes qui permettent de véri er des hypothèses qualitatives et de confronter nos points de vue
interprétatifs », souligne Christophe GUILLOTEL-NOTHMANN. Un second enjeux scienti que, qui est une condition
pour le premier, est de garantir la traçabilité en constituant des jeux de données ouverts qui explicitent le
contexte de production des données : hypothèses de travail, questions de recherche, cadrages théoriques,
démarches scienti ques.
« D’après Nattiez, « On ne peut pas représenter une pièce [musicale] par un schéma unique. ». La partition est alors
une ressource inépuisable de découpage pouvant donner lieu à la construction de points de vue multiples. »13
13Thomas BOTTINI, Instrumenter la lecture critique personnelle multimédia, thèse de doctorat, Université de technologie de Compiègne,
2010. p. 35
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3. Contexte d’ingénierie
a. Quelles préoccupations ? Un point d’entrée — le principe de falsi abilité dans les apparats critiques
Avant de présenter le projet Sherlock, j’aimerais prendre comme point d’entrée les apparats critiques produits
par l’IReMus, car il me semble que ces travaux recouvrent des préoccupations similaires.
L’IReMus est spécialiste des apparats critiques d’oeuvres musicales. Un apparat critique est une édition
scienti que d’une oeuvre musicale ancienne suppléée par un ensemble d’annotations qui justi ent et
contextualisent les choix opérés entre des versions parfois contradictoires de l’œuvre. Ce travail s’ancre
pleinement dans les préoccupations du musicologue, évoquées en première partie de ce rapport, et soutient par la
même occasion les préoccupations de l’éditeur de musique, qui cherche à établir le texte le plus juste possible
pour le faire jouer par les musiciens d’aujourd’hui.
Dans la liation des sources d’une mêmes oeuvre, le musicologue doit alors faire des choix, sur la base de ses
connaissances historiques, concernant des zones de tension amenées par des versions opposées d’une même
oeuvre. Le musicologue, en élucidant des sources contradictoires et fragmentaires, produit un travail
herméneutique, c’est-à-dire un travail d’interprétation de textes anciens. L’écrit, qu’on tend souvent à sacraliser,
n’est donc pas autant immuable qu’il n’y parait, l’écrit peut et doit pouvoir être remis en cause, interprété, mis
en contexte, car il s’intègre dans un paysage historique nécessairement partiel et lacunaire.
« Les documents écrits sont muets, et ce n’est que par leur interprétation qu’ils résonnent à nouveau. Ce que nous
entendons comme musique du passé est, dans ce sens, le re et de ce que nous en comprenons aujourd’hui. En dehors
de cette compréhension, il n’y a pas de musique du passé. »14
Dans une perspective plus générale, il semble fondamental de pouvoir systématiquement re éter le contexte de
production des connaissances musicologiques au moment de la di usion. Autrement dit, quel que soit le support
de publication scienti que, qu’il s’agisse d’une édition papier ou d’une base de donnée numérique, il semble
fondamental de ne pas se limiter aux données scienti ques produites sans prendre en compte « la dynamique
interprétative entre les sources et les connaissances qui en sont tirées et qui sont convoquées a n d’en éclairer la
compréhension »15. Dans toute publication scienti que doit gurer la démarche qui permet de cheminer au
résultat.
« La validité scienti que du travail de l’analyste ne concerne pas le fait d’« arriver à la vérité », mais de rendre son
travail falsi able, explicite et réitérable. »16
« Le moins que l’on puisse attendre d’une démarche musicologique, c’est qu’elle rende explicites les données sur
lesquelles elle s’appuie, qu’elle justi e comment elle les a obtenues, qu’elle précise la théorie qu’elle utilise pour les
expliquer et qu’elle fournisse les principes de la grille avec laquelle elle les interprète. »17
Avec cette volonté de garantir une connaissance en sciences humaines située, le projet de recherche Sherlock,
mené à l’IReMus dans le cadre de l’appel à projets Sorbonne Université Emergence 2019-2021, est un vaste
projet de conception, développement, ré exion, modélisation, valorisation de l’ensemble des données numériques
produites à l’IReMus. C’est un projet de refonte à la fois méthodologique, scienti que et technique des données
scienti ques numériques, aboutissant à des interfaces web et un graphe de connaissances public et interrogeable.
Au-delà de la recherche en musicologie, le projet Sherlock est voué à s’étendre à l’ensemble des sciences
humaines relevant d’une démarche historico-herméneutique18, c’est-à-dire disposant d’un corpus comme sujet
d’étude. Dans ce rapport nous désignerons sous le terme d’Humanités les disciplines relevant de cette démarche.
14 ibid
15 S.H.E.R.L.O.C.K. : Social sciences & Humanities corpora Exploration and active Reading with Linked, Open & Contributive Knowledge
organisation systems, site de l’IReMus. (consulté en ligne le 30/07/2022)
16 Thomas BOTTINI, Instrumenter la lecture critique personnelle multimédia, thèse de doctorat, université de technologie de Compiègne,
2010. p. 34
17 Jean-Jaques NATTIEZ, « Sémiologie musical et herméneutique — une analyse et quelques considérations épistémologiques », Les Cahiers
(Jürgen HABERMAS, 1976) et reprises dans Christophe DEJOURS, Le Facteur Humain, 2018. p. 96
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Le corps ingénieur de l’IReMus, composé de Thomas Bottini et Rebecca Bristow, a mis en place une
méthodologie en cinq mouvements pour mener ce travail de formalisation et de numérisation des travaux de
recherche à l’IReMus.
‣ Écouter : La première étape vise à recueillir les propos des chercheurs lors d’entretiens dans une démarche de
maïeuticien19. L’ingénieur, qui ne dispose pas de l’expertise sur le contenu étudié, assume son rôle de naïf
(« qui vient de naître »). Il découvre le travail du chercheur, son savoir-faire et ses modes d’action et
délimite avec celui-ci le cadre de sa recherche et ses caractéristiques à mettre en avant.
‣ Accompagner : Une fois un cadre convenu, l’ingénieur accompagne le chercheur pour la saisie des données
scienti ques. Pour cela ils conviennent ensemble d’un outil numérique et l’ingénieur met en place une
interface de saisie pour le chercheur (un tableur simple ou une interface de gestion éditoriale par exemple).
Cette étape cruciale positionne le chercheur face à un outil numérique, pour que sa pensée s’y forme en s’y
glissant, et puisse aider sa formulation. Le formalisme du numérique doit pouvoir l’aider à révéler la structure
interne de son objet d’étude, alors même qu’il peut être source de frustration pour le chercheur20. C’est ce
que mon tuteur de stage appelle la vertu heuristique21 de l’outil. L’accompagnement lors de cette étape est
donc crucial pour s’assurer que l’appropriation par le chercheur n’abime pas son travail.
‣ Modéliser : Une fois le recueil fait, il convient de modéliser les données scienti ques, leur contexte de
production et les sources auxquelles elles se rapportent. La modélisation faite par l’ingénieur est une
construction qui consiste à sélectionner, tout comme une photo procède d’un cadrage. On évitera de dire que
l’on révèle de manière « neutre » le travail du chercheur mais plutôt que l’on souhaite en donner une
représentation. Pour modéliser, on mobilise une grille de lecture et de représentation pour re éter l’objet sous
le prisme d’un modèle, parce-que c’est fertile, et parce-que cela donne à voir22. À l’IReMus, nous utilisons un
modèle conceptuel propre au patrimoine culturel nommé CIDOC-CRM. Nous reviendrons davantage sur ce
modèle conceptuel en seconde partie du rapport.
‣ Générer : Après l’étape de modélisation, qui n’utilise aucune compétence technique particulière mais mobilise
plutôt des compétences d’analyse, l’ingénieur mouline les données transmises par le chercheur et en fait des
données sémantisées d’après la modélisation réalisée lors de l’étape précédente. Le paradigme technique dans
lequel s’inscrit le projet Sherlock est celui du web sémantique, dans lequel circulent des informations
structurées pour lesquelles la sémantique n’est pas ambigu mais toujours explicitée. Nour reviendrons
davantage sur ce paradigme en seconde partie du rapport.
‣ Di user : Les données sémantiques établies lors de l’étape de génération sont publiées en ligne et mises en
relation dans un graphe de connaissance. Grâce au projet Sherlock-client, il est possible de naviguer dans le
graphe directement depuis un navigateur internet, étant donné que chaque ressource du graphe dispose d’une
adresse URL. Le graphe de connaissance est aussi interrogeable par un public maîtrisant le langage de
requêtage SPARQL. En n, l’équipe d’ingénieurs de l’IReMus développe des sites internets thématiques
spéci ques à chaque projet de recherche qui récupèrent des données ciblées du graphe pour faciliter la
consultation tout-public.
Dans le cadre du projet Tonalities, j’ai pu participer aux étapes de recueil, de modélisation, de génération des
données et de développement d’interface. Nous reviendrons sur ces quatre travaux centraux dans la prochaine
partie pour analyser les situations de travail qui en découlent puis en dernière partie pour en dégager les
productions résultantes.
19 La maïeutique est l’art de Socrate qui, par des questions et non par un savoir, amène son interlocuteur à « accoucher » de vérités qu’il
possédait sans le savoir.
20 Le numérique n’est pas neutre mais ambivalent. Le formalisme qu’il induit pour le travail de la recherche émancipe et aliène
concomitamment. Tout objet technique est pharmacologique : il est à la fois remède et poison.
21 L'heuristique (εὑρίσκω — « je trouve ») quali e tous les outils intellectuels, tous les procédés et plus généralement toutes les démarches
favorisant la découverte.
22 Nicolas SALZMANN, « Épistémologie de la représentation : représenter, c’est produire un point de vue », polycopié de l’UV DI05. p. 141.
Une des spéci cités du projet Tonalities, contrairement à un projet de publication de corpus numérique, est que
le processus de création de la donnée scienti que n’est plus linéaire, mais circulaire. En plus de pouvoir consulter
les données scienti ques déjà saisies, l’interface permet la saisie analytique directement depuis l’interface nale.
Les étapes d’accompagnement pour la saisie et de di usion se retrouvent alors imbriquées dans une même
concrétisation logicielle, qui a animée la majorité de mes six mois de travaux.
Le projet Sherlock correspond à une situation de travail qui mélange sciences historico-herméneutiques
(Humanités) avec un travail informatique et de l’ingénierie de connaissances (Numérique), ce qui constitue une
situation d’Humanités Numériques. Sans chercher à dé nir ce terme, qui d’après GUICHARD n’est « ni une
discipline ni un champ de savoirs »23 on préférera parler de la « construction d’un milieu ». En e et la notion
d'Humanités Numériques subit des critiques du fait des divergences internes de sa communauté.
Plutôt que d’y voir une solution miracle à des problématiques de recherche, les Humanités Numériques en posent
tout autant : En quoi le numérique peut-il contribuer à promouvoir la recherche, la culture et le patrimoine ? En
quoi est il porteur de nouveaux modes d’archivage et de lecture des sources, de nouveaux modes de travail (plus
ou moins prolétarisants/individuants), de nouveaux lieux de production ou encore inviter de nouveaux publics ?
De nombreuses contributions intellectuelles participent à l’e ort ré exif visant à délimiter cette notion. Yves
CITTON présente la voie de deux Humanités Numériques, l’une quantitative et l’autre qualitative (l’une
industrielle et l’autre artisanale ; l’une englobante et l’autre localisée). D’un côté un « traitement industriel
aveugle opéré par Google Books » de l’autre des praticiens qui mènent un « travail relevant d’un bidouillage
(hacking) pleinement artisanal impliquant un renouveau et un redéploiement des pratiques interprétatives ».
Cela ne fait aucun doute que ce travail est mené à l’IReMus suivant la deuxième perspective. Citton développe
davantage les secondes Humanités Numériques, qu’il appelle de ses voeux :
« Ces humanités numériques se reconnaissent à leur caractère qualitatif (allant bien au-delà du seul traitement
automatique de grandes quantités de données), interprétatif (inscrivant le travail d’archivage, de description ou de
mise en forme au sein d’une ré exion où l’heuristique n’est jamais dénuée de questionnements herméneutiques),
expérientiel (impliquant le chercheur ou la chercheuse comme sujets socio-politiques agissant à partir de modes
cognitifs, de sensibilités, de besoins et de solidarités multiples et parfois contradictoires), a ectif (incluant les
dimensions de désirs, de peurs et d’espoirs qui animent nos agendas de recherche) et génératif (ne se contentant pas
de « numériser » des corpus préexistants, mais pro tant de la puissance du numérique pour découvrir, explorer,
constituer, composer, créer des corpus inédits, voire impensables auparavant). »24
Ainsi, nous nous proposons de contribuer à cet e ort de discernement des humanités numériques en présentant
et en analysant les diverses situations de travail qui ont été au coeur de ce stage. C’est le thème de la partie qui
suit.
23 Éric GUICHARD, « Les humanités numériques n'existent pas », 2019, preprint, p. 11.
24 Yves CITTON, « Une médiapolitique des savoirs encore à inventer », Multitudes, 2015. p. 4.
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Dès mon premier jour, j’ai tout de suite été accueilli par les musicologues Achille DAVY-RIGAUX et Marco
GURRIERI, travaillant sur le projet Tonalities. Ils m’ont présentés leurs travaux de recherche et les attentes
musicologiques spéci ques du projet, qui ont tous deux fait l’objet de la première partie du rapport.
Les musicologues m’ont aussi présentés et transmis une maquette de l’interface qu’ils espèrent pouvoir un jour
rapatrier dans leur travail.
De son côté, Thomas m’a pris en charge lors de la première semaine pour m’exposer les choix technologiques
qu’il a convenu, dans l’optique de superviser et maintenir ce projet applicatif à plus long terme. Thomas a fait le
25 Christophe DEJOURS, « Vers une autre dé nition du travail », Le Facteur Humain, 2018. p. 40
26 ibid. p. 43
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choix d’un développement web porté par le framework React et quelques dépendances communautaires
reconnues comme Material UI pour la création d’interfaces suivant les principes design de Google et Redux
Toolkit pour la gestion de l’état global côté client et l’envoi des requêtes côté serveur.
J’ai rapidement débuté ma formation personnelle en React et ai pris beaucoup de plaisir à apprendre les grands
principes qui régissent cette technologie comme la transmission de l’information entre les composants par les
props ou l’aspect réactif permis par les hooks. J’ai aussi découvert l’approche fonctionnelle des composants
React, qui peut faire l’usage des nouvelles syntaxes de Javascript.
Tout au long du stage, nous convenions de points réguliers avec Thomas pour déceler les éléments bloquants,
faire une relecture de mon code et convenir ensemble des prochains morceaux à implémenter. Cela permettait,
au travers d’articulations régulières, de faire le pont avec des besoins musicologiques établis sur le temps long.
J’ai particulièrement apprécié la dimension exploratoire dans mon travail de conception ergonomique. La
maquette nous donnait une balise mais était agençable. Le projet étant avant tout un projet de recherche, le
travail informatique embarque aussi à son niveau une dimension de recherche. Certes il y a des attendus, mais il
est possible et même souhaitable de faire émerger les problèmes et les résolutions lors du travail conceptuel et
d’implémentation.
Ces points individuels avec Thomas ont été plus fréquents sur la première moitié du stage, lorsque je réalisait un
premier prototype React pour l’adressage des partitions de musique. Cela constituait le plus gros dé
ergonomique, à savoir être capable de sélectionner des éléments sur une partition de musique, pourtant invisibles
et non adressables dans la structure même de celle-ci. Ce travail s’est appuyé sur un travail déjà existant de
Thomas qui consistait à expliciter des informations d’une partition musicale.
En milieu de stage, Antoine a rejoint l’équipe technique a n de mettre en place un service REST authenti é.
J’ai en parallèle mené la transition de mon premier prototype React vers un nouveau projet utilisant Redux et
interagissant avec le service d’Antoine pour pouvoir sauvegarder les actions de l’utilisateur sur la base de donnée
Sherlock.
Lors de cette seconde moitié de stage, nous avons rééquilibré nos responsabilités. Thomas orchestrait le projet,
avec une double casquette maître d’oeuvre et commanditaire. Il était principal garant de la généricité de notre
modèles de donnée, et de la cohérence de l’interface de Tonalities au sein de l’infrastructure Sherlock.
Antoine et moi collaborions étroitement sur le choix des routes à créer pour l’interaction client-serveur. En
parallèle, J’ai écrit avec Rebecca un script de conversion du travail analytique de Christophe sur les modèles
historiques pour le récupérer sous forme de JSON. En n, les analyses algorithmiques de Christophe ont été
récupérées et explicitées par Thomas.
OWL JSON
Traité théorique
(Zarlino, 1558) Requêtes SPARQL
Explicitation des structures de (Félix)
Gravure musicale numérique la partition SERVICE
(Simon) (Thomas)
TRIPLESTORE
Analyse par apprentissage
automatique
Partition (Christophe) Extraction et conversion des résultats
(In Convertendo Dominus, 1751) OWL suivant le modèle d’annotation RDF
(Thomas)
Schéma — Création et circulation des données numériques dans Tonalities, de la source historique à l’interface numérique
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Mon travail s’est donc intriqué au croisement de nombreuses sources, se situant à l’aval des analyses
musicologiques de Christophe et des travaux de sémantisation de Thomas.
La structure globale du travail était celle d’un développement itératif du logiciel avec des réunions mensuelles
auprès des musicologues. Ces moments d’échange ont permis de garder des allers-retours constants pour
restituer nos avancées, autant musicologiques que numériques, et s’aligner ensemble sur le travail à prévoir lors
des prochaines semaines, et mettre au clair les attendus xés par Polifonia. Nous avons établi un graphe priorité-
complexité qui a permis de mieux cerner les impératifs de travail.
Lors d’une réunion d’avancement courant avril, j’ai présenté le premier prototype d’adressage des partitions. Ce
moment a nourri des échanges riches autour de l’interface et m’a permis de mieux saisir l’intérêt que porte
l’équipe pour ce travail.
J’ai commencé par introduire les concepts clés du logiciel en présentant un support, puis j’ai directement
présenté le logiciel, ses modes d’interaction avec la partition, les entités interrogeables sur celle-ci, et la création
de groupes arbitraires d’entités.
Trois types d’élements unitaires à sélectionner ou à inspecter sur une
Des sélections modifiables et réemployables
partition
Une note (unité structurelle) Les sélections regroupent des composants de la partition mais peuvent aussi
Une verticalité (unité temporelle) réemployer des sélections déjà existantes.
Une note positionnée (conjonction d’une note et d’une verticalité)
Support de présentation — Revue d’avancement, extrait 1 Support de présentation — Revue d’avancement, extrait 2
Figure 3: Création d’une sélection nommée à partir d’une sélection précédente et d’éléments de
Figure 2: Création d’une sélection nommée à partir d’éléments unitaires sur la partition la partition
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En n de stage, Christophe m’a proposé de participer à la réunion plénière de Poli onia. Les chercheurs y sont
invités à partager leurs travaux pour éviter l’e et silo que peut induire la taille d’un projet de recherche à cette
échelle.
J’ai pu contribuer aux supports de présentation en développant des animations du logiciel qui re ètent les
principales interactions envisageables. Cela a permis de rendre plus palpable les cas d’usage sans faire de
démonstration, trop coûteuse en temps.
J’ai d’abord présenté certains aspects techniques de l’outil développé, puis introduit les principaux concepts du
logiciel. J’ai présenté le parcours des ontologies depuis un arbre ltrable et la consultation des formes
cadencielles repérées sur la partition par l’algorithme d’apprentissage automatique de Christophe.
Support de présentation — Réunions plénière, extrait 1 Support de présentation — Réunions plénière, extrait 2
Réunions d’équipe
Chaque mardi matin, les membres du laboratoire se réunissent pour échanger sur la vie d’équipe, le cadre
institutionnel, les avancées dans les travaux, les éventuelles di cultés au travail, l’organisation des événements
du laboratoire, en n et surtout des échanges d'information autour du déménagement de l’unité. J’ai participé à
quelques réunions lors du premier mois pour rencontrer l’équipe et me présenter.
Séminaires de laboratoire
Une fois par mois, l’IReMus organise son séminaire de laboratoire, nommé « IReMus présente… », il convie pour
une matinée un chercheur permanent, un chercheur associé et un doctorant qui interviennent chacun sur leur
sujet d’étude. J’ai particulièrement apprécié l’intervention « Timbre, orchestration, analyse : di érents projets en
cours de développement » de Nathalie HEROLD, musicologue analyste musicale, dont les travaux résonnaient
tout particulièrement avec les préoccupations du projet Tonalities.
Journées d’étude
J’ai pu suivre la journée d’étude organisée par le Centre d’expérimentation en méthodes numériques pour les
recherches en Sciences Humaines et Sociales (CERES), une unité de service de la Faculté des Lettres de
Sorbonne Université. Thomas BOTTINI y est intervenu pour présenter son travail de modélisation de l’activité des
chercheurs.
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Cette partie davantage analytique expose mon quotidien au travers de di érentes situations de travail.
Mon travail de formalisation informatique s’est appuyé sur di érentes modalités techniques. L’équipe de
recherche Constitutivité technique de l’expérience humaine (CRED) au sein du laboratoire Costech de l’UTC a
depuis plusieurs années mis en lumière le rôle des technologies cognitives pour soutenir la pensée humaine.
Charles LENAY dé nit ces technologies comme des « dispositifs qui modi ent nos capacités de raisonnement, et
de synthèse », Bruno BACHIMONT parle de technologie qui « donne à penser ». Les di érentes techniques
d’écriture sont les principales technologies de la pensée, nous en explorerons quelques unes mobilisées pendant ce
stage.
Le carnet
Lorsque j’ai un élan de pensée, une idée subite qu’il faut vite consigner, c’est le carnet que je saisis en premier.
Le carnet et le crayon me permettent de mettre à plat et de manière souple mes raisonnements. Je repasse en
revue mes précédents schémas que je peux re-compléter si besoin.
Ma recherche ergonomique est menée dans mon carnet, ou sur des feuilles A3 pour les plus grandes esquisses.
L’interface du logiciel est systématiquement reprise en focalisant et en ré-intérogeant de nouvelles parties
graphiques. Le carnet permet de retrouver la rétrospective et l’évolution de l’ergonomie envisagée.
Avant une implémentation technique complexe, je déroule la logique d’exécution sur papier avant même d’ouvrir
mon éditeur de code. Cela permet de dissocier l’analyse fonctionnelle de l’implémentation réelle, et évite de
débuter une nouvelle implémentation à la manière d’un bricolage aventureux ; le travail en amont précise les
enjeux du développement à l’écran.
L’écran et le carnet
C’est à l’écran que j’ai passé l’essentiel de mon temps, avec un ordinateur de prêt sous Linux. J’utilise l’éditeur
Visual Studio Codium, une version libre de VS Code pour écrire mon code. La riche bibliothèque d’extensions
développées par sa communauté en font un partenaire idéal d’écriture, notamment avec Prettier pour normaliser
le code, l’écriture multi-lignes et la recherche globale qui facilitent des travaux de refactoring.
Le logiciel Protégé me permet de naviguer dans les ontologies de Christophe. L’interpréteur de commande Fish
me permet d’interroger la base de donnée sémantique, de mettre à jour les dépendances du projet, d’exécuter
mes scripts sur les ontologies et bien-sûr d’interagir avec Git.
En n, j’utilise le navigateur Firefox pour débuguer mon code. En plus des outils de développement natifs,
l’extension React permet de visualiser le DOM virtuel généré par React et l’extension Redux donne accès à l’état
global de l’application en temps réel.
Pendant le développement, je garde toujours le carnet ouvert à mes côtés pour savoir où je vais, pour écrire ou
relire mon pseudo-code si nécessaire et cocher mes taches accomplies. Finalement, c’est aussi pour sortir les
mains du clavier et les yeux de la lumière bleue.
Le tableau blanc est aussi notre outil principal lors des séances de modélisation. Nous tentons de comprendre les
choses de l’intérieur, leur logique d’organisation interne. Nous partons d’une question générale puis progressons
vers le particulier. Qu’est-ce qu’une sélection ? En quoi consiste un projet de recherche ? Puis, Peut-il exister
une sélection multi-partition ? Peut-on envisager un projet analytique sans une question de recherche ?
Lors de ces séances nous réalisons des graphes orientés, en joignant arcs et noeuds et en mobilisant le
vocabulaire de l’ontologie CRM présentée en prochaine sous-partie. Il faut toujours chercher à identi er les cas
vicieux pour être certain que le modèle les prend bien en compte. Comme l’évoque Nicolas SALZMANN, toute
grille de lecture est une grille d’oubli, « la carte géographique traduit, donc trahit, le territoire » mais elle est
utile…
En n, j’ai proposé à l’équipe d’utiliser l’outil GitHub Issues, un nouvel outil de plani cation proposé depuis peu
par GitHub, la plateforme sur laquelle nous hébergeons l’ensemble de nos dépôts. Parmi les avantages,
l’intégration native permet de facilement lier les tickets aux commits, et permet de paramétrer di érentes vues
du travail : vue synoptique entre les projet, vues spéci ques multi critères, vue kanban ou tableau.
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sherlock-iremus / Projects / Tâches Search or jump to…
Tâches
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Planification Tâches par repo Tâches par personne Tableau Tonalities New view
Remplacer rdfs:label par crm:p190 dans les MG - Modifier triplets liés aux URL IIIF des RAR - Institutions et congrégations à insérer Interface de configuration du profil toutes les entités peuvent recevoir un e13
E35, E41 et E42 E36 de la même manière qu'on l'a fait pour dans Directus prédicat libre
Euterpe
enhancement
sherlock-tonalities #38
sherlock-data #11 sherlock-tonalities #22
UX : Création d'entité analytique
sherlock-tonalities #23 sherlock-data #10
RAR (institutions) - Créer tables TITRES fusion entité class et concept
Normale
dans Directus je ne peux pas sélectionner plus d'une RAR - Création d'une vue arborescente du
documentation
verticalité référentiel des lieux
Élevée bug sherlock-tonalities #18
sherlock-tonalities #37 sherlock-data #4
bug une cadence est une E28 et non une
personal profile ne s'affiche pas si aucune sherlock-service #5
MG -Indexations stagiaires à insérer dans E13
contribution n'est ajotuée Directus Intégration continue (CIRCLE CI ?)
Élevée bug
Normale
sherlock-data #8
sherlock-data #18
DIR - Scripts de transformation Directus sherlock-tonalities #15 sherlock-sso #1
DIR - Bug d'affichage pour les personnes vers ttl les sélections sont listées par auteur sherlock-sso --> page de sherlock-service
non-admin
Normale enhancement
sherlock-data #9
sherlock-data #19
MG - RDFisation de l'indexation musicale sherlock-tonalities #14
DIR - Champ coordonnées géographiques
commenter une E13
Normale enhancement
sherlock-data #16
Draft
MG - Envoyer erreurs indexation estampes à
afficher p177 d'une entité analytique (has Anne et Louise (attention... sherlock-tonalities #11
cadence)
editer une sélection
Normale enhancement
sherlock-tonalities #36
Add item Add item Add item Add item Add item
Capture d’écran — Kanban pour la plani cation et la priorisation du travail (outil GitHub issues)
L’opportunité de mener mon travail dans le paysage de la recherche européenne m’a fait traverser des contextes
inter-culturels. Même si le français fut la langue quotidienne de ce stage, certaines interactions se sont déroulées
en anglais.
Tout d’abord Christophe a proposé de convier à quelques revues d’avancement Paul MULHOLLAND, qui travaille
sur la ré exion, la conception et l’évaluation des interactions homme-machine (IHM) pour les outils développés
dans le cadre de Polifonia. Celui-ci a apporté son expertise méthodologique en proposant di érentes méthodes
de priorisation et de validation. Nous avons appliqué à la suite de ses suggestions le graphe des priorités et
l’équipe va bientôt prévoir une séance de démonstration et de manipulation du logiciel avec les stakeholders de
Polifonia.
Parmi les mésententes anecdotiques que peuvent induire le travail en inter-culturalité, une réunion a été prévue
sans tenir compte du décalage horaire entre France et Royaume-Uni. Au cours de notre première heure de
réunion sans Paul, l’échange semblait uide et la circulation des idées était bonne. À l’arrivée de celui-ci au cours
de la deuxième heure, la bascule à l’anglais a considérablement compliqué les échanges : il y avait une frustration
à ne pas pouvoir structurer facilement les raisonnements, et la plupart était davantage en retrait, pour
nalement parvenir à un certain accordage.
En n, la réunion plénière de mai a été une occasion riche pour présenter mon travail en anglais, et de le situer
parmi une pluralité de travaux. À la suite de mon exposé, un temps de discussion a été consacré au sujet de
notre modèle d’annotation.
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Mon stage s’est principalement tenu dans les locaux historiques de l’IReMus, au 2 rue Louvois en face de la
Bibliothèque Richelieu. Une grande salle commune permettait de se retrouver le matin, d’y déjeuner et organiser
les grandes réunions de travail. Elle est bordée d’un couloir qui mène vers six espaces de travail, dont les bureaux
de l’administration, de la gestion, de la direction, et la salle des doctorants, où je me suis installé.
C’est un lieu très habité et vivant, on y trouve beaucoup de bibliothèques, des a ches de colloques, des vieilles
machines analogiques pour lire des archives sur micro- lm. Nous partagions beaucoup de moments d’équipe, ce
qui cimentait le travail dans ce lieu.
Le déménagement s’est fait n juin 2022. Durant cette période estivale, il a été d’autant plus di cile de se
retrouver, der reprendre des réunions, et d’avoir des moments de partage informels. Sous l’in uence du lieu, dont
l’architecture s’impose par ses plafonds immenses, sa symétrie totale, son vide et sa froideur, nous avons
organisé avec Louise QUENTEL, doctorante en Histoire de l’Art, un moment partagé pour se retrouver ensemble
autour d’une exposition sur ce site la BnF.
Mon espace de travail n’était plus partagé avec les doctorants et les stagiaires, mais est devenu un espace
individuel cloisonné (carrel) dans lequel je pouvais davantage étaler mon travail mais qui réduisait par la même
mes possibilités d’échange et d’interaction. Face au réel de ce nouveau lieu, le travail a pris de nouvelles formes.
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Photographie 1 — Grande salle, avec Marianne, Fabien et Alban de gauche à droite (site Louvois)
Photographie 4 — Jardin (site François Mitterand) Photographie 5 —Tour des Lettres (site François Mitterand)
3. Focale technique — mise au point sur les technologies du web sémantique mobilisées
L’enseignement Capitalisation et gestion des connaissances (IA03) suivi cette année a été un apport précieux
pour entamer ce stage. Voici une petite réintroduction des principales technologies utilisées.
Le Web fonctionne d’après trois standards : le protocole HTTP qui permet le transfert de données, l’adressage
par les URL et le langage HTML qui produit des documents lisibles par l’Homme.
Un point de départ pour présenter le web sémantique pourrait être de partir du problème de l’homonymie. De
quoi parle t-on au juste lorsque l’on écrit « pêche » dans un navigateur ? Il semble toujours di cile de préciser
le sens de nos requêtes qui sont exprimées dans un langage naturel. Mon grand-père le présente ainsi dans sa
thèse de doctorat de 1958.
Extrait de la thèse de doctorat de Jean-Claude PAGÈS, Physiologie d’une machine qui inventerait 27 (numérisé par la BnF)
Pour désambigüiser le recours à un terme, il faudrait pouvoir s’y référer selon une URL. C’est le projet du web
sémantique.
Tim BERNERS-LEE, inventeur du web a présenté depuis 1994 le Web sémantique comme une extension du Web
qui le transformerait en un espace d’échange de documents permettant d’accéder à leurs contenus et à e ectuer
des raisonnements. Cela exige une représentation du contenu des documents par des ontologies pourvues d’une
sémantique dénotationnelle (nous en caractériserons une en particulier, le CIDOC-CRM). Lors de la conférence
XML de 2001, BERNERS-LEE présente l’infrastructure commune gurée par le fameux « cake » ci-dessous.
27Jean-Claude PAGÈS, Physiologie d’une machine qui inventerait, Essai d’application à la psychiatrie, Faculté de Médecine de Paris, 1958. p.
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30 |
FRANÇOIS RASTIER
Trust
Proof
Logic
Digital
signature
Ontology vocabulary
RDF + rdfschema
XML + NS + xmlschema
Unicode URI
— 16 —
Sur le graphe RDF ci-dessus, il y a autant d’arcs que de triplets. Aussi, les nœuds terminaux (ou feuilles)
peuvent prendre une valeur littérale plutôt qu’une URI.
Une base de données capable de gérer des données RDF est appelée un triplestore. Elle se requête avec le
langage SPARQL. En résumé, le web sémantique garde deux des trois grands standards du web. Le protocole
HTTP et l’adressage URL. Simplement au bout d’une URL, on ne trouve pas de l’HTML mais des données au
format RDF navigables en SPARQL, on appelle cette URL un SPARQL endpoint.
À titre d’exemple, l’endpoint de la BnF est accessible à l’adresse https://data.bnf.fr/sparql et permet de
requêter des données sur les œuvres, les auteurs et les thèmes de son catalogue. Celui de l’IReMus est accessible
à l’adresse http://data-iremus.huma-num.fr/sparql et a été utilisé tout au long du stage pour accéder à nos
données sémantisées.
c. CIDOC Conceptual Reference Model (CRM) — une ontologie qui donne à penser
Dans l’optique de réutiliser et de partager un même vocabulaire, le recourt aux ontologies existantes est
primordial lors de la modélisation des connaissances. Les ontologies normalisent les prédicats utilisés en
constituant un ensemble déterminé de prédicats partagés et dé nis par une communauté. Une ontologie
formalise les connaissances en représentant les concepts d’un domaine et les relations qui les unissent.
Initialement, le projet Sherlock a dû faire un choix d’ontologie, qui vienne soutenir l’ensemble des modélisations.
Thomas et Rebecca ont hésité entre créer une ontologie ad hoc, un idéal qui réponde parfaitement aux besoins
de l’IReMus, mais qui présenterai un fort risque d’exclusion vis-à-vis du reste de la communauté, ne partageant
pas ce modèle interne. Le second choix étant de se gre er à une initiative existante et reconnue, garantissant
une meilleure di usion et un meilleur soutien. Finalement le choix s’est porté sur le modèle conceptuel de
référence (CRM), qui est une ontologie développée depuis plus de vingts ans par le Comité International pour la
DOCumentation (CIDOC) de l’International Council of Museum (ICOM). Le CRM est porté par des musées,
conservateurs, chercheurs et informaticiens dans l’optique de développer une ontologie de haut niveau visant à
représenter et à structurer l’ensemble des activités humaines. Depuis sa normalisation ISO en 2014, le CRM est
le standard international pour l’échange contrôlé de données relatives au patrimoine culturel.
Le CRM est constitué d'un ensemble de types d’entités qui peuvent être connectées par l'utilisation de
propriétés. Le CRM impose des contraintes au niveau de l’usage de ces propriétés en fonction des types
d’entités. Par exemple, la relation CRM « P14 — carried out by » ne peut être utilisée qu'entre un type d'entité
« E7 — Activity » et un type d'entité « E39 — Actor ». Parce-que ces étiquettes courtes peuvent être mal
interprétées, des dé nitions complètes et précises, complétées d’exemples, sont données dans la référence en
ligne du CRM29. La dernière version du CRM, la 7.2.1, contient 81 types d’entités et 160 propriétés.
Les types d’entités du CRM forment une arborescence du plus général au plus particulier, héritant toutes de la
classe mère « E1 — CRM Entity ». Le plus gros travail lors de nos séances de modélisation est alors de trouver
l’entité qui colle le plus justement, en tentant d’aller vers les classes héritées les plus spéci ques. On choisit le
niveau de la hiérarchie qui re ètera le plus les informations que l’on souhaite modéliser sur l’objet à décrire.
General
Thing (but
1. Intellectual, 2. Physical,
Everything 3. Man-Made, 4. Natural precisely
5. Physically Separate defined)
6. Physically Associated
Man-made Thing
Everything that 1. Intellectual, 2. Physical,
is not natural 3. Man-Made, 4. Natural
5. Physically Separate
6. Physically Associated
Physical Man-Made
Everything not Thing
natural or 1. Intellectual, 2. Physical,
intellectual 3. Man-Made, 4. Natural
5. Physically Separate
6. Physically Associated
Man-Made Object
Everything not natural, 1. Intellectual, 2. Physical,
intellectual but are physically 3. Man-Made, 4. Natural
distinct 5. Physically Separate
6. Physically Associated
Man-Made Feature
Everything not natural, 1. Intellectual, 2. Physical,
intellectual but can be 3. Man-Made, 4. Natural
physically combined 5. Physically Separate Less General
6. Physically Associated (and
precisely
defined)
A frequent misunderstanding is that people think they have to implement the whole
Contient toutesof the CRM - you
do not. You may implement only a few entities and CRM Entity and that
relationships is fine. CRM
les entités Using CRM encoding
never means that a property not used does not apply to the thing you describe. A property not used is
either not applicable or unknown, which makes no difference. A CRM compatible description may
consist of one relation only. The question is, if this is a correct statement, not if it is complete. At the
Entités
level qui durentintegration,
of information sur une we have to assume that scholars provide what they know Entités limitées
or regard as
Persistent Temporal par letotemps
période
relevant. It is indéterminée
the task of a research methodology, and not of a data integration standard, require
fields. In general, cultural-historical information has no intrinsic completeness. Individual collections
have completely different requirements of completeness according the individual availability of evidence.
Personnes,
It is worth noting however, Interactions
that if you mapped the entire E-R model of a medium or large sized museum
Événements
objets,CRM
to the CRM, the resulting idées,implementation would have fewer entities (and
entre ces be a smaller model
compared to the source) et activités
but be semantically richer and convey more information. Conversely,
concepts
because the CIDOC CRM is an object-oriented model entités
if you want to introduce specialisation for your
organisations, you can extend the CRM by creating new sub-entities and sub-properties.
Schéma
Concept — Les deux
6 Standard principaux
Compatible types d’entité
Knowledge CRM (par Dominic OLDMAN, repris et traduit)
Patterns
Le MEI est un formalisme de notation et de métadonnées musicales, reposant sur une syntaxe XML, développé
par une communauté de musicologues. Il se distingue du format MusicXML, dont l’objectif principal est de
rendre les partitions inter-opérables entre les logiciels de gravure et de lecture musicale, MEI essaie d’adresser un
champ plus large incluant les problématiques de la musicologie, et s’adresse donc, au-delà des instrumentistes,
aux éditeurs, bibliothécaires, musées et enseignants, concernés par la préservation du patrimoine musical.
Le MEI permet de représenter la notation musicale occidentale à partir du XVIIe siècle, mais peut aussi encoder
la notation en neumes du XII-XIIIe siècle, la notation mensurale du XIIIe-XVIe siècle et di érents types de
tablatures30.
En n, il est possible de générer l’aperçu d’une partition à partir d’un code source MEI grâce à un visualiseur.
Lors du stage nous avons utilisé la solution open-source Verovio, car celle-ci fournit une librairie Javascript
produisant du code SVG, a n de pouvoir a cher une partition MEI directement au sein de notre application
web, et venir modi er l’arbre SVG de la partition en temps réel.
Avant mon arrivée à l’IReMus, Thomas a réalisé un script qui prend en entrée un chier MEI et génère en sortie
un chier RDF31. Lors de ce traitement, chaque balise XML se voit attribuer un identi ant unique. Thomas
utilise le librairie Python Music21 pour expliciter di érentes informations non-présentes dans le chier MEI,
comme par exemple la relation entre les notes et les temps (o set).
Graphe RDF — De nouvelles métadonnées sont ajoutées sur une ressource de type note
Ces nouvelles connaissances prennent des prédicats forgés par Thomas, comme par exemple
sherlockmei:contains_offset.
Les principaux attendus des musicologues ont été regroupés en 12 fonctions principales (FP) constituant notre
cahier des charges fonctionnel.
Face à ces attentes, Thomas et moi avons orienté nos travaux en priorité sur deux chantiers :
‣ Le premier, d’ordre conceptuel, étant de dé nir un modèle d’annotation, le plus générique possible, qui vienne
soutenir le travail analytique réalisé dans le logiciel. Ce premier enjeux vise à caractériser notre infrastructure
de donnée.
‣ Le second, d’ordre ergonomique, étant de trouver des pistes d’interaction avec la partition pour soutenir le
travail analytique et la lecture des analyses. C’est sur ce second enjeux que vont se constituer les usages
analytiques.
2. Formalisation conceptuelle
Nos séances de modélisation ont été réalisées avec Thomas et Rebecca en s’appuyant sur l’ontologie CIDOC
CRM, présentée plus haut. Ce travail a été réalisé avec le souci de dégager des invariants pour aboutir à un
modèle d’annotation générique, qui puisse convoquer toutes les situation de production de savoir et modéliser
plus largement les pratiques scienti ques.
Avec le triplet RDF présenté dans la partie précédente, l’information est déclarée sous forme assertive et
factuelle, ce qui constituait pour nous un problème. Le triplet seul, n’est pas su sant pour représenter une
connaissance scienti que. L’a rmation « La vitesse de la lumière est une constante physique » n’est pas une
connaissance scienti que valide. Il faudrait plutôt être capable de dire : « En 1905, Albert Einstein propose que
la vitesse de la lumière soit une constante physique, au regard de sa théorie sur la relativité restreinte ». Ainsi on
explicite le contexte et la démarche en produisant une a rmation signée et datée.
CRM nous invite à penser les connaissances comme des évènements et non des faits en soit. En CRM, pour
modéliser un événement intellectuel, nous utilisons la classe CRM-E13_Attribute_Assignment qui est un
événement d’assignation d’attributs à des choses. Nous considérons que c’est une réi cation située et adressable
du triplet RDF. Cela permet de rendre comparable des interprétations contradictoires sur un même objet.
Propriété
Cible Valeur Triplet RDF
crm:P177_assigned_property_of_type
!
crm:P140_assigned_attribute_to crm:P141_assigned
crm:E13_Attribute_Assignment Adressable
crm:P33_used_specific_technique
crm:P14_carried_out_by
dcterms:created
Contextualisation
Auteur Date Projet scientifique
de l’affirmation
Pour alléger la suite de nos diagrammes de modélisation, nous proposons de représenter une liaison E13 sous la
forme d’un arc orienté en pointillé, guré ci-dessus entre la cible (sujet) et la valeur (objet) de l’E13. Cet arc en
pointillé ne correspond aucunement à un triplet RDF qui est - lui - représenté par un arc plein. C’est un syntaxic
sugar pour représenter plus facilement ce choix de modélisation.
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Dans notre modèle, l’entité CRM:E13 modélise l’annotation, c’est un acte de pensée. Quand le musicologue
indique quelque-chose sur un élément de la partition repéré, c’est au travers d’une entité CRM:E13 que nous
modélisons le savoir du musicologue.
En n, dans notre modèle, un algorithme est aussi capable de réaliser des annotations. Celui-ci est donc à la fois
modélisé par la classe crm:E39_Actor et par la classe crmdig:D14_Software issue du CRMdig.
Lorsque Bernard STIEGLER évoque les rétentions primaires en musique, il nous aiguille sur un autre geste du
musicologue, qui serait cette fois-ci de parvenir, non pas à caractériser un élément particulier, mais à mettre en
lien plusieurs composantes de la partition.
« Il ne su t pas que le do que je suis entrain d’écouter produise un son dont la fréquence serait de 440 Hz : cette
condition correspond à la dé nition du do par le physicien, à la tonalité du téléphone. Pour que le do sonne comme un
do, il faut qu’il soit en relation structurelle avec une gamme, avec d’autres notes, régies par des rapports particuliers.
Autrement dit, il faut qu’il retienne en lui, de manière originaire et primaire dit Husserl, la note qui le précède, avec
laquelle il va former, ajouterai-je, un rapport. La note qui précède le do, et qui est tout juste passée, se trouve encore
présente dans le do pour que le do soit un do. »32
Lorsque le musicologue travaille sur la partition, il peut en e et chercher à constituer et dépeindre un groupe
signi ant d’éléments. L’exemple des cadences va nous permettre d’illustrer ce second geste du musicologue.
La cadence est une articulation du discours musical, c’est un enchainement signi ant de notes produisant un
sentiment de résolution. La cadence, à l’inverse de la note, n’existe pas dans la matérialité de la partition, c’est
une fonction musicale qui lie plusieurs éléments arbitraires. La cadence était au coeur des préoccupations deu
projet Tonalities car elle est intimement liée au sentiment de tonalité, c’est un élément syntaxique de la musique
tonale.
Des éléments s’articulent et forment un groupe signi ant auquel le musicologue vient attribuer des signi cations.
Avec Thomas, nous avons choisi de séparer en deux mouvements ce geste musicologique. Il y a d’abord la
recherche sur la partition d’un groupe signi ant, que l’on nomme Sélection. Puis dans un second temps, une
caractérisation de ce groupe en tant que fonction du discours musical, c’est l’Entité Analytique. Ces deux
gestes se suivent et forment ensemble une représentation rigoureuse des objets musicologiques de la partition.
Séparer la sélection de l’entité analytique o re la possibilité aux musicologues de partager des points de vue
divergents sur un même complexe d’éléments.
Une sélection est modélisée par la classe crm:E28_Conceptual_Object et agrège di érentes entités par la
propriété crm:P106_is_composed_of comme le représente le schéma ci-dessous. Une sélection n’est donc que
la somme des entités qui la composent.
Entité 1
crm:P106_is_composed_of
Entité 5
Entité 2
Entité 6
Sélection 2
crm:E28_Conceptual_Object
Sélection
crm:E28_Conceptual_Object
Entité 7
crm:P106_is_composed_of
Entité 3
Entité 4
32 Bernard STIEGLER, « Les instruments de la musique du nous », La musique à l’esprit enjeux éthiques du phénomène musical,
L’Harmattan, 2008. p. 29.
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La modélisation d’une entité analytique est plus complexe. Du fait de sa nature théorique, elle se compose de
multiples liaisons E13, que nous représenterons sur le schéma par des arcs orientés en pointillés. Elle porte la
classe crm:E28_Conceptual_Object.
Tout d’abord, nous commençons par corréler la sélection avec l’entité analytique par une liaison E13 attribuée à
la sélection. Sur le schéma cela correspond à l’arc orienté vers l’entité analytique. Si c’est une cadence, alors la
propriété de cette E13 sera isCadence. Cette première connaissance nous donne la nature de l’objet
musicologique dépeint.
Ensuite, l’entité analytique doit venir attribuer des signi cations à l’objet. Pour cela elle utilise des liaisons E13
qui pointent cette fois-ci vers des éléments de la sélection. Ce second type de connaissance caractérise les
fonctions internes de l’objet musicologique. Par exemple, « cette cadence se caractérise par un
cantusHasAntepenultima en do ». Plus naturellement on dira que « la note do joue la fonction de
cantusHasAntepenultima au sein de cette cadence ». Sur le schéma ce sont les arcs orientés vers la gauche.
Pour nir, l’entité analytique peut se voir assignée des concepts avec des liaisons E13 dont la propriété est un
rdf:type. Ce dernier type de liaison explicite les types de l’objet musicologique. Par exemple, « cette cadence
est une cadence parfaite ».
Lors de ces séances de modélisation nous avons donc abouti à un objet théorique générique, l’entité analytique,
en partant du cas spéci que des cadences. Ce nouvel objet se verra embarqué dans le logiciel développé.
Propriété
Comme nous l’avons déjà évoqué, nous souhaitons garantir la traçabilité en constituant des jeux de données
ouverts qui explicitent le contexte de production des données : hypothèses de travail, questions de recherche,
cadrages théoriques, démarches scienti ques. C’est pourquoi nous avons colporté notre modèle d’annotation
présenté ci-dessus à un modèle de projet analytique susceptible de représenter plus largement le contexte de
travail.
Un projet analytique, ou projet interprétatif, s’appuie avant tout sur un corpus d’oeuvres à étudier, ce sont les
partitions de musique. Bien que le corpus soit composé de sources historiques déjà existantes, il relève en soit
d’un caractère subjectif, car c’est un choix sur le monde, le musicologue sélectionne des partitions
spéci quement choisies. Le musicologue construit son observable, à la manière qu’à le scienti que de construire
une expérience dans un laboratoire. Le corpus est arti ciel car le musicologue choisit lui-même les conditions de
son travail.
Du fait de cette nature particulière, nous avons eu du mal à choisir la classe du CRM correspondant au mieux
aux corpus d’oeuvres sélectionnés. Il ne s’agit pas tout à fait d’un crm:E28_Conceptual_Object car le corpus
n’est pas irréductible à une mise à plat de ses constituants.
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Finalement nous avons gardé la classe la plus englobante du CRM, crm:E1_Entity. Le corpus des partitions est
par ailleurs relié au projet analytique par la propriété crm:P16_used_specific_object.
Face à la complexité inhérente de ces travaux de modélisation, nous sommes nalement parvenus à caractériser
le projet analytique comme une activité humaine portant la classe crm:E7_Activity.
En n, un projet analytique est animé par une question de recherche. Celle qui anime les musicologues de ce
projet pourrait se traduire comme la recherche des points de bascule de la musique modale vers le musique
tonale en Europe occidentale.
Le schéma ci-dessous représente la modélisation d’un projet analytique. Le projet analytique se lie aux
annotations et aux entités analytiques par la propriété crm:P33_used_specific_technique.
Nous avons par ailleurs explicité un modèle représentant un chercheur travaillant avec notre dispositif. Celui-ci
est représenté par un crm:E21_Person et possède un identi ant Sherlock, un identi ant Orcid, une couleur et
un symbole de pro l.
3. Conception ergonomique
Trève de formalisme, c’est l’heure de découvrir les parcours d’interaction que nous proposons pour les
musicologues.
Le logiciel vise à réassumer les attendues musicologiques en intégrant le modèle conceptuel tout juste présenté.
Le logiciel se veut autant intelligible que possible sans connaissance préalable du modèle de donnée ou
d’annotation qui l’a conditionné.
Le parcours pour arriver sur la partition de musique se veut résolument simple. Une brève présentation du logiciel
est disponible en arrivant sur le site du projet, suivi d’un bouton d’authenti cation Orcid. La connexion peut se
réaliser avec un CAS institutionnel, comme celui de l’UTC, du CNRS ou de Sorbonne Université. Une fois
authenti é, l’utilisateur peut sélectionner une partition (FP1) et arriver sur son interface de travail.
Portail d’accueil Portail d’authentification (Connection par institution de recherche) Retour authentifié sur le portail d’accueil
L’interface principale est composée de la partition de musique et de deux panneaux latéraux contractés : Le
panneau de navigation à gauche et le panneau d’inspection à droite. Ce triptyque navigation — partition —
inspection permet d’agencer les éléments de l’interface en gardant toujours au coeur la partition de musique. Par
ailleurs cela permet de travailler simultanément dans l’inspecteur, tout en mobilisant des éléments sur la partition
et depuis le navigateur.
← Remontée de bugs
Le dé principal du logiciel est de rendre adressable et interrogeable des parties spéci ques de la partition. Un
premier cas trivial serait de pouvoir adresser une note (FP1). Nous rendons cela possible par un simple clic qui
colore la note en bleu et a che quelques informations à son propos dans le panneau d’inspection, nous y
reviendrons plus tard.
Un second mode d’interaction a été développé pour sélectionner automatiquement les accords polyphoniques
(FP2). L’utilisateur réalise un ctrl+clic (ou alt+clic sur macOS) pour saisir une verticalité, qui représente
un instant de la partition. Ce mode de sélection dessine une capsule autour de l’instant choisi et colore les notes
présentes sur cet instant, y compris celles qui débutent avant. Ce calcul est permis par l’analyse en amont de la
partition réalisée par le script de Thomas.
Pour décrire nement le langage musical et le passage à la tonalité, les musicologues souhaiteraient pouvoir
sélectionner des « bouts » de note, disons plutôt l’instantané d’une note. Dans l’exemple ci-dessous, l’utilisateur
souhaiterait annoter une partie spéci que de la note blanche, lors du second temps de la mesure.
Pourtant, les bouts de notes n’existent pas dans la partition, car les notes constituent l’unité même de la
partition musicale. Quels chemins ergonomiques mettre en place pour parvenir à atteindre les invisibles de la
partition ?
Une première piste auquel nous avons pensé a été de faire apparaitre au survol de la partition des notes
fantômes, apparaissant sur les di érents temps de la note entendue (voir annexe sur la note fantôme) mais cela
ne donnait pas pleine satisfaction et s’avérait surcharger la partition.
Finalement, nous nous sommes reposés sur les modes d’adressage présentés précédemment. L’utilisateur
sélectionne une verticalité puis sélectionne depuis le panneau d’inspection ce bout de note, que l’on nomme une
note positionnée.
Capture d’écran — Inspection d’une verticalité Capture d’écran — Inspection d’une note positionnée
La note positionnée est matérialisée par la note elle-même et par une ligne de temps indiquant l’instant adressé.
On peut dire que la note positionnée est une conjonction entre une note et une verticalité. Ce troisième mode
d’adressage de la partition o re une précision accrue et une granularité très élevée.
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À partir de ces modes d’adressage, les musicologues peuvent composer des segments complexes (FP3) en créant
des sélections. Le panneau des sélections est accessible dans le volet gauche sous l’onglet « sélections ». Il
répertorie les sélections déjà existantes et o re la possibilité d’en créer de nouvelles avec le bouton d’ajout. Ce
panneau a che par ailleurs l’entité partition, qui est à sélectionner lorsque nous souhaitons faire des annotations
globales sur la partition. En n, le bouton double- èche permet de choisir une autre partition de travail.
Capture d’écran — Panneau des sélections Capture d’écran — Edition d’une sélection contenant deux notes
Une fois l’éditeur de sélection ouvert, il est possible d’y ajouter des notes, des verticalités, des notes positionnées
ou encore des sélections. Les éléments ajoutés dans le panier d’édition sont a chés en rouge sur la partition.
Une fois con rmée, la sélection rejoint le panneau des sélections et peut-être inspectée et modi ée.
Capture d’écran — Edition d’une sélection contenant une verticalité, une note positionnée, une sélection et une note
Nous avons ouvert plusieurs pistes ergonomiques pour l’a chage des sélections créées. Après avoir mené un état
de l’art, j’ai découvert une solution analogue de sélection de notes qui produisait des polygones colorés sur la
partition33. Après un échange avec les musicologues (voir annexe mail), ce mode de rendu a été perçu
négativement, l’aspect « patatoïdes » recouvrant beaucoup d’espaces et surchargeant la partition en couleurs.
J’ai nalement opté pour un rendu plus discret en entourant les éléments de la sélection par une auréole bleue.
33Petter ERICSON, Martin ROHRMEIER, « Hierarchical Annotation of MEI-encoded Sheet Music », Digital and Cognitive Musicology Lab,
Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL)
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Un des enjeux de ce logiciel, par rapport à d’autres systèmes d’analyse musicale assistée par ordinateur, est que
des traités théoriques de la musique soient mobilisés comme ressource de description de la partition.
Les onglets « Concepts » et « Propriétés » du panneau de navigation permettent à l’utilisateur de parcourir les
ontologies formalisées par Christophe GUILLOTEL-NOTHMANN à partir des traités théoriques. Il est possible de
basculer sur un autre traité avec le bouton double- èche.
La palette des concepts et des propriétés est organisée dans une arborescence qu’il est possible de ltrer à l’aide
de la barre de recherche.
Arbre des concepts du traité Sélection d’un Arbre des concepts ltré pour n’a cher que
Praetorius 1619 traité théorique les cadences
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Maintenant que nous disposons d’une palette de concepts et d’un accès pluriel à notre partition, il est possible
d’annoter les entités avec des concepts. Pour cela, il faut choisir une entité quelconque et cliquer sur la bulle
d’ajout située en bas du panneau droit. L’interface o re un guidage, en fonction de l’entité sélectionnée. Voici
quelques exemples concrets :
Capture d’écran — Annotation d’une note avec un concept Capture d’écran — Annotation d’une note avec un concept
théorique générique (proposé en fonction de la propriété)
Capture d’écran — Annotation d’une note avec un texte libre Capture d’écran — Deux annotation contradictoires
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Le logiciel permet en n de créer des entités analytiques (FP4). Ces entités, déjà présentées en détail lors de la
formalisation technique, permettent de réaliser des annotations enchâssées sur une entité de type Selection.
L’éditeur d’entité analytique s’ouvre à partir de l’inspection d’une sélection. Une fois ouvert, il permet de typer la
sélection en assignant des concepts directement sourcés depuis l’arbre. L’éditeur permet de caractériser les
fonctions de l’objet musicologique en assignant des propriétés sur des éléments de la sélection. Cette action se
réalise en pré-sélectionnant une partie de la sélection puis en sélectionnant une propriété de l’arbre qui vient alors
se gre er sur l’élément pré-sélectionné.
Un dernier onglet du navigateur n’a pas encore été exploré, il s’agit de l’onglet « Contributions ». On y retrouve
son pro l personnel avec ses annotations et ses entités analytiques. Face au pro l personnel un bouton de
déconnexion permet de quitter le logiciel. En n, cet onglet regroupe l’ensemble des contributions des pairs et
des algorithmes (FP9), classées par contributeur (FP7).
Capture d’écran — Annotations et entités analytiques Capture d’écran — Commentaire sur une
en fonction de leur contributeur d’origine annotation
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Il est possible de réagir au travail des pairs en commentant une annotation (FP5). Le commentaire est une
annotation qui se réfère à une annotation existante. Il se réalise depuis la bulle d’ajout présente en bas de
l’annotation.
Pour accéder à l’ensemble des contributions recourant à un certain concept, il su t de sélectionner ce concept
depuis l’arbre des concepts (FP6).
Capture d’écran — Annotations ou entités analytiques Capture d’écran — Inspection d’une entité
en fonction de la classe utilisée (ici SimpleCadence) analytique trouvée par un algorithme
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Le parcours du logiciel nous a amené à rencontrer 9 types d’entités que l’on se propose de résumer plus
succinctement ci-dessous.
Note
La partition musicale est composée de notes de musique.
Verticalité
La verticalité désigne un instant musical.
Note positionnée
La note positionnée est la plus petite entité que l’on peut atteindre,
il s’agit d’une note située dans une verticalité.
Partition
À l’inverse, la partition est la plus grande entité que l’on peut sélectionner,
elle représente l’intégralité du document.
Sélection
À partir des trois premières entités élémentaires, il est possible de constituer des groupes arbitraires
grâce aux sélections. La sélection est une structure arborescente pouvant contenir d’autres sélections.
Annotation
Pour porter un avis musicologique sur l’une des entités précédentes, on créé une annotation.
L’annotation sur une entité doit toujours s’accompagner d’une propriété et d’une valeur.
Propriété
Les propriétés peuvent être génériques ou issues de traités historiques de la musique.
Elles sont proposées par le logiciel en fonction du type d’entité cible.
Concept
La valeur d’une annotation peut prendre différentes formes : un texte libre,
une référence vers une autre entité du document, ou encore un concept théorique.
Le concept théorique est issu d’un traité historique.
Entité analytique
Il est possible de réaliser des annotations plus complexes sur les sélections.
Pour cela l’entité analytique permet de réaliser des annotations à différents niveaux
d’une sélection, ce qui permet de formaliser des objets musicologiques.
Enfin, les annotations peuvent aussi être ciblées par de nouvelles annotations,
ouvrant la possibilité au commentaire scientifique et à la confrontation des points de vue.
48 |
4. Architecture logicielle
Pour cette dernière partie, nous allons nous amarrer au cadre technique du logiciel et explorer quelques choix
d’implémentation.
Contrairement à une architecture page par page classiquement mise en place en HTML, l’architecture React
invite à conditionner le rendu suivant les logiques de fonctionnement de l'interface. Grâce à la syntaxe JSX, il est
possible de garder au plus prêt, voir de mêler, la logique d’exécution et le rendu visuel : on fait de la
programmation fonctionnelle au sein d’un langage de balisage qui structure notre interface.
L’architecture adoptée segmente les principales préoccupations en parties isolées gérant individuellement un
aspect de la problématique générale, au niveau du rendu et des logiques internes. Les trois principaux
composants correspondent au triptyque présenté lors de l’introduction ergonomique : <Navigator/> pour
l’exploration, <Inspector/> pour l’exploitation, <Viewer/> pour l’interaction avec la partition musicale.
<ScoreAnnotator/>
" !
Redux store RTK Query <Navigator/> <Viewer/> <Inspector/> <Editor/>
→ Se charge de maintenir → Se charge d’envoyer les → Récuppère la partition → Réuppère l’entité inspectée → Récuppère les données
→ Récuppère le traité
l’état global de l’interface, il requêtes à la base de donnée sélectionnée et appelle dans <Navigator/> ou dans sélectionnées dans
séléctionné et génère un arbre
garde les logiques métiers Sherlock, formate la réponse Verovio pour l’afficher <Viewer/> et appelle le <Navigator/> et dans
pour le parcourir
pour le modifier et la stocke en cache lors du → Écoute les clics utilisateur composant <Entity/> <Viewer/>
→ Récuppère la partition
prochain appel sur la partition correspondant qui réalise un → Il sauvegarde l’état en le
séléctionnée, ses séléctions et
→ Modifie l’arbre SVG de la affichage spécifique persistant sur l’API Sherlock
les contributeurs d’analyses
partition en fonction du en utilisant RTK
contexte
Dans le premier prototype, les états globaux de l’application étaient sauvegardés par le composant racine
<ScoreAnnotator/>. Sachant que de nombreuses structures de notre application sont récursives (les traités
théoriques, les sélections, les entités analytiques) il était toujours nécessaire de réintégrer ces états globaux, en
faisant des chaines de transmission parent-enfant qui s’allongeaient. Dans notre nouvelle architecture, un Redux
store se charge de garder ces états globaux (l’utilisateur inspecte-t-il un élément de la partition ? l’utilisateur
est-il entrain de créer une entité analytique ?) qui sont récupérées si nécessaires par les di érents composants,
quelque-soit leur position dans l’arborescence React.
Deux options se pro lent pour l’interaction client-serveur. On pourrait essayer d’écrire des requêtes spéci ques
pour réduire le nombre d’appels au serveur. Par exemple, si l’on souhaite recevoir des informations sur une
sélection, il faudrait être capable en une seule requête de recevoir son créateur, sa date de création, ses
constituants et les métadonnées sur ceux-ci. Pourtant, nous avions très certainement déjà récupérés quelques
unes de ces informations du côté du client : les métadonnées de plusieurs éléments de la sélection ou les
métadonnées du créateur si il s’agit de moi.
À l’inverse on pourrait chercher à envoyer plusieurs requêtes légères en SPARQL à la base. Reprenons notre
exemple précédent, pour recevoir les informations de ma sélection, je pourrai cette fois-ci avoir une requête qui
renvoie uniquement les identi ants des enfants de la sélection, puis j’exécute pour chacun des enfants une
requête ciblée pour connaitre ses métadonnées. Dans cette deuxième optique, nous réalisons autant d’appels
qu’une sélection ne possède d’enfants.
À première vue la première option semble la plus optimale. Elle permet de réduire les interactions avec la base en
englobant nos demandes dans des requêtes précises et spéci ques. Pourtant, c’est la deuxième option que j’ai
choisis de mettre en place avec Thomas. Pour ce projet, celui-ci a souhaité remplacer la méthode native
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fetch() par l’outil RTK Query (RTKQ) déjà intégré dans notre dépendance Redux Toolkit. L’intérêt principal
de RTKQ, par rapport à une requête classique est qu’il se charge de mettre en cache celles déjà exécutées. C'est
un outil puissant pour la récupération et la mise en cache de nos données.
Avec une mise en cache, il ne s’agit plus d’aller au plus particulier, mais au plus générique. Il faut découper le
plus possible notre demande d’information pour n’aller requêter au serveur uniquement ce que nous ne savons
pas déjà. J’ai donc écrit mes requêtes SPARQL en veillant à les garder génériques, très souvent l’identi ant d’un
élément est envoyé en paramètre et la base de donnée nous renvoie d’autres identi ants, qui seront certainement
eux même paramètres de nouvelles requêtes.
Cette mise en cache granulaire en rapport avec les actions de l’utilisateur s’intègre très bien dans notre
architecture React. Par exemple lorsqu’un utilisateur clique sur une verticalité, les notes qui la composent
doivent s’a cher dans le panneau inspecteur et en même temps se colorer sur la partition. Ces deux actions
sont réalisés par deux composants distincts. RTKQ va alors recevoir deux demandes concordantes mais
n’exécutera qu’une seule fois la requête SPARQL.
verticalityIri
<VerticalityItem/>
verticalityIri
<StyleVerticality/>
2 - useGetVerticalityQuery(verticalityIri)
3 - drawVerticality(...)
RTKQ devient alors le lieu commun où sont stockées et formatées les données à rendre dans l’interface. Les
composants transmettent à leurs enfants uniquement l’identi ant de la ressource à manipuler, par exemple un
composant responsable de l’a chage d’une note ne reçoit que l’identi ant de celle-ci. Charge à lui de requêter
ce qui lui est nécessaire auprès de RTKQ.
Ce que nous venons d’a rmer n’est pas tout à fait vrai. Si les composants ne s’échangeaient que des
identi ants de ressource (Iri), nous aurions du mal à savoir ce que nous manipulons. Les identi ants peuvent
tout aussi bien représenter des note, des contributeurs ou encore des concepts théoriques. Nous aimerions à
chaque fois que nous transmettons une Iri en expliciter le type. Plusieurs manière de rendre cela possible, nous
avons opté pour une solution minimaliste et élégante, une paire clé-valeur dont la clé donne le type et dont la
valeur indique l’identi ant.
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mais plutôt
{ noteIri: http://data-iremus.huma-num.fr/id/31bbbea9-98a9-4c3a-9276-734ba9e949e2_d1e239 }.
Appel d’un composant en lui adressant une ressource Déclaration d’un composant utilisant une ressource dont le type
de type note doit être explicité
À gauche, dans le code appelant notre composant, on fait usage de l’opérateur de déconstruction en Javascript
pour ajouter à l’objet props notre paire clé valeur, ligne 3 et 5 étant syntaxiquement identiques. À droite, du
côté de la déclaration du composant, on déconstruit le seul paramètre reçu qui est l’objet props et on en extrait
la valeur dont la clé est noteIri. Avec cette structure clé-valeur et en nous appuyant sur des syntaxes
introduites dans la version ES6 de Javascript, nous pouvons très facilement expliciter le type de nos ressources
lors de la transmission entre les composants React.
Cette structure nous permet de mettre au point des composants aiguillages, qui sont capables de manipuler
l’objet transmit quelque-soit sont type. C’est le cas de <StyleEntity/> qui se charge d’aiguiller une entité vers
le bon composant de stylage.
Extrait de code — <StyleEntity/> se charge d’aiguiller une entité vers le bon composant de stylage
Pour gérer les structures récursives comme les sélections, nous avons aussi mis au point le composant
<StyleEntities/> qui se charge d’appeler <StyleEntity/> pour chaque élément d’un tableau d’entités lles.
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Extrait de code — <StyleEntities/> se charge d’appeler <StyleEntity/> pour chaque élément d’un tableau d’entités
Tâchons d’illustrer les di érents concepts techniques abordés par un cas trivial du logiciel. A cher les enfants
d’une sélection.
Tout d’abord, <SelectionItem/> est appelé en recevant l’identi ant de la sélection à a cher. Celui-ci demande
à RTKQ la liste des enfants de cette ressource, RTKQ renvoie un tableau Javascript contenant des paires clé-
valeur. Grâce à un composant d’aiguillage, <SelectionItem/> est capable d’appeler un composant d’a chage
spéci que pour chaque type d’entité présente dans la sélection. Les composants enfants vont à leur tour
demander des informations à RTKQ comme sur le premier schéma présentant RTKQ.
selectionIri
<SelectionItem/>
>> useGetSelectionChildrenQuery(selectionIri)
→ Ne reçoit que l’identifiant !
de la sélection en paramètre RTK Query
2 — Appelle le composant
<Entity/> correspondant à
chaque enfant pour réaliser
un affichage spécifique
noteIri verticalityIri
<NoteItem/> <VerticalityItem/>
d. Authenti cation
Plusieurs raisons nous on conduit à utiliser un service tiers pour gérer l’authenti cation. Nous développons une
base de donnée dans un paradigme de la donnée ouverte et nous ne souhaitons pas stocker d’informations
sensibles. Nous nous sommes tournés vers le service Open Researcher and Contributor ID (Orcid) déjà connu du
monde numérique de la recherche. Il rend possible l’authenti cation au travers de nombreux CAS institutionnels
comme celui du CNRS, de Sorbonne Université ou encore de l’UTC. En n, Orcid est une organisation à but non
lucratif, ce qui nous a conforté dans notre choix.
Le schéma présenté ci-dessous illustre le routage de l’application, en partant de la page d’accueil qui ouvre le
composant <App/> jusqu’à la vue partition générée par <ScoreAnnotator/>.
RTKQ exécute une requête vers le service Sherlock en incluant les cookies du domaine parent (data-
iremus.huma-num.fr) si le navigateur les avait déjà stockés. Si la requête réussie, RTKQ met en cache le
userIri reçu par le service. Sinon un bouton est rendu pour rediriger vers le service Orcid qui consignera les
cookies. Une fois authenti é, l’utilisateur est amené à choisir une partition de travail depuis le <ScoreLibrary/
>.
http://data-iremus.huma-num.fr/tonalities/ → <App/>
userId ? : "
Query cache
userIri = null
#
<ScoreLibrary/> Orcid
!
scoreIri ? Store
http://data-iremus.huma-num.fr/tonalities/score → <ScoreAnnotator/>
Tout au long de notre travail, nous avons utilisé di érents atouts de la programmation fonctionnelle, un
paradigme de programmation qui utilise la composition de fonction. L’exemple ci-dessous permettra d’illustrer
quelques usages. Ce composant est appelé pour a cher la pastille d’un utilisateur.
Ligne 1, le symbole « => » nous indique une déclaration de fonction Javascript anonyme. Nous sommes donc
face à un composant React dit fonctionnel, le retour de cette fonction sera le code JSX à générer dans le DOM
du navigateur.
Ligne 2, nous appelons une fonction importée depuis RTKQ, on déconstruit l’objet reçu et on extrait la valeur
dont la clé est data que l’on nomme contributor.
À présent il faut conditionner l’a chage produit en fonction de la valeur de contributor reçue. En
programmation impérative on pourrait déclarer une instruction if dans laquelle on insère une instruction retour.
En programmation fonctionnelle, on peut directement conditionner la valeur du retour au moment de sa
déclaration grâce à l’opérateur ternaire « ? : » présent ligne 3 et 10.
Pour nir, nous avons mis en place un composant d’ordre supérieur (HOC) nommé withDispatch qui prend en
paramètre notre premier composant et renvoie un nouveau composant. Nous utilisons withDispatch pour
injecter le paramètre dispatch utilisé par les composants souhaitant modi er l’état global Redux. Cela évite de
redéclarer systématiquement cette instruction génériques dans le corps de la fonction de nos composants.
En n, on pense au principe de récursivité largement utilisé dans le projet, qui est un principe central de la
programmation fonctionnelle, et remplace le principe de l’itération en programmation impérative.
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Perspectives et bilan
Au travers de ce développement logiciel, nous avons répondu par des choix conceptuels, ergonomiques et
techniques à des enjeux scienti ques en musicologie. Notre logiciel soutient une triple pratique interprétative.
‣ D’abord interpréter la musique elle-même, c’est le travail du musicologue, il s’agit d’un travail analytique sur
les partitions musicales.
‣ Ensuite, l’interprétation du travail des pairs. Par son aspect collaboratif, le logiciel ouvre la confrontation des
points de vue, il marque les dissensus qui peuvent saillir au sein d’un même modèle historique de la musique.
Autant les musicologues, que les algorithmes, sont capables d!agir sur la partition, et y apposer un contenu
sémiotique. Au niveau de notre modèle d’annotation, l’Homme et la machine portent tous les deux la même
classe du CRM : « E39 Actor ».
L!humanité de la machine peut d’ailleurs être mise en lumière par les travaux de Gilbert SIMONDON, qui a
in uencé la pensée de l’école de Compiègne. L!introduction de son premier ouvrage Du mode d'existence des
objets techniques invite à penser la machine en individu technique, et ainsi de revoir le rapport noué à « cet être
étranger encore humain. [...] De même, la machine est l'étrangère ; c'est l'étrangère en laquelle est enfermé de
l!humain, méconnu, matérialisé, asservi, mais restant pourtant de l!humain »34.
Entre l!Homme ou l!algorithme, il ne s’agit pas tout à fait de savoir qui de l’un ou de l’autre détient une
« ultime vérité » sur l!oeuvre, mais plutôt de déterminer la démarche et le modèle théorique embarqué pour
aboutir au résultat. Le savoir musicologique n!étant pas latent, caché sous les notes, mais bel et bien construit
au moment même où les résultats des musicologues et des programmes informatiques se rejoignent, se
rencontrent et s!entremêlent.
Il convient toutefois de relativiser cette notion d’algorithme analyste. En e et le réseau de neurones, bien que
piloté et entrainé par un musicologue, produit des résultats sans contexte, à la manière d’une boîte noire.
L’explicabilité des intelligences arti cielles, notamment des réseaux de neurones, est un sujet à part entière qu’il
convient de désépaissir si l’on veut être sûr que nos résultats soient réitérables et donc scienti ques. Pour
l’instant, cela n’est pas le cas.
Nous sommes tenus de l’admettre, ce dispositif numérique noue pour le musicologue un nouveau rapport au
travail analytique, bien di érent de celui que l’on couche sur papier. Le dispositif actualise le travail du
musicologue et par là même recon gure le projet même de la recherche.
La confrontation des points de vue est sédimentée dans le travail, et n’attend plus les journées d’études,
conférences de recherche, séminaires de travail. Le numérique superpose deux temporalités, la production et la
validation de la connaissance, qui étaient jusqu’alors séparées.
L’espace prévu par le logiciel est-il su sant pour venir soutenir une controverse musicologique riche ? Il y a
énormément de questions d’usage à venir interroger, et le logiciel risque d’entrainer avec lui son lot de
frustrations, d’attentes non comblées et de gestes parfois trop répétitifs. Mais cela fait partie de la mise au
travail du logiciel et du musicologue, de faire conjointement l’expérience l’un de l’autre.
Il semble fondamental qu’une amélioration continue s’engage en fonction des urgences révélées par les premiers
utilisateurs pour que le logiciel espère devenir un compagnon de travail agréable et utile.
Pour une meilleure acceptabilité, une des pistes d’amélioration est d’élaborer une expérience permettant aux
utilisateurs de participer à la construction de leur milieu symbolique, a n que celui-ci devienne autant constituant
que constitué. Cela passe par la possibilité d’ajouter ses propres partitions, de pouvoir classer les concepts d’un
traité suivant son propre style d’analyse (on peut imaginer un volet concepts favoris par exemple, ou de garder
les concepts les plus utilisés en tête de liste), voire même de pouvoir agencer l’interface en fonction de ses
préférences.
3. Épilogue personnel
C’est avec un regard a né sur le rôle de l’ingénieur et le monde de la recherche, que je termine ce stage.
Associé avec ma première expérience de stage de longue durée, qui s’est déroulée dans une structure d’aide à
domicile, ces deux premières expériences m’ont profondément conforté et rassuré quant au bien-fondé d’un
ingénieur conscient et à l’écoute de son milieu d’intervention, et non simplement celui qui résout et optimise
suivant des logiques descendantes.
À titre plus personnel, ces six mois de stage ont embarqué beaucoup de joie au travail, de reconnaissance de la
part de mes pairs, et m’ont donné une réelle sensation d!appartenir à un collectif malgré la position quelque peu
solitaire du développeur. Aujourd’hui il y a l’envie de prolonger le travail non terminé, de suivre les avancées,
peut-être de revoir les musicologues pour les aider à se saisir de l’outil et à se familiariser au modèle conceptuel
sous-jacent. Je me rendrais disponible pour améliorer ce dispositif qui me tient à coeur et le porter à la
connaissance des acteurs de la recherche susceptibles de s’en emparer.
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Bibliographie
‣ Nicholas COOK et Christophe DILYS, « Qu’est-ce que la musicologie ? », site de la Revue du Conservatoire.
(consulté en ligne le 22/07/2022).
‣ Guido ADLER, « Étendue, méthode et buts de la musicologie », 1885. (cité dans Nicholas COOK et
Christophe DILYS).
‣ Pierre AUBRY, Mélanges de musicologie critique : la musicologie médiévale, histoire et méthodes, Paris,
Welter, 1900.
‣ « Où se fait la recherche ? », site du Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. (consulté en
ligne le 03/08/2022).
‣ Guillaume CHARLOUX, Le nancement de la recherche archéologique française à l’étranger en 2014, site du
ministère de la culture. (consulté en ligne le 01/08/2022).
‣ Marie-Angélique MENNECIER, Présentation du laboratoire, site de l’IReMus. (consulté en ligne le
03/08/2022).
‣ « Le Collegium Musicæ, un institut Musiques et Sciences », brochure, 2021.
‣ « Piloter les structures de recherche », site du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.
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‣ Christophe GUILLOTEL-NOTHMANN, Les signes musicaux et leur étude par l’informatique. Le statut
épistémologique du numérique dans l’appréhension du sens et de la signi cation en musique, Revue musicale
OICRM, 2020.
‣ Christophe GUILLOTEL-NOTHMANN, « Projet scienti que, Les structures internes et leurs modélisations »
(consulté en ligne le 17/08/2022).
‣ Thomas BOTTINI, Instrumenter la lecture critique personnelle multimédia, thèse de doctorat, Université de
technologie de Compiègne, 2010.
‣ « S.H.E.R.L.O.C.K. : Social sciences & Humanities corpora Exploration and active Reading with Linked,
Open & Contributive Knowledge organisation systems », site de l’IReMus. (consulté en ligne le
30/07/2022).
‣ Thomas BOTTINI, Instrumenter la lecture critique personnelle multimédia, thèse de doctorat, université de
technologie de Compiègne, 2010.
‣ Jean-Jaques NATTIEZ, « Sémiologie musical et herméneutique — une analyse et quelques considérations
épistémologiques », Les Cahiers de l’Ircam, 2002. (cité dans Thomas BOTTINI, 2010).
‣ Nicolas SALZMANN, « Épistémologie de la représentation : représenter, c’est produire un point de vue »,
polycopié de l’UV DI05. (copie électronique disponible en ligne).
‣ Éric GUICHARD, « Les humanités numériques n'existent pas », 2019, preprint.
‣ Yves CITTON, « Une médiapolitique des savoirs encore à inventer », Multitudes, 2015.
‣ Christophe DEJOURS, « Vers une autre dé nition du travail », Le Facteur Humain, 2018.
‣ Jean-Claude PAGÈS, Physiologie d’une machine qui inventerait, Essai d’application à la psychiatrie, Faculté de
Médecine de Paris, 1958.
‣ François RASTIER, Sémantique du web vs. Semantic Web ? Le problème de la pertinence.
‣ Etienne FRÉJAVILLE, Introduction à MEI (consulté en ligne le 09/07/2022).
‣ Bernard STIEGLER, « Les instruments de la musique du nous », La musique à l’esprit enjeux éthiques du
phénomène musical, L’Harmattan, 2008.
‣ Gilbert SIMONDON, Du mode d'existence des objets techniques, 1958.
‣ Petter Ericson, Martin Rohrmeier, « Hierarchical Annotation of MEI-encoded Sheet Music », Digital and
Cognitive Musicology Lab, Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL).
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Annexes
Recherche ergonomique
L’interaction avec la partition — idée de la note fantôme (remplacé par la Échange mail avec Christophe GUILLOTEL-NOTHMANN au sujet de
note positionnée) l’annotation par couleurs sur la partition
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Recherche conceptuelle
Recherche technique
À gauche, maquette de la nouvelle interface. À droite, pseudo-code pour la sélection de traités théoriques de la musique