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La petite Gazul a sept ans. Elle répète dans ma pièce le rôle d’un
petit garçon qui réconcilie, par son charme angélique, son grand-
père irrité et sa grande sœur coupable.
La petite Gazul arrive à la répétition sous la conduite de sa mère,
une ancienne choriste, qui n’a fait qu’un court séjour au théâtre, le
temps de connaître un électricien un peu bellâtre que le Destin avait
marqué au front pour procréer la petite Gazul. Puis la mère de la
petite Gazul avait épousé un placier en quincaillerie, qui s’imaginait
sans doute être le père de l’enfant. « Quelle histoire si cela venait
jamais ses oreilles ! » disait à tout venant la mère de la petite Gazul.
La petite Gazul, qui joue le rôle du petit Armand avec une
intelligence merveilleusement précoce, est dans la vie une petite fille
plutôt arriérée pour son âge, et aussi, il faut le dire, très mal élevée,
bien que — ou parce que — sa mère ne cesse de s’occuper de son
éducation. Elle s’en occupe avec une autorité mêlée de
ménagements, car c’est, en somme, la petite Gazul qui fait vivre la
famille.
Pendant les répétitions, la mère a sa place marquée au fond du
plateau. Elle est assise là toute la journée, ayant sur ses genoux le
manteau, le béret et la toque en faux astrakan de la jeune artiste.
Elle est entourée de deux ou trois dames qui attendent leur tour de
répéter et qui écoutent avec intérêt toute la vie enfantine de la petite
Gazul, la façon dont elle a été nourrie jusqu’à deux ans avec du lait
de vache et de l’eau sucrée, son habitude de dormir le jour et de
bavarder toute la nuit, son goût de la toilette, son refus absolu d’aller
à l’école… « C’est moi qui la fais travailler », affirme très
sérieusement sa mère.
Les dames artistes, quand la petite vient au fond du plateau, la
prennent sur leurs genoux et la câlinent, car les artistes tiennent
beaucoup à accuser leurs sentiments de famille, maternels ou
filiaux. Elles aiment aussi à montrer leur instruction et l’on a du mal,
aux répétitions, à les empêcher de dire : « Tu as-z-eu tort, ou deux
heur-z-et demie. »
C’est donc l’occasion pour ces dames de parler de leurs enfants.
La belle Laure a déjà bien du souci avec le sien, un garçon de treize
ans, étonnamment haut et grand pour son âge. Le fils de Daisy
Bertin n’a que dix ans. Daisy lui fait repasser son histoire sainte.
« Il vous pose des questions insupportables. Ainsi, l’autre jour,
cette histoire de Joseph et de la femme de Putiphar… J’ai eu de la
peine à m’en sortir.
« — Ah ! celle-là, dit Laure, l’histoire du manteau ! Je ne la
raconterai jamais à un enfant.
« — Pourtant, il y a façon de s’en tirer, dit Daisy.
« — Non ! dit Laure gravement. Jamais l’histoire du manteau. Ça
leur apprend à ne pas faire attention à leurs vêtements. »
Le peintre de mœurs