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TROP GÂTÉ

Du même auteur
Ouvrages parus aux Éditions Saint-Remi (tous abondamment illustrés)

AU KLONDYKE, 168 p., 13 €


CENT MILLE LIEUES SUR LES MERS, 232 p., 17 €
DOLLAR DES ORMEAUX , 153 p., 12 €
EN ACADIE, PAR LE FEU ET PAR LE FER, 147 p., 12 €
GUILLAUME LE BOER, 150 p., 12 €
JEAN LE VACHER, MISSIONNAIRE, CONSUL ET MARTYR, 136 p., 11 €
L’ERMITE DE BENI-ABBÈS, 129 p., 10 €
LA RIVIÈRE DES ALLIGATORS, 152 p., 12 €
LE CHEF DES HURONS, 151 p., 12 €
LE PÈRE NOIR, 163 p., 12 €
LES CHASSEURS D’AUTRUCHES, 145 p., 12 €
LES CHRÉTIENS EN CHINE, 155 p., 12 €
LES CORSAIRES D’AFRIQUE, 147 p., 11 €
LES DERNIERS FLIBUSTIERS, 135 p., 11 €
LES ENFANTS DE L’HACENDERO, 183 p., 14 €
LES FRÈRES DE LA CÔTE, 145 p., 12 €
LES NAUFRAGÉS DE L’ALASKA , 256 p., 19 €
LES PIONNIERS DU GRAND DÉSERT AMÉRICAIN, 273 p., 19 €
LES TRAPPEURS DU FAR-WEST, 163 p., 12 €
MADELEINE DE VERCHÈRES , 130 p., 11 €
NOS GRANDS CAPITAINES – BAYARD, 139 p., 11 €
NOS GRANDS CAPITAINES – DU GUESCLIN, 127 p., 10 €
NOS GRANDS CAPITAINES – JEAN BART, 159 p., 11 €
NOS GRANDS CAPITAINES – ROLAND, 137 p., 11 €
TROP GÂTÉ, 90 p., 11 €
TROP GÂTÉ
par

Léon VILLE,
LAURÉAT DE L’ACADÉMIE FRANÇAISE

Illustrations de
PAUL DUFRESNE

Nouvelle édition
à partir de celle de Tolra, 1897

Editions Saint-Remi
– 2024 –
COLLECTION LÉON VILLE
Couronnée par l’Académie Française
(Grand Prix de vertu Louis BIGOT, de 6.000 francs)

Léon Ville, dont tous les ouvrages, avidement lus par la jeunesse, ont été
couronnés par l’Académie Française et la Société d’Encouragement au bien, est
un émule de Fenimore Cooper, Mayne-Reid, Jules Verne, etc... Sa plume alerte
et la verve de son esprit tiennent constamment en haleine le lecteur et le
captivent de la première à la dernière page de son œuvre.
Et combien saine est cette distraction pour l’esprit et le cœur épris de
sentiments chevaleresques ! Ces lectures sont comme de la gymnastique morale
au grand air. Mettez sans crainte ces livres entre les mains de vos enfants. Vous
verrez de quelle façon ils formeront leur caractère et quel plaisir vous vous
procurerez à vous-mêmes, parents et maîtres, à voir vos jeunes lecteurs
dévorer littéralement ces excellentes publications illustrées.

Éditions Saint-Remi
Mounet sud
33410 Sainte-Croix du Mont
05 56 76 73 38
saint-remi.fr
CHAPITRE I

Penfants groupés
vous avez été bien sages, dit l’aïeule à ses petits--
UISQUE
en ce moment devant elle, je vais vous
raconter une histoire.
— Une bien belle, grand’mère, dit Mariette, une jolie fillette
de huit ans, à la mine éveillée.
— Oui, oui, répondirent ensemble Ernest et Gaston, deux
jumeaux de dix ans, qui se ressemblaient à les prendre l’un pour
l’autre, sans la nuance de leurs cheveux qui différait un peu, ce qui
permettait de les distinguer.
« Il y avait une fois... » dit l’aïeule.
— Tiens ! c’est un conte de fée, dit Gaston.
— Non, mon enfant, c’est une histoire vraie que je vais vous
raconter : et si je commence ainsi, c’est qu’il y a bien longtemps
qu’elle est arrivée.
« Il y avait une fois, dis-je, dans une petite chaumière d’un
triste village situé non loin d’Avignon, une famille de pauvres
gens, composée du père, de la mère et de quatre enfants, dont
l’aîné avait, à cette époque, onze ans ; le second, de deux ans
moins âgé, avait nom André ; le troisième, qui entrait dans sa
huitième année, était le filleul d’une grande dame qui lui avait
donné le prénom de Raoul ; enfin, Marguerite, âgée seulement de
quatre ans, était la benjamine. Son frère aîné la choyait beaucoup.
« Le père et la mère n’avaient guère le temps de s’occuper de
leurs enfants ; aussi, leur laissaient-ils une liberté, qui fit, comme
vous allez voir, le malheur de l’un d’eux. »
— Duquel, grand’mère ? demanda la petite fille.
6 TROP GÂTÉ

— De Raoul.
— Le filleul de la grande dame ?
— Oui. Mais ne m’interromps pas à tout moment, si tu ne
veux pas que je m’embrouille dans mon récit.
Mariette se tut, et, sérieuse, se mit à écouter attentivement.
« Raoul était un charmant enfant, mais sans volonté. Tous les
défauts avaient prise sur lui. Non qu’il fût vicieux, mais il ne
prenait jamais la peine de réfléchir. On lui eût proposé de faire la
chose la plus ridicule et la plus extraordinaire, qu’il l’eût faite,
pour peu que cela lui eut plu.
« Un jour, il rentra mouillé jusqu’aux os, parce qu’un mauvais
garnement l’avait défié de sauter dans une mare. II s’y fût
certainement noyé, sans un paysan qui passait par là, et qui eut le
temps de le saisir, au moment où il allait disparaître sous l’eau.
Une autre fois, il revint avec ses vêtements en lambeaux. Il
avait eu la fantaisie de grimper à un arbre pour saisir un moineau
qui gazouillait sur la branche la plus élevée.
« L’oiseau s’envola, et notre Raoul dégringola en entraînant
avec lui la branche qui se cassa.
II ne se passait pas de semaine qu’il ne lui arrivât quelques
aventures de ce genre, mais, comme on ne le grondait jamais, il
recommençait de plus belle.
« Gâté par sa marraine qui l’adorait, non pour ses qualités,
mais à cause de son joli visage, car il était vraiment très beau avec
ses grands yeux. bleus, son teint blanc comme on en voit peu
sous le ciel de la Provence, et ses cheveux bouclés, d’un blond
superbe. On ne pouvait le voir sans l’admirer. »
— Je voudrais être beau comme ça, dit Ernest.
— Tu l’es bien plus, dit l’aïeule en souriant. Car si tu n’as pas
d’aussi jolis cheveux et le teint si éclatant, tu es un brave enfant ;
et la bonté du coeur, qui se reflète sur le visage, donne à celui-ci
une beauté bien plus précieuse.
— Alors, moi aussi je suis beau, dit Gaston, puisque nous
nous ressemblons.
— Tu l’es moins que ton frère, cependant, car tu es
paresseux et souvent désobéissant.
CHAPITRE I 7

— Et... ça se voit sur ma figure ?...


— Certainement.
— Oh ! bien, alors, je me corrigerai, dit l’enfant gravement.
L’octogénaire sourit et continua :
« Un jour, sa marraine vint le chercher pour l’emmener à la
ville.
« Veuve depuis quelques années, elle vivait dans une solitude
réelle au fond de son vieux château où elle recevait peu de
monde.

« D’une nature orgueilleuse, très férue de sa noblesse qui


remontait, paraît-il, au règne de Louis XIII, elle eût cru déroger
en recevant, chez elle, les personnes, pourtant très honorables,
qui formaient, à ce moment, la haute société d’Avignon.
« Elle avait consenti à être marraine du petit Raoul, non par
bonté, mais par désoeuvrement. Puis, sans y prendre garde,
voyant que cet enfant devenait superbe, elle se prit à l’aimer et lui
8 TROP GÂTÉ

envoyait à chaque instant de jolis jouets et des vêlements


magnifiques, que sa mère n’osait lui faire porter dans leur humble
village. Les jouets étaient vite cassés et l’enfant, alors, se remettait
à courir les champs avec de petits polissons de son âge.
« Apprendre à lire, il n’en était pas question. Il faisait
constamment l’école buissonnière, et promettait, comme vous le
voyez, mes enfants, de devenir un mauvais sujet.
« Un jour, ai-je dit, sa marraine vint le chercher. On le revêtit
de ses beaux habits, et il partit pour la ville.
« Pendant ce temps, ses frères peinaient aux champs avec leur
père, et la mère s’abîmait les yeux à ourler de gros draps, ouvrage
très peu payé.
« Il y avait trois ans que Raoul était chez sa marraine, lorsque
le feu dévora l’humble chaumière de ses parents.
« En apprenant cette nouvelle, il ne versa pas une larme. Au
sein de l’opulence, il était devenu égoïste. Son frère aîné, qui avait
alors quinze ans, lui écrivit pour lui faire part de leur triste
situation, et lui demanda d’implorer sa marraine, afin qu’elle leur
envoyât quelques secours.
« Ce jour-là, justement, on donnait une grande fête au château.
Raoul, entouré de petits garçons de son âge, jouait avec eux au jeu
de paume. Il mit la lettre dans sa poche et n’y pensa plus. Dans la
journée, il prit part à la fête et ne songea pas un instant au
malheur de sa famille. Le lendemain, il avait tout oublié.
« Vous le voyez, mes chers enfants, la légèreté de Raoul lui
faisait commettre une bien vilaine action.
— Je n’aurais pas pu m’amuser en songeant à la douleur de
mes parents, dit Ernest.
— Ni moi non plus, dirent ensemble Gaston et Mariette.
— Parce que vous êtes de bons enfants, sérieux et réfléchis,
ce qui vous permet d’entendre la voix de votre conscience. Mais
je vous l’ai dit : Raoul était frivole et léger. Élevé par une femme
vaine et sans coeur, il ne pouvait donc prendre, auprès d’elle, que
des principes d’égoïsme. Mais vous allez voir qu’il fut
terriblement puni.
CHAPITRE I 9

« Ses parents, justement blessés de son indifférence, ne lui


écrivirent plus.
Livré à ses plaisirs, Raoul passait sa vie à s’amuser. L’étude le
dégoûtait, et la baronne de Chavanon, qui ne l’avait pris auprès
d’elle que pour la distraire, n’exigeait rien qui pût le rendre
maussade. Elle ne voulait pas voir un nuage sur son joli visage.
Des jouets et des beaux habits, on lui en donnait ; mais de bons
conseils, aucun. A l’âge de treize ans, il était d’une ignorance
déplorable.

« Je connais tous ces détails par le récit que me fit un vieux


domestique de sa marraine, qui fut, à cause de Raoul, congédié
après trente ans de service. »
— Oh ! dit Ernest. Il avait donc bien mauvais coeur, ce petit
garçon ?
— Non. Mais il était volontaire et capricieux comme le sont
généralement les enfants gâtés. S’il eût interrogé son coeur, il eût
eu, bien certainement, pitié de ce vieillard. Mais il ne pensait qu’à
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ses plaisirs et ne s’arrêtait à aucune idée sérieuse. Ce qui fit qu’il


vit chasser ce pauvre homme, sans que le moindre regret vînt le
troubler.
— Comment cela se fit-il ? demanda Gaston.
« Voilà. Un jour, Raoul eut la fantaisie de monter un cheval
des écuries de sa marraine. Le palefrenier n’osa, bien entendu, lui
faire la moindre observation, car il connaissait, par ce qu’il avait
entendu dire aux gens du château, la grande faiblesse de la
baronne pour ce gentil espiègle. Sur les ordres de celui qu’il
considérait comme son jeune maître, il sella et brida le cheval, et
voilà notre Raoul perché sur sa monture, galopant dans les allées
du parc. Mais le petit bonhomme était loin d’être un bon écuyer,
n’ayant jamais monté qu’en s’amusant, et sous l’oeil du cocher.
« Il ne fut pas plus tôt au milieu de la grande allée, qu’il prit
peur, car le cheval, sentant l’inhabileté de son cavalier, se mit à
faire des sauts et des ruades qui effrayèrent fort l’enfant. Il se
coucha alors sur sa monture en poussant des cris effroyables, et
lui prit les oreilles pour se retenir, ce qui fit que la bête poussa un
hennissement de douleur et se cabra. Raoul, désarçonné, roula à
terre pendant que le cheval, libre, de toute entrave, se mit à trotter
et regagna seul son écurie.
« Comme l’enfant tombait, Jean, le vieux domestique dont je
vous ai parlé, attiré par ses cris, arriva en courant et se mit en
devoir de relever le petit garçon. Mais celui-ci, honteux de sa
chute, et furieux d’être vu en cet état par un domestique, fut pris
d’un sot orgueil ; et, ne voulant pas passer pour un gamin sans
expérience dans l’art de monter à cheval, il adressa de violents
reproches au pauvre Jean et l’accusa d’avoir fait exprès peur à son
cheval. Le pauvre homme, interdit, fit remarquer à Raoul qu’il
n’était venu à son secours qu’en entendant ses cris ; mais l’enfant,
par amour-propre, ne voulut pas en convenir et, comme sa
marraine, attirée par tout ce bruit, venait en demander
l’explication, le petit polisson, rouge de colère, accusa hautement
le domestique de l’acte qu’il n’avait pas commis, et soutint qu’il
l’avait insulté.
CHAPITRE I 11

La baronne prit l’enfant dans ses bras et le consola en


l’embrassant ; puis, d’un geste souverain, elle éloigna le
domestique, à qui elle donna l’ordre d’avoir à quitter son service
le jour même.
« Jean resta atterré. Être chassé à son âge, après trente années
de service, était vraiment humiliant et pénible !
Une violente rougeur lui monta au visage, pendant qu’il jetait
sur Raoul un regard désespéré, auquel celui-ci ne fit pas même
attention.
Sa colère était passée, et l’insouciance de son caractère
reprenant le dessus, il ne pensa pas un instant qu’il venait de
commettre une action blâmable.
Je suis sûre que, si quelques jours après, quelqu’un lui eût
reproché cet acte, il eût été très étonné, car le soir même il l’avait
tout à fait oublié. »
— Je n’aurais pas pu dormir de la nuit, dit Ernest, si j’avais
eu une pareille chose à me reprocher.
— Oh ! moi, s’écria Gaston, j’aurais demandé sa grâce et
avoué mon mensonge.
— Moi aussi, dit Mariette.
L’aïeule continua :
« Jean se retira dans son pays, car il avait quelques économies,
et n’eut pas à souffrir de l’injustice dont il avait été victime. Mais
Raoul fut bien puni, vous allez le voir, des deux mauvaises actions
qu’il avait commises, car, un jour, il devint plus malheureux que le
dernier des valets. »
TABLE DES MATIÈRES

CHAPITRE I ..........................................................................5

CHAPITRE II .......................................................................12

CHAPITRE III......................................................................18

CHAPITRE IV......................................................................27

CHAPITRE V .......................................................................36

CHAPITRE VI......................................................................43

CHAPITRE VII ....................................................................48

CHAPITRE VIII ...................................................................56

CHAPITRE IX......................................................................61

CHAPITRE X .......................................................................70

CHAPITRE XI......................................................................78

CHAPITRE XII ....................................................................82

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