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Histoire universelle, sacrée et

profane, depuis le
commencement du monde
jusqu'à nos jours, par le R. P.
Dom Augustin [...]

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Calmet, Augustin (1672-1757). Histoire universelle, sacrée et
profane, depuis le commencement du monde jusqu'à nos jours,
par le R. P. Dom Augustin Calmet,.... 1736.

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HISTOIRE
UNIVERSELLE,
SACREE ET PROFANE,
DEPUIS LE COMMENCEMENT DU MONDE
JUSQU'A, NO-S J.OUR&

Par le R. P. dom AUGUSTIN CALMET,


ABBE' DE- SENONES ET PRESIDENT DE LA CONGREGATION
US S. VANNE ET 0E S. HJDULPH:i

.
TOME SECOND.

Chez JEAN RENAULD DOULSSECKER

M D C C XXX V r.
"tVEC JP PR O BATI O NI
PREFACE
ou
DISCOURS PRELIMINAIRE POUR LE SECOND
TOME DE L'HISTOIRE UNIVERSELLE. -
a
I.
Avantages de l'Histoire générale sur l'Histoirc
particulière.
'Histoire générale ou universelle a sur la particulière un
grand avantage, en ce qu'elle represente non seulement
les portraits des grands hommes, mais aufll les révolu-
tions des Etats ,i'établissement & le renversement des
Monarchies, les traits les plus éclatans de la provi-
dence sur la conduite du genre humain, pour punir
le crit18e ou pour recompenser la vertu; elle peint plus vivement
les cara&éres des nations, les effets des passions des hommes, les cau-
ses de ces étranges mouvemens qui arrivent sur la terre, & qui en
ont fait si Couvent changer la face, par l'expulcion , la dispersion, la
de{truétion de nations entiéres. Qu'on jette, par exemple, les yeux
sur la Palestine, ce pays si loüé pour sa beauté & sa fécondité, com-
bien de révolutions n'a t'-il pas souffertes ? Les Cananéens le poiTédé-
rent au commencement ; Ils furent detruits, diffipez .& presque a-
néantis par les Hebreux. Ceux-cy furent atterés, accablés , défaits,
envoies en captivité par les Caldéens & les Assyriens. Cyrus leur
permet de retourner dans leur pays ; les Roys de Syrie & d'Egypte les
asservissent & les tiennent dans une espéce d'esclavage. Dieu suscite
les Maccabées qui les remettent en liberté. Viennent les Romains
qui les accablent, les dissipent & ruinent leur Etat pour toujours.
On pourroit citer plusieurs autres exemples de pareilles révolutions.
Dans le premier tome de cette Histoire Uniyersëlle, sur tout dans
celle du peuple du Seigneur, nous avons vu tous les plus grands &
plus célébrés événémens que l'Histoire du genre humain puisse offrir
à nos yeux. La création du Monde, le Déluge, la dispersion des
nations à Babel, la sortie des Israëlites de l'Egypte, la Loy donnée
à Moyse àSinaï, la conquête de la terre sainte, le commencement, le
progrés & la chute de laMonarchie des Juifs dans Juda& dans Israel.
Dans tout cela, combien de miracles, combien d'événémens surpre-
nans, combien de preuves de la Religion , de la providence, & de
la justice de Dieu ?
Dans le même premier tome nous avons raconté le commen-
cement & la fondation des grandes & anciennes Monarchies, des Assy-
riens, des Egyptiens, des Chinois, des Perses; l'origine des Royau-
mes & des Republiques de la Gréce. Les Loix, la Police , les moeurs,
les études, la Religion de ces peuples nous ont occupé tour-à-tour ;
de même que la puissance étonnante de certains Roys d'Egypte &
d'Assyrie, leurs grands ouvrages, leurs guerres, leurs conquêtes. La
Gréce, qui fit dans la suite une si grande figure dans le monde, d'a-
bord ignorante, lans Loy, sans forme de Gouvernement, sans Reli-
gion reglée, pauvre, laborieuse, vaillante, studieuse, paroit ensuite
sçavante, éloquente, ambitieuse, puissante; elle donne la Loy à ses
voisins, elle est regardée comme la source du bon goût, on vient à
elle de toute part, pour s'instruire, pour recevoir des Loys & une
forme de Gouvernement. Elle tient tête aux plus puissans Roys de
Perse & fait échouër leurs dessèins. Ces Republiques si celébas & si
puissàntes d'Athènes, de Lacédémone, de Thébes, de Corinthe, vont
se ruiner l'une l'autre par la jalousie qui se met entre elles, & sont en-
fin renversées par la puissance de Philippe de Macédoine Pere d'Ale-
xandre, & par Alexandre luy-même.
Dans ce second tome nous allons representer ce jeune Conque-
rant, qui renverse toutes les puissances & ruine toutes les Monarchies
de l'Orient. Alexandre le grand avec une poignée de gens va fon-
der le plus grand & le plus puissant Empire qu'on eût encore veu sur
la terre ; & cela dans un si petit espace de tems, qu'il paroit presque
incroïable qu'il ait même pu parcourir tous les pays, dont il a fait la
conquête. Mais cette Monarchie dont la fondation a été si merveil-
leuse & les progrés si rapides, ne subsiste en son entier que tres-peu
d'années, elle sera bientoG: démembrée par la mort précipitée du Mo-
narque,& partagée en plusieurs petits Etats, qui se detruiront l'un l'au-
tre, & se réduiront enfin à quatre principaux Roïaumes.
D'un autre côté nous voïons u ne Republique naiflànte,belliqueuse,
consiante, & qui dans ses plus grandes disgraces semble tirer des forces
de son propre malheur, toûjours en armes, toujours attaquant ou
combattant pour sa défense ou pour son aqçirandisfement. Ses progrés
sont lents & laborieux. Rome est prés de cinq cens ans à subjuguer
les seuls peuples d'Italie qui l'environnent. Mais la résistance opiniâ.
tre
pénibles entreprises,,
tre de ces peuples forme les Romains aux plus à sortir de l'Italie,
& les rend invincibles. Dés-qu'ils commencent
rAfrique,la Gréce, l'Asie, lesEspagnes, l'Egypte, l'Assyrie,tout l'Orient
plie sous leurs armes. Ils renversent les grands & puissans restes de
la Monarchie d'Alexandre le grand.
IL
La main de Dieu dans tous les événémens du Monde.
C'Est ainsi que tout ce qu'il y a de plus grand, de plus puissant, de
plus redoutable, de mieux affermi dans le Monde, est sujet aux
vicissîtudes, & au changement, & que rien ne subsiste longtems dans
Un même état sous le Soleil. Dans tous ces changemens divers le
doigt de Dieu se fait maniement sentir; il fait voir aux hommes
que c'est luy seul qui dispose des Empires,qui les éléve & qui les ren-
verse, comme il luy plait, & quand il luy plait. Si Nabuchodonosor
marche contre Jerusalem, c'est le Seigneur qui le fait venir, & qui luy
met en main son glaive pour en chatier les impies (a) vous ne m avez, fferem.
(*)
point voulu écouter, dit le Seigneur aux Hébreux, &vous avez voulu XXV. 9-
adorer les ouvrages de pos mains pour votre malheur $ c ejî pourquoy voici 10. &c.
ce que dit le Seigneur des armées ; jeferay marcher contre vous tous
les peuples
de FAquilon & mon Serviteur Nabuchodonojor; il fera mourir les habitans de
&
ce pays, Ô" ils seront lejouet & la raillerie des autres nations, tous ces
peuples
feront assujettis a NabuchodonosorJoixante & dix ans, apres quoy je vljîteray
à son tour Nahuchodonosor & les peuples qui luy obéïjJent, &je reduiray son
pays en une JÕlitude éternelle. Si le même Roy attaque la ville deTyr
& la renverse; c'est le Seigneur qui luy ordonne d'en faire le siége,
qui luy donne la viB:oire, & qui après cela luy céde l'Egypte pour
le dédommager de tant de travaux, qu'il a soutenus pour son ser-
vice. (b) Ch'
Ezecb.
Si ^ennacherib insulte le temple du Seigneur & menace le Saint XXVI.
Roy Ezechias, (c) Dieu luy dit, je sçai bien d'où tu viens, & ou tu vas; É4 XXIX.
ta folie fy- ton orgueil contre moy me sont connus. le vas mettre un anneau 18. CO 19.
dans tes narines & un frein dans ta houche, comme à un animal qui lfai.
m'appartient &, que je veux domter, & je te rameneray dans ton pays XXXTfIl.
En effet la nuit suivante F Ange du 28,29. ;è.
par le même chemin que tu es venu.
Seigneur descendit dans le camp des Assyriens, 6" y tua cent quatre-vingt cinq
mille hommes, & Sennacberib retourna au plutôt a Ninive. Quand le Sei-
gneur menace l'impie Achaz des armes du Roy d'Assyrie & du Roy
(d) d'Egypte ; voici les termes dont il se sert; (d) le vais faire venir Juti
lfili. V11.
18.
coup de,f!fftet la mouebe qui eftfar les bords des fleuves de l'Egypte, & l' A-
beille qui efl dans la terre d'AjJur,&elles viendront dans la Iudée,& Je repo-
seront far les torrens qui roulent dans les vallées, dans les cavernes des ro-
t-"- ,
,
chers dans tous les haUiers, dans tous les trous de la terre.
Cyrus est-il suscité de Dieu pour détruire la Monarchie des As-
syriens & des Caldéens pour rendre la liberté au peuple du Seigneur,
& pour luy accorder la permillion de retourner dans la terre d'Israël,
il n'y a point d'expressions assez énergiques pour exprimer la sou-
veraine puissance du Seigneur,qui le désigne même avant sa naissance
par son nom, & luy ordonne comme un Maître à son Serviteur d'exé-
Ce) cUter ses décrets : ("<?) le fais le Seigneur, qui dit à Cyrus: vous ejles mon
lfai XLIV. Pasleur &
2s. vous accomplirez, toutes mes volontés. Je dis à Jerujàlem, vous
XLV. i. ferez rebâtie. Et au temple, vousserez rétabli. Voici ce que dit le Seigneur
a. 3. J&C. à Cyrus mon OinS. Je ray pris par la main & fajjujettirai les nations de-
f
vant sa .face je mettrai les Rois en fuite, &>je luy ouvrirai les portes & hu-
milierai en sa préjence les Grands de la terre, je briferai les portes cCairain, &
je mettrai en piéces les barres defer, je luy lnettrai en main les trésors cachez,
afin que vousfcacbiez que c'ell moy qui fuis le Seigneur, moi qui vous appelle
par votre nom, le Dieu d'Israël. Je faifascisèp ourlexercer lajuflice,je luy
donnerai d'heureux succés, il rétablira ma ville & renvoiera mon peuple captif
sans en recevoir ni argent ni presens.
Veut-on des preuves que les plus grandes Monarchies de l'Uni-
vers ne sont pas l'ouvrage des hommes, mais l'esset de la puissance
Daniel.XI. de Dieu ? Il n'y à qu'à ouvrir le Prophéte Daniel. Dieu fit voir en songe
36. ??. &c.
a Nabuchodonosor une Statuë dont la tête étoit d'or, la poitrine &
les bras d'argent, le ventre & les cuisses d'érain, les jambes de fer,
les pieds partie de fer , partie d'argile. La tête d'or marquoit l'Em-
pire des Caldéens. La poitrine & les bras d'argent marquoient l'Em-
pire des Perses; le ventre & les cuisses d'érain celuy des Grecs, & les
jambes de fer celuy des Romains; ou si l'on veut, les jambes & les
pieds marquent les Royaumes d'Egypte & de Syrie, qui seront renver-
sez & mis en poudre par la pierre quise détache de la montagne,& qui
Daniel. designe l'Empire Romain. Le même Prophéte eut une vision qui luy
Vil marquoit la même chose sous d'autres figures : Il -vit quatre bêtes dif-
jerentes entre elles, qui sortoient de la Mer. La première ressembloit à une
Lionne, & avoit des aïles comme une aigle. On lui arracha les ailes, elle
s'eleva Jur Jes pieds comme un homme, & l'intelligence lui fut donnée, comme
À
un bqmme. C'est le règne des Caldéens ou de Nabuchodonosor,
qui
qui après avoir été quelques années au rang des bêtes, recouvra son
bon ièns, & fut rétabli sur le Trône. La seconde ressembloit a une Ourse&
avoit trois rangs de dents dans sa bouche, 6-il luyfut dit : Leve 10Y & mange
de la chair en abondance. C'est l'Empire de Cyrus. La troisiéme étoit
semblable a un Leopard; elle portoit des aîles comme un oiseau & avoit qua-
tre têtes, & lapuissance luyfut donnée. C'est la Monarchie d'Alexandre
le grand. La quatriéme bête étoit terrible & admirable & d'une force ex-
traordinaire, eUe etoit armée de grandes dents defer, eUe mangeoit & brisoit
tout ce qu'elle rencontroit, &souloit aux pieds tout le resle; ; c'est l'Empire
des Romains. Dans la suite du chapitre le même Prophéte décrit d'une
manière si précise & si circonstanciée le regne d'Antiochus Epiphane
Roy de Syrie, & les persécutions qu'il fit souffrir aux Juifs, qu'on
croiroit lire non une Prophétie, mais une histoire, & que quelques
Payens ont soupconné que cela avoit'été redigé aprés l'événément,
tant les choses y sont clairément décrites.
Dans le chapitre suivant après que lAnge a fait voir à Daniel un Dan. VllL
Bélier qui avoit une corne extrémément élevée, dont il frappoit & 2. 3. 4" ••
jettoit au vent tout ce qu'il rencontroit: Il vit un bouc, qui venoit 20. 21..
du côté de l'Occident, & qui couroit d'une si grande vîtesse, qu'il:4.
ne touchoit pas la terre; il avoit une corne insigne entre ses deux
yeux, &s'étant élevé contre le Bélier, il vint le frapper de telle roideur
qu'il le renversa par terre ; & le foula aux pieds, sans que personne
pût: luy donner du secours. Un peu aprés l'Ange explique luy-même
la vision à Daniel : Le bélier que vous avez veu avec des cornes, cejl le Roy
des Afe"des des Perses, à- le bouc, c'est le Roy des Grecs. La corne in-
signe qu il a entre les yeux, c'ejl le même Princefondateur de l'Empire des
Grecs. *
C'ess ainsi que les Livres saints nous développent les grands
événémens, longtems avant qu'ils arrivent, & nous font connoître
les causes des plus fameuses révolutions. Si les Auteurs des autres na-
tions n'ont pas les mêmes prophéties, & si la main de Dieu ne s'y
manifeste pas si clairement, elle ne laiflepas d'y être & d'y opérer
aujourdhuy comme autrefois; chez les autres peuples, comme chez
les Juifs; la foy nous y fait voir aujourd'huy comme dans les anciens
tems, un Dieu vengeur, juste, puissant, misericordieux, qui distri-
buë les sceptres, qui renverse les Trônes, qui ôte l'intelligence aux
Monarques, qui verse i'esprit de vertige dans ceux qui commandent,
qui inspire le courage aux guerriers, qui leur donne la vidoire, qui
soutient les foibles > & humilie les superbes & ceux qui présument
trop de leurs forces. Dieu est toujours le môme, aussi jaloux aujour-
d'huy qu'autrefois de sa gloire , au ssi ennemi de la présomption & 4e
l'orgueil.
III.
Retour de la Captivité des juifs.Septantesemaines de Daniel.
T TN des plus celébres & des plus grands événémens qui se presentent
N dans le lecond tome de l'Histoire Universelle, c'est la fin de la
désolation de la Judée, & le retour de la captivité de Babilone, tout
cela suivi du retablissement de la ville & du temple de Jérusalem, de la
venuë du Mè(He, de sa mort, de la ruïne du temple par les Romains,
& de l'abomination de la désolation. Tous-ces faits si importans sont
si distinL',Iement marqués dans les Prophétes Jérémie, Zacharie, &
Daniel, qu'on ne peut qu'on ne les y reconnoistê d'une maniére sen-
iible ; l'accomplissement réel de ces Prophéties nous les a renduës
encore plus évidentes & plus claires, qu'elles ne l'étoient avant Jesus
Christ.
Cependant nous ne connoissons aucune question,sur laquelle les
sentimens des Ecrivains soïent plus partagez que sur celle des septante
semaines de Daniel. On a déja propose un tres-grand nombre de fy..
stémes pour les expliquer. Le nombre de ces systémes s'augmente
tous les jours ,& aprés tant de recherches l'on n'en est pas plus avancé.
On ne peut pas s'en prendre à la Chronologie, elle est assez seûre &
assez développée depuis le regne de Nabonassar Pere du grand Nabu-
çhodonosor ; elle l'est encore davantage dépuis Cyrus.
Nous nous sommes autrefois expliqué sur ce sujet dansje com-
mentaire sur Daniel, & dans la dissertation sur les septante semaines
marquées dans ce Prophète; on a formé quelques objeétions contre
notre Systéme,& dépuis quelque tems on nous a fait ouverture d'une
nouvelle hypothésè qui paroit satisfaire à toutes les difficultez, & re-
medier à tous les inconveniens qu'on a reprochés aux Systèmes or-
dinaires. Le plus grand de ces inconveniens, àmonfens, est que
l'on sépare les tems de l'exécution des Prophéties, & qu'on en fixe
les commencemens de loin à loin d'une manière presque arbitraire.
Au lieu que dans l'Hypothéseque nous allonsproposer, il n'y a aucun
vuide dépuis les prémieres semaines prédites par Jérémie, jusqu'aux
dernières prédites par Daniel. Car les 70. ans de Jérémie, sont des
semaines d'années,de même que les semaines de Daniel; Mais aveG
cette
cette disserence que toutes .les semaines de jérémie sont de 70. ans, au
lieu que parmi celles de Daniel, il s'en trouve une de sept ans par
semaine.
Pour la plus parfaite intelligence de tout ce-cy, il faut supposer
comme indubitable que chez les Hébreux le nombre de sept etoit sa-
cré & mysterieux. Dieu se repose au septiéme jour de la création.
(a) Noë fait entrer dans l'Arche sept animaux purs (b), Jacob sert La- Gen.Ca)ll.
ban pendant sept ans pour Rachel,& autant pour Lia. (c) Pharaon voit 00 2%.
en songe sept vaches grasses & sept vaches maigres. (d) Les fêtes des Gen. Vil.
Hébreux & leurs deuïls durent sept jours. Le chandelier d'or est à sept 2.Cc)3.
branches ; on arrose sept fois l'autel & le Prêtre avec le sang de victi- Gen.
XXIX.
mes pour leur consecration. On purifie le lepreux aprés sept jours 20. 28.
d'examen. Dans plusieurs sacrifices solemnels on offre sept agneaux. Cd)
On fait sept fois le tour de Jéricho, sept Prêtres y sonnent lèpt fois Gen. XLl.
de la Trompette. Ce nombre de sept est consacré dans cent autres 1. 2.
circonstances de l'Ecriture.
De plus il est important de remarquer que les Hébreux avoient
»

des semaines de plusieurs sortes :


le. Dessemaines de jours;c'eil-à-dire,dessemaines ordinaires, dont
le dernier jour étoit le Sabbath. Ca) Ca)
20. Des semaines de semaines, ou de sept semaines ; la Pentecôte Exod. XX.
Gen.U.W*
se nommoit la fête des semaines, parcequ'elle se célébroit sept semaines 10.11.
après Pâques. (b) Cb)
l'année Exod.
3°. Des semaines de sept années, au bout desquels venoit xxxiv.
Sabbathique. (c) 2.2:
Des semaines de sept fois sept de neuf 00
40. ans, ou quarante ans, Levit.
au bout desquelles étoit l'année du jubilé. (d) XXV. 3.4.

,
f0. Des semaines de dix ans pour une semaine, ou de 70. ans. Levit.
Ou si l'on veut, de 70..(emaines à un an par semaine, ce qui revient xxv.n-T-
au même. On en voit grand nombre de cette sorte dans l'Ecriture. 00
Cd)

La désolation de la ville de Tyr devoit durer soixante & dix ans, ou Ifai. XJ.
sept semaines de dix années. (e) La desolation de la terre de Juda, autant i?.i7. Cf)
de semaines. La terre de Juda a observé ses Sabbaths dit fauteur desPa- Jerem.
ralipoménes, jusqu'à la consommation dessoixante <tr dix ans prédite par Jé- XXV.
0 2. Par.H.
rémie. La desolation de jérusalem & du temple devoit aussi durer XXXVI.
soixante & dix ans, c'est-à-dire, sept senlaines de dix années l'une. ai.
00
(g) Lorsque les soixante & dix ans que vous devez passer àBahilonne, com- tferem.
menceront à s'accomplir. je vous visiterai, dit le Seigneur dans Jérémie. XXlX..
Le Prophéte Zacharie (b) qui étoit de retour en Judée dépuis quel- (h) 10.

ques Zacb. 1.
12.. ( Vll. ques années, demande à Dieu quand il luy plaira d'avoir pitié de Jé-
5» rufelem & des villes de Juda, contre lesquelles il a exercé sa colère
depuis JOixante & dix ans? Ces années n'étoient donc point encore ex-
pirées, comme il paroit par le chapitre VII. du même Prophéte.
Quand vous avezjeûné dans le cinquième à- septieme mois pendant ces soixante
& dix ans , avez-vous jeûné pour moy?
Voila trois semaines d'années, a dix années l'une, bien marquées
dans jérémie & dans Zacharie; 1°. Pour 'la desolation de la Judée,
2°. pour la durée de la captivité de Babilone. 30. Pour le rétablissement
ci) de la ville & du temple de Jérusalem.
Dan. LX. Daniel nous donne encore sur cela de nouveaux eclairciflemens;
2, 24. il dit ( i) qu'ayant demandé à Dieu l'intelligence du passàge de Jéré-
mie, qui dit qu'après soixante & dix ans de desolation JéruÍàlem sera
rétablie, l'Ange Gabriel est envoyé pour l'instruire, & luy dit : Soixante
& dix semaines accourcies (ou abrégées) s'écouleront far votre peuple, &
far la villejàinte,jusqu'a ce que la prevaricationsoit abolie, que le peché prenne
0
fin que Finiquitésoit effacée, que la _juslice éternelle vienne far la terre ; que
,
les visions & les Prophéties jOient accomplies, & que le Saint des Saints jbit
oing.
L'Ange ajoute : Depuis Vordre qui fera donné pour le rétablissement de
Jérujalem jusqu'au Chrijl Chef de mon peuple, il s'écouleraseptsemaines, &
flixante & deux semaines, à- les murailles de la villeseront rebâties, pen-
dant un tems court à- resserré.
Et aprés soixante Ù* deux semaines le Cbrijl sera mis a mort, & le
peuple qui le doit renoncer, nesera plus sin peuple. La nation qui doit venir
avec sin Chef, detruira la ville
6" le JanéIuaire. La ruinesera entiere, &
la déslation prédite arrivera après cette guerre. Il consommera sin alliance
avec plusieurs dans une semaine, & au milieu £une semaine, (ou dans la
moitié d' une ièi»aine, les hosties &les sacrifices seront abolis; l"abomination de la
déflation fera dans le temple, <tr la déflation durerajusqii ,à la .fiii.
Voila donc aussi dans Daniel trois termes de soixante & dix ans
ou de 70, semaines, d'un an chacune, bien marquées; 1°. jus-
qu'à la fin de l'iniquité, & jusqu'à la réconciliation de Dieu avec ion
peuple, lorsque le temple sera rebâti & dedié de nouveau ; ce qui
est marqué par ces termes; que le SainB des Saints sera oinU, sous Esdras
Aggée, Zacharie & Zorobabel.
2°. Soixante neuf ans, ou foi,-cante deux semaines, & sept semaines
dépuis l'ordre donné par Darius fils d'Hystaspe pour rebâtir le temple,
à
jusqu'à l'édit donné par Artaxercés Néhémie,pour rebâtir les murs
de Jérusalem. 3°. Soixante
3o. Soixante & deux semaines jusqu'à la mort du Meilîe & la ré-
probation des juifs. La confirmation de l'alliance du Messie avec plujteurs
si sera dans une semaine, & enfin dans une demie semaine, (ou dans
la moitié d'une semaine) le templesera détruit, àr on berra- ?abomination de
la déslation, qui durera toujours.
La meilleure preuve que nous puissions donner de notre hy-
pothése, c'est d'en montrer Taccompliflement literal & chronologi-
que, dépuis que Jeremie prqjpnça sa première prédiction des 70.
ans de désolation de la terre de Juda, Jerem. XXV. If. jusqu'à la ruïne
du temple de Jerusalem par les Romains, prédite par Daniel, dans le
passage que nous venons de citer, le tout sans aucune interruption..
Il est certain que l'une des deux prédictions de Jeremie doit s'ac-
complir au commencement du regne de Cyrus. Ce pays sera réduit en
solitude, dit ce Prophéte (a) Et tous les peuplesferont assujettis au Roy de Ba- fferem.
-J
rlilIl

bilone pendant soixante & dix ans, après ftixante & dix ans, je visiterai.XXV.
le Roy de Babilone &-sÓn peuple, à- je réduirai la terre de Caldée -en unejo- n. 12.
,
livre des Paralipoménes. (b) Le O)
litude éternelle. Et dans le second pays 2. Par.
de Juda a célébré les Sabbats de sa désolation jusqu'à lafin des 70. ans prédits XXXVI.
par Jeremie ; alors le Seigneur a suscité fejprit du Roy Cyrus, la première 21. 2z.
année de sin regne, pour accomplir la Prophétie de Jeremie, & pour rendre aux
Juifs la liberté de retourner dans leur pays. Ce qui est encore repété au
commencement du prémier livre d'Esdras. (c) Il faut donc remonter Esdr. (0
de la premiére année du Regne de Cyrus, qui tombe en l'an du 1.1. 2. 3. 1.
monde 3467. jusqu'à l'an 3597. qui est l'époque de la premiére des 70.
années de désolation marquées dans Jeremie, & qui tombe en la pre-
mière année de Joakim Roy de Juda, & en la premiére de Nabucho-
donosor Roy de Chaldée.
Les septante années de captivité de Juda à Babilone, marquées
dans le même Prophéte Chap. XXIX. 10. en ces termes: Lorsque les
soixante & dix années de captivité commenceront à s'accomplir a Babylone, ,je
vous vifiteray, je vou^Jerai revenir en ce lieu-cy. Ces soixante & dix
années commencent en l'an 3416. qui est la derniére année deSedécias,
& l'époque de la ruïne du Royaume de Juda, & finillènt en la cin-
quième année de Darius fils d'Hystaspe, du monde 3485. dans laquelle
ce Prince donna un édit pour rétablir le temple. Voïez 1. Esdr. VII.
1.2. & Zach.I.12. & VIL f. en conformité de ce qui avoit (d) été ordonné Eidr. 60
i. IV.
par Cyrus, mais empêché & retardé par la malice des ennemis des 4. Ii. 6.
juifs.
Ce quiparait aussi marqué par cesparoles de Daniel Chap. IX. 24.
Soixante 6-. dix semaines abregées (ou accourcies) ce ne sont pas des
semaines de dix ans ni de sept ans, mais des semaines abrégées ; un
espace de 70. ans s'écoulerontsur votre peuple & sur la ville [ttinte, juflIu'à-
ce que la prévarication
soit abolie, que le pêché prennefin à- que l'iniquité sist
effacée & que la jusiice éternelle vienne jur la terre, à- que le Saint des Saints
,
soit vinEt. Dieu se réconcilia avec son peuple, & lui pardonna plei-
/
nement, lorsque son temple fut de nouveau consacré, & que l e Saint
dès Saints fut oinB: Ibus Esdras, Aggqp, Zacharie & Zorobabel.
Cependant la ville de Jerusalem étoit encore ensevelie fous ses
a
ruines, & les murs n'etoient pas relevez: C'est ce qui donna occasion
à Néhémie de demander à Artaxercés surnornmé à la longue main la
permission de retourner à Jerusàlem, pour rétablir la ville. Il l'ob-
tint la 20. année de ce Prince 2. Esdr. 1.1. 2. & II. 1.2.3. du monde 8.
soixante & dix ans aprés l'edit de Darius fils d'Hystaspe donné en 3486.
Il faut néanmoins remarquer que dépuis la cinquiéme année de
Darius sils d'Hystaspe, jusqu a la vingtieme d'Artaxercés à la longue
main, il y a 72. ans. Mais en ne comptant pas ni la cinquiéme de
Darius fils d'Hystaspe, qui est déja comptée dans les 70. ans précéJens,
ni la 20. qui sera comptée dans les onze ans de séjour de Nehemie
dans la Judée, reÍteront 70. ans.
Il est vray que Daniel n'en marque icy que soixante deux; puis
sept qui font seulement 69. ans,apparemment parcequ'Esdrasayant été
envoyé à Jerusàlem par Artaxercés la Jèptiéme année desin regne, voïez
1. Esdr. VII. 7.8.
Daniel n'a pas voulu compter cette septiéme année,
& qu'il a distingué exprés les 62. semaines, d'avec la septiéme semaine,
dont nous venons de parler; ce qui marque l'admirable concert des
Prophéties, & leur accomplissement literal & précis. Mais en
comptant cette septiéme année dans la somme totale, nous trouve-

00
rons juste soixante & dix ansd'Artaxercés;
fils d'Hystaspe, jusqu'à la 20.
vingtième d'Artaxercés non comprimes. ,
dépuis la cinquième année de Darius
la cinquième de Darius & la

C'est à ce terme que nous rapportons ces paroles de Daniel, ,£a)


-pan. IX.
Depuis l'ordre quisera donné pour le rétablissement de Jerusalem, jusqu'à r-
25.
Oint chefde mon peuple,&jusqu'à la venue deNehemie,quiétoit Gouver-
neur de la Judée, Chef des juifs & de la race de David, il s'ecoulera
septsemaines & soixante deuxsemaines, & les murailles de la ville seront
rebâties pendant un tems malheureux, ou pendant un tems court & resserré:
e'est-à-dire, dépuis l'édit deDarius fils d'Hystaspe donné la cinquième
année de son regne, 'du monde 3486, jusqu'à l'envoi de Nehemie en
Judé-s
Judée pour rétablir les murailles de Jerusalem en 3f?S. il s'ecoulera
sept (ëmamcs& soixante deux icmames, en tout soixante neuf
encore
semaines, c'est-à-dire soixante neuf ou soixante & divans, ainsi que
nous l'avons expliqué cy-devant. -
Néhémie eontarrivé à jerusalem la vingtième annee duRoyArta- 2. Esdr. (b)
/.
xercés, du monde 3W.{b) il y demeura dix ou onze ans, jusqu'à la 1.2.&U.lZe
trente-unième année du même Prince, (c) pour regler les affaires du EJdr. (O
pays, aprés quoy il s'en retourna à la Cour d' Artaxercés, pour y exercer 2.
1J.
VI.

son emploi d'Echansons mais le tems qu'il demeura en Judée ne nous


regarde pas. Daniel l'a seulemens designé par ces paroles ; un tems mal-
heureux, ou untems racourci, sans en marquer precisément la durée.
Il nous reste à present à expliquer les 62. semaines de Daniel,
qui doivent s'ecouler jusqu'au Mefrie. ^ '
Or dépuis l'an du monde^S. jusqu'à la prémiére année ^ de J.C.
il y a soixante & deux semaines d'années sabbatiques, de sept années
l'une, qui font 434. ans, lesquels ajoutés à 3^66. formeront la somme
de 4°'10.. ans, qui est l'année de la naissance du Sauveur.
Dépuis ce tems il ne nous reste plus qu'une semaine & demie
pour le parfait accomplissement de toutes les Propheties de Daniel :
Voicy les paroles de ce Prophete : Aprés soixante-deuxsemaines le Chriji
sera mis a mort, ter le peuple qui le doit renoncer nesera plussin peuple, les
Juifs seront réprouvés. La Nation qui doit venir avecson Chef (les Ro-
mains avec Tite) détruira la ville. La ruine sera entiére, & la déflation
prédite arrivera aprés cette guerre. Ilconjômmerason alliance avec plusleurs
pendant une semaine de sept ans, (Jesus Christ établira sonEglise& parmi
les juifs & parmi quelques Gentils dans l'espace des sept ans,qui pré-
cédent & qui suivent sa mort) ter a la moitié d'une semaine, les bojiies ter
les sacrifices feront abolis,l'abomination de déflation .sera dans le temple. (voïez
St. Matth. Chap. XXIV. If. par la prile de Jerusalem & la ruine du
temple,)& la déflation durerajusqu'à la fin. (Le temple ne sera plus ré-
)Voicy
tabli.
cette semaine de 70. ans, a^ dix
comme nous distribiions
t .

ans la semaine.
Jesus Christ est né l'an du monde 4000.
St. Jean Baptiste a commencé à prêcher l'an du monde 4°3 l.
Jeius Christ a été baptizé 4032.
Il est mort au milieu de la semaine âgé^ de3f. ans& demi,^
en 403f.
& demi.
Pendant cette semaine il a confirmé son alliance avec plusieurs
(Dan. IX. 27.) par sa prédication avant sa mort, & par celle des Apô-
tres , aprés sa retùrreâion.
La guerre des Romains contre les Juifs dure trois ans & demi,
c'est-à-dire, pendant une demie semaine, en la commençant à la fin
de la derniére semaine, en 4070.
L'abomination de la désolation commence au siége de Jerusalem
par Cestius l'an du monde 4070.
Le temple est détruit & les sacrifices abolis au milieu de la semaine
deseptans, en 4°73.
Les Romains demeurérent en Judée encore environ six mois,
pendant lesquels ils firent périr une infinité de juifs; pendant les six
prén1iers mois de l'an 4074-
Cette suite chronologique que personne, que je ^ scache, n'a
en-
core tentée, paroit satisfaire à toutes les difficultés sur les textes précis
des Prophétes Jeremie, Daniel, & Zacharie, & sur ceux d'Esdras, &
de Nehemie, mais il ne faut pas dissimuler qu'elle souffre encore quel-
ques embarras,fondés io. sur ce que les semaines marquées dans Daniel,
selon notre hypothése, sont dedeuxsortes;les unes sont de septante ans,
ou de sept semaines , à dix ans par semaine; ou de septante semaines à un
an parsemaine;&une autre est de sept ans par semaine,où elle est com-
posée d'années sabbathiques.Les semaines dépuis Cyrus jusqu'à Darius
fils d'Hystaspe ne sont que de 70. ans, non plus que celles dépuis Da-
rius fils d'Hystaspe jusqu'à Artaxercés; mais celles dépuis Nehemie,
jusqu'à la naissance de jesus Christ, sont de sept ans chacune, &sont
des années Sabbathiques, dont les sept font quarante neuf ans , & les
soixante deux semaines, font 434- ans; la dernière semaine, dépuis la
naissance de J. C. estencore de 70. ans.
Cette diversité de semaines de différentes grandeurs, paroitra
fuspeëfce à ceux qui ne font pas attention à la manière dont les Pro-
phétes ont accoutumé de s'expliquer, répandant exprés quelques ob-
1èurités dans leurs expressions, lelquelles ne s'éclaircissent ordinaire-
ment que par l'événément. Combien de Prophéties appliquées trés-
justement & très- literalement au MelFie, auxquelles on n'auroit ja-
mais longé sans les circonstancesde la vie & delamortdej. C. qui nous
les ont développées ?Une autre obje&ion qui paroit tres-solide, cesc
que Daniel porte expressément Septante Jemaines, & que dans notre
hypothése nous ne comptons qu'une semaine de septante ans, ou sept jois
dix ans, ou septante semaines à un an la semaine ; ce qui paroit fort
différent de fixante & dix semaines, qui feroient quatre cens quatre-
vingt
à
vingt dix ans, prendre la semaine à sept ans l'une; & qui neferaient
formeroient
pas un an & demi, à prendre la semaine à sept jours ; & qui
un espacede trois mille quatre cens trente ans, en prenant la semaine
à quarante-neuf ans, comme les années du Jubilé. Enfin en les prenant
à septante ans l'une, comme les ont prises Origénes & peut-être Eusé-
be, les septante semaines feroient une somme de quatre mille neuf
cens ans ; ce qui est exorbitant, & qui rendroit ces Prophéties inex-
plicables. Il faut donc les réduire à septante ans, & en voicy les preu-
ves. Prémiérement il est très-probable que les septante semaines de
Daniel Chap. IX. 24. Il y aura septantesemaines accourcies (ou détermi-
nées) sur votre peuple6--jitr la ville fainte pour consommer la prévarication....
& oindre le St. des Saints ; sont les mêmes que les septante ans marqués
dans Jerem. XXIX. 10. par ces paroles: Lorsque septante ans commen-
ceront a s'accomplir à Babilone , je vous visiterai &je vous ramenerai en
ces lieux. Ni Jeremie, ni Daniel ne parlent pas ici de la
permiffîoii
accordée par Cyrus aux Juifs de retourner dans leur pays,après les »

septante ans de la désolation de la Judée, marqués dans JeremieXXV*


ir. 12. & II. Par. XXXVI. 21. 22. mais de la permission accordée aux
mêmes Juifs de rebâtir le temple, la cinquième année de Darius fils
d'Hystaspe; voyez 1. Esdr. V. 13. & VI. 1.2. 14. if. Or il est contant que
jeremie a clairement marqué septante ans; on doit donc dire que
Daniel a marqué le même nombre d'années ; & par consequent que
dans les autres endroits , où il parle de septante semaines, on doit
entendre auili septante ans.
Secondement,il est allez ordinaire dans l'Ecriture & sur tout dans
les Prophétes, de donner une semaine pour un an. Par exemple,
les Hébreux aïant refusé d'obéir au Seigneur, & n'aïant pas voulu Num..
XIV,
croire à Moïse, il les condamna à errer dans les deserts, d'Arabie pen- 34.
dant quarante ans, c'est-à-dire, autant d'années que les Envoiez du
peuple en avoient emploiées à considerer le pays de Chanaan; annus
pro die imputabitur, quadraginta twnÙrecipietis iniquitates vefîrœ*. Et dans
Ezechiel IV. 6. Dieu dit à ce Prophète : Vous demeurerez couché sur
votre coté droit pendant quarante jours ; autant de jours que les Juifs seront
demeurez dans ba désolation; Diem pro anno, diem inquam, pro anno dedi tibi.
Il n'en: donc pas singulier à Daniel de mettre une année pour un jour;
septante semaines pour leptante ans
3°. Enfin il est impotI1ble d'expliquer ces Prophéties, & de Ie$
appliquer à la venuë duMeslîe,& àla ruine de Jerusalem& du temple,
comme le fait J. C. dans l'Evangile, Matth. "IV. 1), ni en prenant
dans Daniel les septante semaines pour sept jours, ni pour sept années,
ni pour quarante-neuf, ni pour septante années. Il faut donc les re-
straindre à septante ans. L'Ange qui parle à Daniel, repond à la
il
question qu'il lui avoit faite sur les septante ans de Jeremie, & con-
serve le même nombre d'années, exprimé sous le nom de septante fe-
maines à un an pour semaine.
,
Récapitulation.

Première
Epoque; ^
DE'folation de- la Judée
commençant à Tan du t
Monde 3397. & finissant à 1 an du Monde 3397-
la premiére année de Cy-< ajoutez 70.
fUS,Jerem-: XXV. II. Et fera 3467.
2. Parai. XXXVI. 21. 22.
An du monde 3467. ^
Seconde Captivité de Babilone,
époque. dépuis la prise du Roy Se- ç
décias, l'an du monde 3416.
jusqu'hU cinquieme année I du dg ^
de Darius fils d Hystaspe an
l'an du monde 3486. voïez
Jeremie XXIX. 10. Et.
1. Esdr. 1.1.2.3.
& VI. 1.2. &
Zachar.I. 12, VII. f. Dan.
IX. 24.2f.
Troiftcme Dépuis la cinquième fan du monde 3486.
Epoque. année de Darius fils d'Hy- 1 72.
staspe,du monde 3486.jus-j 3fT8.
qu'à la vingtième d'Arta- ié derniére f
en la & la 1 .J°-

Quatrième
xerces, du,
voiez Dan. IX. 24.
Néhémie demeure en
3fç8,
L 11
seulement 70.ans.ainsi

Epoque. Judée jusqu'à la trente-


deuxième année d'Arta-
xercés, 1. Esdr. V. 14. pen-
dant II. ans, dépuis l'an du
monde 3ff 8. jusqu'en 3,70.
mais
mais la durée précise de ce
séjour & de ce retour, ne
font rien à la Prophétie }

de Daniel.
Dépuis l'accompliflè-
ment de la Prophétie, qui
regardoit le retablissement
des murs & de la ville de
Jeru(alem, que l'on peut #
fixer à l'an du monde 3f 66.
jusqu'à la venuë ou la naif-< an du monde
sance de J. C. il y a 62. se-
. 434-
maines (a)de septans l'une; naissance de J. C. 4000.
qui font 434. ans, lesquels
(a)
Dan. IX.
ajoutés à l'an,r66.feront ju- ^ j 26.
ste4000.ans qui est l'année
de la naissance du Messîe.
Dépuis le commence- 4 Cinquième
ment de la prédication du * Epoque.
Royaume de J.C. par Jean
Baptiste, jusqu'à la mort ç
il
de J. C. y a une demiése-
maine, ou 3.. ans & demi,
& dépuis sa mort encore 3. Naiilance de J. C. 4000.
ans & demi pour achéver St. Jean Baptiste commence à prêcher 403I.
la semaine, pendant la- Jesus Christ est baptizé 4032.
quelle son alliance s'affer- est crucifié '
403f. & demi.
mira avec plusieurs. Ainsi âgé de trente cinq ans & demi.
sept ans pleins, ou une se-< Commencement de la guerre des
maine de 7. ans. juifs 4°70;
La guerre des Juifs con- Ruine du temple &c. 4073. Sixiéme
tre les Romains commen- & demi. Epoque.
ce en l'an 70. de J. C. du
monde 4070. qui est la der-
niére année de la derniére
semaine de Daniel. Cette L
guerre finit au milieu d'une
semaine & dure 3. ans &
demi. Voïez Dan. IX. z6*
& Matth. XXIV. if. Alexan-
,
IV.
Alexandre le Grand.
A Lexandre le grand fait une si grande figure dans l'Histoire, sa ré..
putation est si étendue, & lès conquêtes si célébres, qu'on ne
peut se dispenser de donner icy son cara&êre.
Il n'étoit pas d'une taille avantageuse ; il étoit plutôt petit que
grand: mais il étoit d'un courage, & d'une grandeur d'ame fort au
dessus du commun. Le monde entier luy paroissoit trop petit pour
satisfaire son ambition. Ilversoit des larmes, lorsqu'on luy annon-
coit les conquêtes de son Pere, disant qu'il ne luy laisseroit rien à con-
quérir. On admire sa magnanimité, sa valeur, son intrépidité, sa
vigilance, sa libéralité, sa rétenuë envers les femmes, son amour
pour les belles choses & pour les lettres. Mais on ne peut que blâmer
son excessive ambition,son intemperance, ses excez de colère, la folle
vanité qu'il avoit de vouloir passer pour fils de Jupiter. Tout est
extrême dans Alexandre; ni le bien ni le mal, ni les bonnes, ni les
mauvaises qualités, ne demeurent pas en lui dans les bornes ordinai-
Il aime à l'excès & hait de même; si sa colère le porte jusqu'à
res.
dans le prémier feu de son empor-
tuër Clitus son ami dans le vin, & jusqu'à
tement; il pousse au fl'l le repentir vouloir luy-même cesser de
vivre. Si la mort luy enléve Ephef1:ion son Favori, il fait éclater sa
douleur par des cris, des pleurs ; & un jeûne de trois jours sans man-
des funerailles superbes, & de faire
ger; il ne luy suffit pas de àluy faireson armée. Il se coupe les cheveux,
porter le deuïl de sa mort toute
& veut que tous ses soldats en fassent de même. Il veut que les bê-
manière en té-
tes mêmes > & les murailles des villes chacune en leur
moignent leur douleur; il ordonne de couper le crin aux chevaux &
crénaux de la ville d'Ecbatane; il veut en-
aux mulets, & d'abbattre les
fin, qu'on croïe qu'Ephestion est reçu au rang des Dieux.
11 n'est pas jusqu'à son cheval
Bucéphale à qui par reconnoissance
il ne faffe des sunerailles; il luy dresse un tombeau & bâtit une ville
àsa memoire. Mais malheur à quiconque contredit la grande opinion
qu'il a conçue de soy-même, & par laquelle il se croit non seulement
mais aulli de tous les Roys & les
au dessus du commun des hommes,
conquerans ; malheur sur tout à qum'est pas persuadé de là prétendue
Divinité. Onsçait ce qu'il en coûta à Clitus, pour avoir osé rele-
les belles actions du Roy Philippe Pere d'Alexandre, & à Callif1:hé-
ver applaudi à la prétendue Divinité
nes Philosophe, pour n'avoir pas
de ce dernier. Et toutefois Alexandre tout Dieu qu'il se croïoit, ou
qu'il
qu'il vouloit qu'on le crût, est superstitieux à l'excès; & ofire aux
Dieux sacrifices sur sacrifices pour obtenir la vi&oire. Ariltandre son
Devin est toûjours à Ces côtez, occupe à tirer des augures, ou à pro-
noncer des priéres ou des voeux. * Alexandre l'écoute comme un
oracle.
L'exemple d'Alexandre a corrompu plusieurs Roys ses successeurs,
qui ont souffert comme luy, qu'on leur attribuât le nom de Dieux.
Les Grecs le donnèrent à Ptoiomée fils de Lagus, aux Roys Antigone
& Demétrius. Les Athéniens (a) eurent la complaisance de les nom- 05
Dieux Sauveurs,de leur créer des Prêtres, & d'ordonner leurs Plutarq. in
mer que Demttr.
noms seroient mis avec ceuxde Jupiter & de Minerve dans les bannières pag. $92,
publiques, de dresser un AutelàDemetrius &de le loger dans le temple 893. 994».
de Minerve : quoique ce Prince fut un des plus corrompus de sonfie"cle, 499+
& qu'il prophanât ce temple par ses impudicités publiques.
N'est-ce pas encore une vraïe petitesse dans Alexandre, d'avoir
voulu imposer à la postérité, en érigeant'dans les Indes des autels hauts
de soixante & quinze pieds, & larges à proportion,de faire l'enceinte
de ses retranchemens trois fois plus grande qu'elle n'étoit d'ordinaire,
de creuser autour de (on'camp un folié large de quatre-vingt pieds,&
profond de dix, d'ordonner à son Infanterie de mettre dans leurs tentes
des lits de la longueur de sept pieds & demi sur une largeur propor-
tionnée; & à sa Cavalerie, de faire des mangeoires pour les Chevaux
deux fois plus grandes qu'à l'ordinaire, de laisser dans le camp des ar-
mes, des brides, des outils au-dessus de la grandeur commune, pour
faire croire à ceux qui viendroient aprés lui, que les Macédoniens
n'étoient pas des hommes comme les autres, & d'une taille com-
mune ?
Enfin après tant de combats, de périls, de conquêtes faites avec
tant de valeur, de courage, de bonheur & de rapidité, Alexandre
fait une fin qui déshonore toutes ses belles avions. Il périt par des
excès de vin & de bonne chère ; sa Monarchie si grande, si vaste si
puissante, est partagée entre plusieurs Généraux, qui remplissent ,
l'Asie & l'Europe de guerre, de troubles & de carnages.

* V.
Les Romains.
T Es Romains dez leur origine furent policés & exempts de cette bar-
barie & de cette grossiéreté, que l'on réproche même aux anciens
Grecs. Les fondateurs de Rome descendoient d'Enée & des Troyens,
peuples déja polis & éclairés du tems de la guerre de Troye, trois cens
i
(a) ans avant la fondation de Rome. Denys d'Halicarnasse (a) a remarqué
que dez le commencement les Romains furent envieux des beaux
]) 0:;;,1.s.
Malicam,
éfd finem arts, autant qu'ils l'étoient dans les tems les plus florissans de leur Em-
J. i. pire; qu'ils ne prirent cette inclination ni des Etrangers, ni des peu-
ples éloignés, avec qui ils n'eurent de commerce qu'allez tard, c'est-
à-dire, aprés la deÍl:ru&ion de l'Empire des Carthaginois & des Macé-
doniens. Leur langage n'étoit ni barbare, ni tout-à-fait grec; mais
il tenoit beaucoup de la dialecte Eolierme, qui étoit principalement
en usage dans la Sicile. S'ils empruntérent quelques loix des Grecs,
& quelques cérémonies de leur religion, ce fut pour leur donner un
nouveau lustre, & une nouvelle étendue. Car il est certain que
dans leur origine ils suivirent la religion des TroÏens.qui étoit la mê-
me, à trés-peu de difference prés, que celle des Grecs, comme il
paroit par Homère.
La nouvelle République Romaine attaquée par les Tarquins &
par leurs partisans, fournit des exemples d'une valeur & d'une gran-
deur d'ame extraordinaires. Parmi une infinité d'ennemis & de dan-
gers, les Romains jettent les fondemens d'une puissance énorme. C'est
une République composée d'hommes tous guerriers & tous soldats.
Ceux qui la gouvernent, sont presque tous Généraux d'armée. Par-
mi une infinité de batailles contre des ennemis trés-aguerris, on ne
trouvera pas qu'ils ayent été vaincus par faute de courage & de va-
leur. S'ils l'ont été quelquefois, ce qui est trés-rare , ç'a toujours
été, ou par la témérité des Chefs , ou par leur peu de prévoyance,
ou par la mutinerie des soldats lndlspol"és contre leur Général. On
peut dire que le soldat Romain étoit invincible, quand il étoit bien
commandé, & qu'il vouloit user de ses forces & de tout son courage.
L'amour de la liberté & de la gloire, les récompenses toujours
distribùées à propos & sans partialité, les peines aussi & la honte qui
suivoient toujours les avions de lâcheté ou les manques de conduite,
même dans les Généraux, furent les grands mobiles, qui donnérent
le branle à la grandeur de la République, & la rendirent invincible.
1
Quand on voïoit un Coriolan & un Camille exilés ; un Manlius pré-
cipité du Capitole; plusieurs Consuls & d'autres Généraux punis par
de grosses amendes, ou par des flétrissures honteuses, pour des fautes
souvent assez peu con6derables; nul ne se crpïoit audessùs des loix,
&
i
& n'osbit attenter ni à la liberté publique, ni re
hazarder à commettre
a&ion de lâcheté ou de témérité , ou contraire aux interêts com-
une
*nUnOn
s'étonne qu'une République si belliqueuse & si sage ait été si
longtems bornée à un trés-petit pays, & qu'après trois cens ans de
continuelles, elle n'ait porté tes conquêtes qu'à vingt lieuës de
guerres
ses murailles. On est presque tenté de croire que ce sont des guerres
dit.
de Romans, & qu'il y a beaucoup d'exagération dans ce qu'on en
Quand aujourd'hui on cherche sur la carte le pays des Sabins, des
Eques, des Volsques, des Veïens, des Tarquiniens, des Falisques,
des Fidénates, des Tiburtiens, desCorlolans & des autres qui ont fait
la guerre pendant tant d'années aux Romains, & que
ceux-ci ont eu
tant de peine à al-sujettir ; il faut avouer que ces petites guerres com-
parées a celles que les Romains ont faites dépuis, & à celles qui se font
aujourd'hui dans l'Europe, étoient bien peu de choses. On y voit
beaucoup de valeur, de conduite, d'art, & de science militaire pour
tems-la. Mais il s'en faut beaucoup que les armées fussent aussi
ce
nombreuses, les batailles aulli grandes, les défaites auflj considéra-
bles, les guerres aussi longues,
lessiéges aussi réguliers & aussi bien
soutenus que ceux qu'on a vu dép.
La plupart des peuples d'Italie fpoient moins la guerre en soldats,
qu'en pillards. Tous les ans on alloit de part ou d'autre ravager le
ennemi. Il étoit même difficile que la choree se fît autrement
pays
dans un tems où les troupes n'étoient pas soudoyée's. Il falloit que
le soldat vécût au depens de l'ennemi. Il demeuroit peu de tems en
campagne , parcequ'il n'y trouvoit pas aisément de quoi subsister,
& que ses affaires domestiques le rappelloient dans sa maison Dépuis
donné lasolde à leurs troupes, les enrôlemens
que les Romains eurent facilité, & le soldat demeura plus vo-
se firent avec beaucoup plus de
lontiers en campagne; sans cela on ne seroit jamais venu à bout du
iiése de Veïes par exemple, & encore combien dura«t'il,& comment
la ville fut-elle réduite? Elle soûtint dix ans de siége, & ne sut prise
que par le moïen des mines que l'on creusa sous les murs, & des che-
mins soûterrains, qu'on conduisit jusqu'au centre de la place.
Le changement des Généraux chaque année, & la détermination
du lieu de leur commandement & de leurs ennemis, qui dépendaient
du sort, étoit à mon sens un inconvenient considérable. Tout Gél
néral n'est pas égalément propre pour faire la guerre en tout lieu &
contre toute sorte d'ennemis. Et quand un Général a commencé
une entreprise, ou qu'il a fréquenté un pays, ou qu'il a pris l'ascen-
dant sur un ennemi, il est toujours plus propre qu'un autre à conti-
nuër l 'entreprise. On ne le change jamais à profit. Rome en a vu
plusïeurs expériences, & cependant c'étoit 1 usage fixe & établi;
changeoittous les ans de Consuls ou de Tribuns militaires, c'est-à-dire, on
de Généraux d armees. Car encore qu'ils fussent tous guerriers, &
quelque sorte nez dans le commandement des troupes, on a toujours en
fait une grande difFerence entre Généraux & Généraux, entre
vieu & un jeune, un homme nouveau & un homme de réputa- un
tion.
L amour excessif de la liberté, les jalousies reciproques de'; Nob.
les contre le peuple, & du peuple contre les Patriciens, les divinons
continuelles qui regnerent dans la République, avant après
comme
1 etablissement des Tribuns du peuple, furent la véritable
cause du
peu de progrès que firent les armes Romaines pendant les quatre cens
prémiéres années, qui suivirent la fondation de Rome. Le peuple
Romain occupé a se défendre contre les ennemis du dedans, je
dire, contre les Nobles, & toujours en garde contre ce qui parois- veux
foit s elever audessus des autres & interesser la liberté commune ou
, ;
employé à repousser les ennemis du dehors, qui jaloux de la gran-
deur Romaine, avoient toujours armes à la main pour les réprimer:
& qui profitant des divisions qui croient audedansdeRome, neman-
quoient pas de saisirl'occasîon,oud'attaquers'ilsétoient les plus forts,
ou du moins de ravager les campagnes de Rome, s'ils ne se lentoient pas
:tsfez puissans pour tenir la campagne. Tout cela partageoit les for-
ces des Romains, & étoit un obstacle à leur aggrandisfement.
L 'on s "étonne aussi avec raison, que les Sabins, les Herniques &
les Volsques, tant de fois battus & ravagés, ayent cependant tenu sï
longtems contre les Romains,& qu'après une campagne, oùl'onavoit
défait leur armée, pris leur camp, pillé leur pays, ils paroissent la
campagne suivante aussi puissans & aussi résolus, que s'ils. n'avoient
fait aucune perte. Cela fait croire, ou que ces guerres étoient peu
sanglantes, & que les batailles gagnées étoient plûtôt des déroutes
que de véritables défaites,ou que ces peuples étoient incroiablément
nombreux T quoique renfermés dans des pays afïez.bornés; ou qu'-
enfin les forces Romaines n'étoient pas aussi considérables qu'on nouS"
les represente, puisque leurs ennemis ont pu leur resïffcer pendant si
liongtemSr
La religion de Rome- étoit mêlée des superflitions des anciens
Troyens,.
Troyens,des Arcadiens, des Latins, des Grecs, des Etrusques. Cette
ville a voit ramasse dans son enceinte les fausses Divinitez de presque
toutes les nations connues; & dans la suite elle se fit une religionOn de
n'en exclure aucune. La seule vraie religion n'y fut pas admise.
B'v recevoit pas toutefois les religions étrangéres sans choix & sans dé-
libération. Il falloit que le Senat donnât son decret, & approuvât
la nouvelle Divinité & son culte. On a vu dans le cours de cette
histoire, jusqu'à quel point la superstition, la crédulité & l'ignorance
étoient montées dans Rome. Les livres des Sybilles, dont on a parlé,
étoient ou des livres de Magie, ou des écrits propres à gâter les esprits
la superdition, ou par de vaines inquiétudes dont ils les remplis-
par
soient. On sait cependant avec quel soin on les gardoit, & avec quel
refpeft on les consultois. Les dévouëmens que les Romains faisoient
de leurs ennemis, les évocations qu'ils faisoient des Divinitez de ces
mêmes ennemis, pour les prier de quitter leurs villes, & d'agréer le
séjour de celle de Rome, où l'on vouloit les transporter; tout cela
avoit un certain air de petitesse & de puerilité, que l'on a peine à par-
donner aux Romains.
Le Leiïifternium, ou ces festins publics, auxquels on invitoit les
Dieux & les DéefTes^le cloû fiché en cérémonie dans lemurdu temple
de Jupiter Capitolin par un Dictateur créé exprés ; & cela pour chas-
ser la peste; sont-ce des cérémonies dignes de la Majesté Romaine? *

Les dévouëmens que des personnes illustres faisoient de leur vie pour
le salut de la République, tel que fut celui de quatre-vingt Sénateurs
au tems de la prise de Rome par les Gaulois, & celui de Curtius qui
se précipita dans l'abyme, qui s'étoit ouvert dans la place publique
de Rome, ou celui du Consul Decius, qui pour obtenir la victoire
de l'aîle gauche de son armée, où il commandoit, se dévoua aux Dieux
.A,Ianes, & se fit hacher en pièces par les ennemis. Ces barbares cé-
rémonies font voir un aveuglement horrible,& un excés d'ignorance -
en fait de religion, que l'on a peine à comprendre.
Dans les prémiers tems la langue latine y étoit encore très-bar-
bare, composee de termes grecs , exprimés suivant la terminaison
Eolienne , & de termes des anciens peuples de l'Italie* Elle n'avoit
pas encore eu le loisir de s'épurer & de se perfe6tionrîer. On igno-
roit à Rome la delicatesse des expressions, les- charmes de la Poësie'*
les regles de la Rhétorique, & les secrets de la Philosophie. Ce n'est
pas qu'il n'y eut dés-lors des hommes trés-éloquens & trés-persuasifs;
la necessité où l'on étoit de parler sou vent en public, tant au Senat
que dans les assemblées du peuple, rendoit l'éloquence necessaire.
,
Mais c'étoit une éloquence naturelle & non artificielle, qui consistoit
plus dans la force des expressions, dans la solidité des raisonnemens,
& dans la véhémence des mouvernens, que dans le choix des termes,
dans l'arrangement des périodes, & dans les fleurs & les figures de la
Rhétorique.
Lorsque les Philosophes Carnéades, Critolaüs & Diogénes arri-
vèrent d'Athènes à Rome on les y écouta avec admiration. La jeu-
,
nesse Romaine fut enchantée de leur éloquence, & de la beauté de leur
discours. Cependant on craignit qu'ils n'amollissent le courage de
jeunes gens, & qu'au lieu de guerriers ils ne devinsse nt Philosophes.
Caton le Censeur n'eut point de repos qu'on ne les eût renvoïés dans
leur pays, comme gens pernicieux & capables de montrer à la jeu-
nelse Romaine l'art de persuader le faux comme le vrai.

On peut juger de leur ignorance dans les choses naturelles parles


prodiges, dont leur histoire est pleine, & par les inquiétudes où ils
se trouvoient, s'il arrivoit quelque prétendu mauvais augure, dans le
chant ou le vol desoiseaux, dans les entrailles des viB:imes, dans quel-
ques nouveauxPhœnoménes, ou dans le débordement d'un lac. Par
exemple; le lacAlbain se repand par-dessus ses bords; aussitôt on a
recours aux Dieux, & on envoye savoir ce que signifie ce prodige;
s'il arrive une pelte ou une maladie épidémique, on recourt aux ex-
piations aux livres des Sybilles, aux superstitions les plus ridicules,
,
aux jeux publics.

La Médécine & la Chirurgie, choses si utiles & si necessaires dans


une grande ville & parmi un peuple guerrier , exposé tous les jours
aux blessures & aux effets de la guerre, furent toutefois inconnues &
inusitées à Rome pendant plus de cinq cens ans. Le prémier Chi-
rurgien qui y parut, fut en grec nommé Archagathus, venu du Pe-
loponése. D'abord il y fut reçu avec applaudissement. On lui dressa
une boutique au dépens du public; mais on s'en dégoûta bientôt.
La manière dont il traitoit les blessures, en y faisant de grandes inci-
tons
fions pour les guérir plus sûrérnent, lui fit donner le nom de boucher
ou de bourreau. Les Romains revinrent à leur prémiére manière de
traiter leurs malades & leurs blessez par des remèdes domestiques, dont
la tradition se conservoit dans les familles. Marc Caton, qui mourut
l'an 6oç. de Rome, blâme Fumage des Médécins Grecs, & veut qu'on
les regarde comme des Charlatans, qui ont conspiré la ruïne des
Nations qu'ils nomment barbares , auxquelles ils font acheter à
prix d'argent des remédes qui ne servent qu'à abréger leur vie.
Si l'on ne savoit à n'en point douter, qué les Romains ont été
pendant plus de trois cens ans sans avoir des loix écrites, on ne se
persuaderoit pas qu'une République comme celle-là, eût pu subsister
pendant si longtems, gouvernée, pour ainsi dire, au hazard, &
sans regles fixes pour les jugemens. Numa leur avoit préscrit
certaines regles de police & certaines loix pour les cérémonies
,
des sacrifices; il avoit donné une forme à la République ébauchée
par Romulus : Mais pour fournir à Rome un corps de droit, il
fallut recourir aux anciennes Républiques de la Grèce & en tirer
,
la matière dont on forma les loix des douze tables, qui sont si cé-
lébres dans l'antiquité, & dont toutefois on ne sait pas aujourd'hui
précisément les termes & la teneur, aucun Auteur ancien ne les
aiant données toutes ensemble & de suite, dans des écrits venus jus.
qu'à nous.
La prise de Rome par les Gaulois Sequanois est une Epoque
fatale à cette célèbre République réduite à l'étendue du Capitole
pendant que la ville est occupée,, brûlée, pillée par les Gaulois,
abandonnée de ses alliés, environnée d'ennemis de tous côtez à la
fin obligée de se rendre à composition, & de racheter sa vie, par
une somme d'argent, insultée par son vainqueur, dans le tems mê-
me qu'on lui délivre la somme dont on est convenu: Rome ré.-
couvre néanmoins par un elïet d'une providence particulière sa li-
berté, par le moïen de Camille son citoyen, qu'elle avoit exilé,
ou du moins qu'elle avoit forcé de s'exiler volontairément par ses
jalousies mal fondées & par ses mauvais traitémens. Elle bat ses
ennemis, dissipe les Gaulois, relève ses murs, rétablit ses mai-
sons, & malgré la défc8:ion de ses alliés & les guerres qu'elle eut
,
à soutenir de toutes parts, qui la réduisirent à peu prés au même
point, où elle s'étoit vuë au commencement sous Romulus, entrès-
peu de tems elle reprend ses forces, & se trouve plus puiiTanté, plus
riche plus glorieuse qu'auparavant.
,
Tells
Telle étoit la destinée de cette grande ville, de rétrouver des
ressources dans elle-même, dans le courage de lès citoïens, dans la
fidélité & dans la sagesse de ses Chefs & sur tout dans une grandeur
,
d'ame que rien n'étoit capable d'abbattre, & dans une consiance que
ses plus grands revers ne pouvoient ébranler, ni lui faire abandonner
ce qu'elle avoit entrepris. C'est par ces vertus qu'elle s'est fraïé le
chemin à cette Monarchie immense, que nous verrons s'établir dans
la suite de cette histoire. Heureusè si dans sa grandeur & sa profpé-
rité elle avoit pu conserver la modestie, la frugalité la modération,
,
la jullice primitive de ses Péres aussi longtems qu'elle a imité
leur valeur, leur courage, leur constance & leur
magnanimité.

TABLB
TABLE CHRONOLOGIQUE
Pour le fecond tome de l'Histoire Univ*felle.
jfatr du AnI avant
monde. c.
32)6. X^Ondation de Rome 744.
"

3260. •*" Enléveruent des Sabines : 74-0.


3261. Guerre des Romains contre Crusiumium 739.
3262. Romulus &Titus Tatius regnent à Rome 738.
3270. Mort de Tatius Roi de Rome -, ..
730.
3273. Guerre contre les Fidénates, les Veïens &c. 727.
3293. Mort de Romulus Fondateur de Rome . 707.
3296. Numa Pompilius élit Roi de Rome 7o6.
333g. Mort de Numa Pompilius - 66%.
3339. Tullus Hostilius est élÚ Roi de Rome
Guerre des Romains contre les Albains
.
Combat des trois Horaces contre les trois Curiaces
3344. Guerre contre les Fidénates 6^ G,
334).!Pri[e de la ville deFidéne
3348. Guerre des Romains contre les Sabins 6^2.
3 j 17. Mort du Roi Tullus Hoililius 643."
3369. Ancus Martius quatriéme Roi de Rome 63 r.
3^91. Guerre contre les Veïens 609.
&92. # 60g.
3393. Guerre contre les Volsques • 507.
3394. Guerre contre les Sabins 606.
3395. Mort d'Ancus Martius Roi de Rome.. Tarquin lui succe'4e so
3402. Guerre contre les Latins, les Sabins & les Etrusques
&34G3. v - 97.
341 Paix entre les Romains
^ & les Etrusques 58j.
3416. Commencement des septante années prédites parJeremie 84-
3422» Guerre contre les Sabins & les Etrusques )'78.
3430. Mort du vieux Tarquin. Servius Tullius lui succéde fyo,
3435. Guerre contre les Veïens
C^T Jùiv.
•>
3442. Les Monts Esquilin & Viminal sont enfermez dans Rome ...
g.
3457. Guerre des Romains contre les Etrusques .
3460. Phérécides fleurit.
3467. Histoire de Bel détruit par Daniel 533-
Première année du Regne de Cyrus à Babilonne. Fin des septante ans dela
désolation de laJudée. Jérém.XXV. 11.12. & 2. Tarai. XXXVI. 21. 22.
Cyrus met les Juifs en liberté & les renvoye en Judée
3470. Vision de Daniel Chai. XXI. XII. • )'30.
'lndu
'.Am TABLE CHRONOLOGIQUE.
3475. Mort de Servius Tullius Roi de Rome. Tarquin le supcrbe lui succéiie ^25.
Mort de Cyrus âgé de septante ans. Cambyiè son fils aîné lui succéde &
regne huit ans
3476 Les Curéens font défendre aux Juifs de continuër l'édifice du Temple )24'
3478- Guerre en Egypte par Cambyse 022.
3480. Cambyse fait tuer Smerdis son frére Cadet 5 20.
3482. Smerdis le Mage s'empare du Royaume des Perses
Mort de Cambyse; les sept Mages lui succédent; ils sont mis à mort
Darius fils d'Hystaspe est réconnu Roi des Pertes; il regne t&ente-six ans
Guerre des Romains contre les Volsques
3484. Aggée commence à prophétiser SIG.
Zacharie piophdtise aussi dans la Judée
348j. Les Juifs recommencent à travailler à l'édifice du Temple 5 1

3486. Darius permet aux Juifs de rébâtir le Temple 514.


Fin des septante années de captivité commencées en;34i6-
3487* Naissance de Pindare 513.
Darius répudie Vasthi
3488- Esther devient Epouse de Darius 512.
3 489)Dédicace du temple de jérusalem bâti
parZorobabel 511.
.
3491.1 Guerre des Romains contre la ville de Gabies 509.
3494. Elévation d'Aman Favori de Darius 50(5,
349^. Il obtient un édit du Roi pour faire périr tous les Juifs de l'Etat de Darius fOf.
349 6' Eflher obtient de Darius la révocation de l'édit qu'Aman avoit sarpris contre
les Juifs 504-
Vengeance desjliiss contre leurs ennemis. Fêtes des sorts
3498. Tarquin fait consulter l'Oracle de Delphes 503.
3499. Violeraient de Lucréce par Sextus Tarquin fils du Roi Tarquin le superbe 501.
Les Tarquins sont chaisés de Rome, & on y établit le gouvernementCon-
sulaire
3^00. Guerre de Darius contre les Iles de Naxos, Paros&Andros / 1S00'
Guerre des Tarquins & de leurs alliés contre Rome -
3502. Guerre des Romains contre Porsenna 498*
Aristagoras abandonneDarius
3.503. Arifbgoras reçoit du recours des Athéniens 497.
3504. Guerre des Sabins contre lesRomains i&C.
Guerre d"Ariqa(yoras contre les Perses
D
3506. Mort d'Aristago-ras 494'
iMort deValerius Popticola
Nouvelle guerre contre les Sabins
3fQ7 Guerre des Perses contre les Joniens. Milet en taste ;493-
3 jo8 L'Jonie est assujettie aux Perses 492.
3509. Guerre des Latins contre les Romaine 49
351o. Mardonius Perse fait la guerre aux Grcçs
f 490.
3 511. Titus Lartius Diftateur à Rom* 489.
Daiï.-a
TABLE CHRONOLOGIQUE. A"£°cnt

envoye demander aux Grecs de la terre & de Peau 489.


a eu. Darius
Démarate Roi de Lacédémone se rétire auprès de Darius 488-
iz.
1 13. Guerre contre les Latins
Posthumius Dictateur
487*

Déposïtion de Mardonius Perle


Datis & Artaphernes sont envoiez commander à sa place
Naissànce d'Hérodote Pére de l'histoire Grecque
Vidoire de Miltiade contre les Perses 486.
3 3)'14.
Brouïlleries dans Rome 48f.
Marius Valerius Didateur
Le peuple Romain se retire sur le Mont sacré-
Mort de Pythagore
16. Le peuple mutiné rentre dans Rome '
Etablissement des Tribuns du peuple
Mort de Ménénius Agrippa -
Coriolanus prend la ville de Coriole
3 1 1 7.
Les Egyptiens se révoltent contre les Perses 48 J.
3^18* Coriolanus condamné au bannissement, se rétire chez les Volsques 482.

..
1 19. Xercés est associé à l'Empire par Darius
son Pére
Mort de Darius fils d'Hystaspe Roi de Perse. Xercés lui sriceéde.
481.

3520. Xercés subjugtqe l'Egypte 48®»


f
Coriolanus à la tête des Volsques
^ 5" 21. Mort de Coriolanus * 479*
3^22. Victoire contre les Herniques & les Volsques 478.
3^23. Loi Agraria proposëe parle Consu) Cassius 477*
Expédition de Xercés contre la Grèce $
Amilcar Carthaginois passe en Sicile avec une armée %*"' x
3^25» ^iâoire de Salamine & de Marathon, remportée contre les
Xercés retourne en A sie
Perses^' 47f -
Mort de CaŒus accusé d'afïèder la Royauté dans Rome
Bataille de Platée gagnée par Pausanias Lacédémonien
Gélon ëst réconnu Roi ou Tyran de Syracusë
L'Jonie se révolte contre les Perses
3J26. Prise de SeRos par les Athéniens 474*
3^27. Interregne à Rome à cause de la division entre les Patriciens & les Plébéiens
3)28.PnCepar Pausanias
473.
472.
3^29. Pausanias retourne de Bizance à Lacédémone 47r»
Victoire de Valerius sur les Veïens & les Sabins
Pausanias est condamné à mort 41°.
3 ç $ o.
Mort de Gélon Tyran de Syracuse. Hieron lui succéde
Thémistocle veut se rétirer en Perse !

3)31. 1 ^r^°'re des Pertes sur les Badriciens ,46,.


3^32 Défaite des trois cens Fabius en un jour 468.
(467.
3 5 3j.
CImon fils de Miltiade est établi Général des Grecs
Ans du TABLE CHRONOLOGIQUE. A'%.V
monde.
""3*^3. Voleron Romain porte une loi pour prendre des Magistrats parmi le 467.
peuple
Les Perses battus en un même jour par les Grecs par Mer & par terre 466.
3ï3 4 declaré Chef des Athéniens 46
3
3] c Péricles est
\6. Victoire contre les Eques & les Volsques remportée par Quintius 464.
2
Zeuxis fameux Peintre fleurit
du Tribun Volero 463.
2^7. Entreprise contre les Volsques 462.
33 Guerre contre les Eques &Magnésie
8.
Mort de Thémistocle à
j 39.' AppiusdeClaudius
Mort
se donne la mort
Xercés. Artaxercés à la longue main lui< succéde
461.

Mort du PoèteSimonide 457.


?
Guerre contre les Eques. Elle continue les années ( suivantes
^

Révolte des Egyptiens contre les Perses sous Inarus 456.


Achéménides frère d'Artaxercés marche contre les Egyptiens 45^
"
^
VcVç Artaxercés sollicite les Lacédémoniens à faire la guerre aux Athéniens 454.
'Les Eques & les Volsques sont vaincus par les Romains
est envoïé à Jérusalem par Artaxercés 45 3.
2C4.7 Esdras
Artabaze & Megabize font ,1a guerre aux Egyptiens
Loy Terentia portée pour la réformation des jugemens
Troubles à l'occasion de cette loi & aux années suivantes
,uo Viaoire remportée par les Perses sur les Egyptiens 452.
Ils sont assiégez pendant dix-huit mois à Proiopitide ile du Nil
Cincinnatus Dictateur 4) 1.
2^49 Quintius Capitole
Prise du par Herdonius
L'Epypte est réduite à l'obéïssànce d'Artaxercés 4^0.
' Fabius- reprend Tusculum sur les Eques

«<<x
Quintiui Cincinnatus Diéfateur; il fait passer te Eques sous le joug 449.
Election de dix Tribuns du peuple 448.
2'
Loy Julia. Troubles à son occasion 447.
l 1A Cimon Chef des Athéniens est envoyé en Cypre 446.
2
Les Patriciens empêchent la reception de la loi Agraria
^

Guerre sacrée des Lacédémoniens pour le violement du temple de Delphes 445.


., r r r
Mort de Cimon, Général des Athéniens
Paix entre les Perles & les Athéniens
Reception de la loi Terentia
Les Romains envoyent en Gréce pour en rapporter des Ioix
'
3c_r Méoabyze se révolte contre Artaxercés
I7' LesbLacédémoniens font irruption dans 1, .
AttIque
^
444..
443.

2ccc
55
iviâoir-e de A-légaby-ze sur les Perses
!

ITréve de trente ans entre les Athéniens & les Lacedemoniens


iDecemvirs créés à Rome pour rédiger les Lëix venues de Grèce
de
^
Néhémie est envoïé en Judée pas le Roi Artaxerces, la vingtième année
i sou regne
35SS>. Hér&.
,Insdu TABLE CHRONOLOGIQUE. -
Ans avantC.
mondt. «/v '
devant l'assemblée des Athéniens 441.
3559. Hérodote lit les livres
Les loix des douze tables reçues & publiées à Rome
3 Siciaius est assàssïné par les gens de Fabius 440.
Suite de cette affaire
L'armée de Cornelius se rétire sur le mont Aventin
Appius veut corrompre Virginie
3563. Mort de Mégabyze Persan 437*
1564. Guerre entre les Samiens & les
MiléGeris 436.
Création des six Tribuns militaires au lieu des deux ConsuX.
3 3)'6)'. Péricles
prend Samos 43 V*
Guerre des Corinthiens contre les Corcyriens
^

3 )'66. Création des


prémiers Censeurs à Rome 434*
Retour de Néhémie auprés d'Artaxercés
Xenophane Philo sophe fleurit
3 167.Colonie Romaine envoyée à Ardéa ^ 433.
3569. Révolte de Potidée contre les Athéniens 431.
3570. Quintius Cincinnatus Diâateur %
43°.
Mœlius affeôe la Tyrannie & est mis à mort
^

Méthon Athénien publie son Cycle Lunaire de dix-neuf an? 438.


3 72. Parménide Philosophe fleurit
Mamercus iEmilius Dictateur
3 c73. Mort d'Arcesilaùs Roi deCyréne 437.
' Commencement de la guerre du Peloponése entre les Lacédémoniens & les
^

Athéniens
Thucidides Historien fleurit "
Servilius Priscus Diâateur 4z6,
3 574.
Prise & ruïne de Fidéne
3576. Mort de Péricles Chef des Athéniens 434.
Siége de Platée par les Lacédémoniens
Phidias fameux Sculpteur fleurit ^^
d'Artaxercés à la longue main Roi^ de Perre, apiés quarante & un
3579. Mort ,
ans de regne 4Zr.
Xerces II. lui succéde & ne regne qu'un an
Mort du Poëte Eschile
3580. Mort de Xercés II. tué par Sogdien son frére 420.
3 ^ 8 l, Mort de Sogdien. Ochus ou
Darius Nothus lui succéde 419.
3582. Fin de la guerre du Peloponése après dix ans 41g.
.

3 s 86.1 Sempronius Consul


accusé devant le peuple, est défendu par Tempanins, 414.
3588. Guerre de Sicile entreprise par les Athéniens \ 413.
3590. Révolte de Pifllithnés Satrape de Lydie. Il est mis à Most 410.
3591. Fin de la guerre des Athéniens en Sicile 409.
| Révolte & défaite des Lavicans

3 592 Prémiére alliance des


Lacédémoniensavec les Perlé® 408.
[Guerre des Carthaginois ea Sicile
TABLE CHRONOLOGIQUE. brg.41J4JZtc.

3S93- Seconde alliance des mêmes 407.


Les quatre Tyrans établis à Athénes
Denys l'ancien regne à Syracuse
Brouïlleries à Rome sur le partage des terres conquises
2 195.
Annibal l'ancien prend Selinunte & Imerie en Sicile 40^.
Sédition de l'armée Romaine. Elle met à mort sOD Général^ PoU.umius
^

3 595.
Alcibiade rétourne à Athénes 404.
navale des Perlés
3f97. Cyrus le jeune commande l'arméeCarthaginois 403.
Prise d'Agrigente en Sicile par les
Alcibiade elt créé Général de l'armée des Athéniens
Lysandre va à Sardes auprés du jeune Cyrus
Lysandre assiége Athénes
3)"98.Mort Sophocle Poëte 40a.
3500. Mort de Darius Nothus Roi dePerse. Artaxercs
^ Mnémon sOll fils lui fuc-
céde & regne quarante trois ans 405.
Questeurs établis à Rome
NIort d'Alcibiade
Prise d'Athènes par Lysandre
Euripide meurt vers le même tems
3601. Abolition des quarante Tyrans à Athénes 399.
Fin de la guerre du Peloponése
Cornelius Rutilus Di&ateur
3602. Guerre du jeune Cyrus contre le Roi Artaxercés son frére 398.
& 3603. Mort du jeune Cyrus. Rétraite des dix mille &397.
Guerre de Denys Tyran de Syracuse contre les'Carthaginois
^ #

On commence à donner une solde à l'Infanterie Romaine


3604. Mort du Philosophe Socrate 3 96.
J606. Siége de Veies continué pendant l'hyver j 94-
3607, Défaite du Consul Sergius devant Veïes 393.
3608.' de la ville de Veïes par les Romains 393.
Viâoire de Denys Tyran de Carthage
Commencement de la guerre des Béotiens contre les Lacédémoniens
3609. L'ordre Plébéien admis dans le Tribunat militaire armée. 39 r.
Agésilas Roi de Lacédémone passe en Asie avec une ^

sont vaincas
3610. Viâoire de Cnide, oÙPi[andre & les Lacédémoniens 390.
Bataille de Coronée entre les Lacédémoniens& les Béotiens
Mort de Lysandre dans un combat contre les Béotiens
Perses. Défaite de
3611. Mort de Conon Athénien. Il est mis à mort par les
Magon Carthaginois devant Messine 389.
3612. Défaite des Tarquiniens parles Romains Roi de Salamine 388.
3613. Réduâion de l'Isle de Cypre par Evagoras 387.
Camillus esi fait Dictateur
Prise de la ville de Veïes
3614. Paix entre les Eques, les Volsques & les Romains 38^
36if.Tra-
TABLE CHRONOLOGIQUE.
361 Trahison d'un maître d'école qui livre aux Romains les enfans des Fiuuques 38S*
3616. Denys le Tyran passe en Italie 384.
3617* Paix entre les Grecs & les Perles 383'
Grands jeux célébrés à Rome
3618. Les Gaulois assiégent Clusium 382»
Bataille d'Ardéa où les Romains sont vaincus par les Gaulois
^

Guerre d'Artaxercés Roi des Perses contre Evagoras Roi de. Cypre ou de
Salamine
Disgrâce de Camillus Il est envoie en exil
.
3619. Evagoras fait la paix avec les Perses & demeure Roi de Salamine 381.
Les Gaulois s'emparent de Rome. Les Romains se retirent au Capitole ^

Camille Dictateur délivre les Romains & défait les Gaulois


3620. Les Romains délibèrent s'ils quittèront le séjour de la ville de Rome ruïnée
par les Gaulois 380..
3621. Sutri prise & reprise en un seul jour
.
362z. Guerre de Denys Tyran de Syracuse contre les Carthaginois.. 379,
378..
r
3525. Manlius afïèdant la Royauté est mis à mort en 3626. ^ ^ ^ 37f*
3526. Commencemént de la guerre entre les Thébains & les Lacédémoniens 374* ~
Soulèvement de plusieurs villes contre les Lacédémoniens
Guerre du Roi Artaxercés contre l'Egypte
3628. Mort d'Acoris Roi d'Egypte. Psa,.iirnutliis lui ïu€cede Si ne regner qu\U¡ an 37%.
Paix entre les Athéniens & les Lacédémoniens
3629. Mort de Psammuthis. Néphérites lui succéde „
371,
Victoire de Camille contre les Volsques - •

3 6} 0.
Guerre d'Artaxercés contre les Egyptiens 37^r
Les Perses sont obligés de se rétirer
Guerre des Romains contre Preneste
Nicocles devient Roi de Salamine
3633. Paix confirmée entre les Perses & les Grecs à Fexc1usion des Thébains- 367"
Défaite des Latins dans Tusculum
Brouilleries à Rome entre les Patriciens & les Plébéiens. Elles continuent
les années suivantes
3 634.
Victoire de Leuéhes remportée par Epaminondas contre les Thébains
3634, 'Pelopidas est envoie en Thessalie 366..
i Il est arrêté & fait prisonnier
par Alexandre Tyran de Phéres
Il est delivré par Epaminondas
Mort de Pélopidas
363 6. Denys le jeune succéde à Denys l'ancien Tyran de Syracuse 36+
3637. Victoire des Lacédémoniens suries Arcadiens -
363..
3638. Paix entre les Thébains & les Lacédémoniens 3624'
TachosRoi d'Egypte se dispose à la guerre contre les Perfes \

3641. Mort de Mithridate Roi du Pont [355^


Victoire remportée à Mantinée par Epaminoixlas |
3642. Défaite des Gaulcis par Camille & les Romain ! 3 f S-
î
A,n
monde.
du TABLE CHRONOLOGIQVE. A%
a*
f
Agésilas Roi de Lacédémone part pour le secours de l'Egypte
Acceptation des trois loix proposées à Rome par les Tribuns Licinius &Sex-
tius
3643. Ne&anébus Roi d'Egypte dépouillé de son Royaume 3^7.
Nedanébus II. lui succéde
Mort d'Artaxercés Mnemon. Ochus son fils lui succéde
Inflitution des Préteurs à Rome
Prémiers Ediles tirés du Corps des Patriciens
3644. Philippe Roi de Macédoine commence à regner
2645.1Le&isternium ordoané à Rome pour appalrer les Dieux à cause d'une pesle 3fy.
IJeux scéniques inflituez à Rome
Guerre des Athéniens contre les revoltez
Philippe défait les Illyriens & les Péoniens
3646. Philippe prend la ville d'Amphipolis 314.
Les Phocéens détruisent le Temple de Delphes
L. Manlius Imperiosus nommeDictateur pour ficher un cloû dans le Temple
de Jupiter Capitolin
2647. Dion dépouille du Royaume Denys de Syracuse & meurt en 3648. 3)'3.
Manlius Imperiosus accusé d'inhumanité envers son fils, est délivré par le.
même fils.
Marcus Curtius se dévouë pour la République& se précipite dans un abyme
3648. Naissance d'Alexandre fils de Philippe Roi de Macédoine 3.î2-
Lucius Manlius tue un Gaulois d'une taille gigantesque
Artabaze Persan se révolte contre Ochus
Mort de Xenophon Philosophe & Historien
3<?45».
Servilius Ahala Dictateur défait les Gaulois 3fr.
3650 Callippe étant mis à mort, Denys le jeune s'empare de la Tyrannie à Syra-
cuse 3 S 0.

365 L Guerre de Philippe en Thrace & en Thessalie 349.


Mort de Mausole Roi de Carie
Artemise sa Sœur & sa femme lui succéde & lui érige un fameux Mausolée
Défaite des Tarquiniens, des Herniques & des Gaulois par Sulpitius Poetus
Dictateur

2éç2. ' Commenceménfrde la guerre sacrée en Gréce


Les Athéniens & les Lacédémoniens prennent le parti de Philoméle
L'intérêt de l'argent fixé à un pour cent à Rome
Dévouement de Decius Mus
348.

Mort d'Artemise Reine de Carie. Hidrée lui accède 347.


Artaxercés fomente la guerre des Phocéens contre les Béotiens
Révolte des Phéniciens. Ochus leur fait la guerre
Guerre des Romains contre les Tiburtins, les Falisques & les Tarquiniens
Ochus entre en Egypte 346-
n<cA
Fin du Royaume d'Egypte,.
Phérendates en est fait Gouverneur
3 6j6. Mort
' TNT TABLE CHRONOLOGIQUE.
3656. Mort du Philosophe Platon ' 344.
Aristote son disciple fleurit
,
36)7' Denys le Tyran s'empare une séconde fois de @Syracust 343.
3658 Les dettes des particuliers à Rome sont acquittées au depcQS, du Publia 343.
3659. julius Julus Dictateur
Plébéiens admis dans le corps du Sénat
Fin de la guerre sacrée
366o. Mort d'Hidrée Roi de Carie
Ada sa Sœur & sa femme lui accède
Guerre des Romains contre les Gaulois
j4°.
Lucius Furius Camillus Diâateur
Guerre de PhilippeRoi de Macédoine en ïllyrie
3661. Vi&oire remportée sur un Gaulois par Valerius Corvinus par le m-QÏen d'un
corbeau apprivoisé 339.-
%66% Seconde alliance entre les Romains & les Carthaginois. On ignore la datte <
de la prémiére alliance entre ces deux peuples' 33 8.
3664. Guerre contre les Volsques-
Siége de Perinthe par Philippe Roi de Macédoine:
Timoleon chasle les Tyrans de Corinthe
Vittoire de Philippe Roi de Macédoine à Ché'ronéé contre les Athéniens &
les Béotiens
966. Artaxercés Ochus est empoisonné. Arles le plus jeune de ses fals lui succéde 334»
Vidoire de Philippe contre les Athéniens & les Béotiens
3:667' Philippe Roi de Macédoine est déclaré Général de toute la.Gfëc& contrelesPersct 333»
Le peuple deCampanie Ce donne aux Romains,
Guerre contre les Samnites
Decius Mus délivre son Collègue Cornélius d'un grand danger
e,668. Arsés Roi des Perses est tüé. Darius Codomannus lui*succéde
Les soldats Romains veulent faire périr les Capotians & s'emparer de Capoue 223..
Mort de Philippe Roi de Macédoine
:
Alexandre son fils lui succède. Il regne douze
ans- & huit mois
* 3669. Alexandre est choisi pour Général des armées des Grecs contre lés Perles
Guerre des Romains contre les Privernates & les Samnites 3-2

t
367c. Alexandre surmonte les Triballes & les Illyriens,. & rate-la ville de Thébes:
Il va^en Aiie, pasle le Gran que,défai l'armée de Darius> subjuguePAfiemineure 320,
.;
Les Latins déclarent la guerre aux Romains
Manlius Consul fait trencher la tête à son fils,, punir sa désobéïssance
pour
$671. Alexandre réduit sous son obeilTance la Carie, la Phrygie, laLycie, laPam*
philie & la Cilicie
I6:z. Vi&oire d'Alexandre contre Darius à IiTus. si se- rend maître de la Syrie & ! ^
ds la Phénicie, prend Tyr & Gaza) & vient àJerusalem.
-*22
Les Aurunces se donnent aux Romains
,673. Alexandre fait la conquête de l'Egypte & de la Cyrenaiquo W
Il retourne en Patestine, prend Samarie, .marche
vers l'Euolirat»
Ao:s
monde.
du TABLE CHRONOLOGIQUE. JIn;,:gnA

3674. Bataille d'Arbelles ou de Gaugtmelles, où Darius est vaincu 326.


Mort de Darius
Alexandre arrive à Babilone, & delà à Suze, & enfin à Persepolis
Thalestris Reine des Amazones le vient visiter
Mort de Philotas & -de Parménion qui avoient conspiré cqntre Alexandre
Alexandre
-367 c. Baus eil livré à 32?»
Alexandre chasle les Scythes & surmonte les Sogdiens
"676. Alexandre tue Clitus, épouse Roxane,
fait mettre en prison Callisthéne 324.
Alexandre passe le fleuve Indus, défait Porus. afliijettit divers peuples des
3 677.1 Indes 320.
Prise de la ville de Sangale & de la Capitale des Malliens
Alexandre s'avance vers le fleuve d'Hydaspe
Il prend la résolution de rétourner en Macédoine
3578. - Plusieurs femmes Romaines empoisonnent leurs Maris
Alexandre s'embarque pour visiter l'Océan , & subjugue les Malliens & les
323.

Oxydraques
Mort de Cœnus prés le fleuve d'Acésine
Arrivée de la flotte d'Alexandre à l'Océan 321,
2*70.
Alexandre remonte l'Euphrate & vient à Babilonne ^ & delà à Perrepolis
Calanus se brûle ssir un bûcher dressé exprés
Alexandre épouse Statira, puis Parysatis
Triomphe d'Alexandre à l'imitation de celui de Bacchus

2..
Sédition, de l'armée d'Alexandre
Alexandre à Ecbatane capitale des Médes 3 20.
3 £g0 '
Mort d'Ephestion ami d'Alexandre
Alexandre fait la guerre aux Cosséens
Il entre dans Babij^ne
Guerre des Romains contre les Privernates
' le grand à Babilone
a68 Mort d'Alexandre
1 319,
Aridée est declaré Roi en sa place
Naissance d'Alexandre fils d'Alexandre & de Roxane
& Guerre des Romains contre les Samnites pendant
plusieurs années 319. £
3 68r. 3!8.
368
368z. Les Lucaniens se révoltent contre les Romains l'ordre de son Général 318.
3684, Fabius en danger pour avoir combattu contre 316.
36S6. Agathocles s'empare de la Souveraineté à Syracuse ? 14.
3688. Fourches Caudines. Les Romains passent sous le joug 312,
Guerre d'Agathocle contre Messine & contre Agrigente
689.ISiège de Lucérie ' 311.
3
a^joJPrise de Férente & de Sutri < 31 °-
Guerre d'Agathocle contre les Carthaginois en Sicile
3691. Guerre des Romains dans l'Apulie 309.
3692. Agathocle passe en Afrique 308.
11iGueijre des Romains contre les Ausons & les Volsques 13ci.
3 3696. Aga-
An>j< TABLE CHRONOLOGIQUE %aT
3696. Agathocle renonce au titre de Roi qu'il avoit (Iris en 3695, 304.
Affranchis introduits dans le Senat 303.
3697.
Voie Appienne faite par Appius
3^99. Viéoiredes Romains contre les Etrusques 1
3°T-
Tarquiniem
3701. Victoire contre les Nucériens & les 299-
3706. Colonies à Sora & à Alba 294.
3708. Guerre contre les Maries & les Etrusques 292.
3709, Prêtres &Aruspices créés du nombre des Plébéiens 291.
288*
3712. Défaite des Samnites & des Apuliens 286.
3714. Défaite des Samnites & des Gaulois ,
Dévouement du Consul Decius
Fabius Gurges entre dans les emplois
28?»
3715. Défaite des Samnites
Posthumius triomphe malgré le Senat
Mort d3Agathocle en Sicile
9716. Prise d'Aquilonie & de Cominium 284.
3717.'Défaite de Fabius Gurges. Il est accusé devant le Sénat .28J.'

3718. Arrivée du Serpent d'Epidaure à Rome 382.


Triomphe de Fabius Gurges
Samnites '281.
3719. Défaite des Sabins. Alliance avec les
^
-
372î/Divisons à Rome à l'occasion des usuriers. Veturius est réduit: en esclavage
| pourcause de dettes 279.
3722.^Fabius Rullianus Diâateur. Sa mort 278*
Guerre contre les Gaulois Senonois
372, Guerre 277.
3726. Guerre contre les Tarentins 27+
3727.,Guerre contre les Samnites, les -Lucaniens, les Bruttiens 273-
3729. Pyrrhus Roi d'Epire vient en Italie 271»
Les Romains entrent dans la ville de Rhége & en égorgent les habitais
Victoire de Pyrrhus sur les Romains
3730. Continuation de la guerre entre Pyrrhus & les Romains 270.
3731. Les Carthaginois offrent du secours aux RomaiRs contre Pyrrhus 269*
Pyrrhus quitte l'Italie & paÍfe en Sicile
3732. Guerre contre les Tarentins & les Samnites 26'8.
S733* dans Temple de Minerve 267.
Prise de Locres par Pyrrhus
3734. Victoire des Romains contre Pyrrhus Z66.
Pyrrhus s'en rétourne en Epire
Elephans vus à Rome pour la prémiére fois
373 5. Guerre contre les Samnites & les Lucaniens 26^
3736. Ambassade dePtolémee Roi d'Egypte vess les Romains ,264»
3737. Défaite des Samnites, des Lucaniens & des Bruttiens 263.
3738. Punition des Romains qui s'étoient emparez de Rhége 262.
3739. L'Ombrie est assujettie aux Romains 261.
3740. Prémiére monnoye d'argent à Rome 260.
in0n'de
TABLE CHRONOLOGIQUE. T"
*•

2741. Guerre dans le Picenum & dans. le Salentin • 2f.


37413744
Peste à Rome. Capparonia VeRaIe enfouie vive 256.
Prise & punition de la ville de Volscinium
2745. Les Romains portent guerre
la. en Sicile *

. g; Paix entre les Romains & Roi Hieron de Syracuse 2^4.


2747JPrise de la ville d'Agrigente par les Romains ^
2^3.
274.3.! Les Romains construisent & équippent une flotte pour paffer en Sicile' 252.
remportée par le Gonsul Duilius sur l'armée navale des Carthaginois
3740. Victoire des Esclaves à Rome & do quatre mille Samnites
I-
2750.] Conspiration 21o.
Guerre en Sicile. Défaite de la flotte Carthaginoise par les Romains 249.
f Ir 3/ Viccoire des Romains contre la flotte Carthaginoise prés le port d'Heraclée.
27-r [
^
247.
Regufus remportée Afrique sur les Carthaginois
2754. Victoire deLacédémonien rétablitenles affaires des Carthaginois Afrique. • Re- 246.
Xantippe en
gulus est fait prisonnier. Xantippe périt en mer en retournant en sun
païs
Panorme par les Romains
'
24Ç.
27CÇ.
27^6. Guerre des Romains^ en Sicile & en Afrique 244-
âZço.3
Viâoire de Metellus sur les Carthaginois 241.
Regulus efl envoïé à Rome & dJlfuade de faire la paix^ avec Carthage
Supplice de Regulus à Carthage & des Carthaginois à Rome „
2760. Claudius Pulcher est battu par
les.Carthaginois prés Drépanc. 240.
Attilius Calatinus Diâateur passe en Sicile
»
37611
Siège de Lilybée & de D-répane-
Ç.

^238,
2^

par Amilcar Carthaginois. ç.

..
23
376s
Siége de la ville d'Erix par les Romains, 234-
3756.
vi&oire.. ^
2/767'. Bataille navale entre les Carthaginois & les Romains.
la
Ceux-ci remportent

Fin de la prémiére guerre Punique, qui avoit.duré, vingt-trois ans

HISTOI-
HISTOIRE UNIVERSELLE
SACREE ET PROFANE,
DEPUIS LE COMMENCEMENT DU MONDE J'USQU'A NOS JOURS.

TOME SECOND.
Livre * X.
U commencement de la seconde année de la guerre du Pelo-
ponese, les Lacédémoniens s'étant mis en Campagne , com- II. Année
mencèrent à faire le dégât dans l'Attique, pour attirer les Athé- de la guer....
redu Pe-
niens au combat ; mais ceux-ci avoient dans leur ville un en- loponése.
nemi bien plus grand & plus dangereux, qui étoit la peste. An du M.
On dit que ce fleau avoit commencé en Ethiopie , que de la H74-
elle étoit venuë en Egypte & dans la Lybie, qu'elle avoit gagné une grande avant J. C.
partie de la Perse & étoit enfinvenuë fondre lur Athènes. Les medecins n'y Thucidi- 426.
pouvoient aporter aucun reméde, n'en connoissant pas la nature & en étant des. 1. 2.
eux-mêmes attaquez. Les malades tomboient dans une espéce de fureur & p.
de désespoir, qui leur faisoit refuser toute sorte de -soulagemens. Ceux qui Edit.
Oxn.
avaient le courage d'aprocher du malade, étoient bientôt saisis du mal.Toute Diodor.
la ville étoit dans un morne silence & dans la derniere consternation. La 1.12.p.
01.
multitude du peuple qui s'y étoit jetté de la campagne, la quantité de bagage Plutarcb.
qu'il y avoit aporté; la mauvaise nouriture dont on y usoit, l'ardeur de l'Eté,. in Pericle
les logemens ferrez & incommodes, les cadavres les uns sur les autres , aug- p.ij t. 172.
Pej/f dans
mentoient sans doute beaucoup le mauvais aïr , & par conséquent,la ma- Athénts,
ladie.
IL Dans cette extrémité les Athéniens firent venir dans leur ville le fa-
Hippocra- meux Hippocrates. La réputation de ce grand médecin étoit si répanduë,quc
te farneax le Roy de Perse Artaxerces dans le tems que la peste ravageoit son Roïaume,
Médecin l'envoïa inviter de venir dans la Perse, lui faisant les plus belles & les plus
vient à
Âthénes, magnifiques promesses. Hippocrates répondit qu'il ne pouvoit abbandonner
ses, Compatriotes & ses ConCÍtoïens pour porter du secours aux ennemis dé-
clarez de la Gréce.. Artaxercés piqué d'une réponse si peu attendue envoïa
,
fOlun1er la ville de Cos patrie d'Hippocrates, delelui livrer avec menaces
,
en cas de refus de détruire tellement la ville & File de Cos,qu'il n'enresteroit
point de vestiges. Cela ne toucha point les Compatriotes d'Hippocrates,
ils. repondirent à leur tour que ni Darius ni Xercés avec toutes leurs puis-
sances ne les avoient pu porter à leur donner l'eau & la terre qu'ils deman-
doient, que le Roy Artuercés n'aurait pas non plus assez de pouvoir sur leur
esprit, pur lui faire livrer Hippocrate.
111. Hippocrates s'etant donc rendu à Athènes apporta beaucoup de soula-.
Honneurs gément aux pestiférez, & les Athéniens furent si pénétrez de reconnoissance
rendus à sa générosité & pour celle de ceux. de Cos qu'ils ordonnèrent par un
Hippocra- pour
te par les
décret public, qu'Hippocrate fero.it initié aux grands mystére< de la même
,
Athéniens.. 111aniere que l'avoit été Hercule fils de-Jupiter;, qu'on lui feroit present d'une
Couronne d'or du poid. & de la. valeur de mille pièces d'or ; Que ce decret
seroit lu. à. haute voix par un héraut: dans les jeux publics à la grande féte des
Panathenées, qu'il jouïroit du droit de' bourgeoisie, & seroit nourri, s'il vou-
loit, pendant toute sa. vie dans la Prytanée au dépens du public, & que enfin
les enfans de l'Isle de Cos pourroient étre nourris à Athènes, comme s'ils y
étoient nez., Hippocrates, & Thucidides. nous. ont laissé une exade dëscri-
ption de cette peste- Le premier l'adécrite en médecin. le fécond en histo-
rien, & longtems aprés le poëte Lucrèce l'a décrite en poète;
La Campagne se termina cette année comme la précedente , à ravager
les terres des Athéniens. Pericles persistant dans sa résolution de ne vouloir
pas hazarder de combat, mais il fit. une grande diverslon en menant sa flotte
contre le Péloponése, où il fit le dégât. comme, la. première année.
/r. Tant. de, malheurs arrivez à Athénes découragèrent, les Athéniens. Ils
les Athé- oublièrentle tir fierté & leurs hauteurs, & résolurentd'envoïer âLacédénlone.
niens de- d'accommodement ; Mais n'aïant point été écoutez, ils
mandent pour tenter les. voies
la paixauxr tournèrent leur plaintes & leurs resentimens contre Péricle, l'accusant d'être
Lacedé- auteur de la guerre & la' cause- de tous leurs maux. Péricle, tout. accoutumé
monicns. qu'il étoit à la légéreté, & à l'inconstance des. Athéniens, ne laissa pas de rei-
p!utarGhJn sentir Il parla au peuple & tacha,de reveiller dans leurs
:Péride.. ces murmures.
esprit leurs anciens sentimens de gloire, le souvenir des grandes actions qu'ils
avoient.faites & l'émulation qui avoit toujours été entr'eux & les Lacédé-
moniens;. Ces, grands mobiles autrefois si efficaces , ne produisirent aucun
effet.Péricle- fut dépouillé de, sa. charge de Général. & condamné à une grotte.
amande.
v: Ce ne fut pas la seule disgrace que ce- grand homme eût à essuyer. La.
Malheurs pesse lui ravit
dans la Mail une grande partie de ses parens &. de ses amis. Xantippe son
fils.
fils ainé fut de ce nombre, aussi bien que sa soeur, & plusieurs de ses amis les sonde P4.
plus fidéles. Péricles y parut peu sensible. On ne le vit ni pleurer ni se sicles. -

plaindre ; Mais à la mort de Péricles le dernier de ses fils légitimes, il fue.


comba à la douleur , & lorsqu'il voulut sélon la coutume lui mettre la cou-
ronne sur la téte, il ne peut retenir ses larmes. Le peuple revenu de ses pre-
miers mouvemens'd'impatience, s'ennuya de ne plus voir Péricles dans ses
assemblées ; il sentit le besoin qu'il avoit de ses conseils & de ses lumières.
Il le choisit de nouveau pour Général, & lui rendit sa première autorité.
Le premier usage qu'il en fit, fut de proposer l'abolition d'une loy qu'il VI
de
avoit lui-même autre fois fait donner contre les batards, qui est qu'on ne tien- Mort
Péricles. ,
droit pour Athéniens légitimes & véritables, que ceux qui seroient nez de Son eloge.
peres & de meres Athéniens. La Loy fut revoquée en faveur de Péricle, &
on lui permit de faire inscrire son fils naturel dans les régistres des Citoïens
de sa tribu & de lui faire porter son nom.
Peu de tems après il tomba malade de la pesse; Dans sa maladie les prin-
cipaux de la ville & ses amis lui rendirent visite ; Et comme ils relevoient ses
vertus militaires & politiques & faisoient le dénombrement des batailles qu'il
avoit gagnées, car on comptoit jusqu'à neuf trophées qu'il avoit erigez pour
autant de batailles qu'il avoit gagnées, le malade les interrompit endisant ;
a
je m'étonneque vous releviez des choses aux quelles le hazard souvent beau-
coup de part, & qui me sont communes avec tant d'autres , & que vous ne
parliez pas de ce qui me fait le plus d'honneur ; C'est de n'avoir jamais fait
prendre le deuïl à aucun Citoien. En effet, ajoute Plutarque, il ne fit jamais
rien ni par colére, ni par haine, ni par envie, & dans un si haut point de puis-
sance & d'autorité, il n'exerça ni sa vengeance sur aucun de ceux qui témoi-
gnérent quelque retour & quelque repentir. Telle fut la fin de Péricles, qui
eut le bonheur de gouverner pendant 40. ans la République d'Athènes, dans
des tems trés difficiles avec une sagesse, un bonheur, une modération & un
désintéressement dont, l'histoire fournit bien peu d'exemples.
,
Il avoit eu pour précepteur Anaxagore , dont on a déja parlé, & qui VU.
étoit Clazomene Viç dû Phi-
mourut la même année que lui. Anaxagore de (Il) le
on lofophe
surnomma l'intelligence, à cause de son esprit & de l'elévation de ses senti- Anaxa-
mens, & sur tout de sa pénétration dans la connoissance des choses naturelles. gore.
On ne doute pas que ce ne soit lui qui inspira à Péricles ces sentimens d'é- Ca)
levation & de grandeur d'ame qu'il témoigna dans toute sa vie, & qui influè- Plutarch.
in Péricle
rent même sur son eloquence, qui fut mâle, grande & sublime, & fort eloi- p.1,4. 162.
gnée des manières de parler communes & populaires, & sur son maintien &c.
qui fut grave, posé, serieux, affable & egal. On raconte qu'un certain par-
ticulier d'Athènes n'aïant cessé tout le jour d'insulter Péricles & de le mal-
traitter .de paroles, sans qu'il s'en émeut;Cet homme le reconduisit de même
dans sa maison, toujours invectivant contre lui. Alors Péricles dit froidement
à un de ses gens de prendre un flambeau & de reconduire cet homme dans
sa maison.
Vill.
Anaxagore mourut la même année que Péricle. Ce Philosophe qui s'étoit Mort du
elevé au dessus des sentimens du peuple sur une infinité d'evénemens naturels. Philofo.
phe Ana- que la superslition attribuë à des causes divines & miraculeuses , inspira aussi
xagore. ces idées à Péricles & le guérit de la çredulité populaire qui inspire souvent
des craintes ridicules & mal fondées. Un jour Péricle étant prés de monter
sur sa flotte, une Eclypse du Soleil déroba tout à coup la lumière à l'armée,
& le Pilote effraie ne voulant pas faire son devoir, Péricles lui jetta son man-
teau sur les yeux & lui demande s'il voïoit. Point du tout, repliqua le Pilote.
Ainsi si le [oleilne nous eclaire point, lui dit Péricle, c'est qu'un plus grand
corps couvre sa face. Quoique Péricle eut une très grande consideration
pour Anaxagore , cependant il ne songeoit pas assez à lui procurer les se-
cours nécessaires à la vie, sans doute à cause de ses grandes occupations qui
ne lui permettoient pas d'y donner son attention. Anaxagore se voïant
ainsi délaissë"se couvrit la.J:éte & se coucha résolu de se laisser mourir de faim.
Péricles informé de sa résolution y accourut & emploïa les priéres. & les ex-
hortations les plus touchantes pour le porter à prendre de la nourriture ;
,
Mais Anaxagore se découvrant un peu la tête, lui dit : Péricles, ceux qui veu-
lent que la lampe eclaire doivent au moins y verser de l'huile.
,
lX. Les Lacédémoniens rebutez du peu de succés des deux premières cam-
Les Lacé- pagnes qu'ils avoient faites résolurent d'inviter le Roy de Perse d'entrer
démo- ,
dans cette guerre. Ils lui envolèrent des Ambassadeurs pour le prier de leur
niens invi- fournir de l'argent,
tentleRoy Thrace, pour l'entretien de leur flotte. Ils prirent leur. route parla
de Perse à aïant ordre de voir en passant Sitalces, pour le détacher de l'alliance
entrer des Athéniens, & le porter à secourir Potidée ; Mais. ils furent rencontrez
dans la par les AmbafTedeurs d'Athènes auprès de ce Prince, qui les arrêtèrent & les
guerre
les
firent conduire à Athènes, ou ils furent exécutez le jour même de leur arri-
contre On jetta leur corps à la
Athéniens vée, sans qu'on eût voulu leur donner audiance
Tbueidid. voirie, par réprésaillesdu traitement que les Lacédémoniens faisoient à ceux
qu'ils prenoïent du parti des Athéniens.
Potidée aprés trois ans de siége, se rendit enfin aux Athéniens & fut re-
cuë à composition, aprés avoir souffert les derniéres extrémitez de la faim Se
de la misëre. On désaprouva fort à Athènes l'indulgence des Généraux qui
avoient signé cette capitulation, la ville étant reduite aux abbois & ne pou-
\ vant eviter de se rendre à discrétion ; Mais la rigueur de l'hyver & les fati-
gues des assiégeans jointes aux dépenses excessives du siége, qui avoit déja
coûté deux mille talents ou six millions , rendirent les assiégeans plus trai-
tables.
X Au commencement dé la troisiéme Campagne , les Lacédémoniens
Siége de- voïànt qu'ils ne pouvoient attirer les- Athéniens en campagne, mirent le siége
Platée.
M
devant Platée. On a veu cy-devant qu'après la sanieuse bataille qui se donna
An du prés de cette ville, les Grecs en reconnoissance de la valeur & du zéle , des
3576.
avant J. C . Platéens les affranchirent de toute charge , &
voulurent qu'à l'avenir Platée
424. jouït des privilèges des villes sacrées & dévouées au seul culte des Dieux.
Thucidid. Àrchidame Roy & Général des Lacédémoniens aïant formé le siége de la
J.1..Diodor
' place & aïant fait le dégat dans la campagne, les Platéens s'en plaignirent à
1,1 2. p. 102
JLO p. ce Prince & lui remontrèrent qu'iJ violoit les priviléges dont Pausanias Gé-
néral des Lacédémoniens les avoit autre, fois honorez. Archidame répondit
qu'il
qu'il savoit qù'elles étaient leurs anciennes prérogatives, mais qu'ils en étoient
déchus par leur attachement aux Athéniens les plus grands ennemis de la li-
berté de la Grèce ; que s'ils vouloient abbandonner leur parti , ou prendre
celui de la neutralité, on les laisseroit jouïr de leurs priviléges dans toute leur
etenduë.
Les Platéens députérent à Athénes où étoient leurs, femmes & leurs en. XI:
réri--
sans, & exposèrent l'extrémité où ilsse trouvoient. Les Athéniens leur pro- Brave stance de
mirent de les secourir de tout leur pouvoir, & ceux de Platée résolurent de ceux de
s'exposer aux derniers dangers plûtost que d'abbandonner leur. parti. Ids Platée as-
firent savoir leur résolution aux Lacédémoniens du haut de leurs murailles. siégez par
Archidame prit les. Dieux à témoins qu'il ne romproit pas la première allian- lesLacédé-
qui pourroient arriver à Platée Après il moniens.
ce, & se déchargea des maux ; quoy
commença le siége par une enceinte d'arbres coupez, couchez de leur long
& étendus prés après les branches tournées du côté de la ville , pour empê-
cher que personne n'en sortît. Il fit ensuite couper quantité d'arbres de la
montagne de Citheron, & les entrelassa de fascines, afin de soutenir la terre'
qui devoit former une terrasse ou platte forme pour dresser des batteries.
Toute la moitié de l'armée y travailla jour. & nuit sans interruption & à l'al.
ternative.
Les assiégez de leur côté bâtirent unfécond mur vis-à-vis la terrasse des XII.
ennemis; & pour y travailler sans danger, ils dressérent un mur de bois, cou- Travaux:
vert par dehors de peaux & de cuirs pour résister aux feux que les Lacédé- de ceux
de Platée
moniens lançoient contre ce bois en- sorte qu'à mesure que les assiégeans réit-
pour
élevoient leur terrasse les assiégez élevoient leur mur à la même hauteur. sier aux
Ceux cy pour dérober ,la terre aux assiégeans percérent le mur de leur ville, Lacédé-
vis-à-vis la terrasse des ennemis & pénétrèrent jusqu'au dessous de leurs tra- nioniênS?
vaux, & enlevérent pour leur propre usage la terre qui étoit au dessous de
cette terrasse Les assiégez s'en étant aperçu, remplirent de bouë. des Corbeil-
les d'ozier, & les jettérent dans- le-. creux d'où les assiégez avoient tiré la terre,
afin qu'ils ne pussent plas l'enlever avec la même facilité.. Les assiégez s'y
prirent ensuite d'une autre manière. Ils çreuséient un conduit fecretpar def-
sous terre qui alloitabboutir au dessous de la terrasse des ennemis,& commen-
cérent de nouveau à leur dérober la terre sur la quelle étoit fondée leur ter-
rafle. Les assiégeans furent assez long-tems sans s'en apercevoir, & ils ne s'en
donnèrent de garde que quand ils virent que leur ouvrage n'avançoit point,
parceque la terre s'affaissoit à mesure qu'ils la portoient.
Les assiégez ne se croïant pas encore assez en seûreté derrière ce mur
dont on vient de parler, s'aviserent d'en construire un autre en dedans enfor-
ni£ de demi cercle qui tenoit par les deux extrémitez au mur de la ville , &
qui leur devoit servir de retraitte même , aprés que le premier mur & celui
qu'ils avoient bâti par dessus seroient reiiversez.
Lors donc que la terrasse des assiégeans fut achevée, ils firent jouer Jeur X111'-
machines, dont l'une renversa le premier ouvrage que ceux de Platée avoient Stratagè-
des
construit, & les béliers ébranlèrent beaucoup les murailles de la ville. Pour me platéens
tendre leurs efforts inutiles, les assiégez jettoient des cordes avec-des noeuds pour eisîi-
pecher coulants,qîii saisissant l'extrémité du belier en détournoient la tête en haut
,
l'esset du ;ou de côté; & là
par en rendoit le coup sans effet ; d'autres fois ils descen-
belier. adoîent une grande piéce de bois, attachée par ses deux bouts au haut du
mur, & quand le bélier s'aprochoit de la muraille, ils laissoient tomber cette
poutre en travers sur la pointe du bélier, ce qui en rompoit le coup &brisoit
la tête de la machine.
Les assiégeans voïant l'inutilité de leurs travaux de ce côté-la, tenterent
de mettre le feu à la ville. Ils amassérent une quantité prodigieuse de bois
& de fascines, avec du souphre & de la poix & y aïant mis le feu il s'en
, ,
éleva une flamme prodigieuse & telle qu'elle auroit aisément mis en feu toute
la ville, qui n'étoit pas grande, si le vent eut sécondé les assiégeans comme
,
ils s'en étoient flatté ; mais au contraire il s'eleva une tempête & il tomba une
-fi grande pluie, qu'elle eteignit le feu & sauva Platée.
XIV., La campagne étant déja bien avancée, & le siége tirant en longueur les
Platée est Lacédémoniens résolurent d'enveloper la ville d'un mur de brique,défendu ,
etivelopét dedans & en
d'une en- en dehors d'un fossé profond. Ils l'achevèrent en peu de tems
eeinte de laisserent de leurs gens pour en garder la moitié, & les Beotiens s'étant enga-
murs. gez à garder l'autre, ils se retirérent chacun dans leurs maisons. Or il n'y
avoit dans la ville en tout que quatre cent Platéens, quatre vingt Athéniens&
cent dix femmes pour faire le pain. Tout le reste s'étoit retiré dans Athènes
avant le siége,.
XTT. La même campagne les Athéniens firent la guerre a ceux de Calcide qui
Guerre sont en Thrace, & .aux Bottiens. Ils firent le dégat dans leurs campagnes &
des Athé- gâtèrent les blez qui étoient meurs. Ceux de C.alcide appuiez du secours
niens dan: d'Olynthe.livrèrent bataille aux Athéniens. La Cavalerie de
la Thrace qu'ils reçurent
Calcide & leur troupes armées à la légère défirent la Cavalerie des Athéniens;
mais les troupes Athéniennes pésdmment armées mirent en déroute les Cal-
cidiens, qui se retirèrent dans leurs villes. Il se donna ensuite un sécond com-
bat où les Athéniens perdirent environ 430. hommes, & furent obligez de se
retirer à Athènes, aprés avoir retiré les morts qui étoient sur le camp de ba-
taille. Les Calcidiens retirérent de même leurs morts & érigèrent un trophée
en signe de leur victoire.
XVI. La même année les Ambraciotes & les Chaoniens deputérent à Lacédé-
Guerre mone pour leur demander une flotte & mille soldats pour attaquer l'Acarna-
contre le: , nie du coté de la tandis qu'eux-mêmes l'attacperoient du côté de la
Acarna- mer ,
niens. terre ; Ils se flattaientde s'en rendre maître, & de reduire aussi aisément les
lies de Zacinthe & Cephalom qui en sont proches & de diminuër d'autant la
puissance des Athéniens en détâchant ces îles de leur partie. Cette proposi-
tion fut reçuë avec joïe par les Lacédémoniens. Ils envoïérent en diligence ce
qu'ils avoient de troupes pésamment armées sous la conduite de Cnemus,avec
ce qu'ils avoient de vaisseaux sous les mains, en même tems ils
dépéchérent
vess leurs alliez pour les exhorter à mettre en mer tout ce qu'ils pourroient
de navires & à se rendre en diligence à Leucade,pour attaquer tous ensemble
les Acarnaniens. On vit bientôt les Corinthiens, les Ambraciotes & ceux de
Leucade assemblez.
Pendant
-
,
Pendant qu'ils attendent les autres alliez, Cnemus avec mille Lacédé- XVILIL
moniens & quelqu'autres troupes de Leucade, d'Ambracium & d'Ana&ore, Défaite
les Chaoniens, les Thesprotiens les Molosses & quelqu'autres qui s'étoient des Chao-
joints à lui voulant avoir seuls l'honneur de la conquête de l'Acarnanie, s'a- niens par
les Acar-
vança vers la ville de Strate capitale d'Acarnanie, s'imaginant que s'il pouvoitnaniens.
s'en rendre maitre.tout le reste de la province se rendroit bientot. Il partagea'
ses troupes en trois corps dans la résolution d'escalader la ville, si d'abord elle
ne se rendoit. De ces trois corps les Chaoniens tenoient le milieu, les Lacé-
démoniens & les Ambraciotes conduits par Cnemus, formoient l'aile gauche,
ceux de Leucade & d'Ana&ore étoient à la droite. Comme ils marchoient
séparez les uns des autres & quelquefois même hors de la veuë l'un de l'au,
tre, ils ne pouvoient s'entre secourir ni attaquer l'ennemi tous ensemble. Les
Chaoniens qui passoient pour trés belliqueux ne daignoient pas fortifier
leur camp ni garder leur rang dans les. marches,; Ils s'avancérent seuls vers la
ville de Strate.s'imaginantde Remporter d'emblée, & de faire fuir les Acarna-
niens au seul bruit de leur cris de guerre ; Mais les Acarnaniens aïant fait
sortir secrétement de la. ville quelques troupes qu'ils mirent en embuscade,
lorsque les Chaoniens furent prés de leurs murailles, ils fondirent sur eux en
bon ordre, & en même tems ceux qui étoient en embuscade les prenant par
derriére, en tuërent un grand nombre & nlirent tous les autres barbares en
déroute. Les, Lacéde*inoniens:,& les autres Grecs n'eurent aucune part à cette
bataille ; mais ils se retirèrent pendant las nuit à 80. stades de la aprés avoir
obtenu.permiSion de reprendre leurs morts les Stratiens comme ,
victorieux-
dressérent un trophée sur le champ de bataillé., ,
La flotte des alliez de Lacédémone informée du mauvais luccés de l'ar- XVUL
mée de terre, vouloit se retirer Mais Phormion qui, commandoit la flotte Phormioa
Athénienne, qui.était à Naupaéte & qui ne consistoit. qu'en vingt vailTeauxau Général
lieu que les alliez em-- avoit quarante sept les aïant poursuivi, les obligea de- de s, Athé-
y niens de
combattre en pleine mer. Il avoit donné ordre à ses gens de ne pas com- fait- la flot-
mencer l'action qu'il ne leur err eût donné le lignai; Il attendoit le lever d'un te des al-
vent qui lui étoit favorable & qui souffle régulièrement ait lever de l'Aurore. liez de la-
Lors donc que ce vent commença à se lever, les vaisseaux ennemis se mirent cédémo-
dans une agitation.forcé & commencèrent à se heurter l'un l'autre ; errsorte ne.
que les ennemis occupez à se défendre de ces agitations & à repoussér les
vaisseaux qui les heurtoient & les enlbaraffoient; criant &: querellant les uns-
contre les autres, Phormion prit ce moment pour les attaquer. Il en brisa
plusieurs, en coula à bas un grand nombre d'autres, & mit le reste en fuite.
Il ne jugea pas à propos de les poursuivre, mais en aïant pris douze, il se re-
tira, dressa un trophée sur le promontoire, de Rhium,, consacra un vaisseau à:
Neptune, & revint à Naupacle.
Les Lacédémoniens se rendirent a Cyllêne où ils attendirent le renfort XIX.
qui leur devoit venir, pour donner un nouveau combat à Phormion ; & celui- Seconde
ci attendit à Naupacte les renfort qui lui devoit venir d'Athènes ; Mais avant. bataille
qu'il fut arrivé, les Lacédémoniens lui livrèrent la bataille, & aïant trouvé le Navale des
hthéniéAs,
secret
contre les secret de partager ses vaisseaux, il en envelopérent onze qui étoient les plus
Lacédé- avancées, les maltraittérent, les pousserent vers la terre & les mirent hors de
moniens. combat ; Ils tuërent tous les Athéniens qui ne purent gagner la terre ; Le
reste des vaisseaux des Athéniens se sauva a Naupade ; y étant arrivez ils tour-
nérent leur proues contre les Lacédémoniens & les attaquérent avec de
grands cris. Comme ceux-ci ne s'attendoient point à cette résistance, ils fu-
rent bientôt mis en déroute. Les Athéniens leur prirent six vaisseaux, & dé-
livrèrent les leurs qui étoient à terre. Ils revinrent à Naupade &y dressérent
un trophée; les LacédémoniensAthéniensen usérent de même à cause de l'avantage
qu'ils avoient remporté sur les & consacrérent à Neptune un Na-
vire qu'ils avoient pris sur eux.
XX. Avant que de renvoïer les troupes , les Généraux Lacédémoniens résb-
Les Lacé- lurent d'attaquer le
Pyrée, qui est un fort situé sur le port d'Athènes qu'ils
,
démoni- savoieiit être entièrement dégarni de troupes. Pour exécuter ce projet ils
,
ens pren- firent mettre pied à terre aux Matelots qui conduisoient les galères & leur or-
nentla re- donnèrent de prendre
solution avec eux leurs rames & les coussins sur lesquels ilss'af-
d'attaquer seoient, & de se rendre par terre,de Corinthe à Megare, & de là à Nisée où
le Pyrée ils avoient quarante vaisseaux, de monter sur ces vaisseaux & de se rendre en
mauvais diligence au Pyrée. Ils vinrent en effet à Nisée & montèrent sur les vaisse-
succés de qu'ils y trouvérent; Mais au lieu d'aller droit au Pyrée, ils voguérentvers
aux
cette en- le promontoire de Salamine qui regarde Megare, & s'y Mirent de trois vaille-.
treprise.
aux Athéniens qu'ils y trouvèrent, puis axant débarqué dans l'ible, il la pillé.
rent & ravagérent la campagne.
XXI. En même tems ceux de Salamine allumèrent de grands feux , comme il
Ceux dp se fait en cas d'allarmes & donnèrent aux Athéniens le signal de la venue
Salamine ,
averti£- des ennemis. La veuë de ces feux causa à Athénes une allarma plus grande
sent de qu'on ne pourroit se l'imaginer. On crut que Salamine étoit prise,que l'enne-
L'arrivée mi étoit déja maître du Pyrée., & qu'il alloit attaquer Athénes même. La nuit
des La- se passa dans ces inquiétudes. Dez que le jour parut, on fit monter autant
cédémo- de monde l'on put suries vaisseaux qu'on mit en mer; & on vogua vers
niens. que
Salamine ; On jetta aussi quelques troupes de pied dans le Pyrée, pour le dé-
fendre en cas d'attaque ; Mais les Lacédémoniens ne les attendirent pas; ils
se retirèrent promtement à Nisée avec les 3. Navires qu'ils avoient pris,&de
•la se rendirent par terre à Corinthe. Cette entreprise rendit les Athéniens
plus circonfpeds & ils tinrent toujours depuis une garnison au Pyrée. Ainsi
finit la troisiéme campagne de la guerre du Péloponése.
XXII. La quatriéme année de cette guerre commença comme les précédentes,
4C. Année: par le degat des terres des Athéniens qui fut fait par les Lacédémoniens &
delà leurs alliez. Aprés cela L'ile de Lesbos, à la réserve de ceux de la ville de
guerre du par le parti des Athéniens & de se joindre à celui
Pélopo- l\lethymne résolut de quitter
nése. des Lacédémoniens. Dez avant que la guerre fut déclarée ils avoient eu ce
An du M * dessein, mais les Lacédémoniens n'avoient pas voulu les admettre dans leur
2577. alliance. Ceux de Methymne informèrent les Athéniens du dessein de ceux
avantJ. C & leur firent dire que si l'on n'usoit de diligence pour prévenir les
42;. de Lesbos
Lacédémoniens, toute File étoit perdue. On se hâta donc d'envoier à Mity-
léne
léne quarante Galéres qui étoient destinées pour le Pefoponéfe ; Leur arrivée Thttctdidi
surprit extrêmement les Mityléniens, qui ne s'y attendoient point & qui n'a- 1.'J.DiodfJ1"..
voient rien de prêt pour faire résistance. Ils ne laissérent point de sortir du L I2S
Dort avec lpurs vaissèaux, -mais ils furent repoussez, & commencèrent à par-
ler d'accommodement. Onfit donc une suspension d'armes , & ils envoïé-
rent en même tems des Députez à Athènes & à Lacédémone. XXIIl.
Ceux qui furent envoïez à Athènes, ni furent pas bien reçus, & ceux qui Députez
étaient allé à Lacédémone, furent remis aux jeux Olympiques , afin de les de Mitylé-
entendre en présence de tous les alliez qui s'y devoient rencontrer. Leurs ne à Athé-
saisons y furent goûtées, & on les admit dans l'alliance des Lacédémoniens. nes & aLa-
Dans la même assemblée on convint que les alliez se trouveroient à Corinthe cédémo-
avec les deux tiers de leurs forces, & qu'on feroit irruption dans les terres ne.
des Athéniens, pendant que l'armée navale les attaqueroit par mer.
Les Athéniens de leur côté équipèrent promtement une flotte de cent
-,jaisseaux,, sans compter ceux qui étoient à Lesbos, & aïant paru à la hauteur
de l'isthme de Corinthe, firent leur descente où ils voulurent dans le Pélopo-
nësé, les alliez n'aïant pas usé de la même diligence & n'étant pas encore
assemblez. Outre ces deux flottes ils en avoient une troisiéme de cent vait
s

seaux, qui gardoit leur côtes, l'île d'Eubée & celle de Salamine.
Un tel appareil surprit les Lacédémoniens ; voïant que leurs alliez n'agis- xxir.
•foient pas avec l'adivité que demandoient les circonstances, ils se retirérent à Mityléne
Lacédémone & se contentèrent d'envoïer quarante Galères au secours de Mi- asîiegéepai Athé-
tyléne. Les Athéniens de leur coté firent partir un renfort de mille hommes les niens, la
pesamment armez, lesquels aidez des Soldats de la flotte, firent une enceinte ville se ,
autour de Mitylène avec des forts aux endroits les plus propres, en sorte que rend
la place se trouva entièrement envelopée au commencement de l'hy ver.
Mitylène se voïant sans secours se rendit & fit sa capitulation de cette
,
sorte; Qu'on livreroit la place aux troupes Athéniennes, & que les assiégez
députeroient à Athénes pour implorer la clemence des Athéniens ; qu'en at-
tendant le retour des Députez, on ne feroit mourir ni emprisonner personne;
Mais les assiégeans en tinrent point leur promesses ; Dez qu'ils furent maîtres
de la place on tira les Citoyens de l'azyle des autels où ils s'étaient refugiez,
& on les conduisit les uns a Tenedos, & les autres à Athènes. Les Athéniens
irritez de leur révolte, qui n'avoit été précédée d'aucun mauvais traittement,
résolurent de les faire tous mourir & de réduire en servitude leurs femmes
& leurs enfans, & sur le champ on fit partir une galére pour mettre le décret (

en exécution.
Une résolution si violente & faite avec tant de précipitation toucha XXV.
, Athé-
les plus fensez & les plus modérez. La nuit donna lieu aux réflexions. Le Les
niens tJre-
lendemain on propoia'de nouveau la chose, & aprés une meure délibération nent la ré-
le décret fut révoqué. On résolut de punir de mort les auteurs de la rébel- folutionde
lion & de pardonner au reste des Alityleniens ; On fit partir une seconde faire mou-
Galère, qui fit tant de diligence qu'elle arriva avant l'exécution, mais aprés la rir cenx de
publication du premier decret. Les principaux fàttieux- au nombre de plus Mityléne.
Ils s'en
de mille furent mis mort
à la ville demantelée, les vaissèaux livrez toute repen.--
, ,
tent & l'isle de Lesbos partagée en trois mille lots, dont trois cent furent
consacrés
révoquent aux Dieux, le reste distribué par sort aux habitans d'Athènes qu'on y envoïa,
leur de- les anciens habitans qui voulurent conserver leurs champs donnérent deux
,
cret. mines ou cinquante livres, de cens annuel aux Athéniens, qui en devinrent
les propriétaires.
XXVI. La ville de Platée étoit toujours en l'Etat que nous avons veu, envelopée
Prise delà
ville de d'un mur & de deux fossez & gardée par les ennemis qui la tenoient allié-
Flatée", gée. Pendant l'Hyver la garnison prit la résolution d'en sortir & de le retirer
à Athènes. Elle n'étoit que environ 450. soldats. La moitié exécuta sa ré-
solution ; L'autre partie effrayée du danger, demeura dans la villt. Ceux
qui sortirent aïant exactement l11ésur¿ la hauteur du mur de circonvallation,
en comptant les briques dont il étoit composé, firent des echelles proportion-
nées à cette hauteur, & étant sorti pendant une nuit fort l'ombre & pluvieulC)
ils marchèrent assez éloignez l'un de l'autre, de peur de faire du bruit en s'en-
trechoccant avec leurs armes, & n'àïant de chaussures qu'à un pied , pour ne
pas glisser si facilement dans la bouë ; Arrivez au pied de la muraille ils ap-
pliquérent leurs échelles & montèrent, sans trouver personne , parceque les
gardes s'étoient retirées, dans les tours à. cause du froid, de la pluie & du
vent.
XXVIL En montant, l'un d'eux fit tomber une brique du parapet, ce qui fit jet-
Retraite ter un cri à ceux qui étoient dans les tours. En même tems ceux qui étoient
de la gar- dans la ville, donnérent l'allarme
nison de pour faire diversion ; De manière que l'en-
Platee. nemi ne sachant où aller, demeuroit en suspens, & n'osoit quitter son poste.
Un corps de réserve de trois cent hommes destiné pour les cas inopinez ac-,
courut pour voir ce que c'étoit ; On leva des flambeaux du côté de Thébes,
pour montrer que c'étoit de ce côté la qu'il falloit courir. Ceux de la
ville en levérent d'autres de divers endroits , pour rendre ce signal douteux
& inutile.
Ceux qui étoient monté les premiers sur la muraille tuërent les ennemis
qui étoient dans les tours, & descendirent de l'autre côté de la muraille , le
rangeant sur lefossé, en attendant leurs camerades, qui descendirent de même.
Lorsqu'ils furent tous passez, ils prirent le chemin de Thébes pour mieux ca-
cher leur retraite. Les assiégeants ne pouvant s'imaginer qu'ils fussent aile
du côte d'une ville ennemie, les cherchèrent pendant quelque tems avec des
flambeaux, en suivant le chemin d'Athènes; Mais n'en aïant rencontré ;<ucun,
ils revinrent dans leur fort & les Platéens aprés avoir suivi le chemin de
Thébes à la longueur de six, ou sept stades, tournèrent tout court, & reprirent
la! route d'Athènes, où ils arrivérent au nombre de 212. Les autres aïant re-
brou (Té chemin & étant rentré dans la ville, disant que leur compagnons avoi..
ent été tuez.
XX VIIL On le crut dans la ville & en envoïa un heraut pour demander leurs
La ville de corps; Mais il revint aïant sçu la vérité des assiégeans mêmes. La Garnison
Platée se étant diminuée de moitié
ne laissa pas de tenir jusqu'ala fin dela campagne lui-
rend aux
Lacede- vante. Elle se rendit enfin, & obtint qu'on ne la puniroit qu'avec de connois-
moniens., sance de cause & sélon, les formes de droit. On envoïa de Lacédémone
cinq,
ils avoient rendu quel-
cinq Toges, qui leur demandèrent si depuis la guerre
service Lacédémoniens ou aux alliez. Ils voulurrent justifier leur
que aux
conduite en montrant qu'ils ne s'étoient livré au parti des Athéniens , que
leurs ennemis. Les Commillai-
pour se délivrer des violences des Thébaïns revinrent toujours a leur pre'..
sans faire attention à leur remontrace en
res
mière demande, s'ils avoient rendu depuis la guerre quelque service aux La-.
cédémoniens, & les faisant passer les uns aprés les autres, on les faisoit mou-"
rir, à mesure qu'ils repondoient non. Il en mourut environ deux cent&
vin et cinq Athéniens qui se trouvérent dans la ville. Les femmes furent dré-
duites en esclavage. Les Thébaïns s'emparérent de Platée & y mirent a-
bord quelques bannis de Mégare & de Platée, & l'année suivante ils la rale-
rent entièrement.
Les années iixiéme&septiéme de la guerre du Pelopol1éfe le„ palierentrr, XXl)f. .
les précédentes en hostilitez réciproques entre les Athéniens & les VI. Année
comme de la
Lacédémoniens. Ceux-ci faisant le dégat dans l'Attique, & ceux la dans le re duguer- Pé-
Péloponése. Toute fois la 6e. année les Lacédémoniens ne paiierent pas loponése.
L'hiitnle de Corinthe à cause des tremblemens de terre qui se faisoient sentir An du M.
dans l'Attique & dans l'île d'Eubée. Thucidide remarque que ces guerres H78.
très grand mal la- division qu'elles avantJ. G.
inteltines de la guerre y causérent un par
particuliers & dans les Provinces entre Thucidid. 422.
y répandirent dans les villes entre les
les villes les Citoïens s'accusant mutuellement de favoriser l'un ou l'autre 1. :J.p. 198.
,
parti, & poussant quelque fois ces accusations aux derniers excés en forte 199. Edit.
bonne foy qui regnoit autre fois, y Oxm.
qu'au lieu de la droiture & de la y 01111
voïoit plus que la division, & le déguisement. Ces maux commencèrent
'par l'île de Corfou où l'esprit de discorde se répandit & fit de trés grands ra-
vages, De la il se communiqua aux autres villes, & il étoit nialàisé qu il en
arrivât autrement dans un gouvernement aussi libre, & où le peuple avoit au-
tant d'autorité qu'il en avoit dans les villes de la Gréce , chacun s'y croïant
en droit d'y proposer, d'y opiner, d'y décider en souverain selon son propre
esprit, sans être retenu par une autorité supérieure & absoluë.
Les Athéniens aïant envoïé vingt vaisseaux en Sicile sous le commande- LesAthéQi- XXX.
ment deLachetis & de Charoeade, en apparence pour secourir les Leontins ens envoï.
leurs alliez, mais en effet pour empêcher que les Lacédémoniens ne tirassent ent des
du froment de cette île, & pour voir si les Athéniens ne pourroient pas s'en troupes en
rendre maîtres, ils abbordérent à Rhegio & firent la guerre pendant l'hyver Sicile.
aux îles qu'on apelle d'Eole,ou de Vulcain, ou Lipare les quelles nedans peuvent
l'isle
étre attaquées pendant l'eté, à cause de la disette d'eaux, qui regne
pendant les chaleurs. Les Athéniens n'aïant pu les réduire, y firent le dégât &
revinrent à Rhegio. L'été suivant il y eut encore quelques hostilitez en Si-
cile, mais d'assez petite conséquence ; Ils en fut de même du Péloponése où
les Athéniens envoïérent trente vaisseaux, qui renvinrent sans y avoir rien fait
de mémorable.
Vers le même-tems les Lacédémoniens envoïérent une colonie à Héra- XXXI.
clée dans le territoire de Trachinium, dans le dessein de s'attacher les Trachi.. Les Lacé-
démoa^.
niens & les Doriens, qui imploroient leur secours contre les Oetiens qui leu:j.
ens envoi- faisoient la guerre, & pour inquiéter les Athéniens,parce qu'Héraclée se trou-
ent une ve sur le chemin de la Thrace & assez a portée de l'Eubée, pour y équiper
Colonie à une flotte afin d'agir contre cette 'Ile Mais les Thessaliens
Héraclée., feins des Lacédémoniens ; rendirent les def-
inutiles par les hostilitez continuelles qu'ils exercè-
rent contre les nouveaux habitans d'Héraclée, qui leur faisoient ombrage à
cause de leur proximité. ,
XXXIL Pendant la même campagne Demosthese Ca) un des Généraux des Athé-
Démosihé.. niens qui commandoit quelques
Général troupes aux environs de l'Acarnanie & de
ne
de Athéni-
Leucade se laissa persu:iderpar les Messéniens d'aller faire la Eto-
,
liens, il entra dans leur pays & y prit sans résistance quatre
guerre aux
- ens atta- ou cinq Bourgs
que les qui n'étoient -ni fermez de murailles, ni défendus par aucune garnison Mais
Etoliens. ;
les Etoliens s'étant rassemblés mirent en fuite les Athéniens & leurs alliez, &
(a)
Ce Dé- en tuërent un grand nombre. Ceux qui réitèrent se retirèrent à Naupafte &
mosthéne de la à Athénes ; Mais Démosthéne n'osa y retourner, de peur qu'on ne lui
est fort dis- fit payer la peine de sa témérité & de son imprudence, de s'être ainsi engagé
séient de sans ordre dans un païs inconnu &
l'orateur , pour avoir attiré de nouveau ennemis
dont on aux
Athéniens.
parlera cy En effet les Etoliens firent venir les Lacédémoniens contre Naupack-,
après. qu'ils auroient prise, si les Acarnaniens ne s'étoient jette dans la ville la
défendre. Quelque tems après Démosthene répara avantageusementpour le tort
qu'il avoit fait aux affaires des Athéniens par une viéloire qu'il remporta sur
les Lacédémoniens & sur leurs alliez dans l'Acarnanie où il étoit demeuré
avec quelques troupes.
XXXîlh. La campagne suivante qui étoit la septiéme année de la du Pé-
VH.Année loponése la ville de LVlessine, guerre
Sicile, quitta le partie des Athéniens Et
dela gu- même
en ; ea
tems les Lacédémoniens firent à leur ordinaire irruption dans l'Attique
erre du Pé &
loponé[e. en ravagérent les campagnes. Les Athéniens envoïérent quarante galères
An du M. en Sicile, sous le commandement d'Eurymedon & de Sophocle. Ils donnè-
3Î79- rent aussi à Dén10sthéne le commandement des soixantevailfeaux qui étoient
avant J. G. destinez à agir contre le Péloponése. Comme ces deux flottes se trouvè-
421.
Thucidid. rent ensemble vis-à-vis Pyle petite ville de Meflènie , distante seulement de
J. 4. BeUi quatre cents stades ou dix lieuës de Lacédémone Démosthéne pressis Tive.
PiJoponeJ. ment Eurymedon & Sophocle de se saisir de ,ce poste & de le fortifier.
Comme ils faisoient difficulté de , se rendre à cet avis, une tempête qui s'éleva
fort à propos, les força de s'y retirer, & on commença de fortifier Pyle. Les
Lacédémoniens qui en furent bientôt informez & qui comprirent de quelle
importance il leur étoit d'en chasser les Athéniens, quittèrent aussi-tôtl'iittiquie
& marchérent contre Pyle, qu'ils attaquèrent par mer & par terre. Ils jetté-
rent dans l'île Sphaderie, qui en est proche,quatrecent vingt hommes choisis
de leurs meilleures troupes, avec quelques Ilotes ou Esclaves ; Il se donna
un combat sur mer où les Athéniens eurent l'avantage , & dressérent un tro-
phée en signe de leur vidoire ; Ensuite ils envelopérent l'île, sor te
en que ceux
XXXIV.
qui y étaient, ne pouvoient recevoir nisecours ni vivre.
Les Lacédémoniens informez de la défaite de leurs gens, crurent l'affaire
Les Athé- de
niens tien- telle consé.quence, qu'ils députérent de leur Magistrats sur les lieux
pour
prendre
prendre connoissance de la chose &yaporter un promt secours ; Mais aïant nent 4î®.-
reconnu que les troupes enfermées à Sphaderie ne pouvoient être recou- moniens Lacédé-
ruës; Ils firent proposer un accord ; On convint d'une suspension d'armes, enfermer
pendant laquelle les Lacédémoniens envoïéroient à Athènes ; Qu'en atten- dans l'iTe
dant la réponse ils livreroient toutes leurs galéres, & n'attaqueroient Pyle ni deSpha-
par mer ni par terre, qu'ils pourroient pendant l'intervalle porter des vivres ltcrie.,
à ceux qui étoient dans l'isle,& cela publiquement & à la veuë des deux ar-
mées, & seulement une certaine quantité fixée, tant pour le maître & tant
,
pour l'esclave; Qu'au cas de contravention la suspension d'armes cesseroit, &
qu'au retour des Députez on rendroit les navires aux Lacédémoniens, dans
l'état où on les auroit recuës.
Les Députez de Lacédémone arrivez à Athènes, avouèrent que la sîtua- XXXV.
tion de leurs affaires & sur tout le danger où ils voïoient leurs Citoïens enfer- Les Lacé-
démoni-
mez dans File de Sphaéterie, les obligeoient à demander la paix ; Qu'ils la ens de-
souhaitoient sincérement & qu'ils ne cherchoient qu'à rétablir entre les deux mandent
peuples une union parfaite. CTétoit pour ks Athéniens la plus belle & la la paix aux
plus favorable occasion de sortir d'une guerre qui leur étoit trés peu avanta- Athéniens.
use, & de faire une paix aussi glorieuse pour eux, qu'utile & salutaire à toute
la Grèce. Mais un harangueur nommé Cleon qui s'étoit aquis une très
grande autorité parmi le peuple, tourna les esprits de maniéré que l'on forma
des difficultez insurmontables aux propositions des Lacédémoniens. On de-
manda qu'avant toutes choses ceux qui étoient dans l'île se rendissent à di-
,
scrétion, & fussent amenez à Athènes, à la charge de les renvôïer quand les
,
Lacédémoniens auroient rendu les places qu'on avoit été contraint d'abban-
donner par le dernier traité, qu'après cela on pourroit faire une paix ferme
& siable.
A ces propositions les Lacédémoniens répliquèrent qu'ils consentoient XXXVt
qu'on nommât des Commissaires pour examiner les raisonsde part & d'autre, Les Athé- .
& qu'on s'en tiendroit à ce qu'ils auroient résolu. Cleon s'eleva contre cette niens refu-
paiac
demande & cria que les Lacédémoniens n'étoient pas de bonne foy puis- sent laLacé-
, afin aux
qu'ils vouloient dérober au peuple d'Athènes la décision de cette affaire, démori--
de la confier à des particuliers qu'ils pourroient séduire
ou corrompre. Les cns:.
Députez virent bien que les Athéniens étoient trop enflé, de l'avantage qu'ils
avoient remporté, pour goûter les bonnes raisons qu'on leur pourroit dire
Ils retournèrent au camp devant ^yle ; &au moment de leur retour la suspen-
sion cessa. Ils démandérent la ressitution de leurs vaisseaux, selon la conven-
tion; Mais on les leur refùt1, sous prétextes de certaines infractions du traité
que l'on allégua. Les Lacédémoniens eurent beau crier à la mauvaise foy,-
on ne tint compte de leur plaintes.
La nécessité est industrieuse, & l'apas dU' gain est capable d'engager les xxxvn:.
hommes aux plus grands dangers. Les Lacédémoniens pour procurer des Industrie
des Lacé-
vivres à leurs concitoïens enfermez dans la Sphaéterie, firent publier par tout démoniens;
le Peloponese qu'ilspaieroient à un certain prix fort haut,ce qu'on porteroit
y pour four-
pour leur nourriture, & promirent la liberté aux esclaves qui pourroient y en nir des vi*
faire passer. Plusieurs y en portérent au péril de leur vie, d'autres plongeants, vresâleursî
concitoi- pour n'être pas aperçus, trânoient après eux des outres pleins de graine de
eIlS. lin pilée & de pavots détrempez avec du miel, par ce moïen les soldats La-
cédémoniens sublislérent & gagnérent du tems.
XXXVIII D'un autre côté les Athéniens assiégez dans la ville de Pyle n'étoient pas
Danger moins pressez de la faim ; On ne l'ignoroit pas à Athènes, & l'on craignoit
des Athé-
niens en- avec raison que la flotte qu'ils avoient devant l'île Sphaderie , ne pouvant y
sermez demeurer pendant l'hyver, on ne fut obligé d'abbandonner les Lacédétnoni-
dans la ens qui y étoient renfermez. Le peuple d'Athènes commença à se repentir de
ville de n'avoir pas accepté la paix, & Cléon prévoïant qu'on lui imputeroit tout le
Pyle.
mauvais succés de cette entreprise, commença lui-même à publier que tout ce
qu'on disoit de l'état de la ville de Pyle, étoit ou faux ou exagéré, que la len-
teur ou la nonchalance de ceux qui commandoient la flotte, étoit cause qu'on
ne s'étoit pas encore rendu maître de Pile & de ceux qui y étoient , que s'il
étoit en leur place, les choses iroient tout autrement.
XXXIX. Il ne s'attendoit pas qu'on le prendroit au mot ; Cependant il fut nom-
Cléon & mé
Démofthé- pour commander la fiotte en la place de Nicias ; D'abord il voulut s'ex-
cuser sous divers prétextes ; Mais enfin il fallut partir & il se vanta que
nes redtiis- ,
sentles La- dans vingt jours il raméneroit tous ceux de Pile prisonniers. On en rit, car
cédémo- on le connoissoit fort fanfaron, mais peu vaillant; Cependant étant arrivé à
niens en- l'armée, il entra dans l'Íle
fermez avec Démollhéne, qui étoit l'autre Chef, & pouf-
dans l'île sant les ennemis de polie en porte, il le réduisit enfin à un lieu trés fort d'al-
de Spfra- siéte où ils se défendirent en déIespérez. Le combat aïant duré la plus grande
éteriç. partie du jour, & les uns & les autres étant accablez de fatigue & de chaleur,
l'Officier qui commandoit les troupes auxiliaires de Messène dit à Cléon 8c
Démolihéne que le seul moïen de réduire ces gens étoit de les prendre par
derriére, & en même tems promit d'exécuter ce qu'il proposoit ; Il partit
donc avec les siens & grimpant par des endroits qu'on ne gardoit point,par-
cequ'on les croïoit inaccessibles , il s'avança & parut tout à coup au dos des
Lacédémoniens. Alors ils perdirent courage ; Cléon & Démoithéne leur
aïant offert la vie, ils mirent bas les armes & promirent de se rendre , pour-
veu qu'ils pussent savoir la résolution des Généraux qui commandoientdevant
Pyle.
XL. Ils envoïérent des Hérauts sur la côte, & aprés quelques allées & venues,
Les Lacé- un Lacédémonien vint crier sur l'autre bord, qu'ils pouvoient traitter pour
démoni ,
enfer- veu qu'ils ne fissent rien contre leur honneur. Sur cette parole ils se rendi-
ens à discrétion. On les garda jusqu'au lendemain, & aprés avoir dressé un
mez dans rent
Sphafterie trophée & rendu les morts aux Lacédémoniens, ils mirent les prisonniers sur
se rendent les vaisseaux, & les ramenerent à Athènes. Il en étoit mort vingt huit dans
a cliscre. le combat, & il en restoit encore deux cent quatre vingt douze dont six vingt
tion. étoient Spartiates naturels. Ils avoient été enfermez dans Pile pendant soixante
& douze jours & n'avoient été nourris par les leurs que pendant vingt
jourà. le reste du, tems ils avoient reçu leur subsistance de ceux qui leur en
apportoient en cachette, & il y en avoit encore de reste aprés la prisè de
l'île.

Les
Les Laccdémoniens levèrent en même tems le siége de Pyle. Il fut ré- XLI.
solu que les prisonniers demeureroient à Athènes jusqu'à la paix ; Mais que Levée
dtt
dans l'Attique, les feroit siége de
si les Lacédén19)1iens entroient de nouveau on mou- Pyle.
garnison Pyle les plus braves des Messeniens,
rir. Les Athéniens mirent en à
qui firent plusieurs courses sur les Lacédémoniens,les incommodérentdans extrê-
mement & leur débauchèrent même plusieurs esclaves qu'ils attirerent
la:
ville LesLacédémoniens las delà guerre & craignant de plus grands n1aux,envoïé-
ils ne purent rien obtenir.
rent à plusieurs reprises des Députez à Athénes, mais
Pendant la même campagne les Athéniens firent une descente dans les XLlr.
les Athéniens
terres des Corinthiens, ou il y eut un assez rude combat entre combat fut Bataille
& les Corinthiens aidez de leurs alliez. Le succés du assez
les plus forts Cava- entre les
long-tems douteux. A la fin les Athéniens qui étoient en Athéniens
lerie, remportèrent l'avantage & obligèrent les Corinthiens de gagner les & les en-
hauteurs, d'où ils n'osérent plus descendre. Les Athéniens dépouïllérent les rinthiens & leurs
morts, & dressérent un trophée sur le champ de bataille, puis aïant pris leurs
alliez...
morts', ils se retirêrent sur leur flotte & se mirent en seureté prés les Isles.
,
voisines ; Car il étoit survenu du secours aux Corinthiens qui auroient pa-
tenter un nouveau combat.
On a veu cy-devant qu'EurymecFon & Sophocle étoient partis de Pyle XLIIK
se rendre en Sicile avec leur flotte. Etant arrivez en l'isle de Corfou, Guerre
pour la à quelqu'uns d'entr'eux dans l'ile
ils se joignirent aux Insulaires pour faire guerre de CorfouL
qui s'étoient retiré sur le mont Isthon & qui de la fàisoient des courses dans contre les?
le plat pc;ïs & causoient de grands dommages à la campagne. Les Athéniens brigans
les forcérent dans leur retraite & les prirent à discrétion. On les transporta qui déso-
dans l'isle de Ptychie en attendant qu'on les ménât à Athènes ^ à charge que loient leur
seroit plus ,
parole qu'on leur p.m.
si quelqu'un d'eux s'enfuioit on ne tenu à la
r
avoit donnêe. Ceux de Corsou craignant qu'on n'accordât la vie à ces pri-
sonniers, usérent envers eux d'une supercherie qui a peu d'exemples. Ils-
leurs envoïérent de leurs parens & de leurs amis pour leur persuader de s'en^
fuir, leur offrant même des vaisseaux pour favoriser leur evasion,. Et les ex-
posant par là a une mort certaine. En effet dez qu'ils se furent embarquez;,
les Athéniens qui en eurent avis, les arrétérent & les mirent tous en prison..
On les en tiroit par vingtaine , & on les faisoit passer au milieu des doubles
rangs des soldats qui les tuoient à coups d'epée^ Ils en firent mourir assisi
environ 60. il en restoit encore un bon nombre dans la prison, dont les uns;
se tuërent, les autres furent mis à mort de différentes manières.
L'hyver suivant Ariitide fils d'Archipi-'Ï!s un des Commandans delà flotte' XZ1V.
Athéniens avoient envoïé la Thrace lever les contributions Prise d'ua;
que les vers pour Ambaflà-
qui étoient fournies par les alliez prit un Ambassadeur nommé Artaphernes deur
,
qu'Artaxerce Roy de Perse envoïoit à Lacédémone, & le fit conduire à Athè- Roy de
nes. Les Athéniens le reçurent avec honneur, & aïant lu ses lettres ecrites Perse par
en Assvrien, quoiqu'adressées aux Laeédél11?niens, ils trouvèrent qu'entre au-, ens*.
lesAtbéa»-'-
tres dictes, elles portoient que le Roy ne lavoit ce qu'ils souhaitoient de lui,
parceque les divers Ambassadeurs qu'on lui avoit députez , ne s'accordoient
pas entr'eux ; Que s'ils vouloient l'informer de leur desseins, ils pourroient=
envoïc,,U*
envoïer vers lui quelques Lacédémoniens avec cet Ambassadeur. Les Athé-
niens renvoïérent l'Ambassadeur aux dépens du public, sur une galère avec
des Députez de leur part vers le Roy de Perse ; Mais étant arrivez à Ephése,
& aïant apris qu'Artaxercés étoit mort, les Députez revinrent à Athènes.
XLV. L'Année suivante, qui fut la 8. de la guerre du Péloponése les Athé-
,
VIII. An- niens attaquérent l'île de Cythere, qui est lltuée prés les côtes de Lacédémone,
née de la loin du promontoire Malée, Nicias, Nicostrate& Antoc1es commandoient
Guerre du pas
Péloponé- la flotte Athénienne, les Lacédémoniens étoient maîtres de Cythére, & y en-
se. voïoient tous les ans des Magistrats,les Athéniens s'emparèrent d'abord d'une
Ail du M. place maritime nommée Scandée, d'où ils firent le dégat dans la campagne.
3580.
C.
Ceux de la ville de Cithére aïant pris les armes, livrèrent le combat à Nicias
avant J.
& furent bientôt mis en fuite. Ils se rendirent à composition & se sourni-
420.
Thucidid. rent à tout ce que voudroient les Athéniens, à la mort prés. On les obligea
1.4.P' de quitter leur ville où les Athéniens mirent garnison, ensuîtes ils firent une
Edit Oxon. descente dans Péloponése & ravagèrent les campagnes pendant sept jours
Diodor.
sans que les Lacédémoniensintimidez par tant de mauvais succés, ôsassent pa-,
" L 12./M17.
se?' roitre en campagne.
XLV1. De là les Athéniens se rendirent devant la ville de Thyrée, que les La-
Prise de la cédémoniens avoient cédée auxhabitans de l'isle d'Egine qui aboient étéchaf-
ville de sez de leur les Athéniens ils s'en rendireut maîtres, la. pillèrent & la
Thyrée pays par
dans le Pé- brûlèrent, & emmenèrent prisonniers à Athènes tous ceux qui echapérent à
loponéfe. l'epée du soldat victorieux. Les Athéniens mirent à mort tous ces malheu-
^
reux, -en haine de leur ancien & perpétuel attachement au parti des Lacé-
démoniens.
XL VII. La même année on conclut la paix en Sicile, & quoiqu'elle se fit sans le
Paix en Si- consentement des Commandans de la flotte Athénienne il fallut la ligner,
cile dés- ,
aprouvée parceque les alliez ne vouloient plus de guerre, ce qui n'empêcha pas que le
par les peuple d'Athènes ne fit condamner à l'exil deux de ces Commandans , lavoir
Athéniens Pythodore & Sophocle, & le troisiéme à une grosse amande, comme s'ils eussent
été convaincus d'avoir trahi les intérêts de la République & d'avoir reçu des
présens pour abbandonner la conquête de l'île, que la présomption des Athé-
niens & l'heureux succés de leurs armes , leur faisoient regarder comme ta-
.cile. '
XLVIII. Vers le même tems les Athéniens faillirent de se rendre maître de la ville
Les Athé- de Megare par la trahison de quelques uns de cette ville qui promirent de
niens se ,
donner entrée par une porte ouverte & embaraflée d'une nasselle
rendent leur
maîtres de qu'ils feignoient de vouloir faire entrer dans la ville ; Mais la choie aïant
Nisée. manqué, les Athéniens s'emparèrent de Nisée, qui est comme le port deMé-
gare & qui n'en est pas bien éloignée, y aïant même un long mur qui Nitée joint
Mégare à Nisée. Les Athéniens rompirent ce grand mur, & ceux de
se rendirent par composition. Ils livrérent leurs armes & païerent une grosse
somme pour leur rançon, & obtinrent permission d'aller où ils voudroient.
Brasidas Général des Lacédémoniens qui étoit alors vers Sycione & Co-
rinthe, aïant apris que les Athéniens s'étoient rendus maîtres du grand mur,
& ne sachant pas encore la prise de Nisée, assemble promtement: ses troupes,
man-
mande aux Béotiens de s'avancer de leur côté vers Tripodisque, Se ayant que
les Athéniens eussent vent de sa venue, & que les Béotiens fussent arrivez , il
vint se présenter devant Megare, disant qu'il esperoit de reprendre bientôt Ni-
sée : Mais ceux de Megare ne voulurent pas lui ouvrir leurs portes, s'imagi-
nant qu'il livreroit la bataille aux Athéniens, & qu'ils pourroient aprés la ba-
taille prendre le parti du plus fort; la bataille ne se donna pas & Brasidas
,
retourna à Corinthe où il se disposa à marcher du côté de la Thrace.
Le dessein des Lacédémoniensétoit de faire diversion des forces des Athé- XL IX.
niens qui leur donnoient beaucoup d'inquiétude dans le Péloponése. Ils Les Lacé-
démoni-
avoient aussi une veuë plus[ecréte, qui étoit de se défaire d'une partie des Ilo- ens font
tes, ou de leurs esclaves, qui étoient devenus redoutables à leur République, périr plu-
sur tout depuis la prise de Pyle. Ils en avoient déjà fait périr deux mille sieurs de
d'une maniére bien tragique. Ils firent publier qu'ils vouloient donner la li- leurs-
berté à tous ceux des Ilotes qui avoient fait paroître une valeur extraordinai- esdaycs.
re dans les derniéres guerres, & qu'ils les invitoient à venir se faire inscrire
dans les registres publics. On en choisit deux mille entre ceux qui se pré-
sentérent,& on les mit en liberté. Ils allèrent en procession & couronnez
de fleurs dans les Temples, pour rendre graces aux Dieux de leur affranchif-
sement; Mais bientôt ces hommes disparurent, sans qu'on ait sçu par qu'elle
voie on s'en étoit défait.
Brasidas en prit encore, sept cent pour son expédition dans la Thrâce, L.
& il en leva d'autres dans le Péloponése pour le même sujet. Ce Général Brandae
trouva beaucoup de difficultez pour pénétrer dans ce païs parcequ'il lui fal- Général des Lacé-
loit passer par la Thessalie par la Macédoine & par la Chalcide ,
,
& que la demoni-
,
crainte qu'on avoit des Athéniens tenoit les peuplés sur leur garde & les ens entre
empéchoit de favoriser ouvertement , ,
le passage des Lacédémoniens. Brasidas dans la
surnionta ces obstacles par sa prudence & par sa diligence. Il se rendit en Thrace.
Thraçe sans aucune opposition. Il engagea dans son parti les villes d'Acanthe
& de Stagyre, qui étoient deux Colonies d'Andros. Il s'avanca ensuite vers
Amphipolis, colonie d'Athènes sur le fleuve Strymon.
Thucidides l'Historien qui a si bien ecrit l'histoire de cette guerre, étoit LI.
alors avec quelques navires a Thase, petite lie de la mer Egée, à demie jour- Thucidi-
née d'Amphipolis. Aussitôt qu'il fut informé de l'aproche de Brasidas des l'Hi-
il storien
s'avança avec sept vaisseaux qui étoient auprès de lui, pour jetter du secours ,
dans la place ou du moins pour s'assurer d'Eione qui étoit fort prés d'Amphi- comman- de une
polis. Brasidas qui savoit l'estime où étoit Thucidides dans tout le païs & flotte dans
l'autorité qu'il s'y étoit aquise par les mines d'or qu'il y possédoit, usa d'une la Thrace.
diligence si extraordinaire qu'il le prévint & offrit à la ville des conditions si Il est par-
avantageuses, qu'elle les accepta & se rendit. Thucidides arriva le soir même venu par
Brasîdas.
à Eione, & s'il eut tardé de s'y rendre Brasidas s'en seroit emparé le lende-
,
main dez la pointe du jour. La perte d'Amphipolis fut trés sensible aux Athé-
niens, parceque c'étoit comme une porte pour entrer dans la Thrace ; &
quoique Thucidides eut fait son devoir pour prevenir Brafîdas on ne laissa
,
pas de le condamner à l'exil.
LII. Au commencement de l'hyver un autre Démosthénc Commandant de la
Dénaosthé. flotte d'Athènes, & Hippocrate qui commandoit l'armée de terre, se rendirent
ne & Hip- dans la Béotie , où ils espéroient que plusieurs villes se rangeroient de leur
pocrate parti Hippocrates y arriva le premier & commença à fortifier le Temple
Généraux ,
d'Apollon de Delos. Il fit un fosse autour du Temple & se servit de la terre
des Athé-
niens for- du fossé pour former sa terrasse, & des vignes & d'autres arbres qui étoient
tissent De. 'autour du Temple pour soûtenir les terres; Il y emploïa aussi les pierres &
,
|moi> les briques qui étoient dans les masures des environs , & eleva des tours de
bois dans les lieux les plus avantageux. Pour le Temple il ne fubslstoit plus
& le portique en étoit renversé. On mit quatre ou cinq jours à achever cet
ouvrage Aprés lesquels le gros de l'armée se retira , il ne reita qu'Hippo-
crates avec les soldats pesamment armez, pour régler les portes qu'ils devoi-
ent occuper & les endroits qu'il falloit.
LIll. Cependant les Béotiens croïant avoir trouvé une belle occasion de com-
Vidloire battre les Athéniens , marchèrent contr'eux , aïant à leur tête Pagondas un;
des Béoti-
des Principaux de la Béotie. Hippocrates informé de leur dessein,rassemble'
ens contre
les Athé- promtëment ses troupes, les range en bataille, met les soldats pesamment ar-
J1ien$. mez au centre & la Cavalerie sur les aîles; aprés les avoir exhorté à bien faire,
les Béotiens qui étoient sur la hauteur fondirent sur eux , & aprés un assez
rude combat où les Athéniens remportèrent dabord l'avantage sur l'aile gau-
che des Béotiens; Les Athéniens furent enfin mis en fuite avec beaucoup de-
désordre, & se retirérent à Delium ; Ensuite ils remontèrent sur leur vaisse-
aux & se retirérent à Athènes. Les Béotiens erigérent un trophée, dépouïl-
lèrent les morts des ennemis & se rendirent a Tanagre , dans la réIolutioll:
d'assiéger Délium.
LIJT. Les Athéniens selon la coutume , aïant envoïé un héraut aux Béotiens
Plainte des pour répétér les corps de ceux qui avoient été tuez dans le combat ce hé-
Béotiens ,
raut fut rencontré par celui des Béotiens qui lui dit de retourner avec lui à
contre les qu'il ne fut de retour. Ce héraut des
Athéniens, Athènes, qu'aussi bien il ne feroit rien
Béotiens étant arrivé à Athènes, se plaignit de la conduite des Athéniens, qui
avoient violé les droits sacrez des Grecs , & profané le Temple de Delium
en le fortifiant comme un lieu profane , y exerçant ce
qu'il siest pas permis
de faire dans un lieu saint & en puisant pour des usages communs & ordinai-
n'osent toucher, si non pour se
res les eaux de ce sanduaire que les Béotiens
laver les mains, lorsqu'ils offrent des sacrifices ; C'est pourquoi ils les conju-
roient au nom d'Apollon & de Genies protedeurs de leurs païs, de se retirer
incessamment de ce Temple, & d'en emporter ce qui étoit à eux.
Les Athéniens repondirent qu'ils n'avoient fait contre le respeft du au
Temple d'Apollon , quils ne l'avoient fortifié qu'afin de se defendre contre
ceux qui s'en servoient pour leur nuire; Que
c'étoit un droit commun parmi
les Grecs, que quiconque faisoit la conquête d'un païs , entroit aussi en pof-
session des Temples qui s'y trouvoient ; qu'ils jouïssoient par droit de con-
quête du Temple en qpessioii, & qu'ils ne s'en défaisiroient point.
Aprés
Après cette réponseles Béotiens aïant fait venir deux mille Corinthiens LV:.
pesamment armez & quelques autres troupes du Golphe Maliaque , allèrent Siége Délium
d6
faire le siége de Delium. Entre les autres machines qu'ils y emploïérent, on par les -
coupée en deux d'une ex- Béotiend
remarque celle-ci. C'étoit une antenne de navire
trémité à l'autre, & creusée puis rejointe,en forme de flute , à l'un des bouts --

étoit penduë une Chandiére à laquelle répondoit un long tuiau de fer, par le
moïen du quel on souffloit par des fouffiets., & on allumoit un grand bra..
sier de charbons, de poix & de souffre. Le brasier une fois enflammé , on
conduisit cette machine avec des chariots jusqu'auprès des tours de bois, les-
quelles s'embrasérent incontinent & le feu s'étant communiqué a toute la
, & la ville reduite à l'obeissance des
palisade, le mur fut bientôt abbandonné,
.Béotiens.
La neuviéme annee de la guerre du Péloponéie, n olire point de , granas mAnnée
evénemens, parceque les Lacédémoniens & les Athéniens presqu'également IX. de la guer-
las d'une guerre longue & ruineuse , conclurent une tréve d'un an , dans re du Pe-
l'esperance dela faire bientôt générale. Les Athéniens depuis la perte d'Am- loponéso-
phipolis & de Delium coinmençoient à rabbattre de leur fierté & de leur An da M.
présomption. , Les Lacédémoniens touchez du malheur de leur Compatriotes 3581.
J. Cm
pris à Sphaderie, vouloient à quelque prix que ce fut les tirer des maîns des avant 419-
Athéniens. Deux hommes, l'un Lacédémonien, c'étoit Brafidas , & l'autre Thucidid.
Athénien, c'étoit Cléon, étoient les seuls qui s'op,posassent à un accommode- 1.4. 4.p.'2.790
ment. Brasidas se voïoit par la arrêté au milieu du cours de ses conquêtes; Edit. Ox..
Thrace;Cleon Plutareh.
car il les poussoitavec une rapidité extraordinaire du côte de la
in Nie?#»
outre son Eloquence populaire & ses criailleries, s'étoit acquis un grand cré-
dit à Athènes par le" succés de l'affaire de Sphaderie, Il craignoit la paix, de
peur qu'on ne découvrit ses injustices & ses excés.
Brasidas ne sachant encore rien du traité passé pour la tréve entre les t
Tilt
Viaoira
Athéniens & les Lacédémoniens, reçut la ville de Scione , qui quitta le parti de Brasi-
des Athéniens, & celle de Mende qui se rendit à lui à l'imitation de la pre- das contre
miere. Informé du traité, il ne put se résoudre à abbandonner ces deux pla- Cléon
ces. Les Athéniens indignez de la mauvaise foy, envolèrent contre luiCleon des Général
Athé-
avec de bonnes troupes , pour reprendre Amphipolis & les autres villes qui niens.
s'étoient rendues à Brasidas. Ce Général se jetta dans Amphipolis pour la
défendre, & Cleon après avoir demandé des troupes au Roy de Macédoine,
& à celui des Odomantes alliez des Athéniens, s'approcha d'Amphipolis sim-
plement pour la considérer & pour en examiner la situation , en attendant
qu'il l'nmégeàt dans les formes. Brasidas feignant de le craindre,demeura dans
tranquile dans la ville sans faire aucune sortie, ni aucun mouvement. Cette
inaction augmenta la présomption & enfla le coeur de Cléon. Il negligea de
faire observer la discipline militaire à ses troupes. On faisoit garde avec non-
chalance, parcequ'on ne se méfioit de rien.
C'eit ce que Brasidas attendoit pour faire son coup. Il fit brusquement LTTlll.
une sortie, surprit les Athéniens, & mit d'abord en fuite toute leur aile gau- Mort de
&
che. 11 trouva plus de résistance dans l'aile droite ; Il y fut blessé mortelle- Brasidas de Cléon.
ment & emporté par ses gens, sans que les Athéniens s'en aperçussent. 11
ne surv'equit que quelque moment à sa blessure. Cléon dans cette occanon
fit voir son peu de courage. il laissa combattre ses gens & se retira, Sol-
un
dat l'aïant trouvé, le tua. L'aile droite soûtint deux ou trois attaques sans
lâcher le pied. A la!fin elle prit la fuite, & aïant obtenu permission d'empor-
ter ses morts, elle se retira à Athènes. Les Lacédémoniens aprés avoir pro-
fité des dépouilles de l'ennemi, dressérent un trophée, & firent des obléques
folemnelles à Brasidas. Ceux d'Amphipolis lui décernérent des honneurs fu-
nèbres & annuels comme à un heros & voulurent dans la suite l'honnorer
comme fondateur de leur colonie, aïant à cet effet détruit tous lesmonumens
,
de celui qui l'étoit,en haine de ce qu'il étoit Athénien.
LIX. Par la mort de Brasidas & de Cléon, les plus grands obstacles à la paix
Fin de la furent levez & bientot la guerre fut comme suspenduë de part & d'autre
guerre du ,
Péloponé- pour un an;
Pendant cet intervalle on commença à goûter les douceurs de
se, aprés la paix, on se vit, on se parla, on proposa de part & d'autre des moïens d'ac-
avoir duré commodement & des articles de pnix. Enfin la dixième année après le com-
dix ans. mencement de la guerre, la paix fut concluë entre les Athéniens & les Lacé-
An du M. démoniens à condition qu'on se rendroit fidèlement de part & d'autre les
3582. ,
villes & les prisonniers, ce qui fut exécuté. Les Béotiens & les Corinthiens
avant J. C.
418.. furent les seuls qui ne parurent pas contents delà paix; Mais Nicias,qui étoit
un de ceux qui avoitle plus contribué à finir la guerre, quoiqu'il parût avoir
plus d'intérét que tout autre à la faire continuer ; Etant aussi grand, aussi ha-
bile & aussi heureux Capitaine qu'il étoit, Nicias, dis-je, inspira aux Athéniens
& aux Lacédémoniens, de faire entr'eux une ligue offensive & défensive, pour
fixer l'etat de la Grèce, & arrêter les inquiétudes & les entreprises des niécon-
tens.
LX. Nicias, dont on vient de parler étoit Athénien fils de Nicerate ; Il ren-
,
Carattére dit de grands services à sa patrie. Dez le tems de Pericles il étoit en réputa-
de Nicias tion, puis qu'on le nomma pour collégue à Péricles, dans le commandement
Athénien. de l'armée, & qu'il sut souvent lui seul envoie à la tête des 11 étoit
Plutarcb.. naturellement troupes.
in Nicia timide & peu entreprenant ; Mais son extrême bonheur dans
1. Ç24. C la guerre, suppléoit au courage & à la hardiesse. Il fut principalementloû-
Jeq. tenu & avancé par la noblesse d'Athènes, qui ne pouvoit souffrir les fanfaro-
nades, l'insolence & les crimes de Cleon. Le peuple d'Athènes avoit aussi
pour lui beaucoup d'estime & de considération, fondées principalement sur
sa modestie & sur sa timidité ; Car le peuple aime à rabbaisfer ceux qui le
méprisent & à elever ceux qui le craignent. De plus Nicias étant trés riche,.
emploïoit ses richesses à gagner le peuple par des spedacles qu'il leur donnoit
& par des présens qu'il faisoit aux Temples.par des repas & d'autres choses de
cette nature qui sont propres à acquérir l'estime & l'affe&ion du menu peu-
ple. Par un effet naturel de sa timidité il étoit superstitieux, défiant ne se
communiquant point, ne mangeoit chez personne, n'aimoit ni le j'eu, , ni les
,
divertissemens, & dans les expéditions militaires il usoit de tant de circon-
1
spection & de vigilance qu'il étoit difficile qu'il fut, surpris & ce qu'on attri-
] buoit à sa sagesse, à san bon conseil & à sa valeur, n'étoit ,souvent que l'effet
' de
r
de sa lenteur & de la crainte qu'il avoit de rien
hazarder & de rien entrepren-
dre dont le succés'ïût douteux. lui LXL
Pour lui il attribuoit ses succés aux Dieux, ou à la fortune; Aussi ne

la République, & il eut Belles
attribua-t-on aucun des mauvais succés des armes de a&ions de
le bonheur de ne se trouver dans aucune rencontre fâcheuse. 11 prit l'île de Nicias.
Cithére qui étoit peuplée par des Lacedémoniens ; Il fit plusieurs belles aéH-
dans la Thrace. Il se rendit maître de l'île de Minoa & de l'île de Nisee,
ons
il remporta une vidoire contre les Corinthiens dans laquelle Lycophron leur
Général fut tuë. Aprés cette victoire aïant sçu qu'il étoit reste deux de ses
Soldats morts qu'on avoit oublié de retirer, il envoïa les redemander aux Co-
rinthiens, aimant mieux se priver de l'honneur d'eriger un trophée, ce qu 'i'l
pouvoit plus faire, aïant repété de ses morts, que de manquer a ce devoir
ne
de pieté. C'est à lui qu'on attribua principalement la paix qui fut faite en-
tre les Athéniens & les Lacédémoniens aprés neuf ans de guerre. On dit
même que pour la faciliter il acheta des voix à prix d'argent, lorsqu'on tira
sort, lesquels des deux des Athéniens ou des Lacédémoniens rendoient les
au
captifs, afin que le sort tombât sur les Lacédémoniens, LX11.
Alcibiade ne voïoit qu'avec peine la considération qu'on avait à Athènes
/
Jalouse
& hors d'Athènes pour Nicias. Il étoit jaloux que les Lacédémoniens s 'a- d'Alcibia-
dressassent à Nicias & non pas à lui, quoique les ancêtres eussent un ancien Nicias. de contre
droit d'hospitalité avec eux.ll fit ce qu'il put pour empêcher la conclusionde
la paix avec les Lacedénloniens,& ensuite il n'oublia rien pour la traverser &
suspecte en ce
pour la rompre , rendant la bonne foy des Lacedémoniens

niens..
,
qu'ils avoient contracté alliance avec les Beotiens & n'avoient pas restitue Pa-
nade ni Amphipolis de la manière dont on étoit convenu. Il appuia ceux
d'Argos qui cherchoient àse séparer des Lacedémoniens, & leur donna espe-
rance que les Athéniens les recevroient dans leur alliance, comme Enfin
se repen-
il
tant deja de la paix qu'ils avoient faite avec les Lacedémoniens Lacedémo- ;
attaqua ouvertement Nicias en l'accusant d'être trop attaché aux
En ce même tems arrivérent des Ambassadeurs de Lacedémone, qui aïant „ LXlil.
Superche-
été introduits dans le Sénat, exposérent leur raisons d'une maniere qui parut rie d' Alci-
juste & raisonnable. Alcibiade craignant que s'ils se présentoient devant le biade con-
peuple, il ne les persuadassent , comme ils avoient fait le conseil , attira ces tre les am-
Ambassadeurs par de belles & séduisantes paroles, & leur dit que'lemoïen bassadeurs
Lacédé-
d'obtenir ce qu'ils demandoient, étoit de ne pas parler de plein pouvoir,& de moriienv.
dire qu'ils étoient simplement venus pour savoir les intentions du peuple, &
pour leur exposer ce dont ils étoient chargez , leur promettant duPyle
reste avec
serment de les aider de tout son pouvoir, pour leur faire restituer & em-
pêcher l'alliance avec Argos.
Le Lendemain le peuple étant assemblé, & les Ambassadeurs s'etant pré-
sentez Alcibiade leur demanda avec une douceur feinte le sujet de leur am-
bassade, & s'ils étoient munis de pouvoirs nécessaires. Il répondirent qu'ils
n'avoient point de pouvoir de conclure, mais qu'ils venoient pour proposer
des voïes d'accommodement. Aussitôt Alcibiade crie à Fimposture & prend le
confeil11 témoin du discours qu'ils avoient tenu la veille a" Senat ; Que de
têls gens ne méritaient aucune créance, qu'il ne venoient que pour surpren-
dre la bonne foy des Athéniens. Les Ambassadeurs déconcertez ne savoient
quoy répondre, ne pouvant concevoir qu'Alcibiade fut capable d'une telle su-
percherie. Nicias ne savoit d'où pouvoit venir un tel changement dans les
Ambassadeurs. Au milieu de cet embarras, il survint un tremblement de
terre qui fit rompre l'assemblée. S'etant expliqué avec les Ambassadeurs , &
aïant developé l'intrigue d'Alcibiade , & il obtint du peuple dans l'assemblée
qui se tint le lendemain , qu'on ne conckiroit rien qu'on n'eût envoïé une
,
réputation à Lacédémone.
L'XIV. Nicias y fut député avec quelques autres; Mais il y trouva les espritsin-
Alcibiade disposez, principalement ceux qui avoient été les auteurs d'alliance
est du Gé- Béotiens. avec les
néral par
Il revint donc à Athénes fort inquiet, craignant qu'on ne lui fit
les Athé- quelque mauvais traittement ; Car on lui imputoit d'avoir fait rendre les pri-
niens sonniers pris à Pyle lesquels étoient les principaux de la ville de Sparte.
,
contre les Toute fois le peuple ne décerna rien contre lui, mais ils elurent Alcibiade
Lacédé- General & firent alliance avec ceux de Mantinée ceux d'Argos &
moniens. pour ,
ceux d'Elée-, qui s'étoient détachçz des Lacédémoniens, après quoy ils envoïé-
rent des troupes faire le degat dans la Laconie & rentrèrent ainsi en guerre,
presqu'en même tems qu'ils en étoient sortis. Alcibiade en fut l'unique
cause & il parvint à ses fins par une fourberie que l'on ne put assez dete-
ster. ,
LXV. Alcibiade se trouva donc alors en compromis avec Nicias le premier
Alcibiade homme de la République d'Athènes ses services & par la réputation de
par
en compro sagesse quel s'étoit aquise* Nicias étoit soutenu par ses grands biens & par
mis avec
'Nicia.s. la faveur des riches & des plus raisonnables des Athéniens. Alcibiade étoit
un jeune homme plein d'eiprit, de valeur, d'ambition, souple, insinuant, elo-
quent & qui réunissoit plusieurs bonnes qualitez, avec quantité de mauvailes.
Il étoit agréable au peuple, dont il fiattoit les inclinations, quelquefois même
d'une manière basse & rampante.
LXTTJ. Ces deux personnages se trouvant alors les premiers d'Athènes & en par-
Ostracisme tageant toute l'autorité, il étoit malaisé, qu'ils s'accordassent, & l'on avoit lieu
contreHy- de croire
perbolus. que la division ne cesseroit que par l'Ostracisme de l'un ou de l'au-
Abolition tre; Cependant il en arriva tout autrement. Les Athéniens se réunirent à
de l'Ostra- bannir de la République un nommé .Hyperbolus, homme de néant, & sou-
risme. verainement méprisé dans la ville; Il étoit le sujet ordinaire des railleries des
Plutarch. Comiques, & le peuple s'en servoit comme d'un jouët dans les aÍfenl-
j'¡'J...1lcibiaa poëtes
blées. Son Ostracisme divertit dabord la populace,ensuite elle en eut honte,
& depuis lui on ne bannit personne par l'ostracisme , qui étoit comme des-
honoré par un sujet si vil & si indigne , & qui se glorifioit d'une peine qui
lui étoit commune avec les plus grands hommes de la République , les Ari-
ftides, les Thémittocles, les Timons, les Thucidides.
LXVJI. Quelque tems aprés arrivèrent à Athénes 'es Ambassadeurs de la part
Comence- des Egestains & des Léontins , pour engager la république à entreprendre
racnt de le la guerre contre la Sicile. Nicias fit tout c qu'il put pour détourner le
peuple
peuple de cette entreprit dont il prévoïoit k|/uites facheuses ; Mais Alci- guerre des
biade & ceux de sa faction l'emportérent sur K, & la guerre fut résoluë. Un contre
Athéniens
voïoit dans les Boutiques & dans les Carrefours que des jeunes gens & des Syracuse.
ne
viellards, qui traçoient la figure de la Sicile, qui en décrivoient les ports & An du M.
les promontoires , & qui formoient déja des projets de passer en Afrique, 35-88.
après la conquête de la Sicile, & d'en faire la conquête jusqu'aux colomnes Tbucidid.
3589.
d'Hercules. Nicias eut beau faire; non seulement on ne l'écouta pas » mais l.ô.Dioddr.
même on le nomma malgré lui Général de cette expédition avec Alcibiade & /. 12. Plut',
Lamaque. On disoit que sa lenteur & sa circonspection serviroient de frein in Alcibia*
à la vivacité d'Alcibiade, & que la douceur de Lamaque les eonôlieroit l'un de in
avec l'autre. \ grande de-
Nicia;
LXVilï.
On disposa donc toutes choses pour cette entreprise. Mauvais '
vins & les prêtres n'en promettoient point un bon succes , Socrates qui se présages
vantoit d'avoir un Démon familier, qui l'avertissoit des choses futures n'enau- contre de: la
guroit rien de bon ; l\lethon l-'Astronome en prévoïant les facheuses fuites, Sicile»
guerre
contresit Finsensé mit le feu la nuit à fà maison & demanda avec instance
,
qu'on lui laissat son fils pour le soulager dans l'etat où il étoit, & qu'on le di-
spensât d'aller à cette guerre. On trouva que toutes les statuës de Mercure
été
ou les termes qui étoient à l'entrée des maisons ou des Temples, avoient
mutilées en une nuit sans qu'on pût découvrir qui étoit l'auteur de cet at-
,
promît de grandes recompenses à ceux qui le découvriroi.
tentat, quoiqu'on
ent. On accusoit de jeunes gens qui avoient à leur tête Alcibiade, d'avoir
dans une partie de débauche, contrefait les Mystéres de Cerés & de Proseï-
nine. -
..
Pendant qu'on travailloit avec le plus de chaleur à l'armement de lanofe^
»

te, les femmes d'Athènes célébroient avec des cris lugubres & de grandes la-
mentations les fêtes d'Adonis ;& toute la ville étoit en deuïl & pleine de con-
vois funèbres. Toutes ces circonstances rassemblées faisoient craindre aux
plus superstitieux que le succés de cette entreprise ne fût pas heureux. L'on;
accusa même publiquement Alcibiade d'avoir mutilé les statuës de Mercure y
Son libertinage, ses débauches, son irréligion farmoient contre luy une grand.
préjugé. Il craignit les suites de l'accusation ; Mais se trouvant appuié par
les soldats & les matelots, qui disoient hautement qu'ils n'alloient en Sicile,

fondit la choie;
qu'en considération d'Alcibiade, il se rassura, & insista même à ce qu'on apro-
Mais le peuple d'Athènes sans vouloir examiner Ilac-.usa-
,
tion, pressa le départ de la flotte, & il fallut obéir.
Le rendez vous pour la plupart des alliez qui portoient les vivres &res LXIX.
équipages, sut à Corcyre ou Corfou. Le reste de l'armée partit du port Départ â&
d'Athènes, on ne vit jamais un spectacle plus pompeux que ces deux rrmées navale )arroée:
de terre & de mer, equipées superbement & à grands frais. Pour les voir d' XthéneF
partir, toute la ville d'Athènes se rendit dez le point du jour sur le port de (I*Cill,ié-c &
Pyrée. Les peres y ménoient leurs enfans & leurs amis pour être témoins faire !a
de ce pompeux départ Dez que le signal en fut donné on fit des voeux lo- guerre- 4w
,icllc;.
lemnels pour l'heureux succés de cette expédition ; & on fit de toutes parts
des etfulions de liqueurs dans la nier avec des coupes prétieuses d'or & d'ar-
gent, pour honorer les Dieux^parins. L'air retentit des acclamations du
peuple qui bordoit le rivage J Aprés qu'on eut chanté l'hymne solemnel &
qu'on eut achevé les cérémonies , la flotte se mit en mouvement, & les vais-
seaux défilérent les uns après les autres & allérent le réunir prés File d'Egi-
ne ; de la on prit la route de Corcyre , où l'armée des alliez étoit aflem-
blée.
LXX. La Sicile qui étoit menacée par ce grand armement, n'en voulut da-
Préparatifs bord rien croire ; Mais voj'ant que de toutes part, les nouvelles s'en confir-
des Sicili- moient, ils commencèrent sérieusement à se disposer à bien recevoir leurs
en-
ens pour nemis. Syracuse comme capitale de l'île, envoïa par tout pour demander du
résisteraux
Athéniens. secours, on fit la reveuë de tout ce qui étoit capable de porter les armes, on
mit des garnisons dans les chateaux & dans les forts 011 distribu 1 les armes
qui étoient dans les arsenaux enfin on ne négligea, rien de ce qui pouvoit
,
contribuër â une bonne defense.
La flotte Athénienne composée de trois escadres sous trois Généraux,
étoit de cent trente six vaisseaux, dont cent étoient d'Athènes, & le reste des
alliez. Il y avoit sur ces vaisseaux cinq mille soldats pesamment armez,dont
deux mille deux cent étoient Citoïens d'Athènes le reste étoient des alliez.
,
Il n'y avoit qu'une compagnie de Cavalerie de trente maîtres qui montoient
,
un vaisseau propre à porter des chevaux. L'Infanterie armée à la légère étoit
de quatre cens quatre vingts Archers, dont quatre vingt étoient Cretois, sept
cent frondeurs de Rhodes, & six vingt de LVlegare. La flotte & les troupes
furent beaucoup augmentées dans la fuite.
LXXI. On s'attendoit que ceux de Rliege donneroient du secours aux Léontins,
Arrivée de mais ils répondirent qu'ils vouloient demeurer
la Rotte
neutres. On envoÏa pour sa-
des Athé- voir si ceux de Segeste ou d'Egei1e , avoient leur argent prêt , & on trouva
niens en qu'ils n'avoient devant les mains que trente talens. Ces contre tems décon-
Sicile. certèrent Nicias, qui n'avoit jamais été pour cette guerre & qui répétoit à
,
toute occasion qu'elle avoit été entreprise contre toute sorte de raison , &
contre toutes les regles de la prudence. Dans le conseil de guerre que l'on
tint il fut d'avis de tirer vers Sélimente qui étoit le premier sujet de la guerre
par la plainte que les Egestains étoient venus faire contr'eux à Athénes & con-
tre ceux de Syracuse, qui les soutenoient. Nicias ajoutoit qu'il falloit obliger
ceux d'Egeste à payer une montre à l'armée, & à fournir la subsistance à soi-
xante Galéres qu'ils avoient demandées, si non deméurer là, jusqu'à ce qu'on
eut fait la paix avec les Sélimontiens , aprés quoi on pourroit sans honte re-
tourner à Athènes, aprés avoir fait voir aux étrangers qu'elles étoient les for-
ces des Athéniens & de quoi ils étoient capables , quand il étoît queition de
secourir leurs alliez.
LXX 27. Alcibiade au contraire soûtenoit qu'il seroit honteux de s'en retourner à
Partage d« Athènes, après un tel armement sans rien faire; qu'il falloit avant toutes cho-
sentiment ses essayer de détacher les alliez de Syracuse, & tâcher de s'aflfurer de Melline,
entre lés qu'après cela
généraux on pourroit attaquer Selimonte ou Syracuse. Lamaque étoit d'a-
Athéniens. vis d'aller droit à Syracuse & de l'attaquer brusquement sans luy donner le
,
loisir de se reconnoitre & de se préparer à la défense; Que si l'on réuflilsoit à
s'en
s'en rendre maître, on contraindroit bientôt le reste de la Sicile à se soûmet-
tre.- Son avis n'aïant pas été goÙté, il revint à celui d'Alcibiade, & on s'a-
vança vers la Sicile. Alcibiade s'empara d'abord de Catane par sur-
prise.
Il n'en fit pas davantage dans cette expédition , car dans le même tems LXX11I.
Rapel
il fut rapellé à Athènes, pour le sujet que nous allons dire. - On a veu cy- d'Alcibiade
devant que peu de tems avant le départ de la flotte d'Athènes, on avoit trouvé de Sicile à
toutes les statuës de Mercure, ou les termes qui étoient aux Carrefours, muti- Athènes.
lez principalement au visage , & qu'on avoit contrefait pendant la nuit les
mystéres des Cerés & de Proserpine. On accusa Alcibiade avec une troupe
de jeunes débauchez, d'avoir commis ces excés dans les tenebres. L'accusa-
tion en fut intentée avant son départ pour la Sicile, & il avoit iitsiflé qu'on
jugeât l'affaire & qu'on le déclarât absoû , ou criminel avant qu'il s'embar-
,
quât craignant
,pousfer
avec raison que les ennemis ne profitassent de son absence,
pour l'affaire & le faire condamner sans- l'entendre , il ne se trompa
point. Le peuple d'Athènes superstitieux à l'excès fit mettre en prison tous \
ceux qui furent dénoncez comme complices de ce crime , on écouta tous
ceux qui voulurent déposer contr'eux , & il fut résolu de faire comparoître
aussi Alcibiade, pour rendre compte de sa conduite & pour répondre aux ac-
cusations formées contre lui.
Mais comme il y auroit eu danger d'un soûlevement dans l'armée, si on LXXIY.
Alcibiade
eut entrepris de l'emmener de force , on envoïa en Sicile le vaisseau de Sala- se sauve.
mine
,
qui étoit un vaisseau sacré & destiné à emmener les coupables, avec Il est con-
ordre à Alcibiade de se rendre à Athènes, pour adoucir le peuple par sa pré- damné à
sence. Il obeït sans résistance & partit sur le vaisseau de Salamine ; Mais mort dans
etant arrivé à Thurium, il disparut, sans qu'on pût découvrir où il s'étoit ca- Athènes.
ché. Ainsi la galére de Salamine ne l'aïant pas ramené, il fut condamné à
mort par contumace, ses biens furent confisquez, & il y eut ordre à tous les
prétres de le dévouër à l'Anathéme. On lui reprochoit un jour que par sa
fuite il faisoit croire qu'il n'avoit point assez de confiance en la justice de sa
patrie, il répondit: Je ne me fierois pas même a ma mere, de peur qu'elle ne
prit par mégarde une féve noire au lieu d'une blanche; & comme on lui eûfc
annoncé la nouvelle de sa condamnation à mort, il dit : Je leur ferai bien
voir que je suis en vie.
Aprés cette affaire toute l'autorité dans l'armée de Sicile se trouva entre LXXV.
les mains de Nicias ; Car Lamaque ne se trouvant pas en état de soûtenir sa Siége
qualité de Général, à cause de son extrême pauvréte, étoit sans credit & sans d'Hybla.
pouvoir. Pour Nicias il n'étoit pas de caraaére à conduire seul une entre- obligé Nicias est
de
prise comme celle-la, sa lenteur, sa timidité ses irrésolutions lui firent perdre l'abban-
,
insensiblement l'estime & la confiance des troupes, & donnérent aux Siciliens donner.
le tems de se rassurer & de prendre les moïens de se bien défendre. Il mit
le siége devant Hybla qui étoit une place trés peu considérable & encore
,
fut-il obligé de l'abbandonner peu de jours aprés. Il se retira à Catane sans
avoir fait autre chose que ruiner un petit Bourg nommé Hycenta occupé par
des Barbares, apparement des Carthaginois, & non par les Grecs.
LXXVI. Sur la fin de la Campagne il aprit que ceux de Syracuse méprisant son
Uicias indolence, étoient disposez à le venir attaquer. Déja leur Cavalerie s'avan-
conduit çoit & demandoit avec insolence s'il étoit donc venu en Sicile, pour fixer sit
son armée demeure à Catane. Piqué de
à Syracuse. ces reproches il s'a\ança vers Syracuse; ;& pour
donner de change aux Syracusains qui auroient pu empêcher Ion débarque-
ment, il fit en sorte qu'on leur donna secrétement avis qu'un tel jour certain
complot devoit s'exécuter, qui les mettroit en etat de s'emparer de Ion camp.
Les Syracusains se mirent à portée de profiter de cet avis. En efset Nicias
abbandonna son champ, mais ce fut pour s'embarquer avec toutes les trou-
pes & pour palier droit à Syracuse, où il débarqua sans trouver la moindre op-
se
position,& retrancha en un lieu fort commode prez d'Olympie.qui luiavoit
été enseigné par un transfuge Syracusain.
LXXVII. L'Armée de Syracuse chargée de honte de s'être ainsi laissée tromper,
Victoire revint en diligence à la ville, & pour réparer son honneur le mit en bataille
de Nicias aprés dévant le retranchement de Nicias. Celuy-ci livra la
sur les Sy- quelques jours
jracufains. bataille, & obligea les ennemis de se retirer dans la ville. Une tempête arri-
vée pendant l'aCtion effraya les Syracusains & contribua beaucoup à leur dé-
route. Ils jettérent quelques troupes dans le Temple d'Olympie, auprès du
quel étoit campé Nicias ; & ce Général ne s'en mit pas beaucoup en peine,
parcequ'il ne souhaitoit pas que ses soldats profanassent un lieu si refpefta-
bIe, ni qu'ils en pillaflent les trésors. Après ce combat les Athéniens se réti-
rérent à Naxe & à Catane pour y prendre leurs quartiers d'hyver; dans laré-
solution de former au commencement de la Campagne suivante , le siége de
I
Syracuse, qu'ils n'étoient pas alors en etat d'entreprendre, faute de Cavalerie,
de vivres & d'argent. Ils emploïérent le tems de l'hyver a solliciter ces le-
cours à Athènes, à Carthage, & à quelques villes des cotes d'Italie. Nicias
reçut d'Athènes quelque secours d'argent, & quelques deux cent cinquante
Cavaliers, mais sans chevaux, suposant que la Sicile leur fourniroit desmon-
tures.
ZXXVllî Les Syracusains de leur côté se mirent à fortifier leur ville , dans les en-
Les Syra- droits qui étoient les plus exposez,& députèrent à C0rinthe& à Lacédémone
eusains de'
pour leur demander du secours. Corinthe étoit comme la mere de Syracu-
mandent considerée la fondatrice. Lacédémone conservoit
du secous; se, elle en étoit comme
à Corinthe toujours son ancienne jalousie contre Athènes.
Si Lacédémone & Corinthe
& àLacé- n'envoïoient point de secours -tl Syracuse, on esperoit au moins^ qu elles fe-
denione. roient irruption daiïs les terres des Athéniens & les obligeroient a une puis-
sante diversion, & a rapeller leurs troupes pour venir s opposer a ces ennemis
du voisinage. Corinthe accorda d'abord ce qu'on luy demandoit & euvoïa
Lacédémone pour porter
avec les députez de Syracuse des Ambassadeurs à ,
les Lacédémoniens le à déclarer en leur faveur.
l.XXIX a
Alcibiade étoit alors Lacédémone où il s'était rendu, aprés s'être echa-
Alcibiade pé des mains de ceux qui vouloient l amener a Athènes. ^ De Thuriulll il
à LacéJé- étoit
venu à Argos d'ou il avoit envoie demanderrendre aux Lacédémoniens qu ils
mone ap- le reçussent dans leur ville, avec promesre de leur plus de service, s ils
puie la de- avoitçausé de dommage , pendant
mande de le recevoieut comme ami , qu'il ne leur
qu'il
ennemi. Les Spartiates l'avoient reçu avec tout l'agrément ceux de
tlu'îl étoit leur trouvé le secret de gagner leur efli- Syracuse.
qu'il pouvoit souhaiter, & Alcibiade avoit
& leur confiance ense conformant a leur maniéré de vivre,
me leur affection
Tlêur sausse, à leur manger, qui comme l'on sait, n'était rien moins que
dé-
li-cat. Il n'étoit plus question chez lui ni
de cuisinier, ni de' parfumeur , ni
delicatelTe. Dans les habits, dans le bain, dans le coucher, se transformant
de
L acédémonien severe avec
les viellards,& en jeune homme gai & enjàüé
en qu'il fçut si bien s'insinuër dans les bon-
avec les jeunes gens. On dit même
de la Reine Timée, Epouse du Roy Agis, qu'il en eut un fils que
nes graces en particu-
l'on nomma Leotychide , mais que la Princesse sa mere nommoit
lier Alcibiade. Cette galanterie ne fut pas inconnuëdonc a Agis, qui ne voulut
Leotychide son fils. Alcibiade appuïa de
pas reconnoître pour
les forces les demandes des députez de Syracuse & de Corinthe, & persuadala
Gylippe pour Général en Sicile , de porter a
aux Lacédémoniens d'envoïer diversion & de fortifier dans le meme païs la
guerre dans l'Attique pour faire
ville de Deulie, pour tenir en bride la ville d'Athénes. LXXX.
Nicias étant parti de Catane avec toute sa flotte, arriva au port de Tra- Siége de
de Ion
gile prés la ville de Leonte, sans que les Syracusains fussent informez Syracuse
départ. De Leonte à Epipole, qui est une eminence qui commande Syra-
par Nicias.
cuse, il n'y aque 6. ou 7. stades, c'est-à-dire un bon quart de lieuë, aïant mis
à terre ses troupes de débarquement , il se retira avec sa flotte a Thapfe ville
de terre
située sur une peninsule prés Syracuse. Pendant ce tems ses troupes
s'emparèrentdu poste d'Epipole , avant que les Syracusains qui connoissant
l'importance de ce poste avoient pris la résolution de s'ensaisir eussentexecu-
tp leur rr>solution. Ceux-ci aïant donc été prévenus, accoururent en dili-
gence sous la conduite de
Diomile leur Chef pour en chailer les Athéniens ;
Mais ils furent obligez de se retirer en désordre , après avoir perdu leur Chef
& trois cent hommes, de sept cent qu'ils étoient. Aprés ce premier avan-
sommet d'hpipole afin
tage les Athéniens bâtirent un fort à Labdale sur le de plus prétieux. >
d'y mettre en seureté leur bagage, & ce qu'ils avoient
Le dessein de Nicias étoit d'enveloper toute la ville de Syracuse d'un LXXX!. Nicias en-
des tours à la manière de ce tems-la, pour empêcher qu'on n'y put ferme la
mur avec son armée navale prés du port, rien
ietter secours par terre, & de tenir si que ville de
n'v put entrer par mer. Il ne tarda pas à exécuter sa résolution ; il eevelopa Syracuse
la place depuis Tyque jusqu'à Trogyle , qui étoit une espéce de Faubourg si- muraille par une
tue sur la mer. Les Syracusains etonnez de la rapidité avec la quelle le
1 'ou-vïa-
retarder avec des
quelque sortie l'empêcher ou pour
ge se poussoit, firent pour
Cavalerie fut mise
,
déroute, & Nicias
; tours.
Mais ils n'y réùflireat point, leurs en re-
Segeste & de cent autres
çut un. renfort de trois cens Cavaliers envoïez decentcinquant qui avoient été
envoïez par quelques alliez. Cela joint a deux
envoïez d'Athènes, & qui s'étoient fournis de chevaux dans le païs, formoit
un corps de six cent cinquante chevaux.
LXXXIL
Les Syracusains construisirent de leur côté un mur accompagne d une LesAthé-
palissàde qui coupoit le terrain par où les Athéniens devoient conduire le niens cn- 1

leur Ceux-ci les laisserent faire, ne voulant pas interrompre leur propreî trent dans
Syracuse.
Ils sont
obligez
ouvrage , quand celui des Syracusains fut achevé, les Athéniens coupèrent les
Canaux qui conduisoient l'eau dans la ville, & s'étant aperçus
S) racufains laissez que les soldats
pour la garde du mur , faisoient fort mauvaise garde ils
d'en iojtir.
firent un détachement de trois cent soldats choisis avec quelque infanterie
mée à la légère, pour attaquer le mur des Syracusains pendant ar-
de l'armée marchoit vers la ville pour empêcher le secours. , que le relie
La palissade fut
bientôt forcée, & les Athéniens poursuivant ceux qui la gardoient, entrèrent
pêle mêle avec eux dans la place; Mais ils ne purent s'y maintenir Ils fu-
rent repoussez avec perte; Le reste de leur armée démolit le mur, en arracha
& emporta les palissades.
LXXXIII
i un
néraux
des Gé-
Aprés cet avantage, les Athéniens entreprirent d'enfermer la ville de-
Làmachus puis Epipole, jusqu'au grand port. Ils travaillérent
Syracusains firent
y dez le lendemain
comme auparavant un autre mur avec des palissàdes pour
; les
Athéniens' couper les travaux des Athéniens. Les deux murs etant bien avancez, l'aile
cst tué. gauche des Athéniens attaqua le mur des Syracusains & le força Les
;
mis qui le défendoient, aïant pris la fuite ; Mais la Cavalerie des Syracusains enne-
qui étoit en bataille vers le pont de la ville, repoussa les Athéniens & étant
venue fondre sur leur aile droite, en renversa les permiers bataillons. Lama-
chus qui commandoit l'aile gauche étant accouru à leurs secours fut tué,
,
aprés avoir franchi un Josse avec quelqu'uns ,
des siens les autres l'aïant ab-
bandonné. ,
LXXXIV Ce succés encouragea les Syracusains. 118envoïérent quelques troupes
Nicias sau- forcer le fort qui étoit bati sur la hauteur d'Epipole, & qu'ils croïoient
ve le fort pour
qu'il avoit sans défense. Ils forcérent le premier retranchement & auroient aisément em-
sur Epipo- porté le reste, si Nicias qui étoit resté malade dans le sort, ne se fut promte-
le. ment levé, & n'eut ordonné à ses domestiqes qui étoient seuls au tour de lui,
de mettre le feu au bois qui étoit entre le retranchement & le fort ; Ce qui
aïant été heureusement exécuté ; & les Syracusains voiant ce feu, & les trou-
pes Athéniens accourir au secours du fort , en même teins que la flotte des
mêmes Athéniens entroit dans le port de Syracuse ils se retirèrent dans la
ville, désespéral1t d'empêcher les Athéniens de pousser ,
leur muraille jusqu'à la
mer.
LXXXV. Nicias se trouvant alors seul Général de l'armée Athénienne & aïant
,
Les Syra- heureusement réüssi dans les entreprises, plusieurs peuples de Sicile se décla-
cusains rèrent pour lui & aportoient à son armée toutes sortes de provisions & de
songent à rafraichissement. D'un autre côté les Syracusains envelopez ,
s'accom- par terre & par
moder mer, désespérant de recevoir du secours d'ailleurs , & de pouvoir défendre
avec les A-
leur ville, commencèrent à parler d'accommodement, & prirent même la ré-
théniens. solution de se rendre & de hâter la conclusion des Articles de la capitulation,
avant que la ville fut réduite à l'extrémite, & que les ouvrages des Athéniens
fussent entièrement achevez.
IXXXV1 Les choses en étoient reduites à ce point, lorsque Gongyle Officier
Arrivée de voie^ par les Corinthiens, arriva à Syracuse sur en-
Gylippe clara à haute voix à une galère à trois rames & dé-
Général tout le peuple assemblé, que Gylippe Général des Galéres
de la flotte de Lacédémone doit arriver dans peu avec quelques Vaisseauxa& que bientôt
il
il sera suivi de bon nombre d'autres galéres qui venofent aulli à leurs secours. des Lace-
Ces nouvelles si peu attendues parurent presque incroïables aux Syracusains, démoni-
ens,àSyra-
& ils n'étoient pas encore revenu de leur surprise , qu'un député de Gylippe euse.
arrive, & annonce la venue du Général Lacédémonien , & leur dit de sortir
avec toutes leurs troupes au devant de lui.
Gylippe paroit en effet, & aïant pris en passant le fort de Jéges,marche
en bataille droit à Epipole , & menace d'attaquer les Athéniens par dehors,
pendant que les Syracusains les attaqueroient du côté de la ville. Son arri-
vée surprit encore plus les Athéniens qu'elle n'avoit fait ceux de Syracuse.
, Ils se mirent en bataille
A peine pouvoient-ils croire ce qu'ils voïoient.
avec precipitation & sans beaucoup d'ordre. Gylippe au lieu de les attaquer,
leur envoie un heraut pour dire à Nicias qu'il lui donnoit cinq jours pour
sortir de la Sicile. Nicias ne daigna pas répondre au héraut, & ses soldats ne
firent que rire de cette proposition.
Gylippe ne laissa pas d'emporter d'assaut le fort de la Labdale & de paC- rxxxvrr*
ser au fil de l'Epée tout ce qui s'y rencontra. Le même jour les Syracusains Les Athé-
prirent une galere Athénienne qui entroit dans leur port. On acheva de part niens qui
assiégent
& d'autre les murs commencez. Gylippe se trouvant maître de la campagne, Syracuse
Nicias fut contraint de réduire ses forces sur la mer, & pour les mettre à cou- sont sort
vert, il fut obligé de fortifier le camp de Plemmyre , pour observer de plus reiferez
prés la flotte de Syracuse qui étoit un peu plus loin dans le petit port. Prés- par Gylip-
qu'en même tems aïant apris que la flotte que Corinthe envoïoit au secours pe.
de Syracuse, arrivoit, il envoïa à sa rencontre vingt Galéres qui les lai-sférent
passer sans les apercevoir ; Ce qui augmenta le courage des Syracusains qui
commencèrent des lors à agir offensivement contre les Athéniens & à leur
prendre beaucoup de prisonniers. Gylippe alloit de ville en ville par la Si-
cile, pour demander du secours ; plusieurs de ces villes se déclarèrent pour
les Syracusains, & leurs envolèrent des secours d'hommes & d'Argent. Nicias:
dépécha à Athénes pour y réprésenter l'etat des choses, il y joignit une lettre
par laquelle il demandoit d'étre déchargé du commandement de l'armée &
qu'on y envoïât au plutôt de puissans renforts, si l'on ne vouloit pas voir pé-
rir toute l'armée Athénienne.
Ces nouvelles jettérent la consternation das les esprits. On ne nomma
point de successeur à Nicias ; Mais on lui donna pourpoints Menandre &
Euthydéme, pour lui aider dans le commandement en attendant qu'on fit
partir d'autres Généraux, on y envoïa Eurymedon &, Démosthéne dont le
,
premier partit aussitôt avec dix galéres & quelque argent ; Dl-'mostliéne de-
meura dans l'Attique pours lever des troupes qui devoient partir au com-
mencement du printems. LXXXVIIi.
Lacé-
Ces remèdes n'étoient gueres capables de remédier aux maux quiprefsoi- Les dé mo ni -
ent les Athéniens & en Sicile & dans leur propre pais ; Car les Lacédémoni- ens & les
ens & les Corinthiens entrèrent de bonne heure dans l'Attique & y fortifié- Corinthi-
rent en fort peu de tems Deulïe, qui leur servit dans la suite de place d'armes ens atta-le
quent
pour se maintenir dans ce païs & pour l'incommoder l'hyver & l'eté, au lieu païs des A-
qu'auparavant ils se retiroient dans leurs terres, après avoir fait le dégât sur thénien^
les terres des Athéniens. D'un autre côté les mêmes Làcédémoniens & lei
Corinthiens faisoient de grands préparatifs pour envoïer en Sicile, où Gylip-
pe continuait les exploits , car aïant ramassé beaucoup de monde des diffé-
rens endroits de ce païs qu'il avoit parcouru , il engagea les Syracusains à
rassembler autant de vaisseaux qu'ils pourroient & de hazarder un combat na-
val contre les Athéniens. Le combat se donna, & pendant que les flottes se
battoient à l'embouchure du grand port de Syracuse Gylippe avec les trou-
,
pes de terre attaqua & prit le 3. forts de Plemmyre construits par Nicias.
LXXXIX Les vaisseaux de Syracuse qui combattoient à l'entrée du port forcérent
Pri se du les Athéniens qui vouloient leur en défendre rentrée ; Mais en même tems
sort de
Plemmyre ils se heurtèrent si violemment l'un contre l'autre, chacun faisant effort pour
sur les A- y entrer des premiers, qu'ils donnérent lieu aux Athéniens de les poursuivre;
thénieus. Ils en prirent trois, & en coulèrent à fond onze ; plusieurs Syracusains y pé-
rirent, & les Athéniens dressérent un trophée dans une lie qui étoit devant
Plenuuyre, puis se retirèrent dans le camp. La prise des forts de Plemmyre
fut extrêmement dommageable aux Athéniens qui y perdirent bien du mon-
de, beaucoup d'argent, quantité de munitions, & l'equipage de quarante Ga-
léres qui y étoient retirées.
"
XC. On en vint ensuite à un second combat contre l'avis & l'inclination de
Combat Nicias, qui vouloit qu'on attendit la nouvelle flotte, queDémosthéneaménoit
naval ou & qui de voit incessamment arriver d'Athènes Mais il fallut céder aux em-
les Athé- ;
niens sont preffemens de l\1enandre & d'Euthydeme, qui venoient d'être nommez pour
maltrait- partager le commandement avec Nicias, & qui vouloient se signaler par quel-
iez. que exploit de conséquence. Les Athéniens avoient soixante & quinze Ga-
léres0 & les Syracusains quatre vingt. On fut deux jour à se montrer sans
donner le combat. Le 3,. jour les Syracusains se prése.ntérent plutôt, qu'à
l'ordinaire ; une bonne partie du jour se passa en escarmouche, puis 011 se re-
tira. Sur le soir les Syracusains aïant pris de la nourriture, & étant promte-
ment remonté sur leurs Galères, vinrent fondre sur les Athéniens qui ne s'at-
tendoient à rien moins. Ceux-ci se rembarquèrent avec précipitation , la
plupart à jeun, & sans avoir le tems de se ranger en bataille. Ils furent ai[é>-
mént repoussez & obligez de se retirer derriére une enceinte des bâtimens de
charge que Nicias a-voit fait ranger derrière sa flotte pour lui servir de retrai-
te en cas de besoin. Ils perdirent dans ce combat sept navires & plusieurs
soldats.
XCI. La flotte de Démosthéne arriva le lendemain du combat, elle étoit com-
Arrivée de posée de soixante & treize vaisseaux, qui portoient cinq mille combattans &
la flotte
comman-
environ trois mille tant archers, que frondeurs & gens de trait. Dèmosthé-
dée parDé- ne avoit pris un aïr de confiance & avoit affeété d'arriver comme en triomphe
mof1:héncs pour inspirer de la terreur aux Syracusains. En esfet ce speétacle les étonnât
devant & si l'on avoit ecouté Nicias, qui avoit de bonnes correspondances dans la
Syraçusc.
ville, qui lui disoient de ne rien précipiter & qu'incessamment Syracuse seroit
obligée de se rendre, on auroit heureusement fini la guerre ; Mais Démosthé-
ne aïant proposé au Conseil d'attaquer brusquement l'ennemi & de profiter
de l'allarme où sa venue l'avoit jette, pour terminer promtement la guerre, si
011
n'y réûfliflbit pas, de lever le siége & de s'en retourner à Athénes, sans fa-
on & qui n 'abboutis-
tiguer inutilement l'armée à une entreprise mal concertée disposa
soit qu'à epuiser Athenes, on se rendit à son avis , & il se a attaquer
l'Epipole dont les ennemis s'étoient rendus maîtres quelque^ tems aupara-
,
vant
Comme on n'y pouvoit monter de jour sans trop s'exposer & sans être Viftoirc XCll.
découvert il s'y rendit la nuit avec toutes ses troupes , laissant Nicias a la remportéd
garde du camp. , Il attaque le premier retranchement, le force & tué une par les
partie de ceux qui le défendoient. Il pousse plus avant, & au bruit les trou- racusains
de leur retranchement. sur les A-
pes de la ville, soûtenuës par Gylippe sortent en armes tbéniens»
Ces troupes sont mises en fuite & renversées. Les Athéniens poussant leur
pointe, sont arrétez tout court par les Béotiens qui les chassent a grands cris
& en sont un carnage terrible. L'obscurité dans laquelle tout cela se passe-j,
augmente le trouble & la confusion. 11 demeura sur la place deux mille

morts de la part des Athéniens. -


Aprés un pareil echec,il n'y avoit pour eux point ^ d'autre parti ^a prendre que. XCIIi.
Retraite
celui de la retraite,pendant que la saison étoit encore propre a la navigation des Athé-
Dénloflhéne insistoit fortement pour cela, & Nicias ne s'y opposoit que dans niens de
la crainte que les Athéniens à son retour ne le condanlnaiTent & ne luy im- devant
fin Nicias se rendit, il fut Syracutc!
put ffent le mauvais succés de l'entreprise. &Alela plus secrétement qu'il seroit
résolu que l'on partiroit au premier jour
possible. L'on étoit prêt de mette à la voile, lorsque 'il arriva une Lclypie *

au milieu de la nuit. Cet événement dont alors on ignoroit les causes na-
turelles troubla l'armée , les devins déclarèrent qu'on ne devoit partir
qu'après ,trois fois neuf jours. Nicias superstitieux a l'excés s 'en tinta cette
déclaration, & refusa de partir jusqu'à pareil jour du mois suivant
Les Syracusains bien informez de tout ce qui s'étoit passé , attaquèrent Combat xav.
les Athéniens par mer & par terre. Le premier jour ils attaquérent leur re- entre les
tranchemens & n'y remportèrent pas de grands avantages. Les lendemain Athéniens-
la flotte de Syracuse composée de soixante & seize Galères, attaqua celle des & les Syra--
Athéniens, & défit Eurymedon, qui la commandoit : Gylippe qui étoit à la eufains»
tête de l'armée de terre s'approcha du rivage pour combattre les Athéniens
à la descente, s'ils étoient eontraints d'echouï^k Mais il fut repoussé par les-
Thyrréniens & par les Athéniens qui accourait pour soutenir les leurs.Les,
Syracusains prirent dix huit vaisseaux & en tuerent tout l'equipage. On erÍ-
gea des trophées de part & d'autre, mais l'avantage Athéniens étoit bien plus grand de;
la part des Syracusains, & aprés tant de pertes, les coinmençoieut.
absolument à perdre courage. Ils tentérent la voïe de la retraite; mais les
ennemis fermèrent l'embouchure du grand port qui avoit environ cinq cent
pas de largeur, & se disposérent à leur livrer le combat. XCV.
Les Athéniens dans cette extrémité abbandonnérent leur ancien &
camp Combat
les portes qu'ils occupoient encore au tour de la ville , & se rassemblérent Naval où
partie sur le bord, & partie dans leurs vaisseaux , résolus de faire un dernier les Athé- -

effort pour sortir du port, & pour gagner Catane. Ceux de Syracuse mirent niens font
s'étant donné, les Athé- vaincus,
tout en oeuvre pour les en empêcher Le combat
niens
niens n'eurent pas de peine à se rendre maires des vaisseaux qui défendoient
l'entrée du port, mais quand ils voulurent rompre les chaines des autres vail-
seaux pour se mettre au large les ennemis vinrent fondre sur
,& les accablèrent de , eux de tous
cotez, coups de pierres. Enfin apréb un long combat &
une résistance opiniâtre , la Hotte Athénienne fut obligée de se retirer fort
maltraittée contre le rivage. Les Syracusains victorieux dressérent un tro-
phée, & les Athéniens accablez de douleur & chargez de honte îfosérent
pas même demander les corps morts des leurs , pour leurs rendre ,
les der-
niers devoirs.
XCVI. Ils avoient pensé à donner un second combat naval, & à faire de
Retraitte veaux efforts pour rompre les Chaines; Mais les Malelots refuierent d'obeïr; nou-
des Athé- Ainsl
niens par on fut contraint de tenter la voie de se retirer par terre. Tout y étoit
terre à Ca- disposé, & on devoit partir la nuit suivante. La circonstance ne pouvoit y
tane. être favorable ; à cause de la fête d'Hercule qu'on célébroit ce jour la à Sy-
racule, & de la joïe de la victoire précédente, qui tenoit toute la ville en le-
stins & en rejouïssance. Gylippe qui se douta du dessein des Athéniens, ufà
d'un Stratagème pour l'empêcher. Il fit donner avis à Nicias au nom de
quelque ami qu'il se gardât bien de partir la nuit, parceque l'on s'étoit sàisi
des passages &, qu'on lui avoit dressé des embûches. Cet avis arrêta Nicias,
1
& l'on nepartit que deux jours après, laissant aux Syracusains & à leurs alliez
tout le lcSîlir de s'emparer des portes, & de rompre les ponts de lieux par où
les Athéniens devoient passer. L'armée Athénienne s'etant mise en marche
dans le dessein de se rendre à Catane souffrit tout ce qu'on peut s'imaginer
de fatigue & de disette ; sans parler de, la honte, du désespoir da la conster-
nation dans la quelle ils étoient. Nicias tout accablé qu'il étoit ,
de viellesse
& d'incommodité ne songeoit qu'à consoler ses troupes & à leur relever le
courage. Ils étoient encore au nombre de prés de quarante mille hom-
mes, & ils marchoient partachez en deux corps de bataille, rangez en quar-
ré en forme de Phalange, aïant le bagage au milieu. Ils forcèrent le passage
de lariviere d'Anape & eurent pendant quelques jours à combattre la Cavale-
rie ennemie qui ne cessoit de tirer contre eux & de les harceler.
XCVII. Les deux Chefs Nicias & Dél11osih¿nc pour se tirer de cette contrainte
Défaite de résolurent de quitter la route de Catane qu'ils avoient suivie jusqu'àlors,pour
Dén^ofthé-
des suivre celle de Camarine & de ||éle, c'est-à-dire de tourner le dos à Catane,&
ne un
Chefs des de repasser de l'autre côté de Syracuse. Ils partirent donc pendant la nuit,
Athéniens. laissant plusieurs feux allumez, dans leur camp. Ce depart ne se put faire sans
beaucoup de confusion ; Et comme on marchoit dans les ténèbres plus de
la moitié de l'arriére garde s'egara avec Démosthéne. Les Syracusains ,
s'etant
aperçus de leur retraite, les suivirent , & le lendemain sur le midy , vinrent
fondre sur Démosthéne & sur sa troupe. Il fut acculé dans un lieu étroit & 41
fermé d'un petit mur, où ses soldats se défendirent avec un courage incroïa-
ble. Mais enfin accablez par le grand nombre ils se rendirent à discrétion
Démosthéne, condition ,
avec à qu'on leur laisseroit la vie sauve, sans pouvoir
être retenu dans une prison perpétuelle.
Nicias
*
Nicias arriva le jour même à la riviére d'Erinée , & l'aiant passée , il se XCVlll.
voisine. Les ennemis l'y joignirent & le Pommè- Nicias &
campa sur une montagne fait Démosshéne. Il ne crut pas d'abord ce son armée
rent de se rendre, comme avoit se rendent
qu'on lui disoit de ce dernier ; Mais aïant envoïé quelques Cavaliers pour s'en à -difcré-
stfurer ' Sur leur raport il consentit de rembourser les frais de la guerre, tion.
qu'on lelaiflat aller & promit de donner en otages autant d'Athé-
pourveu ,à
niens, qu'il y auroit de talens payer. Cette proposition fut reçue avec in-
fuite & les Syracusains recommencèrent à les attaquer. Nicias se défendit
toute la nuit, & marcha dez le matin vers le fleuve Azinare. Son armée, ac-
cablée de sois & de lassitude y fut de nouveau chargée par l'ennen1Ï qui en
massacra & en noïa un trés grand nombre. Le Général Athénien touché de
Gylippe feroit cesser
ce triste speftacle, se rendit à discrétion, à condition que
le combat & epargneroit les vivans.
Le nombre des morts fût trés grand, mais il restoit encore beaucoup de XC1X.
prisonniers que les Syracusains condamnérent à demeurer en prison dans les Mort de
Nicias <3c
Carrières avec deux mesures de farine & une certaine quantité d'eau par jour. de Dé-
Les Esclaves & les alliez furent vendus publiquement & les deux Généraux mosthéne
Nicias & Démosthéne furent battus de verge & mis à mort. Cette sentence
fut exécutée malgré les remontrances des plus sensez & des plus modérez de
Syracuse & même maigre Gylippe qui avoit demandé qu'ils fussent envoïez à
Lacédémone, comm'etant ses prisonniers.
Telle fut la fin de la guerre de Sicile, la plus grande qu'aïent eu les Grecs en- Fin de C.
la
tr'eux ; & ainsi mourut Nicias,qui méritoit si peuunsimalheureuxsort,par les re- guerre de
montrances qu'il avoit faites pour détourner les Athéniens d'entreprendre cette Sicile.
guerre & parla sagesse& la consiance qu'il sit paroîtredans cette funesteexpédi- An du M.
tion.Plusieurs des prisonniers de guerre qui étoient dans les prisons y moururent e19 G.
J.
de disette & de maladies;Cequi en resta,futvendu deux mois aprés pour esclaves. avant 409.
Lorsque la nouvelle de ce triste evenement arriva à Athènes, on ne vou- Tbucidid.
lut pas d'abord y ajoûter foy ; Mais en aïant reçu la confirmation , l'abbate- /. 8. an. 19.
ment & la consternation furent universelles. Dans la crainte que les ennemis de laduguer- pé..
ne vinssent de tous côtez fondre sur Athènes par mer & par terre on songea re
loponése.
équipper de ,
à ramasser de l'argent, à nouveaux vaisseaux & à se mettre en Ci.
,
etat de défense, quelque parti que les ennemis pussent prendre. Les alliez Désola-
d'Athènes,comme ceux de l'île d'Eubée, ceux de Chio, de Lesbos &plusieurs tion dans
Athènes
autres , résolurent de secouër le joug des Athéniens & de se mettre sous la après la
protedion des Lacédémoniens. Dans le même tems Tissapherne Gouver-
perte de
neur de Lydie & de l'Ionie, & Pharnabaze Gouverneur de l'Hellespont, pour l'armée de
le Roy de Perse Darius Nothus, envoïérent à Lacédémone leur demander du Sicile.
secours contre les Athéniens, qui avec leurs forces maritimes les empéchoient
de lever les tributs accoutumez sur les peuples de leur Gouvernement.
Les Députez de ces deux Seigneurs furent écoutez à Lacédémone & CIL
Alcibiade ne manqua pas d'appuier leur demande. Calcidée fut envoïé avec Traité en- ,
les La-
une flotte avec Alcibiade à l'île de Chio , laquelle se déclara aussitôt pour les tre cédémo
Lecédémoniens. Milet se révolta peu de tems aprés. Tiisapherne joignit niens &: le
ses troupes à celles de Calcidée & prit la ville d'iare où s'étoit renfermé Roy de
,
Perre a- Anlorgés qui s'étoit revolté contre Darius. Amorgés fut pris vif & envoyé
vantiix en Perse. Les choses étant ainll pacifiées , les Lacédémoniens firent un trai-
à ce der- té avec TiITapherne, dont le principal article portoit que le Roy de Perse de-
nier. meureroit maître de tout ce qui lui avoit apartenu par le pane. L'Ionie en-
tiere se mit encore du côté des Lacédémoniens, & les Athéniens aprenoient
tous les jours la defection de quelqu'uns de leurs alliez.
C77Â
La plupart de ces mauvais succès étoit l'ouvrage d'Alcibiade qui s'étoit
Alcibiade aquis une si grande autorité dans Lacédémone, que rien ne se faisoit sans ion
evite la avis, & il avoit la réputation de réüssir dans toutes les entreprises. Agis Roy
mort, & se de Lacédémone aigri de longue main contre lui à cause de l'outrage qu'il
61onne à en
Tisfapher- avoit reçu, & jaloux d'une si grande faveur, fit tant avec les premiers de La-
ne Satrape cédémone, que l'on ecrivit en Jonie de faire mourir Alcibiade, Celui-ci en
sic Sardes. fut averti & sçut toujours eviter les piéges qu'on lui tendit
; mais enfin pour
plus grande seureté, il allase donner à Tiiïapherne Satrape de Sardes & lui
demanda sa protedion. Tissapherne fut si charmé des manières insinuantes,
de l'adresse de la capacité, des complaisances d'Alcibiade qu'il lui donna
,
toute sa confiance & son amitié, & Alcibiade pour se venger, des Lacédémo-
niens lui inspira de ménager de telle manière le secours qu'il donnoit aux
Lacédémoniens, qu'il n'opprimât pas entiérement lés Athéniens lui faisant
entendre qu'il étoit de l'intérêt du Grand Roy de Perse de fomenter ,
la divi-
sion entre les Grecs, & de les maintenir dans un certain equilibre de puiffan-
ce, qui les empêchât de s'opprimer l'un l'autre , & de ronger à porter leurs
armes au dehors.
CITf. Il avoit dans tout cela son intérêt particulier. Il voïoit que si les La-
Alcibiade cédémoniens réùffisfoient à opprimer & à ruiner Athènes, il n'auroit plus
se reconci- au-
iie avec les cune
ressource contre la haine des Lacédémoniens. Il chercha donc les
-
Athwens. moïens de se reconcilier avec Athènes , & la chose ne fut pas difficile , les
Athéniens ne souhaitant rien plus que de le mettre dans leurs intéréts. Les
principales forces d'Athènes étoient alors à Samos. Il y avoit encore une
bonne flotte qui étoit toute leur ressource. Alcibiade envoïa secrétement vers
ies principaux Chefs & leur témoigna qu'il n'étoit pas eloigné de se rendre à
Athènes, pourveu qu'on donnâtle gouvernementde la République aux grands
& aux nobles, & non pas au simple peuple, qui avoit le plus contribué à sa
sortie d'Athènes. Ses propositions surent recuës avec joïe, & dez lors on con-
certa les moïens de parvenir à cette reconciliation. On publia d'abord dans
l'armée que le Roy de Perse étoit disposé à se déclarer en faveur des Athéniens
& à payer l'armée, pourveu qu'on rapeliât Alcibiade & qu'on abolit le gou-
vernement populaire.
CV. Ce dernier Article étoit le plus délicat car pour le retour d'Alcibiade,
Le gouver- n*étoit nullement difficile de l'obtenir dans , les conjonctures présentes,
nement il puis
populaire qu'on convenoit que son rapel & l'alliance avec le Roy de Perse étoit l'unique
& aboli a moïen de çonserver l'état. Le peuple tout interessé qu'il étoit à maintenir h
Athènes Démocratie, donna enfin les mains à tout ce qu'on voulut, dans l'esperance
Nouveau populaire. La chose
traité des qu'un jour il sauroit bien faire rétablir le gouvernement
Perses paroissoit conclue, & on s'attend oit que Tissapherne dévoué comme il l'étoit
à Alci-
ii Alcibiade, exécuteroit fidélement tout ce qui avoit été proposé ; Mais ce arec les
Lacédé-
Satrape forma mille difficultez & demanda des choses si exorbitantes , qu'on monieo&
fut obligé de rompre les conférences ; Aprés quoy Tiflapherne conclut un
nouyeau traité avec les Lacédémoniens & les peuples du Péloponése, dans le
quel on réforma l'article du traité précédent, qui cedoit au Roy tout ce qu'il
avoit posséde autre fois; dans celui-ci on le restraignit à ce que Darius No-
thus, ou ses prédécesseurs avoient possédé dans l'Aile, Ce traité fut conclu
la treiziéme année de Darius & la vingtiéme de la guerre du Peloponése.
Malgré ce manque de parole de Tissapherne , on ne laissa pas de chan- CVL
ger le gouvernement d'Athènes & de rapeller Alcibiade , premièrement a Rappel d'Alcibî*-
Samos où on luy donna le commandement de l'armée qui y étoit, &-ensuite de à Ato-
«l Athénes où il rentra comme en triomphe. nes.
Mais auparavant qu'il se rendit à Athènes, il eut une entreveuë avecTis-
sapherne à Milet. On ignore ce qui s'y passa, & il semble que le principal
objet d'Alcibiade étoit de s'y faire voir à ce Satrape avec l'autorité dont ilétoit
revetu, & de lui montrer que les Athéniens n'étoient pas aussi dépourvus de
force qu'il l'auroit pu croire.
De retour à Samos il y trouva les ésprits extrêmement irritez du chan- CVll
Athénes leur participation. Pisandre qui Change-
gement qui s'étoit fait à sans y ment dans
-avoit été envoie de leur part , y trouva les choses déja assez avancées par le le gouver-
changement du gouvernement, il y mit la derniere main. Au lieu de l'an- nement à
cien senat, on elut cinq Présidens qui nommèrent quatre vingt quinze hom- Athéries.
lesquels ils faisoient le nombre de Chacun d'eux choisit Tbucidid.
mes, avec Gent. en I. 8. Plut.
encore trois à sa volonté, ce qui composa un corps de 400. hommes à qui in Alci-
,
l'on donna un pouvoir absolu; avec cette restriction néanmoins qu'ils pour- biade
roient, quand ils le jugeroient à propos, apeller au conseil cinq mille Citoï- P. loî.
ens. Aprés cet établissement, & lorsque le peuple se fut retirë.les quatre cens
armez de poignard, & soutenus de quatre vingt jeunes hommes de relolution
entrérent dans le conseil ou dans le Senat & contraignirent les anciens sena-
teurs de se retirer, en leur païant ce qui leur étoit dû de leurs apointemens.
Ils elirent alors de nouveaux Magistrats à l'ordinaire, mais en firent aucun de-
crét pour rapeller les bannis, de peur d'Alcibiade dont ils redoutoient le re-
tour & la présence ; de tels changemens ne se purent faire sans emploïer la
violence envers :plusieurs citoiens qui ne pouvoient les aprouver.
Pendant le voïage que fit Atcibiade à Milet les députez des Athéniens CITlII.
,
arrivèrent à Samos & exposérent la forme du gouvernement qu'on avoit Mécon-
,
établie, & le changement qu'on avoit fait dans les affaires. A ces discours tentement
des trom-
les troupes se récrièrent & demandérent tumultueusement qu'on les menât pes Athé-
contre les Tyrans. Alcibiade les radoucit & en habile politique empêcha niens au
qu'ils ne portassent la guerre dans leur patrie & renvoïa les députez disant sujet du
, mille change-
qu'il falloit rétablir le Sénat déposer les quatre cent & laisser à cinq
citoïens le gouvernement de, la Republique. , ment de
Police.
Les députez aïant fait raport de la résolution d'Alcibiade toute la ville cix.
d'Athènes entra en rumeur contre les quatre cent ,
& le tumulte augmenta Alcibiade
encore,lorsqu'on eût apris la perte de l'i'le d'Eubée,, dont les ennemis s'étoient donne la
vil.1oire rendus maîtres, après avoir battu la flotte cnvoïée par les quatre cént. Dans
aux Athé-^ ce mécontentement général on les déposa, & on résolut de fàire revenir Al-
niens con " cibiade, &
les
tre La
on le pressa d'accourir au secours de sa patrie. Il ne témoigna
cédémoni- pour cela aucun empressement; Mais pour faire sentir de quoi il étoit capa-
ens à Aby. ble, il voulut auparavant rendre quelque service signalé aux Athéniens. Aïant
de. apris que les Athéniens poursuivoient avec leur flotte Mindare Général des
An du M. lacedénl0niens,il alla de côté la avec dix huit vaisseaux dans le dessein de se
g195. joindre
ce
avant J. G. aux Athéniens. Il arriva dans un tems où les deux flottes en étoient
40). aux mains vis-à-vis Abyde , & où chacun des deux armées étoit battuë d'un
Thucidid. côté, & viétorieuse de l'autre.
/. 8. Plut. Les Lacédémoniens crurent d'abord qu'Alcibiade étoit pour eux mais
in Aleibia- ,
de.
aïant veu qu'il arboroit l'etendard Athénien, & qu'il venoit fondre sur eux,ils
prirent la fuite, & voulurent se retirer à terre;il les poursuivit vigoureusement,
brisa grand nombre de leurs vaisseaux contre la côte, & tua plusieurs Lacédé-
moniens qui vouloient gagner la terre. Les Athéniens encouragez par -Ca
présence prirent sur les Lacédémoniens trente navires & regagnérent ceux
qu'ils avoient perdus. Aprés cette victoire Alcibiade erigea un trophée &
aïant choisi parmi les dépouilles dès vaincus ce qu'il y avoit de plus prétieux, ,
alla se presenter devant Tiss,-ipherne avec un train digne d'un Général des Athé-
niens; Mais Tifsapherne le fit arrêter & conduire prisonnier à Sardesen atten-
dant ce Qu'il plairoit au Rov d'en ordonner.
CX. lTll mois après Alcibiade trouva moïen de s'echaper & s'étant rendu à
Conquéte Clazoménes,il répandit le bruit c'étoit Tissapherne ,
(le la ville que qui lui avoit rendu la
& de l'île liberté. Delà il alla joindre la flotte des Athéniens, ou il reçut un renfort de
de Cyzi- vingt vaisseaux venus de Macédoine, & vingt autres de Thafos. Sa flotte se
que, & dé- trouvant forte de quatre vingt six vaisseaux,il alla à Proconése petite lie vis-à-
Mite des vis Cyzique. Il aprit
Lacédé. cique y que Mindare Général des Lacédémoniens était à Cy-
moniens avec Pharnabaze un des Capitaines du Roy de Perse , qui y avoit son
par Alci.. armée de terre. Alcibiade résolut de les y attaquer. Il laissa reposer son ar-
biade. mée tout le jour, & le lendemain il leva l'ancre & s'aprocha de Cyzique par
un tems si obscur & si pluvieux & si orageux , que les ennemis n'eurent au-
cun connoissance de son départ. Les Athéniens mêmes ne s'aperçurent pas
qu'ils avançoient vers l'ennemi. Il ne se présenta d'abord qu'avec quarante
vaisseaux, aïant laîssé les autres un peu derriere. Les Lacédémoniens méprt-
sant son petit nombre s'avancérent en bataille contre lui ; Mais lorsqu'ils dé-
couvrirent toute la flotte qui suivoit, ils prirent précipitamment la fuite. Al-
cibiade avec vingt des meilleurs Galéres s'avance met pied a terre, poursuit
les fuïards tuë Mindare qui vouloit s'opposer à ,lui & met Pharnabaze en
déroute. , ,
CXI. Cette conquête de l'île & de la ville de Cyzique, & la défaite de l'armée
Calcédoi- Lacedémonienne & Persane, rendit les Athéniens maîtres de l'Hellespont. Les
ne, Selim- Lacédémoniens envoïérent à sparte la nouvelle de cette défaite. Elle étoit
brie &c.
rentrent concuë en ces termes. L'elite de vos troupes est perduë, Mindare est mort,
sous1'0- le reste de l'armée meurt de faim. Nous ne savons que faire ni quel parti
hciSatice prendre. Apres cette viétoire Alcibiade alla assiéger Calcédoine qui avoit
quiu
Pen- des Athé-
quitté le partie des Athéniens & avoit reçu garnisoii Lacedemomettne.
sous lobeil- niens.
dant ce siége Selymbrie se rendit, aprés quoy Calcédoine rentra
sance des Athéniens aussi bien que Bizance & plusieurs autres villes.envmerent , exil
Les Lacédémoniens aprés la défaite de leur flotte a Cyzique, Arrivée
demander la paix à Athènes ; Mais les harangueurs & les ennemis de la tran- d'Alcibia-
quilité publique, qui trouvoient leur avantage dans le trouble de leur patrie, de à Athé-
rejettérent toutes leurs propositions & renvoïérent les Ambassadeurs. duAlci- nes.da M.
biade arriva quelque tems après a Athènes sa patrie dans un equipage tri- An
Sa flotte étoit ornée des dépouïlles des ennemis avantJ. 3SJ5.
omphe le plus éclatant. C..
rangées en forme de trophée ; Les Navires qu'il avoit pris sur l'ennemi. ve- 404-
noient après. Tous ensemble ils montoientaussitôt environ a deux cent vaiileaux. ;
Le peuple accourut en foûle sur le port, & qu'il sut débarque, ce ne
fut qu'aplaudiffemens & que cris de joïe. Tout le monde avoit
les- yeux lue
luy, & le regardoient comme le sauveur
de la patrie ; Chacun se racontoit c.e
de Ion.
qu'il savoit de ses grandes actions, & les maux qui avoient été la suite
bannissement.
Ce n'étoit pas assez à ce grand homme de rentrer ainsi avec honneur Alcibiade- cxli'r.
dans sa patrie. Il lui importoit d'être pleinement justifié & de faire abolir est absoft
lui. Il comparut donc devant le peuple , dé- par les
tout ce qui s'étoit fait contre accusa
plora sa maufaise fortune, & son mauvais destin de tous les malheurs EumoJpi...
qui lui étoient arrivez & à sa patrie , parla des grands desseins des ennemis
des.
d'Athènes & des moïens de les rendre inutiles. Les Athéniens ordonnèrent
Eumolpides qui étoient les prétres de Céres de -l'absoudre des An-athénles
aux comblérent d'élo-
& des malédictions qu'on avoit prononcées contre lui, le
& de bénédictions, lui rendirent tous ses biens, & le nommérent Géné-
ges
ral de toutes leurs forces sur terre & sur mer, avec un pouvoir absolu & sans
limitation.effacer
moindres soupçons d'impiéte dont on l'avoit tou- cxm
jours soupçonné, il ne voulut pas entrer en campagne qu'il ^ n'eût fait célé- Alcibiade: fait célé-
brer les mystéres d'Eleusine avec toute la pompe & la Majesté avec laquelle brer les.
Lacédémoniens se fussent emparé du poste d'e mystères:.
on les célébroit, avant que lesdes sentinelles sur les hauteurs, envoïa des
Décélie. A cet effet il plaça cou- d'Eleusis;
découvrir les mouvemens que pourroient faire avec une:
reurs dans la campagne, pour
les ennemis, ordonna aux prétres de regler la marche de la procession & de extraor- pompe
placer les initiez, les confreres & ceux qui vouloient entrer dans la partici- dinaire..
pation de ces mystéres, chacun sélon son ordre & dans son rang. Pour lui il
qu'elle couvroit toute la marche , & que la
rangea son armée de telle sorte,
cérémonie se fit non seulement sans désordre & sans confusion , mais même
Aprés cela il partit & s'avança vers
avec un eclat qu'elle n'avoit jamais eu.
Me d'Andros, qui s'étoit soustraite a l'obeïssance d'Athènes,
A Lacédémone l'inquiétude & l'embarras étoient extrêmes. On n'y CXT1:
tête Alcibiade Lysandre-
trouva personne plus capable de tenir à que Lysander, qui n'e- cst elu Gé-
toit pas de la race Roïale de Lacédémone, mais qui descendoit d'es Heracll- néral des
des, ou des descendans d'Hercules. Il sut elevé dans une vie pauvre, dure & Lacétîé-
kborieuse, & dans la. pratique exacte des loys de Lacédémone , ce qui ne moni cas.
Plutarch- contribua pas peu à lui faire dans la suite mépriser les richesses & les plaisirs.
in LyfancL Les Lacédémoniens donc le choisirent pour commander leur flotte & pour
Diodor. l'oppoler à Alcibiade, qui étoit alors la terreur de Sparte & de les alliez. Ar-
/. 13. rivé èPEphéle, il trouva la ville fort bien disposée en la faveur & affectionnée
à Lacédémone, mais corrompue par le voisinage de la Lydie & par le com-
merce fréquent avec les Perses, qui y avoient introduit l'amour de l'oiiiveté,
de la molesse & du plaisir. Lysandre résolut d'y faire équipper beaucoup de
galeres, & d'y faire venir tous les vaisseaux de charge. Le port d'Ephéie fut
bientôt rempli de vaisseaux marchans & les places occupées par des ouvriers
qui travailloient à construire des navires. Par ce moïen Ephése devint mar-
chande, laborieuse & opulente.

LIVRE XI.

1. PResqu'en même tems Lysandre aïant apris que Cyrus le plus jeune des
i.y sa rul t-c- fils du Roy Darius Nothus & de la Reine Parysatis son Epou[e étoit
lie rend à ,
arrivé à Sardes, avec la qualité de Gouverneur Général des Provinces de
Sardes au- l'Asie mineure, partit d'Ëphése pour le rendre auprés de lui à Sardes, &
prés du
jeune Cy- pour se plaindre de 'l'issipherile , qui malgré les ordres qu'il avoit reçus du
rus. Roy de secourir efficacement les Lacédémoniens contre les Athéniens, avoit
An du M. au contraire toujours favorise ceux-ci en considération d'Alcibiade qui l'avoit
3S97. lçu gagner par ses complaifinces.
avant J. C. Cyrus qui n'aimoit point Tiiïapherne, & quiconnoissoit toutes ses mau-
403-
. vasses qualitez, répondit que le Roy Ton pere lui avoit recommandé de secou-
rir puiflsamment les Lacédémoniens & luy avoit donné pour cela cinq cens
talens ou cinq cent mille ecus. Lysandre qui contre le caradére ordinaire
des Lacédémoniens, avoit beaucoup de politesse & de complaisance pour les
grands, gagna bientôt l'affeftion du jeune Cyrus & le pria de donner par
,
jour à chaque soldat une dragme, ou environ dix sols de nôtre monnoye,pour
attirer par ce moïen au service des Lacédémoniens les soldats & matelots des
ennemis. Cyrus s'en exeusa, disant qu'il ne pouvoit rien changer aux ordres
du'Roy, qui ne s'étoit engagé que de donner à chaque Galére qu'un demi-
talent par mois; Cependant à la fin du dernier repas qu'il donna à Lysandre
avant son départ, & le prenant de lui demander ce qu'il voudroit, ce Géné-
ral le pria de donner une obole de plus par jour à chaque matelot. Cyrus
y consentit, & au lieu de trois oboles, leur en .accorda quatre , qui font 6.
fols huit deniers de nôtre monnoye. De plus il leur païa tous les arrérages,
& un mois d'avance, & pour cela fit compter à Lysandre dix mille Dariques,
qui font environ cent mille livres. Avec ce secours Lysandre ranima l'ar-
deur de ses troupes, & attira sur la flotte un trés grand nombre de soldats &
de matelots des Athéniens qui accouroient où la paye étoit plus forte.
Le4
Les Athéniens tentèrent alors de gagner Cyrus, lui faisant représenter IL
Désaite de
par Tissapherne que l'intérêt de la Perle n'étoit pas d'elever trop les Lacédé- la frotte
moniens, mais de foliientet la division entr'eux & les Athéniens, & de main- Athénien-
tenir ces deux peuples dans une espéce .d'équilibre de puissance. ^ Cyrus à ne par
qui Tissapherne étoit odieux , ne voulut pas Pecouter ; & Alcibiade étant Lysandre-
parti de Samos pour aller à Phocée dans l'Ionie, afin d'y ramasser de l'argent
pour payer ses gens, laissa le commandement de sa flotte à Antiochus avec
défense expresse de combattre avant son retour. Ce nouveau Général répon-
dit mal aux intentions d'Alcibiade. Il entra dans le port d'Ephése avec deux
vaisseaux, comme pour insulter Lysandre, & aprés y avoir fait de grandes ri-
sées, il en sortit en bravant les Lacédémoniens. Lysandre le fit poursuivre:
par quelqu'unes de ses Galéres, & les Athéniens étant accourus pour soutenir
Antiochus, il en vint de même de la part de Lysandre , de maniére qu'insen-
siblementles deux flottes se trouvère ti engagés dans un combat trés, séri-eux
où Lysandre prit quinze vaisseaux Athéniens, & dressa un trophée.
Alcibiade de retour à Samos voulut réparer sa perte & combattre Lyfan- Alcibiadej' 111;

dre ; Mais celui-ci ne voulut pas accepter le combat. Les ennemis qu'Alci- est dé-
biade avoit à Athènes firent croire au peuple que les mauvais succés de ses pouillé du
armes étoient moins l'effet du malheur ou de la mau,.aise situation des affai- comman-dement de
res des Athéniens que de la négligence ou de la mauvaise volonté d'Alci-
, l'armée
biade. On l'accusoit de vouloir trahir sa patrie & de s'être ménagé une retrai- navaie des
te dans des forts qu'il avoit fait bâtir vers Bizance , Thrasibule étant parti de Athéniens.
son armée, l'accusa à Athénes d'avoir introduit la licence parmi les troupes &
d'avoir absolument enervé la discipline militaire, en permettant tout à sessol-
dats & en donnant sa confiance à des gens perdus de débauche & de crimes.
Les Athéniens trop crédules déposérent Alcibiade sans l'entendre, & nommes
rent en sa place dix Généraux pour commander l'armée.
Il n'eût pas plûtôt apris cette nouvelle, qu'il abbandonna la flotte & se
retira sur sa galére dans quelques Chateaux qu'il avoit dans la Chersonése de
Thrace. Il demeura assez longtems dans l'inaction, & nous ne le verrons
plus paroître dans cette histoire, que pour terminer sa vie d'une manière peu
digne de sa haute réputation.
Lysandre eut pour successeur dans le commandement de rarmée Lacé- Callicrais- IF:
démonienne, Callicratidas, homme d'une valeur reconnuë & d'une probité, de est
d'une droiture,d'une grandeur d'ame dignes des premiers tems de Lacédémo- nommé
ne. Lysandre son prédécesseur ne le vit arriver à l'armée qu'avec peine , Se Général,
n'oublia rien pour le décréditer. 11 renvoïa au jeune Cyrus ce qui lui restoit des Lacé-
des dix mille Dariques qu'il en avoit recuës pour l'augmentation de la paye démoni-la
ens en
des matelots, disant à Callicratidas que c'étoit déformais à lui de chercher les place de
moïens de faire subsister son armée. Dans ce pressant besoin un particulier Lysandre.
lui offrit cinquante talents, c'est-à dire environ cinquante mille ecus dans
l'espérance d'obtenir de lui une chose injuste. ,
Cleandre un de ses Officiers
lui conseilloit de les prendre, disant qu'à sa place il les prendroit. Callicra-
tidas luy repondit; Ausi ferois-je, si j'etait à la vôtre.
Quelque répugnance qu'il se sentit à aller bassement demander des fe-
cours
•cours d'argent au jeune Cyrus, il fallut se resoudre à faire cette démarche. Il
la fit & deux fois & s'étant présenté à la cour du jeune Prince pour avoir au
dience, deux fois refusé, enfin indigné & de la hauteur de ce Prince, & de la
basse coinplaissance de ceux qui les premiers avoient introduit l'usage de faire
la cour aux Barbares,il s'en retourna à Ephése, résolu de faire tous les efforts
pour reconcilier les Grecs entre eux, pour les mettre en etat de se passer des
Barbares, & de les obliger eux mêmes à recourir aux Grecs.
V. Callicratidas ne songea plus aprés cela qu'à faire la guerre aux Athéni-
Actions de
ens, sa flotte étoit de 140. vaisseaux. Il attaqua d'abord la ville de Delphi-
valeur de étoit dans l'île de Chio & obeïssoit aux Athéniens. La Garnison
Callicrati- nium qui
de contre qui n'étoit que de )00. hommes ne se sentant pas assez forte pour résister à
les Athé- l'armée Lacédémonienne, se rendit à compétition, & se retira en lieu de seû-
niens. reté. On détruisit les fortifications de la place, & ensuite on marcha contre
JCenophon. la ville de Teïes. Les Lacédémoniens se jettérent dans la place pendant la
1. 1. Hella-
nic.Diodor nuit & la pillèrent. De la il tourna vers Lesbos & attaqua Metymne 011 il y
./.I3-M73- avoit garnison Athénienne. Il la prit par trahison & l'abbandonna au pillage,
&c. mais il défendit de repandre le sang. Aussitôt après il assiégea Mityléne.
An du M. Conon le premier Général de la flotte Athénienne, n'avoit que soixante
? î99. dix Galéres, & par conséquent n'étoit pas en etat de tenir tête aux Lacé-
avant J. G. &
401. démoniens. 11 ne laissa pas de se disposer à secourir Methymne ; mais aïant
de la guer- apris qu'elle étoit prise, il résolut de tenter quelque entreprise contre l'ennemi
re de Pélo- qui étoit alors devant lVlytiléne. Il fit donc avancer sa flotte, puis il se retira
ponése 26.
VI. lentement pour attirer les Galéres des Lacédémoniens. En effet les meilleu-
Victoire res & les plus légéres de celles-ci se mirent le poursuivre force
à à de rames.
de Calli- Quand Conon se fut aperçu que les rameurs étoient fatiguez & hors d'halei-
cratidas
ne, & qu'ils étoient fort éloignez du gros de la flotte , tout
d'un coup il
contre sa flotte s'étant retournée avec beaucoup
CononGé- donna le signal du combat, & toute
jiéral des d'ordre, tomba brusquement sur les
Lacédémoniens sans leur laisser le tems
,
Athéniens. de se ranger en bataille ; 11 brisa & démonta quelqu'unes de leurs galéres,
mais aucune de celles qui se trouvérent à son opposite, ne prit la fuite ; celles
qui étoient à l'aile droite, op-posées à l'aile gauche des Athéniens, furent mi-
ses en déroute; Cependant Callicratidas s'avança avec toute sa flotte,&Conon
se retira dans le port de Mityléne avec 4°. de les vaisseaux. Les autres qui
s'étoient trop avancez, furent obligez de gagner la terre, & les soldats eurent
bien de la peine d'echaper & de se sauver dans la ville de Mytiléne , abban-
donnant aux ennemis leurs vaisseaux au nombre de 30.
Conon le trouva bientôt assiége dans le port de Mityléne par terre &par
à moins qu'il ne lui vint
nier, sans vivres & sans aucune espérance de secours,
d'Athènes. En effet les Athéniens informez de l'extrémité où il se trouvoit,
équipèrent en moins d'un mois une flotte de cent dix galéres ou l'on embar-
qua quelque Cavalerie & tout ce que l'on Cette put trouver de gens capables de
porter les armes, tant libres qu'esclaves. flotte étant arrivée à Samos,
fut augmentée par quarante Galéres des alliez qui s'y joignirent ; Pen-
dant qu'on equipoit ces galères à Athènes, les Lacédémoniens attaquèrent vi-
vement Conon, forcèrent le premier port de Mityléne,, & réduisirent Conon
daiis
iortir..
dans le port intérieur, en sorte que rien ne les empêcha plus de débarquer
leurs troupes,& qu'ils tinrent Conon resserré dans ce port, sans en pouvoir
Callicratidas informé du renfort arrivé à Samos, iailsa Eteonice au siége Viaoirc
de Mitylene avec cinquante galéres, & s'avança contre les Athéniens avec le des Athé-
reste de sa flotte, qui consistoit encore en six vingt vaisseaux, avec dessein de niens con.
leur livrer bataille. Le pilote de Callicratide étonné de la grande inégalité tre
qu'il y avoit entre la flotte des Lacédémoniens & celle des Athéniens , con- cédémo-
VIl.

les La-
niens& les
iei'loit au Général de ne pas hazarder le combat; Mais Callicratide repondit: TltébaÍni.
Sparte ne dépend pas de la "yie d'un homme, voulant dire qu'il ne craignoit
point la mort & que sa mort importoit peu à la République. Il commandoit
l'aile droite, & Thrasondas Thébaïn la gauche. Du côté des AthéniensJ'aile
droite étoit commandée par Protomaque & Thrase, & la gauche par Arrito-
crate, & Diomedon ; Ils étoient soûtenus par Erasinide &par Périclés fils du
grand Périclés.
Les deux armées s'étant approchées,on en vint aux mains avecune ardeur
& une vigueur égales de part & d'autre. Callicratidas qui s'attendoit à mou-
¡;.ir dans cette adion,y fit des efforts de valeur incroïables. Après avoir brisé
& coulé à fond plusieurs vaisseaux ennemis , il s'attacha à celui de Péricles,
qu'il perça en plusieurs endroits, mais enfin aïant été. accroché par Périclés,
il ne lui fut pas possible de se dégager. Il fut dans un moment envelopé par
plusieurs vaisseaux Athéniens dont les soldats l'accablérent par leur nombre,
& le tuérent. L'aile droite où il commandoit aïant perdu son Chef , se retira
en détordre. Les Thébaïns qui composoient l'aîle gauche,firentencore quel-
que résistance; Mais il furent aussi bientôt obligez de prendre la fuite. ^ Les
Athéniens perdirent dans ce combat vingt cinq vaisseaux, & les ennemis soi-
xante & dix. Les vainqueurs dressérent un trophée aux Arginuses où ils se
retirérent aprés le combat.
Eteonice qui commandoit le reste de l'armée Lacédémonienne devant Viii.
Mityléne, aïant appris la nouvelle de cette défaite , renvoïa ceux qui la lui iteonice usa de
avoient aportée,& leur dit de revenir couronnez de fleurs & comme en triom- stratagéme
phe, criant que les Athéniens avoient été entièrement défaits ; lui même offrit &se retire
des sacrifices d'actions de grâces, & fit de grandes démonstrations de joïe; Mais àMLetymnc
pendant ce tems-la il fit couler ses galères vers Metymne & ordonna à son
armée de terre de gagner promptement la même ville.Conon n'eut pas le loisir
de les poursuivre, n'aïant pas été informé à tems de l'état des choses. ^ ^ Déli-
vré de ceux qui le tenoient enfermé dans le port de Mityléne , il se joignit à
la flotte viétorieuse., qui se rendit incontinent à Samos.
Une circonstance fit perdre aux Chefs des victorieux le prix qu'ils de- lX.
voient espérer de cette victoire.Le peuple d'Athénes irrité de ce qu'ils n'avoient Les Gén4*
donné la sépulture à qui étoient morts dans le combat, deposa tous raux de
pas ceux l'armée
les Généraux, à l'exception de Conon, à qui l'on donna pour Collègues Adi- Athénien-
mante & Phtlocles.Ce fut Théramènes le dixiélne des Généraux qui accusa ses ne sont dé»
Collégues de ce manque de religion pour les morts.La vérité étoit,que la tempête posez
avoir
les avoit empeché de leur rendre ce devoir, qui étoit une chose sècrée parmi pour
négligé de les Athéniens. Le peuple d'Athenes sans vouloirécouter
donner la damna à mort, & en fit arrêter six qui étoient présens,
aucune excuse,tes con-
sepulture plice. Ils furent exécutez sans délay;Mais le peuple étantpour être conduits au 1'u-
arax fol-
bientôt revenu de lii
ilatstutz première chaleur, se repentit de la mort de ces braves gens. 11 fit arréter Cal-
jiaçs le lixene que les parens de Théraménes avoient aposté accuser les Géné-
combat. raux.
, pour
Callixene trouva moïen de se sauver. Il se retira à Deulie qui étoit
occupee ^
par les Lacedemoniens, quelque tenis aprés il revint à Athènes & y
mourut de faim abbandonné de tout le monde, comme un ennemi public,
odieux a Dieu & aux hommes.
x. La perte quel on avoit faite de la bataille prés d'Arginuses & du vaillant
Aratns & Callicratidas, fit
Lysandre que les alliez redemandèrent Lysandre pour commanderl'ar-
font nom- mée navale. Les loys de Lacedemone defendoient de donner deux fois de
mez pour fuite la charge d Amiral a la meme personne. Pour satisfaire au devoir des
comman- alliez, sans blesser le relped' qui est du aux loys, les Lacédémoniens déférèrent
der P ar- la qualité de Général a Aratus, mais ils revêtirent Lysandre de toute l'autorité
mée Lacé- de
démomen- cette charge. Il fut reçu dans l'armée avec toutes les marques poillblcs
d'une joïe publique. Les grands sur tout se flattaient de voir
iït.
détruire entièrement dans leur République.laDëmocratiequi leur par ion moRn
étoit odieu-
se. D ailleursLysandre etoit l'homme du monde le plus commode hs
pour
troupes & pour les Chefs, indulgent, facile & faisant tout servir à Ion anibi-
tion; si peu sévére dans l'exécution de ses promenés & si peu scrupuleux
dans ses sermens qu'il avoit coutume de dire que les enfans se trompaient
l'un l'autre au jeu des osselets & les hommes dans leurs sermons.
X!. Il n'y avoit que peu de tems que Lysandre étoit arrivé à Ephése & qu'il
lysandre
se rend à se trouvoit a la tête de la flotte Lacedemonienne, lorsque le jeune Cyrus qui
Sardes au- le connoissoit, le manda a Sardes. Ce jeune Prince qui nourrissoit des des-
pris du seins ambitieux & qui se flattoit d'être un jour assis sur le Trône de Perseqti(,,i
jeune Cy- qu'il ne fut pas le fils ainé du Roy Darius Nothus alors
rus» régnant , avoit fait
mourir deux Perses de la famille Royale, parcequi'ls avoient manqué de
vrir en sa presence leurs mains avec leurs manches ; Cérémonie qui cou-
servoit qu'envers le Roy de Perse. Les parens de ces deux jeunes Seigneurs ne s'ob-
en demandèrent justice au Roy , qui manda Cyrus à la Cour, disant qu'étant
malade, il étoit bien aise de le voir.
XII. Lysandre étant donc arrivé à Sardes
Te jeune des , y fut reçu du jeune Prince avec
Cyrus marques de distinction & d'estime peu ordinaires parmi les Barbares. Cy-
comble de rus luy remit de grosses sommes pour payer ses troupes, lui en promit enco-
biens Ly- re de plus grandes pour l'avenir & ajoûta, que si le Roy sonPere lui en
fendre. , ne
fournissoit point, il lui en donneroit du sien propre, & qu'il iroit plutôt jus-
qu'à fondre son Trône d'or & d'argent massif, que de lui laisser manquer d'ar-
gent. Il lui permit de lever les tributs & les revenus des villes de Ion gou-
vernement, lui confiant la conduite de ses Provinces, & le pria de ne hasar-
der aucun combat en son absence qu'il ne se sentit le plus fort l'aiiurant
que le Roy vouloit le rendre supérieur à ses ennemis, & que pour lui il lui
,
procureroit un puissant renfort de vaiiteaux de Phénicie & de Cilicie.

Au
Au commencement de la Campagne suivante, qui commcnçoit la 27e. XIIl.
année de la guerre du Péloponése,Lysandre après avoir remis sa flotte en état, Prises des
villes de
& y avoir ajouté trente cinq nouvelles galères qui lui étoient venuës du Pé- Thase &:
loponése, ou qui avoient éte fournies par les alliez, marcha contre la ville de de Lainp-
Thase dans la Carie, qui étoit alliée aux Athéniens. II la prit de force , sit saque.
mourir huit cens hommes qu'il y trouva , vendit pour esclaves les femmes An du M.
& les enfans,& rasa la ville. Il remonta ensuite vers. Lampsaque. Il l'attaqua avant 1;90.
J. a.
par mer, pendant que Thorax y donna l'assaut par terre la ville fut prise de
, secours 43o.
force & abbandonnée au pillage. Les Athéniens accoururent au avec 27e. de la
cent quatre vingt navires; Mais sur la nouvelle de la prise de Lampsaque, ils guerre dm
se retirérent à Sesse,d'où aprés s'être fourni de vivres, ils allèrent à la rivière P-élopo-
nése.
nommée de la Chèvre où ils mirent leurs vaisseaux à l'ancre, invitant au com- Diodor.
bat l'ennemi qui étoit vis-à-vis devant Lampsaque ; Lysandre qui savoit que Ai
les Athéniens ne pouvoient subsister longtems en cet endroit,n'y aïant ni port Xemphon.
ni ville alliée, feignit de n'oser en venir aux mains ; il se tint pendant trois HeOenic. 1.2. PlUt. i.
ou quatre jours en posture d'un Général qui se défie de ses forces & qui re- Lyfandro.
doute son ennemi.Enfin le quatrième jour aïant sçu que les Athéniens étoient
débarquez, il résolut d'aller brûler leur flotte.
Mais auparavant Alcibiade, qui cherchoit à rentrer en grace avec sa pa- XIV.
trie & de mériter son rapel à Athènes par quelque service important , vint Conseil
trouver les Généraux Athéniens , leur remontra le danger qu'ils couroient salutaire
dans un poste si désavantageux & le tort qu'ils avoient de souffrir que leurs d'Alcibiar de me-
gens de marine, dés qu'ils étoient terre,
à s'eloignassent qui d'un côté,qui d'un prisé pat
autre, aïant à leur veuë la flotte ennemie toûjours prête à profiter de leurs fautes & les Géné-
si
de leur négligence. Il ajouta que l'onvouloitluilaifferpartagerlecommande- raux Athé-
ment avec les Generaux Athéniens,il se faisoit fort d'amener à leurs secours Me- niea:.
doque & Seuthes Princes de Thrace avec de nombreuses troupes pour combat-
tre les Lacédémoniens. Les Generaux Athéniens Jaloux de leur autorité.re-
jettérent les' offres & les conseils d'Alcibiade & le renvoïérent comme ua
,
homme banni & disgracié.
Le cinquiéme jour les Athéniens présentérent encore la bataille & sur Xv.
, Défaite
le soir se retirérent pleins de mépris pour les Lacédémoniens ; Cependant
Athé.
Lysandre aïant détaché quelques galéres pour les observer, leur donna ordre des niens par
de revenir en diligence, dez qu'ils les verroient descendus à terre, & d'élever Lysandre.
deux boucliers d'érain sur chaque proue lorsqu'ils seroient à portée de sa
,
flotte. Dez qu'il eut aperçu de loin ce signal, il fit sonner la charge,&toute
la flotte en un moment partit avec rapidité pour attaquer celle des Athéniens.
Conon Général des Athéniens plus attentif que les autres, vit d'assez loin le
mouvement de l'armée ennemie, & cria à ses gens que chacun eût à se rem-
barquer, mais il ne fut ni écouté, ni obéi. Le soldat dispersé par la campagne,
ou endormi ou à table , négligea, ou n'entendit pas les ordres du Général.
Lysandre arrive en bon ordre, s'empare des Galéres qu'il trouve vuides, brise
& renverse celles qui commencent à se remplir; Les soldats Athéniens, lei
uns sans armes, les autres sans Chefs, sont egorgez ou sur le bord ou dans la
Campagne, ou même dans les vaisseaux. Tous les Généraux furent pris & la
flotte emmenée comme en triomphepar lesLacédémoniens. Le nombre des
morts n'est pas connu, maison fit trois mille prilonniers.Cononvoïantarriver
'Lysandre & qu'il lui étoit iiiipoffible de sauver la flotte, s'étoit dérobé avec
,
neuf vaisseaux, du nombre desquels étoit la galére sacrée,nol1Ul1ée,ltl Faraliemie
& se retira en Chypre auprés d'Evagore.
JCVI. Ainsi Lysandre en une heure de tems remporta une des plus grandes vi-
Cruautez doires dont il soit parlé dans l'histoire. Le Conseil condamna à mort tous
exercées les prisonniers, & Lysandre aïant fait venir Philocles
par les un des Généraux Athé-
.tacédé- niens, qui avoit autre fois fait précipiter d'un rocher tous les prisonniers faits
moniens dans deux galéres qu'il avoitprises suries alliez desLacédémoniens,& qui avoit
envers les aussi persuadé au peuple d'Athènes de faire couper le pouce de la main droite
prison- à tous les prisonniers de guerre, Lysandre, dis-je l'aïant fait venir en sa pré-
niers de demanda, à quoi il sè condamnoit lui-même ,
guerre
sence, lui après ce qu'il avoit
,
Il répondit fièrement : N'accules point des gens qui
Athéniens. fait contre les autres.
ne sont point en état de se défendre devant des Juges ; puisque tu es vain-
queur, uses-en envers nous, comme nous en aurions usé envers toi , si nous
eussions remporté la vidoire. Delà il alla au bain, puis prit un manteau
magnifique & marcha le premier au supplice. Tous les prisonniers surent
egorgez, à l'exception d'Adimante qui s'étoit opposéau décret des Athéniens,
dont on a parlé.
Lysandre sçut bien profiter de sa victoire. Il parcourut toutes les vil-
les maritimes qui obéïiToient.aux Athéniens,&obligea tous les citoïens de cette
ville qui s'y trouvoient, de se retirer par le chemin le plus droit à Athènes, les
menaçant de mort, s'il les trouvoit hors de son enceinte. C'étoit un moïen
certain d'affamer bientôt cette grande ville, & de lui ôter par conséquent le
moïen de soûtenir un long siége. En même tems il -ruïiloit dans toutes les
villes le gouvernement populaire, y établissant un Gouverneur & dix Magi-
strass qui lui étoient tout dévouez.
XVII Pour mettre le comble à la gloire de Lysandre il ne lui restoit qu'à se
Lysandre rendre maître d'Athènes ; La nouvelle de la défaite ,
de l'armée Athénienne
veut se produisit dans cette ville l'effroi, la consternation, le désespoir que l'on peut
rendre à réparer les brèches de la ville, & à fer-
maître de s'imaginer. On travailla néanmoins
la ville mer tous les ports à l'exception d'un soui. Bientôt Agis & Pausanias les deux
d*Ath*- Roys deLacédémone s'approchèrentd'Athènes & en firent le siége par terre,
acs. pendant que Lysandre avec sa flotte,forte de cent cinquante Galéres abborda
au port de Pyrée,& en garda si bien l'entree que nul vaisseau ne pouvoit ni y
entrer, ni en sortir. La ville manquant de blé & chargée d'une multitude de
bouches inutiles, députa vers Agis offrant de tout abbandonner, en conservant
seulement la ville & le port.
XVlll. Agis envoïa les Députez à Lacédémone sous prétexte qu'il n'avoit pas
Députa- les pouvoirs nécessaires ,
n'arrivèrent
tion des pour traitter. Ils pas jusqu'à cette ville.
Athéniens Lorsqu'ils furent sur les frontiéres de la Laconie, & qu'ils eurent exposé leur
vers Agis commission , les Ephores les renvoïérent & leur dirent de ne pas vénir , s'ils
RovdeLa- n'avaient à faire d'autre3 propositions.Les Magistrats de Lacédémone avoient
ccdémo-
s
fuit entendre qu'Us prétendoient qu'on abbatit deux cens pas de murailles aux
deux
deux côtez du Pyrée, qui étoit le port d'Athènes. ^ Cette proportion fut re.
jettée par les Athéniens, & un Citoyen aïant opiner ce qu'on l'exécutât, fut
mis en prison.Un autre Athénien nommé Théraméne s'étant offert d'aller trou-
ville, ou
ver Lysandre pour savoir de lui si c'étoit pour ruiner entièrement la deman-
simplement pour empêcher qu'elle ne se révoltât à l'avenir, qu'on
doit qu'elle fût démantellée, il sut sur le champ député vers les ennemis. XIX"
Lysandre le retint sous divers prétextes pendant trois mois, & enfin dit Conditi-
qu'il falloit s'adresser aux Ephores. Les Athéniens l'envoïérent donc lui di- ons sous
xième à Lacédémone avec plein pouvoir de traiter. Ils y furent admis à lesquelles
l'audience publique , où les Corinthiens, les Thébaïns & qudqu.autres des al- lesLacédé-
liez de Lacédémone, furent d'avis qu'il falloit exterminer Athènes, afin qu'il moniens consen-
n'en fut jamais parlé. Les Lacédémoniens moins passionnez & plus figes
leur honneur tent à
montrèrent qu'il y alloit de la gloire de la Grèce & de propre conserver
de ne pas détruire une ville qui avoit rendu de si grands services à la Nation,& Athènes.,
qui pouvoit encore un jour servir de ressource à la Gréce. Les Articles de Démoli- dès
la paix furent donc, que les fortifications du Pyrée & les grandes murailles tion du
murs
qui joignoient le port à la ville, seroient démolies ; que toutes les galeres des Pyrée,
Athéniens seroient livrées aux Lacédémoniens, à la réserve de douze ; qu'ils
se resfcraindroient dansieur païs & abbandonneroient toutes les villes dont ils
s'étoient emparé, que les bannis seroient rapellez, qu'ils feroient ligue offeii-
sive & défensive avec des Lacédémoniens & marcheraient avec eux par tout,
où ils leur commaiideroient d'aller.
Ce traité tout dur & tout humiliant qu'il étoit, fut agréé des Athéniens^
presque sans opposition ; dez le lendemain Lysandre suivi des bannis entra
avec sa flotte dans le port de Pyrée, & fit démolir au son des instrumens de
musique & avec des cris de joïe les murs quyoignoient ce mur à la ville. On
auroit dit à voir l'ardeur dont on y travailloit, que ce jour-là étoit la fête du
recouvrement de la liberté de la Gréce. Telle fut la fin de la fameuse guerre
du Péloponése après avoir duré prés de vingt sept ans.
Pour sùrcroit d'humiliation & de douleur Lysandre changea le gouver- XX*
autorité très Fin de l.&
nement d'Athènes mit dans la ville trente Magistrats avec une guerre du
,
étendue, y laissa pour Gouverneur de la part des Lacédémoniens Callibius & Péloponé-
Init une bonne garnison dans la Citadelle. Le Roy Agis congédia l'armée se qui dura
de terre,& Lysandre avant que de renvoïer celle de mer, s'avança vers Samos, 27.ans de-
l'an
& i'obligea de se rendre. Il y rétablit les anciens habitans que les Athéniens puis du monde
en avoient fait sortir, puis s'en retourna jonlphantàLacédénlone avec la flotte ju,.
95 73.
Lacédémonienne, les vaisseaux Athéniens pris dans le Pyrée & les Eperons qu'en
,
des autres, dont il s'étoit rendu maitre dans d'autres rencontres. 3601,
Gylippe dont on a parlé cy-devant, avoit été chargé de transporter à Lél- avant J.CL
399.
cédémone l'argent & les dépouilles des vaincus. L'argent, sans compter les xx 1.
couronnes d'or que les villes avoient données à Lysandre, montoit à quinze Gylippc:
cens talens, qui font quinze cent mille ecus. Gylippe crut pouvoir , sans convaincu
de malver-
qu'on s'en apperçut,tirer decessacs une bonne quantité d'argent & se l'appro- sation
prier. Il décousit secrétement les sacs par le bas, & sans toucher aux sceaux bannitse vo-
qui les fernloient par le haut, il en tira trois cens t^len* ou trois cens mille lontaÎTÇ-
ment de ecus; après cela il les recousit bien proprement ; mais les bordereaux qu'on
Lacédé- avoit mis à l'entrée des sacs le décélerent; & un de [es esclaves aïant dit .'u'il
mone. y avoit plusieurs Chouettes sous le toit de la maison de son neutre, 011 com-
prit qu'il vouloit marquer des piéces de monnoîe d'Athènes, qui étaient mar-
quées d'une Chouëtte, Oiseau consacré àMinerve,nomméeenGrec Atl'¿l1c.Pour
couvrir sa honte & eviter la peine de son vol,il se bannit volontairement de là
patrie, & ternit ainsi par son avarice la gloire de tant de belles actions qu'il
avoit faites en Sicile.
XXII Cet exemple reveilla l'attention des Spartiates, & leur fit faire de serieuses
La mon- réflexions sur la sagesse des loys de Lycurgue qui avoit banni deSpnte l'u-
noie d'or sage de l'or & de l'argent ,
comme de la chose du monde la plus propre a
& d'argent ,
les hommes dans toutes sortes de désordres. On blama beaucoup
banni de engager
Lacédé- Lysandre de vouloir engager & le peuple & les grands dans le violement
moneavec des Loys, en introduisant dans sa patrie ces métaux, que leur Législateur en
reib'iccion. avoit si prudemment bannis, & on exhorta les Ephores à chafîcr de Sparte
Plutarch. cet
in Lysan- champ or & cet argent, & de le charger de malédiction. Les Ephores sur le
drp. ordonnèrent qu'on continueroit de nese servir a Sparte que de mon-
noïe de fer, & que toute autre monnoîe en seroit bannie.
Lysandre & ses amis s'opposérent à l'exécution de ce.décret & ne
manquèrent pas de faire valoir toutes les raisons que la politique put suggérer
,

pour souffrir l'usage des métaux d'or & d'argent, si non dans fintcriclIrdela
ville,& de la République,au moins au dehors, dans les expéditions militaires,
& dans les grandes affaires d'Etat.A force de sollicitations & d'intrigues, on fit
passer cet avis dans une seconde assemblée, & il fut résolu que cette nouvelle
monnoîe seroit mite en dépot dans le trésor public , & n'auroit cours que
pour les seules affaires d'Etat, & que tout particulier qui en useroit , seroit
mis à mort. Comme si donner"cours à l'or & à l'argent dans les grandes af-
faires de l'Etat, ce n'étoit pas en inspirer l'estime & l'amour au peuple, & re-
veiller sa passion pour les posséder.
xxm Aprés la mort de Darius Nothus Roy de Perse, Artaxercés son fils lui
Mort de succéda, & Cyrus son autre fils résolut de déposséder son frère. Nous ra-
Darius No- conterons cela plus au long ci-aprés, lorsque
thus Roy 'des Grecs jusqu'au tems d'Alexandre le Grand. nous aurons achevé l'histoire
de Perse, Le jeune Cyrus qui
Artaxer- avoit pris goût à Lysandre Général des Lacédéinoniens, etant de retour dans
cés lui son gouvernement des Sardes, envoïa à ce Général une galére d'y voire ornée
succede. d'or, & longue de deux coudées, ou de 3. pieds, pour le féliciter de la victoi-
An du M.
16oo. re qu'il avoit remportée sur les Athéniens, On consacra cette galère au
ayant J. C. Temple de
Delphes, pour-reconnoitre que cette victoire étoit une faveur des
400. Dieux. Quelque tems aprés Lysandre à son tourte rendit à Sardes pour
offrir à Cyrus des présens magnifiques de la part des Lacédémoniens, & de
leurs Alliez. Lysandre fut parfaitement bien reçu de Cyrus, qui lui fit voir
ses jardins, qui étoient d'une beauté d'une propreté & d'une magnificence
,
Roïales. Lysandre en admira sur tout le bel arrangement &Je bon goût ;
Cyrus lui répondit: C'est moi-même qui en ai tracé le plan, & qui en ai pris
tous les allignemens, plusieurs de ces arbres ont été plantez de ma main ; &
tous
tous les jours avant que delue mettre àTable,je ne manque point de m'exercer
jusqu'à me fatiguer & à suer, ou dans les exercices militaires, ou dans quel-
que travail du jardinage, ou enfin à quelqu'autre occupation laborieuse, pour
Ille conserver dans la vigueur & dans le gout du travail. Lylandre repartit,
vous etes certainement bien digne de vôtre haute fortune , joignant ainsi la
vertu au bonheur de vôtre condition.
Dans le même tems Cyrus faisoit lever sous main une armée de Soldats X}(ITT.
Grecs dansle dessein de faire la guerre à son frére & de le dépouïlles du Roy- Le jeune
aume. C'étoit Clearque Général des Lacédémoniens qui étoit chargé de Cyrus se
dffpore à
cette importante commission & qui la cachoit sous le prétexte d'une guerre faire la
qu'il devoit aller faire en Thrace. Alcibiade aïant découvert ou deviné le se- guerre à
cret de ces levées de Troupes, se rendit auprès de Pharnabaze Gouverneur sonsrere^c
des Provinces maritimes, qui obeïssoient au Roy de Perse, dans le dessein d'al- Roy Arta-
xercés.
ler de IkenPerse, pour donner avis à Artaxercés de ce que Cyrus son frere mé- Plutrc h.
ditoit contre lui. Ce voïage ne put être inconnu aux trente tyrans qui com- in Alcibia-
mandoient dans^ Athènes. Ils redoutoient Alcibiade tout banni & tout dénué de p. 2iz.
d'autorité qu'il étoit ; Ils firient savoir à Lacédémone que si l'on ne préve- 213.
Diodor.
noit cet homme, il étoit capable de ruiner leurs affaires & de rétablir celles ficul. 1.14»
des Athéniens. Les Lacédémoniens écrivirent à Lysandre de porter Pharna- J7.401.
baze à les délivrer à quelque prix que ce fut d'un homme si dangereux.
Pharnabaze voulant satisfaire les Lacédémoniens, donna charge à son XX K
frere & à son Oncle d'arréter Alcibiade & de le faire mourir. Il étoit alors Mort
dans la Phrygie où il vivoit avec sa Concubine nommé Timandre. d'Alcibia-
Ceux .der 1
qui furent envoïez pour le mettre à mort.n'olérent entrer dans la maison où An du M.
il étoit. Ils se contentèrent de l'enveloper & d'y mettre le feu ; Mais Alcibia-, 3600.
de aïant jette dans les flammes des matelats & des habits en monceau pour avant J. C.
,
arréter l'activité de la flamme, il se jetta dans le feu, aïant la -gauche envelo- 4ûcv
pée de son manteau, & tenant son epée de la droite, & en echapa heureuse-
ment. Les Barbares n'osérent s'opposer à sois passage ni l'attaquer de prés j
Mais ils tirèrent contre lui une gréle de Dards & de flèches, dont il fut à la
fin percé, & tomba mort sur la place. Les Barbares s'etant retirez,Timandre
envelopa le corps d'Alcibiade de ce qu'elle avoit d'habits les plus précieux & lui
fit des funérailles aussi honorables que le permettoit l'etat présent de la for-
tune.On dit queTimandre fut Mere deLaïs cette fameuse Courtisane de Corinthe.
Plutarque dit que quelques Auteurs croient que ce ne furent ni les Lacédémo-
niens,ni Lysandre,ni Pharnabaze qui furent la cause de la mort d'Alcibiade, mais
que ce furent les freres d'une fille de condition, qui mirent le feu en sa maison
en haine de l'insulte qu'il leur avoit faite en entretenant leur soeur. Quant aux'
autres circonstances de sa mort, elles sont' avouées par tous lesHistoriens/
Cependant les trente Tyrans ou Magistrats que les Lacédémoniens te... XXVl.
noient dans Athènes, y exerçoient mille injustices & mille violences ; Ils s'é- Cruautaz
toient donné trois mille Soldats qui leur servoient de gardes & de Minières des 30.-
pour exercer leurs cruautez. Ils firent mourir sous divers prétextes une infi- Tyrans à
nité de Citoïens ^ entr'autres Théraméne célébre Athénes..
par probité & par Ion Diodsr.
sa
amour pour la patrie. Il étoit du nombre des 30. Magistrats, dont il désa Lt W-ïW
prou.-
prouvoit hautement lei conduite ; Critias qui lui avoit toujours été trés-unî
fut son accusateur ; Il le déféra comme perturbateur du repos public , &
comme voulant changer l'etat présent du Gouvernement. Théraméne entre-
prit de se défendre devant l'assemblée du peuple, mais Critias l'interrompit, le
raïa du nombre des trente & le condamna à mort au nom de Tes Collégues.
Théraméne se jetta sur l'autel comme à un Azyle , mais on l'en arracha & on
le conduisit au suplice. On lui présenta la Ciguë dont il devoit boire le jus,
il le prit sans s'émouvoir, & aprés l'avoir buë, il jetta le fond de la coupe
sur la table comme il se pratiquoit aux repas de rejouïflknce, en disant;
à la santé du , beau Critias. L'on faisoit ordinairement mourir les Citoïens
d'Athènes en leur faisant avaler du jus de Ciguë.
XXVIL Théraméne étoit disciple de Socrate, & ce Philosophe fit tout ce qu'il
Inon de efforts furent inutiles. Theramene
Théramé- put pour le garantir de la mort; mais les
ne qui avoit toujours été zelé pour le gouvernement populaire,il l'avoit rétabli autre
vouloit fois à Athènes aprés l'expulsion de 4°0. qu'on y avoit établi. Ce fut lui qui
s'opposer contribua le plus au rapel d'Alcibiade, ainsi qu'on l'a veu cy-devant. Après
aux 30. sa mort les 30. Tyrans n'aïant plus personne qui les retint s'abbandonnérent
Tyrans.
à toutes sortes d'excès, jusque là que la plus grande partie des Citoïens fut
obligée de sortir d'Athènes. Les Lacédémoniens en furent enlÚs, & désen-
dirent de recevoir ces bannis volontaires ; Mais les villes de M égare & de
Thébes sans se mettre en peine de ces défenses, leur ouvrirent leurs portes,
& les reçnrent comme amis.
XXVIII. Thrasybule un de ceux qui étoient sortis d'Athènes, se mit à la tête de
Les trente quelques Athéniens de coeur & se
saisit de Pyle petit fort dans l'Attiqtie ; de
Tyrans là il marcha vers le Pyrée & s'en rendit maître. Les Tyrans y accoururent
font chas- des troupes, mais ils furent repoussez. Critias y fut tué, & les autres se
sez d'A- avec le succés & par les ex-
thénes par retirèrent à Athènes. Les Athéniens encouragez par
Thrafybu- hortations de Thrasybule, chassérent les trente qui se refugiérent à Eleusis. Le
peuple leur substitua dix magistrats qui ne se conduisirent pas mieux qu'a-
voient fait les Tyrans.
Les trente envoïérent en diligence a Lacedemone pour demander du
secours. Pausanias Roy de Lacédémone touché des maux d'Athènes , cette
ville autre fois si florissante, non seulement ne punit>pas Faction de Thrasybu-
le mais favorisale retour des Citoïens,leur procura la paix , consentit à ce que
les choses fussent remises dans l'Etat où elles étoient avant l'etablissement des
Tyrans ; Ceux-ci furent egorgez dans une entreveuë où ils s'etoient rendus
pour essayer de rentrer dans Athènes. Thrasybule proposa une amnistie gé-
nérale de tout le paiTé. On rétablit le gouvernement populaire, & l'on créa
les Magistrats selon la forme ancienne. C'est ainsi que par le courage , la
conduite & la modération de Thrasybule , Athènes recouvra si non Ion an-
cienne splendeur & son Empire, au moins la paix , la liberté & l'usage de
ses loys.
XXIX. Lysandre étoit toujours dans lasie mineure ou 1.1 s etoit acquis une auto,
Lysandre rité qui différoit point de celle d'un Monarque. Ennivré de sa prospérité
ne
cst rapell é
& de son grand crédit, il se livra à l'orgueil & souffrit qu'on lui erigeat des
âLacédé- Autels
Autels comme à lift Dieu,qu'on composât & qu'on chantât
publiquement des morte.
l'injustice, la perfidie, etoient lui Plutarch.
hymnes en son honneur. La cruauté, n pour in'LyJan-
contenter vengeance son
qu'un jeu,dez qu'il étoit queïlion de sa ou avance. dro.
Onn'ignorait pas sa conduite à Lacédémone; mais on la diilimuloiL
Pharnabaze dégoûté de Lysandre écrivit aux Ephores de le rapeller. On
le rapella en effet, & Lysandre qui savoit combien ilyavoit de choses à dire
contre lui, fit tout ce qu'il put pour gagner Pharnabaze, pour se bienremet-
tre avec lui, & pour l'engager à écrire aux Ephores , qu'il etoit content de
lui. Pharnabaze le lui promit & écrivit en sa presence tout ce qu 'il vou-
lut, mais en particulier il avoit écrit une autre lettre toute différente quant-au
sens, qu'il eut l'adresse de substituer a la premiere, lorsqu'il fut question de la
cacheter. Arrivé à Lacédémone il présente aux Ephores la lettre de Pharna-
baze, mais il sut fort surpris, quand il en entendit la ledure.
Quelque tems aprés il demanda & obtint avec peine la permission d al-^ XXX.
ler rendre les voeux à Jupiter Ammon dans laLybie.Tout le monde comprit
Lysandre
n'étoit qu'un prétexte se dérober à sa patrie où il se voïoit ré- va en Ly-
que ce pour , distingué, bie puis
duit à la qualité de simple particulier.aprës y avoir tenu un rang si ,
revient i
& s'être veu comme le Roy de l'Asie mineure. Il partit donc & s'eloigna Lacédé-
de Sparte; Mais aïant appris que Thrasybule travailloit a rétablir a Athenes le mone. RétablilTe-
gouvernement populaire, il revint en diligence à Lacédémone,pour tâcher de ment du
porter les Lacédémoniens à soûtenir à Athènes le gouvernement des Nobles Gouver-
qu'il regardoit comme son ouvrage. Pausanias Roy de Lacedemone regar- nement
doit la chose autrement, & il fit à Athénes le contraire de ce que demandoit populaire
Lysandre. Les Roys de Lacédémone rétablirent en même tems dans les au- villes dans les
les Gouverneurs & Gré-
tres villes alliées le gouvernement du peuple, & cassérent
que s
les IUagisirats que Lysandre y avoit établis, & par le moïen desquels il s'étoit d'ACte.
rendu comme maitre absolu dans ces villes.
Ce fut en ce tems-là que le jeune Cyrus fit la guerre a son frere Arsée XXXI.
Artaxercés. Darius Nothus Roy de Perse étant malade de la maladie 1Guerre du
ou
dont il mourut en l'an du monde 3600. sit venir auprés de luy le jeune Cy- jjeune Cy-
rus contre
rus son second fils, dpnt il étoit mécontent pour une adion de cruauté qu'il son frere
avoit commise, & résolut de lui ôter le gouvernement de l'Asie mineure, qu'il Artaxerces
lui avoit donné à la sollicitation de la Reine Parysatis son Epome.Mere de ce An du M.
jeune Prince. La Reine qui étoit idolâtre de Cyrus, mit tout en oeuvre pour avant ; 602.3 6of
successeur l'exemple du Grand Da- J. C.
porter Darius Nothus à le déclarer son à
,
Xercés, 397-
""ius fils d'Hystaspe, qui avoit donné la préférence à quoiqu'il ne fut Xenoph.de m-

pas I'ainé de ses fils, mais parcequ'il étoit né depuis que son Pere étoit monté junior.& Plu-
peditione Cyri
sur le Trône; Mais Nothus n'écouta point Parysatis. Il donna le Royaume à tarch. in -4r-.
Arsaces, ou Artaxercés Mnémon, & se contenta de laisser à Cyrus le gouver- taxtrcc p&g.
10 12. &
nement des Provinces maritimes d'Asie, qu'il avoit au commencement. Diodor. 1.4.
Artaxercés étant monté sur le Trône des Perses, se rendit dans la ville de XXXII.
Pasargade,pour s'yfaire reconnoître Roy avec les solemnitez ordinaires. La Le; -.uneCy
# le rus attente
principale des cérémonies usitées dans cette occasion, étoit de dépouiller à la vie de
jKii-.venu Roy de sa robbc, & de le revêtir de celle que le grand Cyrus avoit son frere.
partie avant qu'il fut parvenu à la Roïauté, de plus on lui donnoit à manger Il est coa-
damne a des figues & des feuilles de terebinthe, & à boire un vase de lait aigre ; Ap-
mort. paremment pour le faire souvenir de la tempérance , de la modestie & de la
frugalité des anciens Perses; Tout cela se faisoit en cérémonie dans le Tem-
ple de la Déesse qui préside à la guerre parmi les Perses à peu prés comme
,
Minerve parmi les Grecs. Le jeune Cyrus qui étoit de la cérémonie résolut
de tuër ion frere dans le moment qu'il quitteroit son habit. TiiTapherne
Grand-Prétre qui devoit faire la cérémonie, amena à Artaxercés le Mage qui
avoit été Précepteur du jeune Cyrus, qui le déféra & découvrit son mauvais
dessein. On ne laissa pas de laisser entrer Cyrus dans le Temple, où on l'ar-
rêta & on le condamna à mort.
XXXII/. Mais sa Mere Parysatis, l'aïant pris entre les bras, & lui aïant envelopé le
Cyrus est cou par les tresses de ses cheveux, fit tant par ses larmes & par ses prières au-
renvoié près du Roy Artaxercés son autre fils qu'il lui accorda la vie & le renvoïa
dans son dans son ,
gouvernement. Il y arriva résolu de venger l'affront qu'il avoit re-
gouverne-
ment à çu à Pasargade & de détrôner son frere. Pour y réÜi1ir il s'étudia à gagner les
Sardes. coeurs des peuples qui étoient sous sOll Gouvernement , & à les former aux
exercices militaires sous differens prétextes. Il emploïa Clearque Capitaine
Lacédémonien, qui s'étoit retiré auprés de lui à lui lever des Soldats Grecs.
,
Il débaucha sous main plusieurs villes du Gouvernement de Tilfaphernes, les
quelles se donnèrent à lui. Tissaphernes pour les revendiquer fit la guerre à
Cyrus. Celui-ci qui ne cherchoit qu'un prétexte pour armer, assembla des
troupes & ecrivit au Roy son frere, pour lui demander son secours & sa pro-
tection contre Tissapherne.
Artaxercés qui étoit d'un caradére doux & humain, & qui ne cherchoit
qu'à faire plaisir & à rendre justice à tout le monde, se laissa eblouïr par ces
apparences de soun1iflion de sOll frere. Il n'eut aucune défiance de son ar-
mement. Les partisans du jeune Cyrus, abusant de la bonté du Roy, ne cef-
soient de relever les belles qualitez de ce jeune Prince, sa libéralité, son cou-
rage, sa magnificence à recompenser les siens, qu'il faudroit à la Perse un Roy
de ce caractère pour en soûtenir la gloire & la grandeur.
XXXIV.
D'un autre côté Lysandre que Cyrus avoit comblé de biens & de grâces,
Les Lacé- & les
Lacédémoniens qui lui étoient redevables d'une grande partie des avan-
démoni- tages qu'ils avoient remportez sur les Athéniens, n'attendoient que l'occasion
ens envoi- de lui en témoigner efficacement leur reconnoissance. 11 leur écrivit pour
ent du fe- leur demander du secours, & leur dit en termes pompeux:que s'ils lui envoï-
cours au oient des hommes de pied, il leur feroit donner des chevaux, s'ils envoïoienfr
jeune Cy-
s'ils avoient des champs, il leur
rus contre des Cavaliers, il leur donneroit des Chariots,
le Roy Ar- donneroit des Bourgades; s'ils avoient des villages ou des Bourgades, il leur
taxercés. donneroit des villes; qu'il
ne compteroit pas la paye aux Soldats, mais qu'il
la leur feroit distribuer par pleine mesure. Il se vantoit qu'il avoit le coeur
plus grand que son frere, qu'il étoit mieux instruit de la magie ou de la reli-
gion & de la philosophie , qu'il savoit mieux boire & mieux porter le vin
que lui; Que son frere étoit un homme moû & efféminé, qui ne pouvoitpas
même aller à cheval dans la chasse, ni se tenir aIEs sûr son Trône dans le dall-
ger.
Les
Les Lacédémoniens envoïérent ordre à Cléarque de joindre ses forces a xxxr.
celles de Cyrus, sans toute fois faire aucune mention d'Artaxercés,avec lequel jeune Forces du
Cy-
ils ne vouloient pas rompre ouvertement. Cyrus même ne découvrit san
les Soldats dans la qu'il rus pour
dessein qu'àClearque, laissant les Officiers & créance attaquer Io
n'en vouloit qu'à Tissapherne. Ce jeune Prince pouvoit avoir alors vingt Rof fou.
frere. "
trois ans. Son armée étoit composée de treize mille Grecs,qu'ilregardoit comme
sa principale force ; il avoit de plus cent mille Barbares, c'eft-à-dire, cent mille
hommes de troupes,qui n'étaientpas Gréques. Les Lacédémoniensétoient com-
mandez par Cléarque,les Béotienspar Proxéne , les Thébaïns parMeron, les
Achéens parSocrate d'Achaïe, les Barbares par Ariée, auquel étoient subordon-
nez plusieurs autres Chefs.La flotte étoit de 60. Vaisseaux,donttrente cinq étoient
montez par des Lacédémoniens commandez par Pythagore & vingt cinq étran-
Général de toute la flotte. Xeno-
gers commandez par Thanluz Egyptien,
phon Athénien disciple de Socrate qui nous a donne 1 histoire de cette guerre,
étoit alors assez jeune. Il fut présenté à Cyrus comme volontaire , par Pro-
xéne ami de sa famille , & ce Prince le mit dans ses troupes & lui donna de
l'el-nlo. XXXVt
Tiisapherne n'eut pas de peine a reconnoitre , qu'un tel, armement etoit
, .
Tiifapher-
deltiné à autre chose, qu'à réduire la Pisidie. Il partit de Milet & alla don- tne donne
dans l'Asie mineure. Le Roy ^
ner avis à Artaxercés de tout ce qui se passoit avis àArta-
vit bien alors la faute qu'il avoit faite d'avoir epargné Cyrus & de l'avoir ren- xercés de
voïé dans son gouvernement. La Reine Statira son Epouse fit de sanglants l'arme-du
reproches à Parysatis, d'avoir soutenu ce jeune Prince & d'avoir occasionné ment jeune Cy-
par son aveugle amour pour lui, une guerre qui ne pouvoit qu'être funeste
rus .
à l'Etat & aux deux freres ses enfans. On fit de grands préparatifs pour rési-
ster à Cyrus qui s'avançoit à grandes journées vers la Perse.
Synesis Roy de Cilicie défendoit le défilé des montagnes de son païs , & XXXVIL
Cyrus dé-
il étoit en état avec une petite troupe d'en empêcher l'entrée à l'armée de Cy- guise le
rus; Mais Thamuz aïant sait mine de faire une descente en Cilicie, y attira les veritable
forces de Synesis, & laissa par cette diversion le passage libre à Cyrus. Quand sujet de
son armée fut arrivée à Tharse en Cilicie, les Grecs refusérent de passer outre, son arme-
disant qu'ils ne s'étoient point enrôlez pour servir contre Artaxercés, contre ment.
lequel ils ne pouvoient plus douter qu'on ne les menât. Clearque voulut
d'abord user d'autorité & employer la violence, mais voïant que cela ne fai-
soit qu'irriter les esprits & augmenter le tumulte , il proposa de demander à
Cyrus même à qui il en vouloit. Ce Prince répondit que c'étoit à Abroco-
mas son ennemi, qui étoit à douze journées de là sur l'Euphrate, personne ne
douta que ce ne fût une défaite ; Mais on étoit trop avancé pour reculer.
On se réduisit donc à demander une augmentation de paye ; Et Cyrus au
lieu d'une Darique qu'il donnoit par mois à chaque Soldat , leur en promit
une & demi, c'est-à-dire au lieu de dix livres, il leur en donna quinze.
Quelque tems aprés à l'occasion de deux Officiers Grecs qui s'étoient X.YXV1¡Z
, déclare
retirez dans des vaIsseaux marchands,& Cyrus non seulement n'aïant pas voulu Ilenfiute
qu'on courut aprés, mais aïant même declaré qu'il leur renvoïeroit leurs fem- ouverte-
Ines & leurs enfans, & qu'on ne vouloit retenir personne à son service malgré ment
qu'il en lui; Il déclara publiquement qu'il marchoit contre Artaxercés. Cette décLt-
veut au ration excita dabord quelque murmure? mais le Prince aï.mt fait de grandes
Roy Arta- promesses de recompenser libéralement ceux qui le voudroient suivre°, toute
xercés.
l'armée lui répondit avec de grands cris de joïe qu'elle iroitpar tout où il les
méneroit. Ainsi on s'avança toujours vers l'Euphrate à grandes journées.
Artaxercés avoit d'abord résolu de ne pas hazarder le combattue toutes
ses forces ne fussent réünies ; & dans cette veuë il avoit fait creuser fossé
un
qui avoit cinq toises de large sur 3. de profondeur & qui s'étendoit dans l'e-
ipace d'environ douze lieues depuis l'Euphrate jusqu'au mur de la Médie il
;
vouloit se retirer au fond de la Perse & y attendre Cyrus ; Mais Tiribaze'un
de ses principaux Officiers le détermina a venir a la rencontre de son ennemi.
Cyrus aïant trouvé un espace de vingt pieds de large entre l'Euphrate & le
fossé dont on a parlé, fit défiler par là toute son armée. Le combat entre
les deux freres se donna à Cunaxa lieu situé environ à seize lieuës de Babilo-
ne. Nous avons veu qu'elles étoient les forces de Cyrus. Celles d'Artaxercés
étoient de neuf cent mille hommes ; Car Abrocol11as qui commandoit trois
cent mille hommes, n'arriva que cinq jours aprés la bataille. Le Roy avoit
outre cela cent cinquante Chariots armez de faulx & six mille chevaux
choisis pour la garde de sa personne, & pour combattre ,
au tour de lui. Il
ne se trouva dans l'armée de Cyrus que vingt Chariots armez de faulx.
XXXIX. Aprés avoir passé le défilé qui étoit sur le fossé dont on a parlé,
Artaxer- cha deux jours sans avoir nouvelle on mar-
cés vient éloigné, aucune de l'ennemi que l'on croïoit fort
avec son troisiéme
puis qu'il n'avoit point fait garder ce passage important ; Mais le
armée à la jour vers neuf heures du matin un Cavalier vint à toute bride annon-
rencontre cer que l'ennemi s'approchoit en bataille. Cyrus aussitôt saute à bas de sou
du jeune chariot, prend ses
Cyrus. armes & crie que chacun prenne son rang & s'arme en di-
ligence. Il place à la droite sur l'Euphrate mille chevaux Paphlagoniens
avec l'infanterie légére des Grecs,& ensuite les trois Chefs des Lacédémoniens
& des autres Grecs. L'aile gauche étoit composée des Lydiens des Phry-
giens & des autres troupes d-'Asie commandées par Ariée. Pour lui ,
il se mie
au centre avec l'élite des Perses & des autres Barbares, ses gens étoient vêtus
de rouge, & ceux d'Artaxercés de blanc. Cyrus n'avoit autour de sa personne
que 600. Chevaux d'élite , au lieu que le Roy en avoit 6oo.o.Tous les Perse,-
les deux Princes comme les autres, parurent dans le combat, aïant la tête nuë.
Ces peuples ne combattent pas autrement.
Clearque qui savoit la grande supériorité de l'armée d'Artaxercés ssir celle
de Cyrus, & de quelle importance il étoit à ce dernier pour le maintien de
son parti, de ne pointtrop exposer sa personne, lui conseilla un peu avant la
\ bataille de se mettre en seureté derriére les bataillons des Grecs ; mais ce.
jeune Prince ne consultant que son courage, lui dit avec véhémence. Quov,
tu me conseilles que dans le tems même que je veux me faire Roy je Ille
montre indigne de l'etre. ,
XL. L'armée d'Artaxercés ne parut que vers trois heures aprés midy. Ce
Ordre de Prince étoit
l'armée de six au centre de son armée, accompagné, comme nous l'avons dit,
d'Artaxer- raille Chevaux d'élite, commandez par Artagarse. Les cent cinquante
cés. Chariots
de faulx étaient placez à la tête de l'an11ée, à quelque distan-
Chariots armez
ce l'un de l'autre. Ces
faulx étoient attachées au moieu & a 1 eliieu, tant en
devant elles.
bas que de travers , pour couper tout ce qui se rencontroit
Tissapherne commandoit l'aile gauche, composee de la Cavalerie & de l'In-
fanterie. L'aile droite étoit composee de même. Le centre' de corps de ba-
taille étoit composé de l'infanterie pesamment armée, doat la plupart étoient
Egyptiens, portant des boucliers de bois qui couvraient &-envelopoient pres-
qué tout le corps du Soldat. si ailur^ a
Cyrus comptoit tellement sur la valeur des Grecs & se tenoit .
1
de la vidoire.qu'il dit à Clearque , que quand il auroit renverse les ennemis
qu'il avoit en face , ilse rabbatit sur sa gauche pour tomber sur le centre ou
étoit le Roy. Clearque répondit qu'il fèroit tout ce qui conviendrait , 1 lans.
s'ouvrir davantage ; Car il voïoit parfaitement la difficulté qu'il y avoit a en-
foncer un corps de troupes qui avoit tant de prosondeur. Cyrus cependant
parcouroit les rangs, donnant ses ordres & montrant aux Soldats un visage
tranquile & un aïr de bonté & de familiarité, qui leur inspiroit du courage &
de l'ardeur pour ses intérêts.
Artaxercés avançoit au petit pas, sans bruit & sans confusion, ce qui-rfur-
prit beaucoup les Grées à qui l'on avoit annoncé qu'ils verroient beaucoup de
désordre dans l'armée ennemie, & qu'ils entendroient de loin les cris confus
de cette multitude. Lorsque les armées furent à la distance de quatre a cinq
cent pas, les Grecs commencèrent à chanter l'hymne qu'ils ont accoutume
d'entonner avant d'en venir aux mains; puis ils marchèrent lentement & en
silence vers l'ennemi & enfin quand ils furent près , ils jettérent de grands
,
cris,& frappant de leurs Javelots contre leurs boucliers pour effrayer les Che-
vaux, ils s'elancérent tous ensemble & tombèrent sur les
ennemis, qui ne pu- /
rent soûtenir le premier choc & prirent la fuite. Tissapherne fit ferme avec
le
une petite partie de sa,troupe. Alors ceux qui étoient au tour de Cyrus ,
proclamèrent Roy.
S'etant apperçu qu'Artaxercés faisoit faire un mouvement à sa droite
XLl.
pour Mort du
/
le prendre en flanc, il pousse vers lui avec ses six cens Chevaux & tue de sa jeune <Sy*
main Artagarse qui commandoit les six mille Cavaliers qui étoient au tour du rus. An du M.
Roy, & les met tous en fuite ; Puis appercevant de loin son frere, il s'ecrie, je
Il .3603.

,
le vois ; & pique vers lui,suivi seulement de ses principaux Officiers. ren- avant C.
verse ceux qui étoient au devant -du Roy, & tuë le cheval d'Artaxercés ^
,
qui 197-
est aussitôt renversé par terre; On lui donne un nouveau^ cheval & Cyrus
lui porte un sécond coup, qui le blesse ; Comme il se préparoit à lui enpor-
ter un troifléme, il est lui-même accablé d'une gréle de traits qu'on lui lan-
çoit de tous cotez ; Les uns disent que ce fut Artaxercés qui lui donna le
coup de la mort, d'autres que ce fut un Soldat Carien, d'autres enfin endeattri- lui
buent la gloire à Mithridate jeune Seigneur Persan , qui se vantoit
avoir enfoncé sa javeline dans la temple avec tant de roideur , qu'il lui avoit
percé la tête de part en part, ses principaux Officiers se laiflerenttuër autour
de son corps; Mais Ariée aïant appris sa mort,prit la fuite avçc l'aile,gauche
qu'il commandoit. Artaxercés le poursuivit jusqu'à son camp, mais il l'avoit
quitté, & avoit continué sa retraite quatre lieuës plus loin, jusqu'au camp où
il avoit campé le jour précédent. Le Roy pilla le camp d'Ariée; Mais il ne
put forcer les Grecs qu'on y avoit laissez pour le garder, & qui sauvèrent leur
propre bagage & une partie de celui de l'armée.
Tisfupherne arriva sur ces entrefaites après s'être fait jour à travers l'in..
fanterie legére des Grecs, qui s'ouvrit pour, lui donner passage. Il apprit au
Roy que les Grecs commandez par Clearque avoient renverséson aile gauche,
& qu'ils poursuivoient vivement les fuiards que lui & sa troupe qu'il voïoit
,
avoient tenu ferme, & l'étoient venu joindre, mais que le gros de l'armée des
Grecs n'étoît rien moins que vaincu.
XL il. A cette nouvelle Artaxercés rallie ses troupes & marche à la rencontre de
Belle réss- Clearque qui retournoit de la poursuite des Perses. Les deux armées s'etant
stance de trouvées en présence, le Roy fit un mouvement qui fit croire aux Grecs qu'il
Clearque avoit dessein de les envelopper de toutes parts. Ils
& des en firent un de leur coté,
Grecs. & mirent l'Euphrate derriére eux pour n'être pas pris en queue. Le Roy
_ s'en étant apperçu changea la disposition de son armée &les attaqua desront.
Les Grecs voïant qu'il s'aprochoit entonnèrent leur chant de bataille & fon-
dérent sur l'ennemi, avec encore plus de roideur que la première fois. Les
Perses ne firent aucune resistance & s'ensuirent jusqu'à un village situé aux
pied d'une colline sur laquelle leur Cavalerie s'arrêta. On diltingua au mi-
lieu de cette Cavallerie l'étendard Roïal qui étoit une aigle d'or éployée,
placée au haut d'une pique. Clearque marcha contre l'infanterie placé au
pied de la colline,&résolutd'attaquer aussi cette Cavalerie;Maisl'une & l'autre
prit de nouveau la fuite, en sorte qu'on vit toute l'armée ennemie en dérou-
te dans les Campagnes voisines.
XLIII. Ni Clearque, ni les siens ne savoient encore rien de la mort de Cyrus. Ils
L.es Grecs attendoient de ses nouvelles avec impatience, le croïant victorieux, &s'imagi-
aprennent nant qu'il étoit occupé à se rendre maître de quelque place importante.Com-
la mort du
jeune Cy- me il étoit presque nuit fermée , & que la plupart n'avoient pas eu le loisir
rus. Ils de prendre dela nourriture, ils retournèrent dans leur camp qu'ils trouvérent
offrent la pillé, la plus grande partie de leur bagage pris, & en particulier les vivres &
Couronne quatre cent chariots chargez de farine & de vin, que l'on réièrvoit pour quel-
de Perse à ainsi la nuit dans leur camp avec beaucoup
Ariée,qui que besoin pressant. 11 passérent
les remer- d'incommodité, & ils n'apprirent que le lendemain que Cyrus avoit été tué.
cie. Alors les Grecs députérent vers Ariée qui, comme on l'a veu , s'étoit retiré
plus avant, ils lui députérent comme victorieux, pour lui offrir la couronne
des Perses. Il les remercia,en leur disant qu'il y en avoit d'autres plus con-
sidérables que lui parmi les Grecs qui ne voudroient jamais le reconnoître
,
pour Roy ; qu'au rette il s'en retournoit le lendemain de grand matin en
Jonie, & que s'ils vouloient en faire de même, ils vinssent le joindre pendant
XL IV. la nuit.
Artaxercés En même tems arrivérent desHerauts d'armes de la part du Roy Artaxer-
offre aux cés, pour sommer les Grecs de mettre bas les armes. Ils répondirent que le
Grecs une Roy pouvoit se souvenir qu'ils n'étoient pas vaincus ; Qae s'il vouloit avoir
suspenfien armes,qu'i! vint lui-même les leur arracher ; qu'ils préféreroient la mort
d'aunes. leurs à la
à la honte de les lui livrer, que s'il vouloit les recevoir pour alliez., ils le ser-
viroient fidèlement & avec valeur; que si au contraire il prétendoit les trait-
ter comme vaincus, ils étoient résolus de perdre la vie, plutost que la liberté.
Les Hérauts ajoutèrent, que s'ils vouloient s'arréter au lieu où ils étoient, sans
passer plus avant, on leur offroit suspension dermes ; s'ils alloient en avant
ou en arriére, ils seroient traittez comme ennemis. Les Grecs acceptérent
cette condition, & le Heraut aïant demandé une réponse plus positive, Clear-
que répondit: Paix en demeurant, & guerre en marchant; laissant- exprés le
Roy dans l'incertitude du parti qu'ils prendroient.
Aprés le départ des Députez, Clearque qui fut toujours depuis consideré
comme Général des Grecs, aïant assemblé le conseil, il fut résolu qu'on iroit
la nuit même joindre Ariée -dans son camp. Les Grecs y arrivèrent sur le mi-
nuit, & aprés qu'ils se furent rangez en bataille, les Officiers des deux armées
des Grecs & des Barbares s'assemblérent dans la tente d:>Ariée & jurèrent alli-
ance. Pour la confirmer on égorgea sur un bouclier au lieu d'Autel , un JCerzophofc
loup, un bélier, un sanglier & un Taureau. Les Grecs trempèrent leurs 1. 2. ad
épées dans le sang de ces vidimes, & les Barbares y trempérent leurs Jave- fine-m,
lots. —
On se disposa donc à partir des le lendemain tous ensemble , comme Artaxercés XLTï*
on étoit venu; Mais Ariée ne voulut pas prendre la même route, à cause de avec son
la disette dans laquelle il s'étoit trouvé les 17. derniers jours de la marche ; armée
Ainsi on commença à marcher dans la résolution de faire de grandes journées arrive à
au commencement pour s'éloigner le plus qu'on pourroit du Roy de Perse. l'arméedsf portée de
Ce Prince les suivit, & le soir même on apprit qu'il étoit proche; Il ne parut
Grecs. Il
toute fois que le lendemain ; Et lorsqu'on lui eut raporté qu'Ariée & les leur offre
Grecs l'attendoient en bataille, il n'osa s'avancer; mais il envoïa des Hérauts la paix.
pour faire des propositions de paix. Lorsqu'ils arrivérent, Clearque étoit en-
core occupé à ranger une partie de ses troupes , il leur fit dire qu'il n'avoit
pas encore le loisir de leur parler; Tout cela dans le dessein de leur marquer
plus de fierté & d'intrepidité. Il vint ensuite avec ses principaux Officiers,
& aïant entendu ce que les Hérauts avoient à lui dire, il repondit qu'il falloit
commencer par se battre, d'autant que ses troupes manquant de vivres , n'a-
voient pas le tems d'attendre qu'on eut conclu un traitté. Peu de tems aprés
les Hérauts revinrent & leur dirent qu'ils avoient ordre de les conduire dans
les villages voisins où ils trouveroient des vivres en abondance. En effet ils
y furent conduits, & y sejournérent trois jours.
Tilsapherne s'y rendit avec le frere de la Reine, trois autres grands Seig-
neurs de Perse & une grande suite d'Officiers & de domestiques. Tissapher-
ne leur témoigna qu'il s'étoit emploie auprès du Roy pour obtenir qu'il lui
fût permis de les remener dans leur païs, persuadé qu'ils sentiroient l'obliga-
tion d'un si grand service ; Que le Roy ne s'étoit point encore expliqué sur
cet article; Mais qu'il l'avoit chargé de leur demander pourquoy ils avoient
pris les armes contre lui. Cléarque prit les Dieux à témoins, qu'ils n'avoient
eu aucune intention en suivant Cyrus de porter les armes contre le Roy ;
qu'ils étoient venus sans savoir diftindement à qui l'on en vouloit qu'ils ne
, l'avoient
l'avoient sçu que quand il ne leur étoit plus honorable de retourner en ar-
riére, voïant ce Prince qui les avoit comblez de bienfaits, engagé dans le danger;
qu'à présent qu'il étoit mort, ils étoient degagez de leur serment,qu'ils ne con-
tenoient point la couronne à Artaxercés , qu'ils ne demandoient qu'à s'en re-
tourner en seûreté, qu'au reste , si on les attaquoit # ils étoient resolus de se
bien défendre.
XLVI. Tiisapherne rapporta cette reponseau Roy,&ne revint que le troiiieme ,
Artaxercés jour. Il dit
aux Grecs qu'il avoit obtenu du Roy à force de prieres,qu'il ne leur
permet seroit fait aucun mal qu'ils pourroient s'en retourner , sans que personne y
aux Grecs obstacle qu'on ,
leur fournirait des vivres en payant, pourveu qu'ils s'o-
dô s'en mit , Ces conditions furent
blige-,isseiit
retourner, agrées à ne faire aucun desordre dans leur route. donnèrent la main les
& leur des Grecs & jurées de part & d'autre , & ils se
promet
uns aux autres en signe d'amitié & d'alliance.
de fournir
des vivres Tiffapherne qui devoit les accompagner dans leur retour, ne revint qu'au
à leur ar- bout de vingt jours. Ce délay jetta les Grecs dans de terribles inquiétudes,
mée. qui étoient encore augmentées par les amitiés que les Perses saisoient à Ariée,
qui ils rendoient de fréquentes visites, & l'aUuroient que le Roy oublieroit
à
tout le passé. Plusieurs Grecs étoient d'avis de se mettre en chemin sans
l'attendre; Mais Clearque les arréta par la considération du danger auquel ils
s'exposoient en rompant ainsi avec le Roy, & s'attirant pour ennemis tous les
peuples au milieu desquels ils devoient passer. Tiflapherne arriva enfin avec
ses troupes, retournant en son gouvernement.
XLVII. Aprés trois jours de marche, on arriva aux murs de Medie, qui ont cent
Mur des pieds de haut vingt de large & vingt lieuës de longueur , batis de briques
Modes, les liées ensemble ,par du bitume, comme étoient les murs de Babylone. Ils
Grecs ar- joignoient
presque l'Euphrate au Tigre, n'étant distantpar l'une de leur ex-
rivent à la quelque lieuës, de dernier fleuve ; C'est par cet intervalle
riviére du trémité que de ce
laissoient vuide que l'armee passa & arriva a la riviére du
Tigre. que les murs ,ses Canaux.
Tigre, après avoir passe deux de Elle passa ce fleuve sur un
pont de 27. Batteaux, présville la ville de Sittace. Aprés quatre jours de marche
ils arrivérent à une autre nommee Opis , aussi grande & aussi peuplée
Sittace Delà aprés avoir traversé quelques déserts de Medie , ils se
nue parceque le revenu en
trouvérent ' aux villages de Parisatis , ainsi nommez
apartenoit à cette Princesse ; TiÍfapherlle enmarchoient haine d'elle & de son fils Cyrus,
abbandonna le pillage aux Grecs. Ils toujours sur le Tigre
en à gauche, '& arrivérent à Cœnœ ville trés-considérable,& de là
aïant ce fleuve
XLVIII. au
fleConwie
l'on s'apercevoit de quelque soupçon de la part de Tiflapherne
Clearque
Grecs & que réciproquement les Grecs avoient de la défiance
& les prin- contre les ,Clearque vint trouver Tiflapherne pour s'expliquer aveclui.
cipaux Of- contre les Perses,
souper lui &
ficiers des Tiflapherne lui témoigna beaucoup d'amitié dele retint a offices.avec Le lende-
Grecs sont' insinua quelques personnes lui rendoient mauvais
mis à mort' ma\n que se rendit quoique contre le sentiment de quelqu uns des
Clearque
en trahi- la tente de ,
Tiflapherne; accompagne de 4. Colonels & de vingt
son.,par Chefs dans
fiiuphcr* Capitaines outre deux cent Soldats que l'on avoit envoie dans le camp des
ne.
Perses sous pretexte d'y acheter leurs provisions. S'étant présenté devant la
tente de Tissapherne , on ne fit entrer que les cinq principaux Officiers qui
étoient Clearque, Menon, Proxene, Agias & Socrate, les vingt Capitaines de-
meurérent à la porte, A un certain signal les premiers furent arrétez & les
autres mis à mort. On envoïa en même tems des Cavaliers qui tuërent tout
ce qu'ils trouvérent de Grecs, soit libres, soit esclaves. Les cinq premiers
Officiers furent conduits au Roy, qui leur fit trancher la tête.
La nouvelle de ce triste événement jetta les Grecs dans la dernière con- XL IX.
sternation, & leur ôta, pour ainsi dire, toute leur prudence. Ils ne songeoient Nouveaux
qu'à déplorer leur malheur, sans penser aux moïens d'en sortir. Xénophon Chefs choisis par
jeune Officier,mais plein de sens & de sagesse, alla trouver quelques Officiers, les Grecs.
& leur représenta qu'il ne falloit point perdre de tems, mais chercher prom-
tement les moïens de sauver l'armée; qu'il étoit nécessaire avant toutes cho-
ses de choisir de nouveaux Chefs, pour conduire & pour commander les
troupes ; sur le champ on assemble le conseil, & on choisit en la place de
Clearque, Timalion; au lieu de Socrate, Xanticle ; au lieu d'Agias Cleanor ;
au lieu de Ménon, Philefie, & au lien de Proxene, Xénophon ; C'est ce der-
nier qui nous a donné l'histoire de la retraite des Grecs, à laquelle il eut plus
départ qu'aucun des autres Chefs.
Avant le jour On aflTembla l'armée, & Xénophon aïant exposé le danger
où elle se trouvoit, & qu'elle n'avoit de ressource que dans sa propre valeur,
il leur persuada de se défaire de tout le bagage inutile & de disposer toutes
choses à une retraite la plus prompte qu'il étoit possible.,
Tous les Soldats
aïant élevé les mains en figne d'approbation, on brûla sur le champ les tentes
& les chariots, & chacun ne se réserva d'equipage, que ce dont il ne pou-
voit se passer, partageant à ceux qui en manquoient, ce qu'ils en pouvoient
avoir de trop.
Aprés cela l'armée des Grecs se mit en marche, formant un grand Batail- L.
lon quarré, le bagage au milieu. Chirisophe commandoit l'avant garde, Ti- Marche
masson & Xenophon,co111nle les plus jeunes, étoient à l'arriére garde. des dix
Les ruilie dans
Pertes envoïérent contre eux un détachement, qui les incommoda beaucoup leur re-
le premier jour de la marche, parcequ'ils n'avoient ni Cavalerie ni frondeurs; traite.
à leur défaut la nécessité leur fit equiper une troupe de cinquante Cavaliers, à
qui l'on donna les chevaux destinez à porter le bagage & au lieu de ces
chevaux, on se servit de bêtes de somme. On forma de plus ,
une troupe de
deux cent frondeurs, qu'on choisit parmi les Rhodiens, & dont on augmenta
la paye, lesquels à leur tour n1altraittérent fort les Perses, parceque jettant
des balles de plomb, ils tiroient une fois plus loin, que les ennemis.
Aprés quelques jours de marche, Tilsapherne vint se présenter
avec tou-
tes ses troupes, mais il n'osa les attaquer. Il se contenta de les harceler &
de faire de petits détachements pour empêcher leur marche fois les
Grecs continuèrent à avAcer, mais ils furent obligez de changer , toute
la forme de
leur bataillon quarré, & -de le faire marcher sur deux colomnes, à cause de la
difficulté qu'il y a de remuer un bataillon quarré dans
trecoupé de hayes & de montagnes, sur tout dans une longue un païs inégal & en-
route à laveuë
de l'ennemi. Ils formèrent donc un corps de réserve de six cent hommes
d'élite, dont ils firent six compagnies lesquelles étoient toujours prétes de
courir au secours par tout où il étoit ,necessaire ; & lorsque les colomnes
s'ouvroient ils remplissoient à l'arriéregarde le vuide qui se trouvoit en-
,
tr'elles, & lorsqu'elles se reslèrroient, ils demeuroient à la queue, ou filoient
sur les flancs de part & d'autre pour éviter l'embarras.
Pour retourner en droiture dans l'Asie mineure , il auroit fallu passer le
Tigre, mais la chose étant impossible à cause de la profondeur du fleuve , &
parcequ'on manquoit de batteaux, on résolut de traverser les montagnes .Co-
durques, dans le dessein de pénétrer dans l'Armenie,où l'on pouvoit aisément
pnsser le Tigre & l'Euphrate à leurs sources, & ensuite regagner les Provinces
alliées des Grecs ; On partit la nuit pour gagner les défilez des montagnes,
avant que les ennemis s'en fussent emparez. On y arriva au point du jour,
& on chassa avec allez de peine quelques païsans,qui s'étoient emparez des
hauteurs.
L1. Ces défilez & ces montagnes rendant la marche toujours plus difficile,
Les dix il fut conclu au Conseil de guerre, d'abbandonner toutes les bêtes de charge,
mille paf- prisonniers qu'onavoit
fent les qui n'étoient pas absolument nécessaires, avec tous les partage de ces montagnes
montag- faits depuis peu, ce qui fut exécuté sans délay. Le
nes, &le dura sept jours, & fatigua extrêmement les troupes , .tant à cause de la diffi-
fleuve culté & de l'inégalité du terrain, qu'à cause que l'enneiny ne donnoit presque
Centrites. point de relache. Enfin on arriva dans des villages où l'on trouva abon-
dance de vivres & où l'armée demeura quelques jours pour se remettre de ses
fatigues.
Un peu plus loin ils rencontrèrent une riviére nommée Centrites , qui
étoit large de deux cent pieds. Ils en tentèrent le passage en un endroit où
ils avoient de l'eau jusques sous les bras; mais la rapidité du courant & l'em-
barras de leurs armes, les empêcha de passer. Aïant remarqué un endroit
moins profond, où quelques païsans avoient passé, ils écartèrent avec assez de
peine & beaucoup de bonheur les ennemis qui les suivoient,& lesArméniens
qui étoient sur l'autre bord, & passérent ce fleuve sans beaucoup de perte. Ils
passérent à quelque distance de là le Tigre à sa source,& rencontrèrent ensuite
la Riviére de Teleboe, où commença l'Armenie Occidentale, & où comman-
doit le Satrape Tiribaze, qui offrit aux Grecs de leur donner libre passage par
sa Province, &. de laisser prendre aux Soldats ce dont ils auroient besoin à
,
condition qu'ils n'y commettroient aucun désordre. Ces conditions furent
agrées & jurées de part & d'autre ; Cependant Tiribaze côtoïoit toujours l'ar-
nIée à une petite distance, résolu, à ce que disoit un prisonnier, de l'attaquer
à l'entrée des montagnes où il falloit nécessairement passer. Les Grecs le pré-
vinrent & s'emparèrent du défilé.
LIT. Aprés quelques jours de marche à travers les déserts , ils passérent l'Eu-
Les dix phrate assez prés de sa source, & on continua la m<f|he avec un vent de bise
mille paf- qui souffloit visage avec tant de violence qu'il ôtoit la respiration. Les
sent l'Eu- au
phrate. Grecs offrirent des Sacrifices au vent pour l'appaiser, &il leur parut ou'efïedi-
Neige ex- vement il étoit moins fort aprés les Sacrifices. La neige qui étoit haute de
cinq
cinq ou six pieds, fit mourir quelques Soldats, plusieurs serviteurs , & grand traordinat.
nombre de bêtes de somme ; d'autres mouroient accablez par la sains & tom- rc.
boient de langueur & de défaillance. On faisoit grand feu pendant la nuit,
car le bois ne manquoit pas, & on donna à manger aux plus foibles, ce qui
les remit en état de continuer leur marche. - il y eut toute fois des Soldats
qui périrent daxs la neige, étant demeurez derrière & sans secours , d'autres
perdirent la veuë par le trop vif éclat de la neige , les doigts des pieds tom-
bérent à d'autres. L'ennemi qui suivoit toujours en tua d'autres & enleva
quelques bagages. Pour empêcher le trop brillant éclat de la neige ils
,
portoient quelque chose de noir devant les yeux ; & pour adoucir les effets
du froid suries pieds, on conseilloit de remuër les jambes & de demeurer
déchaussé pendant la nuit. ~
Au sortir de ces neiges, ils arrivérent dans des villages, dont les maisons
bâties sous la terre avoient une ouverture en haut par où l'on destendoit
,
avec une echelle. Les bêtes avoient leur descente particulière, on y trouva
du bétail en abondance & toute sorte de provisions, le breuvage de ces gens
étoit de la bierre,qui étoit bien forte & qui pouvoit supporter l'eau. On bu-
voit- avec des chalumaux dans le vaisseau même où étoit la bierre & dont
, lui
l'ouverture étoit petite & serrée. L'hote chez qui logeoit Xenophon, en-
seigna un endroit où il y avoit du vin caché, lui fit present de quelques Che-
vaux, & lui montra à mettre aux pieds de Chevaux & des bêtes de somme,
des espécesde raquestes pour les empêcher d'enfoncer dans la neige. On L

demeura environ sept jours dans ces villages, pour y delasser l'armée de ses 1
b
grandes fatigues.
Aprés lept jours de marche elle arriva au fleuve Araxe nommé autre- LUI '
, Je
ment le Phase, qui a environ cent pas de largeur. On le passa sans rencontrer Passage
[
la rivierc:
aucune difficulté; mais deux jours après on apperçut lesPhasiens, les Catybes, d'Araxe
& les Taoques qui étoient postez aux défilez des montagnes, afin d'empêcher ou du
les Grecs de descendre dans la Plaine ; Mais Xénophon aïant proposé d'en- (Pha(e. 1
voyer un détachement pour se saisir des hauteurs qui dominoient de côté &
d'autre sur l'ennemi, pendant qu'on donneroit une fausse attaque au grand
chemin, qui étoit gardé par les Barbares, ce Conseil fut si heureusement ex-
écuté à la faveur d'une marche qu'on fit pendant la nuit, que les Barbares fu-
rent obligez de laisser le passage libre.
On traversa le pays de Calybes qui paÍfent pour les plus vaillans peu- L'V.
,
ples de ces pays-là. Aprés douze ou quinze jours de marche, l'avantgarde Les dix
étant parvenuë à une montagne nommée Tecque, commença à crier qu'elle mille com-
voïoit la mer. Ce cris redoublé fit croire à Xénophon que l'ennemi étoit mencent à
tombé sur l'avant-garde. Il y accourut pour la soûtenir, en aprochant il en- apperce-
voir la
tendit distin&ement le nom Thalqffi qui signifie mer , & les troupes qu'il con- mer.
duisoit joignant leur voix à celle de leurs Camarades, commencèrent à erier
de même, ce qui se communiquaausfîtôtà toute l'armée; Les Soldats embraf-
sans leurs Colonels & leurs Capitaines, & pleurant de joie, commencèrent de
leur propre mouvement à amasser un gros tas de pierres, & à dresser un tro-
phée composé de boucliers rompus & d'armes brisées,
LV. Pour arriver à la Mer, il ne leur restoit à surmonter que les montagnes
Ils passent de la Colchide;Ceux du païs s'étoient emparez de celle qui étoîtla plus haute,
les monta- & paroissoient disposez à disputer le passage aux Grecs. Ceux-ci se mirent
gnes de la en
Colchide. en bataille pour les forcer; mais comme les Soldats ne pouvoient garder leurs
rangs à cause de l'inégalité du terrain, l'on fit monter l'armée par files, rangée
de maniere qu'elle composoit comme trois corps d'armée, qui s'avancèrent
jusqu'au haut de la montagne. Les ennemis ne purent tenir contr'eux ; Ils
h
prirent fuite, & leur laissérent le passage libre. Descendus dela montagne,
ils le trouvèrent dans des villages qui leur fournirent des vivres en quantité.
L'abondance de miel qui s'y rencontra faillit à leur être funeste. Ceux qui
en mangèrent furent attaquez d'un dévoiëment par le haut & par le bas qui
réduisit les uns à l'etat d'hommes furieux, d'autres demeurèrent comme mo-
ribonds couchez sur la terre, d'autres étoient comme ellnivrez & hors d'eux
mêmes. Le lendemain le mal cessa, & il ne leur en resta d'autre mal
qu'un abbatement semblable à celui d'un homme qui a été violemment
purgé.
LVL Deux jours après, l'armée arriva prés de Trébisonde, ville Gréque située
Ils arri- sur le Pont-Euxin dans la Colchide. On commença à y respirer & à se réjouir
vent àTré- aprés tant de travaux & de diigraces. On y offrit les sacrifices qu'on avoit
bi(onde. à Jupiter & à Hercules, pour obtenir un heureux retour. On célébra
Ils.y célé- voüez y
brent des des jeux solemnels à la manière des Grecs & on proposa des prix pour la
,
jeux. course à pied & à cheval la lutte, pour le pugilat oirà coups de
, pour ,
poings armez de cestes le Pancrace où l'on emploïoit les coups de
, pour
poings & de pieds, & où l'on luittoit contre sou ennemi. Tous ces exerci-
ces se firent avec beaucoup d'éclat, & avec de grandes réjouïssances. On
demeura un mois dans cette ville pour se reposer & pour reprendre ses sor-
ces.
Apres cela on délibéra sur le retour & il fut resolu qu'on retourneroit
Gréce Mer. Chirisophe ,
en par se chargea d'aller demander à Anaxibie son
ami, Général de la flotte des Lacédémoniens des vaisseaux pour l'armée.
,
Comme il différoit à revenir, on changea de résolution, & on prit le parti de
retourner par terre; Cependant comme on avoit déja ramassé quelques vaif-
seaux, Xénophon fut chargé d'y embarquer les femmes les Vieillards & les
malades avec le bagage inutile. L'armée suivit la route, de terre, elle arriva
à Cerasunte, où elle séjourna dix jours.On y fit la reveuë générale de l'armée,
qui se trouva monter encore à huit mille six cent hommes, qui restoient d'en-
viron treize mille qui la' composoient au commencement de l'expédition, les
autres étant morts de maladie ou autrement, depuis la bataille contre Arta-
xercés.
LVII. De Cerasunte ils arrivérent à Cotyose qui n'en est pas eloignée ; Les
L'armée ,
1 arrive à habitans du païs leur aïant représenté les difficultez qu'il y avoit de continuer
Cerasunte leur voïage par terre, à cause des montagnes & des fleuves qui se rencon-
& s'em- - troient sur leur route, & leur aïant offert des vaisseaux, l'armée profita de
barque sur offres, & s'embarqua; Mais à peine furent-ils arrivez à Sinope, ces
le Pont- ville de Paph-
luxim lagonie, que Chirisophe parut avec les vaisseaux qu'il amenoit. Il leur, dit
que
admirable retraite, qu'il n'avoit pu
que toute la Gréce ne parloit que de leur
tirer d'argent des Généraux de Lacédémone , mais qu'aussitôt qu'ils seroient
hors du Pont-Euxin, on avoit promis de les payer. Cette réponse ne satisfît
point les Soldats, & ils résolurent, avant que de se rendre dans leur pays, de
faire quelque butin pour se dédommager de tant de pertes qu'ils avoient faites
& de tant de maux qu'ils avoient soufferts. Ils jettérent les yeux sur Xéno-
phon pour les commander en Chef; mais il s'en excusa sur ce qu'il n'étoit pas
Lacédémonien; & comme on le pressoit d'accepter, il dit qu'il avoit des fig-
nes qui lui paroissoient certains, que ce n'étoit pas la
volonté des Dieux;ainsi
ils choisirent Chirisophe.
Une entreprise aussi mal concertée ne pouvoit manquer d'avoir des sui- LesLViir. Grecs
tes facheuses. La premiere fut la division qui se mit parmi eux, parceque le pillent les.
Général vouloit les empêcher de piller les villes Gréques. L'armée se parta- pais qui sc
gea en trois corps; Les Peleponesiens commandez par Lycon & Callimaque armée,
trouvent
sur leur
au nombre de quatre mille cinq cent hommes d'infanterie pesamment
route.
étoient le corps le plus considérable.Chirisophe en commandoit 1i1n autre d'en-
viron quatorze cens, & Xénophon étoit à la tête du troisiéme composé d'en-
viron un pareil nombre,parmi lesquels étoient environ 40. chevaux, qui étoit
toute la Cavalerie de l'armée. Chacun de ces corps se jettaséparemmentdans
divers endroits du païs pour piller,& aprés diverses avantures ils se rendirent
par terre à Chrysopolis de Calcédoine vis-à-vis Bizance, où ils
arrivèrent quel-
ques jours aprés. Aïant reçu quelqu'injure des Bizantins, ils étoient
résolus de
les piller & de les saccager; mais Xénophon leur remontra à quoy ils s'expo-
soient, & les porta à un accommodement.
Comme il se trouvoit alors à la tête de l'armée, il s'engagea à Seuthe
Prince de Thrace,qui vouloit rétablir son Pere dans les Etats que ses ennemis
lui avoient enlevez. Il conduisit ses troupes en Thrace & rendit à Seuthe le
service qu'il lui avoit demandé; mais Heraclide Ministre de ce Prince lui re-
tint une partie des sommes qu'il avoit promises , ce qui lui attira de gran-
des plaintes & des reproches inutiles de la part de Xénophon & des
siens.
Dans le même tems arrivérentCharmine&PolyniceEnvoyezde Lacédémone, LIX.
qui vinrent inviter Xénophon & ses troupes à entrer au service des Lacédé- On invite
moniens , qui avoient déclaré la guerre aux Perses, & qui promettoient un Xénophon
les fiens
Darique par mois à chaque soldat; deux aux Capitaines & quatre aux Colo- à&entrer
nels.- On estime ordinairement le Darique à dix livres. Xénophon accepta service an
ces offres & partit, aprés avoir tiré de Seuthe ce qu'il put par l'entremise des des Lacé-
Envoyez de Lacédémone. Son armée étoit d'environ six mille hommes. Il démoni«nî
se rendit par mer à Lampsaque & de là à Pargame ville de Troade. Aïant
joint ses troupes à Thimbron Général des Lacédémoniens , ils marchérent
contre TifTapherne & Pharnabaze. Le motif de cette guerre étoit la crainte Xénophon.
que les villes d'Ionie avoient que Tilsapherne ne les dépouillât de leur liber. Histor.
Grtec. 1. 2*
té en haine de ce qu'elles avoient suivi le parti du jeune Cyrus contre le
Roy, Artaxercés. *•
LX. Thimbron fut bientôt rapellé à Lacédémone, & Dercillidas envoie à sa
Dercillidas place. Etant arrivé à Ephése, & aïant pris le commandement de l'armée il
Général fut informé TiiTapherne & Pharnabaze étoient brouillez cnlemble. Pour ,
des Lacé- que
démo ni- ne les pas avoir tous deux à la fois sur les bras, il fit tréve avec Tillapherne &
ens atta- marcha contre l'autre Satrape. Pharnabaze avoit laissé le gouvernement de
que lihar- l'Eolie à Mania femme d'esprit & de conduite, veuve de Zenis qui avoit eu
nabaze avant elle le gouvernement de cette Province. Elle se conduisit avec tant
Satrape de
l'Asie mi- de
sagesse, que Pharnabaze avoit une entière confiance en elle ; Mais Midias,
neure. gendre de Mania piqué des reproches qu'on lui faitoit, de laitier commander
une femme en sa place, l'étrangla avec son fils, & sè saisit de deux sorte relies
où elle avoit enfermé ses trésors. Le reste de la Province refusa de le recon-
noître. Sur ces entrefaites Dercillidas entra dans l'Eolie. Toutes les places
de l'Eolie se rendirent à lui & Midias fut dépoiiillé de ce qu'il avoit pris à
Mania. Delà il se rendit ,en Bithynie où il prit ses quartiers d'hyver pour
n'être point à charge aux alliez. Il avoit fait une tréve avec Pharnabaze, qui
n'eut pas de peine dele voir entrer en Bithynie, parceque les peuples de
cette Province faisoient souvent irruption dans le gouvernement de Pharna-
baze.
LXI. Au commencement de la campagne suivante Dercillidas se rendic à
Dercillidas Lampsaque, où il trouva les Ambassadeurs de Lacédémone qui étoient
lapa(se dans , en-
voyez pour prendre connoitlance de l'état des choses en Alïe lesquels an-
a Thrace, ,
& ferme noncèrent à Dercillidas qu'il étoit continué dans le commandement de l'ar-
l'Isthme mée. En même tems il apprit que les habitans de la Chersonese de Thrace
d'une avoient député à Lacédémone pour demander qu'on leur donnât du monde ^
bonne fermer d'un mur l'Isthme qui les séparoit de la Thrace disant qu'ils ne
muraille. pour ,
pouvoient résister aux incursions des Barbares qui les empéchoient de culti-
ver leurs terres. Dercillidas résolut de s'y rendre, imis auparavant il envoïa
demander à Pharnabaze s'il vouloit la guerre , ou continue': la trêve comme
en la campagne précédente. Le Satrape aïant demandé la continuation de la
trêve, Dercillidas passa dans la Thrace,& aïant partagé à son armée le terrain
de l'Isthme qui étoit d'une lieuë de longueur,il le ferma d'une bonne muraille,
& par ce moïen il se trouva maître d'un excellent terrain, de plusieurs ports
& d'onze bonnes villes. Aprés cela il retourna en Asie où il passa l'Hyver.
Aïant appris que ceux qu'on avoit chassez de l'île de Chio, s'étoient fortifiez
dans un lieu nommé Atarnée , quoiqu'il sçut qu'ils n'y manquaient de rien,
il les y assiégea & les força aprés huit mois de siége.11 y laissa pour Gouver-
neur un nommé Dracon, & revint à Ephése.
Jusqu'alors Tiflapherne étoit demeuré en repos, & Dercillidas ne l'avoit
point attaqué ; Mais les Députez des villes libres de l'Ionie étant venus à
Lacédémone, & aïant représenté au Senat que si l'on vouloit attaquer la Carie
où Tiflapherne avoit sa demeure, on forceroit ce Satrape à rendre la liberté
aux villes Gréques qu'il tenoit sous sa puissance. Sur cet avis les Ephores
envoïérent ordre à Dercillidas de faire irruption dans la Carie avec toute son
armée, pendant que Pharace Commandant de la flotte de la Republique rat-
taqueroit par Mer.
Tiua-
TilTapherne & Pharnabaze, quoique secrétement ennemis, ne laisserent LXIL
résister à Dercillidas. Ces deux Satrapes croïant TiffapheP-
pas de réunir leur force pour
état de rien craindre, résolurent de passer Jonie. ne Phar-
avoir luis la Carie en ne en nabazc: sc
Dercillidas aïant veu qu'ils avoient repassé le Méandre, & craignant qu'ils ne réuniflfent
se rendirent maîtres de l'Ionie & qu'ils ne la ravageaient, ména aussitôt son pour rési-
à Der-
armée de ce cÓt¿-là.Comme il marchoit sans ordre & que ses troupes étoient sier cillidas.
dispersées, les uns d'un côté, les autres d'un autre; Tout d'un coup l'on aper- Diodor.
çut toute l'armée des Satrapes,dont Tissapherne commandoit l'aile droite, & L i4.
Pharnabaze la gauche, préte à donner le combat. Ce que put faire Dercillidas Xènopbon*
fut de rapeller ses gens- & les ranger le mieux qu'il put. Pharnabaze vouloit L j.
que sans lui donner le teins de se reconnoître, on lui livrât la bataille ; Mais
Tissapherne qui connoissoit la valeur des Grecs qu'il avoit veus dans l'expé-
dition de Cyrus, & qui crut que tous les autres leur ressembloient, n'osa rien
hazarder. Il proposa une entrevue où il proposa que l'armée des Grecs se
retirât de la Carie, & Dercillidas de son côté demanda qu'on laissât les villes,
Gréques dans leur liberté. On fit une suspension d'armes, en attendant que
l'on eût réponse de la cour de Perse & du Senat de Lacédémone. Nous ne
trouvons pas quelle fut la reponse. Il y a beaucoup d'apparence qu'elle ne
vint ni de part ni d'autre; Car le Roy de Perse avoit d'autre plus grandes affai-
res dans l'esprit, &ies Lacédémoniensfurent bientôt obligez à songer à autre-
chose qu'à mettre en liberté les villes Gréques d'Ionie.
Conon Général des Athéniens depuis la bataille qu'il avoit perdue quel- LXIIE.
années à Aegos-potamos sur les côtes d'Asie, s'étoit condam- Conon
ques auparavant cherche
né à une espéce d'exil volontaire, & se tenoit dans l'île de Cypre auprès du les moïens
Roy Evagore. Il n'avoit pas perdu l'esperance de voir rétablir les affaires des de rétablir
Athéniens, & il songeoit sérieusement aux moïens d'y parvenir. Il s'en ouvrit les affaires
Artaxercés, lui ecrivit, priant Médecin Grec fort accrédité des Athé-
au Roy & Ctesias
niens.
à la cour, de lui remettre sa lettre en main propre. Pharnabaze en même tems
s'y étoit rendu pour soutenir ce que Conon écrivoit & pour décrier Tissa-
,
pherne comme trop attathé aux Lacédémoniens. La lettre de Conon eut
son effet, Artaxercés à qui la puissance des Lacédémoniens faisoit ombrage,
sut ravi de rencontrer un homme qui lui ouvroit les moïens de les humilier &
de rétablir la puissance des Athéniens pour les tenir en bride dans la Gréce &
les empêcher de songer à venir attaquer son Empire; Car les Lacédémoniens:
fiers de leurs grands succés s'étoient persuades que la puissance des Perses
,
avoit beaucoup plus d'éclat, que de réalité, & qu'ils pourroient ou la renverser,
ou du moins la reduire dans des bornes beaucoup plus resserrées.
Artaxercés fit donc compter cinq cens Talents ou foc. mille ecus à Phar- LXIV:
nabaze, pour equiper une flotte avec ordre d'en donner le commandement à Qui étoit
Conon.11 envoïa aussi Ctesias en Gréce,selon la priere que Conon lui en avoit G te sias
faite.Ctesias avoit été fait prisonnier dans la bataille où Cyrus avoit été tué ; on Médecin & Histo-
le présenta au Roy comme un Médecin fort habile, & aïant eu le bonheur de rien Grec.
réüssir dans le pansement qu'il fit de quelques playesque ce Prince reçutdans
les batailles, Artaxercés le retint à sa cour & le fit son premier medecin. Le
credit qu'il avoit auprés du Roy, fit que tous les Grecs qui avoient quelques
affairesi
affaires à la Cour, s'adre{[oient à lui. Comme il eut le moïen de s'instruire de
l'histoire des Perses , il l'ecrivit en 13. livres dont il ne nous reste que quel-
ques fragmens conservez dans Photius.Diodore de Sicile marque qu'elle finif-
soit enlatroifîéme année de la quatre vingt quinzième Olympiade,qui revient
à l'an du monde 3610. & à l'an 394. avant J. C. Elle commençoit à Ninus
& à Semiramis & finissoit au regne d'Artaxercés, son ouvrage n'est pas beau-
coup estimé, & les anciens, de même que les modernes le regardent comme
un Auteur peu exact & peu fidèle. 11 est souvent contraire à Hérodote & à
Xénophon, & avance des fables & des mensonges sensibles, ce qui lait qu'on
ne regette pas beaucoup la perte de ses écrits.
LXV. Ctesias vint dont en Gréce & visita sa patrie, d'où il passa à Lacédémo-
Lysandre ne. Agis Roy de cette Republique avoit été envoyé quelque tems aupara-
fait don- vant contre les habitans de l'Elide pour les chatier de l'insulte qu'ils avoient
ner la Roï- faite à Lichas un des Citoïens de Lacédémone à qui ils avoient refusé de
auté de ,
Lacédé- donner le prix de la course des chariots quoiqu'il l'eut légitimement rem-
donné Thébaïns, ,
mone à porté, & l'avoient aux & avoient même chassé ignominieu-
Agcsilaus» sement Lichas de l'assemblée lorsqu'il avoit voulu donner la Couronne à
.An du M. son Cocher.Cette
,
guerre dura trois ans,au bout desquels Agis étant de retour
3605. à Lacédémone, mourut de maladie. Aprés sa mort Lysandre qui étoit alors
dans la ville, engagea Agesilas frere du dêfunt à contester la couronne à Leo-
du M.
tichides qui, comme on l'a veu, passoit pour fils d'Alcibiade; Cependant Leo-
An tichides étant venu se jetter aux pieds d'Agis un peu avant sa mort, ce Prince
3608.
avantj. a. le reconnut pour son fils & le recommanda aux Lacédémoniens. Celan'em-
492.. pécha pas Lysandre de pousser sa pointe; & comme on objetoit à Agesilas un
Plutarch. ancien Oracle, qui portoit qu'il ne convenoit pas de donner à Sparte Roy
in Lysan- un
dro Xéno-
boiteux, car ce Prince avoit cette incommodité, & d'ailleurs étoit d'une pe-
phon. de tite taille, Lysandre ne fit qu'en plaisanter en disant que le défaut de naislan-
WJl.Grœc. ce de Leotichides étoit ce que l'Oracle avoit voulu marquer par ce Roy boi-
/•M teux. Enfin il fit si bien qu'Agésilas fût préféré à Leotichides.
Agesilas avoit toutes les qualitez d'un grand Prince beaucoup de droi-
,
ture, de probité , de valeur, de fermeté, d'honneur, il aimoit la gloire & se
faisoit un plaisir & un devoir de faire du bien même à ses ennemis. Il, pouf-
soit la chose à cet égard à un excès qu'on pourroit blâmer, puisqu'on remar-
que que souvent il en usa mieux envers ses ennemis qu'envers ses anlis. Aïant
hérite de tous les biens du Roy Agis son frere, il les partagea avec les par ens
de la mere de Lampito.mere de Léotichides, parcequ'ils étoient gens de bien &
trés-pauvres,ce qui lui aquit l'estime & la bienveillance de toutlemonde.Il mé-
rita la considération &la confiance desEphores,non en leur résiU:ant&prenant à
tâche de réprimer leur autorité comme contraire à celles des Roys.mais en les
comblant d'honneur & leur témoignant beaucoup de déférence.
A peine étoit-il monté sur le Trône, qu'on eut avis des grands préparatifs
que le Roy de Perse à la sollicitation de Conon l'Athénien, faisoit pour ôter
aux Lacédémoniens l'Empire de la Mer. On sçut que ce Prince fàisoit equi-
per en Phénicie une nombreuse flotte, sans compter celle dont il avoit donné
le commandement à Conon.
Lysandre
Lvsandre qui souhaitoit passionnément de retourner en Asie , où il avoit LYt,rl.
çrand nombre d'anus & de créatures , portoit Agesilas à se mettre à la tête Agesilas de
de l'armée qu'on devoit envoïer contre les Perses dans ce païs-là. Les amis Roy Sparte &
que Lysandre avoit en Asie, invitoient aussi le Roy às'y rendre
,
lui promet- Lysandre
la sont en-
tant toutes sortes de secours. Enfin la Republique de Sparte lui en aïant faitlui
proposition, il ne peut refuser d'y aller. 11 demanda seulement qu on voïez en
donnât trente des Principaux de Lacédémone,pour lui servir de conseil,deux faire Afie poujc
la
mille citoïens d'élite, tirez du nombre des Ilotes, à qui l'on avoit donné droit
guerre aux
de bourgeoisie, & six mille hommes de troupes des Alliez. Tout cela lui fut Perles,
accordé,& Lysandrefut mis à la tête des trente Spartiatesqui devoient aideragesi-
las de leur conseil.Ce Prince partitde Lacédémone rempli de grandes espéran-
Perse,
ces, ne se proposant rien moins que de porter la guerre au centre de la
tant la retraite des dix mille, & les avantages ci-devant remportez contré les
Perles, avoient inspiré de confiance aux Grecs.
Lorsqu'il fut arrivé, Tiflapherne lui fit demander quel etoit le motii de An du M.
d'Asie 3609.
ce grand armement. Il repondit que c'étoit pour remettre les Grecs de avant J. G.
en liberté. Tissapherne qui n'avoit pas encore autour de lui autant trou- ?I.
pes qu'il lui en falloit, s'engagea de faire consentir le Roy de Perse à accor-
der la liberté qu'on demandoit , pourveu qu'on s'abstint de faire aucun acte
d'hostilité jusqu'au retour des couriers qu'il alloit lui dépêcher. Agesilas y
consentit, & la tréve fut jurée de part & d'autre. Tout cela n'étoit ^ qu'une
ruse de Tissapherne. Il profita de ce delay pour amasser des troupes.
Agésilas en fut bientôt averti mais il ne crut pas que la mauvaise foy Lysandre LXfTIl.
,
de ces Barbares l'autorisât à violer sa parole ; seulement il s'emploïa pendant néglige
la tréve à prendre connoissance de l'état des villes Gréques d'Asie qu'il trou- Agésilas.
va fort dérangé, n'étant ni populaire , ni aristocratique ; d'ailleurs les
peuples Celui-ci
fait res-
& les Principaux du païs qui connoissoient Lysandre , & dont la plûpart lui lui sentir la
avoient de grandes obligations, négligeoient Agésilas & faisoient assidûment peine de
leur cour à Lysandre, le considérant comme celui qui avoit le principal com- son man-
mandement, & Agésilas comme aïant seulement le titre de Général. Agésilas que de re-
dissimula pendant quelque tems cette conduite ; Il ne lui convenoit pas de Ipedt
s'en plaindre; Mais il n'emploïa plus Lysandre & n'eut plus aucun égard à
ses recommandations, ce qui obligea celui-ci à prier ses amis de ne pas s'a.-
dresser à lui, & de rendre au Roy les devoirs qui lui étoient dûs. On cessa
donc de l'emploïer pour demander des graces ; Mais on continua de s'as-
sembler par honneur auprés de lui, & de lui rendre des affiduitez qu'il auroit
du éviter & écarter.
Agésilas plus piqué qu'auparavant de cette affedation,affe('-ta de son côté
de donner dans son armée des emplois considérables à de simples Officiers, &
nomma Lysandre distributeur des chairs que l'on donnoit aux Soldats, disant
avec une ironie insultante: .!!,)ils aillent faire leur cour à mon boucher. Lysandre
sentit l'insulte, & étant allé trouver le Roy , il lui dit d'un stile laconique :
Certes, Seigneur vous [avez bien rabbaiffer 7JOS amis, Ouï, repondit Agésilas, Quand
,
ils veulent Relever au dessus de moi Alais quand ils savent contribuer à ma gloire je
> ,
sti leur en faire part. Il le pria ensuite de lui donner quelque employ, qui lui
convint, pour ne pas le déshonorer aux yeux des étrangers & Agésilas con-
,
tent de sa soumission , l'éloigna de son armée , & lui donna l'intendance de
l'Hellespont avec ordre de voir le Satrape Mithridate qui vouloit abban-
,
donner le parti du Roy des Perses. Lysandre quoiqu'infiniment piqué ne
,
laissa pas de s'acquitter de sa commission & d'amener ce Satrape à Agési-
las. ,
LXVlll Quelque tems aprés il retourna à Lacédémone sans aucune marque
Lysandre d'honneur, & fort résolu de se venger d'Agésilas. Il y avoit ,
dans la ville deux
de retour branches descenduës d'Hercules, à qui seules apartenoit le droit de
àLacédc- regner, à
l'exclusion des autres descendans de ce Heros, & de tous les autres Citoïens
monc,
cherche de Sparte. Lysandre étoit du nombre des Heraclides, ou des descendans
à se venger d'Hercules, mais non pas de ces deux branches privilégiées. Pour faire sen-
d'Agésilas. tir à Agésilas le pouvoir de son indignation dans la choie du monde
qui Fin-
térG'ssoit le plus, il entreprit de faire changer l'ancienne disposition qui'régloit
la succession au Royaume, & de faire que tous les descendans d'Hercules
étoient également habiles à succéder à la Couronne, & par ce moïensefrayer
à lui-même le chemin à la souveraineté. L'entreprise étoit périlleuse & déli-
cate ; Mais Lysandre qui connoissoit le foible des Grecs, qui étoit la superlti-
tion, mit tout en oeuvre pour les frapper du côté de la religion.
L'on disoit qu'une femme dans le Roïaume du Pont, se disant grosse d'A-
pollon, avoit mis au monde un fils à qui l'on avoit donné le nom deSilène.
Bien des gens regardoient cela comme un jeu inventé par cette femme; Mais
d'autres ténoient la choie pour véritable, & les premiers du Royaume de Pont
avoient demandé comme une grande faveur de nourrir cet enfant. Lysandre .

résolut de se servir de cette persuasion populaire pour parvenir à ses fins. 11


fit publier qu'il y avoit à Delphes certains écrits trés-anciens que ni les Prê-
tres du lieu, ni aucun autre n'avoit sçu déchiffrer, &que l'on tenoit pour con-
tait que cela étoit réservé à un fils d'Apollon. 01'1 sçut gagner les Prétres,&
le jeune Silene bien préparé à jouer son rôle, devoit se présenter comme fils
d'Apollon pour lire & expliquer l'endroit fameux. Aprés bien des difficul-
tez & des cérémonies affectées de la part des Prêtres, il devoit prendre le Ii.
vre en main , & lire devant tout le monde ces paroles; Il ejî plus avantageux0'
plus expédient aux Spartiates de ne choisir cy. après pour I\pys que les plus meritans de
,
leurs Citoïens.
Silene s'étant présenté à Delphes prêt à faire le personnage que nous
avons dit, un des Prêtres qui étoit du complot & qui devoit avoir h princi-
pale part dans l'affaire, disparut & par son absence fit echouër le projet de
,
Lysandre. La chose avoit été ménée avec tant de secret que l'on n'en sçut
rien qu'après la mort de Lysandre qui avoit appris par coeur un discours com-
posé sur ce sujet par Cleon d'Halycarnasse célébre Rheteur de ce tellls-là.
LXIX. Retournons à Agésilas. Ce Prince demeuroit en repos à Ephése sous la
Agésilas foy du traité de tréve conclu
fait la con- les avec Tiflapherne ; Mais ce Satrape aïant reçu
quête troupes qu'il attendoit d'Artaxercés, envoïa ordre à Agésilas de sortir de
d'une l'Asie, si non qu'il lui déclaroit la guerre. Agésilas répondit aux Députez
grande de Tillapherne qu'il avoit grande obligation à leur maître d'avoir par son
,
par-
parjure rendu les Dieux ennemis des Perses & favorables aux Grecs. # Puis partie de-
il fit marcher son armée du côté de la Carie qui étoit la Province où résidoit la Phrygie.
Plutarch.
ordinairement Tissapherne. Celui-ci crut que le dessein d'Agesilas étoit d'y inAgifilao.
porter le fort de la guerre, & y mena toutes ses forces Maître ; Mais Agesilas tour- Xènophon.
nant tout court se jetta dans la Phrygie où il se rendit de plusieurs pla-
& où il trouva des richesses immenses, dont il fit largesse a ses Officiers K h
ces,
& à ses Soldats, & gagna par ce moïen leur affection & leur confiance , tel
fut le succés de sa premiére campagne.
De la Phrygie il revint à Ephése, où il exerça ses troupes aux exercices Agésilas LXX.
militaires leur proposant des prix , & les excitant par tout ce qu'il crut de Ephése ex-à
, à les
plus propre animer. Par ce moïen toute la ville d'Ephése devint comme erce ses
une place d'armes. On n'y voïoit que Soldats, Cavalerie & Infanterie , qui troupes
s'exerçoient avec une emulation merveilleuse. Agis se méloit avec eux , & aux exer-
revenir aïant à suite foule d'Officiers & de cices mili-
on le voïoit tous les jours sa une taires.
Soldats qui portoient sur leurs têtes des couronnes, marques de leur valeur, & An du M.
qui les allaient deposer dans le Temple de Diane d'Ephése. 361 o.
Pour inspirer à ses troupes un plus grand mépris pour les Perses, il or- avant J. G.
donna aux Commissaires d'exposer en vente les esclaves & les prisonniers de 99o.
guerre ; C'étoit allez la coutume d'exposer nuds ceux qu'on vouloit vendre
pour esclaves, afin que les acheteurs vissent les défauts corporels qu'ils pou-
voient avoir. On mit donc les habits de ces prisonniers d'un côté, & on les
exposa eux-mêmes de Pautre.Il se trouva des acheteurs pour les habits ; Mais
quand on vit les corps blancs , tendres & délicats des Perses, personne n'en
voulut, ne les croïant propres ny à la fatigue, ni aux travaux. Alors Agesilas
les montrant à ses troupes, leur dit : Voila contre qui vous avez à combattre , &
montrant leurs habits; Poila le prix des travaux.
Le tems d'entrer en campagne étant venu, Agesilas déclara à son armée LXXl.
qu'il marcheroit en Lydie, & c'étoit réellement son intention. Tislàpherne Agésilas
entre en
crut que c'étoit une ruse pareille à celle dont il avoit été la dupe l'année pré- Lydie, &
cédente, & marcha vers la Carie où il ne doutoit pas qu'Agesilas n'eut dessein défait l'ar-
de se rendre; Mails il n'y fut pas plutost arrivé, que le Roy de Lacédémone mée de
prit le chemin de la Lydie, & s'approcha de Sardes. TisTapherne accourut Tiffapher-
avec sa Cavalerie pour sauver cette place. Son Infanterie n'avoit pu faire une
ne.
si grande diligence. Agesilas se hata de lui livrer la bataille, avant que ses
troupes fussent réunies. Comm'il avoit peu de Cavalerie en comparaison de
Tissapherne, il forma deux Corps de son armée. Le premier étoit composé
de ses Escadrotisotdo.,it il remplit les intervalles par des pelottons de gens de
pied armez à la légére ; l'autre Corps étoit composé de son Infanterie pesam-
ment armée. Le premier corps donna contre les Barbares, qui ne purent
soûtenir leur premier choc ; Ils prirent précipitamment la fuite, & les trou-
pes d'Agesilas en firent un grand carnage, se rendirent Maîtres de leur camp,
& s'enrichirent de leurs dépouïlles.
Après cette victoire les Lacédémoniens ne trouvérent plus rien qui leur LXX77.
résistât dans le païs ennemi. Ils le parcoururent tout à leur aile, & y firent Tiffapher-
est arrê-
un riche butin. Artaxercés étoit mécontent de longue main contre Tisfapherne. ne té & en-
voïé au La Reine Parisatis, qui étoit parfaitement rentrée dans les bonnes graces du
Roy Arta- Roy san fils & qui ne pouvoit souss'rir ce Satrape qui avoit contribué- au
xercés. , ,
malheur de Cyrus, n'oublia rien pour le rendre odieux au Roy. On l'accusa
de trahison & d'intelligence avec les ennemis. La difficulté étoit d'arréter
Tiflapherne, dont l'autorité étoit trés-grande dans l'Asie. Artaxercés écrivit
deux lettres, l'une à Tissapherne dans laquelle il lui donnoit ses ordres sur la
guerre contre les Grecs; La seconde étoit pour Ariée, Gouverneur deLarissa,
par laquelle il lui ordonnoit d'aider de toutes ses forces Titraufte porteur
de la lettre, pour arrêter Tiffapherne & se défaire de lui. Ariée aussitôt écrit
à Tissapherne qu'il le prie de le venir trouver pour prendre avec lui des mesures
sur la campagne prochaine. Tiffapherne qui ne se doutoit de rien, vient ac-
compagné seulement de trois cent hommes. Il est reçu avec les témoigna-
ges ordinaires de eonsidérations, & pendant qu'il est dans le bain seul &
sans armes il est arrêté & mis entre les mains de Titraufte qui lui fait sur
, la tête. & l'envoye à Artaxercés.
le champ couper Tiflapherne méritoit ce
châtiment par sa perfidie, ses parjures, & son peu de probité & d'honneur.
LXXIII. Aprés cela Titrauste prit le commandement de l'armée de Perse & écri-
Titrauste vit à Agesilas, que Tiflapherne unique cause de la guerre étant mort.&le ,
Roy
est fait Gé- Artaxercés s'opposant pas à ce que les villes Gréques situées en Asie jouïl-
néral de ne
l'armée sent de leur liberté, pourveu qu'elles continuent à lui payer tribut, il le con-
desPerses. vioit de retirer ses troupes. Agesilas répondit qu'il ne pouvoit rien faire de
Agésilas se son Chef, qu'il salloit écrire à Sparte
^
avant que de rien conclure sur la paix
,
retire dans ou la guerre ; Que néanmoins pour lui faire plaisir il alloit se retirer
laPhrygie. Phrygie, , en
comme il l'en avoit prié. Titrauste lui fit compter trente Talens pour
les srais de son voïage, & Agesilas prit le chemin de la Phrygie.
LXXIV. Les heureux succés de ses armes avoient tellement prévenu les Spartiates
Agéiilas sa faveur, qu'on lui écrivit de prendre le commandementde l'armée navale
cst déclaré en
sa place qui il jugeroit à propos. C'étoit le rendre maître
Général & de mettre en
desarmées absolu de toutes les forces de terre & de mer, pouvoir que n'avoit jamais été
de terre accordé à aucun des Généraux de Lacédémone. Aussi convenoit-on que per-
&de mer sonne l'avoit mieux mérité. Toute fois il fit une faute considérable,en
ne
des Lacédé donnant à Pisandre son Beau-Frere la charge de Lieutenant-Général de la
«ioniens.
flotte ; Pisandre avoit du mérite , mais il y avoit dans l'armée des personnes
plus dignes & plus capables de commander la flotte. Pour l'armée de terre,
il la maintint en Phrygie, qui étoit du département de Pharnabaze. Il y fit
subsister ses troupes dans l'abondance de toutes choses,& en tira de trés-grof-
ses contributions, qui lui servirent beaucoup dans le cours de la guerre.
De là il s'avança dans la Paphlagonie, où il fit alliance avec le Roy
Cotys, qui la rechercha à cause de la bonne foy & de la droiture d'Agesilas.
Spithridate un des principaux Officiers d'Artaxercés,attiré par le même motis
vint lui offrir ses services , & le servit en effet trés-utilement contre Pharna-
baze qu'il chassa de lieu en lieu, & le força enfin dans son camp où il prit
toutes ses richesses; mais Herippidas Lacédémonien,Chef du conseil , des
tren-
te qu'on avoit envoïé à Agesilas, aïant irrité les Soldats de Spithridates, en les
forçant de rendre le butin qu'ils avoient gagné au pillage du camp., ils se reti-
rèrent
rérent avec leur Chef dans la ville de Sardes, ce qui fut trés-sensible à Agesilas, Xénophoti,
moins pour la perte qu'il faisoit d'un brave Officier & de trés-bonnes troupes, 1.inAgefilaal 4. Plut.
que pour le vil interét dont il craignoit le reproche.
Pharnabaze & Agésilas, dans laquelle p. 602.
Il y eut ensuite une entrevuë entre LXXV.
on remarque que ce dernier étant arrivé le premier, & s'étant assis sur le ga- Entrevue
eut honte de se servir des ta- remarqua-
zon sous un Arbre, Pharnabaze qui arriva aprés,
pis prétieux
auquel il fit
qu'on
des
lui avoit
plaintes
préparez,
améres de
mais
ce que
s'affit
sans
sur
aucun
l'herbe
sujet ,
vis-à-vis
légitime
gré les grands services qu'il avoit autrefois rendus aux Lacédémoniens contre ze.
Agesilas,
& mal-
ble d'Age-
filas & de
Pharnaba-

les Athéniens, ils étoient entré dans son gouvernement, y avoient tout pille
& ravagé, brûlé ses maisons, coupé ses arbres; que cela étoit fort eloigné de
tout ce qu'il s'étoit figuré de l'équité & de la vertu dont les Lacédémoniens
faisoient profession. Agesilas qui sentoit que ces reproches n'étoient pas [(]l1S
fondement, repartit que les loys de la guerre authorisent certaines chosesque
l'on condamneroit comme injustes & inhumaines jdans d'autres occaiions ; que
le Roy de Perse étant devenu l'ennemi des Grecs , on ne devoit trouver
étrange qu'on lui fit tout le mal qu'on pouvoit ; que pour la personne de
Pharnabaze, dez qu'il voudroit quitter le parti d'Artaxercés, il pouvoit s'alsu-
rer qu'on le traitéroit en ami & en confédéré. Pharnabaze répliqua Agesilas
qu'aïant
engagé sa foy à Artaxercés, il ne lui manqueroit jamais de fidélité.
touché d'un sentiment si généreux , lui promit de retirer ses troupes de sou
gouvernement, & de n'y pas rentrer, tandis qu'il pourroit subsister ailleurs. LXXVh
Il se retira en effet, & sa modération, la bonne discipline qu'il faisoit ob- Titrauste
server dans son armée,la réputation de sagesse & d'équité qu'il s'étoit aquise, suscite
lui méritèrent l'estime & la confiance des villes d'Asie & de ses alliez. Les des ennc<
Satrapes l'honoroient & le craignoient, & il se voïoit 'en état de porter bien- mis à Agé-
dans
tôt la guerre jusqu'au centre de l'Empire des Perses. Titrauste , qui depuis silas la Gréce.
la mort de Tissapherne, avoit la principale autorité dans l'Asie, jugea que le An du M.
seul moïen d'arréter les progrés d'Agesilas étoit de lui susciter des ennemis 3610.
dans la Gréce &de le mettre dans la nécessité de retourner en san païs pour Xenopbon,
le défendre. Il envoïa en Gréce Timocrate de Rhodes avec de grosses som- /.?. Rift.
Lacédémoniens, dont Greee+
mes pour détacher les principales villes de l'alliance des Plutareb"
la hauteur & les maniéres dures les avoient déja indisposées contre leur Gou- in LyJana.
vernement. Il n'eut pas beaucoup de peine à gagner Thébes, Argos & Co- idem rn
rinthe; Il comptoit déja sur Athénes ; &les Thébaïns se reconciliérent dans jigejîlao.
cette occasion avec les Athéniens , & députérent vers eux pour les engager
dans la ligue contre les Lacédémoniens. Thrasybule à qui les Thébains
avoient donné du secours, lorsqu'il entreprit de remettre les Athéniens en li-
berté, appuïa leur demande, & on conclut qu'il salloit à tout evénement s'u-
nir à la confédération des autres villes.
Lysandre qui étoit alors à Lacédémone, fut envoie avec des troupes dans LXXVIL
de
la Phocide, & il résolut de faire le siége d'Haliarte. Il écrivit à Pausanias un Mort Lyfaodre
des Roys de Lacédémone, qui commandoit l'une des deux armées, de le venir dans un
joindre le lendemain de bonne heure devant la ville d'Haliarte. Lysandre combat
& les Phocéens aïant assiége la ville, les Béotiens marchèrent contre luy.&livré- contre les
I 3 rent Eéptiçus»
.) ; .< rcn.
Ljjùnd. rent la bataille ; Il la perdit & y fut tué avec beaucoup des siens & des alliez.
I. -,,do r. Pausanias aïant sçu cette défaite, ne laissa pas de s'avancer vers Haliarte avec la
i.14 P. 299. Phalange de six mille ; mais il n'osa hazarder un second combat. Il se con-
tenta de faire une tréve avec les Béotiens pour donner la sépulture à ceux qui
étoient morts dans le combat; puis il se rendit à Lacédémone, où il fut cité
pour rendre compte de sa conduite. N'aïant pas voulu comparoitre on le
condamna à mort ; mais il se sauva à Tegée, où il passa le reste de sa, vie en
particulier, fous la sauve-garde de la Déessè Minerve, .& où il mourut de ma-
ladie.
Les Lacédémoniens avoient toujours conservé une trés-grande considé-
ration pour Lysandre, jusque-là qu'après sa mort ceux qui étoient avec Pausa-
nias vouloient livrer la bataille pour avoir son corps, ne voulant pas qu'il lut
dit qu'ils ne l'avoient enlevé qu'à la faveur de la trêve; mais Pausaniasn'aïanc
pas voulu pour cela hazarder un combat, il encourut la disgrace des Lacédé-
moniens & fut obligé de se bannir de sa patrie, ainsi qu'on l'a veu. La pau-
vreté dans la quelle Lysandre mourut, surprit tout le monde & fit beaucoup
d'honneur à ce grand homme, car on étoit persuadé qu'après de si grands em-
plois & tant de richesses distribuées par ses mains, il devoit étre opulent;Ce-
pendant on ne lui trouva rien après sa mort, de telle sorte que ceux qui avoi-
ent fiancé sa fille, voulurent se dédire,voïant qu'il étoit si tuaI dans ses affaires;
mais les Magistrats d'Athènes les condamnèrent à une amende, comme gens
sans coeur, & qui préféroient l'opulence à la vertu & au mérite.
LXXVIII Les mouvemens que les Thébains, les Athéniens & les autres confédérez
Agesilas faisoient dans la Gréce, obligérent les Magistrats de Lacédémone de rapeller
est rapellé Agésilas, Ce rapel étoit
dans la un contretems désagréable à ce Prince , & qui dé-
Gréce. concertoit ses grands projets de la guerre contre les Perses; Cependant il obéït
sur le champ, & écrivit aux Ephores qu'il suivrois sa lettre du plus prés qu'il
pourroit. En partant, il dit que trente mille Archers du Roy de Perse le
chassoient de l'Asie,voulant marquer trente mille piéces d'argent quiportoient ,
gravé d'un côté un Archer, que le Roy Artaxercés avoit envoïées en Grèce,
pour mettre dans ses intérêts ceux qui avoient plus de credit & d'autorité
dans les villes Gréques. En quittant l'Asie, il y laissa Euxene pour son Lieu-
tenant, avec quatre mille Soldats, pour la défense du païs.
LXXIX. En attendant l'arrivée d'Agesilas,les Lacédémoniensavoient donné le com-
Les alliez mandement de leurs troupes à Aristodeme Tuteur du jeune Roy Agesipolis,qui
font bat- n'étoit
tus par les encore qu'un enfant. Les Alliez de leur côté se mirent en campagne,
Lacedé- & dans le conseil que l'on tint pour délibérer sur la manière de faire la guerre
moniens. aux Lacédémoniens Timolaus de Corinthe dit que ce peuple ressem-
Xénophon. bloit à ,
un fleuve qui grossit à mesure qu'il s'éloigne de sa source,& qu'il étoit
lib. 4. Rift,
Crac. d'avis de les aller attaquer chez eux, & même s'il étoit possible, dans leur Ca-
pitale, son sentiment fut agréé de l'assemblée, & on se mit-en devoir de l'exé-
cuter; mais les Lacédémoniens les prévinrent & les attaquèrent sur le chemin.
Comme ils n'étoient encore qu'à Nemée assez prés de Corinthe, les alliez y
eurent du dessous , & Agesilas aïant appris la nouvelle de cette défaite,
lorsqu'il
lorsqu'il étoit encore à Amphipolis, la manda aussitôt aux villes d'Afie pour
les encourager à demeurer fidèles aux Lacédémoniens.
Quand on sçut que ce Prince approchoit de Lacédémone, les Magistrats LXXX.
de cette ville firent publier à son de trompe, que ceux qui voudroient s'enrô- Agesilas
ler pour servir sous Agesilas, pouvoient se présenter ; Il n'y eut pas un seul arrive Béotie.
en
des jeunes gens qui étoient en état de porte rIes armes , qui ne vint donner Plutarcb.
son nom. Mais les Ephores lui en choisirent seulement cinquante des plus in Agesif({J)
braves & des plus robustes , qu'ils lui envoïérent, le priant de se rendre au p. 60).¡-
plûtôt en Béotie. Il obéit, mais en chemin faisant il battit quelques Cavaliers
de Pharsale, qui l'incommodoient dans sa marche. Aprés avoir passé les Ther-
mopyles, & la Phocide, qui ne remuoit point, il se rendit en Béotie,& campa
prés de Cheronée. A peine y fut-il arrivé que leSoleil s'ecîypsa& en même
tems il apprit la défaité de Pisandre & de la flotte Lacédémonienne, dont voici
le détail.
Conon l'Athénien & le Satrape Pharnabaze tenoient la Mer avec la flotte LXXXI.
du Roy de Perse: Conon voïant que la lenteur des secours d'argent qui de. Conoi->
voient venir de la Cour du Roy, faisoient souvent manquer de bonnes occa- Athénien est déclaré
sions prit le parti d'aller en personne faire ses remontrances à Artaxercés ; Général
,
Mais comme il ne pouvoit se résoudre à adorer ce Prince & à se prosterner de l'armée
devant lui, comme faisoient les Perses , il ne put parler immédiatement au navale des
Roy ; il lui fit dire par des truchements avec une liberté peu commune, qu'il Perfes. Il
étoit honteux qu'un aussi grand Roy & aussi opulent laissât dépérir ses affaires remporte
la viCtoire
faute d'argent, & que ses Généraux fussent réduits à demeurer dans l'inaction sur le's La-
faute de ce secours. Le Roy ne désaprouva point la liberté de Conon. Il lui cédémo-
fit compter les sommes dont il avoit besoin, & le nomma Général de son ar- niens.
mée navale. Elle étoit composée de plus de quatre vingt dix vaisseaux ;
Celle de Lacédémone commandée par Pisandre étoit un peu moins forte.
Les deux flottes se rencontrèrent prés Cnide ville maritime de Carie, où
le combat se donna. D'abord Pisandre eut quelque avantage, mais les alliez
des Lacédémoniens aïant pris la fuite il ne put se résoudre à les suivre il
, ,
mourut les armes à la main. Conon qui vouloit effacer la honte de ce qui
étoit arrivé à Oegospotamos, fit des efforts si extraordinaires de valeur, qu'il
prit cinquante vaisseaux aux ennemis, le reste se sauva à Cnide. La plupart
des villes alliées des Lacédémoniens se detachérent de leur alliance, ou se ré-
tablirent dans leur ancienne liberté. Ce fut là le premier degré de la chute
des Lacédémoniens.
Agesilas aïant donc appris la nouvelle de cette defaite,&craignant qu'elle LXXXII.
ne jettât la fraïeur dans le coeur de ses Soldats, qui devoient bientôt combat- Sanglante
bataille
tre les alliez, fit courir le bruit que les Lacédémoniens avoient remporté sur donnée
Mer une grande victoire contre les Perses il parut en public couronné de dans les
,
fleurs & offrit à Apollon des Sacrifices d'actions de g races, & envoïa aux Of- plaines de
ficiers des parts des victimes immolées. Quelque tems aprés se donna la ba- Coronée
taille dans les plaines de Coronées, entre Agesilas, & les alliez. Xénophon entre Age-
silas 6c les
qui étoit dans l'action & qui combattit toujours auprés d'Agesilas, avouë que alliez.
c'est la plus furieuse bataille qui se soit donnée de son tems. Agesilas com- Ceux-ci
mandoit
sont vain- mandoit l'aile droite, & les Orchomeniens l'aile gauche. Du côté des Con-
eus. fédéré les TJ1ébains étoient à la droite, & ceux d'Argos à la gauche.
J(ênoj>hon Du premier choc les Thébaïns mirent en déroute les Orchomeniens, &
in Agejilaï de même Agesilas renversa & mit
encomio en fuite les Argiens ; c'est-à-dire les deux
iniib. 4. ailes droites renversérent les aîles gauches qui leur étoient opposées ; &
Uift- Grec. ces mêmes aîles droites accoururent !pour soutenir leurs ailes gauches.
Plutarcb. Les Thébaïns furent arrêtez en chemin par Agesilas qui au milieu de ces
inAgeiJtlao ,
cinquante jeunes Spartiates qui lui avoient été envoyez , fit des prodiges
de valeur & reçut plusieurs blessures à travers sa Cuirasse. Les Thébaïns
,
aïant formé un Bataillon quarré,le reçurent avec tant de courage qu'il faillit à
demeurer sur la place, & lans le secours des jeunes Lacédémoniens, dont on
a parlé, il n'en seroit point revenu. Ils le tirérent du milieu des ennemis, &
les Thébaïns s'etant fait jour, passérent & se retirèrent au mont Hélicon , sans
qu'on eût pu les entamer. Ce ne fut pas sans perte à la vérité, mais^il se cru-
rent victorieux, n'aïant pu être ni arretez ni forcez par les Lacédémoniens.
Agesilas aïant fait enlever les morts qui étoient demeuré sur le champ
de bataille, se retira dans sa tente pour s'y faire traitter de ses blessures ; & il
ne permit point que l'on fit violence à ceux des ennemis qui s'étoient jettez
dans le Temple de Minerve Itonienne. Il les laissa aller où ils voulurent &
leur donna même une escorte pour les conduire en sureté. Le lendemain
il dressa un trophée en signe de victoire, & les Thébaïns se reconnoissant
vaincus envoïérent lui demander la permission de retirer leurs morts pour
,
Lxxxni leur donner la sépulture.
Retour Aprés avoir rendu graces à Apollon de Delphes & lui avoir offert la
d'Agé silas dixme des dépouïlles, il revint
à Lacédé- par Mer à Lacédémone où il fut reçu au mi-
lieu des applaudissemens de tout le' monde. On s'attendoit que revenant de
mone.
l'Asie, du milieu de la mollesse & de l'opulence il auroit raporté quelque
,
chose des moeurs de ce pays-la, & qu'au moins la grandeur des actions qu'il
avoit faites, l'auroit rendu plus haut & moins populaire ; Mais ce fut la même
modestie, la même frugalité, la même simplicité dans ses manières , dans ses
repas, dans ses meubles, dans sa suite, ne faisant état que de la probité, de la
droiture & de la vertu. 11 entretenoit un grand nombre de chevaux, pour di-
fputer le prix de la course aux jeux Olympiques. On lui en fit un jour com-
pliment, il ne s'en fit point acroire ; Mais pour montrer combien peu de
cas il faisoit de ces sortes d'honneurs, qui ne dépendent ni du mérite , ni de
la vertu, il engagea sa soeur nommée Cynisea à envoïer des chevaux à Elide,
LXXXH r pour disputer le prix aux jeux Olympiques.
Siége de La guerre continuoit toûjours entre les Lacédémoniens & les villes con-
Corinthe fédérées. Agesilas assiégea Corinthe par terre, pendant que Telcutias l'on frere
par Agéfi uterin l'assiégeoit par Mer. Il ne se passa rien de fort mémorable pendant
las.
Plutarch. toute cette campagne, l'avantage étant tantôt du côté des Lacédémoniens, &
inABefi¿ú@ tantôt de celui des alliez. Les peuples des environs de Corinthe l'aïant prié
de ne pas sitôt retirer ses troupes , afin d'empêcher les Corinthiens de taire

f- 607.
leurs semailles;Je me garderai bien, de les en empêcher,repliqua-t'il; Car s'ils
sément leurs champs, ils seront moins hardis à vous faire la guerre , de peur
de
de les perdre. En effet l'année suivante ils firent la paix arec ceux de l'A-
chaïe.
Cependant Pharnabaze & Conon avec la flotte de Perse saisoient le de- LXXXV.
gât sur les côtes de la Laconie,sans trouver aucune résistance. Pharnabaze re- Conon re-
dans son gouvernement de Phrygie.&laina à Conon le commandement tourne à
tourna Athènes,
général de toute la flotte, avec des sommes considérables pour le rétablissement & en re-
des murs d'Athénes.Ce fut pour Conon une gloire & une consolation infinie de bâtit les
retourner ainsi dans sa patrie viél:orieux,&de se trouver en êtat de la rétablir en murs.
état où elle n'auroit osé espérer de se voir jamais, surtout le moïen des An du M.
un par 3611.
Perses qui l'avoient autre fois brûlée, & au dépens des Lacédémoniens qui l'a- avant J. 6.
voient prise & demantelée. Conon commença donc ce grand ouvrage avec 389-
une ardeur incroïable, & y emploïa non seulement les maçons & les ouvriers Xenophon.
ordinaires, mais même les Citoïens, les matelots, les Soldats, les alliez ; Les Hijl.Grœc.
1.4. Dio-
Thébaïns sur tout,anciens ennemis d'Athènes, s'y distinguèrent, & en peu de aor. 1. 14.
tems cette fameuse ville se trouva rétablie & plus formidable que jamais à ses PlUUJTCh.
ennemis. Conon en rendit graces aux Dieux en leur immolant une Héca- 'ir¡Agefilù,.
tombe, ou un sacrifice de cent boeufs, & fit un Festin auquel il invita tout le
peuple d'Athènes.
Ces succés des Athéniens & de leurs alliez, allarmérent Lacédémone. LXXXVI
Elle résolut de recourir au Roy de Perse & de faire la paix avec lui. Ils dé- Les Lacé-
putèrent Antalcide qui commandoit leur flotte, au Satrape Teribaze, pour ac- démoni-
cuser Conon d'avoir abusé de la confiance du Roy emploïant ens re-
son argent à cherchent
réparer les murs d'Athènes, & de vouloir assujettir ,de nouveau à cette ville, la paix Se
l'Eolide & l'Ionie qui lui avoient autrefois obéï ; De plus Antalcide avoit Palliancc
commission de faire au Roy cette proposition qui ne pouvoit que lui être trés avec les
agreable, savoir, de lui abbandonner toute l'Asie, à condition qu'il laisseroitles Perfes.
Isles & les autres villes de la Gréce dans leur liberté & dans l'usage de leurs
loys. On croit qu'Antalcide ne faisoit ces propositions que pour rabbais-
ser la gloire d'Agesilas, en détruisant son ouvrage & en le rendant par la paix
en quelque sorte moins nécessaire à sa patrie. Ainsi souvent les inimitiés par-
ticuliéres sont funestes aux grands Etats.
Dans le même tems Conon avec les Députez des plus considérables vil- LXXXYl!.
les de la Gréce, s'étoit rendu auprés de Teribaze, pour renouveller leur alli- Conon est
arrété &
ance avec la Perse. On leur communiqua les propositions des Lacédémoniens; misà mort
qui furent rejettées d'un commun contentement. Teribaze ravi d'entendre par les
les propositions des Lécédémoniens, répondit qu'il ne pouvoit rien conclure, Perses.
sans les avoir communiquées au Roy;&cependant sous main il donna de l'ar- Xenopban.
^.Hijhr.
gent à Antalcide pour aider à rétablir l'armée navale de Lacédémone,& obli- l.Græc.
ger par là les Atheniens à accepter les conditions que les Lacédémoniens of- Plutarch.
irolent. De plus il arrêta Conon, feignant de croire ce qu'on avoit dit con- inAgeJï/a*.
tre lui, puis il partit en diligence pour rendre compte au Roy de ce qu'on Diodcr.
lui avoit dit & de ce qu'il avoit fait,menantavec lui Conon prisonnier.On croit Sieu!. 1.14.
que ce grand homme y fut exécuté par ordre d'Artaxercés. Diodore de Si- p.Cornel. 442.
cile dit,que Teribaze engagea Conon à aller à Sardes avant lui, & que, quand "Nepts.
il y sut, on le fit arréter. Xenophon dit assez clairement qu'il fut arrêté avant
le départ de Teribaze. Artaxercés reçut fort bien ce Satrape , approuva ce
qu'il avoit fait & l'exhorta à achever ce qu'il avoit si heureusement commen-
cé.
i.xxxrm. Pendant cette négociation le Roy de Perse envoïa Strute dans la Province
Strute est maritime d'Ionie, pour y commander l'armee. Ce Général etoit affectionne
envoié
aux Athéniens & à leurs alliez, en haine des maux qu'Agesilas avoit fait aux
par Arta-
xercés Perses. Les Lacédémoniens envoïérent contre lui Thimbron pour comman-
pour com- der la flotte. Etant arrivé à Ephése, il commença à faire le dégât dans le païs
mander ennemi, pillant & enlevant tout ce qu'il rencontroit.Strute voïant que Thim-
l'armée.
Il tue bron n'avoit ni regle, ni ordre, ni circonspeél:ion dans sa conduite, envoïa
Timbron contre lui toute sa Cavalerie,avec ordre de pousser les Grecs
autantqu'ilspour-
Général roient.Un jour que Thimbron aprés le diner passoit le tems chez Therbndrey
de la flotte qui étoit
un excellent Musicien , & qui comme Spartiate, le méloit auîli de
des Lacé- Guerre; Cette Cavalerie aïant donc trouvé les Lacédémoniens répandus dans
démoni- la
Campagne, tomba sur eux inopinément & tua d'abord Thimbron & Ther-
ens.
sandre; les autres prirent la fuite, & les Perses en taillérent en piéces un grand
nombre; Les autres se sauvérent comme ils purent dans les villes alliées.
Les Lacédémoniens informez de ce désastre envoiérentDiphridas en A1!c,afin
d'y recueillir les débris de l'armée de Thimbron , & pour yprendre taire la guerre a
Strute. Il eut le bonheur peu aprés son arrivée en Asie, de rigrane
avec sa femme qui yenoient de Sardes;
Tigrane étoit frere de Strute,& la priie
fut d'autant plus agréable, qu'elle fournit moïen à Diphridas de payer les trou-
pes, par la quantité d'argent
qu'il trouva avec lui.
LXXXIX, Il reprit bientôt le dessus, & les Athéniens luy opposéreiit Thrasybule,
Thrasybu- qui fut envoïé contre lui avec 40. Vaisseaux ; Mais n'aïant osé l'attaquer , il
le Général alla dans l'Hellespont, où il se flattoit de faire quelque action d'éclat. Eu
de la flotte Roy des Odrysiens & Seuthes qui le fàis'()icnt la
des Athé- effet il reconcilia An1adoc
niens va guerre, & les mit dans les intéréts des Athéniens. Delà il s avança jusqu a
Bi-
dans zance,guerre,
où il rétablit le gouvernement populaire, & laitTa plusieurs Athéniens
l'Helles- dans la ville. Il fit aussi alliance avec ceux de Calcédoine, & réduisit h le de
pont. Lesbos à l'obéïssance des Athéniens. Delà il résolut d'aller attaquer l'île de
mort. conlidera-
Rhodes; Mais étant arrivé à Aspend*e , & en aïant tiré des sortunes dans les terres ;
bles, comme ses Soldats ne laissoient pas de faire le ravage
T elle sist la
Les Aspendiens irritez le tuërent pendant la nuit dans sa tente-
sort. Les Athéniei1s luy
fin de Thrasybule, qui sembloit mériter un meilleur
envoïérent pour successeur Argyrius. siflent de nouveaux
jrc: Les Lacédémoniens craignant que les Athéniens ne
Tpûicrate progrès dans l'Hellespont, sur tout aïant pour eux le Satrape Pharnabaze, en-
Athénien
voïerent Anaxibius avec quelques Galéres & quelques troupes en Asie ou il.
défait d'Eolide à Pharnabaze & fit de grands degÚts dans
Anaxibius enleva quelques places
Général les terres ennemies. Les Athéniens envoïérent Iphicrate pour
lui fane téte ^
des Lacé- retenir dans le devoir les villes que Thrasybule avoit conquises. eut
pour Abyde ; Le Général Lacédémonien
le' bonheur de battre Anaxibius proche
.Iemo.ni-
«as.
voïant qu'il n'y avoit aucun moïen de se sauver, car Iphicrate 1 avoit pris uans

défilé où il lui étoit impossible de ranger ses troupes, Anaxibius , dis-je


un .
conseilla aux Tiens de se sauver, & de se conserverpour leservicedela Républi-
que. Pour luy,aïant. pris son bouclier des mains de son Ecuïer, il combattit
jusqu'au dernier soupir, & mourut au milieu des Officiers de l'armée qui ne le
voulurent pas quitter, une partie de ses Soldats se sauva dans la ville, les au-
tres furent taillez en pièces.
Il seroit long & peut-être ennuïeux d'entrer icy dans le détail des petites
Elles sont
guerres qui se firent entre les Lacédémoniens & les Athéniens.
trop peu importantes pour entrer dans une histoire générale. On peut. con-
sulter le cinquième livre de Xenophon de l'histoire des Grecs.
1iribaze étant enfin de retour de la Cour de Perse, fit savoir aux villes XCI.
Traité clc
de la Grèce que celles qui voudroient entendre la lecture du traité entre le paix entre
,
Roy Artaxercés & les Lacédémoniens pouvoient se rendre auprés de lui ; les Perscs
,
Elles s'y rendirent toutes. Le traité portoit que les villes Gréques de l'Afie & les
demeureroient soumises au Roy, & que toutes les autres petites ou grandes Grecs.
conserveroient leur liberté. Le Roy se réservoit outre cela la possession des Xenephon.
1. 'i'. Rijl.
lies de Cypre & de Clazomenes, & laissoit aux Athéniens celle de Scyros, de Gl-M.
Lemnos & d'Imbros. Il ajoûtoit qu'il se joindroit à ceux qui accepteroient
le traité, pour faire la guerre, par 111er & par terre, à ceux qui refuseroientde
l'accepter. Les Thébaïns y firent dabord quelque opposition ; mais se voïant
abandonnés de tous les autres, ils furent à la fin obligez de se soumettre.
Telle fut la paix conclue entre Artaxercés Mnemon & les Grecs, propo-
sée par les Lacédémoniens, agréée des autres-peuples de la Gréce ; fruit fatal
de la division & de la jalousie, de Sparte contre Athènes ; division & jalousie
plus dangereuses dans les plus puissants états, que ni les ennemis étrangers, ni
la guerre la plus opiniâtre.
Artaxercés aïant heureusement mis fin à la guerre de Grèce, tourna ses XCII.
soins à finir aussi celle de Cypre, qui duroit depuis quelques années contre Histoire
d'Evagore
Evagore Roy de cette île. Evagore descendoit des anciens Roys de Cypre, Roy de
ils avoient regné longtems dans cette lie ; Mais un Phénicien avoit usurpé le Cypre.
Roïaume & l'avoit sournis aux Roys de Perse. Evagore naquit sous le regne ljàcrat. im
de 1'usurpateur & ne fit aucune entreprise pour récupérer le Roïaume qui Evagora.
avoit apartenu à, son Pere, jusqu'à ce que la providence lui en ouvrît le che-
nlÎn. Un des Principaux de Pile égorgea le Tyran, & s'empara du Trône.
Il voulut aussi s'assurer d'Evagore qui lui faisoit ombrage & par son mérite
personnel & par le droit incontestable que sa naissance lui donnoit au Roï-
aume.
Evagore se retira à Solos ville de Cilicie, où aidé de ses amis il forma la
résolution de châtier l'usurpateur & de monter sur le Trône de ses Peres. A
la téte de cinquante hommes seulement il exécute son dessein, & regne à Sa-
lamine; Le reite de Pile obéïssoit encore au Roy de Perse. Evagore par sa
conduite & par son attention à soulager son peuple, à se l'attacher par des bien-
faits, à le former à la guerre augmenta considérablementson petit Roïaume,
,
& s'y maintint malgré les efforts du Roy de Perse. 11 est vrai que la guerre
qu'Artaxercés faisoit alors aux Lacédémoniens& aux Athéniens occupoit la
,
plus grande partie de ses forces ; Mais enfin c'étoit beaucoup pour Evagore,
non seulement de se maintenir , mais même d'accroître sa puissance malgré
un tel adversaire.
XCIII. Dans ces entrefaites Conon, dont on a souvent parlé, se retira prés d'E-
Conon Vagore, aprés la fatale bataille d'Oegos-Pôtamos, où la flotte Athénienne fut
Athénien entiérement défaite. 11 y fut parfaitement bien
se te tire reçu & n'y fut pas inutile à
auprès
son hôte. Conon avoit trouvé le secret de se bien mettre dans l'esprit d'Ar-
d'Evago- taxercés & de gagner sa confiance. Il emploïa les soins & les recommenda-
re,& le re- tions de Ctesias Médecin du Roy pour luy reconcilier Evagore, & il y réiiflit.
concilie Evagore à son tour aïant fait connoitre au Roy que le moïen d'abbattre la
à11 Roy puillànce des Lacédémoniens étoit de les attaquer par Mer, ce Prince confia à
de Perses.
An du M. Conon le commandement de sa flotte & par là lui procura les secours
humilier de Lacédémone ,
e599. pour la puissance & pour rétablir la ville d'Athè-
nes.
An du M. Evagore cependant n'oublioit pas ses propres intérêts & profitant de
3610, l'eloignement des Perses & de l'embarras où ils étoient ,
avant J. C. par la guerre que leur
390. faisoient les Lacédémoniens, ilgagnoit toÚjours du terrain & pouvant ses
Diodor. conquêtes de ville en ville, il travailloit à se rendre maître ,de toute file de
Sicul. /.14. Cypre. Les Cypriots allarmez eurent recours aux Pertes, & en obtinrent
(S sffi-
in
quelques secours, mais trop foibles pour fixer les progrés d'Evagore. Ce
erates
Evagora. Prince l'emportoit toujours & par ses forces & par 1k valeur. Cette guerre
dura six ans, pendant que les Perses occupez à des affaires plus importantes,
ne pouvoient encore ni se déclarer ouvertement contre Evagore, de peur de
s'attirer un nouvel ennemi , ni envoïer contre lui des secours assez puissans
pour le contenir ou le réduire.
XCIV. Mais quand Artaxercés eut fait la paix avec les Grecs, il envoïa contre ce
Guerredes Prince une armée de trois cent mille hommes commandée par Oronte son
Perfes gendre, & une flotte de trois cent galéres sous le commandement de Teri-
contre baze Persan, homme d'une grande valeur &, d'une grande réputation. Evagore
Evagore de son côté forma
Roy de une flotte de quatre vingt dix Galéres,& railànlbla une ar-
Cypre. mée d'environ vingt mille hommes. C'étoit bien peu pour opposer à de si
Siége de grandes forces; Mais aïant des frégates legéres en grand nombre il les em-
,
ploïa avec tant de succés contre celles quiaportoient des vivres àl'arniée enne-
mie,qu'il en coula plusieurs à fond, en prit un grand nombre, & intimida tel-
lement les autres que n'osant plus venir à l'armée des Perfes, la famine s'y
mit, & y causa de ,grandes sëditions , ce qui obligea les Généraux Persans de
faire venir leurs vivres de la Cilicie.
Evagore envoïa demander du secours au Roy d'Egypte, qui lui envoïa
cinquante vaisseaux avec tout le blé & l'argent dont ils avoient besoin. Eva-
gore fortifia de plus sa flotte de soixante nouvelles galéres qu'il fit construire.
Ne pouvant attaquer toute l'armée de terre du Roy de Perse, à cause de la dit<
proportion de ses forces , il l'attaqua par parties , & en défit un gros détache-
ment; Mais aïant livré Un combat naval, il fut à son tour entièrement débit.
Les Perses assiégérent alors Salamine sa Capitale par Mer & par terre, Evagore
se trouvant sans ressource, laisse la défense de la place à son fils Pythagore, en
fort de nuit, & va avec dix galères implorer le secours du Roy d'Egypte. Ce
Prince
Prince ne répondit pas à l'attente d'Evagore ; La ville étoit extrêmement
pressée ; Il la trouve à son retour prête à se rendre , il est obligé de capituler.
On luipropose de rendre toutes les places qu'il tenoit dans l'île , de se con-
&
tenter de Salamine, où il demeureroit avec le titre de Roy, mais tributaire,
sournis comme le serviteur à son maître. Evagore ne peutse résoudre à cette
derniére condition, & on continua le siége. ^
xcv:
La jalousie des deux Généraux Persans lui valut quelque chose. Oronte Disgrace
qui commandoit la flotte,jaloux de la gloire de Teribaze qui commandoit au de Tériha"
siége, l'accusa auprés d'Artaxercés d'avoir des intelligences avec les Lacédé- ze. Il est
moniens, de chercher à s'attacher les Principaux Chefs de l'armée Persanepar mandé à
des présens, des promesses & des caresses,en un mot de former un partie conr de Perf«.
la Cour

tre la personne du Roy. Artaxercés sur ces accusations envoïe un ordre offre d'ar-
réter Téribaze & de le lui envoyer. Ce Satrape crie à la calomnie , &
de se justifier pourveu qu'on lui nomme ses accusateurs, & qu'on lui fasse
, d'accusation formée contre lui.
connoître les Chefs
Cependant Oronte qui avoit pris la place de Téribaze^
,
voïant la vigou- XCVI.
Evagore
reuse résistance des assiégez & le mécontentement des troupes causé par le sait sa paix
,
départ de Téribaze, fit rechercher sous main Evagore, & la negociation aïant & demeu-
été renoiiée, on raïa du traité l'article qui avoit empéché Evagore de conclu- re Roy du
re. Il demeura Roy de Salamine, & tributaire au Roy de Perse,
l'an
il vecuttran-
monde
Salamine.
An du M.
quile dans son petit Roïaume jusqu'à sa mort arrivée vers du 3632. 3619.
11 laissa un fils nommé Nicocles, à qui Isocrate adressa un ouvrage rempli
d'excellens préceptes pour bien regner. Le portrait que ce même Orateur
nous a donné d'Evagore le représente commeun Prince accompli, plein d'hon-
neur, d'equité, de bonne foy, de sagesse, de conduite & de courage , aimant
son peuple, libéral, affable, magnanime, ne faisantrien sans conseil, & écou-
tant avec une docilité merveilleuse les avis qu'on lui donnoit.
Après la disgrace de Téribaze Gaos son gendre Amiral de la flotte de XCVII.
, Revolte
Perse craignant que l'on ne l'accusât d'avoir trempé dans le complot pour le- de Gaos
quel son Beau-Pere avoit été arrêté, & que sur ce simple soupçon oa ne le fit gendre de
mourir, résolut de prévenir ce malheur , & se revolta ouvertement contre le Téribaze.
Roy.ll avoit sçu se faire aimer par tous les Officiers & les Soldats de la flotte, Diodor.
& pour s'assurer d'un puissant secours au dehors , il envoïe à Achosis Roy 1.1),p.H4
d'Egypte, & conclut avec lui une ligue offensive & défensive contre le Roy
de Perse. En même tems il presse vivement les Lacédémoniens d'entrer dans
la ligue, leur promettant de les rendre maîtres de toute la Gréce,& d'y établir
leur manière de gouverner. Ils goûtérent ces propositions, d'autant plus fa-
cilement, que tout le monde leur faisoit des reproches du dernier traité qu'ils
avoient conclu avec la Perse, par lequel ils abbandonnoient tous les Grecs qui
demeuroient en Asie. La revolte de Gaos n'eut point d'autres suites. Il fut
mis à mort en trahison, & Tachos lui aïant succédédans la poursuitedumême
dessein, mourut aussi peu aprés.
Vers le même [tems Artaxercés entra en guerre avec les Cadusiens & XCVIII.
aprés que cetteguerre fut terminée, Téribaze obtint enfin que le Roy lui per- justifica.
de
mettroit de se justifier ; on nomma pour Commissaires trois des principaux tion Tériba-zçw
Dingrate Seigneurs de la Cour,qui aïant ecouté les accusateurs & examiné les Chefs d'ac-
d'Oronte. cusation, confrontèrent Teribaze & entendirent sa justification. On ne pro-
'enopbon duisit contre lui que la lettre d'Oronte, & il repondit à tous les articles qu'elle
Lit), P.462.. contenoit, qu'il étoit si peu de complot avec Evagore, qu'on avoit conclu la
46e.
paix avec lui aux mêmes conditions qu'il lui avoit demandées, à l'exception
d'une seule,qui auroit été glorieuse & avantageuse au Roy ; que les Lacédé-
moniens le regardoient comme leur plus grand ennemi à cause du dernier
traité qu'il avoit fait avec eux, & qui ne sauroit étre plus, désavantageux pour
la Gréce ; qu'enfin on vouloit lui faire un crime d'une choie qui lui faisoit
honneur , en disant qu'il étoit aimé des Officiers & des troupes ; Les trois
Commissaires aïant ouï ses raisons, le déclarèrent innocent ; le Roy lui rendit
&s bonnes graces & disgracia Oronte. 1
Désormais l'histoire des Grecs devient assez stérile ; elle ne nous offre
que peu de faits importans , jusqu'au regne de Philippe Roy de Macédoine &
d'Alexandre le grand son fils. Nous allons les-parcourir, en omettant ceux
qui ont une liaison trop intime avec l'histoire des Hoys de Perse que nous
donnerons immédiatement aprés celle dés Grecs. ,
XC1X. La guerre de Thébes commença entre les Lacédémoniens & les Thé-
Commen- baïns à l'occasion des Principaux de Thébes,qui s'étoient retirés de leur patrie,
cement de pour se soustraire à la domination des Lacédémoniens , qui s'étoient emparé
la guerre de la citadelle de cette ville. Ces exilés avec le secours des Athéniens rentrèrent
de Thebes
entre les de nuit dans la ville,& égorgérent dans leurs maisons tout ce qu'ils trouvèrent de
Lacédé- Thébaïns devouez aux Lacédémoniens, puis aïant assemblé le peuple,ils les ex-
momens. hortèrent à recouvrer leur liberté. La multitude aïant donc pris les armes,atta-
An du M.
3626. qua dez le matin la Citadelle occupée par les Lacédémoniens. Ceux-ci n'é-
avant J. G. toient qu'environ quinze cent. Ils députèrent en diligence à Lacédémone
374. pour informer les Magistrats de la revolte des Thébains & de l'extrémité où
Diodor. ils se trouvoient. Les Thébaïns de leur côté envoient à Athénes pour deman-
l. S.p.47°. der du secours. Aussitôt qu'on eut ouï Jeur demande, les Athéniens nommè-
rent Demophon pour commander le secours , & lui donnèrent cinq mille
hommes de pied, & cinq cent chevaux qui partirent dez le lendemain. Les
villes de Béotie envoïérent à l'envie des troupes à Thébes pour en chasser l'en-
nemi commun , en sorte qu'il s'y trouva bientôt une armée nombreuse qui
poussa vigoureusement le siége de la Citadelle, s'etant partagez par diverses ,
Brigades, afin de se succéder les uns aux autres pour n'interrompre l'attaque
ni jour ni nuit. Les Lacédémoniens aïant différé d'envoïer le secours ceux
la
qui étoientdans Citadelle furent obligez de capituler & de se rendre.lls, furent
renvoyez la vie sauve dans le Péloponése. Les Magistrats de Sparte con-
damnérent à mort deux des 3.COll1111andans,& le troisiéme fut condamné à une
amende si considérable qu'il ne put la payer. Aprés cette expédition les Athé-
niens retournérent chez eux, & les Thébaïnss'attachérent au siége de Thespies.
<?. Les Lacédémoniens s'etant rendus odieux à tous leurs alliez par leur hau-
Soulève- teur & la dureté de leur gouvernementjesThébaïns envolèrent des Députez par
ment de toutes les villes qui obéïiToientauxLacédémoniens,pourles exhorter de secouër
plusieurs
tilles con- le joug de leur domination, & de se joindre à eux pour recouvrer leur liberté.
Les
I Athéniens de leur côté secondoient leur ardeur, & l'on vit en tres-peu de tre les La-
es Mitylene se liguer avec les cé démo- j
tems ceux de Chios, de Bizance, de Rhodes de
Thébaïns & les Athéniens, contre les
,
Lacédémoniens; Pour soutenir ce pre- niens.
conleilcom- An du M.
mier mouvement avec prudence, il fut résolu qu'on formeroitun 3627.
posé d'un Conseiller de chaque ville , sans distindion petite ou grande , que avant J. G.
chacun de ces Conseillers auroit voix délibérative , & que leur assemblée le 37?-
tiendroit à Athènes; Que chaque ville jouïroit de sa liberté , & se gouverne-
roit par elle même, reconnoissant toute fois celle d'Athenes comme le Chef
de la ligue, & le centre de l'autorité commune.
Les Lacédémoniens dans un tel embarras ne pouvant encore emploïer
la force, usérent de douceur, de promesses , d'excuses pour rapeller les villes
à leur obéïssance, sans toute fois cesser de ramasser des troupes &de se mettre
en état d'emploïer la force dans le tems.
En ce même tems le Roy Artaxercés aïant pris la résolution de réduire Achoris
CI.

l'Egypte qui depuis trente-six ans s'étoit maintenue dans l'independance.Achoris Roy d'E-
Roy d'Egypte se prépara sérieusement à la guerre.Commeildonnoitunegrosse gyp-,ese
ses troupes, il se vit bientôt diipole a
paye aux Soldats etrangers qui s'enroloient dans ils manquaient de Corn. se défen-
un grand nombre de Soldats Grecs ; Mais comme
Chabrias à venir se mettre à la tête de ces dre contre
mandans de leur nation, il invita le Roy de
de son &
mouvement Perse.
troupes. Chabrias se rendit à ses desirs, mais comme
sans y étre envoïé par la République. Pharnabaze qui n'avoit pas moins d'en- An du M.
vie d'attirer des Grecs au service du Roy son maître , envoïa à Athènes faire 3627. J. G.
des plaintes de ce qu'on envoïoit Chabrias au Roy d'Egypte, & menaça les avant
Athéniens de l'indignation du Roy son maître, s'ils ne le rapelloientincessam-
372*

ment. Il demandoit en même tems Iphicrate, pour lui confier dans cette
à son service. Les
guerre le commandement des troupes Gréques, qu'ildeavoit Perse, lui accordérent
Athéniens qui avoient besoin de la faveur du Roy
Iphicrate & rapellérent Chabrias, lui marquant le jour auquel il devoit se ren-
dre à Athènes.
La paix qui avoit été faite quelques années auparavant entre les Lace- Cil.
démoniens & les Athéniens fut rompue vers le même tems, par Sphodriades Rupture de paix
Général des Lacédémoniens, qui a l'instigation de Cleombrote Roy de Sparte, entrela les
résolut de s'emparer du Pirée à l'insçu des Ephores ou des Magistrats de La- Lacédé-
cédémone. Il s'en approcha avec dix mille hommes ; Mais les Athéniens moniens
aïant eu avis de son dessein, il fut obligé de se retirer sans rien faire. A son & les Athé-
i%tour à Sparte, on lui fit: son procès ; mais comme il étoit appuie des Roys, niens,
il fut déclaré absou. Les Athéniens regardèrent cette aflion de Sphodriades
comme une rupture de la paix , & firent un decret pour faire la guerre aux
Lacédcmoniens. On choisit pour Chef de cette entreprise Timothée , Cha-
brias & Callistrate, à qui on ordonna de lever vingt mille hommes d'Infanterie
pesamment armée, cinq cent chevaux & d'equiper deux cent Galères. CUL
Les Thébaïns se joignirent aux Athéniens, & résolurent la guerre contre Alliance
Lacédémone. On fit en même tems à Athènes une ordonnance,qui restituoit Thébaïns& entre les
aux anciens possesseurs les champs qui avoient été distribuez par le sort, & que les Athé-
nul Athénien ne pourroit cultiver des champs hors l'Attique ; Ce qui leur niens fon-
concilia l'amitié des autres Grecsâ & fit que plusieurs villes se rangérent de leur
tre les La- parti, entr'autres toutes celles de l'Eube"e , à l'exception d'Adia, qui demeura
eédéinoni- fidèle aux Lacédémoniens ; De maniéré qu'il y eût soixante & dix villes qui
tilb. entrèrent dans cette confédération,&que les Athéniens se trouvèrent à peu pres
egaux en force aux Lacédémoniens. Ces derniers se voïant ainsi affoiblis,
rabbattirent beaucoup de leur hauteur , & par ce moïen se conservérent les
villes qui leur étoient alliées. Le Roy Agesilas fut même Général de leur
armée, & il marcha dans la Béotie à la tête de dix-huit mille hommes de pied
&de quinze cent chevaux.
A la nouvelle de la marche d'Agesilas les Athéniens envoïérent cinq
CIV.
Agesilas mille hommes d'infanterie au secours des Thébaïns. Ces troupes se saisirent
essaye en d'une hauteur fort etenduë située à vingt milles, ou environ sept lieues de Thé-
vain d'at- bes. Agesilas pour tâcher de les attirer au combat, envoïa contr'eux de la
tirer Cha- Cavalerie légère qui fut aisément repoussée; ensuite il mit toute son armée
brias au en
combat. bataille dans la plaine, espérant les intimider; Mais Chabrias Chef des trou-
pes Athéniennes, ordonna à ses gens de se ranger fièrement aussi en bataille,
d'abbaisser leurs boucliers sur leurs genoux & de montrer leurs lances hautes.
Agesilas aïant remarqué leur contenance , crut qu'il ne seroit pas de son hon-
neur de les attaquer dans un poste si avantageux. Il se contenta, ne pouvant
les attirer dans la plaine, de faire le degât dans la campagne d'où il tira de
grandes richesses; comptant pour une espéce de victoire de réduire les enne-
mis à n'oser descendre pour empêcher le ravage de leurs terres. Aprés cela
il se retira dans le Péloponése , & les Thébaïns allèrent assiéger Thefpies,où
ils tuërent l'avant-garde des ennemis, qui étoit de deux cent hommes. Aïant
ensuite été obligez de lever le siége, Phoebidar Lacédémonien qui comman-
doit dans TheCp-ies, les aïant voulu poursuivre dans leur retraite, y perit lui-
même par son imprudence & y perdit plus de trois cent hommes.
CV. Quelque tems aprés Agesilas marcha de nouveau contre Thébes, & cher-
Victoire cha d'engager les Thébaïns au combat par les ravages qu'il faisoit dans leurs
des Thé- Mais ils redoutoient sa valeur, & ses troupes beaucoup supérieu-
bains con- campagnes ;
Agesi- res aux leurs ; Cependant on en vint à la fin a une bataille où d'abord Agesilas
tre
las. eut de l'avantage; Mais presque toute la ville de Thébes étant accouruë au
secours des leurs, Agesilas fit sonner la retraite & abbandonna le champ de
bataille aux Thébaïns , qui érigérent un trophée en signe de vidoire &
commencèrent à se croire égaux en force & en valeur aux Lacédémoni-
ens.
evi. Pendant que ces choses se passoient entre les armées de terre, il y eut\trrt
Vi<a:oire grand combat naval entre les flottes des Athéniens & des Lacédémoniens,
des Athé- qui se donna entre les îles de Naxos & de Paros. Pollis qui commandoit la
niens con- flotte Lacédémonienne étant informé qu'il venoit à Athènes par lUer une
tre les La- grande quantité de blé, se tenoit aux aguets pour surprendre le convoy ; Mais
cédémo-
niens de- les Athéniens aïant envoïé des vaisseaux au devant de ceux qui amenoient le
vant Na- convoy, il arriva heureusement au port de Pirée. Chabrias pour se venger
xos. de Pollis, conduisit la flotte qu'il commandoit devant Naxos , & assiégea la
ville avec toutes ses forces. Pollis accourut au secours, & le combat se donna
devant la ville. Pollis avoit soixante & quinze galéres, & Chabrias quatre
vingt
vingt trois. Pollis qui étoit à l'aile droite, tua Cedon Athénien qui com-
mandoit l'aile gauche , & coula sa galere a fond ; Il en brisa plusieurs autres,
& en mit d'autres en fuite; Mais Chabrias aïant envoïé du secours à son aile
gauche il reprit le dessus & mit en fuite toute la flotte Lacédémonienne.
Il n'osa la, poursuivre, de peur qu'on ne lui fit une affaire de n'avoir pas donné la
sépulture aux morts , comme on en avoit fait une aux Généraux Atheniens
qui avoient remporté la vid:©ire aux Arginuses. Il ramassa donc les corps
morts des Athéniens qui nageoient sur l'eau, & leur aïant donné la sèpultu-
galères Lacédémoniennes,
re, il retourna triomphant à Athènes. Il prit huit
& en fit périr vingt quatre. C'est la premiere vidoire navale que les Athé-
niens aïent gagnée depuis leur desastres ; car celle qu'ils avoient gagnée à
Gnide,étoit plûtost l'ouvrage des Perses qui fournissoient aux frais de la guerre.
Pendant que les Grecs se faisoient ainsi la guerre, le Roy Artaxercés fai- Artaxercés ev1/.
^
soit ses préparatifs pour attaquer l'Egypte & dans l'esperance d'attirer un
, Roy de
plus grand nombre de Soldats Grecs à Ion service , il envoïa des Ambassa- Perse se
deurs dans la Grèce, déclarer à toutes les villes que son intention étoit, qu'ils dispose à
vécussent en paix entr'eux,sur le pied du traité d'Antalcidas, & que toutes les faire la
villes jouïssent de leur liberté, & qu'on retirât toutes les. Garnisons. Cette guerre au
d'E-
Roy
déclaration du Roy fut reçüe & exécutée avec joïe par toutes les villes de la gypt#, &
Gréce, à l'exception des Thébaïns, qui enflez des heureux succés qu'ils avoi- somme les
ent eus jusqu'alors, se flattoient de dominer bientôt sur le reste de la Gréce. vivre Grecs de
Epaminondas dans rassemblée qui se tint à Athénes sur ce sujet, soûtint har- paix en
diment le parti des Thébaïns ; & comme il étoit d'une valeur & d'une sa- entr'eux.
gesse reconnues, on crut qu'il n'auroit pas de peine à soûtenir par les armes, An du M.
ce qu'il avoit avancé dans sa harangue. 3628.
Les Lacédémoniens& les Athéniens qui avoient jusqu'alors été en guerre avant J. C.
372.
pour se disputer l'Empire de la Gréce, firent enfin leur paix sous ces condi- Diodor.
tions, que les Athéniens conserveroient l'Empire de la nier, & les Lacédémo- 1.1\.P.4-7&.
niens celui de la terre. Les autres villes de la Gréce étant rentrées dans la evIl1.
jouï ssan ce de leur liberté, abusérent bientôt de cette prérogative,& commen- les Paix entre
cérent à se brouïller & à se diviser; Le peuple accusant malicieusement& en- niensAthé- &les
voyant en exil ce qu'il y avoit de plus apparent dans chaque ville, confisquant Lacédé-
leurs biens, & les opprimant, en mille manières ; Ce qui causa de nouvelles moniens.
guerres entre ces illustres Exilez & les Citoïens de ces villes, qui les avoient An?628. du M.
injustement maltraittez. D'un autre côté les Thébaïns faisoient la guerre à J.C.
leurs voisins, & les Lacédémoniens se brouillèrent de nouveau avec les Athé- avant 372.
niens ; en sorte que la Gréce se trouva insensiblement au même état où elle
étoit, quand Artaxercés les obligea à quitter les armes.
Ce Prince n'aïant pas réiiiffi dans la guerre qu'il avoit portée en Egy- CIX.
pte, & voïant que les Grecs continuoient à se détruire les uns les autres par Nouvelle ambassade
leurs divisions domestiques, & par les guerres qu'ils se faisoient, leur envoïa d'Artaxer-
de nouveau des Ambassadeurs pour leur dire de s'accorder & de se confor- céspour
mer au fameux traité d'Antalcidas, dont on a parlé. Toutes les villes y don- obliger les
nèrent volontiers les mains, excepté les Thebaïns qui s'opiniatroient à faire Grecs de
la guerre. Les Lacédémoniens les pressoient en conséquence du traité de quitter les
Tom. II. L armes.
mettre
An du M. mettre en liberté tontes les villes de Béotie de rebâtir Platée & Thefpie
36e4. qu'ils avoient détruites, & de les restituer avec, leur territoire à leurs anciens
avant J.C., habitans, Les Thébaïns répliquoient
366. que les Lacédémoniens eussent aussi à
JCenopban.
rendre la liberté à toutes les villes de la Laconie, & qu'ils reitituassent la ville
U Ç./M8?- de Meiïene à ses anciens habitans ; Au fond il y avoit autant de raison d'o-
484* bliger les uns que les autres, de se conformer au traité qui voulut que tou-
tes. les villes de la Gréce jouïssent de leur liberté ; mais les Lacédémoniens
n'etoient pas assez humiliez pour recevoir la loy des Thébaïns & les Thé-
baïns étoient trop fiers, pour obeïr en cela aux Lacédémoniens.,
Ceux-ci avec leurs alliez marchent avec confiance contre laBéotie,per-
fuadez que les Thébaïns ne seroient jamais en état de faire résistance; Les
Thébaïns de leur côté donnent le commandement Général de leur armée,&
la conduite de toute la guerre à Epominondas. Ils envoient à Athènes leurs
femmes & leurs enfans ils enrôlent dans Thébes tous ceux qui sont en
,
âge de porter les armes, & dans la Béotie ils prennent ceux qui sont les plus
propres a servir, avec tout cela l'Armée d'Epaminondas ne montoit qu'envi-
ron à six mille hommes. Comme il sortoit de la ville, il arriva deux choses
qui sembloient être de mauvais augure. On voulut le détourner de paÍIer
outre; Mais il repondit par un ancien vers qui portoit : C'est un excellent
augure que de défendre sa patrie. Les ennemis étoient campez Cheronie.à
Pour lui il s'avança jusqu'aux défilez de Coronie dont il se saisit. Cleombro-
te Général de l'armée ennemi désespérant de forcer ce passage, retourna par
la Phocide & pénétra heureusement en cotoïant la n1er jusque dans la Béo-
tie & se campa à Leudres, où il fit reposer son armée.
CX. Epaminondas s'avança de ce côté-là, & s'empara des hauteurs d'où l'on
ipami- découvroit à plein le camp des ennenlis. Le Conseil des Béotiens qu'on
nondas avoit joint au Général se trouva partagé; de six qu'ils étoient, trois étoient
Chef defr d'avis
Thébaïns de retourner en arriére & d'attendre une meilleure occasion d'attaquer
remporte un ennemi si nombreux , les trois autres du nombre desquels étoit Epami-
la victoire nondas, conseilloient de hazarder la bataille. Un septiéme étant furvenit
à Leurres se joignit à Epaminondas, & l'on résolut de combattre
les ; & pour effacer de
contre l'esprit des Soldats l'image de ces prétendus mauvais présages, Epaminondas
Lacédé-
moniens. fit publier dans le camp d'autres prétendus Oracles,qui rnénaçoient les La-
An du M. cédémoniens d'une perte entiére à Leu&res & qui promettoient la viftoire
3634. aux Thébaïns ; par ce moïen il rassura les esprits , & en même tems il lui
avant J. G, arriva un renfort de quinze cent hommes d'infanterie Tlieffaliciiiie & de cinq
cent chevaux.
Cleombrote Général des Lacédémoniens frappé de la résolution & de
la bonne contenance des Thébaïns, se retiroit déja de la Béotie, lorsqu'il lui
vint d'e nouvelles troupes qui le rassùrérent; Ils retourna donc à Leuélres, &
Pon se disposa de part & d'autre à livrer la bataille. Le Roy Cleombrote &
A,rchida-l11e fils du Roy Agelilas commandoient les deux ailes de l'armée La-
cédémonienne. Epaminondas supplea par san industrie à ce qui lui man-
quoit du côté du nombre. Il mit dans l'une des ailes tolit ce qu'il avoit de
meilleurs Soldats & plaça à l'aile opposée les plus foibles de les troupes,
,
avec
ordre de plier insensiblement & de se retirer, sans néanmoins se déran.
avec
ger, & sans prendre la fuite. s'avance
L'armée Lacédémonienne en forme de Croissant & attaque 1 ar-
mée de Thébaïns, dont une aile se retire , comme il a été dit, pendant que
l'autre poussoit rudement l'ennemi. Le succés du combat fut pendant quel-
tems douteux. Mais Epaminondas & l'élite des siens qui combattoient
que de si grands efforts de valeur , & mal-
au tour de lui & sous sts yeux, firent qu'ils avoient en tête , qu'enfin ils les
traittérent si fort les Lacédémoniens
renversérent; Ce qui n'arriva pourtant qu'après que Cleombrote Roy &Gé..
néral des Lacédémoniens eût été tué, aprés avoir fait tout ce qu'on pouvoit
attendre d'un excellent Capitaine ; Les siens combattirent longtems au
tour de son corps, & ne se retirérent qu'après l'avoir enlevé. Ils firent d a-

défaite..
bord leur retraite avec assez d'ordre; Mais comme ils manquoient de Chefs,
ils furent enfin rompus & entiérément défaits. On compte qu'ils perdirent
prés de quatre mille hommes dans ce combat , & les Thébaïns seulement
trois cent hommes. Cette victoire fitinsinement d'honneur a Epaminondas,
& aux Thébaïns, & les Lacédémoniens ne purent jamais se relever de cette

Ils furent attaquez présqu'en même tems dans le Peloponese par l,es CXI.
Lacé-
cadiens, dont le Chef Lycomedes gagna contre eux une bataille considérable, Les démoni-
Polytrope Chef des Lacédémoniens avec environ deux cent hommes y fut ens sont
tué. Les Arcadiens quoique vainqueurs comprirent bien qu'ils ne pour- attaquez
roient par leurs seules forces résister à celles des Lacédémoniens. Ils s allie- loponésedans le pé-
rent avec les Argiens & ceux d'Elide , & invitérent les Athéniens d'entrer parles Ar.
dans leur Confédération. A leur refus ils s'adressérent aux Thébaïns qui sai- cadiens.
firent de tout leur coeur l'occasion d'entrer dans le Péloponése. Ils y en- Diedor.
voïérent incontinent leurs troupes sous le commandement d'Epaminondas& /.i?.
de Pélopidas. Ils y furent accompagnez par les Locriens & les Phocé-ens,&
étant arrivez dans l'Arcadie, l'armée alliée se trouva monter à plus de cin-
quante mille hommes; ils résolurent de marcher sans délay vers Lacédémo-
ne, & de faire le dégât dans toutes les terres des Lacédémoniens.
Ceux-ci dans cette extrémité rama{sérent le plus de monde qu'ils pu- CXlI.
rent, & envoïérent demander du secours à Athènes. Cette ville qu'ils avoient Les Athé-
autre fois si maltraittée, & dont ils avoient toujours été les ennemis décla- niens cordent
ac-
rez, ne laissa pas de leur accorder ce qu'ils demandoient, & leurenvoïa Iphi- du seco
unseul ur
crate, avec une armée de douze mille hommes qu'on avoit levée dans
aux Lacé.
jour. Epaminondas pénétra dans la Laconie par quatre endroits, & fit le ra. démoni-
vage dans tout le pays, s'avança jusqu'aux portes de Lacédémone où depuis cns.
plus de cinq cent ans on n'avoit veu d'ennemis.La jeunesse de Lacédémone
brûloit d'envie de joindre Epaminondas & de le combattre ; Mais les plus
Anciens & les plus Sages voïant le danger de se commettre avec une armée
si nombreuse, réprimèrent leur ardeur & les retinrent dans la ville pour la dé-
fendre. Epaminondas l'assiégea, & donna l'assaut, mais il fut obligé de se
retirer dans l'Arcadie,chargé des dépouilles qu'il avoit faites dans les terres
des Lacédémoniens. Le secours des Athéniens étant arrivé trop tard
servit de rien aux Lacédémoniens,
^ & s'en retourna dans l'Attique. , ne
Dans cet intervalle il arriva quatre mille hommes de renfort aux Lacé-
démoniens. Ils firent outre cela prendre les armes à mille Ilotes qu'ils avoi-
ent mis en liberté, & à force de les exercer ils les avoient mis en état de
bien combattre & de marcher contre les alliez ,
; Mais Epaminondas au lieu
de livrer une bataille, jugea plus à propos de rétablir la célébre ville de Mes-
sene qui avoit été ruinée par les Lacédémoniens;Dans moins de quatre-vingt-
cinq jours la ville fut rebâtie, fortifiée & peuplée, & Epaminondas aprésy
avoir laissé une bonne garnison, ramena ses troupes dans la Béotie. ,
Les Lacédémoniens se croïant fort heureux d'être echappez d'un si
grand danger, envoïérent des Ambassadeurs à Athènes, pour renouveller l'al-
liance ou la paix qu'ils avoient faite auparavant, & q.ui portoit que les Athé-
niens auroient l'Empire de la mer, & les Lacédémoniens celui de la terre.
€XUl L'année suivante les Thébaïns & leurs alliez se disposêrent d'entrer de
Ipami- nouveau dans le Péloponése; mais les Athéniens y envoïérent Chabrias, qui
nondas
force le rassembla dix mille hommes tant des Soldats Athéniens, que des alliez, aux-
mur qui quels les Lacédémoniens se joignirent avec quelques autres, ce qui forma en
défendoit tout une armée de vingt mille hommes. Chabrias conseilla de fortifier l'ifth-
l'entrée de Corinthe pour fermer aux Thébaïns l'entrée du Péloponése. L'ou-
du Pélo- me
ponése. vrage fut conduit avec tant de diligence & d'ardeur qu'il fut achevé avant
An du M. l'arrivée d'Epaminondas. Ce Général aïant visité tout l'ouvrage remarqua
g63j. que l'endroit qui étoit gardé par les Lacédémoniens étoit mal fortifié ,
&
avant J. a. qu'il ne seroit pas mal aisé de le forcer, Il essaya d'abord de les attirer, au
J6S. combat; mais voïant que personne ne vouloit sortir des retranchemens il
attaqua les Lacédémoniens, & aprés une assez vigoureuse résistance de leur ,
part, ils les renversa & s'ouvrit un passage libre dans le Péloponése. Il y fit
le dégât & reçut à composition les villes de Sicyone & de PhoelHlte. Delà
il revint à Corinthe pour en former le siége.
Les Corinthiens étant sortis pour l'empêcher furent repoussez avec
grande perte, & plusieurs Thébaïns entrèrent même ,avec eux dans la ville ;
mais Chabrias qui s'y étoit jetté avec ses Athéniens, les reçut avec tant de vi-
gueur, qu'après en avoir tué un grand nombre, les obligea de se retirer avec
grande perte.
CXIV. L'année suivante le Roy Artaxercés envoïa de nouveau dans la Gréce un
Artaxercés Ambassadeur nommé Philisque, obliger les Grecs a quitter les armes &
eut obli- pour
à vivre en paix. Toutes les villes de la Gréce y consentirent à l'exception
ger les de Thébes ; Philisque choqué de leur fierté laissa aux Lacédémoniens deux
Grecs à
'vfvre en mille hommes qu'il avoit levez aux dépens du Roy, & retourna en Perse.
paix. Toute fois les Thébaïns ne voulant pas aigrir le Roy de Perse, ni s'atti.
An du M, rer un si puissant ennemi, députèrent
96?6. vers lui Pelopidas &Ismenias deux des
avant J. C.
premiers hommes de leur Republique. Les Athéniens y envoïérent Tima-
e64. goras & Leontes, & les autres villes libres y députérent de même , chacune
Diodar. de leur côté. Dans l'audience que le Roy leur accorda, Ismenias, pour ne
S. P-494- pas irriter les Perses
en manquant de se prosterner devant le Roy, laissa ex-
prés
prés tomber son anneau de doigt, & en le ramassant parut satisfaire en quel- Xenaph,..
sorte à que la coutume exigeoit de lui. Timagoras l'Athénien fit la GrAC.
que ce
^
cérémonie sans reserve; mais à son retour à Athènes, il fut, dit-on, pour cela cxv.
Riss.l. 7.
condamné à mort. Pelopidas & Leontes refusérent de rendre cet hommage Députa-
au Roy, & il leur en sçut si peu mauvais gré, qu'il les vitplusieurs Le Roy villes
fois,&Pe- tion des
lopidas en particulier obtint de ce Prince tout ce qu'il voulut. Gré..
écrivit aux Lacédémoniens de laisser Messene jouïr de sa liberté, aux Athé- le que s vers
Roy
niens de retirer leurs flottes, & menaça ceux qui troubleroient ,ja paix
, ou Artaxercés
la liberté de la Gréce, de leur déclarer la guerre. Plutarch.
C'étoit tout ce que les Thébaïns pouvoient souhaiter, & ils se flattoient in Pelopida
&
de devenir bientôt les plus puissants de la Gréce & d'y exercer leur empire; Artaxerce.
mais ils furent trompez dans leurs espérances; car les villes de Gréce s'étant Valer.
assemblées pour entendre ce que portoient les lettres d'Artaxercés, refusérent Max. V. 3.
toutes de se soûmettre aux conditions qu'elles leur préscrivoient, & le Roy CX VI.
occupé à d'autres affaires plus pressantes , n'eut pas le moïen d'envoïer une continué
La guerce
armée pour les y contraindre; Ainsi la guerre continua entre les Grecs , & dans la
les Béotiens, aï'^nt à leur tête Pelopidas & Ismenias,entreprirent de faire quel- Gréce.
ques conquêtes dans la Thessalie ; mais ils furent pris eX. arrétez en trahison Epami-
nondas
par Alexandre Roy ou Tyran de Pherée; Ce Prince envoïa demander du se- tire l'ar-
cours aux Athéniens , les Thébaïns de leur côté accoururent pour délivrer mée des
leurs Généraux ; mais aprés avoir perdu plusieurs de leurs gens , comme ils Thébaïns
s'en retournoient, ils furent obligez de prier Epaminondasqui étoit alors dans d'ungrand
une éspéce de disgrâce, faisant la fondion de simple soldat dansParmée3pour danger. -
n'avoir pas poursuivi les Lacédémoniens, comme il l'auroit pû , aprés avoir
forcé les murs sur l'isthme de Corinthe ; Ils priérent, dis-je, dans cette extré-
mité, Epaminondas, de prendre le commandement de l'armée, & de la tirer
du danger où elle étoit. Ce grand homme forma aussitôt un corps composé
de troupes légèrement armées, & de ce qu'il y avoit de Cavaliers dans l'ar-
mée, & les aïant placez à la queue des Thébaïns, il soûtint les efforts des en-
nemis, tournant contre eux de tems en tems & faisant de vives escarmouches,
pendant que le reste de l'armée s'avançoit vers la Béotie. Au retour de cette
expedition on condamna à une grosse amende les Généraux qui avoientainsi
exposé l'armée au danger d'être entièrement défaite, & Epaminondas se remit CXVll.
par cette derniére action plus en crédit que jamais. Viftoire
Dans le Péloponése les Lacédémoniens remportèrent une victoire insigne remportée
parles La.
contre les Arcadiens,où ils ne perdirent pas un seul homme , & tuërent dix cédémo-
mille Arcadiens. Ceux-ci n'olerent plus depuis ce tems attaquer les Lacé- niens sur
démoniens, mais ils bâtirent la ville de Megalopolis qu'ils Peuplèrent des ha- les Arca-
bitans de dix villages des environs. diens.
du
La campagne suivante les Thébaïns délivrèrent Pelopidas des mains d'A- An3657.,M.
lexandre Tyran de Pherée, & Epaminondas entra dans le Péloponésé, où il avant J. C.
attira dans son parti les Achéens & quelques autres peuples. Toutes ces pe- 36,*
tites guerres n'abboutifsoient qu'à ruiner la Gréce & à épuiser ses forces. Ar- Diodor.
taxercés envoïa pour la quatrième fois des Ambassadeurs pour les sommer de 115 cxvm.
quitter les armes & de faire la paix. Ils obéirent, & ainsi finit la guerre entre Fin de la.
guerre en- les Béotiens & les Lacédémoniens , aprés avoir duré cinq ans, depuis la fa-
tre lesBéo- meuse bataille de Leuétres.
tiens& les Epaminondas toûjours attentif au bien & à la gloire de sa patrie,persuada
Lacédé- Béotiens de se rendre maîtres de l'Empire de la mer, comme ils l'étoient
moniens. aux
An du M. dans la Gréce de celui de la terre. Pour l'exécution de ce grand dessein, ils
36;8. construisirent cent vaisseaux & députèrent Epaminondas à Rhodes, à Chios &
avant J. C. à Bizance, pour les inviter à leur aider dans le dessein de former flotte
262. une
nombreuse; mais ce grand projet echoüa parla mort d'Epaminondas arrivée
peu de tems aprés dans la bataille de Mantinée.
CXIX. Les Arcadiens & les peuples de l'Elide aïant pris quérelle à l'occasion de
Epann' quelques présens sacrez, qu'on accusoit ceux de Mantinée d'avoir soustraits,
nondas vint à une guerre ouverte, les Arcadiens se partagèrent encore entr'eux.
veut sur- on en
prendre Ceux de Tegée implorèrent le secours des Thébaïns , & ceux de Mantinée
Lacédé- celui des Athéniens & des Lacédémoniens. Epaminondas fut envoïé de la
mone. 11 part des Béotiens, & les Lacédémoniens vinrent au secours des Mantinéens
est décou- sous la conduite de leur Roy Agis. Epaminondas voïant l'armée de La-
vert, &
cédémone en campagne, jugea que la ville étoit dégarnie & nlalgardée &
manque
son coup. résolut de la surprendre. Agis qui se douta du stratagéme d'Epaminondas,,
envoïa en diligence à la ville, & ordonna qu'on fit bonne garde, & qu'il ar-
riveroit bientôt avec ses troupes.
Epaminondas arriva à Sparte de très-grand matin, aprés avoir marché
toute la nuit. Il trouva Agesilas à la tête de la bourgeoisie & de tout ce qu'il
y avoit d'enfans & de Vieillards dans la ville quiengardaient les avenues &
qui l'attendoient de pied ferme. Il reconnut alors que son dessein avoit été
découvert; 11 ne laissa pas d'attaquer la ville par plusieurs endroits & il ne
cessa de combattre que quand il sçut que l'armée du Roy Agis s'aprochoit.
,
Alors
il sut obligé de faire sa retraite; mais dans le même tems aïant appris que ceux
de Mantinée marchoient aussi au secours des Lacédémoniens il résolut de
profiter de leur absence pour se rendre maître de leur ville. , Aprés donc
avoir fait prendre de la nourriture à les gens, il partit la nuit même & arriva
devant Mantinée, lorsqu'on s'y attendoit le moins; mais quoiqu'il eût si bien
pris ses mesures, il ne laissa pas de manquer son coup parcequ'au moment
qu'il y devoit entrer, les troupes Athéniennes parurent, & y jettérent du ren-
fort, & d'un autre côté les Lacédémoniens & ceux de Mantinée arrivérent
& formèrent, étant réünis, un corps de plus, de vingt mille hommes de pied;
& de plus de deux mille chevaux. L'armée que ccmmandoit Epaminondas
futgrossie par les troupes des Arcadiens, des Argiens & de ceux d'Achaïe,
en sorte qu'elle étoit d'environ trente mille hommes de pied & de trois mille
chevaux.
Comme toutes ces troupes ne demandoient qu'à combattre, on s'y dif-
Mort d'E- posa de part & d'autre. Les Lacédémoniens avec les Mantinéens & les Ar-
paminon- cadiens de leur parti avoient l'aile gauche. Les Athéniens étoient à la
das, vi&oi-. droi-
tedesThé- te; Dans l'armée commandée par Epaminondas , les Thébaïns prirent l'aile
bains con- gauche & donnérent la droite aux Argiens. Le centre de l'armée étoit oc-
tre les La.- cupé par les alliez. La Cavalerie étoit distribuée sur les extrémitez des ailes.
Elle
Elle commença a eicarmoucner, & les Cavaliers Athéniens, quoique les meli- cédémt)080
leurs de toute la Grèce, furent renversez par les Thébaïns qui étoient en plus niens &
grand nombre & soutenus par quantité de frondeurs & de gens de traits. leurs aL-
Toute fois il ne se débandèrent pas, & les Thébaïns, au lieu de les poursui- liez.
vre, tombèrent sur l'infanterie ennemie, cherchant à l'enfoncer & à se faire
jour au travers; Les Athéniens eurent beaucoup à souffrir, & ils avoientcom-
mence à plier, lorsque le Général de la Cavalerie des Eliens étant survenu,
repoussa les Thébaïns & fit reprendre coeur aux Athéniens. A l'aîle opposée
la Cavalerie de Mantinée fut entiérement défaite par celle de Béotie & de
Thessalie. Tel fut le succés du combat de la Cavalerie.
L'infanterie des deux côtez étoit la plus nombreuse qu'on eut encore 1

veu dans aucune bataille de Grecs contre Grecs; & les Généraux qui la com-
mandoient étoient les plus excellens qu'on connût alors. Les Béotiens 8c
les Lacédémoniens s'etant rencontrez opposez les uns aux autres, combatti-
rent en gens qui ne tiennent compte de la vie, & qui ne cherchent qu'à vain-
cre. Ils combattirent avec un acharnement inexplicable , & la vidoire fut
longtems douteuse ; Enfin Epaminondas crut qu'il falloit risquer sa vie pour
s'aiïurer la vidoire. Il rassemble au tour de lui tout ce qu'il avoit de meil-
leurs Soldats, & en aïant coinposé un pelotton, il se jette au milieu des en-
nemis, & porte un coup au Général des Lacédémoniens. Ceux-ci ne pou- -

vant soutenir contre des gens si déterminez & si vaillans , sont obligez de
céder & de se retirer. Epaminondas ne consultant que son courage & s'a-
,
vançant toujours avec une intrépidité peu mesurée se trouve si avant parmi
,
les ennemis, que ceux-ci faisant un dernier effort, l'accablent de traits. Il en * i
repousse une partie
,
évite les autres
, en arrache même quelqu'uns de sort .....1
corps, & les lance contre l'ennemi ; mais enfin aïant reçu un coup mortel
dans la poitrine le bois de la lance étant rompu & le fer étant demeuré 1
, ,
dans la playe, il fut renversé au milieu d'un tas d'ennemis qu'il avoit abbatu
à ses pieds.
Les Thébaïns au désespoir de la perte d'un tel Chef, renouvellent leurs
efforts pour avoir son corps. Le combat recommence, & il périt une infinité
de braves gens de part & d'autre ; Cependant les Béotiens repoussent enfin
les Lacédémoniens & demeurent maîtres du champ de bataille & des morts
qui y étoient en trés-grand nombre. On érigea des trophées des deux par-
tis, l'un & l'autre s'attribuant la victoire, & aucun ne voulant faire la démar-
che de demander les (îbrps des fiens; toute fois les Lacédémoniens envoïé-
rent enfin un Héraut pour cela, & alors chacun commença à donner lasépul-
ture à ses morts.
Epaminondas fut reporté dans le champ respirant encore, & aïant le fer C,YXI.
de la lance dans le corps. Les Médecins lui déclarèrent qu'aussitôt qu'anlui Eloge dr£-
auroit arraché ce fer, il rendroit l'esprit. Alors il demanda à son Ecuyer s'il paminott-
avoit raporté son bouclier de la mélée, l'ecuyer le lui afsura & lui fit voir son 6las.
bouclier. Ensuite il demanda qui avoit remporté la v1uoire? On lui dit que
c'étoit les Béotie¡.¡s. C'est assez, dit-il, il est tems de mourir, s'etant fait tirer
le fer meurtrier il expira fons témoigner le moindre trouble.
Telle
Telle fut la fin d'Epaminondas le plus grand homme qui fut alors dans
la Gréce, & peut-être le plus grand de tous ceux qui y aïent paru jusqu'a-
lors : Car les autres pour l'ordinaire n'excelloient qu'en une chose ; Celui-ci
réiiniiïbit en sa personne toutes les qualitez qui avoient séparemment diltin-
gué ceux qui s'étoient aquis le plus -de réputation dans la Gréce. Il étoit
grand Capitaine, bon Soldat, éloquent, équitable, désintéressé , magnanime,
grand politique, plein de ressources, fecond en expédiens, prévoïant labo-
,
rieux, infatigable. Il a porté la gloire des Thébaïns à son comble,& depuis
lui on ne vit plus dans la Grèce de ces grands Capitaines qu'on y avoit veu
jusqu'alors.
CXXIl. Depuis la bataille de Mantinée dans laquelle les forces de la Gréce fu-
Paix dans rent, pour ainsi dire, épuisées de la part des vaincus , comme de la part des
la Gréce. vainqueurs, on songea sérieusement à faire la paix. Elle fut alternent con-
Les Lacétlé cluë, tous étoient las de la guerre. Les Lacédémoniens furent les
moniens parceque
continu- seuls qui n'y voulurent pas entrer , par la haine implacable qu'ils portoient
ent la aux Messeniens.
guerre
contre les
Meffeni-
ens. LIVRE XII.

J.
DAns l'intervalle dont nous venons de donner l'histoireCapitaines
la Gréce pro-
,
Ecrivains duisit non seulement un grand nombre d'excellens & de
Illustres grands Politiques, elle fut aussi feconde en hommes de lettre,Orateurs,
dans la Poëtes,Philosophes, Historiens, & comme alors la décision des gran-
Gréce. des affaires dépendoit de la volonté des peuples, & qu'elles se traittoientdans
des assemblées publiques, les hommes de guerre & d'Etat étoient obligez de
cultiver l'éloquence, afin de persuader au peuple ce qui étoit du bien & de
la gloire de la Republique; Aussi voïons-nous que la plûpart de ces grands
hommes qui commandoient si bien les armées, excelloient aussi dans l'art de
bien dire & de remuer les coeurs & les passions; & réciproquement les Phi-
losophes, les Poëtes-mêmes & les Orateurs ne négligeoient pas le métier de
la guerre dans ces Republiques, où tous les Citoïens étoient soldats& étoient
obligez dans l'occasion de prendre les armes pour défendre la liberté com-
mune. Socrate étoit aussi bon Soldat que bon Philomphe, & Xenophon son
disciple, s'est distingué dans le commandement des troupes, comme dans la
Philosophie. Thucidide, dont nous avons l'histoire, a eu part aux affàires
de la guerre, & a commandé des corps d'armée.
Simonide . Simonide l'ancien, car il y en a plusieurs de ce nom , étoit natif de Cée
né vers petite île vis à-vis l'Eubée , & vivoit vers la 6s- Olympiade. On met sa
l'an du M • naissance vers l'an du monde 3447. & sa mort quatre vingt seize ans après.
3447. mor t Il avoit une mémoire excellente, & on dit qu'il inventa l'art de mémoire ar-
cn?U3- tificielle, dont les anciens ont fait beaucoup d'usage & qui cst aujourd'huy
avant J. G,. Il excelloit
,
à faire des chansons & sur tout des pièces touchantes
457- inconnu.
&des
& des airs propres à emouvoir la compassion ( a ). On raconte qu'aïant un (a)
jour récité une de ses piéces qu'il avoit composée pour Scopas,homme riche Cattill. Epi.
& puissant en Thessalie, comme il y avoit mélé plusieurs choses à la manière 1iram. v. 8.
des Poëtes en l'honneur de Castor & de Pollux, Scopas ridiculement jaloux Paululunt
de ces éloges , dit à Simonide en lui donnant moitié de ce qu'il lui avoit quidlibet
promis ; Allez demander le reste à Castor & Pollux, dont vous avez si bien adlocutiu-
célébré les louanges. Un moment après on vint dire à Simonide que deux ni s.
Moejiius
jeunes hommes le demandoient à la porte. Il sortit, &,ne trouva personne. Lacrymis
Au même moment le plafond de la salle où Scopas étoit à table avec ses Simoni-
amis, enfonça & les écrasa sous ses ruines, de telle sorte que l'on ne pouvoit deis.
pas même les distinguer ni les reconnaître pour leur donner la sépulture. Si-
monide fut apellé & les distingua par les places qu'ils avoient à table,& dont
il se souvenoit parfaitement. On ajoûte que cet accident contribua à lui
faire perfectionnerl'art de la memoire, en lui faisant comprendre que l'ordre
& l'arrangement des idées & des mots , y contribuënt plus que toute autre
chose.
Ciceron (b) raconte de lui qu'étant prié par Hieron Tyran de Syracu- Ch)
se, qui l'aimoit singuliérement, de lui dire ce que c'étoit que Dieu, Simoni- Cicero. dt
Deor.
de demanda un jour pour y penser , le lendemain il en demanda deux , & nat. /. 1. c. ^2.
doublant toûjours les jours, il dit enfin à Hieron, que plus il y pensoit,moins
il pouvoit comprendre la nature de la Divinité. Simonides ajoûta quatre
Lettres à l'Alphabet Grec f'Eta & l'Omega & les deux lettres doubles Xi, &
Phi. On l'accuse d'avoir été trop intéressé & Pindare lui reproche d'avoir (a) -
,
le premier rendu la Muse mercenaire. Il ecrivit des Odes, des Elegies , des Pindar.
Epigrammes, & il s'en trouve encore quelques-unes sous son nom dans les Od*
Anthologies. On lui attribuë aussi une histoire de la bataille de Maraton & IL
1.
de celle de Salamine que nous n'avons plus. Les uns disent qu'il vécut 56. Simonide
ans, d'autres seulement 89. il eut un petit-fils né de sa fille, nommé aussi Simo- le jeune.
nides, qui composa des poësies un livre de Généalogies, & un traité des
,
choses nouvellement découvertes.Tous ces ouvrages sont perdus.
Stesichore autre Poëte Lyrique, étoit Sicilien, natif de la ville d'Himere. 111.
Son vrai nom étoit Tisîas ; mais aïant mis en usage de mêler le chant des vers Stesichore
mort vers
au son des instrumens, on lui donna le nom de Stefichore , comme qui diroit, l'an du M.
qui arréte ou qui fixe le Choeur des musiciens. Son caraftére étoit la gravité, la 3428.
force, la grandeur, l'élévation, la Majesté du stile. On raconte qu'aïant com- avant J. C.
posé une invedive trés-aigre contre Hélène comme cause de la guerre de 172-
Troye, Castor & Pollux freres d'Heléne, lui, ôtérent la veuë,mais aïant chan-
té la Palinodie, ils la lui rendirent. Il ne nous reste de ses poësies, que quel-
ques fragmens. On lui bâtit un Mausolée superbe à Catane. Ce Mausolée
étoit composé tout de huit, huit colomnes, huit angles, huit dégrez &c.Delà
est venu le nom de Stefichorîus,dans le jeu de dez, pour le nombre de huit. On
met sa mort vers l'an du monde 3428.
Theognis étoit de Mégare dans l'Attique. Il s'apliqua à la Poësie Lyri- 7r.
Theognis.
que, il a vécu sous Croesus , & n'est mort que vers le commencement de la Fleurissoit
guerre des Perses contre les Grecs. Il n'est pas bien certain si celui dont vers l'an
«ÈuM.?4$6. nous parlons, est Auteur des sentences morales en vers.que nous avons sous
avantJ. 6. le nom de Theognis. La plupart de ces maximes sont trés-belles, & trés-con-
544* formes à la raison ; Mais d'autres se ressentent des ténébres & de la corrup-
tion du Paganisme.
V. Phérecides natif de l'île de Syros, disciple de Pittacus,l'un des sept Sa-
Phérecides
fleurit vers ges; Ciceron dit qu'il vivoit sous le regne de Servius Tullius Roy de Rome.
l'an du M. Jamblique (a) avance qu'il fut maître de Pythagore , & Tzetzes ; qu'il eut
946o. 1 hales de Milet pour disciple. /Apulée (£) croit qu'il est le premier des Grecs
avant J. G. qui ait écrit en proie, avant lui on n'écrivoit qu'en vers. Phérecides étoit
540.
00 Theologien & Philosophe. Il écrivit dix livres de Theogonie ou de la Gé-
TFAMBLIC. néalogie des Dieux marquant leur naissance & leur mort. Il avoit
,
in vita PY- aussi prédit des Eclypses, des naufrages, des trembleniens de terre ; On
TBagor,e. attribuoit ces prédictions à une art de deviner mais c'étoit un ef-
Ch) ,
\DPULEIUS-
fet de la connoissance qu'il avoit de la Physique. Diogene de Laërce dit
in FLORIDIS. qu'il avoit écrit sur la nature & sur les Dieux. Il mourut de la maladie pé-
co diculaire. Saumaise (c) soûtient qu'il y a eu deux Pherecides, tous deux na-
Salmaj. in tifs de Syros; Le premier plus ancien étoit Théologien & le second Astro-
solin. ,
logue, le même dont on voïoit le Cadran dans l'île de Syros. On peut con-
p. 842. sulter le savant Critique.
VI. Pythagore, que l'on fait disciple de Pherecide l'ancien, étoit natif de Sa-
Pythagore mos, fils de MneÍarque graveur en pierres prétieuses. Il fut Auteur de la sede
mort agé de Philosophie, que l'on nomme L'italienne, Aprés avoir pris les leçons de
de 90. ans
l'an 3 1 14. Pherecides, il eut pour maitre Hermodamas, delà il passa en Egypte, pour y
ou vC. entendre les plus célèbres des Prêtres du païs. St.Clement d'Alexandrie ( a )
avant nomme Sonchedi le Prétre qui instruisit Pythagore dans les sciences de l'E-
4
(a) gypte; Et pour avoir lieu d'entrer dans les mystéres & dans les connoissances
Clem.Alex. les plus abstruses de ce païs, Pythagore se fit circoncire.
Il apprit dans l'Egy-
/. 1. STRO- pte les Cérémonies des Sacrifices & des purifications , & les communiqua
Mat. aux Grecs. De l'Egypte il passa dans la Caldée, & à Babilonne où il se fit
instruire de l'Astronomie & des sciences des Caldéens. On prétend même qu'il
y vit le Prophète Ezéchie1, & qu'il apprit beaucoup de choses de la religion
des Juifs.
De retour en sa patrie, ne pouvant souffrir la Tyrannie de Polycrate &
de Sylosontes, il se retira dans la grande Gréce,où il établit la secte Italique.
C'est de lui que le nom de Philosophe est venu à ceux qui s'etudioient à l'étu-
de de la sagesse ; Car aïant refusé le titre de Sage , il se contenta de celui de
%
Philosophe ou amateur de la Sagesse. Il éprouvoit ses disciples par un silence
de cinq ans, qu'il leur faisoit rigoureusement observer, aprés quoy il leur dé-
couvroit les secrets de la Philosophie pythagoricienne , qui consistoient en
préceptes moraux, envelopez pour l'ordinaire sous l'écorce de quelque enig-
me ; 11 étoit trés-habile dans les Mathématiques , aïant, dit-on , inventé de
nouvelles regles d'Arithmétique, & aïant perfectionné la Géometrie. 11 eut
jusqu'à-6oo. disciples qui venoient prendre ses leçons pendant la nuit, & qui
avoient pour lui une si parfaite vénération, qu'ils ne raisonnoient pas même
/ contre ce qu'il avoit dit. Toutes ses paroles étoient pour eux autant; d'Ora-
cles.
Metempsycose, ou de a
des. Il avoit reçu des Egyptiens le dogme de la
transmigration des ames d'un corps dans un autre , & 1 avoi rePa M *

son Ecole. Archytas de Tarente, Alcmaeon Crotoniate, Hippase de Meta-


ponte, & Philolaus de Crotone, furent les plus célébrés de ses discip les.
Il étoit si sérieux qu'on ne le vit jamais ni pleurer ni rire ; Il n uloit ja-
Quelqu'uns disent qu 'il s abstenoit aussi de-
;
mais de viande d'aucun animal.
féves mais d'autres soûtiennent au contraire qu'il en usoit souvent, & q
quand il consultois de s'abstenir de féves, il vouloit marquer figurément qu
falloit garder la continence, ou. du moins la chasteté conjugale. Pour luy
fut jamais marié. Il donna des loys aux Crotoniates & aux Metapontins,
ne Apres avoir demeure
& les réduisit à un genre de vie sérieux & severe.
assez longtems à Crotone, il passa à Metaponte ou il mourut. On ne con-
vient pas du genre de sa mort. Il étoit âgé de quatre vingt dix ans, & aprés
sa mort il fut honoré comme une Divinité dans la ville de Metaponte. On
place sa mort en la quatriéme année de la soixante & dixième Olympiade,
2^8. ans aprés la fondation de Rome. Il ne nous reste point de corps
d'ouvrage de Pythagore ; mais seulement quelques vers moraux & iententi-
qui sont citez sous le nom de vers dorez de
eux, qui lui sont attribuez &
Pythagore; De plus deux lettres fort courtes de Pythagore, l'une Anaxi- à
méne & l'autre à Hieron de Syracuse. Tzerzez raconte que quelqu uns Tzerzez
croïent que ce Philosophe fût brûlé avec ses disciples dans la mailon de Mi- Chiliad.
XL
lon le Crotoniate ; D'autres qu'il fut tiré du feu par ses disciples qui s expo-
sérent au danger pour le garantir; D'autres enfin que s'étant enferme a Me-
taponte dans le Temple des Muses, il y demeura 4°. jours sans manger, & y
mourut âgé de 99. ans.
Nous avons parlé ailleurs de Thales de Milet aussi disciple
de Phérecides.
VIl.
Eschile, ou Oeschile Poëte tragique, se distingua premiérement dans les Eschile ne
armes par sa valeur; ensuite il s'appliqua à la Poësie, &rëùuitprincipalement
intro- vers l'an
' dans le tragique, son stile étoit noble & grand. Il est premier
le qui -Ç14. mort
duisit sur le Théatre des personnages avec des brodequins pour les faire pa- âgé de 6j.
roître d'une taille avantageuse & dans des habits proportionnez à la dignité ansH79. en
de leurs personnages. Il fit paroître les Eumenides, aïant la- tête envelopée avant J. C.
de serpens au lieu de cheveux. On lui avoit prédit qu'il périroit sous les 4^1.
ruines d'une maison, pour eviter ce malheur il évitoit de demeùrer dans les ,

villes. Un jour qu'il se promenoit à la Campagne aïant la tête chauve &


découverte, une Aigle qui portoit une huitre dans ses serres, la laissa tomber
sur sa tête; Croïant que c'étoitun rocher, pour briser l'huitre & en manger
la chair: mais l'huitre par sa chute cassa la tête du Poëte , & vérifia la prédi-
ssion. On met sa mort vers l'an du monde 3579- Il étoit âgé de 61. ans. VilL
Vers le même tems vivoit Hipponax, Poëte natif d'Ephése Inventeur du Hipponax.
vers nommé Scazcn, iambique ou HipponaE/ique. Comme il étoit fort laid, vers l'an
quelques Peintres pour le rendre ridicule, le peignirent&exposérent sbnpor- du M. 3 46
trait au public. Il s'en vengea dans des vers si mordans & si satyriques,
avant J. C,
deux de ses peintres se pendirent de désespoir. Il fleurissoit la
piade, vers l'an du monde 3469.
'
en 60. Olym-
que

Pindare Prince des Poëtes Lyriques parmi les Grecs, étoit Thébaïn de
IX. nation. Il écrivit une infinité d ouvrages dont il
Pindare né Odes composees l occasion des ieux Olympiques, ne nous reste que quelques
a des jeux Pythiens instituez en
vers l'an
duM.3487. l honneur d Apollon , des jeux Neméens & des jeux Isthmiques, qui se célé-
avant J.C. broient dans l'islhme de Corinthe. La Majesté de ses vers, la sublimité de
son stile, la grandeur de ses pensées sont presqu'inimitables
(a) d'Horace, (a) qui étoit bon connoisseur, , , au jugement
Les Grecs en faisoient tant de
Rorat. /. 4. les Lacédémoniens faisant la dans cas
Ode. 2, que guerre la Béotie, épargnèrent Thébes,cas,
en considération de Pindare qui y étoit né, & Alexandre le Grand longtems
après, lorsqu'il ruïna cette ville & en fit périr les Habitans, voulut qu'on sau-
vat la vie à la famille & aux parens de Pindare. On dit qu'il mourut âgé de
5 ï. ans dans le sein d'un enfant qu'il aimoit.
x. Sophocles fameux Poëte tragique, étoit né à Athènes. Son stile étoit
Sophocles si coulant & sa diction si douce & si agréable qu'on le nommoit l'abeille
,
né l'an du d'Athènes, ou la Sirène. Il étoit Contemporain d'Euripide & de Péricles
M. H09. II eut même l'honneur d'être Collégue de ce dernier dans la Magistrature
mort en dans le commandement de l'armée. &
Il fut le premier qui introduisit trois
avant J. G. Acteurs à la fois sur la scene & qui y fit paroître quinze jeunes hommes dans
402. les choeurs, au lieu de douze qui y étoient auparavant. Il poussa la tragédie
à son plus haut point de perfection ; Comme il étoit homme d'Etat il fait
parler ses personnages d'une manière pleine de dignité, & il leur donne ,
des
sentimens sublimes & relevez. Il vivoit en même tems qu'Euripide qu'il sur-
passoit par la sublimité du stile, mais il lui étoit inférieur en qui regarde la
variété & la beauté des sentences ou des maximes. On ditcequ'il fit repré-
senter jusqu'à cent vingt trois tragédies de sa façon, & qu'il remporta le prix
jusqu'à 23. fois ; La derniere fois qu'il remporta le prix,il en fut si transpor-
00 té de joïe, qu'il en mourut (a) d'aise. Nous avons encore une partie des
Va 1er. Tragédies de Sophocle. Etant parvenu à l'âgé de 8î. ans, un de ses fils s'a-
Maxim. dressa
h 9. t. 13. aux Magistrats pour demander qu'on créât un Curateur à son Pere
qu'il disoit n'être plus en état de gouverner ses propres affaires ;• Mais
Vieillard aiant récité devant le Magistrat une partie de sonEdipe auquelce il
travailloit, le fils fut renvoïé avec ignominie. Sophocle naquit vers l'an du ,
monde 3109. & mourut âgé de 90. ans en 3598.
Euripide naquit à Salamine le jour même que l'armée de Xercés fut
Xl. mise déroute. fut disciple y
Euripide en Il d'Anaxagore & de Socrate, il voïagea en
fleurit l'an Egypte avec Platon, pour y consulter les savans de ce pays. Archelaus Roy
duM.?ç2<5. de Macédoine avoit pour lui beaucoup de considération. Il se distinguapar
mort vers ses Tragédies doayitne nous reste que dix neus, de soixante & quinze
l'an 3600. qu'il avoit compéféeç,
,
& dont cinq seulement remportèrent le prix
du monde. au juge-
avant J.C. ment des Athéniens. Il fut obligé de quitter Athène par la jalousie des Poë-
400. tes Comiques, il fy retira auprés du Roy de Macédoine, où il mourut, aïant
été déchiré des cltiq1s felgu-les uns les femmes, selon les autres.
, , ou par
Les
Les Athéniens demandérent ses os avecbeaucoupd'inslancesauRoyArche1aus;
mais il refusa de les donner ; on met sa mort en la 93. Olympiade. XII.
Xenophanes natif d'Elée, autrement Velie dans la grande Grèce fut le Xenopha-
,
premier Auteur de la Sede Eléatique. Il vivoit du tems d'Hieron Roi ou ne¡Auteur
Tyran de Syracuse. Etant chassé de sa patrie, on ne sait pourquoi, il se reti- de la Seae
à Zanclé en Sicile, ou il vecut dans une grande pauvreté. On dit qu'il Eléatique ,
ra Laërt. !.:X.
écrivit quelques Poëmes contre Homére & Hesiode , & qu'aïant un jour de- c.18.
mandé au Roi Hieron quelque secours dans son extrême indigence , n'aïant &c.
pas même de quoi nourrir deux Esclaves qu'il avoit ;
Hieron lui repondit : a fleuri
qu'il s'en étonnoit, puis qu'Homère, qu'il avoit si maltraité , nourrissoit tout vers la 69*
Olympia-
mort qu'il étoit, plus de deux mille personnes. C'est qu'on l'enseignoit dans de.
les écoles & que bien des gens gagnoient leur vie à chanter ses Poësies ; An du M.
vers. Il attaquoit Homère 34 66.
, lui-même chantoit publiquement ses
Xenophanes
principalement dans ce qu'il avoit dit des Dieux. avant J. C.
Empedocle lui aïant dit qu'il ne pouvoit trouver d'homme sage ; il re- XIII. 04.
pondit : Cela est trés-possible, car pour chercher un Sage, il faut avoir la sa- Maximes
gesse. Une de ses maximes étoit qu'il n'y avoit rien de certain, & qu'il n'y & Dogmes
a aucun caradére de certitude pour distinguer le vrai du faux ; que toutes phanes,
de Xeno-
nos connoissances ne passent pas les bornes de la probabilité. Il
reconnoif-
soit qu'il n'y avoit qu'un seul Dieu, éternel, incorporel , qui voit tout , qui
connoit tout , qui est tout , & en qui est la prudence , la Sagesse, l'éternité.
Que tout ce qui est, est de toute éternité & ne finira point ; Qu'il y a plu-
sieurs mondes & quatre Elemens ; Que les Etoiles sont produites par l'inflam-
mation des nues, qu'elles sont éteintes pendant le jour, & que la nuit elles se
rallument, de sorte que leur lever & leur coucher ne seroit autre chose que
leur extindion ou leur embrasement ; que l'Eclypse est causée par lextindion
du feu qui compose le Soleil, & que toutes les fois qu'il selevé, il se rallume de
nouveau;Que l'on avoit vu des eclypsesdu soleil,qui avoient duré un mois entier.
Il mourut âgé de quatre vingt & un ans, ou même de cent deux ans sé-
lon quelques-uns. Il eut le courage de même qu'Anaxagore d'ensevelir ses en-
sans de ses propres mains.
Parmenide natif d'Elée en Eolide, uétoit selon les uns disciple de Xeno- XIV.
phanes, selon les autres d'Anaximandre on plûtQt d'Ameinias Pythagoricien. Parmeni-
de Philo-
Platon a inscrit un de ses Dialogues du nom de Parmenides. Il y traite des sophe fleu-
idées. Parmenides avoit écrit en vers un ouvrage de Physique, intitule Phy- riflfoit vers
fiologia. On lui attribue d'avoir le premier découvert que l'Etoile du soir P'an du M.
(Hefpere) & l'Etoile du matin, Lucifer, étoient la même. D'autres attribuent 3172,
J. C.
cette découverte à Pythagore. Il est aussi le premier qui a avancé que la avant 42,8,
terre étoit au milieu du monde, qu'il n'y avoit que deux Elémens , le feu &
la terre ; que rien ne se corrompt ni n'est engendré, mais que toutes choses
changent feulement de figures.Que la terre est suspenduë en equilibre au mi-
lieu de l'univers, n'y aïant rien qui la puisse faire pancher d'un côté pîutost
que de l'autre. Que le soleil étoit chaud & froid ; que la chaleur du soleil

monde 3^73..
avoit produit le premier homme. Tout cela nous fait voir en quel état étoit
alors la Philosophie naturelle. Il fleurilToit en la 86. Olympiade vers l'an du
M 3 Zenon
XV. Zenon d'Elée étoit disciple de Parmenide, dont nous venons de parler,
Zenon on lui attribue l'invention de l'art de la Dialeétique,comme à Empedocle ce-
d'Elée.
luy de la Rhétorique. On louë son admirable constance dans les tourmens.
Aïant engagé quelques jeunes gens à conspirercontre le Tyran Nearque.pour
rendre la liberté à leur patrie,il fut arreté & livré aux bourreaux l'obliger à
nommer les complices de sa conjuration. Au lieu de les n'ommer,il accusa les
amis les plus intimes du Tyran : Et aïant demandé de lui dire quelque chose
de secret à l'oreille, il la lui mordit avec tant de violence, qu'il la lui arracha.
Au lieu de découvrir les Compagnons de son complot, il se coupa la langue
avec les dents & la cracha au nez de Nearque qui fut aussitôt lapidé par les
assistans. Zenon croïoit qu'il y avoit plusieurs mondes, qu'il n'y avoit point
de vuide dans la nature; Que tout étoit composé de chaud de froid de
,
sec & d'humide, & que l'anle étoit un composé de toutes ces choses parties ,
égales. Il a vécu vers la soixante & dix septiéme Olympiade c'est-à-dire
(a) ,
vers l'an du monde 3^36. Il avoit écrit plusieurs Volumes de matiére de Phi-
Diogen. losophie. Ca) Nous parlerons ailleurs de Zenon de Cittium Auteur de la secte
La'ért. /. 9. des Stoïciens.
XVI.
Zeuxis fa- Les Grecs ont été les premiers peuples du monde pour le bon goût de
meux la peinture & de la sculpture ; Zeuxis qui fleurissoit en la 78. Olympiade,
Peintre, c'est-a-dire, vers l'an du monde 3V3^. Est un des plus célèbres peintres de
fleurit vers l'antiquité. Il étoit d'Heraclée, & avoit aquis par le moïen de son art de si
l'an du M.
gî36. grandes richesses, qu'il fit mettre son nom en lettres brochées d'or dans les
habits qu'il fit distribuër dans les jeux Olympiques. Dans la suite ne ,
avant la croïant
naissance pas qu'on pût acheter ses ouvrages autant qu'ils valoient, il en faisoit des
deJ.G.464. presens aux personnes distinguées, ou à ses amis. Il eut pourconcurrens Ti-
Plin. A35. manthes, Androcides,Eupompe & Parrhase,qui excelloient aussi dans la pein-
€. $. 10.
ture. Un jour aïant représenté un enfant qui portoit des raisinspeints au na-
turel avec tant d'art que les Oiseaux venoient pour les bequetter il ne fut
pas content de son ouvrage disant ; Il faut que j'aye mieux peint, les raisins
que l'enfant, car si j'avois fait cet enfant dans la perfection, les Oiseaux n'au-
roient osé en aprocher. On vante aussi la belle Hélene qu'il peignit & qui
lui procura de grandes richesses, ce qui fit donner à ce tableau, Hélene la Cour-
tisane, parcequ'il faisoit gagner de l'argent au peintre qui l'avoit fait. On
dit qu'aïant achevé une vielle, il la trouva si Grotesque, & en rit si violement
XVII. qu'il en créva, & en mourut.
l'arrhase Parrhase, qui vivoit en même tems que Zeuxis, perfedionna beaucoup
fameux l'art de peinture. Il fut le premier qui observa la Symetrie, & qui fit paroî-
Piintrf.
tre de la vie, du mouvement & de l'adion dans ses figures. Il excelloit sur
tout à représenter les cheveux, & à faire paroître du relief dans ses personna-
ges. Il fit plusieurs tableaux & entr'autres le Grand-Prétre de la Déesse Cy-
belle, dont l'Empereur Tybere faisoit grand cas & qu'il avoit acheté environ
mille écus de nôtre monnoïe. Il fit aum un tableau d'Ajax, qu'il vantoit beau-
coup, mais il fut jugé inférieur à l'Ajax de Timante, ce qui lui causa un trés
grand déplaisir,car il étoit rempli d'une si extrême vanité qu'il se vantoit con-
tinuellement & méprisoit tous les autres peintres il etoit toûjours vétu,
,
d'une façon iinguliére, ,
pour s'attirer un plus grand refpeét. On raconte
que Zeuxis aïant peint ce beau tableau dont on a parlé qui représentoit un
enfant portant des raisins, Parhase présenta un tableau de sa façon pour contester
la gloire à Zeuxis, Ce tableau ne représentoit qu'un rideau. Aprés que Zeu-
xis eut montré sa piéce, il demanda que Parhase tirât le rideau pour faire voir la
sienne; Mais aïant vu que le rideau n'étoit qu'une peinture, il avoüa qu'il étoit
vaincu , puisque si les oiseaux avoient été trompez à sa peinture , lui-même
avoit été trompé à la peinture de Parrhase. xinu ,
Phidias dans le commencement cultiva la peinture & peignit à Athènes Phidias
fameux
le bouclier de Minerve. (a) Ensuite il s'apliqua à la sculpture & y excella. Sculpteur,
Quintilien Cb) remarque qu'il réùffissoit beaucoup mieux àreprésenter les fleurit vers
Dieux qu'a représenterles hommes. Ciceron dit que personne ne l'egaloit l'an du M.
dans les ouvrages en yvoire. On vante sur tout une stataë de Minerve qu'il 3576.
fit à Athénes en l'Olympiade 87. la statuë étoit haute def 3 6. coudes ou de 44. avant J. G.
pieds, toute d'yvoire.. Il avoit représenté sur le bouclier de la Déesse la ba- 424. Ca)
taille des Amazones, & sur ses souliers ou ses sandales, le combat des Centau- Pausan. in
res & des Lapithes. Il fut envoïé en exil, & se retira à Elide, où il fit cette Eliacis. 00,
fameuse statuë de Jupiter Olympien toute d'yvoire qui fut longtems aprés
aportée à Rome, & placée dans les portiques d'Octavie. , On vante aussi une /.Quintilian
12. C. 10.
figure de la Déesse Nemesis, haute de huit coudées, qui tenoit en sa main une
branche de pommier, sur laquelle étoit écrit le nom d'Agoracrite son bien
aimé disciple, à qui il avoit bien voulu faire l'henneur de le dire Auteur de
cette piéce. Il fleurit vers la 87. Olympi.de, vers l'an du monde 376.
Aristophane fameux Poëte Comique, étoit natif de la ville de Linde dans XIX.
l'île de Rodes. Il l'emporta de beaucoup sur tous les Comiques de son tems, Aristopha-
& sur ceux qui l'avoient précédé. Il eut pour concurrens, ou pour emules ne fameux
Eupelis & Cratinus, qui divertissoient les Athéniens de leur tems ; mais qui Poëte.
reprenoient les vices d'une maniere si libre, qu'elle dégénéroit souvent en li-
cence.C'e"toit-là le caractère de l'ancienne Comédie, qui fut beaucoup corri-
gée par la nouvelle, dont Menandre fut comme le Chef & le Coryphée. On
assure que saint Chrysostome trouvoit tant d'elégance & de sel dans Aristo-
phanes, qu'il l'avoit toujours sous son Chevet. Il avoit composé s4. Comé-
dies, dont il ne nous reste qu'onze. «Il n'aimoit pas Socrate, & il le traduisit
autant qu'il lui fut possible en ridicule, sur tout dans sa Comédie intitulée les
nuées à laquelle Socrates même étoit present.
,
Socrate, dont on vient de parler, naquit à Athénes l'an du monde3)'36. XX.
son Pere nommé Sophronisque étoit sculpteur, & sa Mere Phenerete étoit Socrate
, Philoso-
sâge-femnIe. Bien loin de rougir de la bassesse de sa naissance, il disoit sou- phe, né
vent lui-même qu'il faisoit l'office d'accoucheur à l'égard des esprits , par la l'an du M.
manière dont il fàisoit naître les pensées, & produisoit au jour les concepti- 35g6.
ons des autres, sans presqu'ils parussent aprendre de lui. En effet il avoit mort en
?do4.
une méthode admirable pour faire trouver à ceux qui s'entretenoient avec
lui dans leur propre sond, la réponse à toutes les questions qu'il leur propo-
soit, c'étoit là son principal talent. Il croïoit que ce que nous aprenons,
nous l'apprenons par reminiscence, & que nous aportions en naissant lescon-
noissances de toutes les véritez que l'instruction -des maîtres nous donnoit,
seulement occasion de developer, & de metre au jour. Il
Pausanias Il s'attacha d'abord au métier de son Pere, & devint habile Sculpteur.
5 196. On montroit encore à Athénes du tems de Pausanias
, un Mercure & des
1 Graces de sa façon. Criton aïant remarqué la beauté de son genie le tira
de la boutique de son Pere. Socrate s'attacha au Philosophe Archelaus ,
1--l-
di-
sciple d'Anaxagore,&étudia sous lui la Physique ou l'Astronomie. il s'y
// rendit habile l'étude des choses naturelles & sur tout du mouvement des
,
Cieux & des Astres, étoit alors le principal objet de la curiosité des Philoso-
Cicero Tu- phes. Socrate en aïant reconnu le peu de certitude & l'inutilité, par raport
fcul. qu<sjl. à la conduite de la vie & au reglement des moeurs,il fit, pour ainti dire, de-
scendre du Ciel la Philosophie, pour la raprocher des hommes & pour leur
aprendre à remplir les devoirs de la justice, de l'humanité & de l'honnéteté.
Il commença à regler sa vie sur ces belles & grandes vertus, & à en inspirer
l'amour aux autres.
Accoutumé de bonne heure à une maniére de vivre, pauvre & frugale,
il pratiqua ensuite par raison & par choix ce qu'il n'avoit d'abord pratiqué
son Pere lui , bien assez considérable
que par nécessité, avoit laissé un pour sa
condition, c'est-à-dire environ quatre mille livres de nôtre monnoïe de
, un
ses amis en aïant eu besoin, il les lui préta, & cet ami n'aïant pu les lui ren-
dre, il n'en fut nullement emu & ne s'en plaignit point. ilrchelaus Roy de
Macédoine l'invitant à le venir ,voir & lui offrant de grands prcsens, il refusa
l'un & l'autre, disant qu'il ne vouloit rien recevoir d'un homme à qui il ne
pourroit pas rendre ce qu'il en auroit reçu.
Dans sa pauvreté il ne pouvoit souffrir la malpropreté,nisursapersonne,
ni dans sa maison, fort différent en cela d'Antisthéne autre Philosophe de ce
tems là, qui affeaoit de la malpropreté dans ses habits. J'aperçois, lui disoit
Socrate, beaucoup de vanité à travers ces trous de vôtre manteau.Quelqu'uns
ont écrit que Socrate étoit naturellement promt & emporté ; mais il s'étoit
tellement rendu maître de ses passions, qu'il paroissoit insensible & sans palli-
ons. Rien n'étoit capable de troubler la serenite de son ame. Il avoit
permis à ses amis de l'avertir, quand ils le voïoient pret de se mettre en co-
lère, afin qu'il se contînt. Sa femme Xantippe étoit d'une humeur bizarre
JC&tophon & emportée. Xenophon dit qu'il avoit choisie telle, pour avoir lieu d'exer-
in convi- cer sa patience, & de s'endurcir contre les injures & les mauvais traitements
eig. des étrangers. Xantippe le brusquoit & l'insultoit à tout moment, un jour
aprés l'avoir. chargé de reproches & d'injures, elle lui jetta sur la tête un pot
d'urine, Socrate n'en fit que rire en disant : Je m'atteHdois bien à voir tom-
ber la pluïe aprés un si grand tonnére.
XXI Tout le monde sait que Socrate se vantoit d'avoir un Démon ou un
Démon sa. genie qui le détournoit de certaines aérions, lorsqu'elles étoient mauvaises
milier de
ou qu'elles devoient avoir un mauvais succés, mais qui ne le portoit jamais
,

Socrate.
à rien entreprendre. On n'est pas d'accord sur la nature de ce demon.Etoit-
ce un bon ou un mauvais Ange , ou une inspiration surnaturelle d'un bon
esprit, on une simple prévoïance de Socrate, qui par ses lumieres naturelles,
pénétroit les suites bonnes ou mauvaises des actions que lui ou d'autres vou-
loit entreprendre. C'est sur quoi je ne voudrois pas décider ; mais il est cer-
tain
tain que ce Philosophe étoit bien aise que l'on crût qu'il y avoit en cela
quelque chose de divin &.de surnaturel. Nous avons remarqué ailleurs qu'il
avoit fort mal auguré de l'expeditionde Sicile, &que son genie ne l'approu-
voit pas.
Vn des disciples de Socrate nommé Chœrephon étant , ,a Delphes, de- XXIL
plus sage Socrate. Socrate dé-
manda à l'Oracle, s'il y avoit au monde un homme que claré par
L'Oracle répondit que non. Socrate ne s'en pas fit plus accroire pour cela. l'oracle le -
Il parcourut toutes les diverses conditions, & consulta ceux qui étoient en plus sage
réputation d'etre plus eclairez que les autres, & qui se piquoient de sagesse. Platodes Grecs.
in
Il leur fit voir qu ils étoient tous trés réellement ignorans. Il se convain- Apolog. SI.
quit soy-même d'ignorance. Il en conclut que le nom de Sage par excellen- crat.p.2-l..
ce convenoit à Dieu seul, & que si luy Socrate avoit quelque
chose à cet 25. é)c.
égard au dessus des autres, ce ne pouvoit être qu'en ce qu'il savoit qu'il ne
savoit rien, & qu'il étoit plus persuadé de son insuffisance , que les autres ne
l'etoient de la leur.
Socrate sans avoir d'école, ni d'heure réglée pour donner des leçons,
eut une infinité de disciples & forma un grand nombre d'hommes de méri-
te, qui feront éternellement honneur à sa mémoire. Xenophon, Platon,
Aristippe, Euclide de Mégare, Alcibiade, Glaucon & une infinite d'autres,
en sont des preuves. Aristophane qui l'avoit pris en aversion, l'accusoit de
corrompre la jeunesse d'Athènes, & il est vrai que si sa Philosophie étoit un
venin, il étoit en état de la gâter toute entière, car les jeunes Athéniens
quittoient tout pour avoir le plaisir de l'entendre. Rienn'etoit capable de les
détacher de luy, dez qu'ils l'avoient une fois goûté, il avoit une maniére
d'énseigner si insinuante qu'il étoit presqu'impossible d'y résister. XXIII.
Xenophon passantun jour dans la ruë, Socrate s'arréta & lui demanda Socrate
s'il savoit où étoit le marché où l'on vend les choses necessaires à la vie? il s'attache
luy dit sur le champ leiiom de la place où se tenoit ce marché. Socrate luy Xenophon
demanda ensuite en quel lieu on donnoit des leçons de vertu; Xénophon Diogen.
Laert. in
aïant paru embarassé, nôtre Philosophe lui dit de le suivre, & qu'il le lui ap- Xenophon-
prendroit; dez ce moment Xenophon devint son disciple & profita beaucoup te.
de ses leçons. Nous avons veu ailleurs de quelle manière il gagna Alcibia-
de & comment il se l'attacha par les seules charmes de son esprit & de sa
,
vertu. xxir.
Nôtre Philosophe n'avoit rien du toutd'imposant dans sa figure, ni dans Caraétére
son exterieur. Il étoit fort laid, & avoit la physionomie d'un homme pe- de l'Esprit
sant & tardif, ses manières étoient HmpIes& ses habits fort communs; mais & du
il avoit un talent admirable pour la parole & pour le raisonnement, & avec Corps dç
cela beaucoup dedélicatesse pour l'ironie, qu'il savoit emploïer fort à propos, Socrate.
quand les raisonnemens directes ne lui paroissoient pas de saison. Il y avoit
de son tems dans la Gréce quantité de faux Sages qu'on apelloit Sophistes,
gens remplis d'une vanité & d'une présomption insupportables, qui se pi-
quoient d'eloquence & qui prétendoient tout lavoir. Ils étoient fort à la
mode, & se faisoient suivre par une foule de disciples, admirateurs de leur
capacité.
-YXV. Socrate qui voïoit qu'aulieu de former le gout de la jeunesse & de leur
Socrate dé- inspirer l'amour de la vertu & de la sagesse, ils leur gâtoient l'esprit & les
crie les Sa- remplifloient de présomption entreprit de les décrediter, & il le fit par le
phistes. ,
(a) moïen de l'ironie dont nous avons parlé, feignant d'ignorer certaines choses
„ sur lesquelles il consultois ces Sophistes. 00
Et aprés les avoir fait long tems
Plata in A-
polog. So- parler & discourir, les obligeant de réduire en peu de mots ce qu'ils avoient
trat. in dit en beaucoup de paroles, il montroit le foible ou le ridicule de leurs raison-
l'rotagora & en tiroit des conséquences impertinentes, ce quidécriait ces So-
p.314. &c- nemens,
in Lachete phistes & ramenoitinsensiblenieiitieurs disciples à la véritable méthode d'étu-
f.iSô.&fq. dier & d'apprendre.
XXVI. Le grand nombre de disciples que faisoit Socrate, leur attachement pour
Ariftopha- sa personne le mépris qu'il faisoit des Sophistes & de la comédie, luy atti-
, ennemis. Aristophane qui étoit alors extrêmement accré-
ne jouë 50. rérent de puissans
crate dan; dité à Athènes, entreprit de le traduire en ridicule & de le jouer sur le Théâ-
sa comedie
des nuées. tre. Il composa une comedie intitulée les nuées, dans laquelle il représente
Socrate assis dans un panier au milieu des nuës, débitant les subtilites les
plus impertinentes ; un vieu débiteur vient luy demander conseil pour
leur doit , assèz
prouvera ses Creanciers qu'il ne rien. Ce vieillard n'aïant pas
de pénétration pour profiter des leçons de Socrate, lui amène son fils, qui
entre à merveille dans les principes du Philosophe, & les met encore mieux
en pratique. Il bat son pere & lui prouve démonstrativement qu'il a eu rai-
son d?en user de la sorte. Dans toute la piéce Aristophane fait débiter à So-
crate mille impiétez, & mille impertinences, & cela avec tant de sel & une si
fine raillerie que les Athéniens spectateurs sans attendre que la représen-
, donnèrent Poëte ,
préférence
tation fût finie, au la sur tous ses concurrens.
Socrate qui n'affistoit jamais à aucune de ces représentations, se trouva à
celle-ci, & affecta de s'y faire voir. Tout le monde admira le sang froid &
la tranquilité, avec lesquels il écouta tout cela ; Il répondit à ceux qui s'en
étonnaient, qu'il se regardoit comme dans un grand repas ; qu'on le railloit
avec esprit, & qu'il vouloit montrer qu'il entendoit raillerie. Tout cela ne
fit alors qu'une impression assez légère sur les esprits, & Socrate continua ses
exercices Philosophiques, comme auparavant.
XXVlL Environ vingt ans aprés , un nommé Mélitus accusa Socrate dans les
Melitus formes de nier les Divinitez d'Athènes, & de corrompre la jeunesse par des
accuse Sa- maximes pernicieuses. Les amis de Socrate en furent allarmez, & Lysias l'un
crate de d'eux composa
nier les Di- un excellent discours pour sa défense. Socrate le lut & le
vinitez des trouva fort beau; mais il refusa de s'en servir. Lysias luy en aïant deman-
Athéniens. dé la raison; C'est, dit-il, un fort beau soulier, mais qui ne convient pas à
mon pied. Il parut devant ses Juges, & fit un discours plein de force, de li-
berté & de confiance. Platon qui y étoit présent, eut soin de le recueillir;
& c'est celui que nous avons sous le nom d'Apologie de Socrate. 11 se dé-
fend premièrement sur l'accusation d'ithpieté, en dilant qu'il reconnoit des
Divinitez, de l'aveu même de Alelitus, puis qu'il reconnoit des Démons ou
des gcnies subalternes, enfans des Dieux supérieurs. Quant- à ce qu'on luy
imputoit de corrompre les moeurs de la ieunelse, il montre qu'il ne leur a
jamais
jamais inspiré que l'amour de la vertu & de la patrie, qu'il faut préférer l'a-
mour & la perfedion de son ame, à celle sidec'est son corps, & que la vertu est
infiniment préférable aux richesses. Que là corrompre la jeunesse,
il ne se défend pas de leur avoir inspiré ces maximes.
Il prononça son discours avec une assurance & une intrépidité qui in- XXVHT.
disposérent ses Juges contre lui. Melitus n'eut toutefois d'abord que la Socrate eLt:
cinquième partie des voix contre Socrate , mais Anytus & Lycon s'étant déclaré coupable
joints à l'accusateur, ils estrainérent un grand nombre de voix, en sorte qu'il & condam-
s'en fallut environ trente voix que Socrate ne fut renvoïé absoû. Les? Juges né à boire
le déclarèrent donc coupable, mais sans spécifier la peine qu'il devoit souff- la ciguë.
rir. Socrate fut conseillé de demander diminution de peine, & il dit à ses
Juges que pour avoir pasle toute sa vie à instruire la jeunesse d'Athènes, Il
se condamnoit à étre nourri toute sa vie dans lePrytanée au dépens du public.
Cette réponse irrita les Juges, qui le condamnérent à boire la Ciguë, peine
fort usitée parmi les Athéniens. Socrate leur dit : Vous me condamnez à
souffrir la mort, à laquelle j'etois dévoue par ma naissance ; mais mes accu-
sateurs vont étre livrez à l'infamie & à l'injustice par le jugement de la veri-
té. Apollodore un de ses disciples lui aïant témoigné la douleur qu'il avoit
de le voir mourir innocent, Voudriez Fous, luy dit-il, que je mourusse coupable?
Après cela Socrate fut conduit en prison, ses amis l'y suivirent, & l'y XXIX.
Socrate re-
visitérent pendant tout le tems qui s'écoula depuis sa condamnation jusqu'au fuse de sor-
moment de sa mort; c'est-à dire, pendant trente jours; Car c'était une Loy à tir de pri-
Athénes de ne faire mourir personne depuis le départ du vaisseau qu'ils en- son & de se
voyoient chaque année à Telos, jusqu' à son retout dans la ville. Socrate sauver.
XXX.
passa ces trente jours dans une aussi grande tranquïlité que s'il n'eut pas été Circonftan-
condamné à mort, s'entretenant avec ses disciples, &ses amis comme à l'or- ces de la.
dinaire. " Le jour, au quel le vaisseau, dont on a parle , arriva de Telos à mort de
Athènes, Criton intime ami de Socrate, vint luy en donner avis, & en mê- Socrate.
me tems lui dire, que, s'il veut sortir de prison, le geolier est gagné, & qu'il
peut se retirer en toute seureté en Thessalie ; Criton le preile & lui propoie
toutes les raisons qui devoient le déterminer à profiter d'une si heureuse con-
jondure; mais il trouve un homme, qui lui demandefroidement s'il y a quel-
que endroit au monde où l'on ne meure pas? Et s'il est permis, s'il est juste
qu'un prisonnier condamné à mort sorte de prison de sa propre autorité ? s'il
est permis de violer & de mépriser les Loix de sa patrie? Il montre par des
raisons fort solides que ce qu'on lui conseille n'est ni juste ni honnête, & il
persiste à demeurer en prison.
Ses amis vinrent lui dire le dernier Adieu ; il les entretient de l'immor-
talité de l'ame & des espérances, que les gens de bien ont de jouïr de la béa-
titude au sortir de ce monde. Criton lui demanda ce qu'il souhaittoit qu'on
fit pour ses enfans, & comme il vouloit qu'on l'enterrât. Pour ses enfans, il
n'en parla point, & pour son Corps, il répondit que l'on fit ce que l'on
voudroit de son cadavre, que pour lui qui leur parloit, il n'étoit pas sujet à
la mort ni à ses suites ; apres cela il entra dans le bain, & quand il en fut sor-
ti, on lui présenta ses enfans, car il en avoit trois, deux tour petits & un
plus grand. Il leur parla pendaiirquelque tems, les recommanda aux fem-
mes qui en avoient soin, & leur dit -dese retirer. Il entra dans sa chambre,
la
se mit sur son lit,& celui qui lui apportoit Ciguë,étant entré, & lui aïant
offert le breuvage, se mit à pleurer; Socrate prit la coupe, demanda c'e qu'il
y avoitr à faire. On lui répondit, que, quand il l'auroit buë, il pouvoit se pro-
mener jusqu'à ce qu'il sentitses jambes s'appésantir, qu' àlors il salloit se met-
tre au lit pour attendre le dernier effet de ce poison. Il demanda ensuite
s'il étoit permis d'en faire des libations aux Dieux. On lui répondit, qu'il
n'y en avoit que pour une. prise. Au moins est-il permis de leur recom-
mander mon départ de ce monde. Il prit la coupe, il la but sans s'émou-
voir. Ses amis qui étoient présens, fondans en larmes, il les rassura & leur
fit honte de leur foiblesse & de leurs larmes. Le poison commençant à opé-
rer, il se coucha, & sentant qu'il gagnoit le coeur,il se découvrit & dit à Cri-
ton : Nous devons un Cocq h Esculape , t1cquitez - véus de ce Voeu pour moi, & ne
l'oubliez pas, Ce furent ses dernières paroles.
XXXI. On dit qu'Euripide ami de Socrate, pour faire comprendre aux Athé-
Les Athé- niens le tort qu'ils lui avoient fait, & qu'ils s'etoient fait à eux-mêmes, en
niens sere- condamnant injustement le plus juste des Grecs, composa sa Tragédie intitu-
l'ententlamort de
de lée Palamede, ou sous le nom de ce Heros, qui succomba aussi à la colomnie,
a mort
£ocrate. il decrivoit le malheur de Socrate, & que, quand l'Asseur vint à prononcer
Diogen. in ce vers ; au plus juste des Grecs vous arrachez la vie, l'assembleé ne put re-
Socrate. tenir ses larmes. S'il est vrai qu'Euripide soit mort avant Socrate, comme
on le prétend, on doit rayer ce trait d'histoire rapporté parDiogéne deLaërce.
XXXlh Mais il est certain que les Athéniens ouvrirent enfin les yeux sur l'inju-
Honneurs stice qu'ils avoient faite, & rendirent à la mémoire de Socrate tout l'hon-
rendus à qu'il méritoit, lui érigeant une statuë de bronze de la main de Lysippe,
Socrate de- dans
neur
puis sa un endroit des plus apparens de la ville, & en lui consacrant une cha-
mort. pelle comme à un demi Dieu. La providence permit que tous les accula-
teurs de ce grand homme périrent malheureux & odieux à tous les Athéniens.
On ne peut qu'on ne soit frape d'une espéce d'admiration en voïant la con-
duite & en conlîdérant les maximes de ce grand homme. Il avoit sur la di-
vinité des sentimens que l'on auroit peine à croire qu'ils fussent d'un Païens
mais aprés tout cela, il adore les Divinitez païennes & meurt en protestant
qu'on lui impute calomnieusement de les nier. Il vouë un Cocq à Esculape
au moment de sa mort , & recommande qu'on acquitte son voeu; tant il est
vray, comme le dit saint Paul, que les plus Sages du Paganisme ont retenu
la connoissance de Dieu dans l'injustice, & ne lui ont pas rendu gloire, com-
me ils devoient.
XXXIII. Hérodote, pere de l'histoire Gréque & Prince des Historiens, etoit natif
Hérodote d'Halicarnasse. Il apprit la Dialede Jonienne, dans laquelle il a composé son
Historien histoire en neuf livres. Aïant faitleéture de son ouvrage dans l'aHembIée des
né ea jeux olympiques , ou plutot des jeux Panathenées , on donna le nom
3Ï1?. son histoire. Il avoit à lors 38.
Avant J. C. des neuf muses a chacun des neuf Livres de
437. à 39. ans. Il fut ensuite un de ceux qui allèrent pour s'établir à Thurium
en Italie, où les Athéniens el1voïoient deshabitans pour rétablir cette Co-
Ionie.
00 est ferme, court & pressant. Il avoit résolu d'ecrire toute la guerre du Pé-
Ciceroi1l loponése qui dura 27. ans; mais la mort l'empêcha de la continuer au de la
Bruto.
aujjî de la 2I.année, encore y en a-t'il qui croïent qu'il n'est pasAuteur.1 huitiè-
Voyez
Denys me livre de l'histoire qui porte son nom,à cause de la différence du stile.
d'Ha('Ycar- Quelqu'uns l'attribuent à la fille, d'autres à Xénophon. On trouve qu'il a
najj'e dans des endroits obscurs, parcequ'il voulu être trop pressé & trop court. (rI) 11
a
la parallè- maître dans la Philosophie Anaxagore, & dans la Rhétorique Anti-
le d'Hero- eut pour
dote de phon. 11 a fleuri pendant la guerre du Peloponése, qui commença l'an du
Thucidide. monde 3573. son histoire finit en 3)'94.
xxxv. Xenophon Athénien fils de Grillus, disciple de Socrate, & surnommé
Xénophon
Philolo- là Mufe Athénienne, à çause de sa douce eloquence. Il se distingua par sa va-
phe Histo- leur dans l'expédition du jeune Cyrus contre le Roy Artaxercés ion frere.
rien,Géné- 11 s'y engagea d'abord en qualité de volontaire , ensuite aprés la mort du
ral d'Ar- jeune Cyrus, il fut un des principaux Chefs, qui ramenèrent en Grèce les dix
mées. Né
l'an mille Grecs, qui a voient suivi ce jeune Prince. Il écrivit l'histoire de ce re-
vers fournisse. A ion
du monde tour, qui est une des plus belles retraites que l'histoire nous
3^8. retour dans sa patrie, les Athéniens l'envoïérent en exil, pour ne pas déplaire
mort en au Roy Artaxercés, avec qui ils avoient des ménagemens à garder ; Ensuite
3648. âgé il écrivit la continuation de l'histoire du Pelopoiiétè en la prenant au tems
de po.ans ,fin, & même plus
Thucidides l'avoit & continuant jusqu'à la avant,
avant J. G. où
finie, la
352. car son histoire des Grecs comprend 48. ans.
Nous avons encore quantité d'autres ouvrages de Xenophon , comme
celui qui a pour titre, F Education de Cyrus, dans laquelle il raconte Ihiitoire du
grand Cyrus, non sélon la vérité de l'histoire , mais d'une manière propre à
former .un Prince accompli, sous l'idée de Cyrus ; Le fond de l'histoire est
pris d'Herc>dote ; mais Xenophon l'a embelli, & y a ajouté quantité de cir-
constances & d'incidens, dans la veuë d'y mêler des instruâions propres à
.00. un Prince. C'est le jugement qu'en ont porté aprés Ciceron,( a) un trés-
vide Cice- grand nombre de savans (b) quoique d'autres en aient pensé autrement. Il
ron. ad auroit pu supprimer l'histoire de Thucidide dont il étoit depositaire, & s'en
quint. il fut le premier à la rendre publique. 11 a écrit di-
fratrem. attribuer la gloire, mais de la maniéré de dresser un
Cb) vers autres ouvrages d'Economie, de Philosophie,
AUJ01Zius Cavalier & quelques-autres. Il n'étoit pas ami de Platon (c) & il accuse ce
Orat. de Philosophe son condisciple, d'avoir témoigné trop peu d'estime & d'affection
Laudib. allant en Italie pour voir les disciples
Gratiani. pour Socrate leur maître commun, en
fojepb. de Pythagore,& en Egypte, pour consulter les Prêtres1 Egyptie ns ; comme si
Scaliger. Socrate ne lui eut pas suffi. 11 lui reproche ausi de s'être attache à Denys
Lud. Vives, Tyran de Syracuse pour vivre plus à son aile, & pour faire meilleure
Erasm. Ge- ,
rard, goh. chère.
VojK&C- On dit, que Xenophon étant un jour occupe/ a> offrir un Sacrifice , &
(O aïant apris la mort de son fils, mit bas la couronne qu'il portoit sur la tête,
Vide Diog.' mais quand on lui eût dit qu'il avoit été tuc en combattant vaillamment à la
La'ërt. in journée de Mantinée il la remit, & continua tranquilement son Sacrifice.
vita Pla ,
tonis, Gel- On assûre que ce fut ce fils qui tua Epaminondas au combat dont on vient
lius 1.14. de parler. Xenophon mourut à Corinthe âgé de 90: ans, dans la cent cin-
quiéme
quiéme Olympiade, l'an du monde 3640. son Aile n'est ni grand, ni elevé,
c. 1g. nost.
comme celui de Thucidide, ni même médiocre, comme celui d'Herodote; il Attic.
est simple, doux, agréable, pur & coulant ; C'est pourquoi on lui donna le Athenai
surnom d'Abeille Attique ou de Muse Athénienne, & on a dit de lui que les J.Xl. Di-
Muses lèmbloient avoir parlé par sa bouche ou que les grâces avoient for-Jofop bisl-
, -C d )
mé son discours. On compare ses histoires aux Commentaires de Jules Ce- Vide VoJJl.
zar, mais avec cette différence que Cezar est quelque fois plus grave , mais de Hijfori-
Xénophon l'emporte sur lui en douceur. (d) cis Gratis
Platon trés célébre Philosophe, Auteur de la Sede Académique étoit /.XXXVI. 1. c. ç.
Athénien, fils d'Ariston & de Paredonie. Il porta d'abord le nom d'Aristo^,
PlatonPhi.
cle, ensuite on lui donna celui de Platon à cause de la largeur de ses épau- losophe
les. Il s'adonna étant jeune aux exercices du corps, ensuite à la peinture Chef de la
Il composa aussi quelques poëmes & quelques tragédies ; enfin il s'attacha à; Académi-
-
Sette des
Socrate, sous lequel il fit de si grands progrés qu'il a été surnommé le divin ciens mort
Platon, l'Homére des Philosophes. Son ardeur pour la Philosophie & l'an du1\i..
sa curiosité le porta à vi{iter les plus fameuses écoles de son tems. Il se , g656.
ren-
dit pour quelque tems disciple de Cratyle & d'Hermogenes ; il alla à Me- avant J. C.
344.
gare pour entendre Euclide, en Italie pour écouter Philolaus & Euryte cé- avant Pere
lébres Pythagoriciens. ,
Enfin il se rendit en Egypte pour consulter les Pré- •Vulgaire
tres de cette nation. Il vouloit même se transporter dans les Indes, pour 34**
y converser avec les Gymnosophistes, mais il en fut empêché par les guerres
d'Asie.
Etant de retour à Athènes, il enseigna dans un bocage hors d'Athènes
appartenant à un nomméAcademus,d'où vient qu'on donna à sa seéte le nom
d'Academie, & à ses disciples celui d'Académiques ou d'Académiciens dont
;
le dogme principal étoit de douter de tout, & de ne donner son consente-
ment qu'avec de trés-grandes précautions. Quelqu'uns mêmes doutoient
qu'il y eut rien de certain dans la nature. Platon ne se contenta pas de la
dothine de Socrate ; il y joignit celles des Pythagoriciens pour l'art de rai-
sonner, celle d'Heraclite pour la Physique, & borna celle de Socrate à la mo-
rale; en effet c'est à quoi Socrate s'appliqua principalement; mais sa maniere
de raisonner étoit aussi une excellente logique. Les premiers Peres de l'E-
glise étoient presque tous Platoniciens parcequ'ils trouvoient dans Platon IRummi»
,
des sentimens plus favorables a l'idée de Dieu à la Trinité, & à plusieurs us apua
,
autres Dogmes du Christianisme. On lui a donné le nom de MOsse Athénien Çlem.Akx,
Ca) a cause de la conformité de ses sentimens
avec ceux de Moyse.^ Quel- 1.1. Stre-
ques autres comme Tertullien Cb) l'accusent d'avoir donné naisfanffà toutes mat.(h)
les hereiies. Il est certain qu'on peut faire un bon usage & un grand abus Tertull,
des Dogmes de Platon. Ce Philosophe fit trois sois le voïage de Sicile. Le TraH. ds
premier par pure curiosité pour voir les flammes du mont Etna. anima,
Ce fut sans doute dans ce premier voïage, quêtant
venu à la Cour de XXXVïl
Denys, l ancien Tyran de Syracuse, il en fut d'abord très bien reçu Le Ty- de Voïage3
; Platon
ran meme témoigna estimer la liberté avec laquelle il lui parloit; Mais en- en sicile.
duite Platon s'étant servi de certains termes hardis le Tyran s'en tint telle- Diodor..
ment offensé, qu'il le fit vendre au marché comme, un vil Esclave. On l'a- SicuL 1, if
cheta p 461,
cheta pour la somme de cinq mines, qui font environ 226. livres.Quelques
Philosophes de ses amis le rachéterent & le renvoïérent en Gréce , lui don-
nant cet avis ; Ou parlez trés-rarement aux Princes, où ne leur dites que des ckofes agréa-
bles.
Le sécond voïage qu'il fit en Sicile, fut dans l'esperance de délivrer la
Sicile, sous le jeune Denys le Tyran. La troisiéme fois pour reconcilier Dion à
Denys le Tyran, & ce fut dans ce voïage qu'il reçut de si grands honneurs de
Prince qui alla au devant de lui, & le reçut dans son Char. Il mourut âgé
ce
de 81-ans, l'an du monde 3 ff 6.
Les anciens ont donné de tres-grands éloges a Platon. Quand Ciceron
-Yxxj,rill de quelques Pjiilosophes, il ajoûte d'ordinaire qu'il ne le
Eloge de
parle avec avantage
Platon. met pas toute fois en parallele avec Platon ; & Quintilien (c) le met sans dif-
(0 ficulté audessus de tous les autres, soit qu'on considére la force & la iubtilite
Quintil. de son raisonnement, soit qu'on fasse attention à son éloquence ; Car son di-
/.J<T.ci. fcours n'ess
pas comme un prose ordinaire > il a toute 1 élévation de la plus
sublime poësie; On diroit qu'il est inspiré,& qu'il prononce des Oracles,tant
son elocution est grande & poétique.
Voila quels étoient les plus grands & les plus célébres personnages
de la Gréce de ce tems-là.
XXXIX. Dans le cours de l'histoire Greque, nous avons veu la plus belle & la
Règne plus intéressante partie de l'histoire des Perses, cependant comme il y a en-
d'Artaxer-
core quelques particularitez importantes qui n'ont pu trouver leur place dans
cés Mne- narration, allons les donner ici de suite. Darius Nothus Roy de
mon. Roy
nôtre nous
de Perse. Perse mourut aprés un regne de dix neuf
ans,l'an du monde 3600. avant J.C.
avant l'ere vulgaire 404. Il laissa le Royaume à son fils ainé nommé
4°0.
Arsâes,ou Artaxercés, & surnomme par les Grecs Mnémon c'est-à-dire, à la
,
belle memoire. La Reine Parasitis ftpouse de Darius, avoit fait tous les ef-
forts pour faire tomber la couronne à Cyrus son second fils , dont elle étoit
Idolâtre, mais Nothus ne voulut point violer en sa faveur les loys légitimes
de la succession ; il se contenta de laisser à Cyrus le gouvernement des pro-
vinces qu'il lui avoit donné quelques années auparavant, ce qui fut la source
de son malheur; car aïant pris des liaisons secrétes avec les Grecs, & sur tout
avec les Lacédémoniens, il s'engagea avec leur secours dans une guerre con-
1 avons veu cy-devant.
tre son frere, qui lui fut fatale, ainsi que nous
plutarch. Artaxercés Mnémon aïant tué dans la bataille de sa propre main son
in Arta- frére lacune Cyrus, du moins prétendant l'avoir tué , car il s'en faisoit une
,,?-ce.pag, gloire Wrticuliére ; & lui aïant fait couper la tête & la main par un Eunu-
i
Io S.éle.-
que nommé Mésabate, revint dans la ville de Suze , où la.Reine Parais sa
Mere se reconcilia avec lui, & aquit bientôt un trés grand crédit à la Cour;
Aïant toujours fort à coeur la perte de son cher Cyrus, & ne cherchant que
l'oGcasion de se venger ceux qui avoient eu part à sa mort.
XL. Un Soldat Catien se vantoit de l'avoir tue , & par la faisoit fort mal sa
Vengean- cour à Artaxercés, qui ne vouloit pas qu'on
lui en ravît la gloire. D'abord
ce exercée le Roy le combla de bienfaits sous d'autres
prétextes dans le desRin de le
,
par ia Rei- faire taire ; mais le Soldat indiscrét ne pouvant se contenir, le Roy le livra à
ne Par.asitis la
la Reine Parafitis sa Mere, -qui le fit mourir dansées plus cruelles douleurs. sur ceux
Les Bourreaux le tourmentèrent pendant dix jours par toutes sortes de suppli- qui avaient
eu part à
ces & enfin lui arrachérent les yeux & lui versérent de l'erain fondu dans les la mort du
oreilles. jeune Gy-
Mithridate un des Officiers de l'armée aïant eu la même imprudence, & rus.
s'etant vanté d'avoir porté le coup mortel à Cyrus, fut aussi abbandonné à XLl.
Parasitis, & condamné au suplice des Auges, dont on a déja parle. Restoit Mort de
Mithridate
encore Messabade qui avoit coupé la téte & la main à Cyrus, à sacrifier au qui se van-
,
ressentiment de Parasitis ; Cette Princesse aïant pris son tems, engagea le Roy toit d'avoir
à jouer avec elle au dez mille dariques, ou dix mille livres de nôtre monnoïe. tuélejeuae
Elle se laissa perdre & païa les dix mille dariques ; mais avec quelque peine, Cyrus.
feignant d'étre fachée. Elle pria le Roy de vouloir bien recommencer, & au
lieu d'argent, de jouer un Eunuque. Le Roy consentit, à condition que cha-
cun de son côté excepteroit cinq de ses Eunuques ses plus chferis. On joüa,
& la Reine ayant gagné, choisit le malheureux Messabate, qui n'avoit pas ét!é
excepté par le Roy. Elle le fit écorcher tout vif, & fit lier où clouer son
Cadavre en travers sur trois croix, comme pour marquer qu'une seule croix
ne suffisoit pas pour le punir ; sa peau fut attachée à part à une autre croix,
Artaxercés en fut fort indigné, mais la Reine n'en fit que rire, en disant;
J'ay perdu sans me plaindre mille dariques, & vous vous fachez de la mort
d'un coquin de vil esclave.
La cruauté de Parasitis n'en demeura pas là. Elle avoit conçu depuis long XLIL
tems contre la Reine Statira sa Belle fille une jalousie & une haine implacables. Parasitis
Elle eclatta en certain tems, & les deux Reines furent long tems sansse voir fait empoi- N

Ensuite Parasitis feignit de se reconcilier avec Statira. La réconciliation parut sonner la


sincére, & les deux Princesses se donnèrent l'une à l'autre toutes les marques Reine ra.
Stati-
extérieures d'amitié & de confiance jusqu'à se faire des présens & se don-
,
ner à manger. Chacune néanmoins usoit de son côté de beaucoup de cir-
conspet1ion & de réserve, sachant que pour l'ordinaire un ami reconcilié est
un ennemi caché. Un jour que les deux Reines mangeoient ensemble, Pa-
rasitis coupa en deux un oiseau, en mangea la moitié, & donna l'autre moitié
à Statira, qui la mangea aussi sans se défier ; mais le couteau dont s'etoit servie
Parasitis, étoit empoisonné du côté qu'elle donna l'oiseau à Statira & cette
Princesse mourut peu de tems aprés dans"des convulsions horribles.,
Artaxercés ne douta point que ce ne fût du poison, & comme il con-
noissoit le caractère violent & vindicatif de sa LVlere, il illasoupçonna du crime.
On fit d'exactes perquisitions, & Gigis femme de chambre de Parasitis, avoüa
la chose. Elle fut condamnée à mort, & sa téte fut écrasée entre deux pier.-
res, de maniéré qu'il n'en resta pas la moindre figure. Pour Parasitis, le Roy
la relégua à Babylone, & lui dit que tandis qu'elle y seroit, 11 n'y mettroit
pas le pied.
Aprés la défaite du jeune Cyrus, les villes d'Ionie qui avoient suivi son
parti, craignant le ressentÍ1nent de ce Prince, s'adressérent aux LacédémonieRS
pour implorer leur secours. Les Lacédémoniens y envoïérent Thymbron,
à qui Xenophon se joignit avec les troupes qu'il avoit ramenées de Gréce.
A 1hynlbron succéda Dercellidas & à celui-ci le Roy Agesilas. Nous
,
avons raporté ci-devant les particularitez de ce qui se passa alors dans l'Asie.
Nous y avons veu aussi de quelle maniere Conon l'Athénien battit avec le se-
cours des Perses, la flotte des Lacédémoniens prés de Cnide, & donna par
là moïen aux Athéniens de rétablir leurs affaires & .de se remettre en liberté.
Enfin nous avons raconté la paix honteuse qu'AntalcideLacédémonien con-
clut avec les Perses, par laquelle toutes les villes Grécques de l'Asie devoient
demeurer soumises au Roy de Perse, & que toutes les autres petites ou gran-
des conserveroient leur liberté, le Roy gardoit de plus les Isles de Cypre &
de Glazoménes, & laissoit celles de Scyros & de Lemnos aux Athéniens, à
qui elles apartenoient depuis long tems.
XL/21
Guerre
d'Artaxer-
cés contre pre ;
;
Artaxercés fit ensuite la guerre en Cypre, & réduisit le Roy Evagore à se
contenter de la ville de Salamine Laguerre des Cadusiens suivit celle de Cy-
Nous en devons traiter icy plus au long, n'en aïant rien dit cy - de-
les Cadu- vant. Les Cadusiens habitoient une partie des montagnes situées entre le
siens. Pont Euxin & la Mer Caspienne, au Nord de laMedie. On ne nous dit pas
Plutarch. la cause de cette guerre, c'est appareillent une révolté des Cadusiens qui en-
in Artaxer- gagea Artaxercés à marcher contre eux. Ce païs est ingrat, stérile & de dif-
eep. 1022. ficile accès, &
avec cela l'air y est froid & grossier, de sorte qu'on n'y voit
1023-
guéres que des fruits sauvages, qui servent de nourriture à cette nation belli-
queuse & endurcie à une vie pauvre & laborieuse. L'armée du Roy étoit
de trois cent mille homes d'Infanterie, & de dix mille Chevaux.
Teribaze dont on a veu la disgrace & le rétablissement, n'etoit pas enco-
re rétabli en grâce ; il ne laissoit pas de suivre l'armée, mais sans emploi ny
distindion.
, Ce fut lui qui la tira du dernier danger. Elle était. réduite
à une telle extremité saute de vivres, que l'on ne vivoit presque plus que
de bétes de somme que l'on tuôit tous les jours ; elles devinrent bientôt
si rares, qu'une téte d'âne y valoit soixante dragmes, ou trente Livres, &
encore avoit-on bien de la peine d'en trouver : Les Chemins étoient pres-
qu'impraticables & il étoit impossible de faire venir des vivres dela Perse.
La table même du, Roy se réssentoit de la disette, & le nombre des Chevaux
de l'armée étoit fort diminué.
XL1V. Il y avoit deux Roys des Cadusiens , qui campoient séparemment avec
Stratagème leurs troupes. Teribaze & son fils s'offrirent secrétement à Artaxercés d'aller
de Tériba- les trouver, l'un dans Camp, & l'autre dans l'autre; & comme on savoit
un
2e pour deux Princes n'etoient pas en bonne intelligence, Teribaze & son fils
porter les que ces
Roys des feignant d'entrer dans leurs intérêts, repréIentérent chacun
de leur coté à ce-
Cadufiens lui des deux Roys auxquels ils parloient, que l'autre Roy envoioit àsiii iiil'çu
à faire leui des Ambassadeurs au Roy Artaxercés, pour traitteravec luy, & qu'ils lui conseil-
paix avec loient de prendre les devants,
ArtaxeMes pour rendre ses conditions meilleures, lui pro-
.
mettant de les aider de tout leur crédit. Les deux Roys donnèrent dans ce
piége & envoïérent chacun séparemment des Ambassadeurs à Artaxercés,
conduits, les uns par Teribaze, & les autres par son fils, pour demander la
paix.
Pendant l'absence duPere & du fils on tacha de les noircir dans l'Esprit du
Roy
Roy & de rendre leur fidélité suspe&e ; & le Roy commençoit à se repentir
de s'être fié à eux ; mais les voïant revenir avec les Ambassadeurs , il leur
rendit sa confiance & aussitôt après son retour dans la Perse, il permit à
,
Teribaze de se justifier, comme il fit pleinement, ainsi qu'on la veu ailleurs. XLV.
Le traitté avec les Cadusiens fut bientôt conclu, & le Roy fort heureux
Courage &
de s'étre tiré de ce mauvais pas, revint en Perse avec son armée fort diminuée, libéralité
& aprés avoir perdu dans cette expedition beaucoup de braves gens, & pres- du Roy Ar-
que tous ses Chevaux. Dans cette retraite le Roy fit admirer sa force & son taxercés
courage, ne s'épargnant pas plus que le dernier des Soldat-s, sans que l'or & dans la
les pierreries, dont il étoit couvert, & qui montoient à plus de douze mille guerre les
contre
talens, ou trente six millions, l'empéchassent de marcher à pied & de porter Cadufient.
son carquois & son bouclier, comme auroit fait le dernier des Soldats.. A son
exemple les troupes ne refusoient aucun travail, la fatigue sembloit les dé-
lasser. Ils faisoient par jour environ sept lieues.
L'armée arriva à une Maison Roïale, dont les jardins étoient d'une pro- *
preté enchantée, & dont le parc étoit d'autant-plus merveilleux, que toute
la Campagne des environs étoit nuë & sans aucun arbre. C'étoit la saison la
plus rigoureuse de l'année ; Le Roy avoit permis à ses soldats de couper des
arbres dans son parc, pour se chauffer, sans éspargner ni lek Pins ni les Cy-
prés. Le soldat ne pouvant se résoudre à toucher ces arbres à cause de leur
beauté & de leur grandeur, le Roy prit une coignée & commença à couper
lui-même l'arbre qui lui parut le plus beau & le plus grand, après quoi le
soldat n'y feignit plus rien.
Comme Artaxercés avoit perdu dans cette expédition plusieurs de ses XLVi.
gens, &la plus grande partie de ses Chevaux, il s'imagina qu'on le mépri- Datame
foit à cause de ses pertes, & il entra en défiance contre plusieurs de ses Offi- prend le sa-
ciers, il en fit même mourir quelqu'uns, entr'autres Camisare Gouverneur de trape Thy-
la Leuco-Syrie,Province située entre la Cilicie & la Cappadoce. Son fils us, & le li-
au Roy
Datame lui succéda dans ce Gouvernement. Cornelius Nepos qui nous a vre Artaxercés*;
donné la vie de ce dernier, en parle comme d'un des plus grands hommes & Cornel. Ne-
des plus habiles Capitaines, dont l'histoire sasse mention. 1111e met des- pos vit a di.
au
sus de lui parmi les Barbares qu'Amilcar & Hannibal. Artaxercés lui donna tamis.
commission d'arréter Thyus Gouverneur de Paphlagonie, qui s'étoit révolté
contre lui. Datame qui étoit son parent, crut devoir d'abord emploïer les
voïes de douceur pour le ramener à son devoir.
Mais voïant qu'elles ne lui réùffissoient point, il emploïa la force
te, & le prit vif, lui, sa femme & ses enfans ; & pour procurer au Roy ouver-
le
double plaisir de la prise de son ennemi, & d'unspedacle & agréable
nouveau
Il usa d'une extrême diligence, afin de prévenir la nouvelle de la prise de Thyus
par son arrivée a la Cour. Arrivé dans la Capitale, il equippa Thyus qui étoit
un grand homme, d'un visage terrible, d'un regard farouche, d'un teint noir,
aïant les cheveux fort longs & la barbe de même. Il le revétit d'un habit
superbe, lui mit au cou un Collier, & au bras des brasselets d'or, & lui don-
na tous les ornemens Royaux ; Datame au contraire se mit en équipage de
faneur & la main droite armée d'une massuë, il conduisit de la gauche
Thyus en lesse comme une bête sauvage. La singularité de ce speetacle at-
tira les yeux de toute la ville, & le Roy fut charmé de la réduction d'un en-
nemy puissant, qui lui avoit causé d-e grandes allarmes.
XL VII. Une entreprise si heureusement exécutée & si sagement conduite mit
Datame grand crédit la Cour. Le Roy ,
Pharnaba-
prend le Datame dans un à le nomma avec
Gouver- zé & Titrauste pour commander l'armée qu'il devoit incessamment envoyer
neur d'une en Egypte.Dans ces entrefaites on apprit la revolte d'Aspis Gouverneur d'une
Province Province voisine de la Cappadoce. Le Roy nomma Datame pour le redui-
voisine de
la Cappa- re au dévoir, peu aprés aïant fait attention que cette commission ne conve-
doce, & le noit point à un homme qu'il venoit de déclarer Général de ses troupes avec
raméne à les premiers Seigneurs de ses Etats, il le contremanda : Mais Datame avoit
Artaxer- fait une si grande diligence , que les Envoyez que le Roy avoit fait partir
cés.
pour le rapeller , le rencontrèrent qui ramenoit Aspis prisonnier à Su-
jes.
JCLV111. 4 Tant de mérites&une si belle réputation excitèrent la jalousie des Cour-
Datame se tisans contre lui. On le rendit susped au Roy de ses anlis qui étoit à
révolté, & , un
se retire la Cour, lui donna avis de ce qui se trâmoit contre lui , & que déja le Roy
dans la étoit indisposé contre lui, que si l'expédition contre l'Egypte , dont il étoit
Paphlago- chargé, venoit à tourner mal
, on ne manqueroit de lui en imputer le mau-
nie. vais succés & de se servir de cette occasion pour le perdre. Datame sur ces
avis laisse le commandement qu'il avoit, à Mandrocle de Alagnefie, & se re-
tire secrétement avec ses troupes particulières dans la Paphlagonie, se joint à
Ariobarzane qui étoit mécontent, assemble des troupes & se met en état de
défense.
XLIX. Aïant appris que le Gouverneur de Pisidie armoit contre lui , il fit in-
Il bat le continent marcher son fils avec ses troupes vers la Pisidie; Son fils y fut tué
Gouver- dans un combat. Datame craignant de jetter ses troupes dans le découra-
neur de gement, céle sa mort & marche en personne contre les ennemis. Alitrobar-
-
FHidi.e.
zane son Beau-Pére l'abbandonne & passe dans l'armée de Pisidie. Datame
sans se déconcerter , fait courir le bruit que c'est de concert que Mithrobar-
zane va à l'ennemy, & il part en même tems comme pour attaquer les Piû-
diens. Le stratagéme eut tout le succés qu'il pouvoit souhaitter. Mithro-
barzane fut accueilli comme ennemi par les Piildiens, & taillé en pièces. Da-
tame mit en fuite l'armée de Pisidie. & demeura victorieux.
L. Jusques-là Artaxercés ou avoit dissimulé la revolte de Datame, ou l'avoit
Artaxercés méprisée, ou avoit cru qu'il vengeoit ses injures particulières ; mais Scismar
envoie une
grande ar- fils ainé de Datame aiant fait connoître au Roy le mécontentement de son
mée con- Pere, ce Prince en fut effrayé & en craignit les suites. Il envoïa contre lui
tre Data- une armée de prés de deux cent mille hommes, dont il y avoit vingt mille
me. hommes de Cavalerie sous le commandement d'Antophradate. L'armée de
Datame étoit infiniment inférieure à celle du Roy, mait il avoit sçu se porter
de telle sorte que l'on ne pouvoit ni l'envelopper , ni l'attaquer avec toutes
les forces de l'armée du Roy , & qu'il étoit en état de l'incommoder trés-
considérablement. Antophradate contre toutes les loys de la prudence at-
taqua Datame , mais ses troupes furent bientôt mites en déroute & poursui-
viet
vies avec un-trés grand carnage. Il se donna-'encoreplusletirspetits combats
où Datame avoit toûjours l'avantage, tant par la connoissance qu'il avoit des
lieux, que par son extrême habilété à bien choisir ses postes, & par la valeur
de sa petite armée.
Enfin ce Général aïant épuisé toutes ses ressources , fit parler d'accom- LI.
est
modement à Datame, & lui proposa de le faire rentrer en grace avec le Roy, Datame tué en tra-
fous des conditions honorables. Le parti tout douteux qu'il étoit , fut ac- hison.
cepté par Datame. Artaxercés outré de ressentiment contre Datame , em-
ploïa contre lui l'artifice & latrahison, moïens indignes de la grandeur d'un
Prince. Il aposta des meurtriers pour l'assassiner ; mais Datame fut assez heu-
reuæ pour eviter leurs embûches ; enfin Mithridate fils d'Ariobarzane s'étant
frauduleusement insinuée dans l'amitié & la confiance de Datame , le tua en
trahison. Tel fut le sort malheureux de ce brave Capitaine 4 Coupable pour
avoir"emploie ses grandes qualitez contre le service de son Roy.
Artaxercés méditoit depuis longtems de réduire à son obéïssance l'Egy-
pte, qui s'en étoit soustraite trente six ans auparavant. Il fit pour cela dg| IJfc-
lyBrtaxer-
grands préparatifs de guerre, & Acoris Roy d'Egypte de son côté leva bea«flr contre
coup de troupes de ses sujets , & prit à sâ solde un grand nombre de GjmZk Pte.
& d'autres troupes auxiliaires dont il donna le commandement à Ch^Hf^ du
Athénien, qui s'étoit rendu en Egypte sans le consentement de sa Repuj®fue. 3627.
PharnabazeGénéraldes Troupes de Perse envoïa faire des plaintes à iP^nes, avant J. C.
de ce que Chabrias s'étoit donné au Roy d'Egypte & menaça cette Republi- Diod. 373-
I. I ?•
que de Pindigation d'Artaxercés, si elle ne le rapelloit au plutost. Il deman- p. 471.
doit en même tems qu'on lui donnât Iphicrate qui passoit pour le meilleur
Capitaine de son temps, afin qu'il pût commander les troupes Greques que
son maître avoit à son service. Les Athéniens qui avoient un intérêt infini
à menager le Roy, rappellérent incontinent Chabrias & ordonnerent à Iphi-
crate d'aller commander les Grecs dans l'armée de Pharnabaze.
Iphicrate arrivant à l'armée donna d'abord tous ses soins à bien discipli- LUI
ner ses troupes, & il sçut si bien leur montrer l'exercice des armes, que dans Iphicrate
Athéniea
la suite le titre de Soldats d'Iphicrate passa comme en proverbe, & devint un marche
éloge pour marquer des troupes bien disciplinées, & bien formées aux exer- contre
cices militaires. Pendant que les Perses étoient occupez à faire les prépara- l'Egypte,
tifs pour la guerre d'Egypte, Pacoris vint à mourir ; & Psammuthis qui lui pour le
succédJ, ne regna qu'un an. Après lui vint Nephorites le dernier Roy d'E- service dit
Roy Arta-
gypte de la race des Mendesiens (a) Quatre mois aprés Neétanabis,le premier xercés.
de la race des Sebennites lui succéda & regna douze ans.Ceiutlui qui soutint M&rt de
la guerre contre les Perses. PacorisRoi
Cette guerre ne commença que la troisiéme année aprés qu'Artaxercés d'Egypte.
en eut commencé les preparatifs. Le rendes-vous général étoit à Acé ou Psammu-
this lui
Ptolémaïde ; l'armée des Perses commandée par Pharnabaze étoit de deux succéde, &
cent mille hommes. Les Grecs auxiliaires commandez par Iphicrate, étoient puis Né-
au H( mbre de vingt mille. La flotte Egyptienne étoit composée de trois pho ri tes.
cent gros vaisseaux , & un nombre prodigieux de barques pour méner les Al.1 00 du M,
provisions de bouche à l'armée de terre & à celle de mer. Ces deux armées 3625,
avant J. G. mirent en mouvement en même tems, & ne se quittérent pas pour ainsi
se
373. dire, de veuë. Peluse comme la premiere place qui se trouve à, l'entrée de
L1TA l'Egypte, & qui en est comme la Clef devoit sélon le projet, être attaquée
Armée des , Pharnabaze
Perfes con- tout à la fois par 111er & par terre ; mais qui étoit fort lent dans
tre l'Egy- ses entreprises, aïant donné le loisir aux Egyptiens de se fortifier, il ne fut
pte. pas possible d'exécuter ce qu'on avoit projetté. Iphicrate demandant un jour
Diod, /. 1 familièrement à Pharnabaze d'où vient qu'étant si
t- 478. promt en parole , il l'etoit
si peu dans l'exécution; C'est, repondit-il, que la parole est
en mon pouvoir,
& l'exécution au pouvoir du Roy.
LV. .La flotte Persanne donc, au lieu de faire la descente à l'embouchure du
Mendés est Nil, qui étoit la plus voisine de Peluse fut obligée de la faire dans celle de
prise par Mendés, qui étoit fortifiée. , Le
lesPersans^ la moins fort qui en défendoit l'entrée fut
pris l'epée à la main. On n'y fit quartier à personne. Iphicrate étoit d'avis
qu'on remontât le Nil, sans perdre de tems pour aller attaquer Memphis Ca-
pitale de l'Egypte, mais le gros de l'armée n'étant pas encore arrivé,& Phar-
m
nabaze s'opiniatrant à l'attendre, on laissa échaper l'occasion, & Iphicrate qut,
voïoitles suites de ce retardement, demanda qu'au moins on lui permit d al-
ler contre Memphis avec ses vingt mille Grecs mais Pharnabaze ne voulut
,
pas le lui permettre, de peur que si la chose réuslîlToit on ne lui en imputât
toure la gloire. Cependant les Egyptiens revenus de leur premiere fraïeur,
mirent une bonne garnison dans Memphis & harcelèrent tellement l'ar-
mée des Perses, qu'ils l'empéchérent de pénétrer ,
plus avant dans leur
pais.
I
LV1. L'inondation du Nil étant survenuë & les eaux aïant couvert tout le
Iphicrate païs, les Perses furent obligez de se retirer ,avec assez de précipitation. Les
se retire à deux Généraux s'en imputant l'un à l'autre le mauvais succés, se brouillèrent
Athènes,
tellement qu'Iphicrate craignant qu'il ne lui arrivât ce qui étoit autrefois
,
arrivé à Conon l'Athénien & qu'on ne le fit arréter, se sauva se crête ment à
Athènes dans un petit vaisseau,
qu'il loua. Pharnabaze ne manquapas de l'ac-
cuser auprés des Athéniens, comm'aïant fait manquer l'entreprise contre l'E-
gypte. On lui répondit que si on pouvoit le convaincre d'avoir manqué à
son devoir, on le puniroit selon la qualité de son crime; mais son innocence
étoit trop connue & les Athéniens quelque tems aprés le déclarèrent seul
,
Amiral de leur flotte.
LVlT. Tachos qui monta sur le Trône d'Egypte aprés Ne&anabe, résolut de se
TachosRoi préparer à la
d'Egypte guerre contre les Perses , bien informé que le Roy Artaxercés
se dispose n'avoit pas
perdu l'envie d'aiïiijettir l'Egypte malgré le mauvais succés de sa
à résister premiere entreprise. Tachos donc leva une puissante armée, enrôla beaucoup
aux,Perses. de Grecs & obtint des Lacédémoniens un corps de troupes & Agesilas
An du M. pour les commander. Les Lacédémoniens étoient piquez contre Artaxercés ,
g63 8. de qu'il les avoit forcez de comprendre les Metleniens dans la paix géné-
avant J. C. ralecequ'ils venoient de conclure.
362.
Diod. /. 15. Presqu'en même tems les villes Gréques de l'Asie mineure, les Lacédé-
p. Ç04. moniens & les Satrapes qui gouvernoient les Provinces maritimes, secouërent
LVIII. le joug des Perses
Revolte ; enfin les Syriens & presque tous les peuples qui habi.
toient
toient sur les bords de la Mer se joignirent à eux. Ariobarzanes Satrape de de prtt.
Phrygie s'étoit emparé du Roïaume de 1\1ithritade aprés la mort de ce Prince. fleurs Pro"
Mausole Prince de Carie Oronte Gouverneur de Mysie, & Antophradates vinces
Satrape de Lydie, avec lesa Lyciens, les Pisidiens, les Pamphiliens & les Cili- contre les
Grecs.
ciens avoient sormé une puissante ligue contre Artaxercés ; Mais par un bon- Diodore de
heur presque sans exemple toute cette confederation se dissipa d'elle mê- Sicile ra-
3
me. porte ceci
Oronte, à qui l'on avoit donné le commandement général,& la condui- au regne
te de la guerre, trahit tous ses alliez.
dart
Aïant touché des sommes pour sou- cés Mnè.. axer.
doïer pendant un an vingt mille hommes qu'il devoit lever, il envoïa au Roy mon. M.
pieds & poings liez tous les prémiers qui lui avoient aporté de l'argent. Il Prideau
livra ensuite aux Ambaiïadeurs d'Artaxercés les villes & les troupes etran- au regne
géres qu'on lui avoit confiées. Artabaze qui s'étoit rendu maître de la Cap- son d' Ochus
succes-
padoce, fut défait par Datame dont nous avons parlé. Reomithres qui avoit feur. NOUÏ
été envoie en Egypte auprès du Roy Tachos, par les rebelles d'Asie, aïant suivons
en
obtenu cinq cent talens c'est-à-dire un million trente mille livres à 2600. Diodore.
Livres le talent, & outre, cela cinq cent vaisseaux longs & étant, arrivé à LIX.
Leucade ville d'Asie, y attira plusieurs Chess de la rebellion, , Oronte
& les aïant arrê- trahit ses
tez, les envoïa prisonniers à Artaxerces. alliez &
Tant de grands services firent rentrer Oronte en grace auprés du Roy, rentre en
C est ce même Oronte qui aïant été convaincu d'avoir calomniéTeribaze,avoit grâce au-
disgracié prés (I'Ar-
été & envoïé comme en exil dans la Mysie. taxercés.
Tachos Roy d'Egypte avoit promis à Agesilas de lui donner le titre & LX.
l autorité de Généialiffime de ses troupes & c'est apparemment là qui le Agesilaus
,
détennina à l 'âge ou il étoit, car il avoit quatre ce vient en
vingt ans, à se rendre en Egy- Egypte
pte, Car au relie rien ne convenoit moins à un Roy de Lacédémone à cet pour y
age que d aller faire la guerre dans un païs étranger, & de tirer sa sbided'un comman-
Roy d Egypte. Il ne fut pas plûtost debarqué que les Généraux des trou- der Par-
pes & les lntendans des Provinces se rendirent auprés de lui, pour lui faire la mée Egyp-
Cour & le recevoir avec honneur; & comme tout le païs étoit dans l'attente tienne.
Plutarcbr
de voir ce grand homme & dont la réputation etoit si étendue inAgefilau.
on
de toute part pour lui témoigner la joïe & l'empressement qu'on avoit de le
, accourut
recevoir selon sa dignité. Mais on fut fort surpris au lieu de la Majesté d'un
Roi magnifique accompagné d'une grande suite, vetu superbement de
trouver qu'un petit Vieillard chenu, de mauvaise mine mal vetu, mal , ne
pre , assis au rivage sur le gaçon comme un simple Soldat. , pro-
A ce spedacleils-
turent sur le point de lui faire insulte & de s'écrier Les montagnes enfan-
:
teront & il en sor tira un rat. Ce fut encore pis lorsque lui aïant offert les
présens ordinaires de l'hospitalité, des vins, des viandes, des rafraichissemens,
des parfums exquis, il se contenta de prendre de la farine des
, veaux & des
oies, renvoia tout le reste ; & comme on le pressoit de ne pas refuser ce
&
qu on avoit 1 honneur de lui offrir, il le fit porter aux Ilotes
ou aux Esclaves,
cju.. pz.rtageassent entr'eux. Il prit toutesois
une couronne de jonc
d Eg\ pte qui étoit tres-simple, & c'est ce qui lui en fit plailïr. Quand le Roi
fut arrive auprés de lui., & qu'il vit que
ce Prince ne vouloit lui don-
ner
ner que le commandement des troupes etrangéres de terre laissant à Cha-
brias l'Athénien le commandement de la flotte & retenant, pour lui-même
le commandement en Chef il en fut outré de depit & reconut la faute
,
qu'il avoit faite de venir en Egypte sans s'assurer des conditions sous les-
quelles il seroit reçu & traité.
LXI. Le Roy d'Egypte aïant raraassé toutes ses troupes, tant les domestiques,
Tacos est les Etrangères, crut qu'il etoit de son intérét de les faire passer dans la
dépouillé que
de la Roi- Phénicie qui obéïssoit aux Perses, voulant faire de ce païs le Théatre de la
auté, & guerre, & eloigner l'ennemi de son Roïaume.Agesilas eut beau lui representer
Ne£tanebe qu 'il risquoit beaucoup de s'éloigner de PEgypte ses affaires
est mi., en bien établies , n'y étant pas
,
sa place.
qu'il feroit beaucoup mieux d'y demeurer & de se contenter
,
d'envoïer ses Généraux en Phénicie puis qu'il étoit resolu d'y porter la
,
guerre. Tachos n'écouta,point un si sage conseil & Agesilas fut contraint de
le suivre en Phénicie & de lui obéir ce qui étoit avilir sa dignite & in-
,
finiment contraire a son caractère d'esprit. Aussi n'attendoit-il
que le moment
de se venger de tant de mauvaises maniérés. 11 le trouva bientôt. A pei-
ne Tachos fut- il sorti de l'Egypte , que Nectanebus son coulin fut choisi
Roy par les Egyptiens revoltez & placé sur le Trône. Agesilas pour se
,
venger de ce premier, joignit ses forces à celles de Neétanebus,sans ecouter ni
les prieres de Tachos, ni les remontrances de Chabrias.
ZX11. Une aétion de cette nature ne manqua point de trouver des censeurs.
Agetilas se Agesilaus disoit sa justification qu'il avoit été envoie pour défendre les
joint elNe- Egyptiens; qu'ilpourlui
étanebe. ne convenoit pas de prendre les armes cont'reux sans
de nouveaux ordres de Lacédémone. Les ordres vinrent bientôt &, il lui
fut ordonné de faire ce qui seroit le plus expédient aux intérêts de, sa patrie.
Il se déclara donc contre Tachos,qui fut obligé d'abbandonner l'Egypte,& de
An du M. laisser la Couronne à Nedanebus. Elle lui fut bientôt contestée par un troi-
;639. siéme prétendant de la ville de Mendese. Il étoit soûtenu d'une armée de
avant J. C. cent mille hommes, mais levez à la hâte & peu aguerris; Agesilaus conseilla
g6i.
DiÓd.ficu1.
àNeélanabus de les charger sans délay, avant que ces troupes fussent discipli-
/.iç. Plut. nées; mais Neftanebe se defiant du conseil d'Agesilaus, & craignant qu'il ne
inAgefilao. le trahit, comme il avoit fait Tachos, résolut d'attendre que son propre parti
fut plus fortifié ; Ce qui donna lieu à son Compétiteur de former ses troupes
& de pousser Nedanebe qui fut obligé de se'renfermer dans une ville murée
avec les liens. Son ennemi Py vint assiéger, avant que le siége fut formé,
Nedanebe vouloit attaquer l'ennemi ; mais Agesilas n'en fut pas d'avis &
dit qu'il n'étoit pas encore tems, ce qui augmenta les soupçons qu'on avoit ,
conçus contre lui.
LXIÎ1. Quand les lignes furent fort avancées, & qu'il ne restoit entre les deux
Défaite du
Concur- extrémitez des lignes qu'autant de terrain qu'il en falloit pour ranger l'armée
rent deNe- de Neftanebe, il dit a ce Prince qu'il étoit tems de donner; que les lignes de
ttanebe l'ennemi empécheroient qu'il ne put l'enveloper ni le prendre par derrière,&
Roy d'E- l'entredeux de ces lignes étoit justement ce-qu'il lui falloit pour filire agir
gypte.
que
Mort d'A-, à profit toutes ses troupes. La chose s'exécuta sélon le projet du Roy de
geiîlaus. Lacédémone, & les ennemis furent battus & mis en déroute. Ce succés ren-
dit
dit à Agesilaus la confiance de Ne&anébe, & tout le reste des expéditions de cette
guerre s'exécuta selon ses ordres & ses projets.Il poursuivit leMendesien,lebattit
en toutes rencontres & lé fit enfin prisonnier. Aïant heureusement établi Ne-
ctanébe sur le Trône, il s'embarqua pour retourner à Lacédémone ; Mais les
vents contraires l'aïant poussé sur les côtes d'Afrique,en un endrôit nommé le
port de Menelaus , il y tomba malade, & y mourut âgé de 84. ans passez.
On rapporta son Corps à Sparte embaumé dans du miel, & on lui rendit les
honneurs funèbres avoit accoutumé de les rendre aux Roys de
, comme on
cette fameuse Republique.
de
Diodore Sicile raconte la chose tout autrement.Il dit que Tachos Roy LXIV.
d'Egypte se voïant détroné par Nedanébe, se retira dans l'Arabie vers le Roy Tachos ré-,
de Perle, & lui demanda pardon de sa revolte, & que le Roy non seulement tabli sur le
lui accorda le pardon, mais aussi lui donna le commandement de son armée, trône d'E-
& la conduite de la guerre contre l'Egypte. Aprés cela Tachos revint vers gypte. DivdfJr.
Agesilaus, qu'il avoit laissé dans l'Egypte & comme Netlanébe à la tête de 1. if.£.ço£.
,
cent mille hommes le poussoit vivement & cherchoit à l'engager au combat,
Tachos de l'avis d'Agesilaus se retira dans une grande & forte place où il fut
bientôt assiégé par Neétanébe. Comme le siége trâinoit en longueur, & que
les Egyptiens y perdoient beaucoup de monde, ils résolurent d'environner la
place d'un mur& de lignes de circonvallation;maisAgésilaus aïant fait une
sortie pendant la nuit, tira du danger tous les liens qui étoient dans la ville,
& s'etant poilé entre deux bras du Nil, il y attendit les ennemis & leur livra
la bataille ; & comme les Grécs étoient sans comparaison plus vaillans &
plus aguerris que ceux de Ne&anébe, il battit ces derniers, les mit en fuite,en
tua un grand nombre,& rétablit Tachos sur le Trône d'Egypte. C'est ainS.
que le raconte Diodore de Sicile ; Mais Plutarque dit la chose comme nous
l'avons exposé d'abord.
Artaxercés avoit 360. Concubines qui lui avoient donné cent cinquante LXV.
fils, & il en avoit seulement trois de la Reine Atosse son Epouse savoir Da- Artaxercés
, désigne
rius, Ariaspe & Ochus. Cette multitude d'enfans jetta le trouble & la division Darius son
dans la Cour. Les Enfans des Concubines n'avoient rien à prétendre au Roy- fils pour
aume ; mais ils prirent parti pour celui des autres fils du Roy, qui leur étoit lui luccé-
le plus agréable; Les Grands étoient de même partagez entr'eux 8c le Roï- der.
, Plutarcb.
aume étoit menacé d'une guerre civile aprés la mort du Roy. Asin de préve- in Arta-
nir ce désordre, dont Artaxercés avoit veu les funestes effets, au commence- xerce pagT
ment de son regne, il désigna avant sa mort Darius qui étoit l'ainé,pour son 1024.^5.
successeur, & lui permit de prendre le titre de Roy & de porter le Diadéme,
ou plúto{t la Tliiare droite qui étoit la marque de la Roïauté. Ochus le
plus jeune des fils du Roy, qui étoit d'un naturel ardent hardi & entrepre-
,
nant, se flattoit de regner aprés son Pere, & se fondoit principalement sur le
crédit de la Reine Atosse sa Mere qui lui faisoit espérer, qu'elle disposeroit
,
l'esprit du Roy en sa faveur ; Cependant Darius l'emporta & fut daigné hé-
ritier présomptif de la Couronne, & même associé au Royaume.
LXVl. Il y avoit uneLoy parmi les Perses,qui vouloit qu'un Prince -tiiisi désig-
Darius de- né pour succéder au Royaume, pût demander au Roy telle grace, qu'il vou-
mande au loit, sans qu'on pÚt la lui refuser. Darius demanda donc femme Aspa-
Roy son pour
sie, qui avoit été la bien aimée du jeune Cyrus, & qui étoit alors Concubine
Pere Aspa-
fiepour du Roy Artaxercés. Ce Prince répondit, qu'Aspasie étoit la maîtresse, & que
semme. Darius pouvoit la prendre, si elle vouloit aller avec lui. Aspasie y consentit
contre l'attente & la volonté du Roy, qui en fut trés-piqué. Il la lui donna
pour ne pas contrevenir à laLoy.mais peu de tems aprés il la lui reprit, sous
prétexte de la consacrer Prétresse à la Déesse Diane d'Ecbatanes, qu'on sur-
nomme Anitis; Darius fut outré de ce procédé de son Pere, & résolut de s'en
venger. Il forma une conspiration contre la vie d'Artaxercés, & engagea
1
dans son parti cinquante de ses freres.
LXV11. Tiribaze, dont on a parlé si souvent fut un de ceux qui contribua le
,
Confpira- plus à faire prendre à Darius une résolution si dénaturée. Il étoit lui-même
tion du irrité contre Artaxercés pour une occasion à peu prés pareille à celle qui
jeune Roy ,
avoit si fort irrité Darius. Le Roy Artaxercés avoit promis trois de ses filles
Darius
contre Ar- à trois de ses Principaux Officiers; savoir Apame à Pharnabaze, Rodogyne à
taxercés Oronte, & An1isiris à Tiribaze ; ensuite étant lui-même devenu amoureux
son Pere. d'Amistris, il la prit .
pour lui, & donna à Tiribaze une autre de ses filles,nom-
mée Atofse,qu'il lui ôta encore, & la prit pour femme ; On sait que parmi les
Perses le Pere épousoit assez sauvent sa propre fille. Ces sortes d'ince-
ites passoient pour permis. Tiribaze donc ne cherchoit que l'occasion de se
venger de la double insulte qu'il prétendoit lui avoir été faite par Artaxer-
cés, & il ne cessoit d'animer Darius à la vengeance & à ôter la vie à son
Pere.
LXVlll. Mais la conspiration ne put être conduite avec tant de secret qu'elle
,
La Conspi- ne fut découverte par un Eunuque, qui entendit que les Conjurez étoient ré-
ration est solus de tuër le Roy dans son lit, pendant qu'il dormiroit. L'Eunuque en
découver-
te, &les informa le
Roy, & celui-ci fit percer au chevet de son lit une porte quidon-
Conjurez noit dans une autre chambre où il pouvoit aisément se glisser, dez que les
mi s à mort. Conjurez seroient entrés dans, sa chambre pour l'y égorger. L'Eunuque se
joignit aux Conjurez,& avant qu'ils fussent arrivé jusqu'au lit du Roy , ce
Prince eut le loisir de les voir, de se jetter dans la chambre voisine & de fer-
mer la porte sur lui. Les gardes accoururent en armes & se jettérent sur
les Conjures. Tiribaze se défendit vaillamment,mais enfin il fut tué d'un
coup de fléche. Darius aïant été convaincu, on fit entrer dans la prison le
Bourreau pour lui couper la tête; mais étonné à la veuë de ce jeune Prince,
il retourna, n'osant porter la main sur lui; Les Gardes le nIénaçantde le tuer,
il retourna & lui coupa la tête. Quelqu'un: ont écrit , qu'Artaxercés lui-
, à
même donna son fils tant de coups de cimeterre qu'il le fit mourir sous
les coups; puis sortant dans la Cour il adora le Soleil, & dit ces paroles :
Allez Persans, portez par tout la bonne, nouvelle,que le Grand Oromaze a tiré
vengeance de ceux qui avoient comploté des avions détestables.
LXIX. Aprés la mort de Darius les Cabales recommencèrent tout de nouveau.
Ariaspe sils
Ochus dont on a déja parlé Ariaspe & Arsames se mirent sur les rangs,
du Roy Ai- 3 ,
pour
pour briguer la Roïauté. Arsames n'y pouvoit prétendre par le droit de sa taxercés se
naissance, n'étant que le fils d'une Concubine ; Mais 1affeéhon que le Roy fait mourir
le poi-
lui portoit, lui donnoit lieu de tout espérer. Ochus le plus ardent des trois, par son.
étoit soûtenu par la Reine Atofle sa Mere; & son ambition sans- borne lui fit
violer les Loys les plus sacrées pour la satisfaire. Il connoissoit l'humeur
douce, simple & crédule d'Ariaspe ; il suborna quelcju'Eunuques, qui lui fi-
rent entendre par une fausse confidence, que le Roy Ton Pere ne le pouvoit
souffrir, & qu'il étoit résolu de se défaire de lui. Ce jeune Prince, à qui l'on
rebattoit tous les jours la même chose, résolut de prévenir le coup, & prit du
1
poison pour se faire mourir.
Il ne restoit plus qu'Arsames qui fit ombrage à Ochus. Le Roy Arta- Mort LXX.
du
xercés aïant été informé de la cause qui avoit porté Ariaspe à s'empoisonner, Roy Arta-
en conçut une douleur mortelle, & redoubla ion affection pour Arsames. xercés,
Ochus aïant gagné Harpates fils de Tiribaze, fit assassiner Arsames, & se défit Ochus lui
ainsi de ses deux concurrens. Ces deux crimes qui se suivirent de prés, ac- succéde.
du
cablérent de douleur le Roy Artaxercés & le conduisirent au tombeau. Il An364.6. M.
avoit vécu quatre vingt quatorze ans, & en avoit régné 46. dans une grande avantj. G.
réputation,de clemence & de justice. Ochus qui savoit le resped: & la vé- 3 19.
,
,
nération que les peuples de l'Empire avoient pour ce Prince, & combien il
s'étoit lui-même rendu odieux par les meurtres de ses deux freres fit cacher Diodor.
la mort du Roy pendant quelquetems , & se saisit du maniment des affaires,-ficul. 1. 15.
s'il l'eût fait ordre du Roy & sous Sa direction, scéllant des dé- p. 504.505.
comme par
crets, & donnant des ordres , comme s'il l'eut fait par l'autorité & au nom
du Roy, & enfin dans une de ces ordonnances il se fit proclamer Roy par
tout l'Empire, parlant au nom d'Artaxercés , comme s'il eût été encore vi-
vant.
Il gouverna ainsi pendant prés de dix mois, & quand il se crut assez LXXl
bien affermi sur le Trône, il déclara enfin la mort de son Pere, & se fit nom- Cruautez
d'Ochus
mer Artaxercés, ce qui n'empêche pas que l'Histoire ne lui donne aussilenoin
envers
d'Ochus. Ce Prince qui n'étoit monté sur le Trône que par la cruauté & tous les
par le crime, s'y fortifia par des voies aussi criminelles. Pour ôter aux Pro- la Princes de
vinces le prétexte de mettre sur le Trône quelque Prince dela famille Roïale, Maisoa-
Il les fit tous mourir avec les Princesses filles ses Soeurs, qui étoient en grand Roïale.
Curtius.
nombre, il fit enterrer vive sa propre Soeur Ocha, dont il avoit épousé la fille, I. x. c. 8.
& aïant renfermé un de ses Oncles avec cent de ses fils & de ses petits-fils
dans une Cour, il les fit tous tuër à coups de fléches. Il traita avec la- même
barbarie dans tout l'Empire tous ceux qui lui faisoient quelque ombrage, ne
pardonnant à aucun de la Noblesse qu'il soupçonnoit être mécontens.
Mais il ne s'appercevoit pas que par cette conduite il multiplioit le nom- LXXIL
bre des mécontens, au lieu de les diminuer. Artabaze Satrape d'une des -Revolte
d'Artaba-
Provinces d'Asie, se revolta contre Ochus qui envoïa contre lui une armée ze contre
,
de soixante & dix mille hommes. Artabaze mit dans ses intérêts Chares A- Ochus.
thénien, qui commandoit une flotte & un Corps de troupes dans ces quar- Diod.ji'ctil.
tiers-là. Avec le secours de Chares Artabaze battit les troupes du Roy, 1.16,p.527-
,
& ce Satrape donna au Général Athénien de quoi faire les frais de l'armement.
Le Roy Ochus fut extrêmement irrité contre les Athéniens,qu'il supposoit a -
voir permis à Charés de donner du Secours à Artabaze ; Il fit courir le bruit
qu'il alloit mettre en Mer une flotte de trois cent voiles qui agiroit contre
,
eux avec les villes de Chios, de Rhodes, de Cos & de Bizance, qui s'étoient
liguées pour faire la guerre aux Athéniens. Les menaces du Roy eurent leur
effet. Les Athéniens rapellérent Charés, & s'accommodèrent avec les villes
dont on a parlé.
Artabaze abbandonné par les Athéniens, eut recours aux Thébaïns,dont
il obtint cinq mille hommes qu'il prit à sa solde avec Pammenes qui les
commandoit. Avec ce renfort Artabaze battit les troupes du Roy dans deux
grandes batailles & ces heureux succés qu'on attribua principalement aux
Thébaïns, leur fit ,beaucoup d'honneur & à leur Commandant; Caron regar-
da comme une hardiesse fort extraordinaire, que les Thébaïns abandonnez
par les Thessaliens, & menacez de la guerre par les Phocéens , aient osé en-
voïer de leurs troupes au dela de la Mer.
LXXlIl.
/
Ce fut vers ce même tems que mourut Mausole Roy de Carie, dont le
Mort de nom est si célébré , par le superbe tonlbeau que lui érigea Arteniise son
Mausole Epouse, & qui a donné le nom aux sépulcres les plus somptueux que l'on
,
Roy de nomme de son nom Maujolees. Ce tombeau se voïoit dans la ville d'Halicar-
Carie. Ar- nasse, ex;il-fut mis
temise son au nombre des sept merveilles du monde. Artelniiè Veuve
Epouse lui de Mausole, étoit en même tems sa Soeur. Elle témoigna une si sensible dou-
érige un leur à la mort de son Mary, qu'aïant fait brûler & ses Chairs & ses Os elle
superbe prit chaque jour une dose de ces cendres qu'elle délaïoit dans sa boisson, ,
&
Mau(blëe. qu'elle but jusqu'à
-Diod.ficul. ce qu'il n'en restât rien. C'étoit la Coutume dans la Carie
à leurs
i.ié.p.<>29. que les Roys epousasTent leurs Soeurs & que les Veuves succédassent
An du M. Maris. Ainsi Artemite succéda à Mausole ; elle eut pour sticcessèur Idricus
e61l- son propre frere, qui prit pour femme Ada sa Soeur.
avant J. G. Les Phéniciens obéïssoient depuis longtems aux Perses & étoient gou-
349. Le Senat & les Gouverneurs
Mausole vernez par des Satrapes envoïez par le Roy.
avoit reg- s'assembloient ordinairement dans la ville de Tripoli, ainsi nommée , parce-
né 24. ans. qu'elle est composée de trois villes éloignée l'une de l'autre del'espace d'une
LXXIV. stade. Comme les Satrapes & les Gouverneurs assemblez dans cette ville
Révolté usoientinsolemment'de de leur autorité, & opprimoient les Phéniciens, ceux-ci
<ies Phéni-
ciens con- se révoltèrent & firent une ligue avec Ne&anébe Roy d'Egypte, qui étoit tou-
tre les Per- jours brouillé, avec le Roy de Perse. La ligue fut bientôt conclue , & la ville
fes. de Sidon, comme la plus riche & la plus puissante , fut choisie pour y faire
I)Iod.ji'cul.
J. 1
l'armement des vaisseeux de guerre.
An du M. Le Roy de Perse préparoit alors une grosse armée pour aller en Egypte;
36p. Aïant appris la revolte des Phéniciens, & que ces peuples n'avoient épargné
avant J. G. ni ses plus beaux vergers, ni la personne de ses Satrapes,& qu'ils avoientmis
349. le feu aux foins qu'on avoit amassez pour la subsistance de son armée , il se
LXXV.
Les Perses hâta de
marcher contre eux, & en attendant son arrivée, le Gouverneur de
sont battus Syrie & celui de Cilicie commencèrent les holhlitez contre les Phéniciens.
parlesPhé- Le Roy d'Egypte à qui la revolte des Phénicie'ns venoit si à propos dans la
jûcicns. conjoúaure présente, envoïa à leur secours Mentor Rhodien avec quatre mille
hommes
hommes de troupes Gréques. Ces troupes jointes à celles de Tenues Roy
de Sidon, battirent les Gouverneurs de Syrie & de Cilicie, & chassérent les
Perses de la Phénicie.
LXXVl.
L'île de Cypre, qui n'est pas loin de la Phénicie, voïant ces heureux suc- Revolte
cés, songea aussi à secouër le joug de Perses. Elle se ligua avec le Roy d'E- de l'île de
gypte & se révolta, Cette île avoit neuf grandes villes qui étoient gouver- Gypre
nées par autant de Roys, dépendans du Roy de Perse & lui païant tribut. Ces contre les
Princes résolus de se rendre indépendans , se disposérent sérieusement à la Diodor. Perles.
1.
guerre. Le Roy de Perse envoïa contr'eux Idricus Roy de Carie, dont on a 16.P.
parlé. Idricus équipa promtement une flotte avec huit mille Soldats Grecs,
& la fit partir sous le commandement de Phocion l'Athénien & d'Evagoras.
Ils firent une descente dans l'île & leur armée y fut bientôt augmentée au
,
double par les renforts qui leur vinrent de Syrie & de Cilicie. Ils formèrent
le siége de Salamine,Capitale de l'île où régnoit alors un Roy nommé Eva-
goras , apparement fils de Nicocles fils d'Evagore dont op a parlé cy-de-
vant.
L'importance de la guerre d'Egypte & le peu de succés qu'avoient eu LXXT,RIL
celles que lesRoys de Perse y avoient faites, jusqu'alors,engagérent Ochus à y marcheOchus
marcher en personne. Il se rendit sur les frontiéres de Phénicie, & il trouva personneen
son armée forte de trois cent mille hommes d'Infanterie & de trente mille contre
hommes de Cavalerie. Mentor Rhodien, dont on a parlé étoit alors à Si- l'Egypte.
, Roy,
don avec ses quatre mille Grecs; voïant approcher l'armée du & ne ju-
geant pas que le forces des Phéniciens & des Egyptiens réünies fussent capa-
bles de lui resister, songea à se mettre en seûreté & envoïa secrétement à 0-
chus un de ses gens nommé Thessalion, pour lui offrir non seulement de lui
livrer Sidon, mais aussi de le servir dans l'Egypte, dont il connoissoit parfai-
tement le païs. Ochus fut charmé des propositions de Mentor ; mais comme
Thessalion lui demandoit qu'il lui donnât la main pour assurance de sa parole,
Ochus en colére le fit méner au supplice pour lui faire trancher la tête.
Thessalion lui dir, qu'il pouvoit-faire ce qu'il lui plairoit, mais que Mentor ne
se croiroit: point tenu à ses promesses, à moins qu'il n'eut des assurances de sa
part: Ochus qui w)uloit à quelque prix que ce fut gagner Mentor, fit revénir
Thessalion & lui donna la main. Cette cérémonie passe parmi les Perses
pour la plus solide & la plus inviolable de toutes les promesses.
à
Mentor informé des dispositions du Roy, fait connoitre TennésRoyde LXXVIII.
Sidon, le danger auquel il s'expose en voulant résister aux forces d'Ochus, & Tennes
le détermine à faire aussi son accommodement avec ce Prince; ils prennent don Roy de Si-
livre
ensemble la perfide résolution de lui livrer la ville. sa ville au
Les Sidoniens voïant arriver l'armée des Perses, avoient mis le feu à tous Roy Ochus
leurs vaisseaux, pour mettre tous les Citoïens & les Soldats dans l'indispensa- & trahit
ble nécessité de se bien défendre, en leur ôtant toute espérance de prendre la les intérets '
des Sido-
fuite. Mentor avoit été chargé de la garde d'un quartier de la ville dans le- niens.
quel il devoit introduire les troupes du Roy. Tennes le laissa dans la place,
& en sortit lui-même avec cinq cent hommes, feignant d'aller à l'assemblée
général des Phéniciens. Il ménoit avec lui cent des Principaux des Sidoniens
comme pour lui servir de conseil, il les livra à Oclius, & se rendit à lui. Ce
Prînce reçut sort bien Tennes, huais il fit percer de fleches ces cent Conkil-
lers, qu'il accusoit d'étre auteurs de la revolte ; ensuite les cinq cens hom-
mes que Tennes avoit amenez s'étant présentez devant le Roy en posture de
supplians, & tenans en main des branches d'olivier, il demanda à Tenues, s'il
pouvoit l'assurer de le rendre maîrre de Sidon, Tennés le lui aïant promis,
Ochus fit percer de fléches les cinq cent supplians.
XXIX. Enfin Tennés de concert avec Mentor & les Grecs qu'il c0l11111andoit,
Mort fune- livra Sidon au Roy. Quand il fut entré dans la Ville, n'aïant plus besoin de

doniens
,
ite de Ten- Tennés, il le fit aussi mettre à mort. Digne récompense de sa trahison; Les
nés. Les Si- Sidoniens Ce
voïant ainsi trahis & que l'ennemi étoit maître de la Ville, le
mettent le renfermèrent dans leurs maisons & y mirent le feu. Quarante mille hom-
seu à leur mes sans compter les femmes & les enfans, y périrent. La Ville étoit pleine
Ville. de toutes sortes de richesses, qui furent fondues ou consumées parles flam-
mes. Ochus en vendit les cendres dont il tira une somme trés-considérable.
Les autres Villes de Phénicie effrayées du malheur de Sidon, se rendirent au
Roy, qui leur fit, une composition assez raisonable, ne voulant pas perdre le
tems à les réduire par la force, de peur de manquer son coup sur l'Egypte,
qui étoit son principal objet.
LXXX. Dez le commencement de cette expédition, il avoit fait demander des
Ochus de-" troupes aux principales Villes de la Gréce. Athéne & Lacédémone s'étoient
mande du excusées de lui donner sur l'impossibilité où ils étoient de le faire alors,
secours en
Villes quelque grande que fut l'envie qu'ils avoient d'entretenir une bonne corre-
aux Les Thébaïns lui envoïérent mille hommes. sous
Gréques spondance avec le Roy.
contre l'E- le commandement de Lacrates. Ceux d'Argos trois mille, commandez par
gypte. Nicostrate, il lui en vint encore six mille des Villes d'Asie; toutes ces troupes
au nombre de dix mille hommes, le joignirent toutes jultement aprés la
prise de Sidon.
Lxxxi. Ochus, pour ne rien laisser en arriére & pour réünir toutes ses forces
Ochus fait contre l'Egypte , termina en ce même tems la guerre qu'il avoit contre les neuf
la paix avec petits Roys de Cypre ; il écouta leurs plaintes, leur fit justice & les confirma
les petits dans leurs petits Etats.Salamine avoit été aiIiégée & prise ; Evagoras deman-
Roys de confirmé comilie les autres, mais son procès lui av;int
l'île de Cy- doit d'être rétabli ou
été fait, & étant convaincu de plusieurs injustices & de plusieurs vexations,
pre.
on n'eut nul égard à ses remontrances; seulement on luiSalamine,donna un Gouver-
nement ddns l'Asie, où s'etant aussi mal gouverné qu'à il revint à
Salamine où il fut arrêté & mis à mort. Ochus donna le Royaume de Sala-
des Perses.
LXXXII mine à Protagoras, qui se sournit à la domination
Plusieurs Aïant ainsi pacifié l'île de Cypre, le Roy marcha avec toutes ses forces
Soldats vers l'Egypte. Etant arrivé au Lac Sirbon, prés duquel sont des abymes d'une
Persans très-grande profondeur, les vents qui avoient jette quantité de sable sur ces
sont aby- la superficie, en sorte que les Soldats croïant mar-
mez' dans eaux, en avoient couvert
le Lac Sir- cher sur la terre ferme, enfonçoient dans ces creux remplis d'eaux & de fable,
bon. & y périssoient, sans qu'il fut possible de les secourir. On a plus d'un eXClll-
ple dans l'Histoire d'armées entières ainsi englouties dans les sables fins mê-
lez avec les eaux. L'armée
L'armée de terre arriva enfin devant Peluse. On marqua le campement LXXXll1.
des Grecs fort prés de la Ville ; & les Perses demeurèrent à 40. Stades ou en- Arrivée de
viron une lieniie & demie de là. Outre le gros de l'armée, le Roy en avoitPl'armée erse de-
de
fait trois Corps séparez, dont chacun étoit commandé par un des Généraux vant Pelu-
Grecs, auxquels le Roy joignit un Général Persan , avec lequel il devoit se.
agir de concert; & le Corps qu'ils commandoient en commun, étoit com-
posé, de Grecs & de Perses ; Lacrates Thébaïn , & Rosaces Perse Gouver-
neur de Lydie & d'Ionie , command ient le premier Corps composé des
Soldats Thebaïns & de sept mille Perses. Nicostrate Argien avec Aristazane
Perse, commandoient le second composé de Soldats Argiens & Persans ; enfin
le troisiéme avoit pour Chefs Mentor le Rhodien, & Bagoas un des plus ac-
créditez Eunuques du Roy. Ochus demeura dans le Camp avec le gros de
l'armée, pour attendre les événemens & afin d'être à portée de secourir ses
troupes.
Le Roy d'Egypte s'attendoit depuis long tems à la guerre, & il avoit
eu tout le loisir de s'y préparer. Il avoit cent mille hommes sur pied, dont
vingt mille étoient Grecs vingt mille Lybiens le reste étoit des troupes
Egyptiennes. Il avoit fait ,trés-bien fortifier toutes, les places & les forteresses
qui étoient situées sur les embouchures du Nil, pour disputer aux Perses l'en-
trée de sonpaÏs.
Lacrates eut ordre de se poiler devant Peluse avec son détachement & LXXXlV*
d'en faire le siége. La Ville étoit défenduë par cinq mille Gréques qui y Siége de
étoient en garnison. Le détachement commandé par Nicostrate, s'etant em- Peluse par
Lacrates
barqué avec les liens sur quatre vingt vaisseaux de la flotte de Perse, pénétra Thébain.
par une des bouches du Nil, jusqu'au fond de l'Egypte, où aïant débarqué,
Il se fortifia dans un lieu d'une situation trés-avantageuse. Aussi-tôt les trou-
pes Egyptiennes qui se trouvoient dans ces quartiers - là , y accoururent au
nombre de sept mille hommes, aïant à leur-téte" Clinius de l'île de Cos, &
se mit en devoir de les en chasser. Les deux armées en vinrent auxmains.
Clinius y fut tué avec cinq mille des siens, le reste fut nlis en déroute.
h
Neclanébe qui avoit voulu se charger seul de la conduite de cette guerre,
quoi qu'il n'eût ni la capacité, ni l'experience nécessaire, fut déconcerté par
ce premier debut. Il le mit dans l'esprit que les Perses alloient forcer tous
les passages, & qu'ils viendroient aussi-tôt assiéger Memphis sa Capitale. Il
accourut donc en diligence à Memphis, de peur que Nicostrate aprés la vi-
stoire qu'il venoitde remporter, ne s'en emparât.
Les Thébaïns conduits par Lacrates, s'etoient fait un point d'honneur de LXXXV.
se distinguer dans cette guerre, & de l'emporter sur tous les autres Grecs. Peluse se
-Ils eifuïérent dez le commencement devant Peluse tout le feu de la garnison ]rend à La..
qui fondit sur eux, & qui les combattit avec beaucoup de vigueur pendant crates.
tout un jour, sans qu'on pût dire à qui apartenoit la victoire. Le siége con-
tinuant, Lacrates fit ecoulerles eaux qui étoient dans le folle & commen- \
ça à dresser ses machines contre les murs. Il en renversa une, assez grande
étendue; mais les asfiégezles réparérent ou en firent d'autres. Il ne se passoit
point de jours qu'il ne se fit quelque sortie. A la fin les assiégez voïant que
Nedané-
Nedanébe avoit abbandonné les forts qui etoient aux embouchures du Nil,
crurent tout perdu & se rendirent à Lacrates, à condition qu'on les renvoïe-
roit tous en Gréce sains & sauss, avec ce qui étoit à eux.
LXXXVI. Mentor qui commandoit le troisiémé détachement, voïant les passages
Mentor se libres, entra dans le païs & s'en rendit maître sans résistance. Il s'empara
rend maî- d'abord de Bubaste, & attirer les autres places, il fit répandre le bruit
de
tre pres- dans son Camp
pour
le Roy de Perse étoit disposé à rénvoïer & à traitter
que toutes , que
les villes avec humanité ceux qui se rendroient tans attendre les dernières extrémitez,
d'Egypte. & qu'au contraire, il traitteroit, comme il avoit fait Sidon, les Villes qui fe-
roient de la résistance. En même tems il ordonna àses gens de laitier aller
les prisonniersEgyptiens, afin qu'ils publiassent la même choie dans le pays.
Ce itratagéme réùssit, & dans un moment on vit dans presque toutes les Vil-
les d'Egypte une espéce d'émulation & de contestation entre les troupes E-
gyptiennes & les Etrangères, à qui se rendroient les premieres, pour tâcher
d'avoir meilleure compétition. Nedanébe ne voïant plus aucun moïen de
résister, ramassa tout ce qu'il avoit de plus prétieux & se retira en Ethiopie.
C'eit le dernier des- Roys de race Egyptienne que l'Egypte ait eu. Depuis
ce tems jusqu'à la ruïne entiére de la Monarchie Egyptienne, elle fut gou-
vernée ou par des Satrapes envoyez de la Perse, ou par des Roys Grecs de
naissance & d'origine.
LXXXVlI. Ochus s'étant ainsi rendu maître de toute l'Egypte, renversa les murs des
Ochus villes Principales, & pilla les temples du pays, puis s'en retourna triomphant
aïant sub- à Babylone, emportant des sommes immenses d'or & d'argent qu'il avoit tirées
jugué l'E- de l'Egypte. Comme il étoit notoire
s'en que tout le succés de cette Campagne,
gypte, Phéniciens que contre les Egyptiens, étoit du à la valeur & à
retourne tant contre les
à Babylo- la conduite des Grecs, Ochus les renvoïa dans leur païs comblez de présens
ne. & de richesses. Il distingua principalement Mentor , comme celui à qui il
avoit de plus grandes obligations; car c'est lui qui se rendit maître de Buba-
ste, dont la reddition fut suivie de celle de toutes les autres Villes.
LXXXVIII. Phrendate Perse fut laissé pour Gouverneur en Egypte. Mentor reçut
Mentor talents d'argent & quantité de dépoüilles. Le Roy lui donna de plus le
Rhodien cent les côtes de l'Asie, & l'établit Généralissîme de tou-
Gouver- gouvernement de toutes
neur des tes les troupes qu'il al/oit dans ces
quartiers-là, avec ordre de faire la guerre
côtes de aux Provinces qui s'étoient revoltées, & de les reduire à Pobéïllance. Mentor
FAMe mi- s'en acquitta si bien & montra tant de fidélité dans toutes les commissîons
neure renc; dont le Roy le chargea, qu'il mérita qu'Ochus l'honorât de toute sa confian-
de grands
services à ce, & Mentor s'en servit pour remettre bien avec le Roy, Memnon & Arta-
Ochus, baze qui avoient porté les armes contre lui, & qui étoient alors rétugiez au-
prés de Philippe Roy de Macédoine. Memnon étoit frere d'Ochus, & Ar- -
tabaze avoit epousé la Soeur de ce Prince. Après leur reconciliation ils ren-
dirent au Roy des services trés-signalez, sur tout Memnon qui étoit l'hom-
me de ce tems-là qui avoit le plus de valeur, & qui savoit mieux l'art de
la guerre.
Mentor étant arrivé dans son Gouvernement, raména à l'obeïlTance du
Roy tout ce qui s'en étoit retiré, réduisant les uns par la force & les autres par
1
adresse;
adreïïe; de si grands services le rendirent cher à Ochus, en sorte que ce Prin-
ce lui abbandonna la conduite & le gouvernement de toutes les provinces
de la baffe Afie, pendant que Bagoas l'Eunuque favori du Roy, avoit legou';
vernement de toutes celles de la haute Asie ; Ces deux hommes partageaient
ainsi tout le pouvoir de l'empire, pendant qu'Ochus, plongé dans les délices
& dans la mollesse,ne songeoit qu'à se donner dubon tems. Il mourut après,
un regne de vingt-un ans, empoisonné par Bagoas l'Eunuque dont on vient
de parler.
Cet Eunuque étoit Egyptien de naissance. Ils'étoit mis si avant dans la LXXXÎX
faveur d'Ochus, que ce Prince ne faisoit rien sans le consulter. Pendant taxercés Mort d'Ar.
qu'il faisoit la guerre en Egypte, Bagoas ne vit qu'avec un extrême déplaisir Ochus, l'an
les choses qu'Ochus faisoit contre les villes, & sour tout contre la Religion du monde
des Egyptiens, pillant les temples, insultant aux Divinitez du païs, & enle- ?<5<5S.
J. G.
vant les Archives, qui étoient religieusement conservées dans les lieux les plus avant m-
sacrez de l'Egypte. Les Egyptiens naturellement railleurs donnèrent à Diodor.
Ochus le nom d'un animal stupide & pésant, auquel ils prétendoient qu'il 1.16.p;nr.
ressembloit. Ce Prince pour s'en venger fit tuër le Dieu Apis, c'est-à dire Sulpit. se-
le Taureau que les Egyptiens adoroient, & l'ayant fait apréter par ses Cuiss. ver. 1. 2.
niers, le fit servir à ses Officiers. Bagoas ne put jamais digérer cet affront, Aelian. Var. biJL
& on ne doute pas, que ce ne toitce qui le porta à ôter la vie à son maître. 7. 4. c. 8.
Il le fit empoisonner par son Médecin. On ajoûte qu'il fit enterrer un autre
corps en la place de celui du Roy, & qu'il fit manger son vrai corps par des
chats, auxquels il donnoitses chairs par petits morceaux, & que pour ses os,
il en fit faire des manches de couteaux, ou des poignées d'épées. XC.
Après la mort d'Ochus il fit mourir tous les fils du Roy, à l'exception Bagoas
du plus jeune nommé Arsez, qu'il plaça sur le Trône, lui donnant le nom de meurtrier
Roy & s'en réservant toute l'autorité. Ce jeune Prince ne demeura pas-long d'Ochus,
sans découvrir les crimes & la perfidie de Bagoas mais celui-ci crai- met sur le
tems , Tronc de
gnant d'étre arrété & puni, le prévint & le fit assassiner. Perle Arsez
Il mit sur le Trône vacant, Codomannus, qui prit le nom de Darius. On le plus jeu.
dit qu'il n'étoitpas fils de Roy; mais il étoit de la race Roïale & descendu ne des fils
, d'où sortit d'Ochus.
de Darius Nothus; Car Nothus avoit eu un fils nommé Ostane, An du M.
Arsane, qui epousa Sisigambis sa Soeur, dont il eut Codoman. Ce Prince 3668.
avoit échapé on ne sait comment, à la cruauté d'Ochus, lors qu'il fit mou- avant J. C.
rir tous les Princes du sang Roïal ; & lors qu'il fut fait Roy de Perse, il étoit H2.
Gouverneur d'Armenie, aïant mérité ceporte, pour avoir tué de sa main un Mort C VT
d'Ar-
Cadusien, qui avoit défié toute l'armée des Perses à peu prés comme Go- sez. Darius
,
liath défioit l'armée d'israël. Codoman-
Codoman étoit le plus bel homme & le mieux fait de tout l'empire des nus est fait
Perses, & en même tems le plus brave & le plus modéré. Bagoas s'apperçut Roy dePcr-
bientôt qu'il s'étoit donné un maître en lui donnant la Couronne. 11 réso- se. eXIl.
lut de s'en défaire, comme il avoit fait de ses deux prédécesseurs ; mais Co- Mort de
doman aïant été informé de son complot, le forca de boire la coupe empoi- l'Eunuque
sonnée qu'il vouloit lui donner. Telle fut la fin du malheureux Bagoas. Bagoas.
L1VRE XIII.
NOus reprendrons cy-après le fil de l'Histoire desPertes, lorsque nous
parlerons d'Alexandre le Grand & de ses Conquétes.
1. Les Carthaginois, dont nous avons veu les commencemens dans
Conquétes les livres précédents, aprés s'étre bien affermis dans l'Afrique, portérent leurs
des Cartha- s'affermir de l'empire de la mer, dont ils avoient besoin
ginois hors armes au dehors pour
de l'Afri- pour leur commerce, qui'.étoit leur premier &principal objet. Ils s'empa-
que. rèrent d'abord des iles de Sardaigne & deCorse, & ensuite des Baleares, au-
jourd'huy nommées Majorques &Minorques. L'histoire ne nous a pas con-
servé les détails de ces Conquétes , & peut-être se firent-elles par simple
surprise, sans armées & sans résistance.
Il Les Baleares sont célébres dans l'antiquité par l'habileté de leurs habitans
Conquêtes à lancer des pierres avec la fronde. On y accoutu moit les enfans dez leur
des Iles plus tendre jeunesse. Ils ne mangeoient pas le pain qu'on destinoit à leur
.
Baleares.
Diodor.Z." déjeûner, qu'ils ne l'eussent abbatu avec la fronde de dessus une branche d'ar-
p. 298. tôl- bre où on le plaçoit.
Les hommes lançoient des pierres du poid de plus
1<?.//. 342. d'une livre & quelque fois des balles de plomb , avec une telle roideur,
,
T. Livius qu'ils enfonçoient les Casques & les CuiraflTes les plus fortes, ce qu'ils fai-
l a8. soient avec tant d'adresse & de certitude, qu'ils ne manquoient presque ja-
mais leur coup. Ils surent dans la suite d'un grand secours aux Carthaginois
leurs maîtres, dans les guerres qu'ils entreprirent.
111, L'Espagne n'est séparée de l'Afrique que par un bras de mer fort étroit;
Les Cartha- la proximité étoit un motif aux Carthaginois pour tâcher de s'en rendre maî-
ginois font richesses des mines de ce païs, & la valeur de ses habitans étoit
quelques tres; mais les
Conquétes un appas encore plus puissant pour piquer leur avarice & leur ambition. Ils
en Espag- crurent que les mines d'or & d'argent leur fourniroient des richesses immen-
ne ,ses & que les Espagnols vaillans & aguerris, comme ils l'étoient, leur
donneroient de bonnes troupes, qui leur aideroient à pousser fort loin leurs
Conquêtes; Mais ces mêmes raisons, surtout la derniere, rendoient la con-
quête d'Espagne fort difficile; aussi n'en vinrent-ils à bout,que dans une lon-
n'y auroient-ils apparemment jamais réùssi, sans
gue suite d'années'; & encoreEspagnols,
les diviiions domestiques des & sans le peu de concert qui se trou-
va entre les peuples de ce grand païs.
On ignore en quel tems les Carthaginois entrérent dans les Espagnes, mais
on fait que les premières conquêtes qu'ils y firent, s'étendoient principalement
sur les côtes de la Méditerranée , car lorsqu'Annibal partit pour l'Italie, ils
étoient maîtres des côtes d'Espagne sur l'Océan & sur le Méditerranée, mais
il y avoit encore au -centre du pays plusieurs peuples & plusieurs cantons
qu'ils n'avoient pu assujettir, tout cela ne s'étoit pu faire que dans la suite de
plusieurs années. Les guerres qu'ils firent en Sicile, nous sont plus connues.
lV. Diodore de Sicile les a racontées au long , &y a joint celles de Denys
Gnerre des Tyran de Syracuse, qui sont dignes d'une attention trés particuliére. Xercés
Carthagi- Roy de Perse aïantrésolu de réduire les Grecs à son obéïssance,engagea les
,mt,;.s en Si-
Carthaginois à porter leurs armes en Sicile; & dans la grande Grèce , pour
^

file. empêcher
empêcher que ces peuples qui parloient Grec, & qui
étaient Grecs d 'ongine,
portassent du secours aux autres Grecs , que Xercés étoit resolu d aller
ne
attaquerDezenavantcetraité, An du Mi
les Carthaginois possédoient quelque chose en Si. 9* 96.
que les Roys furent chassez de Rome, cest-a avant J. C.
,
cile, puisque l'année même
dire' avant que Xercés attaquât la Grèce les Carthaginois traittant 504.
28. ans ,de
les Romains, marquérent certaines parties cette Ile, qui leurs obeis-
avec
Ent.
exécution du traitté fait avec Xercès, les Carthaginois levèrent une Amilcar v.
Armée d'environ trois cent mille hommes, & equipérent une flotte de deuæ aborde en
mille vaisseaux & de plus de trois mille petits bâtimens de charge. Amilcar Sicile & af-
eut étoit le Genéral de son tems le plus en réputation, partit de Carthage siége Hi-
cette nombreuse armée, & aïant abordé à Palerme , ou Panorme, y h mere.du
avec siége de la ville d Himere, en An M.
rafraîchir ses troupes, puis alla faire le qui n
Amii 3529--
est pas eloignée. Theron qui en étoit Gouverneur, sortit a la rencontre d
avant J. G.
été mises en fuite, il envoya en diligence deman-
car - mais ses troupes aïant Ce Prince y accourut avec une Diodor. Si-
477- -

der du secours k Gelon Roy de Syracuse. cul. 1. X7.


armée de cinquante mille hommes de pied & de cinq mille chevaux, Son
,
arrivée rendit le coeur ceuxà d'Himere. Il fortifia son camp devant la ville, P.2S.g.
& envoïa sa Cavalerie contre les Carthaginois, qui s'étoient jettés dans la Cam-
sans garder aucun ordre pour fourager Les Cavaliers de Gelon y si..
pagne dans la ville jusqu a
rent des prisonniers, tant qu'ils voulurent & en amenèrent
dix mille. Ce petit avantage donna un grand crédit à Gelon, & commença
à diminuer de beaucoup la terreur qu'on avoit concuë des troupes Cartha-
ê'in°Gelon
étoit en réputation d'un très-grand homme de guerre, & surtout VI.
Gelon Ty-
d'une grande fécondité en ruses militaires & en expédiens. Pendant qu Amil-
étoit occupé à préparer grand sacrifice Neptune, & que Gelon son- ran de Sy-
car un a racuse tue
geoit aux moïens de mettre le feu aux galéres des Carthaginois, qu'ils avoient Amilcar &
tirées à terre , & enfermées d'un grand fossé & de palissades, on aména a defait l'es
Gelon un Courier qui portoit des lettres à Amilcar, par lesquelles ceux de nois. Carthagi-
Selinunte lui donnoient avis que la troupe de Cavalerie, qu'il leur avoit de
mandée, arriveroit un certain jour. Gelon en choisit dans ses troupes un pa-
reil nombre, qu'il fit partir dans le tems marquc par la lettre, & qui se pré-
séntérent au Camp des Carthaginois, comme venant de Selinunte. Ils y furent
sans qu'on formât contr'eux le moindre soupçon, & aussi tôt ils se jetté-
reçus,
rent sur Amilcar, le tuèrent,& mirent le feu aux vaisseaux. Au même moment
Gelon voulant profiter du trouble que cette mort avoit jetté dans l'armée, l'at-
taqua avec toutes ses forces. Le carnage fut horrible ; il y eut plus de cent
cinquante mille Carthaginois de tuez. Les autres se retirérent dans un lieu
où ils auroient pu se défendre, s'ils avoient eu des vivres ; mais comme ils
manquoient de tout, ils furent bientôt obligez de se rendre à discretion.
On assure que cette grande affaire se passa le mêmejour, que se donna la fa-
me use bataille des Thermopyles,
où trois cent Lacédémoniens dispu.térent à
Xercés Péntrée de la Gréce.
VII. La perte des Carthaginois fut telle, qu'il n'y eut vingt Galères qui
Paix entre etoient demeurées en mer, qui echapérent; que
ies Cartha- lées fond, encore furent-elles bientôt cou-
ginois & a ou par le naufrage, ou par la trop grande multitude de ceux qui
les Sicili- s etoient jettés dedans. Il n'y eut que trés peu de personnes qui
par le se-
eus. cours d une petite barque arrivèrent a Carthage, & y annoncèrent que toute
1 armee envoyée en Sicile, étoit périe. Cette nouvelle y causa le trouble,
la consternation & le désespoir que l'on peut s'imaginer. Ils croïoient déja
voir Gelon a leurs portes & ils passoient les nuits entieres à garder leurs
murs, sans dormir, de peur de surprise de la part des Siciliens ; Ensuite un
peu revenus de leur fraïeur ; ils députèrent vers Gelon pour lui demander
la paix. Gelon l'accorda, à charge qu'ils païeroient deux mille talens
les frais de la guerre, & qu'ils bâtiroient deux temples pour y conserver pour
les
originaux du traité de paix. Les Carthaginois furent très heureux qu'on
ne
leur demandâtpas davantage , & pour témoigner leur reconnoissance à Da-
marete Epouse de Gelon, qui les avoit recommandé à son Mari, Ils lui firent
une monnoïe qui fut nommée Damarete de son nom.
à
present d une couronne d or de cent talens, qu'elle emploïa faire frapper
Giseon fils d'Amil-
car fut puni comme coupable du mauvais succés de l'expédition de Sicile
& envoïé en exil. Il passa le reste de sa vie à Selinunte Sicile. *
Apres cette victoire Gelon se disposoit de passer en
VIn. en Gréce avec son ar-
Gelon est mee, ^
pour s'opposer à Xercés l'ennemy commun de tous les Grecs ; mais
proclamé aïant appris
Roy oit qu'il étoit repassé que l'armée navale de ce Prince avoit été défaite à Salamine, &
Tyran de en Asie, il revint à Syracuse & convoqua une aiïemblée,'oii
Syracuse. tous les Citoïens devoient se trouver avec leurs armes & sans gardes, & aïant
An du M. rendu compte à l'assemblée de tout ce qu'il avoit fait pour eux il fut in-
ne
9524. terrompu que parles acclamations du peuple & par des témoignages de sa ,
avant J. G.
reconnoissance. Tous d'un commun consentement le proclamérent Roy de
47 6. Syracuse, & cette dignité fut possedée de suite par deux de ses freres, Hieron
&Thrafibule. * /
.Diod.LXL Gelon passa le reste de sa vie dans une heureuse paix & maintint Syra-
cuse dans la tranquilité & dans l'abondance. Il mourut , aprés
262.
An du M. six ans, son srere Hieron y regna onze ans & huit mois.
un regne de
Il chassa les anci-
ens habitans des villes de Catane & de Naxe
avant J. G. qu'il tira du Péloponése & de Syracuse
& y en établit de nouveaux,
,
470. & mit jusqu'à dix mille habitans
,
dans Catane. Pour les anciens habitans de Catane & de Naxe il les trans-
porta à Léonte. ,
IX. Quelque tems aprés il envoïa quelques vaisseaux au secours de de
Mort Cumes, quise plaignoient des Hetrusques,quiavoient alors l'Empire de la ceux
d'Hieron Ceux-ci furent vaincus Cumains mer.
Roy de Sy- par les & le secours, que Hieron avoit en-
racuse. voïé, revint triomphant à Syracuse. Ce Prince mourut aprés onze de
mérita ans
Thrafybu- regne, & de même que Gelon son frere , les honneurs que l'on ren-
le lui suc- doit aux Héros ou demi Dieux. Son frere Thrasybule lui succéda &
céde. qu'un s'étant ne regna
cruautcz.
an, car rendu odieux par les rapines, ses excés & ses
An du M. il força
37%9' 1 en quelque sorte ceux de Syracuse à se révolter contre lui,& à prenl
Avant J. C, 1re les armes pour se mettre en liberté. D'abord il voulut les ramener par
411» la
la 'douceur ; mais les voïant trop animez, il fit venir des troupes de Catane Qlymp.
& de quelqu'autres endroits de Sicile & aïant formé un Corps d'environ LXXVllI.
quinze mille hommes, il se saisit de cette ,
partie de Syracuse, que l'on nomme Died.I.XL
p.'iqà*
Âcradinc & d'une ile voisine, où il se maintint pendant quelque tems ; Mais
les Syracusains aïant fait venir du secours deGelés, d'Agrigente, deSelinulI-
te, d'Himere & de quelqu'autres villes, formèrent une armée considérable &
assïégérent Thrasybule par mer & par terre, le battirent par tout, & Fobli-
gèrent à se retirer àLocres en Italie, où il finit ses jours. L'on rétablit à
Syracuse le gouvernement démocratique, qui y subsista pendant soixanteans;
avec beaucoup de succés & de bonheur.
On ne laissa pas d'y voir de tems en tems,comme dans les antresRepubliques,
des séditions, des entreprises des plus puissans pour usurper l'autorité fou- Olymp.
veraine. Un nomme Tyndarides aïant attiré dans son parti beaucoup de Ci- Diodor.
Ir.
toïens par ses libéralitez & par ses bienfaits, se donna des gardes & aiMa
visiblement la Tvrannie,.on l'arpeta & on voulut le conduire en prison, , mais
ceux qu'il avoit gagnez, le tirérent des mains des gardes. Les Siciliens étant
accourus en plus grand nombre, le tirérent des mains de ces gens-là, & le
firent mourir avec ceux qui l'avoient voulu soûtenir.
Comme il arrivoit allez souvent de pareilles avantures; les Syracusains x.
inventèrent une peine pareille à celle de l'Ostracisme des Athéniens; Ils écri. Petalisme
voient sur une feuïlle d'Olivier celui qu'ils vouloient bannir & celui dont Syracuse établi à
le nom se trouvoit inscrit sur un plus grand nombre de ces ,feuilles étoit à l'imita-
,
banni pour cinq ans, ils appellérent cette peine le Petalisme, dérivé de l'étalon, tion de
une feuïlle ; Cependant comme on remarqua que la crainte du Petalisme l'üfhacis-
empéchoit plusieurs bons Citoïens, & qui auroient été en état par leurs ri- me des
chesses & par leur prudence, de rendre service à la Republique, d'entrer dans Athéniens».
les employs; & de se méler des affaires publiques, on fut obligé de l'abroger
peu d'années aprés son établissement.
Deucetius Prince des Siciliens, qui n'étoient pas fournis à la Republi- X1. -
que de Syracuse, réunit toutes les villes de Sicile , à l'exception d'Hybla en Deucetius
Prince des
une espéce de Republique & comme avoit un très-grand credit parmi Siciliens.
il
;
ces peuples, il se servit des deniers publics, pour transférer la ville de Neax Diod.l.X
qui étoit sa patrie, du lieu où elle étoit, dans une belle plaine prés le Tem-
t
ple des Dieux Paliques. Ce Temple étoit très ancien & très respefté des
peuples. Il y avoit des Chaudières dans lesquelles - -
on voïoit 17eau bouillir,.
comme elle eût été sur le feu. On ignoroit la cause de ce bouillonnement,
si
& la superstition empéchoit qu'on ne l'approfondit mais Teau exhaloit
odeur de souphre ; Et c'étoit sans doute le souphre mêlé avec ces eaux une
;
qui
y causoit de la chaleur & ce bouillonnement. Ce lieu étoit un Azyle sacré
& inviolable, & l'on y alloit pour saire les sermens les plus terribles dans les
grandes affaires qui survenoient dans le pays. Ce fut donc prés Temple
ce
que Deucetius bâtit & fortifia la nouvelle ville de Nea, qui devint bientôt
trés-peuplée.
Aprés cela Deucetius se rendit maître de la ville d'Ethna, aïant fait tuer XII.
en trahi(ol1 celui qui y commandait. Il attaqua ensuite la ville de Motvum. Dcucerias
Q 3 fexead
qui
maître de qui étoit défenduë par une garnison de Soldats d'Acragas, aujourd'huy Ger-
la ville genti. Ceux de cette derniere ville étant venus pour la secourir, firent mis
d'Ethna en
Sicile. en deroute par Deucetius. Les Syracusains soupçonnant Bilcon, qui com-
mandoit les troupes de Gergenti d'intelligence avec Deucetius, le firent
,
mourir, & nommèrent en sa place un autre Capitaine à qui ils donnèrent de
bonnes troupes, avec ordre de réduire Deucetius. Il lui livra la bataille & le
battit. En même tems les Gergentins reprirent Motyum qui étoit détendue
par les troupes de Deucetius.
XIII. Celui-ci ne voïant plus moïen de renfler, parceque ses Soldats l'abban-
Deucetius donnoient, & que sa vie n'étoit pas même en seûreté parmi eux prit la ré-
serend à solution d'aller lui-même à Syracuse. ,
Il monte secrétement a cheval pen-
ceux de dant la nuit, & étant entré dans cette ville, il se prosterna aux pieds des au-
Syracuse,
& est en- tels, & dans la posture d'un supliant, il implore la clémence des Syracusains
volé à Co- & leur remet sa personne & sa Province entre les mains. Le peuple étant
rinthe. accouru à ce spedacle, on assemble le Senat, & on délibére sur le traittement
qu'on doit faire à Deucetius. Les Orateurs crioient qu'il falloit le traitter en
ennemi ; mais les Senateurs furent d'avis qu'il convenoit à l'équité & à la
grandeur de Syracuse de conlidérer, non ce que méritoit Deucetius mais
,
ce que demandoit l'humanité & le respeét pour les Dieux, dont Deucetius
embrafloit les autels & dont il imploroit la protection. Tout le peuple confir-
ma cet avis, & Deucetius fut envoyé à Corinthe, où on lui fournit les choies
nécessaires à la vie tout le tems qu'il y demeura.
Il oublia bientôt l'obligation qu'il avoit à Syracuse. Il feignit que l'O-
XlV.
Deucetius racle lui ordonnoit de conduire une Colonie dans la Sicile , en un endroit
conduit nommé la belle côte, où les beau bords. Il y fut suivi par un grand nombre
une Colo- de gens qui cherchoient à s'établir ; plusieurs Siciliens même se joignirent à
nie en Sici- lui, entr'autres Archonide Prince des Erbitéens, aujourd'hui Nicosieen Sicile.
le, guerre à Ceux de Gergenti
son occa- piquez de ce que les Syracusains de leur autorité avoient
fion envoïé Deucetius à Corinthe,'& lui avoient conservé la vie, sans les consul-
Diod. 12. ter, leur declarérent la guerre. Presque toutes les villes de Sicile prirent parti
294. pour les uns, ou pour les autres, & enfin l'on en vint à une bataille prés la
ville d'Hinlére où ceux de Gergenti perdirent plus de mille hommes. Aprés
cet échec ils demandèrent la paix & l'obtinrent sous certaines conditions.
Deucetius vécut encore quelques années & bâtit la ville de Callacie
Diod.1. XII , Il
aujourd'hui Calka en Sicile, où il raflTemblà grand nombre de Citoïens.
p.zoz.
An du M. entreprit ensuite de se rendre maître de la Sicile & d'y exercer , comme
gi68. autre fois, une espéce d'Empire absolu ; mais la mort mit fin à ses entreprises.
avantJ. C. Il 1110urut la premiere année de la 8î- Olympiade.
432.
XV.
Presqu'en même tems qu'il fondait sa ville de Calica, on bâtit la ville
Fondation de Thuriun1 en Italie; mais il est bon de reprendre les choses de plus haut.
dela ville Sybaris étoit une ancienne Colonie Gréque qui devint en peu de tems si
de Thuri- puissante par la fécondité de souterrain & par, la commodité de sa situation
um en ita- entre deux Rivieres Crathis & Sybaris qu'on y comptoit trois cent mille
lie. ,
Diod.ficul. habitans. Telys qui y avoit une trés-grande autorité , persuada aux Sybari-
tains de chasser de la ville tous les plus riches Citoïens & de s'emparer de
leurs richesses, son avis fut suivi. On en bannit cinq cent des Principaux ;
lesquels
'lesquels se retirèrent à Crotone, & tenant embrassez les Autels qui étoient
érigez dans la place publique , ils implorèrent le secours des Crotoniates.
Thelys en même tems envoya dire aux Crotoniates, qu'ils eussent à lui livrer
les bannis, où à se préparer à la guerre. On délibéra sur ces propositions
& le peuple qui ne se sentoit pas assez fort pour soutenir la guerre contre
t
une ville aussi puissante que Sibaris, fut d'avis de livrer ces supplians ; mais
le Philosophe Pythagore les détourna de cet avis, & on résolut de se-défendre.
LesSybaritains mirent sur pied trois cent mille hommes; Ceux de_Cro- XVI.
Défaite des
tone n'avoient que cent mille hommes mais ils avoient dans leur armée le Sybaritains
fameux Nilon Crotoniate qui en valoit plusieurs mille par sa force & sa valeur parles Gra-
extraordinaires. Il renversa l'aile des ennemis qui se trouva devant lui, aprés toniate*.
quoy toute l'armée des Sybaritains prit la fuite. On en fit un carnage horri-
ble,& on ne donna la vje à aucun de ceux qui tombérent entre les mains des-
Crotoniates. La ville de Sybaris fut pillée & réduite en solitude.
Elle demeura en cet état pendant cinquante huit ans. Alors quelques
Thessaliens s'y établirent, mais à peine y avoient ils été cinq ans, qu'ils en
-
surent chassez par les Crotoniates. Ils s'adresserént aux Athéniens & aux
Lacédémoniens pour leur demander du secours contre Crotone, & des hom-
mes pour peupler Sybaris. Les Lacédémoniens ne jugèrent pas à propos de
les secourir ; mais les Athéniens leur envoïérent dix Galères avec des Soldats
pour leur aider à se rétablir, & en même tems firent publier par tout le Pe-
loponése que ceux qui voudroient aller dans cette nouvelle Colonie, y se-
roient bien reçus. Plusieurs passérent donc en Italie, & donnèrent à leur nou-
velle ville le nom de Thurium, à cause d'une source d'eau qu'ils trouvérent
prés de là, & qui se nommoit Thuria Ils partagèrent la ville en quatre quar-
,•

tiers, qui vécurent allez long tems en bonne intelligence ; mais les anciens
habitans deSybaris voulant s'arroger certains droits & certaines prééminen-
ces par dessus les nouveaux venus, ceux - cy qui étoient le plus grand nom-
bre, firent main basse sur les anciens Sybaritains, & établirent dans la ville
la forme de gouvernement qu'ils jugérent à propos. Ils s'allièrent avec ceux
de Crotone, & leur République étant bien établie, ils la partagèrent en dix
tribus & priérent Charondas, qui étoit un de leurs Citoïens, homme trés sa.
ge & trés instruit, de leur donner des Loys.
Charondas pour s'y disposer, lut exactement tous les ouvrages des XVII
au-
tres Législateurs, & en tira ce qui lui parut de plus excellent. Il y ajoûta du Loys de
lien plusieurs beaux réglémens ; par exemple ; Il exclut de toutes charges Charondas
publiques, celui qui aïant des enfans d'une première femme, en épousoit pour la vit.
le de Thu-
une ieconde; car ou son premier mariage avoit été heureux ou malheureux; rium.
s'il avoit été malheureux, il étoit de la derniére imprudence de s'engager -

hazard d'un sécond, qui pouvoit étre aussi malheureux, & s'il avoit été heu- au
reux , pourquoi s'exposer au risque d'un autre, qui pouvoit ne l'être pas? Il
condamnoit les faussaires, ou les Calomniateurs à étre proménez par la ville
couronnez de branches de bruyeres , arbrisseau flérile& dé mauvais augure;
Ce oui fut cause que plusieurs aimérent mieux déserter la ville,
pendra de désespoir, que de s'exposer à cette ignominie. ou même se
Les
L-es autres Législateurs n'avoient rien ordonné contre ceux qui fréquent
tent les mauvaises compagnies. Charondas persuadé que le commerce des
médians est comme une peste qui est capable de corrompre les coeurs les
plus innocents, & de pervertir les plus excellens naturels, permit d'intenter
action contre ceux qui fréquentoient de mauvaises Compagnies, & les con-
damna à de grosses peines.
XVIII. Une autre Loy qu'on a beaucoup louée, & qui avoit éte oubliée par les
Loys de autres Législateurs, est celle qui ordonne que tous les fils des Citoïens se-
Gharondas roient instruits dans les bonnes lettres, &
l'in- que les villes assûreroient de bons
pour
Rruttiotl gages aux maîtres qui enseignoient la jeunesse, afin que les pauvres mêmes
de la jeu- n'eussent point de prétexte pour se dispenser d'étudier & de fréquenter les
Reffc. ecoles. Il savoit de quelle conséquence il est pour l'honneur & l'avantage
de la République, que la jeunesse soit instruite des Loys, de la Religion, des
maximes de la justice, de l'equité, de l'humanité. En effet il paroit fort lin-
gulier qu'on ait un si grand soin d'avoir de bons Médicins dans les villes, pen-
dant qu'on néglige souvent d'y avoir de bons maîtres, capables de guerir les
maladies de l'aine.
Les autres Législateurs avoient ordonné la peine de mort contre ceux
qui désertoient de la milice, ou qui fuioient de la bataille, ou qui refufoient
de prendre les armes pour la défense de leur patrie. Charondas sans ém-
ployer aucun moïen violent pour les punir, ne laissa pas de corriger le mal,
dans
en ordonnant que ces sortes de gens, demeureroient pendant trois jours de
la place publique exposez aux yeux de tout le monde vétus en habits
femme. \
XIX. Pour prévenir les changemens que l'inconstance ou la témérité des ,
Précaution hommes pourroient apporter dans fesLoy®, il ordonna que quiconque se
de Charon- présenterois proposer quelque innovation, vint la corde au coû à
das pour pour y
empécher l'assemblée, & si le peuple n'approuvoit pas ses propositions, que sur le
champ
que son on l'étranglât; il non qu'on le renvoîat
absoû ; ce qui fut cause que tant que
ne touchât dura cette république , il n'y eut que trois personnes qui pour des raisons
à Ces Loys. très urgentes ôsassent proposer l'abrogation de quelques unes de ses Loys.
Une autre ordonnance de Charondas que l'on a remarquée pour sa sin-

oeil..
gularitê & qui n'etoit pourtant qu'une imitation de celle de Moyse.vouloit
que ii ,
quelqu'un faisoit perdre un oeil à un autre,il soufrit la peine du talion.
Un certain aïant fait perdre à un borgne le seul oeil qui lui restoit, les Juges
doutoient s'il suffisoit d'arracher un oeil au coupable, mais il fut résolu qu'il
perdroit ses deux yeux , comm'ayant absolument privé de la veuë celui qui
n'avoit qu'un
Cette décision aïant jette cet homme dans le desespoir, il se mit la cor-
de au cou & se présenta dans la place devant l'assemblée du peuple, & expo-
sa son malheur d'une maniere si touchante, qu'on abrogea cette Loy, & qu'on
le renvoïa sans lui faire subir la peine que Charondas avoit imposée à ceux
qui proposeroient l'abrogation de quelqu'unes de ses Loys.
Le
Le même Législateur avoit permis le divorce tant à l'homme qu'à la feUI- XX.
me, & leur avoit permis indistinctement de se marier ensuite àqui ils vou- Explica-
droient. Un Vieillard,qtiiavoit epousé une jeune femme, aïant été abbandon- tion des
Loys de
né d'elle, fit sa remontrance & demanda, non l'abrogation, mais l'explica- Charondas
tion de cette Loy. Qu'il ne fut pas permis à celui qui auroit fait le divorce, sur le Di-
d'epouser une femme plus jeune que celle qu'il auroit quittée, & récipro- vorce.
quei-nent qu'une femme ne pût epousejr un homme plus jeune que celui avec
qui elle auroit fait divorce. On eut égard à sa demande, & il fut ordonné que
la jeune femme retourneroit avec son mari.
La Loy vouloit que le plus proche parent d'une Orpheline fut obligé
de l'épouser, où de la dotter d'une somme de cinq cent dragmes. Une jeu-
ne fille de condition libre & de bonne famille, mais fort pauvre , demanda /
aussi une modification à cette Loy, & le peuple ordonna, qu'à l'avenir le plus
proche parent epousât indispensablement une fille ainsi abbandonnée » sani
qu'il pût s'en dispenser,en lui donnant cinq cent dragmes pour dot.
Charondas avoit défendu que nul parût en armes dans l'assemblée du
peuple. Cette Loy, qui étoit trés sage, lui devint funeste à lui-même. Etant
un jour sorti de la ville avec son épée, lors qu'il voulut rentrer dans la ville,
il apprit qu'il y avoit une émeute dans la place où le peuple étoit assemblé.
Il y accourut sans penser qu'il avoit son épée au côte. Quelque mal veillant
l'en reprit & lui dit: Vous violez la Loy que vous avez portée, enparoissant
icy avec vos armes : Nullement, répondit-il. Je vas la mettre en exécution,
& tirant son épée il s'en perça.
Vers le même, tems & au même pays vivoit Zaleucus, Législateur desLo- XXI.
criens. Il étoit d'une race illustre, & il avoit aquis de trés-grandes connoissan- Loys de
ces dans l'école de Pythagore. Les Locriens le priérent de leur donner des Zaleucu$
Loys, & il se rendit à leurs priéres. Voicy comme il commence. Que les pour les
Citoïens avant toutes choses soïent bien persuadez qu'il y a des Dieux, &que Locriens.Diodoi-. /.
contemplant le bel ordre, les mouvemens & l'arrangement des Corps céle- 12.P,2goir
stes, ils sachent que tout cela n'est,ni l'ouvrage des hommes, ni l'effet du ha-
zard ; qu'ils honorent donc & qu'ils servent les Dieux comme Auteurs de tout
ce qui arrive de bon & d'heureux aux hommes ; qu'ils conservent leurs ames
nettes de toute souïllure & de tous vices , puisque les Dieux ne demandent
pas de nous des sacrifices ni des offrandes de grand prix, mais des moeurs
pures, une conduite sage, honnête, juste & raisonnable.
Aprés ce début, il défend les haines implacables, mais il veut que l'on XXIf.
haïne, comme devant bien-tôt aimer & se reconcilier ; que ceux qui contre- Loys deZa.
viendront à cette Loy, soïent regardez comme gens féroces & brutaux. Il leucus coa-
corrigea les excés des femmes d'une manière fort irfgenieuse. Qu'une femme tre les ex-
de condition ne soit jamais accompagnée de plus d'une suivante, à moins femmes cés des
qu'elle ne soit prise de vin; qu'elle ne sorte jamais de la ville, sice n'est pour autres <fc
aller trouver un Adultère; qu'elle ne porte point d'habits ornez d'or & de bro- abus.
derie si elle ne veut faire le métier de courtisanne. Qu'un homme ne se re-
,
véte d'ornemens d'or ou d'habits prétieux, à moins qu'il ne veuïlle passer
pour infâme & Adultère.
Ces Loys assisi conçuës firent plus d'effet que si le Législateur y eût at-
taché des chatimens ou des peines pécuniaires. Il avoit défendu le vin aux
malades sous peine de la vie, à moins que le Médecin n'en eût ordonné au-
trement. L'adultère étoit puni par la privation des deux yeux. Le fils de
W Zaleucus étant tombé dans ce désordre, ce Législateur vouloit qu'absolument
Vide Ae- il subît toute la rigueur de la Loy. Le peuple de Locres touché de compaf-
lian, Var. sion demandoit grâce pour lui. Zaleuque pour ne pas donner atteinte à ses
Hist.l.2. propres Loys, se fit arracher l'oeil droit & à son fils le gauche, montrant par
c-37 1. 3. là qu'il n'étoit pas moins bon pere que juste Législateur. (a) Cette sévéritéfut
tf.24. Valer. cause
Maxim. que tant que vequit Zaleucus, on ne vit plus de pareils désordres dans
/. 6. e. 5. la Republique.
On lui attribue, de même qu'à Charondas, d'avoir désendu de proposer
l'abrogation d'aucune de ses Loys, à moins que celui qui le proposeroit, ne
seprésenta la corde au coû daas l'assemblée du peuple, pour sabir la peine de
sa témérité, si l'assemblée ne jugeoit pas à propos d'avoir égard à les remon-
trances.
Nous avons dit un mot en passant de Milon de Crotone ; Il est bon de
XX111 donner icy ce qu'on raconte de lui. Il s'étoit accoûtumé de fort bonne heu-
Vie de Mi-
Ion le Cro- re à porter de gros fardeaux, & insensiblement il s'accoutuma à porter un Tau-
toniatt. reau sur ses epaules. Il en fit l'epreuve aux jeux Olympiques. 11 le porta à
longueur des 125. pas sur ses épaulés, puis le tua d'un coup de poing, & le man-
gea en un seul jour. Il étoit si vigoureux que nul ne pouvoit l'ebranler, ny
lui faire changer de place, quand il vouloit s'arréter en un lieu ; & qu'on ne
pouvoit lui arracher une pomme des mains. Un jour à la Campagne aïant
voulu séparer les parties d'un tronc d'arbre qui étoit entr'ouvert , les coins
qui tenoient l'arbre en cet etat étant tombez, les parties du bois se réunirent
& lui ôtérent le moïen d'user de ses forces pour les séparer. Il mourut ainsi
Abandonné de secours, & fut dévoré par les bétes sauvages.
XXIV. La ville de Syracuses'étoit insensiblement rendue mafcresse de toute la Si-
Guerre des cile. Il n'y avoit que la ville de.Trinacrie ou Trinacie, qui lui résUtât.
Syracusains ,
Sicile. Trinacie étoit autre fois très considérable & lès habitans ne le cédaient
en - ,
Valer. Ma- à aucune autre de l'île par leur puissance , par leur valeur & par leur capaci-
xim. 1.9. C. té dans le maniment des grandes affaires & dans le commandement des ar-
l12. Aul. mées. Les Syracusains aïant entrepris de l'assujettir , lui déclarèrent la guer-
Gen. 1. 1 5. secours étranger, parceque
c.16.Strab() re. Ceux de Trinacrie, quoique destituez de tout
/. i 6 ($c. les Syracusains étoient afliez avec tout le reste de l'ile , ne luilsérent pas de
Diodor. lib livrer la bataille. Ils y combattirent avec une valeur extraordinaire, & ceux-
XiLp.3a 01. mêmes qui
ne furent pas tuez dans le combat, ne voulant pas survivre a la
it perte de leur liberté, sc bissèrent mourir, sans vouloir qu'on pansat leurs playes.
Les Syracusains ruinérent cette ville , qui avoit jusqu'alors pane pour la pre-
mière
nliére de Sicile, en sorte que souvent même on donne le nom de Tinacria à
;
toute File elle n'a jamais été rebâtie depuis.
Aprés cette Conquête les Syracusains n'aïant plus rien qui leur resistat
dans la Sicile, songérent à augmenter leurs forces de terre & de mer & à ag-
grandir leur domination. Ils mirent sur pied de nouvelles troupes, équi-
pérent des vaisseaux & amaflsérent de grandes sommes d'argent, imposant de
nouveaux subsides auxvilles de Sicile qui leur obeïssoient.
Quelques années aprés la grande guerre que les Athéniens firent aux Sy-
racusains sous la conduite de Nicias & d'Alcibiade, & dont nous avons parlé xxv.
des
ailleurs avec étendue; Aprés cette guerre, où Nicias périt avec toute sa flotte, Guerre Carthagi-
les Segestins qui s'étoient déclaré pour les Athéniens contre les Syracusai-ns nois en Si-
craignant le ressentiment de ceux-ci, se voïant d'ailleurs attaquez par ceux cile.
de Selinunte, implorérent le secours des Carthaginois, & se mirent eux & An du M.
leur ville sous leur protection. On délibéra pendant quelque tems a Car- 3592. J. G.
thage sur le parti qui étoit à prendre dans cette conjundure. On balança, avant 409.
d'un côté l'enyie de se rendre maître de Segeste qui étoit fort a leur bienséance, Diodor. 1.
de l'autre la crainte d'attaquer les Syracusains, qui venoient tout recemment 13.^.169.
de vaincre les Athéniens, & dont la Puissance étoit formidable. La passion 171. fâc.
de s'aggrandir l'emporta, l'on promit de donner du secours aux Segestins,
& on choisit Annibal pour Chef de cette expédition.
Annibal étoit petit fils d'Amilcar qui avoit été défait parGelon & tué de-
vant Himerd.-, Il étoit fils de Giscon, qui après la défaite de son pere, avoit Annibal XXVI.
fils
été envoïé en exil à Selinunte, ainsi que nous l'avons veu, il partit animé de d'Amilcar
la haine qu'il portoit naturellement aux Grecs, & du désir de venger sa sa- Général
mille de l'affront qu'elle avoit reçu devant Himere. Il emploïa tout l'été & des Cartht&-
l'hyversuivant à se disposer à cette expédition. Il leva beaucoup de Soldats ginois eu
Sicile.
en Espagne, & beaucoup à Carthage, & parcourant les autres villes d'Afrique,
il engagea tous les plus braves & les plus résolus qu'il put trouver. Il équip-
pa aussi une puante flotte, & fit provision de quantité de machines de guer-
re,propres pour un siége, & de beaucoup d'armes pour armer quantité de Sol-
dats. Il avoit soixante vaisseaux longs & quinze cent de moindre grandeur
pour le service de l'armée navale. Ses troupes étoient au nombre de deux
cent mille hommes de pied, & de quatre mille chevaux.
Il aborda en un lieu nommé le puits de'Lilybée, & mit ses vaisseaux à ter-
re en un Golphe prés de Motye, voulant faire croire qu'il n'en vouloit pas Siége xxvii:
aux Syracusains. 11 s'attacha d'abord à Selinunte dont il fit le siége. Il dres- -&
prise de Se-
sa six tours extrêmement hautes contre la ville,&pointa autant de beliers con- linunte
tre les murs. Ceux de Selinunte, quoique peu accoutumez à soûtenir des par les Car-
lièges, & étonnez de la grande multitude des ennemis, ne laissérent pas de se thaginois.
défendre avec beacoup de vigueur. Les Vieillards portaient aux plus vigo-
reux les choses nécessaires sur les murailles ; Les femmes mêmes & les enfans
leur apportoient à manger & leur fournissoient des armes. Annibal pour
animer ses troupes leur promit le pillage de la ville. Enfin après une longue
& vigoureuse résistance, la ville fut prise & saccagée. Le Soldat n'épargna
personne. Le petit nombre qui s'echapa par la fuite, eut permission de ren-
trer dans les ruines de cette malheureuse ville , & d'en cultiver les terres, à
charge de païer un tribut aux Carthaginois.
11 périt dans ce siége jusqu'à seize mille Selinuntiens, &
on fit cinq mille
prisonniers ; on défendit de tuër les femmes qui s'étoient réfugiées dans les
temples, non par un principe de pitié pour elles, ou de respeâ: pour les tem-
ples, mais de peur que poussées de désespoir elles ne missent le feu aux
temples & ne brûlassent ce qu'il y avoit de prétieux, ,
& n'en privassent l'avi-
dité des Carthaginois. Les Syracusains envoyérent au secours de la ville trois
mille Soldats choisis, mais ils arrivérent trop tard.
XXVIII. Annibal marcha ensuite contre la ville d'Himere ; il étoit étrangement
Siège
tl'Hymere animé contre cette ville , prés laquelle son Ayseul Amilcar avoit été mis à
parAnniba! mort par les Soldats de GelonTyrandeSyracuse. Annibal brûlant d'envie de
,
jDiodor. venger sa mort, se campe avec quarante mille hommes sur une hauteur prés
J.XIll. de la ville ; le relie de son Armée, qui étoit grossïe par vingt mille Siciliens
1. campa dans la plaine. Il battit la ville en différents endroits par quantité de
machines, & aïant sappé une grande partie du mur, il le soûtint par des pieux
auxquels il fit mettre ensuite le feu & y fit par ce moïen une très-grande
brèche. On monta aussi tôt à l'assaut, ,
mais les troupes d'Annibal furent re-
poussées & obligées par la nuit qui survint de se retirer. Dez le lendemain
matin lesHinlériens aidez des troupes de leurs alliez,firent une sortie,dans la-
quelle ils eurent de l'avantage, aïant tué plus de six mille sélonThimée, ou
félon un autre Historien plus de vingt mille ennemis ; mais ,
,
Annibal étant
accouru au secours des siens avec de nouvelles troupes, mit ensuite les Hynle-
riens. Il y en eut seulement trois mille qui firent téte aux Carthaginois, &
qui furent tous tuez sur la place.
Quelques jours aprés la ville fut prise d'assaut, & les habitans luis à mort
fan-s aucune distinâion d'age ou de sexe. Les Soldats pil1erent les maisons,
& Annibal aïant fait périr tous ceux & celles qui s'étoient retirez dans les
temples & enlévéles richesses, qui y étaient, y mit le feu. 11 fit raser la
,
fille, distribua les semmes & les enfans pris captifs.a ses Soldats, & fit souff-
rir mille ignominies & toutes sortes de supplices à trois mille Soldats qu'il
1 sit ensuite égorger à l'endroit où son Grand-Pere avoit été tué, comme, pour
appaiser par le sang de ces vidimes les mânes d "Amilcar.
XXIX. Après ces expeditions Annibal congédia les troupes auxiliaires, & aïant
Retour d' laissé une garnison dans les places de Sicile qui lui étoient alliées, il rembar-
Annibal son armée chargée de butins & revins à Carthage où il sut reçu comme
en Afrique. quatriomphe,
en toute la ville étant sortie au devant de ,lui, & le comblant de
louanges, comme aïant fait en si peu de tems, de plus grandes actions que
n'en avoient faites aucun des Capitaines qui Pavoierit précédé.
Diodor. A Les Syracusains allarmez de ce succês des Carthaginois, leur envoïérent
q.p. des Ambassadeurs pour se plaindre de la guerre qu'ils avoient faite dans leur
Î74- île aux Selinuntiens & aux Hymeriens & pour les prier de s'abiternirde pa-
XXX. reilles entreprises. Le Sénat de Carthage ,
répondit d'une maniéré ambiguë,
Guerre des
Carthagi- mais qui laissoit entrevoir que les Carthaginois avoient dessein de porter de
nouveau la guerre enSicile.,&defaire la conquête de cette He.JSaestet,trois ans
apré*
après l'expédition dont on a parlé ils nommèrent de nouveau Annibal nois en Si..
l'armée devoit , Ipasser
pour Général de qui en Sicile , & comme il s'ex- cile, sous la
,
cusoit sur son grand âge on lui donna pour Lieutenant Imilcon fils conduite
d'Hannon qui étoit de la, même famille. On envoïa en Espagne & & d'Iniilcoa--
d'Anni-
dans les Iles, Baleares pour lever des Soldats, on en leva dans laLybie, dans bal.
la Mauritanie, dans laNumidie, dans la Cyrenaïque, & même en Italie dans An du M. /
la Campanie. Timée dit que l'armée étoit de six vingt mille hommes. Epho- ~î91.
Avant J. G.
re en compte jusqu'à trois cent mille. La flotte étoit proportionnée au re- 4°5. .
ste de rarmement.il y avoit un trés-grand nombre de Galéres & plus de mille
vaisseaux de transport.
Les Syracusains de leur côté avoient fait de très-grands préparatifs &
avoient envoyé de tous côtez vers leurs alliez pour lever des troupes, &
avoient exhorté toutes les villes de Sicile à bien défendre leur liberté.
Quarante vaisseauxCarthaginois étant arrivez en Sicile, les Syracusains les at.
taquérent vers Eryx, ou Trapano avec un pareil nombre de vaisseaux, les
battirent,en prirent quinze les autres se sauvérent comme ils purent.Cette nou-
>

velle aïant été portée à Carthage,l'on fit promptement partir Annibal avec
une flotte de cinquante vaisseaux, pour empêcher les Syracusains de profitei
de cet avantage, & pour faciliter le débarquement des troupes.
Dez qu'on sçut qu'Annibal étoit arrivé dans File, & qu'on eut appris la
grandeur des préparatifs que les Carthaginois avoient faits pour cette expedi-
tion tout le monde se trouva dans la trille attente d'une des plus grandes
,
guerres qu'on eût jamais veuës en Sicile. Les Syracusains sur tout s'imagi-
nant qu'on en vouloit principalement à eux, envoïérent demander du secours
aux Grecs, qui avoient leur demeure en Italie, & aux Lacédémoniens, pour
s'opposer à l'ennemi commun.
Agrigente s'attend oit à essuïer les premiéres attaques, comme en effet XXXI
elle les eisuia; Car elle étoit située sur la côte qui regarde Carthage & l'Afri- Siége d'Ag-
que. Agrigente étoit àlors une ville trés-bien fortifié & puissaminent munie: rigente ou
On y voïoit un Temple de Jupiter Olympien, qui ne pût être achevé, à cau- Gergenti
les Car-
le de la guerre dont nous parlons. Il étoit d'une sti-iidure admirable. Sa par thaginois.
longueur étoit de 340. pieds, sa largeur de 60. & sa hauteur depuis le rezde
chaussèé de 120. Les Colonnes qui l'environnoient au dehors, étoient ron-
des, celles du dedans étoient quarrées. La hauteur & la grandeur des por-
tiques étoient dignes d'admiration. On voïoit dans le portique qui regar-
,
doit l'Orient, le combat des Géans en sculptured'un gout exquis, & à l'Oc-
cident on voïoit le siége de Troye, où les héros qui le disiinguérent dans ce
fameux siége, étoientreprétèntezau naturel. Prés la ville étoit un Lac fait
de main d'homme, de sept Stades de tour, & de 20. coudées de profondeur,
où l'ontrouvoit toutes sortes de poissons, & où l'on voïoit quantité d'oiseaux
aquatiques de toutes sortes.
Les tombeaux qui étoient dans la Campagne au tour de la ville
distinguoit , mar- XXXII
quoient la magnificence de ses citoïens.On parmi ces tombeaux à T ornl)e,aux
cauÍe de leur singularité, ceux qui avoient été érigez à des chevaux qui avoi- remarqua-
ent remporté le prix dans les jeux olympiques, où à des oiseaux que des filles bles d'Agà-
au
tour
ou de jewles enfans avoient elevez. La ville d'Agrigente étoit toute plongée elite.
dans la molesse & dans la volupté. Il y avoit plusieurs Citoyens qui posré-
doient des richesses immenses. Gellias se distinguoit entre les autres par sa
somptuosité & par sa libéralité. Il avoit donné ordre à ses portiers d'inviter
& de faire entrer dans salVlaison tous les etrangers qu'il verroit; un jour aïant
reçu cinq cent Cavaliers il les régala & leur fit prêtent à tous d'une Casaque
& d'une tunique. Sa cave étoit des plus magnifiques; on y voïoit trois cent
tonneaux, ou 3°0. Cuves pleines de vin, toutes taillées dans le même rocher,
dont chacune tenoit cent Amphores. L'amphore contenoit quatre sessiers &
demy, ou 3. pintes mesure de Paris. Prés de lel étoit une cuve enduite de
ciment qui tenoit mille Amphores, d'où l'on faisoit couler le vin dans les ton-
neaux, ou dans les cuves dont on a parlé. Pour
Diod.si'cul. Agrigentins, Diodore de Sicile,
le luxe & la délicateiTe des
pour en donner un échantillon , raconte
I, 13.p.376.
que durant le dernier siége de cette ville, exposée qu'elle étoit à étre à tout
moment pillée, brûlée, saccagée, les Magistrats défendirent par un decret à
ceux qui faisoient garde sur les murs, d'avoir plus d'un lit de plume, une
couverture, un rideau de laine & deux oreillers. Si dans une telle Conjon-
cture on crut faire une grande reforme, que de les réduire à étre ainsi cou-
chez que pouvoit-ce étre dans le tems de leur prosperité , & en pleine
paix ?,
XXXlIl. Dabord
, qu'Annibal fut arrivé en Sicile, il somma les Agrigentins, ou de
Profana- se liguer avec lui, ou de mettre bas les armes, & de ne pas entrer dans la
tion des conditions aïant été rejettées,
Tombeaux guerre qu'il vouloitfaire aux Siciliens; mais ces
& des on se prépara à la guerre de part& d'autre. Les Agrigentins outre leurs trou-
Temples pes ordinaires avoient environ quinze cent hommes de troupes étrangéres,qui
autour leur avoient été amenées par DexippeLacédémonien. Les Généraux Cartha-
d'Agrigen- ginois exactement reconnu la place, trouvèrent qu'on ne la pouvoit
te.
aïant
battre que d'un seul côté,& auili-tôtih; ordonnérent qu'on dreflât deux tours
d'une grandeur extraordinaire par battre les murs de la ville. Ils se servirent
dé-
pour les construire, des tombeaux qui étoient dans la Campagne & qu'on
1110lit pour cet effet. Dez que les tours furent achevées, on attaqua la ville,
(a) & on tua un bon nombre des Assiégez, mais ceux-ci aïant fait une sortie la
On voit nuit suivante , mirent le feu aux tours & les ruinèrent. On recommença
bien que cet d'autres
ouvrages, & les démolitions des tombeaux en fournirent encore la
jinnihal eji matière celui de Theron qui étoit d'une
bien diffé- ; mais comme on vouloit démolir
rent de ce- ftrudure beaucoup plus belle que les autres, la
foudre tomba sur ce tombeau.
lui qui fit la Cet accident fit croire aux Devins qu'il falloit l'épargner, & en effet on n'y
guerre aux toucha plus,mais la pelle se fit bientôt sentir dans le Camp, & fit périr plusieurs
Romains, Carthaginois, Annibal (a) le Principal Chef de cette expédition.
èJdOÍ1t on entr'autres
parlera D'autres qui étoient en sentinelle pendant,la nuit.publioient qu ils avoient veu
dans la sui. des spectres, & répandoient ainsi la terreur dans le Camp.
te. Imilcar en habile Capitaine travailla à guerir l'esprit du Soldat, en fai-
XXxlv. sant immoler
Sacrifices un enfant à Saturne, & en jettant dans la mer un nombre de
d'hosties pareilles vidimes à Neptune. C'étoit une coutume usitée à Carthage, & qui
humaines s venoit des Phéniciens leurs Ancétres, d'offrir ainli des victimes humaines a
faits par le leurs
Carthaii-
nois.
leurs Dieux dans les grandes calamitez ; cependant Imilcar poussoit toujours
sa pointe & continuoit le liège avec beaucoup de vigueur.
Les Syracusains craignant que les Assiégez ne succombasTent & ne fussent xxxv,
traitez comme l'avoient été ceuxdeSelinunte &d'Himere, envoïérent à leur Seeours
secours quelques troupes commandées par Daphnée. Ce Général avoit tren- des Syracu-
sains
te mille hommes de pied , cinq mille Chevaux. & une flotte de trente Ga- voyezen- à
léres qui cotoïoit le rivage en même tems que l'armée s'avançoit par terre. Agrig^te.
Imilcar informé de leur marche, envoïa contre eux un détachement de qua-
rante mille hommes. Les deux armées se rencontrérent un peu au delà d'Hi-
mére, & aprés un long combat les Syracusains remportèrent la vidoire &
renversérent leurs ennemis ; mais la crainte de tomber dans le gros de l'ar-
tuée Carthaginoise empêcha Daphnée de les poursuivre & la garnison
d'Agrigente ne put ,obtenir de ceux qui commandoient dans, la ville, de sor-
tir sur les Carthaginois pour les combattre ; ce qui causa une sédition dans
la ville, où les Chefs furent accablez à coups de pierres.
La ranime etoit presqu'egale & dans la ville & dans le Camp des Cartha- XXXVI.
^
ginois mais Imilcar aïant battu & pris un gros convoy de vivres qui venoit Les Agri-
, gentins ab-
par mer à Agrigente, cette ville se trouva réduite à une telle extrémité, que bandon-
les Chess & les habitans furent obligez d'abbandonner la ville. On fixa la nent leur"
nuit suivante pour le départ. La douleur, la consternation, la confusion fut ville pcti-
telle qu'on peut se la figurer dans une telle circonstance. Ces peuples si ac- dant la
nuit, &se
coutumez a la mollesse & aux délices, se virent tout à coup privez de ce qui retirent à
faisoit auparavant l'objet de leur complaisance. Richesses, etablissemens,
pa- Gela.
trie, il fallut tout quitter dans un moment, trop heureux de conserver leur
vie. Ce qui causoit le plus de compassion, étoit de voir les femmes eplorées
traîner leurs enfans aprés elles, pour les dérober à la cruauté du vainqueur,&
d'abbandonner dans la ville à une mort certaine & cruelle les vieillards, & les
malades; ces malheureux fuiards se retirérent à Gela, qui étoit la ville la plus
prochaine où ils reçurent toute sorte de bons traittemens. Les Syracusains
leur alignèrent dans la suite pour leur demeure la ville de L^ontini qui leur
apartenoit.
Imilcar étant entré dans la ville l'abbandonna au pillage, & fit mettre à XXXVII.
mort tous ceux qu'on y trouva , sans, même epargner ceux qui s'étoient ré- Pillage &
fugiés dans les templ^^ On dit que Gellias ce généreux & libéral Agrigen- saccage-
tin, dont on a parle, s'etoit réfugié dans le temple de Minerve avec plusieurs ment
d'Agrigen"
autres ; mais voïan*e les Carthaginois n'épargnoient ni les Temples ni les te.
choses les plus sacrees, il mit le feu au Temple & y fut brûlé toutes
avec
les richesses qui y étoient consacrées. Imilcar trouva dans cette ville
une in-
finité de choses prétieuses en tableaux, en Statues,
en vases; caries Agrigen-
il
tins avoient un goût exquis pour ces sortes de raretez; entr'autres y trouva
le fameux Taureau de Phalaris, qui fut porté à Carthage avec le reste des dé-
pouilles & plusieurs années après renvoyé à Agrigente par le grand Anni-
bal. On, l'y voïoit encore du tems de Diodore de Sicile, c'est-à dire, sous
l'empire d'Auguste.
Le siége d'Agrigente avoit duré huit mois, & la ville fut prise
ne que vers le
Solitice
Solstice d'hyver. Imilcar ne jugea pas à propos de la détruire alors ; voulant
que les troupes y passassent l'hyver & profitaient des maisons & des commo-
ditez qui s'y trouvoient encore ; Mais au commencement de la Campagne
suivante, il la ruina & en sortit. La nouvelle de la chute d'Agrigente im-
prima une telle terreur aux Siciliens, que les uns se retirèrent à Syracuse, &
les autres transportérent leurs femmes , leurs enfans & leurs meilleurs effets
en Italie.
XXXVlîl Les Agrigentins dont plusieurs s'étoient sauvé à syractise,-coliiniciicéreiit
Commen- à y accuser hautement les Capitaines, qui avoient été envoyez pour leur don-
cement de ner du secours, disant qu'ils s'étoient laine gagner par argent & qu'ils avoi-
Denys qui ent trahi la cause
. fut depuis commune & exposé toute la Sicile au danger de tomber tous
Tyran de la domination des Carthaginois. Denys fils d'Hermocrates se rendit leur dé-
Syracuse. nonciateur ; mais les Magistrats condamnèrent Denys à une amende comme
An du M. perturbateur; Phililtus qui étoit fort riche, païa l'amende pour lui & l'ex-
,
e599. horta à continuer de parler.promettantque quand on lui imposeroitdes amen-
avant J. G. des pendant
401. tout le jour, il y satisferoit pour lui. Denys continua donc à
Diodor. crier, & le peuple s'etant rangé de son parti, on cassa les Magistrats & on en
ficul.l.X111 créa d'autres du nombre desquels fut Denys lui-même; Depuis ce moment il
ne perdit point de veuë la souveraine autorité de Syracuse, à laquelle il aspiroit
& il y parvint en effet, en se saisant donner le commandement de toutes les
troupes.
XXXIX. Il proposa ensuite de rappeller tous les bannis, sous pretexte de s'enfer-
Denys vir pour la défense de la liberté commune; & aïant obtenu leur retour, non
marche au seulement il
secours de en grossit son armée, mais aussi il fortifia d'autant son parti ; en-
Gela. fuite il marcha au secours de Gela qui étoit menacée par Imilcar. Dexippe
Lacédémonien, commandoit dans la place ; Denys y entra avec dix mille
hommes de pied & quatre cens Chevaux. La ville étoit partagée entre les
riches & le peuple. Denys profitant de cette division, fit condamner les ri-
ches à mort, & prit leurs biens pour payer les troupes de Dexippe, & Denys
promit de donner double paye aux Soldats qu'il avoit amenez de Syracuse.
Se les étant ainsi attachés, il s'en retourna à Syracuse, & arriva dans la ville
au moment que le peuple aprés les jeux sortoit du Théâtre & retournoit dans
ses Maisons.
Tout le monde s'assembla autour de lui, pour savfljr en quel état étoient
les affaires. Il répondit qu'il n'en savoit rien. Que làl{épublique étoit gou-
vernée par des Magistrats plus dangereux que les ennemis étrangers, &qui
amusent le peuple par des speftacles pendant que l'ennemi est aux portes,
,
& que les Soldats ne sont pas payez ; Que jusqu'icy il avoit bien soupçonné
que les Magistrats étoient d'intelligence avec les Carthaginois, mais qu'à pré-
sent il n'en pouvoit plus douter, l'aïant sçu d'Imilcar même, qui lui avoit fait
entendre qu'il agissoit de concert avec ceux qui avoient le plus d'autorité dans
la République ; que pour lui,il étoit résolu de ne plus Ce méler des affaires
publiques & de quitter le commandement de l'armée, puis qu'aussi bien il ne
pouvoit que s'attirer des reproches, & s'exposer au soupçon d'avoir connivc
avec les autres, pour trahir sa patrie.
-
Le peu-
/
Le peuple animé par ces discours se rassembla le lendemain. Denys in- XL.
vectiva de nouveau & avec encore plus de véhémence contre les Chefs. In- LesSyra sains
ctt"
don-
continent le peuple cria qu'il falloit l'établir Dictateur , sans attendre que nent à De-
l'ennemy vienne les assiéger. Que la situation des affaires demandoit un Chef nys la sott-
tel que Denys; queGelon Tyran deSyracuse avoit autre fois avec trente mil- verain au- e
le hommes fait périr toute l'armée des Carthaginois devant Hymere. On re- torité dans
leur ville.
mit à une assemblée la punition des Magistrats & on déféra à Denys la sou-
veràine autorité.
Il ne lui manquoit plus que des gardes pour s'assurer de la Tyrannie.
Sans donner aux Syracusains le tems de se reconnoître & de se repentir, il
ordonna,que tous les jeunes hommes au dessous de 40. ans, qui étoient en état
de porter les armes, se rendissent au plutot avec des provisions pour un mois
dans la ville de Leontini, qui étoit àlors comme la Citadelle de Syracuse , &
qui étoit remplie d'étrangers , de gens ramassez & de bannis ; cependant il
campait hors la ville, attendant que toutes ses troupes fussent prétes. Une
nuit donc il feignit qu'on étoit venu pour l'assassiner, & ses gens aïant jette
de grands cris, il se retira dans le fort avec les meilleurs de ses Soldats, & y
passa la nuit, comme dans une allarme publique.
Le lendemain matin le peuple étant accouru en foule pour savoir de XLt.
étoit question, il harangua l'assemblée, & lui persuada qu'on vou- On accor-
quoy il en de six cent
loit à sa vie, parce qu'il étoit trop zélé pour le bien public; & en même tems hommes
il pria le peuple de lui permettre de se choisir six cent hommes pour la garde pour gar-
de sa personne, & pour mettre sa vie en seureté. Il ne se contenta pas d'en des delà
prendre six cent, il en choisit mille, les arma, leur fit de gtandes promesses, de personne
Denys.
& n'oublia rien pour les attacher à sa personne & à ses intéréts.
Ainsi les Syracusains en voulant conserver leur liberté, la perdirent & se
sournirent à Denys le Tyran, qui changea tous les Officiers & mit en leur
place des gens affidez. Il renvoya Dexippe en Gréce, parce qu'il lui étoit
devenu suspect. Il s'étoit assuré des anciennes troupes en doublant leur
paye. Il en leva de nouvelles,composées de gens sans aveu, de bannis, de
gens condamnez pour leurs crimes, & qui ne pouvoient subsister, ny même /
paroître en public, que sous une telle protedion, Alors Denys n'ayant plus
rien à craindre, ne le déguisa plus, & parut dans son Camp au milieu de ses
troupes en vray Tyran.
Les Syracusains virent àlors la faute qu'ils avoient saite, niais il n'étoit
plus tems de la réparer. Denys epousa la fille d'Hermocrate, qui avoit le plus
contribué à faire périr les Athéniens, qui étoient venus faire la guerre contre
Syracuse, & il fit epouser sa soeur a Polyxene,Beau-Frere d'Hermocrate : par
cette alliance il donna du lustre à sa famille , qui étoit des plus basses & des
plus obscures, étant lui-même Ecrivain où maître à ecrire. Il jouït de la
souveraine autorité à Syracuse pendant 38.' ans.
Au commencement de la Campagne de l'an du monde 31gg. Amilcar XLIr.
aïant détruit la ville d'Agrigente, envoïa à Carthage tout ce qu'il y trouva Statue
de meilleur, & s'étant mis en Campagne, alla faire le dégat au tour de Gela d'Apollon
de Gela en-
& dans les terres de Camarine. Il y avoit auprés de la ville de Gela une Yoiée à
Tom. II. ' S Statue Tyr.
An du M. Statuë de bronze d'Appollon, d'une hauteur au dessus du naturel. Les Car-
;î99. thaginois l'enlevèrent & la transportèrent àTyr, où elle se trouva, lorsqu'Ale-
avant J. C. xandre le Grand assiégea cette ville. Les Tyriens s'étant follement mis dans
401.
Diod. 1,13. l'esprit, que cette Statuë où Appollon qu'elle représentoit favorisoit, les Grecs,
/. 390. lui firent insulte ; mais aprés la réduction de Tyr, Alexandre lui fit rendre de
grands honneurs & lui offrit des sacrifices d'actions de grâces lui attribuant
l'heureux succés de son entreprise. ,
XLIII. Ceux de Gela étoient cependant fort pressez par les Carthaginois, qui
Siège de hâtoient le liège, persuadez que les Syracusains
Gela par bientôt ausecours de la place. Les assiégez, quoique ne manqueroient pas de venir
Amilcar
dans une ville mal sortifiée
Carthagi- & denuez de tout secours des alliez, ne laissoient pas de sè défendre avec
nois. une vigueur incroïable. Ils avoient résolu dez le commencement du siége de
transporter à Syracuse leurs femmes & leurs enfans ; mais les Matrones s'étant
attachées aux Autels qui étoient dans la place publique, & aïant conjuré leur
Maris, de les laisser dans la ville, le Decret fut révoqué & elles ne furent
inutiles assiégez durant siége, ,
l' pas aux le servant les Soldats, & leur fournissant
les choses nécessaires, afin qu'ils ne fussent pas obligez de quitter leur poite.
XL IV* Denys de Syracuse n'oublioit pas le danger de la ville de Gela. Il aHènl-
Denys vi- bla une armée de 50. mille hommes selon les uns, ou seulement de trente mil-
t
leU au se- le, selon les autres, & de mille chevaux, & de cinquante Galéres, &
cours de cha mar-
Gela. au secours de la place assiégée. Il se campa sur la Mer, & pour ne pas
trop affoiblir son armée, qui étoit petite en comparaison de celle des Cartha-
ginois il s'appliqua à couper aux ennemis les vivres, qui leur venoient par
Mer de, Carthage, & à les harceler dans leurs fourages. Aprés vingt jours de
repos il sortit de son Camp, & partagea son armée de pied en trois Corps, dont
l'un devoit attaquer les retranchemens des ennemis, l'autre devoit se jetter
du côté de la Mer, & le troisiéme qu'il commandoit en personne, marcha
vers la ville du côté où étoient les machines des ennemis. Il commanda à là
Cavalerie de tenir la Campagne & de soûtenir l'infanterie quand ils la ver-
,
roient aux mains avec les Carthaginois , ou de lui donner retraite, s'ils la
-voïoien-t poussée par l'ennemi.
XLV. Toutes ces précautions de Denys ne lui servirent de rien. Les siens furent
Les Ci. repoussez par tout ; Ceux de Gela, qui pour favoriser leur entreprise, étoient
toierrs de sortis de la ville, furent obligez d'y rentrer, de peur que les Carthaginois
Gela ab- se jettassent dans la place Denys ne
bandon- ; lui-même se jetta dans la ville. Sur le soir
nent leur il envoya un Héraut pour repéter les morts. En même tems il fit sortir le
ville, & se peuple de la place, & vers la minuit il en sortit lui même avec ses troupes
retirent à pour se retirer à Syracuse, la ville de Gela n'étant pas une place assèz consi.
Syracuse. dérable
pour exposer une armée à sa défense. Il y laissa seulement deux mil-
le hommes, avec ordre d'y demeurer jusqu'au point du jour, fàisant du bruit
& allumant des seux, comme si toute l'armée y eut été, & ensuite de venir
en diligence joindre le Gros des Troupes Syracusaines.
XLVI. Les Carthaginois s'étant aperçus que la ville étoit abbandonnée,y entré-
Denys est rent, la pillérent & mirent le feu. Denys palla
accusé de y par C'amarine, & engagea
r.vCiHiÍtt les habitans de se retïrer avec lui à Syracuse. Comme tout cela se faiioit avec
beau-
beaucoup de désordre & de confusion , & qu'on voïoit les femmes, les en- les Catllu-
tans, les filles, les Vieillards pêle mêle par les Campagnes, dans les chemins, ginois.
& ensuite dans les ruës de la ville , les Soldats de Denys en conçurent une
grande indignation contre lui, & le soupçonnérent de favoriser les Carthagi-
nois. Ce soupçon étoit fondé sur ce que les ennemis n'avoient point paru
pour les poursuivre dans leur retraite, sur ce que Denys n'avoit perdu aucun
Soldat de ses troupes auxiliaires, & sur ce que sans avoir rien fait pour le se-
cours de Gela, il s'en retournoit précipitamment à Syracuse : On disoit donc
qu'il ne cherchoit qu'à jetter le trouble dans les villes de Sicile, pour les soû.
mettre à sa domination, en attirant leurs habitans dans Syracuse & en les
forçant à venir implorer sa protedion.
Les troupes Syracusaines résolurent donc de secouër le joug de saTyranie, XLVll
& de se défaire de lui ; mais comme il étoit toujours environné de troupes Révolté
etrangéres qu'il avoit à sa solde, les Syracusains ne purent exécuter leur def- sains des Syracu-
sein. Leur Cavalerie s'étant séparée du reste de l'armée, vint à toute bride à tre Denys con-
Syracuse, & pilla le palais de Denys, enleva ses richesses & insultasa femme. le Tyran.
Denys se doutant de ce qui étoit arrivé, accourut à Syracuse; en aïant trou-
vé les portes fermées, il y mit le feu, & entra dans la ville avec ses troupes.
Les Cavaliers qui l'y avoient précédé, s'assemblérent dans la place publique 1

pour lui tenir téte , mais Denys assisté des troupes auxiliaires, qu'ilavoit avec
lui, les mit tous à mort & sit main basse sur tous ceux qu'il rencontra les ar-
mes à la main dans les rues. En même tems il se saisit de ceux qui lui étoient
opposez, en mit à mort les uns, chassa les autres, & jetta la terreur dans toui
te la ville. m
Pendant que tout cela se passoit, arrivérent des Députez d'Amilcar, qui XLVIfi.
offroit la paix à la ville de Syracuse. Rien ne pouvoit venir plus à propos Paix entra
pour Denys le Tyran. Il fit la paix à ces conditions: Que les Carthaginois ginois les Cartha-
&
demeureroient Maîtres des Selinuntiens, des Sicaniens, des Agrigentins, des
Himeriens de ceux de Gela & de Camarine aux quels il seroit permis de les Syracu-
fains.
demeurer dans, leur ville, mais sans murailles, &,
tributaires aux Carthaginois.
Que les Le©ntins, ceux de Messine &tous les autres habitans de la Sicile,
jouïroient de leur liberté comm'auparavant. Que l'on rendroit de part &
d'autre les vaisseaux qui avoient été pris. Pour la ville de Syracuse, elle de-
meura sous la domination de Denys.
Aprés cela Amilcar s'en retourna à Carthage, aïant perdu en Sicile plus
de la moitié de ses troupes. La pelle faisoit en même tems de grands ravages
à Carthage, où elle fit perir un grand nombre de Citoïens.
Denys mit à profit la paix qu'il venoit de conclure avec les Carthaginois, XL IX.
pour affermir sa nouvelle domination ; bien persuadé que les Syracusains, se Denys for-
voïant délivrez de la guerre des Carthaginois, ne manqueroient pas de faire tisie l'île
leurs efforts pour recouvrer leur liberté. Il s'assura donc de l'île qui est vis qui est de-
à vis laville &la fortifia de bonnes murailles & de fortes tours. Il bâtit des vant Syra-
y cure.
Maisons & des portiques capables de contenir beaucoup de monde, & il les Diod.Jlcul.
donna à ses Créatures & à ceux dont il étoit plus aiïuré. Il fortifia ensuite /.14./. 35»#.
une Citadelle, pour s'y retirer en cas d'émeute & de séditiOn. Il ferma de
bonnes murailles le Port qui est proche le grand Port, & il le ferma de ma-
nière qu'il n'y pou voit entrer qu'un vaisseau à la fois. Il donna ensuite à
ceux qui lui étoient attachez,tout ce qu'il y avoit de meilleurs Champs, par-
tageant le reste également aux citoïens & à l'étranger , qui demeuroit dans la
ville, comprenant sous le nom de citoïens même les esclaves mis en liberté.
Aprés cela il porta ses armes contre ceux des Siciliens qui jauïl1àicnt en-
L. de leur liberté, voulant les assujettir à sa domination; mais les Syracu-
Nouvelle core
jevolte de feins, qu'il avoit enrôlez pour cette expédition , se trouvant les armes à la
Syracuse main, se reprochoient secrétement les uns aux autres leur lâcheté de n'avoir
eontre De- pas sçu profiter de l'occasion de se défaire du Tyran , lorsque la Cavalerie de
nys. Syracuse s'étoit soûlevée contre lui. Il étoit àlors occupé au siége d>Herbesse,
nommée aujourd'huy la Grotte. Aïant donc appris ce qui se passoit, & que
la ville de Syracuse s'etoit revoltée, il leve précipitamment le siége, & retour-
ne en diligence à Syracuse , & s'enferme dans l'île qu'il avoit fait fortifier.
Cependant les Chefs de la révolte prirent pour Chefs ceux, qui dans le
commencement de cette émeute, avoient mis à mort un Député de Denys, &
qui par conséquent étoient les plus interessez à soûtenir larebellion.En même
tems ils firent venir de la Cavalerie qui étoit à Oethna, & se campèrent à Epi-
polis prés Syracuse , d'où ils empéchoient Denys de sortir de l'île & de rece-
voir du secours du dehors. Ils députèrent aussi aux Messéniens & à ceux de
Rhegio, pour les prier de leur envoyer du secours par Mer , afin de leur ai-
der à recouvrer leur liberté. Ils promirent une grosse somme à celui qui tuë-
roit le Tyran, & le droit de bourgeoisie aux etrangers qui voudroient se
joindre à eux; Ils reçurent de Messine & de Rhegio quatre vingt Galéres &
%
commencèrent à battre les murailles de l'île avec les machines de guerre qu'ils
avoient fait faire.
LI. Denys dans cette extrémité consulte ses amis. II comptoit si peu de sor-
Denys (Je. tir de ce danger, qu'il délibéroit seulement surie genre de mort qu'il devoit
mande aux choisir, pour ne pas quitter la Tyrannie d'une manière tout- a fait honteuse.
Syracusains Heloris
un d'5 ses amis lui conseilla de monter à Cheval & de se jetter dans
de sereti- les
terres qui obéïssoient aux Carthaginois, pour se mettre sous la protection
jer. Philoxene son Beaupere lui dit
1,14. des troupes qu'ils y tenoient en garnison.
p. 399- qu'il ne devoit quitter la Tyrannie, que quand on l'en arracheroit, pour ainÍi
OlympiatL dire, par les pieds. Denys suivit ce sentiment & résolut de tout souffrir7
54. An 1. plutot que de quitter. Il députa donc vers les seditieux, & leur demanda de
An du M. où il voudroit. En même tenis
î6ol. pouvoir sortir avec les liens & de demeurer
avant J. G. il envoye secrétement vers les troupes qu'Amilcar avoit laissées pour la gnrde
199* du païs, & leur promit tout l'argent qu'ils lui demanderoient, s'ils pouvoient
le tirer de cet embarras.
Lll. Les Syracusains lui permirent de se retirer où il voudroit avec seulement
Denys est cinq vaisseaux. Pendant qu'on négocie ils ne font plus garde avec tant
tiré du dan- ,
de soin. Quelqu'uns jnême quittent le siége, croïant l'affaire finie, d'autres
ger parles
Carthagi- se répandent dans la Campagne , comme n'aïant plus rien à craindre de la
nois- part du Tyran. Sur ces entrefaites arrivent à Syracuse les Soldats auxiliaires
ttes Carthaginois ; ils étoient au nombre de dc-uze cent Cavaliers. Entrez
dans
dans Syracuse, ils y mettent à mort ceux qu'ils rencontrerent, & penetrent
sans résistance dans l'île où étoit Denys. Au même moment il lui arriva en-
solde.
core trois cent Soldats étrangers, qu'il avoit pris à sa
Ceux de Syracuse à l'arrivée de ce renfort se partagent, & pendant qu'ils
délibèrent sur le parti qu'ils ont à prendre, Denys fait sur eux une sortie, &
les pousse dans la nouvelle ville. Plulieurs prennent la fuite & se retirent à
la Campagne. Denys les invite à rentrer dans. la ville , leur promet une am-
nistie générale. Quelqu'uns se laissérent persuader 3 les autres persistérent
dans leur révolte, & demeurérent à Oetna.
Les Lacédémoniens croïant que la Tyrannie de Denys pourroit contri- LIll.
Les Lacé-
buër à l'avancement de leurs affaires, envoïérent a Syracuse un nomme Ariste* démoniens
en apparence pour y rétablir la liberté des Citoïens, mais en
effet pour ap- savorisent
puïer l'usurpation du Tyran. Ariste aïant découvert le secret de sa négocia- laTyrannic
tion à Denys , parla au peuple & l'excita à prendre les armes pour le main- deDeny*.
tien de sa liberté. Le peuple trop crédule s'etant fie aux discours d'Ariste,
prit les armes aïant à sa tête Nicoteles Corinthien , qui fut mis a mort, &
ceux qui l'avoient suivi, furent opprimez par Denys, qui se servit de cette
trahison du Lacédémonien, pour augmenter son autorité & sa plisrance.
Les Syracusains quelque tems aprés étant sortis de la ville pour faire leurs
moissons, Denys fit fouïller dans leurs maisons & enleva leurs armes , puis
fit faire une seconde enceinte de murailles à la Citadelle , & augmenta le
nombre de ses vaisseaux & de ses troupes. De là il marcha contre les
Syracusains qui s'étoient retirés à Oetna, prit la, ville de Leontini, celle de
Naxe & celle de Catane.
Quand il vit sa domination bien affermie , il songea à faire la guerre LIV.sc
Carthaginois. Il fut assez long tems sans découvrir son dessein à Denys
aux dispose à
personne, & il prit de loin les précautions nécessaires pour une entrepri- faire la
se de cette conséquence. Comme il savoit que pendant la guerre des guerre aux
Athéniens contre Syracuse, les Athéniens avoient enveloppé la ville d'un Carthagi-
nois.
mur & de lignes de circonvallation qui tenoient d'une Mer à l'autre; du M'
Afin de prévenir un pareil inconvénient, il fit fortifier l'Epipole qui est un An 3603.
lieu trés fort d'assiéte & presqu'inaccessible du côté du Nord de la ville. avant J. G-
Pour hâter l'ouvrage,, il fit venir de la Campagne jusqu'à soixante mille 397.
hommes,à qui il partagea l'ouvrage avec tant d'ordre & de méthode, qu'ils La 3.e de la
causoient embaras l'un l'autre. Il avoit le service de tant 49. Olymp.
ne se aucun à y pour Diod. /. 14.
d'ouvriers, six mille paires de boeufs distribuez dans différens Atteliers. Le p. 4°2.40J.
Tyran se trouvoit souvent avec ses amis sur les travaux , afin d'animer les LV.
ouvriers par sa présence. Souvent même il se rabbaissoit jusqu'à aider dans Denys for-
tisie t'Epi-
l-es travaux les moindres manoeuvres, ce qui causoit entr'eux une merveilleu-
pole au
se emulation. De plus il proposa des recompenses particuliéres aux Archi- dessus de
tédes & aux ouvriers, pour les animer à faire de leur mieux. Par ce moïen Syracuse,
on vit achever en vingt jours un ouvrage qui devoit durer plusieurs mois ; Diod 7. 14-
car les murs tenoient trente Stades, ou trois mille & 740. pas de long, c'est
à dire, prés de deux lieues communes de france & ils étoient d'une hauteur
,
suffisante cour se défendre contre les attaques des ennemis, & de distance
en distance on voïoit des tours fort elevées, & construites avec des pierres de
trois pieds de long.
L VI. Ceux de Rhegio souffroient impatiemment de voir les villes de Naxe &
Ceux d. de Catane entre les mains de Denys. Ils résolurent de lui faire la guerre &
Rhegio de délivrer ces villes de l'assujettissement où elles etoient, avant que le Tyran
veulent se fut fortifié davantage. Ceux des Syracusains qui étoient bannis de leur vil-
faire la
guerre à les se joignirent là eux , & formèrent avec eux une armée de six mille hom-
Denys,puis mes de pied, de six cent Chevaux & de Cinquante vaisseaux ; aïant paslë le
renouvel- détroit, ils invitèrent les Messeniens de se joindre à Les Magistrats de
lent leur al- eux.
Messine sans consulter le peuple, levent des troupes & les joignent à celles
liance avec
lui. des Rhégiens ; mais un nommé Laomedon de Messine aïant parlé aux Sol-
Olymjnaà. dats & leur aïant remontré qu'il étoit contre toute justice de taire la guerre à
î. An. 2. Denys, dont ils n'avoient aucun sujet de se plaindre ils abandonnèrent
Diod. L 14. leurs Chefs & revinrent à Messine. Ceux de Rhegio se, voïant seuls, quitté-
P. 418.
An du M. rent leur entreprise , & s'en rétournérent chez eux , ils envoyèrent ensuite
3606. renouveller leur alliance avec Denys qui fut ravi de les recevoir en Ion
,
avant J. G. amitié, & de diminuer d'autant le nombre de ceux qui pourroient s'opposer
394. à lui, dans la guerre qu'il méditoit contre les Carthaginois, dont la puillance
s'augmentoit tous les jours dans la Sicile, par le nombre de Grecs qui le jet-
toient dans leur parti.
LTTll. Pour hâter l'exécution de ce grand dessein, il fit venir de tous cÓtez à
grands Syracuse des ouvriers pour forger des armes & pour bâtir des vaisseaux à cinq
préparatifs
de Denys rangs de rames d'une invention nouvelle; Car jusqu'alors on ne s'étoit guéres
pour faire servi que de vaisseaux à trois rangs de rames ; & comme il avoit
ramassé des
la guerre Soldats de divers païs, il vouloit que chacun fût armé de la maniéré propre
aux Car- à sa nation, pour rendre son armée plus redoutable, persuadé d'ailleurs que
thaginois. Soldats combattroient mieux & plus volontiers dans leurs propres armes,.
T)i;)dor. lib. ces
14. p.418. 8. que
dans celles, auxquelles ils ne seroient point accoutumez. Comme cette
entreprise de Denys étoit favorisée de ceux de Syracuse toute la ville étoit
,
comme un Attelier d'ouvriers de toutes sortes d'armes. On voïoit des ou-
vriers non seulement dans les Vestibules des Temples, & dans leurs peristiles,
mais aussi dans les Gymnases & dans les portiques qui étoient autour des pla-
ces publiques, dans toutes les parties de la ville & dans les maisons des Grands.
On inventa àlors dans Syracuse les Catapultes , machine de guerre propre
à lancer des pierres & des dards. Le grand nombre d'excellens ouvriers, qui
se trouvoient rassemblez dans Syracuse, les recompenses qu'on leur donnoit
& l'honneur de re"üffir contribuoient beaucoup à donner du coeur aux ou-
vriers & à faire faire de, nouvelles découvertes. Ajoutez les exhortations de
Denys l'oeil du maître &• l'hotineur de manger quelque fois à latable du
Prince , tôt cela joint en semble causoit une émulation admirable , entre les
,
Ingénieurs, les Entrepreneurs & les Ouvriers.
A voir la multitude des Galéres qu'il avoit fait construire, on étoit ravi en
admiration, & on auroit cru que toutes les richesses de la Sicile y avoient été
employées ; & quand on envisageoit les machines & la quantité de différen-
tes armes qui avoient été fabriquées, on auroit dit que Denys y avoit consumé
tous
tous ses tresors. II commanda de plus cent quarante mille boucliers, autant
de Casques & de poignards & quatorze mille Cuirasses qui devoient étre d'un
ouvrage exquis, & qui ne devoient servir qu'à ses Gardes du Corps, & aux
Officiers de ses armées.
Quand il eut achevé les préparatifs dont on vient de parler, il se mit à
lever des troupes, n'aïant pas voulu le faire plutost pour éviter la dépense.
Il fit ensuite alliance avec ceux de Messine & ceux de Locres, dont la puis.
sance étoit alors trés-conlidérable. Il epousa en même tems deux femmes,
l'une de Locres nommée Doris, & l'autre de Syracuse, nommée Aristoma-
que, ce <jui lui donna lieu de donner de grands repas aux peuples & de
les gagner par des bienfaits.
Quelque tems aprés aïant assemblé le peuple de Syracuse, il leur décla- LVIII.
ra le dessein qu'il avoit pris de faire la guerre aux Carthaginois. Cette dé- Denys
claration fut recuë avec joië par les Syracusains, qui considéroient les Car- commen-
thaginois comme leurs plus grands ennemis, & qui se flattoient de recouvrer ce les ho-
leur liberté, si la sortune les favorisoit dans cette grande entreprise, puis sans ftilitez
déclaration de il abbandonne contre les
aucune guerre, au pillage les Maisons des Car- Carthagi-
thaginois qui s'étoient etablis dans Syracuse, & qui étoient riches &
en grand nois.
nombre ; on ne se contenta pas de piller leurs biens on les traitta avec les
dernieres indignitez, en représailles des cruautez qu'ils ,
avoient eux - mêmes
exercées autrefois contre les Siciliens ; Cepernicieux exemple de cruauté &
de perfidie fut suivi di ns toute l'étendue de la Sicile.
Apres s'être ainsi vengé des Carthaginois,Denys envoya Heraut à Car-
un
thage avec des lettres, par lesquelles il leur déclaroit la guerre, à moins
qu'ils ne rendissent la liberté à toutes les villes de Sicile qu'ils avoient subju-
guées. Cette déclaration de guerre répandit la terreur dans la ville, tant à
cause qu'on n'étoit nullement préparé à la guerre, qu'a cause du
la peste avoit causé dans tout le païs. On ne laissa pas d'envoyer ravage que
Europe
quelques Senateurs pour y lever des Soldats. en
Denys ouvrit la Campagne par le siége de Motya, qui étoit Colo- LIX.
une
nie des Carthaginois, & qui leur servit comme de place d'armes dans la Si- Siège de
cile. Il avoit une armée de quatre vingt mille hommes de pied, de plus de Motya par
trois mille chevaux, & une flotte de plus de deux cent vaisseaux longs, sans Denys
compter plus de cinq cens autres vaisseaux qui portoient ses machines. Tant contre les
de préparatifs n'effrayérent point ceux de lVIotya. Carthagi-
Cette ville étoit située nois.
dansune lie eloignée de la Sicile d'environ six Stades ou 7)'0. pas. Elle étoit
jointe à la terre ferme par une chaussée faite de main d'hommes. Ceux de
Motya renversérent cette Chaussée pour empêche! les Syracusains de s'en ser-
vir contre eux ; mais Denys la fit rétablir, & laissant la conduite du siége à
Leptines qui commandoit sa flotte, il marcha avec ses troupes de terre
contre
les villes qui obéïssoient aux Carthaginois. Elles se sournirent toutes à l'ex-
ception de Solos, d'Ancyre, d'Egeste, de Panorme & d'Entelle. Il fit le
ra-
vage dans les terres de ceux de Soles, d'Ancyre & de Panorme, & coupa les
arbres de leurs Campagnes. Il forma le siége des villes d'Egeste, & d'Entelle.
sassant de grands efforts pour s'en rendre le maître
au plutost.
DU
Du côté des Carthaginois,Imilcon ou Amilcar nommé Général pour cet-
te expédition, ne pouvant partir pour la Sicile,aussitôt qu'il l'auront souluité,
envoïa le Chef de ion armée navale, accompagné seulement de dix Galères,
avec ordre d'entrer dans le Port de Syracuse & de brifer les Vaifléaux qu'il
y trouveroit. Cet Officier partit en diligence, & étant entré dans le Port,
avant qu'on s'en fût aperçu & qu'on se fût mis en défeniè, il brisa les Galéres
qu'il y trouva, puis s'en retourna en diligence à Carthage. Denys niant tait
le dégat dans toutes les terres qui appartenoient aux Carthaginois ramena
LX. toute son armée devant IVlotya.
Amilcar Amilcar ou Imilcon étant parti de Carthage avec seulement cent vaille-
arrive en aux choisis, attaqua à l'improviite les Galéres de Denys qu'il trouva hors du
Sicile & at- Port, brisa une partie & brûla les autres, puis étant entré dans le Port,il se
taque la en
flotte de mit en devoir d'attaquer les autres vaisseaux qu'on avoit tiré à terre. Denys
Denys. étant accouru au recours avec ses troupes, voulut se saisir de l'entrée du Port,
mais il trouva qu'Imilcon s'en étoit déja emparé ; ainsi il se contenta de faire
tirer contre lui grande quantité de traits & de fléches, tant des vaisseaux qu'il
avoit remplis de gens de traits, que de ses Catapultes qu'il avoit pointées con-
tre les Carthaginois, & qui leur tuërent bien du monde. C'étoit une inven-
tion nouvelle inconnue jusqu'alors aux Carthaginois.
LXI. Imilcon n'aïant donc pû exécuter son dessein, se retira à Carthage , &
Siége de Denys aïant achevé ses terrasses, appliqua ses machines contre les murs de la
Motya par ville, battant les tours avec le belier & châtiant: les assiégeans de dessus les
Denys le ,
Tyran. murs à force de traits lancez par les Catapultes & par le moïen des tours de
bois à six étages, qui étoient portées sur des rouës & qui egaloient non seu-
lement la hauteur des murs, mais même celles des maisons. Les Alotyens
sans perdre courage, elevoientpar le moien des antennes, des hommes ar-
mez de cuirasses sur de grands mats, lesquels jettoient des flambeaux ardens
sur les machines des ennemis & y mettoient le fèu;àla fin toutefois les aflié-
geans firent une grande breche, & entrérent de force dans la ville. Mais les
assiégez s'étoient fortifié dans les Carrefours & résistérent encore assez long-
tems, combattant de dessus les toits de leurs maisons, & résolus de tout souf-
frir plûtost que de se rendre aux Syracusdins. Aprés avoir combattu pendant
tout le jour, Denys fut obligé de sonner la retraite & de donner du relâche
à ses troupes; Mais la nuit suivante, il envoya Archyle un de ses Capitaines,
avec bon nombre de Soldats choisis, qui s'étant rendus maîtres par le moïen
des echelles qu'ils appliquèrent aux maisons déia à demi ruinées, d'un quar-
tier de la ville, y introduisirent Denys avec le reite de l'armée. Les assiégez
firent encore dans cette extrémité des prodiges de valeur & tuërent bien des
Syracusains. A la fin ils furent accablez par la multitude, & toute la ville ne
fut plus que comme une boucherie, où le Soldat exerça toute là fureur lans
diilint1ioll d'âge, ni de condition, ni de sexe.
Denys qui vouloit faire de l'argent en vendant les esclaves & les prison-
niers de guerre , ordonna à ses Soldats d'épargner ceux qui le retireroient
dans les Temples , & en même tems fit publier dans la ville que ceux qui
Youdroient avoir la vie sauve, eussent à s'y retirer. Il abandonna la ville
au
pillage encourager lesSoldats & les animer à s'exposer à l'avenîr aux
-au pour
périls de la guerre. Il recompensa Archyle qui avoit le premier monté sur
les murs, d'une couronne de la valeur de cent mines, fit crucisier quelques
Grecs, qui avoient pris le parti des Carthaginois contre les Siciliens, laissa une
Garnison àMotya sous le commandement deBiton, & donna ordre Leptines. à
qui commandoit sa flotte, d'observer les Carthaginois , quand ils passeraient
d'Egeste & d'Entelle ; Aprés
en Sicile, & de faire le dégat sur les terres des villes
avoir mis ordre à toutes choses, il revint sur la sin de l'Eté à Syracuse.
La Campagne suivante commença par le ravage que fit Denys dans les LXII.
Carthaginois. Ceux de la ville Denys ra-
Campagnes des villes qui obéïssoient -aux
menaçoit, vage les
d'Haltère, aujourd'huy Salemis, effrayez du danger qui les se ren- Campa-
dirent à Denys & firent alliance avec lui ; mais ceux d'Egeste mirent le feu gnes dCK
aux tentes & aux machines des Syracusains qui les assiégeoient, & causérent nois.
Carthagi-
un tres-grand dommage dans leur camp. supéri- Olympiad
Les Carthaginois de leur côté, assemblérent une armée beaucoup XCVI. i.
neure en nombre à celle de Denys ; Car ils avoient environ trois cent mille An du M.
hommes de pied, quatre mille chevaux & quatre cent Chariots. Leur flotte 3W
étoit de quatre cent vaisseaux longs, & d'environ six cent autres vaisseaux de- avant J. Go
401.
ftinez à porter les machines &les provisions de bouche; C'est ainsi que le ra- Diod.l. 14,
conte Ephore; Mais Timée soutient qu'il nepassa d'Afrique en Sicile que cent £.421,. 43,6»
mille hommes, aux quels se joignirent trente mille Soldats Siciliens. Imilcon LX1Il.
Général des Carthaginois donna à chacun des Capitaines de vaisseaux des let- Imilcoll
arrive en
Il Sicile,
tres, avec défense de les ouvrir avant que d'être arrivez en pleine mer. Se
leur étoit ordonné par ces lettres, de tirer droit à Panorme, ce qu'ils exécuté- prend
rent. Leptines aïant aperçu les vaisseaux de charge qui venoient en droitu- Moty*.
re ; Car les vaisseaux de guerre à trois rangs de rames côtoïoient les côtes
d'Afrique, les attaqua, en brisa & en coula à fond environ cinquante, qui'
portoient cinq mille hommes & deux cent Chariots. Imilcon arriva
heureusement à Panorme ou Palerme , & emporta Motya , pendant que
Denys étoit occupé au liège d'Egeste. Ce Prince se retira bientôt aprés à
Syracuse ne jugeant pas à propos de risquer la bataille avec un ennemy
beaucoup, plus fort.
Imilcon se voiant par ce moyen maître de la campagne,^résolut de faire LXlY.
le siége de Messine dans la veuë de retirer dans le Port de cette ville son Imilcon
armée navale, qui étoit ,
de plus de six cènt vaisseaux..11 s'en aprocha donc s'empare deMeûïné»
avec son armée de terre , pendant que sa flotte cotoïoit les bords à veuë de
ses troupes de terre. Il n'étoit éloigné de la place que de cent stades ou en-
viron quatre lieues, lorsque ceux de Menine firent marcher contre lui ce qu'ils
avoient de meilleures troupes pour l'empêcher de débarquer. Imilcon ju-
geant bien que la ville étoit dégarnie detroupes, envoïa en diligencedeux cent
Galères, avec ordre d'entrer dans le Port de Messine, & de se rendre maître de la
ville. Ce qui fut exécuté avec beaucoup de bonheur.avant que les troupes qui
étoient allées pour empêcher le débarquement d'Iniilcon,'Oussentarriver pour la
secourir;ainsi les Carthaginois s'emparérent de Messine.sans qu'il leur en coûtât
que trés peu de monde. Les bourgeois se sauvérent qui d'un côté, qui d'un autre.
Plusieurs se défendirent vaillamment & furent taillez en pièces. D'autres se jet-
térent dans les forteresses des environs &y firent une vigoureuse résistance; de
sorte qu'lmilcon ne pouvant alors les reduire, se contenta de la conquête de
Messine, qu'il rasa de fond en comble, sans qu'il y laissât ni murs ni édifices ;
puis il marcha avec toute son armée contre Denys.
Les peuples de Sicile qui avoient malgré eux embrassé le parti de De-
nys, se rendirent aux Carthaginois , dez qu'ils virent Imilcon s'avancer vers
Syracuse. Alors Denys le Tyran remplit soixante vaisseaux des Esclaves à
qui il avoit donné la liberté, fit venir plus de mille Lacédémoniens, qu'il prit
à sa solde, & fit porter des provisions en abondance dans tous les Chateaux
1

de la Campagne, sur tout dans ceux des Leontins, pour l es mettre en état de
défense, & persuada aux habitans de Catane de se retirer à Etna, à cause de la
situation avantageuse & de la force de cette place.
LXV. Aïant ainsi pourvu à toutes choses, il se mit en campagne à la tête de
Denys se 30. mille hommes de pied, & de trois mille chevaux. Il avoit cent quatre
met en vingt vaisseaux, dont la plupart-n'étoient pas à trois rangs de rames. Imil-
campagne con fit avancer Magon Commandant de sa flotte vers une colline nommée
contre les Taurus; lui-même s'avança
Carthagi- par terre du même côté ; Mais comme le mont
nois. Sa Etna avoit depuis peu vomi beaucoup de teu & avoit brillé tout ce qui le
flotte est trouvoitsur le bord de la mer; Imilcon sut obligé de s'éloigner des côtes &
battuë. de prendre sa route parle milieu du continent, par derriére le mont Etna. Il
avoit en dessein de se rendre à Cabane & avoit donné ordre 'ct Magon de s'y
trouver; Mais Denys ne lui en donna pas le loisir ; Car il commanda à Le-
ptines Général de sa flotte, de livrer la bataille à Magon , pendant que lui-
même avec son armée de terre demeureroit sur les côtes, pour le ioûtenir en
cas de besoin.
Leptines avec trente vaissèaux choisis alla dabord heurter la flotte des
Carthaginois, en brisa & coula à fond un assez grand nombre ; mais il fut
bientôt enveloppé par la flotte des Carthaginois, qui étoit beaucoup plus
nombreuse ; Le combat fut long, rude & opiniatre , & Leptines ne pouvant
résister au grand nombre des ennemis, se vit obligé de gagner la haute Mer &
de sè sauver. Le reste de là flotte perdit courage. Les Carthaginois prirent
ou enfoncèrent environ cent vaisseaux ennemis, & tuërent environ vingt
mille hommes.
LXV]. Quelqu'uns perfuadoient à Denys de livrer la bataille a Imilcon , avant
Imilcon qu'il fut informé de la victoire que là flotte venoit de remporter ; mais les
forme le amis lui firent entendre qu'il risquoit de perdre Syracuse , si Magon 1 ail oit
siége de flotte vidtorieuse. Il résolut donc de se jet-
attaquer en son absence avec sa
'" Syracuse. ter dans Syracuse pour la défendre au cas que les Carthaginois l'afliégeaf-
,
sent. Imilcon arrivé à Catane, y fit reposer son armée, & se disposa à marcher
contre Syracuse, sollicitant ceux qui étoient attachez à Denys, d'abbandon-
ner son parti.
Cependant il donna ordre à Magon d'entrer dans le grandPort de Syra-
cuse avec ses vaisseaux ornez des dépouïlles des ennemis. Sa flotte étoit de
prés de deux mille vaisseaux, & couvroit présque toute l'étendue du Port,
quoique
quoique fort vaste. Presqu'en même tems arriva l'armée de terre, que quel-
qu'uns faisoient forte de trois cent mille hommes de pied & de trois mille
chevaux. Imilcon fitdresser sa tente dans le Temple même de Jupiter. Lereste
de l'armée campa à douze Stades, c'est-à-dire, un peu plus de demie lieuë de
la ville. S'en étant aproché il présenta la bataille aux habitans & fit occuper
les autres Ports de Syracuse par cent de ses meilleurs vaisseaux, pour faire
voir aux Syracusains qu'il étoit supérieur par terre & par Mer, & pour leur
ôter toute espérance de lui résister. Aprés cela il fit faire le degât dans toute
la campagne, coupant les arbres, & laissant par tout des marques de sa cru-
auté. Il se saisit du Fauxbourgd'Acradine, & pilla les Temples de Cerés &
de Proserpine ; Ensuite il entrepit de fermer son camp de murs & de retran-
chemens, & pour cela il démolit les Tombeaux qui étoient en grand nom-
bre autour de Syracuse, entr'autres celui de Gelon & de Demaréte sa fem-
me, qui étoient d'une magnificence extraordinaire. Il de plus
fit construire
trois Forts le long de la Mer, pour y ramasser ses provisions de vin & de blé,
prévoïant que le siége seroit de longue durée.
Denys qui se sentoittrop foible pour résister a toutes les forces de Car- LXVII.
thage, avoit envoïé en Italie , à Lacédémone & à Corinthe pour y lever des Denys améne du
troupes & inviter les Grecs seà joindre à lui, pour défendre la liberté des secours à
Grecs qui étoient établis en Sicile. Lors donc qu'Imilcon regardoit la ville Syracuse,
de Syracuse comme une proye assurée , & une conquête qui ne lui pouvoit
échaper, tout d'un coup la face des affaires changea. Polyxéne Beau-
Pere de Denys lui amena du Peloponése & d'Italie trente vaisseaux longs'
avec de bonnes troupes commandées par Pelopidas Lacédémonien. D'un
autre côté les Syracusains aïant remporté quelqu'avantages sur la flotte des
Carthaginois, commencèrent à ne les plus craindre & songérent même à se-
couër le joug de Denys le Tyran. Celui-ci entra dans la ville & ramena
doucement les esprits par ses discours & par ses caresses, leur promettant de
mettre bientôt fin à la guerre.
La chose arriva comme il l'avoit dit , mais autrement qu'il ne l'avoit LXVIII.
pensé. On étoit au fort de l'Eté, & la maladie se mit dans l'armée des Car- La peste
périr
thaginois. Le mal commença par les Africains qui mouroient, sans qu'on fait la plus
pût leur donner aucun secours. On attribua ce fleau à la profanation qu'ils grande
avoient faite du Temple de Proserpine & de Cerés ; mais les chaleurs de partie de
l'Eté qui furent extrémes cette année là, & le lieu où ils étoient campez, qui l'armée
étoit un endroit creux & marécageux, où le frais & les vapeurs dunutinres- desCartha-
serroient les pores & glaçoient le sang, & l'ardeur du Midy jointe aux exha- ginois.
lassons pestilentielles causoient une extrême infedion dans une si grande
multitude ramassée en , un même lieu. Dans les commencemens on enterra
les corps, mais dans la suite leur grand nombre & le danger auquel on s'ex-
posoit en voulant leur donner la sépulture , firent qu'on les laissa pourrir
iur la terre, ce qui augmenta encore la puanteur & l'infection > Les uns étoi-
ent attaquez de Catharre & d'enflures de gorge ; Les autres de fiévres & de
douleurs dans l'epine du dos & de pésanteur dans les jambes. 11 y en avoit
qui étoient déchirez par de cruelles dyssenteries, & par des pullules par tout
le Corps; Quelqu'uns tomboient dans la fureur & dans la phrénesie, ensorte-
qu'ils se jettoient sur quiconque vouloient les aprocher, & les mettaient en
pièces. L'art des Médecins n'y pouvoit aporter aucun reméde. Ils inou-
roient tous au cinquième ou au plus au sixiéme jour.
LX1X. Denys bien informé de l'état, où étoit reduite l'armée Carthaginoise,
Avantages donna ordre à Pharacide, & à Leptines Commandant de son armée navale,
' que Denys d'attaquer avec 80. vaisseaux la flotte des Carthagmois. Cependant lui-même
remporte marchant pendant la nuit, se trouva le matin prés le camp d'imilcon, & atta-
ssir les
Carthagi- qua à la fois le camp & les Forts des ennemis. Il prit d'abord le Fort dePo-
nois. lychney sa Cavalerie aidée de quelques vaisseaux à trois rangs de rames , se
rendit maîtresse de celui qui étoit prés de Dascon. En nlême tems toute la.
flotte de Denys se mit en mouvement, & commença à attaquer celle des Car-
thaginois ; & la mit en désordre, brisant, brûlant, coulant à fond, rénveriant
les Galères. Les Carthaginois attaquez & vaincus de tous côtez, ne faisoient
plus. de résistance, mais criant & hurlant étoient mis à mort sans miséricorde-
Toute la ville deSyracuse après avoir pendant quelque tems jouï du Spéciale
de la défaite de la flotte ennemie, se rendit sur le bbrd,. pour profiter des dé-
bris de tant de navires-.
EXX. La nuit mit fin au combat & les Carthaginois envolèrent sécretement
,,
Denys, fait à Denys & à l'insçu des Syrâcufainsdes Ambassadeurs, lui promettant trois
la paix, talents s'il vouloit leur permettre de se retirer en Asrique avec les dé-
avec les cent ,
Carthagi- bris de leur armée & de leur flotte. Denys qui ne vouloit pas détruire entié-
nois.. Imit. rement les forces des Carthaginois dans la Sicile, parcequ'elles lui étoient né-
con se reti, cessaires pour tenir les Syracusains en resped, & pour les empêcher de songer'
re à Car- à recouvrer leur liberté promit à Imilcon de le laisser partir dans quatre
thage.. ,
jours avec les seuls Carthaginois, a condition qu'il laisseroit en Sicile les trou-
pes Auxiliaires. On compta donc les. trois cent talens, ou les trois cent
mille ecus aux Officiers de Denys,. & la nuit du quatriéme jour Imilcon fe-
retira à Carthage avec 4°. vaisseaux remplis de seuls Carthaginois.
Denys s'étoit cependant retiré dans la ville avec ses troupes. Quelques Co-
rinthiens qui étoient dans le Port, s'étant aperçus du mouvement d'imilcon,
donnèrent avis à; Denys que ce Général vouloit se sauver ;] mais au lieu de
le poursuivre , il lui donna par sa lenteur tout le loisir qu'il lui fàlloit pour-
gagner la haute Mer. Les Corinthiens impatiens sans attendre les ordres de'
Denys, donnérent sur les derniers vaisseaux d'imilcon & en coulérent à fond,
à
quelqu'uns; Les autres arrivèrent heureusement Carthage, où Imilcon fut
reçu avec. les insultes & les reproches de ses concitoiens, qui lui imputaient
le mauvais sllccés de son. entreprise. Il accusoit les Dieux comme Auteurs
de son malheur, & alloit couvert de mauvais habits dans leurs Temples com-
me pour expier l'impiété qu'il avoit commise en profanant le Temple de-
"
Jupiter où il avoit placé sa tente, & ceux de Cerés & de Proserpine, qu'il
avoit détruits & souillez.. A la fin il s'enferma dans sa mai son , sans vou-
loir Y: laisser entrer perfbnne„& se donna. la. mort,, en. s'abfb&nani de manger.
Les;
Les troupes auxiliaires & les alliez qu'il avoit laissez en Sicile, aïant ap- LXXX.
pris sa retraite , se retirérent chacunes dans leurs païs , les Barbares ou les Les trou-
pes auxiti--
Africains qui étoient trop éloignez, périrent ou furent faits esclaves pour la
aires des
plus part. Il n'y eut que les Espagnols qui s'étant rassemblez & mis en état Carthagi-
de défense, envoïérent à Denys pour lui offrir leurs services. Le Tyran les nois sont
accepta & les mit parmy les Soldats etrangers qui étoient à sa. solde., Il m'ort, ou;
fit mises à
les autres prisonniers de guerre , & abbandonna au pillage à ses Soldats, tout faites pri-
fin de cette fameuse guer- sonnieri'
ee qui-restoit de bagage des ennenlis. Telle sut la mille hommes, plu- de guerre
re , où les Carthaginois perdirent plus de cent cinquante
tost par la maladie, que par la valeur des Siciliens.
Un autre bien plus grand malheur accabla la ville de Carthage. Les Afri- LXXIL Afri-
cains, de longue main ennemis des Carthaginois, mais outrez alors jusqu'à Les cains atta-
la fureur de ce qu'on avoit abbandonné leurs Compatriotes à la mercy des Si-
quent Car-
ciliens, s'assemblent de toutes parts, & composent une armée formidable, thage. Ifc
(onlposée non seulement d'hommes libres, mais aussi d'Esclaves, au nombre se divisenfc
de deux cent mille hommes r résolus de se mettre en liberté & de se venger & se reti-
rent.
des Carthaginois. Ils se saisissent d'abord de Tunis, & marchèrent ensuite con-
tre la ville de Carthage. Les Carthaginois étant sortis en Campagner furent
vaincus & mis en fuite. Alors on crut tout perdu, & on regarda tous ces
malheurs arrivez coup sur coup, comme un effet de la colère des Dieux. Oit
les imputait surtout a Cerés & à Proserpine , dont les temples avoient été
violez. Quoique ces Divinitez n'eussent jamais été reconnues à Carthage *
on résolut de les y admettre , on leur créa- des,Prétres tirez des familles les
plus considérables de la ville, on leur consacra des Statues, & on leur offrit
des sacrifices à la manière des Grecs.
Aprés avoir ainsi satisfait à ce que leur süp-ersfition leur avoit inspiré, ils
songérent à. se mettre en état de défense contre les rebelles, dont Parmée
étoit sans Chef, sans subordination, fans- provisions, sans armes, sans machi-
nes de guerre ; ainsi la division s'étant bientôt mise parmi eux, & la famine
s'augmentant tous les jours,. ils se séparérent & se retirèrent chacun dans leuc
païs.
Magon Général de la flotte Carthaginoise n'étoit pas forti de la Sicile; fl Magots £XXllL
y travailloit à rétablir les affaires des Carthaginois, profitant de toutes les fau- Ca.rthagf-
tes de Denys pour affermir son parti, & recevant dans son alliance tous ceux nois atta&.-
qui étoient mécontens du Tyran, ou à qui il faisoit la guerre. Denys avoit queMeflS-
abbandonnée aux Lacédémoniens qui l'avoient servi dans la guerre,, l'endroit ne. Il e(fc
défait pac'
où avoit été la ville de Messine ; mais voïant que les anciens habitans deMef- Denys
fine qui s'étoient retirez ailleurs ne les y voyoient pas de bon oeil, Denys- Olympia*!
, où ils bâtirent la ville de Ty-ndaride. 960' An.
leur donna un autre terrain à habiter,
Magon aïant rassemblé assez de troupes pour composer une armée, attaqua fo An du Mu
ville de l'lelline qu'on avoit commencé à rétablir & aïant fait de grands 3 16r2-
,
dégâts dans la Campagne des environs, il vint camper prés la, ville d'Abace-
ne, qui lui étoit alliée. Denys vint l'y attaquer & remporta sur lui une
grande victoire. Les Carthaginois y perdirent plus de huit cent hommes-,. &.
su retirèrent dans la. ville.
Lxxiv. L'année suivante les Carthaginois malgré leurs pertes précédentes
tesCartha- résolurent de tenter de nouveau la conquéte de la Sicile. Ils y firent
ginois ten- passer quatre vingt mille hommes, dont ils donnèrent le commandement à
tent de Magon qui étoit un des Suffètes ou des grands l\Iagistrats de cette année. Il
nouveau débarqua heureusement son armée & s'avança jusqu'à Argyrine qu'il ne put
la conquê- Denys. il y campa & y attendit Denys qui venoit à lui
te de la Si- détacher du parti de
cile. avec vingt mille hommes. Denys étant entré dans Argyrine, fit tant qu'il
Olympiad. Argyris qui y exerçoit la souveraine autorité, de joindre les forces
engagea
97. An. 1. aux liennes.
du M.
Il avoit environ vingt mille hommes, ce qui augmenta trés-
An
3613. considerablement l'armée de Denys.
avant J. C. Magon se trouvant dans un païs ennemi où tout lui étoit contraire, se
387. vit bientôt réduit à manquer de vivres, & comme son armée diminuoit tous
Diod. 1.14- les jours, il demanda la paix & l'obtint, à condition que les Siciliens lui de-
f.445* meureroient assujettis, & qu'on lui céderoit la ville de Tauromenie, aujour-
d'huy Taormina. Aprés cela Magon s'en retourna à Carthage.
x
L'y T/. Quelqu'années aprés Denys déclara la guerre à ceux de Rhegium, qui
Denys atta- etoient comme le boulevard de l'Italie ; mais les Italiens étant accourus au
que Rhegio secours de Rhegium, Denys fut battu, perdit 1)'. cent hommes & fut obligé
& est obli- de se sauver dans une Galère à cinq rangs de rames avec laquelle il arriva
gé de se re-* ,
au milieu de la nuit, dans le Port de Messine. Comme l'hyver approchoit,
tirer à Syra-
cuse. il se retira à Syracuse avec ses troupes, après avoir fait alliance avec les Lu-
Olympiad. caniens, peuples d'Italie.
517" An.
3. L'année suivante Denys repassa en Italie avec une armée de vingt mille
An du M. hommes de pied de trois mille chevaux, & de 40. vaisseaux longs avec en-
361). vaisseaux,
de transport. Il envoya son srere Thearide aux iles de
avant J. C. viron 300.
.8î. Lysari avec quarante Galéres , pour surprendre dix navires de Rhegio qui y
LXXVI. étoient. Thearides les prit avec ceux qui les montoient & les ramena à Mef-
Denys pas- sine, où étoit Denys. Ils passérent ensemble en Italie & assiégérent Caulon
se en Italie Los Grecs qui habitoient en Italie , se réunirent pour
& défait Colonie de Rhegio.
HelorisGé- lui faire tète & choisirent Heloris Syracusain, qui s'étoit refugié à Crotone,
,
l1éral des pour leur Chef. Ce Général à la téte d'une armée de vingt mille hommes de
Grecs- pied & d'environ deux mille chevaux, marche au secours de Caulon. Denys
Olympiad.
informé de sa marche, vient au devant de lui, & le surprend de grand ma-
97. An. 4. ramasser ny ranger son armée. Heloris n'avoit avec
An du M. tin, avant qu'il eut pu ny
3816. lui que cinq cens hommes choisis. Les siens qui étoient encore dans le
avant J. C. camp, aïant appris le danger où étoit leur Chef, accoururent à son secours,
384. mais Denys l'avoit déja enveloppé & Heloris mourut avec tous les siens en
Diodor. ,
son armée étant venuë en desordre, fut
LIA- combattant vaillamment. Le reste de
f.4^0.
aisement défaite & mise en fuite.
LXXVII. Ceux qui purent echaper, se sauvérent sur une hauteur ou il leur auroit
Denys sait été aisé de se défendre ; mais à peine y
furent-ils un jour& une nuit, qu'ils
la paix avec demandèrent à se racheter. Denys ne voulut pas leur donner d'autre Capi-
les villes tulation, si non qu'ils missent bas les armes & se rendissent à discrétion. Le
Gréques lendemain ils se rendirent. Denys les comptoit à mesure qu'ils descendoient
d'Italie.
de leur hauteur, & il s'en trouva plus de dix mille. Ils s'attendoient à soutf-
rir
rir les derniéres extremitez
Yoïa tous sans rançon.
; mais Denys se radoucit tout à coup & les ren-1
Il fit la paix avec les villes Gréques d'Italie & leur
pérmit de vivre en liberté ; Ce qui lui attira de grandes louanges, & l'on
regarda cela comme la plus belle action de sa vie.
De là il marcha contre Rhegio contre qui il étoit irrité depuis long Lxxvm
, Denys se
tems, pour le refus qu'ils avoient fait quelqu'années auparavant de lui don- rend maî-
ner pour femme une de leurs concitoïennes, & avoient ajouté l'insulte au re- tre de Rhe-
fus en disant qu'ils lui donneroient pour Epouse la fille du Lideur ou du gio,& y ex-
,
Bourreau. Rhegio n'étoit pas àlors en etat de résister à Denys. Elle envoïa erce de
lui demander la paix. Denys l'accorda, à condition qu'ils lui payeroient grandes.
trois cent talents de tribut, qu'ils lui donneroient cent otages, & qu'ils lui cruautés
livreroient tous leurs vaisseaux, qui étoient au nombre de soixante dix. Aprés
cela il marcha contre Caulon qu'il avoit d'abord assiégée. La ville se rendit.
Il en transporta les habitans à Syracuse, rasa la ville & en donna les Champs
aux Locriens. Il en usa de même envers la ville d'Hipponium, aujour d'huy
Monte Leone dans la Calabre.
Tout le mal que Denys avoit fait à Rhegio, n'avoit pas encore satisfait Diod. l.If.
son indignation. Il ne leur avoit accordé la paix que pour les dépoüiller de P- 4î ~
leurs vaisseaux, afin de les reduire ensuite avec plus de sacilité sous son ob-
éïITance. Il cherchoit donc des moiens pour pouvoir dégager sa parole &
mettre son honneur à couvert. Il différoit sous différens pretextes son retour
en Sicile, tantôt c'étoit sa santé, tantôt c'etoit autre chose qui le retenoit-
S'étant ensuite approché de la Mer, & paroissant disposé à partir, il envoïa de-
mander quelques vivres à Rhegio avec promesse d'en renvoïer autant, dez
qu'il sèroit arrivé à Syracuse. Ceux , de Rhegio
lui accordérent de bonne grâ-
ce ce qu'il leur demandoit ; mais aprés quelques jours s'étant apercus de son
mauvais dessein, & qu'il ne cherchoit qu'à epuiser les provisions qui étoient
dans la place, pour s'en rendre plus aisément maître, ils refusérent poliment
de lui en envoïer d'avantage.
Aussi tôt il renvoie les otages & assiége la ville. Les assiégez sans perdre
courage ramassent des troupes, arment leur jeunesse se donnent pour Chef
,
un nommé Phyton, & font une vigoureuse résistance. Ils brûlèrent plusi-
eurs machines aux annemis dans quelques sorties & leur tuërent bien du
monde. Denys lui-même y fut blessé d'un coup de lance vers l'aine, & il
eut assez de peine de guérir. La ville se défendit pendant onze mois, & les
assiégez se virent réduits aux dernieres extrémitez par la famine,
car aprés
avoir consume tous les vivres dont les hommes ont accoutumé de se nour-
rir, ils mangèrent les Chevaux, puis les cuirs, & enfin ils furent contraints
de brouter l'herbe qui croissoit autour de leurs murailles. Denys au lieu
d'etre touché de leurs malheurs, envoïa des animaux pour manger ces her-
bes, & pour oter aux assiégez cette malheureuse ressource. La ville se ren-
dit à la fin. On y trouva de grands tas de morts que la famine avoit fait pé-
rir; & environ six mille bourgeois qu'il fit mener à.Syracuse où ils furent
vendus à une mine, ou 41. livres cinq sols par téte. Phython Chef ,
&Commaiv
dant des Rhegiens souffrit les dernières indignitez & enfin fut noyé dans la
Mer avec tous les liens, , Pendant
LXXIX. Pendant que Denys étoit occupé au siége de Rhegio, il envoïa son fre-
Denys en- re Thearide aux jeux Olympiques , avec des Coursiers pour disputer le prix
Voy.e des de la courie, & des tentes magnifiques & brochées d'or. Il y envoïa aussi
JShevaux
des Rhapsodes pour y réciter ses vers car il se piquoit de réunir en Poëlie.
,& des'Mu- ,
ficiens aux A l'arrivée de Théaride toute l'assemblée accourut pour voir la richene, &
,
jeux Olym- la beauté des tentes, on vint aussi pour entendre les belles voix des Rhapfo-
ad.
piques.
Jin. i.
des, mais quand on vit les vers qu'ils recitoient ; on les siffla & on voulut
même mettre en pièces leurs tentes qu'on avoit dabord admirées. Les
réussirent pas dans leur courte ; les uns
An du M. Chars que Denys avoit envoyez, ne
^617. passérent au dela des bornes marquées, & les autres s'étant heurté l'un con-
.avant J. C. tre l'autre furent brisez & mis en pièces.
38?. L'Orateur Lysias récita dans la même aïïemblée une Oraison, dans laquel-
le il exhorta les Grecs à ne pas admettre dans la participation des jeux sÙcrez
les Spedateurs que Denys y avoit envoyez exprés. Ces Spectateurs nommez
Grec Tbeoroi, étoient destinez à faire les sacrifices ou à y allitter & à
,en ,
Religion. Ils ne furent
remplir les devoirs qui regardoient les Dieux & la
qu'ils l'avoient été aux jeux Olympiques.
pas plus heureux dans leur retour de Tarente
La tempête les rejettasur les côtes en Italie; & les Matelots étant
de retour à Syracuse , racontérent la maniere dont on avoit reçu les vers de
Denys. Tout cela ne fut pas capable de le guérir de la paillon de versifier,
ses flatteurs lui aïant fait entendre que tout cela ne s'étoît fait que par les en-
vieux de sa gore.
LXXX. Il avoit toujours autour de lui une foule de Poëtes , auxquels il mon-
à leur ceiifure. Il y en avoit un en-
Fureur de trait ses Poësies & les soumettoit même dans la Podie Dithy-
Denys tr'autres nommé Philoxene, qui à cause de son habileté
pour la rambique, dans laquelle il excelloit; (On apelle Dithyrambe une sorte de vers
Poesie,
dont la mesure n'étoit ni fixe ni réglée. On n'en sait plus les regles , ni la
-Diod. 1. if-
1.460.46!. composition.) Philoxene donc aïant un jour témoigné peu d'eitime pour
les vers de Denys, ce Prince le condamna à travailler aux Carrieres.
Le lendemain aïant été prié par ses amis de pardonner à Philoxene, De-
LXXX1. nys le rapella & le fit asseoir à sa table avec les autres ; & comme il y récitoit
Philoxéne quelques vers de sa façon, il demanda à Philoxene ce qu'il en pensoit. Le
Jérapprou. encore s'expliquer dit; qu'on me raméne aux Carriéres Tout le monde éclatta
vc: les l'oë-
Poëte sans
à cause de la compagnie & du bon mot ;
sies de De- de rire, & Denys n'osa s'en sâcher
Mais autre fois le Tyran lui aïant dit sérieusement qu'il n'approuvoit pas
nys. une d'être plus
la liberté qu'il se donnoit de censurer ses vers, Philoxéne promit
réservé; & en effet Denys aïant compote de vers propres a exciter la pine,
& aïant ordonné à Philoxene d'en dire son sentiment, le Poete repondit par
Equivoque, en disant, ils font véritablement la pitié.
Les dépenses que Denys avoit faites dans les guerres précédentes& cel-
une
LXXXil
Denys pil- les qu'il faisoit continuellement, entretenant un si grand nombre
de troupes
le le Tem- étrangères, avoient épuisé ses finances, & pour les rétablir , il résolut d'aller
ple d'Agil- le Temple de Delphes, le plus riche de toute la Gréce ; mais diverses
lt", ville piller
son dessein. Il réüssit mieux dans
d'fctruric. circonstances l'empêchèrent d'exécuter
l'expédition qu'il entreprit contre le Temple d'Agylle ville d'Etiurie^ ou de
Toscane On croit que c'est le Bourg de Ceré ou Cervetere, dans les Etats
du Pape. 11 le pilla & en enleva plus de mille Talents.
Ceux de la ville étant
& prit grand nombre de prisonniers de
accourus au secours, il les vainquit qu'il avoit prises dans cette guerre;
guerre, qu'il vendit avec les dépouilles
moins cinq cent Talens.
Ce qui lui produilit encore au
Avec ces sommes il leva une grande armée dans la résolution de faire la LXXXlIl
Carthaginois. Il en trouva bientôt l'occasion. Les villes de Sici- Denys en-
guerre aux cherchoient qu'un prétexte se- treprend
le qui obéïssoient aux Carthaginois ne pour de nou-
, beaucoup de dureté.
couër le joug de ces maîtres, qui les traittoient avec veau la.--1
Denys les prit sous sa protection & les traitta avec beaucoup de douceur & guerre
de ménagement. Les Carthaginois lui envoïerent des Ambassadeurs pour ré- contre Carthagi-
les
péter leurs villes. Denys refusa de les leur livrer, ils lui déclarèrent la guer- nQis.
& en même tems firent passer grand nombre de troupes tant en Sicile Olympiad.
re ,
qu'en Italie. Il se donna plusieurs petits combats qui ne décidèrent de rien. p. An* 1.
A la fin Denys gagna une bataille considérable a Cabale, où il tua
plus de dix An du M.
mille Carthaginois, & en prit bien cinq mille. Le reste se sauva sur une col- avant 3622.
J. S.
line de difficile accés, mais qui manquoit d'eau. Denys les y poursuivit,

guerre..
?78.
& Magon Général des Carthaginois y aïant été'tué^ les autr es Chefs de l ar- Diod.l.l i5.
, condition qu'ils ab-
mée demandèrent la paix à Denys, qui la leur accorda, a p. 461».
bdndollneroient toutes les villes qu'ils avoient en Sicile, & qu ils lui paye-
Toient les frais de la
Les Carthaginois feignirent d'acquiescer à ces propositions ; mais ils re- jLXXXIV
montrèrent, qu'ils ne pouvoient livrer les villes lans ordre de leur Repu- Magon ? le
tréve allez longue à Carthage. Les Jjeune rem-
blique, & ils obtinrent une pour envoyer porte une
Carthaginois ne perdirent point de tems, & après avoir rendu les derniers viétoire ^
devoirs à Magon, comm'étant mort pour la défense de la République ils contre De-
, < *

nommèrent Général en sa place san fils Magon , qui étoit fort jeune pour nys i l e Ty-

.un tel employ, mais qui étoit d'une valeur &


d'une sagesse au dessus de son ran.
âgé. Il emploïa tout le tems de la trêve à exercer les troupes, aprés quoy
illivra la bataille à Denys & la gagna. Il étoit si animé contre les Siciliens'
qu'il ordonna qu'on ne fit quartier à personne ; il en demeura quatorze mille
lur la place ; les autres se sauvérent à la faveur de la nuit, & regagnérent
leur Camp. '
Les Carthaginois se retirérent à Palerme, d'où ils envolèrent , faire a, De-. LXXXV.
des propositions de paix. Elle fut bientôt conclue à ces conditions, Paix entre
nys ,
étoient pos- les Cartha-
que les Carthaginois & les Syracusains garderoient ce-dont ils en ginois oc
session, qu'on céderoit aux Carthaginois la ville de Selinunte & le territoire Denys le
de Gergenti, jusqu'au fleuve Alyque. Qu'enfin Denys païeroit aux Cartha- Tyran.
ginois mille Talens pour les frais de la guerre.
Vers ce même tems on découvrit qu'un Carthaginois nommé Suniate avoit LXXX Défense
VI
écrit en Grec à Denys, pour lui donner avis du départ de la flotte Carth;¡gi d'apprea-
noifc. Sur cela le Senat rendit un décret qui défendoit aux citoïens d'appren- drelalan-
dre a lire ou à écrire la langue Gréque , afin de leur ôter le moïen d'avoir gue Gré-
aucun commerce avec les Grecs, ni de vive voix, ni par écrite que à Car-
thage.
tyujlin. /. 2. La pelle qui quelques années auparavant avoit fait de si grands dégatt
c. <*• dans Carthage, y recommença alors d'une manière terrible. Outre la peste
O/ympi ad. quifaisoit périr une infinité de monde, ils furent attaquez de terreur .panique,
ioo. 21n. 2. & de violens
An du M. transports de Phrénesie , qui les saisissant tout à coup les fai-
3626. soient sortir de leurs maisons, les armes à la main, comme si l'ennemi sefut
Diod. /. 15. emparé dela ville, & tuoient ou blessoient tous ceux qu'ils rencontroient.
469. Les peuples d'Afrique sujets de Carthage, & ceux de Sardaigne voulurent
,
profiter de l'affoiblissement des Carthaginois pour récupérer leur liberté, mais
ils furent vaincus & réduits à l'obéïssance.
LXXXVII. Denys le Tyran se servit aussi de cette circonstance pour faire la guerre
Guerre de
Denys con- ples aux Carthaginois, & n'en aïant point de juste sujet, il prétendit que les peu-
qui leur obéïssoient en Sicile, avoient fait incursion sur ses terres. Aïant
tre les vil-
les soumi- donc rassemblé une armée de trente mille hommes de pied & de trois mille
ses auxGar- Chevaux avec une flotte de deux cent vaisseaux à trois rangs de rames;il se jette
thaginois. sur les terres des Carthaginois, & leur enleve les villes d'Entelle, de Selinun-
Olympiade
te & d'Erix, puis fait le siége de Lilybée ;mais
103. An. 2. d'une bonne Garnison il leva bientôt le siége,comme
la place étoit munie
An du M. &. le bruit s'étant répandu
,
36e 8. que la flotte des Carthaginois avoit été brûlée , il crut qu'il ne leur reltoit
avant J, C. plus de vaisseaux, & se contentant de laitier dans le Port d'Eryx cent trente.
362. Galères, il renvoïa tout le reUe à Syracuse ; Mais la perte des Carthaginois
Diod. /.i!.
455-4^6, n'avoit pas été aussi grande qu'on l'avoit publiée. Ils vinrent bientôt avec
deux cent navires attaquer à l'improviste les vaisseaux qui étoient dans le Port
d'Eryx, & en prirent une bonne partie; connue l'hyver étoit proche, on fit
une trêve, & chacun se retira chez soy.
LXXXVIII. Denys le Tyran mourut bientôt après. Il avoit fait représenter à Athé-
Mort de tragédie de sa façon aux fêtes de Bacchus dans lesquelles les Athé-
Denys le nes une ,
Tyran. niens lui avoient ajugé le prix & la victoire sur les autres Poëtes. Un des
An du M Musiciens qui avoit sait sa partie dans un Choeur de cette tragedie, crut qu'il
363 8. ne pouvoit rien faire de plus agréable à Denys que de lui en porter la nou-
avant J. C velle, & que cela lui vaudroit quelque riche prélent. Il s'embarqua donc
367.
Diodor. lib, aussi-tôt pour Corinthe , & y aïant heureusement rencontré une Galére qui
1 f.P' 496.
alloit à Syracuse il se sert de cette commodité & vint annocer au Tyran la
,
victoire qu'il avoit remporté au jugement des Athéniens. Denys le recom-
pensa libéralement & fit un grand Festin à ses amis.pour se conjouïr avec eux
de cette heureuse nouvelle; mais aïant trop pris de vin, il tomba malade &
mourut la trente-huitième année de ion régne.
Depuislong tems l'Oracle lui avoit promis qu'il nemourroit que quand
il auroit vaincu meilleurs ou plus vaillans que lui. Ce qu'il expliquoit des
Carthaginois qui étoient en effet plus puissans que lui ; aussi quelque avanta-
le qu'il remportât sur eux il disoit toujours que les Carthaginois étoient
luperieurs croïant ainsi eluder ,
la sorce du destin ; mais il eut Ion accomplis-
,
sement dans la vidoire qu'il remporta à Athènes sur les Poëtes Athéniens, qui
confhmmçnt étoient beaucoup meilleurs Poëtes que lui. On asouvent remar-
qué que les Oracles étoient d'ordinaire equivoques & trompaient ceux qui y
avoient confiance.
Denys
Denys le Tyran eut pour Succeiïeur Denys son fils, qui regna a Syracuse LXXXIX.
Denys lé
pendant vingt ans ; mais il n'eut ny la conduite ny le bonheur,ny l'adivi- jeune fuc-
té de son Pere. Il se plongea dans la moiesse & dans l'oisiveté, & fit la paix céde à De-
été le Roy son Pe-
avec les Carthaginois qui avoient toujours en guerre avec nys l'an-
Il s'accommoda aussi avec les peuples de Lucanie aprés leur avoit fait cien Tyran
re. même remporté , quelque
avantage de Syracu-
pendant quelque tems guerre,la & avoir se.
sur eux. Enfin se croïant sans ennemis au dehors il résolut de se défaire -D;odon lih.
,
de Dion,Frere de la seconde femme de son Pere ; Dion etoit de la premiere 16, p. ÇI2.
noblesse de Syracuse homme de coeur, savant & fort propre a détruire la
Tyrannie de Denys. , Celui-ci l'aïant voulu faire arrêter, il demeura pendant
quelque tems caché dans la maison de ses proches, puis se retira Corinthe, à
accompagné de Megacles son Frère, & de Charicles qui avoit commande les
troupes du Tyran.
Dion étant arrivé à Corinthe , pria les Corinthiens de luiaider à faire . xc.
Sicile, qui Dion de Sy-
recouvrer la liberté à la ville de Syracuse & aux autres villes de disposez racuse ten-
gémissoient sous la Tyrannie de Denys. Il trouva les Corinthiens te de met-
à le secourir, il prit des Soldats à sa solde, & partit de l'île de Zacinthe avec tre en liber-
seulement deux vailleaux de transport, & arriva heureusement en Sicile. 11 té Syracuse
devoit étre suivi peude tems aprés par Charicles, avec un plus grand nombre & les villes
de Sicile.
de vai sléaux. *
Dion aborda à Minoa autrement Heraclée , dans le voinnage de Ger- Olywp.io^.
genti. Paralus Carthaginois, ami de Dion en étoit Gouverneur. Dion le An. ,An
4.
du M.
pria de faire conduire à Syracuse par terre d'e quoy armer cinq mille hommes,
3648.
& lui-même à l;;l têteseulement de mille hommes, s'avança aussi vers Syracu- avant J. (2.
se. Cette petite armée s'augmenta bientôt jusqu'au nombre de vingt mille 362.
hommes, par le secours qu'il reçut des villes de Sicile,qui étoient sur sa route Diod. l. iç.
& qui nié,,-isoieii-, la nonchalance de Denys. Ce Prince étoit alors à Cau- p. îiî.
116.
Ion en Italie, où il étoit allé visiter certaines villes, qu il avoit taIt bâtir ur le
Golphe Adriatique. Dez que Dion approcha de Syracuse, il vint à sa ren-
contre une multitude de peuple,mais sans armes disposez àle suivre. Leg
citoïens de Syracuse en même tems abbanàonnérent le parti de Denys , &
Dion fit distribuer à mille d'entr'eux les armes qu'il avoit apportées. Il arma
les autres comme il put. Toute l'armée le nomma Général avec sonFrere
Megacle; AufIi-tôt il marche contre la-ville, & y entre sans trouver nulle ré-
fistance. Il campe dans la place même de Syracuse. Son armée s'etant accruë
jusqu'au nombre de cinquante mille hommes.
On ne vit jamais un changement si heureux & si inespéré. Toute la
ville étoit dans la joïe pour le recouvrement de sa liberté; les temples, les
places les Maisons, tout retentissoit d'actions de graces & de cris de joïe.
Tout le, monde accouroit pourvoir Dion, comme un homme descendu du
Ciel. On avoit peine à croire ce qu'on voïoit, tant la chose étoit singuliére
& contre toute apparence.
Denys aïant appris ces nouvelles,envoïa en diligence Philiste Général de JCCL
sa flotte à Syracuse, pendant que lui-même s'y rendoit avec les Galères qu'il Denys -le
avoit auprés de lui. Il y arriva sept jours après la venuë de Dion ; & pour jeune tre
ren-
dans la
Souverai- faire croire aux Syracusains qu'il ne vouloit point la guerre , il leur envoïa
neté de Sy- des Ambassadeurs pour leur témoigner qu'il étoit prét à renoncer à la souve-
Facuie. raine puissance, pourveu qu'on lui accordât quelques honneurs & quelques
marques de distin&ion dans l'Etat populaire, qu'on vouloit rétablir
à Syracu-
se; il prioit donc qu'on lui envoïât de Députez, avec qui il put conférer sur
les' matières
en question. On lui envoïa aussitôt quelqu'uns des Principaux
de la ville, & il les fit garder par ses gens, différant de jour à autre sous di-
Les Syracusains se tenant comme
vers prétextes, de leur donner audience.
feurs de la soûmission de Denys & de lbn peu de résolution pour entrepren-
» dre quelque chose, commencèrent à se negliger & à ne plus faire garde avec
la même vigilance qu'auparavant.
Denys s'en étant apperçu,sortit tout à coup en armes avec ses gens de la
Citadelle qui étoit dans l'ile, & s'empara du mur que les Syracusains avoient
consuuit,tenant d'un bord de la Mer à mi autre bord, & s'avançant vers la
ville, il tua tout ce qu'il rencontra. Dion accourut avec ses troupes, & le
combat se donna dans un espace assez étroit, où les combattans ne pouvoient
ni avancer ni reculer, ce qui sut cause qu'il y en eut un trés-grand nombre
de tuez & de blessez; Enfin Dion s'étant jetté au milieu des ennemis , & en
aïant tué un trés-grand nombre, mit en fuite les troupes auxiliaires de De-
plusieurs
nys; mais comme il étoit resté seul au milieu des ennemis, il r(,çut
bl'efsures qui ne l'empêchérent pas de conlbattrc,jusqu'a ce que frappé au bras
droit, il se vit en danger de tomber entre les mains des ennemis. Alors les
Syracusains firent un dernier effort pour le tirer du peril, & mirent en fuite
les Soldats de Denys ; pendant que les Bourgeois de leur côté rechaiïoient
les troupes étrangéres dans lesForts de l'île qu'elles occupoient. Denys per-
dit dans cette journée environ 800. hommes, & envoïa demander les morts
Il les en-
pour les ensevelir ; Ce qui étoit reconnoître qu'il étoit vaincu.
1
terra avec pompe, & voulut qu'on leur mit des couronnes d'or, & des habits
de pourpre pour les enterrer,espérant par ces honneurs animer les autres a se
défendre vaillamment & à lui demeurer plus attachez.
yen. Il envoïa ensuite des Ambassadeurs pour traitter de la paix : Dion dif-
Denys de- féra de leur donner audience jusqu'à ce qu'il eût achevé le mur qu'il avoit
mande la, commencé de bâtir,pour
mettre la ville hors d'insulte. Alors il fit réponse
paix aux] falloit premièrement re-
Syracu-' aux Ambassadeurs que si Denys vouloit la paix , il
& se contenter de quel-
fains. noncer à la Tyrannie ou à, la souveraine puissance ,
offensé de cette proposition &
ques honneurs qu'on lui rendroit. Il se tint
résolut de continuer la guerre; Comme il étoit maître de la Mer & qu'il ne
manquoit de rien dans ses Forts, si ce n'est qu'il n'avoit pas assez de blé' , il
envoïa des vaisseaux avec de grosses sommes pour en acheter. Mais les Sy-
racusains, quoiqu'ils manquassent de vaisseaux longs, ne laissérent pas de lui
enlever plusieurs batimens chargez de vivres.
JCC11L Quelque tems aprés arfiva lIeraclides,que Dion avoit lainedans le Pelo-
Denys le p01Jése.Une grosse tempête qu'il essuya fut cause qu'il n'arriva pas à tems à Sy-
jeune se re- racuse aider Dion à rendre la liberté à cette ville, mais étant enfin arri-
tire en Ita- pour
lie. vé avec vingt vaisseaux longs & quinze cent Soldats, il fut créé Général des
forces
des Syracusains. D'un autre cote Philiste le plus fidel des.
forces maritimes
amis de Denys & qui commandoit sa flotte, aïant livre la bataille a Heraclide.
fut vaincu & obligé de se donner la mort, pour n'être pas exposé aux mlultes
& aux mauvais traittemens de ses ennemis. Sa mort jetta Denys dans larder-,
niére consternation. 11 envoïa des Ambassadeurs à Dion, & lui offrit d'abord
la moitié du Roïaume ; ensuite il le lui offrit tout entier ; Mais U1011 ne l'ac-
la domi-
cepta point, ne voulant pas rétablir, ou continuer la Tyrannie , ou
nation d'un seul dans Syracuse. Il répondit à Denys que s'il vouloit rendre
la Citadelle, & se retirer en Italie , il étoit raisonnable qu'il sortit avec quel-
que honneur, & quelqu'argent, & qu'il
emmenât avec lui les troupes etratI-
gères qui étoient à sa solde; mais le peuple n'aïant pas voulu agréer ces con-
ditions, parceque les Harangueurs se flattoient de reduire Denys par la foT^e*
Prince s'embarqua secrétement avec tout ce quTil avoit de meilleur & de
ce
plus prétieux, & se retira en Italie, laissant pour la garde de la Cidatelle tout
ce qu'il avoit de plus vaillans Soldats. Dion, d'Heraclioe Xcnr„
Alors les Syracusains
donneroient le gouvernement de
déliberérent
leur
a qui de
République
offensé de ce paralléle & de l'ingratitude des Syracusains
,
&
,
^
de
ou
leur armée. Dion
ils Dion le rei-
tiremécon...
se mit à la tête de tent de Sy-
trois mille Soldats qui étoient venus du Péloponése pour mettre Syracuse en racufe»
liberté, & à qui il étoit dû considérablement de leur solde, que la ville n'étoit
état de payer, Dion sortit doncdeSyracu(ë à la tête de ces Soldats nlé-
pas en
contens & marcha vers la ville desLeontins. LesCitoïens de Syracuse le pour-
fui vire nt, mais il les mit en fuite, & toute fois ne voulut pas se prévaloir contr eux
de sa victoire, ni se venger de I1nsulte qu'ils lui avoient faite Il leur permit
d'enterrer leurs morts, & renvoïa sans rançon plusieurs prisonniers de guerre.
Les Soldats que Denys avoit laissez dans la Citadelle, étant réduits par xevi
la faim à la dernière extrémité, résolurentde se rendre aux Syracusains; mais Nypsiusdes,
la proposition, ils virent amene
au moment qu'ils devoient envoïer pour en faire d'Italie Mer. vivresaux
arriver un grand convoy de vivres que Denys leur envoïoit par Soldats de
Pendant qu'ils étoient occupez à transporter ces vivres dans la Citadelle, les Denys. If
Syracusains les attaquérent & les battirent, prirent quelques vaisseaux & en entre dans
coulèrent quelques autres à fond. Enflez de cette victoire ils se mirent a Syracuse St
voulant ré- fait ut*
boire & à se réjouïr; mais Nypsius qui avoit amené les vivres, y
grand eae-
parer son honneur & rétablir sa flotte, attaqua la nuit suivante les murs nou- nage.
vellement bâtis, trouva les gardes endormis & pris de vin, les égorgea, eti-
Chefs ni
tra dans la ville, & fit main bafse sur tout ce qu'il rencontra; ni les
les Bourgeois n'étant pas à cause de la débauche du jour précédent, en état
de se défendre, Nypsius & les siens qui étoient au nombre de dix mille hom-
mes , d'excellentes troupes, firent un carnage
horrible dans la ville, & pil-
lèrent les principales Maisons.
Le jour étant venu, on vit la perte qu'on avoit faite. On comprit qu'il xcvt
Dion
n'y avoit que Dion qui fut capable d'apporter remède a tant de maux, & on vient àre- Sr
l'envoïa prier d'oublier tout le passé, & de venir en diligence tirer sa patrie du raeufe*éfc
plus grand danger où elle selut encore veuë. Dion qui avoit l'ame grande chaire dr-?,a
& cultivée par la Philosophie, accourt aussi tôt avec les siens à Syracuse. Ar- Ytlfs les
Soldats de rivé à IIexapyle allez prés de la ville, il rencontra une troupe d'environ 0jX
Uipfîus. mille personnes, Vieillards, femmes & enfans, qui le prièrent les larmes aux
yeux de les tirer de ces miséres. Il entra dans la ville & trouvant les Soldats
de Denys chargez de butin, qu'ils avoient pris dans les Maisons qu'ils avoient
il
pillées, en tua environ trois nulle,eteignit le feu des Maisons, & rétablit le
mur qui séparoit la ville de la Citadelle, aprés quoi le peuple plein de recon-
noissance lui décerne la qualité de Généralissime. Pour lui il ne témoigna
aucun ressentiment de ce qui avoit été fait contre lui, & traitta tout le mon-
de indifféremment avec beaucoup d'humanité.
JCCV11. Il mourut bientot aprés & fut honnoré à Syracuse comme un Héros.
Mort de Aprés sa mort la ville de Syracuse fut troublée par une infinité de divisions qui
Dion. la mirent à deux doigts de sa ruine. Callippe s'empara de la souveraine au-
Plutarcb. torité. Les amis de.Dion
irJTimo/e- aïant conspiré contre lui furent vaincus & obligez
ente p.i?6. de se sauver dans la ville des Leontins. Quelque teins après I-Iypparin srere
Di-odor. lib. de Denys mais né d'une autre Alere étant abbordé à Syracuse battit Cal-
16. p. 29. lippe & demeura maître de Syracuse ,pendant deux ans.
1 Denys, cependant
i?o. perdoit pas l'espérance de remonter sur le Trône de son Pere. Il vint
An du M. ne
3648. seprésenter devant Syracuse la dixième année depuis la mort de Denys l'an-
avant J. C. cien, & aïant défait un nomme Nisée qui y commandoit, il y recouvra le
3î2 Roïaume ou la Tyrannie, & y exerça de grandes crnautez.Une partie de s Ci-
La dixième tôïens implora le secours d'Jcetës Tyran des Leontins, qui étoit originaire de
innée du
jeune De- Syracuse. Il n'etoit guéres moins à craindre qu'un véritable Tyran ; nriis
nys. comme il avoit de bonnes troupes, on fut obligé de s'adresser à lui & de lui
demander son secours.
XCVllI. Les Carthaginois voulant profiter de la conjoncture de ces brouïlleries,
Timoleon envoïérent grande flotte en Sicile. Les Siciliens dans cette extrémité
est envoyé une
à Syracuse s'adressérentaux Corinthiens qui se confidéroient corne
Fondateurs de Syracuse,
parlesCo- & qui avoient plus d'une fois servi utilementIesSiciliens.LesCorinthiens réso-
rinthiens lurent de leur envoyer Timoleon.C'etoitun excellent Capitaine & qui joignoit
contre les beaucoup de vertu a beaucoup d'habileté & d'expérience. Il avoit un frere
Carthagi- nommé Timophanes qui avoit de grandes richesses, & affedoit visibilement
nois.
Diod. 1.16. la Tyrannie dans Corinthe, en soutenant les médians & fivorisant ceux qui
p. U4- avoient de mauvaises affaires. Timoleon son frere lui fit sur cela des remon-
Plutarch. trances trés-vives ; Comme il vit qu'il n'en tenoit compte, il le tua dans la
in Timole- place publique de Corinthe. Une action aussi hardie & aussi extraordinaire
ontep. 2e7.
causa une espéce de seditiondans la ville, les uns soutenant que Timoleon
avoit fait une adion héroïque pour la défense de la liberté de ses Conci-
toïens, les autres disant qu'il méritoit la mort, pour avoir trempé les mains
dans le sang de son frere. La chose fut portée au Sénat, & elle n'étoit point
encore decidée ; lorsque les Ambassadeurs de Syracusains arrivèrent ;
,on leur promit de leur donner Timoleon pour s'opposer aux
Tyrans', & on
l'envoya en Sicile en lui disant, que s'il se gouvernoiten homme de coeur &
desintéresse on l'honnoreroit comm'aïant tué un Tyran ; que si au contrai-
,
re il cherchoit à s'y enrichir, on le punirait comme meurtrier de son frere.
Il
Il partit donc de Corinthe avec seulement dix vaisseaux, & étant arrivé XCIX.
à Rhegio les Carthaginois qui vouloient à quelque prix
, que ce fut l'empé- Timoleon
cher de passer en Sicile, le rétinrent comme envelopez dans le Port avec sa se dérobe
petite flotte; Mais aïant donné ordre à neuf de ses vaisseaux de se retirer se- auxCartha-
&
cretement & de passer en Sicile ; Ils partirent, pendant que les Carthaginois ginois entre en Si-
& Timoleon lui-même étoient occupez dans la ville à écouter les délibéra- cile.
tions & les discours des Rhegiens lesquels favorisoient sous main Timo-
leon. Dans cet interval il se deroba ,
de l'assemblé, & s'étant jetté dans saGa-
tere gagna a force de rames la ville de Tauromenion & y rejoignit ses neui
vaisseaux. Les Carthaginois s'étant apperçusde la fuite de Timoleon, le
fuivireiit, mais il avoit fait tant de diligence qu'ils ne purent l'atteindre.pour- An-
dromaque qui commandoit dans Tauromenion, le reçut trés-bien & lui don-
na du monde, en sorte qu'il se trouva à la téte d'une petite armée composée
seulement de mille Soldats avec les quels il marcha secours de Syracuse. 1

Timoleon avoit à combattre , au


non seulement Denys le Tyran, mais aussi C.
Icetes qui étoit venu au secours des Syracusains,& qui s'étoitde puis trois jours Timoleon;
rendu maître de la ville ; & aussi les Carthaginois qui étoient Sici- entre dans
le dans le dessèin d'en faire la Conquête, & de profiter de la venus en Syracule,
confusion qui aprés
étoit dans tout le païs. Icétes aïant donc assiégé Syracuse & ensuite aïant battu les avoir
été oblige de s 'en eloigner a cause de la disette de vivres, Denys le poursui- troupes
vit & lui livra la bataille. Icetes lui tua trois mille hommes, mit le reste en d'Icetes,
tu itc & entra avec eux dans la ville. Il n'y avoit trois jours qu'il y étoit
que
entré, lorsque Timoleon abborda à Rhegio. Etant sorti de Tauromenie
la Petite groupe il rencontra les troupes d'Icetes qui prenoient leur
avec
lans le deher de rien,, repos
il les attaqua, les mit en fuite, en tua trois cent, fit
en
6oo. Prisonniers & marchant en diligence vers Syracuse il entre dans la
ville avant que les, Soldats d'Jcetes qu'il avoit mis en fuite, , fussent arrivez.
y
d'Acradine,occupoitencore e & f°rteresfè qui y étoit; Icetes étoit mai- CI.
re cradine, & Timoleon du reste de la ville. Les Carthaginois avoient Denys se
dans le Port de Syracuse une flotte de cent cinquante vaisseaux à rendà Ti-
trois rangs moleon, &:
aerames, 5 & e continent vis a vis leur flotte une armée de cinquante fc
mi e hommes. Il n'y avoit aucune apparence qu'avec , retire à
si peu de forces Ti- Corinthe.
moleon put reussir dans son entreprise ; mais Mamerque Tyran de Catane 1

s étant donne a lui avec ses troupes & les Corinthiens aïant envoyé à son
,
lecouis dix Navires, Denys lui-même lui aïant remis ses troupes & sa for-
ter effe, & Icetes se VOÏéil1t méprisé & abbandonné,Timoleon se
absolu trouva bien-
o maître de Syracuse & de tous ses Forts. Denys avoit encore envi-
ron deux mille hommes de bonnes troupes, des armes pour armer soixante &
dix nulle hommes, des machines de guerre & des armes offensives
de quantité , un bon nombre de Chevaux. en gran-
Tout cela fut remis entre les
ains de Timoleon. Denys vint ensuitte avec ses tresors & accompagné
,
1 j10m e [esx amis dans le
camp de Timoleon, d'où on le trans^
J feu e jems après a Corinthe. Il y vécut en simple particulier; don-
11 grand exemple de la vicissitude & de l'inconltance
des choses 1m-
lualn.es.

Timo-
Timoleon rongea ensuite à régler la Republique de Syracuse & les an-
cn
Maniere tres villes auxquelles il avoit rendu la liberté, d'une maniéré propre a y con-
dont Ti- server le Gouvernement populaire & à y établir autant qu'il et oit pohble
anoleon , n'étant plus contraire a l'etat d une
l'égalité de conditions & de biens, rien
régie la Ré- policée grande inégalité & disproportion
publique République bien que
, ordonné
la trop
de Syracu- entre les Ciotïens. Il fut que l'on y choitiroit chaque année-un
se. Magistrat, qui y exerceroit la souveraine autorité au nom de la République, pendant
sous le nom de serviteur de Jupiter Olympien , ce qui fut obserye
plus de trois cens ans, même depuis que les Syraculains se furent founlis aux
Icétès's'étoit joint aux Carthaginois & saisoit la guerre à Timoleon &
crIn villes Gréques de Sicile qui avoient ciiibrasséson parti. Magon Général
Magon Gé- aux composee pour la plus
néral des des Carthaginois avoit une trés-puissante armée, mais
Carthagi- part de Soldats étrangers, auxquels il ne se fioit pas. Timoleon fit adroite-
nois fereti- ment répandre dans l'armée de Magon qu'il ëtoitétrange que des Grecs &
re àCar- d'autres etrangers prissent les armes pour rendre les Barbares nlaîtres de a Si-
thage. paffer bientôt dans la Gréce, qui il n'e-
Plutarcb. cile , d'où ils ne manqueroient pas de
-

in Timo- toit pas croïable que les Carthaginois


fuirent venus de si loin pour rétablir
le Camp & y
le0nt,e. Icétes Tyran à Syracuse. Ces discours aïant été répandus dans saisi de ,
aïant fait l'impression que Timoleon souhaitoit, Alagon fut
en ^ a,cuJ'
& s'imaeinant qu'à tout moment les troupes étoient prétes&a 1 abbandonner Car-
& à le livrer aux Syracusains, il se rembarqua promtement retourna a
thsp-p Icétes se voïant abbandonné se retira & lai sla Timoleon maître de

ClV.
la vineLVlagonfut taSçn à Carfhage. On lui fit son procés & il prévint
Amilcar & sa condamnation par une mort volontaire. Son Corps fut exposé à un
gibet
& l 'on fit par-
Annibal & ser vit de spectacle au peuple. On leva de nouvelles troupes,
v envoyez tir
pour la Sicile une flotte de deux cent vaisseaux & de deux cent Barques
de Cartha-
de transport L'armée montoit à plus de soixante & dix nulle hommes, y
ge en Sici- Ils abborderent a Li-
le. compris ce qu'ils avoient dans les Garnison en Sicile. résolurent
r de marcher
lybée fous la conduite d'Amilcar & d'Annibal, &
d'abord contre Timoleon. Celui- ci sans s'étonner de leur grand nombre
accommodement Icétes, & aïant augmenté son arme de quelques
fit Ion avec
qui servoient sous lui, il résolut de leur livrer la bataille. prop
troupesSyracusains d'aller se poster sur les terres qui obeiiToient aux Carthagi-
aux celles de leurs alliez. Cette proposition
nois afin de conserver par ce moïen d'abord à la té te de vingt deux mille hom-
fut recuë avec joie. Il se trouva
mais à peine fut-il arrivé sur les contins de Gergenti, que Ion armee
nies ; perdu
se mutina, un certain Thrasius criant par tout que Timoleon avoit
l'esprit de vouloir aller combattre avec une poignee de monde une année six
rassurer. Il en
sorte la sienne. Il eut beau parler pour les
fois plus que
eut mille qui l'abbandonnérent , quatre nulle s 'ei;l retournèrent a Suacu'e,
sous prétexte qu'on ne les avoit pas bien payez. Il ne restoit plus a
Timo-
leon seion Plutarque, que cinq mille hommes de pied, & mille chevaux.
Il ne
Ï1 ne perdit pas courage & regarda comme une chose avantageuse, que CV.
ces gens se fussent ainsi déclarés avant le combat. Il î^éna promtement ce Timoleon
qui lui restoit de troupes à l'ennemy, qu'il savoit être pres la petite riviere de remporte
Crimese. Les Carthaginois étoient au dela de la riviere, & Timoleon parut sur viaoireune grande
les montagnes opposées. Comme il descendoit, les Carthaginois firent défi- contre les
ler leurs troupes, & lorsqu'il y en eut dix mille de passez, Timoleon fon- Carthagi-
dit sur eux avec tant d'impetuosité qu'il les rompit aprés un combat assez opi- nois.
niâtre ; pendant ce tems le reste de l'armée Carthaginoise passa le fleuve, &
alors le combat recommença avec plus d'opiniâtreté qu'auparavant. Timo-
leon etoit en danger de iuccomber ious le grand nomore qui commençoit a
l'envelopper & à le prendre par derriere ; mais dans le moment il survint une
pluie si impétueuse, il s'eleva un vent si violent, les eclairs & les tonnéres
commencèrent à éclatter d'une manière si terrible, que les Carthaginois à qui
tout cela donnoit au visage , n'y pouvant plus résister, prirent la fuite, &
voulant péle mêle palier la riviére, ils se précipitoient l'un l'autre, & se per-
çoient de leurs propres armes, tant le désordre & la consusion étoient gran-
des.
La troupe sacrée qui étoit composée de deux mille cinq cens hommes
d'élite, fut taillée en pièces, sans qu'il s'en échapât un seul. On compta
dans cette journée prés de dix mille morts de la part des Carthaginois, &
quinze mille prisonniers de guerre. La plupart des chariots de guerre furent
brisez dans le combat ou dans la fuite. On n'en sauva que deux cent, avec
grande quantité de Cuirasses & de boucliers qui furent apportez dans la ten-
te de Timoleon. Il en consacra une partie dans les Temples de Syracuse &
envoïa les autres à Corinthe, pour étre mis dans le Temple de Neptune. Ti-
moleon abbandonna aux Soldats toutes les richesses qui fè trouvèrent dans le
Camp des Carthaginois. Les débris de l'armée ennemie se retirérent à Lily-.
bée, où ils se trouvérent dans une consternation d'autant plus grande, qu'ils
n'osoient pas même s'embarquer pour se retirer en Afrique craignant que
les Dieux en courroux ne les poursuivissent sur la mer comme ,
sur la terre.
Aprés cela Timoleon laissa dans le païs ennemi les troupes étrangères
pour achever de piller & de ravager toutes les terres qui apartenoient aux
Carthaginois, il le rendit à Syracuse, où il cassa & bannit de Sicile les mille
Soldats qui avaient refusé d'e le suivre, & qui à la sollicitation de Thrahus
s'etoient révoltes contre lui. Il les obligea de sortir de la ville, avant le cou-
cher du Soleil, sans en tirer d'autre vengeance.
Les Carthaginois aïant appris.la défaite de leur armée en Sicile, s'imaginè- CV1.
rent que Timoleon ne manqueroit pas de venir les attaquer jusque dans leur Paix entre
païs, ils rapellérent d'exil Giscon frere dHannon & lui donnèrent le comman- les Cartha-
dement d'une nouvelle armée, qu'ils levérent de Soldats étrangers, & sur ginois &
les Syracu-
tout de Grecs, ne voulant plus exposer leurs Citoïens dans des païs eloignez; sains.
En même tems ils envoïérent en Sicile des Ambassadeurs pour conclure la
paix aux conditions les moins désavantageuses que l'on pourroit. Elle fut
conclue à ces conditions : Qu'ils laisîeroient en liberté toutes les villes Gré-
ques situées en Sicile. Que le fleuve Halycus serviroit de barriéres entr'eux
& les Syracusains, qu'ils ne donneroient aucun secours aux Tyrans contre la
ville de Syracuse, qu'il seroit permis à tous ceux du païs d'aller s'établir à Sy-
racuse avec leurs familles & leurs biens.
CVll. Timoleon aprés avoir chaflfé de la Sicile tous les Tyrans & en particulier
Bonheur Icetes, qui étoit le plus puissant, rendit la liberté à toutes les villes de File,
& fit alliance avec toutes celles, qui avoientété opprimées, invitant par un edit
de la Sicile
sous le
Gouverne- public toutes les villes Gréques de venir s'établir à Syracuse , leur offrant &
ment de des Maisons & des Champs, ce qui fut cause que plusieurs étrangers y vinrent
Timoleon. demeurer. Enfin dans le tems qu'il eut part aux affaires, la Sicile tut florit-
sante & on vit par tout des marques de l'opulence & de l'abondance qui
,
régnoit dans le païs, par les edifices publics & particuliers, Temples, Théâ-
tres, Palais, Maisons, Tours, Pyramides; tout y publioit les richeises & la
magnificence des Syracusains.

LIVRE XIV.

I
Cyrus met
A Prés cette longe suite d'Histoire des Perses , des Grecs, des Egyptiens,
& des Carthaginois, il est tems de revenir à l'Histoire lacrée, que nous
les Juifs en
avons interrompue au commencement du régne de Cyrus. Dez la pre-
liberté & Babylonne le Seigneur lui toucha le
les renvoie mière année du regne de ce Prince a ,
dans leur coeur &Tui inspira de rendre la liberté aux Juifs captifs, & de lesrenvoÏer dans
pays. leur païs. il publia à cet effet cet Edit : ,,Le Seigneur, le Dieu:du Ciel, m'a
1.EJdr. i. adonné
tous les Royaumes de la terre, & m'a commandé de lui bâtir unTein-
2. <ôc.se- ,,ple dans la ville de Jérusalem Judée; Qui d'entre vous est le peuple du
rem. ^ 0. 5 1. en
An du M. „Seigneur ? Que sonDieu soit avec lui, qu'il s'en retourne a
Jerusalem & qu 'il
3466. rebatisse le Temple du Seigneur du Dieu d 'Isracl , adore dans cétte ville.
avant J. G. "Que"y les autres Juifs en quelque lieu qu'ils soïent, les assistent, en fournissant
5i4. "l'or, l'argent & les autres choses nécessaires pour cette entreprise ; & que
"chacun puisse toute liberté envoïer tout ce qu'il aura voué, & tout ce
en
),qu'il voudra offrir
en ce lieu suivant le penchant de sa dévotion.
IL En même tems Cyrus remit entre les mains des Principaux des Juiss
Vases du les vases'du Temple du Seigneur, que Nabuchodonosor avoit emportez du
Temple du temple de jérusalem & qu'il avoit mis dans le temple de son Dieu. Le Roy
Seigneur ordonna à Mithrid
'te fils de Gazabar de les remettre par compte à Saiftbasar*
remis .iZo-
robabel, autrementZorobabel premier Prince de Juda. Il s'y trouva encore, outre les
vases qui avoient été rendus a Saraïas & a Baruch, trente coupes d'or, mille
coupes d'argent, vingt neuf couteaux, trente tasses 'or,
d quatre cent dix taf-
ses d'argent, & mille autres vases. Ces coupes & ces tasses étoientpour saire
les libations de san g, & de vin, il se trouva en tout cinq mille quatre cent vit-
ses, tant d'or que d'argent.
11
Il envoïa de plus à Thartanaï Gouverneur de Syrie , une autre Ordon- m.
„Le Roy Cyrus la pren1Îereannée de sonregne Cyrus or-
nance conçue en ces termes : Dieu qui étoit à jerusalem, fut rebâtie même donne aux
maison de au
a ordonné que
"lieu
la
des Sacrifices à l'ordinaire Gouver-
où elle étoit ; Je veux qu'on y offre ; que, neurs de
"l'on creuse les fondemens d'une telle profondeur & d'une tellesolidite, ses Provin-
en
qu'ils soïent capables de suporter un Edifice de soixante coudées ,dé haut, ces de deçà
l'Euphrate
"&& de soixante coudées de long ; Qu'il y ait trois raags de piertes brutes,
de favori-
non polies, & qu'on mette par dessus un rang de bois neuf ; & qu'on fer lesjuift.
"four ni sse duTré[or Royal, l'argent nécessaire pour cet édifice.
"J'ay de plus ordonné qu'on rendît les vases sacrés que le Roy
Nabu-
„chodonosor avoit fait aporter de Jérusalem a Babilonne, & qu'ils fussentre-
,stituez au Temple ou ils etoient auparavant ; C effc pourquoi Thartanaï,
^Gouverneur des Païs qui sont au dela de l'Euphrate & vous Starbuzanaï, &
^Apharsacaï, qui étes ses Assesseurs & ses Conseillers, n'empêchez point le
^Prince des Juifs, & leurs anciens de travailler au rétablissement du Temple
,.de leur Dieu, & de le rebâtir au même lieu où il étoit. J'ordonne qu'on
}5leur fournisse les choses nécessaires pour les frais de ce bâtiment ^
,
& qu'on
.'le Je de plus que s'il
prenne sur les Tributs qui se levent dans le païs;les veux les chevreaux
„est nécessaire, on leur donne chaque jour les veaux, agneaux,
"qu'on doit offrir au Dieu du Ciel, comme aussi le froment, le sel, le vin &
"l'huile qui doivent accompagner ces Sacrifices , sélon les cérémonies prati-
"quées parles Prêtres qui fervent dass ce saint lieu, afin que sans plainte &
Jans murmure ils offrent les Sacrifices au Dieu du Ciel, & qu'ils, prient pour
„la vie du Koy & de ses enfans. Qui si quelqu'un de quelque condition, ou
"qualité qu'il soit contrevient à cette ordonnance nous voulons qu'on
"tire , ,
une piéce de bois de sa maison, qu'on la plante en terre, & qu'on l'y at-
tache, & que la place de sa maison ibit confisquée.
On croit (t1) que ce qui avoit si favorablement disposé Cyrus en faveur IV.
Prophéties
des Juifs, étoit la levure qu'on lui fit des Prophéties d'Isaïe & de Jéremie qui qui parlent
le concernoient, & qui marquoient si clairement ses grands exploits sa do-
qu'il ,
Juifs dans avantageu-
mination, qu'il détruiroit l'Empire des Caldéens, renvoieroit les sement de
leur païs & rétabliroit le Temple de Jérusalem. 11 admira sur tout qu'Isaïe Cyrus.
eut annoncé jusqu'à san nom, & chara&érisé tantd'années auparavant plu- Sfofepb.An-
(a)
sieurs de ses actions d'une manière si claire, qu'un Historien n'auroit pu le fai- tiq. 1. XL
re plus exactement. Par exemple (b) Je fuis le Seigneur qui dis à jérusalem : Vous c. i. .

ferez de nouveau habitée i & aux-villes de jud(i : Vous ferez rebâties ; Qui dis à Cyrus : Ch)
Vous et es mon Fajïeur ; vous exécuterez toutes mes vclontez : Qui dis à fért-ijale;ii : vous
Ifai. 44. 2g.
ferez rétablie, & iiii Temple : Vous ferez fondée de nouveau j Et ensuite : Voicy ce que
dit le Seigneur à (j'rus mon osiers, nien f\oy ; Je l'ay pris par la main, pour lui assujettir
co
1.2.
les nations, pour les mettre ensuite en sa présence, pour ouvrir les portes devant lui, sàns
que personne ofè les lui fermer. Je marcheray devant
lui, j'humilierai les superbes de la
terre i je briferai les portes d'erain, & je C1jferay barres de fer. & c.
Alais dans la suite on donna apparemment à Cyrus de facheuses impres- Y.
Révoca-
sions de la fidélité des Juifs, on les lui dépeignit comm'une nation remuante, tion de la
inquiète & belliqueuse,qu'il seroit dangereux de les laisser trop se fortifier dans peraaiflion
accordée
aux Juifs leur pays. Ainsi la permission accordée de rébatir la ville & le Temple de
de rebatir Jérusalem fut révoquée & l'ouvrage
le Temple. , en fut suspendu & interrompu, jusqu'au
Ca) tems de Darius fils d'Histaspe , sous lequel nous plaçons la fin des soixante
gerem. 29. dix ans de captivité (a) qui commencent en l'an du monde 3416. & finis-
10. sent en 3487.
VI. Les Chefs des familles de Juda & de Benjamin, les Prétres & les Levites,
Retour des & en général ceux dont Dieu toucha le coeur, pour quitter les etablissèmens
Juifs dans qu'ils avoient faits dans Babylonne,
la Judée. ou dans la Caldée , se disposérent à re-
Zorobabel tourner en Judée & à profiter de la liberté que le Roy Cyrus leur en avoit
est à leur donnée. Ceux qui étoient bien établis dans le païs & qui ne jugèrent pas à
téte. propos de retourner dans la Palestine, contribuèrent de leurs biens au retour
J.. Esdr. Il de leurs frères, & leur donnérent libéralement chacun sélon leurs facultez,
. z.Esdr.VlL
An du M,
des vases d'or & d'argent & du bétail, & d'autres choses pour leur aider à se
34 66.
rétablir dans l'héritage de leurs Ayeux. D'autres les chargèrent de dons pré-
avant J. G. tieux & d'offrandes, afin d'être présentées au Temple du Seigneur pour acquit-
" 534.. ter leurs voeux, & satisfaire leur dévotion.
A la téte de cette nouvelle Colonie de Captifs qui retournoient pour ré-
/ bâtir le Temple & la ville de Jérusalem, étoit Zorobabel fils de S-ilathiel &
petit fils de Jechonias, germe de la maison de David d'où devoit sortir le
Messie. On y remarquoit aussi Jesus fils de Josedech, petit fils de Saraïas
Grand Prétre, qui le dernier avoit exercé les fondions de ,
la souveraine sacri-
ficature dans le Temple du Seigneur. On ne sait au'iuste le nombre de ceux
Ch) qui revinrent cette première fois àjerusalem, mais l'Ecriture nonsaprend que
1. Esdr. IL ceux qui revinrent dabord avec Zorobabel & ensuite avec Nehemie, (b)
1. 2. 3. ($c. étoient
2..EJdr.TIll. au nombre de quarante deux mille trois cent soixante personnes, sans*
7. &. &c. compter
les esclaves de l'un & de l'autre sexe qui étoient sept mille trois
,
cent trente sept.
FIL Parmi les Prétres qui revinrent en Judée, il s'en trouva un certain nom-
Nehemie bre qui ne purent produire leur Arbre Généalogique, & qui n'aïant
pu prou-
ne reçoit ver qu'ils fussent de la race sacerdotale furent exclus du sacré niiiiiflére.
entre tes Toute fois sur leur humble
rrétres remontrance,,Nehemie pour ne rien faire qu'avec
que ceux maturité & prudence, leur permit dans la suite de se nourrir des viandes san-
qui peu- ftifiées, en attendant que Dieu en eut ordonné autrement par l'oracle de l'Urim
vent pro- & deThummim, que le Grand Prêtre portoit dans son rational. Il
duire leur y en eut
arbre Gé- d'autres, qui ne purent pas même prouver qu'ils fussent de la race d'Israël,
néalogi- & qui voulurent apparemment profiter du privilége accordé par Cyrus, pour
flue. pouvoir se procurer de bons etablissemens dans la Palestine. De ce nombre
étoient trois cent quatre vingt douze Nathinéens ou serviteurs de Salomon,
qui n'étoient pas de race Israëlite mais étoient descendus des anciens Cha-
,
V*
nanéens
,
& esclaves de condition, à qui l'on n'avoit conservé la vie qu'à
charge de demeurer à perpétuité destinez au service du Temple dans les fon-,
dions les plus bafses & les plus pénibles, comme à porter du bois & de l'eau
à la maison de Dieu.
VUL Dez que les Juifs furent arrivez dans leur patrie ils commencèrent à
qn com- s'établir dans la ville de Jérusalema & dans les autres villes ,
dupais, qui étoient
mence à déièrtes.
désertes. Les Prétres & les Levites & les Princes du peuple , fixèrent leur]rétablir le
demeure à Jérusalem, pour étre plus à portée du Temple ; les autres demeu-'Temple
du Seig-
rérent à la Campagne; Ils commencèrent à réparer comme ils purent laMai- neur.
foil du Seigneur pour y exercer leur Religion, en attendant qu'on pût en fai-
re d'avantage, & la remettre dans un plus grand lustre. Il y eut quelques
Juifs pieux & plus puissans que les autres qui s'offrirent d'en faire la dépen-
se, & qui donnérent pour cela soixante & un mille dragmes d'or , cinq mil-

patrie..
le mines d'argent & cent vétemens sacerdotaux. Avec ces secours on com-
mença les hâtimens , & on fit tant que le Temple se trouva en etat d'y faire
les exercices publiques de Religion avec quelque décence, la seconde année
qui suivit la permission accordée aux Juifs par Cyrus de retourner dans leur
Ainsi le premier jour du septieme mois de l'année sainte qui
mois de Septembre, le peuple s'etant assemblé à Jérusalem, y
desTabernacles, sous des tentes à l'ordinaire, on dédia le nouveau
répond à nôtre IX.
célébra la
Temple,
féte
&
Féte des
Taberna-
cles célé-
on commença à y ossrir des sacrifices au Seigneur sur l'autel des holocaustes, brée à Je-
rusalem.
ce qui fut continué dans la suite, sans aucune interruption ; On y offrit tous ( à')
les jours réguliérement deux holocaustes, l'un le soir & l'autre le matin; sans J.Esdr.III"
compter les autres sacrifices, qui s'immoloient pendant le jour. An du 'IYL
,

Dans cette assemblée il fut resolu de travailler sérieusement à remettre le 3468.


Temple dans un etat plus convenable & plus magnifique qu'il n'étoit alors. avant J. G.
0% obligea chacun de contribuer à la dépense , & l'argent en fut distribué HZ.
aux ouvriers qui y devoient travailler. Les Juifs fournirent du froment, du
vin & de l'huile aux Tyriens & aux Sidoniens, afin qu'ils donnassent les bois
de Cedre du Liban, & qu'ils les aménassent par l\ler à Joppé, qui est le Port
le plus voisin de Jerusalem.
On posa donc les fondemens du nouveau Temple en cérémonies &
avec de grandes rejouïssances ; les Prêtres y parurent avec les ornemens de
leurs dignitez, & sonnérent des trompettes du Seigneur ; Ces Levites y paru-
rent aussi avec leurs inStrumens de Musique chantant des Cantiques composez
par David ; Mais pendant qu'une partie du peuple poussoit des cris de joïe,
une autre partie composée .des plus anciens & des plus vénérables, qui avoient
veu l'ancien Temple dans sa splendeur, versoiènt des larmes, & poussoient des Cb)
soupirs en comparant le Temple d'alors avec ce qu'il avoit été autrefois; I.Ejdr. 7K.
,
En sorte qu'on ne pouvoit distinguer dans une si grande assemblé, les cris I,2r J.
de ceux qui pleuroient, de ceux qui se rejouïssoient.
Cependant les Chutéens, qui demeuroient dans les villes de Fancien x.
Roïaume de Samarie, & qui faisoient un mélange du culte du Seigneur avec Les Chu-
celui des faux Dieux vinrent prier les Juifs de leur permettre de s'unir à téens de-
, mandent
eux pour contribuer à l'edifice du Temple; Mais Zorobabel, & Jesus fils de de contri-
Jolèdech leur répondirent qu'ils ne pouvoient y avoir aucune part, à cause de buer à
la différence de leur culte & de celui des Juifs. Ce refus irrita les Chutéens, l'edifice du
& ils firent tant par leurs intrigues à la Cour auprés des Alinittres de Cyrus, Temple*
que ce Prince fit interrompre l'edifice du Temple ; quoy qu'on ne trouve
aucun edit qui défende de le continuer.
Xl. Daniel & plusieurs autres Juifs de pieté se trouvant engagez par leurs
à
Histoire du employs ou par d'autres raisons, à demeurer Babilonne,continuoiènt à y ser-
Dieu Bel, vir le Seigneur & à l'y faire respecter par les Païens, en confondant les Ido-
6c du Dta-
dont latres & montrant la vanité de leurs Dieux & de leurs cultes. Il y avoit à
gon,
Daniel dé- Babilonne une fausse Divinité nommée Bel , à laquelle on offroit tous les
couvre la jours douze mesures de farine du plus pur froment, quarante brebis & six
vanité. grands vases de vin; C'étoit, pour ainsi dire, la dépense ordinaire de sa table.
Dan. XIV. Le Roy Cyrus avoit grande dévotion à cette Idole, & alloit tous les jours lui
1. 2. 3. ($C.
Vers l'an rendre ses adorations. Un jour il dit à Daniel, qui avoit toujours une gran-
du M. 3 t67. de autorité dans son Roïaume, & mangeoit ordinairement à sa table : D'où
avant J. G. vient que vous n'adorez pas le Dieu Bel ? Il répondit : C'est que je ne rens
Ç?3.
pas mon culte aux ouvrages de la main des hommes, mais au Dieu vivant,
qui a créé le Ciel & la terre, & qui tient en sa puissance tout ce qui subsiste
& tout ce qui a vie sur la terre.
Cyrus répliqua: Croïez-vous donc que Bel ne soit pas un Dieu vivant?
ne savez-vous pas combien il mange & combien il boit chaque jour ? Da-
niel répondit en so'uriaiit : 0 Roy, ne vous y trompez pas. Ce Dieu Bel n'en:
que bouë en dedans, & cuivre en dehors, il ne sauroit manger. Le Roy en-
trant en colère fit venir les Prêtres de Bel & leur dit ; si vous ne ilie déclarez
qui est celui qui mange & qui boit tout ce que l'on donne tous les jours à
Bel, je vous feray tous mourir : Mais si vous me montrez que c'eil: Bel qui
mange & qui boit tout cela, je feray mourir Daniel, parce qu'il a bltspliébie
contre Bel. Daniel répondit: qu'il soit fait selon vôtre Par-ole.
X11. Or il y avoit soixante & dix Prétres de Bel avec leurs femmes & leurs en-
Fourberie sans, qui vivoient de ce qu'on servoit à cette fausse Divinité. Ils dirent donc
des Prêtres allons tous sortir du Temple , & vous, ô Roy , vous ferez
de Bel dé- au Roy ; Nous
la viande devant Bel, aprés cela vous fermerez le
couverte. mettre le pain , le vin &
Dan. XIV. Temple & le scéllerez de vôtre anneau. Demain au matin si Bel n'a pas tout
mangé, nous mourrons tous, & s'il a mangé, Daniel mourra, pour nous avoir
ainsi calomnié.
Aprés donc que les Prétres de Bel furent sortis, le Roy fit porter à l'or-
dinaire des viandes devant cette Idole, & Daniel 'se fit apporter de la cendre
qu'il répandit sur le pavé du Temple , la passant par un crible ou par un sas.
Il sortit ensuite, & le Roy fit scéller la porte & se retira. La nuit suivante les
Prêtres vinrent à leur ordinaire & entrérent dans le Temple par un conduit
souterrain, qui abboutissoit à une Porte pratiquée sous l'Autel, & qui donnoit
entrée dans le Temple. , Ils burent & mangerent avec leurs femmes & leurs
enfans tout ce qui avoit été mis devant l'idole de Bel, puis se retirérent dans
leurs Maisons.
Le lendemain de très grand matin, le Roy se rendit au Temple avec Da-
niel; Ils remarquèrent dabord à la porte que les sceaux étoient très entiers;
On ouvrit, & le Roy aïant veu la table ou l'Autel nettoyé, s'écria : Vous étes
grand, 6 Bel , & il n'y a point de supercherie dans le culte que vos Prétres
vous rendent; mais Daniel retenant le Roy, lui dit en riant: Seigneur, voïez
d'hommes, de
ce pavé, de qui sont ces traces ? Ce sont dit Cyrus, des traces femmes
femmes & d'enfans ; & entrant en colère il fit venir les Prêtres & les obligea
de lui montrer l'entrée par laquelle ils entroient secrétement dans le Temple,
Aprés quoy il les condamna tous à mourir , & abbandonna & le Temple &
l'idole à Daniel, qui detruisit l'un & l'autre.
Une pareille tromperie de la part des Prêtres de Bel , devait faire ouvrir XllL
Dragon
les yeux aux Babyloniens, & leur faire comprendre la vanité des Idoles; mais adoré par
Cyrus lui même qui avoit plus de lumiere que le commun du peuple, étoit les Babylo-
persuadé qu'un grand serpent qu'on nourrissoit dans un Temple de la ville, niens.
étoit Dieu. Il dit donc à Daniel : Pour celui-ci, vous ne sauriez niez que Dan.&seq. XIV,
ce ne soit un Dieu vivant, puisqu'il est
indubitable qu'il boit & qu'il man- 22.
;
ge Vous ne devez donc pas lui refuser vos adorations.
Daniel lui répondit : J'adore le Seigneur mon Dieu qui est le seul Dieu vi-
vant & eternel; mais pour le Dragon,si vous voulez me le permettre, je me fais fort
de le tuer sans armes, sans epée, sans batons. Cyrus lui en donna la permission,
alors Daniel prit de la poix, de la graisse & du poil ; & aiant fait une pâte de
tout cela, il la fit cuire, & fit des masses qu'il jetta dans la gueule du Dragon, y

& le Dragon créva bientôt aprés. Voila, leur dit-il, celui que vous adoriez-
s'as-
comme un Dieu vivant. Les Babyloniens aïant sçu ce qui étoit arrivé,Juif;
semblérent en tumulte contre Cyrus, en disant : nôtre Roy est devenu
Il a detruit le Temple de Bel, il a fait périr ses Prétres, il vient de faire mou-
rir le Dragon ; Qu'on nous livre aujourd'hui Daniel, ou nous vous ferons
mourir vous même & toute vôtre maison.
Le Roy voYant leur emportement & en craignant les suites, fut contraint Daniel Xl1T;
est
de leur abbandonner le Prophéte ; Ils le jettérent aulli-tôt dans la fosse aux jette dans
Lions & il y demeura six jours. Or il y avoit dans cette fosse sept Lions àux- la sosTe aux
quels on donnoit chaque jour deux Corps d'hommes & deux brebis. On Lions,
jours, afin que la faim les forçât
ne leur donna rien à manger pendant ces 6.miraculeusement
à dévorer Daniel. Mais Dieu pourveut à la conservation
de son fidel serviteur, en réprimant la férocité des Lions, en modérant leur
faim, ,& en faisant porter à manger à Daniel, par le Prophète Habacuc , qui
étoit alors en Judée. Nous en parlerons incontinent.
Le septiéme jour, le Roy vint pour pleurer la mort de Daniel ; mais il Daniel XV.
est
fut fort surpris de voir ce Prophéte assis au milieu des Lions, plein de santé délivré
& de vie; Il jetta un grand cri en disant: Vous étes grand, ô Seigneur,Dieu de la
de Daniel! en même tems il fit jetter dans la fosse ses accussateurs , qui furent gueule des
déchirez en sa présence dans un moment. Alors le Roy fit publier cet Edit; Lions..
"Qle tous nos sujets dans toute l'étendue de nôtre Empire, révèrent le Dieu,
"de Daniel, parcequ'il est
' un Dieu Sauveur, un Dieu puissant qui fait des pro-
,,diges sur la terre, c'est lui qui a délivré Daniel de la fosse aux Lions,
Le Prophéte Habacuc, dont nous avons trois Chapitres de Prophéties, XVL
huitième dans le des douze petits Prophètes, étoit, dit Le Prophè-
& qui est le rang on, te Haba-
de la Tribu de Simeon & natif de Betsacar. Voïant l'armée de Nabuchodo- cuc porte
nosor s'aprocher de la Palestine , & prévoïant la désolation de sa patrie , il delà Judée
s'enfuit à Ostracine dans l'Arabie proche le Lac Sirbon, & y demeura jusqu'à en Babi-à
ce que Nabuchodonosor ou ses Généraux aïant détruit Jérusalem & le Temple lanne
à
du manger
DalÜcl.
- Jlabacuc. du Seigneur, se furent retirés dans leur païs. Alors Habacuc, comme plusi-
2. Il Hi-
l'an eurs autres Juifs, qui s'étoient enfuis dans les provinces voisines , revinrent
vers
duM.3494. habiter les ruines de leur patrie désolée. Ils s'y occupèrent à cultiver la terre.
avant J. G. & à réparer quelques maisons à la Campagne. '
ço 6. Un jour comme Habacuc alloit porter à manger à ses moiflfonneurs, (*)
Ca) l'ange du Seigneur lui dit: Portez à Babilonne ce dinerque vous avez préparé,
Dan.XIV. & donnez-le à Daniel
qui est exposé dans la folse aux lions. Habacuc ré-
2.?3.
' An du M. pondit : Seigneur, je n'ai jamais été à Babilonne , & je ne sai où ess la folle
34 67- aux"Lions. Aussitôt l'Ange du Seigneur le prit par les cheveux & l'emporta
avant J. 6. par la violence de Pfisprit de Dieu à Babilonne & le mit sur l'entrée de la
633. fosse aux Lions: Alors Habacuc cria: Daniel serviteur de Dieu
,
prenez la
nourriture que le Seigneur de Dieu vous envoie. Daniel en rendit graces à
* Dieu en disant, soyez beny Seigneur, qui avez daigné vous souvenir de vôtre
serviteur & qui n'abb2ndonnez point ceux qui mettent leur confiance en
,
vous. Il se leva & mangea, & dans le même moment l'Ange reporta Haba-
cuc dans le même lieu ou il l'avoit pris.
XVII On attribue à Habacuc quelques Prophéties qui ne sont pas écritesdans
Prophéties ce que nous avons de lui dans nos Bibles ; par exemple qu'on verroit un
d'Habacuc jour grande, lumière dans le Temple, qu'on y contempleroit la gloirede
touchant Dieu,une Jérusalem seroit détruite
le Messie. que par un peuple venu d'Occident, que le
voile du Temple seroit fendu en deux. La gloire de Dieu, &la lumiere que
l'on doit voir dans le Temple, est JEsus Christ, le peuple venu d'Occident,
sont les Romains, qui détruisirent le Temple ; Le voile du même Temple
fut rompu en deux à la mort du Sauveur. On a voulu aussi lui attribuer rhi-
stoire de Susanne & celle de Bel & du Dragon qui ne sont pas en hébreu,
,
& qu'on a contestées à Daniel; mais on doit s'en tenir à ce qui est indubita-
blement d'Habacuc je veux dire à ses Prophéties qui sont reconnues pour
,
Canoniques par les Juifs & par toutes les Eglises Chrétiennes.
Ce Prophéte s'y plaint d'abord en termes trés viss, des désordres &des
injustices qu'il voïoit dans le Royaume de Juda. i Dieu lui fait voir ensuite
qu'il est prêt d'en tirer vengeance par l'épée des Caldéens. 11 décrit la mar-
che & les conquêtes de Nabuchodonosor, & enfin sa métamorphose en bœuf
& sa mort. Et comme la veuë des victoires & des prospéritez de ce Prince,
causoient quelque peine & quelque espéce de scandale au Prophéte Dieu
voulut par un effet de sa condescendance lui revéler ce qui devoit arriver ,
à
ce Prince, dont les succés lui causoient de la douleur. Il lui déclare que Na-
buchodonosor sera exposé à la raillerie & aux insultes des peuples, & que Ba-
bilonne sera la proye de ceux qu'elle a dépouïllez.
XVIII. Habacuc parle ensuite contre Joakim Roy de Juda ; Il lui prédit que
Prédifttons tous ses vastes projets seront renversez & ses injultices sévérement châtiées. 11
d'Habacuc parle contre un Prince qui bâtisloit sa ville le sang & l'iniquité. Il lui
par
contre Joa- prédit que ses richessesseront consumées parle feu. C'est apparemment It-
kim Roy fobaal
de Juda. Roy de Tyr. Il accuse un quatrième Prince d'avoir ennyvré son ami
pour lui faire montrer sa nudité. Ce Prince est peut-être le Roy dE^vpte
Apriés, qui par ses belles promesses séduisit Sedecias & l'engagea à la revolte
contre
Royaume de
contre Nabuchodonosor , ce qui fut cause de la destrudion du
Juda. Habacuc occupé de ces grands objets , composa un Cantique, ou il
releve en termes pompeux les effets de la miséricorde & de la juflice deDieu,
& en particulier les merveilles qu'il fit autrefois en faveur des Israëlites.
On ignore tems
le de la mort d'Habacuc. On montroit autrefois son Cac)
$ozome*t.
tombeau àCeïla autrement Echela, à Gabbata & àBetsacar; ce fut aBetsacar Hist.Eccles.
qu'on en fit la découverte du tems de Theodose Pancien. (a) /. 7. c. 29.
Quant à Daniel, il demeura à Babylonne jusqu'à sa mort, & ne revint Mort xix: .
dit
jamais en Palestine. Il conserva toujours ses grands employs, & son crédit Prophéte
dans la Cour de Cyrus. Ces dignitez & la vie qu'il mena à la Cour, sont cau- Daniel.
se que les Juifs ne le recoivent qu'avec peine au nombre des Prophètes, dont
la vie a été si différente de la sienne. Dieu suscita ce grand homme pour sou-
tenir la foy & la Religion de ses freres dans la captivité de Babylonne , & %

faire connoître & révérer la puissance & la sagesse infinies de Dieu,


pour y
parmi les païens & les idolâtres. Il est un des Prophétes qui nous a marque
le plus précisement le tems de la venue du Même , & qui nous a donné de
plus exactes prédictions de ce qui devoit arriver aux Juifs aprés leur retour de
Babylonne, sous les persécutibns d'Antiochus Epiphane. La réputation de la
sagesse étoit telle, même pendant sa vie , qu'Ezechiel qui vivoit dans le mê- Ca)
Sagesse,lui dit: 00 Etes Ezecb.z$.$.
me tems, parlant au Roy deTyr, qui se piquoit de releve
vous plus sage que Daniel ? & le meme Prophéte ailleurs sa sublime Ch)
pieté en disant : (b) S'il se trouve au milieu d'une ville trois hommes du mérite de Ezech. 14.
Noë", de Daniel & de job i Ils garantiront leurs ames du peril. Daniel mourut a
Ba- 14. 20.
bilonne, sélon les uns, ou à Suses, sélon les autres \ On montroit son tombeau
dans cette derniere ville. s XX.
Après la mort de Cyrus arrivé l'an du monde 347 Cambyse ion filsmon- Cambyse
ta sur le Trône des Perses. C'etoit un Prince corrompu, & qui n'eut aucunes succédc à
des bonnes qualitez du Roy son ptre. Il déclara assez mal a propos la guer- Cyrus Ion
» re à Amasis Roy d'Egypte,
& entra dans son pays avec le secours des Arabes pere.
déserts arides, où elle devoit Herodot.
qui fournirent de l'eau à son armée dans les par 1.3. Voie*
passer. 11 trouva qu'Amasis étoit décédé & que P[an11nen1tllS son fils régnoit Ezecb. 38.
€n sa place. Il fit la conquéte de l'Egypte avec assez de facilité ; mais aïant 39. 'Joel.%.
imprudemment envoïé son aimée contre les Ethiopiens, la pluspart de ses 3. &c. Cyrus
soldats périrent, avant même que d'arriver en ce pays. meurt en
Pendant qu'il étoit en Egypte, il renvoya son frere Smerdis enPerse,pour 9471-
prévenir les mouvemens qui pourroient y arriver. Quelque tems aprés aïant avant J. G.
assis sur le Trône
eu un songe, où il lui sembloit que son frere Smerdis étoit PS-
Roïal, il envoïa Prexaspe son fidel ami pour le faire mourir. Smerdis étant
mort, un mage nommé Parisiches, ou Oropaste, qui lui ressembloit fort, s'ém-
para du Royaume, & envoïa des Ambassadeurs en Egypte , pour faire com-
mandement aux Troupes d'obéïr cy-après, non à Cambyse, mais à Smerdis.
Cambyse à cette nouvelle entra en fureur, 8c montant achevai avec pré- XXI.
de
cipitation, se blessa à la cuisse avec la pointe de son cimeterre. Il s'avança Mort Cambyse.
toute fois jusqu'à Ecbatanes de Syrie, que nous croïons étre Gabbata au piéd
An. 3482.
.
du mont Carmel, 01 il mourut Après sa mort, sept mages du païs s'émpa- avant J. C.
Tom. IL Y rerent
1
iles sept rérent du Gouvernement de l'Empire de Perse & le possedérent pendant quel-
Mages ques mois.
s'emparent Les Juifs qui étoient en Judée, & qui avoient défense de travailler à la
de l'Empi- construdion du Temple, profitérent de
re. ce tems de trouble, voïant la maison
de Cyrus éteinte, pour continuer à bâtir la maison de Dieu; mais leurs enne-
mis ecrivirent ou firent écrire contr'eux à Artaxercés ou Oropaste qui étoit
le Chef des sept Mages, en ces termes. „Reum Beelteem, & Samsaï
"taire, & les autres Conseillers, les Dinéens, les Apharfichéens & les autres
,
.
Secre-

,d'eiitre les peuples que le grand & glorieux Assenaphar ( ou Aslàradon ) a


„fait venir d'Assyrie, pour demeurer dans Samarie & dans les villes de deçà le
"fleuve (d'Euphrates) souhaitent au Roy toutes fortes de prosperitez.
„Nous avons cru qu'il étoit de nôtre devoir d'avertir le Roy que les
ajuifs qui sont de retour en ce païs cy, du Royaume d'Assyrie & qui se sont
,
"établis dans la Judée, & à Jérusalem, qui de tout tems a été une ville rebel-
"le & séditieuse, travaillent à en relever les murailles & à s'y bâtir des mai-
si
„sons. Nous supplions donc le Roy de considérer, que cette ville le rebâtit,
„on ne payera plus les tributs ny les impôts , ce qui diminuera considérable-
"nlent les revenus de sa Majestë.
,,Nous ne pouvons sans manquer à la reconnoissance que nous lui devons,
„nous dispenser de lui en donner avis, & de la prier de faire consulter les An-
"nales des Roys vos prédécesseurs, & vous connoitrez que c'est une ville en-
nemie de la paix, & qui n'a jamais cessë de causer des brouïlleries, qui ont
f. j,enfin attiré sa ruine entiére. Que si le Roy permet qu'on la répare, il court
„risque de perdre tout ce qu'il possede au deça du fleuve.
XXII. La lettre fut rendue & on ne manqua pas de consulter les Histoires
Defense de ,
rétablir la pour savoir qui étoient les Juifs. Artaxercés répondit à ses Gouverneurs de
ville dejé- Province en ces termes : „La lettre que vous m'avez envoyé a été lue en ma
rafalem. „présence & on a consulté par mon ordre les Histoires anciennes. On y a
,
"trouvé qu'en effet cette ville depuis long tems s'est -révoltée contre les Roys, •
^qu'elle a excité des rebellions & des troubles qu'il y a eu dans Jérus,dem
,
,;des Princes puissàns & belliqueux, qui ont été maîtres de tout le pays qui cft
"audela du fleuve & qu'ils exigeoient des Tributs de tous les peuples qui
,
35habitoient dans ce pays. Empêchez donc ces gens de rebâtir leur ville jus-
qu'à de nouveaux ordres de nôtre part.
XXllL Reuiç & Samsaï n'eurent pas plutost reçu ces ordres, qu'ils allérent en
Darius fils diligence les signifier aux Juifs, qui étoient à Jérusalem & qui furent obli-
d'Hystaspe de de discontinuer leur entreprise. On n'y ,
travailla
Roy de gez nouveau que trois ans
Perle. An aprés , en 348). lorsque
Darius fils d'Hystaspe fut monté sur le Trône des
monde Perses. On a raconté ailleurs la maniere dont on decouvrit qu'Oropaste
348;. regnoit en la place de Cambyse , & comment Darius fils d'Hystaspe monta
avant J. C. sur le Trône des Perses.
Pi.
XXIV. Les juiss de retour dans la Palestine, trouvant tant d'obstacles à l'exécu-
Aggée tion de leurs projéts, ne longèrent plus ny à rebâtir les murs de Jérusalem, ny
commence à retablir le Temple du Seigneur. Ils se contentèrent de ce qui avoit d'abord
àprophéti- été construit, & continuèrent à rendre leur culte au Seigneur dans ce saint lieu
feï.
en
l'état où il étoit, en attendant qu'il plut à la providence d'en disposer au- -Ag!.1.1.2.'
en des maisonscom- 3. j ($c. Et
trement; ainsi ils commencèrent à se bâtir pour eux-mêmesvivre 1. Esdr. TT.
modes & à faire des etablissemens dans le pays, pour y en paix sous
nullement violente. 1.2.
, 3.
la domination des Perses, qui n'étoit An
1 du M.
Mais la seconde année de Darius fils d'Hystaspe, l'Esprit de Dieu inspira 3484.
Acrgée le dixiéme des petits Prophètes, & lui ordonna d'aller porter ces or- avant J J. G.
Zorobabel fils deSalathiel Chef de Juda, & à Jesus fils de Josedech SI 6.
dres à , Seigneur des armées
Grand-Prétre. „Voicy ce que dit le : Ce peuple dit que
le tems de rebâtir la maison du Seigneur, n'est pas encore venu. Quoy!
"il est tems de bâtir pour vous mêmes & d'habiter dans des maisons superbe-
"ment lambrissées, & cependant ma maison demeure deserte ? Voicy donc
à considerer vos
que dit le Seigneur des armées : Appliquez vos coeurs
5"ce
Divoles ; etudiez exactement vôtre conduite , & voïez ce qui vous arrive.
Ju-
par les miux dont Dieu vous frape, qu'il n est pas content de votre h&t
«gez
,.gligence à rétablir son temple.
,,Vous avez semé beaucoup, & vous avez peu recueilli. Vous avez rnan-
ège & vous n'avez pas été rassisie*z ; vous avez bu, & vous ne vous êtes
"point ,
désalterez ; Vous vous etes couverts d'habits, & vous ne vous êtes
"point rechauffez avez ramassé de l'argent, mais vous l'avez mis dans
vous
une bourse décousuë, dont il s'est écoulé. Vous avez
,
,,un sac percé, dans
,,porté de grands biens dans votre maison, & mon souffle a tout dissipé : D 'où
«vient cela, dit le Seigneur des armées, c'est que ma maison demeure déser-
s'empresse que pour la sienne : C'est
,)te, pendant que chacun de vous ne /
"pourquoy j'ay commandé aux Cieux de ne point verserla leur rosée & j'ay
,
"défendu à la terre de produire son fruit. J'ay fait venir sterilité sur la terre
,,& sur tous les travaux de vos mains. Montez donc sur ma montagne sainte,
"préparez les bois & les pierres, bâtissez ma maison , elle me sera agréable.'
«J'y férai éclater ma gloire, & je vous combleray de mes bénédictions.
En même tems Dieu veda son Esprit dans le coeur de Zorobabel, du XXV.
Grand-Prétre JEsus & du reste du peuple , & ils résolurent de travailler de Zorobabel
,
tout leur coeur à la réparation du Temple & le Prophéte Aggée l'Ambaffa- Prétre Je-
& le Grand-
deur de Dieu, leur dit de la part du Seigneur. ,Je suis avec vous, dit le Seig- sus recom-
; Je vous protégeray, & je vous
favoriseray, & je rendray à vôtre ter- mencent à
neur première Quelques jours après Aggée fut de nouveau en- travailler
tre sa fécondité.
,,voïë vers Zorobabel, & vers Jesus fils de Jofedech, & il leur dit: ,,Qui de au Temple
du Seig-
,,vous est revenu de la captivité de Babylonne & qui ait veu autrefois ce
Tem'le dans son eclat & dans sa sondeur ? ne, vous semble-til pas qu'elle neur.
:,n'eit rien au prix de ce qu'elle étoit ? Mais oZorobabel, armez-vous de for-
ô Jesus fils de Josedech
,,ce, dit le Seigneur , armez-vous de force aussiDieu; ,
travaillez hardiment à,
,,& vous tous qui étes les restes du peuple de
,,nl()Il ouvrage, car je suis avec vous, dit le Seigneur.
Je suis résolu de garder
"l'alliance que j'ai faite avec vous, lors que je vous ay tirez de l'Egypte: mon
^Hsprit sera au milieu de vous, ne craignez point.
,,Car voicy ce que dit le Seigneur des armées : Encore un peu de tems, XXVI.
j'ebranleray tous les peuples & LE DESIRE' DE TOUTES LES Prophétie d'Aggée"
, Y RATIONS
z
touchant "NATIONS VIENDRA, & je rempliray de gloire cette Maison, dit le Seig-
la venuë neur des armées. La gloire de ce Temple que vous m'allez bâtir, sera plus
du Messïe. "grande que celle du premier, dit le Seigneur des armées ; & je donneray
„la paix, je combleray de gloire & de profpéritez cette Maison, dit le Seigneur.
Voila une des plus expresses prophéties de la venue du Messie, de JEsus
Christ le désiré de toutes les nations. Les promesses que Dieu fait icy au
temple de Jérusalem, de le rendre- plus magnifique que n'étoit celui de Salo-
mon, regarde bien plus la gloire de l'Eglise Chrétienne, que le Temple ma-
teriel de Jérusalem, qu fut rétabli depuis la captivité , qui dans la rigueur de
la lettre, ne surpassa jamais en beauté en splendeur ni en richesses celui de
,
Salomon.
Vers le même tems le Seigneur parla encore à Aggée& lui dit: proposez
XXVIL de
LeSeig-
,
ma part aux Prétres cette question sur laLoy ; Si un homme porte sur lui
neur pro- un morceau de Chair sandifié*e ce qu'il touchera, deviendra-t-il pur & san-
met (se ct-inè par son attouchement ; Non lui répondirent les Pretres.
,
Aggée
combler ajouta si un homme fouïllé par l'attouchement d'un corps mort, touche à
, :
son peuple
4e ses bé- quelque chose, comme du pain,
de la viande ou du vin ; Ces choses ne fe-
nédiétions. ront-elles pas souillées ? Elles le seront, répondirent les Prétres. Le Pro-
phéte ajouta : C'est ainsi que mon peuple a été jusq'icy devant mes yeux.
Tout ce qu'il m'a offert a été souillé ; je ne l'ai point eu pour agréable; mais
depuis que vous avez mis la premiere pierre pour rebâtir mon Temple, &
,
que vous en avez jetté les fondemens , vous allez voir que tout vous réiiffira
à souhait je vous comblera y de biens, je verseray mes bénédidions sur vos
travaux; J'humilieray vos ennemis & je les extermineray.
On ne sait aucune particularité ny de la vie, ny de la mort d'Aggée. On
croit qu'il étoit né à Babilonne , & qu'il en revint avec les autres Captifs au
commencement du régne de Cyrus.
XXVIII. Les Chutéens toujours ennemis des Juifs, & jaloux de leurs prospéritez,
Les Chu- aïant apris qu'ils avoient recommencé à travailler au Temple du Seigneur, s'en
teens for- plaignirent Gouverneurs de la Province, qui se transportèrent avec leurs
aux
ment des Conseillers à Jérusalem, & vinrent demander au Prince Zorobabel, &
au Grand
t
oppofî-
tions à la Prétre Jesus fils de Josedech : Par quelle autorité avez-vous entrepris de rebâ-
eonstru- tir ce Temple , & qui sont les Chefs & les auteurs de cette entreprise ? On
éKon du leur répondit que Zorobabel & Josué Chefs du peuple, adorateurs du Dieu
Temple, du Ciel& de la étoient ceux qui avoient corneille la chose & que c'é-
i. Esdr.%.6. terre, ,
Zach,\. tait sous leurs ordres qu'on la continuoit ; que ce temple aïant été détruit par
An du M. Nabuchodonosor, Cyrus dez la premiére année de son régne avoit permis de
?48ï- le rebâtir ; qu'il avoit renvoïé les vases sacrez, que Nabuchodonosor en
; Que Sassabasar envoïé par le Prince, avoit jetté les fonde-
avant J. C. avoit enlevez
515.51&
mens de cet édifice, que depuis ce tems on y avoit travillé à diverses reprises,
& qu'il n'avoit encore pu être achevé.
XXIX. Les Gouverneurs aïant ouï cette réponse, n'osérent faire cesser l'ouvrage;
On ecrit au mais ils convinrent avec les Chefs des Juifs que la chose seroit renvoyée au
Roy Darius Roy Darius, & qu'on s'en raporteroit à ce qui en seroit par lui ordonné ; &
contre les voicy la lettre d'avis qu'on lui en ecrivit : Au Roy Darius paix & toutes for-
Juidt.
tes
tes de bonheur : Nous croïons etre obligez de donner avis à vôtre
Majesté,
du Grand Dieu, où
que nous nous sommes transporté en Judée en la maison
l'on acheve un grand édifice de pierres non taillées, entremêlé de pieces de
bois? Nous avons remarqué que cet ouvrage se fait avec grand soin & avec
beaucoup de diligence & s'acheve de jour en jour. Nous leur avons deman-
dé, en vertu de quoy ils travailloient à cette entreprise & qui étoient ceux qui
la réponse,
y présidoient. Ils nous ont donné leurs noms, & nous ont fait
que nous envoïons au Roy. Nous vous supplions donc d'ordonner qu'on voïe
dans la Bibliotéque du Roy qui est à Babilonne,.s'il est vray que Cyrus ait or-
donné que ce Temple fut rebâti, & de nousenvoïer sur cela ses ordres préGis,
afin de nous y conformer.
Darius commanda donc que l'on recherchât dans les Archives de Babi- XXX.
fils
lonne , si l'on y trouveroit l'ordonnance de Cyrus ; mais cette pièce ne s'y Darius d'Hystaspe
étant pas trouvée, on fit chercher à Ecbatanes de Médie, & l'on y rencontra ordonne
l'edit de Cyrus, que nous avons raporté cy-devant, & qui permet le rétablisse- qu'on re-
ment du Temple de Jérusalem. Darius renouvella la même ordonnance, & Templeledu batisse
les Gouverneurs des Provinces de deça l'Euphrate , aïant reçu les ordres-du Seigneur.
Roy, s'y conformèrent, & fournirent les bois pour la constr-udion du bâti-
ment, & les deniers pour acheter les animaux destinez aux sacrifices.
Vers le même tems, ou même un peu auparavant, Zacharie l'onzième xxXl.
LeProphé'
des douze petits Prophètes, se joignit à Aggée pour exhorter le peuple à tra- Zacharie
te
vailler au Temple de Dieu. Zacharie étoitfils de Barachie, & petit fils d'Addo. commence
11 y a des Ecrivains qui le croient de race sacerdotale. Il revint de Babilon- àparoître.
ne avecZorobabel & Jesus fils de Josedech; on ne sait ny le tems , ni le gen-
re de sa mort. Il fut enterré ou au pied du mont des Oliviers, où l'on mon-
tre son tombeau, ou à Caphar Zacharie , prés d'Eleutheropolis, ou à Betha-
rie, à cinq lieuës de Jérusalem, ou ailleurs ; car tout cela est assez douteux.
Il commença à prophétiser à Jerusalem la deuxième année du régne de Darius
fils d'Hystaspe, le huitième mois de l'année sainte qui revient à peu prés au
,
mois d'Octobre, deux mois aprés qu'Aggée eût commencé à prophétiser. Il
commença par ces paroles : "Revenez à moy, dit le Seigneur des armées, &
„je retourneray à vous. N'imitez pas vos peres, aux quels j'ai si souvent & si
"inutilenlent envoïé mes Prophètes. N'ont-ils pas enfin été forcez de recon-
«noître la vérité de mes paroles, & la certitude de mes menaces. N'ont-ils
,,pas expérimenté que je ne ménace pas en vain ; Les maux dont vôtre pays
,,& vos villes, vous & vos péres avez été accablez, ne sont-ils pasdes preu-
"ves de ce que je leur ay dit? XXX11.
Ce discours de Zacharie avoit pour but d'animer les Juifs à travailler Vision de
courageusementau rétablissement du Temple. Au commencement de l'année Zacharie
des Anges
suivante le Seigneur fit voir à Zacharie plusieurs Cavaliers, qui étoient a cheval tutelaires
dans un vallon rempli de l\lyrthes; Ces Cavaliers étoient les Anges tutelaires des Pro-
de diverses provinces ; Ils, avoient parcouru la terre & vinrent dire à l'Ar- vinces.
,
change sàint Michel qui étaL leur Chef : Nous avons parcouru toute la terre, Zacb. 7. 7.
& elle est à présènt habitée & tranquile. Alors Michel s'addreflfant à Dieu% 8. 9. du &c.
M.
lui dit : Seigneur des armées, jusqu'à quand différerez-vous de faire misér!-' An?4M.
corde à Jérusalem, & aux villes de Juda, contre lesquelles vôtre colère s'est
allumée ? voicy déja la soixante & dixième année. C'ert en efîet^en cette an-

corde à Jérusalem; qu'il y rebâtiroit son Temple ,


née Que finissent les soixante & dix ans de captivité prédite par Jérémie.
Le Seigneur lui répliqua qu'il alloit faire ressentir les EÍtets de la nuien-
que les villes de Juda se-
roient comblées de biens, qu'il feroit retomber les effets de sa colére sur ceux
Ca) qui avoient opprimé son peuple; un Ange ajoûta : Ca) Jérusalem sera telle-
Zach. Il. ment peuplée que les habitans seront obligez de se bâtir desmaifons au de-
1. 2. 3. 4
, Je feray un mur de feu tout autour de les murailles,
(!le. hors de son enceinte.
& j'etabliray ma gloire au milieu d'elle. Tout cela regarde principalement
la venue de J. C. & l'et;iblitrenient de son Eglise.
XXXlII. Le Roy Darius établit le siége de son Empire dans la ville de Suses, dont
Festin cé- la situation étoit fort agréable, & il l'embellit de telle sorte, qu'il en a été re-
lèbre don- gardé le fondateur. Son empire étoit si vaste, & sa domination si éten-
né par le comme
Darius due qu'il commandoit souverainement à cent vingt sept Provinces , dans
Roy
à tous ses tous le païs qui s'étend depuis les Indes, jusqu'à l'Ethiopie. La troisiéme an-
,
Gouver- née de son régne il voulut faire montre de sa magnificence & de ses richesses,
neurs & faisant festin à tous les Grands de sa Cour à tous ses Officiers, aux

servit..
auxGrands en un ,
Gouverneurs de ses Provinces, & aux premiers d'entre les Medes. Le festin
de son Raï-
aume. dura cent quatre vingt jours, & l'Histoire ne connoit rien de plus grand, soit
EJrber. 1. 1- qu'on considére la durée du fcstin,le grand nombre & la qualité des conviez,
2. la richesse des meubles, des vases & des tentures, & la somptuosité des mets
An du M.
3486.
avant J. C.
qu'on y
.
Sur la fin des cent quatre vingt jours, le Roy invita a, ion feitin tout le
514. peuple de Suses, & il ordonna qu'on leur servit à manger dans le vefhhu-
le de son jardin & de son verger. Or on avoit tendu de tous cotez des toiles
de bleu celeste, de blanc, d'hyacinthe, pour mettre les conviez à couvert des
ardeurs du soleil. Ces tentures étaient soutenuës par des cordons de soye
teints en ecarlate , qui étoient passez a des Anneaux d yvoire , & attachez a
des colomnes de marbre. Des Lits de table d'or & d'argent étoient rangez
tour dès tables placées sur un pavé de marbre blanc, varié par un mélangé
au
d'Emeraude, & d'autres pierres prétieuses avec une variété admirable.
Les Conviez buvoient & mangeoient à ce feitin avec une entière liberté,
sans que personne les contraignît de boire , comme il arrivoit quelque fois
dans ces sortes d'invitations où l'on outroit la débauche jusqu'à forcer à boire
avec excés. On y buvoit dans des vases
d'or tres-pretieux & a rechange. Un
servoit les vins les plus exquis & à chaque table il y avoit un des grande
y ,
Officiers du Roy, qui y présidoit & qui avoit loin que tout y fut servi dans la
propreté & dans l'abondance, sélon l'intention du Roy.
XXXIV.
La Reine Vasthi Epouse de Darius, & apparemment la même quc ici ^
Historiens profanes appellent Atho1Te & qui étoit fille du Grand Cyrus. Vaft-
La Reine de la ville, dans le Palais ou le
Vasthi fait hi, dis-je, fit aussi un grand festin auxDames
aussi un Roy avoit accoutumé de demeurer. Le dernier jour de ces ietes le hoy étant
festin aux plus
gay qu'à l'ordinaire, envoïa dans la chaleur du vin, sept de les princi-
. Dames de Eunuques inviter la Reine de venir le Diadème en tête, & re\etuëde
sa Gour. paux
tout ce qu'elle avoit de plus beau & de plus prétieux, afin que tom les Grands
& le peuple sussent témoins de son extrême beauté.
Dans ce pais-là l'usage & les Loys défendent aux femmes d'honneur de
se faire voir dans les assemblées, & sur tout dans les festins des hommes. Vast-
hi resusa donc de venir, & les Eunuques en aïant fait leur rapport au Roy, il
entra en une étrange colére, consulta les Sages qui étoient avecluy, & leur
demanda ce qu'il devoit faire dans cette circonstance,& ce que méritoit Vasthi,
pour avoir ainsi désobéï aux ordres du Roy. Celui de sesConseillers qui opi-
na le premier, dit que la Reine par sa conduite, n'avoit pas seulement offen-
sé le Roy, mais qu'elle avoit donné à tout le Royaume un exemple dont les
suites pourroient devenir dangereuses,puis que toutes les femmes des Perles &
des lYlédes en prendroient occasion de mépriser les commandemens de leurs
Maris; Il conclut que le Roy ne pouvoit mieux faire que de la répudier, de
lui ôter le Diadème, & de le donner à une autre, qui en fut plus digne. Qu'a-
prés cela il falloit publier un edit dans tout l'empire des Perfes-, -portant qu'à
l'avenir les hommes auroient dans leurs maisons toute sorte d'autorité, &que
les femmes, de quelque condition qu'elles fussent, leur rendraient toute sor-
re de respect & d'obéïssance.
Cet avis fut aprouvé par toute l'assemblée, & le Roy l'aïant agréé, on XXXV.
dressa l'edit, & on l'envoïa dans toutes les Provinces de son empire écrit en Répudia- -
diverses langues, afin qu'elles pussent étre luës, publiées & entendues par les tion de la.
divers peuples des Provinces. La chose fut ainsi exécutée & Vasthi fut ré- hi. Reine Vaft-
pudiée. Tout cecy se passa avec assez de précipitation, & le, Roy ne consulta
que sa passion & son ressentiment sans beaucoup donner à la réflexion.
Lorsque sa colère fut appaisée, il sesouvint de Vasthi; sa beauté, sesgran-
des qualitez, sa naissance illustre, le respect que les peuples conservoient pour
le nom & pour la mémoire de Cyrus son Pere, tout cela se présentant à la fois
à son Esprit, lui fit craindre qu'il ne fut allé trop vite & que peut-être cet-
,
te araire n'eût des suites facheuses. Ses Officiers & ses Courtisans craignant
qu'il ne reprit cette Princesse, & qu'elle ne fit retomber sur eux le poid de
son indignation, inspirérent au Roy de faire chercher dans tous ses Etats une
nouvelle Epouse en la place de Vasthi; qu'il falloit choisir dans les Provinces
les plus belles personnes qui s'y trouveroient, qu'on les présenterois au Roy,
& que celle qui lui plairoit d'avantage, seroit reconnue Reine & Epouse du
Roy.
On fit donc de grandes recherches, & on amena un grand nombre de XXXVI.
filles pour étre présentées à Darius. Entre celles qu'on lui amena, il s'en trou- Esther est
va une nommée Edifia, ou Esther qui étoit d'une beauté singuliére. Elle amenée au
étoit Juive de nation. Son Pere & sa Mere l'avoient laissée orpheline & Roy Da-
elle étoit demeurée sous la conduite de Ion Oncle, Mardochée qui l'avoit , rius.
nourrie & la trai:tëe comme son enfant. Elle avoit sa demeure ,à Suses avec
son Oncle, & dez le moment qu'elle parut devant le Roy, elle trouva
grâ-
ces à ses yeux , & le Prince ordonna qu'on lui fournit la nourriture & les
ajustemens, & sept filles pour la servir.

Esther
xxxVII. Esther étant ainsi entrée dans le Palais du Roy, demeura un an entier à
Esther de- se préparer pour paroître en la présence de Darius. Or voicy ce qui sc pra-
vient tiquoit pendant ce tems-là; On leur donnoit une huile de m^re, dont elies
Epouse du se parfumoient pendant les six premiers mois, & pendant les six autres mois
Roy Da- elles usoient d'un autre sorte de parfum plus prétieux ; & quand le tems dese
rius.
Eflher. II. 9. présenter devant le Roy étoit venu, on leur
fournissoit tout ce qu'elles déii-
10.11. &c- roient pour leurs parures. Celle qui entroit le soir dans la chambre du Roy,
Eflher.lll.
en sortoit le lendemain matin, & étoit de la conduite dans l'apartement des
1. 2. 3. tôc. Concubines du Roy, qui étoit sous la garde d'un ancien Eunuque. Aprés
An du M.
3486. cela il n'étoit plus permis à cette personne de se prélènter devant le Roy, ni
avant J. G. de venir en son apartement qu'elle n'eut été appellée &
désignée nommé-
514. ment.
Or Esther ne s'étoit point fait connoitre, & n'avoit point dit, ni qui elle
étoit, ni qui étoient ses parens, ni quelle étoit sa patrie;Mardochéeson Oncle
lui aïant recommandé de n'en point parler. Ce bon vieillard ne voulut pas
profiter de la bonne fortune de sa Niéce, & ne découvrit pas qu'il fut son On-
cle. Il se contentoit de demeurer à la porte du Palais, & de s'informer de la
santé de sa chére Niéce, laquelle conservoit pour lui le respett & la déference
qu'elle avoit toujours eu.
XXXVIU Le jour d'Esther étant venu, elle fut présentée à Darius au dixiême mois de
Esther se l'année sainte, qui repond
- au mois de Décembre de l'an du monde 3488.
prèsente demanda rien d'extraordinaire à l'Eu-
devant le septiéme du regne de Darius. Elle ne
Roy Da- nuque qui avoit soin d'elle ; Elle reçut tout ce qu'on voulut lui
donner pour
rius. sa parure. Le Roy lui trouva tant de beauté, d'esprit, de sagesse & de gra-
An du M. qu'il la prit pour son Epouse en la place de Vasthi, & lui mit sur la tête
3488. ce,
J. G. le Diadème Roïal. Il fit pour solemniser ses noces un grand festin à tons
avant
S12. les Grands de sa Cour, fit deslargefles extraordinaires, & accorda aux peuples
de toutes les provinces de grandes remises des tributs qu'elles devoient , afin
Que tout son Empire se
ressentit de la joïe de ses noces.
XXXIX. Un jour deux eunuques ou Officiers de la Cour , aïant reçu quelques
Gonspira- jsujets de mécontentement de la part du Roy, formérent contre lui une con-
tion de spiration & résolurent de le tuër. l\1ardochée qui ne s'éloignoit pas de la
deux Eu-
porte du Palais, & qui étoit attentif à tout , sans toutefois se faire connoître,
nuques découvrit leur complot, & en donna incontinent avis à Esther , laquelle en
contre le
Poy dé- informa le Roy, lui disant que cet avis venoit d'un Juif nommé
l\lardochée,
couverte sans s'expliquer davantage. On arréta les deux eunuques, on leur fit leur
par Mardo- procès, ils furent convaincus, condamnez & pendus, & le tout fut écrit dans
chée. Roy; mais il ne donna pour lors aucune recompen-
Eflber.XII. les annales par ordre du
1.2.3.($c- se à Mardochée qui avoit découvert la conspiration.
An du M. Quelques années aprés le Roy Darius aïant pris en affedion un nommé
3491- Aman fils d'Amadath, il l'éleva en dignité , lui donna rang par dessus tous
avant J. C. les Grands qui étoient prés de sa personne, en un mot le fit son favori, & or-
509.
LX. donna qu'on lui rendît les mêmes honneurs qu'à lui-même. Tous les servi-
Faveur ex- teurs du Roy, qui étoient à la porte du Palais, & qui avoient des employs à la
traordinai- Cour, fléchissoient le genou devant lui, se prosternoient en sa présence, & lui
Je: d'Aman. ren-
rendoient des honneurs qui ne sont dûs qu'à Dieu ; Car, comme on l'a déjà Sort
remarqué, les Roys dePerse affedoient les honneurs divins, & leurs peuples orgueïl.
FJther. lit.
accoutumez à cette impiété, ne les leurs refusoient pas.
Mardochée qui étoit rempli de religion, & quin'ignoroit pas les loysdu An 1. 2. 3. &c-
du M.
pays préféra constamment son devoir à la bienséance & aux coutumes de
, 349 <•
la Perse. Il refusa de rendre à Aman les respeC1s & les adorations que les XLL
autres lui rendoient. Aman s'en aperçut, s'informa qui étoit cet homme, & la Aman jure
quelle raison il avoit d'en user de la sorte. On lui dit qu'il étoit Juif,& que Mardo- perte de
sa loy lui défendoit de rendre à un homme mortel, des respeds qu'il ne ren- chée.
doit qu'à Dieu seul. Aman résolut donc de se venger de ce mépris, non
seulement sur la personne de Mardochée, mais aussi sur celle de tous les Juifs,
qui étoient sous la domination de Darius.
Mais comme c'est la coutume des Perses, de ne rien entreprendre d'im-
portant, sans avoir auparavant consulté la volonté de Dieu par le sort, Aman
fit jetter le, sort en sa présence, pour savoir en quel tems il exécuteroit sa ré-
solution contre les Juifs. La providence permit que le sort tomba sur le trei-
zième jour du douzième mois nommé Adar, ce qui retardoit l'exécution de
ce cruel dessein, d'un an entier. Aman qui étoit fort superstitieux, fut donc
obligé de suspendre les effets de son animosité, ce qui donna lieu à Esther &
à Mardochée de prendre des mesures envers le Roy, qui précipitérent Aman
àans le malheur qu'il avoit préparé aux Juifs. C'est icy un dénouëment des
plus extraordinaires de la-saesse de Dieu, & qui fait bien voir qu'il n'abban-
donne jamais ceux qui lui sont fidels, & qui mettent en lui leur confiance.
Aman aïant pris la résolution de faire périr 'tous les Juifs qui étoient di- XL II
spersez dans les Provinces de l'Empire de Darius, en parla à ce Prince dez le Aman ob-
premier mois de l'année, quoiqu'il n'en dût venir à l'exécution que dans un tient du
Il Roy Darius
an delà, à cause que le sort ne lui avoit pas permis d'anticiper ce tems. la condam-
dit donc au Roy; Seigneur, il y a un peuple répandu dans toutes les Provin- nation de
ces de votre empire, qui sont gens séparez les uns des autres, vivans d'une tous les
façon singuliere, & differens de toutes les autres nations, aïant des loys & des Juifs.
cérémonies toutes extraordinaires & méprisant même les ordonnances des Esther. .&c. III.
Roys. Vôtre Majesté n'ignore pas, de quelle importance il est de réprimer 8.9.10 Efih. XIII.
,
une telle hardiesse, & de ne pas souffrir que l'impunité les rende encore plus 1. 2. 3. <&c.
insolens. Ordonnez donc,s'il vous plait,qu'il soit exterminé de vos états, & de An du M.
peur que le revenu du Roy n'en souffre quelque diminution,je m'engage de païer avant 349Ï-
J. G.
auxTrésoriers de vôtre Epargne dix mille talens,parforme de dédommagement.
Le Roy, l'aïant ouï,tira l'anneau de son doigt, le lui donnaJui dit de faire ex- XLlll.
pédier les lettres & ordonnances nécessaires pour faire périr ce peuple dés- Edit du
obéïllant, & à l'égard de l'argent que vous m'offrez, ajouta-t'il,gardez-lepour Roy qui
donc Roy, condamne
vous. Aman fit aussitôt venir les Secrétaires du & dez le treiziéme tous les
jour du premier mois nommé Nisan, 011 expédia les ordres à tous les Gouver- Juifs à
neurs des Provinces d'exterminer tous les Juifs,leurs femmes & leurs enfanssans mort pour
exception, quisetrouveroientdans l'étendue de leur jurisdiéHon,& que tout cela le 13.e jour
se fit en un même jour, savoir le treizième jour du douzième mois nommé Adar, du mois
Adar.
qui devoit suivre la publication de l'Edit; qu'après cela on abbandonnât tous leurs
biens au pillage. Tom. II. Z Cet
Cet Edit fut scellé du sceau du Roy, puis on fit partir des couriers, pour
le porter à tous les Gouverneurs de Provinces, afin qu'ils le publiaient & le
sislènt afficher par tout où il apartiendroit, on l'afficha de même dans la ville
de Suses, & le bruit s'en répandit aussitôt dans tout l'Empire de Darius ; les
Juifs qui étoient dispersez dans toutes les Provinces & les villes de cette va-
lte domination, en furent accablez de douleurs, & Mardochée qui n'ignoroit
pas que tout cela se faisoit en haine de sa personne , & par vengeance
de ce
qu'il n'avoit pas voulu fléchir le genoû devant cet insolent favori, en fut plus
touché que tous les autres, & résolut de mettre tout en oeuvre pour tâcher
de détourner ce coup fatal de dessus sa Nation.
XLHi'. Il se couvrit d'un sac , déchira ses vétemens, se chargea la tête de cen-
Douleur dres, s'adress-,t à Dieu par de ferventes prières lui exposa l'extrémité où Ion
de Mardo- peuple étoit réduit, releva sa puissance infinie, , à la quelle rien ne résiste &
chée de ,
Seigneur, je n'ai point adoré le superbe Aman
voir son lui dit:
Vous savez, que si
,
ce
peuple n'a été ni par un motif de vanité , ni par mépris, ni pour me distinguer &
exposé à m'attirer de la gloire & des louanges par cette conduite ; J'aurois été difpo-
perir à son sé à baiser même avec joïe les traces de ses pieds pour procurer le salut d'Is-
occasion. Fraël mais j'ay
eu peur de transporter à un mortel l'honneur quiri'estdu qu'à
EJlher Xll. ;
$..10. é}c. vous, & de rendre mes adorations unDieu
à autre qu'à mon Dieu. C'est pour-
quoy, ô mon Seigneur, Roy d'Israël, d'Abraham ayez pitié de vôtre
,
/ peuple que vos ennemis ont résolu d'exterminer ; ne méprisez pas la priére
de vôtre serviteur, & ne rejettez point ce peuple que vous avez choisi pour
vôtre héritage. Changez nos larmes en cris de joïe, afin que nous employ-
ions la vie que vous nous conserverez, à publier la gloire de vôtre nom, & à
louër vôtre puissance & vos miséricordes.
rI out Israël cria aussi au Seigneur à la veuë d'un si grand danger, & dans
EJlherXIV
®c. toutes les villes on ne voïoit parmi les Juifs que lamentations & cris de dou-
1.2.3.
XLV. leur. La Reine Esther avertie par ses filles de l'état où étoit Mardochée, &
Estherest des cris qu'il jettoit à la Porte du Palais, lui envoïa un habit pour se cou-
informée vrir, mais il le refusa. Esther ne pouvant s'imaginer ce que ce pouvoit étre,
du danger le principal de ses Eunuques pour le consoler & pour lui de-
auquel est lui envoïa ,
exposée mander le sujet de les larmes. Mardochée lui raconta l'affaire & lui donna
toute sa une copie de l'Edit, afin qu'il le fit voir à la Reine, afin qu'elle emploïât tout
&ation. son crédit pour détourner l'orage qui alloit fondre sur Israël.
Cette Princesse épouvantée du danger prochain, eut de même recours à
Dieu, & aïant quitté ses habits Royaux, elle en prit de deuïl, & conformes à
l'etatd"affliélion où étoit réduit tout son peuple. Elle se couvrit la tête de
cendres & de poussiére, elle affligea son Corps par le jeûne , & pria le Seig-
à la fureur des Na-
neur avec larmes de ne point abbandonner son héritage
tions.
En même tems elle fit dire à Mardochée,qii'il lui étoit impossible d'aller
trouver le Roy pour le prier de révoquer cet Edit, qu'il y avoit un mois que
le Roy ne Pavait mandée; qu'il y alloit de la vie contre quiconque s'apro-
cheroit de sa Majesté sans permission, à moins que par une grace spéci,ile il
n'étendit son Sceptre pour sauver la personne qui se seroit présentée à lui:
IVlar-
Mardochée lui fit cette réponse ; Ne vous flattez point que l'état où vous
du danger. II
\
vous trouvez dans la maison du Roy, puisse vous garantir demeurez dans le
suffit, pour vous perdre, que vous soyez Juive. Si vous
silence, Dieu suscitera quelqu'autre pour garantir son peuple ; & cjui sait si
ce n'est pas pour cela même que vous avez été élevée à la dignité
Royale,
afin que dans une circonstance aussi périlleuse que celle-ci, vous soïez en état
de servir vos frères.
Esther animée par les raisons de Mardochée, lui fit dire: Assemblez tous XL fil.
Esther se
les Juifs qui se trouveront dans la ville de Suses, & que tous prient pour moy, pré sente
demeurez trois jours & trois nuits sans manger ni boire , & de mon côté je devantDa-
jeûneray de même avec les filles qui me servent. Aprés cela j'iray trouver le riusau pé-
Roy, quand même il ne m'apelleroit pas, & je m'exposeray ainsi au danger, ril de sa
& à tout ce qu'il plaira à la providence d'ordonner de ma personne. Dez ce vie. 1K '
jourlà Mardochée & tous les Juifs de Suses d'un coté & IaK eine Esther avec ses EJlher iç.I 6.
suivantes de l'autre, commencèrent jeûner & passer trois jours & trois nuits
I.-
a V. 1. 2. 3.
dans la prière, dans l'humiliation & dans le jeûne ; Aprés quoi Esthèr se re- &c.
vétit de ses ornemens Roïaux, & de tout ce qu'elle avoit de plus riche & de VI. &c.
plus somptueux, & entra sans être apellée dans l'apartement du Roy, & s'ar- An du M.
réta dans la sâle qui étoit la plus proche du Cabinet où étoit Darius. 349î-
Le Roy étoit alors assis dans son Trône vis-à-vis la Porte. Dez qu'il eût avantJ. 6.
aperçu Esther, il étendit vers elle le sceptre d'or qu'il tenoit en main , & la XLVIl çoç.
Reine s'étant aprochée, baisa re[peéteuseillent le bout de sceptre. En même Esther in-
tems le Roy lui demanda, que souhaitez-vous, Reine Esther ? Quand vous vite le Roy
me demanderiez la moitié de mon Roïaume, je vous l'accorderois. ^ Esther & Aman à
répondit; Je suplie le Roy de venir aujourd'huy au Festin que je lui ai pré- un festin
paré,& d'améner Aman avec lui : Qu'on apelle Aman, dit Darius, & qu'il se qu'elle leur pré-
rende au désir de la Reine. Le Roy & Aman vinrent donc au repas de la paroi t.
Reine, & quand Darius fut de bonne humeur & qu'il eut fait bonne chére.il
dit de nouveau à la Reine de lui demander tout ce qu'elle souhaiteroit. Elle
lui répondit qu'elle le prioit de lui faire le même honneur encore le lende-
main, & qu'alors elle lui feroit sa demande. Le Roy y consentit & on se sé-
para.
Aman se retira dans sa maison fort satisfait des honneurs qu'il venoit de XLVIII.
recevoir ; mais en passant par la porte du Palais , il eut la mortification de Aman
voir Mardochée qui ne se leva point, quand il passa. A son retour il racon- veut de-
mander la
ta à sa femme & à ses amis la faveur dont le Roy & la Reine l'avoient hono- mort de
ré, aïant été le seul des Courtisans invité au festin d'Esther. Mais, ajouta-t'il, Mardo-
tout cela ne me sent rien, tandisque je vois le Juif Mardochée assis à la porte chée.
du Palais, qui ne daigne pas me saliier & se lever, quand je passe devant lui.
Ceux à qui il parloit,lui dirent: Vous avez trop de patience envers cet hom-
me; faites dresser dans vôtre cour une potence haute de cinquante coudées,
& demain au matin priez le Roy qu'il vous abbandonne cet homme pour l'y
taire attacher. Aman suivit ce conseil, fit dresser la potence, & se disposa à
demander à Darius la mort de Mardochée comme d'un insolent & dés-
obéïssant aux ordres du Roy. ,
' XL IX. Cette nuit le Roy ne put dormir, & s'étant fait lire les Journaux des an-
Aman est nées précédentes, on tomba sur l'endroit où il étoit dit qu'un nommé l\'\ar-
contraint dochée avoit découvert la conspiration des Eunuques Bagatan & Tharés,qui
de mener avoient voulu assassiner le Roy. Darius interrompant le Lecteur, demanda ;
Mardo- donné a Mardochée pour un service si signalé ?
chée parla Quelle recompense a-t'on
ville de Su- On repondit, il n'en a reçu aucun. En même teInsleRoy s'informa s'il y avoit
ses & de quelqu'un dans l'antichambre. On dit qu'Aman y étoit; il s'y étoit rendu
lui servir
pour demander la mort de Mardochée ; qu'on le fade entrer , dit Darius.
cl'Ícuyer.
Quand il fut en sa présence, il lui dit : Aman, que doit-on faire pour celui
que le Roy délire combler d'honneurs? Aman s'imaginant que c'étoit de lui-
même dont le Roy vouloit parler: il lui dit: Cet homme, Sire, doit être re-
vêtu des ornemens royaux, avoir le diadème en tête , monter le cheval du
Roy, & que le premier des grands Officiers de la Cour tenant le cheval par
les rênnes, le conduise par toutes les places de la ville, en criant: C'est ainsi
que sera honoré celui que le Roy veut combler d'honneurs.
Le Roy répliqua : Hâtez-vous donc, prenez une robbe , un cheval, le
diadème & tout ce que vous avez dit, & rendez à Mardochée qui est à la
porte du Palais, tous les honneurs dont vous venez de parler. Aman sortit
accablé de douleur & chargé de confusion, & exécuta, quoi qu'avec une re-
pugnance infinie, les ordres du Roy.
Il va trouver Mardochée , lui déclare ses ordres , lui présente Jes orne-
mens royaux ; le fait monter sur le cheval du Roy, & se met en devoir de le
mener par la bride. Mardochée surpris d'un changement si subit & si inespé-
ré, délibére & ne sait quoy penser de tout cela. A la fin il monte sur le
cheval & Aman le conduit lui-même par toutes les places de la ville de
Suses , en criant : C'est ainsi que sera honoré celui à qui le Roy veut faire
,
, honneur.
L. Après cette cérémonie, -
Alardochée revint à sa place ordinaire à l'entrée
Aman dé* du Palais,. toujours inquiet pour le danger qui Inénaçoit sa nation; Aman de
concerté son côté s'en dans sa maison, & raconta à sa femme & à ses amis l'ac-
nese flatte retourna
plus de cident qui lui étoit arrivé. Ils lui répondirent: Si ce Mardochée, devant qui
faire périr vous avez commencé de tomber, est de la race des Juifs , assurez-vous que
Mardo- vous ne pourrez tenir en sa présence , mais que vous succomberez assuré-
ehée.
ment. Ce peuple est favorisé de Dieu, & on ne l'attaque pas impunément.
Lorsqu'ils parloient encore, les eunuques du Roy arrivérent, & lui dirent de
venir incontinent au festin que la Reine avoit préparé. L'un d'eux aïantveu
la potence dressée dans la cour du favori, s'informa pour qui elle étoit : On
lui répondit : qu'elle étoit dessinée pour le juif Mardochée.
LL Darius étant venu le sécond jour avec Aman au festin que la Reine
Ifther ob- Esther leur avoit préparé le Roy dans la joïe de la bonne chère & dans la
tient du chaleur du vin cfit , à la
encore Reine. Que me demandez-vous donc,EHher'
Roy la ré-
vocation quand vous me demanderiez la moitié de mon Roïaume , je vous l'accorde-
de l'Edit ray. Either lui répondit, ô Roy, si j'ay trouvé graces à vos yeuxje vous prie
rendu de m'accorder, s'il vous plait, ma propre vie & celle de tout mon peuple,
contre les pour
Juis?.
pour lequel j'implore la clemence de vôtre Maiesté ; Car nous sommes me- jEfther Vil*
VIII. lX.
nacez moi & mon peuple de la derniere calamité ; Ce malheur , Sire , qui X. 1.
est prêt de tomber sur nous, ne peut être que trés-préjudiciable aux interéts Ah Xdu M.
de vos Etats, puis qu'on veut exterminer une nation qui n'a jamais manque à 34i-
aucun de ses devoirs envers vous. Le Roy etonné lui demanda: & qui est avant J. C.
allez hardi pour oser entreprendre une choie si inouïe ; C'est cet homme, cet fOf.
Aman que vous voïez, Sire, qui efi: nôtre ennemi irréconciliable?
A ces mots le Roy sortit de la sale & entra seul dans un jardin planté LIl.
d'arbres, qui étoit là auprès. En même tems Aman tout interdit se levaaus- Aman est
si, & se jettant aux pieds de la Reine, la conjuroit de lui sauver la vie. Sur mis ordre
à mort
par
ces entrefaites le Roy rentra dans la Chambre, & aïant veu Aman aux pieds du Roy.
d'Esther qui étoit couchée sur le lit de,table, il dit : quoi ce malheureux
veut encore faire outrage à la Reine en ma présence & dans mon Palais ! A
peine eut-il prononcé ces paroles, que les Eunuques qui étoient présens, se
sàisirent d'Aman, & lui couvrirent le visage, comme à un homme condamné
à mort. Harbona se souvint alors de la potence qu'il avoit veuë dans la Cour
d'Aman ; il le dit au Roy, qui ordonna qu'Aman lui-même y fut pendu, ce
qui fut exécuté sans délay.
Le même jour le Roy fit présent à Esther de la maison d'Aman, & cette LIll.
Princeiïe aïant fait connoitre que Mardochée étoit son Oncle & son nourri- Elévation
cier, Darius lui donna son anneau, qu'Aman avoit porté auparavant, & Esther de Mardo-
lui remit la maison d'Aman qu'elle venoit de recevoir du Roy. La Reine chée aux
plus
profitant des heureuses dispositions où le Roy se trouvoit le pria de révo- grands
l'Edit ,
quer qu'Aman avoit obtenu contre les Juifs, & de donner d'autres let- honneur?
tres contraires aux premières, qui permissent aux Juifs d'user de représailles delà Cour,
contre leurs ennemis. Darius lui accorda tout ce qu'elle demandoit & lui
dit qu'elle pouvoit faire écrire ce qu'elle & Mardochée jugeroient à propos,
& de le sceller ensuite de l'anneau du Roy.
Tout cela aïant été exécuté, on fit partir des couriers pour porter les se-
condes lettres du Roy dans toutes les Provinces de la domination des Perses,
avec permission aux Juifs de faire main basse sur leurs ennemis,de piller leurs
maisons & de s'aproprier leurs biens. Le même jour treizième du mois
Adar, qui avoit été pris pour l'exercice de la vengeance d'Aman, fut destiné
de même pour exécuter les nouveaux ordres de Darius en faveur des
Juifs.
Mardochée parut alors avec un éclat extraordinaire, revêtu des ornemens
de sa nouvelle dignité; toute la ville de Suses en témoigna sa joie'par des de-
monstrations publiques. Il sembloit aux Juifs qu'une nouvelle lumiere se
levoit sur eux. Ce n'étoit par tout que fétes & que rejouïssances. Plusieurs LlV.
Païens mêmes embrassérent la Religion deLVloyse & les cérémonies des Juifs. Vengean-
Tant cette action deméprilée qu'elle étoit auparavant, étoit tout d'un coup ce que les
Juifs exer-
devenue glorieuse & honorable. cent con-
Le jour marqué par l'edit du Roy, les Juifs répandus dans toute l'eten- tre leurs
due du Royaume dePerse, dans toutes les villes & les bourgades, tirèrent ennemis
publiquement vengeance de leurs ennemis, & leur rendirent le mal qu'ils dans le
Z 3 Royaume
àvoient Perfes.
avoient voulu leur faire. Dans la seule ville de Suses ils tuërent cinq cent
hommes, sans compter les dïk fils d'Aman qui surent enveloppez dans la dis-
grace de leur Pere, mais qui ne furent
pendus que le lendemain quatorzième
d'Adar.
Ce jour-là le Roy dit à la Reine ; Les Juifs se sont pleinement venge de
tué dans Suses jusqu'à cinq cent hom-
ceux qui les vouloient perdre. Ils ont de
mes. Combien croyez-vous qu'il y enrépondit: a morts dans tout le relie de l'em-
-
pire? Que désirez vous encore? Elle Je prie le Roy de permettre
de faire dans Suses ce qu'ils ont fait au
aux Juits de continuer encore demainl'edit
jourd'huy. Darius y consentit, & en fut aussitôt affiché dans cette
Capitale. Ainsi le lendemain quatorzième d'Adar ils tuërent encore trois cens
hommes dans cette ville ; mais ny là, ny dans aucun autre endroit, ils ne
voulurent point toucher à leurs biens. On fit état que dans tout le Roïau-
mille hommes.
me ils firent mourir jusqu'à soixante & quinze communément, cette histoire, &
LV. Mardochée rédigea, à ce qu'on croit
Fête de la fit savoir aux Juifs qui demeuroient répandus dans les cent vingt scpt Provin-
délivrance de l'empire des Perses, la résolution qui avoit été prise dans Suses avec les
ces
des Juifs anciens & les principaux de la nation de célébrer à perpétuité dans toutes
instituée leur ,
délivrance, & de passer le quatorzième jour
les races futures la féte de
par Mar-
dochée & d'Adar dans la joïe, les festins & les rejouiHances, en s 'envoïaiit les uns aux
,
quelques présens, & quelques
Esther. autres des méts de leurs tables, & aux pauvres
aumônes. Cette féte le fait encore aujourd'huy parmi les Juifs avec beau-
de solennité, & dans leurs Synagogues ils li(ëntle livre d "Esther, dont
coup
venons de donner le précis, & a chaque fois qu'on prononce le nom
nous
d'Aman ils font grand bruit & crient à pleine téte en haine de ce persécuteur
de leur nation. Le Livre d'Esther est écrit en hebreu & passe pour Canoni-
chez les Chrétiens comme chez les Juifs. Il s'y trouve néanmoins quel-
que
additions, qui ne se lisent que dans le Grec, & qui ont souffert quel-
ques
que contradiction.
LVI. Pendant que le Seigneur donnoit ces marques si éclatantes de sa prote-
Jeûnes in-
ction à son peuple qui étoit demeuré au de la de l'Euphrate, le Prophéte Za-
stituez par
lesjurs en charié continuoit à prophétiser dans la Judée, & les
Juifs retournez de la
mémoire Captivité, travailloient avec ardeur à perfectionner l'ouvrage duTemple com-
de l'incen- n1encé environ vingt deux ans auparavant.
die du
Temple & vertes Quelques Juifs qui étoient depuis peu de retour dans la Judée,vinrent trou-
de la mort Prétres la quatriémeannée de Darius,& le quatrième jour du neuvième
de Godo- mois qui revient à nôtre mois de Novembre, & leur demandèrent s'ils de-
lias. voient continuer à observer les jeûnes instituez depuis la destrudion duTeln-
Zach. VII.
ple Nabuchodonosor savoir le jeûne du dixième jour du cinquième mois
17111 par ;
du Temple par les Caldéens , & celui du
An du M. ordonné en mémoire de l'incendie
3487- troisiéme jour duseptiéllle mois, institué en mémoire de la mort de Godohas
avant J. G. Chef du peuple & de la dispersion du reste des Juifs qui étoient avec lui.
513. Dans cette occasion le Seigneur adressa la parole a Zacharie & lui dit:
1.V11. Lorsque avez jeune &
Prophéties parlez aux Prétres & au peuple en mon nom : soixantevous & dix ans detivité.czip-
de zacha. pleuré au cinquième & septiéme mois, durant les
ïie sur les
tivité. -
Ea ce pour moy que vous l'avez fait, dit le Seigneur ? Et lorsque jeûnes
vous avez cesse de jeûner , est - ce pour m'obéïr que vous l'avez fait ? N'ai-je parlé. dont on a
pas aujourd'huy à vous faire les mêmes reproches que je vous ai fait tant de ,
fois par les anciens Prophètes, que vous ne cherchez qu'à satisfaire vôtre vo-
lonté, & que vous n'avez d'attachement que pour pratiquer l'extérieur des
cérémonies ? Or voicy ce que le Seigneur desire de vous. Pratiquez la ju-
stice, la charité, la miséricorde. N'opprimez ni la veuve, ni l'orphelin, ni
le pauvre ne formez aucun mauvais dessein contre vôtre frere. Mais c'est
,
en vainque je leur ai parlé; ils n'ont point voulu écouter ma voix. Ils ont
endurci leur coeur comme le diamant C'est pour quoy ma colére s'est al-
lumée contr'eux. J'ai parlé, & ils ne m'ont point écouté ; Ils crieront à leur
tour, & je ne les exaucerai point.
Après ces ménaces & ces reproches Dieu consola son peuple, & lui dit LVIII.
Promesses
par le même Zacharie ? voicy ce que dit le Seigneur des armées : J'ai aimé consolan-
Sion d'un amour de jalousie, je l'ai aimé ardemment, & j'ai été rempli d'in- tes de Za-
dignation pour sesinndélitez; mais enfin je suis revenu à Sion J'habiteray charie à
,
au milieu d'elle; Jérusalem sera rebâtie.On la nommera la ville de vérité; On Sion.
appellera la montagne du Seigneur des armées, la montagne sainte. On ver- Zacb. VIl].
1. 2. 3. (Ô?•
ra encore dans les places de jérusalem des viellards & des personnes d'un
,
grand âge ; On y verra des jeunes gens & des enfans qui s'y réjouiront. - Si
cela vous paroit difficile, le sera t-'il à ma puissance dit le Seigneur des ar-
- ,
mées ? Je feray revenir mon peuple de tous les endroits du monde ils ha-
biteront au milieu de Jérusalem, ils seront mon peuple, & je seray leur ,
Dieu
dans la verité & dans la justice. Le Temple sera rebâti, les campagnes don-
neront leurs fruits en abondance, les cieux verseront leurs rosées , & alors
Juda & Israël seront un sujet & un modèle de bénédiction à tous les peuples;
Ainsi armez vous de force. Le tems viendra où les peuples etrangers vou-
dront habiter dans plusieurs de vos villes & ils iront s'inviter l'un l'autre à
venir au temple du Seigneur en disant : Allons , offrir nos prieres au Seigneur,
allons chercher le Seigneur des armées & ils viendront en foule à jérusa-
lem. Il s'y rendra une multitude de nations ,
& des peuples puissans pour y
adorer le Seigneur des armées & lui rendre leurs voeux. Ces dernières paro*
les regardent visiblement l'etablissement de l'Eglise de J. C. & la conversion
des peuples gentils au Christiaijisme.
Le Temple du Seigneur fut enfin achevé de bâtir le trosiéme jour du LIX.
mois Adar qui est le douzième de l'année sainte, & qui revient au mois de Dédicace
Février dela ,
sixiéme année de Darius fils d'Hystaspe du monde 3489. Alors du Temple
, de Jérula-
les Prétres & les principaux de la nation s'assemblêrent pour en faire la dédi- lem.
cace avec toute la solennité que les circonstances pouvoient permettre. Le 1 1.Esdr.VI.
peuple s'y rendit en foule & fit eclater sa joïe de voir ce lieu rétabli aprés 1^.18.
du M.
une si longue ruine. On y offrit cent veaux, deux cent beliers, quatre cent An94 89-
agneaux enHolocau£tes & en sacrifices d'actions de grâces, pour être employez avant J. a,
en fellin pour la multitude , & outre cela douze boucs en sacrifices d'expia- fil.
tions pour les pechez des douze Tribus d'israël. Les Prétres & les Lévites y
ser virent chacun dans leurs fonctions & onse raprocha autant que l'on put
,
des
des anciens règlemens qui s'observcient à cet egard sous le premier Tem-
Quelque tems aprés cette dédicace on célébra aussi une Paque générale
fait jusqu'à lors. Tout ce qu'il y avoit
avee plus de solemnité qu'on n'avoit
de Tuiss & de Prophétes dans le païs, s'y rendirent, & prirent part à cetteféte.
LX. ' Darius Roy dePerse qui avoit toujours favorisé les Juifs, mourut aprés un
Mort de régne de trente six ans. Xercés son fils lui succéda, & traita toujours les Juifs
Darius fils
d'Hystaspe. avec beaucoup de douceur.
Pendant tout ce tems les Juifs vivoient en paix
Xercés lui sous la domination de ces Princes, étant gouvernez quanta ce
qui concerne
la police & les
succéde. les affaires de la Religion , par leurs Grands Prêtres, & pour
Aa du M. affaires civiles, par les Chefs de Juda de la maiion de David, toujours néan-
3)19. moins dans la subordination des Gouverneurs de Syrie & des Provinces de de-
avant J. C.
481. ça l'Euphrate envoyez par lesRoys de Férié.
.LXI. Artaxercés, surnommé à la longue main , succeda à Xeree"s , dans le
Artaxercés Royaume des Perses ; c'étoit un Prince plein de valeur & de libéralité, qui Et-
Successeur
vorisa toujours la nation Juive. La septiéme année de son régne il permit a
de Xercés des Prétres homme trés-habile dans 1 écritu-
, rénvoïeEs- Esdras fils de Saraïas de la race ,
dras en Ju- re & dans la science des loys des Juifs, de s'en retourner a Jerusalem ; Le
dée. Roy qui en faisoit une estime très-particulière , lui accorda tout ce quluiil lui
i.jEsdr.VU. demanda, & lui donna
une lettre qui lui permettait d'emmener avec en
1,2. ?. <ôc- Judée
du M. tous ceux qui voudroient l'y accompagner, d'y porter tout l'or & l'ar-
An dent qu'il pourroit,& celui qu'on voudroitlui confier pour en faire des ottran-
307. vases iacrezqu on
avant J. C. des au Temple du Seigneur à Jérusalem; Loiiiiii'aussi tous les
463. envoyoit pour l'usage de ce St. lieu, ordonnant à ses Gouverneurs de Provinces
de lui fournirtoutes les choses nécessaires pour le service du les I
temple, & deien-
se aux mêmes Gouverneurs de faire aucune
impoiition lur retres & au-
Officiers de la maison du Seigneur ; Permettant a Esdras d établir dans la
tres
Judée des Magistrats & des Juges pour juger le peuple, & avec pouvoir de
les condamner à mort ou à d'autres peines ielon l'exigence des cas. du premier
Esdras muni de ces lettres partit de Babilonne le premier jour
Ministres du Temple & au-
mois accompagné de plusieurs Prétres, Levites,
Israëlites, & arriva heureusement à Jérusalem le prenlier jour du cin-
tres
nuiéme mois, aïant encore ranlaifé sur sa route plusieurs Juifs de bonne vo-
lonté qui se joignirent à lui pour retourner dans le pais de leurs peres. Ils
fut
s'arrétérent quelques jours sur le fleuve Ahava , & Jorsque ià&Compagnie l'argent & les
entiéremet:lt formée , il mit entre les mains des Prétres l'or
vases sacrez qu'on lui avoit confiez, & les chargea
de les porter a Jeruia em
fr d'en rendre compte. 11 y avoit cent cinquante talens d argent, cent talens
d'or, cent vases d'argent, vingt coupes d'or du poid de mille dragmes aui\
vases d'airain, aussi beaux & aussi brillans, que s'ils emïent été d or.
LXII. Etant arrivez à Jérusalem, ils demeurèrent trois jours a sè repoicr, & le
Esdras arri- Quatrième jour ils portérent au Temple tout ce
qu'ils avoient d'or, d'argent &
ve à Jeru- de vases sacrez, & les remirent par poid & par nombre entre
les mains des Pré-
salem.
tres & des Lévites qui en devoient
-,
étre les gardiens & les dépositaires puis
ils offrirent des Sacrifices au Seigneur en leur nom & au nom de leurs freres
de la captivité, qui leur avoient fourni de l'argent pour en acheter des vi-
ctimes. Enfin ils communiquèrent aux Gouverneurs & aux Satrapes , qui
gouvernoient la Province au nom du Roy de Perse, les lettres qu'ils
avoient reçues du Roy Artaxercés ; & ces Officiers aïant fçu les intentions
du Roy, s'y conformèrent, & favoriséreQ.t en tout Esdras &le peuple du Seig-
neur.
Comme on savoit qu'Esdras avoit reçu du Roy de tres-amples pouvoirs uEsdrJX.
pour le gouvernement du peuple & la réformation des abus , les Chefs du
peuple & les mieux intentionnez vinrent lui dire, que plusieurs de ceux qui
étoient revenus de delà l'Euplirate, même des Prêtres, des Lévites & des Ma-
giHrats, ne s'étoient point séparé des femmes de nation etrangére qu'ils a,.
voient epousées contre le précepte de la loy, qui condamne ces mariages, à
cause du danger de séduction & de corruption du cuite du Seigneur , de la
part de ces femmes d'une religion différente.
Esdras aïant entendu cela déchira ses vétemens, s'arracha les cheveux LXIII.
, à terre accablé de douleur & de tristesse. Deuil
& les poils de la barbe & s'affit
, d'Es dras à
s'aiïemblérent autour de luy & demeurè- J'occaHoa
Ceux qui craignoient le Seigneur,
rent anis sur la pouiliére jusqu'au coucher du Soleil. Alors Esdras se rele- des maria-
vant , & aïant son manteau & sa tunique déchirées, se mit à genoux , & ges con-
étendant ses mains vers le Ciel, fit sa priére , dans laquelle aprés avoir con- tractez
fessé ses pechez & ceux du peuple, il en demande.pardon dans les termes Juifs par les
les plus humbles, & prie Dieu d'avoir compassion de son peuple, de conser- des fem- avec
ver ce petit reste qui étoit de retour dans son païs, & qui malgré tant de dis- mes étran-
graces dont il a été accablé, ne cesse encore de l'offenser, ajoûtant de nouvel- géres. -
les prévarications à ses anciennes infidélitez.
Aprés qu'Esdras eût ainsi prié, il se jetta le visage contre terre devant le LXIV.
Temple de Dieu. A ce spe&acle une foule de Juifs de tout âge & de toutes Les Juifs
conditions, hommes, femmes & enfans s'étant assemblée autour de lui , & promet- tent de
tous fondant en larmes, Sechemias fils de Jehiel, l'un de ceux qui étoient de renvoïer
retour de la captivité, dit à Esdras : Nous reconnoissons que nous avons vio- lesfemmes
lé la loy de Dieu, & que nous méritons tous les effets de sa vengeance. Mais étrangères
à présent faisons alliance avec le Seigneur & renvoïons les femmes étrangères qu'ilsavoient
que nous avons epoulées, avec les enfans qui en sont nez. Levez-vous, en ou sées,
c'est à vous à ordonner, armez vous de force & de courage, agissez & com- x. Erdr.X
mandez. Esdras s'étant donc levé, obligea toute l'assemblée de lui promet-
tre avec serment d'exécuter tout ce que Sechemias venoit de proposer, & ils
le jurèrent.
De là il entra dans l'apartement de Johanan fils du Grand Prétre & y
demeura sans manger, ni boire, pleurant le péché de ceux de Juifs qui avoi-
ent contrasté de ces mariages contre la loy. En même tems les Chefs du
peuple firent publier dans tout le païs, que ceux qui étoient de retour de la
captivité se trouvaient dans trois jours à Jérusalem sous peine de perdre
leurs biens, & d'être exclus de l'alïemblée du peuple du, Seigneur.
Tous les Juifs qui étoient dans le païs s'assemblérent donc, & se rend?-
LXV.
Moïens rent dans le grand parvis du Temple , le vingtième jour du neuvième mois,
que prend qui répond à nôtre mois de Novembre. Le Parvis étoit encore tout
décou-
Esdras vert, parcequ'on n'avoit pas eu la commodité & le loisir de rétablir les gale-
pour faire ries, les portiques & les bâtimens qui devoient l'environner. Le peuple al-
répudier
aux Juifs semblé y
souffrit beaucoup du froid & des pluïes de la saison , outre qu'ils
leurs fem- étoient pénétrez de douleur & de componction pour leurs péchez,& qu'il étoit
mes étran- question d'une affaire qui deplaisoit à plusieurs.
,gères.
Alors Esdras se levant au milieu d'eux, leur dit : Vous avez violé la loy
i. Esdr. X. epousant des femmes étrangères. Rendez donc aujourd'huy
10. &c. du Seigneur en
An du M. gloire au Dieu de vos Peres,*séparez-vous des nations infidèles , & renvoïez
35 vos femmes idolâtres. Tout le peuple répondit à haute voix : Que ce que
l'assemblée est nombreuse,
vous avez dit, soit fait & exécuté ; mais parceque
& que pendant ce mauvais tems le peuple ne peut demeurer ainsi exposé à
l'injure de l'air, que d'ailleurs cette affaire n'en: pas l'ouvrage d'un jour ni de
deux, qu'on établisse des Juges &;des C0l11nlifTaires dans chaque ville,& que
tous ceux qui ont épousé des femmes étrangères, s'assemblent au jour qu'on.
leur marquera, jusqu'à ce que nous aïons détourné de dessus nos tétes la co-
lère de nôtre Dieu, que nous avons provoquée par ces mariages contraires à
la loy.
Jonathan fils d'Azahel, & Johazia fils de Thecüé furent nommez pour
présider à cette affaire, & Esdras avec les principaux Chefs des familles,alloi-
ent par les maisons, pour voir ceux qui avoient contracté ces sor tes de maria-
ges. Ils furent deux mois entiers à faire ces exa.lnens & ces informr.tions, &
il s'en
trouva cent quatorze, qui avoient épousé des femmes étrangères, dont
piusieurs avoient eu des enfans. On procéda ensuite à la dissolution de ces.
mariages & à la répudiation de ces femmes.
t.Esdr. IX. Nous ne voïons pas par l'Histoire ce qui en arriva alors, mais treize ans
I. x. ?. ($c. après Nehemie étant arrivé en Judée, on travailla de nouveau à séparer les
, des femmes Idolâtres, qu'ils avoient epousées contre la loy qiu
Israëlites , ce
fait croire, ou qu'Esdras ne put venir à bout de son entreprise , ou que les
Juifs retombèrent dans leurs premiers désordres , Esdras n'aïant pas appare-
ment été soutenu, comme il auroit fallu, pour remédier aux maux qu'il trouva
dans le païs.
LXV]. En effet la vingtième année du Roy Artaxercés a la longue main,un Juif
géhenne nommé Hanani, nouvellement venu de Judée avec quelqu autres de sa na-
Aperçoit !e Nehen1ie qui étoit Rchsiifon du Roy Artaxerc(I,s chins ion
triste état

x Esdr. /.
tion,
le
vint

pais.
trouver
de sa patrie Palais à Suses. Nehemie lui
Ils lui :
répondirent
demanda comment tout alloit à Jérusalem & dans
Le peu de Juiss qui y demeure, est dans iiii état
i. a. ?. ($c. humilié, dans l'affli<Sion & dans l'opprobre , la ville de Jérusalem eu toute
An du Iv!. ouverte ses murailles font renversées r & ses portes consumées pai le
355:0.
feu. ,
A cette triste nouvelle, Nehemie fut pendre de douleur.
potifliére pendant plusieurs jours, il pria &
Il jcinu
confl
,
Hi ,
il
demeura assis dans la i<. ^

pechez & ceux de son peuple; il s'humilia en la présence du Seigneur , cV:


Lui
lui demanda par d'instantes priéres, qu'il lui pIÚt de donner unhe-ureuxsuccé's
audessein qu'il avoit de demander au Roy la permission d'aller enJudée,& d'y
rétablir les murs de Jérusalem a pour tirer cette ville de l'opprobre où elle
étoit.
S'étant ainsi disposé à cette entreprise par la priere il se présenta devant LXVIL
le Roy pour faire son office d'Echanson. Le Roy aïant 5
remarqué dans Ion Nehemie
demande
visage quelquè altération, & lui aïant trouvé l'air plus abbatu qu'à l'ordinaire, &obtieni
lui dit : Pourquoi avës-vous le visage si triste, quoique vous ne paroissiez pas la .perniif-
malade? Cela n'est pas sans sujet; 11 faut que vous cachiez dans vôtre cœur G on de re-
quelque mauvais dessein, & que vous méditiez quelque trahison Nehemie tourner ça
à ces paroles fut saisi d'une très-grande crainte & il lui répondit , : ô Roy, Judée.
,
vivez éternellement. Comment pourrois-je n'être pas accablé de tristesse,
voïant que la ville, où font les tombeaux de mes ancêtres, est toute ruïuée,&
que ses portes sont brûlées.
Le Koy lui dit: Que voules-vous que j'y fasse ; En même tems Nehemie
élevant intérieurement son cœur à Dieu, lui dit : si ma demande ne déplaît
point au Roy, & si j'ay trouvé grâces à vos yeux je vous suplie de me per-
mettre d'aller en Judée, pour y rebâtir la ville où , sont les sépulcres de mes
Peres. Le Roy & la Reine qui étoient à table, lui dirent : Combien dure-
ra vôtre voïage, & quand reviendrez-vous ? Il leur marqua un certain terme
limité, & le Roy lui accorda la permission qu'il délirait.
En même tems Nehemie lui demanda aussi des lettres pour les Gouver-
neurs des Provinces de dela l'Euphrate, afin qu'ils lui fournîiïent une escorte
pour faire le voïage sans danger, & qu'il qongât ses ordres au Grand Maître
des foréts du Roy afin qu'il lui fût permis de prendre les bois nécessaires
,
pour couvrir les portes & les murs de la ville, & la maison qu'il devoit habi-
ter, ce qui lui fut accordé libéralement , parceque Dieu favorisoit son entre-
prise.
Nehemie arriva heureusement à Jérusalem, & y demeura trois jours sans
rien dire de son dessein. Le troisiéme jour il se leva la nuit. & étant monté NehemieLXVIU.
sur sa monture ordinaire, il alla accompagné de qùelqu'uns de ses
gens pour arrive à
faire le tour des murs de la ville,& examiner l'état où elle se trouvoit. 11 Jérusalem
sortit par la porte de la vallée, passa devant la fontaine du dragon, vint à la & entre-
porte du fumier , &.il trouva que ce qu'on lui avoit raporté de l'état de la réparer prend de
ville, n'étoit que trop vrai ; que ses murailles étoient renversées & ses portes les
murs de
brûlées. ^ Il étoit encore nuit, quand il rentra dans la ville par la même porte Jérufatcm.
qu'il en étoit sorti, aïant fait tout le tour des murs. 2. Esdr. il.
Lorsqu'il eut veu par lui-même l'état des choses il assembla les Magi- 1.2. ?.
,
strass & les premiers de la ville, leur déclara la résolution Ill. IV.
qu'il avoit prise, & An du 14-
leur montra les ordres du Roy, & la permission qu'il avoit de rebâtir les
railles de Jérusalem ; il les exhorta à seconder ses bonnes intentions & à mu-
iO.
vailler avec ardeur à ce grand ouvrage. Il trouva ces gens dans les meilleures tra-
dispositions du monde, & on commença à se mettre à l'ouvrage.
Dez qu'ils eurent commencé à travailler ; Sanaballat Horonite & Tobie LXIX.
Ammonite, Gouverneurs des Samaritains, ou Chutéens, anciens ennemis des Oppofiti-
lia z Juifs, on des ca-
Démo des Juifs, se raillèrent de leur entreprise & dirent avec une espéce d'Însulte : Que
Juifs au ré- voulés-vous faire? Cela ne sera-t'il pas interprété comme une revolte contre
tabli ffe- le Roy? Nehemie leur répondit: C'est l'ouvrage du Seigneur , c'est lui qui
ment des nous l'a inspiré, & c'est- pour sa gloire que nous l'avons commencé.

Pour
murs de faire icy: Cette affaire ne vous regarde point. Jéru-
Jérusalem. vous, vous n'avez que
salem n'est pas de vôtre gouvernement ; nous sànlnies munis de pouvoirs &
de permissions de la part du Roy, nous ne vous reconnoissons point.
LXX. Nehemie pour faire une plus grande diligence, avoit partagé l'ouvrage
Maniere entre les principales familles du païs lesquelles travailloient, ou faisoient
dont Ne- travailler à leurs dépens dans l'étendue ,
des murs qui leur étoit marquée.
hemie fait emploïant à l'envie. Sa-
travailler L'ouvrage s'avançait considérablement, chacun s'y
aux murs naballat continuoit à s'en railler & disoit :
Que font ces pauvres Juifs ; les
de Jérusa- peuples voilîns les laisseront-ils faire ? Espérent-ils d'achever cet ouvrage &
v. lem. de le conduire en l'état où ils en puissent faire la dédicace avec les cérémo-
nies ordinaires ? Emploieront-ils pour bâtir ces pierres,à moitié consumées
Laissons bâ-
par le féu& ces tas de poussiére? Tobie Ammonite ajoutait : dessus lesles
tir ; s'il vient des renards contre leur ville, ils sauteront par murs,
ou ils les creuseront par dessous & les renverseront. Nehemie aïant
sçu ce
:
qu'ils disoient, s'adressa au Seigneur & lui dit Vous voïez, mon Dieu , que
Ecou-
nous sommes devenus la fable du monde & le mépris des hommes ;
tez leurs insultes, & les faites retomber sur leurs têtes ; qu'ils deviennent eux-
mêmes meprisables dans un païs de captivité , que leur péché ne s'efface
point de devant vous ; parcequ'ils nous ont miiilté dans cette entreprise.,
de vôtre se-
que nous n'avons faite que sous vos auspices, & dans l'espérance
cours. -
D'un autre côté les Samaritains, les Arabes * les Ammonites & les Phili":
stins voïant que les murs de Jérusalem étaient fort avancez, & que les brè-
ches étoient réparées, entrèrent dans une grande colére, & résolurent de ve-
nir à main armée contre ceux qui travailloient a cet ouvrage. Le peuple
averti de leur dessein fut sur le point de tout quitter Mais Nehemie les ral-
sura, & leur dit de ne rien craindre, qu'il mettroit si bon orde à tout , qu'ils
ne courroient aucun danger. En effet il établit des gardes sur les murs,
pour observer tout ce qui se passeroit au dehors, & en meme il
tems ordon-
de telle maniéré
na au peuple de se ranger en travaillant au dédans des murs

JLXXl.
Les gens
mie tra.
combattre....
& à telle distance les uns des autres, qu'ils pussent s'entresecourir dans le
besoin. Ainsi il-s travailloient tout armez , aïant leurs epées à leur cotez ou
auprés d'eux, en sorte qu'en cas d'allarme, ils se trouvoient toujours prêts à
Quant aux gens & aux domestiques de Nehemie, ils étoient distribuez
de Nehe- de telle sorte, qu'il
l'ennelui, &
y en
l'autre
avoit toujours moitié en armes & préparez a rece-
moitié étoit,- le reste du peuple, occupée au
vaillent voir comme
aux murs travail, de telle sorte néanmoinsrqu'au premier
lignai ils étoient en état de
de Jérusa- courir aux annes & de se désendre. De plus on avoit mis dans chaque atte-
lem parta- lier des personnes qui avoient des cors ou des trompettes, pour avertir de
gez par l'approche des ennemie dez-qu'onles verroit paraître; lans cela, comme on
Brigades.
travalloit à une distance assés-grande les uns des autres, on auroit pu être sur-
pris en un endroit, sans que ceux qui étoienteloignez, pussent accourir au se-
cours, faute d'être avertis à tems.
Jusqu'alors les Juifs qui avoient leurs demeures av la campagne, s'en re-
tournoient tous les soirs coucher dans leurs maisons, & revenoient le matin
vaquer à leurs travaux; mais depuis ces allarmes Nehemie leur ordonna
pour
de demeurer dans la ville , pour leur propre seureté & pour celle de leurs
freres, & afin qu'ils fussent toujours préts à travailler ou à combattre. Pour
& de ses gardes ils ne quittoient
ce qui est de Nehemie , de ses serviteursils couchoient , vétus là, où ils se
point leurs habits pour dormir ; mais tous
trouvoient, aïant seulement de l'eau auprés d'eux pour besoin , afin de n'être
pas obligez de sortir & de se séparer. XIl.
L'avarice & la dureté des riches faillirent en ce même tems de causer LX Plaintes
sédition parmi les Juifs. Les pauvres & le menu peuple avec leurs fem- des juifs
une
mes, vinrent saire de grandes plaintes contre ceuxd'enfans,qui les opprimoient par pauvres
leurs exaél:ions.Les uns disoient; nous avons trop vendons-les pour contre l'a-
avoir de quoi vivre;d'autres disoient engageons nos héritages & nos maisons varice des
pour nous nourrir ; D'autres disoient : sommes-nous de pire condition que autres
Juifs.
nos freres, pour voir nos enfans réduits en servitude, & nos champs engagez 2. Esdr. TT.
a eux pour payer les tributs
du Roy? I. 2.
Nehemie fut vivement touché de ces plaintes ; il fit de grands reproches An du M.
il mo-
aux riches & de leur avarice & de leur dureté, & aïant assemblé le peuple,
dit aux riches: Nous avons tiré nos freres de la servitude pour leur procurer
la liberté de retourner dans leur patrie, & vous les y réduilez aujourd'huy de'
nouveau. Voulez-vous nous obliger de les racheter de nouveau , aprés que
vous les aurez vendus aux Gentils? Les riches ne surent que répondre à cela.
Il ajouta : Pourquoy ne marchez-vous pas dans la crainte du Seigneur , &
pourquoy nous exposez-vous à l'insulte de nos ennemis ? Mes gens & moy5
avons fait de grands prêts à nos freres ; Quittons-leur tout ce qu'ils nous
doivent les uns & les autres, rendons-leur leurs gages, & païons même pour
eux le centième qu'ils ont donné jusqu'icy aux Gouverneurs du païs. Les
Magistrats & les Principaux de l'assemblée ne purent résister à ces discours,
& Nehemie les obligea de lui promettre avec serment,qu'ilsn'exigeroientrien
de -tout ce qui leur étoit deÙ par leurs freres.aprés quoy secoüant ses habits,
il dit: que tout homme qui n'exécutera pas ce qu'il a promis, soit ainsi se-
coüé & rejetté de Dieu, loin de sa maison, privé du fruit de ses travaux , &
réduit à l'indigence.Tout le peuple repondit Amen, & l'assemblée se sépara en
loirant Dieu. LXXIII.
Les murs de Jérusalem étant présqu'entiérement rétablis & ne restant Les murs
, de Jérusa-
plus que les portes à placer, Sanaballat, Tobie & les autres ennemis des Juifs, lem sont
envoïérent à Nehemie pour l'inviter à venir à la campagne, en uncertainlieu entière-
qu'ils lui marquoient pour faire alliance ensemble, & se jurer réciproque- mentache.
, Ce n'étoit qu'une couverture pour l'attirer Y.Esdr.Vl
ment une amitié inviolable.
hors de la ville & le faire périr. Nehemie le comprit aisément & leur fit 2. 3. ȧC-
1%
dire que tant d'occupations sérieuses le retenoient à la ville qu'il ne pouvoit
,
aller à leur rendez-vous. Ils lui firent dire la même choIe jusqu'à quatre fois;
mais il sçut toujours trouver des excuses.
A la fin ils lui écrivirent une lettre conçue en ces termes. Il court un
bruit que vous avez réiolu de vous révolter contre le Roy, que vous affectez
la Royauté des juifs & que c'est là vôtre but en rép:1rant les murs deJéru-
,
salem. On dit de plus que vous avez aposté de faux Prophètes dans la ville
pour relever vôtre nom & pour dire, qu'il faut vous établir Roy dans le païs.
Comme la chose est d'une grande consequence, & que nous tommes obligez
d'informer Artaxercés, venez nous trouver, afin que nous en délibérions en-
semble & que nous sâchions ce qu'il conviendra d'écrire. Nehemie méprisa
ces accusations & n'y fit point d'autre réponse, si non que la chose étoitfaut:
se, & qu'il en répondoit sur sa téte.
Tout cela ne fit pas rallentir son zèle. Il continua à presser l'ouvrage
des murs & des portes avec toute la diligence possible. Il entra un jour chez
un nommé Semeïas qui vouloit pafser pour Prophète. Cet homme dit à
Nehemie, que ses ennemis devoient venir la nuit dans la ville pour le tuer ;
( qu'il lui conseilloit de le retirer dans le Temple & d'y passer la nuit, & qu'il
s'y rendroit avec lui,pour prendre ensemble les mesures convenables; Nehe-
mie repondit : Un homme en la place où je suis, doit-il s'enfuir ? Suis-je
Prêtre moi pour ôser ainsi entrer dans le Temple? Alors il reconnut que Se-
meïas n'étoit qu'un impolteur, qui avoit été gagné par ses ennemis.
Les murailles de Jérusalem furent achevées & mises en état de défense en
cinquante deux jours, marque de l'extrême diligence qu'on aporta à les bâ-
tir. Les ennemis même des Juiss en furent surpris & regardèrent la chose
comme un effet sensible de la protection de Dieu. Tobie Ammonite avoit
un parti dans la ville qui lui donnoit avis de tout ce qui s'y passoit; Ces gens
affedoient de parler de lui d'une manière avantageuie en présence de Nehe-
mie, pour voir ce que celui-ci en diroit, afin de le rapporter à Tobie; mais
Nehemie se tenoit sur ses gardes & ne disoit que ce qu'il vouloit bien que
tout le monde sçut.
LXXIV. Quand les portes furent mises, il en confia la garde à des personnes fi-
Précau-t déles, & ordonna aux bourgeois de Jéru[alen1,d'y faire sentinelle tour à tour,
tions de & de veiller à la garde des murailles chacun à l'endroit de sa maison, de peur
Nehemie de surprise. Il dit Gardiens des portes de ne les laisser ouvrir que quand
pour pré- aux
venir sa sur il seroit grand jour, & en leur présence. Après toutes ces précautions ce sa-
prise de Jé- ge & pieux Gouverneur songea à faire la dédicace des murs de Jérusalem.
rusalem. Pour cet effet il manda tous les Prétres & les Lévites qui demeuroient à la
campagne , afin de rendre par teur présence, la cérémonie plus respeétable.
Il y invita aussi le peuple des environs, & donna tous les ordres nécessaires
pour que la chose se passat d'une manière convenable.
LXXV. Pourse disposer à faire la dédicace des murs de Jérusalem, les Prétres se
Dédicace purifièrent & purifiérent le peuple qui devoit allilter à la cérémonie, &
des murs & participer , offrir dans Dédicace; On puri-
aux sacrifices que l'on devoit cette
des portes l'eau d'ex-
de Jérufo- .fia aussi les murs & les portes, en les arrêtant avec l'eau luitrale &
Jem. piation. On les visita aussi exactement, de peur qu'il ne s'y rencontrât quel-
que
les souiller. Tout cela 2 Esdr.
que Corps mort, ou quelqu'autre chose capable de .
se fit avec les priéres & les rits accoutumez dans semblables occasions. 1. 2, 3.
du M,
Aprés toutes ces préparations éloignées, & le jour pris pour la cérén10.. An
3 5 )0.
nie lorsque les Prêtres , les Lévites & le peuple furent assemblez dans le
, deux composées de
Temple ; Nehemie les rangea en deux bandes, toutes
Prêtres, de Levites , de Magistrats & du commun du peuple , à peu prés
nombre égal. L'une de ces bandes fut destinée pour aller processionnelle-
ment le long des murs d'un côté de la ville, pendant que l'autre bande aUoit

faisant chacune le demi- ,


,
de même le long des murs de l'autre côté de la ville, en forte que marchant
chacune de son côté & s'avancant l'une à droite, & l'autre à gauche, &
cercle ou le demi tour de la ville, ils se rendissent
chacun de son côté & tous ensemble au Temple du Seigneur où la proces-
sion avoit commencé & où elle se termina.
Les Princes du peuple & les Magistrats étofent à la tété ; Les Prêtres sui-
voient sonnant des trompétes sa crées. Aprés les Prétres venoient les Lévites
chantant & joüant de leurs instrumens ; Le peuple fermoit la marche. La
procession le rendit d'abord à la porte du fumier qui étoit à l'Orient de la ville
& du Temple. Là elle se partagea ; Une partie alla du côté du midy, tirant
vers la porte de la fontaine, & l'autre du côté du Septentrion , vers la porte
des chevaux. Tout le monde marchoit sur les nouveaux murs. La pro-
cession étant rentrée dans le Temple, les deux Choeurs s'y rangérent vis à vis
l'un de l'autre. Alors on COm1118hça à offrir des sacrifices, & cependant le .
ion des trompétes le chant des Lévites le bruit de leurs instrumens les
cris de joië du peuple ,
formoient un bruit ,qui s'entendoit de fort loin, & qui
attendrit toute l'assèmblée. Le tout se termina par des repas de charité & de
,
dévotion, & par de solemnelles adions de graces au Seigneur.
Aprés avoir ainsi pourveu à la seûreté de la ville par de bonnes murailles LXXVt
& de solides portes Nehemie considérant que la ville étoit mal peuplée, & Nehemie exhorte
qu'il y avoit peu de , maisons bâties, résolut de la remplir de maisons & d'ha- les Juiss de
bitans. Il fit faire un exacte dénombrement de tout le peuple qui étoit de la campa-
retour de la captivité, afin d'en porter une partie à s'établir dans la ville. Il gne à venir
les y exhorta dans une assemblée générale que l'on tint sans doute dans s'établit
où dans J crit-
une des trois fétes lolemnelles, & l'on fit en même tems une cueillette salem.
chacun, stlon ses facultez contribua à rebâtir les maisons de la ville & à
, ,
donner au Temple des ornemens pour l'usage des Prêtres. Tout le peuple
se collisa libéralement & la cueillette fut trés abondante veu l'etat où le
, ,
peuple étoit réduit. LXXV ÎL
Dans cette même assemblée, qui se tint le premier jour de l'année civile, Esdras fait
qui commence au mois de Septembre & où l'on célébre la féte des Trom- lefture de
pétes, le peuple pria Esdras Dodeur dela , Loy, de leur faire le&ure du livre la loy de
de la loy. Esdras aporta donc le volume, & étant monté sur une tribune Dieu.
2. Esdr. 8'..
préparée exprés, il ouvrit le volume tout le monde se leva par respect & se Au com-
,
tint debout ; puis Esdras s'etant prosterné contre terre pour adorer Dieu, les. mence-
assistans en firent de même. Enfin s'etant relevé Esdras commença à lire en ment de
hébreu la loy du Seigneur, pendant que treize Prétres , l'an 39ÇP-
ou Lévites qui étoient ayant J..G'",
à ses 449'.
à ses cotez, faisoient faire silence, & expliquoient au peuple en CaIdéen ou
en langue vulgaire du païs , ce qu'Esdras leur lisoit , car depuis la captivité
de Babilopne,plusieurs n'éntendoient plus assez l'hébreu pur , pour le pnifer
d'interprètes. Tous les assistans entendant cette lecture, fondoient en larmes;
Mais Esdras & Nehemie les conioloient & leur disoient de ne ie point atfii-
ger ,'parceque ce jour étoit un jour de féte.
Aprés qu'Esdras eut lu jusqu'à midy, 0.11 congédia l'assemble'*e , & Nehe-
mie dit au peuple : Allez dans vos maisons, rejouïssez - vous au Seigneur,
faites des repas de charité, que ceux qui ont à manger en envoient aux pauvres,
& leur fassent part de leurs biens, parceque ce jour est un jour de rejouïssance,
& que la joïe du Seigneur fait toute nôtre force.
rLXXTlllI. Le lendemain le peuple s'etant de nouveau rendu au Temple, pria Es-
Fête des dras de lui lire l'endroit de la loy, où est contenu ce qui regarde la tete des
Taberna- tentes. Il leur lut & leur expliqua la loy qui ordonnoit de faire cette folenl-
cles célé- nité le quinziéme du premier mois, & en même tems on envoïa dans tout le
brée àje- publier que cette féte se célébreroit au jour marqué ; Le peuple
Iu[alem. païs pour
se rendit donc à Jérusalem pour le quinzième du premier mois de l'année ci-
vile, & chacun y fit des tentes & des loges de verdure pour s'y loger pen-
dant huit jours, en mémoire de ce que leurs peres avoient passé quarante ans
sous des tentes dans le désert. Pendant tous les jours de cette octave, Esdras
lut au peuple la loy du Seigneur & la leur expliqua , comme il avoit fait le
jour de la fête des Trompettes. #
LXXIX. On a remarqué cy-devant que lors de la prise de Jérusalem par les Cal-
Découver- déens, Jeremie conseilla à quelques Prétres du Seigneur d'aller cacher le feu
te faite du sacré qui se conservoit toujours ardent sur l'autel des holocauites, dans une
feu sacré, à l'Orient de Jéruiàlel11. Nehemie aïant été bien informé
caché au- citerne sans eaux
tre fois par de cet événement & de ses
circonstances, envoïa chercher ce feu par les de-
Jérémie. scendans des Prêtres qui l'avoient autre fois caché. Ceux-ci ne trouvèrent
:2,.Macc. 1. plus dans la citerne aucune apparence de feu, mais une eau bouëuse & epaisse.
18.19. &c. Ils firent leur rapport à Nehemie, qui leur dit d'en puiser & de lui en ap-
An du M. en
35? r. porter.
On la répandit sur le bois & sur les hosties disposées sur l'autel des
ayant J. C. Holocaustes, & tout d'un coup le soleil qui auparavant étoit couvert de nua-
449. ges, commença à luire, & le feu prit au bois & consuma lessàcrifices: : Ne-
hemie sit prendre le reste de cette eau , & l'aïant fait jetter sur de grandes
pierres qui étoient là , ces pierres furent incontinent couvertes de flammes;
Mais le feu qui brûloit sur l'autel, sauta sur ces pierres & absorba les flammes
qui y étoient allumées.
Ce miracle fit grand bruit, & donna un grand credit à Nehemie. Le
peuple aïant ainsi veu se renouveller les miracles arrivez sous Moyse & sous
Salomon , ne douta plus que le Seigneur ne fut entièrement reconcilié avec
Israël. Le Roy Artaxercés informé de ce prodige , donna ordre que l'on
environnât le lieu où cette eau avoit été trouvée, & que dans la suite cette
place fût regardée comme sacrée & invio-lable , & les Juifs pour célébrer la
mémoire d'un événement si remarquable, instituérent la féte du feu nouveaux,
quise célébroit en même tems que celle des tentes ou des Tabernacles.
Après
Aprés l'Octave de cette féte, Nehemie fit de nouveau examinerl'affaire LXXX.
des femmes étrangères, qui avoient épousé de maris hébreux. Esdras avoit Leslsraëli-
déja quelques années auparavant entamé cette question , & le peuple avoit tes se (^pa-
des
promis de renvoïer ces femmes avec leurs enfans;mais ou la chose n'avoitpas rent femmes
été exécutée, ou les Juifs avoient repris ces femmes; De maniere que Nehe- étrangères
mie trouva le mal à peu prés au même état qu'il étoit auparavant, & comme qu'ils
il étoit révétu de toute l'autorité nécessaire -pourzse faire obéir, il obligeatous avoient .r
avoient contraél:é de mariages si contraires à la loy de répu- épousées.
ceux qui ces , 2.E¡dr.IX.
dier leurs femmes & de renvoïer leurs enfans , ce qui fut exécuté dans la ri- i~4c.
gueur. An du M.
Les maris qui étoient tombés dans cette faute, se rendirent à *'la maison 35-î*-
de Dieu pour en demander pardon. Ils y parurent dans l'humiliation, dans
le jeûne, couverts de sacs, chargez de poussiére, ils confefsérent leurs pechez
& ceux de leurs Peres, & s'humilièrent devant le Seigneur. On demeura
au Temple tout le jour ; On y lut la loy à quatre reprises, & quatre fois ils
adorérent le Seigneur prosternez contre terre , & lui rendirent de folemnel-
'les actions de grâces. Le peuple écoutoit la ledure debout & dans un grand
respe(ff, & après la lecture, ils se pr.osternoient le jjfage surie pavé, pendant
que les Levites montez sur une tribune elevoient leurs voix, & prononçoient
les prières auxquelles le peuple joignoit son attention.
Pour profiter de ces heureuses dispositions du peuple, Nehemie propo- IX XXI.
Nouvelle
sa de jurer une nouvelle alliance avec le Seigneur. Les Prétres, les Lévites, alliance
les Princes du peuple en dresiTérent l'aéle & le signé*reil-t au nom de la nation, des Israëli-
& tous les autres donnérent leurs paroles & promirent avec serment d'obser- tes avec le
Seigneur.
ver à l'avenir plus fidèlement les loys du Seigneur. Ils s'engagèrent en par- 2. Esdr. X.
ticulier à ne prendre jamais pour femmes des personnes idolâtres, & d'une re- l.Z.
ligion étrangère, & de ne donner leurs filles à des maris d'une autre -religion
& d'une autre nation. Ils promirent de plus de garder fidèlement le jour de
Sabbat, & de n'acheter aucune chose ces jours-là de ce que les peuples gentils
leur voudroient vendre & enfin d'observer l'année sabbatique sans cultiver
,
la terre & sans exiger aucune dette de leurs débiteurs. LXXXllr
On renouvella aussi la loy qui imposoit une Capitation sur tous lesIsraë- Tiers de
htes pour satisfaire aux charges de la maison de Dieu. Moyse avoit ordon- sicle payé
né un demisicle par tête à chaque Israëlite Nehemie aïant égard à la pau- par tête
, cha-
vreté du peuple, se contenta d'un tiers de sicle par tête. Ce tiers de sicle est en- par
que Mraëli-
viron onze Ibis de nôtre monnoïe. On jetta au fort qui aporteroient le bois te au Tena-
pour l'usage du Temple , & qui seroient les Prétres qui entretiendroient le ple du
feu perpétuel. Les Nathinéens ou serviteurs du Temple, le recevoient le Seigneur.
plaçoient & le préparoient, les Prétres le mettoient sur l'autel, depuis ce tems ofep/). Ca)
peuple 1.2
on fit une espéce de fete nommée Xylophoriâ(a) au jour que le aménoit de Bello
au Temple le bois dont on vient de parler. c. 17.
Enfin on renouvella les anciens réglemens observez avant la captivité, L-VXXII-I
mais interrompus depuis plusieurs années, de payer à l'avenir aux Prétres & On-ordon-
Levites ne de
aux les dixmes, les premices des fruits de la campagne , & d'aporter
Temple les & des animaux,afin de les racheter & payer aux
au premiers nez des enfans Prêtres les
elixmes & d'en donner le prix aux Prêtres. Pour conclusion on tira au sort, afin que fil
les pré- dixième partie du peuple de la campagne fixât sa demeure dans Jérusalem,
mices des avec les Princes des peuples, les Prétres & les Lévites. De cette tarte Jéru-
sruits &c. salem devint bientôt
une ville trés peuplée, & trés puissànte.
IXXXIV Apres que Nehemie eÚt heureusement accompli l'ouvrage, pour lequel
Nehemie il étoit venu en Judée il s'en retourna à Sures auprès du Roy Artaxercés,
,
retourne à dont il étoit Echanson, ainsi qu'on l'a veu;
laCour du & obtint ensuite la permission de revenir
Il demeura quelque teins à la Cour,
Roy Arta- une sécondé fois en Judée , pour
xercés. voir si tout y alloit bien, & si le peuple étoit demeuré fidéle au Seigneur, &
2..Esd.XJII avoit exécuté les promesses qu'il avoit faites. Ce fut vers l'an du monde 3S 66.
1.2.5.4-&c. environ quinze aprés qu'il en étoit parti.
An du M. ans
Il trouva qu'un certain Tobie Ammonite ennemi des Juifs, avoit épou-
giii. sé
avant J. C. une fille d'un des premiers de Jérusalem, & que le Grand-Prétre lui avoit
449. permis d'occuper un apartement dans le Temple du Seigneur. Nehemie ne
An du M. put souffrir un tel abus ; il sa voit que par la loi du Seigneur. ( <ï) il est
3i(j6. défendu aux Ammonites & aux Moabites d'entrer dans la maison du Seig-
avant J. C.
neur; C'est pourquoi il s'arma de zèle, & fit jetter hors du Temple tout ce
434.
à
(a) Deut. qui apartenoit Tobie, & ordonna qu'on purifiât l'apartement qu'il avoit oc-
XX111. 3. cupé. '*4*
LXXXV. Il remarqua aussi qu'on violoit hautement le repos du Sabbat, qu'on y
Abus sur le
violement travailloit aux vendanges, & qu'on vendoit & achetoit ce jour-là au marche,.'
du Sabbat. comme en un jour ordinaire. Il fit sur cela de gros reproches aux Magi-
strass qui toléroient cet abus; & pour empêcher que les étrangers ne vinf-
sent aporter quelque chose à vendre ces jours-là il fit garder les portes de
,
la ville par ses gens & ordonna qu'on les tint fermées, depuis le vendredy au
,
soir, où commence le repos du Sabbat, jusqu'au Samedy à même heure.
LXXXVI Un autre abus qui fut encore réformé par Nehemie, fut que plusieurs
Mariages Juifs epousoient.des femmes Philiitmes, Ammonites &Moabites,&enavoient
(les l[radi-
des enfans qui parloient un jargon mêlé d'hebreu & du langage de leurs
tes avec
des sem- meres, où même qui parloient les deux langues , celles de leur pere & celle
mes étran- de leur mere. Nehemie s'élevafortement contre cet abus, reprit avec véhé-
géres.
mence ceux qui avoient contracté de tels mariages, leur donna sa malédi-
ction, en fit battre quelqu'uns fit arracher les cheveux à d'autres, & leur fit
,
promettre avec serment,de ne plus tomber dans une pareille transgression, &
de ne pas donner leurs filles pour femmes à des étrangers.
LXXXVII. Le Prophète Zacharie vivoit encore, & prophétisoit dans Juda. O11
Prophéties Prophétes aprochent du tems du Messïe,
de Zacha- remarque qu'en général plus les
rie tou- plus leurs prédictions sont expresses, claires & distinctes sur ce grand evene-
chant la ment. C'est ce qu'on remarque principalement dans celles de Zacharie. Il
venue du parle de la venue de J. C. & de Ion entrée à Jérusalem en ces termes : (el)
Melïïe. Filles de Sion, rejûuijfez- vous ; filles de Jérusalem, pouffez des cris d'allégresse, voici vitre
Ca)
Zacb. IX. I{O) qui vient à vous, ce jufle qui eji le Sauveur : il est pauvre & il efl monté sur
9. Il. une ânesse, sur le poulain de Pânejfe.... Il annoncera la paix aux nations , & sa
puissànce s'étendra depuis une mer jUsqu'/, l'autre.... C'est vous qui par le fang
de votre alliance avez fait sortir vos captifs du fond de la citerne sans eaux ils
, ou
et lient
OU'efl-ce que le Seigneur a de plus excellent n donner à fin peu-
ttoient enfermez- .. • lïlus
ple, si non le froment des & le vin qui fait germer les vierges ?
(a)
Il patle en termes prophétiques (a) des guerres qu'Antiochus Epipha- Zach. IX,
de la vengeance que le Seigneur devoit
nes devoit faire contre les Juifs, & Il Romains
8.
exercer contre ce Prince impie. marque la guerre des contre X2.3.4.
les Juifs, & la rupture de l'ancienne alliance, qui étoit entre le Seigneur &le XII. 1.2.
&c.
peuple Juif, pour faire place à une nouvelle alliance; dont J. C. devoit êtrele
niediateur.'&(b) fi/on alliance fut donc rompue en ce jour. là ; 6c' je leur demanday ma Ch)
Zach.Xh
récompense, ils pêserent trente pié6es d'argent, qu'ils me donnèrent pour mon salaire, é*
qu'ils je 7.8..tQ.
le Seigneur me dit: Allez, jettez illm statuaire cette belle somme, ont cru que va- fâc...
lois, lorsqu'ils M'ont mis a prix \ j 'alliy à la ni aijàn du Seigneur les porter a un potier
de terre &c. M parle encore de la conversion des Gentils au Christianisme,
des persécutions que l'Eglise Chrétienne doit souffrir , & de la vengeance
& la maniere
que Dieu exercera contre les persécuteurs. On ignore tems
le
de la mort de Zacharie. ixxxvm*
Malachie le douzième & dernier des petits Prophétes, av vécu aprés les iMalachie
, 3

Prophétes Aggée & Zacharie puisque de son tems le Temple étoit bâti & dernier <
, avoit alors dans le de
le peuple vivoit en repos dans la Judée; mais il y païs des petits
grands abus, même parmi les Prétres , qui deshonoroient leur caradére &le Prophètes, prédi.
lacré miniitére, par leur mauvaise vie. Il parle des mêmes désordres que ses

;
étions:
nous avons déja veu sous Esdras & sous Nehemie savoir les mariages des
,
Hébreux avec des femmes étrangères & idolatres l'avarice & la dureté des ri-
ches envers les pauvres ; la négligence des particuliers à payer les dixmes & i
les prémices aux Ministres du Seigneur.
Ce Prophéte parle de la venue du Sauveur dans lestermeslesplus clairs; Je LXXXIX
envoïer Ange ( c'est saint Jean Baptiste) qui préparera la voie devant »i,i face, Prophéties
vas mon sur la ve-
bientôt le Dominateurque vous cherchezl'Ange de l'alliance que vous dêsirez)viendra du
seulement nuë
dans Ion Temple. Le voicy qui vient, dit le Seigneur des armées, qui pourra Mellie.
penser au jour de son avenement ou qui pourra soùtenir sa veüe ? Car il sera comme (a)
,
le feu qui fond les métaux, & comme l'herbe dont se servent les foulons, pour épurer Malach.
& pour blanchir. III.1.2.3.4.
Il parle ailleurs (b) du grand jour du jugement en ces termes : Je vous 00
eri-ioïeray le Prophéte Elie; avant que le grand & terrible jour du Seigneur arrive. Il Malacil.
IV.
réunira les coeurs des Pe;-es, avec les enfans, & le coeur des Enfans avsc leurs Peres , de
peur que je ne vienne & que je ne frape la terre d'anathéme. Quelques anciens ont
cru que Malachie étoit le même qu'Esdras , d'autres ont dit que c'étoit un
Ange incarné. Le nom de Malachie en hébreu, signifie un Ange ou un Envoie
de Dieu. On ne sait rien ni de la vie, ni de la mort de ce Prophéte.
L'Ecriture ne nous aprend pas l'année de la mort d'Esdras ni celle de XC.
Nehemie. Ces deux grands hommes furent suscitez de Dieu après le retour Mort d'Es-
de la captivité pour rétablir son culte dans sa pureté parmi les Juifs, & pour Eloge. dras, son
réformer les désordres qui s'étoient introduits dans cette nation toujours in-
conilante & peu fidéle. Nous lisons dans les livres des Maccabées (a) que O)
Nehemie pour rendre à son peuple un service permanent,assembla dans Jéru- 2. Macc.
salem une richeBibliotéque, où il rassembla tout ce qu'il put trouver de livres 11. 13.
des Prophètes,de David & des Roys qui avoient fait desprélens
, au trésor
du Temple. On met sa mort vers l'an du monde 3^80.
La memoire d'Esdras est en bénédidioil chez les juifs & chez les Chréti-
ens. Plusieurs anciens lui. ont attribue avec beaucoup de probabilitélerecueil
des faintes Ecritures de l ancien Testament tel qu'on le
4\Esdr. trouve encore au-
XIV. jourd 'hui dans les Bibles des Juifs. ,
Il y en a même qui ont avancé que les
livres SS. aïant été ou consumez par les flammes dans le lac de Jérusalem &
duTenlple., ou perdus & dislipez durant la longue captivité de Babylonne,
Esdras inspiré de Dieu les avoit écrits de nouveau tels que les avons
,
depuis son tems, mais ce dernier sentiment, quoiqu'aÍsez , nous
tiquité, n'est point soîltenable. Les livres SS. n'ont jamais commun dans l'an-
été entièrement
perdus. Esdras a bien pu les recueillir & les revoir, mais
de non pas les compo-
fer nouveau.
JCCi On lui attribue aussi, d'avoir changé l'ancien caractère hébreu dont
Anciennes se servoit depuis Moyse jusqu'à la captivité on
lettres des de BabyIonne y
& de lui avoir
Juifs chan, substitue le caractère caldéen, que les Juifs ont plus communément emploie,
,
gées par depuis le retour de la captivite, & dont ils se servent encore aujourd'hui. Oh
Esdras. ignore le tems de la mort de ce grand homme digne d'une éternelle mé-
moire, à cause principalement du soin qu'il a eu de recueïllir & de conter-
,
ver les livres sacrez de l'ancien Testament.
JCCI1. Depuis les livres d'Esdras & de Nehemie, jusqu'aux Maccabées
Le Grand. n'avons plus d'Ecriture sacrée dont nous puissions prendre la luite de , nous
Prétre Je- stoire fainte. Nous serons obligez , l'hi-
sus est, tué pour ce tems là. d'avoir recours à Joseph
dans le l'Historien Juif, (b) qui nous aprend que le Grand Prétre Eliasib qui vivoit
Temple, lous -Nehemie,eut pour successeur Juda son fils,à celui-ci succédajean ,
oujona-
par son than dans la souveraine sacrificature.Il avoit un frere nome Jesus, qui aïantfait
frere. amitié avec. Bagoses Gouverneur de la Judée de la part du Roy de Perse,
(O espéroit par le moïen de ce Gouverneur,' de parvenir à la grande sacrifica-
tfofepb.
Antiq.l.Xl ture a 1 exclusion de son frere. Un jour les deux freres se prirent de qué-
'.7. rell.e dans le Temple, & Jesus fut tué par Jean. Bagoses en colére vouloit
entrer dans le lieu saint pour venger la mort de son ami, & comme les Pré-
tres s 'y opposoient, il leur crioit : Malheureux vous venez de fouiller ce
lieu par le sang que vous avez répandu,& vous voulez ,
interdire l'en-
nous en
trée ? Sommes-nous donc plus impurs que ce cadavre que je vois étendu
dans le lieu saint?
Il entra donc maigre leur résistance, & les condamna à lui païer chaque
jour cinquante dragmes, ou environ 20. livres de notre monnoye, cha-
pour
que Agneau qu'ils immoloient dans le Temple. Au Grand Prêtre Jean suc-
ceda Jaddus, qui eut un frere nomme Manasic, qui epousa la fille d'un
mé Sanaballat, Gouverneur de la Province de Samarie & dont il sera nom- parlé
JCCllI. dans la suite. ,
Ochus Roy Les Juifs en ce teins-la faisoient trés-peu de figure dans le monde
de Perfc ; Ils
en Phéni- étoient sot.,mis aux Perles, comme les autres peuples de Phénicie & de Syrie.
cie & en Il y a lieu de croire qu'ils eurent quelque part à la guerre & à la révolté des
Judée..
Phénix
Phéniciens contre la Perse, puis qu'aussitôt après la prise d'e Sidon (tl) Ochus Ca)'
entra en Judée, & y assiégea & emporta la ville de Jéricho. Il fut aussi ap- Syncell.c,.;ex
Salin. 5-

paremment reçu dans Jerusalem & dans les autres villes du païs , puisqu'il sifricano.
emmena plusieurs Juifs captifs en Egypte, où il leur donna des terres à cul- Oros. /.3i.
tiver, & qu'il envoïa beaucoup d'autres en Hircanie , ou il les établit le long c.7. tfofepk
de la mer Caspienne. exHeeat£O-
1. contra
Pendant qu'Alexandre le Grand délibéroit sur la grande entreprise dont 1.Appion.
il étoit chargé de la part des Republiques. de la Gréce, de faire la guerre aux An du M.-
Perses, (b) il vit en songe le Grand Prétre des Juifs avec les ornemens de sa 365?.
dignité, qui l'exhortoit à palier au plûtost en Asie * parceque Dieu lui pro- avant J. C.
mettoit la victoire contre Darius Codomannus &, qu'il l'avoit destiné pour XCIV. 347-
ruiner l'Empire des Perses. Alexandre qui ne ,connoissoit alors ni les Juifs, Vision
ni leurs Grands Prétres, ne fit pas grande attention à son songe, mais dans la d'Alexan-
fuite il en comprit le sens, lorsqu'il en -qit l'acconlpfissenlent. dre le
Etant occupé au siége de Tyr, ville fameuse de Phénicie, qui obéï{soit Grand.qu'il
avant
aux Perses, il envoïa au Grand Prétre Jaddus, pour lui demander les mêmes fit la
secours de vivres & d'argent qu'il avoit jusqu'alors donné aux Perses ; C'é- guerre aux;
,
toit lui demander,.qu'il renonçât à la domination des Perses, & qu'il se foÚnJit Perses.
à son Empire. Jaddus lui fit réponse, qu'étant engagé par la religion du ser- \b~)foftpfr..
Antiq.l.Xli
ment à obéïr & à conserver la fidélité au Roy de Perse , il ne pouvoit lui c.u-ltimo.
obéïr, ni satisfaire à ses desirs. Alexandre le menaça de mener contre lui son An du
armée, & de réduire Jérusalem à Pobéïfîanee par les armes dez-qu'il auroit 3670..
achevé le siége de Tyr.- , XCV.-
Pendant le même tems Sanaballat Gouverneur du païs de Saularie,voïant. Jaddus re.--
s-tife des
bien que les forces de Darius étaient ruïnées- dans la Syrie, & qu'il n'étoitt vivres à
état de faire résistance à Alexandre, prit le parti d'aller trouver ceCon- Alexandre
-
pas en
quérant, & de lui méner un secours de huit mille hommes au siége de Tyr le Grand.
Alexandre le reçut fort bien, & Sanaballat profita, de cette circonstance.pour An du
;
demander à ce Prince, qu'il lui plût d'accorder la iouveraine sacrificature des g 671. C..
J.
Samaritains à Manassé son gendre, que lesjuifs avoient chassé de Jérusalem,en avant ^9-
haine de son mariage avec Nicaso fille de Sanaballat. Que les Samaritains sui- XevJ.
voient la loy de Moyse, de même que les Juifs, que jusqu'alors ils n'avoient Sanaballat
encore eu ni Temple ni Prêtres: Il falloit pour cela l'autorité souveraine qui se déclare Ale-
les y autorisât.. Alexandre n'eut pas de peine à,accorder à Sanaballat, ce pour xandre le
qu'il demandoit. Les Samaritains bâtirent un Temple sur le mont Garizitn Grand,
prés la ville de Sicheni, & Manassé frere de Jaddus en fut le premier Grand pendant Ic-
Prétre. iïége de
La ville de Tyr fut enfin forcée de se rendre à Alexandre après avoir Tyr
soiitenu sept mois un siége trés opiniâtre. , XCVii. '
Alexandre reçut ensuite à son Alexandre
obéïssance toutes les villes de la Palestine & résolut de se transporter àjé- le Grand
îusalem, pour punir le Grand Prêtre Jaddus, & tout son peuple de leur des- vient àjé-
obéïssance,. & reduire la ville par la force des rusalem &
armes , si elle s'opiniâtroit à est rcçl1t
lui vouloir résister. A la veuë du danger Jaddus assembla le peuple, & l'ex- yparJadduSi.
horta a s 'adresser à Dieu par de ferventes prieres, pour lui demander son assi-gofepb.,
stance dans cette peuileuib conjoncture. Il pria lui-m'èiiie,, & offrit des Sbîtiq.l.M
li-b 3 Sac ri- c. ait*
An du M. Sacrifices, pour détourner de dessus sa nation les effets de la colére de
3671.. Dieu.
Ses voeux & ses priéres furent exaucées. La nuit suivante le Seigneur
lui apparut, & l'aiant rassuré, lui dit d'aller au devant d'Alexandre accompa-
gné des autres Prétres revétus de leurs ôrnemens, & de Lévites aussi avec les
instrumens dont ils se servent dans le Temple; de se taire suivre par tout le
peuple en habits blancs, & de recevoir le Roy dans cet appareil. Le Grand
Prétre fortifié par cette apparition, fit toutes les dispositions nécessaires pour
recevoir Alexandre de la maniéré que Dieu lui avoit ordonné, & lorsque ce
Prince fut prés de Jérusalem, tout d'un coup Jaddus fit ouvrir les portes de
la ville, & sortit en procession au devant de lui; Il marchoit à la téte des Pré-
tres avec ses ornemens sacerdotaux, & tout le peuple suivoit comme dans une
pompe de religion.
XCVlll. Alexandre qui ne s'attendoit point à cela fut surpris à la veuë d'un
,
Alexandre speftacle si peu ordinaire ; Ses Officiers & ses troupes étoient ravis en admi-
se proster- ration, considérant la Majelté & l'ordre de cette marche; le Roy s'aprochnnt
ne devant & voïant plus distindement le Grand Prétre avec sa robbe traînante de bleu
le Grand
o.
Prêtre des céleste, brochée d'or aïant sur la poitrine le rational avec ses douze pierres
Juifs. prétieuses, & sur la téte, sa Tiare pontificale; portant sur le front la lame d'or,
où étoit écrit, la sainteté ejî au Seigneur. Il s'aprocha avec respecr, salua le Grand
Prétre, & adora le nom de Dieu-qu'il portoit sur son front; En même tems
le peuple revétu d'habits blancs, se rangeant en couronne autour du Roy, fit
des acclamations réitérées, lui souhaitant toutes sortes de prospéritez & une
longue vie.
Les Roys de Syrie & les Courtisans qui l'accompagnoient, ne savoient
que penser de cette conduite du Roy. Parmenion prit la liberté de lui en de-
mander la cause ; Et comment lui , devant qui les Potentats & les Grands se
prosternoient, avoit pu se résoudre de s'abbaisser jusqu'à terre en la présence
du Grand Prêtre des Juifs. Alexandre lui répondit ; Ce n'en: point à ce Pon-
tise. à qui j'ay voulu rendre cet honneur , C'est à Dieu même dont il est le
Ministre & qui m'apparut dans cet habit & sous cette forme en la ville de
,
Dio; Lorsque je délibérois comment je pourrois assujettir l'Asie, il m'encou-
ragea à faire cette entreprise, & dez que j'ay veu ce Grand Prêtre, la pensée
m'est venue de ce que je vis alors en longe , & de la promesse que Dieu me
fit de m'accorder l'empire & la conquéte de la Perse. Ainsi j'ay plus d'espé-
rance que jamais de surmonter Darius, & de venir à bout de tout ce que j'ay
dans l'esprit.
Aprés cela il embrassa Jaddus & entra dans la ville, & étant monté au
Temple, il en admira la beauté , l'ordre & la majesté des cérémonies. On
lui déféra l'honneur d'offrir les victimes pour le hlcrificé, mais le Grand Prétre
exécuta ce qui étoit de sa dignité & de son ministére. On lui montra ensui-
te les Prophéties de Daniel, où il étoit dit qu'un Roy de Gréce renverseroit la
1
domination des Perses; Il ne douta point que cette prédiction ne le regardât,
& sortit du Temple fort satisfais
Le
Le lendemain aïant assemblé les Prétres & les Princes du peuple, il leur XCIX,
témoigna le contentement qu'il avoit de leur {oûmiffion, & qu'ils pouvoient Alexandre
lui faire telle demande qu'ils voudroient. Ils se contentèrent de le prier de le Grand
accorde
les laisser vivre selon leurs Loys, sans les contraindre de suivre les usages des
leur accorder l'exemption année, étoit aux Juifs le
Grecs, & de de tributs la septiéme qui droit de
pour eux une année de repos, où ils ne faisoient aucune recolte. Alexandre vivre sélon
le leur accorda très-volontiers. Ils le priérent aussi de vouloir bien, quand il leurs Loys
auroit conquis les Provinces de dela l'Euphrate, faire la même faveur aux Juifs &c.
de ce païs; Ce qu'il leur promit aussi; Enfin il leur dit, que si quelqu'un d'eux
vouloit servir dans ses armées, il les y recevroit, plusieurs, s'enrollérent
volontairement.
Les Samaritains aïant sçu ce qui s'étoit passé à l'égard des Juifs, vinrent c:
aussi au devant d'Alexandre, & le priérent d'honorer leur ville de sa présence; LesSamank
Mais il s'en excusa, disant qu'il le feroit à son retour. Ils lui demandèrent de mandant tains de-
plus qu'il -lul plût leur accorder l'exemption de tribut la septiéme année, ne à Alexan-
cultivant pas la terre cette année non plus que les Juifs; Alexandre leur dit: dre les niê-
De quelle nation etes-vous ? Ils répondirent qu'ils étoient Hébreux d'origine, mes grâces
mais que les Phéniciens leurs voisins les appelloient Sichemites. Le Roy a- accordées qu'il avoit
joûta: Etes-vous Juifs? Ils répondirent: Non. Or je n'ai accordé cette grâ- aux juifs
;
ce qu'aux Juifs, répliqua Alexandre, à vôtre égard je me ferai instruire à mais ils ne
mon retour, & je ferai ce qu'il faudra faire; Ainsi il ,les renvoïa. Il prit seu- les obtien-
lement avec lui les Soldats Samaritains qui l'avoient servi dans le siége deTyr, nent pas.
& les ména en Egypte.
Il fit la conquéte de ce païs avec une facilité étonnante étant favorisé C7.
, Alexandre
par les Egyptiens, qui neipouvoient souffrir la domination des Perses, qui les le Grand
traittoient avec un souverain mépris, & se railloient de leur religion & de leurs punit les
Dieux. Il revint ensuite dans la Phénicie où aïant apris que les Sanlaritains Samari-
avoient brillé dans une émeute populaire la, maison d'AndromaqueGouverneur tains du
dela Province (a) Il fit mourir tous les Samaritains qui se trouvèrent meurtre
coupa- qu'ils avoi-
bles de cet attentat, chassa les autres de la ville de Samarie, mit en leur place ent com-
une Colonie de Macédoniens, & donna le surplus de leurs terres aux Juifs; mis dans la
Les autres Samaritains qui échapérent, se retirérent dans la ville de Sichem, personne
qui devint par là la capitale de leur Nation. du Gou-
De là ce Conquérant se rendit à Tyr, où aprés avoir sacrifié à Hercules verneur de
la provin-
Tyrien, il donna ordre à ses troupes de marcher vers l'Euphrate, résolu de ce.
combattre Darius par tout où il le pourroit rencontrer ; mais il faut réserver. goJepb.
le reUe de l'Histoke de ce Conquérant pour un autre tems. tiq. 1. X.
L'Ecriture nous donne en peu de mots le précis de sa vie, & son caradé- Appion. 1. 2. contrà

re par ces paroles (b) Alexandresils de Philippe, qui fut premiérement ifyjy de la Gré- An du Mt
ce , vainquit Darius 4y des Perfès & des Médes, donna plusieurs batailles, prit les villes 3672-.
les plus fortes, mit à mort les Rpys de la terre. Il passà jusqu'aux extrémitez du monde, (4)
Curt. 14"
s ernicbit des dépouilles qu il prit aux lhltic:'lS, & réduisit la terre h demeurer dans le si-
c.. Eufvb.
coeur s"ele-dî ü s'en- Cbronir,
lence devant lui. Il sè rendit maître des Pxoys & des peuples, son
fla de vanité $ Après cela il tomba malade, & reconnut qu'il devoit bientôt mourir. Alors Cedren.
il appella les grands de sa cour, qui avaient été nourris
avec lui déz sa jeunesse, & leur par- };lace... &
f.
t.igea 1,2.7,4.^.
tagea fin empire, avant qu'il mourût. Il régna douze ans & mourut; & ses fervitews
roffidérent sin empire chacun en son lieu.

L1VRE XV.

1.
ROme aïant été fondée par Romulus., ainÍi que nous l'avons vu, ne fut
Histoire d'abord qu'un amas allez informe de chaumieres, ou de huttes faites à
Romaine. la hâte. Le Palais même du Fondateur & du Chef de la Colonie, n'étoit
Premier
de la construit que de joncs, & couvert de chaume. Les Romains pendant letems
etat de lenrs plus grandes prosperités voulurent le conserver religieusement dans
Ville de
Rome. son etat primitif. Il subsista jusqu'au tems d'Auguste qu'il tilt consumé par
, de n'employer
le feu; jusqu'alors on s'étoit fait un point de Religion, que le
jonc & le chaume pour en réparer les ruines.
La nouvelle Colonie n'étoit composée que de trois mille trois cens hommes.
Romulus la partagea en trois ordres. Les premiers furent honorés du nom
de Peres & de Senateurs, leur fonction étoit de rendre la jultice; ils ne furent
d'abord qu'au nombre de cent. Le reste du peuple étoit encore sousdivi-
sé en Patrons ; C'est ainsi qu'on nommoit les plus riches & les plus appareils
du peuple & des Plebeïens, & en Cliens, ou iimple peuple, qui étoient atta-
chés aux Patrons, ceux-cy les aidoient de leur crédit & de leurs biens pour
les protéger contre la puissance des Grands.
Romulus auroit pu se maintenir par l'autorité & par la force dans la qua-
lîté de Roy, ou de maître absolu de la Colonie. Tl aima mieux devoir au
peuple sa superiorité, & lui laisser le choix du gouvernement qu'il voudroit
suivre. 11 les assembla, & leur exposa, qu'il y avoit plusieurs sortes de gouver-
nemens, le monarchique , l'arittocratique & le populaire ; qu'ils pouvoient
1
choisir celui qui seroit le plus de leur gout. ils choisirent sans balancer le
monarchique & le proclamèrent Roy de Rome. 11 sè donna alors un habit
,
qui le distingua , & des gardes pour la seureté de sa personne. Il en choisit
douze & leur donna le nom de Lit/eurs. Pour ses troupes, il prétendit que
tous ses Citoïens seroient Soldats dans l'occasion; Il partagea tout ion peuple
en trois tribus, & mit des Chefs à leur tête sous le nom de Tribuns. LesTri-
bus furent partagées en Curies, & les Curies en Decuries. Chaque Curie &
chaque Decurie avoit ses Commandans fixes, dans les divers quartiers de la vil-
le, & répondoit chacune à son Capitaine, qui la convoquoit aux assemblées,
il. & la commandoit en campagne.
Ancienne
Religion La Religion fut d'abord fort simple , & fort modeste chez les Romains.
dés Ro- n'embrassoit que lesDivinîtés consacrées parEvandre, & apportées
mains fort Leur culte
simple. de Phrygie en Italie par Enée. Chaque Curie avoit son Temple, ses Dieux
Dion.,"!]: & ses Prétres particuliers. On s'aslembloit en certains jours marqués dans
Halicarn. des salles ou l'on faisoit des festins de Religion, & où l'on mangeoit des vian-
I.2.C.20.21 '
des immolées aux Dieux. Les principaux Prêtres turent tirés des familles Pa-
tricien-
triciennes, & les subalternes des familles honorables. Leurs femmes seules
îàisoient les tondions de Prétresses, & leurs enfans jusqu'à l'âge de puberté, ser-
voient au ministére des autels,sous les ordres de leurs Peres. Chaque Curie
choisilToit son Prétre, & il étoit egalement defendu & d'acheter le iacerdoce
à prix d'argent, & de le faire dépendre de l'incertitude du sort.
Outre les Prétres dont on vient de parler, Romulus institua des Aruspi-
ces, & des Auspices. Les premiers furent pris de l'Etrurie, ou de la Tosca-
ne, où leur art étoit plus en réputation ; ils prédisoient l'avenir par l'inspe-
ction des entrailles palpitantes des vidimes récemment immolées; lesAuspi-
ces annonçoient ce qui devoit arriver par l'observation du vol & du chant
des oiseaux. Ces observations toutes frivoles & toutes arbitraires qu'elles
iu{senten elles-mêmes, étoientconsideréesavec resped,& determinoient pour
Pordinaire aux plus importantes entreprises, ou en détournoient les plus
grands hommes & les peuples entiers.
On remarque dans les loys qu'il préscrivit aux Romains,des traits d'une ill
sagesse peu commune. Il punissoit de mort une femme qui avoit manqué à Loys de
la fidélité conjugale, ou qui avoit bÚ du vin ; Croyant sans doute que l'u- Romulus
iage du vin étoit la source de la corruption des moeurs & des désordres des Dionys.Halicarn.
mariages. Les parens de l'accusée étoient les Juges dans ces cas, & les pe- 1. 2. c. 14.
res étoient dans leurs propres familles comme des Souverains ; usant envers i î 16. 2o.
leurs enfans du droit de vie & de morr, selon les circonstances, pouvant les 2t.,2^26.
punir, les chatier, les deshériter les vendre même jusqu'à trois fois. 27.
,
Dans le dessein d'attirer dans Rome un grand nombre de citoïens Ro- IV.
,
mulus y ouvrit un azyle aux esclaves maltraitez de leurs maîtres ou las de Rome de-
leur domination, aux criminels poursuivis pour leur crimes aux , débiteurs vient l'A-
des
inlolvables, ou même de mauvaise foy. Il elt surprenant que ,ce nouveau Roy zyle Etrangers.^
attirât dans sa Colonie des gens si capables de la corrompre, & si propres à
y attirer la guerre de la part de ses voisins mécontens. Il couvroit tout cela
du prétexte de la religion & erigea dans la ville un Temple au Dieu des A-
zyles, comme pour s'autoriser par là à récevoir toutes sortes de gens. Il y
garda même au commencement quelquesmesures, en n'admettant point ces
habitans ainsi nottez dans l'intérieur de la ville. Il leuraffigna pour demeu-
re le Mont Saturnin, qui fut depuis nommé le Mont Capitolin, & qui étoit
pour lors au dehors de la ville , mais dans la suite cette montagne fut ren-
fermée dans l'enceinte de Rome, & on ne distinguaplus les anciens citoïens
de ces nouveaux venus.
On s'aperçut bientôt que la colonie ainsi composée ne pouvoit subsi- V.
sser sans femmes. On en demanda aux villes voisines & sur leur refus la Enlève-
,
jeunesse Romaine vouloit qu'on leur fit la guerre. Romulus trouva des
un moïen ment
plus aisé & moins odieux. On avoit découvert vers ce même tems un autel Sabines.
Tit. Liv.
lotis terre,conJàcré à Neptune equestre, apparemment à cause que Neptune 1.I.Dionyj:
étoit consideré comme le créateur du cheval,l'aïant, disoit-on, fait sortir de la Ralicar.
terre d'un coup de ion trident. Romulus donna à ce Dieu le nom de Confus, 1. 2. c.
à cause du bon conseil dont il lui attribuoit le succés. Ce conseil fut de célé- An de Ro-
brer des jeux & d'inviter les peuples du voisin^ige à une assemblée célébre, me e-4. da
M. 3260.
qui se devoit tenir à l'occasion de la découverte du nouvel autel. Le con-
avant J. 6 ours y fut trés-grand, le Roy présidoit aux jeux, vétu d'un habit rayé nom-
740. mé en latin Trabea ? C'étoit au commencement du mois d'Aouit, & les fpe-
ftacles durérent assez longtems. Le dernier jour de la féte, Romulus aïant:'
donné lesignal qui étoit de.plier & de replier sa robe, tout d'un coup les Ro-
mains qui avoient caché leurs armes sous leurs habits, & qui s'étoient exprés
aprochés des filles qu'ils s'étoient destinées pour femmes, les enlevèrent,me-
naçant de mettre à mort ceux qui voudroient les empêcher.
Les étrangers s'enfuïrent & les Romains dezle lendemain célébrérent
leurs mariages avec ces filles, en, la présence &, par la médiation de Romulus .
qui y présida. Comme le plus grand nombre de ces filles étoit de Cure
ville de Sabins, on les connoit plus particulièrement sous le nom de Sabines.
Il y en eut, dit-on, jusqu'à six cent quatre vingt trois d'enlevées , ou sélon
d'autres, cinq cent vingt sept, il ne lé trouva parmi elles qu'une seule fenl-
me mariée nommée Herfilit. On enleva une Sabine d'une beauté iingulié-
ré, que l'on voulut ravir à ceux qui la portoient, parcequ'ils étoient des der-
niers du peuple ; mais ils se défendirent en criant, qu'elle étoit deltinée à
Thalaffius, jeune Romain d'une famille illustre ; delà vint, que dans la suite
le nom de Thalassio, dans la célébration des noces , devint un cri de joïe &
de bon augure. Une autre cérémonie usitée dans les mariages des Dames
Romaines en mémoire de l'enlevement des Sabines, c'est qu'on les suportoit
sous les bras, en entrant dans la maison de leur Epoux, comme pour marquer
qu'on les enlevoit de force du logis de leur pere.
Les Sabins revenus de leur première fraïeur se plaignirent aux Ro-
mains de l'injure faite à leurs filles & à eux-mêmes.Ik redemandèrent leurs fil-
les, avec promesses toutefois de donner en mariage celles qu'on pourroit
demander dans les regles. Romulus ne refusa pas cette proposition pour
l'avenir, mais demanda que les Sabins agréassent & ratifiaient les mariages
déjà faits.
VI Pendant qu'on porte des propositions de part & d'autre , Acron Roy
Guerre d'une bourgade nommée Cenine, déclara la guerre à Romulus,& fit le ravage
ti'Aeron sur les de Rome. Romulus à la tête de les gens lui livre la ba-
contre les campagnes
Romains. taille, & dans la chaleur du combat les deux Chefs s'étant défiez mutuellement
An de les deux armées s'élargirent & formèrent un cercle, au milieu duquel Romu-
Reme 4. lus & Acron commencèrent à se battre homme à homme dans ce moment
Romulus voüa à Jupiter, s'il lui accordoit la victoire, de lui, consacrer un tro-
phée des dépouïlles de son adversaire. Acron fut vaincu & depouïllé, & les
Céninéens prirent la fuite.- Les Romains les poursuivirent & entrérent péle-
mêle avec eux dans Cenine. Romulus rasa la place & en transporta les ha-
bitans dans Rome, leur y accordant le droit de bourgeoisie.
VII. Romulus entra dans Rome portant sur ses- épaules les armes d'Acron,
i. Triom- disposées en trophée sur le tronc d'un chéne. 11 avoit sur la tête une cou-
phe de de laurier, son armée l'accompagnoiten armes une partie marchant
K omult-ts. ronne ,
devant lui & l'autre derriére lui. Il alla ensuite 4u mont Saturnin , ou Ca-
pito.
pitolin & y déposa ion trophée dans le Temple dejupiter Feretrien qu'il y
,
avoit bâti, & qu'on y vit encore longtems depuis.
Peu de tems aprés les habitans de Crustumne & d'Antemne attaquent les VIII
Romains pour le même sujet de l'enlevement de leurs filles. Ils firent le dé- Guerre
des
gat dans les moissons des Romains ; mais ils furent vaincus, & l'on transpor- mainsRou- eon-
ta dans Rome les habitans des deux villes. Hersilie, dont nous avons parlé, tre ceux
& qui epousa sélon les uns, Romulus lui-même , & sélon d'autres, Hostus,,de Crusttt-
d'où sortit Tullus Hostilius, l'un des Roys de Rome, Hersilie, dis-je, & les au- xne &
tres Sabines s'enlploïérent à obtenir la grace des vaincus , & à les faire rece- d'Antem-
An de
voir dans Rome, comme Citoïens. Ainsi se fortifiait par la valeur tempérée ne. Rome J.
de la douceur & de la clemence, le regne de Romulus, & tels furent les fon- du monde
demens de la grandeur Romaine. Quelques peuples des environs, ou re- 3260.
doutans le courage de Romulus,ou charmez de la douceur de son Gouver- avant j. 6.
nement,se rangèrent volontairement sous sa domination. Un Chef des Etrus- 740.
nommé Cœlius lui aména toute sa troupe, & on lui donna pour sa de-
ques
meure une montagne située alors hors de Rome , à qui il donna le nom de
mont Cœlius.
Bientôt les anciens murs de Rome se trouvèrent trop reflerrez pour con- IX:
tenir une si grande multitude. On enferma le Capitole dans son enceinte sement Aggrandîr.
de
& on bâtit sur cette montagne une Cidatelle,dont le commandement fut con- la ville de
fié à un nommé Tarpeïus; de là on tira une muraille jusqu'au Tibre & dans Rome. An
Carmentale, ,
cette muraille on ouvrit la porte ainsi nommée à cause de Car- de Rome
du
ilie nta, qui y avoit sa demeure. 5. mon-
Les Sabins n'aïant pu obtenir par- la voie de la négociation la répara- de 3261.
demandoient de l'insulte leur , avant J. C.
tion qu'ils faite à nation par l'enlevement de W
leurs filles, résolurent d'en tirer vengeance par les armes. Titus Tatius Roy
de Cures fut choisi pour commander l'armée.Avant que d'en venir aux actes
d'hostilitez, il envoïa de nouveau sommer Romulus de rendre les filles aux
Sabins. Romulus répondit que celles qui avoient le plus d'intérêt à deman-
der la réparation de l'injure & de la violence , ne se plaignant point,& étant
contentes de leur sort, il ne pouvoit se résoudre à les envoïer. Sur cette
réponse on commença la guerre. L'armée des Sabins étoit, dit on, de vingt
cinq mille hommes de pied & de mille chevaux. Celle des Romains n'étoit
que de vingt mille hommes & de huit cent chevaux ; & encore y avoit-il
avec eux bon nombre d'Etruriens & de Soldats envoïez par Numitor Roy
d'Albe Ayeul de Romulus. Titus Tatius s'avance en bon ordre vers Rome,
& se campe dans le champ de Mars. Romulus place ses troupes sur le mont
Esquilin, & celles des Etrusques commandées par Lucumon leur Roy, sur le
mont Quirinal; Les gens de la campagne amenérent leurs bestiaux au pied
des murs de la'ville, & les enfermèrent dans une enceinte bien fortifiée,
Le Chef des Sabins reconnut -aisénientà la contenance & à la disposition X.
Tarpeïa
des troupes de Romulus, qu'il lui seroit malaisé de les attaquer. Heureuse- livre le Ca-
ment pour lui une jeune fille nomméeTarpeïa fille du Gouverneur de la Cita- pitole aux
delle, aïant veu les bracelets & les anneaux que portoient les Sabins, dans le Sabins. An
teins qu'elle étoit allée puiser de l'eau au pied de la montagne, fit dire au Roy de Rome
LC 2 Titus 6. 7. s.
Titus Tatius, qu'elle souhaitoit lui parler pour une affaire de conséquence, &;
qu'elle l'attendroit à une certaine poterne. Tatius s'y rendit & Tarpeïa s'en-
gagea à lui livrer le Capitole , pourveu qu'il lui donnât ce que les Soldats.
portoient au bras gauche. Tatius promit tout ce qu'elle voulut. Tarpeïa
touchée de repentir, envoïa donner avis à Romulus que Tatius la nuit sui-.
vante devoit entrer au Capitole, par la porte qu'elle lui désigna. Le mefla-"
ger au lieu d'aller avertir Romulus , découvrit à Tatius tout le complot.
Celui-ci se rendit à la poterne en plus grande compagnie'qu'on n'étoit con-
venu, & entra sans résistance dans la Citadelle, Les Sabins pour se venger
de la perfidie de Tarpeïa sans toutefois manquer à leurs promesses la
, ,
chargérent des boucliers qu'ils portoient au bras gauche, & l'accablèrent sous
leur poid.
Xl. Les jours suivans se passérent en escarmouches, & enfin l'on en vint a
Vi&oirede une bataille. Elle se donna dans l'enceinte de Rome même; Ce qui fait ju-
Romulus ger que le dénombrement que l'on nous a laissé des deux armées, est beau-
contre les coup exagére. Romulus rangea son armée entre le mont Palatin &. le Ca-
Sabins. An
de Rome pitole. Le Général des Sabins rangea la tienne au pied du Capitole,
6. 7. 8. d'où il descendit. Le premier jour on se battit avec beaucoup d'o-
piniâtreté, mais la vidoire demeura indécise, & la nuit sépara les combattans,
les jours suivans furent employez à donner la sépulture aux morts, & à re-
mettre les troupes de leurs fatigues.
On en vint ensuite à une fécondé bataille. Romulus commandoit l'aile
droite, & Lucumon l'aîle gauche. Ces deux Chefs firent plier les Sabins
chacun de son côté; mais au centre l'on combattit longtems avec une valeur
égale ; jusqu'à ce qu'un Sabin nommé Metius Curtius ébranla les Romains,
& poussa quelques compagnies Romaines jusqu'aux portes de la ville; Mais
Romulus étant accouru au secours des siens ,repoussa les Sabins & leur arra-
cha la vid:oire. Curtius seul soutint l'effort des Romains, & Romulus l'aïant
atteint, on en vint à un combat singulier entr'eux deux. Curtius renversé
& couvert de sang, se sauva & se jetta dans une mare. Romulus le crut per-
du & s'étant réuni aux siens, il poussa les Sabins jusqu'au pied du Capitole.
Les Romains se regardoient déja comme maîtres de ce porte important, lors-
que Romulus fut renversé d'une pierre que les Sabins firent rouler de dessus
la montagne. Etourdi du coup il fut reporté dans la ville, mais la connois-
sance lui étant revenuë peu de tems après , il fit sortir contre les Sabins un
détachement de nouvelles troupes-qui étoient jusqu'alors demeurées dans
l'inaclion. Luy-même reparut à la tête des siens,& jetta l'effroy dans les Sa-
bins, qui se retirérent aprés une grande perte dans le Capitole. Lucumon
Chef des Etrusques demeura surie champ de bataille percé de coups, aprés
avoir fait des prodiges de valeur.
Romulus au plus fort de la mêlée voïant les siens ébranlez & chance-
,
lans,invoqua Jupiter & lui fit des voeux pour en obtenir le ralliement de ses
troupes, sa présence & sa hardiesse les rassurérent. Il en imputa le succés à Ju-
piter & lui bâtit un Temple fous le nom de Jupiter Stator j Jupiter qui arrête,
en mémoire de cet evénement..
Après
Aprés cette journée, dont le succés n'etoit pas décisif , mais qui paroif- LesSabineS XII.
.
soit plus avantageux aux Romains qu'aux Sabins, on mit en délibération des
Pendant qu'on délibére, les fem- engagent
deux cÓtez si l'on continuëroit la guerre. les SabinS'
le motif de la demandè-
mes qui avoient été enlevées, & qui et oientdes Sabins leursguerre, & de les àpaix saire la ,
rent qu'il leur fût permis d'aller au camp parens, avec

enfans....
Ro-
prier de ne leur pas envier le bonheur dont ellçs tournoient , & de ne pas les mains.
continuer tsne guerre qui ne pouvoit qu'être funeste aux deux partis. On
leur accorde leur demande, à condition qu'elles laiflèroient dans Rome au
moins l'un de leurs
Arrivées au camp des Sabins en habits de deuïl,& perçant 1 air de leurs
cris,elles prierent leurs Peres & leurs freres de ne pas poussèr les Romains a
bout, & d'épargner le sang d'un peuple, qui n'avoit point de plus grand de-
sir que de bien vivre avec eux. Les Sabins touchez des larmes & des raisons
des Sabines accordérent aux Romains une tréve qui fut bientôt suivie de la
paix. Elle fut concluë, à condition que les Romains & les Sabins ne feroi-
,
ent à l'avenir qu'un seul peuple , & que Romulus & Tatius partageroient la
souveraine autorité dans la ville. Ainsi finit cette guerre qui-avoit duré trois
ans.
On vit alors une chose présque sans exemple, deux Roys regner en paix - Xlll
Ta*
dans une même ville, aïant chacun son Palais a part , & ses sujets distinguez Titus tius& Ro-
les uns des autres, ne former toutefois qu'une seule Monarchie. Les choses mulus reg-
demeurérent en cet état pendant cinq ans; Les Camerins peuples voisinsdes nent à Ro-
Romains, faisoient des courses suries terres de ces derniers; Le Senat Romain me.
les cita pour rendre raison de leur entreprise. Ils réfusérent,de comparoître Les années
5, 6. & 7 de
devant un Tribunal étranger. Les deux Roys les attaquërent.les vainquirent, Rome.
les désarmérent, & leurs ôtérent une partie de leurs terres. Camerie ne put duM.BiôT.
demeurer en repos ; on les attaqua de nouveau & on les dépouilla de leurs avant J. G.
terres ; on permit à ceux qui le voulurent de se retirer à Rome , & quatre & 739. suiv.
mille d'entr'eux furent incorporez dans les Curies Romaines, & on envoya
dans Camerie une colonie de nouveaux hàbitans.
XIV.
La sixiéme année du regne de Tatius & de Romulus , la concorde de Division
ces deux Princes fut brouïllée. Des gens de Tatius étant allez faire le dégât entre les
sur les terres de Lavinium ville alliée des Romains , en raportérent un assez deux Roys
grand butin. Ceux de Lavinium s'en plaignirent à Romulus, qui jugea qu'il Romulus&
sàlloit livrer les coupables aux Laviniens. Tatius demanda que la chose fût Tatius. Diony.s.
jugée par le Sénat mais sans attendre le jugement, les gens de Tatius atta- Halycarn.
quèrent pendant la , nuit les Laviniens,qui étoient endormis dans leurs tentes lib. 2.
sur le chemin de Lavinium, où ils s'en retournoient. Tatius dissimula cet at- An de
tentat; & les meurtriers furent reçus auprés de lui , comme s'ils euiTentété Rome 14.
du M? 270.
les plus innocens du monde. avant J. C.
Les Laviniens criérent à l'injustice, & Romulus ordonna que les coupa- 730.
bles seroient remis entre les mains des offensez,& que les deux Roys se ren- XV.
droient à Lavinium, pour offrir des hosties d'expiation aux Dieux du pays. Mort (se
Tatius au lieu d'acquiescer à un jugement si équitable, envoïa du monde TdtiusRoy de Rome.
après les Laviniens qui s'en rt:topriioitnt, & leur fit enlever les coupablesqui i-
An dc&Q*
- - leur
lue 14. du leur avoient été abbandonnez. Il ne put se dispenser de faire le voîage de
M. 3270. Lavinium avec Romulus. Au milieu des cérémonies du Sacrifice d'expia-
avant J. C. tion, ceux, de la ville le saisirent des couteaux des Sacrificateurs, & des bro-
t
730. ches destinées à rôtir la chair des animaux immolez, & s'étant jettez sur Ta-
tius, le mirent à mort & lui firent mille indignitez. Son corps fut raporte à
Rome, & enterré sur le mont Aventin.
Pour Romulus il fut traitté avec honneur par les Laviniens. Ils le con-
duisirent hors de leur ville, avec des acclamations, ; & lui envoïérent à Rome
ceux qui avoient trempé leurs mains dans le sang de Tatius ; mais au lieu
de les punir il les renvoïa disant que Tatius n'avoit souffert que ce qu'il
, ,
avoit mérité par sa connivence aux injustes entreprises de ses gens. On soup-
çonna Romulus d'avoir été bien aise d'être délivré de ce rival, & d'y avoir
contribué au moins indireaament.
La peste & la famine, deux fléaux présqu'inse'parables se firent sentir, à
jyionyf. Rome dés l'année qui suivit la mort de Tatius. Les peuples superstitieux
Halicarn.
h 2. Ce. en imputèrent la cause aux meurtres deTatius & de ses Députez. On crut que
An. de Ro- c'étoit un châtiment envoïé des Dieux. Les Camerins, dont on a parlé, ja-
me 15. du loux de la prosperité des Romains, les croïant accablez par la peste, les atta-
Mond.3271 quérent, & vinrent ravager leurs Romulus les combattit & leur
campagnes ;
avant J. 6. tua six mille hommes, puis envoïa dans Camerie deux fois plus de Citoïens
72 9-
An 16. de Romains qu'il n'y restoit de Cameriens, & par là réduisit ces derniers à de-
Rome. meurer dans la dépendance. Cette vidoire mérita à Romulus pour la sé-
conde fois l'honneur du triomphe; il entra dans Rome aux acclamations du
peuple, & amena de Camerie à Rome un char d'erain, qu'il consacra dans le
Temple de Vulcain.
XVI. Les Citoïens de Fidene ville eloignée de Rome seulement, d'environ 4.
Guerre lieues, ou 4°. Stades, avoient pris part aux hostilitez des Cameriens, & avoient
desFidena pillé quelques terres des Romains ; Ils avoient de plus enlevé un convoy de
tes contre grains,que ceux de Crustumne envoïoient aux Romains dans des batteaux qui
les Ro- descéndoient le Tibre. Romulus outré d'un procédé si violent & si injuste,
mains,
An. 17.18. cita les Fidenates devant le Senat Romain, & sur le refus qu'ils firent de com-
de Rome, paroître, il marcha contr'eux avec ses troupes. Il cacha une partie de son
duM.?a73. armée dans
un bois voisin de Fidene, & s'avança avec le relie vers la ville.
3274. Les Fidenates méprisant le petit nombre de Soldats qui paroiflbient avec Ro-
avant J-C.
72. 6.72.7.
mulus, sortirent avec impetuosité sur eux & les poursuivirent jusqu'au lieu
,
de l'embuscade. Alors les troupes Romainesréunies enveloppèrent celles des
Fidenates, qui prirent incontinent la fuite vers la ville. Les Romains les
poursuivirent & y entrérent pêle-mêle avec eux. Ainsi Fidene fut prise, &
Romulus y fit passer une colonie Romaine, à qui il distribua une partie des
XVII. campagnes des anciens habitans.
Guerre des Les Veïens voisins de Fidene prirent sadéfense, & envoïérent à Rome
Romains pour demander qu'on remit les Fidenates en possèssion, de leur ville & de leurs
contre les terres, & qu'on retirât deFidene les Romains qu'on y avoit envoyez. Veïes
Veïens.
Mêmes an-
n'étoit qu'à cent stades,c'est-à dire environ àsixluëues de Rome.Romulus n'eut
nées. garde de leur accorder leur demande. Ils prirent les armes, & vinrent cam-
per
per à la veuë de Fidéne. Romulus entre dans cette ville avec ses tfotipes,
puis va attaquer les Veïens. Le combat fut long & opiniâtre, & nul des deux
partis ne se crut ny vaincu ny victorieux. Pendant la nuit qui suivit la bataiL
le, Romulus plaça secretement sur une montagne voisine un renfort qui lui
étoit venu de Rome. Le lendemain il vint attaquer les Veïens, & au fort de
l'action il donna le signal à ceux qui étoient sur la montagne, qui fondant sur
l'ennemi avec de grands cris, les remplirent de fraïeur & les mirent en dérou-
te. Plusieurs périrent par l'épée, mais la plupart s'etant jettez dans le Tibre
pour se sauver, y furent engloutis dans les eaux.
Les Veïens plus irritez qu'abbatus par cette défaite, demandèrent du se-
cours à leurs alliez & vinrent de nouveau devant Fidéne. Romulus les y atta-
qua & les vainquit. On dit qu'il demeura quatorze mille hommes sur la pla-
ce. Le Camp des ennemis fut pillé. On y trouva de trés-grandes richesses.
Le nombre des prisonniers fut très considérable. Le Roy des Veïens qui
-
étoit un vieillard, étoit du nombre. On les conduisit à Rome sur des batteaux
en déscendant le Tibre, & on les vendit pour esclaves. Romulus résolu de
profiter de sa victoire, suivit les Veïens jusqu'à Veïes. Cette place étoit d'une
lituation trés-avantageuse & d'un trés-difficile accés. Le Roy de Rome n'aïant
ni les troupes ny les machines nécessaires pour en faire le siége, s'en revint
bien déterminé à ne pas laisser la témérité des Veïens impunie.
Ces peuples prévoïant le malheur qui les ménaçoit, envoïérent à Rome XVÎIL
des Ambassadeurs pour faire la paix. Elle fut concluë pour cent ans. On Paix des
obligea les Veïens d'envoïer à Rome en ôtages cinquante de leurs principaux Veiens
avec les
bourgeois ; On les priva des salines qu'ils avoient vers l'embouchure du Tibre, Romains.
& on leur ôta un petit païs peuplé de sept bourgades situées sur les bords de Tii. Li'O.
ce fleuve. Les articles de ce traitté furent inscrits sur la pierre, & Romulus Dionys-
triompha pour la troisiéme fois. Halycarn.
Ce Prince s'attira dans la suite la haine du Senat, soit par le peu d'estime 1.2.
An. 18. de
qu'il témoigna pour cette Compagnie ou par l'autorité trop absoluë qu'il Rome, dt&
,
s'arrogea dans le Gouvernement. Il prit des airs de hauteur qui déplurent. monde
Il se donna grand nombre de Gardes, & il se fit accompagner de Liseurs, qui 3274.
le rendirent odieux. Ces Licteurs étoient des Exécuteurs de la Justice, ar- avant J. C.
de faiiceaux 726.
mez & de hâches; Romulus les emploïoit à exécuter ses ordres à
l'insçu & indépendamment du Senat.

,
L'an 37. de la fondation de Rome, le 7. Juillet Romulus étant à la cam- X/X.
pagne accompagné du Senat faisoit la reveuë de ses troupes & les haran- Mort de
guoit. Tout a coup survint un orage mélé de pluïes, de gréle ,& de tonnere. Romulus.
An de Ro-
Les Soldats se disstpérent. Les Sénateurs seuls demeurérent tour de la
sonne du Roy. Ils profitèrent de cette circonstance pour au per- me 37.
se défaire de lui. An du M.
On ignore le genre de sa mort ; soit qu'ils l'aïent précipité dans le lac de la 3293.
Chèvre, qui étoit prés de là ou qu'ils l'aïent mis en cent pièces, dont cha- avant J. C«
,
cun d'eux en remporta une sous sa robbe.; Les Senateurs publiérent que pen- Dionys. 707.
dant 1 orage, le Royavoit tout à coup été enlevé dans un tourbillon enflam-
mé. Ualycar,
/. i. Tit.
Le peuple parut croire une chose qui étoit si glorieuse à son Prince Liv. L1»
;
Mais
Mais les plus sensez formèrent des soupçons facheux contre les Senateurs. Un
d'eux nommé Julius Proculus, & qui étoit en grande eitime parmi les Ro-
mains comm'aïant toujours paru fort attaché à Romulus , attetta avec ser-
,
ment dans une assemblée du peuple, que Romulus lui avoit apparu & lui avoit
dit que les Dieux l'avoient enlevé au Ciel & l'avoient chargé d'exhorter les
Romains à la tempérance, & aux exercices de la guerre, que par la ils devien-
droient un jour les maîtres du monde. Que pour lui, il les honoreroit tou-
jours de sa protection sous le nom du Dieu Quirinus ; Ainsi Rome le con-
sola de la perte de son Roy dans l'espérance d'avoir dans le Ciel un puissànt
Protecteur. 11 avoit régné 37. ans, & avoit laissé sa colonie trés-puissante &
trés-florissante comparée à l'etat où il l'avoit fondée.
,
xx. 11 étoit mort âgé d'environ soixante ans & n'avoit laide aucun enfant que
le Senat l'on sâche, capable de lui succéder. Le peuple se partagea sur le choix d'un
Romain Successeur. Les Romains venus d'Albe premiers habitans de Rome , & les
gouverne
Î)endant Sabins cy-devant sujets
de Tatius prétendirent à l'exclution l'un de l'autre,
, deux partis n'étoient pas plus d'accord
'interré- nommer le Roy. Les Senateurs des
gne. entr'eux que le peuple ; Cependant ils résolurent, en attendant que le peu-
ple se déterminât, de s'emparer de la souveraine autorité. Les deux cent Se-
nateurs partagez par dixaines, tiroient au sort, & dix d'entr'eux , sur qui
le sort tomboit, jouïssoient à tour de rôle , de la souveraineté pendant cinq
jours. Cette maniere de gouvernement si peu réglée, subsista pendant plus
d'un an. Le peuple se lassà de cette domination incertaine, il en vint jusqu'à
]la ledition.

J(X[. La chose fut enfin accommodée de cette sorte. On i-,ii sla aux anciens
Numa habitans de Rome venus de la ville d'Albe, le choix d'un Monarque, mais à
Pompilius condition qu'ils le choisiroient parmi les Sabins amenez à Rome par Tatius.
Roy deRo- Numa Pompilius gendre du Roy Titus Tatius fut choiii. Il demeuroit a
me. An de
des Dieux, & de
Rome 4°. Cures menant une vie privée, uniquement occupé du culte
du monde l'etude de la sagesse. Depuis la mort de Tatia sonEpouse, sa demeure la plus
3296. ordinaire étoit à la campagne dans les foréts & prés des fontaines que la fu-
avant J. et perstition païenne avoit consacrée;Delavient la pérsuasion des Romains que Nu-
- 704.
DiorJ.?j. ma avoit habitude avec la Nymphe Egerie, qui lui inspira, dit-on, les loys
Ilalycarn. qu'il leur donna; Persuasion que Numa n'eut garde de détruire, parce que'lle
.
1.2.C.Ç8.5 lui donnoit une autorité presque divine parmi le peuple.
TitJLw.lu Numa étoit né le même jour & la même année qu'on avoit jette les fon-
demens de la ville de Rome. Il pouvoit avoir 4°. ans, quand il fut elu Roy.
Deux Senateurs Julius Proculus & Valerius Volesus l'un Albin & l'autre Sabin
d'origine, qui avoient tous deux été proposez pour remplir le 1 rône de Ro-
mulus, furent choisis pour lui porter la nouvelle de son eleé1:ion. Ils la lui
annoncèrent en présence de son pere & de l\larcius son parent. Numa balan-
longtems s'il accepterait la Royauté. 11 fallut emploïer l'autorité & les
ça
raisons de son pere, de son parent ,.des Senateurs Romains & du peuple de
Cures sa patrie, pour l'y déterminer. Il se rendit à Rome aprés avoir offert
1

favorables. Il sut reçu dans la ville


aux Dieux des sacrifices pour se les rendre de respect & d'estime. Le Sena-
avec des marques extraordinaires de joïe,
teur
qui là jouîsroit des honneurs de la royauté, IurenTernit les mar-
teur -ce jOl1r
- qu'après qu'on eut confirmé la première
ques & l'autorité ; Atais ce ne fut
cledion par une nouvelle, qui fut unanime.
Le nouveau Roy demanda qu'avant toutes choses on consuitatla volon-
té des Dieux par les Auspices. Il fut mène parfitlesasseoir Augures sur le mont Tar-
peïus, pour observer -le vol des oiseaux. On le
sur une pierre, *#e vt
fto-e tourné du coté du midy, l'Augure se couvrit la tête d'un
voile, & éten-
les
dant la main sur la téte de Numa, ilse tourna vers l'Orient, & invoqua
Dieux sur le nouveau Roy. Ensuite il jetta les yeux de tous cotez, & aiant
régies de son art, lui présageoient un heureux
aperçu des oiseaux, qui selon les&-défendit
régne, il fut proclamé Roy de la montagne aux acclamations
,
^ xxn.
La première & presque l'unique application de ce Prince pendant
f@t1
loys reprimer dé- Numa po-
régne, fut de policer Rome & de lui donner des
.,
xie les lice la vilk
iordres, d'en arréter le cours, & d'inspirer aux Romains l amour de la juiti- de Rome,
de la -paix, de la Religion, de l'ordre. Jusqu'alors les Romains n'etoient
ce.
qu'un amas de peuples divers, dont le principal & presqu unique exercice
étoit la guerre & le pillage. Une multitude de scélerats, de,gens ians foy &
sans honneur, s'étoit jettée dans son enceinte , pour eviter les poursuites de la
justice ou la discipline de leurs maîtres & de leurs seigneurs. Il etoit m-
possible, qu'une populace ainsi composée, n'entretint de grands desordres,
auxquels Romulus du caraétére dont il .étoit, n'-étoit guéres propre a remédier.
L'honneur en étoit réservé à Numa. Plutarck
Dieu liri fit la grace au milieu des téIloores duP-aganitnle, de -connaÎtre le in
premier Etre, insensible, invisible, incorruptible, & qui ne peut être aperçu
l'esprit. Dela vient la défense qu'il fit, de représenter la Divinité
que par
sous aucunes figures d'hommes , ou d'animaux, & d'eluploïer des matières
corruptibles pour figurer un être invisible, & qui ne-tombe point sous les sens,
Mais ce Prince si sage & si grand Philosophe , tomba dans le défaut que St. Roman. L
Paul reproche à tous les Sages du Paganisme , qui est de n'avoir pas rendu V. 2.1.
gloire ,au Dieu, qu'ils avoient connu dans ses ouvrages, & de ne lui avoir pas
rendu le culte qu'ils lui devoient. Numa conserva dans Rome les anciennes
superstitions ; Il en régla l'ordre & les cérémonies, persuade sans doute, que
rien n'est plus propre à adoucir les moeurs & à polir les esprits, que les cére-
monies de religion pratiquées avec décence, avec resped & modestie. XXIfl
11 régla l'ordre des Prêtres & il les partagea en huit classes. La pre- Ordre des
,
miére claUe étoit des Curions ,.ainsi nommez., parce qu'ils presidoient aux sa- Prêtres
eviiiees de chaque Curie, les séconds étoient nommez Flammes, a cause des réglé pa-r

houppes couleur de feu, dont leurs bonnets étoient surmontez. La troilie- Numa. Dtonyf.
classe étoit de ceux qu'on nommoit Celeres, du tems de Romulus & qui Halicar.
m.e ,
de
lui servoient de gardes. Le nom de Celeres leur venoit de leur viteue & I. 2. c. 73.
leur promitude à la course La quatrième Classe étoit des Atlgt/rs, dont on a deja XXIV.
parlé > Les Yeflales composoient la cinquieme Classe, elles tiroient leur nom Vestales,. Vierges
de la Déesse Vesta, dont le culte étoit trés-ancien dans l'Italie. & avoit, di- Dion.,.,fHe..
soit-on, été apporté de Troïe parEnée. On sait que la fonction des Veiiaies licarn. 1.2.
Tom II. Dd etoit- c. 6
étoit d'entretenir toujours un feu sacré dans le Temple de cette Divinité;
Numa en nomma quatre qui furent chargées de ce soi%
La sixiéme Classe des Prétres étoit des Saliens. Leur premier employ étoit
de chanter dans les sacrifices & ensuite de danser au son de la Hutte. Dans
le tems d'une peSte qui désola l'Italie Numa fit accroire au peuple qu'il étoit
tombé du Ciel un bouclier d'une forme , particulière,
& qu'il avoit apris de la
Nymphe Egerie, avec qui il feignoit qu'il avoit des entretiensparticuliers, que
le bonheur de Rome dépendoit de la conservation de ce bouclier. Pour em-
pécher qu'on n'enlevât ce prétieux don du Ciel, il en fit faire onze tout sem-
blables par un ouvrier habile nommé LYlal11urius, qui pour toute recompense
demanda que l'on célébrât son nom dans la féte des boucliers sacrez. Cette
féte se célébroit au premier de Mars & duroitplusieurs jours. Douze jeunes Ro-
mains, qui étoient solemnellement constituez Gardiens de ces sacrez boucliers
,
nommez Ancilia, sortoient du Temple de Mars, portant chacun au bras gauche
un de ces boucliers & tenant de la droite une javeline , dont ils frapoient
sur leurs boucliers avec mesure & dansoient en cadence des airs guerriers.
,
La septiéme Classe étoit nommée des Feciaux Feciales ; Ils étoient choisis
parmi la prémiere Noblesse Romaine. Leur principale fonction étoit dails la
guerre, de demander aux ennemis réparation des torts & des dommages, &
de tenter les voies d'accommodement, avant que d'en venir aux hostilitez.
On ne déclaroit ordinairement la guçrre qu'après avoir envoïé les Féciaux
,
pour se plaindre & pour entendre les raisons des ennemis.
La huitiéme Classe des Prétres étoit celle des Pontifes; Ils étoient les Chefs,
les Interprètes & les vengeurs de 1 a religion. Ils etablissoient des loys pour
le culte des Dieux ; Ils décidoient sur les contestations qui regardoient les
cérémonies, & sur toutes les matières de Religion. Leurs priviléges étoient
si grands, & leur autorité si absoluë, que dans la suite, les Empereurs prirent
la qualité de souverains Pontifes.
XXV. Aprés avoir ainsi réglé l'ordre des Ministres de la Religion, Numa etablît
Temple du des Temples nouveaux. On renouvella les anciens. Quelqu'uns lui attri-
Janus, buent l'etablissement de celui de Janus. Ce Dieu à deux Hlces, symbole de
la prudence qui est attentive à ce qui a précédé, comme à ce qui doit suivre.
Ce Temple bâti entre le grand Cirque & le mont Aventin, demeuroit fermé
en tems de paix, & on l'ouvroit en grande cérémonie , lorsqu'on vouloit
commencer la guerre; Ce qu'on ne doit jamais faire, qu'avec grande circon-
speétion.
La bonne foy, qui est l'ame de la societé, & qui doit s'observer princi- .
paiement dans les traittez de paix ou d'alliance, fut introduite comme une
Divinité nouvelle dans la religion des Romains, & honorée d'un autel &d'un
XXVI. culte particulier par Numa. On lui décerna des sacrifices aux frais du pu-
Abborne-
ment des
blic, & on faisoit en son nom des sacrifices folemnels.
Champs iii- Jusqu'au tems de Numa, ny les Champs des particuliers, ny les terri-
flitué par toires des villes & des Bourgades, n'étoient pas partagez par des limites fixes
Numa. & assurées. La bonne foy & la possession, ou la violence & l'usurpation
DionyJ. /.a. étoient les titres qui assûroient à chacun son héritage. Numa fit mettre des
,.,74. bornes
bornes aux champs, & ces bornes ou ces termes, termini, furent consacrez
religion particulière. On les honoroit comme des espéces de Divi-
par une
nitez ; On célébroit en leur honneur certaines Champêtres, & on leur offroit
du lait, des bouquets & les} prémices des moissons ; Cétoit un crime digne
d'expiation que de les remuer & de les changer de place. Dez lors on s'ap-
pliqua avec plus de soin & d'affedion à cultiver les champs, que l'on regar- t

doit comme un héritage, qui devoit passer à ses héritiers. Numa témoignant
son estime pour l'agriculture , & procurant à son peuple par la paix dont il
jouissoit, le moyen de s'y appliquer, rendit les Romains laborieux & écono-
mes , & toujours capables de suporter les travaux de la guerre, lorsque
l'occa-
flan s'en offroit.
De son tems les deux partis qui distinguoient les Romains & les Sabins, XXvu.
furent abolis. Il sçut réünir ces deux peuples en divers corps de metier, aux- Corps de
métier.
quels il préscrivit des loys & des Statuts. Les Joueurs d'instrumens, comme
emploïez dans les sacrifices, tinrent le premier rang dans ces corps de mé-
tiers. Chacun d'eux eut ses jours de fétes & ses sacrifices particuliers ; Cha-
que corps eut pouvoir d'aquerir & de posséder certains biens en commun, &
de les admmistrer pour le profit de la communauté.
Numa ajouta de nouvelles loys à celles de Romulus, & modéra ou ex- XXVIII.
pliqua les anciennes. Romulus avoit accordé aux peres un pouvoir absolu Loys de
sur leurs en sans, sans aucune limitation. Numa en exempta les enfans mariez. Numarég-
Les funérailles des morts se faisoient avec trop de somptuosité & de dépense. f>our
er les fa-
Numa défendit d'enterrer ou de brûler les corps dans l'enceinte de Rome, nérailles.
d'en eteindre le bucher avec du vin, ou de laver les os avec la même liqueur.
Il proscrivit les lits prétieux sur«lesquels on portoit les morts, les bûchers
magnifiques & les parfums avec lesquels on parfumoit les corps. Les Cou-
ronnes qu'on donnoit aux morts, furent réservées à ceux jqui les avoient mé-
ritées. Il défendit aux femmes de s'égratigner le visage dans les funérailles
de leurs proches.
Aucun des anciens n'a parlé plus dignement que Numa du culte que l'on
doit rendre aux Dieux ; Il veut qu'on ne paroisse devant les Dieux qu'avec
un coeur pur & une piété sincére ; Qu'on n'y fasse pas montre de ses richef-
sés, de peur d'irriter les Dieux; qu'on n'introduite point de nouvelles Divi-
nitez, & qu'on n'en adore point d'étrangeres en son particulier, à moins
que leur culte ne soit autorisé par l'ordonnance du. Senat ou du Prince, que
les anciens Dieux, aussi bien que les Heros reçoivent le culte qui leur est deu ;
Que les Dieux domestiques soïent honorez dans les Oratoires des maisons
particulières, selon l'usage ancien ; Qu'on offre les sacrifices, & qu'on fasse les
présens accoutumez aux Dieux, & qu'on observe leurs fétes selon l'ordre pré-
fcrit. Désense à une prostituée d'entrer dans le Temple de Junon. La con-
noifsance de l'inceste est réservée aux Prétres. Le meurtre volontaire est pu-
ni de mott.

XXIX. L'année ancienne desRomains n'étoit que de trois cent quatre jours. Niï-
Numa, ma la fit de trois cent cinquante cinq jours sous Romulus l'année commère
régie Pan- çoit
née Ro- au mois de Mars & n'avoit que dix mois. Numa y ajouta les mois de
mamc< Janvier & de Février, & la fit commencer par Janvier. Cette année étoit »
peu puésLunaire ; Car l'annee Lunaire est de trois cent cinquante quatre jours.
Numa y ajouta un jour dans la superstitieuse persuasion,que les Dieux se
plaisent au nombre impair; & pour concilier l'année Lunaire avec la Solaire,
il ordonna que de deux en deux ans on ajouteroit à l'année un mois interca-
laire de vingt deux jours,& que la quatrième année,ce mois seroit de 23.jpurs,
y ajoutant jour à cause des six heures dont l'année solaire excéde le
y un ,
nombre de 36s- jours.
XXX. La sagesse du gouvernement de Numa produisit dans Rome la paix,,
Mort de l'abondance, l'amour de la justice. Ce Prince étoit aime, estimé & respedé'
îîuma Tiens & par les étrangers. Il régna quarante trois ans ians guerre aa:
Pompilius, par tes
dehors. 11: avoit quatre vingt deux ou quatre
An de Ro - dedans, & sans séditions au
me 82. cïti vingt trois ans, lorsqu'il tomba dans une maladie de langueur, qui l'emporta
M. g.;g-8. au bout de quelques jours. On. l'enterra dans un tombeau de pierre situé
avant J. C. hors la ville au. dela du Tibre,, au pied. du mont Janicule, & 011 mit avec luy
66z.
dans son tombeau plusieur-s des livres qu'il avoit compote. Il l'avoit ainli
demandé. On ignore le motif de cette conduite, mais on sait par Varron ci-
(a). Varro té dans St., Augustin. ( a ) qu'un, laboureur aïant fait passer sa charrue sur le
ap.ud D. tombeau de Numa, & le foc aïant deterré qpelques livres de ce Prince, le la-
Augujï.i:?,
de Civit. boureur porta ces livres au Préteur, qui les déféra au Senac. Le Senat aïant
Dei c. Z4.- examiné, ces écrits,. trouva qu'ils contenoient les r3iioris, des cérémonies &dc
la religion que Numa avoit établie à.Rome;, & comme on trouva ces raisons
frivoles & sans solidité, le Senat ordonna qu'ils seroient suprimez,. suivant en.
cela ^intention de l'auteur.. Ainsi par arr£t du Sénat, le Préteur le fitjetter
au feu.
La pensée quivient naturellement dans lelprit en lisantce récit, est que
Numa persuadé. par sa lumiere naturelle de l'unité d'un Dieu,& que son cul-
te devoit être tout spirituel & intérieur, disoit dans ses livres que la pluralité
des Dieux qu'il avoit introduite ou soufferte, & que le culte idolatre dont il
avoit réglé, les cérémonies , étoient chose de pure politique,& qui n'étoient
fondéesque sur les préjugez & les erreurs du. peuple.
XXXI ' Comme
Numa n'avoit point. laissé de .fils, le Senat se saisit du gouverne-
Interreg- ment après sa mort, & rétablit la. même maniere de gouverner que nous
ne.LeSenat aprérs la. mort de Romulus. On se lassa bientôt d'une Ariflocra-
s'empare avons veuë solide. Le peuple choisit pour Roy Tullus Hosti-
gouver tie si peu. fixe, & peu
si
nement. lius, né à Rome d'une famille illustre & ancienne , Hostus ayeul de Tullus
An deRo- Hoitilius s'étoit établi à.Ronle quatre ans. après sa fondation, & y avoit apor-
me 82. du te de tcé^-grand biens.. Il s'y distingua par sa valeur étant monté le premier
M. & étant niort furie champ de batjille dans le sécond
avant J. C. sur la. brèche de Fidene,
662. combat qui se donna contre les Sabins.
XXXll Tullus Hôstilius étoit. d'un caractère fort différent de celuy de Numa.
TullusHo- Eainioitlamagnificence & la guerre? 4 fûutiut là dignité par sa.Ub^sahté. &l
1
Bientôt occasion de fignaier son ardeur gtierrie- élu ftoy dà
pitt ses
re contre
grands
la
biens.
ville d'Albe, qui
il eut
étoit gouvernée par Coelius,homnie entrepre- Roiiid, -
An de R<S-
nant & féroce, qui sans aucune juste raison
,
se jetta dansles campagnes des me 83. du
Romains, & y commit des hostilitez. Les Romains repousserent la force par M. 3 3 ?.
la force, & à leur tour firent le ravage dans les terres des Albains. Enfin la avant J. C.
s'alluma, & Cœlius aïant envoie des Ambassadeurs à Rome, pour de- Dï.o,,:/s. 661..
guerre
mander satisfaction des dommages qu'on avoit causé aux Albains. Gomme Halicarjé*
si lui-même n'avoit pas commencé la guerre contre Rome. C'étoit
unesoup- 1. ?. c. r.
plesse peu digne de la sincerité dont on doit user dans de pareilles circon- Tit. Liv.
1.1.
itaiices.
Tullus Hostilius se crut autorisé par son exemple à user aussi d'artifice, xxxm:
avant que d'introduire les Ambassadeurs à son audience , il ordonna qu'on Guerre
des Ro-
les régalât dans les maisons qu'on leur avoit dessinées pour leur logement, & mains con-
pendant qu'on les amusoit ainsi , Tullus Hostilius fit partir en diligence ses tre les Al-
Ambassadeurs pour Albe , afin d'y faire les mêmes demandes & les mêmes bains. An
plaintes, avec ordre de ne pas revenir lans une réponse pofitisfe de la part de Rome du :M-
de Cœlius. Ils partirent de Rome aïant à leur tête un FeciaÇ& arrivérent à S 3.Su-
Albe avant le lever du Soleil. Ils eurent audience de Cœlius au milieu de la avant J. G.-
place publique , & lui demandérent réparation des torts par eux soufferts; 66u
Cœlius repondit qu'il avoit executé les. traittez, que ses Ambassadeurs étaient
allé les premiers à Rome pour demander justice,. qu'il déclaroit la guerre à
Tullus Hostilius. Alors le Fecial lui dit : Celui des deux Koys qui le premier
refusé d'entendre les plaintes & d'y satisfaire ne sera-t'il pas consideré
aura ,
coupable d'avoir enfraint les traitez ? sans doute, repartit Cœlius,le
comme
Fecial reprit : Je prens les Dieux Garands des traittez à témoins que le Roy
d'Albe a le premier resusé d'écouter les plaintes des Romains, & que ceux-cy
sont en droit de lui déclarer la guerre , comme en effet ils la lui déclarent:
dans le terme d'icy à trente jours. Aïant dit cela, il partit avec les Ambafla-
deurs de Rome.
Dez qu'ils furent arrivez à Rome, le Roy Hostilius aïant invité à man-
ger , les Ambassadeurs de Cœlius & leur aïant demandé le sujet de leur am-
baffade, ils lui dirent le plus poliment qu'il leur fut possible , qu'ils avoient
ordre de lui demander réparation des dommages que les Romains avoient
faits sur les terres des Albains , & en cas de refus, de lui déclarer la guerre..
Hoftilius reprit Allez, dites à vôtre Roy qu'il doit s'imputer tous les mal-
heurs de la guerre que je lui ay fait déclarer, &'que dans trente jours nous-
nous verrons en campagne. XXXIv:.
En esset les deux Roys se mirent à l'a .tête de leurs armées , que chacun Mort de
avoit grossies du secours de leurs alliez, Cœlius, autrement Cluilius se cam- Cluilius Général
pa environ à deux lieues ou 4°. stadfes de Rome, & fortifia son camp d'un des Al-
bon retranchement. Tullus Hostilius se posta sur une éminence assez voisine bains. An,
de Rome. Les deux armées demeurèrent plusieurs jours dans Pinadion. de Rome
On en murmura dans l'armée de Coelius , & le Général avoit pris la résolu- 83. du M..
3339*
tion de présenter la bataille aux Romains, lors qu'on le trouva mort dans sa: avant J.G..
tente, le matin du iour qui étoit pris pour l'action, 66$
Ttionyf. Cette mort occasionna bien des raisonnemens, & bien des soupçons,& it
Ralicarn. la fin on nomma pour commander en sa place Metius Suffetius, connu pour
/.?. c. 6. le plus grand ennemi que les Romains eussent dans Albe. Il
XXXV. délibérer longtems s'il donneroit la bataille ne laitta pas de
Metius & sa lenteur fut caule que l'on
SufFetius découvrit un complot quelesFidenates &lesVeïens avoient formé de se jetter
,
nommé sur les Romains & sur les Albains, dez qu'ils les verroient affoiblis de part&
Général d'autre par une bataille qu'on presumoit devoir être fort meurtrière & fort
des Albins. cruelle.
Les deux Roys aïant mis leur armée en mouvement, s'avancèrent à la
rencontre l'un de l'autre. Quand ils furent à portée, Suffetius demanda une
entrevuë avec Tullus Hostilius. Elle se fit entre les deux camps. Suffetius
déclara à Hostilius ce qu'il savoit de la conspiration desFidenates&des Veïens
& en produisit les preuves ; & conclut qu'il falloit que les Romains & les AI-
bains réunisient leurs forces pour détruire les ennemis communs. Hostilius
y donna les p,lains,& en même tems proposa de ne faire qu'un même peuple
& un même empire des Romains & des Albains, & de transférer ces derni-
ers dans Rome, comme on avoitfait les Sabins.Suffetiusaïant consulté les siens,
ils consentirent volontiers à la réunion des deux peuples ; mais ils s'opposé-
rent à la désertion d'Albe , n'étant pas juste, disoient-ils que la Métropole
soit soumise à une Colonie. Aprés quelquels debats, il ,fut conclu que l'on
choisiroit de chaque côté trois champions dans les deux armées, & que l'on
tiendroit pour supérieure & pour maîtresse celle des deux villes, dont les
,
champions remporteroient la vicroire sur leurs adversaires.
XXXVI. Du côté des Romains on choisit trois Horaces enfans de deux sœurs,
Combat & du côté des Albains trois Curiaces aussi fils de deux sœurs & par conse-
des trois quent très-proches parens ,
,
tous six distin-yez par leur naissance par leur
Horaces valeur & à peuprés de même âge. Les Horaces voulurent ,
l'hon-
contre les ne accepter
trois Cu- neur du choix que l'on faisoit d'eux, que du consentement de leur Pere, qui
riaces. An n'eut pas de peine à le donner. Le jour pris pour le combat des six Heros,
de Rome les deux Roys conduiiirent en cérémonie les Champions dans une grande
du M. plaine située entre les deux armées. La curiosité avoit attiré à ce nouveau
3Z39-
C.
fpedacle une infinité de personnes des villes d& Rome & d'Albe.
avant J.
66 T. Quand on fut arrivé sur le champ de bataille, leFecial du côté des Ro-
DionyJ. mains, demanda au Roy Tullus s'il lui ordonnoit de conclure la paix avec le
Halicarn. Pere Patrat des Albains, c'est-à-dire
J. 18- avec le Commissaire, le Procureur ou le
c.
Tit. Liv. Plénipotentiaire des Albains. Je l'ordonne, repondit Tullus ; Donnez-moi donc
Iu le figne de ma députation, dit le Fecial; Allez prendre de la vervenne pure, dit Tullus,
1
& qui n"ait servi à aucun usage commun & profane. LeFecia y alla, en aporta, la
présenta au Roy, & lui dit : Vous nfétablijfez donc Fecial des Romains auprès des
Albains,ôc- vous garantirez ma suite, mei équipages les siens. Je les garantis, reprit
le Roy, sauf mes intérêts & ceux du peuple Romain Alors le Fecial établit pour
Pere Patrat du présent traité, Spurius Fuscus un des Fecia'ux, en lui ceignant la
tête de vervenne.
Après cela le Pere Patrat fit levure des Articles du traitté, puis prononça
ces paroles ; Grand Jupiter^coûtez les articles de vies trAittez, & vous Pere Patrat
d'Albe,
éPAlbe, donnez-y votre Attention. Vous les r
avez ouïes & entendues d:'un fout it autre
sans dêguisement & sans equivoque, de la maniere qu'elles font écrites sur ces tablet-
tes. Le peuple Romain promet de ne les violer jamais le premier, si jamais il lui arrive
J) manquer, par autorité publique & par fraude, que Jupiter le frappe au même infiant,
comme je vas frapper cette truye, Qu'il le frappe dans toute la rigueur de sa colère &
dans toute l'étendue de sa puissance. En même tems il donna un grand coup de
caillou dans la tête de la truye , qui fut ensuite immolée en ratification du
traitté. Les Albains de leur côté firent à proportion les mêmes cérémonies,
puis les six Champions se disposérent au combat.
Avant que d'en venir aux mains, ils quittérent leurs armes offensives, & XXXVII.
s'embrassérent avec larmes, pour se dire le dernier àdieu. Aprés quoi ils Viâoire
du plus
reprirent leurs armes, & chacun aïant choisi son adversaire selon l'ordre de jeune des
leur naissance, ils commencèrent à se battre avec une ardeur proportionnées Horaces
l'importance dela cause qu'ils soutenoient. Aprés un long combat l'ainé contre les
des Curiaces donna un coup dans Paine à l'aine des Horaces & le renversa. trois Gu-
Les Albains jettërentdes cris de joïe qui augmentèrent, lorsque le second riaces»
des Horaces sut porté par terre par le fecond des Curiaces ; mais tous les
Curiaces étoient bleuez & le plus jeûne des Horaces étoit sans blessures.
,
Pour venir à bout de ses trois ennemis séparemment, il prit la fuite. Les
Curiaces le suivirent, mais idistance inégale selon que leurs forces & l'état
,
de leur blessure le leur permettoit. Horace les prit les uns aprés les autres,
& les défit sans beaucoup de peine. Cette vidoire fut suivie de la recon-
noissance que les Albains firent de la supériorité des Romains.
Le jeune Horace comblé de gloire retourna à Rome parmi les aplau- xxxvi.11
diflemens detoute l'armée. Au milieu de la foule on remarqua sa soeur Le jeune -
Horatia, qui étoit promise en mariage à Pun des Curiaces qui venoit d'être Horace
sa
mis à mort. Aïant apris la mort de son Amant, & aïant veu son frere orné tue soeur H®-
de la Couronne de vidoire & portant la casaque militaire de son Amant, ratia.
elle s'arrache ses cheveux ,déchire ses habits, frappe sa poitrine, & abbor-
,
dant son frere, elle lui reproche en termes pleins.de sureur, le sang de Cu-
riace,dans lequel il vient de tremper ses mains. Horace encore echauffé du
combat dont il sortoit, ne put retenir sa colére. Il tire son épée & perce
sa sœur, qui tombe morte à ses pieds. Le vieu Horace Pere de l'un ,
& de
l'autre ne blama pas son fils. Il condemna sa fille, n'assista pas à ses funé-
railles & ne permit pas qu'on l'enterrât dans les tombeaux de ses ancê-
,
tres.
Cette conduite des Horaces pere & fils ne fut pas aprouvée des Ro-
mains.Le crime du jeune Horace étoit trop criant & trop public être
dissimulé. On conduisit le coupable au tribunal du Roy, & on l'accusa pour
dans les formes Hostilius qui souhaitoit délivrer Horace, renvoïa l'affaire
.
au peuple & nomma deux Duumvirs, ou deux Commissaires pour en juger.
Ils condamnérent Horace comme coupable de crime d'état, & ordonnèrent
aux licteurs de le lier.
On
XXXIX. On commençoit à exécuter la sentence , lorsqu'Horace en apella au
Horace peuple. C'étoit un speda.cle touchant de voir celui qui venoit de triompher
condamné' des Curiaces, & qui avoit assujetti Albe a la puillance de Rome, réduit en
à mort par l'état d'un supliant implorer la clemence d'un peuple, qui lui avoit des ob-
si c{sentielles. Horace qui joignit ses larmes aux priereiàde son fils,
les Duum-
virs est ligations
absoû par & le peuple touché de compassion, accorda la vie au jeune Horace, mais il
le peuple. le condamna à paffer sous le joug. Ce joug étoit une espéce de porte
Dionys composée de deux bois, dressèz en hauteur , lur lesquels on en poloit un
J-Ialicarn.
troisiéme de travers.On faisoit passer sous cette porte les Soldats qui s'étoient
J. ?. Tit.
/.
.Liv. 1, rendus; & avoient volontairement livré leurs armes. C'eit une peine mili-
taire des plus ignominieuses.
A cette peine on ajouta des expiations, & des lustrations de toute fortes
expier une aB:ion si contraire aux loys. On érigea une colomne de
pour suspendit les dé-
pierre en mémoire de la vidoire d'Horace , à laquelle on lieu même
pouillés des Curiaces, & on dressa un tombeau à Horatia,au 0à
elle étoit morte , ce fut d'abord un monceau de pierres jette lans orare oc
h-azard. Ensuite on y fit une eipéce de Mausolée façonné.
XL. au
Il se passa un an entier avant que le Roy Tullus parlât de tirer venge-
Tullus venir à Rome rendre compte de
Hoftilius ance des Fidenates, Alors il les somma de
leur conduite. Ils refusérent de comparoître, & appuvez secretement
fait la des
guerre aux Albains, qui vouloient secouër le joug, ils se revoltérent ouv^tement. Les
fidenates. Romains leur déclarérent la guerre, & Tullus ordonna a Sutfetius Chef des
An de Ro- joindre ses forces à celles de Rome , comptant sur la fidélité de
me 88. du Albains de
l'arrivée de Suffetius , Tullus
;
M. 344- ces nouveaux alliez ; mais le lendemain de
avant J. G. aïant résolu d'attaquer les ennemis, & aïant communique ion dellem a butte-
6 5 6# dius,celui-ci en informa lesVéïens&les Fidenates, & leur promit delesleRo- re-
tirer avant le premier choc sur les hauteurs, & de leur abbandonner
mains qui s'atteiidoient que l'armée d'Albe combattroit a l'aile droite de
l'armée R0111a1ne,C0r1tre les Fidenates qui leur étoient opposcz. Le dellein
de SufFetius étoit de fondre sur les Romains, s'ils étoient vaincus , comme
s'ils avoient du des-
il n'en doutait pas, ou sur les Fidenates & les Veïens ,
XL]. sous.
• r* qu 'il en étoit
ainsi 'i. *j- con-
SufFetius Le iour du combat Tullus rangea son armée, /
se retire de
l'armée venu avec Suffetius,& lui confia l'aile droite.mais au moment qu'on alloit don-
le signal; les Albains défilérent insensiblement vers les hauteurs, & laisserent
Humaine ner droite'de
avec ses l'aîle Tullus absolument abandonnée. On en donna promptement
gens. à Tullus,qui sans témoigner son embarras, cria tout haut a ses gens,mes
avis les Albains se font
amis ne craignez rien ; C'est par mes ordres quefondre sur l'ennemi.emparez
des montagnes ; C'est dela qu'ils doivent venir
fcii
dans le secret de son coeur, d'augmenter de douze Pré-
même tems voüa il
le Collège des Saliens & de bâtir un Temple a la crainte & a la pa-
tres ,
attirée & sa présence d'esprit, rendoient fufpefls aux
XL11. Sa contenance
Viétoirede Veïens la retraite de Suffetius. Il le soupçonne"reilt de trahison, & n oserent
TullusHo-' profiter de son absence pour enveloper l'aile gauche des Romains. La
Cavalerie Romaine donna brusquement sur les Fidenates, les mIt en dérou- AtltUS cof£
te. Tullus content de les avoir poussé jusqu'à Fidéne, qui n'étoit pas
éloigné, tre 'es Fi-
les Veïens, qui le Toïant abbandonnez leurs denates.
retourna & marcha contre par An de Ro-
alliez, ne firent qu'une trés-foible résistance & se sauvérent vers le Tibre. Les
périrent dans les Bie 88. du
eaux de ce fleuve, les autres furent mis à mort par l'épée M. 3344*
uns
du vainqueur. En même tems on vit Suffetius, qui vint fondre du haut des avant J. C
montagnes sur le relte des Fidenates & des Veïens, qu'il rompit alternent. <5ç6,
T-ullus°diflimula la trahison, & lui dit de suivre quelques restes des Fidenates,
qui n'avoient pu atteindre les premiers qui avoient gagné Fidene. Au retour
Tullus & Suffetius se firent des complimens de félicitation sur le succés de la
bataille, & on indiqua des sacrifices pour le lendemain.
Pendant la nuit Tullus se rendit secrétement à Rome; -& aïant expose au XL 111
ville
Senat la trahison .des Albains, dont il produisit de bonnes preuves, il futré- La d'Albe est
iolu de ruiner Albe, & d'en transporter les habitans à Rome. En même tems ruinée, <5c
on ordonna au jeune Horace, vainqueur des Curiaces d'entrer dans Albe avec ses habi-
une troupe de Soldats choisis, & d'exécuter les ordres du Senat. Horace étant férez tans trans
à Ro-
arrivé dans la ville, leur déclara les ordres qu'il avoit, qu'ils pouvoient pren-
Rome Qu'il renverser me. An de
dre leurs meubles & leurs effets & se retirer à ; alloit &
Rome g S.
les murs de la ville, & les maisons; Qu'il n'y auroit que les Temples d'eparg-
nez. Au même instant lui & ses gens mirent la main à l'oeuvre , & en peu
d'heures une bonne partie d'Albe fut renversée.
Tout cela se passoit à l'insçu de Suffetius & des troupes qu'il avoit au- XLIV.
près de lui. Tullus aïant convoqué les deux armées pour les haranguer & les Suffetius &
Gens
<iiitribuër les recompenses à ceux qui avoient signalé leur valeur, il fit appel- font mis à
ler par leur nom Suffetius & ses principaux Officiers, comme pour leur faire mort par
honneur, & s'étant rangez autour de sa tribune , il commença à parler & à les Ro-
déclarer à l'assemblée tout ce qu'il sa voit du noir complot de Suffetius & des mains.
siens ; Auffi- tôt qu'il les vit en disposition de vouloir faire résistance , il fit
tigne aux Légions qui avoient leurs epées cachées sous leurs habits, de faire
main basse sur ces traitres. 11 fut obéï Suffetius attaché à deux chars par les
pieds & par les mains, fut écartelé dans un moment. Les Soldats Albains
furent epargnez & ramenez à Rome, avec l'armée Romaine. Ainsi Rome se
trouva trés-considérablementaugmenté, & cette augmentationengageaTul-
lus à aggrandir la ville. Il enferma dans son enceinte le mont Coelius, & y
prit lui-même ion logement. Ce sage Prince mit tout en oeuvre pour rendre
heureuse la condition des Albains, & pour les obliger à ne pas regretter leur
ancienne patrie. Ainii perit la ville d'Albe, bâtie par Julus fils d'Enée & de
Creiisa, aprés avoir subsisté prés de cinq cens ans, & avoir veu sortir de son
iein trente Colonies, toutes établies dans le païs Latin.
Fidéne toute humiliée & toute affoiblie qu'elle étoit, n'étoit pas encore XLV.
l'riie de ia
soumise. Elle persiiloit dans sa révolte, & Tullus étoit résolu de la réduire ville de Fi-
a Pobéïssance. Il se mit en campagne de fort bonne heure. Les Fidenates déne.
An de Ro- parurent en bataille sous leurs murs, Il ne purent soûtenir le choc des trou-
me 89. 90. pes
Romaines, & se retirèrent dans l'enceinte de leur ville. Tullus les y allié-
,I.du mon- gea, & enveloppa la ville d'un large foiré pour leur fermer toute communi-
de 394S. cation au dehors, & leur couper les vivres & le recours. Bientôt Fidéne
46. 47. fut réduite à l'extrémité & obligée de se rendre à discretion. Tullus fit mou-
avant J. C. rir les principaux
654. auteurs de la rébellion , & réduisit la ville sous l'obéïssance
65?. des Romains.
XLVI. Quoique Romulus eut forcé une partie des Sabins de se retirer dans Ro-
Guerre *
me avec leur Roy Titus Tatius, le reste de cette nation étoit encore trés-puif-
contre les sant.
Sabins. Elle avoit dans son païs au pied du mont Soracte un Temple célébre
An de Ro- consacré à la Déesse Feronie, où le rendoit de tous côtez une infinité de pè-
me 92. du lerins. Quelques Romains de condition y étant venus, furent insultez par
monde les Sabins & retenus en captivité. Sur le refus que les Sabins firent de les ren-
3343.
avant J. C.
dre, Tullus Hostilius leur déclara la guerre. 11 avança jusqu'à un lieu nom-
6 s 2. mé le bois des mecham, & y livra la bataille à ses ennemis. La resistance &
XLVll. l'opiniâtreté de part & d'autre furent telles, qu'après avoir perdu un trés-
Vittoire grand nombre de braves gens, ils se séparérent & se retirèrent chacun dans
remportée
sur les Sa- leurs villes.
bins. Paix L'année suivante il se donna une nouvelle bataille proche la ville d'Erete
entre les 2. a cent sept Stades, ou environ 6. lieuës de Rome. On se battit de part &
peuples. d'autre beaucoup de valeur & d'opiniâtreté ; Comme la victoire balançoit,
An de Ro- Tullus fit
avec
me 93. du Epouse Ce voeu d'i:dtituer une féte en l'honneur de Saturne & d'Ops son
M. 3349. ; qui inspira une nouvelle ardeur à ses troupes, & lui valut la vi-
avant J. G. ctoire. On se battit bien avant dans la nuit autour des retranchemens où
6îi. s'étoient retirez les Sabins ; Aprés la victoire les troupes Romaines ravagérent
JTLW//. les
Ravage campagnes des Sabins. Ceux- ci furent enfin obligez de recevoir les con-
des cam- ditions de paix qu'il plut au Senat Romain de leur préIcrire. Ils rendirent
pagnes des les Romains qu'ils avoient arrêtez à Feronie , & on leur fit payer les frais du
Latins. dégat qu'ils avoient fait sur les terres des Romains. Le traitté fut écrit sur des.
An de Ro-
me 94. &
monumens de pierre, placez dans les Temples.
suiv. jus- Tullus porta ensuite la guerre dans le païs Latin contre lés Colonies d'Al-
qu'en 100. be, qui refusérent de reconnoître l'autorité de la ville de Rome ; Mais cette
du M. 3 3 se, guerre fut plutost un ravage des campagnes, qu'une véritable guerre. On
avant J. G. cherchoit plus à chatier par la disette, qu'à assujettir par la force ces villes,
6)'0. de leur côté d'armées ,
livrèrent
LXIX. qui ne mirent point en campagne ,
& qui ne
Mort du aucune bataille. Ces hostilitez se terminèrent au bout de cinq ans par une
Roy Tullus tréve.
HoiliJins. Les Sabins toujours inquiets entrérent ensuite sur les campagnes des Ro-
An de Ro- mains
& les ravagèrent ; Mais Tullus réprima leur témérité, & les battit de
me 'oi. jus-
duqu'en 10 9. nouveau prés la forêt des médians. Ce tut la dernière expedition de Tullus.
u monde Il mourut quelques années aprés. Le feu du Ciel, selon quelques Histo-
3457- riens,. (il) l'aïant consumé dans son Palais avec sa femme & les enians, dans
avant J. G. le tems qu'il étoit occupé à les mauvais Esprits ; Ou félon d'autres,
5 4?. H2.
evoquer
Cb) aïant été mis à mort dans le plus secret de son Palais par Ancus Martius
avant J. C.
457- qui lui succéda, & qui aïant mis le feu au Palais, publia la table de Tin vo-
cation
cation du Demon & du feu du Ciel. Tullus avoit régne 32. ans. Dans l'in- Ca)
terrégne le Senat gouverna à l'ordinaire, & enfin on choisit pour Roy Ancus Tit.Liv. Ut,
Martius, Ch)
Il étoit fils de Martius, qui avoit épousé Pompilia fille de NumaPompi- Dionyj.Ha-
lius.Son inclination se déclara d'abord pour la paix & pour faire fleurir la licarn. 1. j.
religion à l'imitation de son Aïeul ; Mais les circonstances de son régne l'obli- c. H.L.
gèrent à prendre les armes, & il fit voir qu'il possédoit les qualitez militaires, AncusMar-
aussi bien que celles du gouvernement pacifique. Les Latins aïant réfuté de tius 4. Roy
réparer les dommages qu'ils avoient faits sur les terres des Romains,Ancus Mar- An de Rome
de Ro-
tius leur déclara solemnellement la guerre, & lançant un trait sur leurs terres, me II;.
attaqua & prit sans beaucoup de peine les villes de Polltoire de Tellene & du monde
deFicane ; 11 en transporta les habitans dans Rome, & pour les, loger, il aug- 3?69.
menta la ville en y enfermant le mont Aventin. Comme il n'avoit pas eu la avant J. C.
précaution de ruïner les murs de Politoire les Latins s'en emparèrent & y An 631. de Ro-
mirent de nouveaux habitans ; Mais Ancus les ,
enleva l'année suivante, & dé- me 117.
molit la ville. An d e R o.
Les années suivantes furent occupées au siége de Medulie. Cette ville me Z7.ng.
s'étoit autre fois soumise à Romulus. Les Latins l'aïant surprise, y mirent
forte garnison & la fortifiérent. Quatre campagnes furent emploïées à l'atta- une Siège &
priledcMe-
quer & à combattre les Latins qui la défendoient au dedans & qui avoient dulie. An
toujours au dehors une armée pour s'opposer aux Romains. , La quatriéme de Rome
année décida de^ son sort. Les Latins furent battus & la ville emportée. Fi- du 1monde J 8.
cane qui avoit été prise 3. ans auparavant, & dont les habitans avoient été ;974.
transportez à Rome, aïant été occupée & mise \..11 etat de défense par Ancus, avant J. C
lui coûta un nouveau siége, mais la ville fut enfin prise & rasée. Les Latins 626.
voulurent encore tenter la fortune d'une bataille. On se battit deux jour&
de suite; Le second jour les Latins furent mis en déroute & depuis tems
n'osérent plus hazarder de combat. Ancus revint triomphant , ce
à Rome, laif-
sant à un nommé Tarquin, qui lui succéda au Royaume, le commandement
de ses troupes.
La multitude des Latins pris dans differens combats & toujours Lu.
amenez
a Rome, fit naître à Ancus, la pensée de fermer de murs le mont Aventin si- Le mont
tué au dela du Tibre & sur les terres des Etrusques.Il exécuta son projet & Aventin est -
joignit ce nouvel accroissement à la ville par le ponts;'iblicius, qu'il fit conftrui- joint à la
ville deRo-
re sur le Tibre.
Quelqu'années aprés Ancus fit la guerre aux Fidenates, qui sans se décla- me.LUI
rer ouvertement ennemis, faisoient des courses & des ravages sur les terres Prise de la
des Romains. Leur ville fut assiégée & Ancus aïant fait creuser dessous
ville deFi-
par
leurs murailles, fit donner l'assaut en ,divers endroits de la ville, pendant dene?. Au
les mineurs aïant pénétré dans la place, en ouvrirent les portes que de Rome
aux Soldats 130 du
Romains. Ancus fit publier par un Hérault que les Citoïens deFidene eussent monde
a se retirer en un certain endroit de la ville ; Ensuite il en abbandonna le pil- 33 8 6.
il
lage a lès gens ; Et aïant fait fouëtter les Auteurs de la rebellion, les fit exé- avant J. G.
cuter, mit une bonne garnison dans la place & permit aux Citoïens de rentrer 614.
dans leurs maisons, qu'ils trouvérent vuides & dénuées.
Ancus fit encore la guerre aux Sabins la même année , ou rannee sui--
pillage. Tarquin
vante. Il sur prit leur camp pendant qu'ils étaient allés au
LIV. les battit au retour & les obligea de venir demander la paix au Scnat.
Guerre La. guerre des Veïens recommença quelq.u'années. aprés. Ces peuples
contre les &
Ve'iens. aïant fuitde grands dégâts dans les campagnes des Romains, furent battus, Ils
An de Ro- le victorieux se rendit maître de leur camp.
Cet echec ne les rebuta pas,
me 1 13Î., se mirent en campagne l'ann/e suivante, & ne furent pas plus heureux que
1 6. la précédente. Ancus les défit & en triompha. Tarquin Gênerai de les trou-
IJiony[. signalé l'on & su valeur dans différentes occasions à la
Halicam. pes, qui aroit courage
/. 3. c. 41. téte de la Cavalerie Romaine, fut
mis au rang des Patriciens & placé parmi
An du M. les, Senateurs.
3391.3392 Les Volsques voisins de Rome, esîuïérent à leur tour les efforts des ar...
avant J. C.
m-s d'Ancus; soit réalité, foit prétexte, on prétendit qu'ilsavoient porté la
609. 608.
LV. désolation dans les terres des Romains. On marcha contr'eux, on les vain-
Guerre. quit, on s'enrichit de leurs dépouilles, & on forma le siége de Velitre capitale
contre les de leur pays. La ville étoit réduite à l'extrémité. Elle tit sortir les vieillards
Volsques.
habits & polture de suplians; Ils promirent de livrer les coupables & de
An de Ro- en en
137-du les dommages faits sur les terres des Romains. A ces conditions qui
me payer Volsques.
M. 3,r. furent exécutées de bonne foy, on conclut la paix avec les
avant J. C. Un Canton.des Sabins,. où l'es Romains n'avoient pas encore pénétre, ^

607. entreprit de leur iaire la guerre. Ancus marcha contr'eux, leur livra la ba-
LVi. vi&oi're glorieuse, mais pénible , sur des ennemis qui
Guerre
taille- & remporta une
les egaloient les Romains en valeur, mais qui leur. étoient inférieurs en expéri-
«ontre
Sabins. ence. Ancus ne survéquit guéres à cette guerre, Il mourut de maladie après
An de Ro- vingt trois ou 24. ans de règne. On lui attribue la fondation d'Odie & Liu
me 13 8-du port de même nom situé à l'embouchure du.Tibre dans la .Méditerr.néc, de
M. 3394. le même endroit
J. C même que le relèvement, des Salines qui le voïoient. vers
avant Ro-
606. & qui y subJ1flérent longtems.. 11 en fit distribuer gratuitement le tel aux
LVII. mains.
Mort du Ancus Martius avoit laissé, deux fils „ ; Le premieravoiteiiviro-,i quinze
Roy Ancus Le Royaume n'étoit pas hérédicure, &
Martiuc. ans, l'autre étoit encore au berceau.
An de Ro- Tarquin fut choisi Roy par le peuple.
Tarqpin étoit fils de Dcm.uatc natif
me 13 .du de Corinthe. Demarate exerçoit un commerce très- considérable, aïant uu
M. 1 m- vaisseau à lui, & commerçant dans l'Italie & sur les côtes de la Méditerranée,
avant J. C. 11 avoit aquis d'immenses richesses. Craignant la Tyrannie & l'avidité de
60je
LVil1.' Cypsele, qui. regnoit à Corinthe , & qpi y avoit usurpé la Couronne sur les
Tarquin anciens Roys descendus d'Hercule, dontDemarate se disoit desccndu, il s'éta-
f. Roy de blit à Tarquinie ville d'Etrurie. 11 y epou(a une Etrurienne dont il eut deux
Rome. fils, Aruns & Lucumon, Aruns mourut avant Demarate, & Lucumon demeu-
DionJs. Il epousa Tunaquil qui lui
Ba/icarn. ra seul héritier des grands biens de son Per.e.

naissance...
,
L Tit. inspira l'envie de s'établir à Rome. 11 y changea son noni de Lucumon en
Liv. l. I. celui de Lucius,& celui de Demarate en. celui de Tarquin, en mémoire du lieu
An de, Ro- de sa
me. i&>. du
M. 339S-
,
Tarquin s'étant fait connoître
avant J. 0. dans de grandes affaires >. & sur tout dans
& estimer par Ancus Martius,fut emploie,
le commandement des
..,

60S. NU u
Nous l'avons veu signaler son courage dans les guerres contre les Latins.
Choili par Ancus pour tuteur deses enfans, il sçut se faire elire Roy à l'ex-
clufion des pupilles, dont l'aine, comme on l'a veu, n'avoit pas encore quin-
fit une création de cent nouveaux:
ze ans. Pour s'affermir sur le trône, il attachez, parcequ'ils lui devoient
Senateurs, qui lui demeurérent fidèlement
leur fortune,
Tarquin ne demeura pas longtems- sans guerre. Les Latins lui en four- LlX.
nirent bientôt l'occasion. Aïant fait quelques dégâts sur les terres des Ro- contre Guerre
les
mains, Tarquin marcha contr'eux, les défit, assiégea & prit la ville d'Apioles,
Latins.
place. Crussume avoit suivi l'exemple
en vendit les habitans & démolit la An de Ro-
d'Apioles & s'étoit révoltée ; Mais elle rentra dans le devoir & mérita le par- me 140. dl1
don. On mit dans leurs villes une Colonie Romaine, qui y servit comme M. 3 396-1
avant J. C*-
de Garnison. Nomente, Collatie, Cornicule, furent traittées à peu prés de
présenter 604.
même. Les autres villes des Latins aïant réüni leurs forces, vinrent
la bataille à Tarquin pres Fidéne; mais ils furent vaincus , abbandonnéreiit
leur camp & se retirérent la nuit dans leurs villes. D'autres villes intimi-
dées par la rapidité des conquêtes de Tarquin, prirent le parti de la fournie.
sion. LX.
Il y avoit lieu de croire que le reste des peuples Latins suivrois bien- Confédé-
tôt leur exemple. Pour prévenir cette défection générale, les autres villes ration en..
Latines s'aiTemblérent au pied de la montagne d'Albesur la sontaine de la Dé- tre les La-
esse Ferentine.Là il fut résolu de faire un dernier effort pour se défendre contre tins, lesSa-
bins, & les
Rome, & d'envoyer des Ambassadeurs vers les Etrusques & les Sabins, afin de Etrusques.
les intéresser dans cette cause & implorer leur secours. Ces peuples se livrè- An de Ro-
rent sans répugnance , & formèrent un puissant parti. Les Latins com- me 146. du-
mencèrent les hostilitez par des ravages sur les campagnes Romaines, & les M.3402.
Sabins les imitèrent. avant J. C..
Tarquin marcha contre les Latins, laissant les Sabins faire le dégât en Dionys.. Ç8.
attendant qu'il les attaquât à leur tour. La bataille se donna, & la nuit sépa- Halicarn:
ra les combattans. Le lendemain l'armée Romaine se rangea de nouveau en L,.c.,1. sZ-
bataille mais celle des Latins demeura enfermée dans ses retranchemens. &c.-
C'étoit se, déclarer vaincus. Tarquin maître du champ de bataille.dëpouïlla
les morts & retourna victorieux dans son camp.
Quelquetems aprés les Etrusques étant accourus au recours des Latins, Guerre LXÏ*
on livra une sécondé bataille, où Tarquin demeura victorieux , & aïant mis contre leç:
en fuite les ennemis, entra dans leur camp, ceux qui le gardoient aïant pris Etrusques..
la Cavalerie Romaine pour la Cavalerie Etrusque. Les villes Latines n'aïant Ils font
plus de ressource, vinrent enfouie faire leur soumission, & Taquin lès traitta vaincus
Tar-
avec clemence, les reçut dans l'alliance des Romains , & leur permit de de- par quin.
meurer dans leur propre pays & d'y vivre selon, leurs loys. Aprés ces heu- An de Roi»
reux exploits, il rentra dans Rome en tiiomphe & chargé des riches dépouïl- me
les de l'ennemy. Il empH>ïa#es richesses à construire le grand Cirque dans M'. 3403.
la vallée Martia, qui s'étendoit depuis le montAventin, jusqu'au mont Palatin. avant J. C.-
Ce Cirque étoit deltinépour les jeux, principalement pour la courte des che- Dion:yJ S7.,
vaux. & des chariots. Halic.ibÚI..
E e 3, De
LX 11. De toutes les nations voismes de Rome, l'Etrurie étoit la plus puir-
Défcripti- sante & la plus formidable. Les Roys de Rome s'étoient plus d'une fois
on dupais trouvé engagez dans la guerre contre ces peuples mais ne les avoient ni
des Etrus- ,
vaincus ni assujettis. L'Etrurie s'étendoit sur la côte méridionale de l'Italie,
ques*
depuis la Méditerranée, jusqu'à l'Apennin ; & depuis la Ligurie jusqu'au Ti-
bre. Elle étoit partagée en douze Cantons, nommez Lucumonies,quiobéïi-
soient à douze Lucumons ou Chefs, qui les commandoient avec une autorité
presque souveraine. Les Grecs nommoient ordinairement les Etrusques
Tyrrhéniens,& donnoient le nom de mer Tyrrhénienne à la mer qui baignoit
leur côtes. Les Latins les nommoient Etrusques ou Tusques, d'où vient encore
aujourd'huy le nom de Toscans & Toscane. Les Etrusques avoient foruni
de grands lecours aux Latins dans la guerre que ces derniers firent aux Ro-
mains, & Tarquin avoit fait sur eux quantité de prisonniers. Les Etrusques
aïant envoie à Rome pour les répéter , on avoit fait refus de les rendre.Ce
fut l'occasion de la guerre dont nous allons parler.
LXIII. D'abord les Etrusques s'emparèrent de la ville de Fidene qui n'étoit
Guerre qu'à cinq miles de Rome. De là ils pillérent à leur aise les campagnes,
des
contre les environs, suns que Tarquin, qui n'avoit
Etrusques. pas fait ses préparatifs , osàt paroître
An de Ro- pour les défendre. L'année suivante il se mit le premier en campagne ; son
me IH.du armée étoit partagée en deux corps. Il étoit à la tête des Romains, & Ege-
M. j41I. rius ou Collatinus son parent, commandoit les alliez. Ce dernier.ailiégea
avant J. C. Fidéne.mais les Etrusques aïant pris le tems, qu'il avoit fait plusieurs déta-
S89.
chemens de ses troupes, attaquèrent son camp & le forcérent.puis défirent sans
beaucoup de peine ses détachemern; les uns aprés les autres, Tarquin fut
plus heureux, il se campa au pied du rocher sur lequel Veïes étoit bâtie; les
Etrusques lui livrérent la bataille, & la perdirent; Tarquin aprés avoir ravagé
la campagne, revint à Rome chargé de butin.
LXIV. L'année suivante il se rendit maître de la ville de Ceré, après avoir vain-
Frire de cu l'arnléeEtrurienne qui étoit venue à son secours, Fidene fut prise la
Ceré &de cam-
pagne qui suivit, malgré l'oppolltion des Etrusques. Tarquin fit fouetter de
Fidéne.
& décapiter tous les Fidenates qui furent soupçonnez d'avoir livré la
An de Ro- verges
nie 156. du ville aux
Etrusques, les autres habitans furent bannis, &les Romains seuls en
M. 3412- demeurèrent les maîtres. Peu de tems aprés se donna la bataille au pied
avant J. C. des murailles d'Erete ville des Sabins. Les Etrusques y furent entièrement
588. défaits;& cette défaite les fit songer à faire la paix avec les Romains.
LXV. En effet ils envoïérent à Tarquin des Ambassadeurs pour traitter. Tar-
Paix con- quin ne leur demanda que la souveraine autorité sur leur Lucumonie leur
clue entre laissant leurs villes, leurs champs ,
leurs loys, leurs usages & même leur
,
li-
les Ro- berté. Pour reconnoitre qu'ils en tenoient le souverain Domaine du Roy
mains 6c de Rome, les Etrusques lui envoïérent une Couronne d'or, un trône d'yvoi-
les Etrus-
re, un sceptre surmonté d'un Aigle, une tunique brochée d'or, & ornée de
ques.
An de Ro- palmes une robbe de pourpre à fleurs de Ates couleurs & douze
me içg.du ,
haches garnies de leurs faisceaux.Aprés que ces présens eurent été, agréez du
M. Sénat, & que la paix eut été ratifiée, Tarquin entra dans Rome en triomphe
avant J C.
185. monté sur un chariot, & orné de ces parures. Jusqu'alors les triomphateurs
y étoient
y étoient entrez a pied, & sans ornemens extraordinaires. Telle fut la fin de
la guerre des Etrusques, qui dura neuf ans.
Les anciens Romains dans le commencement ne furent occupez qu'à LXVt
Tarquin
s'établir, à se fortifier, a se défendre contre leurs voisins , & à remplir leur fai
ville de Citoïens ; peu curieux de l'ornement, de la propreté, de la 'nlagnifi.
t bâtir
des egouts
cence des batimens. La ville bâtie sur quatre montagnes , étoit nécessaire- dans la vil-
ment fale & malpropre dans les vallons qui se trouvoient au pied de ces le deRome
montagnes. La malpropreté & les bouës y causoient la mauvaise odeur, &
l'infection y produisoit des maladies. Tarquin entreprit d'en faire écouler
les eaux & les immondices par des egouts soûterrains, qui les conduisiflent
jusques dans le Tibre. Pour y réÜssir il fallut creuser la terre & y pratiquer
des allées voutées assez larges pour donner le cours à ces eaux ces allées
,
étoient d'une largeur si considérable , qu'il y pouvoit palier une charette
chargée de foin. Les voutes en étoient si solides, qu'elles pouvoient servir
de fondement aux maisons qu'on bâtissoit par dessus. L'on perça le rocher
& les montagnes pour conduire- ces egouts jusques dans le Tibre. Pline qui
les voïoit huit cens ans aprés qu'ils avoient été construits, en parle comme
d'un ouvrage merveilleux.
Aprés cela Tarquin tourna ses soins à embellir la place du marché Ro- LXVI!.
main qu'il venoit de nettoyer par le moïen des egouts. Il la fit environner Tarquin
embellitlc
de périmes & de galerie, y bâtit des Temples, des boutiques, des écoles & marché
des sales pour y rendre la justice. Ainsi Rome s'embelliiloit insensiblement, Romain.
à mesure que sa puissance & ses richesses s'augmentoient. An deRo-
Le peuple Romain étoit à peine sorti de ces grands travaux, que Tar- me 166.
quin les occupa à la guerre contre les .Sabins. Ce Prince leuravoit deman- 167. du M'
dé qu'ils lui livraient ceux de leur nation qui avoient inspiré aux Etrusques avantJ. 9422. 23.
G*
de prendre les armes contre les Romains. Sur le refus qu'ils en firent,Tarquin *77-
leur déclara la guerre. Le combat se donna sur les confins des deux Etats, Dionys.
& aïant duré depuis le matin jusqu'au soir, les deux armées rentrérent dans Halicarn.
/. ?.cr
leur camp, puis sè retirèrent dans leurspais, sans rien entreprendre de nouveau LXVIII.
les uns sur les autres. Guerre
La campagne suivante fut remarquable par un prodige marqué dans contre les
toutes les annales des Romains.Tarquin avoit dessein d'augmenter de quelques Sabins.
Corps de troupes la Cavalerie Romaine. Attius Navius fameux Augure de ce An de Ro-
i<58.djf
tems-là s'opposa, disant qu'on ne devoit point innover dans une chose insti. me M. 9424.
tuée par Romulus & aprouvée par les Auspices. Tarquin pour faire tomber avant J. G,
l'autorité de Navius, lui demanda un jour dans la place publique en présen- 5:76.
LXIX-
ce de tout le peuple, si par le secret de son art il pouvoit lui dire, si ce qu'il Tarqnin
avoit dans l'esprit pouvoit s'exécuter ou non. Navius sans hésiter répondit
coupe un
que ce qu'il méditait étoit possible. En même tems le Roy tire de dessous Caillou
sa robbe un rasoir & lui dit qu'il avoit dans l'esprit de couper un caillou avec um
avec ce rasoir, Navius lui dit d'essayer. Tarquin aprocha le rasoir du caillou rasoir.
& le coupa sans peine. Ce Prince persuadé de la certitude de l'art de Na- Di°n:1J.
Halicarn„
vius, lui fit, dit-on, ériger une Statuë de bronze dans le lieu des assemblées /.g.
publiques, & on enterra le rasoir & le caillou fous un autel placé au pied
de la statuë, sur lequel on recevoit les sermons de ceux qui juroient en ju-
stice. Cette ltatuê se voïoit encore du tems d'Auguile. Ciceron traite de
Cicero t. fable tout ce récit
du caillou de Navius. D'autres attribuent la choie à la
de Divinit. magie.
LXX. - Quoiqu'il en soit, Tarquin sans augmenter le nombre des corps de Ca-
Victoire de valerie instituez
Tarquin par Romulus, se contenta d'y ajouter quelques Compagnies,
les ce qui produisit le même effet. Il se mit en campagne d'aflcz bonne heure.
contre
Sabins & Les Sabins s'étoient postés allez prés de Fide"ne ; Msavoient dans leurs armées
les Etrus- bon nombre d'Etrusques. Ceux-ci étoient campez sur un des bords du Ti-
ques. bre, & les Sabins sur l'autre bord, aïant un -pont de *bat-tea-ux pour servir de
hn deRo- du communication aux deux armées. Tarquin trouva moïen par des radeaux
xiis 168.
JM- 3424- chargez de bois secs, de poix & de reline; de mettre le feu au pont de batte-
avilit J. C. aux des ennemis, & pendant le trouble que cet incendie causa dans les deux
576. camps, il attaqua d'un côté les Sabins, pendant qu'un détachement
qu'il a-
voit jetté au .de la -du Tibre, attaquoit celui des étrusques. Il remporta sur
les uns & sur les autres une victoire complete. Il en attribua la gloire à Vul-
cain, à cause du feu qu'il avoit mis au pont d-es ennemis , & brûla en l'hon-
neur de, cette Divinité, les dépouilles qu'il avoit prîtesilsur l'ennemi.
LXXi. Les Sabins aïant de nouveau paru en -campagne, les poussa & les tail-
Guerre la- en pièces. Ils demandèrent la paix & ils obtinrent une tréve de iix mois.
contre les Avant son expiration les Sabins passérent l'Anio & se jettérent sur les terres des
Sabins.
Romains. Tarquin les arreta & les battit. L'année suivante ils se présentérent
An de Ro- sous un nouveau Général, qu'ils croïoient plus expérimente que
me 16 8. du en campagne
M. ?424. le premier. il se posta sur une hauteur inacceffibile, où Tarquin ne put
àvant J. G. l'attaquer, mais ,il l'y assiégea en quelque sorte par de bons retran^hemens, &
576. l'obligea bientôt faute de vivres & de fourages, de se sauver à la faveur d'une
nuit obicure & o'rageuie.
L_XXIl. Les Sabins comptant pour beaucoup d'avoir arrête ^ ^
pour cette fois les
Tarquin efforts de Tarquin, formèrent une armée plus nombreuse que la première, &
remporte l'aïant partagée en deux corps, se mirent les premiers en campagne. Tar-
la victoire quin de son côté aïant fortifié son armée des secours que lui donnèrent les
su.r les Sa-
bins. Latins & les Etrusques, partagea son armée en trois Corps.Le Corps des Etrus-
An .de Ro ques étoit commandé par Aruns, celui des Latins par
Servius Tullius qui
,
me 170 du succéda à Tarquin dans le royaume; Il se réserva à lui même le commande-
M. 342.7.
ment des Romains. Il avoit l'aile droite, Aruns la gauche & Servius Tullius
avant J.0, étoit de l'armée. Le combat fut rude & san gin n t. On combattit
au centre
de part & d'autre avec un courage égal. A la fin les Sabins succombérent
57?-

& laissérent sur le champ de bataille les plus braves des leurs. Aprés cette
victoire Tarquin maître de la campagne,' ravagea les terres des Sabins & re-
vint à Rome avec son armée, chargé de richesses.
LXXM Restoit à subjuguer les villes des Sabins. Tarquin se disposoit a les ré-
Paix entre duire par la voie des siéges , lorsque les Sabins lui députèrent des
Auibafla-
les R.p. à
deurs pour lui offrir les places de tout leur païs, condition qu'on leur ac-
malns &lr,,s. corderait-des conditioni; tolérables, Tarquin leur offrit la paix & la liberté
Sabins. accordées aux Etrusques. Les propo-
Aude Ro- aux mêmes conditions qu'ils les avoit sissons
litions furent agréés, & Tarquin pour recompense de ces grands services mé- me171. du
rita pour lui & pour ion petit-fils les honneurs du triomphe. 11 songea en- M. 3428..
suite à acquiter un voeu qu'il avoit fait dans le fort de cette guerre, de bâtir ayant J. G.
un Temple à Jupiter, à Junon sonEpouse & à Minerve leur fille. Ce Temple 17*-
fut bâti sur le mont Tarpeïus, sous le nom de Jupiter Capitolin. L'Augur
Attius Navius avoit prononcé que ce lieu avoit été choisi par Jupiter ; & que
tous les Dieux qui avoient déja leurs Statues sur cette montagne , cedoient
volontiers la place au plus grand des Dieux: Mais que le Dieux Terme & la
Déesse Jeunesse étoient les seuls qui n'en avoient pas voulu bouger, ainsi 011
les y conserva.avec les trois Divinitez dont nous avons parlé.
Tarquin avoit deux filles qui furent mariées l'une à Servius Tullius, & l'au-
tre à Marcus Junius,les deux hommes de la ville les plus dignes de la souverai-
11e autorité. Il avoit aussi deux petits-fils, tous deux en bas âge. Pour lui,
ion âge avancé ne lui permettoit plus les exercices dela guerre, ni les gran-
des expéditions. Il ne songeoit qu'à passer en paix le reste de sa vie.
Attius Navius ce fameux Augur dont on a parlé aïant tout d'un coup Lxxm
difpatu, sans qu'on sçut ce qu'il étoit devenu., les fils, d'Ancus Martius, pré- Mort de
décesseur de Tarquin sur le Trône, l'accusérent devant le peuple, de l'avoir P Augur
fait assassiner. Tarquin s'étant présenté pour se justifi-er, ne fut point écouté; Attius
vius.
Na..
l'lais Servius Tullius son gendre réunit à dissiper la calomnie, & à faire reCOH- An de Ro-
noitre l'innocence du Roy. me I73. dtt
Une des Vierges Vestales aïant deshonoré sa profession par une action hon- M 9429.
teuse,fut enterré toute vivante, par les ordresde Tarquin, & son complice expira avant J. C.
fous les coup de fouet. C'est le premier exemple de cette sévérité exercée LXXV, *7'-
contre les vestales. Une Vefca-
Les fils du feu Roy Ancus Martius ne perdoient point de veuë les te est en4
desseins qu'ils avoient formé de faire périr, le Roy Tarquin. Ce Prince avoit terrée tou-
, vive..
quatre vingt ans, & la santé dont il jouïssoit lui promettoit encore une af- te DianyJ.
,
sez longue vie. Ils résolurent de le faire assàssiner, Ils gagnèrent deux hom- Halicarn.
mes, à qui ils firent prendre des habits de bucherons avec leurs haches. Entrant 1. ?. c. 67-
dans la ville, ils feignirent de prendre quérelle & à se vouloir battre, ils fu- LXXVI.
Mort du
rent suivis par un grand nombre de Spectateurs. Arrivez vis à vis le Palais vieu Tar-
Royal, ils entrèrent & demandèrent justice. Tarquin parut, & comme il se quin. An de
disposoit à les ecouter l'un d'eux lui déchargea un coup de coignée sur la Rome 174.
téte & le renverra mort., On arreta les deux assassins qui déclarèrent à la du monde
, 3430.
torture que les Auteurs du meurtre étoient les fils d'Ancus Martius. Tarquin avant J. G.
avoit régné avec beaucoup de gloire & de conduite pendant 37. ou 38. ans.
Tanaquil Epouse de Tarquin au lieu de perdre le tems en cris, & en 570,
lamentations, se renserma dans le ,Palais avec OcrisieMere de Servius Hosti-
lius, & avec Hostilius lui-même; & aprés avoir exhorté ce dernier à prendre
la couronne elle fit entendre le lendemain au peuple assemblé autour du
Palais, que Tarquin n'étoit pas mort, que sa blessure même n'étoit pas mor-
telle & que le Roy demandoit, qu'en attendant son entier rétablissement,
à
rendit, obéïssance Servius Hostilius son gendre. Le peuple crut Tanaquil,
Servius parut en public revêtu des habits Royaux punit
on

, ceux qui étoient au-


teurs de l'attentat commis contre la. personne du Roy , rendit dee arrets eir
son nom, & aprés avoir gagné le Senat & le peuple par sa douceur & par
son adresse, il publia la mort de Tarquin. Le Senat le reconnut pour sonsue-
cesseur, & le peuple n'y forma aucune opposition.
LXXVII. Servius Tullius étoit, comme on l'a dit, fils d'Ocrisie, laquelle étoit née à
Servius Cornicule ville du Latium & fut enlevée encore assez jeune, lorsque cette
Tullius , Ce Prince la
Roy deRo-
ville futprise par Tarquin. prit dans son Palais. Elle y devint
me,Succes- enceinte de Servius HofUlius. L'histoire ne nous a pas apris qui étoit le pere
seur de de Servius.Quelqu'uns croient que. c'étoit Tarquin lui-même. Quoiquil en
Tarquin. foit, Tarquin le traitta toujours avec beaucoup de bonté & Tanaquil eut
,
An de Ro-
du pour lui latendresse d'une vraïe Mere. Tiré de l'esclavage où il étoit né, il
me 175. devint Citoïen Romain, puis on lui donna place parmi les Senateurs. Il epou-
M. 3431.
avant J. G. sa dabord une Romaine nommée Gegania.fbrtied'une des plus illustres famil-
169. les de la ville. L'aïant perdue peu de tems aprés son mariage, Tarquin lui
JP ionyf. fit epouser une de ses filles. Aprés s'être distingué dans les armées par sa con-
Halicarn. duite &
/. 3. & 4. par sa valeur ; Et aprés s'être fait connoitre au Senat & au peuple
Initia. Tit. par son équité & par sa modération » il ne lui fut pas malaisé, aidé des con-
Liv. 1.1. seils de Tanaquil,, de. monter sur le Trône.
TDeead, l. Toute fois l'affedion du Senat ne fut pas consiante. Il se plaignit que
Servius Tullius n'eut pas été elû à la manière accoutumée, & qu'il se fut, pour-
ainsi dire, emparé du Royaume par souplesse, sans donner au Senat la satis-
fadion de gouverner pendant l'interrégne, comme il s'étoit pratiqué jusqu'alors..
Dans cette délicate circonstance Servius sçut habilement commettre le Senat
,
avec le peuple & pour se concilier l'amitié de ce dernier en paroissant sur la
,
place, aïant à ses côtez les deuxpetits fils du dernier Roy, desquels il étoit
Tuteur; 11 harangua le peuple, & lui aïant recommandé le sort de ces pupil-
les, il leur représenta qu'on n'en vouloit à lui, que pour pouvoir plus aisément:
les opprimer. Il leur promit, que s'ils vouloient lui conserver la Couronne,
ils trouveroient dans lui un puissant proteCteur contre les vexations & la dure-
té de la Noblesse & des riches.
Ce discourslui gagnales coeurs des Romains,& Servius pour effeduer ses
promesses* ordonna peu de tems aprés que tous les débiteurs eussent à lui apor-
ter leurs billets & l'état de ce qui leur étoit dû , & en même tems il acquit-
LXXVUL ta toutes ces dettes; Ensuite il obligea ceux qui avoient usurpé des terres ap-
Servius pu- partenantes au public de les restituer, & il les distribua de' suite aux plus
blie qu'il a ,
pauvres du peuple, qui en 11lanquoient., Il s'étoit proposé Numa pour modè-
«es entre-
tiens avee le, il rétablit
plusieurs loys de ce sageRoy, que l'usage avoit abolies, & il en
la Déesse publia de nouvelles en faveur du peuple.
Fortune. A l'imitation de Numa il publia qu'il avoit des entretiens secretsavec la
Plutarch. Déesse Fortune, comme Numa en avoit eu avec la Nymphe Egerie & que la
de lortun. ,
Fortune entroit toutes les nuits par une fenêtre dans son apartenïent. Il rendoit
Roman.
ion'yr. à cette Déesse un culte tout particulier. Il lui bâtit des Temples sous diffé-
Halicarn. rens titres, comme de fortune oblijJànte, de fortune Vierge, de fortune ainée, de fortu-
1. 4. c. 2.
ne virile, & même de fortune contraire. De plus, on publia apparemment pour
Plin. 1.6. le flatter, pendant qu'il étoit encore au berceau, sa téte parut environnée
Tit. que
C 22.
Li -y. /. 1. d'une flamme,comme d'un diadème, laquelle nc.djsEarut qu'à son reveil.
J\Ialfrré;
Malgré l'inclination-que Servius avoit pour la paix, il se vit bientôt obli- LXXIX.
<yç de
prendre les armes contre les Veïens, qui prétendirent, qu'après la mort Guerre
les
deTarquin ils étoient dégagez despromeÍfes & des conventions, qu'ils avoient contre Veïens.
faites avec lui; D'ailleurs ils savoient la haine que le Senat portoit à Servius
, An de Ro-
& ils ne doutoient pas, que ce corps respe&able ne les favorisat contre le Roy. me 179.
Ils déclarèrent donc la guerre auxRomains.mais ils furent battus & dépouillez J80.i81.18J..
de leurs terres, qui furent données à ceux des Romains qui en manquoient. du monde
?*•
Cependant le Senat persistoit dans sa haine contre Servius, quoiqu'à l'ex- 949-1. ?7' 38.
terieur, il ne lui en témoigna rien ; mais le Roy étoit informé qu'on songeoit avant J. G.
à rappeller les fils d'Ancus-Martius, qui étoient les Auteurs du meurtre commis 161. 564.
sur la personne Tarquin. Il fit de son côté répandre le bruit que l'on en 56g. 162.
vouloit à sa vie, & ne parut plus en public qu'en habits de deuïl. Le peuple JDionys.Ha- licarn. 1.4.
gagné par les libéralitez de Servius,étoit disposé à tout faire en sa
Prince le convoqua accompagné deTanaquil, d'Ocrisie & des deux petits- fils 12*
faveur. Ce .
c. le. 11,

du Roy Tarquin, & aprés avoir exposéles services,qu'il avoit rendus au peuple,
-

& qui l'avoient rendu odieux aux Patriciens ; Il conclut qu'il remettait son
sort & sa Couronne au peuple . qu'il ne la vouloit tenir que de lui, que sa
vie ou sa mort étoient entre leurs mains. En achevant ces paroles, il descen-
dit de la tribune aux harangues. Le peuple l'arrêta & lui dit qu'il ne vouloit
point d'autre Roy que lui. En même tems on cria qu'il falloit assembler les
Curies, & procéder à une eledion du Roy dans toutes les regles. Le peuple
assemblé élut Servius d'un consentement unanime.
Le Senat n'y prit aucune part,& ne put se résoudre à ratifier cette élection
Ce refus inquiéta Servius, & lui auroit fait abdiquer une dignité, où il ne pou-
voit croire sa personne en seureté, étant dans la disgrace du Senat; MaisTa-
naquil le rassura, & ce Prince eut bientôt occasion de signaler sa valeur con-
tre les Etrusques, qu' il vainquit & -dont il triompha.
Comme la ville se rempliflbit tous les jours de nouveaux Citoïens,Servius LXXX.
résolut d'enfermer dans son enceinte les monts Esquilin & Viminal ; Et pour Les monts
les Citoïens à venir peupler le mont Esquilin il établit sa demeure Esquilin &
engager , y ViminaL
& y bâtit son Palais. Par ce moyen la ville de Rome se trouva enfermer fermez en
dans son enceinte sept collines, qui ont toujours depuis fait un de ses cara- dans Ro-
ctères spécifiques & qui l'ont fait dénommer la ville aux sept collines, fepticol- me. An de
lii. Tout ce qu'on y ajouta dans la suite, n'aïant été considéré que comme Rome 166.
Faubourg. 11 joignit de plus aux trois tribus qui partageoient tous les bour- du monde
de Rome, quatriéme tribu nommée Esquiline Et donner g442.
geois une ; pour aux avant J. C.
Esclaves mêmes des marques de son attention, & leur procurer le moïende sa, îïS.
tisfaire leur dévotion ; 11 ordonna que dans les différens quartiers de la ville Halicam.
L
on erigeât de petites chapelles de bois consacrées aux Dieux Lares, ou aux 14-4. c. 1 3-
Dieux des Carrefours, dont les Esclaves seuls exerçoient le sàcerdoce, célé-
brant en leur honneur certaines fêtes nommées Saturnales, instituées princi-
palement pour le soulagement, le repos & la récréation des Esclaves ; Dans
tout cela il entroit pour le moins autant de politique, que de religion & d'hu-
manité. Ces fétes & cette liberté qu'on accordoit aux Esclaves pendant les Sa-
turnales, les rendant plus affectionnez à leurs maîtres & adoucissant les amertu-
Bles de l'esclavage. Ff % Ilne
LXXXL Il ne se contenta pas de regler les tribus qui étoient dans la ville , il
Ordre que régla aussi celles de la campagne, & les réduisit au nombre de vingt six en
,
Servius sorte, qu'ajoutées à celles de la ville , elles failbient en tout trente tribus.
met dans Dans chacune de
la campag- ces tribus champêtres , il y avoit une espéce de fortéresse,
ne de Ro., dans laquelle les gens
de la campagne se sauvoient & retiroient ce qu'ils
me. avoient de meilleur en cas d'allarmes. Ces forteresses s'apelloient Pagi , ou
Dion."IJ. bourgades, dans chacun desquelles il y avoit un Magistrat & un Temple
-Ua Hcarn.
L 4.-". l'y.
où se trouvoit toute la tribu pour les actes de religion ; & afin que l'on pût
sçavoir au juste combien dans chaque tribu il y avoit d'hommes, de semmes
& d'enfans, tous étoient obligez de porter au Magistrat de la bourgade, une
piéce d'argent, différente selon les âges & les sexes. De manière qu'en
Trid. Dio- comptant ces piéces de monnoyeyon pouvoit a coup seûr savoir ce qu'il y
nys Hali- avoit de personnes dans chaque tribu ; Ce qui étoit d'un grand secours pour
earn 1.4.Ç. l'imposition des impots & pour les levées des milices.
16.17.
LXXXII. Servius n'avoit point d'enfans mâles-, mais il avoit deux filles nommées
Mariage Tullies; & comme il considéroit les deux petits-fils de Tarquin comme ses
des detix propres enfans, il crut ne pouvoir rien faire de mieux ni pour sa propre fa-
filles de mille, deux jeunes Princes,que de leur faire epoufer ses deux fil-
Servius :
ni pour ces
i'uneàTar- les. Les deux Princes, de même que les deux Princesses étoient de caraaé..
quin, & res fort différens. Tullie l'ainée étoit d'une humeur douce, traittable,docile,
l'autre à réglée dans ses inclinations, & les raportant toutes au devoir & à l'honneur ;
Aruns.
Dionys.
Aruns le puiné des deux Princes étoit à peu prés du même caractère , luns
Malicaru. ambition & sans empreflfcment pour les grandes
dignitez. Il préfëroit la
1.4.c.2.8.2.. douceur d'une vie privée au tumulte du gouvernement.
Tullie la cadette ne ressembloit nullement à sa soeur ; mais reficmbloiC
beaucoup à Tarquin l'ainé des deux Princes dont on a parlé. Tous deux il:)
étoient fiers, hautains, altiers, ambitieux, capables de tout là cri fier pouriatis-
faire leur passion de dominer. Le Roy Servius Tullius pour tempérer dus
humeurs si contraires,, fit epouser sa cadette à Aruns, & son ainée à Tarquin,
Nous verrons dans la suite le mauvais succés qu'eurent ces mariages, que la
prudence sembloit avoir ^(Tortis.
lxxxiu Romains. Les Etrusques souffroient très-impatiemment de se voir assui(-,Itill; aux
guerre, de Ils résolurent de secouër le joug tous enfemblc,& de saire les dLr-
Servius niers efforts pour se remettre en liberté. Servius les défit en plusieurs com-
contre les bats, & les obligea de venir enfin. lui faire leur soumission, aux mêmes con-
Etrusques. ditions qu'ils avoient déjà sait environ 62. ans auparavant. Cette guerre
An de Ro-
succés avec lequel Servius leur fit la guerre , lui mérita
me 201. dura vingt ans, & le
202. 20?. l'honneur du triomphe.
204. du M. Jusqu'au regne de Servius Tullius la ville de Rome s'etoit remplie de
94Ç7-- différentes sortes de citoïens & de différens étages ; ces citoïens touteiois
avant J. C.
U? égalemment cottisez & également obligez à suporter les charges {jersonnel-
Dion."Is. les de la. milice; Ce quifaisoit que les plus pauvres succon1boiel1t a ces im-
Maltearn. positions, & ne pouvoient fournir aux frais de la guerre ; Car alors chacun
1. 4. c. 27.
faisoit la guerre à ses dépens, sans recevoir aucuue lolcle ni aucune paye.
LXXXIV le peuple en différentes clusses kkn les
iuftratio-n, Servius entreprit donc de partager
tacul-
facultez, afin de distribuer les charges & les importions , à proportion des ou dénomd
biens de chacun. Il fit donc une loy qui ordonnoit à tous les citoïens de brement du peuple
Rome, tant à ceux qui demeuroient dans la ville, qu'à ceux qui avoient leur Romain.
demeure à la campagne, de donner par écrit leurs noms, leurs âges, ceux de Dion.1f.
leurs Peres, de leurs femmes & de leurs enfans, avec le nom de la ville , du Halicarn.
bourg ou du canton où ils habitoient, de marquer la valeur de leurs biens, A4. c. 16.17 &
fous peine d'en être depouïllé au dépens de l'épargne, & d'être battu de Ii-.
ver- Jeq. 1..
ges, puis vendu pour esclaves.
Aprés avoir ainsi pris connoissance du nombre, des qualitez & des fa-
cultez de tous ceux qui composoient ses états, il partagea les citoïens en
cinq classes. Des plus riches, des moins riches, & des trois étages de pau-
vres. Les plus riches furent ceux dont le revenu annuel étoit de centmines,
ou de 4527. livres. Les moins riches avoient de revenu au moins 7j. mines,
ou 3470. livres. Les troisiémes avoient de revenu au moins cinquante mines, la
ou 2313. livres. La quatrième Classe n'avoit que 20. mines de rente, &
5e. en avoit entre 25. & douze mines & demie.
Chacune de ces classes étoit soûdivisée par l'âge de ceux qui les com- LXXX7-
posoient. Les jeunes gens étoient comptez depuis 17. jusqu'à 4S. ans ; Les Le peuple
Romain
vieillards étoient ceux qui passoient 45. ans. Les premiers alloient en cam- 1partagé
pagne. & marchoient contre l'ennemi. Les autres étoient destinez à défen- en six
dre la ville en cas de liège ou d'attaque. L'infanterie de la premiere classe C la (Te s.
étoit distinguée par la sorme & la qualité de ses armes. Elle portoit un bou-
clier ovale, un casque, une cuirasse & des cuissards d'érain ; Elle combattoit
avec l'epée & le Javelot. La Cavalerie de la même premiere classe étoit ar-
mée à proportion.Les chevaux leur étoient fournis aux dépens du public. Les
veuves fournissoient une certaine [0111nle,qui étoit destinée à acheter ces chevaux.
La seconde classe usoit à peu prés des mêmes armes que la première.
Ils n'avoient point de cuirasse, & au lieu de bouclier rond , ils avoient un
bouclier quarré. On joignit à cette seconde classe des charpentiers, des ler-
ruriers & d'autres Artisans pour les machines de guerre. La troisiéme Classe
n'était presqu'en rien distinguée de la seconde. La quatrième Classe n'avoit
point de casque ni de cuirasse , mais seulement le bouclier quarré, l'epée &
la Javeline. Ils avoient parmi eux deux centuries de trompettes & de tam-
bours. La cinquième classe n'avoit pour toutes armes que la fronde & les
dards. Les pauvres qui composoient la sixié*me classe, étoient exempts d'al-
ler à la guerre & de payer les tributs. Par le dénombrement général des ci-
toïens Romains qui se fit alors , on trouva qu'il y avoit quatre vingt quatre
mille sept cent hommes capables de porter les armes ; Le tout partage en
cent quatre vingt trieze centuries.
Quand. il étoit question de faire des impositions , ou de lever des Sol-
dats, cela se faisoit par centuries , & à proportion des facultez de chaque
classe ; Celles qui étoient les premières & les plus puissantes en richesses
y
fournissant davantage en hommes & en argent, & les autres seulement à pro-
portion de leurs forces & de leurs revenus. Comme cette disposition soula-
geoit beaucoup ceux qui étoient moins riches, Servius recompeufô ces der-
niers,en leur donnant une plus grande autorité dans la décision des affaires
publiques ; Et comme ils étoient distribuez en un bien plus grand nombre
de centuries que les autres classes, ils avoient aussi un bien plus grand nom-
bre de voix dans les élections, & par conséquent elles l'emportoient d'ordi-
naire sur les autres classes.
IXXXVI Servius fit intervenir la religion pour consacrer une disposition si sage
Sacrifices & si utile. Il fut ordonné fous peine de mort à tous les citoïens compris
pour la lu- dans le denombrement.dc se trouver au champ de Mars à un certain jour
stration du
peuple. marqué, avec leurs armes & chacun dans son rang. Là les centuries furent
An de Ro- rangées en ordre de bataille, selon la nouvelle distribution. Puis on con-
me 204. du duifit dans toutes les files de l'armée trois viétitnes, un taureau un belier &
M. 1460. ,
un verrat, puis on les immola au Dieu Mars. Cette cérémonie fut nommée
avant J. Ç.
Lujlrum ; Et comme cette reveuë se faisoit d'ordinaire de cinq ans en cinq
.540.
ans, de la vint la coutume parmi les Latins de compter par lnjîre , de même
que parmi les Grecs de compter par Olympiade.
LXXXVth Comme il y avoit dans Rome quantité d'esclaves pris en guerre; Servius dans
Affranchis-
sçmentdes la veuë de peupler de plus en plus la ville de Rome.&de lui procurer de nou-
Esclaves à veaux citoïens, donna le choix à ces esclaves, ou de se retirer dans leur païs,
Rome. ou de demeurer dans Rome, pour y jouïr des droits des Citoïens Romains.
Dion.'Ys. Ceux qui prirent ce dernier parti, furent nommez Libertini, affranchis , & ils
Jïalicarn. furent distribuez
J. 4.C.22.23. en quatre tribus, avec les mêmes droits que les autres bour-
geois de Rome. Le Sénat trouva à redire à ce que venoit de faire Servius ;
mais ce Prince leur aïant parlé, & aïant fait voir la justice & les avantages de
cette conduite, ils l'approuvèrent, & la chose passa en loy, chaque maître
aïant la faculté d'affranchir son esclave, ou à causede sa fidélitê,ou de sa bonne
conduite, ou de ses bons services, ou enfin lorsque les esclaves rachettoient
leur liberté par de l'argent qu'ils avoient légitimement acquis ; & ces escla-
ves ainsi affranchis entroient dez la même en jouïssance des prérogatives des
autres citoïens , & étoient agregez dans l'une de quatre tribus des affran-
chis.
7.XX.XVU1. Après avoir ainsi réglé les corps de l'état; Il regla aussi les fonctions de
Fondions la Roïauté. Jusqu'alors les Roys de Rome avoient été chargez de la décision
du Roy de de les affaires publiques & particulières; à mesure que la ville
Rome. presque toutes
Dionys. s'augmentoit au dedans par le nombre de ses citoïens, & au dehors par les
Halicarn. conquêtes qu'elle faisoit, la multitude des affaires s'augmentoit aussi , & un
1.4. C. 25- homme seul ne pouvoit donner à chaque chose le tems & l'attention conve-
nables. Il se déchargea sur le Senat du poid des procés ordinaires, ne se ré-
servant
que les affaires d'état.
Un autre trait de la sagesse de Servius, fut d'indiquer tous les ans une af-
LXXXIX semblée soleiiiiielle,où les peuples Latins se trouveraient
Féries La- avec les Romains,
tines insti- poùr y renouveller leur amitié, & y délibérer sur les affaires communes.
Le
tuées par Roy invita ces peuples d'envoïer à Rome leur Députez pour leur faire ou-
Servius. verture de son projet. Il proposa de bâtir un Temple à Diane d'Ephése, où
idem /. 4 année les Latins & les Romains viendroient faire leurs sacrifices , où
• chaque
A 26. l'on délibéreroit suries intérêts des deux peuples,&où l'on tiendroit une foire
pour
pour leur commodité. Les Sabins dez lors, ou du moins dans la suite eu--
rent part à ces assemblees. Le projet de Servius fut agréé de tout le monde,
le mont Aventin fut choisi pour y bâtir le Temple projetté , & on grava sur
l'érail1 les loys qu'on y devoit observer, tant pour les Sacrifice s, que pour les-
délibérations , de même que le nom des peuples qui devoient assister à l'at-
senlblée. Cette inscription, qu'on voïoit encore du tems de Denys d?Hali-
carnasse, c'est-à-dire sous le regne d'Auguste, étoit écrite en lettres Gréques.,
qui ne sont autres que les anciennes lettres latines ; Car les Latins sans con-
tredit ont pris leurs caractères des Grecs.
,
Tout le commerce se faisoit alors à Rome, apparement par l'échange XG'
des denrées, du bétail, des métaux & des marchandises, les unes contre les Ancienne-
autres. Il paroit certain qu'avant Servius la monnoye frappée ne fut point monnoie
de Rome.
en usage. Les premiéres monnoyes Romaines que l'on connoi(se,& dont, Pli». 1.831.
on conserve quelqu'unes dans les Cabinets, sont toutes de cuivre & fort nlaf-
fives. Elles portent l'empreinte d'un boeuf, d'un bélier ou d'un verrat Elles
font oblongues & d'un poid considërable. L'or & l'argent ne fut emploie k
Rome pour la monnoye, que beaucoup plus tard.
Servius qui se voïoit déja sur l'âge, songeoit a se donner un successeur.
Il avoit, comme nous l'avons veu, deux geadres, dont l'un,. c'étoit Tarquin,
lui avoit déplu par ses manières impérieuses , & par son attachement au Se-
nat, qui n'aimoit pas Servius; Aruns son second gendre étoit d'une indo- Dianjs.
lence qui le rendoit peu propre à regner. On dit que Servius avoit longé à Halicam,'
remettre la souveraine autorité au peuple Romain, & à réduire la. ville de Ro- I.4.C.
me en Republique. 30.
Cependant Tullie Epouse d'Aruns- concevoit tous les jours plus de mé- XCL le:
Tarquin
pris & d'aversion pour son mari, & Tarquin Epoux de l'autre Tullie se por- jeune fait
toit tous les joursà de nouveaux excés envers son Epouse qui n'entroitpas dans mourir
les veuës, & qui ne secondoit pas à son gré son ambition démesurée. La Tullie son-
chose en vint à un point,que Tullie Epouse d'Arunsdans une entrevuë qu'elle Epoule &
eut avec Tarquin, lui proposa de l'epouser, & promit de se défaire d'Aruns beaufrere. Aruns soa
son Epoux. Les conditions furent bientôt acceptées ;-Ils commencérentpar Ah de R.
l'inceste & l'adultére, & finirent par l'assassinat de Tullie la jeune, Epouse de aiç. jus-
Tarquin,& d'Aruns Epoux. de Tullie l'ainée. La chose étoit trop publique qu'en 2I„-
& trop criante, pour que Rome demeurât dans le silence; tout le monde dé- duM.?47ï.
testa un tel attentat, mais personne n'en entreprit la vengeance. 347^
Servius avant J. C.
consterné du malheur de sa famille & accablé de douleur & de vieillesse ne )29...52.4-.0.
voulut pas, ou n'osa réfuter Ioncontentement au- mariage de Tarquin; &, de:
Tullie.
Une union aussi monstrueuse ne pouvoit avoir que' des fuites ftmeftès. XCll
Les deux Epoux impatiens d'attendre la mort de Servius pour: regner, entre- Tarquin lé:
prirent de le détrôner par la voïe d'un jugement solemnel du Sénat, qu'ils feu ne ac-
cufe, Servie-
avoient gagné & qui n'avoit jamais aime Servius. Celui-ci parla le premier us son'
devant les Sénateurs aiïemblez & demanda à Tarquin ce qui l'avoit porté à bcaupere:
conspirer contre lui? Tarquin répondit sans détour quela. couronne luiapar- d'avoir
tenoit comme petit-fils du vieu. Tarqpin que Servius étoit un usurpateur. usurpé Iaî
Gouronoes.
3.
Servius.
Servius répliqua & fit voir les services qu'il avoit rendus à Tarquin son gendre,
qui sans lui auroit succombé aux efforts des fils d'Ancus Martius, été qui reven-
élu par
diquoient le Royaume. Il justifia ensuite la maniere dont ilSenateurs, avoit
il con-
le peuple * & en même tems aïant congédié l'assemblée des
le peuple, lui exposa ses exploits militaires & les autres services qu'il
voqua
avoit rendus à l'état, puis aïant déclaré que Tarquin lui contestoitla couron-
peuple de qui il l'avoit reçuë.. Les Romains in-
ne, il venoit la remettre au
dignés de l'indigne procédé de Tarquin, comblèrent de louange Servius & lui
t'l"\nhrmp.rp.nt la Rovauté.
Ce moïen n'aïant réüssi à Tarquin, il se reconcilia avecion _ Beauté- ^
XCIIl. pas
du moins apparence. Servius ne se défioit de rien, lorsque Tarquin
Tarquin re en de l'absence des principaux cv
s'empare aïant formé un nouveau parti, & profitant
du Royau- toïens de Rome qui étaient allé à la campagne au tems de la récolte , prit
Ine. les ornemens Royaux, & se faisant accompagner par plusieurs de les partisans,
Mort de
Servius qui portoient des epées cachées sous leurs habits , le rendit au lieuinvectiver ou le te-
Tuilius noit le Sénat , & s'étant assis sur le Trône Royal, il commença a
de la couronne.
An de Ro- contre Servius, comme contre unEfLlave & un usurpateur
me 219. du Servius au bruit de ce qui se paÍfoit, accourt au lieu ou le Senat étoit a[-
M. 347S»
semblé, & s'avançant contre Tarquin, veut le renverser du Trône qu'il occu-
avant J. C. se défend, & étant le plus fort, prend Servius par le milieu du
S 2 1.
coit Tarquin
& le jette hors de l'assemblee. Tout blessé & couvert de sang il se re-
corps
léve & ne trouvant personne qui prenne sa défense, il le retire au l'alais a
l'aide, de auelqu'uns des siens qui le soûtiennent.
XCITT. La dénaturée Tullie survient montée sur un char, & aïant aperçu Tar-
Cruauté de quin, le saluë la premiere du nom de Roy. Les Senateurs & partiians de
Tullie en- Tarquïn y joignirent leurs acclamations ; & Tullie aïant tiré Tarquin a 1 e-
vers son cart, lui dit qu'à quelque prix que ce fut, il salloit faire perir Servius, s il vou-
Pere. loit s'ailurer le Royaume. A l'instant il envoïa de les gens pour lui ot r la
An de Ro - du Roy fut jetté dans une rUl: qui portent
me 219. dv1 vie. Il fut obéï, & le corps mort
M. 3475- ' alots le nom de bonne ruë; Tullie s'en retournant par la même ruë avec ion
avant i.C chariot, & son cocher aïant horreur de passer sur le corps du Roy, cette iiiil-
525. heureuse lui cria de passer & de ne pas craindre de l'écraser sous les pieds de
la ruë scélérate.
ses chevaux. Depuis ce tems on nomma cette ruë,
Ainsi finit la vie & le regne de Servius, le plus digne Roy qu'ait eu an-
1

lui rendre les honneurs


rienne Rome. On n'osa par la crainte de Tarquin
funèbres. Tarquinie son Epouse fit porter son corps sans pompe pendant
nuit dans son tombeau. Elle même mourut laselon nuit suivante , ou de dou-
félon quelqu'un, ou s'étant donné la mort, d'autres ou aïant c te
leur ,
tuée par les ordres de Tullie sa fille. Les eiclaves qui avoient ae 11 grands»
le jour de sa mort dans le
obligations à Servius, célébroient tous les ans Ce Prince avoit règne 44.
Temple de Diane , erigé sur le mont Aventin.
ans. l'a dit
Tarquin le superbe son gendre lui succéda. Il étoit, comme on
XCV.
plus d'une fois, petit-fils de Tarquin l'ancien, son caradére etoit la hauteur,
Regne de la cruauté, la malice gouvernant avec un empire absolu, &
Tarquin le l'alnbition, ; ludé-
indépendance, il ne communiquoit presque rien au Sénat, bien persuadé que superbe.
les crimes l'avoient rendu odieux au peuple:711 ne paroissoit que rarement en An de Ro-
public, il ne sortoit jamais de son Palais, qu'accompagné de bon nombre de du me 220.
monde
gardes, dont la plupart étoient étrangers , tous gens capables de tout entre- 9476.
prendre pour exécuter les ordres d'un tel maître. Toute la ville gémit de se avant J. G.
voir assujettie à un tel Prince ; Mais la crainte d'animer Tarquin étouffoit les 124.
Dionys.Ha-
plaintes du peuple. L'avarice de Tarquin étoit egale à sa cruauté. Il suffisoit licarn. /.
d'etre riche pour devenir son ennemi & pour exciter sa jalousie. Plusieurs Se- c. 41 .,Élc.4.
nateurs s'exilèrent volontairement de Rome, de peur déprouver sa violence.
Le peuple ne fut pas mieux traitté que le Senat. Tarquin révoqua les loys
que son prédécesseur avoit portées en faveur du peuple. On lui défendit toute
assemblée publique à la ville ou à la campagne, & on lui imposa les taxes par
téte comme auparavant, sans distinction du riche & du pauvre; Enfin Tar-
quin étoit l'objet de la haine publique.
il
Il le comprit, & crut devoir chercher au dehors un appui, qu'il dés- y.CVI.
Octavius
espéroit de trouver dans Rome. Il donna l'ainée de ses filles à un Seigneur Mamilius
Latin nommé Octavius Mamilius, homme tres puissant, & dont la demeure gendre de
étoitàTibur, ou Tivoli: Mamilius étoit d'une- naissance trés-illustre, étant, T arquin.
disoit on, descendu deTelegone iils d'Ulisse & de Circé. Le but de Tarquin Dionys.
en le choisissant pour Epoux de sa fille, étoit d'opprimer la liberté des Latins, & 1-H4.alicarn.
c. 4).
de les reduire au même pied où ils etoient sous Tarquin l'ancien son Ayeul. Tit.Liv. l.u
Voicy le moïen qu'il prit pour y parvenir. An de Ro-
Aprés avoir fait disposer les esprits par Odavius son gendre, il convoqua me 222.
les Chefs de la nation Latine, dans la ville de Ferentine dans le Latium, où 223. du M.
il y avoit une fontaine & un bois sacré dédié à la Déesse Flore ou Ferentine. 3478-3479- J. G.
Les députez s'y rendirent en grand nombre & attendirent pendant tout le avant J22. ,21.
jour Tarquin, qui ne parut point. Son absence , fit murmurer les députez, &
un d'eux nommé Herdonius en parla avec beaucoup de liberté, l'imputant à
-
l'orgueil & à la hauteur de Tarquin. Celui cy arriva le lendemain, & s'ex- \
cuia froidement sur ce qu'il avoit eu à reconcilier un pere avec son fils. Her-
donius repartit que la chôse ne demandoit pas un si long tems ; que le pere
rend aisément son amitié à son fils, dez que le fils se soumet, & qu'il n'est
pas malaisé de ramener un fils à la soumission qu'il doit à son pere.
Tarquin qui n'aimoit pas à être contredit, jura la perte d'Herdonius. XCTTIf.
Il fut encore plus piqué contre lui, quand il vit qu'il étoit le seul des Latins, Tarquin
qui s'opposa à la demande qu'il faisoit de commander à son gré les armées, & fait perir
de les faire marcher en campagne sélon ses volontez. Tarquin dissimula tou- Herdonius
défenseur
te fois son chagrin, & aïant gagné quelqu'uns des gens d'Herdonius, il fit ca- de la liber-
cher dans l'équipage de ce Seigneur grand nombre d'armes offensives. Puis té des La-
aïant convoqué rassemblée des Latins, il accusa Herdonius de vouloir égor- tins.
ger leurs députez, & d'avoir apporté quantité d'armes à cet effet.
Herdonius qui se sentoit innocent, crie à la calomnie, prie qu'on visite
ses ballots & consent de mourir si l'on y trouve d'autres
, armes, que celles
qui conviennent a un Cavalier qui va en campagne ; Demandant par repré-
f*aillt@s que l'on fit souffrir la même peine de
mort à son calomniateur. Auffir
tôt on court à la tente d'Herdonius, on fouïlle & on y trouve grande quanti-
té d'armes; Sur le champ ilestsaisi & condamné, puis noyé dans la fontaine
ferentine où il fut jetté , puis on mit sur lui une claye, que l'on chargea de
pierres. Ainsi perit le généreux Herdonius. Les- Latins accordérent à Tar-
quin le commandement de leurs armées , lui jurérent fidelité , & les articles
du traité furent gravez sur des colomnes de bronze.
XCVIIl. La nation des Herniques, & quelques Cantons des Volsques imitèrent
Temple de les Latins & entrèrent dans l'alliance de Tarquin, aux mêmes conditions que
Jupiter La- les Latins. Le lieu où se devoit tenir à l'avenir I'aiïemblée de tous ces Con-
tin bâti par fedérez, fut fixé sur la montagne voisine d'Albe, où Tarquin construiut un
Tarquin le
superbe. Temple à Jupiter Latin ; dans lequel on se rassembloit tous les ans au vingt-
sèptiéme Avril; Il s'y trouvoit d'ordinaire quarante sept députez, à la téte des-
quels étoient les Romains ; Cet établissement subsista pendant trés-long tems,
& Tarquin appuïé du secours d'un si grand nombre d'alliez, crut pouvoir at-
taquer la nation des Volsques, dont il avoit déja deux Cantons dans sa con-
fédération, savoir ceux desEcetrans & ceux des Antiates.
XCIX. Les Volsques étoient nombreux & belliqueux,. & il ne fallut pas moing
Guerre de de deux cens ans aux Romains pour les dompter. Suessa Pometia une de
Tarquin leurs principales villes, avoit fait quelque degat sur les terres des Latins ; On
contre les
en demanda la réparation selon l'usage de ce tems-la; Et Sueffa l'aïant refu-
Volsques.
An de Ro- sée Tarquin marcha contre elle.
Elle n'attendit pas qu'on la vint alléger.
me 22 6. du LesSuessans s'avancérent jusque sur leurs
frontiéres & soutinrent avec coura-
M. 3 48 2. ge les premieres attaques des Romains ; Mais ils furent vaincus dans un com-
avant J. G. bat général, & ceux qui echapérent, se retirérent dans laville.^ Tarquin les
518. extenuée par la faim.
y assiégea & les y enferma par un large sosïe. La ville
& désesperant de recevoir aucun secours, fut prise d'assaut. Tous ceux qui
furent trouvez les armes à la main, furent mis a mort. Le reste fut fait pri-
sonnier de guerre , la ville fut abandonnée au pillage. L'or & 1 argent fut
mis en dépôt dans un certain lieu, & la dixième partie en fut employée à
achever le Temple de Jupiter Capitolin.
c. A peine étoit-on sorti de la guerre contre les Volsques , que les Sabins
Guerre se mirent en armes, & ravagèrent les campagnes des Romains. Tarquin étoit
contre les encore à SuefTe, lors qu'il en apprit la nouvelle. Aussi-tot il marche à l'en-
Sabins.
nemi dont l'armée étoit partagée en deux corps, l'un prés d Erete, & l 'au-
An de Ro-
me 227. du tre
s
prés de Fidéne. A l'approche de Tarquin vers Eréte, le Général des Sa-
M. 3483. bins dépéche en diligence aux siens qui étoient prés de Fidéne, pour les pres-
avant J. G. ser de le venir joindre. Tarquin en eut avis, & sur le champ il fait un déta-
?17' chement de ses troupes, qu'il envoye a la rencontre de celles desSabins, qui
Dionys.Ha- bataille Les
licarn. 1.4. devoient venir de Fidéne. Dez le matin il range ses troupes en , font
c. 571. Sabins méprisant le petit nombre des Romains, acceptent le combat, &
une vigoureuse attaque, mais au fort de la mélée, troupes
les que Tarquin avoit
détachées & qu'il avoit ensuite contremandées, aïant paru & étant venuës atta-

ils furent enveloppez parla


-
CavalerieRomaine &
fuite & voulant se sauver,
quer les Sabins par derriére , ceux cy prirent la taillez ,
en pièces. Leur camp
fut pris & pillé & Tarquin remporta une victoire complète.
x Rdl.oit
Restoit le corps d'armées campé prés de Fidéne, qui n'avoit nulle COR-
ctoiiTance de ce qui venoit d'arriver. Tarquin vint fondre sur eux, portant au
iiaut des piques les tétes des principaux Chefs des Sabins, & leur criant que les
leurs étoient défaits. Ces troupes déconcertées n'osérent faire résistance, & *

se rendirent à la discrétion du vainqueur. Toute la nation des Sabins craig-


nant la désolation de ses villes & de ses campagnes, demanda la paix à Tar-
quin, il la leur accorda moïennant certain tribut qu'il leur imposa. De là il
retourna à SueiTa, puis à Rome où il entra en Triomphe.
Il y acheva les egouts & le grand cirque que Tarquin son Ayeul avoit
commencez, & emploïa à ces grands ouvrages le menu peuple & les Arti-
sans de la ville.
La ville de Gabies située à cent Stades ou environ onze mille pas de Ro- CI.
Gabies te
me, étoit une des plus puissantes de l'Italie. Elle avoit reçu dans son encein- déclare
te plusieurs Romains exilez, & plusieurs habitans de Suessa, qui s'étoient sau- contreTar-
vez. Ces etrangers ne cessoient d'exciter les Gabiens à prendre leur défense quin.
& à ruiner la tyrannie de Tarquin, ce qui leur paroissoit aisé, ce Prince étant An de Ro-
extrêmement odieux aux Romains, & les Volsques étant tout prêts à prendre me &
se q. du M.
les armes, dez que Gabies se seroit déclarée.

fortifier Rome du côté qui place Il


à
Tarquin aïantapris les mouvemens qui se faisoient Gabies, résolut de avant
regardoit
3491-
J. G..
cette ; y fit faire un gros boule- Ç09.
vard soutenu de murailles & flanqué de bonnes tours, avec un fossé qui te- Dion.'YJ.
noit depuis la porte Esquiline, jusqu'à la porte Collatine. On commença la 14. Halicarn.
guerre par des hostilitez & des ravages réciproques dans les campagnes. Cela An dec.n- Ro-
dura pendant 7. ans, & la chose alla à un point, que les champs demeurant me 23 f.
sans culture, la famine se fit sentir à Rome & à Gabies. 236. 24r.
Le peuple Romain déja indisposé contre Tarquin, lui attribuoit la cause ClIo
de ces malheurs, & tout paroissoit disposé à une révolte, lorsqueSextus Tar- SextusTar-
quin trahit
quin fils du Roy proposa à son Pere un expédient pour tromper les Gabiens; Gabies &
C'étoit que Sextus feindroit d'être mécontent du gouvernement, se retireroit la livre au
chez les Gabiens, & se mettroit à la tête de leurs troupes pour les livrer au Roy scm
Roy son Pere. Ce parti étant pris, le jeune Tarquin fit éclater son feint mé-- Pere.
contentement, & le Roy informé de ses desseins & de ses plaintes, le fit de
concert arréter & battre de verges dans la place publique. Le jeune Prince
s'enfuit donc à Gabies, implore la protection des Citoïens contre la tyrannie
du Roy son Pere j Il sçutsi bien jouer son personnage, que les Gabiens lui con.
fiérent dabord la conduite de quelques partis, avec lesquels il faisoit des cour-
ses sur le païs des Romains. Tarquin son Pere qui étoit d'intelligenc avec lui,
tàis'oit en sorte qu'il remportoit tout l'avantage sur ses propres Capitaines.
Tant de succés acquirent au jeune Tarquin toute la confiance des Gabiens,
qui le nommèrent enfin Général de leur armée.
Alors il envoïa secrétement au Roy un Esclave de confiance, pour savoir CIII.
de son Pere ce qui lui restoit à faire pour consommer son ouvrage. Le Roy Tarquin le
sans s'expliquer davantage ni de parole, ni par écrit, se contenta d'abbattre superbe
abbat les
en présence de l'Esclave toutes les têtes de pavots de son jardin, qui surpas- têtes des
soient les autres par leur hauteur ; Après quoy il renvoïa l'Esclave, qui rendit plus grands
Gg z compte
pavots de compte à Sextus de ce que le Roy avoit fait, ajoutant qu'il n'avoit de sa part
son jardin. aucune réponse à lui faire. A ces signes, le jeune Prince pénétra aisément
Sensde cet- l'intention du Roy, & songea plus qu'à l'exécuter.
te a&ion.
ne
CîV. Antistius étoit le plus accrédité & le plus puissant des Gabiens. Sextus
Mort gagna quelques esclaves de ce Seigneur, qui mirent parmi les papiers des let-
/"Antistius tres du Roy de Rome, par lesquelles il l'exhortoit à se hâter de lui livrer Sex-
etro ca- tus son fils, ou de lui envoyer sa tête. Sextus parla ensuite au peuple de Ga-
omnié par bies se plaignit
SextusTar- ,
qu'on en vouloit à sa vie ; que des principaux de la nation
quin. jaloux de la confiance qu'on avoit en lui, avoient conipiré la perte & s'étoient
engagez à le livrer au Roy ionPère. Le peuple demanda avec de grandes
instances qu'il découvrit les Auteurs de la conjuration. 11 se fit beaucoup pres-
ser & enfin déclara Antistius. On courut au logis de ce dernier, & on y
trouva des lettres telles que Sextus l'avoit dit. Sur le champ sans autre exa-
men on lapide Antistius. En même tems le peuple laisse à Sextus le soin de
rechercher & de chatier les complices. Il fait fermer les portes de la ville, &
fait main basle sur toute la fleur de la Noblesse.
cr. Cependant le Roy Tarquin bien initruit de tout ce qui se passoit, arrive
Tarquin le à Gabies avec son armée, dans le tems que toute la ville étoit en rumeur à
Superbe cause de ce carnage. Sextus lui fait ouvrir les portes, & Tarquin y entra com-
entre dans
Gabies. me dans une ville conquise. Mais il s'abitint de violence. 11 reçut Gabies,
sous son obéïssance & sous sa protedion. On en dressa un traité qui fut
,
écrit sur le cuir d'un taureau qu'on immola pour asseurance de la chose ; & Sex-
tus demeura à Gabies sous le nom & avec l'autorité de Roy. Prescp'en mê-
me tems le Roy fonda une nouvelle colonie à Signie , & une autre a Circée;
donnant pour Chef à la premiere Titus, & à la seconde Aruns, ses deux fils
puinez de Sextus.
eVI. 11 arriva sous le régne de Tarquin une chose trés-memorable. Une per-
Icrits delà sonne inconnue se présenta à la cour de Tarquin, portant neuf volumes écrits
Sybille de sur de la toile, qu'elle vouloit vendre, & dont elle demanda un prix qui pa-
Cumes On la rebuta, & étant sortie, elle brûla trois de ces volu-
présentez à rut exorbitant.
Tarquin. mes. Quelque tems aprés elle revint, & demanda le même prix pour les six vo-
DionyJ. lumes qui lui restoient. On la prit pour une extravagante & on la fit retirer.
Halycarn. Retournée
en sa demeure, elle en brûla encore trois autres, de maniéré qu'il
J. 4. c. 62.
Varro apud ne
lui en resta que trois. Elle osa encore revenir au Palais, & demanda pour
ces trois volumes le même prix qu'auparavant. Tarquin surprisde ce
LaHant*
procédé
si extraordinaire, donna ce livre à examiner aux Augurs, qui l'aïant lu, dé-
clarérent que c'étoit les Oracles de la Sybille de Cumes, que l'on ne pouvoit
en faire assez de cas, & qu'il falloit les conserver trés-prétieusement. Qn les
prit donc, & on donna à cette femme le prix qu'elle avoit demandé. La fem-
me demeura inconnue , & on conserva les .livres dans un caveau du Temple
de Jupiter Capitolin, où ils périrent long tems aprés avec le Temple par une
incendie. Tarquin afin de leur concilier plus de vénération, nomma pour
les garder deux personnes de considerarion nommez Duum virs , auxquels
étoient subordonnez deux autres gardiens. On consultois ces livres dans les
teins difficiles, & lorsque quelqueprodige avoit jette la terreur daus les esprits.
Le
Le Temple de Jupiter Capitolin voué par Tarquin l'ancien, & commen- eT!Il.
cé par ses ordres, étoit deineuré au même etat où il l'avoit laiiTé à sa mort, Tarquin
n'aïant fait autre chose qu'applanir la montagne & préparer la place où il de- ler fait travail-
voit être bâti sur le mont Tarpeïus. Tarquin le superbe son petit fils en jet- ple auTém-de Ju-
ta les fondemens & entreprit de l'achever. 11 fit venir des Architectes d'Etru- piter Capi-
rie, & n'epargna ny travail ny dépense pour un ouvrage qui devoit faire l'or- Dionys.Ha-
tolin.
nement de la ville de Rome. On y travailla pendant plusieurs années, & on licarn. 1.
y emploïa de grandes sommes d'argent. Il étoit presque quarré, aïant deux cent C-S- Tit.4.
pieds de large & deux cent quinze pieds de long. Trois rangs de colomnes Liv. 1.1.
ornoient sa façade & un double rang de colomnes environnoit les deux An de Ro-
,
côtez du Temple. Il n'y avoit point de colomnes par derrière. Il étoit dédié me 242. du
à Jupiter, à Junon & à Minerve, qui y avoient chacun leur niche ou chapel- M. 3498.
le. Tarquin n'eut pas la satisfaétion d'y mettre la dernière main. Il fut dé- avant J. G.
502.
dié soiss les Consuls. CVlll.
Quelque fier & quelque déterminé que fut Tarquin le superbe, il étoit ti- Tarquin le
mide & superstitieux. Pendant une peste qui désoloit la ville de Rome, il superbe ses-
envoïa les Princes ses fils Aruns & Titus, pour consulter l'Oracle de Delphes. fils envoie
consul-
Junius Brutus fils de Marcus Junius, que Tarquin avoit fait mettre à mort au ter l'Oracle
commencement de son régne, pour envahir ses ri chesses, ce Junius Brutus de Del-
petit fils de Tarquin l'ancien, & petit neveu de Tarquin le superbe avoit phes.
été elevé à la Cour avec les fils du Roy, mais de peur d'exciter la jalousie, Junius
& Brutus
d'irriter la cruauté de Tarquin, il y contrefaisoit l'insensé & le stupide, d'où contrefait
lui vint le surnom de Brutus. Comme il servoit de divertissement aux jeunes l'insensé.
Princes, il fut de leur voïage ; Et afin que rien ne manquât à l'air de bêtise An de Ro-
qu'il affedoit, il portoit à Appollon pour offrande un baton de surau ; Mais me 242. du
M. 3498.
dans ce bâton étoit cachée une verge d'or, qui n'étoit connue que de lui. avant J. G.
-

L'Oracle consulté savoir qui seroit celui d'entr'eux qui succéderoit au fQ2.
Royaume, répondit : Ce sera celui qui le premier donnera le baiser à sa mére.
Brutus qui savoit que les Oracles sont d'ordinaire enigmatiques, crut
que sous
le nom de mere il pourroit bien signifier la terre mere de toutes choses, il
se laissa donc tomber & baisa la terre. Les deux ,freres n'y firent nulle atten-
tion ; Toute leur inquiétude ne rouloit que sur leur autre frere, de crainte
qu'il ne les prévint, & n'embrassât leur mere communes avant eux. Pour
eux ils étoient résolus de lui donner le baiser tous deux ensemble, & de par-
tager entr'eux le Royaume, ou de régner conjointement.
Quoiqu'il en soit, car tout cela a tout-à fait l'air de fable; à leur retour CIX.
de Delphes, ils trouvérent que Tarquin avoit assiégé la ville d'Ardea, Capita- Siége dllAr.
le des Rutules & située sur le bord de la mer. Le siége fut beaucoup plus dea. An de
long qu'on ne ,l'avoit attendu, & les principaux Officiers de l'armée Romai- Rome 24?.
du M. ;499.
niairte n'y étoient pas tellement occupez de la guerre, qu'ils ne prissent le loi- avant J. e.
sir de se divertir. çor.
Sextus Tarquin aïant un jour invité à manger ses freres & ses amis, en- T2t.Liv.L1. -

tr ^autr es Collatinus, un des plus riches Seigneurs du païs. Sa demeure étoit Dio",Ys.
Halycarn.
a Collatie dont il étoit maître, & y avoit Lucrece ion Epouse, qui passoit 1. 4. c. 64.
ig 3 pour 0 flq.
pour la plus belle & pour la plus sage personne de l'on païs. Collatinus avoit
pour elle la tendresse, l'estime & la considération qu'elle méritoit.
Dans la chaleur du repas ces jeunes Seigneurs exagerant chacun à l'envie
les belles qualitez de leurs Epouses, ils prirent le parti de monter à cheval &
d'aller les surprendre. Les trois fils de Tarquin, & Collatinus arrivérent à
Rome au commencement de la nuit, où l'on les attendoit le moins, & trouvè-
rent les trois Dames Romaines leurs femmes dans la joïe d'une féte, qu'elles
s'étoient donnée l'une à l'autre. De là ils partirent incontinent pour Collatie,
où ils trouvèrent Lucrèce assez avant dans la nuit au milieu de ses femmes, oc-
cupée avec elles à des ouvrages de fil & de laine. On ne balança pas à don-
ner à Lucrèce la préférence du mérite. Dez ce moment Sextus Tarquin con-
çut pour elle une passion violente , dont les suites furent funestes à l'un & à
l'autre.
ex. Quelque tems aprés il se déroba du camp sous quelque prétexte, & étant
Violement venu à Collatie, il logea chez Lucréce qui lui fit l'accueïl qui étoit dû à sa nais-
de Lucrèce sance. Lorsqu'il crut que tout le monde étoit endormi , il se glisse dans
par Sextus l'appartement de Lucrèce. Celle-cy s'eveille ; Tarquin l'empêche de crier
Tarquin. menace de la faire mourir, aprés l'avoir déshonorée, & de mettre auprés
Tit. Liv. /.i. & la
X)ionyf. d'elle un esclave, à qui il ôtera auffila vie, & publiera qu'elle s'est prostituée, à
Halicarn. moins qu'elle ne consente à sa passion. La crainte du deshonneur, plus que la
/. 4. c. 65. crainte de la mort, lui imposa silence, dez le matin Sextus retourne au camp,
&c.
& Lucréce au désespoir écrit à Collatinus de se rendre à Rome chez Lucre-
An de Ro-
me 243. du tius son
pére, où elle a des choses de conséquence à lui communiquer.
M. 3499. Déja Lucrèce avoit fait entrevoir à Rome le sujet de son voïage & de sa
avant J. C, douleur, & plusieurs personnes de condition s'étoient rendues chez Lucretius,
joi. lorsque Collatinus y arriva. Elle lui déclara le malheur qui lui étoit arrivé,
& auquel ny son coeur ny sa volonté, n'avoient point eu de part, elle l'ex-
horta & tous les assistans a en tirer vengeance, & après avoir embralie ion pe-
& son mari, elle se perça d'un poignard, qu'elle tenoit caché dans sonfein.
re
CXI. Parmi ceux qui furent témoins de cette scéne tragique , étoient Publius
Valerius Valerius, qui fut dans la suite surnommé Poplicola, & Junius Brutus, dont
poplicola parlé. Ce dernier prenant le poignard qui baignoit dans le sang
& Junius nous avons
de Lucréce, & le montrant à toute l'asseniblée prit les Dieux à témoins du
Brutus qu'il étoit ,
résolu d'en tirer. Il présente
prennent crime de Tarquin & de la vengeance
la résolu- le même poignard à Collatinus, & successivement à Lucretius & à Valerius,
tion de & les engage à faire le même serment.
chaiTer les
Tarquins. On fut fort etonné d'entendre Brutus parler de la sorte, & encore plus,
An de Ro- lorsqu'il eut déclaré que la
folie qu'il avoit fait paroître jusqu'alors, n'étoit que
me 24?. du simulée, & uniquement dans le dessein de se
préserver des violences de Tar-
M. ?499. quin pour réiiffir dans le dessein qu'ils avoient de se défaire des Tar-
; que
avant J. G. quins', il falloit commencer par s'assurer des portes de la ville de Rome, afin
SOI. sortît. La chose fut aisée, parceque Lucretius en avoit les
que personne n'en
clefs.
On choisit Brutus pour Chef de l'entreprise. Il fit conduire sur un bran-
r
cart le corps de Lucrece dans la place des assemblées ,
accompagné de Lu-
crétius
érétius Pere, & de Collatinus Epoux de la défunte. Tout le peuple étant ac-
couru à un spe&acle si extraordinaire,Brutus les harangua,leurdécouvrit le motif
qui jusqu'alors l'avoit obligé à contrefaire Pinsensé, rapporta les vexations, les
crimes & les excés desTarquins, dont le violement de Lucréce étoit le comble;
leur promit de les mettre en liberté, s'ils vouloientseconder ses desseins. Tout
le monde applaudit, & demanda qu'on les menât contre les Tyrans.
Brutus ne voulut rien faire, sans être autorisé du Senat. Cette Auguste CXII.
aflfemblée rendit un arrêt, qui condamnoit tous les Tarquins & leur posteri- Arrét du
té à un bannissement perpétuel, qui les dépouïlloit des droits & des honneurs Senat qui
de la Royauté, qui les déclaroit ennemis publics, & défendoit sous peine de Tarquini. proscrit les
la vie à tout citoïen Romain de se déclarer en leur faveur. Incontinent
aprés Brutus, qui heureusement se trouva pour lors revêtu de la qualité de
Tribun, à qui il appartenoit d'assembler légitimaient les Comices, fit prendre
les voeux du peuple par Curies à la manière accoutumée & toutes furent
,
d'avis, d'agréer l'avis du Senat & de s'y conformer. De fuite on rétablit l'inter-
regne, & Lucretius Pére de Lucréce fut établiChef delaRepubliquedans l'in- CXIII.
terrégne. Pour l'avenir Brutus proposa le gouvernement annuel de deux per-
Gouverne*
sonnes choisies par le peuple, sous le nom de Consuls. Le peuple assemblé ment Con-
par curies y consentit, & voila l'origine du- gouvernement consulaire qui sulaire éta-
,
subsista dans Rome, jusqu'au tems de Jules César & d'Auguste. Les premiers bli à Rome.
Consuls choisis par le peuple furent Collatinus Epoux de Lucréce, & Brutus. An de Ro-
Tullie epouse de Tarquin le superbe, sortit de la ville, & Tarquin infor- me 243. du
,
nle de ce qui s'étoit passé a Rome quitte l'armée qui étoit occupée au siége avant
,
d'Ardea & vint en toute diligence accompagné seulement de ses fils & de 501,
M. g499.
J. G.

quelques, amis, esperant d'entrer dans Rome, mais il en trouva les portes fer-
mées & fut obligé de se retirer avec les siens dans la ville de Ceré ; Sextus son
fils auteur de tout le mal, se sauva à Gabies, dont il s'étoit rendu maître
comme nous l'avons veu. Tarquin avoit régné 2f. ans, lorsqu'il sortit de»
Rome. L'époque du Gouvernement Consulaire & de l'expulsion des Roys,
tombe en l'an 243. de la fondation de Rome, du monde 3499. avant J. C. foi.
Valerius Poplicola,un des conjurez s'étoit rendu d'assez bonne heure au CX1V.
camp devant,Ardea, & avoit disposé les esprits à entrer dans les veuës de Bru- Tarquin
tus pour le changement de gouvernement, en sorte que quand Brutus y arri- quitte le
va, Tarquin en étoit déja parti, les Officiers & les Soldats adhérérent avec siége d'Ar.
plaisir à tout ce que le Senat & le peuple avoient ordonné dans la ville. On dea. Bru-
arrt-
leva le siége d'Ardea & on fit une tréve de quinze ans avec les Rutules ; L'ar- tus yL'ar-
ve.
mée revint à Rome, & le peuple étant assemblé dans le champ de Mars, aprés mée reçois»
qu'on eût expié & purifié la ville par le sang des vi&imes, les Consuls firent aonsuls.
noit les
serment en leur nom & eh celui de leurs enfans. de ne souffrir jamais dans Ro-
me ny les Tarquins ny aucun autre Roy ; Ils rendirent au peuple le droit de
décider par leurs suffrages les affaires importantes, & de sortir de Rome pour
se trouver aux fétes & aux assemblées de Religion. Le Sénat ratifia tout ce
qui avoit été fait par les Consuls.
Pendant qu'on travailloit ainsi à établir la liberté au dedans de Rome, le cxv.
Roy Tarquin travailloit au dehors à se ménager le secours des Latins & des !3uerredes
Etrusques rarqtuas
les Romains. La ville de Tarquinie, d'où il tiroit l'on nom
contre Ro- Etrusques contre
me. & ion origine, prit ion parti avec chaleur, & envoïa des Ambassadeurs à Ro-
Plutarcb. me pour demander qu'on entendît au moins Tarquin avant que de le con-
invita Po- damner, s'offrant de remettre son sort au jugement du peuple. Les Conduis
flicola.
à lui accorder une chose qui paroissoit si juite ; Mais Valerius Po-
An de Ro- panchoient
me 244. du plicola aïant remontre le danger qu'il y avoit de remettre la décision d'une af-
M. HOO. faire de cette conséquence à l'instabilité du peuple ; les Ambassadeurs turent
avant J. C. renvoïez avec une réponse peu favorable.
,00. Une seconde ambassade se borna à demander Jes biens qui appartenoient
Plutarcb.
in Poplico- aux Tarquins. Brutus s'y opposa fortement & alla jusqu'à accuser Collatinus
la Dion.) son Collègue de favoriser les Tarquins, dont il étoit parent. La choie tut
Ralicarn. portée au jugement du peuple, qui décida à la faveur d'une voix, qui l'empor-
/. ç. c.'.7.
ta sur l'avis de Brutus, qu'on rendroit aux Tarquins leurs biens patrimoniaux
& leurs meubles.
CXVI. Pendant qu'on est occupé à charger sur des chariots les meubles & les
Conjura- effets des Tarquins il se forma dans Rome une conspiration pour mettre à
,
tion des mort les Consuls & pour rétablir les Roys. Les Aquilins, les Vitellins, & les
Aquilins, deux fils même du Consul Junius Brutus, tous parens ou alliez des Tarquins,
des Vitel- qu'ils prirent avec les Ambassadeurs jurérent sur les
lins & des aprés un grand souper ,
jeunes Bru- entrailles d'un homme qu'ils égorgèrent, d'exécuter leurs projets; & pour s'y
tus pour engager encore plus fortement, ils écrivirent chacun une lettre aux Tarquins
rétablir les dans le lieu même de leur assemblée, pour les assûrer de leur inviolable atta-
Tarquins.
An de Ro- chement.
Un esclave qui se douta du complot, fut témoin de tout cecy,
me 244. du regardant par une fente de la porte
de la sale.
M. 3500. Il alla auffi- tôt en donner avis à Valerius Poplicola, dont la maisonétoit
avant J. G. à toute heure ouverte à tout le peuple. Valerius mit l'esclave en seureté, &
çoo. aïant ramassé ses amis & ses cliens , il en forma deux bandes. Il donna la
conduite de la-premiére à son frere, qui se posta dans le vestibule de la mai-
son des Tarquins ; Pour lui avec l'autre troupe, il pénétra sans réliitance dans
l'intérieur du Palais. Ils surprirent heureusement toutes les lettres des con-
jurez, & les conjutez eux-mêmes tombèrent entre leurs mains, & furent con-
duits chez les Consuls. Dez qu'il fut jour, on assembla le peuple, & les Con-
suls aïant pris leurs places, on fit venir l'esclave qui avoit été témoin du com-
plot, & dénonciateur des coupables. On produisit leurs lettres, & on les lut
deux fils comme il auroit tait
en présence de l'assemblée. Brutus interrogea ses répondre,
des étrangers, & les aïant sommé trois fois de il les condamna à
mort, & les livra aux exécuteurs. Le peuple voulut inutilement leur pardon-
leur fit couper
ner. Le pere inflexible les fit fouëtter en sa presence, puis ildonner quelque
la tête, aprés quoy il descendit du tribunal, & se retira pour
exVII. chose à sa douleur.
Les Conju- Collatinus resta seulpour prononcer contre les deux autres coupables, sa-
rez sont voir Aquilius & Vitellius. Ils étoient ses neveux, & leur jeunesse sen bloit
condam-
à mort, mériter quelque indulgence. Collatinus donc accorda un jour aux acculez,
nez
& exécu- & ordonna que l'esclave Vindicius leur delateur, seroit rendu à ion maître.
tez. Alors Valerius qui avoit promis sa protedion à Vindicius, s'en saisit & relulà
de le
<3e le livrer aux Liseurs. En même tems le peuple cria qu'on rapellâtBrutus. An de Ro-
Il revint, remonta sur son Tribunal, & prononça que le peuple eût à juger me 244. du
les accusez. M. 3îoo.
-
Les Curies assemblées jugérent que les Conjurez devoient être punis com- avant J. G.
rebelles, fouëttez & decapitez. Que Vindicius méritoit d'être çoo.
me citoïens
mis en liberté & de jouir des droits des citoïens Romains. Pour les Ambaf-
fadeurs; quoique trés-coupables & indignes de jouïr du privilège que le droit
des gens accorde aux personnes de leur caractère , on jugea à propos de les
renvoïer sans leur faire souffrir aucune peine ; Mais on révoqua la grace, qu'on
avoit faite aux Tarquins de leur restituer leurs biens, & on les confisqua au
profit du public.
Brutus & Collatinus depuis cet evenement ne furent plus amis. Brutus CXf!Il{.
accusa Collatinus d'être favorable aux Tarquins, & demanda au peuple qu'il Collatinus
est déposé
fut déposé du Consulat; Collatinus voulut le défendre & empêcher qu'on ne du Confu.
tînt l'assemblée que Brutus avoit indiquée, pour opiner sur sa déposition ; Mais lat.
Lucretius Pere de Lucrece &Beau-Père de Collatinus, l'exhorta à céder de bon- Valer. Po-
ne grace. Il le fit & se retira à Lavinium , 011 il vêcut le reste de sa vie. plicola lui
Brutus lui fit donner vingt talens du trésor public, & pour montrer qu'il n'agis- succéde.
soit par animosité contre lui il y ajoûta encore, cinq talens de son argent.
Le talent commun est estimé ,six cens ecus, ou 1800. livres.
Peu de jours aprés Brutus assembla le peuple pour procédjpl? l'élection An de Ro-
d'un nouveau Consul en la place de Collatinus, & le choix tomba sur Va- me 244. du
lerius Poplicola, dont on a parlé. 11 étoitSabin d'origine. Ses ancêtres éraient M. 3500.
venus à Rome dez le tems de Romulus, & avoient ménagé la paix entre Ro- avant J. C.
mulus & Titus Tatius. Ces deux Consuls egalement passionnez pour la li- ,00.
Plutarch.
berté & le bien public, vécurent toujours dans une parfaite intelligence. Ils in Valeri.
commencèrent les fonctions de leur employ par donner une amnistie généra- Dionys.
le à tous ceux qui avoient suivi le parti des Tarquins, & même à ceux des Halicarn.
citoïens que la crainte de la punition de certains crimes avoit réduits à un /.ç. C.22.
exil volontaire. Par ce moïen ils rapellérent grand nombre de citoïens,
la crainte du châtiment tenoit attachez aux Tarquins.
que exIX.
Guerre des
Les Veïens ennemis des Romains, se joignirent aux Tarquiniens, Tarquins
rétablir Tarquin sur le Trône. Ils parurent les premiers en pour & des Veï-
campagne &
les deux Consuls ne tardérent pas à s'y mettre. Ils passérent le Tibre & se , ens contre
pèrent dans une prairie proche la forét d'Arsius. Arfius étoit un anciencam- Rome.
Hé- An de Ro-
ros qui avoit donné le nom à ce bois. Brutus à la téte de la Cavalerie Romai- me 244. du
ne marche fièrement à Fennemy. Aruns un des fils de Tarquin ne l'eut pas M. g5co.
plutost aperçu, que se détachant de sa troupe il court à lui à toute bride. avant J. G.
Brutus le reçoit avec la même vigueur. Les deux , S 00.
Cavaliers se percent mu- Mort de
tuellement & tombent morts entre les deux armées. Junius Bru-
Au même instant tout se met en mouvement. L'aile droite 011 Brutus tus.
devoit commander, n'aïant plus de Chef, fut renversée & poussée CXX.
les Tar-
quins jusque dans son camp. Un corps de réserve qu'on avoit par Vittoire
laissé, em- des Ro-
y
pécha que les ennemis ne s'en rendissent maîtres. Le Consul Valerius, qui mains COR-
comb'ttoit à l'aile gauche contre les Veïens, les mit fuite, & les mena'tou- tre les Tar-
en
ioni. II. Ii h jours quins.
jours battant jusqu'à leur camp. La nuit mit fin à la bataille , & dans l'incer-
titude où étoient les deux partis de celui qui avoit remporté la victoire ; On
entendit, dit-on, une voix sortie de la forelt d'Ardus, qui cria que les Ro-
mains étoient victorieux. Ce qui est certain, c'en: que les Veïens & les Tar-
quiniens se retirèrent pendant la nuit, & laissérent les Romains maîtres du
champ de bataille ; Ceux-ci poursuivirent les fuïards , & en firent environ
cinq mille prisoniers. On décerna l'honneur du Triomphe à Valerius, & on
rendit à la mémoire de Brutus tous les honneurs, que méritoit le service qu'il
avoit rendu à sa patrie. Les Dames Romaines prirent le deuïl de la mort pour
dix mois le regardant comme le vengeur de la pudicité de leur sexe en la
personne ,de Lucréce.
CXXL Valerius se trouvant seul Consul, ne se hâta pas de se faire donner un
Valerius Collègue. Le peuple en murmura & le soupçonna d'aspirer à la souveraine-
Popîicola autorité. Dans même le Coniul sè faisoit bâtir une Maison sur la
fait démo- ce tems
lir sa mai- croupe du mont Palatin. Cette circonstance augmenta les inquiétudes des
son. An de Romains, qui crurent qu'il se vouloit bâtir une forteresse & un Palais Royal ;
R. du Valerius fut informé de ces discours, & des la nuit suivante il fit démolir cet-
M. jço.I.
te il
maison qui n'étoit que commencée, & aussi-tot qu'il fut jour, convoqua
ayant J. C. le peuple, & indiqua les Comices
pour l'eleflion du nouveau Consul. Un
499-
choisit Lucretius pere de Lucrece j Mais il ne survécut que peu de jours à
cet honneur. Les Romains pour réparer le tort qu'ils avoient fàit à Valerius
en formant contre lui des soupçons injuites , lui
bâtirent aux frais du pub-
lic une maison commode dans un lieu vaite & d'une situation avantageuse.
Publicola, ou Poplicola, c'est le sur nom qu'on donna à Valerius, depuis
des f :]I-ceaux
que pour complaire au peuple Romain , il fit ôter les &haches qu'il ordonna aux
qu'on avoit accoutumé de porter devant lesConsuls ,
Lideurs de baisser leurs faisceaux devant l'assemblée du peuple. De plus il
permit à tout criminel d'appeller au peuple, & au peuple de juger de ces
appels en dernier ressort. Il exempta de tribut les artisans T les veuves, les
vieillards qui étoient sans enfans. Il permit à quiconque auroit connoidance
d'un dessein formé pour envahir la Roïauté , ou de s'emparer d'une ch'.r^e
publique sans le gré du peuple, de tuer impunément le coupable par voie de
fait, à charge néanmoins de prouver le crime ou l'attentat du coupable. If
se déporta du maniment du trésor public, & en chargea deux Questeurs, choi-
sis par le peuple.Tout cela le rendit extrêmement agréable, & leva tous les
soupçons qu'on avoit conçus contre lui , comme s'il eût aspiré à la Royauté.
Il se fit aprés cela donner un Collégue dans le Consulat, & ce Collègue sist
Marcus Horatius Pulvillus. Nous ne donnons pas icy une fuite exacte des
exxu ConsuI-sr- On en a des liftes imprimées par tout.
Guerre de Peu de tems aprés Porsena Roy de Clusium ami de Tarquin, envoïa a
Forsena Rome une ambassade pour demander, ou le rétablissement de Tarquin sur le
contre les Trône, ou la restitution de ses biens. On refusa l'un & l'autre , ik on com-
Romainsi- .
mença- à se disposer à la guerre. Porsena vint bientôt se préil-nter devant
An de Ro puissànte armée ; Les Tarquins l'accoiripagnoient avec ceux
me 246. dt Rome avec une
L
£5>oa.. de leur parti, &
quelques villes des Latins étaient entrées dans leur confede.-
latioa-
J. C
ration. Les Consuls ordonnèrent dabord aux gens de la campagne, de trans- avant
dans des lieux forts d'a'ffiéte, tous les fruits de leurs travaux, après quoy 498.
porter étoit fort bâti audela Dionys.
ils travaillèrent à mettre hors d'insulte le Janicule qui un Ralicarn..
du Tibre, 1. <5.22. Tit.

Porsena attaqua d'abord le Janicule, qui étoit . alors la seule forteresse de' Lill. J, z.
la ville de Rome. Les Romains en furent chassez & obligez de se jetter dans
la ville. Les Consuls aussi-tôt firent sortir de la ville leurs troupes , & les
rangèrent en bataille au de la du pont. Porsena de son côté s'avança en ba-
taille, aïant Mamilius avec bon nombre de Latins à la droite de son armée.
La gauche étoit commandée par les Tarquins & par ceux qui lui étoient atta-
chez tant des Romains que des Gabiens; Enfin Porsena avec ses Etrusques
étoit ,un corps de la bataille. Du côté des Romains les deux Consuls, savoir
Valerius Poplicola & Horatius Pulvillus commandoient le centre de l'armée.
Spurius Lartius & Titus Herminius étoient à l'aile droite, & Marcus Valerius
frere de Poplicola avec Titus Lucretius, à l'aile gauche
Le combat fut long & opiniâtre. Porsena l'emportoit par le nombre.
Les Tarquins faisoient des efforts de valeur extraordinaires pour recouvrer le
Royaume. Les Romains combattoient pour leur liberté avec une intrépidité
extraordinaire. Malheuresement les deux Chefs qui commandoient l'aile gau-
che aïant été blessez, toute cette aîle lacha le pied, & entraîna tout le restede
l'armée, qui se retira précipitamment au de la du Tibre.
Un nommé Horace surnommé le borgne, dela race de ceux qui avoient CXXllL
autre fois vaincu les Curiaces , fit tout ce qu'il put pour arrêter les fuïards, Belle aftion.
mais voïant qu'il n'y gagnoit rien, il s'arréta sur le pont, & accompagné des d'Horatius
deux Chefs qui avoient commandé l'aile droite , il fait serme & crie à ceux Cocles.
qui étoient déja passez, de rompre le pont derriére eux. La chose étoit facile, An de Ro-
car il n'étoit composé que de pièces de bois, sans qu'il y entrât un seul clou, me 246. du
M. 3
ni une seule piéce de fer. Les trois Heros soûtiennent donc tout l'effort de Dion,y]:
l'armée ennemie, & lorsque le pont étoit presque achevé de démolir, Horace Halicarn.
pria les deux Chefs de se retirer, restant lèul pour résister à toute l'armée de /. S'C. 24-
Porsena. A la fin percé d'un dard à la cuisse & tout couvert de blessures,
,
voïant que le pont étoit achevé de rompre, il se jetta dans la riviére avec ses
armes. Il eut encore assez de forces & de courage pour la passer à la nage.
On le combla d'honneurs & de loüanges,& dans la suite on lui erigea une
Statuë de bronze dans la place publique. Le Senat lui assigna autant de terre
en propre qu'il en pourroit enfermer en un jour, dans l'enceinte d'un sillon
en rond. Tous les Romains lui donnérent par téte autant qu'ils dépensoient
jar jour , & le nombre de ceux qui se collisérent ainsi, fut de trois cent mil- \
e têtes. Telles étoient alors les recompenses parmi un peuple guerrier & la-
borieux, & dont les moeurs n'étoient pas encore gâtées par le faite & l'opu-
lence. Horace demeura toute sa vie borgne & boiteux, ce qui ne l'empêcha
pas de devenir Consul dans la suite.
Porsena voulant tirer tout l'avantage qu'il pourroit de la déroute des Ro- CX XIV.
mains, établit son quartier sur le Janicule & fit passer le Tibre aux Tarquins Siége de
Rome par
& à Mamilius,pour resserrer la ville de Rome & la réduire par la famine. Il Porsena.
An de Ro- faisoit cependant ravager la campagne, & il echapoit peu de convois à sa vÍ...
Ble 246. du gilance. Les Consuls ne pouvant tenir téte à une armée aussi nombreuse
M. H02. qu'étoit celle de Porsena, emploïérent contre lui la ruse & le stratagéme. Ils
avant J. C. firent sortir de la ville
498. ce qui y restoit de bestiaux, les fàisant conduire par une
çscorte dans certains paturages. En même tems on mit une embulcade sur
le chemin de Gabies, & ondevoit faire deux sorties sur l'ennemi par deux por-
tes différentes, pendant que Poplicola l'attaqueroit de front.
La chose ainsi concertée, & le troupeau étant sorti de la ville, les Etrus-
ques en grand nombre coururent pour l'enlever & battre l'escorte ; Mais ils
furent tout d'un coup envelopez par les Romains, tant ceux de l'embuscade,
que ceux qui sortirent de la ville, en forte qu'il en demeura cinq mille sur la
place.
-
CXXV.. Peu de tems aprés un jeune Romain nommé Mucius Côrdus s'offrit aux
Mutius Consuls d'aller au camp de Porsena pour y exécuter une chose dont il ne
Scœvola personne; ,
C'étoit de tnër Porsena. Il sort de la.
entreprend- pouvoit confier le secret à
de tuer ville vétu à l'etrurienne, & tenant un poignard caché sous ses habits. Entré
Porfena. dans le camp, il pénétre jusqu'à la tente du Roy. Ce-jour là on faisoit une
An de Ro- revèuë générale, & on donnoit la paye aux troupes. Le Roy étoit alsis sur
me 246. du son Tribunal aïant auprès de lui un Secretaire d'état, à qui l'on s'adressoit, &
M. 3 502.
avant J. G. quirendait les réponses.
Mucius hésita quelque tems qui des deux étoit Por-
498. sena ; puis tout d'un coup il porte Un coup de son poignard dans la téte de
l'Officier du Roy qu'il prenoit pour le Roy même, & le renversa par terre,
Au même moment il saute à bas du Tribunal & se sassànt jour à travers la
multitude étonnée, il court vers la porte de la tente; Mais il y fut arrété par
les gardes & raméné aux pieds du Roy.
Il y parut avec un visage affuré & déclara au Roy qu'à la vérité il avoit
manqué son coup, que c'étoit à lui qu'il en vouloit ; & pour lui saire voir
qu'il ne craignoit ni les tourmens ni la mort, il étendit fièrement la main sur
un brasier ardent & l'y lai sia brûler sans témoigner la moindre douleur. Por-
fena admira le courage de ce jeune homme , lui rendit le poignard dont il
avoit frapé son Officier & le renvoïa. Avant que de partir Mucius, qui depuis
fut surnommé fiœvola, c'est-à dire, gaucher, à cause qu'il s'étoit rendu inutile
Ï'usage de sa main droite, en la brûlant sur le brasier dont on vient de parler;
Mucius,. dis-je, comme pour reconnoitre la grace que le Roy lui avoit faite
de le renvoïer, lui dit qu'il avoit dans son camp trois cent jeunes Romains
aussi déterminez que lui, qui s'étoient engagé par les plus religieux sermons
de lui ôter la vie ; qu'il étoit obligé par reconnoissance de lui en donner avis,
afin qu'il prît ses précautions pour sa propre seureté. C'étoit un mensonge -
que Mucius se crut permis dans cette circonstance pour le service de sa patrie.
CXXVL Porsena effraïé de cette déclaration, consulta avec ses amis, quelles me-
Porsena sures il devoit prendre pour se garantir de tant d'assassïns répandus dans son
* prend la
résolution camp.
Aruns fils du Roy déclara qu'il n'en connoissoit point de plus efficace,
tle faire la ni de plus aisé que de mettre fin à la guerre, & de faire la paix avec les Ro-
paix avec mains. Porsena qui s'ennuïoit déjà d'une guerre qu'il prévoïoit devoir étre
les Ro- longue & douteuse, fut ébranlé par ce conseil du Prince son fils; 11 envoïa à
mains. Rome
Rome des députez pour faire des propositions d'accommodement. Leurs in-
itru&ions portoient qu'on demandoit, non le rétablissei11ent des Tarquins sur
le Trône, mais la restitution de leurs biens en espéce ou l'equivalent, & de plus
qu'on rendît aux Veïens sept bourgades qu'on leur avoit prises en d'autres
guerres.
Les propositions furent agréées du Senat & du peuple. On remit àPor-
sena même la décision & l'arbitrage de la difficulté entre les Romains & les
Tarquins. • On promit la restitution des sept bourgades des Veïens, & on
leur offrit des ôtages pour asseurance de ces promesses. Quelques jours aprés
011 envoya des deputez & des otages au camp de Porsena. Les otages étoient
dix garçons & dix jeunes filles de la plus illustre Noblesse de Rome. Entre
ces jeunes filles étoient Valeria fille du Consul Poplicola, & la célébre Clelie.
Les Senateurs Romains qui devoient plaider la cause de Roms contre les Tar-
quins, étoient déja en présence du Roy, & prêts à parler, lorsqu'on vint dire
que les jeunes filles qui étoient venuës pour otages, avoient repassé le Tibre
à la nage, & s'en étoient retourné dans Rome.
Clelie avoit été la premiere à encourager les autres à repasser l'eau, & CXXVIL
s'étoit mile à leur téte. Porsena fut surpris de cette hardiesse. Les Tarquins Clelie &
voulurent par là rendre la fidélité des Romains suspede aux Etrusques ; mais filles les autres
Ro-
le Consul Publicola envoya surie champ assurer Porsena que les otages retour- maines
neroient incessamment dans son camp. En effet il les ramena lui-même; mais passent la
les Tarquins les attaquèrent en chemin, voulant se saisir des otages pour s'af- Riviére &
surer de la restitution de ce qu'ils demandoient. Valerius se défendit vaillam- retournent
à
ment avec les fiens, & Valerie sa fille courut à toutes brides porter au camp AnRome. de Ro-
la nouvelle du danger où étoit son pere. Aruns fils de Porsena vole à le-ur me 246. du
secours avec un corps de Cavalerie, & dissipe les Tarquins. M. H02.
La conduite de ces derniers les rendit suspeéts à Porsena & disposa son avant J. G.
,
esprit à écouter .plus favorablement les plaintes & les raisons des Romains. 49
Ceux-ci exposérent -l'injuste usurpation que les Tarquins avoient faite de la
Royauté, par le meurtre du Roy Servius ; Les excès, les violences, les cruau-
tez qu'ils avoient exercées contre les Romains, les maux dont ils les avoient
accablez, la violence qu'ils avoient faite a la chatte Lucréce. Cet exposé fit
horreur aux Etrusques, & le même jour Porsena envoïa signifier aux Tarquins
& à Mamilius, qu'il renonçoit à leur alliance & à l'hospitalité qu'il leur avoit
accordée, & qu'ils eussent à sortir de son camp. En même tems il fit venir les
otages qui s'étoient d'abord enfuis ; voulut voir Clelie qui avoit inspiré cette CXXVIlh
hardiesse à tes compagnes, les loüa & fit présent à Clelie d'un cheval superbe- Porsena se
retire dans
ment equippé. Il rendit aux Romains leurs otages & fit la paix avec eux. son &
Par un trait de générosité trés-rare, il ordonna à ses gens de décamper laissepais,
aux
& d'abbandonner aux Romains leurs tentes & toutes leurs provisions, afin de Romains
soulager la disette dont il savoit que Rome étoit affligée. LeS Romains son camp
connoissance firent palier en coûtûme, quand on mettroit en re- tout tendu.
choie, qui appartenoit au public, de faire crier par le Héraut en vente quelque T>ionyf
: Ce fent les Halicarn,
biens de jJ(¡rfènd. De plus on fit eriger une Statue à 1.1. Tit.
ce Prince, tout joignant Liv.
le lieu des ailèlublées, & on lui deputa une ambassàde pour lui faire pré- 1. 2.

-ti-k 3 Piittarçk»
fent
fent d'un Trône orné d'yvoire, d'un Sceptre , d'une Couronne d'or & d'une
robbe triomphale.
CXXIX. Aprés cela on songea à faire la dédicace du Temple de Jupiter Capitolin,
Dédicace commencé par Tarquin l'ancien, fort avancé par Tarquin le superbe, & enfin
du Temple achevé depuis son expulsion. L'honneur de le dédier devoit naturellement
de Jupiter appartenir
Capitolin. au Consul Poplicola, à qui la République avoit tant d'obligations ;
par Hora- Mais un peu
de jalousie de la part du Sénat fit déférer cet honneur à Ho-
tius Pulvil- ratius Pulvillus son Collègue. On prit le tenis que Poplicola étoit absent de
lus Gonsul. Rome pour donner la chasse à quelques troupes de Latins,quis'étaient jettez
An de Ro dans les terres des Romains
246. du ; Le Senat saisit ce tems pour ordonner que le
me
M.. 3 50 2. nouveau Temple seroit dédié par le Consul Horatius, qui étoit demeuré dans
avant J. C.la ville.
498. Il monta au Capitole accompagné d'une trés-nombreuse suite de Sena-
teurs & de Citoïens. A l'entrée du Temple il lut ces paroles : Le Senat & le
peuple Romain mettent Jupiter en possèssion de ce Temple, qu'ils ont
bâti à son honneur & pour servir à son culte.Il continuoit à prononcer la for-
mule de la Dédicace, lorsqu'un partisan de Poplicola l'interrompit, en lui
disant : Vôtre fils est mort dans le combat, le droit des Pontifes défend à un
homme qui est dans le deuïl, de faire la fondion que vous faites. Horatius
sans se troubler, répondit; Qu'on mette mon fils dans le tombeau, & continua
sa cérémonie. Quand elle fut achevée,on aprit que c'étoit unefausse nouvel-
le, inventée pour donner à Poplicola le loisir de revenir dans la ville.
CXXX. Sous les Consuls, Marcus Valerius frere de Poplicola, & Publius Post-
Guerre des humius.les Sabins déclarérent la guerre aux Romains: Elle commença à l'or-
Sabins dinaire par le ravage des campagnes. Les deux Consuls se mirent en cam-
contre les
pagne aïant chacun un corps de troupes séparé. Posthumius dans la crainte
'R.omai ns.
An de Ro-
dequelque surprise de la part des Tarquins se campa assez prés de la vil-
,
Tivoli, sur l'Anio, nommé aujour-
me 248- du le. LVI. Valerius mit ion camp assez prés de
M. 3 504- d'huy Tevérone, qui étoit alors le terme de la réparation des états Romains &
avantJ. C. Sabins. Les ennemis étoient poftez de l'autre côté de la riviere sur une
496. ,
én1Ïnence. Pendant que les deux armées étoient dans l'inadion, quelques
Cavaliers on ne sait s'ils étoient Romains ou Sabins, étant entrez dans la ri-
viere pout abbreuver leurs chevaux, la passérent au gué & s'avancérent jus-
qu'auprès du camp des ennemis comme par bravade. D'autres Cavaliers ac-
coururent pour les rechasser, insensiblement l'action devint si serieuse, que le
Consul Valerius fait passér sou armée au gué, qui lui avoit été découvert par
les Cavaliers, & la rangea en bataille devant les Sabins.
Ceux-ci se rangérent de même, mais avec quelque précipitation ; Le
premier soin de Valerius fut d'informer le Consul Pofthumius de la situation
des choses, & du besoin qu'on avoit de sa présence. Le combat se donna
avec beaucoup d'ardeur de part & d'autre. L'aile gauche des Romains com-
mandée par un Lieutenant-Général , plia & couroit risque d'être renverse
dans l'Anio. Posthumius s'étoit mis en marche aussitôt qu'il eut reçu avis du
danger de l'aîle gauche. Il fit hâter la Cavalerie Romaine, qui aïant pané le
gué vint fondre iur les Sabins, & arréta leur impétuosité. Peu de tems aprés
arriva
arriva Posthumius avec son Infanterie qui acheva de mettre les Sabins en
,
déroute. A l'aile droite Marcus Valerius aidé de son srere Poplicola, pouffa
vivement l'aile gauche des Sabins, de nlaniere,que sans la nuit qui sépara les
combattans, la défaite des Sabins auroit été entiére. Les Romains demeuré.
rent maîtres du champ de bataille, & entrèrent sans résistance dans le camp
des ennemis qu'ils trouvérent abbandonné. Le Soldat profita des dépouïl-
les des morts & du butin trouvé dans le camp; les deux Consuls entrèrent
ensemble dans Rome en triomphe, mais on ne donna que l'ovation au Con-
sui Posthumius.
On accorda de plus au Consul Marcus Valerius le privilège d'ouvrir sa CXXXL
maison en dehors dans la ruë au lieu- que dans les autres maisons des Ro- Prmlege
, accordé au
mains toutes les portes s'ouvroient en dedans. Au contraire de ce qui se Consul
pratiquoit chés les Grecs,où les portes s'ouvroient en de hors dans la ruë. A Valerius
l'égard du Consul Posthumius, on lui accorda pour lui & pour sa familleyd'a- d'ouvrir
voir là sépulture au dedans de la ville, prérogative rare en ce tems-là, & qui sa porte
en dehors*
ne s'accordoit gueres qu'aux Vestales. Dans une République aussi jalouse de Plutarcb.
la liberté & aussi sévérement attachée à ses loys que l'étoit alors la Républi- in Valerio,
que Romaine , ces marques d'honneur & de distin&ion étoient estimées Publicola*
pour beaucoup. Quand les recompenses sont rares, & ne s'accordent qu'au
mérite, elles sont toûjours prétieuses & font leur effet dans les ames bien
.laites. ,
Les Sabins continuoient à remuer & à prendre des mesures entr'eux CXXXIL
A&ius
pour recommencer la guerre. Actius Clausus, nommé depuis Appius Clau- Cl au du s
dius, le plus puissant, le plus accrédité, comme le plus sage & le plus habite 5abinse r:.
Politique de cette nation, n'entroit point du tout dans ce dessein, dont il pré- tireàRomo:
-
voïoit les suites facheuses pour sa nation. Les jaloux du crédit & des gran- An de Ro-
des richesses de Clausus l'accusérent de favoriser les Romains & de vouloir me 2490' cllus
sous la prote&ion des Romains s'emparer de la souveraine autorité ,
dans sa
M. sioç.
DionyJ.
propre nation. Clausus indigné de ces injustes soupçons, résolut d'armer ses lïaliearn»
gens & Ces Cliens, & d'allumer une guerre civile dans le païs des Sabins, Va- L ïrCr/tf*,
lerius Poplicola qui étoit Hé d'amitié à Clausus le détourna de dessèin,qui
, ce
ternirait sa gloire ; il lui inspira de quitter son ingrate patrie, & de venir à.
Rome ou il trouveroit des amis & des Concitoïens, qui reconnoîtroient
,
son mérite, & lui tiendroient compte de ce qu'il abbandonneroit parmi lei;
£eiis.
Clausus balança quelque tems & enfin se rendit Rome suivi de sept
a
mille familles, hommes, femmes, enfans & domestiques, entre lesquelles obi
comptait cinq mille hommes capables de porter les armes, Rome le reçut
avec joïe, & leur donna des preuves de sa considération, en leur accordant à
chacun en propre,deux journeaux de terre à cultiver, & outre cela le droit
de bourgeoisie Romaine. ^ Pour Clausus ou Claudius, lui donna place:
on
dans le Sénat avec la qualité de Patricien, & on lui assigna vingt cinq
de terre a la campagne, & un emplacement dans la ville arpens;
pour y bâtir pour
lui & pour les amis. Ces recompenses ii disproportionnées au mérite de'
Claudius, ielon nos ujoeurs, nous Sont voir quelles étoient celles de tems-
c.e
1%,
la, & à qnel point la frugalité , la vie champêtre, l'économie étoient en
honneur.
t'X x,X III Aprés le départ de Clausus, les Sabins se déclarèrent & entrerent bien-
Guerre des tôt en campagne. Ils mirent une partie de leurs troupes dans la ville de
Sabins Fidéne, & l'autre partie campa devant la place. Les deux Consuls ramaisé-
contre les Soldats qu'ils purent & ne laissérent dans Rome que ceux à
Romains. rent le plus de
An de Ro- qui leur âge ne permettoit pas
de porter les armes. Ils campèrent séparem-
me 248. du ment, mais cependant à portée l'un de l'autre : Poplicola plus prés des en-
M 3,04. nemis, & Lucretius à quelque distance de là sur une hauteur, d'où il pouvoit
avant J. C. considérer les mouvemens des ennemis. On assure que SextusTarquin étoit
49 6.
Dion.'Ys. à la tête de l'armée des Sabins, & qu'il résolut d'attaquer de nuit le camp
Halicarn. des Romains, pendant que le reste de l'armée Sabine enfermée dans Fidéne,
J.., .c.4°.41. iroit secrétement le poiter derriére l'éminence où étoit Lucretius , pour
de son
42 s'emparer de son camp, lorsqu'il en seroit sorti pour venir au secours
collégue.
Publicola aïant heureusement découvert le dessein des ennemis par des
intelligences qu'il avoit dans leur armée , en donna avis à Lucretius Ion Col-
lègue, & lui dit de se tenir sur ses gardes, & de demeurer en ppos dans ses
retranchemens. Pour lui il rangea ses troupes le long du fossé qui environ-
noit tout son camp. Ce fossé étoit large de douze pieds, & au deçà de ce toUe
à une distance assés considérable, s'élevoit un rempart de gazon soutenu de
palissades à la hauteur de quatre pieds. C'est dans cet interval que Poplico-
la rangea ses troupes. Les Sabins étant donc sortis de leur camp avant mi- feu
nuit, furent sort surpris de n'entendre aucun bruit, & de ne voirse aucun défioient
dans celui des Romains, croïant qu'ils étoient endormis & ne
de rien. Ils jettérent promptement leur pont & comblèrent le folle de ta-
scines, puis s'avancèrent vers le rempart pour le franchir ; mais les Romains
à grands coups de piques & de javelots, <Sc
rangez en bataille les recevoient qu'il Les Sabins n'aperçurent
cxxxiv en renversoient par terre autant Lune en passoir. paroître
Viétoire leur propre perte, que quand la commença a ; alors ils prirent
des Ro- la fuite & se retirèrent où ils purent.
mains sur Les Romains sortirent sur eux avec de grands cris & en tuérent un très-
les Sabins. Consul Lucretius aïant ouï les cris des Romains, sortit aulii-
An de Ro- grand nombre. Le
me 248. du tôt de son camp & fondit
sur les Sabins qui étoient en embuscade pour le
M. 3 1 o4- surprendre 11 les surprit eux-mêmes & les mit en déroute, de toute l'aimee
avant J. C. des Sabins, il n'en resta que peu qui portèrent dans leurs villes la nouvelle de
496. On treize mille de tuez sur la place, & on fit qua-
Mort de leur défaitte. en compta
Valerius tre mille deux cent prisonniers. Après cela Fidenes fut prise par escalade ;
Poplicola. " On fit mourir les auteurs de la défection, eX. la ville rentra sous 1 obeiflan-
An de Ro- des Romains. On y laissa des troupes Romaines pour la contenir dans le
ce
me 2jo. du1 devoir, & donner des terres en propre
M. ?sof>. on contraignit les Fidenates de leur triompher mourut quelque
Rome en
Dionys- pour les cultiver. Poplicola entra dans
Halicarn. tems aprés l'élection des nouveaux Consuls, qui furent PubhusPolthumii-s &
Tit.Liv l.ii Menenius Agrippa. Poplicola sut enterré dans la ville & au dépens du public,
Plut. in s'étantpas trouvé assez d'argent dans sa maison aprés son décés, pour faire les
Publicola. ne a
frais de les funérailles.
La mort de ce grand homme releva le courage des Sabine. Ils se jetté- CXXXV.
rent dans la campagne de Rome, & y firent le dégât; Aïant néanmoins laissé Pofihu- Le Gonsul
derrière une foret la plus grande partie de leurs troupes ; Le Consul Posthu- mius est
mius avec une troupe de gens ramassez à la hâte, sortit sur eux & leur donna envelopé
la charte jusqu'à l'entrée du bois dont nous avons parlé. Alors les Sabins se par les Sa-
rallièrent, firent tête au Consul, & appellerent à leur secours l'armée qui n'étoit bins.
loin de là. Poithumius se defendit avec toute la valeur possible Mais An de Ro-
pas ;
me 2,0.da
comme il vouloit faire sa retraite vers la ville, il fut coupé par un corps de M.
Sabins postez sur une colline, & prés d'un défilé où il lui falloit néceŒaire- avant J. C.
ment passer. Heureusement la nuit survint, qui obligea les ennemis de lui 494-
donner du répit ; Mais il demeura investi, & en danger d'être tué ou fait pri-
sonnier avec toute sa troupe.
L'autre Consul Menenius Agrippa sortit de Rome de' trés-grand matin, 8c
arriva avec son armée assez à tems pour délivrer Posthumius.
Le petit succés qu'avoient eu les Sabins contre le Consul Posthumius,
les remplit tellement de présonlption,<!u'ils envolèrent ordre aux Romains de
recevoir pour Roys les Tarquins,",& de reconnoitre les Sabins comme leurs
Chefs & leurs maîtres. Rome répondit par de pareils commandemens aux
Sibins de se sOllll1ettre à sa domination, & de lui faire satisfaftion des attentats
qu'ils a voient commis contre son autorité.
Ces ménaces & ces déclarations réciproques furent suivies d'une guerre rxxxvi.
sanglante. On s'y prépara de part & d'autre en ramassant tout ce qu'ils Victoire
desCon{ul¡
avoient de gens, tant à la ville qu'à la campagne, capables de porter les armes. Romains
Les deux armées campérent prés la ville d'Erete au païs des Sabins, à dix mil- sur les sa.
le pas ou à cinq petites lieues de Rome. On en vint bientôt aux mains. Le bins.
Consul Posthumius commandoit l'aile gauche &Menenius l'aile droite. Post- An de Ro-' ^ ,
humius pour effacer la honte de l'affront qu'il avoit reçu peu de tems aupa- me 2,0, du
ravant, fondit sur l'aile droite des Sabins avec une ardeur & un courage qu'on avantHo6.
M. ^
J G.
auroit pu accuser de témérité, s'il n'avoit pas été réglé par la prudence, & 494*
soutenu par les efforts de ses Soldats. Le succés en fut tel, que les Sabins
ne purent tenir contre lui & lâchèrent le pied. Menenius Agrippa son Collé-.
gue animé par son exemple , pousse de même les ennemis & les met en dé-
route. La terre est chargée de corps morts, & toute la campagne de fuïards.
Les deux camps des ennemis furent pris & pillez.
Le Senat décerna le triomphe à Menenius, & seulement l'ovation à Post- cxxxvu.
humius. La tache de son premier échec n'étoit pas encore efsacée. L'ovation Triomphe
étoit une espéce de triomphe moins solemnel que l'autre. Celui qui en étoit ideMene- Agrip-
honoré entroit à Rome à pied ou seulement à cheval, mais non pas monté ]nius pa.Ovation
,
sur un chariot. Il n'étoit accompagné, ou du moins ne devoit être accom- (ju Consul
pagné dans son entrée, que du seul Sénat ; L'ovation ne s'accordoit que pour 1Poflhu-
des batailles gagnéessur des peuples peu célèbres, ou sur des pirates, ou sur 1~nius. Dion'Yr.
des e[davt:s rebelles, ou lorsque l'on avoit obligé les villes ou les ennemis à Halicarn.
se rendre & à mettre bas les armes, sans répandre de sang. Dans ces derniers 1'• 5. C.47.
cas on ne donnoit aux vainqueurs que la couronne de myrte dans leur ova-
tion ; Lorsqu'il y avoit des batailles gagnées, pour l'ordinaire on les couron-
noit de lauriers ; Mais ils ne portoient point d'autre habit que la prétexta, qui
étoit l'habit ordinaire des Magistrats. Poithumius entra à Rome deux jours
avant son Collègue, & l'on compte son ovation pour la première qu'on ait
veuë à Rome. Menenius Agrippa y entra en triomphe deux jours aprés lui.
exxxvin, Sous les Consuls Spurius Cassius Uscellinus & Opiter Virginius Trico-
Guêtre ssus, la
guerre contre les Sabins recommença. Les deux Consuls partagè-
contre les
Sabins. rent leurs troupes. Camus marcha contre les Sabins, & Virginius contre les
An de Ro- Latins. Le premier défit les Sabins & leur tua dix mille trois cens hommes,
me 2ji. du & fit quatre mille prisônniers. , Alors ces fiers ennemis recoururent à la cle-
M. g s o7.
mence du vainqueur, qui les renvoïa au Senat. Le Sénat leur accorda k1 paix,
avant J. C. à condition qu'ils païeroient certain tribut par tété, & qu'ils céderoient
493. un
.Dionys. dix mille arpens de leurs terres labourables , & le Consul leur fit donner au-
Jïalicarn. tant de froment qu'il en falloit pour la subsistance de son armée. Ce fut la
J.1). G".49... derniere
guerre des Romains contre les Sabins ; Cette nation guerriere & re-
muante se soumit enfin aux loys de la République. On accorda l'honneur du
triomphe à Cassius. *
L'autre Consul s'était rendu devant la ville de Camerie au païs Latin, &
m
cxxxix. .
Frise de la
avoit formé le siége, avant qu'elle eut seulement connoissance de sa marche.
ville de en
Camerie. Camerie avoit été autre fois soumise aux
Romains, mais après le changement
d'etat & l'expulsion des Roys, elle s'était mise en liberté & avoit refusé son
secours à la République. Virginius l'aïant donc surprise , & aïant renverie
partie de ses murailles avec le belier, donna l'assaut à la place par la bré-
une
V
che, & en même tems l'attaqua par l'escalade ; La ville fut abbandonnée au
pillage ; On epargna le sang des Camerins, mais on rasa leur ville. Les
plus coupables furent décapitez, le reste sut vendu pour esclaves. '
CXL. L'année suivante les Sabins devenus amis & alliez, se trouvèrent / a Ro-
IL es Sabins.
me pour prendre part aux divertissemens publics. Quelques jeunes gens
assistent
d'entr'eux formèrent le complot d'enlever quelques filles de joië, qui s'étoient
aux jeux familiarisées eux, s'imaginant peut-être, qu'un tel enlèvement leur seroit
de Rome. avec
An de Ro- permis, comm'une espéce de représailles de l'enlevement des Sabines, fait, il
me 2Ç2U du y
avoit'environ deux cens ans. La jeunesse Romaine s'étant doutée de leur
M. 3Íog. deÍfein, prit les armes pour en empêcher l'exécution; Mais les citoïens les
avant J. C plus sensez arréterent leur impetuosité & calmèrent l'émotion. Les Sabins se
492.
Tit.Li.v.1.2 retirèrent confus & mécontens.
CXLI. La même année on tint I'alïemblee des féries Latines, auxquelles toutes
Assemblée les villes du Latium se rendoient dans le Temple de Jupiter Latialis à
Feren-
des feries tine, pour délibérer sur les intérêts communs de la nation. Les Romains y
Latines. devoient être invitez & y tenir le premier rang. Marcus Valerius, qui avoit
On y re- été Consul,
à s'y presenta, & fit souvenir les Latins de leur ancienne alliance avec
nonce 10 L
à demeurer fidèlement atta-
confédéra- les Romains, les exhorta à maintenir la paix, &
tion des chez à leur devoir. Dans le même tems Mamilius, dont 011 a déja parlé, &
Romains. qui était le plus ardent des partisans des Tarquins, sollicitoit l'assemblée de
Dionys.Ha- r
renoncer à leur engagement envers les Romains, puisque ces alliances dont
liearn. 5 /.
on vouloit se prévaloir, avoient été saites. avec les Roys de Rome, & non avec
c. sC>.
la République. Les villes d'Aiicie, de Fidene & de Camerie se plaignoient
suffi du violement de l'ancienne confédération, fait par les Romains, de ma-
niere que la premiere journée se passa en contestation, & l'assemblée fuLremi-
se au lendemain.
Ce fut alors que le cri fut général contre les Romains; On ne permit
pas à Valerius de se présenter à l'assemblée. Mamilius y fit valoir ses raisons,
& tous les plaignans y furent bien écoutez. La conclusion fut qu'on renon-
coit à l'alliance des Romains, & qu'on aviseroit aux moïens de se venger des
.
infractions que les Romains en avoient faites; Marcus Valerius rapporta à Ro-
me toutes ces choses qui y causérent une grande consternation, de voir que
les guerres se succédoient les unes aux autres, sans aucune interruption. CXLIf..p
Pour comble de malheur, on découvrit àlors une conspiration des escla- Conspira-
ves, qui devoient s'emparer de la Citadelle & des principales tours de la ville, tion des
pour ensuite mettre le feu en divers endroits de Rome, apparemment afin de efciaves
profiter de l'embarras où se trouveroient les citoïens, pour s'enfuïr, ou pour dans Ro-
piller la ville, ou même pour se défaire de leurs maîtres; Mais la chose aïant me.
été découverte par quelqu'uns des complices, on arréta les coupables, les Dionys.
uns Hahcarn.
dans les maisons de leurs maîtres, les autres dans la place publique, & on les 1.i. c. p.
fit mourir à la croix, qui étoit le supplice ordinaire des esclaves.
Quoique dans l'assemblée. des feries Latines les Latins eussent renoncé à
l'amitié & à l'alliance des Romains, on trouva dans le peuple & dans les plus
riches de la nation Latine beaucoup de répugnance à entrer en guerre avec
eux. Ils en craignoient les suites, & prévoyaient que ceux qui demandoient
la guerre, ne cherchoient à rétablir les Tarquins dans Rome , que pour de-
venir ensuite eux-mêmes les Tyrans de leurs propres cantons ; mais les parti-
sans des Tarquins interessez à faire la guerre, la commencèrent par la rébel-
lion des Fidenates qu'ils engagèrent à châtier de leur ville la garnison Romai-
ne. En vain le Senat envoïa leur remontrer l'injustice de leur procédé; les dé-
putez furent chassez de Fidenes, & obligez de se retirer à Rome. CXLUI
Le Consul Mutius marcha contre les Fidenates , les investit, ravagea Guerre des
leurs campagnes & les réduisit à l'extremité. Ils eurent recours aux Latins, Latins les
con-
tre Ro-
qui au lieu d'accourir à leur secours, assemblérent les principaux de leur na- mains.
tion pour délibérer sil'on déclareroit la guerre aux Romains. Le résultat de An de Ro-
l'assemblée fut qu'on envoïeroit des Ambassadeurs à la République, pour de- me 253. du
mander aux Romains qu'ils eussent à recevoir les Tarquins, aprés que ceux-ci M. 09.
J. G.
auroient donné une amnistie générale de tout ce qui auroit été fait contre avant 491.
l'autorité Roïale, & à lever incessamment le siége de Fidéne. Les Ambafsa- Dion."!!
deurs des Latins exposerent le sujet de leur Ambassade, & donnèrent auxRo-1 Halicarn.
mains un an pour délibérer. I. c. )1..
CXLIV.
il y avoit déja dans Rome de grandes semences de division des pauvres con- Divisîon
tre les riches ; Les premiers se plaignant hautement des vexations des autres. dans Rome'
Tarquin qui n'ignoroit pas ce qui se passoit dans la ville , avoit envoyé avtc des pau-
les Ambassadeurs Latins des personnes affîdées de son parti, & en particulier vres contre
deux fréres de ses parens, avec de grosses sommes d'argent, pour le répan- les riches.
Dionys.Ha-
dre parmi le menu peuple & l'exciter à la révolté. Les esclaves irritez dusup- lic-4j.c.i;.
plice qu'on avoit fait souffrir à leurs semblables, ne cherchoient que l'occa-
sion d'e se soulever, & de faire éclatter leur mécontement par quelque action
d'éclat. Lors donc qu'on eut gagné par argent la vile populace , on enga-
gea dans le complot les esclaves, qui devoient égorger leurs maîtres pendant
la nuit, au moment que les Conjurez répandus le long des ramparts, jetteroient
de grands cris tous ensemble, & ouvriroient les portes aux Tarquins.
CXLV. La chose fut conduite avec un secret si extraordinaire, qu'il n'y eût pas
1-a contoi-
tation est
un seul de tant d'esclaves & de menu peuple, qui en fit la moindre ouverture.
découver-
La providence qui veilloit à la conservation de Rome , permit que les deux
"
te. An de Chefs de ceux que les Tarquins avoient envoïez à Rome, agitez des remords
Rome 2 5 ?. de leur conscience, ou craignant les supplices qui les attendoient, s'ils étoient
découverts, s'adressérent à un Devin, pour lui demander quel feroit le succés
de leur entreprise, sans s'expliquer davantage. Le Devin répondit, qu'ils
n'en devoient attendre que leur perte & leur dernier malheur , & qu'ils eus-
fent à se décharger du fardeau qui les accabloit. Sur cette réponse les deux
amis des Tarquins se rendirent chez le Consul Servius Sulpicius, qui étoit re-
fté dans Rome, & lui dénoncérent eux-mêmes le complot qu'ils avoient for-
nlé, & qui devoit incessamment éclore.
Le Consul les retint chez lui, leur sit de grandes promesses, & aïant sait
en secret les perquisitions aecéflaires pour s'assurer de la vérité du fait, il af-
sembla extraordinarement le Senat, & leur découvrit tout ce qu'il avoit apris.
En même te m s on fit entrer les Ambassadeurs des Latins, & on les congédia
en leur reprochant d'une maniéré pleine de modération leur attachement aux
Tarquins & leur eloignement des Romains leurs anciens amis & leurs e.Hiez.
CXLVL Aprés le départ des Ambassadeurs, le Sénat donna commissîon au Con-
Mort des sul de tirer la vengeance de la conspiration, sans toute fois donner lieu au
Conjurez.
peuple de s'émouvoir & de faire le mal plus grand qu'il n'étoit. Il se servit
d'un innocent artifice pour y réüÍftr. Il persuada aux deux freres amis & pa-
rens Tarquins, auteurs & dénonciateurs de la conspiration, d'assembler les
Conjurez pour concerter avec eux les moïens pour exécuter leur projet.
L'heure de l'assemblée sut prise à minuit dans la place publique ; Les Conju-
rez s'y rendirent, & aussi-tôt ils se trouvèrent investis par des troupes à qui le
Consul avoit donné ordre d'occuper les carrefours & les avenuës de la place,
les ramparts & les portes de la ville. En même tems l'autre Consul qui étoit
au camp de Fidenes aïant été mandé, arriva aussi avec un gros détachement
de tes troupes; Les Conjurez demeurèrent ainsi investis jusqu'au matin.
Dez-qu'il fut jour, les deux Consuls parurent sur leur Tribunal; le peu-
ple aussi-tôt fut assemblé par curies à la maniéré accoutumée. Le Sénat (1-1
même tems rend un arrét, qui accorde le droit de citoïens Romains aux deux
délateurs on leur donne cent mille as de récompense, & vingt journaux de
terre en propre, & on condamne à mort tous les Conjurez, sous l'agrément
,
du peuple. Le peuple n'eut pas le loisir de réfléchir ; il consentit à la con-
damnation, & aufIi-tÕt les Soldats firent main basse sur les coupnbks. Après
cela le Sénat fit un nouveau decret, qui ordonnoit de purifier la ville par des
expiations ibtewaelles»d'oixoi des sacrifices dictions de grâces, dc de célébrer
des
des jeux. Tout cela s'exécuta ; Mais la joïe des jeux fut troublée par un ac-
cident inopiné. Le Consul Manius Tullius étant porté sur un char, accom-
pagné du peuple qui le reconduisoit en sa maison, tomba de sa voiture, &
mourut trois jours après.
Cependant le liège de Fidénes continuoit, & le nouveau Consul Publius CXLVll.
Veturius fut envoie pour commander l'armée qui y étoitoccupée.TitusEbutius Siége de
son Collégue demeura dans la ville pour la contenir dans la paix. Veturius avec Fidénes.
An de Ro-
toute sa vigilance ne put empêcher que les Latins ne jettassent un gros convoy me 2 1 4- du
de vivres dans Fidenes, ce qui inspira une telle confiance aux Fidenates, qu'ils M. HIO.
iortirent de leur ville & présentèrent la bataille aux Romains; Mais ils furent avant J. C.
bientôt contraints de se retirer dans la place, & les Latins qui s'étoient joints à 490.
Dion.'YJ.
eux, ne jugèrent pas à propos de's'exposer aux derniers malheurs en leur com- Hali carn.
pagnie. Ils se retirérent & les abbandonnérent à leur mauvais sort. 1. ç. c.ig.
-

Pendant que la ville de Fidenes jouïssoit d'un peu de repit par les vivres Tit-Liv.l.z.
qui lui étoient arrivez, le Consul Lartius prit la ville deCrustumene située en- CXLInn
tre le Tibre & l'Anio , & presqu'en même tems Preneste quitta le parti des Prise de Fi-
Latins & se rendit aux Romains. Alors Lartius revint au siége de Fidénes, & dénes- dé- Les
le poufsa avec beaucoup plus d'ardeur qu'auparavant. Les assiégez priérent Latins clarent la
inutilement les Latins de les secourir ; Le Consul ferma si bien toutes les ave- guerre aux
nues de la ville, qu'elle ne put recevoir ni secours ni nouvelle, & il la serra Romains.
de si prés, qu'elle fut enfin obligée de se rendre à discrétion. Le Senat, à qui An de Ro-
Lartius avoit déféré le jugement des Fidenates, condamna à mort les auteurs me 2) ç.du
de la défedion & laissa au pouvoir du Consul de punir comme il jugeoit à propos M. 3 5 11..
avant J. G.
le peu- ple de Fidenes. Lartius les laissa en paix dans leur ville, mais les priva 489.
d'une partie de leurs champs, qu'il attribua aux soldats qui furent laissez en Dionys.Ha-
garnison dans la place. licam. 1. f.
La perte de Fidéne jetta les Latins dans de terribles inquiétudes. Ils sem- c.îg.6o.6r.,
Ttionys.
blérent de nouveau à Ferentine, & les Tarquins avec leurs partisans sçurent si Ralicarn.
bien faire connoitre aux Latins le danger qu'ils couroient, à moins qu'ils ne 61. 62.
c.
se reünissent pour emploïer sérieusement toutes leurs forces contre les Ro-
mains, qu'ils les déterminèrent à la guerre. Ils firent serment de ne faire ja-
mais de paix avec la République, sous peine aux contrevenans d'être regardez
& traittez comme ennemis publics. Tarquin & Mamilius furent déclarez Gé-
néralisIilues, & chaque Canton fut cottisé à fournir un certain nombre de sol-
dats. On envoïa en même tems des Ambassadeurs à Rome se plaindre de
pour
laprise d'Ariciepar Aruns fils de Porsena Roy des Etrusques, comme si ce Prince
eut été en cela l'jnfhumentde la paillon des Romains. Ces Ambassadeursavoient
cornmilsion d'ajouter que si Rome vouloit sol'iliiettre le jugement de cette affai-
re à la décilion des feries Latines, elle s'epargneroit une guerre fâcheuse.
Rome rejetta cette proposition & ne songea plus qu'à se préparer à la
,
guerre. Inférieure en force aux Latins réünis, elle chercha du sècours chez les
peuples ses voisins ; Mais aucuns de ceux à qui elle s'adrelTà, ne voulut entrer
d'ans sa quércle. LesHerniques refusérent de se déclarer, qu'ils n'euOent
aupa-
ravant pris connoissance du droit des parties. LesRutules se contentèrent de
promettre aux Romains, s'ils se renvoient à la raisol1,de se rendre intercesseurs
auprès de leurs ennemis. Les Volsques renvoïérent les Ambassadeurs Romain::
avec insulte ; Les Etrtisques après une sérieuse délibération, prirent le parti
de la neutralité ; Ainsi Rome se trouva obligée de se renfermer dans elle-mê-
me & de se contenter de ses propres forces..
exLix. > Mais elle esfuia encore de grandes difficultez au dedans. Les levées des
Troubles Soldats
dans Rome pour les Légions, se faisoient parles Tribuns qui faisoiententrer cha-
tribu du peuple l'une aprés l'autre dans la place du Capitole, ensuite on
au sujet de que
lalevéedes citoit à haute voix quatre personnes de cette tribu capables de porter les ar-
Soldats. mes, & le Tribun en choissioit un de quatre pour sa légion. Le premier
Dionys. Tribun de la premiere Légion choisissoit le premier. Le premier Tribun de
.Halicarn. la seconde Légion
1 1.).c.63.64 en choisîIToit de même un du nombre de quatre autres,
65. 66. ($c. ,que l'on appelloit par leur nom, & ainsi de suite tous les autres Tribuns fai-
soient choix d'un homme qui lui convenoit dans une tribu. On faisoit en-
suite entrer une autre tribu, & les Tribuns choisissoient de même chacun un
Soldat de quatre, ainsi qu'on Pa veu.
Dans la levée dont nous parlons, plusieurs de ceux qui furent citez, re-
fusérent de répondre & de comparoître. Leur prétexte étoit leur pauvreté,
& l'oppression des riches qui les accabloient parleurs usures ; Il elt certain Il
que dans,l'origine les Citoïens qui étaient tout-à fait pauvres, n'étoient pas
emploïez dans la milice. Les plaintes du menu peuple se communiquant
de l'un à l'autre, les Consuls craignirent une revolte ouverte ce qui uuroit
été un mal plus dangereux que la guerre même. Le Senat en ,prévit les suites
& délibéra sur les moïens de les prévenir. Plusieurs sentimens furent pro.
posez. Les uns étoient d'avis de punir les mutins dans la rigueur d'autres
,
de païer les dettes des pauvres au frais du trésor public. Quelqu'uns vouloient
qu'on relâchât aux pauvres, mais bons Citoïens, une partie de leurs dettes ;
d'autres que les Créanciers n'eussent d'adions que sur les biens, & non suries
Corps de leurs débiteurs; D'autres enfin,qu'on méprisâtles cris de ces misé-
Dian.'YJ. râblés,qu'on ne leur fit pas l'honneur de les enrôler; Que ce seroit le moïen •.
/.5.C.70.71. de les à s'y venir présenter d'eux mêmes.
72. 73.
èfc. engager
CL. Le Senat sans embrassèr aucuns de ces sentimens en particulier, donna
Titus Lar- son arrét qui suspendoit toutes actions pour dettes, jusqu'à la fin de la guerre
tius Déla- contre les Latins ; Les mutins ne furent nullement contents de cet arrêt,
teur.
Ande Ro-
qui n'aportoit qu'un remede palliatif à leurs maux. Ils demandoient une
me 255. du
décharge totale de leurs dettes, sans quoy ils refusoientde servir. Le Senat
M. 3 s 11. sentit l'embarras 011 l'auroit jetté ce refus du menu peuple, & san absencede
avant J. G. l'armée, ne fut-ce que par la diminution qu'elle auroit causée dans les trou-
489.
pes, car encore qu'ils ne combattirrent qu'avec la fronde , cependant il im-
portait pour la réputation de la République, que ses armées parussent noili-
breufes & que la bonne intelligence y régnât. Il fut donc résolu de créer
un DïBateur^ qui auroit dans la Republique une autorité absoluë, & supérieu-
re h celle du Consulat ; Cette autorité ne devoit durer que six mois, de peur
que le Dictateur ne se perpétuât & n'abusât de son pouvoir. »
Le peuple agréa cette propolition, & les deux Consuls furent chargez
de nommer eux-mêmes le Diftateur. Ils se nommèrent l'un l'autre , & par
un
«
tin délîntereiïement extraordinaire , nul des deux ne voulut accepter cette
dignité, se la renvoïant l'un & l'autre dans des termes pleins d'honnêteté &
d'eitime. Le jour se pana dans ces contestations ; & le lendemain elles
recommencèrent. A la fin Clelius descendant de son tribunal, abdiqua le
Consulat, & toute Paflsemblée à l'instant proclama Didateur Titus Lartius
son Collègue. Lartius ne put se défendre d'accepter cet employ & il en
commença les fondions par la création d'un Général de la Cavalerie, ,
Magi-
J1er Equitum, charge qui ne devoit subsister que pendant sa Didature. Ce fut
Spurius Cajjius, autrefois Consul, & illustre par un triomphe qui fut honoré
de cette seconde dignité de la Republique. ,
Lartius pour se concilier plus d'autorité ne parut plus
, , en public,
qu'acompagné de vingt quatre Licteurs, auxquels il fit reprendre les haches,
que Poplicola avoit ôté de leurs faisceaux. Il ordonna ensuite un nouveau
dénombrement du peuple, semblable à celui qui s'étoit fait sous le Roy Ser-
,'ius. Tout le peuple obéït & aporta son nom, son âge, le dénombrement
de ses biens, les noms de sa femme & de ses enfans. Il se trouva dans Rome
cent cinquante mille sept cens hommes, qui passoient l'âge de puberté. De
tout ce nombre de Citoïens on choisit ceux qui étoient en état de porter les
armes, & on en composa quatre Corps d'armées. Ces levées se firent san.s
murmure , & personne n'osa s'oppoier aux ordres du Didateur.
Le Dictateur Lartius prit le commandement du premier Corps. Il Dionys.
donna le commandement du second à Clelius son ancien Collègue. Spurius /. 1-76-
Camus Général de la Cavalerie eut le troisiéme, & Spurius Lartius frere du 77.,
Didateur le quatrième, qui demeura dans la ville pour la défendre
besoili. Les trois premiers Corps se mirent en campagne chacun en cas de
sous
ion Géiiéral,
/ & se poitérent dans trois camps différens. Les Latins corn-/
mandez par un des fils de Tarquin & par Mamilius, n'osérent se
co m mettre
avec le DiCtateur. Ils se contentèrent d'envoïer sur les terres des Romains,
un détachement pour y faire le dégât ; mais ces troupes furent coupées à
leur retour; une partie fut taillée en pièces, & les autres furent faits prison-
mers de guerre.. Lartius les traitta avec honnêteté, fit panser les blessez &
les rénvoïa sans rançon à Tusculum. En même tems il envoia à la Diéte gé-
nérale des Latins des Deputez pour renouër les conférences & ran1éner les
esprits a des sentimens de paix. Il y réüssit en partie, puis qu'il obtint
treve d'un an. Il crut beaucoup gagner que d'epargner le sang de Citoïens une
& d avoir rétabli la tranquilité dans la République. Il
le Dréscrit.
renonça à la Diétatu-
re avant terme
Avant son abdication de la Dictature on choisit les deux Consuls CLI.
l'annee sui van te. Ce turent Sempronius Atratinus, & Marcus Minutiuspour Au- On permet
g^uusj Leur Consulat ne fut pas fort brillant , n'aïant eu aucune occasion aux Lati- fem-
de se distinguer au dehors, parceque la tréve avec les Latins subsistoit mes
dedans, enco. nes. & Ro-
re ' pn*.en parceque peuple Romain étoit appaisé au sujet des det. main es de
le
tes & des créances. Le Sénat attentif au bien public, fit un décret qui retourner .
mettoit aux femmes Romaines qui avoient épousé des maris Latins & réci dans leur per-
proquement aux' femmes Latines qui étoient mariées à des Romains de con.]pays.
-
dition
dition & de bonnes moeurs, de se retirer chacune dans leur pais. Ce decret
An de Ro- les Latins & n'est pas sans dessein que
me 2ç6. du se fit sans doute de concert avec , ce
M. 1J12. Denys d'HaUcarnastë marque expressément que cette liberté fut accordée
avant J. Co. femmes bien mariées, & qui avoient lieu d'être contentes de leurs maris,
488. aux n'étoit ni favoriser le libertinage, ni pour apor-
])ion.'YJ. pour faire voir que ce pour
Jialicarn. ter du reméde aux mécontemens de ces
femmes. On remarqua que de tou-
6.c. t. les femmes Latines mariées à des Romains il n'y en eut que deux qui
tes contraire ,
toutes les femmes R0-
se rétirerent dans leur païs, & qu'au presque
de divorce
maines mariées à des Latins revinrent à Rome. Voila une sorte
biel1
CLll. L'année suivante la tréve étant expirée , les deux nations se mirent en
commencer la guerre. Les Romains qui s'etoient si bien
Guerre campagne pour
contre les trouvéde la Dictature de Lartius nommèrent pour Dictateur pour cette
,
Latins, Aulus Poithumius l'un des Conluls, qui commanda le premier Corp.
rofthumi- guerre Collégue F
us Dicta- de l'armée Romaine ; Virginius son ancien General de la Cavalerie,
teur. cOl1unanda le second Corps ; Ebutius Elva nomme ville, demeu-
An de Ro- commanda le troisiéme, & Sempronius établi Gouverneur de la
uie 2 59. du le quatrième Corps de troupes. Ainsi on se conforma
ra dans Rome avec
M.
à ce qui avoit été pratiqué sous le
Diftateur Lartius.
avant
15
J. C. Les Latins forcèrent le fort Corbion, qui étoit une espace,pour reti.
espéce de chateau
487- d'espace en
Dionys du nombre de ceux que les Romains fortifiaient y
& répandoicnt dans
Jialicar». de la campagne, dans le tems que les ennemis
rer les gens considérable. Cependant elle détermina les
les champs. Cette prise étoit peu
1. 6. c. 2. 3,

Volsques de la ville d'Antium, de se joindre aux troupes desesTarquin. Le D


troupes près le
dateur posthun1Îus étant sorti de trés Rome, vint camper avec
Regille, sur hauteur de difficile accès- Son armée ne pou voit
Lac une -
Les trois autres Chefs en avoient
plus qu'à huit mille hommes.
monter au Pour les Latins, faisoit leur armée forte de plus
chacun à proportion. on
mirante mille hommes de pied & de plus de trois mille chevaux. Cette
de
nombreuse armée étoit commandée par trois Chefs, Titus Tarquinius , Lu-
ciuTTarquinius & Oclavius Mamilius. Ce dernier était, dit-on, gendre de
superbe, qui vivoit encore, ou lelon d autres, hjs de^ la fille.
Tarquin le

S l es
queroient
Latins
le
s'étant
Dictateur
rassemblez
sur sa roche,
dans

& de lui couper les vivres. Ils étaient encore
Vircrinius avec son corps de troupes
un

arriva,
seul camp délibérèrent s ils atta-
s'ils se
,
contenteraient de 1 y tenir en-
indeterminez , lorsque
& occupa a la veuë des ennemis
unebautre hauteur, vis.à-vis celle où campoit Polthumius; & presque^ même
le Dictateur donna ordre à Ebutius Général de la Cavalerie, d aller se
tems sur le chemin ou les provisions de bouche
montagne, par
&Ktres
saisir d'une autre
secours devoient venir aux Latins.- A peine Ebutius y étoit Zlr-
vit attaqué par Lucius Tarquin. Ce dernier fit de grands etto.ts.
rivé, qu'il se
jtisqu'à trois tois à la charge, pour chasser Ebutius de son polie ; nuis
lin
&. Ebutius sçut habilement profiter de
j?
il fut obligé de se retirer avec perte,
îlvantag7que lui donnoit sa situation, pour couper les convois, & pour arr¿-
qui venoient camp des Latins.
ter les Couriers, au ^
Il en arrêta deux entr'autres que les Volsques envoloient aux Généraux
Latins. On aprit par les lettres dont ils étoient porteurs , que dans trois
jours il arriveroit dans leur camp une armée trés-considérable de Volsques &
d'Herniques, & que ces troupes étoient déjà en marche. Le Dictateur com-
prit aisément qu'il n'avoit point de tems à perdre, & qu'il falloit livrer la ba-
taille aux Latins avant l'arrivée de ce renfort. Il rassembla ses trois corps
de troupes, qui ne consistoient qu'en vingt quatre mille hommes de pied,
& trois mille chevaux ; armée de beaucoup inférieure en nombre à celle des 1
ennemis. *
L'aîle droite de l'armée Romaine étoit commandée par Ebutius; La gau- cl m.
che par Virginius; le centre par le Didateur Posthumius. Dans l'armée des Bataille entre les
Latins Titus Tarquinius étoit au corps de bataille, & commandoit les Ro- Latins &
mains qui étoient demeuré attachez, ou qui s'étoient rendus à Tarquin lesu- les Ro-
perbe, Mamilius étoit à l'aîle gauche, & Lucius Tarquinius à l'aîle droite.Dez- mains.
s'émouvoir, Titus Tarquinius Ân de Ro-
que le Dictateur commença à s'avança le
pour me 2C7. dit
combattre d'homme à homme. Posthumius accepte le combat, & perce son M.
adversaire au côté droit d'un coup de dard. Les Latins accoururent & en- avant JG.
levérent le corps de leur Général, qui étoit blessé p10rtellelnent. Les trou- 497.
Dio"s.
pes commandées par le Dictateur animées par ce premier avantage , poufsè- Ilalicarn.
rent vigoureusement les ennemis qui leur étoient opposez, & les obligérent 1.6. C.6.7.S..
à lâcher le pied. .
Mais Lucius Tarquinius étant venu prendre la place de &c. Tit.
son frere, les rallia & les raména au combat. Elles se battirent avec tant de Liv. 1. 2.
valeur, qu'elles arrachérent la victoire aux Romains, & en laissérentlefuccés
incertain.
Aux deux aîles où commandoit Mamilius à la gauche des Latins &
Ebutius à la droite des Romains, on combattoit avec une ardeur égale. Les
deux Chess s'étant défiez au combat, poussèrent leurs chevaux l'un contre l'au-
tre. Mamilius perça de son epée le bras à Ebutius, & celui-ci ouvrit la cui-
rasse de Mamilius à la poitrine, & sans le blesser Pétqprdit, & le renversa ;
,
de manière qu'étant tous deux tombés de cheval, ils furent obligez de quit-
ter la mêlée. Marcus Valerius, dont on a parlé si sou vent, prit la place
d'Ebutius, & Mamilius revint bientôt au combat. Valerius ne l'eût plutôt
aperçu, qu'il pique son cheval vers lui, & l'oblige de se retirer dans un ba-
taillon des partisans de Tarquin qu'il commandoit. Valerius accompagné
des deux fils de Poplicola ses neveux, & d'une troupe de braves Romains,fait
des efforts extraordinaires pour l'atteindre, mais accablé par la multitude &
percé au côté, il tombe mort. Les deux fils de Poplicola défendent son corps
& le dégagent. Il est remporté dans le camp des Romains, mais ses deux
neveux y périrent.
La mort de Valerius & de ses deux neveux, jointe a Pabsence d'Ebutius CL IV.
déconcerta l'aile droite des Romains. Elle étoit prête à lâcher le pied, lors- Défaitedes
que le Dictateur Pofthumius y accourut suivi d'une bonne troupe de Cavale- Latins.
rie, & ordonna à ceux qui étoient autour de lui, de faire main basse sans mi-
séricorde sur tous les Romains des siens qui voudroient prendre la fuite. La
terreur que sa présence & les ménaces inspirérent, rétablirent l'aile droite. En
même tems il ordonna à quelques Escadrons de Cavalerie, de donner à brides
abbatuës contre les bataillons des Roïalistes, ou des Romains qui tenoient le
parti des Tarquins. Il fut obéi, & les chevaux poussez contre l'Infanterie
ennemie, en écrasérent un grand nombre, tandis que les Cavaliers les tailloient
en piéces à grands coups d'épée; Mamilius qui étoit remarquable par la gran-
deur de sa taille, & par lesrichesses de ses armes, autant que par son courage
& son acharnement à combattre les Romains, fut aperçu d'Herminius Capi-
taine des Gardes du Didateur. Herminius, sans considérer le danger, se jet-
te à corps perdu au milieu des ennemis, & aïant joint Mamilius, lui perce le
côté & l'étend par terre. Il s'efforce de le dépouïller & de lui ôter ses ar-
mes pour s'en taire un trophée, mais il est percé d'un coup d'epée qui le met
hors de combat. On le transporte dans le camp, & on met l'appareil sur sa
playe, mais il mourut de sa blessure bientôt aprés.
Déja deux Généraux des troupes Latines avoient perdu la vie dans
cette journée. Restoit Lucius Tarquinius qui se battoit comme un Lion à
l'aile droite des Latins opposée à Virginius; & il y poussoit rudement les La-
tins. Le Didateur s'en aperçut, & y étant accouru avec ses Légions , il or-
donna à sa Cavalerie de mettre pied à terre, & de combattre ainsi contre l'In-
fanterie ennemie. En un moment il rétablit les troupes de Virginius déja
fatiguées & ebranlées; Lucius Tarquinius ne se possédant plus, se jette au mi-
lieu des Chevaliers Romains, qui l'environnent de toutes parts & le percent
de traits. Ainsi périt la race des Tarquins, quatorze ans aprés leurexpulsion
de Rome. Ils avoient inutilement mis en oeuvre tout ce que l'intrigue,l'adref-
se, la valeur & le depit peuvent inspirer pour se rétablir sur le trône, que leur
insolence, leur incontinence & leur excès leur avoit fait perdre.
Aprés la perte dç ces trois Généraux, l'armée Latine ne fit que peu de
lésistance. Elle fut bientot mise en déroute avec une perte si entiére, que de
quarante mille hommes dont elle étoit composée , à peine s'en sauva-t'il dix
mille. Ils se retirèrent pour la plupart dans leur camp, que le Diâateur les
força d'abbandonner. Le lendemain il distribua les récompenses à ceux qui
s'étoient signalé dans cette journée, & rendit graces aux Dieux de ion heu-
reux succés par des Sacrifices solemnels.
€LV. A peine avoit-il achevé ces cérémonies , qu'on lui donna avis qui il pa-
Vi&oire de roissoit en campagne une grosse armée qui s'avançoit en bataille. C'étoitles
Fosthumi- Volsques & les Herniques qui venoient
sur les au secours des Latins. Le Dictateur
Volsques donna ses ordres, & toute l'armée Romaine se mit en armes.
11S

& les Her- Cependant l'armée des Volsques & des Herniques s'avançoit toûjours,&
niques. aprit enfin que les Latins avoient été entièrement défaits le jour procèdent.
Dionys.Ha- Ils délibérèrent s'ils avanceroient, s'ils se retireroient dans leur païs. Les
licarn. 1. 6, Volsques trouvérent ou
un milieu qui étoit de se fortifier dans un camp à la veuë
6~r 7-
C-1
des Romains;, de les amuser par des propositions d'accommodement, & dans
J' l'intervalle
i&c.
d'envoïer & chez les Latins & chez les Volsques, pour presser de
nouveaux secours. En effet on vit bientôt arriver au camp des Ambaffadems
de la part des Volsques, qui s'efforcèrent de persuader au Di&uteur que les
Chefs de leur nation Ài:ç"tQieut sortis du Rome , que pour le service des Ro-
Dl6WlS.
mains. Il fut aisé à Poillluiiiius de les convaincre du contraire. Le
Soldat
fut sur le point de faire main basse sur ces Ambassadeurs ; mais le Dictateur
voulut qu'on respectât en leurs personnes un caradére que le droit des gens
met à couvert d'insulte. Il les renvoïa, aprés leur avoir solemnellement dé..
claré la guerre.
,
Les Volsques n'attendirent pas qu'on vint les attaquer, ils se retirerent . ,
'

pendant la nuit & se rendirent dans leur païs. Les Latins n'aïant plus aucu-
dans le recours de leurs alliez,
ne ressource, ni dans leurs propres forces, ni opposées
prièrent celles de leurs villes qui avoient été à la guerre, d'interpo-
ser leur médiation pour leur faire obtenir des conditions tolérables. Les
Députez de ces villes parurent dans le Sénat, aïant les. bras liez de bandelet-
tes & portant dans les mains des branches d'olivier. Leur discours étoit
leurs
une excuse soumise des fautes de leurs Concitoïens. Ilsledéploroient
mal sur les Tar-1
malheurs en termes touchans, rejettant la faute de tout
quins, & sur quelques inquiets de leur nation. Ils demandoient qu'on daig-
nât les recevoir comme alliez, ou comme sujets.
Quelques Senateurs étoient d'avis de raser toutes les villes du Latium,
de reduire en servitude tous es habitans, & de s'emparer de leurs terres, de
n'épargner que ceux dont la fidélite ne s'étoit point démentie. Les autres en
plus grand nombre opinérent d'une manière moins sevére , à les obliger de
rendre les prisonniers de guerre , de livrer les transfuges, & de chasser de
leur païs Tarquin & ses Partisans, qui l'avoient suivi à sa sortie de Rome. Les
Latins reçurent avec soumission & reconnoissance les conditions qu'on vou":'
lut leur imposer, & en exécution ils obligérent Tarquin, qui avoit alors envi-
ron quatre-vingt dix ans à sortir de leurs terres. Ce malheureux & mauvaisà
Prince, abbandonné de tout le monde, sans ressource, sans enfans, se retira
Cumes dans la Campanie, auprès du Tyran Aristodéme, qui le reçut. Il y
mourut quelques jours après.
Posthumius à qui l'on étoit redevable du succés de cette glorieuse jour-
née, entra à Rome en triomphe, aïant à sa suite cinq mille cinq cent Latins,
prisonniers de guerre, & grand nombre de chariots chargez des dépouilles &
des armes des ennemis. Le Dictateur consacra la dixième partie de ces dé-
pouïlles à donner des jeux publics, & à construire des Temples à Bacchus &
à Cerés, & à Castor & Pollux. On publia que dans le moment de la bataille
011 avoit veu ces deux Dieux Jumeaux à cheval à la tête des Escadrons Ro-
mains combattans contre les Latins. Le Senat ajouta au nom de Posthumius
le surnom de Rfregillcnjis à cause du lieu de la bataille. Il quitta la Dictature
avant l'expiration du terme qu'on lui avoit marqué pour l'exercer. Aprés sa
demission on élut pour Consuls Appius Claudius & Publius Servilius.
L1VRE XVI.

7.
LA République délivrée la Tyrannie des Tarquins, & de la crainte de
-de
Divisions ses Voisins, n'avoit plus à craindre que les divisions domestiques. Le
domefli- peuple qui peu avant la derniere guerre avoit si hautement témoigné
ques à Ro- son mécontentement contre les riches, n'étoit pas entièrement tranquile; Les
me. semences de la revolte n'étoient pas étouffées. Elles subsistoient dans les
An de Ro-
me 2Ç.8. du coeurs. Le Sénat & les Patriciens ne se voïant plus si fort dans la nécessité de
M. 14. ménager le peuple, résolurent de le réduire & de l'humilier. Le Consul Ap-
avant J. G. pius Claudius étoit extrémement opposé aux prétentions du peuple, & trés-
386.
Dion.'Yj. propre à exécuter ce projet. Le peuple en prit ombrage ; Et quand on eut
Ralicarn. appris que les Volsques se disposoient à saire la guerre à la République, &
(
c.2?. seq. qu'on voulut faire les enrolemens à l'ordinaire , le peuple réfuta de paroître
Tit. Liv. & de répondre aux citations qui lui furent faites.
1.2.
Appius vouloit les traitter dans la rigueur & punir ceux qui ne vou-
droient pas comparoître en justice pour fait.de dettes; L'autre Consiil Servilius
étoit d'avis, ou de leur remettre entièrement leur dettes, ou d'en diminuer
considérablement la quantité ou enfin de modérer les poursuites des créan-
,
ciers. Aprés des déliberations de plusiturs jours, le Senat résolut que le Con-
sul Servilius marcheroit contre les Volsques & qu'Appius demeureroit dans
,
la ville. On esperoit, & on ne s'y trompa pas, que Servilius, que le peuple
considéroit comme l'appui de sa liberté, feroit plus aisémenc des Soldats. En
effet il ramassa assez de troupes pour tenir la campagne.

11. Mais Appius par son inflexibilité, faillit de renveiser la République, com-
Servilius! me nous le dirons bientôt. Pour Servilius il ne fit pas les levées à l'accou-
fait la guer- tumée, mais il fut luivi de Soldats qui s'étoient de leur plein gré donne à lui,
iw aux
Volsques.
& offerts a le suivre. Une telle armée ne pouvoit que bien faire. Elle entra
dans le païs des Volsques & y jetta la terreur. Ces peuples n'étoient pas encore
en armes ny leurs troupes ranlassées. Ils vinrent se jetter aux pieds de Servi-
lius qui leur accorda le pardon , & exigea seulement qu'ils fournirent des
vivres & des habits à ses Soldats, & qu'ils donnassent trois cens otages des
principaux de leur nation. Ainsi se termina la campagne. Servilius revint à
Rome., & y fut fort bien reçu du peuple.
Mais les Patriciens & les riches ne voïant plus d'ennemis au dehors, com-
mencérent à traitter impitoïablement leurs débiteurs. Les emprisonnemens,
les servitudes, les traittemens les plus rigoureux furent emploïez. Les cris
du peuple ne furent point écoutez. La division étoit entiére dans la Ré-
publique,
Dans
Dans ces entrefaites arrivèrent à Rome des Latins qui y amenoient des
Àmbassadeurs qui leur avoient été envoïez de la part des Volsques, pour les
engager à se joindre à eux, afin de faire la guerre aux Romains. Les mêmes
députez des Latins aprirent au Senat que lesSabins & les Herniques s'étoient
liguez avec les Volsques, & que sous main ils fortifioient leurs places & fai-
soient leurs préparatifs pour la guerre. Le Senat sensible à la fidélité & à
l'amitié des Latins, leur rendit environ six mille Esclaves qu'on leur avoit
,
pris dans la derniere guerre , & auxquels on donna des habits avant que de
les renvoïer en liberté. Les Latins pour reconnoissance envoïérent à Rome
une couronne d'or , qui fut suspenduë dans le Temple de Jupiter Capito-
lin.
Pendant que le Senat étoit assemblé pour délibérer sur la guerre qu'on Ill. '
devoit faire aux Volsques, il parut au milieu de la place de Rome, un Vieil- Sédition à
lard d'une taille avantageuse, mais maigre & défait, le visage have & livide, Rome à
les yeux enfoncez, les cheveux négligez, la barbe longue & malpropre. Ce l'occafton
la du-
spedacle attira une foule de peuple pour entendre ce que vouloit dire cet de reté des ri-
homme. A chaque instant la multitude s'augmentoit. Enfin le Vieillard com- ches.
mence à crier, que c'est bien en vain qu'il a prodigué sa vie pour sa patrie & Dionys.
pour en soûtenir la liberté, que dans vingt huit batailles où il s'est trouvé, il a Halicaru.
1.6.c 26.27.
reçu plusieurs blessures & a souvent mérité le prix de la valeur, puisque pour (c.
recompense de tout cela il se trouve aujourd'hui accablé de dettes & réduit ,
en servitude ; Que dans la samine qui délola la ville au tems de la guerre
mille; qu'ensuite les ennemis aïant ravagé les campagnes de Rome, il
des Sabins, il avoit été obligé de saire des emprunts pour faire subsister sa fa-
s'étoit
veu réduit dans une extrême nécessité ; qu'enfin ses créanciers aïant saisi ses
grains & ses bestiaux, & aïant vendu son champ, ils l'avoient pour comble de
malheur reduit lui-même en servitude avec ces deux fils. Aïant achevé
ces mots, il découvrit sa poitrine & ses epaules, & montra sur son estomach
les cicatrices des blessures qu'il avoit recuës à la guerre & sur ses epau-
,
les les marques récentes des coups de fouët dont son maître l'avait fait
charger.
A ces discours le peuple fremit & jetta des cris confus de fureur &
,
d'indignation. Au bruit les Artisans quittent leurs boutiques, les Citoïens
accourent, les Esclaves rompent leurs liens & se mélent dans la foule, sassant
retentir leurs plaintes & montrant leurs chaînes. Le Senat qui étoit alors
assemblé entendit tout cela & en fut effrayé. Le ConsulAppius, qui n'ignoroit
pas combien il étoit odieux au menu peuple, n'osa paroître, il se retira dans
sa maison. Les mutins mettoient à mort tous ceux qui vouloient s'oppo-
ser à eux. Servilius aïant quitté sa robe & les de sa dignité, se mê-
marques
la parmi le peuple, & par ses priéres, ses pleurs, ses caresses, embrassant les
uns, se jettant aux pieds des autres, il les arréta, quoique avec peine après
leur avoir promis, que le Sénat auroit égard à leurs plaintes. En, même
tems il fit défense aux Créanciers de faire aucunes poursuites contre les
Citoïens Romains pour fait de dettes, avant que le Sénat
en eût ordonnéau-
tremçnt.
Le jour suivantfl'assemblée du peuple fut encore grossie par les gens de
IV. assemblé pour
Décret en la campagne, qui étoient accourus dans la ville. Le Senat fut
faveur des délibérer sur les affaires présentes, mais la plupart des Senateurs s'étant abscn-
Débiteurs. tez,
pour ne vouloir point prendre part à ces délibérations, ildont ils craig>
noient les suites, on ne pouvoit former un décret ; d'ailleurs y avoit dans
la compagnie un grand partage d'opinions. Les deuxConsuls étoient contrc-
pointez, comin'étant de caractères différens, & aïant des veuës toutes diver-
ses. Le peuple impatient s'imagina que ces délais étoient concertez, & que
l'absence des Senateurs étoit affedée, afin de fruitrer les espérances du peuple.
Tout étoit disposé à une revolte ouverte.
I)ionys. L'on étoit encore assemblé dans la place publique, lorsqu'on reçut avis
Jlalycarn. par des Couriers envoïez de la part des Latins, que les Volsques s avançoient
1. 6. c. 29. sur les terres des Romains, & que leur dessein étoit d'assiéger Rome.
en armes
go .Tit.Liv. Le peuple parut insensible à cette nouvelle. Que nous importe, disoit-il,
/. 2. du dehors, à nos Concitoïens plus inhumains
An de Ro- d'être assujettis à nos ennemis ou
açS. du ennemis-mêmes ? Les femmes de leurs côtez remplissoient l'air de
me que nos
M. 3 5 14- leurs cris dans la crainte d'un siége & d'un saccagement de la ville. Servihus
.
avant J. C. servit utilement sa patrie dans cette délicate circonflance. Il monte sur la
tribune & fait espérerau peuple que les riches leur remettaient jeurs dettes,
485.
s'ils prennent les armes pour la conservation de la ville; deEnpoursuivre même tems on
publia un arrét du Senat qui faisoit défense aux Créanciers pour
dettes, les citoïens qui ser oient engagez dans la milice, d'inquiéter leurs tem-
leurs enfans, ny de vendre leurs. mailons, leurs terres & leurs belliaux ;
mes ny
Mais il permettoit en même tems aux Créanciers de poursuivre dans la ri-
des loys ceux des débiteurs, qui refusoient d'entrer dans la milice, e-
gueur abbandonneroient la milice, aprés avoir été le-
Ion les loys établies, ou qui
gitimenlentdécretrendit
la tranquilité à Rome, & la crainte qu'on eût de la sé-
V.
vérité qu'Appius ménaçoit d'exercer contre les débiteurs, qui ne le preien-
Servilius
les enrôlemens, fit qu'on ne vit jamais un plus grand con-
marche teroient
teroien pas pour
contre les
p F de facilité ponr faire les levées de Soldats. Bicn-
Votsques. tôtServilius eut sormé une armée considérable, & étant promtement forti de
Sîme il arriva desLatins, où il trouva les Volsques qui
aux frontières du païsde les Latins avoient violé la soy
?
en vengeance ce que
nnhîiaue f le ravap-e ravage,livrantleurs Ambassadeurs
aux Romains, & leur découvrant le
publique en uvid forméde leur faire la
Te Consul se campa sur une colline eloigiiée des ennemis seulement de
cinq Les Volsques etoient
fiades,vIlle
vinpt ssades ou
vingt d'environ deux mille cent pas.
de Pometie, une des plus considerables du palsLa-
daRstin.
les Romains fatiguez d'une longue marche , & d'ailleurs
tin. Ils us crurent
crui que
4 hes seroient pas difficiles a vaincre » si on les
mécontens con ne
plusieurs profiteroient de l'obscurité pour le
attaquoit pendant la nuit, ct quede P de la dureté de leurs Cré lcrs.
venger, a brusquement attaquer le cmip du Consul durant les ténèbres.
Ils vinrent
bien retranché & faIiolt fort bonne garde. Alnfi il netut
"toit fort
jour..
pas surpris, quand les Volsques se présentérent devant ses lignes. Il soûtint
vigouresement leur attaque jusqu'au ~
Alors aïant remarqué qu'ils étoient epars parla campagne, &ne gardoient VI.
point leurs rangs, il fit tout d'un coup ouvrir toutes les portes du camp & Viétoirede
fit sur eux une sortie de toute son armée, qui les mit d'abord en détordre. Serviliusles
contre
Ceux qui étoient attachez à remplir le, fossé & à rompre les palissades pour Volsques.
forcer le camp', voulurent faire quelque résistance ; Mais ils furent envelop-
pez par les Romains & taillez en pièces. Les autres regagnérent leur camp
blessez ou demi-nuds. Ils y furent aussi-tot enveloppez, & aprés une légére
résistance le Soldat Romain les y força. On y trouva de grandes richesses
en or, en argent, en bestiaux, en esclaves. On y fit prisonniers de guerre
grand nombre de Volsques & des autres nations qui s'étoient joints à eux.
Le Consul Servilius voulant gagner le peuple & recompenser leur valeur, leur
abbandonna tout le butin ; Ce qui les encouragea tellement qu'il osa entre-
prendre tout de suite le liège de Suefla Pometia, qui étoit considérée comme
la capitale des Volsques. Le Romain animé par l'esparance du butin, &
couragé par lheureuxTuccés de la premiere journée, pressa la ville avec tant en-
de vigueur, ne leur laissant aucun repos ni jour ni nuit, qu'enfin les assiégez
accablez de faim & de fatigue, & n'aïant aucune espérance de secours, surent
pris d'assaut, & la ville abbandonnée au pillage. Le Consul fit périr par le
trenchant de l'epée tous les habitans de Sue(sa, qui passoient Page de puberté.
Servilius retournoit a Rome plein de gloire & dans l'espérance du triom- Vil
phe qu 'il avoit mérité ; Mais Appius son Collégue s'y opposa, sous prétexte Servilius
usurpe le
que Servilius avoit eu trop d'indulgence pour ses troupes, & leur avoit fait de Triomphe
trop grandes largesses au dépens de la République & par un exemple dange- de sa pro-
reux pour l'avenir. Le peuple étoit sorti par honneur au devant de Servi- pre autori
lius, & ce Con(ul piqué contre son Collègue, les assembla dans champ hors té.
un
des murs, & se plaignit de la jalousie d'Appius & de l'injustice du Senat, qui
lui réfufoient le triomphe qu'il avoit mérité. Le peuple applaudit à son di-
f'cours, & sans délibérer d'avantage, Servilius de sa propre autorité se décer-
ne le triomphe, prend la couronne de laurier se revét de la robbe triom-
phale, & entre ainsi dans Rome aux acclamations ,
de tout le peuple, & suivi
de son armée. 11 monte au capitole dans cet equipage, offre les sacrifices
ordinaires & y suspend au Temple quelques dépouillés yde l'ennemi. Les
jeux & les fétes succederent au Triomphe, & les poursuites contre les débi-
teurs turent luJpenduës.
La conduite présomptueuse de Servilius offensa le Sénat, la Noblesse & Dion.,]
surtout le Consul Appius. Son Triomphe fut regardé comme une usurpa- Halicarn.
tion , & iuprime dans les faCtes, comme chose non arrivée. On ne put tou- 1.6. c. 3 1.
tefois lui faire ressentir alors les effets de l'indignation qu'on avoit 32. ;3. Tit.
contre lui. La nouvelle qu'on reçut bientôt après, que quelquesconçuë
Liv. /. a.
Sabins
avoient fait irruption dans les campagnes de Rome, obligérentPofthumius qui
av,01t ^te Dictateur, d'accourir avec sa Cavalerie, pendant
que le Consul Ser-
vilius le suivoit avec l'Infanterie. Les ennemis n'eurent pas le loisir de se sor-
mer 3 On les surprit pendant la nuit endormis dans des cabanes & on les
3
tailla
tailla en pièces. Cette petite guerre, qui se fit aux environs de Tibur, & pour
ainsi dire, aux portes de Rome, ne dura qu'une nuit.
Presque dans le mêmetems les Arunces, dont la capitale étoit située dans
VIll. le voisinage de Fundi & de Gaëte dans la Campanie, envoïérent des Ambassa-
Guerre Rome demander qu'on retirât les troupes Romaines qui étoient
contre les deurs à pour
Arunces, à Ecétra dans leur voisinage, si non, qu'ils se feroient justice par
les armes.
ils sont Le Senat méprisa ces ménaces, & renvoïa les Ambassadeurs. Ceux-ci aïant
vaincus. rendu réponse aux Chefs de leur nation les Arunces s'avancérent en armes
-,
jusqu'à la ville d'Aricie. Ce fut là que le ConlulServilius & Posthumius Gé-
néral de la Cavalerie, les rencontrérent. Les Arunces étoient braves, bons
guerriers, d'une taille avantageuse , & presque gigantesque comparée à celle
des Romains. Les deux armées s'étant rangées en bataille, les Arunces com-
mencèrent le choc avec une impétuosité que l'Infanterie Romaine eift peine à
soûtenir. Le terrain étoit si inégal & si rabbotteux, que ]a Cavalerie ne pou-
voit étre d'aucun secours à l'Infanterie. Posthumius voïant le danger des Ro-
,
mains, ordonna à sa Cavalerie de mettre pied à terre & de marcher aux en-
nemis

ces
dans l'endroit où les Romains étoient plus pressez. Bientôt les Arun-
pliérent à leur tour, & les Romains les poussérent jusqu'à une colline qui
bornoit la pleine, où ils se débandèrent entièrement & prirent la fuite. L'Hiito-
rien remarque qu'ils suïoient avec.tant de vitesse , qu'on fut obligé de leur
COUDer les iaréts & les
nerfs des jambes à coups d'epée pour les arrêter. On
arriva à leur camp & on le prit d'emblée; Mais on n'y trouva autre choie que
quelques chevaux, des armes & des machines de guerre.
Aprés tant d'heureux succés le peuple Romain se crut en pouvoir de tout
IX. du Senat. Il demanda l'exécution des promes-
Murmure demander & de tout espérer
du peuple ses qui lui avoient été faites par Servilius, d'abolir les contrats & de remettre
contre les les dettes dont ils étoient accablez. Appius Claudius n'eut aucun égard à
riches , leurs clameurs; Il ordonna qu'on remettroit dans les chaines, lés débiteurs
foiblesse
de Servi-' qui s'en étoient tirez
de leur autorité; On poursuivit dans la rigueur les Sol-
lius. dats qui avoient servi sous Servilius. Ce dernier étoit accablé de gens qui
venoient implorer son secours & le sommer de ses promesses. Le Con1u1
n'avoit ni la force ni l'autorité pour les satisfaire. Il étoit tombé dans une
espéce de mépris, & parmi les Patriciens , & même parmi le peuple ; & on
comptoit pour rien tous ses services.
Appius n'étoit pas mieux dans l'espnt du peuple. Il fut qucition de
consacrer un Temple à Mercure ; & celui qui devoit faire cette fonélion,
avoit certains privilèges, comme l'intendance des vivres dans la ville , & la
supériorité du Corps des Marchands de Rome. Il étoit naturel qu'on défe-
rât cet honneur à l'un des Consuls. Le Sénat ne voulut rien décider, il ren-
voïa le choix du Consecrateur au peuple , qui sans se mettre en peine ni du
Senat, ni des Consuls, choisit pour cette fonction un nommé Lœtorius , qui
étoit premier Capitaine d'un Légion.
Les deux Consuls également piquez de ce procédé du peuple, * r reuni-
se >• -

enlploïe-r toute la sévérité des loys contre les débiteurs. Le peuple


rent pour
gardant plus aucune mesure ni avec les Consuls, ni avec les Senat,s'attrou-
ne
poit sans être convoqué, & enveloppant le Tribunal des juges., crioit a plei-
n'entendît les arréts contre les débi-
ne tête pour empêcher qu'on respectée; prononcer
teurs. L'autorité n'étoit plus tout se gouvernoit par violence; les
loys étoient méprisées. Telle étoit la situation de la République, lorsque les
Consuls Appius & Servilius quittérent le Consulat..
Titus Veturius de peu x.
Ils eurent pour Successeurs Aulus Virginius & ; gens Brouïlle.
de loueur & peu propres à contenir le peuple, qui continuoit ses assemblees
rÎ-es dans
secrétes. Ils en informèrent le Senat, qui prit en mauvaise part que les Consuls Rome.
n'emploïassent pas leur autorité pour les rëprimer.au lieu de rejettersur le Se- Guerre
l'odieux des peines qu'il faudroltimposer aux coupables. Il s'éleva sur cela contre les
nat Sabins.
de grands cris dans le Sénat, & on ordonna aux Consuls de faire leur devoir, An de Ro-
& de lever ince1famnlent les Soldats pour la guerre dont on étoit menace. me 259. du
En effet les Sabins informez des divisions domestiques qui régnoient au M. gii5.
dedans de Rome levèrent une puissante armée, & la ville de Médulie an- avant J. C.
-
cienne colonie des Romains, se joignit à eux. Le peuple de Rome refusa de Dion.'Y[.-
,
comparoître pour les levées de Soldats. Les Consuls étant montez sur leur Halicarn.
48?.

Tribunal, appellérent quelqu'uns des plus jeunes plebeïens par leur non1 . 1. 6. c. 94.
nul ne répondit. La mutinerie fut générale. Tous demandoient une aboli- lit.Liv.l.li,
tion universelle des contracts & des dettes. Les Consuls allérent au Sénat &
se plaignirent à leur tour que l'on exposoit mal a propos leur dignité aux in-
sultes du peuple, qu'il étoit tems de prendre des mesures pour réprimer l'in-
solence du peuple, ou pour le contenter en lui accordant ses demandes. Les
jeunes Sénateurs en colére sortirent de leurs places, & osérent taxer la foiblesse
& lilacheté des Consuls. Tout étoit en rumeur & en combustion.
Les deux Consuls accompagnez de quelques Patriciens
retournérent sur
la place publique,& --a-,npellérent par son nom un des plus entêtez & des plus
mutins pour donnenXon nom. il ne voulut pas répondre, & sur le champ
les Licteurs le saisirent pour le châtier; Mais le peuple se jettasur les Licteurs
& leur arracha des mains le citoïen. Les Patriciens qui étoient venus avec
les Consuls, faillirent d'être insultez par la multitude ; ils fuient obligez de se
retirer, trop heureux d'être échappez de ce danger.
Cependant on voïoit arriver de tous côtez à Rome des porteurs de mau-
vasses nouvelles. Les uns annonçoient que les Eques faisoient des courses
dans le païs des Latins, & y avoient déja pillé quelques Bourgades; d'autres
que les Sabins [epréparaient à affiégerCrustume. LesVolsques en même tems
demandoient la restitution des terres qu'on leur a voit prises durant la derniere Xl.
guerre. Le Senat répondit aux Volsques qu'il n'étoit pas juste de leur rendre Manius Va-
lerius Di-
ce quiavoit été pris sur eux dans une juste guerre ; & aux autres envoyez, que dateun.
la République pourvoiroit à leur donner incessamment du secours. C'estTitus An de Ro-
Lirtius ancien Sénateur qui ouvrit cet avis, &qui ajouta que ce qui pressoit le me 2 s 9. du
plus dans les circonlt.inces présentes, étoit de rétablir l'union & la tranquilité M 2 SiS-
dans Rome. avant J. C.
En effet dez le lendemain on assembla le Sénat , pour rémédier 48S.
^
aux Dion.'YJ.
maux présens. On proposa divers expédiens ; Les uns étoient pour remettre Halicarn.
généralementles dettes à tout le peuple, les autres pour les remettre aux Soldats, 1.6. c. 3 9.
qui avoient si bien servi dans la dernière campagne. Appius parla le dernier 40. 41. (je.
& opina à ne rien changer dans la disposition des choses. Son avis prévalut,
& on conclut qu'il falloit créer un Dictateur. On créa Manius Valerius
frere de Valerius Poplicola & de Marcus Valerius, qui avoit été tué dans la
bataille de Regille. Sa personne étoit agréable au peuple, & dez qu'il parla
en public, la tranquilité fut rendue à la Republique , & les levées se firent
sans difficulté. On lui fournit une armée de 40. mille hommes, c'est-à-dire,
la plus nombreuse qu'on eut encore veuë sortir de Rome ; Il la partagea en
trois Corps. Le premier de seize mille hommes ou de quatre Légions,
;
dont il eut le commandement. Le sécond & le troisième chacun de douze
mille hommes, qu'il mit sous la conduite des deux Consuls. Le Didateur
marcha contre les Sabins : Le Consul Veturius contre les Eques, & Virgi-
nius contre les Voisqu'es. On lai ssa pour la garde de la ville Titus Lartius
avec les Vieillards & la jeunesse , qui n'étoit pas encore en âge d'aller en
campagne.
Veturius se hâta de marcher contre les Eques, qui s'étoient répandus
dans le païs des Latins. Les Eques ne se crurent pas assez forts pour atten-
dre le Consul en rase campagne; ils se cantonnérent dans les lieux forts d'as-
siéte; mais le Consul les y força, prit leur camp, le pilla, les poursuivit par
tout & les chassa de toutes les villes des Latins, dont ils s'étoient Emparé.
1- XII. Les Volsques fiers de leur grand nombre attaquèrent les Romains, & fon-
Viétoire dirent sur eux a ec de grands cris & sans beaucoup d'ordre & de diiCipline.
remportée Le Consul Virginius ordonna à ses
sur les gens de les attendre de pié-fernle , tenant
Volsques. leurs piques fichées en terre. Lorsqu'ils surent à portée, les Romains ser-
rérent leurs rangs & commencèrent à se battre avec l'épée. Alors les Vols-
ques, qui avoient attribué l'immobilité des Romains à leur timidité , fffrent
bien surpris de les voir avancer en bon ordre & bien armez. Ils ne tirent
leurs camps, qui fut pris & pillé.
que peu de résistance & se sauvérent dansd^Velitre;
Une partie avoit pris la fuite vers la ville les Romains les y sui vi-
rent & y entrérent pêle mêle avec eux. On fit main basse sur tous ceux qui se
trouvérent les armes à la main. On n'epargna qu'un petit nombre d'habitans,
qui demandérent miséricorde.
JCIÏL Les Sabins surent attaquez par Manius Valerius. Ces peuples avoient
Victoire rangé leurs troupes en bataille sur un fort grand sront. Valerius qui s'aper-
contre Ici. çut
Sabins,
!
que leur corps de bataille avoit peu de profondeur, commanda a sa
Cavalerie- de donner dans l'endroit le plus foible > & en même tems son in-
fanterie attaqua les ailes de l'armée ennemie. Presque dans un moment les
Sabins furent enfoncez, & leur armée mite en déroute. On se renditmaître
de leur camp, tout leur païs fut ravagé, & l'arméeroiliaine revint charge de
butin, emménant plusieurs prisonniers de guerre. On décerna le triomphe
à Valerius, on lui assigna pour lui & pour les siens une place de distinctio»
dans le Cirque, & une chaise curule pour s'en servir , lorsqu'il affistoit à la
représentation des jeux publics.
XIV. Manius Valerius, avant que de quitter la Didature , fit raport au Senat
Brouille' des services que le peuple venoit de rendre à la Republique, & le fit reiïou-
ries dans venir de la parole qu'on leur avait donnée de remettre leur dettes nuis k-s
;
Home à SéUiU
Sénateurs fion seulement rejettérent ses remontrances, quelqu'uns mêmes des Pocc&noti
»
plus jeunes d'entr'eux lui reprochèrent que' sa famille trop attachée aux Ple- des dettes
beïens avoit trahi les intérêts du Senat en donnant au peuple le jugement des parti-
des affaires criminelles; delà, disoient-ils, cette insolence de la populace, de- culiers.
An de Ro-
là l'impunité de tant de révoltes. me 219. du
Valerius usa de prudence & de modération, & envoïa une partie des plus M. eili.
malheureux du peuple à Velites pour y demeurer, comme colonie Romaine. avant J. 6.
Il alla une seconde fois au Sénat, où il fit de nouvelles remontrances au nom Dionys. 48Ç.
du peuple ; On n'y eut nul égard. On lui reprocha de s'étre enrichi & d'a-
voir trop enrichi ses Soldats des dépouilles de l'ennemi , & on voulut en Tit.Liv.1.z
quelque sorte le rendre coupable des mutineries de la populace. Il sortit
du Sénat plein d'indignation, & aïant convoqué le peuple, il rapella les ser-
vices que lui & les siens avoient rendus à la République, & les efforts inuti-
les qu'il avoit fait auprés du Senat pour le Coulagement du peuple.aprés quoi
il abdiqua la Dictature, protestant qu'à l'avenir il n'entreroit pour rien dans
les affaires publiques, & passeroit le reste de ses jours dans la retraite. Le
peuple touché de ce discours, reconduisit Valerius avec de grandes acclama-
tions jusqu'à sa maisbn.
Le Sénat craignant que la présence de l'armée dans la ville n'y causâs XTT.
de nouveaux troubles, engagea les Consuls de la mener en campagne, sous Le peuple
prétexte de quelques ennemis qui y paroissoient. La chose réunit tout au- Romain se
trement qu'on ne l'avoit préveu. Les deux armées commandées par deux retire sur
Consuls, étoient campées assez prés l'une de l'autre pour pouvoir sé voir & la montag-
ne sacrée.
separler;les Soldats se communiquant leur mécontentement les uns aux au-
tres, ils résolurent d'abord de se défaire des deux Consuls,non par haine con-
tr'eux, mais pour se dégager des sermens d'obéïssance qu'ils leur avoient-fait,
lors de leurs enrôlenlens; Ensuite réfléchissant sur l'irrégularité de cette con-
duite, ils enlevérent les enseignes militaires à l'insçu des Consuls & aïant à
leur tête un nommé Sicinnius Bellutus, ils suivirent les enseignes , & vinrent
camper audela de l'Anio, à trois miles, ou à une bonne lieüe de Rome , sur
une eminence, qui dans la suite fut nommée la montagnesacrée.
Inutilement les Consuls abbandonnez envoïérent ordre à Sicinnius de
retourner au camp & d'y raméner les Légions. Il répqndit fièrement qu'il
n'en feroit rien , que le peuple Romain trop souvent trompé par les vaines
promesses qu'on lui avoit faites de le décharger, étoit résolu de se mettre en
liberté. En effet les troupes se fortifiérent sur la montagne dont on vient de /
parler, se donnèrent pour Chef Sicinnius & s'abstinrent de pillages &d'hosti-
litez, cherchant de quoi subsister par des convois qui leur amenoient des
vivres.
La nouvelle de cette secession causa dans Rome des effets bien diffé- XVI.
rens dans les Patriciens & dans les Plebeïens. Ces derniers résolurent de se Troubles
joindre aux Légions & de quitter leur patrie pour chercher leur liberté hors dans Rome
des murs. Les Patriciens allarmez craignoient pour leurs personnes pour àl-'occ.lrloll
de la se-
,
les vies & pour leurs biens. Ils s'assurérent des portes & les gardèrent eux- cession du
mêmes pour empêcher le peuple de sortir de la ville. Les plus mutins & les peuple.
plus hardis du peuple se firent jour l'épée a la main, & coururent a Iamontag-»
iie sacrée ; Les femmes, les enfuis & les plus foibles, qui étoient reliez mal-
]

gré eux dans la ville, la remplinient de cris & de lamentations. Rome rel-
sembloit à une ville prise d'assaut.
LesVolsques, lesEques & les ennemis des Romains voiant la campagne
libre & sans défense, s'y répandirent & ravagèrent impunément tout ce qu'ils
yrencontrérent. Le parti de Sicinnins se grossissoit tous les jours. Les dé-
biteurs, les bandits, les mécontens accouroient de toutes parts dans soncamp.
Le Senat croïoit déja voir les Citoïens revoltez joints aux ennemis du de-
hors, former le siége de la ville, il s 'asfui-a des poiles les plus importans &
donna ordre à tout, autant que la cir constance & embarras présent le pou-
1

voient permettre.
Cependant la conduite modérée des Légions, fit espérer au Sénat de les
la voïe de la négociation. On leur envoïa des Députez pour
ramener par
les exhorter à rentrer dans la ville, leur promettant l'impunité de leur défe-
ssion. Ils renvoïérent les Députez sans réponse positive. La consterna-
tion étoit extrême dans Rome. Le Sénat s 'assembloit tous les jours ,
mais
pouvoit prendre de résolution fixe. Tout se passoit dans leurs allemblees
ne
en reproches & en invectives mutuelles.
Quand il fut question de choiiir de nouveaux Consuls, nul ne se préfen-
employ, dans des tenis si
ta pour l'être, tant on craignoit de s'engager en cet
difficiles. Le peuple ne laissa pas de choisir Posthumius Commius &Spu-
agréables
rius Camus, qui avoient déja été Consuls, & qui étoient également

XVII.
au Senat & au peuple.
Posthumi- teurs.
Les Consuls assemblérent le Senat & ,
Menenius Agrippa opina le premier, & fut d'avis de ramener les Lé-
.
consulterent les plus anciens Sena-

tis Comini- mons par la douceur & de leur accorder ce qu'on leur a voit promis.
Ma-
us & Spuri- nius Valerius, dont on a parlé, & qui venoit d'être Didateur opina de mê-
ms Cassius
Gonfuls. nie. Appius Claudius qui avoit toujours été si oppose aux prétentions du
On ramène peuple, fut d'un avis tout contraire, &soûtint
qu'on ne devoit rien accorder
les rebelles aux revoltez, qu'ils n'eussent quitté les armes & qu'ils nefussent rentrez dans
à Rome. le devoir. Les jeunes Senateurs applaudirent au sentiment d'Appius. Les
Au de Ro-
du anciens tenoient pour celui de Menenius. Les Consuls apaiserent le trouble
me 260. -fi les jeu-
M. 3i i(5. qui commençoit à s'exciter, & congédiérent l'asseiiible"e,ditàntque 1
avant J. C. nes Senateurs continuoient à vouloir l'emporter on pourroit a avenir se
atremblées.
484» passer d'eux & fixer l'âge necessaire pour opiner dans les
JDionys.
Quelques jours aprés les Consuls convoquèrent les tribus répandues dans
HaHcarn.
leur ordonnérent de se rendre à la ville au jour El-
/.6.c. 49.50. la campagne, &
trouvèrent
iéc. les s'y trés-grand nombre & supliérent les Con[uls d avoir
en
Tit. Liv.l.2 compassion de ceux qui ne s'étoient éloignez dela soumission qu i s dévouent
,

Chefs de la Republique, que par la necessite ou les avoit mis le mauvais


aux de ces Campagnards
état de leurs affaires. Les Consuls louèrent la docilité
& leur firent espérer un arrét favorable. En effet le Senat asilmble sè r en-
& Appius
dit au sentiment de Menenius Agrippa; les jeunes Senateurs mêmes
Claudius consentirent à ce que l'on fit une députation a Sicinnius,pour trai-
ter avec lui. i-on
*
L'on nomma dix Députez, dont neuf avoient été Consuls. Lors qu'ils XVIII.
s'aprochérent de la montagne sacrée, les rebelles sortirent du camp en grand Députati-
nombre pour leur faire honneur. Admis dans l'enceinte du camp, ils com- ple on au peu-
sur la
mencèrent à parler. Ce fut Manius Valerius, Dictateur de l'an passé , qui montagne
porta la parole. Comme il étoit trés-populaire, il fut écouté [avec grand re- sacrée.
speft, il invita les Légions à rentrer dans la ville & à reconnoître les bontez
du Sénat qui leur avoit fait une députation si honorable & composée de
,
tout ce qu'il y avoit de Patriciens plus attachez au parti du peuple. Sicinnius
répliqua que la chose étoit assez importante pour être discutée par l'assemblée;
que c'étoit au peuple à répondre.
En même tems un nommé Junius Brutus, qui n'étoit pas de la famille
Patricienne des Junius,& à qui l'on n'avoit donné le surnom de Brutus, qu'à
cause de son air simple & de ses maniéres rustiques. 11 ne laissoit pas d'avoir
beaucoup d'esprit & de pénétration. Il s'étoit offert pour répondre aux
Députez du Senat, & le peuple ne pouvoit mettre ses intérêts en demeiileu-
res mains. Il exposa ce que le peuple Romain avoit fait pour la gloire de
la Republique & pour le maintien de la liberté ; Ce que les Patriciens avoi-
ent fait contre le peuple; dureté, vexations, manque de parole , cruautez ;
Quelle confiance pouvons-nous prendre aux promesses du Sénat, aprés nous
avoir manqué tant de sois de parole? Quelle seureté trouverons-nous dans
une ville, où nous n'avons jusqu'icy éprouvé que des infidélitez & des vio-
lences ? Qu'on nous rende nos femmes & nos enfans, & nous irons ailleurs,
chercher une patrie moins cruelle, & fonder une Colonie qui deviendra l'e-
mule de Rome. Sil'on nous refuse une demande si juste, que les Dieux soï-
cnt témoins que ce n'est qu'avec la derniére répugnance qu'on nous force à
prendre les armes contre nôtre patrie.
Tout le monde fut touché des paroles de Brutus & on avoit lieu de
tout espérer de si heureuses dispositions; Mais Lartius un, des Députez faillit
de tout gâter par un reproche à contre tems, qu'il fit au peuple de s'être mis
hors d'état de payer ses dettes par son oisiveté, son luxe & son peu d'écono-
mie, son discours fut reçu avec de grandes marques d'indignation & de mé-
pris, & Sicinnius sçut s'en prévaloir, en représentant au peuple le peu de fond
qu'il pouvoit faire sur les promesses du Senat, qui commençoit à leur insul-
ter & à les charger de reproches , dans un tems où il ne pouvoit dissimuler
qu'il les craignoit.
Menenius Agrippa parla ensuite, & comme il étoit connu pour homme
droit, sincere & équitable, il fut écouté avec resped. Vous vous plaignez, Menenius XIX.
leur dit-il, de la dureté de vos créanciers; On vous déchargera de vos det- Agrippa
tes. Vous demandez que ceux de vos concitoïens qui sont arrétez ramène le
dettes, soïent relachez, on les mettra en liberté. Pour l'avenir le Sénatpour peuple à la
fera foumiffiot1.
des réglemens sur les contrats & sur les prêts ; vous demandez des assûrances Hionys.
de mes promesses ; mettez par écrit vos demandes ; Le Senat les Halicarn.
& les ratifiera par un Edit. Nos sermens, nos personnes demeureront aprouvera. /.<?.c.S?.84.
de nos promesses. Ecoutez un apologue que j'ay à garans &C.
vous proposer. Les
bres du corps humain se soûlevérent un jour contre l'estonulch, commemem- Tit.LiV 1-a
con-
tre une partie inutile & paresseuse. Les yeux, les mains, les pieds, la boucha
les dents lui refusérent leur aHistance. Bientôt tout le corps se trouva dans
la langueur & reconnut le besoin de cette partie, qu'il avoit1 regardée comme
inutile. Il en est ainsi de l'état présent de la Republique. Nos divisions nous
feront périr, si nous ne contribuons tous à nôtre entretien commun, & à
nous soûtenir mutuellement.
Ce discours simple & familier acheva de gagner le peuple. Il cria qu'on
les ramenât dans la ville ; & sur le champ ils vouloient partir sans prendre
d'autres précautions. Brutus plus pénétrant que les autres, demanda pour ai-
seurance des pronlefses qu'on venoit de leur faire, qu'on leur accordât quel-
ques l\Tagi!l:rats, qui veillassent aux intérêts du peuple, & pussent annuller les
edits qui se trouveroient trop onéreux au peuple. Cette demande embarada.
les députez du Senat, Ils demandèrent du tems pour y réfléchir, & enfin ré-
pondirent qu'ils ne pouvoient prendre sur eux seuls d'accorder cette deman-
de, qu'ils alloient renvoïer à Rome quelqu'uns d'entr'eux, que le reste des dé-
putezdemeurcroit dans le camp comme des otages de leur parole, & que
dans peu on leur rapporteroit la derniére résolution du Senat.
XX. Manius Valerius & quelques autres des députez retournèrent à Rome &
Etabli ne- rendirent compte au Senat des dispositions & des demandes du peuple. Ap-
meat des pius toujours inflexible se récria contre les demandes du peuple. Les autres
premiers decret qui accordoit au peuple toutes les
Tribuns Sénateurs les agréèrent; Ils firent un
du peuple. demandes; même celle de choisir tous les ans des Magistrats pour les déten-
An de Ro- dre contre les entreprises des Patriciens. Dez-le lendemain Valerius & ceux
me 260. du qui l'accompagnoient, retournèrent à la montagne sacrée & lurent au peuple
M. gr- avoient obtenu du Senat. Brutus & deux autres députez du
avant J. G. le decret qu'ils
484. peuple se rendirent à Rome, pour confirmer le traitté par le ministére desFe-
Di0n."ls. ciaux ; Aprés quoy ils revinrent au camp où l'on choisit les Magistrats qu'ils
Jialicarn. avoient delnandez. On les nomma Tribuns du peuple. Les deux premiers
1.6. C.K-& Sicinnius & Brutus ; auxquels on en ajoûta dans la suite trois autres.
s,,q.Liv. 1.2. furent
Ils furent tirez des familles Plebeïennes, & on leur accorda un privilège conçu
du peuple ne puisse être sujet à aucune cbarge publique,
en ces termes : Que le Tribun
foit ny frappé, ny maltraitté par aucun citoïen, ny par aucun
que de fin gré ; Qtgil ne qu'il soit exécrable, & que fis biens
autre par se s ordres si qIJelqu'un viole cette loy,
,

ville..
soïent dévouez à Cerés, si le Tribun est mis à mort, tout homme pourra impunément en
tuer le meurtrier. Tout le peuple jura pour
lui & pour sa postérité de se con-
former à cette loi ; Aprés quoy on érigea un autel à Jupiter le terrible sur la ci-
des sacrifices, & enfin les Légions rentrèrent
me du mont sacré ; on y offrit
dans la
XXL Alors le peuple demanda au Senat qu'il lui plut confirmer l'élection des
Création Tribuns ; le Senat y consentit sans peine. Le peuple pria ensuite qu'on don-
des Ediles • nât les soulager, lesquels sussent aussi choisis
aux Tribuns deux aides pour Plebeïens. Le Sénat accorda encore cette
par le peuple & tirez d'entre les
demande,& ces deux nouveaux Magistrats furent nommezEdiles,parce qu'une
de leurs premiéres fondions étoit de veiller sur la conftrudion des bâtimens
publies & particuliers qu'on elevoit dans Rome. Ils étoient aussi chargez de
ce qui regardoit les vivres & leur valeur. Ainsi se termina cette grande affai-
re de la sédition du peuple Romain à l'occasion des dettes des particuliers.
Aprés cela on songea à regler les affaires du dehors. La plus pressante xxn.
étoit celle de la guerre, car Rome n'en manquoit jamais. Les levées se firent Guerre
avec une trés-grande facilité. Le Consul Cassius fut dessiné par le sort à de- contre les
meurer dans la ville ; son Collégue Posthumius avec une armée trés-confide- An Volsques.
rable, marcha contre les Volsques. Il avoit parmi ses troupes plusieurs ban- de Ro-
des de Soldats Latins. Les ennemis parurent en bataille mais ils ne firent me 260.
qu'une trés-petite résistance. Présqu'aulli- tôt ,
vaincus qu'attaquez, ils se sau-
vérent dans leurs villes. Le Consul prit Longula & Polusca, & les abban-
donna au pillage. Dela il marcha contre Corioles capitale des Volsques. La
place étoit grande & bien fortifiée. Les Volsques y a voient renfermé leurs
meilleures troupes, & les Antiates alliez & voisins des Volsques, étoient con-
venus de venir fondre sur les Romains, pendant que la garnison de Corioles
feroit sur eux une vigoureuse sortie. Le Consul étant donc venu devant la
place, tenta de l'emporter par l'escalade. Il y travailla tout le jour sans au-
cun succés ; sur le soir il fit retirer ses troupes. Dez le matin du jour suivant
il fit avancer ses machines & recommencer l'assaut ; Mais aïant apris que le
jour même les Antiates devoient venir le prendre par derriére, il donna à Ti-
tus Lartius le commandement du siége, & se réserva celuy des troupes qui
devoient agir contre les Antiates. Lartius fit pointer les beliers & pousser ses
tours contre les murs ; mais au moment que ces machines commencèrent à
jouer, les Coriolans firent une sortie avec toute leur garnison, qui attaqua 1
les Romains avec tant de furie qu'ils ne purent soutenir leurs efforts & furent
obligez de se retirer en désordre'vers leur camp, qui etoit au pied de la
mon-
ta gne sur laquelle Corioles étoit bâtie.
Dans cette déroute Caïus Marcius, surnommé dans la suite Cortolanus,
s'aquit une gloire éternelle par son extrême valeur. XXlll
Il étoit de race patri- Eloge de
cienne & quoique dans une assez grande jeunesses il s'étoit déja fort diftin- Marcius
,
gué dans la bataille deRegille & dans d'autres circonstances sa vie étoit Coriola-
; pu-
re, ses moeurs innocentes; frugal & tempérant pour lui-même, il étoit libé- nus. Vid. Plut.
ral & en quelque sorte prodigue pour les autres. Dans le moment ses in Coriuld-
concitoïens fuïoient vers leur camp, il arreta Pennemi accompagné d'un que
tit nombre de ses camarades. Son exemple & ses reproches pe- no.
aïant encore
rallie quelqu autres, il chargea les Coriolans & les força de en leurs mu-
railles. Emporté par son ardeur, il entra avec gagner
eux pêle mêle dans la place &
y mit le feu aux maisons qui se trouvérent les plus voisines de la porte. Le
t:arnage fut grand dans les ruës de Corioles, & la ville malgré la résistance
des bourgeois, demeura au pouvoir des Romains.
Coriolanus, car c'est ainsi que nous le
nommerons désormais, laisse k
ses Camarades le soin de conserver la ville & de jouïr du fruit de leur valeur.
Pour lui il court vers l'armée du Consul Cominius qui étoit prêt d'en venir
aux
mains avec les Antiates. Il fut étonné de voir Coriolan & ceux qui I'accom-
pag,iioient encore tout hors d'haleine, qui lui annonçoient la prise de Corio-
le & lui offrolent leurs services pour la bataille qu'il alloit commencer. Co-
minium
minius admira leur courage, & leur permit de se mettre à la tête dc ses ba-
taillons. Ils y firent des prodiges de valeur. Coriolan enfonça toutLeceCOll- qui
se rencontra devant lui. Bientôt il se vit enveloppé par
les ennemis.
ful lui envoïa du secours, qui le dégagea & pouffa les Antiates. Coriolan
epuisé de fatigue poursuit vivement les ennemis. On l'exhorte a se donner
de relache, & à quitter le combat. Il répond qu'on ne se lasse point,
un p2u chaque moment de nouvel-
tant qu'on est viétorieux; Il semble reprendre& àtombe de défaillance. On le
les forces. A la fin il succombe à la fatigue,
relevé & dez qu'un peu de repos lui eût rendu les forces ^ il se remet a la
tête des plus vigoureux, se jette sur les bataillons des ennemis, qui n étaient
rompus & les met en désordre. La nuit mit fin au combat^ à
pas encore
ses fatigues.Lelendernain valeur de ses Sol-
xxiv. le Consul harangua son armée & loüa la
Marques dats. 11 releva d'une manière distinguée le mérite du jeune
Coriolanus. Pour'
lui donner des marques publiques de son estime, il lui mit
d'hon- sur la te te^une cou-
neur ac-,, d'or, lui donna la dixième partie du butin pris dans la ville de Corio-
cordées à ronne superbement enhar-
Coriolan. les & dans la déroute des Antiates, lui offrit un cheval
riaché lui permit de choisir dix esclaves à son gré, & de prendre autant
d ar-
p'ésant, qu'il
en pourroit porter; Coriolan aussi modeste que vaillant re-
gent & un seul captif, quiétaitlié à
mercia le Consul, & n'accepta que le cheval il rendit sa liberté. Le Con-
sa famille pat les liens de l'hospitalité, & à qui
le surnom de Coriolan, sous le-
sul réarmé de son désintéreiTelnent lui donna
quel il est principalement connu dans Phiitoire. Meneni'us
"v
Agrippa, qui avoitsi
Sur la fin de cette même année mourut
JfXV. heureusement réüni le peuple au Sénat; Il se trouva si peu accommode a sa
Mort de pouvant lui rendre les honneurs iunebres avec la
Menenius ' ^vpnahle à si grand homme étoient résolus de l'inhumer sans
agrippa. un informé ,
de cette résolution, s'ofssit à con-
An de Ro- sans appareil. Le peuple
tribue? ou d'une livre Romaine
me 260. du d'un /èxtans, ou de la sixiéme partie d'un_* Le Senat de son
M.
son enterrement. L'a> Romain étoit d'une livre pelant.
avant J. G.
sur le trésor'public un fond pour ses funérailles, & voulut en
484. côté aligna
])ionyJ la dépense au peuple ; mais le peuple ne voulut pas recevoir ce qu on
epargner poùr les soulager dans
Halicarn. i«; rendre • Il le donna aux parens du mort
J.6.c.ult. qu'ils fussent contraints de faire quelque chose d'in-
Tit.Li'v.l.l IfW indigence,"luila 'rtu ne
de peur
de leur Pere. Vers le même tenis on fit le dénombrement
Romain, qui se monta qu'à cent dix mille hommes en âge de
du peuple ne
^"Les'divZns qui avoient partagé la République, avoient empêché qu'on
XXVI ne s en etoit pas nus en peine,
Grande fa- ne cultivât les campagnes. Le peuple mutine profité
mine à Ro- T es esclaves déstinez à l'agriculture, avoient
de cette occasion pour
dans la ville, que danslesp.us
En un mot la disette fut aussi grande
?

o
me. s'enfuir
An de Ro-. s facheuxçhez si grands maux étoit d'aller acheter du
, reméde à deplupart
rseulvoisins,
me 261. ' du les peuples Le mais la refusérent d'en donner; d>ntr?
M. 3**7- ble Ceux qui en fournirent, en donnèrent si
avant
4S3.
J. C.
' Jro qS pût suffire aux besoins présens. Les Etrusques envolèrent quel-
ne
ques convois, qu'ils firent descendre par le Tibre ; Les Volsques arrêtèrent Dionys.-H,t';
pour Eipions ceux qui étoient. venus dans leur païs pour acheter des provi- licarn. 1. 7-
1.2. &c.
fions, & ceux - ci se crurent trop heureux de n'en avoir été que pour leur c. Liv, 1. Z.
argent, & d'être sottis d'entre leurs mains. Le Tyran de Cume nommé Ari-
stodénle, saisit les barques-de ceux qui étoient venus dans sa ville, en repré-
sailles, diibit-il, de ce que les Romains avoient refusé^ de restituer au Roy
Tarquin, les biens dont Aristodéme se disoit héritier. Les petits Tyrans de
Sicile ou ne donnèrent rien, ou donnérent si tard, que la ville demeura long-
tems dans la dernière disette. Ce que Gelon Tyran de Syracuse envoïa, n'ar-
riva que l'année suivante.
Les Volsques attentifs à tout ce qui se passoit, sollicitérent leurs voisins XXVIL
de se joindre à eux, pour faire la guerre aux Romains ; Rome étoit en danger Peste par-
lesVois-
de voir bientôtfondre sur elle toutes les nations qu'elle avoit irritées par ses miques.
hauteurs ; la pette vint au recours des Romains, & fit de si grands ravages
parmi les Volsques, que dans la seule ville de Velitre elle emporta presque
tous les habitans. A peine en resta-t'il la dixième partie. On fut obligé de
recourir aux Romains pour la repeupler. Ils y envolèrent une colonie
nombreuse qui les déchargea d'autant de gens mécontens & affamez, qui
,
n'étoient propres qu à troubler le repos de la République.
Le Senat en même tems ordonna qu'on mettroit une armée en campagne,
tout cela dans le dessein de décharger la ville de bouches inutiles, & de les
mettre dans la nécessité de chercher à subsister au dehors. Les Tribuns du
citoïens. Velitre ,
peuple pénétrèrent aisément les veuës du Senat, & s'opposérent au départ des
disoient-ils n'est pas encore purifiée du mauvais air.
Pourquoy y envoïer nos citoïens, comme à une mort certaine ? Où sont les
ennemis contre lesquels on veut faire marcher nos citoïens ? La famine & la
disette que nous souffrons, nous invitent-elles à aller chercher des enn-emis
au dehors ? Le peuple aigri par les maux qu'il souffrit, & animé par les dis-
cours des Tribuns, c'étoient encore Sicinius & Brutus, ne vouloit ni s'enrô-
ler pour la milice, ni partir pour la Colonie ; Il s'en prenoit aux riches &
aux Patriciens des maux qu'il souffroit, & leur envioit la subsistance, qu'ils
n'avoient qu'à force d'argent.
Coriolan tout dévoüé aux Patriciens, & de longue main indisposé con-
tre le peuple, sollicita un decret du Senat, quiJui ordonnoit de se mettre en
campagne, avec les troupes qui le voudroient suivre. Il fut suivi par quel-
ques volontaires & par quelques cliens de sa famille; Car on ne fit pas d'en-
rôlemens dans les formes. A la tête de cette troupe il s'avance jusqu'aux
portes d'Antium, ravage toute la campagne, & enleve tout ce qu'il rencontre ;
11 retourne à Rome chargé de butins & de provisions de bouches, qui
y fu-
,
rent d'un grand secours dans la circonstance présente.
Ce succés enhardit le Senat il ordonna malgré les Tribuns, qu'on fe- XXVIN.
roit partir une colonie pour Velitre; & il fallut obéir. Peu de jours aprés On euvoye
Colo-
on en fit encore partir une autre pour Norba. C'étoit donner visiblement une
atteinte à l'autorité des Tribuns. Sicinius & Brutus ne l'étoient plus. Ils nie
à Veli-?
tre.
n'étoient qu'Ediles. Icilius qui étoit Tribun, harangua le peuple, & imputa
au Sénat le noir dessein de vouloir opprimer le peuple Romain, en dimi-
nuant leur nombre & les dispersant dans les Colonies. Le peuple défiant en-
tra dans ces sentimens ; Le Senat délibéra sur les moïens de calmer ces émo-
tions. Les uns tenoient, qu'il falloit conjurer l'orage en adoucissant le peu-
ple & les Tribuns par de bonnes paroles. Appius & quelqu'autres, sur tout
les plus jeunes, soûtinrent qu'il falloit réprimer l'insolence du peuple, & mé-
nacer les Tribuns de toute l'autorité du Senat. Ce sentiment prévalut, &le
décret en fut formé. Les Consuls en annoncèrent la teneur au peuple. Les
Tribuns protestérent contre le décret, & contestérent aux Consuls le droit de
haranguer le peuple.
La dispute s'échauffa & l'on étoit prêt d'en venir aux mains lorsque
Brutus se présenta, & adressant,
sa parole aux Consuls, leur demanda, permis-
sion de parler. Ils la lui accordérent volontiers , voïant que par là il recon-
noiiToit leur supériorité il leur demanda ; Ne vous souvenez-vous pas que
,
vous étes convenu avec nous que nul Patricien ne se trouvera aux assemblées
du peuple, lorsque les Tribuns les auroient convoquées? Nous nous en sou-
venons, répondirent les Consuls ? D'où vient donc, répliqua Brutus, que
vous venez icy troubler l'assemblée du peuple & de ses Tribuns ?C'est, dit le
Consul Gedanius, que cette assemblée a été convoquée par nos ordres, &
non par celui des Tribuns. Si cela est, dit Brutus, nous nous retirons, &
demain nous vous apprendrons quelles sont les bornes de vôtre pouvoir &
du nôtre. Au même moment l'assemblée fut rompue, & chacun se retira.
XXIX. Le lendemain avant le jour les Tribuns & les Ediles se transportérent au
Loy qui Temple de Vulcain,qui étoit dans la place où se tenoit l'assemblée. Le peu-
défend ple s'y rendit en plus grand nombre qu'à l'ordinaire. Le Tribun Icilius étant
d'inter- monté sur sa tribune,comlnença à parler contre les entreprises & les violences
rompre les liberté du peuple, en obli-
Tribuns, des Patriciens, disant, qu'on vouloit opprimer la
quand ils geant lesTribuns de se taire dans les assemblées, qu'il prioit le peuple de por.
parlent ter une loy qui permit aux Tribuns de convoquer les Curies & de les haran-
dans les
guer. Tous s'écrièrent qu'il eut à la dresser. Elle étoit toute dressée ; il la
assemblé-
lut au peuple conçuë en ces ternies: que nul ne contredise, ou n'interrompe le Tri-
cs.
bun, quand il haranguera le peuple. Quiconque y contreviendr,« , donnera sur le champ
caution de payer l'amende à laquelle il sera cmdamné par jugement. S'il refust de donner
caution, qu'il soit mis à morssâ que ses biens soïent confisquez. Le peuple sera juge des dif-
férends qui surviendront sur ces cautionnemens. La loy ne fut pas plutost pronon-
cée, qu'elle fut agréée & confirmée légitimement par le peuple, avant que les
Consuls en fussent informez, & qu'ils pussent y former opposition.
Le Senat refusa de ratifier cette nouvelle loy, & le peuple à son tour,
ne voulut pas accèpter les decrets du Senat. Ainsi la République, quoique
tranquile au dehors & en apparence, iiie laissoit pas d'être désunie en dedans,
sans néanmoins qu'on en vint de part ny d'autre aux excès.
XXX. C'étoit des-lors une coutume à Rome que ceux qui aspiroient au Con-
Coriolan sulat, paroissoient en public en habits blancs, & se hlÎsoient recommander
demande
par leurs amis & par leurs cliens qui les suivoient, pour obtt. nir les iuftrages
le Confu- manières les plus affables & les plus popu-
lat & ne du peuple ; Us emploïoient les laires,
laires, exposoient leurs services, & ceux de leurs Ayeux,pour se concilier la l'obtîc»t
laveur des Curies. Au commencement de l'année 262. de Rome, Coriolan point. de Ro-
sè mit sur les rangs pour obtenir le Consulat ; Mais le peuple, quoique tres- An
me 262. du
informé de son mérite & de ses services, n'eut point d'égard à sa demande, à M. HIi.
cause de son trop grand attachement au parti Patricien ; Le grand nombre avant J. C.
de personnes de condition qui le suivoient,& qui s'interessoient pour lui, lui 482.
fit donner l'exclusion. On choisit Consuls Marcus Minutius Augurinus, & P/utaréb.
in Coriola-
Aulus Sempronius Atratinus; Dionys.
Cette préférence outra Coriolan & la jeunesse Patricienne qui lui étoit no.
Lib.7. c-21-
attachée ; 11 s'en expliqua allez librement & il fit éclatter son mécontente- Tit. Liv,
ment dans la premiere occasion quise présenta. Les premiers soins des nou- t.2.
veaux Consuls avoient été de rétablir l'abondance dans Rome. Ils y réuni-
rent, & on vit arriver de toutes parts de convois & des vaisseaux chargez de
grains. Il en vint sur tout une grande quàntité envoïée de Sicile par le Tyran
Gelon. La distribution de ces grains appartenoit de tout tems au Senat. Il
tut mis en délibération quel usage on en feroit ; si on le distribueroit gratui-
tement au peuple, ou si on le lui feroit acheter, pour le tenir dans la dépen-
dance & dans la sujettion.
Coriolan se déclara pour ce dernier avis & parla dans le Senat avec la XXXI.

,
vivacité d'un homme irrité & qui ne garde aucune ,
mesure. Les Tribuns en 'Méconten-
demandèrent justice au Senat prétendant que Coriolan par ses excès avoit tement de
mérité la mort, & menaçant, si on n'avoit point d'égard à leurs demandes, de -Coriolan.
Il est cité
le taire condamner par le peuple assemblé. Le Senat étoit partagé de sen- devant le
timens. Le plus grand nombre denlandoit,qu'on cassât le Tribunal & tout ce peuple.
qui s etoit tait sur le mont sacré.Les Tribuns sortis du Senat rendirent compte
au peuple du résultat de l'assemblée. A l'instant ils vouloient entrer & faire
violence au Senat; Mais les tribuns les retinrent ; & pour procéder dans les
formes.ils convoquérent le peuple par Curies, & Martius Coriolan fut cité
pour y comparoitre. Il méprila cette citation.
Le lendemain les Tribuns accompagnez des Ediles & d'une troupe d'ap-
pariteurs voulurent arréter Coriolan. 11 les dissipa aidé d'une troupe de jeunes
Patriciens qui ne le quittoient point.Le peuple accourut d'un côté pour soû-
tenir les Tribuns & les Ediles ; & de l'autre côté les Patriciens avec les plus
riches du peuple, pour défendre Coriolan. Les Consuls empéchérent par
leur autorité que ce jour-là on n'en vint à la violence. Le lendemain de bon-
ne heure les Tribuns parurent sur la Tribune, & parlèrent au peuple l'un après
l 'autre, ils accuserent Coriolan,& relevérent les discours insolens qu'il avoit
tenus dans l'Semblée du Senat, & les excés qu'il avoit commis le jour précé-
dent contre les Tribuns, les violences exercées contre les Ediles & contre
les Ofnciers de la juitice. Ils conclurent qu'il falloit entendre les Patriciens
dans leur détente, avant que de rien statuer.
Dans le même tems le Senat étoit assemblé & à peine les Tribuns étoient
;
d et ce n dus de la Tribune, que les Consuls montèrent. Minutius le
y comme
plus âge parla avec beaucoup de gravité & remontra
, au peuple que mal à
propos il avoit conçu des soupçons contre le Senat. Que la disette qui avoit
occasionne tous les tumultes, n'étoit vetluë que de la faute du peuple, qui
avoit négligé la culture des champs. Que, s'il y a du partage dans les avis
du Senat, il ne s'en trouve pas moins dans les assemblées du peuple; que ces
divisions sont une suite de la liberté où chacun en:de dire son avis; Que
le Senat ne prend pas connoissance des disputes qui s'élevent dans
comme
les assemblées populaires, aussi le peuple ne doit pas se mêler de celles qui
arrivent dans celles du Senat. Qu'à la verité Coriolan a excédé dans tes in-
veétives; mais qu'on ne doit pas oublier ses services, ses vertus & la valeur.
Il conclut en demandant au peuple la vie, & la conservation de Coriolan.
XXXII. Ce discours prononcé d'une manière grave & touchante, avoit attendri le
Coriolan peuple; Mais Sicinius, dont on a parlé plus d'une fois, aïant demandé qu'au
aigrit le moins Coriolan fit quelques démarches pour témoigner son repentir, & pour
peuple par
dis- demander sa grâce ; celui-ci, au lieu de prendre ce parti, parlaau peuple
les Il ne rabbattit rien de sa fierté; il
cours.- Il d'une manière propre à l'aigrir davantage.
est con- dit, qu'il ne reconnoissoit point d'autres juges que les Consuls, qu'il n'a voit

hauteur..
damné à devant rassemblée du peuple, que pour lui reprocher les attentats. 11 -
paru
mort-
attaqua personnellement les Tribuns , & les traitta avec encore plus de du-
reté & de
Une telle harangue excita une rumeur universelle dans 1 ailemblee.
n'étoit que cris confus & que menaces. On vouloit se saisir de Coucha &
le faire périr sans forme judiciaire. Les Tribuns néanmoins userent de quel-
modération. Ils délibérérent entr'eux sur la maniéré de le punir ; &
que
aprés avoir recueilli les voix , il fut résolu qu'il seroit arrété & précipité du
haut d'un rocher escarpé, qui donnoit sur la grande place de Rome. Au lnê-
Licteurs se mirent en devoir d executer cette
me moment les Ediles & lesenvironnèrent Coriolan, & le couvrirent de leur
sentence, mais les Patriciens
La populace jointe aux Liéteurs fit les derniers efforts pour l'arracher
corps.
du milieu d'eux. Il y eut des coups donnez; Les menaces, les injures,
les insultes ne surent pas epargnées. On n'avoit jamais veu une pareil-
le confusion. Il fallut toute l'autorité des Consuls pour arréter le tu-
mU^Brutus
plus prudent que les autres, inspira à Sicinius de laisser palier
pousser les choses a une extrémité dangeru*e.
ce premier feu, & de ne pas

XXXIII.
Guerre
Les Senateurs
se retira..
Il promit que suivant les loys on n'attenteroit point à la vie ni à la liberté
de Coriolan qu'il n'eût été accusé , ouï & jugé juridiquement. Sur ces
promesses chacun ,
craignant les suites d'une affaire qui alloit donner
,

buns une autorité, dont il seroit dans la suite trés:m 'laite de les depouilk.,
aux T1 ri--

contre les cherchèrent tous les moïens de gagner lesTribuns & d'appaistr le peuple. Us
Autiates. firent règlement, qui taxoit le blé au plus bas prix, ou il étoit avant les
un
troubles • & à force de prières on obtint des Tribuns tout le tems qu'il fau-
droit à Coriolan pour se justisier ; en même tems on résolut la guerre contre
ks Antiates , & qu'on ne décideroit aucune affaire pendant toute la campa-
Le motif de laguerre contre Antium, fut qu'ils resusoient de rendre les
gne
taiffeaux qu'ils avaient pris sur les Siciliens, <*ui avoient apporte dublé aux
Romains. Les Antiates voïant l'armée Romaine à leur porte, se rendirent ài
la raison , & relâchèrent les vaisseaux Siciliens. Ainsi cette guerre fut
pr\. squ'aullitôt finie, que commencée, & les troupes revinrent bientôt dans
Rome.
L'affaire de Coriolan y fut remise sur le tapis. On l'assigna à compa-
roître devant les Tribuns. Les Consuls qui favorisoient Coriolan, firent tout
ce qu'ils purent pour le garantir de la violence du peuple & du jugement
des Tribuns. L'affaire fut portée au Senat, & après bien des délibérations,
on conclut à la pluralité des voix, que Coriolan seroit jugé par le peuple. Co-
riolan demanda qu'on assignât les chefs sur lesquels il devoit répondre. On
lui dit qu'on l'accusoit d'avoir voulu usurper la Tyrannie. C'etoit un piège
qu'on lui tendoit pour lier son afsaire devant les Tribuns. Il y fut cité, &
on lui donna un mois pour se disposer à repondre.
L'accusé comparut au jour marqué. Les Patriciens qui regardoient son XXXIV.
affaire comme la leur propre demandoient qu'il fut jugé par le peuple as- Nouvelles
semblé par Centuries. C'étoit, le moïen de sauver Coriolan, car les Patriciens au brouillent
siïjet de
& les riches opinant les premiers, on auroit fait l'arrét d'absolution avant Coriolan.
,
que ce peuple fut apellé pour juger. Les Tribuns n'avoient garde d'y consen-
tir. Ils obtinrent qu'on opineroit par tribus. 11 y en avoit alors vingt & une,
y comprises celles de la. campagne, qu'on avoit eu soin de faire venir à la
ville de grand matin, sous prétexte du marché qui se tenoit ce jour-là. Pour
garder plus d'ordre, on forma de grands carrez, environnez de grosses cor-
des, dans lesquels chaque Tribu se rangea.
Alors le Consul Minutius parla au peuple, & lui demanda la grace de Co-
riolan, en considération de sa valeur & au nom de tout le Senat. Sicinius
qui étoit Tribun, répondit qu'il ne consentiroit jamais que l'assemblée se sé-
parât, sans avoir décidé l'affaire par ses suffrages. En même tems le Consul
lui dit, qu'il devoit se souvenir que le Senat n'avoit donné son decret, & que
Coriolan ne s'y étoit sournis, qu'à condition qu'on se borner oit à l'accusati-
on de Tyrannie. Sicinius l'avoua; puis étant monté sur la Tribune, il inve- j
diva beaucoup contre Coriolan, & le dépeignit comme ambitieux qui affe-
doit la souveraine puissance. Les autres Tribuns parlérent ensuite & infiilc-
rent sur la même accudtion.
Coriolan parla ensuite pour sa justification, Il fit le dénombrement XXXV.
des campagnes qu'il avoit faites, des batailles où il s'étoit trouvé des cou- Coriolan
,
ronnes qu'il avoit reçuës, des Citoïens qu'il avoit sauvez, & à chaque adion parle polir
qu'il citoit, il appelloit pour témoins les grands Capitaines qui avoient été la juftifica-
témoins de ses aélions,& qui les avoientrecompenséespardes marques d'hon- tion.
neur ; il nommoit aussi les Citoïens qu'il avoit garantis de la mort , & les
invitoit à rendre témoignage à la vérité. Enfin découvrantsa poitrine, il mon-
tra les blessures qu'il y avoit reçues, puis il conclut; faut-il donc que je sois
accusé de vouloir opprimer la liberté de ma patrie, parceque je l'ay défen-
due au prix de mon sang, & que je n'aye exposé tant de fois ma vie pour
sauver mes Citoïens, que pour les réduire en servitude?
Le discours de Coriolan fut souvent interrompu par les cris de ceux qui
lui devoient la vie, & dont quelqu'uns s'offroient de mourir pour lui;lls de-
mandoient avec de grandes instances,qu'on conservâtun homme de ce mérite,
dont la naissance égaloit la valeur;Laveuëde ses blessures attendrit l'assemblée,
& on entendit de toutes parts des voix qui demandoient qu'on le sauvât,&qui
disoient que les preuves de sa prétendue affectation dela Tyrannie n'étoientnul-
lement solides.Tout étoit disposé à le renvoïerabsou,lorsqiie le Tribun Decius
l'accusa d'avoir de son chef disposé des dépouilles qu'il avoit prises sur l'en-
nemi; La chose étoit connue & incontestable ; & Coriolan croïoit en cela
n'avoir rien fait contre les loys,puisque la circonstance de la disette publique
sembloit l'autoriser à donner à ses Soldats, qui avoient couru tout le danger,
un secours pron1t & nécessaire.
xxxvi. Cependant la chose fut prise autrement,& lesTribuns firent sur le champ
Coriolan condamner le coupable à un bannissement perpetuel; n'orant le condamner
est conda- à la mort, de peur que le peuple touché de compassion, ne le délivrât. Co-
mné à un riolan eut contre lui onzeTribus, & seulement neuf pour lui. Ce jugement
banni fle- elevoit l'autorité du peuple sur celle du Sénat , fut regardé comme une
ment per-
qui
petuel. vraïe victoire remportée par les Plebeïens sur les Patriciens. Tout le Sénat
,Dionys.' gémit d'une telle entreprise. Il n'y eut que Coriolan qui parut insensible à sa
Halycarn. propre disgrâce. Il consola même sa Mere & Ion Epouse, qui en étoientin-
.
1.7.;.64.6, consolables.
Tit.Liv .1.2
Il partit sans avoir pris ni argent ni provisions; il ne garda
An de Ro- pour l'accompagner que trois ou quatre
de ses Cliens. Pluiieurs Patriciens
me 26 2. le suivirent jusqu'aux portes de la ville.
Lorsque la réflexion & le repos lui eurent fait envisager de sang froid
l'affront qu'il venoit de recevoir, il conçut !e dessein de s'en venger , en le
joignant aux ennemis des Romains. Les Volsques étoient les plus animez &
les plus puissans. Il choisit leur pays pour le lieu de son bannissement, & il
difgra-
y eut bientôt fait connoitre de quoy il étoit capable. Le recit de làcotnpaf.
ce, joint à celui de ses exploits militaires, lui
attirèrent PeRime la
,
sion & la confiance des Volsques.
Cependant on fit de nouveaux Consuls à Rome, & peu de.. tems aprés
XXXVII. vit arriver à Rome un nommé Titus Latinus qui se fit porter au Sénat,
Qui n tu s on de ,
incommodité
Sulpitius n'étant pas en état marcher, à cause d'une qui lui étoit ve-
& Spurius nue, disoit-il, en suite d'un songe, dans lequel Jupiter lui étoit apparu , jus-
Lartius qu'à deux fois, pour lui ordonner d'aller dire aux Senateurs,que dans l\ der-
Consuls.
niere représentation des jeux un mauvais conducteur des danses lui avoit
An de Ro- profané la
,
cérémonie Qu'il falloit la recommencer ; Que
me 263. du déplu, & avoit :

n'aïant d'abord regardé cet avertissèment que comme un ronge , il avoit été

diffipoit..
M.
avant J. G. puni par la mort subite de son fils, & qu'enfin Jupiter l'avoit frappé lui-même
481. de la maladie qui l'avoit empêché de venir à pied se présenter au Senat, pour
Dionyj:
1. 7. c. 68.
leur faire ce raport. On allure qu'à mésure qu'il parloit, son incommodité
Liv. /. 2.. se
Le Sénat fut assez embarassé de ce discours , ne Cachant qui etoit
/ . ce

mauvais conducteur de danse, qui avoit irrité Jupiter. A force de recherches


l'on trouva que le jour que les jeux, dont il vouloit parler , se commençoi-
eut ;
ent; un Citoïen Romain avoit condamné au fouet un de tes esclaves, & l'a-
voit livré à ses autres esclaves pour le fustiger aux carrefours de la ville & dans
le Cirque. On ne douta pas que ce ne fut-là ce mauvais conducteur de
danse, dont Jupiter avoit été offensé, & on ordonna que les jeux seroientre-
commencez avec plus de pompe & de solemnité que la premiere fois.
Or voicy la déscription de ces jeux, telle que Denys d'Halicarnasse l'a xxxvm
tirée de Quintus Fabius le plus ancien desHistoriens Romains. La cérémo- Jeux mains
Ro-
nie conl1uençoit au Capitole, d'où partoient les premiers de la Republique, troublez
faisant le tour de la place publique & allant se rendre au grand Cirque. par un
,
Aprés cela on voïoit les enfans des Chevaliers Romains tous à cheval suivis. mauvais
des fils des Citoïens Romains à pied. Suivoient des chars les uns à , quatre Dion.y.f.
danseur.
chevaux, les autres à trois,& les autres à deux ; puis les coureurs qui devoi- Halicarn.
ent disputer le prix de la course à cheval. On voïoit aprés cela les Athletes, /. 7- c. 7a.
nuds jusqu'à mi-corps, après venoient lesnlusiciens divisez en trois choeurs;
Le premier d'hommes faits, dont la voix étoit formée le second de jeunes
hommes, & le troisiéme d'enfans avec le fausset. Ces, chœurs de musiciens
étoient entre-mélez de flutes & de harpes & de Psalterions. Les danseurs
venoient aprés, en habits de pourpre,ceints de baudriers à plaques d'érain,
aïant sur la tête des casques garnis d'aigrettes, de boucliers au bras gauche,
& de courtes Javelines à la main droite. Ces danseurs étoient nommez Sali-
ens, & leurs danses étoient graves & martiales. Ils étoient suivis d'une autre
sorte de danseurs.vétus d'une maniere grotesque, couverts de peaux, & aïant
sur la tête des dépouïlles d'animaux féroces;lls dansoient d'une maniere bou-
tonne & imitoient ridiculement les danses des Saliens. A leur suite on
voïoit une longue suite de gens,portant des espéces d'encensoirs fumans; en-
fin on voïoit les statuës des Dieux,portées majestueusement sur les épaules des
hommes.
Telles étoient dés-lors les cérémonies des Romains. On y emploïoit

) à
chaqu'année cinq censminebd'argent,ou23i3.livres8.sois prendre la niine
à 4.).livres, 5.sols, ,deniers.Dans cette occasion il fut résolu de recommen-
cer les jeux à double dépense de l'ordinaire ; & le Bourgeois qui avoit des-
honoré les premiers jeux, fut condamné à une grosse amende.
Coriolan au sortir de Rome prit la résolution d'aller à Antium. Il con- XXXIX.
noissoit de réputation, & peut-être même de visage dans cette ville,un hom- Coriolan
se retire à
me célébre par sa valeur nommé Attius Tullus,qui avoit paru plus d'une fois Antium.
avec distinction dans les combats contre les Romains. Il crut que la veuë
de sa disgrace le toucheroit,& que la qualité d'homme de guerre, qui étoit
commune à l'un & à l'autre, seroit un motif pour le recevoir dans sa maison.
Il se déguisa donc & étant sur le loir entré dans Antium, il pénétra jusque
dans 1 intérieur de ,la maison d'Attius Tullus, & s'enveloppant la tête de son
m nte'ju, il s'assit sans rien dire, pres de son foyer. Tullus informé du fait,
quitte la table où il étoit à louper, & vint à Coriolan, celui-ci se découvre,
se jette à ses pieds, & lui dit qui il est, & quel est le sujet.qui l'amène: qu'il
vient pour se venger des Romains.qui l'ont injustement condamné au ban-
t
nifTement, qu'il n'y a rien qu'il ne doive faire pour le service des Volsques,
>
s'ils veulent bien lui accorder un azyle. At-
Attius Tullus présente la main à Coriolan, le comble de carénés , lui
XL. Pendant quelques mois que
Gains Juli- donne à souper & lui promet son
assistance.
de Tullus ils prirent ensemble
ns Julus & Coriolan demeure inconnu dans la maison ,
l'ublius Pi- des mesures allumer la guerre entre les Volsques & les Romains sans
narius Ru- pour présenta bientôt. Les jeux ,
qu'on
d'affe&ation. L'occasion s'en
fus Con- qu'il parût Jupiter Capitolin, avoient été remis jus-
suls. Jeux de voit recommencer en l'honneur de
Capitolins. qu'au commencement des nouveaux Consuls, qui furent Caïus Julius Julus,
An de Ro- & Publius Pinarius Rufus. Le bruit de ces jeux y attira de toutes parts une t
s

me 264. du infinité d'étrangers ; Les Volsques surtout s'y rendirent en trés-grand nom-
M. 3120. tréve entr'oux & les Romains.
avant J. G. bre, pareequ'il y avoit une
480. Attius Tullus y vint en bonne compagnie ; Il avoit aposte un Vols-
DiorlYJ. qui étoit dans ses intérêts, & qui alla déclarer aux Consuls, que les Chess
Halicarn. auesa nation devoient le lendemain, pendant qu'on serait occupe aux jeux,
/.S. c.1.2.3. de
surprendre la ville de Rome & la brûler. Aussitôt les Consuls font venir le
Cseq. VnLue Senat & lui font repéter ce qu'il leur a dit. Au meme moment
au
1
ile Senat fait faire
commandement sous peine de la vie a tous les vOlsques ae
les portes de
sortir de Rome avant le coucher du Soleil. On ferme toutes Volsques de
la ville, hormis la porte Capéne, parlaquelle on obligea tous les
se retirer dans leur pays.
Un tel affront remplit
-
de fureur toute la nation des Volsques , Tullus
XLI. attendit passage pour les aigrir encore davantage,
Guerre des prenant les devans les au
Volsques en relevant les circonstances de cette honteuse expulsion. Enfin a *a]|0'.1"
contre les citation on indiqua une attablée générale des Volsques, dans laquelle la
Romains.
contre les Romains fut résoluë d'un commun contentement. Tullus
guerre l'assemblée Coriolan, parla d'une maniére touchante,& de
fit venir devant qui
disgrace & des divisions doiiieltiques des Romains, & finit en of-
sa propreservles
safrant L'assemblée ne délibéra plus, sur le champ
ses aux Volsques.
Rome demander réparation de l'inlblte, & en meme tems on le
on envoïe à
nréoare à la guerre dans la persuasion que Rome n'accorderoit rien de ce
Aprés& le retour des Députez, on choisit Tullus & Coriolan pour Géné-
XLII. qu on lui don-
Coriolan raux, avant que l'assemblée se séparâs , Coriolan demanda des Roiiiains,avant
est choisi nât des troupes pour aller inopinément ravager les terres
pour un qu'ils se fussent mis en défense. On forma deux corps de troupes. Tu lus
des Géné-
l'un se porta sur les frontiéres des Volsques du cote du pays des La-
raux de avec de Rome. Il y fit des dégats
l'arméedes tins & Coriolan se jetta dans les campagnes beltiaux,
volsques. linrrihleç brûlant saccageant, réduisant en servitude, enlevant les
horribles,epargnant
toutefois les maisons & les champs des Patriciens. Il revint après
que^ues jours dans le pays des Volsques, sans que personne eut ose paroitre
en canp g la division dans Rome entre les Patriciens &
Diony;: ^ essai augmenta Coriolan. Il
Plehéïens
Halicarn. les confeiîla'de & fortifia la confiance que les Volsques avoient en
1. 8- C. 12. leur former deux armées , l'une composée des Soldats les p lus
expérimentez de la nation, l'autre de la jeunesse qui n'étoit point encore ac
coÙtUl11ée à la guerre. La prémiére devoit
demeurer dans le pays pourle:
garder & pour mettre les places en état de défense ; L'autre devaitagir offen-
Svement contre l'ennemi. Tullus prit le commandement de la premiere, &
Coriolan celui de la seconde de ces deux armées. Il attaqua d'abord Circée
& l'emporta; il prit ensuite quelqu'autres places, qui avoient autre fois ap-
partenuës aux Volsques, & les restitua à leurs anciens maîtres.
Cependant les Romains faisoient de grands préparatifs & demandoient XL lîl.
du secours à leurs alliez. Ils permirent alors aux Latins de se choisir des Spurius
Chefs & de se défendre eux-mêmes contre les Volsques ce qui faisoit voir Nautius
, Sextus Fu-
leur peu de résolution, & decouvroit leur foiblesse. Tout cecy se passoit rius Con-
sur la fin de la campagne, & l'année des Consuls de l'an de Rome 263. étant suls.
expirée, on en choisit d'autres, qui furent Spurius Nautius, & Sextus Furius. An de Ro-
Leur premiere attention fut de lever une armée capable de tenir tête à Co- me 26 îf. dw
riohn. Celui-ci ne trouvant aucune armée Romaine en campagne, poussoit M. 312l.
avant J. C.
ses Conquétes dans le pays des Latins. Il prit la ville des Tolerins malgré la 479.
brave résistance des assiégez, il y entra le premier, & sauta des remparts dans Conquête
la place, en ouvrit les portes & y introduisit les Volsques. Bola autre ville, de Corio-
des Latins, aïant été attaquée en l'absence de Coriolan,repoussa les Volsques; lan sur les
Latins.
mais ce Général y étant accouru, repoussa les Bolans& entra dans la ville avec Dionys.
les fuïards. 11 prit de même plusieurs autres places, rien ne pouvant tenir Halicarn.
contre sa valeur & son activité. /.8.C.I3.I4
Enfin il ména son armée fort grossie par les Eques qui s'étoient decla- 15. LivJ.z'
rez pour les Volsques & par d'autres peuples d'Italie, il la mena, dis-je, con-
tre Lavinium Capitale des Latins. Il en forma le siége dans, les formes, aïant
apris que le peuple Romain demandoit avec instance que l'on cassât l'arrét
de son bannissement, mais que le Sénat s'y opposoit, il partagea ses troupes,
en laissa une partie devant Lavinium & amena le reste à un lieu nommé FoJJ<s
Cluiliæ à cinq mille pas de Rome. Son aproche jetta la fraïeur dans la ville.
Ce n'étoit que reproches mutuels contre les Patriciens & le peuple, 'qui,s'im-
putoient les uns aux autres de s'être attirez un tel ennemi. Le Sénat résolut
de le reconcilier à sa patrie, & lui envoïa pour cet effet une députation des
Principaux Senateurs & qu'on savoit être tes meilleurs amis. C'étoient tous
des hommes Consulaires. Marcus Minutius, Posthumius Cominius, Spurius
Lartius, Plinius Pinarius & Quintus Sulpitius. Coriolan leur donna audience
anis au milieu des Principaux des Volsques.
Minutius lui parla & l'exhorta par les motifs les plus pressans, à
ne pas XLIV..
poulser si patrie, toute ingrate qu'elle étoit, aux derniéres extrémitez Corio-
: Députati-
lan répondit fièrement & d'une maniére à faire croire qu'il n'en demeureroit on des
pas aux simples menaces ; Il leur accorda néanmoins trente jours de trêve Principaux
du Senat ¡ci
pour penser à leurs intérêts, & pour faire justice aux Volsques & aux autres Coriolan.
peuples qu'ils avoient opprimez.
An de Ro-
Attius Tullus conçut alors une violente jalousie contre Coriolan. La me26c
réputation, les exploits, la gloire de ce dernier lui causérent depit qu'il Djon.'Y¡'
un ne
put dissimuler. 11 l'accusoit d'avoir manqué l'occaiion de prendre Rome Halicanl.
& d avoir donné aux Romains le tems de se rassurer & de se préparer à la 1.8.C.22.2j.
(Ôfequ.
guerre, en leur accordant une tréve de trente jours. Ces discours iettérent
quelques soupçons dans l'esprit des Volsques ; Mais ils n'empéchérent pas
Coriolan ne poussât ses Conquêtes dans le Latium. Il y prit les villes
que
de Longule, de Satrique, de Setie, de Polusca, d'Albiet, de Mugile, & enfin
de Corioles qu'il remit sous la puissance des Volsques.
Aprés l'expiration des trente jours de trêve, il revint devant Rome. Les
Romains plus fiers que jamais, lui envoïérent une députation pour lui dire,
à Rome pour deman-
que, quand les Ambassadeurs des Volsques viendroient
der la paix, on pourroit les entendre & faire alliance avec leur nation ; que
pour lui il ne devoit rien espérer de sa patrie, qu'il n'eût mis bas les armes
qu'il avoit prîtes contr'elle. Tel est le caractère de Rome, elle ne rabbat ja-
mais rien de sa hauteur & de son air imperieux. Coriolan letitrépoiidit,qu'il
leur donnoit que trois jours pour délibérer & qu'ils eussent à sortir sur
ne , fut de la prudence de faire
qu'il
l'heure de son camp. Le Senat ne crut pas
sortir une armée contre Coriolan. On n'avoit confiance ny à la valeur des
Consuls, ni à la fidélité des troupes. On se contenta de placer des Soldats
dans les portes les plus importans, afin de les défendre en cas d'attaque , &
plus respedable,
pour derniere ressource on emploïa ce que la religion a de
pour toucher Coriolan. de Pretres,
JTLV. On nt sortir de la ville en cérémonie tout ce qu'il y avoit t ,

Députati- de Saliens & d'Augures, tous vêtus superbement,& tenant en leurs mainsles
on des l'ré- instrumens de leurs dignitez. Ils' parlérent à Coriolan, & lui firent les mê-
tres & au- mes propositions que le Senat lui avoit fait faire Coriolan n'y eut aucun
fres^Mini- , Rome étoit
égard & les renvoïa, disant qu'il alloit commencer l'attaque.
ôresSacrez
à Coriolan. dans la dernière consternation. Les Dames Romaines aïant à leur tete_v a-
Dionys. lerie, soeur de Valerius Poplicola, dont on a souvent parlé, resolurent d'en-
JJalharn.
gager Veturie niere de Coriolan, d'aller avec elles implorer la clemence de
/.8. C-3 8-& prier d'épargner sa patrie. Veturie se laissa fléchir , elle
Jeq. ce Capitaine, & le
partit avec sa Bru Volumine Epouse de Coriolan , avec les Dames Romaines
& ses deux petits fils. Coriolan étoit campé à Tusculum, lorsqu'on lui an-
des principales
nonça la venue de sa mere, de son Epouse, de ses deux fils &
Dames Romaines.
JTLVI. A cette nouvelle Coriolan sort de sa tente, vient au devant de sa niere,
sa préien-
La mere de ordonne à ses Lideurs de baisser leurs haches & leurs sai(sceaux en
Coriolan & Veturie lui parla dans les termes les plus tendres & les plus touchans,
les Dames ce. à ses pieds avec sa femme & ses enfans, elle le conjura fon-
Romaines puis se jettant
obtien- dante en larmes,de ne pas porter son ressentiment jusqu'à vouloir perdre sa
nent que patrie & enveloper l'innocent avec le coupable. Coriolan attendri & il, vain-
les Vols- répondit à sa mere qu'il ne pouvoit rien lui refuser; mais, ajouta-t ma
cu,
ques se re- piété & cher, & plut a Dieu qu eUes ne tour-
ma complaisance me couteront
tirent de la à mon plus grand malheur. Il se renferma ensuite dans sa ten te
campagne nent point articles suivans,qui
de Rome. avec sa mere & son Epouse , avec lesquelles il dreffi les
IJian.'Y¡' furent envoyez à Rome. i.o Que les Romains ne prendroient aucune ré-
Jhiiicarn. solution, &
ne feroient aucune démarche pour rapellerCoriolan dans wv»-
J.B.C.39.4Q.
le, jusqu'à l'entière conclusion de la paix avec les Volsques. 2 0 Que dés-le
41 Oc-
-
lendemain Coriolan retourneroit avec ses troupes dans le pays des Vulscî"aen^
sans faire aucun dégât dans les terres des Romains. 3.0 Qu il porteroit les
Volsques à faire la paix avec les Romains. 4.0 Que s11 n'y pouvoit reuuir,
il se retireroit & quitteroit le commandement de leurs troupes.
Aprés cela Véturie & les Dames Romaines retournèrent a Rome . ou
elles furent recuës aux acclamations du peuple; Le Senat lui aïant demande
reconnoissance d'un si important service, elle ré-
ce qu'elle souhaitoit pour
pondit qu'elle ne deniandoit autre chose, si non qu'on érigeât un Temple à
la fortune des femmes, s'offrant d'en faire les frais ; mais le Senat ordonna
qu'il seroit bâti aux dépens du public.
Coriolan étant rentré dans le pays des Volsques , partagea a ses Sol- XLVll de
dats tout le butin pris sur l'ennemi, sans en rien reserver pour sa personne. Mo,rt Coriolan.
Dez-qu'il fut arrivé à Antium, Attius Tullus qui l'avoit pris en haine, voulut An de Ro-
l'obliger à renoncer au Generalat & à rendre compte de sa conduite,il refu- me 265. du
sa l'un & l'autre, & demanda d'être entendu devant l'assemblée- générale de M. 3121.
la nation ; mais Tullus le fit ajourner devant les Antiates, & il se porta lui- avant J.
G.
méme pour son accusateur. Il harangua le peuple & accusa Coriolan d'a- Dionys. 479-
voir trahi le parti des Volsques. Coriolan voulut se justifier, mais il ne put Halicarn.
faire écouter, étant à tous momens interrompu par les cris de ses adver- 1.7. c.19.
saires, qui l'environnèrent, & le tuérent à coups de pierres. Lili. 1. 2.
Cette aftion fit grand bruit dans le pays , & fut fort désaprouvée par
les plus raisonnables d'entre les Volsques , surtout parmi les troupes qui
avoient servi sous ce grand homme. On lui rendit aprés sa mort tous les
honneurs qu'il avoit méritez par ses grands services. On lui dresla un bu.. 1
cher magnifique dans les faubourgs d'Antium. Son Corps fut porté sur le
'
bûcher par les plus illustres & les plus considérables du païs. On prit en-
suite ses os, & on les enferma dans un superbe Mausolée,qu'on orna de tou-
tes les marques de sa dignité. A Rome les Dames Romaines obtinrent per-
mission du Senat de faire le deuïl de Coriolan pendant dijt moiscest à dire
autant de tems qu'il leur étoit ordonné de pleurer leurs peres & leurs maris.
Telle fut la fin de Coriolan, dont les caractère est assez marqué dans tout ce
que nous venons de raconter de lui.
Aprés sa mort, les deux Consuls entrérent en campagne, comme pour
attaquer les Volsques destituez de leurs Chefs , mais ils n'osérent en venir
aux mains. Ils ne sçurent pas même profiter de la division des Eques&des
Volsques, qui se livrèrent un sanglant combat présque sous leurs yeux , &
on il y eut de part & d'autre un tres-grand nombre de morts demeurez sur
la place. Les Consuls, ne jugérent pas à propos de les suivre , même dans
leur retraite, & doachever de les défaire. " Ils retournérent à Rome où aïant
achevé l'année de leur Consulat , on leur donna pour successeurs Aquilius
Tuscus, & Sicinius Sabinus, qui signalèrent leur Consulat par la guerre qu'ils
firent aux Volsques & aux Herniques. Ces derniers étoient depuis longtems
alliez du peuple Romain.
lis renoncèrent à son alliance & se joignirent aux Volsques dans la XL VIIL '
des Latins. Le Consul Aquilius Aqui'ius
guerre que Coriolan porta dans le pays Tuicus, &
marcha contre les Herniques, & Sabinus contre les Volsques. Les Herni. Sicinius Sa
binus Gon- ques s'etoient avancé jusqu'à Préneste , & le Consul s'en étant aproché au
fuls. bout de trois jours on en vint à une bataille, dans laquelle les troupes ,Ro-
An de Ro- maines aprés quelque résistance, commencèrent à plier.
me 266. Aquilius aïant fait avancer des troupes qui n'avoientpas combat-
Dionys. encore
Jîalicarn. tu, le Général des Herniques substitua de même des Soldats frais à ceux des
1.8. c. 64. & siens qui etoient déja fatiguez. On se battit jusqu'au soir avec un courage
feq.Liv.l.z. égal. A la fin le Consul s'étant mis la tête de sa Cavalerie enfonça l'aile
a
XLIX. droite de l ennemi. Puis étant accouru à l'aile droite de ses ,
Vieoire propres trou-
J" Aquilius pes, qui étoient pressées par les Herniques, il arracha les enseignes d'entre
contre les 1-e s mains de ceux qui les portoient , & les aïant jettées au milieu des enne-
Herniques. mis, il exhorta les siens a les aller reprendre. Ils firent des efforts si extra-
ordinaires, qu'ils reprirent leurs enseignes, & enfoncérent l'aîle gauche des
Herniques, qui prirent la fuite & regagnèrent leur camp. Ils n'y demeurè-
rent pas en repos. Pendant la nuit ils se mutinèrent contre leur Général &
se retirèrent chacun dans sa Bourgade. Le lendemain les Romains s'en
étant aperçu, entrèrent dans le camp, y trouvèrent quantité de blessez qui
furent faits prisonniers de guerre. Plusieurs fuïards furent arrétez par la, Ca-
valerie Romaine, & les campagnes des Herniques furent impunément rava-
gées.
L. Le Consui Sicinius ne fut pas moins heureux. Il livra la bataille
Défaite des ques commandez aux Vols-
Volsques. de combatt: par Attius Tullus. Le lieu du combat ne permettant pas
Mort de à cheval, la Cavalerie Romaine demanda de combattre à pied ;
Tn!ius & pendant que l'Infanterie des deux armées étoit aux mains, ces Cavaliers de-
leur Géné- venus piétons se partagérent en deux corps, dont l'un vint attaquer en flanc
ral l'aîle droite des ennemis l'autre aïant pris un long détour l'attaqua en
, ,
queue, de manière qu'elle fut bientôt renversée , l'aile gauche ne tint pas
longtems aprés cette déroute. Elle se retira en combat'ant toujours, dans le
dessein de regagner son camp; mais les Romains les suivirentde si prés, qu'y
étant arri\ez aussitôt qu'eux,le combat y recommença avec beaucoup de viva-
cité. Tullus Général des Volsques s'y battit avec un courage incroïable, &
succomba enfin aux blessures & à la fatigue, sa mort jettala coniternation
dans Ion armée. Le camp fut pris & pillé, tout ce qui voulut faire résistance
fut passé au tiJ de l'epée ; Ceux qui rendirent les armes furent faits prison-
niers de guerre ; Le Senat décerna le triomphe à Sicinius, & seulement l'o-
II. vation à Ion Collègue. ,
Spurius
Cassius & L'année sui.:ante la guerre recommença contre les Herniques & les Vols-
Proculus ques réunis, & contre les Eques qui s'étoient declarez contre la Republique."
Virginius Virginius
Consuls. serent un des Consuls de cette année marcha contre les Eques, * qui n'o-
An de Ro- tenir la campagne, mais se retirèrent dans leurs places fortes où le
,
me 2 67.du Consul n'osa les assiéger; L'autre Consul CaHlus alla ravager les campagnes
M. gsi? des Volsques, croïant par là les attirer au combat; mais ils avoient imité les
avant J. C. Eques & s'étoient jettez dans les places fortes ; enfin ne se sentant pas
, en
477- état de résister aux forces des Romains ils demandèrent la paix & l'obtin-
Dion. Haïti ,
1-88.69. rent à des conditions fort moderées. Les Eques qui ne vinrent faire leurs
soumissions, que quand ils se virent abbandonnez., furent obligez de recourir
à lu
à la clémence du Senat, & de sesoûraettre à toutes les conditions, qu'il voulut
leur préscrire. Le Consul Cassius obtint l'honneur du Triomphe, quoique
n'eût ni vaincu l'ennemi en bataille rangée , ni forcé de villes ; mais on lui
tint compte d'avoir réduit à l'obéïssance deux nations sans répandre le sang
des Citoïens.
Dés-le lendemain de son triomphe il proposa au peuple de partager les Lll.
terres des Herniques entre le peuple Romain & les Latins, en laissant seule- CasEus propose de
ment le tiers aux Herniques. Le Senat, le Consul Virginius & même les
partager
Tribuns du peuple s'y opposérent. Delà de grandes contestations. Cassius les terres
pour faire passer son sentiment , fit entrer beaucoup de Latins dansdomici- Rome. conquises
Virginius fit un decret qui ordonnoit à tous ceux qui n'étoient pas surles Her-
liez dans Rome, d'en sortir. Cassius en fit un contraire, qui permettoit à tout niques. Dian.,,!s. -
Citoïen Romain, de rester dans la ville jusqu'à la conclusion de cette affaire.
71-72,
Le Senat pour prévenir les suites de cette division, ordonna que les terres en i^c.Ùv.Lx.
question seroient partagées entre le fisc, les Romains, & leurs alliez que dans
la suite toutes les terres conquises par les Romains à l'aide de leurs alliez, fe-
raientpartagées de même.que ce partage se feroit par desSenateurs,qui auroient
été Consuls, & dont le choix seroit laissé aux Consuls de l'année suivante.
Ces Consuls furent Quintus Fabius, & Servius Cornélius. Ils commen- QgintmFæ- Z/77.
cérent leur Consulat par une action d'autorité peu ordinaire. Le Consul bitrS&Ser-
Cassius, dont on a parlé, étoit soupçonné d'affecter la souveraine p,uifîance', vius Cor- -

& de n'avoir proposé le partage des terres des peuples vaincus au profit des neliusCoiï-
Romains & des Latins que pour les gagner & les mettre dans ses intérêts. suls.de
Les deux nouveaux Consuls ,
le citèrent donc à leur Tribunal. Il y comparut An 268.Ro- du
renverser l'état de me
& fut condamné à mort comme coupable d'avoir voulu M. 2S24.
,
la Republique. On enveloppa dans ia condamnation neuf Tribuns qui fu- avant J. G.
rent convaincus d'avoir trempé dans le même dessein. Le peuple irrité vou- JJionypr 475.
lait même faire mourir avec lui ses trois fils, selon une loy ancienne, quivou- Hali '
loit que dans certains cas graves les enfans portassent aussi l'iniquité de leur 1.8.e.77.73.. car72.
Pere, mais le Sénat abrogea cette loy & Cassius fut précipité de la roche (c: Lvt*. /.a-
,
larpeïa. D'autres Hiitoriens écrivent qu'il fut mis à mort par la main de Mort de
son propre Pere, ou du moins par ses ordres & en sa présence. Cassius.
Tit'LivJ.Zm
Il n'écoit plus question que de nommer les-dix Commissaires pour le par- J,'a1er.
tage des terres. Les Consuls cherchaientdes prétextes pour en différer l'exe- Maxim. 1"
cution. Le peuple insistoit & demandoit qu'on exécutât l'arrét du Senat. 1. 6. vide
Pour se débarasser des cris de la multitude, les Consuls firent courir le bruit Dîonys.
/.S.
qu'on alloit créer un Diftateur, que ce seroit Appius Claudius qui seroit elti. .Halic. 79-
En même tems ils firent arborer les étendarts au haut du Capitole pour mar- c-77.78, L1V.
quer qu'on alloit fiire la guerre à des Coureurs qui ravageoient les campa- Guerre
gnes de Rome. La crainte d'Appius fit que le peuple , sans qu'il y fût con- contre Veïens,les
les
traint, ny qu'on eût fait les levées de troupes à la manière accoutumée, se Eques &
rangea volontairement sous les étendarts des Consuls. Ils se mirent en cam- les Vols-
pagne. Cornélius se jetta dans le païs des Veïens & y porta la désolation. ques.
Fabius attaqua les Eques & les Volsques, & y fit le dégat, sans trouver aucu-
ne résistance. Ceux d'Antium sortirent de leur ville & fondirent sur les trou-
pes 'du Consul Fabius, qui les repoussa bientôt dans leurs murailles. XJnt
troupe des plus vaillans Antiates s'étant retirée sur une butte escarpée, y fut
bientôt investie' par le Consul, & obligée de se rendre à discretion. Il fit
vendre & les esclaves & tout le butin , & en mit l'argent dans le trésor public,
sans en rien donner à ses troupes, qu'il ramena dans Rome à la fin de l'année
de son Consulat,aïant adroitement éludé la demande du peuple touchant la di-
stribution des terres.
LV. On choisit pour Consuls en l'année suivanteQuintus Fabius surnommé
QmntusFa- Coeso, frere de Quintus Fabius Consul de l'année précédente & jEmilius
,
bius & Æ- lVLtlllercinus. Les divisions domestiques n'étoient point appaisées Mais la
milios Ma- ;
mercinus guerre qu'on fut obligé de faire aux Volsques, en suspendit les effets. On
Conduis. ie réünit & on fit aisément les levées de troupes pour resister à l'ennemi du
An de Ro- dehors. Æn1ilius fut destiné par le sort à entrer dans le païs des Volsques,
me 268. dix & Cœlo à défendre les Latins & les autres alliez des Romains. Il est pres-
M. 3 2.4^ qu'incroïable que les Romains aprés plus de deux cens ans de guerre, n'aient
avant J. C.
476. pas porté plus loin leur Conquêtes , & qu'ils se trouvent encore tous les
DionyJ.Ita- jours à faire la guerre à cinq ou six lieues de Rome & quelque fois jus-
lie arn. /. 8. qu'aux bords du Tibre & de l'Anio. Cela doit faire juger ,
de la fierté, de la
c.83. ôeseq. valeur & de la conitance des Romains & de leurs voisins? Il
Liv. 1, 2. y a même beau-
coup d'apparence qu'il y a de l'exagération dans ce que l'hiltoire nous en ra-
conte, & qu'il y a beaucoup à rabattre dans ce qu'elle nous en dit en termes
si pompeux.
Le Consul Æn1ilius trouva les Volsques campez dans un endroit avan-
LllI. sur des hauteurs. Bientôt 011 en vint à une bataille, où les Romains eu-
Les Vols- tageux
ques rem- rent dabord tout
l'avantage. Les Volsques feignirent de vouloir regagner
portent leur camp. Ils se retirèrent en effet, mais sans se débander, & sans cellèr de
que': qu'a- combattre. C'étoit pour attirer les Romains au pied de cette éminence, où
vantage sur le
le Gonsul camp étoit placé , afin de les combattre plus avantageusement à coups de
iEinilius. traits tirez de haut en bas. Leur Hratagélne réiisîit, les troupes Romaines
furent obligées de prendre la fuite, & sans une effroïable tempête qui survint,
ils couroient risque d'être tous taillez en pieces. Il s'en làuva une bonne
partie dans leur camp , & dés le point du jour suivant, ils se retirèrent sur
une hauteur aux environs de Longule au païs Latin ;
Les Volsques les y suivirent, comptant d'avoir bon marché d'une armée
à demi défaité & trés-affoiblie. Ils attaquèrent leur camp en comblèrent
,
les fossez & se disposoient à le sorcer. Mais les Chevaliers Romains qui com-
battirent à pied dans cette perilleuse occalion , & les triades qu'on résèj-voit
toujours pour les besoins extrêmes, firent des efforts si extraordinaires, qu'ils
obligèrent l'ennemi de regagner la pleine. Les Volsques s'y rangèrent en
bataille croïant attirer le Consul au combat ; mais il se garda bien de l'ac-
,
cepter. Il fit savoir son dêsastre à son Collègue, qui lui envoïa du secours,
n'aïant osé y venir en personne, parce que les entrailles des victimes ne lui
annonçoient pas un heureux succés.
Cependant les Volsques tenoient le Consul comme investi , se flattant
de le reduire par famine à se rendre à discrëtion.Fortiriez des milices du pais
qui.
qui vinrent fortifier leur armée, ils tentérent une seconde attaque du camp;
Mais ils furent repoussez avec très-grande perte & obligez de le tenir en re-
,
pos le reste de la campagne.Fabius s'en retourna à Rome, laissant ses troupes
dans leur camp sans avoir rien fait de mémorable. Æn1ilius n'osa y re-
,
tourner, par la honte d'avoir d'abord été vaincu par les Volsques. Le Tem-
ple de Castor & Pollux, voüé autre fois par le Didateur Poithumius, s'étant
trouvé achevé, le peuple déféra l'honneur de sa consécration à Posthun1Ïus
fils du Dictateur, qui fit cette cérémonie pendant que les Consuls étoient
absens. ,
Lorsqu'il fut question de choisir de nouveaux Consuls il y eut de la di- LVIl.
,
vision entre le Senat, & le peuple, qui proposoient des sujets différens; Mais Marcus Fa-
.

le parti du Senat l'emporta & on choisit Marcus Fabius frere des Consuls Valerius bius & L.
des deux années précedentes ,
& Lucius Valerius. Le peuple cependant crioit Coniuls.
sans cesser contre les Consuls se plaignant de l'inexécution des promesses L'an deRo-
,
qu'on avoit faites de nommer incessamment des Decem-virs pour le partage me 270. du
des terres. Le Tribun Manius s'opposa de toutes ses forces à la levée des M. 3 <526. J. C.
nouvelles recruës & à l'ordre des Consuls qui avoient indiqué une assemblée avant 474.
pour cela. Les Consuls pour donner le change au Tribun, firent transporter Ditm.'YJ.
dans la campagne hors de Rome, leurs chaires Consulaires & y citérent le Halicarn.
,
peuple pour être enrôlé. L'autorité des Tribuns étoit bornée au dedans des /.Tit. 8. C.go.91.
Liv.
murs de la ville ; Ainsi ilsse délivrérent tout d'un coup des protestations des 1. 2.
l
Tribuns & le peuple n'osant ésisier à l'autorité des Consuls, se rendit au- Troubles
près des ,Consuls, & les enrolemens se firent sans résistence. dansRome.
Aprés cela les Consuls tirérent au sort lequel des deux marcheroit con- les Consuls
tre les Veïens, & lequel marcheroit contre les Volsques ; Car ces sortes de font les en-
rolemens
choses sè décidoient toujours par le sort. Les Veïens echurent à Fabius, & hors de la
les Volsques à Valerius. Avant leur départ ils convinrent de
ne pas attaquer ville.
1 ennemi, mais leulement de e-enre ,
s'ils étoient attaquez dans leurs
camps. Fabius observa exaélement cette discipline ; Mais Valerius agacé par
les Volsques,ne put retenir son ardeur & accepta le combat qu'ils luipré[en.
toient. Jamais on ne vit un acharnement semblable,. On combattit des
deux cotez
^
avec tant d'ardeur , qu'après une action de tout un jour cha-
cun des deux partis accablé de fatigue se retira dans son camp, sans qu'on pût
décider qui avoit remporté l'avantage sur l'autre ; Cependant disoit publi-
on
quement dans Rome que les Soldats de Valerius par jalousie & par animosi-
té contre leur Général,n'avaient pas voulu lui procurer l'honneur de la vidoi-
re, ni se servir de leur supériorité pour vaincre l'ennemi. D'autres attri-
buoient le peu de succés de cette campagne à la colere des Dieux, causée
principalement par l'incontinence d'une Vestale nommée Opia Opimia,
ou
que l'on enterra toute vivante, & dont on mit à mort les complices, aprés
les avoir frapez de verges.
L'année suivante il y eut encore de grandes disputes entre les Patriciens LV111.
& le peuple pour l'élection des Consuls. Les Pàtriciens étoient portez interrégne.
pour
Appius Claudius, fils d'un célébre Sénateur de même nom,qui s'étoit toujours Spurius
signalé par son oppoiition au parti du peuple. Les Plebeïens qui redoutaient Lartius
vernc.
l'inflexible
An de Ro- l'inflexible dureté d'Appius fils, qui ne cedoit point en cela à son pere."
me 271. du Toutes les fois donc que l'on s'assembloit par Centuries, pour proceder aux
M. 3527. élections, les Tribuns s'y opposoient, & réciproquement lorsque les Tribuns
avant J. C.
47?
indiquoient des comices pour le même effet, les Consuls les cassoient. Ainsi
, Di0nyJ. on fut assez longtems sans Consuls. Dans l'interrègne on nomma Sempro-
.Ha lie. 1. 9. nius Atratinus &^ensuite Spurius Lartius pour gouverner. Sous le
c.x.z.z-Tit. ment de ce dernier gouverne-
* on choisit assez paisiblement pour Consuls Caïus Julius,
Liv. /. 2.
CaiusJulius & Quintus Fabius Cœso, qui avoit déjà été Consul. Ils sortirent de Rome à
& L. Fabius la tête de leur armées & marchèrent contre les Veïens; mais ceux-ci n'aïant
Cœso Con- osé paroître en campagne les Consuls raménérent leurs armées à Rome,
iuls. An de aprés avoir seulement fait le, dégat dans les
Rome 271. campagnes des ennemis.
LIX.
Les Tribuns du peuple se plaignoient toujours qu'on leur manquoit de
QJFabius parole au sujet du partage des champs; mais la nécessité de saire la guerre au
Cœfo Con- dehors, fournissoit au Senat de nouveaux prétextes de différer. On elut en
sul pour la cette année pour Consul Quintus Fabius Cœso
troisiéirxS riïts Furius. Malgré les oppositions du Tribun pour la troisiéme fois & Spu-
fois,&Spu.. Icilius abbandonné par ses
rius Furius. Collègues, il fut ordonné du consentement même du peuple, que l'affaire
An de Ro- du partage des terres seroit différée jusqu'après la guerre. Alors les Consuls
me 272. du partirent. Furius marcha contre les Eques, & Fabius contre les Etrusques;
M. gi28. Le premier ne trouva point d'occasion de combattre l'ennemi, qui n'oia pa-
.Dion.Ys.L 9.
c.2.3.4.Tit. roître en campagne ; mais il enrichit son armée des dépouilles qu'elle prit sur
Liv. 1. 2. les Eques.
LX. Fabius n'étoit point agréable à ses troupes prévenues contre lui, parce
Mauvais qu'il étoit du parti Patricien > Elles ne lui obéïssoient qu'à regret, & man-
iiiccés de quoient assez iouvent par leur faute des importans ; par exemple, dans
Fabius, coups
causéparla la bataille donnée entre les Romains & les Veïens, ceux-ci aïant été rcnversez
-
mauvaise & mis en fuite, Fabius les fit poursuivre par sa Cavalerie, qui lui étoit sou-
volonté mise, comme attachée au parti Patricien. Les piétons au contraire refusérent
des fol- de suivre l'ennemi & laissérent par une basse jalousie de la gloire de leur
dais. Chef, leur victoire imparfaite. Ils eurent encore l'insolence de blâmer sa
conduite & de lui imputer le mauvais succés de la Cavalerie, qui sut obligée
de céder, étant abbandonnée de l'Infanterie. Pour comble d'audace ils osé-
rent malgré les Consuls plier leurs tentes, décamper & se retirer à Rome.
Fabius les suivit, aïant perdu tout son crédit & ne trouvant plus ni soumission
ni docilité dans son armée. Quand ils parurent prés la ville, comme on ne
voïoit pas encore bien clair , on crut d'abord que c'étoit des ennemis qui
étoient venus pour surprendre la ville ; Mais les aïant ensuite reconnus ,pour
être de l'armée de Fabius, on s'imagina qu'ils avoient été mis en déroute par
les Veïens. Enfin on leur ouvrit les portes, & on raisonna beaucoup sur leur
conduite & sur celle de leur Général, qui fit voir par son exemple de quelle
importance il est à ceux qui commandent, de ne pas laitier avilir leur auto-
rité, & de ne pas laisser prendre sur eux l'ascejidint par leurs inférieurs.
LXI. Malgré le mauvais succés de cette campagne, dont on ne pouvoit dif-
Marcus Fa- convenir que l'excessive bonté de Fabius n'eut été au moins l'occasion,
bius & on ne
laissa pas de choisir pour Consuls de l'année suivante Marcus Fabius son frere
Cne'ms
& Cneïus
& Cne?us Manlius Torquatus. Les Veïens soûtenus par une multitude in- Manlius
-ci-oïable d'Etruriens qui s'écrient joints à eux, menaçoient Rome d'une perte Torquatus
entiére.Les divisions domestiques continuoient dans cette ville. On y de- Consuls.
hauteur l'exécution de la loi Cassia le des An de Ro-
mandoit toujours avec pour partage
Consuls sçut diviser les Tribuns & me 273. du
terres. Cependant par l'adresse des on M. 3528.
faire les levées à l'ordinaire. Les deux Consuls se partagèrent les forces de la avant J. G.
Republique,& allérent camper prés la ville deVeïes Capitale des Veïens,éloi- 474.
Dionys-
gnée de Rome seulement de neuf miles,ou trois ou quatre lieuës. Leur armée Halicarn.
étoit d'environ vingt mille hommes, & ils en avoient chacun environ dix mille 1.9. c. $ 6.j.
fous leur commandement.L'armëe des Veïens. étoit beaucoup plus nombreuse. 8-
Pendant que les armées étoient campées prés les unes des autres , la Tit.Liv.l.Z -

foudre tomba sur la tente de Manlius & la mit en piecés. Les Augures an- Guerre LXII.
des
noncèrent que cela présageoit le
que camp de Manlius seroit pris par l'enne- Romains
mi. Manlius en sortit l'année suivante,& alla joindre l'armée de Fabius son contre les
Collégue pour ne former qu'un camp avec lui. Les Etrusques trés-superstiti- Veïens &
les Etrus-
eux en fait de prodiges & de présages, s'emparèrent du camp de Manlius, & ques.
commencèrent à insulter les Romains qui demeuroient enfermez dans leur
, f:
circonvallation. Ces bravades enflammèrent le Soldat Romain ; il demanda
avec ardeur qu'on le menât à l'ennemi. Les Consuls ravis de voir leur em-
pïeÍTenlent, l'augmentèrentencore pardesdélays & des délibérations affectées.
Enfin le Soldat vint en rumeur jusqu'aux tentes des Généraux demander
qu'on lesménât à l'ennemi. Ce fut alors que le Consul Fabius harangua son
armée & lui fit entendre que jusque là il n'avoitpas cru pouvoir compter sur
leur fidélité & leur soumission,aprés ce qui s'étoit passé dans la Campagne précé-
dente.Qu'à présent il se promettoit qu'ils se comporteroient en vrais Romains.
A peine eut-il achevé, qu'un certain Flaveiolus premier Centurion d'une LXIl1.
Légion Romaine, étant monté sur un lieu d'où il pouvoit être aperçu tira Flaveiolus
son épée, & la tenant élevée s'adressa à ses Camarades & leur dit de faire ,
le fait fer-
de ne
même serment qu'il alloit faire. Jupiter,"Mars,& vous Divinitez qui présidrz ment pas retour-
aux sermens, je vous engage ma parole je ne retourneray pas à Rome ner àRome
, que
que je ne sois vainqueur. Les Consuls, les Officiers Généraux, les subal- rieux. que victo-
ternes & tous les Soldats firent le même serment. Aprés quoi on ne songea
plus qu'à se disposer au combat. Les Romains se présentérent les premiers
& choisirent un terrain avantageux. Les Etrusques étoient plus nombreux.
Ils se flattaient que les Soldats Romains trahiroient leurs Généraux & ils
avoient tellement serré leurs rangs qu'ils n'avoient pas assez d'espace, pour
lancer commodément leurs traits &, pour se servir de leurs armes. Du côté
des Romains Manlius commandoit l'aile droite, QuintusFabius l'aile gauche,
&Marcus Fabius Consul le corps de bataille.
Q. Fabius,qui avoit peu de troupes en comparaisondes Etrusques,couroit
risque d'être envelopé.Comme il combattoitavec beaucoup de vigueur,unVeïen
de taille gigantesque lui porte un coup de lance, & le blesle mortellement.Fabi-
us s'arrache le fer de cette lance & meurt peu aprésSes deux freres Marcus &Cœ-
fo volent pour venger sa mort. Ils trouvent les Romains ebraniez, ils les rassu-
rent, font un grand carnage des Etrusques & les mettent en fuite.
LXIV. Presqu'en même tems le Consul Manlius reçoit un coup qui lui perce le
Le Consul genou & le met hors d'état de combattre. On le reporte
Manlius ef t Romains troublez au camp , & les
mis hors de ; par son absence & par la fausse nouvelle de la mort , sont
combat. repoussez & commencent à plier. Les deux Fabius y accourent encore &
Dionys. par leur presence leur rendent le courage, les Etrusques plient de tous côtez,
Halicarn. & la victoire se déclare pour les Romains.
1..C.11.12, Cependant les troupes des Etrusques qui étoient dans le camp que Fa-
Liv. /. a.
bius avoit abbandonné, en sortirent & allèrent attaquer le camp des Romains
ou l'on n'avoit laissé que quelques Vétérans pour le defendre. Manlius y arri-
va en même tems, & oubliant ia blessure, monte à cheval & se mét à la tête
des Vétérans. Tout le monde prend les armes, les marchands mêmes les
,
vivandiers & les valets de l'armée. Tandis que le Consul parut, on soûtint
l'effort des Etrusques, mais étant tombé de cheval accablé de la douleur & de
les
sa Membre, Etrusques forcent le camp & se mettent à piller. Leur avidité
fut le salut des Romains. Ceux-ci se retranchèrent au devant des tentes
Consulaires, & dans l'entretems Fabius arrive avec une partie de son armée.
Les Etrusques se rangent sur le rempart & combattent avec avantage d'un
lieu élevé contre les Romains déja fatiguez. A la fin Siccius un des Lieute-
nants Généraux de l'armée Consulaire, conseilla d'attaquer avec toutes les for-
ces de l'armée l'endroit du camp le plus foible, & d'abbandonner l'attaque
des portes, afin que l'ennemi put plus aisément se retirer. La chose reüfht,
le camp fut forcé, & les Etrusques se retirérent.
LXV. On ne jugea pas à propos de les poursuivre; mais le Consul retourna à
Viétoire toutes brides au combat contre les Veïens; là présence les déconcerta & ache-
contre les va de les mettre en déroute. Dés-la nuit suivante ils abbandonnérent leur
Etrusques L'on n'avoit peut-être jamais veu de victoire plus
remportée camp & la campagne.
par Fabius. glorieuse, ni qui eût coûté plus de
sang aux Romains ; on regretta sur tout
le Consul Manlius & Quintus Fabius frere du seul Consul qui restoit. On
décerna à celui-ci les honneurs du triomphe; mais il les refusa entra dans
,
Rome en habit de deuïl, conduisit les corps de son Collègue Manlius & de
son frere Quintus. Aprés cela il se démit du consulat, & laissa le gouverne-
ment au Senat & au peuple.
LXV1. Au commencement de l'année suivante on choisit pour Consuls Cœso
Cœso Fabi- Fabius la troisiéme fois, & Titus Virginius. Depuis longtems la divilion
us & Titus
pour
Virginius entre le Senat & le peuple au sujet du partage des champs
subsisioit; Fabius re-
Consuls. montra au Senat qu'il seroit expédient au bien de la République de la faire ces-
An de Ro- sér& d'exécuter lespromesses qu'on avoit si souvent faites au peuple ; mais lès
me 274. du représentations furent mal reçuës, & les choses demeurèrent à cet égard sur le
M.
IJionyJ. pied où elles étoient auparavant. Les deux Consuls lans faire de nouvelles
Halicarn. lévées, se mirent à la tête des troupes de l'année précédente & marchèrent,
/..C.14.XÇ. Fabius contre les Eques, & Virginius contre les Veïens. Les premiers n'osé-
&C.Uv.l.2t rent paroître
en campagne. Les autres demeurérent d'abord enfermez dans
leurs places; Ensuite voïant les Romains dispcrsez par la campagne, ils les at-
taquérent & en tuërent un grand nombre. Siccius, dont on a déja parlé,
arréta les Veïens & empêcha la perte entière de l'armée Romaine. Virgi-
nius
nius & lui rassen1blérent les fuïards & les conduisirent sur une éminence OH '
ils furent dans un moment invertis par l'armée des Veïens. Le^ Consul Fa-
bius informé du danger ou étoit son Collègue, y accourut assez à tems pour
le délivrer.
Les Etrusques aprés le départ de l'armee de la République se jetterent, LXVli.
dans les campagnes des Romains, & y commirent de grands dégâts. Le Se- La Famille
nat ne jugea pas à propos d'y envoïer de nouvelles troupes ; il auroit fallu des Fabius
faire des levées, ce qui auroit fait naître des difficultez. La famille des Fa- s'offre
d'aller te-
bius les tira d'embarras. Elle s'offrit de faire tête aux Veïens & de garantir nir tête aux
seule les campagnes de leurs compatriotes. Il s'y trouva trois cent six Patri- Etrusques»
ciens de la race des Fabius , & grand nombre de Cliens , de maniére que
Marcus Fabius qui étoit à la tête de ces troupes , commardoit environ qua-
tre mille hommes. Ils arrivérent sur le bord de la petite riviére de Créméra,
aujourd'hui Baccano, où ils bâtirent un fort avec de bons fossez & de bonnes
tours. Quand le fort fut achevé, le Consul reconduisit ses troupes à Rome, &
ne laissa dans le fort que les Fabius, qui firent de grands ravages dans le pays
des Veïens, & incommodèrent extrêmement les ennemis de la Republique.
L'élection des nouveaux Consuls ne fut pas plutôt faite, que Cœso Fa- LXVIII.
Lucius
bius demanda qu'on lui permît d'aller joindre sa famille pour réprimer les Æmilius &
Veïens. On y consentit, & pour le distinguer, on lui donna la qualité de Caïus Ser-
Proconsul, titre jusqu'alors inconnu & qui ne lui donnoit d'autre autorité, que vilius Con-
sur les troupes, qui lui étoient confiées, avec subordination aux Consuls. Ser- suls.
vilius un des Consuls fut envoïé contre les Volsques ; Lucius iEmilius son An de Ro-
Collégue contre les Etrusques, & Servius Furius en qualité de Proconsul, fut M. me 27?. dit
3igt.
envoie contre les Eques. Ces derniers se dispersére^v en la présence de Fu- avant J. G.
rsus & se retirérent dans leurs places. Les Volsques firent une vigoureuse 469.
résistance à Servilius, & l'obligèrent de se retirer en désordre dans ses retran- Dionys.
chemens. jetiiilius battit les Etrusques, les assiégea dans leur camp & les for ' Halicarn.
1..c.r6.[7.
ça de l'abbandonner, & de se sauver où ils purent ; enfin les Veïens se sou- ($c. Tit.
rnirent aux Romains, qui leur accordérent la paix, à charge de fournir du Liv. 1.2.
blé à l'armée Romaine pour deux mois & de l'argent pour les frais de la
,
guerre pendant six mois. Æmilius demanda le triomphe, mais il lui fut re-
fusé, ce qui le porta à licentier ses troupes à rapeller celles de Furius & à
,
déclamer vivement contre le Senat, fomentant le mécontentement du peu-
ple, à qui il fit entendre que l'on ne cherchoit à prolonger la guerre que
,
pour se dispenser de lui accorder le partage, qu'on luy avoit si souvent pro-
mis. LXIX.
Quoique la paix fut concluë avec les Veïens la famille des Fabius ne Caïus He
quitta pas Ion poite. On fit de nouveaux Consuls ,
au commencement de ratius &
l'année, & les Etrusques dans une assemblée générale de leur nation, obligé- Titus Me-
rent les Veïens, ou de renoncer au traitté qu'ils venoient de faire avec les nenius
Romains, ou de soûtenir la guerre contre toute leur propre nation. Ils leur Consuls. de Ro-
l'Lia-gérérent un prétexte de rupture avec la Republique, qui fut d'exiger que An 276. du
me
l'on retirât les Fabius de leur fort. On n'écouta point ces demandes & les M. gs32.
Fabius accoutumez à vaincre les Veïens les méprisoient & ne prenoient avant J. C.
O o ,a plus 4 68.
JDionys. plus les précautions convenables pour n'être pas surpris. Les Veïens de
Halicarn. leur côté peu capables de résister à des gens si courageux & si aguerris, n'o-
I.. c. 18.19. soient ni les attaquer ni les attendre de pié-ferme. Ils leur dreiïerent des
Ik.Liv.î.z ' embûches, & les Fabius
eurent le malheur d'y donner. Ils se trouvérent
tout-à coup enveloppez par une armée d'Etrusques,qui s'étoit cachée dans un
bois; ils firent une résistance digne de leur courage, mais ne pouvant résister
au grand nombre de leurs ennemis, ils voulurent gagner une hauteur qui leur
fut encore disputée par une troupe d'Etrusques embusquez dans un bois. Les
Fabius se firent jour & montèrent sur l'eminence où ils espéroient trouver du
repos. En effet ils y passérent la nuit, & informèrent du danger où ils étoient,
ceux des leurs qui étoient restez pour la garde du fort.
LXX. Ces derniers accoururent au secours de leurs pareilS;tnais ils furent cou-
Dé fai té des pez par les Etrusques & taillez en pièces, sans qu'il
fabius. en restât un seul. Ceux
qui étoient sur l'eminence. en descendirent dez le point du jour, résolus de se
faire hacher, ou de sortir de cette espéce .d'emprisonnement. Ils firent un car-
nage horrible des Etrusques qu'ils trouvérent en leur chemin. On leur fit des
propositions & on leur offrit la vie, s'ils vouloient mettre les armes bas;mais
ils préférérent la mort à une condition si honteuse. Ils moururent tous les
O) armes à la main ; On dit même qu'il y en eut qui ne pouvant plus se servir
Tit.Liv 1 2 de leurs épées, ni de leurs boucliers, ceux-ci étant
Perizon. tout rompus, & celles-là
jinimad- étant toutes emouiïëes, ils arrachèrent l'es armes des mains de leurs ennemis
vers. -Hiflo- pour s'en
servir contr'eux. Le peu de Fabius qui étoient dans le fort, ne pou-
rica fâc. vant se résoudre à survivre à leurs freres, en sbrtirent& sejettérent au milieu
Votez le P. des ennemis, plûtôst
Cateroux
pour y trouver la mort , que dans l'éspérance d'y ren-
Tom.2Hifl. contrer
la viduire. On dit (a) qu'il ne resta de toute cette illustre famille
-ROen-P- 4î7 des
Fabius, qu'un seul enfant de 13. à 14. ans, qui dans la suite devint si célé-
.Dionys. bre, sous le nom de Fabius Maximus. D'autres soûtiennent le contraire, n'é-
Halicarn. tant pas croïable que de tant de Fabius, qui étoient en âge de porter les ar-
/..C.22..2?. il n'y Qi-i eût qu'un seul qui eût des enfans mâles.
(&c.Liv.l. 2. mes,
LXXl. Tandis que cela se passoit les deux Consuls se mirent en campagne.
,
Defaite des Menenius fut envoïé contre les Etrusques , & Horatius contre les Volsques.
Menenius On soupçonna Menenius d'avoir usé de lenteurs affedées, car s'il avoit vou-
par les lu, n'étant qu'à trente stades, c'est-à-dire environ une lieue & demie de l'en-
itrusqucs. droit où les Fabius furent taillez
en pièces, il auroit pu les secourir & diffi-
per les Etrusques. Il avança & alla se camper sur le penchant d'une montagne
où il manquoit de vivres & d'eau, & n'avoit pas eu la précaution de s'assurer
du sommet de la montagne dont il occupoit le milieu. Les étrusques sçu-
rent mettre à profit son imprudence. Ils gagnèrent le haut de la montagne
»
& y placèrent leur camp. La disette d'eau aussi bien que les desavantages
que le Consul recevoit de tems en tems dans les escarmouches qui se donnoi-
ent entre les siens & les Etrusques , le forcé:' nt de donner bataille. Les
Etrusques, qui outre l'avantage de la situation, avoient encore la supériorité
du nombre de troupes, renversérent aisément les Romains, & les forcérent de
regagner leur camp où ils furent incontinent assiégez par les Etrusques. La
iraïeur dont les Romains étoient freppe;z & le peu de confiance qu'ils
avoient
*
avoient en leur Général, leur firent encore abbandonner
leur camp pendant
la nuit.LesEtrusques
es pillérent le camp,
passérent la Cremera & vinrent secam-
jusque sur le Janicule, d'où ils voïoient tout ce qui se passoit dans Rome.
rer
Le Consul Horatius accourut au secours de sa patrie, battit les Etrusques , &
les repoussa sur le Janicule ; mais il ne put les y forcer, ni les chasser de ce
poste où ils s'étoient fortifiez, & d'où ils ténoient la ville comme bloquée;
l'allarme que leur aproche avoit causé à la campagne, avoit amené une infini-
té de gens à Rome dans la crainte de tomber entre leurs mains; Les champs
étoient demeurez incultes ; La famine se faisoit sentir dans la ville ; Le
peuple imputait ces maux au Sénat ; La nécessité obligea les nouveaux
Consuls à l'ortir de Rome avec toutes les forces de la Republique,pour com-
battre les Volsques & les éloigner de leurs murailles. Pendant la nuit ils
passerent le Tibre dans des barques, & dez le même jour ils présel1térent la
bataille aux Romains. -,
Aprés un combat assez long & assez opiniâtre , les Volsques lâchérent LXXIl.
le pied & se sauvérent vers leur camp. Servilius qui commandoit l'aile gau- Aulus ginius &
Vit-
che de l'armée Romaine, les poursuivit avec chaleur jusqu'au pied du Jani- Publius
cule. Alors les Etrusques profitant de l'avantage du terrain, se ralliérent & Servilius
repoussérent les Romains avec beaucoup de perte. Servilius couroit risque Consuls.
d'être entièrement défait, si l'autre Consul Virginius n'étoit venu prendre les An de Ro-
Volsques par derriere. Il y en eut un trés-grand nombre qui demeurerent me 277. du
M. 353?.
sur la place, tant des Etrusques que des Romains. Enfin les Etrusques furent avant J. G.
contraints d'abbandonner le Janicule & de se retirer à Veïes. L'on décerna 467.
le triomphe aux deux Consuls; mais ils le refusérent, voïant le grand nom- Dion-y/:
bse de morts qu'on raporta dans la ville, pour y recevoir les honneurs funé- Halicarn. 1..c.18.1"
bres. 20 .(Çc.Liv.
Menenius qui avoit si mal réiiffi dans la guerre contre les Etrusques,
1.2.
étoit fils du célébre Menenius Agrippa qui avoit par sa sagesse reconcilié le Défaite des
peuple Romain avec le Senat; Cela ne le garantit pas de l'insolence de la po- Veïens,
pulace de Rome , qui l'accusa d'avoir laissé périr les Fabius & prendre le LXXIII. Accusation
fort de Cremera , & enfin d'avoir par son imprudence exposé l'armée Ro- formée
maine à être entièrement défaite. Menenius fut condamné à mort ; mais les contre Me-
Tribuns firent changer cette sentence en une amende pécuniaire de deux nenius. •

mille as d'érain, c'est-a-dire à deux mille livres de poid d'érain , somme con- Dion:JJ.
sidérable pour ce tems-là, & encore plus pour Menenius, dont le Pere étoit 1. 9. c. 27.
mort si indigent qu'il ne se trouva pas dans sa maisondequoi fain. les frais de
les funérailles, ainsi qu'on l'a veu..Menenius n'étoit pas plus riche, ses amis
s'offrirent à païer pour lui l'amende à laquelle il avoit été condamné;mais il ne
le permit pas. Il se laissa mourir de langueur & d'ennui. LXXIV.
Insensiblément le peuple Romain prit goût à humilier la noblesse , & Pub!. Vale-
sur tout ceux qui avoient été Consuls. Au commencement du Consulat de rius Popli -
cola &
Publius Valerius Poplicola, & de Caïus Nautius, il accusa Servilius qui avoit Caïus Nau-
été Consul l'année précédente d'avoir témérairement exposé les Soldats ti Ils Con-
,
Romains à la boucherie ,* en leur faisant attaquer hsEtrusques placez dans suls.
A 11 un poste trop avantageux. Servilius se défendit sans baflesïe, & son Collè-
de Ro-
me 278. du gue Virginius demanda d'être condamné ou absoû avec lui. Le peuple ren-
M. ?ç?4* dit justice à l'un & à l'autre, & renvoïa Servilius de l'accusation formée con-
avant J. C.
tre lui.
4 66. Aprés cela les ConsuIs marchérent contre les ennemis du dehors ; Vale-
Dion.yJ.
Ralycarn. rius entra dans le païs des Veïens, avant qu'ils eussent avis de son départ.
1..c.28.2. Les Sabins s'étoient alliez avec les Etrusques, & devoient sormer une armée
Liv. 1. z. formidalle. Le Consul surprit les Sabins dez le point du
Guerre jour, & les tailla en
contre les piéces dans leur camp, avant jonftion des Etrusques.
la 11 marcha ensuite
Veïens. contre les Etrusques, qui étant sortis de leurs retranchemens, livrèrent la batail-
le aux Romains. Ils la perdirent & se retirérent dans leur camp, où ils fu-
rent incontinent assiégez. Le Consul ne leur donna point de relache ni jour
ni nuit. Dez le point du jour de la nuit suivante ils furent obligez de se sau-
ver, & d'abbandonner leur retranchement. Servilius, dont on a parlé cy-de-
vant, étoit Lieutenant Général de l'armée Romaine & eut beaucoup de part
à cet heureux succés.
Sans laitier rallentir l'ardeur de ses troupes, Valerius marcha contre la
ville de Veïes. Les Veïens en sortirent & se mirent en bataille. Le Consul
les repoussa dans la place ; Mais comme elle étoit d'une ntuationpresqu'inac-
cessible, il n'en put faire le siége & se contenta de ravager ses campagnes. De
là il entra dans celles des Sabins où il en usa de même. Aprés tant de glo-
rieux exploits exécutez en si peu de tems, le Consul retourna à Rome, où il
fut reçu en triomphe.
Son Collégue Nautius n'étoit pas allé au secours des Latins, comme 011
l'avoit projetté, il étoit demeuré dans la ville pour être à portée d'accourir
au secours de son Collègue, au cas qu'il se seroit trouvé en danger du côté
des Etrusques. Aprés le retour de Valerius, Nautius marcha contre les Eques
& les Volsques, que les Latins avoient déja battus & repoussez, & dont ils
avoient pillé le camp. Ainsi le Consul ne trouva plus rien à faire de ce côté-
là ; Il y acheva de ravager les campagnes, & y mit le feu aux moissons pres-
' LXXV.
AulusMan- que L'année suivante
meures.
lius & Lu- ne fut remarquable que par la réduction des Veïens, qui
cius Furius abbandonnez de leurs alliez, accablez par la famine & par la désolation de
Gonsuls. leurs campagnes, furent obligez de recourir à la clemence des Romains, qui
An de Ro- leur accordèrent une tréve de 4°. ans, à charge de païer les frais d'une an-
me 279. du née de guerre, & de donner du blé à l'armée Romaine pour deux mois.
M. 3<nï- les Consuls devant la populace étoit passé comme en
avant J. C. L'abus de traduire
46 5. coutume. Les Tribuns du peuple y traduisirent Aulus Manlius &LuciusFu-
DionyJ. rius, dez qu'ils furent sortis de leur Consulat. Ceux-ci s'en plaignirent amè-
Halicarn. rement, & les Patriciens firent éclatter leur ressentiment avec une vicacité ex-
/. 9. c. 3 6.
Tit. Liv.1.2 traordinaire. Qui voudra désormais entrer dans les emplois, diraient - ils,
Accusation si l'on est ainsi exposé à l'insulte & à la rage d'un peuple insolent ? Le Tri-
contre Au- bun Gemecius devoit accuserles deux Consuls d'avoir refusé d'exécuter la loy
lus Man- Cassia touchant la distribution des Champs. Les Senateurs avoient pris le
lius & Lu- les Consuls & de les dérober au supplice, s'ils etoient con-
cius Furius. parti d'enlever
damnez
damnez. Tout le peuple étoit assemblé dans l'attente d'une decision, lorsqu'on
vint annoncer à l'assemblée que le Tribun Gemecius avoit été trouvé mort
dans Ion lit, sans aucun indice, ni de fer, ni de poison ; Le peuple etourdi
par
cette nouvelle, se dissipa; & on fit les levées de troupes à l'ordinaire.
Mais les nouveaux Consuls aïant fait enrôler un nommé Volero -Publius LXXVI.
comme limple fantassin, quoique dans les guerres précédentes il eut eu le Mutine-de ,
commandement de quelques Soldats, il s'eleva contr'eux & demanda qu'on excitée par
lui rendit son rang, ou qu'on lui fit son procès. Les Consuls le firent saisir Volero.
Lucius
par leurs Lideurs pour le dépouïller & le fraper de verges. Volero se défen- Æmilius
dit & en appella aux Tribuns. Les Tribuns ne s'étant pas rencontrez sur Mamerçi-
l'heure, il implora lesecours du peuple, qui l'arracha Lideur. Le nusfcour la
ple prend les armes & se prépare au combat. Les Consuls au peu- troisiéme
avec leurs Lideurs fois, & Vo-
lont obligez de se réfugier dans une sale du Senat. Les Tribuns reparoissent pifcusju-
dans 1 assemblée Tout se prépare a une guerre ouverte. Les Consuls iius julus^.;i.
, con-
voquent le Senat, les sentimens se partagent; Les uns demandant qu'on Consuls. V
con-
damnât Volero a être précipité du haut du Capitole, les autres croïant qu'il An de Ro-
,falloit user de ménagement envers le peuple irrité. me 280. du-
M. 3 136.
Avant la fin de ces brouïlleries, l'année des Consuls qui leur avoient avant J. G.
donné occaiipn, expira, & on en nomma d'autres qu'on crut plus à 45-4.
pacifier les esprits. Ce furent Lucius Pinarius, & Publius Furius. Le propres LXXVll.
ple remplaça le Tribun Gemecius, par le choix du même Volero, dont peu- Lucius Pi-
a parlé. Une peste qui fit mourir grand nombre de personnes à Rome, sur Pub. Furius
on narius &
tout des femmes enceintes, arréta pour un tems les effets de l'animosité publi- Consuls.
que; mais la peste aïant cessé, aprés lesupplice d'une Vestale nommée Urbi- An de Ro-
iiia qui s etoit laissée corrompre ; Les troubles recommencèrent; Volero pré- me 281. du
la requéte peuple tendante à M. 3S37.
t
sensa au ce que les Magistrats qui étoientde la avant J. G.
nomination du peuple, ne sussent plus à l'avenir choisis dans les comices du 46?.
peuple assemble par Curies, mais par les Comices du même peuple assem- Dionys.Ha.
blé par tribu. Le but de Volero étoit d'exclure & le Senat & les Patriciens licarn. 1.9.
de la part meme indirecte qu'ils pouvoient avoir dans c. 40.41.
ces eleâions. C'étoit Liv. 1. 2.
au Senat a donner son decret pour les convocations des Curies; & dans les Peste à Ro-
ailemblees du peuple par Curies, les Patriciens avoient grand nombre de me.
un
leurs Lliens, qui ne donnoient leurs suffrages, qu'au gré des Patriciens. Par
-
la ceux cy etoient souvent en état de faire exclure du Tribunal certains su-
jets qui ne leur convenoient point.
Les Patriciens pénétrèrent dans la pensée de Volero, & mirent tout LXXV1ÎL
oeuvre pour le faire échouer ; Ils trouvèrent moïen par des harangues & des Entrepri-en
e lais d en faire différer la conclusion de marchez à autres, jusqu'à l'expira- ses du Tri-
-
tion de 1 année de Volero. Mais celuy cy eut assez de credit
pour
continuer annee suivante. Les Patriciens de leur côté lui opposérent Appius
1
bun Vo-
se faire lero.
Claudius, 1 homme le plus roide& le plus inflexible qui fût

t, au Senat, qu'ils
fircrit elire Consiai, avec Titus Quindius, qui étoit d'un caradére
propre a moderer la rigueur extrême d'Appius. Les deu.\: toutoppo-
Consuls
Uoiuitd humeur trop opposée pour pouvoir bien vivre ensemble. Ils se
brouïllérent bientôt, & l'année se passa, sans qu'ils,se racommodalsent.
Les
LXXIX. Les Tribuns Volero & Laetorius voulant profiter de leur peu d'union ?
Appius proposérent de nouveau la loy, dont oti a parlé, & y ajoutèrent que les Edi-
GUudiuséc les seroient de même choisis
TitusQuin- par le peuple dans les Comices par tribus, & que
ftiusGon- toutes les affaires du peuple ne se traitteroient à l'avenir que par devant les
iuls. Aa de tribus. Le Senat demanda qu'il fut fixé un jour certain pour discuter la loy
Rome 282. proposée par Volero,& que les Consuls y pussent haranguer. Le tout fut ac-
du M. ? s? 8. cordé, quoiqu'avec peine. -Les Consuls parlérent à l'assemblée. Le Tribun
avant J. G. Letorius répliqua &
462. , pour conclusion jura qu'il feroit passer la loy de Vole-
Dionys. ro, ou qu'il périroit, aprés quoi il ordonne auConsul Appius de quitter l'al-
Hzlicarn. selllblée. Appius appuïée d'une grande troupe de ses Cliens, refuse d'obéïr.
1..c.43. Le Tribun insiste & commande qu'on le mène en prison. Les gens du Con-
44. ('Çc.Liv. ful repoussent leLiseur. Toute l'assemblée prend partie. Les ,Patriciens
1.2.
Troubles & leurs Cliens pour le Consul, la populace pour le Tribun. On se heurte,
iomefti- on se frape, on se menace, on fait voler les pierres, Car il étoit dçfendu de
ques à Ro- porter des armes dans les Comices. Le Consul Quinétiusavec quelqu'uns
me excitez des plus anciens Sénateurs s'étant jettez dans la foule, écartent les plus nlU-
par les Tri- tins, & la nuit sépare l'assemblée.
buns Vole-
ro & Léto- Quelques jours aprés le Consul Quindius fit agréer aux parties que l'on
rius. soûmettroit la derniere etl1eute & ce qui s'en étoit ensuivi, à la décision du
Sénat, & le Senat prononça que la chose n'aïant pas été faite de dessein pré-
médité, seroit regardée comme non avenuë. Quant-au fond de l'affaire, c'est-à
dire, à la loy proposé par Volero, le Senat ne pouvant empêcher qu'elle ne
passat, permit qu'on la proposât, pour s'epargner la confusion de la voirpas-
ser malgré lui.
LXXX. Les troubles domestiques ne furent pas plutost appaisez que les Consuls
Guerre partirent pour faire la guerre, Appius aux Volsques & Quindius aux Eques.
contre les Ce dernier n'eut qu'à se montrer; Les ennemis disparurent & laissérent rava-
Eques & leurs campagnes. Appius qui ne savoit surmonter son humeur austére,
Contre les ger
Volsqu,es, ni dissimuler son chagrin, aliéna par ses mauvaises manières les esprits de
ses
Diony): Soldats; & lorsqu'il les ména au combat contra les Volsques, au lieu de mar-
.H,zlic. L, cher à l'ennemi, ils reculérent & s'enfuirent dans leur camp. Le Général
s. )0. eut beau se plaindre, inyeétiver, menacer, le Soldat se mutina , & l'on fut
obligé de décainper & de quitter le pays ennemi. Tant il importe à ceux
qui commandent de se rendre maîtres des coeurs de leurs sujets & de modé-
rer leurs propres passions !
Dez-que l'armée fut parvenue sur les terres des Romains, Appius iU1\'Jnt.
toujours son humeur farouche, punit avec la dernière sévérité ceux de ses
Officiers qu'il crut ou qu'il soupçonna d'avoir favorisé la sédition des trou-
pes ; Ils furent frapez de verges, puis décapitez. Les Soldats furent décimez,
c'est à dire, on en fit mourir de dix un. Appius revint à Rome charge de.
la haine publique & plus animé que jamais contre la populace.
LXXXl. Depuis dix sept ans laquérelle pour la distribution des champs remplil-
Lucius Va-
lerius &TL soit la République de fadions & de troubles. Les nouveaux Coniuls qui
berius étoient dévoiiez au peuple, appuïérent de leur crédit la demande des Tri-
^milius buns qui présentérent au Senat leur requéte pour l'exécution des promettes
Consuls.
1 qu'on
qiron avoit autrefois faites au peuple. Le Sénat rejetta la requête des Tri- An de Ro-
buns, & ceux-ci aigris contre Appius,qu'ils regardoient comme l'unique au- me 283. du
teur de ce refus, l'accusérent devant le peuple d'avoir inspiré au Senat des M. g5 ?p.
sentimens violens contre le peuple d'avoir excité des séditions dans la Re- avant J. G.
, 46 1.
publique, d'avoir fait fraper un Tribun & d'avoir par sa faute procuré aux 23ionys-
Volsques de grands avantages contre son, armée. Ha licarn.
Ses amis & les Principaux Sénateurs le priérent avec de très-grandes 1..c.ÇO.)I.
instances, de rabbattre de cette inflexibilité, qui avoit aliéné les esprits, & de Tit.Liv. 52.54.
I.,t
prendre au moins quelqu'uns de ces dehors d'humiliation, que prenoient les Appius est
accusez par devant leurs Juges. Il ne put s'y résoudre, il parut devant le acculé de-
peuple au jour marqué avec cet air de fierté & d'intrépidité qu'il ne quittoit vant le
jamais. Il parla au peuple non comme un accusé, mais comme un accusa- peuple.
Il se donne
teur. Sa fermeté déconcerta les Tribuns & toucha le peuple. Ils remirent la mort.
ion jugement à un autre jour. Appius ne l'attendit pas, il se donna la mort.
On publia que sa mort avoit été causée par un accident impreveu. Malgré
les Tribuns, l'on fils obtint desConsuls de faire assembler le peuple, & depro-
noncer en leur présence l'éloge funèbre de son Pere. La chose se passa pai-
iiblement, & les Romains ne purent refuser des marques d'estime & de
sidération, pour un homme à qui il ne manquoit que plus de modération con-
&
de douceur ; Car on convient qu'il étoit d'une probité à l'epreuve, & qu'il
bruloit de zéle pour le bien & l'honneur de la Republique; mais il choisissoit
mal les moïens pour les procurer.
-
La guerre du dehors succéda aux troubles doniefliques. Valerius LXXXII.
duisit les troupes contre les Eques ; il les mit en fuite & les obligea de se Guerre con-
sauver dans leur camp ; mais au moment qu'il se disposoit à les attaquer, contre les
y &
un orage survenu l'obligea à se retirer. Les Augures déclarèrent que les Dieux Eques, les
favorisoient les Eques, & Valerius ne jugea pas à propos de contredire les Sabins. contre
Devins. Il revint à Rome, aprés avoir fait le dégat dans le païs.
iEmilius se jetta dans le pays des Sabins, & comme ses troupes étoient
dispersées, & occupées au pillage, les Sabins l'attaquèrent & aprés rude'
combat qui dura depuis midy jusqu'au soir, chacun se retira dans son , un
Le lendemain les Sabiiis, aprés avoir enterré leurs morts se retirèrentcamp. dans
leur ville. Ainsi se termina cette campagne. ,
La suivante fut plus considerable. Les Eques aïant mis le feu à Lxxxm
un vil- Aulus Vir-
lage au voisinage de Rome, le nouveau Consul Virginius marcha contre ginius &T.
peuples; D'abord il donna dans une embuscade qu'ils lui avoient drenèe.mais Numicius ces
il s'en tira assez heureusement par la valeur de ses Soldats. Consuls.
Aprés cela les An de Ro.
Eques ne parurent plus dans la campagne.
L'autre Consul NumicÍus aprés avoir repoussé les Volsques dans leurs M. me 284. du
, 3540.
villes, alla se présenter devant Antium, la meilleure & la plus riche cité des avant J. C.
Volsques. Il ne se crut pas allez fort pou l'assiéger dans les formes, 460.
mais il Guerre
s attacha a son Faubourg nomme Cénon qui étoit situé sur la mer de Tosca-
& de , contre les
ne étoit rempli magazins & de marchandises comme étant le port £ques&lei
d Antium. Numicius força le Cénon, le pilla, le démolit, combla le
,
port & Volsques
& les Sa-
prit vingt deux galeres qui y étoient. bins.
Iom- 11. P1? Aprés
JD i0nys- Aprés ces expéditions les deux Consuls rassemblérent leurs armées &
Halicarn. marchèrent ensemble dans le païs des Sabins, d'où ils enlevèrent une gran-
J. 9. c. 16. de quantité de butin. Ils revinrent à Rome, & on y proceda à l'eleâion de
Tit. Liv.
nouveaux Consuls. Le peuple toujours attentif à ses propres intéréts, de-
j; 2.
manda l'exécution de la loy Cassia & refusa de se trouver aux Comices. Les
Patriciens sans s'en inquiéter , élurent avec leurs Cliens pour Consuls Titus
Quincrius qu'ils savoient être trés-agreable au peuple , & Quintus Servilius.
Celui-ci poursuivit & dissipa les Sabins qui étoient venus piller les terres de la
République jusqu'aux portes de Rome , mais qui ne parurent point en corps
d'armée; le Consul commit dans leur païs toutes sortes d'hostilitez & de ra-
vages.
LXXXIV Quindius s'avanca dans le pays des Volsques jusque prés d'Antium. Les
Tit. Quin- Volsques &lesEques réünis formoient une armée de beaucoup supérieure à la
ltiu5 &
Quintus sienne. Il ne laissà pas de leur livrer la bataille. Elle fut longue & sanglante,
Servilius & les Roiliains accablez par la multitude étoient sur le point de reculer, lors-
Consuls. que Quin&ius passant à l'une des ailes de son armée avec sa Cavalerie,cria à
An de Ro- ses
gens que l'autre aîle étoit viétorieuse, & en même tems mettant pied à
me 28J. du il tombe sur les Volsques & les met en déroute. Ce
M. H41. terre avec sa Cavalerie,
aile, & leur annonce la véritable
avant J C. stratagéme aïant réuni, il accourt l'autre
à
' 459- défaite des Volsques. Alors les Romains firent de nouveaux efforts & rom-
Dionys. 1.9. pirent les Eques. Aprés quoi il retira son armée fatiguée dans ion camp,& lui
c-17. 58- donna le loisir de se remettre de ses fatigues pendant une tréve de trois
Liv. 1. 2. ,
Guerre jours, qu'il accorda aux ennemis.
contre les Ils se servirent de ce délay pour ramasser de nouvelles troupes ; Il leur
Iques & en vint en si grand nombre qu'elles surpassoient de cinq fois celles des Ro-
les Sabins. ,
superiorité de leurs forces, elles invertirent le camp
mains. Se fiant sur la
des Romains, & se saisirent des défilez par où ils croïoient que ceux-ci se
retireroient. Il étoit minuit, lorsque l'on s'apperçut que le camp étoit inve-
fiL QUÍnétius sans se troubler, ordonna à ses Soldats de demeurer en repos
sans interrompre leur sommeil, & en même tems fit sortir du camp une trou-
de garde avancée & leur
pe d'Herniques Cavalerie & Infanterie,pour servir instrumens militaires, ,
joignit les trompettes, les tambours & autres avec or-
dre de sonner par intervalle, pour faire croire aux ennemis que l'armée Ro-
maine étoit sur pied. Par ce moïen il tint les ennemis en suspens & alertes
pendant toute la nuit.
Lorsqu'il fut jour , il sortit avec ses troupes toutes fraîches & reposees,
& mit alternent en fuite une armée harassée & mal disciplinée. Les ennemis
se sauvérent sur une éminence où ils se rangèrent en bataille. Les Romains
les poursuivirent jusqu'au pied de cette hauteur, où le Consul fit saire alte.
Le Soldat impatient demanda avec inrtance qu'on le InénÚt à l'ennemi, mé-
naçmt même d'y marcher de soi même, si on ne l'yconduisoit.Le Consul avec
montèrent avec
une répugnance feinte leur accorda ce qu'ils demaiidoient.Ils
intrépidité jusqu'à Li portée des traits;Mais ils se virent accueillis par une si
terrible grêle de dards & de cailloux , que l'aile gauche des Romains étoit
prête à lâcher le pied. Le Consul y vole & leur demande, où ert donc le
courage
courage avec lequel vous avez demandé de combattre? à ces mots ils font
de nouveaux efforts & arrivent à la cime de la montagne. Les ennemis ef-
frayez d'une telle hardiesse, prennent la fuite avec précipitation; On les pour-
suit, & on les mène battant jusqu'à leur camp, qui fut pris d'emblée & pillé.
De là Quinttius marche contre la ville d'Antium, & en forme le liège. LXXXV.
La garnison étoit- composée de Volsques & d'Eques, qui s'y étoient jettez. ville Prise de la
d'An-
Ces derniers prévoïant les dangers d'un siége, demandérent qu'on leur per- tium.
mit de se retirer ; Mais les Volsqueb le leur refusérent & les retinrent malgré
eux. Les Eques dissimulérent leur mécontentement,& résolurent de livrer la
ville aux Romains. Leur complot fut découvert,& les assiégez prirent le par-
ti de se rendre à composition. Ils stipulérent que les Eques sortiroient de la
place sans être insultez ni maltraittez & que les bourgeois d'Antium de-
,
meureroient dans leur ville avec une garnison Romaine ; Le Consul ajouta à
ccs conditions qu'ils fourniroient des vivres à son armée, & qu'ils payeroient
une certaine somme pour les srais de la guerre.Une campagne si glorieuse LXXXVI Tiberius
mérita l'honneur du triomphe à Quincrius.
L'année suivante les troubles pour le partage des champs continuèrent, /Emiiius
<&
Q^Fahui?
& le Sénat ne trouva point de meilleur expédient pour les faire cesser, que Consuls.
de partager aux plus pauvres les campagnes d'Antium, qui venoit d'être con- An de Ro-
quife, mais quand il futquestion d'y méner la Colonie, fort peu de Romains me 286. du
se présentérent, préférant le sejour de Rome où ils manquoient de beaucoup M. g142.
avant J. 6.
de choses, que de demeurer au loin, dans une plus grande abondance. 41g,
Les Consuls à l'ordinaire entrérent en campagne. Æn1ilius marcha con- Dion.)s.
tre les Sabins, & Fabius contre les Eques. Le premier ne fit rien de remar- Halicarn.
quable. Fabius reçut les Eques à compolition. Ils demeurèrent maîtres de leurs ¡..c.'i.60.
Liv. /.
villes & de leurs champs, mais sous la dependance de la République, & ils Partage3.
s'obligérent de fournir & d'entretenir des troupes auxiliaires dans le besoin. des cam-
Le peu d'égard que l'on eut pour les anciens habitans d'Antium, dans la pagnes
distribution de leurs champs, les mit dans la nécessité de se retirer ailleurs, & d'Antium.
Les Eques
de vivre de brigandages. Les uns se retirérent chez les Eques pour y trou- se sou met-
ver à vivre. D'autres se jettérent dans les campagnes des Latins & y exercé- tent aux
rent des brigandages. Les Latins en portèrent leurs plaintes à Rome & de- Romains.
Dlandérent,ou qu'on leur envoïât du secours, ou qu'on leur permît de pren- LXXXVll. Post-
dre les armes pour se défendre. Le Senat n'accorda nil'un ni l'autre mais Spur. humius &
,
il députa vers la nation des Eques,pour leur demander réparation du tort fait ÇhServilins
par les leurs, ou qu'ils les livrassent aux Romains pour en faire justice. Consuls.
Les Eques répondirent que les pilleries dont on se plaignoit, ne s'étoi- An de Ro-
me 287. du
ent pas faites par leurs ordres, & qu'ils ne pouvoient sans vio-ler le droit des M. H43.
gens, livrer des malheureux qui étoient venus chercher un azyle parmi eux. avant J. C.
Les Députez visitérent tout le pays des Eques, & aïant remarqué qu'ils faisoi- 4')7.
Dion."Is..
ent de grands préparatifs pour la guerre ils retournèrent à Rome & en ren- Ilalicarn.
dirent compte au Senat. Aullitôt on envoïa ,
leur dénoncer, qu'ils eussent à \ 9. c. 6o.
chasser les Antiates de leurs pays & à réparer les dommages faits dans le païs [,iv. 1.
Latin, si non qu'on leur déclaroit la guerre. Ils répondirent qu'ils préférai- Guerre3.
ent la guerre à l'esclavage. Le Consul Servilius se mit en campagne, mais la contre les
rp 2 mala- Eques.
maladie qui se mit dans son armée, l'empêcha de rien entreprendre. Il garda
feulement les Latins contre les pilleries des Eques & des Antiates.
LXXXVIII. La guerre se fit tout de bon l'année suivante. Les nouveaux Consuls
TitusQuîn- Quinctius & Fabius se mirent de bonne heure à la tête de leurs troupes.
&ius & Quindius demeura dans les campagnes de Rome afin de les mettre à cou-
Fabius ,
Consuls. vert. Fabius s'avança sur les terres des Eques. Ces peuples se campèrent à
-An de Ro- Algide ville située à 18. mille ou environ 6. lieues de Rome, Les deux Con-
me 288. du suls aïant réünis leurs forces, vinrent leur présenter la bataille. Il étoit déja
M. 3S'44..
un peu tard, un des Eques leur cria de. dessus les remparts : à demain matin.
avant J. C. 11
416. nous faut tout le jour, pour vous bien battre. L'insulte irrita les Romains.
Dicn.1J. Le lendemain de grand matin ils se rangérent en bataille. Les Eques en fi-
1. 9. e. 61. rent de même. On se battit de part & d'autre jusqu'à l'épuisement de leurs.
Guerre forces. Les Eques sortirent les premiers du champ de bataille;mais les Ro-
contre les mains avoient été si maltraittez, qu'ils n'osérent tenter un sécond combat.
Eques. y
Quelques troupes des Eques s'étant jettées dans les campagnes de Rome , y
répandirent la terreur; mais le Consul Fabius les aïant surpris dans une ein-
buscade qu'il leur dressa, leur tua bien du monde & reprit sur eux le butin,
qu'ils avoient enlevé. Ainsi se termina cette campagne. La même année le
Consul Quinftius fit le dénombrement du peuple Romain , qui étoit de cent
vingt quatre mille deux cent quinze Citoïells Romains en état de porter les
armes.
LXXXIX Les Eques & les Volsques s'étant réünis pour faire la guerre aux Ro.
AHiusPoU- mains, Furius
un des Consuls de l'année, fut envoïé contr'eux. Il se campa
humius & d'abord dans terrain commode & peu seiir; ensuite il choisit une si-
SpuriusFu- un peu
rius Con- tuation plus avantageuse,
où il ne laissa pas d'être attaqué par les ennemis. Il
suls. sortit de ses retranchemens, mais il fut battu & obligé d'y rentrer. L'armer
An de Ro- confédérée l'y assiégea, & il étoit en danger d'y être bientôt forcé, si Pofthu-
me 289. du mius son Collegue informé de l'extremité où il se trouvoit, n'eutenvoïéa sou
. M. SUS-
avant J. C. secours
Titus Quinétius, qui avoit été trois fois Consul.
.
4)'
Dio"s.
Cependant les ennemis pressoient vigoureusementl'attaque du camp des
Romains; Le Consul Furius, avec son frere Lucius Furius firent sur eux une
l.ç.c.ôz.C?- sortie, l'un
par une porte & l'autre par une autre, & les repoussérent.Le Con-
Guetre sul ne crut pas les devoir poursuivre;iiiais son frere emporté par son ardeur,
contre les les châtia jusqu'à leur camp, suivi seulement d'environ mille hommes.
EI1
Eques &les même tems les ennemis firent sortir sur lui cinq mille hommes de troupes fraî-
Volsques. ches, qui l'enveloppèrent & le taillèrent en piéces lui & les siens sans qu'il
,
en restât un seul. Le Consul qui étoit accouru au secours de san frere, sut
blessé dans le combat & obligé de se retirer.
Dez le lendemain ils commencèrent l'attaque du camp. Les Romains
s'y défendirent jusqu'au soir avec une valeur incroïable, sur le soir on aperçut
le secours que Quin&ius amenoit de Rome. A cette veuë les ennemis se re-
1 tirérent aussitôt dans leur camp; & comme leur armée étoit trés-nombreuse,
ils firent des détachemens pour aller faire le dégat sur les terres des Romains,
mais ils furent arrêtez par le Consul Polthumius, qui venoit avec une armée
au secours de son Collègue. 11 les battit & les dispersa. Les Eques & leurs
alliez
alliez n'eurent pas plutôt apris cette nouvelle que désespérant de pouvoir
,
réiiiter à toutes les forces de Rome, qui leur alloient tomber sur les bras ; ils
abbandonnérent leur camp, & se retirérent dans leurs villes.
On créa de nouveaux Consuls de fort bonne heure. Ils entrèrent en ex- XC.
ercice dez le premier jour d'Aoust. La peste se fit sentir dans la campagne & Pub. Servi-
dans la ville dez le commencement de Septembre. Elle attaquoit indifférem- lins P ri eus s

ment les hommes & les animaux. Nul âge & nulle condition n'en étoient Ebu & Lu ci us
tins
exemptes. Elle fit de si terribles ravages dans Rome que les fains ne suffi- Confllis.
sant plus à enterrer ou à brûler les morts, on les jettoit ,
par monceaux dans An de Ro-
le Tibre. On compta que la quatriéme partie des Senateurs, & la fleur de me 290. du
la jeunesse Romaine fut enlevée par ce Beau. M. 3 545. -

Les Eques & les Volsques ne manquèrent pas de se prévaloir des mal- avant J. C.
heurs de Rome. Ils commencèrent par attaquer les Herniques & les Latins Dion.y}: 454-
alliez des Romains. De là ils passérent dans les campagnes de Rome, & 5 1..c.67.6$.
fin vinrent se paner devant la ville même.
en- &c.
La désolation y étoit extrême.
Les deux Consuls étoient morts de la peste ; Les Tribuns étoient morts Tit.Liv.I.%
malades. Les Ediles prirent le commandement de ce qui restoit de person- ou Peice à Ro-
me.
nes en état de se défendre ; La ville étoit bien fortifiée, les ennemis ne sa- Guerre des
voient point ni assiéger une ville, ni demeurer longtems dans une même pla- Eques &
ce. Ils manquoient de provisions & ne vivoient que de pillages. Ilss'ennuïé.. des Vols-
rent bientôt de ne ne voir que des tours & des murailles. Ils abbandonné-' tre ques con-
Rome.
rent le siége de Rome & se retirérent à Tusculum, Les Herniques & les La-
tins qui amenoient quelques troupes au secours de Rome les attaquèrent
dans, leur route; mais ils furent battus & dispersez; ,
Malgré les pertes que la République avoit faites, elle mit sur pied dez le XC!.
commencenllllent de l'année suivante, une armée aussi forte que si elle n'eut L. Lucreti-
rien souffert. Jamais l'empressement ne fut plus giand s'enrôler. Les us Tricipi--
pour
vétérans mêmes renoncérent en cette occasion à leur privilège. On forma tinus & T,
deux armées consulaires, & une autre pour garder le dedans de la ville. Le Veturius
Geminus
Consul Lucretius fut destiné par le sort à combattre les Eques, & Veturius de- Coniuls.
voit attaquer les Volsques.; Mais ces deux nations aïant joint leurs forces, les An de Ro-
Lonluls pour les obliger de rentrer chacune dans son païs, portérent le me 291. du
y ra- M. H47.
vage Js le feu.
L armée des confédérez de son côté s'approcha de Rome, dans l'efpé- avant J. C.
4Q.
rance, ou de la surprendre ou de rapeller les deux Consuls, qui ravageoient Dionjs.
leur pais ; Mais aïant appris que la ville étoit en état de défense ils n'avan- Haticarn.
cèrent Pa:5,P , 1.9. €.79.80.
1 que Tusculum & le Consul Lucretius les aïant atteint,
leur livra bataille,
,, quoiqu'ils fussent, beaucoup superieurs en nombre. Une 8Viftoire 1. L.iv.l.%*
choie contribua beaucoup à la victoire que Lucretius remporta sur Ils contre les
eux;
virent quelques troupes qui descendoient d'une montagne voisine & ils Eques&les I
crurent que c etoit le ConsulVeturius qui venoit au secours de son Collégue.
, Volques.
La terreur s empara de leurs esprits, ils se mirent en fuite & regagnèrent leur
pais. Un dit que les deux peuples confédérez perdirent dans cette action
mille quatre cent soixante hommes, & qu'on leur fit doirzs cent cin-
quante prilonmers.
Quelque tems auparavant Veturius avoit remporté un avantage confi..
dérable contre les Volsques, qui avoient été laissez à la garde de leur propre
pays. Aprés cela les Consuls aïalilt réüni leurs forces, attaquérent & défirent
les Eques & les Volsques, qui étant revenus de leur fraïeur, avoient de
nou-
veau paru en campagne. Ainsi cette campagne fut une des plus glorieuses
qu'on eut veuë depuis longtems. On accorda l'honneur du triomphe à Lu-
cretius, & seulement celui de l'ovation à Veturius.
XCll. Pendant l'absence des Consuls le Tribun Terentius proposa au peuple
On propo- de réformer la forme des jugemens,,& de fixer les loys selon lesquelles à l'a-
fela loy venir les Consuls devroient rendre la justice
Terentia ; Car jusqu'alors Rome n'avoit
pour la ré.. point encore de code certain de ses .loys, & les Juges dans leurs dédiions ne
formation suivoient que les anciennes coutumes, certaines loys publiées sous les Roys,
des Juge- & ce que l'équité naturelle leur inspiroient. La remontrance du Tribun pa-
Diovs.l.x roissoit raisonnable, & sa réforme nécessaire ; Cependant les Patriciens s'y
mens.
Tit.Liv.1.3 opposérent, principalement à cause de l'absence des Consuls, n'étant pas ju-
ste d'attenter à leur autorité, & de limiter leur pouvoir, pendant qu'ils étoient
hors de Rome employez au service de la Republique.
XCII]. Après l'eleétion des nouveaux Consuls, on remit sur le tapis la loy Te-
Pub. Vo- rentia. Elle causa une infinité de mouvemens de la part des Tribuns pour
lumnius de la part des Patriciens pour la saire rejetter. On mit
Amintinius la faire recevoir &
& Servius tout en oeuvre de part & d'autre pourréunir dans ses veuës. On y interessa
Sulpitius la religion, on débita des prodiges, on consulta les livres des Sybilles. A la
Camerinus fin les Consuls ne trouvant point de meilleur moïen pour faire diversion, pu-
Consuls. bliérent qu'il étoit nécessaire de s'opposer entreprises des Eques & des
An de Ro- aux
Volsques. Ils voulurent faire les levées de Soldats à l'ordinaire ; mais ils
me 292. du
M. 3548, trouvèrent tant de résistance de la part des Tribuns & du peuple, qu'ils n'en
avant J. C. purent venir à bout. Les Tribuns de leur côté entreprirent de faire passer la
4j2. loy Terentia; mais les jeunes Patriciens mêlez dans les assemblées en empe-
Dionys.
choient la ledure. A la fin toutefois les Tribuns proposérent cette nouvelle
Halicarn.
, /.T.O. C. 1.2. loy conçuë en ces termes. Que le peuple qfJemblé en Comices chtijiffe dix hommes
Troubles d'un âge rneur, pour drejjer un Code de Loys qui serviront de régie, tant pour le gouverne-
dans Ro.. ment de la République que pour le jugement des affaires particulières. Qiie ces loys jvient
me à l'oc- affichées dans la place publique, pour y avoir recours dans toutes les affaires qui surviendront
casson de
la loy Te- dans l\qme.
rentia. On indiqua un jour pour recevoir cette loy. Les Senateurs par desde-
lays afsectez &par de longues harangues détournoient le peuple de donner
ses suffrages à cette nouvelle loy. Les Consuls agirent auprés des Tribuns
& des principaux citoïens pour les détourner de cette entreprise. Les jeu-
nes Patriciens écartoient la populace des assemblées. Cœso Quinftius jeune
Patricien d'une noblesse & d'une valeur distinguées, éloquent , d'une taille
avantageuse, d'un esprit ardent, hardi, entreprenant, soutenu des corps de la
Noblesse, se distinguoit parmi ceux qui s'opposoient à la loy Terentia. Les
Tribuns jurèrent sa perte,persuadés que , tant qu'il vivroit, ils ne viendraient
pas à bout de faire passer la loy, qu'ils avoient tant à coeur. Virginius un
des Tribuns se déclara son accusateur : Il avança que Cœso avoit maltraitté
divers
divers particuliers & empéché quelqu'assemblées juridiques. Les accusati-
,
ons étoient assez prouvées par des actions publiques & connuës de tout le
monde.
Cœso demanda d'être entendu devant les Consuls, & refusa de répon- XCIV.
dre devant les Tribuns. Quinctius son Pere parla pour lui,& rejetta sur sa Accusation
jeunesse les fautes dont on l'accusoit. Le grand Quinflius qui avoit été trois Cœfo\ contre
fois Consul, & qui étoit proche parent de l'accusé, les Consuls Furius & Lu- Quinotius.
cretius prirent sa défense, & relevérent ses grandes qualitez & les services qu'il Il se retire
avoit rendus à 'a Republique. Le Tribun Virginius renversa tout cela par Volsques. chez les
un discours qu'il fit au peuple, dans lequel il accusa indirectement Quinâius Diony[.
le Pere, d'avoir connivé aux délordres & aux excés de son fils, puis il pro- Haliearn.
duisit un certain Volscius qui avoit été Tribun, & qu'il avoit suborné pour ac- l.x.c.
cuser Cœso d'avoir mis à mort dans la débauche un de ses freres & de l'a- &C.LÎV.Ï.3*
,
voir lui-même blessé dangereusement. Cette accusation fit impression sur
l'esprit du peuple, peu s'en fallut qu'il ne lapidât Cœso. Les Tribuns remi-
rent son jugement à une autre assemblée, & pour le garantir de la prison il
it
fallut que dix bourgeois se rendissent cautions, qu'il seprésentero en person-
ne au jour marqué, sous peine de trois mille as d'airain.
Dez-la nuit sui vante Cœso sortit de Rome & se retira chez les Volsques;
n'aïant pas comparu au jour assigné, son Pere fut obligé de païer la somine
de trois mille as, ce qui le reduisit à aller cultiver un champ qu'il avoit au de-
la du Tibre, contenant environ quatre jours, réduit à loger sous une chau- 1
mière & à vivre dans l'obscurité & dans l'indigence.
Ni laretraite de Cœso, ni le danger qu'il avoit couru, n'arrétérentle zèl'c
des Patriciens pour empêcher que la loy Terentia ne fut recuë. Toute l'au-
torité des Tribuns & l'empressement du peuple, ne la purent faire passer. Ils
y trouvèrent toûjours pendant tout le cours de cette année dans toutes les
assemblées, des obstacles insurmontables : Ce qui leur faisoit dire
Que Dour
un Cœso ils en retrouvoient mille.
L'année sui vante les Tribuns continuérent leurs mouvemens, pour faire xcv.
passer la loy Terentia. Le peuple n'entroit plus avec autant de vivacité L. Valerius
qu'autrefois dans leur passion ; Les Patriciens au lieu des voies de violence Poplicola
& de hauteur emploïoient celles de l'insinuation & de l'hollnéteté pour le Claudius & Ca'ius
,
détacher des Tribuns. Ceux-ci étoient continuellement ensemble, pour Gonfuls.
con- -
certer les moïens de faire réussir leurs projets. Ils apostérent un étranger,qui An du Ro-
vint un jour dans la place où ils étoient ensemble leur rendre des lettres. me 293. du
,
La surprisè qu'ils firent paroître en les lisant, & le silence qu'ils affeftérent aprés M. J.G.
les avoir lues, firent juger qu'elles contenoient quelque découverte impor- avant
4)1.
tante. On sema des bruits parmi le peuple que Cœso à la tête des Volsques Dion.,,!}:
marchoit contre la ville & qu'à l'aide des intelligences qu'il y avoit, il se Halicarn.
,
flattait de s'en rendre maître; 1.10.C..
d'autres disoient qu'il n'étoit passotti de Rome, seq.
& qu'il y avoit formé une dangereuse conspiration ; Chacun en parloit à sa Fourberie Liv.l.;
manière ; tout étoit plein de soupçons & d'inquiétudes. desTribuns
Cependant les Tribuns allèrent chez les Consuls & les prièrent de faire pour faire
assembler le Sénat. On y lut les lettres qui ayoient été rendues recevoir la
aux Tribuns. loy Teren-
Elles tia.
Elles portaient que Cœso avec plusieurs troupes d'Eques & de Volsques, de-
voieut entrer dans la ville inconnu, & égorger les Tribuns dans demandait leurs mai-
sons Les Senateurs furent dabord embarassez , parce qu'on leur
réponse prompte & précise ; Mais le ConsulClaudius pénétrant l'artifice
une

XCVI.
créance..
des Tribuns, fit entendre à la compagnie, que ces prétenduës lettres étoient
supposées & une invention des Tribuns pour animer le peuple contre les
Patriciens., En effet, on découvrit bientôt la calomnie, & les plus sensez n'y
ajoutèrent point de
Ces brouïlleries intestines n'étoient que trop connuës aux ennemis des
Entreprise Romains. Un nommé Herdonius natif du païs des Sabins, résolut d'en profi-
d'Hérdo- ville, & d'y établir sa domination. Il comptoit ur
ter pour s'emparer de la
nius con- les Romains mécontens, sur les esclaves accablez par leurs maîtres, & lur les
tre la ville Eques & les Volsques anciens ennemis des Romains. Aïant donc ramalie
de Rome. ses esclaves, il les
J)ionyf environ quatre mille hommes, tant de ses Cliens que deconduisit
Jialicarn. embarqua la nuit sur le Tibre , entra dans Rome & les au pied du
J.X. c. 14. Capitole, où il avoit toujours une porte qui ne se fermoit ni nuit ni jour.
&c. y
i[ î.
Herdonius monta au Capitole & s'en empara, aussi bien que de la montagne
prochaine, apparemment le Quirinal. S'étant jetté dans les maisons vaHines,
dans la con-
il y mit .à mort tout ce qu'il rencontra. Au bruit toute la ville est Les
fuiion & crie aux armes, sans lavoir précisément ce que c'est. Confiils
^
travaillent inutilement à'rassurer les eiprits, l'epouvante est.générale & s aug-
de garde dans les principaux
mente à chaque moment. Ils placent des corpsbourgeois, dont on le défie le
polies de la ville & distribuent des armes aux
in^e ses
jour découvrit l'ennemi qui étoit dans Rome , & qui par toutes les
nromeffes & ses instances ne put engager ni les bourgeois mécontens , m
esclaves à entrer dans son parti : Les Consuls
assemblerent le peup e pour
l'exhorter à chasser l'ennetui,qui s'étoit empare du Capitole. Les Tribuns au
contraire l'exhortoient à tenir ferme & à ne rien entreprendre, que les Con..
LeLon-
fuls ne les affurassent avec ferment que la loyTerentia serait recuë. secours
l'ul Claudius conseilla au Senat de le passer du peuple ; que Ons ion
les Patriciens aidez de leurs Cliens & de leurs esclaves, qui s pourraient af-
franchir, pourraient chasser Herdonius ; Mais Valerius Poplicola foil Collé-
fut d'avis de parler au peuple ; & de ramener les esprits échauffez ; Il le
gue
frânsportaen la place publique , & sa présence aussi bien que son d.lcours
l'effet qu'il attendoit Le peuple se radoucit, ne parla plus de la loy
firent ;
Terentia ; Mais la nuit qui approchoit ne permit pas qu'on attaquât Herdo-
& au dehors, & au point
nius. Toute la nuit on fit bonne garde au dedans
XCVll du jour on vit des troupes qui s'avançoientbientôt en bataille du côté de Rome; On
Prise du crut dabord que c'étoit des ennemis; mais on fut détrompé. C étoit
Capitole Lucius Mamilius Gouverneur de Tusculûm , qui aïant apris le péril des R
sur Herdo' mains, étoit accouru à leur secours sans être mande.
pms. Mort jour fut procéda aux enrolemens des Soldats, & la
du Consul Dez pTssa
que le venu, on
beaucoup de tranquilité. Le Çonsul Valerius lut charge
Valerius chose se avec
& d'Her- d'attaquer le Capitole, & Claudius eut charge de sortrr en camp
donius. luettre
mettre la ville àcouvert du côté des étrangers. L'attaque du Capitole etoit
périlleuse. 11 falloit monter sur une montagne escarpée,& dont les ennemis
occupoient les avenuës & bordoient le circuit, pour la defendre à coups de
traits & en roulant de grosses pierres. Les bourgeois,dont les maisons étaient
voisines du Capitole, lançoient par la fronde contre les Sabins des pots pleins
d'huile bouillante & de bitume enflammé, pour écarter l'ennemi qui parois-
soic. Les Soldats avec le pic & le hoïau formèrent des sentiers dans le ro-
cher, & remplirent avec des fascines de sarmens les creux par où il falloit
monter. On fut trois jours à se frayer un chemin pour arriver à la cime de
la montagne. Alors l'ennemi avoit épuisé ses traits, & accablé de fatigue, il
ne combattoit plus avec la même vigueur.
L'armée Romaine emporta donc le rempart; Alors Herdonius & les siens
n'aïant plus de ressource que dans leur valeur & leur désespoir, combattirent
avec un courage incroïable. Dez le premier choc le Consul Valerius futbles-
sé sans toutefois cesser de combattre que quand epuisé par la perte de son
,
sang, il tomba mort auprés de Volumnius, qui avoit été Consul, & qui aïant
couvert son corps, prit sit place, & commanda l'année Romaine. Herdo-
nius se défendit assèz longtems, & ne succomba qu'après avoir tué un grand
nombre de Romains. Ceux qui l'avoient suivi, ou se précipitérent à bas du
Capitole, où se percérent de leurs armes. Ceux qui furent pris, furent mis
à mort, chacun selon le genre du suplice, qui convenoit à sa condition. Après
s'être ainsi délivré de ces ennemis, on expia le Temple de Jupiter Capitolin,
& on songea à frire les obséques du Consul Valerius. Le peuple Romain y
contribua libéralement, chaque Citoïen aïant jetté dans la maison du mort la
quatrième partie d'un as, on quatre onces de cuivre.
Rome ne fut pas plutôt délivrée de cet ennemi domestique qu'elle re- XCViiî.
nouvella ses instances pour obtenir la publication de la loy Terentia,
, que le Nouveaux
Consul Valerius avoit fait espérer au peuple avant l'attaque du Capitole. -Le troubles
Consul Claudius eluda tant qu'il put leurs demandes ; à- la fin aïant épuisé dansRorne.
tous ses prétextes, il demanda qu'on procédât avant toutes choses à l'éledion Quinctius
d'un nouveau Consul. Le Senat qui avoit toujours beaucoup de part à ces Cincinna-
élections, fit tomber le choix sur Quinaius Cincinnatus Pere de Quindius sul. tus Con-
Cœso, qui s'étoit volontairement banni de Rome, ainsi qu'on l'a veu. Onen- Dion. I. ro.
voïa quérir ce vénérable Senateur dans sa chaumiere, & on eut assez de peine cap. 17. 1S.
à l'en tirer. C'étoit dans le mois de Décembre & dans le tems des semail- Liv. 1. 3.
les. Il regrettait de ne pouvoir achever d'ensemencer ses terres, & de pour.
voir par là à l'entretien de sa famille.
Il sut reçu à Rome avec jcïe par le Sénat ; Mais les Tribuns du peuple
furent déconcertez de le voir à la tête de la Republique, avec un autre Con-
iu!, dont la roideur & le courage leur étoient connus. Quincrius se plaignit
au Senat, du Senat même qui avoit laisse prendre trop d'ascendant aux Tri-
buns. Qu'il falloit mener le peuple contre les ennemis du dehors si l'on
vouloit conserver la trlnquilité au dedans ; En même tems il ordonna aux,
Soldats enrôlez sous Valerius, de se rendre le lendemain à Regille. Les
Tribuns voulurent retarder leur départ & ils eurent en effet le credit de le
,
faire différer de quelques jours; mais enfin ils obéïrent en vertu du serment
qu'ils avoient fait à Valerius, que Quinttius Cincinnatus remplaçoit. En mê-
me tems on répandit parmy le peuple que l'on avoit fait partir les Augures
pour préparer le lieu de l'assemblée pour les Comices , que les Consuls y fe-
raient annuller toutes les loys portées par les Tribuns depuis quelques an-
nées; qu'il falloit créer un Didateur pour contenir le peuple.
XClX. Les Tribuns allarmez allérent accompagnez d'une troupe de peuple »

Les Tri- Ca?itole, où le Sénat s'aiïembloit alors. 11 n'y au


^
blins s'en- prières eut sorte de soumissions &de
qu'ils n'eluploiaffent pour détourner ce coup ; Après bien des su-
gagent de
lie pas pro- plications le Consul Quindius Cincinnatus de l'avis du Sénat, promit que le
poier de peuple n'iroit pas en campagne & fit aussi promettre aux Tribuns que de
,
toute l'an- toute l'année on ne proposeroit point la loy Terentia.
née la loy arrêta,
&1 même tems on
Terentia. que ni les Consuls ni les Tribuns ne seroient pas continuez au delà de
leur année. Quinâius fit plus, pour ôter au peuple jusqu'au pretexte de
demander la loy Terentia, il se donna tout entier à juger les affaires des par-
ticuliers & il le fit avec tant de bonté & d'équité ; que les Romains en
,
étoient charmez & avoüoient que si tous les Consuls en vouloient user de
même, il seroit inutile de parler de la loy Terentia.
Quand il fut question de choisir de nouveaux Tribuns ceux qui I'a-
voient été l'année précédente, & qui avoient consenti à l'ordonnance ,
du Se-
nat, qui défendait qu'ils ne fussent continuez,, ne lain'érent pas par leurs intri-
gues de se faire continuer. Le Senat voulut de même saire continuer les
Consuls ; Mais Quinéhus s'y opposa fortement & aprés avoir glorieusement
rempli le Consulat, se retira à la campagne, pour y vivre comme auparavant
dans la retraite.
C.
Les nouveaux Consuls furent Fabius Vibulanus & Cornélius Malugi-

& Luc.
Fabiiiïi-nenfîs.
Vibulanus tium s'étoit donnée a
Les Eques & les Volsques avoient pris les armes, & la ville d'An-
eux. Les Levées furent un peu retardées par les oppo-
sissons des Tribuns, mais à la fin on forma deux armées dont l'une qui fut
Cornelius. donnée à Fabius, étoit composée de Soldats Romains & des ,
Malugi- troupes auxiliai-
n en fis res des Herniques & des Volsques ; Elle sut destinée à marcher contre les
Consuls. ennemis. L'autre armée sous le commandement du Consul Cornélius de-
An (le Ro- meura dans le territoire de Rome, pour le mettre à couvert des courses, des
me 294.<h Eques.
1
M 3550.
avant J. C
Fabius s'approcha du camp des Volsques avant la jonction des Eques,
450. & l'attaqua avec tant de vigueur qu'il l'emporta d'assaut, tailla en piéces ceux
Viétoire d<: qui firent résistance, fit poursuivre par sa Cavalerie ceux qui prirent la'fuite:
Fabius 11 n'en seroit relié que bien peu sans une forét où les fuïards se jetté-
contre les ,
Volsques. rent. .
])ion.1s. Les Eques plus accoutumez à piller qu'à combattre, se jettérent de nuit
JJ<?7?carM. dans la ville de Tusculum & y égorgérent tout ce qu'ils y rencontrérent
I.X. c.20. d'hommes capables de se défendre. ,
Quelqu'uns se sauvérent & vinrent an-
21.
CL noncer à Rome le désastre de leur patrie. Les femmes & les entans périrent
Prise de par le fer, ou furent reduits en esclavage. Tout cela en haine du secours
Tu[cubm qu'ils avoient donné aux Romains dans l'aSake d'Herdjonius. Le ConsUl
par lcs> Cor-
Cornélius n'étoit pas assez fort pour attaquer les Eques. Il demanda de nou- Eques, Fa-
velles levées, qui lui furent refusées par les Tribuns, à moins qu'il ne con- bius re-
prend Tu-
sentit à la loy Terentia. Ainsi il fallut que Fabius songeât seul à venger Tu- iculum.
fculum. Il accourut avec une promtitude extrême, & aïant partagé sonJlr-
niée en deux corps, il en donna un à ceux de Tusculum, afin de leur aider
à rentrer dans leur ville ; il alla avec l'autre pour attaquer le camp desEques;
Mais ils ne l'attendirent pas. Ils allérent joindre les Volsques dans les défilez
du mont Algide.
11 retourna donc joindre le reste de son armée, qui étoit devant Tuscu-
lum. Comme la place étoit forte d'assiéte & défendue par une grosse garni-
ion d'Eques, il ne put la réduire par la force ; Mais en aïant exadement fait
garder toutes les avenues, il la réduisit bientôt à une extréme famine qui ob-
ligea les Eques à capituler. Il leur accorda la vie -mais à condition qu'ils
pafleroient sous le joug. C'étoit une peine militaire, ,
dans laquelle-les Sol-
dats vaincus passoient nuds & sans armes, sous une pique suportée aux deux
bouts par deux autres piques fichées en terre ; ou sous une solive ou autre
piéce de bois passée en travers au dessus de deux autres piéces de bois fichées
en terre.
De là Fabius partit sur le soir, & aïant marché toute la nuit, arriva au CIL
point du jour dans une campagne.où les Eques & les Volsques réunis étoient Défaite des
couchez sins armes, sans fossez & la plupart encore endormis. Le Consul Volsques
Fabius,
à la tête de sa Cavalerie fondit sur eux, & en tua un si grand nombre, qu'on par l'riCe
dit qti'il* n'en rechapa pas un seul ; il rendit la liberté aux prisonniers qu'ils tt'Aiititirn
avoit fait à Tusculum, puis retournant dans le païs des Volsques, il les obli- par le Con-
gea de lui abbandonner la campagne, & de se sauver dans la ville d'Ecétre, suI lius.
Corné-
qui étoit la première de leur nation. DiortyC.
Le Consul Cornelius voïant l'enneini eloigné de la ville de Rome, mar- 7. ¿,Y. c. ai.
cha contre Antium. Déja les Eques & les Volsques avoient ramassè une ar- Liv.
mée qu'il trouva en campagne. Il la battit & la dissipa. Puis s'étant aproché
d'Antium, & voïant que les Antiates ne paroissoient point, il permit à ses
Soldats de saire le dégat dans leurs campagnes. Tout d'un coup ils ouvrirent
leurs portes & se présentérent en bataille, mais ils furent aisément repoussez.
Le Consul y fit en même tems donner l'escalade & enfoncer les portes le
bélier, &se renditainsi maître de la place ; L'or, l'argent, le bronze qu'en par
y trouva, furent envoïez à Rome, &'remis entre les mains de ceux qui etoient
chargez du trésor public. On vendit de même les esclaves au profit de la
République. Tout le reste du butin fut abbandonné au Soldat. * Les
Auteurs de la revolte eûrent la tête tranchée aprés avoir souffert la peine du
fouët dans la place publique. Les Eques reçurent ,
la loy du vainqueur & se
sournirent aux Romains.
Cependant les Tribuns toujours entetez pour faire recevoir la loy Te-
rentia,croïoient que les Consuls ne différoient de raméner l'armée à Rome, CI]1.
que pour en empécher la réception ; En même tems on découvrit que Vol- Découver-
fcius, qui avoit accusé Quindius Cœso d'avoir tué son frere, & qui étoit te de la
aduellement un des Tribuns du- peuple, étoit un Calomniateur. On démon- fausseté du
meurtre
.
dont Vol- troit que ce frere n'étoit point sorti de son lit pendant toute une maladie de-
scius accu- langueur qu'il avoit euë, & qui avoit été longue ; Et que Coef'o dans le tems
foit Quin- qu'on l'accusoit d'avoir tué cet homme, étoit à la guerre & n'étoit point rC'n-
élius Cœ[o. tré dans la ville. Les Questeurs l'acculèrent devant le peuple; Mais les Tri-
buns ses Collègues eludérent la chose , & l'examen de l'acculation fut dif-
féré.
Les deux Consuls furent reçus à Rome avec des marques d'honneur
extraordinaires & furent honorez du triomphe. Avant que de quitter leur
dignité, ils firent le dénombrement du peuple Romain , qui étoit de cent
trente deux mille quatre cent dix neuf citoïens Romains , non compris les
femmes, les enfans, les esclaves & les plus vils Artisans, c'en: le dixième lu-
stre depuis son établissement sous le Roy Servius.
CIV; Les nouveaux Consuls Nautius & Minutius trouvèrent ces deux affaires
C. Nautius commencées, celle de la loy Terentia, & celle de l'accusation de Volicius-
& L. Minu- Aprés bien des contestations il fut convenu que pendant
tius Con- contre Coel,-O.
,
su.!s. deux mois les Tribuns qui s'étoient fait continuer dans le Tribunal., lailleroient
An de Ro aux Consuls l'examen de la loy Terentia , & qu'après cela ils abbandonne-
nie 29j. du roient la cause de Volscius aux suffrages du peuple.
M. 3 ççl. Pendcint ces contestations les Eques aïant à leur tête un nomméCluilius,
avant J. C. se jettérent dans les terres des Latins & firent le dégat dans le territoire de
449.
JD iovys. Tusculuiii.. Les Romains s'en plaignirent : Cluilius repondit qu'il n'avoit
Jïalicarn fait aucun tort aux Romains, ni violé les traittez faits ;>vec eux, mais que
1.X. C.22. nulle puissance ne pouvoit les empêcher de se faire juitice contre les Tuscu-
2 3.&C.. lans ; Que si vous demandez que nous saisons réparation à tous ceux de Tufculum des
L:v. L 3,
torts prétendus que nous leurs avons faits , ce chêne vous répondra pour m,,y , Ilrlrrj]ez
DOUS à lui.
Il avoit sa tente sous ce chêne , sélon Tite Live ; seLon Denys
d'Halycarnaiïe il montra un hêtre qui étoit là-auprés, & leur dit; qu'ils pou-
voient lui parler, que pour lui il n'avoit rien à leur repondre. Un des dépu-
tez de Rome lui repartit :- Ouy ce chêne & tous les Dieux seront témoins.
& veiigeurede vôtre infidélité à observer vos sermens. En même tems ils re-
tournèrent à Rome , & rendirent compte de la manière dont Cluilius les.
avoit reçus..
Auili-tôt on leva deux armées ; l'une fut confiée au Consul Nautius, qui
devoit marcher contre les Sabins ; L'autre à Minutius , destiné à réprimer
les Eques. Ce dernier vint camper proche d'Algide en présence de Cluilius ;
Mais il n'osa en venir aux mains. Il se tint enfermé dans son camp. Clui-
lius feignit de le craindre, & aïant décampé le premier, il engagea l'armée
Romaine qui le suivit dans un vallon environné de montagnes, où il n'y avoit.
ni
ni fourage vivres. Cluilius s'étant emparé de tous les défilez qui conduirai-
ent à la vallée,les Eques harcélérent le Conlul, & l'attaquèrent à diverses re-
prises : Il repoussit toujours leurs attaques ; Mais quand il voulut tenter de
sor tir de ce pas, il trouva les défilez si bien gardez , qu'il fut obligé de de-
meurer dans son camp , exposé à y périr defaim, ou a'. se rendre à diserétion
a,ur ennemis..
Quel-
Quelques Cavaliers de l'armée de Minutius s'étantechapez-, portèrent à cr:'
Rome la nouvelle du danger où étoit l'année de Minutius. Le seul expédient Cincinna- 0.uindius,
qu'on trouva pour le dégager, fut de créer un Didateur, & sur le champ tus ,Di da-
on nomma pour cette dignité Quindius Cincinnatus, qui vivoit toujours teur.
dans son champ au delà dulibre.On lui envoïa des députez de la République An de Ro-
295. die
pour lui annoncer le choix du peuple Romain. Ils étoient précédez de 24. me M. 5551.
Licteurs avec leurs haches & leurs faisceaux. Un Officier lui apportait l'ha-
quantité avajit J. C.
bit de pourpre, marque de sa dignité souveraine, & on lui aménoit 449.'.
de chevaux pour son usage & pour ceux de sa suite. Cincinnatus travailloit JDionyf.
à lors presque nud à son champ avec la femme Racilie. Il envoïa cher- Maiicarn.-I
cher son habit dans sa chaumiere, pour recevoir avec plus de décence les dé- IX-24.c.24.
,

putez de Rome. Tit. LivJ*V


Vêtu plus décemment, il demanda en quel état étoient les affaires. On
lui répondit que dans l'extrémité où elles se trouvoient, on avoit jetté les
yeux sur lui pour les rétablir en qualité de Dictateur. Il se revêtit des habits
de cette nouvelle dignité, & s'étant embarqué sur le Tibre, il se rendit in-
continent à Rome, d'où son champ n'étoit pas éloigné. Ses trois fils le re-
çurent sur le bord à son arrivée , la plupart des Sénateurs & tous ses amis le
conduisent dans la ville, où il entra en cérémonie aux acclamations du peu-
ple. Arrivé à la place publique, il harangua le peuple & le rassura. Le len--
demain de grand matin il se choisit un Général de Cavalerie qui fut Lucius
Tarquitius, homme dé condition, mais si peu accommodé, que jusqu'alors.
il n'avoit servi qu'à pied. Quinctius qui savoit son mérite fut ravi de le ti-
l'obscurité ,
rer de ou son indigence le retenoit.
Etnilite on fit les levées pour l'armée, tant des. Citoïens qui demeuroient:
dans R 0111e, que de ceux qui étoient à la campagne ; même des alliez Le:
Dictateur leur ordonne de le trouver le même jour avant le coucher du So-
leil au champ de Mars, aïant chacun des vivres pour cinq jours & des pieux:
pour faire des pallissades. Il ordonna aux Vétérans de cuire le pain pour
l'usage des jeunes soldats, & permit à ceux-ci de couper du bois par tout
où ils en trouveroient. On se mit en marche à l'entrée de la nuit, & le Dicta-
teur ne cessoit d'exhorter les siens à se hâter, disant que la victoire dans cette,
circonstance dépendoit de leur promtitude. Elle fut si extraordinaire, qJJe;
l'armée Romaine arriva prés d'Algide sur le minuit.-
Quinctius commença par se rendre maître deshauteurs qui' environnoi- art
ent le camp des Eques, pour leur ôter toute espérance- de secours., Ensuite Défaite des.;
il alla luy-même à la découverte, pour voir la disposition du camp des enne- Eqires; U&
mis. Enfin l'aïant investi de toutes parts, il fit jetter un grand cri par toute font con...
son armée, pour avertir Minutius qu'il lui étoit venu du iecours.. Mmutn& fiader damner ai
sau&
lui répondit de même, & sans différer, les deux armées Romaines chacune. ejpug..
de son côté commencèrent l'attaque des Eques ; Le Didateur fit alors uiage'
des pieux que ses Soldats avoient aportez & forma au tour -du. camp d'es-E'ques»
une circonvallation munie de tours- d'espace en espace , & leur ferma toute's;
voies de se retirer. Cluilius & les siens se défendirent assèz longtems avec
beaucoup de vigueur 1 mais se voïant pris de tous CÓtez"ils furent obligez
de céder.' Cluilius envoïa faire ses soûmissions; le Consul le renvoya auDî-
dateur, & le Dictateur au Consul, pour humilier sa fierté ; enfin le Dictateur
ordonna qu'on lui amenât Cluilius enchainé avec les principaux Chefs de
leurs troupes, & les Auteurs de leur revolte.Il condamna tous les Equesàpas-
ser sous le joug, & la ville de Corbion fut abbandonnée au pillage, en repré-
sailles de ce qui avoit été fait à Tusculum.
CVII. Le Consul Minutius fut déposé, & réduit à la qualité de simple Lieute-
Trioimvhe nant Général de l'armée du Dictateur. Les Soldats de son armée n'eluent
de Cincin- point de part butin pris sur l'ennemi; Ils ne laissérent pas de reconnoitre
natus.
au
le service que le Didateur leur avoit rendu, en lui offrant une couronne d'or,
comme à leur Libérateur. Cincinnatus entra dans Rome en triomphe, pré-
cédé des deux armées, de celle de Minutius & de la tienne, le Général des
Eques enchaîné, & leurs Principaux Officiers chargez de colliers semblables
à ceux qu'on donne aux boeufs, accompagnoient le char du triomphe. On
voïoit devant toutes les maisons des tables chargées derafraichi1semens pour
les Soldats victorieux. Le char de Cincinnatus étoit suivi de 111usiciens, qui
chantoient des airs de triomphe, & de bouffons qui divertiflsoient les speéta-
teurs. Dans cette cérémonie on rendit justice à Lucius Mamilius , qui étoit
venu de son propre mouvement au secours de Kome,lorsqueHerdonius s'em-
para du Capitole. Le Dictateur le créa Citoïen Romain, ~

en//. Cette glorieuse expédition se termina en seize jours, & la Dictature du-
Le Calom. roit ordinairement six mois. Cincinnatus vouloit abdiquer aussitôt après Ion
niateur
Volscius
triomphe, & se retirer dans sa campagne ; mais ses amis lui persuadérent de
est con- jl1ftifier auparavant son fils Cœso , de l'accusation formée contre lui parle
damné au Tribun Volscius. Il fit donc assembler les Curies, & par les suffrages du
banniÍse- peuple Volscius fut condamné à la peine du talion, c'est-à-dire à l'exil, com-
ment. il l'avoic fait souffrir à Cœso. Il fut relégué à Lavijiium. Aprés cela rien
me
ne put retenir Cincinnatus à la ville. Il réfuta constamment des héritages
qu'on lui offrit dans les pays conquis, & des esclaves qu'il avoit pris sur les
ennemis. Content de son petit champ & de la médiocrité de sa fortune , il
se retira avec empressement à la campagne, pour continuer a y vivre du tra-
vail de ses mains.
Le Consul Nautius étoit entre dans le païs des Sabins, & après divers
petits combats,où il eut toujours l'avantage, il fit le dégat dans tout leur païs,
& les réduisit à demeurer en repos. Fabius qui avoit pris le commandement
de l'armée du DiCtateur, étoit dans le païs des Eques, & les contenoit dans le
devoir. Tels furent les succés de cette campagne.
CLY. Les Consuls de l'année suivante furent Horatius Pulvillus & Minutius Au-
Caïus Ho- gurinus. Les Tribuns malgré les arrêts du Sénat, furent continuez pour une
ratius Pul- cinquième année, & par une insolence incroïable, ils rappellérent Volscius
villus & charge. La loy Terentia fut encore un prétex-
Minutius de ion exil & le remirent en
Augurinu5 te de nouvelles brouïlleries ; mais la nouvelle qu'on reçut de la prise de Cor-
Consuls. bion, où les Eques avoient égorgé la garnison Romaine, & le lacagement
An de Ro- de la ville d'Ortone dans le païs Latin dont les mêmes ennemis avoient
me 296. du egorgé tous les hommes en âge de porter, les armes, & réduit tout le reste
M. 3H2.
eil
en esclavage ; D'un autre côté on aprit que les Sabins s'étoient rendus maî- avant J.. C.
tres de tout le territoire de Rome, depuis Cruftumes jusqu'à Fidenes. Ces 448.
DiorJyJ:
r.ouvelles firent oublier la loyTerentia, pour songer à des affaires plus sé- X. c. 26
/.
rieuses. On résolut de faire les levées ordinaires, & d'en composer deux ar- Liv.l. 3-
mées. Mais les Tribuns s'y opposérent, à moins qu'on ne leur passât la loy CX.
Terentia, ou du moins qu'on n'augmentât le nombre des Tribuns. Aprés On permet
bien des délibérations & des discours , il fut enfin accordé par un arrét du au peuple
d'élire des
Sena^qu'à l'avenir le peuple pourroit elire jusqu'à dix Tribuns, mais à con- Tribuns au
dition qu'ils ne pourroient être continuez au dela d'une année. La chose nombre de
fut mise en exécution & aussitot on procéda à faire les levées des trou- dix.
,
pes.
Le Consul Minutius fut envoie avéc une armée contre les Sabins, & Ho-
ratius ion Collégue contre les Eques. Les Sabins s'étoient retirez dans leurs
villes & avoientabbandonné leurs campagnes à l'armée Romaine. Les Eques
prélentérent la bataille à Horatius prés d'Algide; Ils furent mis en déroute,&
le Consul reprit sur eux les villes de Corbion & d'Ortone.
Aprés cela les Consuls raménérent leurs armées à Rome & on leur
,
donna pour successeurs Valerius Laétucinus, & Virginius Tricostus Magi- CXI.
, M.Valerius
sh ats trop foibles pour tenir contre les innovations continuelles des Tribuns,
Lafàucinus
qui entreprirent cette année de faire à l'avenir assembler le Sénat à leur vo- & Sp. Vir-
lonté. Jusqu'alors ce droit étoit réservé aux seuls Consuls. Icilius PUE des ginius Tri-
Tribuns demanda aux Consuls un grand emplacement sur le mont Aventin, costus
aiin d'y bâtir des maisons pour les bourgeois. Les Consuls ne voulant pas Consuls.
leur accorder ce terrain, trainoient la chose en longueur. Alors Icilius en- An de Ro- dis
Appariteur ConÍhls me 297.
vola un aux pour les sommer de convoquer le Sénat sans M. 35 53.
dekiy. Les Consuls offensez de cette hardiesse, firent maltraitter l'appariteur. avant J. C..
Les Tribuns par represailles arrêtèrent un Lideur des Consuls,& faillirent de 447-
le faire condamner par le peuple à être précipité à bas du Capitole.Les Con- Dionys.
suls essaïéreiit de mettre la division dans le Collége des Tribuns moïen qui Halïcarn*
1.X. c. 3i.
,
leur avoit souvent réüssi dans des affaires difficiles ; mais les Tribuns y avoi- 32. Liv.l.;.
ent pourveu, en convenant entr'eux, que ce qui auroit été décidé dans leur Troubles
compagnie à la pluralité des voix, seroit tenu pour arreté & invariable. Il pour la
fallut que les principauxSénateurs s'emploïaiTentpour faire relâcher leLiéteur, loy Icilia»
Les Tri-
& qu'on accordât enfin aux Tribuns le droit de faire convoquer le Senat, buns obti-
quand il leur plairoit. ennent
Alors les Tribuns firent agréer au Senat quatre loys qu'ils a voient dref- qu'ils fe-
sées. 1,0 Que tout particulier sera maintenu en possession d'un emplacement l'ont af-
sembler le
qu'il aura acquis. 2.0 Qu'on restituera au public un terrain qu'on aura usurpé Sénat à
sur lui. 3.0 Qu'on païera aux entrepreneurs les bâtimens qu'ils aurontfaits.? leur vo-
sur le prix qui fera estimé par les arbitres. 4.0 Que tout terrain apartenant lonté.
au public , & qui n'dt point encore occupé, fera gratuitement diitribué au
peuple. TeHe fut la loy Icilia, qu'on grava sur le bronze, & qu'on dépoli
-dans 'e Temple de Diane situé sur le mont aventiii. Cette année se passa
sans guerre au dehors.
L'année
VXll L'année suivante fut encore plus tumultueuse que la précédente , parles "
"Titus Ro- brouïlleries que les Tribuns causérent pour faire passer la loy Terentia, qu'ils
mititis,& avoient toûjours en veuë. Les Consuls pour faire diversion, ordonnèrent des
Caius Ve- levées, & ils les firent faire avec tant de sévérité, qu'ils ne voulurent pas que
.tu ri nus
Consuls. personne ne fut exempt, & qu'ils firent même maltraiter & emprisonnerplu-
An de Ro- sieurs citoïens, qui refusoient de donner
leurs noms. Ces violences causérent
me 298. du un terrible mouvement parmi le peuple, Les Tribuns ranimèrent encore
M. gîi4- par leurs harangues. Le peuple s'écria qu'il falloit citer les Consuls devant
avant J. C. le Tribunal des Curies. Les Consuls refutérent de comparoître. Les Tri-
446.
DionyJ. buns en portérent leurs plaintes au Senat, qui se trouva par hazard assemblé.
Halicarn. Les Consuls furent obligez de faire leur Apologie. L'assemblée fut remise
/.X. c. 33. à un autre jour & cependant les Tribuns tirent ajourner les Consuls h
34. &c. comparoître dans, 27. jours c'est-à-dire au troisiéme jour de marché sui-
Liv. 1. 3. ,
vant.
Mais ref1échiITànt sur la vivacité de leurs démarches,ils désistéreiit de l'ajourne-
CXIIL bien pardonner aux
Discours ment donné aux Consuls , & déclarèrent qu'ils vouloient
de Sicinius Consuls les injures personelles qu'ils enavoientreçuës, mais qu'ils ne pouvoient
Dentatus abbandonner les intérêts du peuple. Que depuis longues années on deman-
pour la loy doit inutilement l'établissement de deux loys, toutes deux trés-equitables &
Agraria.
très-utiles à la République , savoir la loy Agraria, pour le partage des terres
coliquises, & la loy Terentia , pour la décision uniforme des procès. Le
peuple fut prié de dire son sentiment. Plusieurs parlèrent avec force, sur-
tout pour la loy Agraria i mais personne ne le fit avec plus de force que Si-
cinnius Dentatus.
Depuis quarante ans il portaitles armes pour le service de la Républi-
que. Il s'étoit trouvé à plus de six vingtderrière adions, il avoit reçu quarante cinq
blessures toutes par devant, & nulle par ; En un seul combat, il fut
blessé jusqu'à douze fois ; Il avoit gagné quatorze couronnes Civiques, pour
avoir conservé la vie à autant de citoïens, une couronne obsidid11ale gagnée
dans un siége, trois murales pour avoir le premier monté sur les murs d'une
ville. Les Généraux pour recompense de sa valeur lui avoient donné vingt
trois colliers, soixante bralselets, dix huit lances, & vingt cinq harnois pour
des chevaux de batailles. Après ce détail, il conclut que le peuple Romain
devoit pas balancer à demander vivement l'exécution des promesses si sou-
ne les ennemis,
vant reïtérées, de partager aux citoïens les champs conquis sur
& à resister avec vigueur à ceux des Patriciens qui voudroient s'y opposer,
qui avoient tout le profit de ces conquêtes, & le peuple seulement la
eux
peine & le danger. Ainsi les Tribuns indiquèrent pour le lendemain des
comices, où l'on devoit arréter la loy & en faire la publication.
Les Consuls de concert avec les Senateurs, réÍolurent de mettre tout en
' CXIV. Patriciens leurs amis & leurs Cliens se
Les Patri- oeuvre pour l'empêcher. Les avec
ciens em- rendirent de bonne heure à la place publique,
dans le dessein de troubler les
pêchent 1 Tribuns, lorsqu'ils parleraient au peuple.
1; Ceux-ci en usérent de meme a
réception proportion
envers les Consuls. Dez qu'ils voulurent parler , on les inter-
.de la loy les put entendre. Apres bien des al-
Agçaria. luu,rltrompit & on fit tant de bruit qu'on ne
tercations,
tercations, les Tribuns firent part3ger le peuple par tribus, afin de donner ses
ftiffrages. Les jeunes Patriciens, sans manquer de resped pour la personne
des Tribuns, écartoient le peuple, renversoient les corbeilles où l'on rece-
voit les suffrages, & firent tant que la loy ne passa point. Ceux qui se distiii--
guérent le plus dans cette mélée, furent les Poithumius, les Sempronius &
les CIœlius, noms illustres dans Rome. Ils furent citez pour répondre sur
ks violences qu'ils avoient commises. Ils ne comparurent point, mais leurs
biens furent confisquez; Le corps des Patriciens se cottisa, pour les rachet.
ter, & cette déférence des nobles calma pour quelque tems la tempéte exci-
tée par les Tribuns.
Mais sur les nouvelles qu'on apprit que les Eques avoient fait le dégat cxv.
filans les campagnes de Tusculum, & étoient disposez à faire le siége de cette Guerre
ville, les Consulsvoulurent faire les levées de troupes ordinaires pour le se- contre les
cours des Tufculans , ces fidéles alliez des Romains ; Les Tribuns y forme- -Eques.
rent de grandes difficultez ; les Patriciens seuls avec leurs Cliens résolurent
de marcher contre les Eques, invitant néanmoins les Plebeïens de bonne vo-
lonté, de sejoindre à eux. Plusieurs de ces derniers s'enrolérent volontai-
rement, moins par considération pour les Consuls que par affe&ion pour
les TufcuLns. Sicinius Dentatus, dont on a parlé, ,voulut être de la partie,
avec un corps de huit cent Vétérans qui le suivirent. L'armée des Consuls
n'étoit pas fort nombreuse mais elle étoit composée de gens d'elite. Les
Eques ne l'attendirent pas en ,
rase campagne ; Ils se retirérent sur un rocher
eicarpé prés d'Algide.
Les Consuls les y suivirent & se campérent- prés de là. L'armée des CXVI.-
Eques était superieure en nombre, l'inaction dans laquelle demeura pendant Relie
quelque tems l'armée Romaine, fut priie pour un effet de timidité. Les Eques aCtion de
lui f liaient insulte les attaquant lorsqu'ils étoient obligez de mener leurs Sicinius
chevaux à l'eau ou, qu'ils sortoient pour quelqu'autre chose. Le jour du Dentatus*
Consul Romilius, étant venu, il résolut de leur livrer bataille. Il exhorta
le br ive Sicinius à grimper avec sa troupe sur le rocher, où étoit assis le
des Eques, & fendant qu'il combattroit dans la plaine, de s'en camp
emparer, Si-
cinius s'en excusa sur l'impoffibiiité del'entreprise,n'y aïant qu'un sentierpour
y monter, où une poignée de gens pouvoit arréter une armée entiére. Alors
le Consul lui dit avec un air moqueur, qu'il y avoit bien de la différence
tre exécuter une entreprise périlleuse, & faire parade de sa proiiesse & de ses
en-
blessures devant une populace insolente & mutinée contre la noblelTe.
Sicinius sentit vivement le reproche du Consul, & sins se déconcerter,
il exhorta sa troupe a le suivre. Au lieu de suivre le sentier qui conduisoit
au champ des Eques, il tourna autour de la montagne, & aÏantpar hazard
rencontré un païsan, qui les conduisit sur une hauteur qui dominoit le
des ennemis, il remarqua que tous les Soldats qui étoient demeurez à la gardecamp
de ce camp, étoient tournez du côté de la plaine où se donnoit le combat,
t.out occupez de ce spectacle, sans songer à défendre leur camp qu'ils croïoi-
eut bien en seureté. Sicinius se rendit donc aisément maître du camp, &
m'int en même tems attaqué les Eques sectateurs du combat, il les mit
en
déroute. Ils se jettérent dans le sentier qui descendoit dans la plaine où la
plupart furent taillez en pièces. Sicinius & les liens étant descendus, se joig-
nirent à leurs concitoïens, qui combattoient, & contribuérent beaucoup au
gain de la bataille. Les Eques y perdirent tant dans le combat, que dans la
fuite, plus de sept mille hommes.
Sicinius doublement vidorieux remonta avec sa troupe sur la croupe du
CX VIL
Sicinius efl rocher , & lans vouloir profiter du butin qu'il y trouva, il tua les esclaves &
cause les bestiaux qui s'y rencontrèrent, mit le feu aux tentes, & consuma par l eF,
qu'on flammes tout ce dont il auroit pu s'enrichir lui & les liens, & retourna à
n'accorde
le Tri- Rome longtems avant les Consuls, dans le dessèin d'empêcher qu'on ne leur
pas En effet Sicinius parla au peuple
omphe aux décernât les honneurs du triomphe.
Consuls. d'une maniere si pathétique, que le Senat même n'osa proposer le triomphe
pour les Consuls. Pour Sicinius, le peuple le combla d'honneurs & le nom-
ma Tribun aux premiers comices.
CXfTIlI. Il n'en demeura pas là. Il entreprit l'année suivante de faire condamner
Spur. Tar- les Consuls Romilius & Veturius, &de faire passer la loy TcrentiJ. 11 réilili'!t
peius, & dans l'un & dans l'autre. Romilius fut acculé & convaincu d'avoir abusé de
Aulus JE-
ternius son autorité, pour exposer Sicinius & les liens à une mort certaine, unique-
Consuls. ment, parce qu'ils étoient Plébeïens & opposez à son parti. Malgré l'inter-
An de Ro- vention des deux Consuls de l'année présente, & les empressemens du Sénat,
me 299. du Romilius fut condamné à une amende de dix mille as d'erain. Son Collègue
M. 3iiî. quelques jours après, quoique moins coupable en apparence, fut
avant J. C. Veturius
44ç- condamné à quinze mille as.
DionyJ. Les nouveaux Consuls Tarpeïus & jeternius intimidez par cet exemple»
Halicam. renoncérent à la qualité de Chess de la faction Patricienne & se rangèrent
,
i. IO. c.48.
du parti du peuple. Dez les premiers comices qui suivirent, ils firent paf--
449.Ée)c.
Liv.I.3. ser une loy infiniment avantageuse au Tribunat. Autre lois Valerius Popii-
Condam- cola avoit ordonné que quiconque réMeroit aux Magitlrats, c^lt à dire aux
nation des Consuls dans les fonctions de leurs charges païeroit une amende de cinq
deux Con- boeufs & de deux moutons; Les deux nouveaux , Consuls renouvellérent cet-
fuIs Romi- Tribuns & augmentèrent l'amende; Au lieu de cinq
litis & Ve- te loy, l'étendirent aux
turius. boeufs ils en mirent trente ; chaque boeuf étoit estimé à cent as d'erain, &
chaque mouton à dix as.
CXIX. Sicinius entreprit ensuite de faire passer la loy Terentia , & de faire re-
La loy Te cevoir dans la République un code de loys , qui
serviroit de règle atre
rentia est Consuls dans leurs jugemens. Il présenta pour cela sa requéte au Sénat. On
enfin re- s'attendoit que le ConÍul Romilius, qui venoit d'être condamné à une amen-
çue. On de considérable, seroit très-contraire ; Il opina à donner cette satisfadion au
députe en y
Grèce peuple, & d'envoïer au plutost en Grèce, pour y transcrire les loys des plus
pour en sages Législateurs. Son avis fut approuvé par les deux Coiisuls, de l'année,
raporter & pa-r le plus grand nombre de Senateurs. A ce moment se fit la réconcilia-
les 10ys.
tion de Romilius & du Tribun Sicinius. Ce dernier fit l'eloge du Consul, &
lui remit l'amende à laquelle il avoit été condamné. Romilius ne voulut pas
profiter de cette remise , ni revendiquer ce qui étoit consacré aux Dieux;
destinées à des. oeuvres de Re-
car les amendes pécuniaires étaient. toujours,
ligion.. lie:
On ne différa pas de faire partir les députez pour la Gréce. Ils étoient
dU nombre de trois , savoir Servius Poithumius , Aulus Manlius, & Servius
Sulpitius. Ils avoient ordre de raporter à Rome les loys de Dracon de
Solon & des autres Législateurs de la Grèce, & d'oolerver les moeurs &, la
police des principales villes de ce païs-là.
La paix succéda à tous les troubles si souvent renouveliez à l'occasion de CXX.
la loy Terentia. Mais la peste qui survint, y causa des maux incroïables. On Sext. Qnirt-
& Publ.
n'avoit rien veu de semblable depuis la fondation de Rome. Prés de. la moi- til. Horatius
tié du peuple & présque tous les esclaves y périrent. La puanteur de l'air Consuls.
& l'infedion des cadavres qu'on jettoit dans le Tibre, y causérent une in- An de Ro-
se,qion qui fit naître des maladies aussi dangereuses que la peste. De la me ?oo.du
,
ville le mauvais air passa à la campagne, & emporta une infinité d'hommes & M. 3H6. J. G.
d'animaux, ce qui fut cause que les campagnes demeurèrent incultes. Delà avant 444.
la famine & l'indigence à la ville & aux champs. Le Consul Quintilius fut em- Dionys.Ha.
porté de la maladie, aussi bien que Spurius Furius qui avoit été nommé en sa lican]. /. 10.
place. Quatre Tribuns du peuple ; Le Grand Prêtre Servius Cornélius, & c.Liv. 5 3- Ï4.
Horatius Pulvillus Augur furent envelopez dans ce malheue commun. En Peste/.à3.Ro-
,
vain on recourut aux Dieux, aux expiations & aux sacrifices. Le vrai Dieu au- me.
teur de ces fleaux n'en fut que plus irrité. Les ennemis de Rome ne furent
pas épargnez ; Ce qui fut cause qu'ils ne purent rien entreprendre contre la
République affoiblie. CXXl.
L'année suivante mit fin à la peste, & les soins qu'on prit de faire venir Pnbl. Se-
d'ailleurs des blés à Rome, y rétablirent l'abondance. Les députez en même ftius & T.
tems , raportérent de la Gréce des mémoires pour composer le code des 'Menenius Consuls.
loys, qu'on avoit recherchées avec tant d'empressement. Les Tribuns de- An de
mandèrent au Senat qu'il lui plut nommer dix Commissaires pour composer me 300.Ro- du
les tables des loys, conformément aux mémoires aportez de la Grèce. Les M. H)'7-
Consuls s'en excusérent sur le peu de tems qui leur restoit à demeurer avant J. C.
en
charge. En effet on élut pour l'année suivante Appius Claudius, & Titus 44?. des
Gemecius Consuls. Retour
Députez
Ces deux Magnats dans l'espérance d'être mis à la tête des Decemvirs, en Grèce.
qu'on devoit choiiir pour former le code des loys, opinèrent dans le Sénat CXX IL
pour donner cette satisfac'tion aux Tribuns & au peuple & leur avis l'em- Appius Claudius &
,
porta, sur quelques Senateurs qui étoient d'avis qu'on n'innovât rien dans le Titus Ge.
gouvernement ni dans les jugemens i Mais quand il fut question de choi- mecius
1is les Decemvirs, il eut contestation entre la noblesse & les Plébeïens; Ceux- Consuls.
ci demandant qu'on en prît quelqu'uns de leur corps. Les Patriciens l'em- An de Ro-
portérent, & l'on choisit d'abord pour Decemvirs les deux Consuls de l'an- me 202. du
née, Claudius & Gemecius. On leur donna pour associez Sestius, Posthu- M. avant J. C.
mius, Servius Sulpicius, Aulus Manlius, Titus Romilius, Caïus Julius Iulus
Titus Vetufius, & Publius Horatius, tous Consulaires ou des plus illustres ex Il r. x
442.

familles de Rome. Les deux Consuls de l'année se démirent du Consulat, & Decemvirs
créez à
toute l'administration de la République tomba sur les Decemvirs. Ils se me pourRo-
partagérent la matiere des loys & chacun travailla en son particulier, à ce rédiger les
,
qui lui étoit échu. Quant à l'autorité, elle résidoit dans un seul pendant dix loys apor-
Rr 2 tées deGré-
jours, ce.
jours, & passoit ainsi successivementde dix jours à autres, à chacun des De-
cemvirs. *
Avant la fin de l'année chacun d'eux présenta au peuple la portion des

PIm. U 3 4.
ç. 3. Strabo loys dont
il étoit chargé. On allure qu'ils furent aidez par un certain Her-
/. 14. Ca. modore natif d'Ephése qui exilé de sa patrie , se trouva par hazard à Rome,
trou. Hiss. Il expliqua en langue latine ce que les Decemvirs n'entendoient pas bien en
Rom. 1. Grec ; car alors cette langue étoit peu connuë à Rome. Comme ces loys
fixoient le droit & la 111an;.:re, dont les juges devoient décider les difficultés
qui se présentoient sur toutes sortes de matières, le peuple les reçut avec un
aplaudissement général. On les fit graver d'abord sur des ais de chêne, &
chacun les lût & y fit ses réflexions. Elles ne furent fixées & arrêtées, qu'après
que tout le peuple les eut agréées & corrigées; Enfin le Senat les approuva';t
& le peuple fut convoqué pour leur donner le dernier degré d'autorité en les
acceptant. ' -
cxxiv. acceptées d'un commun consentement, puis gra-
<
Elles furent en effet
Les dix tab- vées sur des Colomnes d'erain, & rJngées:dans la place publique, pour y
les desloys besoin; Les Decemvirs, sur tout Appius Claudius, qui
Romaines avoir recours 4ans le
gravées.sur avoient envie de proroger leur employ & leur autorité, obtinrent
aisément
le bronze. cette prorogation & du Sénat & du peuple, sous prétexte qu'il restoit encore
quelque chose à ajouter aux dix tables. Il fut donc question de choilir des
Decemvirs. Ceux qui étoient en place, briguaient hautement pour y être
continuez ; D'autres Senateurs ambitionnoient d'être admis dans ce nombre
de A,I-,,iyistrats , qui gouvernoient souverainement la République. Appius
Claudius en avoit plus d'envie qu'aucun autre, quoiqu'il aifectat les airs du
contraire. Ses Collégues résolus de l'exclure, le nommèrent comme le plus
jeune pour présider aux Comices. C'étoit à lui comme Président de pro-
poser au peuple les sujets propres à être élus. Il étoit sans exemple qu'au-
Président se fut nommé lui même, Appius ne laissa pas, aprés avoir don-
cun
né Peyclufîon aux plus dignes sujets, & en particulier à ses neuf ,COllé,>Ues,
de se proposer & de se faire nommer avec neuf autres nouveaux, dont trois
étoient PLébeïens, & cinq Patriciens peu connus ; Il n'y eut que Q. Fabius,
mérita l'approbation générale du public, 6c que l 'on jugea digne du rang
qui
qu'il occupait. „ ^
exxv.
-
n,
Appius prit un tel ascendant sur tous ses Co'ilu'glies., qu il régloit tout a,
Création sa volonté & lorsque le 15. de May de l'an 303. de Rome , les Decemvirs
des nouve-
parurent
,
pour la première fois en public avec les marques de leur dignité, on
aux De. fut sort surpris de les voir précédez chacun de douze Liâeurs, avec les haches
cemvirs.
jyionyf' & les faisceaux ; Appareil que l'on n'avoit pas veu à Rome depuis les Roys.
lla/icarn. Ils suffirent sur des Tribunaux différens pour rendre la justice ; Mais ce lut
1.10. c. 69.
avec une hauteur & une cruauté qui fit gémir tous les bons citoïens- Les
70. ($c' loys étoient l11éprifées) les plus grands crimes trouvoient l'impunité auprés
jCii1. /• 3 *
d
eux, & souvent une parole, un geite étoient punis comme de grands cri-
m es
L'étonnement encore bien plus grand, lorsque sur la fin de année-
^ '
! ' sut 1

s'aperçut que les Decemvirs ne parlaient jîDiat. d'aflcmbler les Comc.es*


on
pour procéder à l'élection de nouveaux Magistrats. Le peuple alors Gon-r-
inença à ouvrir les yeux, & à se repentir d'avoit témoigné tant d'ardeur pour
la loy Terentia & pour changer l'ancien gouvernement. Ils comprirent
,
clairement que leur unique ressource étoit dans les Patriciens, dont ils avoient
il sourent méprisé les remontrances & les conseils.
Enfin le jour des Ides de May, c'est-à dire le 1). de ce mois étant venu-j CXXVL-
lesDecemvirsproposèrent au peuple deux nouvelles tables des loys Romaines Les douze:
tables desi
qui furent ajoutées aux dix premières , & qui formèrent le code des douze loys Ro...
tables, si vantées dans l'antiquité. Il est surprenant qu'une chose de cette mairies
conieguence & d'un usage si fréquent & si général, ne soit néanmoinspas sunt fixées
venue jusqu'à nous, & qu'aucun des auteurs anciens qui nous ressent, ne les vées. & approu-
ait rapporté de suite & dans leur entier. 11 est vrai que quelques savans en
vo,iez- h F„
ont recueïlli les fragmens dans les anciens Jurisconsultes, & en ont formé Catrou.
un assemblage assez assorti, mais toute fois peu certain; du moins est-il trés- Hist. Rom.-
douteux que nous aïons tout ce qui étoit contenu dans les douze tables. Tom. c-,.-
Les Decëmvirs ne parlèrent point de nouvelle élection & se maintin- p. 218.
CXXVIl.IL
rent dans leur employ. Le peuple n'avoit le
pas courage de s'y opposer, & Les De-
les Patriciens quoiqu'indignez contre les Decemvirs, n'étoient pas fachéz de cemvirs
voir les Plébeïens humiliez & réduits en une éspéce d'esclavage. La jeunesse continuez.,.
Patricienne pour jouïr d'une plus grande liberté, & pour avoir l'impunité de An de Ro-
leurs désordres, s'étoient attachez aux Decemvirs, & leur aidoient à oppri- M. me 304, dit--
3550.
mer les riches & à les dépouïller de leurs biens. Les Sénateurs & les prin- avant J. C...
cipaux citoïens de Rome pour se soustraire à tant de violences & d'inju- 440.
,
itices, se retirérent dans le païs des Herniques & des Latins alliez du peuple DionyJ.
Romain. Halicarn.
Les Eques & les Sabins anciens ennemis de la République, crurent avoir l.\ r. c. 1. z'-
Liv,. 1. 3
trouvé la conjoncture propre à se venger des Romains. Ils se jettérent cha- -

cun d;.' leur côté sur les terres des Romains ou de leurs alliez. Les Eques se
répandirent du cote de luiculum, & le camperent près d'Algide. Les Sa...
buis ravagèrent le territoire de Rome, & portérent leur butin à Créte ; Ils
campèrent à Régille, qui n'étoit qu'environ à 7. lieuës de Rome. On voïoit
arriver de toutes parts des envoyez aux Décemvirs, pour leur annoncer les
dégatsfaits par les ennemis, & pour demander un prompt secours.
Dans l'embarras où ils se trouvérent, ils convoquèrent le Sénat, appel- cxxvim.
lent les Senateurs par leurs noms. Mais au jour marqué, nul ne parut dans- Guerre
la laie. On envoïa des Licteurs dans les maisons. contre les;
On leur répondit que Eques &
les Senateurs étoient à la campagne. On les fit citer de se trouver à Rome, les Sabius»»
& en effet ils s'y rendirent en plus grand nombre qu'on n'auroit voulu, bien,
disposez à rétablir le gouvernement Consulaire. Il y eut de grandes dispu-
tes entre les jeunes Senateurs & les Decemvirs, & peu s'en fallut que Vale-
ri Ils & Horatius n'usassent de voïe de feit pour chasser les Decemvirs de:
l'aiicmblée, les dépouiller de leur dignité & même les précipiter, du Capito-.
le comme des Tyrans. On en revint aux opinions ; On proposa avant tou-
tes choses de faire les enrolemens nécessaires dans le danger présent. D'au-
tres opinèrent qu'auparavant il ialloit déposer lesDe.cemvir& &. élire, des Con»
suis. Aprés bien des contestations très-vives, il fut conclu au'on procéderoit
aux enrolemens. On les fit avec assez de facilité , & on leva dix Légions.
On en donna deux à Appius qui devoit demeurer dans la ville, pour conte-
nir le peuple dans le devoir. Quintus Fabius avec deux de les Collègues,
prit trois Légions & marcha contre les Sabins ; Marcus Cornélius avec qua-
tre autres Decemvirs, à la tête de cinq Légions, furent envoyez contre les
Eques. Les troupes auxiliaires des Herniques & des Latins, n'étoient pas in-
férieures en nombre à celles des Romains, le brave Sicinius avec les huit cent
Vétérans suivit Ci Fabius.
CXXlX. Ce Général vint camper proche de la ville d'Erete ; Mais ses troupes peu
Sicinius est affeaionées se débandérent insensiblement& se retirèrent dans l e païs K onl,-Ii il
airafiïné Crustume, où Fabius fut obligé de venir camper. Le vaillant Sicinius,
par les vers
de qui n'étoit que volontaire, voïant que Fabius n'avoit ni l'e£1il11e ni la confi-
gens
Fabius. ance des troupes, se retira à Rome avec les siens, & y parla librementAppius & Ql1
Dion.yJ. peu de soumission des troupes, & du peu d'e capacité du Général.
Halicarn. qui étoit resté dans Rome fit venir Sicinius, & lui dit de lui parler confi-
I.X1. C.25. , déguisa
Sicinius lui rien & lui exposa les fautes du Gêner..!,
26. Liv.l.i. deinnient. ne
aussi bien que celles du Soldat. Appius lui proposa de retourner à l'armée,
pour servir de Conseil à Fabius. En même tems ilIlle crée Lieutenant Géné-
ral des armées & l'envoïe au camp de Crustume. y est reçu avec des mar-
11 parle à Fabius avec la
ques extraordinaires d'estime & de bienveillance. qu'il conviendroit de faire
même candeur, qu'il avoit fait à Appius ; Il lui dit
dépens de
rentrer l'année dans le païs des Sabins, pour l'y faire subsister auxd'aller
l'ennemi. Fabius feint d'aprouver ce conseil, & prie Sicinius à la
découverte, pour trouver un endroit propre à camper. Il accepta la com-
mission, & au milieu de la nuit il part à chevil, à cause de son grand âge,
accompagné de cent piétons a qui Fabius avoit donné ordre de le tuer, quand
ils en auroient Poccaiion. Sicinius n'avoit à lui qu'un seul valet homme de
courage & de confiance. ,
Lors-donc qu'il fut arrivé dans un chemin pierreux & serre, ou un Ca-
valier ne pouvait s'echaper ni à droite ni à gauche, l'elcorte commença à
vouloir enveloper Sicinius. Son valet s'en aperçut & en avertit son maître.
Celui-ci descend de cheval, & étant monté sur un tertre à côté du chemin, se
met en défense avec son domestique. Il fit des prodiges de valeur; Quinze
de ces aggresseurs furent renversez par terre ; plus de trente furent blessez.
Les autres n'osant plus combattre de prés, les accablèrent à coups de pierres,
puis retournèrent au camp & publièrent qu'aïant été attaquez par un parti de
Sabins, Sicinius y avoit été tué avec quelques Soldats Romains.
L'armée de Fabius en armes sortit du camp pour aller prendre le corps
de ce Heros. On renlarqua que nul Sabin n'avoit été tué sur la place, que
les Romains mis à mort n'avoient pas été dépouillez, que tous ces Romains
avoient le visage tourné contre lui, que Sicinius étoit encore revétu de ses
habits. Tous ces indices augmentèrent le soupçon qu'il avoit été assassine
par ses propres troupes. On en demanda jultice a Fabius, qui chercha
des détours pour différer l'affaire, disant que la chore ne devoit. être jugée
qu a
qu'à Rome, aprés le retour de l'armée. Elle y retourna quelque tems apréss
lans avoir fait aucune entreprise contre les Sabins.
Les troupes qu'on avÉrit envoyées contre les Eques, ne s'aquittérent pas
mieux de leur devoir. Le Général se défiant de leur fidélité les tenoit ren";
fermées dans son camp. S'il envoïoit quelques partis contre ,
les ennemis,
c'étoit d'ordinaire de ceux qui s'étoient déclarez contre le Decemvirat &
qu'on exposoit exprés au danger pour les faire périr par la main des Eques. ,
Ceux-ci tentant leur supériorité, vinrent attaquer le camp de Cornelius & le
forcèrent. Les Romains furent contraints d'abbandonner leur bagage & de
le retirer à Tusculum.
Pendant que les armées Romaines au dehors laissoient prendre sur elles
l'ascendant par leurs ennemis, Appius mettoit tout en cxxx.
oeuvre pour corrom- Histoire de
pre une jeune fille nomme Virginie., dont il etoit devenu eperdument amou- Virginie
reux. Il lui fit faire de riches présens & sans déclarer son nom, il lui fit dire que le De-
que celui qui témoignoit tant de paillon pour elle, étoit en état de fiire à cemvir Appius
Ion gré beaucoup de bien, ou beaucoup de nlal. Comme tous
lui réüsfifloient ces moïens veut cor-
ne point,il prit le parti de faire accuser Virginie,disant qu'elle rompre.
etoit une esclave qui s'étoit enfuie de chez son maître. Marcus Claudius Tit. Liv.l.@
confident d'Appius, saisit la jeune personne comme elle étoit 'dans l'école & DionyJ.
la traduisit devant le juge, qui étoit prêt d'ajuger Virginie à Claudius Halicarn.
Ion esClave fugitive. Le peuple qui étoit présent, s'écria qu'il falloit comme
1-Xl. c.2fl.
donner,ap. 30. {1c..
le tems aux parens dela fille de se défendre. Appius ne put refuser une
demande si juste. Il accorda quelques jours de délay à Numitorius Oncle
de la fille, qui étoit chargé de ion éducation, & qui la tenoit chez lui ^

dant l'ablence de Lucius Virginius Pere de Virginie, lequel étoit dans l'armée pen-
de Cornélius.
Au jour marqué Numitorius comparut accompagné d'Icilius, à
qui Vir- cxxxi:
ginie étoit promise, & d'un grand nombre des plus notables Plébéiens qui Appius a-
^

prenoient sa ddenie & qui connoissoient parsaitement la famille de Virgi.. , juge Viroi-
nius : Claudius soutenu par Appius parla, & soutint que la] niere de Virginie nie à Clau1-
etoit une esclave de son Pere laquelle avoit livré son ensant à la Mere de ditis com-
Virginie, qui la nourrit pour sa, fille, & le persuada à Virginius son me ion
pere pré- Esclave..
tendu. Numitorius répliqua avec chaleur, & demanda
le retour de Virginius Pere de la fille ou qu'on attendit
, ou qu'on le rapellât de l'armée &:
qu en attendant on laissat la fille entre les mains de son tuteur. ,
Appius sans avoir égard à ces demandes,
prononça que Virginie serait:
îemiie entre les mains de Claudius, qui donneroit caution de la représenter
au retour du Pere. L'assemblée, sur .tout les femmes qui étoient présentes,- se-
recriérent contre une telle décision. Icilius futur Epoux de Virginie s'a!-
dedu les h"? ' malgré -e.$ L'aeu^ qui veulent l'éloigner, & ménacant- ,
porterenlever v-0 aux Enderniéres extrén1itez si l'on veut user de violence
Qaudiul ^ rpVrglv!e" -
pour ,
tems le peuple écarte les LiSeurs, chane
Claudius & retire Virginie de ses mains. Appius aïant fait faire silence,
noncequeInain£cédant auxlpriéresde Claudius, il permet pro--
que Virginie sait remife-
entre les mains de son oncle, & qu 'on rapelle. VirgjniU84 ducamp
pour conr-
l?ata1-
paraître le lendemain & défendre l'état de sa fille pretenduë. Il avoit fait
partir un Courier pour prier Cornelius de ne pas permettre à Virginius de
retourner à Rome ; mais les envoyez de Numitorius ou d'icilius le prévin-
exxxu rent, Toute & Virginius revint à tems.
Virginius la ville avoit pris part au malheur de Virginie. Son Pere & son
de prendre leur dé-
Fere de futur Epoux conjuroient tous ceux qu'ils rencontroient,
Virginie re- sense & de s'opposer à l'indigne passion du Decemvir. Les Dames Romaines
vient à Ro- s'y intéressérent avec vivacité & imploroient le secours des loys & du peu-
me pour
défendre ple pour la défense d'une Innocente.
Appius se rendit dans la pll:ee publi-
sa fille. & aïant placé son tribunal, il fit paroitre les parties. Claudius parla S:
que,
produisit des témoins subornez. Virginius répliqua & produiiit a ion tour
d'autres témoins de la grossessè de sa femme Numitoria ; des femmes paren-
à ses couches, qu'elle avoit nourri Vir-
tes déposérent qu'elles avoient assistésupposition de cette entant étoit sans au-
ginie de son lait, que la prétendue
nécessité & sans aucune apparence. Toute l'assemblée fut frappé des
cune
.raisons de Virginius , & l'on s'attendoit que le Juge prononceront en la la-
veur.
Mais la paillon qui l'aveugloit, ne lui permit pas de frire attention ni
preuves de Virginius, ni a l'indignation du peuple. 11 déclara que le
aux
Pere de Claudius son Client lui avoit révélé à la mort que Virginie étoit la
fille - que depuis lui-même en avoit découvert la vérité , mais qu'il ne l'avoit
voulu découvrir à Claudius son pupile, tandis qu'il n'etoit pas en âge
pas
de la revendiquer ; qu'à présent il prononçoit & comme.juge & comme
témoin , que la fille apartenoit à Claudius, & qu'il lui en ajuge la pro-
cxxxin mots toute l'assemblée frémit. Virginius hors de lui-même eclatta
Virginius ces Claudius failoit conduire Vir-
tuclfa pro en reproches & en plaintes contre Appius.
Le Pere
pre fille & ginie chez lui, Appius la suivoitavec son escorte. Arrivé infortune ne pou-
je retire al L voit quitter sa chere fille, qui fondoit en larmes. au iempic de Vc-
camp de Cloacine, il prend la résolution d'ôter la vie a sa fille plutôt que de la
Cornélius. nus juges de parler un
voir livrée à la brutale passion d'Appius. Il demande à ses
moment en particulier à Virginie, pour savoir d'elle si elle avoit quelque
connoissance de sa suposition qu'on lui objedoit ; Appius se retira avec ses
Licteurs. Virginie tombe en défaillance; pendant qu'ou s'empresse pour la
relever Virginius court à un etau de boucher qui étoit proche, saisit un cou-
&le plonge dans le sein de sa fille; puis se tournant vers Appius, il lu y
teau aujourd'hui ta tête aux Dieux Infer-
crie • C'est par ce sang que je dévouë
naux Le Decemvir ordonne qu'on l'arrête ; Mais Virginius tenant toujours
de la ville, suivi des ac-
son couteau ensanglanté à la main , court à la porte
clamations du peuple, & gagne le camp de Cornelius.de Virginie, remplisfoi-
Numitorius & Icilius demeurez auprés du corps
l'air de leurs cris & de leurs plaintes, & animoient le peuple a recouvrer
ent Tribuns Appius envoie ses licteurs
sa liberté & à rétablir les Consuls & les
arrêter Icilius & transporter le Corps de Virginie. La multitude les
pour
pepousse Appius y vient lui-même accompagne d'une troupe de jeunes 1 a-
tt'idens. Il est accueilli par le peuple,qui s'étoit donne deux Chefs, Vale-
rius & Horatius. On commence par les injures & les reproches , puis 011
en vient aux coups. Appius est contraint de céder, il se retire au Temple de
Vulcain, y convoque le peuple, invective beaucoup contre Icilius & les dé-
fenfeurs de Virginie , & demande que les perturbateurs du repos public
s©ïent précipitez du haut du Capitole.
D'un autre côté Valerius & Horatius formoient leur parti, & l'augmen- CXXXIV..
toient à chaque moment, par le grand nombre de personnes qui s'attachoient Valerius &
à eux en haine du Decemvirat. Valerius aïant fait transporter le corps de Horatius déclarent
sc
Virginie dans un lieu élevé,d'où il pouvoit être veu de la multitude
, com- contre les
mença à parler au peuple contre les excés des Decemvirs. Bientôt l'auditoi- Decem-
re d'Appius fut presque désert,tandisque celui de Valerius se grossîssoit à cha- virs. Dion.,,!s./.si.
que initant; Appius n'eut point d'autre parti à prendre, que celui de se re- -
99.
tirer, autrement le peuple dans l'émotion où il étoit, l'auroit accablé de pi- c. C-98.
Liv.l.;
erres. Sur ces entrefaites arriva Oppius son Collègue, qui fit assembler le Se-
nat, pour essayer de pacifier ces troubles. Les Senateurs qui se trouvoient à
Rome étant devouëz au Decemvirat, ordonnèrent au peuple de demeurer en
paix, & envoïérent quelques jeunes Senateurs au camp pour arréter la sédi-
tion, que Virginius y pourroit exciter.
Mais ils y arrivèrent trop tard; Virginius les y avoit précédé & avoit
mené avec lui quatre cent bourgeois de Rome. Ils arrivèrent à nuit close.
Le bruit de leur arrivée,la nouvelle de la mort de Virginie, Virginius tenant
toujours son couteau ensanglanté, qu'il faisoit voir à tout le monde, attirè-
rent les yeux de toute l'armée. La curiosité de sa voir les circonstances d'une
telle avanture fit assembler autour de lui presque tous les Soldats. 11 leur
parla dans les ,termes que la fureur, la douleur, la vengeance lui inspirérent.
li invita ses Camarades à venger l'affront qu'Appius lui avoit fait, & à préve-
nir l'insulte que les Decemvirs pourroient faire à leurs femmes & à leurs fil-
les s'ils continuoient à abuter ainsi de leur pouvoir. Tous les assistans lui
,
crièrent qu'ils étoient préts de le seconder,& de rendre la liberté à la Républi-
que. Ils interfogeoient les bourgeois qui venoient de Rome par pelottons,&
qui raportoient que tout y étoit en combustion , qu'Appius même chassé
par le peuple, étoit forti de Rome.
Les Decemvirs qtv'%coinniaiidoient l'armée s'assemblérent, aprés que CXXXV.
,
les Soldats se furent retirez & résolurent de faire arréter le lendemain Vir- L'armée de
,
ginius,& de faire marcher l'armée dans le païs ennemi, afin de l'eloigner de Cornelius
la ville. Virginius qui avoit une charge de Centurion dans l'armee parla & se,mutine
, se retire
pendant la nuit à ses Collégues & les porta à exterminer les Decemvirs. Le à Rome sur
lendemain il sut cité pour comparoître devant lesDecemvirs, mais ses Collè- le inont
gues le retinrent, & s'opposérent hautement à la résolution qu'avoient prise Aventin.,
les Généraux de faire décamper l'armée. Virginius vouloit qu'on arrachât
les aigles & les enseignes, & que sur le champ l'armée se transportât à Rome
malgré les Généraux. Ses Collègues n'étoient retenus que par le scrupule de
leur propre serment & de la profanation des aigles sacrées qu'il n'étoit pas
,
permis de mouvoir, sans avoir auparavant consulté les Augurs.
Mais Virginius aïant dit que la religion du serment ne les lioit qu'envers
des Généraux légitimes; que ceux-ci n'étant que des usurpateurs, on ne de-
voit pas se faire un scrupule de les abbandonner, tout d'un coup comme par
un mouvement divin & surnaturel, on arrache les aigles de terre, on se filet
en marche & on prend le chemin de Rome. On y arrive sur le soir, & le
peuple qui crut dabord voir les ennemis, se rassura, lorsqu'il reconnut que
c'étoit des troupes Romaines, qui marchant paisiblement par la ville , allé-
rent en bon ordre camper sur le mont Aventin. Le Decemvir Appius fit as-
sembler le Senat, & le Senat députa vers ces troupes, pour leur demander
la cause de leur désertion. Elles répondirent, qu'on nous envoie Valerius &
Horatius, nous leur parlerons, & nous les prierons de répondre au Sénat en
notre nom.
Virginius comprit aisément que ces troupes destituées de Chefs ne pour-
roient se soutenir ; Il leur inspira de choisir dix Tribuns militaires pour les.
gouverner. On le pria d'être à la tête des dix, mais il remercia, disant que
l'état de tristesse & d'affliaion où il se trouvoit par la mort de sa fille, ne lui
permettoit pas d'accepter aucune sorte d'honneur. On mit en sa place un
nommé Appius.
cxxxvi Le même esprit de vengeance qui avoit conduit Virginius à l'armée que
Révolte de commandoit Cornelius contre les Eques, conduisit Numitorius & Icilius dans
l'armée de l'armée de Fabius. Ils la trouvèrent aussi indisposée contre leurs Chefs, au ssi
Fabius. El- & aussi préparée à la revolte. Dez-gu'ol1 lui
le se retire aigrie par la mort de Sicinius,
au M'Olit eût annoncé la mort de
Virginie avec ses circonstances, elle suivit Icilius &
AventiH. prit le chemin de Rome. Dans le voïage elle aprit que les troupes campées
sur le mont Aventin,s'étoient données pour Chefs des Tribuns militaires. Elles
en firent de même,& se rendirent comm'elles sur le mont Aventin. Les deux
armées réiinies résolurent de n'obeïr qu'à Appius & à Manlius ; Et ceux-ci se
formèrent un conseil composé de tous les Centurions de l'armée.
Le Decemvir Oppius, Car Appius n'osoit plus paroître, fit instance au-
près du Senat pour remédier aux maux de la République. Aprés bien des.
délibérations le Senat pria Valerius & Horatius de se rendre au mont Aven-
tin pour parler à l'armée; Mais ils refusérent d'y aller, à moins que les De-,
cemvirs ne renonçassent à leur employ. Les Decemvirs s'en défendoient,
disant que les deux dernières tables des loys n'aïant td été acceptées par le&
Comices assemblez par Centuries ils ne pouvoient abdiquer ; que ce seroit
trahir leur ministére & laisser leur, ouvrage iiiiparfiiit.
txxrvn. Les troupes qui étoient campées sur le mont Aventin ennuïées de tant
D^position de délays, decampérent & se rendirent sur le mont sacré hors de la ville,.
des De- ,
cemvirs. lieu.célèbre par la premiere sécession du peuple & plus propre à une ar-
,
Valerius & mée pour la commodité des vivres. Le peuple Romain suivit l'armée,.& la vil-
Horatius le devint comme une vaste solitude. Dans l'assemblée du Sénat le grand nom-
députez bre fut la déposition des Decemvirs, & pour accorder aux troupes une
l'ar- pour
vers
mée cain- amnistie du passé. Les Decemvirs n'aïant plus de ressource, promirent
de
pée sur le se déposer , à condition que le Senat les prendroit sous sa protection ; alors
mont sacré, Valerius & Homtius se chargèrent volontiers de la coinmiffion d'aller parler
au pea-
disposer à retourner dans la ville. Les
au peuple sur le mont sacré, & de letémoignèrent
députez des troupes & du peuple à Valerius & Horatius leur
reconnoissance de leur bons services & de leur zéle pour le rétablissement de
la tranquilité publique. Ils promirent de rentrer dans Rome dans un esprit
•de paix, à deux conditions ; La premiere que les Tribuns du peuple seroient
-rétablis & qu'on pourroit appeller à l.eur Tribunal du jugement des Cornue
La deuxième que les Decemvirs seroient brûlez vifs.
Les députez leur remontrèrent que leur premiére demande étoit trop
juste pour n'être pas agréés du Senat, mais que la seconde étoit trop violen-
te. Le peuple persuadé par les députez, voulut bien remettre ses intéréts
entre leurs mains. Ceux-ci rendirent compte au Senat c^s dispositions du . J

peuple. Le Senat fit un décret pour ladéposition des Decemvirs, & pour
le rétablissement des Tribuns , & accorda aux troupes une amnistie généra-
le ; Aprés quoy les Decemvirs renoncérent sblemnelbernent à leur dignité, &
les troupes rentrérent paisiblement dans la ville, & allérent de nouveau cam-
per sur le mont Aventin. On procéda à l'élection des Tribuns du peuple.
Virginius, Numitorius & Icilius turent les premiers choisis. Valerius & Ho-
ratius furent nommez Conduis ; Ainsi tout fut rétabli dans son premier état ;
& chacun retourna chez soy.
Les nouveaux Consuls n'oublièrent rien pour donner au peuple des cxxxvnr,
preuves de leur reconnoissance. Ils ordonnèrent que les décréts des Tribus lerius Lucius Va.
t'oli-
seroient universelkment obsenez par les Patriciens comme les décréts des tus, & Mar-
,
Centuries l'étoient par les Plébéiens ; Qu'on ne créeroit plus à l'avenir de cus Hora-
jiouveiles Magiitratures dont le pouvoir fut illimité, comme l'avoit été celui tius Bar-
des Decemvirs ; Aprés cela les Tribuns attaquérent Appius qui avoit si in- batus Con-
dignement abusé de son autorité. Virginius se rendit son accusateur. Appius suls. An de
Rome 304.
comparut, il parla au peuple des services que lui & ses ancétres avoient ren- duM.gçôoI
dus à la République. Il demanda qu'on lui permit d-'Pli appeller devant le avant. J. 6.
peuple. Virginius répliqua, & fit voir que par sa conduite il avoit mérité 440.
d'être exclu de la protection du peuple, cependant on ne le fit pas mourir Dion.'Ys.
aussi-tôt. 11 fut conduit dans la prison qu'il avoit fait bâtir, & l'on remit la
Halicarn.
l. XJ.
décision de son procés à trois marchés delà; Mais il prévint sa condamnation 46. &c.c. 4î.
sa prison, selon d'autres. ^
par une mort volontaire, selon les uns, ou les Tribuns l^firent mourir dans Lit). 1. ?.
Oppius Collégue d'Appius fut à son tour accusé par le Tribun Numito- d'Appius
Mort
& d'Op-
rius. Il étoit complice des violences & des cruautez d'Appius ; du moins il pius T ri-
ne les avoit pas empéchce. Un Soldat Romain qui avoit fait vingt-sept cam- ouns du
pagnes , & avoit reçu huit fois des recompenses militaires , se présenta & peuple.
montra ses épaules chargées des marques des coups de verges qu'il avoit re-
çus par l'ordre d'Oppius, sans aucune raison. Oppius sur le champ fut con-
duit en prison, où il expira le même jour soit de douleur & de confusion,
,
ou par la main d'un Lideur.
Claudius accusateur de Virginie & instrument de la passion d'Appius, fut
aussi juçé & convaincu. Il avoua qu'il avoit étéieduit & qu'il n'avoit rien
sait qu'a la sollicitation d'Appius. On se contenta de l'exiler à Tibur. O14
:onnsqua ses biens & ceux cTOppius au profit de la République. On ne
4
]
poussa pas plus loin la recherche des coupables, de peur de produire un plus
grand mal.
cxxxix. On songea aprés cela à la guerre. Les Eques, les Volsques & les Sabins
Guerre s'étaient répandus sur les terres des Romains, & y avoient commis mille rava-
contre les ges. Les deux Consuls se mirent à la. tête de leurs troupes & marchèrent
ErjUCS, les les Eques & les Volsques, & Horatius contre les Sabins.
Volsques Valerius contre
& les Sa- Avant leur départ ils firent authoriser dans les meilleures formes les deux
bins. dernières tables des loys Romaines, qui furent gravées sur l'erain & affichées
dans le marché public avec les autres.
Valerius arrive à Algide, se retrancha sur une hauteur de difficile accès,.
&
affeaa de demeurer dans son camp sans accepter la bataille, qui lui fut
,
souvent offerte par les ennemis. Ceux-cy impatiens & croïant que c'étoit
partagérent leur armée & en-
par timidité que le Consul refusoit le combat,
voïérent plusieurs. partis, pour faire le dégât sur les terres des alliez des Ro-
mains. Valerius prit ce moment pour deicendre dans la plaine, & pour prc-
iènter* à son tour la bataille aux ennemis, qui n'osérent l'accepter. V ale-
rius dez le lendemain résolut de les attaquer dans leur camp. Ils en sorti-
i
rent assez en désordre, & les Romains tombèrent sur eux, avant qu'ils se fus-
fent formez. Les ennemis furent dabord ebranlez ; Mais ils revinrent à la
charge. La Cavalerie Romaine fit de nouveaux efforts,& les renversa entiè-
rement. Ils voulurent regagner leur camp. La même Cavalerie lesforçoit coupa &
les dispersa , pendant que le Consul Valerius avec son Infanterie les
retranchemens & se rendoit maître du camp. On y mit à mort tout ce qui
J'
s'y rencontra, & le Soldat s'y enrichit de dépouilles ;
Le Consul Horatius suivit envers les Sabins la même conduite qu'avoit
CXL.
Victoire du fait Valerius envers les Eques.
Il ne se hâta pas de les combattre, il attendit
C enfui H.o- que ses Soldats denitndaslènt avec
empressement de marcher contr'eux. Le.
ratiu» con- Général des Sabins n'avoit opposé aux Romains qu'un corps de troupes egal
tre les Sa,. aux leurs; & avoit réservé deux mille hommes.avec ordre de donner sur l'aile
bins. .
gauche de Horatius au plus fort de la mêlée. Il fut obeï, & l'Infanterie Ro-
j)ionyJ.l.u n
maine couroit risque d'être culbutée, si la Cavalerie n'étoit venuë à son se-
cap. 49.5°
cours. Elle mit pkd à terre au nombre de six cens hommes, fit tête à l'en-
L 3 nemi* & rendit le*ourage à l'infanterie Romaine, qui fit plier l'aile droite
.
à cheval
des ennemis, qui lui étoit opposée. Alors la Cavalerie remontant
courut à l'aile droite, & annonça que l'aile gauche étoit vit1orieu[e.
A cette nouvelle les Romains font de nouveaux efforts, & les Sabins
font obligez de fuïr, sans oser même retourner dans leur camp. Il fut pris
des Consuls pour les inté-
& pillé Le Sénat piqué du trop d'attachement
rêts du peuple, ne leur accorda pas le triomphe , & n'ordonna qu'une seule
fapplicatioii ou priére publique en faveur des deux Consuls. Mais le peuple
Romain , sans avoir égard au désir du Sénat, prononça par la bouche du
Tribun Icilius, que les honneurs du triomphe leur seroient attribuez, & le
Sénat ne put l'empécher
Quand
Quand il fut question de nommer de nouveaux ' Consuls & de
nouveaux CXLL
Tribuns, Marcus Duilius un des Tribuns, informé que ses Collégues avoient Ele&ion
dessein de se faire continuer aussi bien que les Consuls, les déconcerta, décla- des nouve»
T ri-
rant dans l'assenlblée du peuple, que toutes les voix qu'on donneroit aux Tri. aux-buns dl\
buns actuels, seroient voix perduës, & aïant demandé aux Consuls s'ils seroi- peuple^
ent disposez à accepter le Consulat, au cas qu'on voudroitles continuer, ils
répondirent,qu'ils ne songeoient à rien moins*qu'à être continuez;
On procéda donc aux élections, & le peuple ne put s'accorder que dans
le choix de cinq Tribuns; Alors Duilius proposa cette loy, que quand l'on-
ne pourra s'accorder sur le choix de dix Tribuns, ceux qui auront étéchoi-
fis, éliront leurs Collègues, & leur choix sera censé avoir été fait par le peu-
ple ; Ce qui fut agréé, & par le conseil du même Duilius, les Tribuns choi-
firent deux hommes Consulaires, Spurius Tarpeïus ^ & Aulus iEternius, qui
ne dédaignèrent pas d'entrer dans le Tribunat, qui jusqu'àlors n'avoit été
que pour les Plébéiens.
On choisit ensuite les Consuls qui furent Lartius Herminius, & Titus CXLIL
Virginius. L'histoire ne produit rien de remarquable sous leur gouverne- Lartius
ment, si non la loy Trebonia, qui tire son nom du Tribun Trebonius, & qui nius, Hermi-
& TV
veut que, quand il ser oit nécessaire que les Tribuns elusseiit leurs Collégues, Virginius
on ne feroit cesser les comices que quand le nombre de dix Tribuns seroit Confiils.
rempli. An dello*
L'année suivante fournit encore moins d'evénemens remarquables. Mais me ?o<;. dit
sous le Consulat de Quinétius CapitolinlJs,qui étoit Coniul pour la quatrienle M. 3 ï 6Ir
J G.
fois, & d'Agrippa Furius, la guerre contre les Eques & les Volsques occupa avant 439.
la jeunesse de la République. Les levées de troupes se firent avec tant de Loy Treb te-
promptitude que dans quatre heures de tems on fut en etat d'aller prendre nia.
,
les aigles Romaines chez les Questeurs, où elles étaient en dépôt, & que ce CXLIII.
jour-là ménie l'armse campa encore à dix mille de Rome. Le lendemain T. Quin-
ftius Capi-
elle arriva proche de Corbion en présence de l'ennemi, & le troisiéme jour tolinus
elle livra bataille. Le Consui Quindlius commanda l'aile droite,& Agrippa Agrippa
l'aile gauche. Le premier se battit contre les Volsques & le deuxième contre les Furius
Eques. Sulpitius qui commandoit la Cavalerie à l'aile droite enfonça l'In- conslifs.,
An de !<.©>
fanterie des ennemis & mit Quinttius en état de remporter la, vidoire dans me 307. dta
l'aile où il commandoit. M. 1*6*.
A l'aile gauche Agrippa païa de sa pçrsonne J. C.
avec une valeur extraordi- avant
naire. Il jetta quelqu'unes des enseignes Romaines au milieu des ennemis, 4 ?7'
Guerre
pour engager les siens à faire de nouveaux efforts pour les retirer. Ce moïen contre les
qui avoit été emploie avec succés par d'autres Généraux, lui réüssit. Les Eques &
Eques suient enfoncez & mis en déroute. Aprés cela il alla joindre Quin- les Vali-
ctius son Collègue, qui l'attendoit pour attaquer ensemble le ques.
camp des enne-
mip, & en abbandonner le pillage aux troupes.
Les villes d'Ardea & d'Aricie se contefiaient la propriété d'un terrain CXLiir.
qui n etoit pas éloigné de Corioles. Les Consuls & les. Tribuns avoient déja Jugeroctife
des R»-
examine l'affaire & entendu les raisons de part & d'autre. On étoit prét d'en ma ;n3 e»
a
venir aux Mrages du peupJe lorsqu'un Vieillard nommé Scaptius se présea- leur pro-
L)rc.&i-rc«
as 3 t4 .
contre ta, demanda d'être ouï, & déclara Qu'étant jeune & faisant la guerre aux en-
d'At- virons de Corioles il avoit fort bien remarqué ce terrain en queition, &
-ceux
dea & d'A- qu'il n'apartenoit ny, aux Ardeates, n'y aux Ariciens; Mais qu'il devoitapr-
ricie. tenir aux Romains par droit de conquête , comme vainqueurs de Corioles
Dionys. Le peuple écouta ce discours, & lorsqu'il tue
Halicarn. & maitres de son territoire,
1. il. c. 51* question d'aller aux voix ,
on#polà trois urnes pour y recevoir les suts ragcs.
Liv. 1. L'une étoit pour Ardea , l'autre pour Aride , & la troisiéme pour Rome.
Celle-ci fut bientôt remplie, & les Romains s'ajugérent le terrain. Ce qui
fut désaprouvé par les plus senfez & les plus judicieux du Sénat & du peu-
ple.
CXLV. Sous les Consuls de l'année suivante , les Tribuns du peuple selUércI1t
M. Genu- l'esprit de discorde entre les Patriciens & les Plébéïens, en portant une loy
dus Augu- oui abrogeoit celle d'Appius, qui avoit déclare 11011 permis les mariages en-
rinus & C.
Curtius tre les Patriciens & les Plébéiens. Il demanda, dis-je, l'abrogationleur de cette
rhila. loy, disant que les Patriciens ne devoient pas avoir honte de mêler sang
An de Ro- avec celui de tant d'illustres familles Plébéiennes. 11 demanda de plus, que
me ;o8. du les Plébéiens pussent être élevez à la dignité Consulaire. Ces deux propo-
M. 64,
rtions irritèrent le Sénat, & l'aigreur augmenta encore d'avantage lorsque
avant J. C. ,
les Consuls aïant ordonné qu'on levât les troupes necessaires pour rentier
4 36.
déclarez d'un côté, pendant que
Dio.n.'YJ..
aux Antiates & aux Veïens , qui s'étoient
JJalicam. les Eques & les Volsques en avoient fait autant de l autre côté du Tibre, les
LXI.c.54- 4. proteslérent qu'on feroit point de levées de troupes, qu 'on n eut
&c- Tribuns ne
S S-
assemblé le peuple pour décider furies deux loys proposé,-s ; & le peuple
Liv. /. 4-
animé par le Tribun Canulcius s'engagea par serment à ne se ioûmettre a au-
enrôlement, qu'on n'eût délibéré sur l acceptation des deux loys.
cun
CXLVI. Il fallut que le Senat usât d'artifice pour désarmer la vivacité des Tribuns,
Création & l'opiniatreté du peuple sur cet article. Ils convinrent dans
leur anemb ee
de six tri- sécrette, que le Consul Genutius proposeroit au peuple, de faire au lieu: de
buns mili- deux Consuls, six Tribuns militaires dont trois seroient tirez des iamilles
taires, au Patriciennes, & trois des Plébéiennes, dont la puissance seroit égale a cale
lieu de réünit , esprits, & l'on procéda l'election
deux Con- des Consuls. Cet expédient les a
suls. des six Tribuqs militaires. D'abord la Noblesse négligea d'y
aspirer, & on n 'y
détermina qu'avec peine quelqu'uns de leur corps de se mettre sur lesdabord
obtenir cette dignité. Les Plébéiens au contraire la briguérent
pour ils se déportérent, ou du moins le peuple
avec beaucoup d'ardeur, ensuite
jugea pas à propos de nommer des Plébéïens. ^ 11 se contenta de trois In-
ne d hon-
buns militaires de l'ordre des Patriciens ; modération qui luiilfit plus plûtost
n'auroit pu saire l'usage rigoureux d'un droit qu avoit
neur que
Après'
cela les ennemis de la République se dissipérent d'eux-mêmes, &
cXLVlI. nécessaire de faire des levées de Soldats. Les trois Tribuns mi-
Tribuns il ne fut pas
litaires désignez l'année précédente, entrérent en exercice 1 an de Rome 309.
militaires. C. Curtius 1 un des Con-
A.SemprO' mais à peine yavoient-ils été pendant 3. mois, que
t)!us,L. At- suls de l'année précedente leur déclara qu'il y avoit des défauts essentiels dans
titius & T. leur eleélion, qui la rendoient nulle. Il prétendoit qu'il y avoit quelques
Clœlius.
Auspice? que les Augurs avoient reconnus défeftueux, par le vol des oiseaux,,. An de Ro-
Il y a beaucoup d'apparence que c'étoit un jeu concerté entre lesSenateurs&. me 309. dit
les Tribuns militaires, pour ne pas laisser enraciner ce genre de gouverne- M. 3i6s. J. C,
Quoiqu'il soit, les Tribuns militaires abdiquèrent; & Ti- avant
ment insolite. en 4H.
tus Quinûius qui fut chargé du gouvernement dans l'interrègne aïant pro- DioM,ys.
,
poie au peuple s'il vouloit continuer de nommer des Tribuns militaires, ou lXÏ.c.6i>

nommer des ,
rétablir l'ancienne forme du gouvernement sous des Consuls, il consenti-t de Liv.
Consuls qui l'eroient pris du corps des Patriciens
tre fois; & dans la même assemblée on choisit pour Consuls Lucius Papirius
comm'au-
62. 6ec.
/. 4,

IMugillanus, & Lucius Sempronius Atratinus.


Ceux-ci aïant achevé l'année, on leur donna pour Successeurs T. Quin- CXLVIl*
L. Papirius.
dius Capitolinus pour la cinquième fois, & LVI. Geganius, qui l'avoit déjà été Mugilla-
une fois. Le premier soin fut de faire le dénombrement du peuple qu'on nus & L.
h'avoit pas fait depuis 17. ans. Comm'ils étoient trop occupez d'autres asfai- Semproni -
ils firent créer deux Magistrats sous le de Censeurs, us Atrati-
res, nouveaux nom pour Con-
veiller à ce dénombrement. Le choix du peuple tomba sur Papirius & sur nus suls-
Sempronius. Leur emploi devoit durer cinq ans, & leur autorité s'augnlen- An de Ro*
ta dans la suite à un point, que la dignité de Censeurs devint une des pre- me 309.dlt
mières de la République. Ils avoient inspeé.1:ion sur toutes les familles, tant M. 3^5-
Patiiciennes que Plébéiennes, tenoient un rôle des enfans tant des chevaliers, avant J. 6.
435 -
que de simples bourgeois
,
veilloient surles ruës , les Temples les fon-
,personne
CXLIX.
taines, les places publiques ,1e trésor publique, & empéchoient que T. Quin-
d:ius Capi-
ne demeurât dans le célibat. tolinus &
Cependant un coup imprévu engagea les Romains dans la guerre. La M. Gegani-
ville d'Ardea, qui avoit depuis peu renouvellé son alliance avec Rome se us Con-
,
trouva inopinément divisée de telle sorte , que les bourgeois afsiégeoient la suls.
noblesse dans leur propre ville. En voici l'occasion. Deux jeunes hommes An de Ro'"
d'Ardea recherchoient en mariage une jeune fille de race Plébéienne. L'un me 310. dit
d;s prétendans étoit de la preiniere Noblesse, l'autre étoit fils d'un bon bour- M. avant J. G»
geois.juges, Toute la ville prit parti dans cette affaire.. Elle fut portée devant les 434.
ug8S, qui prononcèrent conformèrent au desir de la mere, qui souhaittoit Dion.ys.
que sa fille épousât le jeune homme de condition , contre les tuteurs qui I.IciXL finit
c.6?~
étoient pour le bourgeois. Ces derniers enlevérent la fille du logis de sa DenJr
mere. La noblesse prit les armes. On se battit & il y eut bien du- sang ré- d,' Halicar -
pandu. xajj'e.
Les Plébéiens maltraittez & vaincus se retirérent à l'exemple des Rtf- Tit.Liv. I.4.
mains sur une colline voisine de leur ville,, & commencèrent à assiéger la no- Création
blesse qui y étoit demeurée. Les Nobles imploréient le secours des ROlnams, des Gea- I)rcrni;L
ers
& le peuple celui des Volsques qui y accoururent sous la conduite d'un seurs.
nommé Cluilius ; Les Romains, y furent conduits par le Consul Geganius. CL.
Celui-ci invertit d'abord l'armée des Volsques Sédition àt
, en forte qu'elle ne pou voit Ardea. Le
tirer ni vivres ni secours du dehors. Bientôt Cluilius se vit réduit faute de Census Ge-
provisions à demander une conférence avec le Consul. Il témoigna à Ge- ganius va 2
ganius qu'il étoit prêt d'abbandonner son entreprise, & de lever le siège d'Ar- ion sc(:QUI$
dea, puurveu qu'il laissat un passàge libre à ses troupes. Le Consul répliqua
que
les Volsques n'avoient point d'autre condition à espérer de sa part que
que reconnoître vaincus & de se
,
soumettre à
de lui livrer leur Général , de se
l'Empire de la Republique Romaine.
Cluilius prit un parti de désespoir, qui étoit de livrer un combat, quoi-
qu'investi de toutes parts. 11 fut alternent vaincu, & les Volsques le rendi-
rent au Consul. Il leur accorda la vie, aprés qu ils eurent livre leur Général,
puis on leur fit mettre bas les armes, & aprés les avoir fait passer sous le joug,
dans leur pays. Lorsqu'ils arrivè-
on les dépouilla & on les laissa retourner
rent aux environs de Tusculum, ceux de cette ville fondirent sur eux, & eii
firent un massacre terrible.
Geganius obligea ensuite les peuples d'Ardea de rentrer dans leur ville,
& après les avoir reconciliez àla noblesse,il fit perdre la tête aux auteurs de ht
scdition,& confisqua leurs biens au profit du Trésor public d'Ardea. Il ren-
1tra à
Rome en triomphe , menant enchaîne Lluilius ùc portant en ipecucie
CL1. toutes les dépouïlles des Volsques passez sous le joug.
les nouveaux Consuls pour effacer la tache d a-
1
1vi. Fabius L'année suivante
& Poflhu- rendu sujet du partage d'un terrain entre les Ar-
mius Euse- varice, que le jugement au
bius Con- deates & ceux d'Aricium avoit laissé sur la Republique, envoïérent
à Ardea
duis. Colonie de Citoïens Romains pour aider à la repeupler avec commit-
une ,
An de Ro- nonaux trois Senateurs qui furent nommez pour conduire la Colonie , de
me 3 11. du distribuer anciens Citoïens la plus grande partie des champs en quefli-
M. gi67. aux

bourgeois..
avant J. C. on, & de donner le reste aux nouveaux
membres de la Colonie. Les Tri-
4?v buns du peuple, mécontens de ce partage, voulurent faire le procés aux trois
Tit.Liv.l.4 Commissaires. Mais ceux-ci demeurèrent dans Ardea, & s'y fixèrent comme
Colonie
Romaine
Envo'iéà Les années 312. & 313. de Rome furent des années de paix. L'an 314.
Ardea. on découvrit qu'un riche Citoïen Romain nommé Moelius , qui avoit ra-
CL II mufle chez lui une très-grande quantité de grains, le vendoit à bas prix, ou
Tit. Qain- le donnoit gratuitement au peuple, & faisoit en même tems provision d'armes
aius Capi- peuple. Il songea d'abord
tolinus & dans la veuë de se faire déclarer Roy'par menu
le
Agrippa à se faire nommer Consul ; Mais n'y aïant pas réuni, il porta ses veuës^lus
Menemus loin- il y avoit de fréquentes assèmblées chez luy, & quelques Tribuns même
Consuls.
étoient du complot. Minutius qu'on avoit créé Intendant des vivres dez l an-
An de Ro- précédente, à cause de la famine qui -regnoit à Rome, avertit le Senat des
me 314. du née
M. 3Ç7°, démarches de Moelius. Le Consul Quindius Capitolinus ne trouva point
avant J. C. d'expédient plus propre ny plus efficace,que de créer un Didateur,& en même
430.
tems s'étant déposé du Cousulat, il nomma pour DiCtateur son frere Cinci-
Cincinna- L'assemblée ne se sépara pas de tout le jour, de peur que la chol-
tus Diéta- natus.
sedivulgât,(-Qz la nuit suivante il créa Général de la Cavalerie Servilius Aha-
teur. ne
Chili- la, auquel il donna ordre de se saisir du Capitole, & d'en occuper les portes
Moelius
aifedela avec sa Cavalerie. Cincinnatusparut les ornements de Dictateur,au grand
tyrannie. Dez le matin avec
Moelius ne furent pas lans inquié-
Il dlmis, :à etonnément de tout le monde; Les amis de En effet Mœhus étant sorti de
tnort pas tude, se doûtant bien que cela les regardoit;
Servilius sa maison bien accompagné, est cité par Ahala devant le Dictateur. Moelius
Ahala.
troublé demande ce que lui veut le Didateur; Il veut, répondit Ahala, vous
interroger sur un crime dont vous étes accusé. - Mœlius se retire au milieu
de la troupe qui le suivoit ; Ahala le suit & ordonne au Lideur de l'arrêter,
Mœlius fuit & implore le secours du peuple. Ahala l'atteint & lui abbat la
té te ; puis retournant au Didateur, lui raconte ce qu'il a fait. Cincinnatus
applaudit à ion action, convoque le peuple, l'instruit des raisons qui ont por-
1

té le Senat à le créer.Dictateur , & à se défaire de Mœlius ; Il ordonna en-


fuite que sa maison fût rasée, ses biens confisquez, & le blé qui se trouva dans
là maison, vendu au peuple à très-bas prix. CLIff.
Aprés la Didature de Cincinnatus , le peuple choisit de nouveau des Tribuns
Tribuns militaires en la place des Consuls ; mais il n'en choisit que trois.qui militaires,
turent tirez du nombre des Patriciens. Sous leur gouvernement la ville de Mamercus
Fidénes, dont on a parlé si souvent, & qui n'étoit qu'à deux lieues de Rome, /Emilius,
se revolta & fè donna à Tolumnius Roy de la nation des Etrusques. L. QuiniSi-
us (Scjulius
Les Consuls envoïérent des Ambassadeurs à Fidénes, pour savoir les rai- lcilius.
sons de leur defedion. Ceux de Fidénes consultérent Tolumnius. Ce Prince An de Ro-
jouoit alors à un jeu â peu prés semblable au jeu de dez. Plus occupé de me 315- du
ion jeu, que de leur demande il prononça le mot tué qui étoit un terme M. 3 5 71 -G.
, J.
usité dans cette sorte de jeu. Les Fidénates le prirent comme un ordre, ou avant
,
429.
un conseil qu'il leur donnoit de tuër les Ambassadeurs des Romains, ce qu'ils Tit.Liv./.4
firent à leur retour, sans faire attention aux suites de cette adion si contraire Tlal. Malt.
au droit des gens. I. 9. c- 9.
Cicero Phi.
La vengeance de cet attentat fut remise à l'année suivante qui eut pour lippic.
,
Consuls Marcus Geganius & L. Sergius. Ce dernier fut chargé d'aller con- Revoltec.
tre Tolumnius, qui étoit déja campé en deça de l'Anio. Le Consul livra la des Fidés
bataille; Il y eut tant de sang répandu de la part des Romains , & le danger nates.
CLV.
parut si grand à la Republique, que l'on crut devoir créer un Dictateur. Le M.Gegalli.
choix tomba sur Mamercus iEmilius, qui nomma pour commandant Général us & L.
de la Cavalerie le jeune Quinctius fils de Cincinnatus & pour Lieutenants Sergius
,
Généraux Quinclius Capitolinus, & M. Fabius Vibulanus. Consuls.
A la nouvelle de cette election le Roy Tolumnius s'éloigna de Rome, An de Ro-
repassa l'Anio, & se campa entre Fidénes & ce fleuve. Le Didateur plaça son me ?i6. du
M. 3572.
camp au confluent du Tibre & de l'Anio. Quelques jours aprés les deux Gé- avant J. C.
néraux rangérent leurs armées, & la bataille se donna. Tolumnius avec les 428.
Veïens commandoit l'aile droite ; Les Falisques, qui l'étoient venus joindre Mamercus-
depuis le premier combat, étoient à la gauche les Fidenates occupoient le Æmilius V.i¿bteur.
,
centre de l'armée.Le Dictateur opposa Quindius aux Veïens & à Tolumnius; CLVI.
il prit pour lui l'aile droite, & plaça le Général de la Cavalerie au corps de ba- Guerre
taille pour agir contre les Fidénates. Les Romains ne commencèrent l'atta- contre les
quand du haut du Capitole eût levé étendart, Fidénates ,
que que on un pour marquer & Tolu-
que les Auspices étoient favorables. Ce signal remplit de confiance le Sol- mnius Roy
dat Romain & le combat commença avec beaucoup d'ardeur de part & desEtrus-
,
d'autre ; Mais la Cavalerie Romaine fondit avec tant d'iinpétuosité sur l'In-. quos.
fanterie Etrusque, qu'elle la renversa de toutes parts. Tolumnius avec 'sa
Cavalerie réfistoit encore, & par tout où il alloit il faisoit plier l'Infanterie
Romaine. ,
€LVïl Un nommé Cornélius Cossus Chevalier Romain & Tribun Legfonairc
Cornelius l'aïant
Cossus tue: aperçu monté ,
à l'avantage & vétusuperbemeiit,pouli'e son cheval con-
de sa main tre lui, l'atteint & le perce avec sa lance. Tolumnius renversé fait effort
,
le Roy To- pour se relever ; mais Cossus sautant à bas de son cheval le renverse d'un
lumnius. coup de son bouclier, puis à coups redoublez il lui ôte la, vie, le dépouille,
lui coupe la tête & la met au bout d'une lance A ce spectacle toute l'armée
Etrusque lâche le pied, & se fauve vers son camp, le Dictateur les y suit &
leur tuë autant de monde,qu'il en étoit mort dans le combat. ,
Pendant que l'armée Romaine est occupée à pousser les ennemis, une
troupe de Veïens, à qui Tolumnius avoit donné ordre de faire le tour des
montagnes, pour prendre les Romains par derrière, vient insulter le camp dll
Dictateur. Fabius l'un des Lieutenants Généraux qui y étoit demeuré pour,
le défendre, leur résiste avec beaucoup de courage & les voïant occupez à
combler ses retranchemens , il fait une sortie sur, eux & les Inet en fuite.
D'un autre côté Cossus avec ses Cavaliers aïant repassé le Tibre , alla faire le
dégat sur les terres des Veïens. Le Senat & le peuple décernèrent le triom-
phe au Di&ateur & Cossus y parut portant les dépouilles de Tolumnius,
,
qu'il déposa, comme avoit fait autre fois Romulus celles du Roy Acron, dans
le Temple de Jupiter Feretrius.
CLVIII. Sous les Consuls de l'année suivante on ne lit rien de bien remarquable
M. Corne- dans l'Histoire Romaine, si non que Spurius Mœlius Tribun du peuple pa-
&
lius L. ,
rent de ce Mœlius , que Servilius Ahala avoit tué sans forme de jugement,
Papirius
Consuls. avoit fait mettre en cause devant lepeuple Minutius accuLteur de Mœliusy
An de Ro- & Ahala qui luy avoit coupé la tête; mais le peuple accablé de pelle & ef-
me 317. du frayé par des tremblemens de terre, ne fit pas d'attention à ces acculations.
M. 3*73. La peite continua l'année suivante ; & les Fidenates joints aux Veïens étant
avant J. C. faire le dégat jusqu'aux portes de Rome , on choisit pour Dictateur
427. venus
CL IX. Quintus Servilius Priscus, qui des le lendemain matin parut en campagne à
julius Ici la tête de tout ce qu'il y avoit dans Rome de gens capables de porter les ar-
lius& L.
mes. Les ennemis se retirérent vers Nomente, où le Dictateur leur livra ba-
Virginius taille, & les mit
Consu's. en fuite. Ils se retirèrent dans Fidénes, où Servilius les aflié-
An de Ro- gea. Il attacha une partie
de ses troupes à miner par dessous les murs de la
me 318. du ville haute, qui étoit la plus forte , & quand il lçut que l'ouvrage de ses mi-
M. 3174- neurs étoit avancé, il attaqua la ville basse par quatre endroits. Les Fidena-
avant J. C. tes uniquement occupez à se défendre contre ces quatre attaques, virent tout
42 6. sur eux de la ville haute avec de grands cris. La
Q^e rvilius à coup les Romains fondre
Priscus ville fut saccagée & les habitans passez au fil de l'épée. Au retour de l'armée
Dictateur. on fit le dénombrement du peuple qui depuis l'établissement des Censeurs
Prile &
,
fut plus interrompu.
ruine de ne L'année
Fidénes. 319. de Rome est remarquable par l'incertitude dans laquelle
CLX. les anciens livres des Romains , dont nous'parlent les Hiltoriens , & qui
Diébteur étoient écrits sur la toile, nous laissent, savoir, si la Republique fut gouvernée
Mamercus
par des Consuls ou des Tribuns militaires, ou si les Consuls de l'aimée préce-
iEmilius. J de u»:e
dente furent continuez; mais on sait que les Romains, craignant que les Etrus- An de Rfr*
dans une assemblée générale de leur na- me 319. du
ques ne leurs déclarassent la guerre la Déesse Vulturne, créèrent M. 3i75.
tion, qu'ils tinrent prés le Temple de Didateur
seconde fois. N'aïant point d'occupation avant J*G.
Mamercus /Emilius pour la guer- 42i.
riére, il se signala en reduisant la durée de la Cenlure à dix-huit mois , au Le tems de
lieu de cinq ans qu'elle duroit auparavant, & pour donner en sa personneun réduit la censure
à
exemple de désintéressement & de l'eloignemerft qu'il avoit de prolonger le 18. mois.
tems des Magistratures, il se déposa avant le tems, & quitta la Didature.
Les Censeurs se vengérent bassement de l'affront qu'ils croïoient avoir
xeçu du Dictateur, Ils lui ôtérent les priviléges de la bourgeoisie & le
fournirent néanmoins aux ilnpositiollS publiques ; l'effacérent du rôle, de sa
Tribu, & augmentèrent sa taxe d'une huitiéme partie. Le prétexte de cette CL XI
condamnation fut , qu'il avoit fait affront à uneMagistrature considérable, Tribuns
en réduisant ainsi les Censeurs à un terme plus court que celui de leur insti- militaires
tution. M. Fabius
Le peuple Romain incité par les Tribuns, choisit des Tribuns militaires M. Festius,
choisit du nombre des Patriciens. L. Sergius.
au lieu de Consuls; mais il n'en que Il An de Ro-
en ufa de même l'année suivante. Cette espéce d'affeétion de ne prendre les me 320. du
Tribuns militaires que parmi les Patriciens, excita la jalousie de quelques Plé- M.
béiens puissans, qui firent tant par leurs intrigues, qu'ils firent passer une loy avant J. C.
qui défendoit de briguer les Magistratures , revétus d'habits d'une blancheur CL424. XII.
éclatante. Car cela se pratiquoit ainsi, d'ou vient qu'on donnoit aux afpirans Tribuns
le nom de Candidats. Mais cette loy fut bientôt abrogée parle non usage, militaires
ou plutost par le retour del'usage ancien ; & d'ailleurs le Sénat décida que L.Pinarius, Furius
dans les Comices prochains on n'éliroit que des Consuls, & en effet on élut L. &Sp.Post.
Titus Quindius, Pennus Cincinnatus, & C. Julius Mento. humius.
Ils avoient à combattre les Eques & les Volsques réunis & ces deux An de Ro-
,
nations aïant, disoit-on, dévoüé à la mort ceux de leurs nations qui ne s'en- me 321. du
rôleroient pas dans leurs troupes avoient formé l'armée la plus nombreuse M. 35 77-
qu'ils eussent jamais euë. Le peu, de confiance qu'on avoit aux deux Con- avant J. G.
duis, qui d'ailleurs n'étoient pas trop d'intelligence, fit qu'on proposa de créer CL423. XIl1.
un Dictateur. C'étoit aux Consuls de le nommer, ils refusérent de le faire. T. Qu.Cia-
Le Senat eut recours aux Tribuns du peuple pour les y contraindre. Les cinatus&
Tribuns ordonnèrent aux Consuls d'obéïr au Sénat & les ménacérent de Mento. C. Julius
prison, s'ils persistoient dans leur refus. Comme les , Consuls ne s'accordoi- An de Ro-
ent pas entr'eux dans le choix de la personne du Dictateur, ils tirérent au sort me 322. du
celui des deux qui le choitiroit seul & le sort tomba à Quindius Pennus M. 3S78.
,
Cincinnatus, qui nomma pour la Didature Aulus Posthumius Tubertus son avant J. C.
Beau-Pere, & celui-ci déclara L. Julius Vopiscus Commandant de la Cava- Guerre 422.
lerie. contre les
Comme les ennemis étoient déja en campagne & campez prez d'AMde Volsques
en deux camps bien fortifiez, on hâta les levées des troupes, & on obligea de &lesEqués
Tit. Liv. 1.4
marcher ceux mêmes qui se prétendoient exempts.Les Berniques & lesLatins Au!. Poft-
cnvoïérent leur contingent de troupes. Le Consul julius fut laissé à Rome humius
pour donner ordre aux provisions de l'armée , & son Collègue Quindius Tubertu?
11 2 marcha Dicisecu;-.
marcha en campagne avec une partie de l'armée. Le Dictateur avant sor?
départ de Rome, voua aux Dieux des jeux solemnels.
L'armée Romaine, de même que celle des ennemis, se partagea en deux
corps & se campa en deux camps différens ; Le Didateur étoit posté en de-
qa de Tusculum ; & le Consul son gendre plus en deça de Lanuvium. Les
ennemis résolurent d'attaquer pendant la nuit le camp du Consul; mais leur
mouvementaïant été aperçu parles Sentinelles, elles jettérent un grand cri,
qui éveilla non seulement ceux qui étoient dans le camp du Coniul , mais
aussi ceux qui étoient dans celui du Didateur. L'un & l'autre prirent les
précautions nécessaires pour se bien défendre. Le Consul fit mettre son ar-
mée sous les armes, fortifia ses corps de gardes,& distribua son monde sur les
remparts de son camp. Le Didateur envoïa un renfort au Consul, & sortit
lui-même de ses retranchemens, & aïant pris un grand détour , vint avec ses-
troupes au secours de Quindius , dans le dessein de prendre l'ennemi par
derriére au fort du combat. En même tems il fit un détachement de son ar-
mée sous le commandement de M. Geganius, pour aller attaquer le camp des
Eques, qu'il ne doutoit pas qu'on ne trouvât trés-mal gardé & peu rempli de
troupes. En effet Geganius s'en rendit maître, & aussitôt y alluma des feux,
pour en donner avis au Didateur, qui dans le moment répandit cette agréa-
ble nouvelle dans toute son armée.
M. Fabius à qui le Dictateur avoit donné le commandement de sa Ca-
valerie, arriva prés du camp du Consul, vers le point du jour. Au même in-
flantle Consul Quindius sortit, & donna sur les ennemis, qui étoient occu-
pez à forcer ses retranchemens. Le DiC1:ateur attaqua aussi le corps de ré-
serve; de manière que l'armée confédéréeenveloppée de toutes parts, ne sa-
voit où elle en étoit, & étoit préte à se faire hacher en pièces , lorsqu'ulT
nommé Vedius Meffius Volsque de nation, se mettant à leur tête, les exhorta
à se faire jour à travers les ennemis. En effet ils se réunirent & jettant UI1
grand cri, ils fondirent sur le corps d'armée que commandoit Albus Polthu-
mius malgré la résolution & la valeur des Romains , dont la plupart des
Chefs ,& des Officiers Généraux y furent blessez, ils se firent jour & regagné-
rent le camp des Volsques, qui leur étoit resté.
e Dictateur & le Consul, tout blessez
qu'ils étoient les y suivfrent &
côté Dictateur , l'autre.
les y attaquérent. Le Consul d'un & le de Ce der-
nier y aïant fait une brèche, s'y jetta avec ses gens, & aprés un leger combat,
força les ennemis à mettre bas les, armes & à se rendre. Ils furent saits pri-
sonniers de guerre & vendus à l'encan. Après une si glorieuse victoire lî
00 Didateur Posthumius rentra dans Rome en triomphe. On dit (a) que Post-
l)iod.SÙ:u!. huiii-.-is usa d'une sévérité outrée envers san fils , qui étoit l'esperance de sh
/. 12. Aul. famille, & qui méritoit par ses belles qualitez & par son heureuse éducation,
G*11.1. 17.
qu'on usât envers lui d'indulgence , dans une choie où il ne pecha que par
Vuler. Il sortit du camp contre l'ordre du Didateuc
Mùxim. trop d'ardeur pour bien frire.
h 2. c- 7. son Pere, pour combattre un parti d'ennemis qu'il vainquit , son Pere pour
cela lui fit trancher la tête. Ainsi le racontent divers Historiens. Tite Live
n'en veut rien croire j Il se fonde sur ce que parmi les Romains s quand on
veut
veut parler d'une sévérité excessïve, on lit que c'est le commandement dè
Manlius, parce que Manlius Torquatus quelqu'années après fit trancher la tê-
te à son fils. Si le Dictateur Posthumius lui en eût donné l'exemple , on di-
roit plûtost, les commandemens de Posthumius, que ceux de Manlius, qui
n'est venu qu'allez longtems aprés. CLXIV.
L'echec qu'avoient reçu les eques & lesVolsques, produisit la paix dans G. Papirius
& Jut Vo-
Rome, pour quelques années. Les Eques vinrent demander d'entrer dans- piscus Con-
l'alliance des Romains, aux mêmes conditions que les Herniques & les La- futs. L'an
tins? mais ils ne purent obtenir qu'une trêve de 8. ans. Les Volsques se di- de Rome
visérent entr'eux, & des reproches ils en vinrent à la sédition, & à prendre 323. du M»
les armes les uns contre les autres., Les deux ou trois années qui suivirent, 3179* J. G.
M

avant
ne fournissent rien de fort intéressant pour l'histoire. 4*i.
L'an 426. de Rome il y eut difficulté dans la République entre le Sénat CL XV.
& le peuple, savoir à qui il apartenoit de déclarer la guerre aux Veïens. 'Le L. Papirius
Servilius
peuple soutenu de ses Tribuns l'emporta, & pendant ces contestations, on &
le contenta d'envoïer aux Veïens des Féciaux pour demander
Ahala
réparation des Gonsuls.
torts qu'ils avoient faits à la République. Sur leur refus, il fut resolu qu'on leur An de Ro-
,
déclareroit la guerre, mais elle ne se fit que l'année suivante, & le peuple Ro- me 326. du
main au lieu de deux Consnls, crea quatre Tribuns militaires, à qui il donna M. 3182.
T.Quin-
le commandementdes armées. étius Cin -
Cornelius Cossus un des quatre Tribuns militaires demeura dans Rome. ci nn a tus,
Les trois autres marchèrent contre tes Veïens, & assiégérent la ville de Veïes; C. Furius,
Mais comme ils n?agissoient pas de concert, leurs troupes .furent aisement -M. Pofthtt-
& A
mises en fuite & obligées de se sauver dans leur camp. Le peuple Romain mius Cornélius
peu accoutumé à de pareils revers, demanda à la fois & la dépolition de ces C oflus Tri-
trois Tribuns militaires & la nomination d'un Dictateur ; Mais comme il buns mili-
,
n'apartenoit qu'aux ConsuIs de créer un Dictateur & qu'il n'y avoit alors taires.
, Guerre
aucun Consul dans la Republique , les Augurs décidérent que dans un cas contre les
aussi extraordinaire, & un besoin aussi pressant, Cornelius Cossus seul des
Veiens,
Tribuns militaires qui fut à Rome, feroit pour cette fois la fonction de Con- An de Ro-
sul & nommeroit le Dictateur. 11 choilit pour cette dignité Mamercus .Æ.. me 327. du
,
milius, qui l'avoit déja remplie deux fois. On a vu ci-devant la maniére ou- M.
trageuse dont les Tribuns du peuple l'avoient traitté en le dégradant au plus avant J. C.
417.
bas étage de la populace. Collus fut nommé par le Dictateur Général de la CLXVI.
Cavalerie. Mamercus
Les Veïens avoient répandu avec affectation la nouvelle de la désaite de /Emilius
Farmée Romaine, croïant par là engager les Etrusques à prendre les armes Dictateur
pour la
en leur faveur ; mais ils n'y réunirent point. LesFidenates mirent le comble troisiéme
à leur revolte & égorgérent sans pitié tous les Romains, qui se trouvèrent fois, il tri-
dans leurs villes, & se joignirent aux Veïens. omphe des
Cependant le Dictateur fit prendre les armes à tout ce qu'il avoit à Ve'tens «Se
Ro.nle-de gens capables de les porter ; Il se mit en campagne & sey porta, à des Fide-
quille cens pas en d-eça de Fidénes, aïant des montagnes à sa droite & le nates. si «
*

Tibre à sa gauche. Titus Quindius un de ses Généraux, eut ordre de se


saisir d'une colline que les ennemis avoient à dos. LorsquTEmilius
evit apris
qu'il e-en étoit emparé, il fit commencer l'attaque avec son Infanterie. Con-
sus Général de la Cavalerie ne devoit agir, que quand il en auroit reçu l'or-
dre exprés.
Les deux armées étoient fort echauffées, & chacun ne songeoit qu'à vain-

,
cre, lorsque tout d'un coup l'on vit sortir de Fidenes une troupe de gciu
vêtus à peu prés comme on représente les Furies portant en main des ttam.
beaux allumez. Ils fondirent sur l'aile gauche des Romains, y répandirent
l'effroy & leb firent reculer. Le DiCtateur s'en étant aperçu, y accourt, ar-
rête les fuïards, leur reproche leur timidité ; en même tems il fait avancer lit
Cavalerie, ordonne aux Cavaliers d'ôter les brides à leurs chevaux, & depout:
ser vers lesBataillons où il paroissoit le plus de ces brandons. Les cheveaux
échauffez ne craignirent point le feu ; l'Infanterie revenue de sa fraïeur arra-
che les flambeaux à ceux qui les portent, ou les ramasse pour les rejetter con-
tre les ennemis. Pendant qu'on combat de part & d'autre avec chaleur, le
Diftateur avertit les siens que l'ennemi étoit attaqué en queue par Quinftius.
Les Veïens ne se trouvant plus assez forts pour résister, voulurent sc hi-
re un passage pour regagner leur camp; Mais il étoit environné par les Ro-
mains. Ils n'avoient de reÍfource qu'en passant le Tibre pour regagner leurs
Cantons ; Mais la plupart ou furent tuez sur ce fleuve , ou périrent au palla-
ge. Il n'en retourna que trés-peu dans leur païs. Les Fidenates voulurent
rentrer dans leur ville. Ils furent suivis par les Romains , qui s'y jettérent
pêle mêlé avec eux ; Il y eut dans la ville meme un combat furieux, dans
lequel les Fidenates se battirent en désespérez. A la fin vaincus par la force,
& accablez de fatigue, ils se rendirent à discretion. Leur ville sut abbandon-
née au pillage & les bourgeois furent distribuez en partie par le sort aux
principaux Officiers. Le reste fut vendu à l'encan. Le camp des Veïens fut
livré aux Soldats Romains, qui y firent un riche butin.
CLXVll Le Dictateur ne conserva sa dignité que pendant seize jours. Aprés
Quatre avoir reçu les honneurs du triomphe , il s'en démit volontairement,
nouveaux aprés quoy on choisit de nouveau quatre Tribuns militaires, dont le gou-
Tribuns du
peuple. vernement n'est remarquable que par la tréve de vingt ans, qu'ils accordé-
Paix à Ro- rent aux Veïens , & par celle de trois ans dont ils prolongèrent celle des
me. An de Eques; L'année suivante on célébra à Rome les grands jeux qui avoient été
Kome 328. vouëz par Posthumius Tubertus ; & ce qu'il y eut de plus magnifique, ce
Grands fut exercée gratuitement envers tous les étrangers, pen-
à sut l'hospitalité qui y
Jeux Ro-
me 329. -dant tout le tems qu'ils durérent.
CLXVlll. Les Tribuns du peuple aspiroient depuis longtems à l'honneur du Con-
C.Sempro- sulat, & ils souffroient trés-impatiemment , que jusqu'alors on n'eut choili
nius & ny Consuls ny Tribuns militaires, que du nombre des^ Patriciens. Ils firent
Fabius
Gonsuls.
sur cela de vives remontrances au peuple , qui en fut ébranlé ; Les Tribuns
de Ro- militaires qui étoient alors en place firent prier les Senateurs quittaient
An ,
de se rendre à la ville sans bruit,
me 330. du alors à la campagne, car c'étoit l'automne,
M. 3 86. pour un certain jour, qui leur fut indiqué.
S
Lorsqu'ils y furent arrivez, ils
.avant J. G. s'aiïemblérent & donnèrent un decret que l'année suivante on procéderoit à
4*4» l'eleclion
l'election de deux Consuls. En effet on choisit vers le commencement de
Décembre de l'an de Rome 330. Caïus Sempronius & Q. Fabius.
Le sort décida que Sempronius se mît à la tête de l'armée Romaine & Semprow
marcha contre les Volsques, qui vouloient faire un dernier effort pour se dé- nius mar-
che contre
livrer du joug des Romains. Sempronius méprisa trop un ennemi souvent les Vols-
vaincu il négligea de faire observer la discipline parmi ses troupes, & de ques. Belle
prendre, les précautions nécessaires pour vaincre ou du moins pour trouver adion dct
, T ernpa»
une ressource, en cas d'accident. Le combat commença foiblement de la nius.'
part des Romains ; Les cris, le premier choc, l'inlpétuosité ne furent pas à
l'ordinaire vifs, animez, brusques, intrépides. Ils plièrent bientôt & per-
dirent du terrain. Le Consul tâche en vain de les ranimer. Ils étoient prêts
de lâcher le pied, lorsqu'un Décurion de Cavaleri'e nommé Tempanius, crie
Z'i ses Camarades de mettre pied à
terre & de combattre avec l'Infanterie. An
même instant ils donnent sur l'ennemi & l'enfoncent. L'Infanterie Romai-
ne reprend courage, & commence à son tour de pousser les Volsques.
Le Général de ces derniers ordonne à ses troupes de s'entr'ouvrir pour
donner passage à la troupe de Tempanius, afin de l'envelopper, quand elle
seroit dans le milieu de ses Volsques. Le Consul Romain voïant
de Tempanius, se jette au milieu des ennemis pour le dégager. Tempanius
le danger
gagne une hauteur & se défend jusqu'à la nuit. Le Consul combat de même
tant que le jour dure. La nuit separe les deux armées, & chacun estsi in-
certain du succés de cette journée & chacun demeure si frappé de terreur
d'une si sanglante action que tant, les Romains que les Volsques quittent
leur camp, & se retirent, dans les montagnes. ,
Tempanius & sa troupe demeura sur son tertre jusqu'au milieu de la nuit
environné de Volsques, qui vouloient les avoir prisonniers de guerre; Mais
quand ils içurent que leurs troupes avoient abbandonné leur camp, ils se
tirèrent comme les autres. Tempanius craignant quelque surprise, attendre- le
point du jour pour se rendre au camp Romain qu'il trouve abbandonné. Il
rama ffe ce qu'il put de blessez, & reprend le chemin de Rome ne sachant
où Sempronius s'étoit retiré. Lorsqu'il fut à portée de la ville, , & qu'on les
vit s'approcher en ordre de bataille, on crut d'abord que c'étoit des ennemis,
& le Consul Fabius prit les précautions néceffiires pour se défendre
d'attaque; Mais quand on eut reconnu que c'étoit la Cavalerie Romaine,endont cas
on a voit publié la défaite , & qu'on avoit pleurée comme perduë, la joye
fut générale dans toute la ville. On vit les femmes & les meres de.
sauter au cou de leurs enfans & de leurs maris, & lés féliciter sur leur ces braves,
retour,
comme s'ils étoient resuscitez du sein de la mort.
LrS Tribuns du peuple ne manquérent pas cette occasion, & accusérent
le Consul Sempronius d'avoir trahi la République. Ils rappellérent l'accu-
sation intentée la même année contre Titus Quindius & Marcus Posthumius
Tribuns militaires, qui trois ans auparavant (l'an de Rome 327.) avoient
posé les troupes Romaines à être taillées en pieces par les Veïens. On disoit ex-
publiquement que l'impunité de ces derniers, étoit cause de la nonchalance
du
du Consul; On fit parler Tempanius; & au lieu d'accuser le Consul, il Tex-
cusa & le disculpa autant qu'il lui fut possible.
CLXIX. Presqu'en même tems Sempronius parut assés prés de Rome avec son ar-
Semproni- mée. On envoïa au devant de lui des chevaux & des voitures pour foula-
,
us accusé ger les Soldats blessez ou fatiguez. Sempronius de retour à Rome, rendit té-
devant le service qu'il a voit rendu à l'armée.
peuple, est moignage à la valeur de Tempanius & au
désendu Il chercha à se justifier lui-même & à faire l'apologie de sa conduite. Lo
par Tem- peuple n'y eut que peu d'egard. Pour se venger du mauvais succés de cette
panius & campagne, le peuple condamna Posthumius à une amende de dix mille as
par trois de d'erain. Quin&ius fut renvoïé absoû en considération des services de san pe-
les Cama-
rades. re, dont on a souvent parlé, & de la valeur que lui-même avoit fait paroitre
An de Ro- dans d'autres occasions.
me 331. du Pour Sempronius, on en differra le jugement. On commença par élire
M. 3;-87. des Tribuns militaires au lieu de Consuls pour l'année sui vante comme si le
avant J. C. même de Consul étoit devenu odieux sa faute ,
Tempanius fut fait
413. nom par ;
Tribun du peuple. Lorsque Hortensius un de ses Collégues eÚt déféré Sem-
pronius au jugement du peuple, Tempanius & trois de les Camarades dans la
dernière guerre, intercédérent pour lui, & engagèrent lIortensius plutôt! par
la voie de la prière, que par celle de l'autorité , à se désister de l'accuiàtion
jformée contre lui.

CLXX. L'année suivante on revint à l'ancien usage de choisir des Consuls. Titus
T. Quia- Quindius Capitolinus & Numerius Fabius furent choisis. Ce dernier marcha
a¡us Capi- contre les Eques, qui n'osérent tenir la campagne. Le Consul répara l'hon-
tolinus &
neur des armes Romaines & mérita l'honneur de l'ovation, qui étoit une elpé-
Kumerius
Fabius ce de triomphe, ainsi qu'on l'a déja remarqué. Le reste de l'année sut occu-
Conluls. pé dans des contestations,savoir, si l'on choisiroit quatre Questeurs, au lieu
An de Ro- de deux qu'on avoit elûs jusqu'alors, & si de ces quatre Questeurs, il y en
me CI, 2. du auroit deux de Patriciens & deux de Plébéïens, où s'ils seroient tous quatre
M. 3ç88. Patriciens. La dispute dura si longtems,qu'il fallut venir à un intl-régne,
avant J. C. en
412. & qu'enfin on consentit à la proposition que fit Papirius Président des Comi-
Division ces, que cette année on ne choisiroit que des Tribuns militaires, & que les
datis Ro- quatre Questeurs seroient choisis par les Tribus indifféremment d'entre lesPa-
me. triciens& d'entre les Plébéiens. La chose fut exécutée comme Papirius l'avoit
proposée ; Mais le peuple par un fond de respeft pour les patriciens , ne
choisit ny les Tribuns militaires ny les Questeurs , que du nombre de famil-
les Patriciennes. Ce qui fut trés-mortifiant à deux Tribuns du peuple, dont
l'un nommé Antistius p-,%ésentoit son fils pour la Questure & l'autre nommé
Pompilius la demandoit pour son frere.
CLXXL Ils voulurent s'en venger en renouvellant l'accusation formée contre le
Le Consul Consul Sempronius, qui avoit si mal réÜssi contre les Volsques.
Sempronius
Semprôni- fut ajourné à comparoître dans le jour. Il comparut , parla avec une
us est con- fermeté qui étonna ses accusateurs. Les Senateurs s'enlploïérent pour le dé-
- damné à décharger ; Mais les Tribuns du peuple le firent con-
une grosse fendre & pour le faire
amende. damner à quinze mille as d'erain. L'as pésoit une livre.
Le*
Les esclaves, qui étoient en trés-grand nombre dans Rome,avoient ré- CLXXII,
solu de mettre le feu dans plusieurs endroits de la ville, & pendant le trouble Conspira-
tion des
que causeroit cette incendie, de s'emparer du Capitole & de se mettre en li- enclaves à
berté. Deux des Conspirateurs découvrirent le complot. On arrêta les plus Rome.
coupables, & on les punit. Les délateurs reçurent la liberté; & on leur ac- An de Ro-
corda sur le trésor public, dix mille as d'erain du poid d'une livre chacun.t me ??4.du
Quelque tems aprés on aprit que les habitans de la ville deLavice s'étoient M.
joints aux Eques & avoient renoncé à l'alliance & à la dependance de Rome. avant J G.
Les trois Tribuns militaires de cette année, vouloient tous marcher contre les CLXXIIL 410.
ennemis, & nul d'entr'eux ne vouloit demeurer à la ville, pour y maintenir le An de Ro-
bon ordre. Q.Servilius qui avoit été Di &,ateur, emploïa son autorité paternelle me 335. du
pour obliger Caïus Servilius son fils, qui étoit un des trois Tribuns militaires, à M. 3spi.
J. C.
rester dans Rome. Servilius obéït. Les deux autres partirent à la tête de leurs avant
la
-
409.
troupes; Mais la division qui avoit commence dans ville, continua dans l'ar- Revolte
ulée. Les deux chefs étoient toujours d'avis contraire ; de là le partage de sen- des Lavi-
timens & des inclinations parmi les Officiers subalternes & parmi les Soldats. cans.
Les Généraux convinrent enfin que pour obvier aux contestations, chacun
d'eux commanderoit sois tour. Cette nouvelle fut portée à Rome, & l'ancien
Servilius en prévint les suites fâcheuses. Il conseilla à son fils de faire des le-
vées à tout événement & d'armer des Soldats. Sa précaution fut d'un grand
usage dans la suite, comme on le va voir.
Peu de tems aprés L. Sergius un des deux Tribuns militaires livra la ba- CL XXIV,
taille aux ennemis. Ceux-ci feignant de fuïr se jettérent dans leur camp. Sergius esl
Sergius les suivit. Tout d'un coup on vit fondre sur eux des montagnes voi- vaincu par
imes une nuée d'ennemis. Les ^Romains surpris ne purent ni se ranger, ni les Eques
se défendre, il en perit un grand nombre. D'autres se sauvérent dans leur & les Lavi-
camp où ils passérent la nuit dans de grandes inquiétudes. Le lendemain ils cans.
à
se retirérent à Tusculum. Ceux qui avoient pris
une autre route, se rendirent
a Rome a la débandade, & y annoncèrent la fuite de l'armée. Les'troupes
levées par le jeune Servilius furent alors la ressource de la Republique. Le
Senat aïant ordonné qu'on nommeroit un Dictateur, le jeune Servilius
son Pere & celui-ci réciproquement nom-
ma , nomma son fils Lieutenant Géné-
ral de la Cavalerie.
On ne jugea pas a propos d'emploïer l'armée qui avoit si mal fait sous
Sergius. Le Dictateur & son fils sortirent de Rome , CLXXV.
avec de nouvelles trou- Servilius
pes, & allérent camper à deux mille de l'ennemi, qui n'était pas sorti de son Dictateur
camp. Le Dictateur leur présenta la bataille. La Cavalerie commença l'at- désait les
taque & fit plier les premiers rangs des ennemis. Après cela on fit avancer Eques &
les Légions ou la Cavalerie. Le Dictateur voïant un Enseigne qui les Lavi-
choit pas avec assez de vitesse, le tua de sa main. Cet exemple de ne mar- camr.
sévérité
donna une nouvelle ardeur aux troupes. Les Eques & les Lavicans se déban-
dent & prennent la fuite. On les assiége dans leur camp; leur résistance fut
courte & foible. Le camp fut pris & livré au pillage.
Les Lavicans avoient combattu avec tant de désespoir, qu'ils étoient
péris tous,
echa.
ou presque tous dans les diverses attaques. Les Eques Qui avoient
pé au massacre, s'étoient jette dans la ville de Lavice. Le Didateur les y suitr
& prend la ville par escalade. Le Soldat s'enrichit du butin qu'il y trouva.
Une victoire si complette ne fut pourtant pas jugée digne du triomphe. L'en-
nemi n'étoit pas assez coiisidérable. Le Dictateur ne garda sa dignité que
huit jours ; & le Senat pour prévenir les brouïlleries sur la distribution des
champs de Lavice, ordonna qu'on y conduiroit une colonie de quinze cens
hommes, & qu'on leur donneroit à chacun deux arpens de terre.
CLXXVL Les Tribuns du peuple causérent de nouvelles brouïlleries dans la Re-
Divisions à publique^rudemandant que les Patriciens revinssent à un nouveau partage
Rome sur deTfêrresqu'ils possédoient, & qu'elles susTent dillri buées par égale portion
la diftribu-
tion des entr'eux & les Plébéiens, comme un fond, qui leur appartenoit
également,
terres en- étant le fruit des conquétes & des travaux des uns & des autres.La chose étoit
tre les Pa- délicate pour les Senateurs qui possédoient de grands fonds de terre, sans
triciens & lesquelles ils ,
ne pouvoient soutenir leur dignité. Ils résolurent de jetter la
les Plébe'i-
division dans le corps des Tribuns, & de les opposer les uns aux autres. Ils
ens.
An de Ro- en séparérent six de leurs Collégues, & firent aceuser les deux promoteurs
me 3 37. du de la proposition,dont ils craignoient les suites,de vouloir corrompre le peu-
M. ple par des promesses & des prêtons, afin de satisfaire leur propre ambition.
avant J. G. Les Senateurs voulurent bien se rabbaitser jusqu'à implorer dans cette occa-
4°7,
fion le secours des Tribuns , & leur remontrer que les prétentions de leurs
Collégues jetteroient la confusion dans la Republique, en dépouillant les Se-
nateurs d'un bien, sans lequel ils ne seroient plus en etat de lui rendre leurs
services. Mevilius & Metilius Auteurs de laloy, eurent beau crier que leurs
Collègues trahissoient les intérêts de la République. Ils ne furent point ecou-
tez, & se désiftérent de leurs demandes. *
CLXXV11 Cet expédient, qui avoit si bien réÜssi au Senat,fut encore emploie dans
Nouvelles une circonstance semblable. La ville de Bola s etoit jointe aux Eques & avoir
brouïlle- fait quelques dégats sur les terres de la nouvelle Colonie de Lavice; On en-
ries pour voïa des'troupes contre Bola, la ville fut prise, & les Patriciens s'emparèrent
le partage partie de son territoire. Un Tribun du peuple nommé Sex-
.les terres de la meilleure
de la ville tius, proposa d'y envoïer une colonie, & d'en partager les terres aux nou-
Je Bola. veaux habitans. Le Senat brouïlla les Tribuns entr'eux, le plus grand nom-
An de Ro- bre protesta qu'il ne consentiroit point que l'on conduisit une colonie à Bo-
me 338. (tu Ia, à moins
M. 3694. que le Senat n'en fut d'avis. Ainsi l affaire échoua.
avant J. C. L'année suivante les Eques aïant repris la ville de Bola , & y aïant mis
406. une bonne garnison, la République envoïa contre les Eques un des Tribuns
eLxxviii. militaires nommé Publius Poithumius. Aprés avoir fatigué les ennemis par
Bola cst re- le siége de Bola, & en promit le pillage a ses
prise par divers petits combats, il forma
les Eques. Soldats dans la veuë de les encourager, mais fort résolu de manquer à là pa-
An de Ro- role, quand la ville seroit réduite en sa puissance. La ville s étant rendue.
me 339. du Posthumius en donna le butin aux Questeurs qui suivoient l'armée, pour être
M. 3695.
mis au trésor public. Cette mauvaise foy indisposa étrangement les troupes
avant J. C.
405. contre lui. Quelque tems après il fut rapellé à Rome, & le Tribun Sextius
aïant proposé en présence de Posthumius , de partager le territoire de Bola
Soldats qui en avoient fait la conquéte, Posthumius répliqua qu'il le ie-
aux ^ roii
loit ressentir à ses troupes, si l'on mettoit cela en avant. Le Tribun du peu-
ple Sextius profita de cette indiscrétion de Posthuraius, pour le mettre mal
dans l'esprit du peuple , & le connoissant d'un caractère trop vif & trop peu
circonspett,il ne manquoit aucune occasion de l'agacer pour le faire parler. Ce
qui se disoit à la ville, étoit aussi-tôt reporté au camp, & pour l'ordinaire d'une
manière exagérée & envenimée ; de sorte que quand Posthumius voulut y
retourner, il trouva les esprits tellement aigris, qu'à peine put-il arréter la sé-
dition.
Elle s'étoit formée avant son arrivée, & un Soldat aïant parle peu respe- CLXXIX.
Sédition
c1ueusement du Général, un des Questeurs nommé Sestius , le fit arréter par dans Par-
.un Licleur ; Mais il fut bientôt tiré de ses mains par ses Camarades , qui mée Ro-
tuérent à coups de pierres le Questeur Sestius. Cet attentat fut cause que maine. El-
Posthumius retourna au camp en diligence. Au lieu de travailler à ramener le met à
Jes esprits par la douceur il les irrita de plus en plus par la trop exacte re- mort son Géné-
,
cherche, qu'il fit des auteurs du trouble & par l'excessive sévérité --d-u suppli- ral Poftktt-
ce qu'il exerça contr'eux. Il les fit jetter dans l'eau & fit mettre sur eux une mius.
cbye chargée de pierres pour les enfoncer dans le marais & les y noyer. Les
cris que ces malheureux poussoient,attirérentautour d'eux une troupe de leurs
Camarades qui les délivrèrent. Pofthumius transporté de coleré, descendit

,
de son Tribunal & ordonna à ceux qui étoient autour de lui, d'arrêter ces
mutins. On se mit en devoir de lui obéïr ; Mais les Soldats sans respecter
ni la perColine ni le caractère de leur Genéral le poursuivirent & l'accablé-
rent à coups de pierres. Exemple funeste de l'excessive rigueur du Chef, pu-
nie par l'abus que le Soldat fit de sa liberté.
Les Tribuns militaires restez à Rome entreprirent de venger la mort de CLXXX.
leur Collègue. Les Tribuns du peuple s'y opposërent. Le Senat crut que M. Corne-
lius-Cofflis
cette contestation lui seroit favorable pour faire elire des Consuls, au lieu des & Lucius
Tribuns militaires; Il y réüssit. On choisit Cornelius Cossus & Furius Me- Furius Me-
dulinus. Ils commencèrent l'exercice de leur charge par le châtiment des dullinus
Soldats qui avoient mis à mort leur Général. Le nombre des condamnez ne Consuls.
fut pas grand. Ils se donnérent la mort à eux-mêmes. Les Volsques aïant An de Ro-
fait le dégat sur les terres des Herniques, le ConsulFurius fut envoie contr'eux. M. me 340. du
3^96.
Les ennemis n'osérent paroître en campagne. Ils se jettérent dans la ville de avant J. G.
Ferentine, le Consul les y suivit, & emporta la place sans résistance mais 404.
,
les Volsques en étoient sortis pendant la nuit & en avoient emporté tout ce
qu'il y avoit de meilleur. La ville & le territoire de Ferentine, turent cédées
aux Herniques, apparemment pour les dédommager des pertes qu'ils avoient
souftertes.
La peste & la famine, maux presqu'inséparables, affligérent la ville de CLxxxL
Rome deux années de suite ; Mais elle eut le bonheur de jouir de la tran- Peste & fa-
quilité tant au dedans qu'au dehors. La guerre succéda à la peste. Les mine à Ro-
Eques &les Volsques firent des courses dans les païs des Herniques & des La- me. An de
Rome 341.
tins. Rome ne regardoit pas la guerre comme un grand mal. Du moins ?42.
c'étoit un mal qui avoit ses utilitez; souvent c'étoit une ressource, quand la
division regnoltau dedans des murs dela ville,poury rétablir lapnix par l'ab-
fence des esprits brouillons, qui la troubloient. Marcus Ælni1ius & Caïus Va-
CLXXXII.
M-iEmilius lerius étaient Consuls. Ce dernier fut destiné par le sort à aller téprimer les
& Caïus ennemis. Un des Tribuns du peuple nommé Mœnius s'opposa aux levées de
Valerius la Bourgeoisie, demandant qu'au préalable les Patriciens accordassent le par-
Consuls. l'on demandoit depuis si longtems. Pendant ces dis-
An de Ro- tage des champs, que les campagnes des Romains & leur
me 343. du putes les ennemis coururent impunément
M. enlevèrent la ville ou la forteresse de Carvente, qui étoit fort prés de Rome.
avant J. C. C'étoit une insulte faite à la Republique. Le peuple Romain & les Tri...
401. buns abbandoinerent JVlœnius. Les enrolemens se firent avec sflez de faci-
Guerre marcha Carvente, qu'il reprit aisément. La
contre les lité, & le Consul Valerius contre
Iques. meilleure partie de la garnison en étant sortie, pour aller piller les campagnes,
le Soldat Romain se flattoit qu'on lui- en livreroit le pillage ; Mais le Consul
fit vendre tout le butin & en remit l'argent aux Queiteurs qui suivoient l'ar-
nlée; & dit à ses Soldats qui en murmuroient, qu'ils auroient part au butin.,
quand ils seroient plus sournis aux Consuls & plus dociles aux enrôlement
Il retourna à Rome, & on lui décerna l'honneur de l'ovation.
Ce fut dans cette cérémonie que son armée fit éclatter son mécontente-
des triomphes, le Soldat
ment. 11 étoit assez ordinaire que dans la pompeson Général,
victorieux se donnât la liberté de censurer même & de chanter
lui des satyriques & piquans. Dans l'ovation de Valerius, les Lé-
contre vers
gions partagées comme en deux choeurs chantoient les unes des airs contre
Valerius & les autres les louanges du Tribun Mœnius. Le peuple méloit si
voix avec ces derniers, & l'air retentissoit des louanges du Tribun. Ces ior-
de libertez étoient souffertes, & on ne s'avisa point de les réprimer, ni
tes
de les châtier ; Cependant les Senateurs appréhendant que l'on procédoit
si
àl'élection des Tribuns militaires pour l'année suivante, Mœnius n'y eut part,
firent si bien qu'on elût des Consuls, qui furent Cneïus Cornelius & L. Fll-
rius.
cr-YXXIII'. I e peuple à son tour choisit pour Tribuns des hommes hardis & entrc-
Cnéius prenais, & qui lui avoient toujours été dévoüez & toujours opposez à la
Cornélius noblesse Les principaux furent trois hommes de mêmes noms, lavoir L. Ici-
& L. Furius
lius célébre dans le Tribunat. Ils entreprirent de faire choisir pour
Consuls. nom Plébéïens, & ils y réüssirent. De quatre Ouesteursqu'on
An de Ro- Queiteurs quelques Plébéienne ; Creso Fabius fut le seul
me 3 44. du devoit choisir, il y en eut trois de race
M. 3600. Patricien qu'on eleva à laQueflure. Cet emploi étoit alois fort confrlérable.
avant J. G. Les Queiteurs tenoient régistre de la recette & de la dépenie du Mélor pub...
400. des impositions, & de la vente des
Employ & lic. Ils recevoient les deniers provenans
prérogati- dépouïlles prises for l'ennemi. Ils fouinissoient aux dépenses de la guerre &
ves des étaient dépositaires des aigles Romaines, dans la ville de Rome. Ils n'a voient
uefteu rs. été deux jusqu'à l'an 332. de Rome. Alors on en créa deux autres, dont
que
l'emploi étoit borné à subvenir aux frais de la guerre ; C'est pourquoi ils lui-
voient toujours les Généraux en campagne.
Cette espéce de victoire que les Plébéiens venoient de remporter sur les
Patriciens, leur donna de grandes espérances & leur inspira des sentimens de
hauteur, qui allérent toujours en s'augmentant. Ils se promettaient
déjà les
plus
plus grands honneurs, le commandement des armées, les honneurs du triom-
phe, le Consulat, le Tribunat militaire. Le Sénat au contraire étoit au déses-
poir de cette elevation des Plébéiens.
En ce même tems la nouvelle vint à Rome, que les Eques & les Vols- CLXXXIR,'
Quand Guerre
ques étoient entrez en armes sur les terres des Latins & des Herniques. les
il fut question de faire les levées de troupes, les Tribuns du peuple s'y op- contre
accordât l'année suivante des Tri- Eques &
posérent & demandérent qu'on leur pour les Vols-
buns militaires au lieu de Consuls. C'est qu'ils se flattoient d'être eux-mêmes ques.
elevez à cette dignité. Le Senat fut obligé de céder & de leur accorder leur
demande; Mais avec cette restridion que nul des Tribuns du peuple de cette
année, ne pourroit être elu Tribun militaire , ni même demeurer dans l'em-
ploi de Tribun du peuple.
A ces conditions on leva une armée, & les deux Consuls, sélon les uns,
ou seulement un d'eux, selon les autres , marcha contre les ennemis,aprés qui
s'étoient de nouveau emparé de Carvente. On attaqua la ville ; Mais
y avoir bien per.du du tems , on fut obligé d'en lever le siége. En récom-
pente les Romains prirent Verruge vills des Volsques; aprés quoi ils firent le
pillage du païs des Eques & des Volsques.
Le tems des eleétions étant venu les Nobles qui n'avoient rien tant à CLXXXV.
d'exclure Plébéïens du ,
Tribunat militaire, usérent d'artifice C.Julius
coeur que les pour Icilins. P'
n'y faire admettre que des nobles. Ce fut d'engager des bourgeois du der- Cornelius
nier étage à briguer cette dignité , & de les appuïer de tout leur crédit. Le Goulus &
peuple Romain aima mieux prendre des Patriciens pour Tribuns militaires, ^ G. Servilius
d'en choisir de si méritans parmi les Plébéïens. Ainsi les Tribuns du Ahala Tri-
que peu buns mili-
peuple furent frustrez de leur attente. taires.
Les Volsques fiers de leur conquéte de Carvente, d'où les Romains n'a- An de Ro-
voient pu les taire sortir engagèrent leurs voisins à se joindre à eux, pour me 34,. du.
leur faire la guerre. Le ,danger parut si grand au Senat, qu'il ordonna qu'on M. 3601. G.
J.
nommeroit un Dictateur pour commander l'armée. Les Tribuns militaires avant 399'
s'en offcnsérent, & refusérent d'en nommer. Les Senateurs se plaignirent aux
Tribuns du peuple de la désobeïssance des Tribuns militaires. 1Les Tribuns
du peuple piquez du peu d'égard qu'on avoit eu pour eux dans le tems des
dédions, refusérent à leur tour d'emploïer leur autorité pour contraindre les
Tribuns militaires à se soîlmettre. Cependant le danger augmentoit, & l'en-
nemi prenoit de nouvelles forces. Dans cette perplexité Servilius l'un des
trois Tribuns militaires que le sort avoit destiné pour demeurer dans Rome ;
pendant que ses Collègues devoient marcher contre l'ennemi, déclara publi-
quement que il l'on persistoit à ne vouloir pas s'accorder à nommer unDida-
teur, il le nommeroit lui-même des la nuit suivante, en vertu de l'autorité du
Sénat, qui dans cette circonstance lui tiendroit lieu de loy, & suppléeroit cirxxvf.
aux formalitez accoutumées. En effet il nomma P. Cornélius Rutilus pour P... Corne-
DiCtateur, & celui-ci à son tour nomma Servilius pour son CotJllnandant Gé- lius Rutilas
I1tral de la Cavalerie. Ils partirent de Rome & livrèrent la bataille aux Vols- Dictateur.
Guerre
ques proche la ville d'Antiun1. Les ennemis furent battus & mis en fuite. contre les
On leur prit un petit fort situé sur le Lac Fucin, où l'on trois
fit mille prison- Volsques»
niers.Leur païs fut ravagé, & l'armée viétorieuse revint à Rome; niais comme
l'expédition avoit été peu importante, on ne décerna point le triomphe au
Dictateur.
L'année suivante on élut des Tribuns militaires pour gouverner la Re-
publique, & de peur que le choix ne tombât sur quelques Plébéïens le Se.
,
nat eut soin de ne proposer pour cette dignité que des persannes d'un méri-
te si éminent que le peuple ne put leur refuser son suffrage. En effet on
choisit Caïus Valerius, L. Furius,Num. Fabius, & C. Servilius. Sous leur
gouvernement la tréve avec les Veïens expira, & les Romains leur envoïérent
des Feciaux pour demander réparation des torts qu'ils avoient faits à la Repu-
blique. En même tems les Veïens en firent partir pour prier le Sénat de
suspendre l'exécution de ses demandes, jusqu'à ce que les troubles domelti-
ques de Veïes susTent assoupis, & le Senat eut égard à leurs priéres. R:ire
exemple de magnanimité.qui ne veut pas profiter des divisions de ses voi-
sins.
cLX&vn.
En même tems les Volsques assiégérent Verruge, & pendant que les Ro-
Siége de mains différent de lui envoïer du secours, la Garnison est obligée de se ren-
Verruge dre. Elle fut passée au fil de l'epée. Les Tribuns militaires étant enfin entrez
par les en campagne surprirent les Volsques occupez à piller & les taillèrent en
Volsques. pièces. , ,
An de Ro- L'année suivante la guerre recommença contre les Volsques. Ils ne
me 346. du
M. ;.602. parurent pas en corps d'armées. On ravagea leurs campagnes, & le Tribun
avant J. G. militaire Fabius attaqua la ville d'Anxur, pendant que deux de ses Collègues
398. portoient la désolation dans le pays ennemi. Anxur nommé aujourd'huy
etxxxviir.
Prise d'An- 'ffrracine, étoit située sur une montagne aïant au bas des marécages. Fabius
xur. pour amuser les assiégez, fit monter Caïus Servilius Ahala avec quatre Cohor-
An de Ro- tes sur une éminence, qui commandoit la ville feignant de vouloir donner
,
me 347. du l'assaut de ce côté-là. Pendant que les assiégez y accourent, le Tribun fait
M. 3603.
ses echelles contre les murs du côté du marais, & étant entré dans la
avant. J. C. planter
397- ville, il fait mainbasse sur tout ce qu'il recontre. Aïant ensuite défendu de
tuër ceux qui mettroient les armes bas , les Bourgeois d'Anxur se rendirent
prisonniers au nombre de deux mille cinq cens. Pour le pillage de la ville,
Fabius le différa jusqu'au retour de ses Collègues , afin que toute l'armée y
eût part. Cette conduite lui attira les louanges & l'affeétion des troupes,
& contribua beaucoup à la reconciliation du peuple avec la nobk'iïe.
Un autre bienfait de la part du Sénat, acheva de gagner le peuple Ro-
CLXXXIX.
On a (ligne main. Jusqu'alors les Soldats avoient
vécu à leurs depens, ou aux dépens
une solde des ennemis dans les expéditions militaires ; & c'est ce qui rendoit pour
à l'Infante- l'ordinaire les enrôlemens si difficiles. Le Sénat fit un décret que dans la
rie Romai- suite l'Infanterie Romaine seroit défraïée
en campagne au dépens du public.
ne. Senat l'avoit
Tit. Liv. Cette ordonnance fut d'autant plus agréable au peuple , que le
fait de'son propre mouvement. Les Citoiens en témoignèrent une joye &
une reconnoissance extraordinaire. - Les Tribuns du nouvellepeuple essaïérentde dé-
crier cet établissement, en faisant entendre que cette solde étoit une
nouvelle imposition qui se feroit sur le bourgeois, Mais les Sénateurs s'é-
tant
tant cottisez eux-mêmes à des hommes proportionnées à leurs grands biens;
les Tribuns du peuple n'eurent plus rien à répliquer. On remarqua que
quelques Sénateurs pour faire montre de la grandeur des sommes qu'ils paï-
oient, les envoïérent au tresor public sur des charettes ; Car alors on n'usoit
point encore à Rome de monnoye d'argent; mais seulement de monnayede
cuivre fort massive. L'exemple des Sénateurs fut imité par les plus riches
bourgeois ; Aprés quoi le menu peuple ne resusa plus de contribuër selon
là taxe, sans écouter les Tribuns du peuple qui promettaient de soûtenir
,
ceux qui ne vôudroient pas payer.
Alors il n'y eut plus nulles difficultez pour faire les enrôlemens. La cxc
SixTribuns
jeunesse se présenta en foûle pour entrer dans l'Infanterie, & la guerre contre militaires.
les Veïens qui avoit été différée jusqu'àlors fut resoluë d'un commun con- Guerre
,
sentement, & on élut jusqu'àsixTribuns militaires, au lieu de quatre qu'on en contre les
avoit elu jusqu'alors ; soit que le peuple Romain voulut par-là marquer sa Veïens.
recoimoissance envers la noblesse, ou que la double guerre contre les Veïens An de Ro-
Volsques me 348. du
d'un côté, & les Eques & les de l'autre, demandât qu'on augmen- M. 3604.
tât le nombre des Généraux. Heureusement les Eques & les Volsques ne avant J. G.
remuèrent point cette année , & tout le poid de la guerre tomba contre 396.
la ville de Veïes.
Cette ville étoit trés considérable tant par sa situation sur une espece de Vide Tito
rocher, ou d'éminence rabotteuse & pierreuse. Les Historiens la comparent Dion.yJ. Liv. /. 4.
en grandeur à la ville d'Aihénes & à Rome même. Or Athènes avoit envi- Halicarn.
ron 22. ou 23. mille pas de circuit, ce que feroit prés de sept lieues, à pren- 1. 2. Plut,
à
dre la lieuë 3. mille pas. Le siége que les Romains en formérent5étoit la Vit. Ca-
plus grande entreprise qu'ils eussent encore faite, & les Historiens la compa- milli.
rent au siége de Troye. Le corps des Etrusques délibéra s'il se déclareroit
pour les Veïens, ou s'il garderoit la neutralité. Et ce dernier sentiment
l'emporta. La premiére campagne contre Veïes ne fut, pour ainsi dire,
qu'un prélude de la guerre qui se préparoit contr'elle., Les Tribuns militai-
res qui en avoient formé le liège, revinrent à Rome avec leurs troupes, sans
avoir rien fait de mémorable.
Les Chefs de la République qui leur succédérent, furent obligezde par- CXCI.
tager leurs forces entre les Veïens & les Volsques. Ces derniers furentvain- Guerre
CLIS
entreFerentine & Ecetra.Delà les Romains marchèrent contre Arténe qui contre les
fut assiégée, & le siége poussé avec vigueur. Les Arteniens dans une sortie & Volsques
les
qu'ils firent furent repoussez & les Soldats Romains entrérent avec Veïens.
péle ,
placer ,
eux mêle dans la Arténe fut prise, & ce qu'on y trouva, An de Ro-
sut passé au fil de l'epée. La Citadelle où s'étoit retirée la meilleure partie me 349. du
de la Garnison avec tout ce qu'il y avoit de plus prétieux dans la ville, M. 3605,
fut aussi forcée par la trahison d'un esclave qui découvrit un sentier avant J. C.
, ?S-
par où l'on y pouvoit grimper. Ce Chateau fut rasé aussi bien Tit.Liv.1.5
que la ville, & l'esclave reçut la liberté pour récompense , avec les biens de
deux familles de la ville qu'il avoit trahies. Aprés cette heureuse expéditi-
on l'armée vint joindre les troupes qui étoient occupées au siége de Veïes,
& qui n'y firent pas plus cette année, qu'ils avoient fait la campagne précé-
dente;
dente. Les Généraux raménérent leur armée à Rome pour y passer l'hy-
ver.
CXCll. Les nouveaux Tribuns militaires comprirent aisément qu'une place de
Continua- cette importance ne pourroit être réduite qu'à la longue , & plutôt par
Uzi-

tion du mine que par la force. , Ils firent deux choses pour s'en aflurerla conquête.
siége de Ils enveloppérent la ville de fossez & de retranchemens pour empêcher
Veïes.
de qu'il n'y pût entrer aucun secours, & que les assiégez ne pussent faire aucune
An Ro
HO.du sortie contr'eux. De plus ils fortifiérent leur camp audehors à l'ordinaire
me Enfin ils persuadérent à
'M. J606. contre ceux qui pourroient les y venir attaquer.
avant J. C. leurs troupes de passer l'hyver en campagne sous des baraques ou des tentes
994. de cuir; Chose inusitée jusqu'alors. Le Soldat Romain qui recevoit régulié-
Liv, 1. 1. rement'sa
solde en campagne, n'eut pas de peine à prendre ce parti; aimant
mieux vivre dans le camp aux dépens du public, que dans Rome à ses pro-
pres dépens.
Les Tribuns du peuple, à qui ces expédiens otoient l'occasion de brouil-
ler, en retenant la jeunesse Romaine les années entiéres dans le camp , en
portérent leurs plaintes aux peuple, & lui représentérent que c'étoit un arti-
fice de la noblessè, pour opprimer la liberté des Plébéïens; Mais Appius Clau-
dius le seul Tribun militaire qui étoit demeuré dans la ville , refuta leur di-
scours & fit voir que les Tribuns du peuple agissoient réellement contre
les intérêts de la Republique, en fomentant la division entre le corps des
Patriciens & celui de Plébéiens , qu'il étoit impossible de réduire la ville de
Veïes, à moins d'en continuer le siége peut-être pendant plus d'une année ;
qu'en l'abbandonnant , on abbandonnoit des travaux immenses conitruits
devant & autour de la place ; & on laissoit impunis des ennemis insolens,
qui avoient violé les droits les plus sacrez, en faisant mourir les Ambassadeurs
de la Republique, ses ennemis irréconciliables, qui déja sept fois avoient dé-
claré la guerre aux Romains. Que continuër à ramener chaque hyver les
troupes dans la ville, c'étoit vouloir demeurerdans toujours dans un état borné,&
se mettre hors d'état de pousser ses conquêtes les païs éloignez, Ces
raisons persuadérent la Commune.
Quelque tems aprés les Veïens aïant brûle une tour de bois roulante,
les assiégeans avoient dressée contre les murs de Veïes , les plus riches
que
bourgeois de Rome vinrent de leur mouvement s'offrir à aller au siége de
Veïes, & le fournir de chevaux à leurs frais, pourveu qu'on les admit au
nombre des Chevaliers Romains ; Le même peuple piqué d'émulation , vint
aussi faire offre de service dans 1-'Infanterie. #Le Senat leur en témoigna sa
joïe & sa reconnoissance > les uns &les autres se rendirent devant Veïes; la
&
non seulement on donnaLe la solde à l'Infanterie , on commença même a
donner à la Cavalerie. fameux Furius Camillus, qui dans la suite parut
étoit alors Cenfeuravec MarcusPolt-
avec tant d'honneur dans la République,
humius. Pour subvenir aux grandes dépenses que la Republique étoit obli-
gée de faire dans la guerre, ils imposérent une taxe ou une grosse amende a
vouloient point donner de lu-
ceux qui demeuroient dans le célibat, & ne
jets à la Republique, ^
La campagne suivante ne fut pas heureuse pour Rome. Les Volsques re- excm.
prirent la ville d'Anxur, dont la Garnison Romaine avoit négligé la garde, en Défaite de
Sergius de-
le répandant dans le voisinage pour trafiquer ; Et les nouveaux Tribuns mili- vant Veïes.
taires qui furent envoïez devant Veïes, n'agissant pas de concert, faillirent à An de Ro-
perdre le fruit de tant de travaux que les Soldats Romains a voient soufferts me 1. du
devant cette place. LesCapenates & lesFalisques voisins des Veïens, craig- M. g607.
nant que si les Romains se rendoient maître de Veïes, ils ne tombaient bien- avant J. C.
393.
tôt sur eux, résolurent de marcher à leur secours. Manius Sergius , un des Liv:L 1.
Tribuns militaires, commandoit les Legions destinées à faire les attaques, &
ion Collégue Caïus Virginius . étoit Général de l'armée d'observation qui
campait devant la ville. Les Capenates & les Falisques tombèrent avec im-
pétuosité sur Sergius, lorsqu'il s'y attendoit le moins , & en même tems les
Veïens firent sur lui une vigoureuse sortie. Attaqué des deux côtez il ne
,
pouvoit avoir de ressource que dans le secours de Virginius son Collégue ;
mais il s'opinatra à ne vouloir pas lui en demander , & Virginius quoique
trés bien informé de l'extrémité, où il étoit réduit, refusoit opiniatrement de
lui erivoïer du renfort, à moins qu'il ne lui en demandât. 11 se contentoit de
tenir son armée rangée en bataille & prête à marcher , aux premiers ordres
qu'elle en recevroit.
Cependant Sergius accablé par le nombre des ennenlis , fut obligé de
succomber. Il perdit beaucoup de ses Soldats & se retira à Rome avec une
partie de ses troupes, rejettant toute la faute du mauvais succés sur Virginius.
On rapella ce dernier à la ville, la conduite du liège fut laissée aux Lieu-
tenans Généraux. Le Senat s'assembla pour entendre Sergius & Virginius.
Les avis furent partagez suivant les intéréts ou les inclinations des Juges;
Comme on ne pouvoit convenir de rien il fut ordonné que l'on procédé-
,
roit à de nouvelles eledions de Tribuns militaires ,
avant le tems ordinaire,
qui étoit au commencement de Décembre. Les deux accusez refasérent de se
soumettre à ce décret du Senat. Les Tribuns du peuple voulant profiter de
cette résistance r our augmenter leur autorité , déclarèrent que s'ils persiftoi-
eut dans leur refus, ils les feroient emprisonner. Alors Servilius Ahala l'un
des Tribuns militaires de cette année, reprit que cette entreprise étoit audef-
sus du pouvoir des Iribuns du peuple ; Mais qu i! avoit en main un moïen
leur de surmonter la résistance de Sergius & de Virginius, qui étoit de créer
un Dictateur. Tout le monde applaudit à ce sentiment, & les deux accusez
n'y pûrent contredire; ainsi ils se sournirent, & 011 fit de nouveaux Tribuns 1
militaires, qui entrérent en charge dez le premier jour d'Odobre. CXCIV.
Rome avoit à faire la guerre à la fois aux Veïens, aux Capenates aux Nouveaux
Falisques & aux Volsques, qui s'étoient emparé d'Anxur. Il fallut pour, cela Tribuns
militaires.
augmenter le nombre des troupes , & obliger non seulement la jeunesse à An de Ro-
prendre les armes, pour marcher en campagne, mais même les vétérans,pour me 3Ç2. du
garder la ville; & par conséquent augmenter les taxes & les impositionspour M. 3608.
fournir à tant de frais, & à la laIde de tant de Soldats. Les Tribuns du avant J. C.
peuple faisoient valoir ces difficultés, afin de faire tomber ces impositions, Liv.?92.1. j.
qui n'étoient pas de leur goût ; Et ils voulurent persuader aux vétérans qui
étoient restez dans la ville, que le service qu'ils y rendoient, les cxcusoient(fc
ces taxes.
Un autre incident faillit de brouïller les Patriciens avec le peuple. Dans
les Comices de cette année, on ne put s'accorder que dans le choix de huit
Tribuns du peuple, au lieu de dix, dont leur collége devoit être composé. Les
Patriciens firent leurs efforts pour faire entrer dans les deux places vacantes,
deux personnes de leur corps. Ils n'y réunirent pas, mais ils réunirent à y
en faire nommer deux du corps des Plébéiens, non par l'alTemblée du peu-
ple, mais par le plus grand nombre des huit Tribuns déja choisis ; ce qui
donnoit atteinte à la loy Trebonia , qui portoit qu'on ne renvoïeroit point
les Comices, que le nombre de dix Tribuns ne fût rempli.
excv. La loy Trébonia étoit odieuse au Senat & agréable au peuple. Un nom-
Sergius & mé Caïus Trebonius de la race de celui qui avoit porté la loy étoit alors
Virginius ,
peuple. Il se mit tête de persuader à la populace, que les Se-
condam- Tribun du en
à paier nateurs en renversànt la loy Trébonia, ne cherchoient qu'à introduire les Pa-
nez
dix mille triciens dans le Tribunat du peuple , pour se rendre ainii maîtres de tous les
as. suffrages, & opprimer la liberté de la Republique. Ses discours remplirent
la multitude d'indignation, non seulement contre le Senat, & contre les deux
Tribuns Qu'il avoit fait elire, mais aussi contre les trois Tribuns, qui avoient
le plus contribué à leurs eledions. Ces derniers, pour taire dlvertlon de la
haine publique, résolurent d'accuser devant le peuple Sergius & Virginills,
qui n'avoient pas été punis de ce qu'ils avoient fait devant Veïes, Sergius en
s'obstinant à ne vouloir pas demander dusecurs à son Collègue, & Virginius
refusant de marcher au secours de Sergius , dont il n'ignoroit pas le dan-
en & s'excuser, ils furent condamnez a païer
ger. Les accusez eûrent beau crier
dix mille as , & les paieront en esset.
Pendant que ces choses se passoient dans la ville, on continuoit le liege
de Veïes & on réparoit les ouvrages que les Capenates & les Falisques
,
avoient démolis. Ces peuples n'avoient osé paroître en campagne, & avoient
abbandonné leurs terres au pillage. Du côté des Volsques l'armée Romaine
sous la conduite de L. Valerius, aprés avoir tenté inutilement d'emporter
d'emblée la ville d'Anxur, en avoit ravagé les environs, avoit bloqué la pla-
ce, & l'avoit enveloppée d'unîarge fossé.
la solde des troupes, se faisoit avec beaucoup
CXCVI. La levée des deniers pour
de lenteur & de difficultez, par l'opposition des Tribuns du peuple, & l'on
L'ordre
Plébéien fut sur le point de voir une sédition dans l'armée à cette occalion ; mais ces
est enfin difficultez furent agréablement levées des le commencement de Tannée sui-
admis dans1
vante, par le mélange que l'on fit de l'ordre Plébéien au Patricien , en
le Tribunal'admettant Tribun militaire Plébéïen nommé P. Licinius Calvus, dans le
militaire. un toujours été tirez
Tit.Liv. L 5 corps des autres Tribuns militaires, qui jusqu'alors avoient
An de Ro- du corps de la Nobleffie. Licinius étoit dès-auparavant eleve au rang desSe-
me ?53-dul nateurs; & son âge aussi bien que 1a sagesse, l'avoient slit entrer, tout Plé-
M. 3609.
béïen qu'il étoit, dans le Tribunat militaire. Cela fit tant de plaiiir a la com-
avant J. C. plaisir les taxes imposées, & les troupes aïant reçu
391. mune, qu'elle païa avec
leurs soldes à l'ordinaire, reprirent un nouveau courage. Anxur fut renuse
Lu us
Tous robéïsTance de' la Republique, & le siége de Veïes se continua avec
-beaucoup de courage.
Lorsqu'il futquestion de créer de nouveaux Tribuns militaires, les centu- CXCVIL
Ginq Tri-
ries assemblées prenant goût à donner cette première dignité de la Republique bun mili-
à des Plébéiens, en cboisirentcinq de cet ordre, & n'y en mirent qu'un seul taires créez
de l'ordre Patricien. Les trois armées qui avoient agi séparemment la cam- de l'ordre
pagne précédente , se réunirent en une , & se rendirent devant Veïes. Les Plébéien,
Capenates & les Falisques vinrent encore au secours des assiégez, & attaqué- & un seul
assiégeans. de l'ordre
rent les lignes, pendant que les Veïens firent une sortie sur les Patricien.
L'exemple de Sergius & de Virginius rendit les Généraux vigilans. L'armée An de Ro-
d'observation donna à dos sur les Capenates & les Falisques, pendant que me H4. du
les troupes qui étoient dans les lignes sortirent sur eux. Attaquez de deux M. ::610.
J. G.
cotez, ils prirent la fuite, & laissérent la terre couverte de leurs morts. Le avant390.
peu qui echipa fut rencontré par un parti Romain qui retournoit des envi- Tit.Liv.l. %
rons de Capene, & fut taillé en pieces.
L'hy ver de l'année précédente avoit été trés-rigoureux, & les chaleurs de CXCVlII.
l'été furent excessives. Cette inégalité des saisons causa la mortalité des hom- Peste &
mortalité
mes & des animaux. Le Senat ordonna aux Décemvirs de consulter les li- à Rome,
bres Sybillins. Ils raportérent qu'ils y avoient trouvé, que pour aporter du re- comment
mède au malprésent, il falloit faire pendant huit jours des festins & des réjouïf- apaisée.
sances, où l'on inviteroit Apollon, Latone, Diane, Hercule, Mercure & Ne- An de Ro-
ptune, & où tous les étrangers seroient reçus gratuitement. Le remède étoit me 354.
aile & naturel. La joïe, la bonne chére, le délassement de corps & de l'esprit
font des moïens propres à rétablir l'harmonie des humeurs & à guérir l'Î111a-
gination frappée. La chose fut exécutée comme lesDécemvirs l'avoient dit.
L'on dressa des tables aux Dieux, mais ce qui y fut servi, fut mangé par les
hommes conviez, & enfin la maladie cena.
L'esprit de la multitude se laide ordinairement conduire par des mo- exCIX.
tifs de Religion. La Noblesse qui cherchoit, a quelque prix que ce fÙt, de T ribuns
rentrer dans le Tribunat militaire, fit entendre au peuple que les rigueurs de militaires de
l'hyver, que les excessives ardeurs de l'été, que la peste qui avoit suivi, étoient tous l'ordre des
des marques du courroux des Dieux irritez du changement qu'on avoit fait Patriciens.
,
depuis deux ans dans le gouvernement de la Republique ; En même tems ils An de Ro-
mirent sur les rangs, pour briguer le Tribunat militaire, des personnes si méri- me 3^5.dw
tantes & si distinguées par leur naisfince, que le peuple ne put leur refuser M. ?6ii. J. G.
les suffrages. Ce furent L. Valerius, L. Furius, M. Valerius, Quintus Ser- avant 389.
vilius, Q. Sulpicius & le célébre Camille pour la deuxième fois.
Ils furent occupez partie au liège de Veïes, & partie à la guerre contre Déborde-
les Capenates & les Falisques. Lucius Valerius ravagea tout le païs d'autour ment du
de Falerie, & Camillus fit la même chose dans le territoire de Capéne. Les lac d'Albe.
Supedti.
autres Tribuns militaires poussoient le siége de Veïes, mais avecassez de len- tion des
teur. Pendant cet été, qui fut extrêmement sec, tout d'un coup le lac d'Albe, Romains à
aujourd'huy nommé Cartel-Gandolphe qui comprend environ huit mille cette occa-
,
pas de circuit, & qui a environ 48s- pieds de profondeur dans l'endroit le si on.
plus profond ; Ce lac se déborda, & ion inondation se répandit dans les cam-
pagnes voisines. Cet événement dont on ignoroit la cause, fut pris pour une
marque de la colère des Dieux, non seulement par les Romains, mais aussi
par les autres peuples d'Italie. Comme on s'en entretenoit au siége d'Albe,
& que les Soldats Romains en parloient même aux assiégez, comme il arrive
quelque fois dans les longs siéges, que les Soldats des deux partis se parlent
& s'entretiennent, un vieu Soldat Veïen rempli d'une espéce d'Enthousiasme,
s'écria que Veïes ne seroit prise que quand les eaux du lac d'Albe seroient
écoulées.
Ce discours fit inlpreffiol1 sur un Soldat Romain, qui demanda à un au-
tre Soldat Etrusque qui étoit ce Vieillard. On lui répondit que c'étoit un
Devin, qui s'étoit aquis de la réputation par plusieurs autres prédictions, qui
s'étoient vérifiées. Dez ce moment le Romain résolut d'enlever ce vieillard.
Il l'attira hors de la ville, sous prétexte de lui demander l'explication de quel-
que chose, qui le concernoit personellement, & l'aïant saisi parle milieu du
,
corps , il l'amena dans le camp d'où le Général le fit conduire à Rome.
Présenté devant le Senat, & interrogé sur ce qu'il avoit dit de l'écoulement du
lac d'Albe, il répondit que la tradition d'Albe conservée dans les livres d'an-
ciennes prédictions, portoit que, quand le lac d'Albe se déborderoit, si les
Romains pouvoient en faire ecouler les eaux, non dans la LYler, mais dans
quelqu'autres lieux, la ville de Véïes abbandonnée du secours de ses Dieux,
seroit obligée de se rendre à ses ennemis.
cc. Le Senat ne s'en tint pas encore à la Prophetie de l'Etrusque, tout pré-
Guerre venu qu'il fut de la capacité de ceux de cette nation dans l'art de prédire
contre les l'avenir. Il ordonna une députation de trois des principaux de la Noblesse,
Volsques, aller consulter l'oracle de Delphes. Les députez partirent ; mais ils ne
les Eques, pour
lesTarqui- revinrent à Rome qu'après l'e!et1:ion des nouveaux
Tribuns militaires qui
,
mens, les furent tous tirez de l'ordre des Patriciens. Ils partirent chacun pour leur dé-
Ve'iens &c. partement, ainsi qu'il fut reglé par le sort à l'ordinaire. Le siége de Vcïes
An de Ro- languissoit en attendant la réponse de Delphes, qui se trouva conforme à la
me H6.du prédiction du vieillard Etrusque,
M. 3*612.
la Pythienne l'aïant sans doute coniposée sur
avant J. C. le récit qui lui avoit été fait de l'avanture & de
la prophétie de ce vieillard.
m. Pour embellir sa réponse, elle ajouta qu'on eut à rétablir les anciennes céré-
monies négligées, & à recommencer celles qui avoient été mal saites , &
qu'après que le tout seroit accompli, on envoïât à Delphes de riches présens.
Le Senat n'omit rien de tout ce que la Prétresse de Delphes avoit ordon-
né. On renouvella l'assemblée des feries Latines, qui avoient été interrom-
puës & qui se devoient faire en l'honneur de Jupiter Latial sur la montagne
d'Albe ; On recommença la cérémonie des aulpices qui s'étoit faite dans
l'élection des Tribuns militaires, dans laquelle on s'aperçut qu'il y avoit eu
quelques défauts. Enfin on envoïa du monde pour creuser un Canal, afin
de faire couler les eaux du Lac d'Albe dans les campagnes, & l'empêcher de
tomber dans la Mer. Le défaut qui se rencontra dans les auspices, fut cause
que les Tribuns militaires se démirent volontairement de leur Magistrature ;
Aprés quoi l'on nomma trois Magistrats , savoir L. Valerius, Q. Servilius &
Camillus pour gouverner pendant l'interrègne.
v Dans
Dans l'intervalle les Tarquiniens, peuple Etrusque, se répandirent dans CCl.
les terres des Romains & les pillèrent, pendant que l'armée Romaine étoit LesTarqtil^
occupée au liège de Veïes ; Mais deux Tribuns militaires, Aulus Posthumius niens sont
défaits par
& L. Julius qui étoient demeurez dans Rome, aïant levé une troupe de volon- pofl:humi..
taires, leur donnérent la chasse, & étant tombé sur eux dans les campagnes us &Julius.
de Cére, en taillérent en pièces la plus grande partie & récupérerent tout
,
le butin qu'ils avoient pris. Ce butin fut rapporté à Rome. On laissa deux
jours aux propriétaires pour reconnaître ce qui leur avoit été pris. Le reste
fut vendu au profit de ces volontaires, qui avoient suivi les Tribuns. CClh
Les Tribuns du peuple mirent à profit le tems de l'interrègne, pour se Tribuns
faire donner parole que dans la prémiére eledion des Tribuns militaires, le militaires
plus grand nombre seroit pris de l'ordre des Plébéïens. Le peuple ne con- l'ardre tirez de
des
sentit qu'à cette condition aux enrÓlelnens qu'il fallut faire, pour opposer Plébéiens.
de nouvelles forces aux Etrusques, qu'on publioit dans Rome avoir pris le Assemblée
parti des Veïens. En effet les Etrusques avoient tenu leur Diète ordinaire des Etrus-
prés le Temple de Volturne. Les Capenates & les Falisques avoient deman- ques. de
dé que toute la nation des Etrusques se déclarât contre les Romains en faveur An Ro-
me ?!7. du
de Veïes ; Mais elle répondit que les Veïens s'étant d'eux-même attiré la guer- M. 3613.
re des Romains, pouvoient s'en tirer comme ils pourroient. Que tout ce avant J. G.
qu'ils pouvoient faire pour eux en considération du sang & de l'alliance, étoit 387.
de ne pas empêcher que la jeunesse Etrusque ne prît parti dans leurs troupes.
Le premier des Tribuns militaires qui fut elu, fut le même Licinius, qui
l'avoit déja été de l'ordre des Plébéïens quelque tems auparavant ; mais il
s'excusa sur son grand âge, & pria qu'on élut le jeune Licinius son fils, ce qui
lut agréé. On lui' donna pour Collegues cinq Plébéiens, qui avoient déja
été Tribuns militaires, savoir L. Atinius, P. Mœlius, Cn. Genutius, L. Titi-
nius & P. Moenius. Leur administration ne fut pas heureuse. Atinius &
Genutius étant entrez dans le païs des Capenates & des Falisques, donnèrent
dans une embuscade, où Genutius fut tué avec une partie des siens. Atinius
se sauva avec le débris de l'armée sur une hauteur, d'où il
ne descendit que
pour s'en retourner à Rome.
Le bruit de cet echec s'étant répandu dans le camp devant Veïes, y cau- CClîl.
sa une conslernation si extraordinaire que l'armée fut prête à décamper, Gamillus
croïant à tout moment avoir sur les bras, toutes les forces des Etrusques. La Di&ateur.
désolation fut encore plus grande à Rome. Dans une telle extrémité on eut An de Ra-
me
recours au remède ordinaire, qui fut de créer un Dictateur. Ce fut Camille, Vide317. Tit.
dont on a déja parlé, & dont on parlera encore souvent dans la suite. Il Liv. 1. 1. C
nomma pour Général de la Cavalerie Cornelius Scipion ; & pour arrêter le Flutarck.
cours des désertions , il punit sévérement ceux qui avoient abbandonné le in Çamillo*
camp; 11 ordonna des levées de Soldats pour un certain jour, & en attendant,
il le rendit au camp devant Veïes pour en reconnoître l'etat, & rassurer les
troupes par sa présence ;
A ion retour les enrôlemens se tirent sans difficulté. Les troupes auxi-
liaires des Latins & des Herniques vinrent grossir son armée. Avant son dé-
part de Rome il voiia aux Dieux de célébrer en lewr honneur ce qu'on appel-
IÓit les grands jeux, & de rebâtir le temple de la Déesse Matuta. Arrivé dans
les plaines de Népé il y trouva l'armée des Capenates & des Falisques, à la-
,
quelle s'étoit joint un nombre prodigieux de volontaires accourus detoute
l'Etrurie. Camillus leur livra bataille les battit, prit leur camp
, en dissri-
bua le butin partie aux Soldats, & partie auxQueneurs de l'armée, pour être
,
mis au trésor public.
cciv. De la il marcha contre Veïes. Il mit la circonvallation en meilleur etat
Camillus & défendit à ses Soldats de combattre sans sa permission. Aïant bien consi-
fait creuser déré l'etat de la place, il jugea qu'il n'y avoit point de
moïen plus seùr de s'en
une mine rendre maître Il en fit commencer l'ouvrage si loin des
parla
dessous que par la mine.
ville de murs que les ennemis n'en purent avoir connoissànce ; Et pour en avancer
Veies. •
plus promtement l'ouvrage, il distribua ses travailleurs en 6. bandes, qui tra-
vaillent tour à tour pendant six heures. Ainsi l'ouvrage avança trés-consi-
dérablement en peu de tems. Lorsqu'ils furent parvenus au dedans de la
ville, en l'endroit où ils devoient faire leur sortie, Camille rendit co.mpte au
Senat de l'etat de son entreprise, & le pria de lui marquer l'employ & le par-
tage qu'il devoit faire du butin & des richesses qui se devoient trouver dans
une ville si opulente, sans doute pour prévenir les plaintes & la jaloulie,
qu'ils auroient pu exciter contre lui, s'il se fut chargé de faire cette distribu-
tion à son gré.
La lettre de Canlille fut lue en plein Senat. Les sentimens y surent par-
tagez. Les uns étoient d'avis de partager les dépouilles entre les Soldats &
le trésor public ; d'autres, de les partager entre les Soldats de 1-',irmée & les
bourgeois de Rome, qui voudroient s'y rendre. Ce dernier sentiment , préva-
lut. On vit arriver au camp une multitude innombrale de Citoïens, qui aïant
pris les armes, ne contribuèrent pas peu à la prise de la ville. Au jour qu'on
devoit donner l'assaut, & ouvrir la mine au dedans de la ville, Camille pria
les Dieux des Veïens, d'abbandonner cette ville & de passer dans Rome. En-
c suite s'adressant à Appollon de Delphes, il le pria d'accomplir sa promesse,
& voüa de lui consacrer la dixme du butin. Enfin il invita Junon tutelair?
de la ville de Veïes, de venir faire sa demeure à Rome, où on lui devoit don-
ner une place honorable dans ii'n des premiers Temples de la ville.
CCV. Aprés cela il fit donner l'assaut à la place. Comme l'armée Romaine étoit
Prise de extraordinairement nombreuse, on assaillit Veïes de tous côtez, & les assiégez
Veïes. occupez de toutes parts à se défendre ne songérent pas à se précautionner
An de Ro- devoit sortir ,
contre l'ennemi, qui de terre au milieu de la ville, & dont ils
me 357-1111
M. n'avoient pas même le moindre soupçon. Ce fut pourtant par cet endroit
avant J. C. que la ville fut prise. Dez que les Soldats Romains furent sortis de terre, ils
387. se partagérent en différens endroits. Les uns coururent aux portes & les
ouvrirent, les autres mirent le feu en plusieurs maisons, & les autres prirent
par derrière les Veïens occupez à la défense de leurs murailles. En un mo-
ment la ville fut remplie de l'affreuse image de la mort & de la désolation.
Le Romain irrité de la résistance de la ville, qu'il asïîégeoit depuis dix ans,
fit main basse sur tout ce qu'il rencontra ; Mais le Diaateur aïant ordonné
qu'on donnât la yie à ceux qui quitteroient les armes, le Soldat commença
à piller
à piller les maiions. Les richesses qu'on y trouva, furent si grandes, que Ca-
mille étonné pria les Dieux , s'ils réservoient quelque calamité à la Republi-
sur lui
que , pour balancer un si grand bonheur, d'en faire tomber les effets
seul. Il fut exaucé, & aïant fait selon la coutume, un tour à droite, il tom-
ba par terre ; puis se relevant à l'instant, il dit aux assistans etonnez de sa
chûte, ma prière est exaucée, aprés une très-grande prospérité, j'en suis quitte
pour iiii trés-petit mal.
Le lendemain de cette conquête, on partagea les dépouilles.. Les per- CCVI.
l'onnes libres furent vendues au profit du trésor public. Tout le reste fut ab- Partage
bandonné au Soldat & au peuple qui n'en fut pas encore content, & fçut ïlles des dépou-
, dé
mauvais gré à Camille,du peu qu'il avoit attribué à l'épargne ; tant il est diffi- Veïes. La '
cile aux plus grands personnages de contenter la multitude. Il songea en- ilatuë de
suite à transporter à Rome la statuë de Junon ; Mais il s'y prit avec tout le Junon est
respeét que sa religion, ou plûtost sa superstition lui inspiroit. De jeunes transpor-
hommes bien faits, revêtus d'habits blans &,purifiez par des ablutions,furent tée à Ro-
choisis pour la porter à Rome. Ils entrèrent dans son Temple avec un air me.
de respect & de modestie. Camille toucha la statuë avec la main, ce qui n'é-
toit permis parmi les Etruriens, qu'à un seul Prêtre d'une certaine famille.
Ensuite il demanda à la Déesse si elle tonsen'Loit d'aller à Rome. Elle ré-
pondit, sélon quelqu'uns, ou elle fit signe, selon d'autres qu'elle y consen-
,
toit. On l'enleva & on la plaça à Rome sur le mont Aventin, où elle de-
meura longtems dans un Temple, que Camille lui-même consacra.
Ainsi fut prise & ruinée, aprés un siége de dix ans la fameuse ville de CCVll.
Veïes. La joïe qu'on en eut à Rome fut proportionnée , Triomphe
à la grandeur & à deCamille*
l'importance de cette conquéte. Les Dames Romaines prévinrent l'arrêt du
Senat, & allérent d'elles-mêmes dans les Temples, rendre des adions de graces
aux Dieux. Les priéres publiques ordonnées du Sénat durérent quatre
jours, qui est le plus grand terme qu'on eut veu jusqu'alors. Camille entra
dans Rome sur un char traîné par des chevaux blans & le visage peint de
vermillon, comme on peignoit la face des statuës des Dieux; ,
tous les ordres
de la ville allérent au devant de lui. On admira la beauté & les richesses de
son triomphe, mais on blama l'affeftation qu'il eut de se faire traîner par des
Chevaux blans, ce qui n'apartenoit qu'à Jupiter, & qu'il se fut fait prendre
du vermillon. On lui en fit dans la suite un crime de Religion.
Il avoit, ainsi qu'on l'a veu, voué à Apollon de Delphes la dixme du CCVIIL
butin fait à Veïes. Il ne songea à s'aquitter de son voeu qu'après ,
son retour Dixme des
à Rome, & aprés qu'il se fut démis de la Dictature. Il fallut un Decret du de dépouilles -
Veïes
Senat pour obliger les particuliers à raporter de bonne foy, ce qu'ils avoient envoïé-es à
eu du pillage de Veïes. Cela causa bien des murmures & des mécontente* Appollon
mens. Toute fois on ramassa assez de richesses pour faire une somme trés- de Del-
conuderable,
^ dont on résolut de faire un vase d'or digne de la Majesté du phes.
Dieu Apollon & la l11agnificen'ce Romaine. Comme l'or étoit alors fort rire
à Rome, & qu'on ne l'emploïoit pas encore dans la
monnoye , les Dames
Romaines qui avoient dans leurs bijoux, presque tout ce qu'il y avoit de ce
métal dans la ville, s'assemblérent & offrirent tout ce qu'elles en possédoient,
pour
être emploie à un vase d'or à deux anses, du poid de huit talens-c'est-
1'°ur
dire de mille livres pésant, en prénant le talent pour un poid de vingt cinq
livres.
On récompensa la générorite des Dames Romaines p3r deux marques
singuliére,s de diltinftion; La prémiére qu'après leur mort on feroit leur elo-
funèbre Comme on faisoit ceux des grands hommes.La seconde qu elles
ge
pourroient aller aux jeux publics, & aux Sacrifices, portées dans chars cou-

verts, à peu prés comme nos litières.


Le vase d'or destiné à Apollon, fut porte a Delphes par trois Sénatéurs,
qui battus de la tempête, tombèrent entre les mains de ceux de Pile Lipara.
Ceux-ci les aïant pris pour des Corsaires , vendirent à l'enchère tout ce qui
se trouva sur leur vaisseau ; Mais Timasithée qui
commandoit dans 1"ile , re-
ipeftant dans eux la qualité d'Ambassadeurs & le présent qu'ils portoient à
Appollon, persuada aux Insulaires de les relâcher, & leur donna même une
escorte pour les conduire jusqu'à Delphes.
ccix. Les Eques & les Volsques vinrent demander la paix aux Komal11S, qui
Paix entre s'étaient rendus redoutables à leurs voisins par la conquête de Veïes. La
* les Eques Republique leur accorda leur demande, plutost par ennuy de tant deguerres
les Vols- considération pour des natios.si inquiètes ; Mais pour les retenir dans
ques & les que par le Senat dessina s'établir dans leur pays, une colonie de trois
Romains. le devoir, pour
An de Ro- mille citoïens ; Ceux-ci refusérent de partir,
& proposerent de s établir a
Volsques.
M.
avant J. C.
14- On alla
peuple
même
laisser l'autre
.
me 3 18. du Veïes, dont l'air & le pays étoit beaucoup meilleur, que celui des
jusqu'à proposer defaire paffer de Rome a Veïes la moitié
moitié à Rome. Cette dernière proposition fail-
38 6. du &
Tit. Liv. lit de causer une sédition dans la ville, & sans 1 entreprise des plus venera-
frapper aux plus
1. bles Senateurs , qui offraient leur téte & leur poitrine a & répandre a bien
Plutarch. mutins, seroit peut-être venu à une guerre intestme,
in Camillo. on en
j r
Pendant que ces choses se passoient au dedans de la ville, les nouveaux
CCX. des Capenates, leur enlevant leurs ani.
Camille, Tribuns militaires désolérent le pays

la guerre
aux Falis-
ques.
se soumettre aux

An de Ro-' flljettir.
De tous
Romains..
Tribun mi- maux, & leurs instrumens de labourage, coupant leurs arbres fruitiers, rui-
litaire fait nant leurs maisons, de telle forte que ce peuple belliqueux fut enfin réduit à

les ennemis
Se la Republique, les Falisques restoient seuls a, af-r
Camille un des Tribuns militaires, fut envoïé contr eux avec une
la Capitale
me 3'9. dul puissante armée. Il s'attacha d'abord.nu siége de Faléres, qui étoit
M.
du & dans laquelle les: Falisques avoient renferme toutes leurs forces.
avant J. C. navs
les attirer Camille le fer& le feu dans leurs campag-
Pour au combat, porta
ggç- ils ne s 'eloigtiérent dela
Tit. Liv. nes. En effetles Falisques sortirent deFaléres, mais
escarpée , qu ils né-
1. r;. ville que de mille pas, & se campèrent sur une hauteur
Plutarch. gligèrent de fortifier lacroïant inaccessible. Camille en aiant observé la
iu CamiPo. î,tuation,
dééampa pendant la nuit & s'empara au point du jour d une autre
éminence, qui dominoit celle des Falisques. Mais Comme il commençoit a s y
fortifier, les ennemis vinrent fondre sur lui ; ils furent recus avec tant
cie vigueur, qtfiîs furent obligez de prendre la fuite & de se sauver dans la
ville, abbandonnant leur camp, où l'on trouva de riches dépouilles, qui fu-
rent livrées aux Questeurs pour être mises dans le trésor public. Le Soldat
en murmura ; mais il n'alla pas plus loin,retenu par le respect qu'il avoit pour
Camille.
Aprés cela le Général -forma le siége de Faléres. II s'y prit d'une mariié- CCXl
re à le traîner en longueur.!! étoit bien aise de tenir le peuple Romain eloig-: Trahison
né de la ville pour lui ôter les moïens de remuër. Il investit Faléres & l'en- d'un maî-
vironna de lignes & de tours ou de fortins. La ville étoit bien fortifiée & tre d'éco-
bien munie ; L'abondance y régnoit, & on se flattait que le siége en serait ses le,qui livre
ecoliers
au moins aussi long que celui de Veïes. Une circonstance inespérée en hâta aux Falé-
la prise. Les Falériens avoient imité des Grécs la coutume de confier l'édu. riens.
cation de leurs enfans à un seul maître, qui les instruisoit dans les sciences &
les conduisoit à la promenade tous ensemble, afin de les accoutumer à la so-
ciété, & à cultiver pendant toute leur vie les connoissances qu'ils auraient
faites de jeunesse dans l'école; Ce maître continua âpres,comme avant le sié-
ge, à méner ses disciples hors la ville de Faléres, premièrement le long des
murs, puis un peu plus loin, enfin il les fit passer jusqu'au de la garde du
camp, enfin il les amena jusque dans la tente de Camille, & lui livra ces en-
sans lui disant que comme ils étoient les fils des meilleures familles de Fa-
léres,, il lui livroit en même tems la ville, ne croïant pas trop achetter à ce
prix l'amitié des Romains.
Camille frémit à ce discours & aïant reproché au perfide précepteur CCXIJ.
sa trahison & sa lâcheté, il fit saisir, cet homme par ses Liéteurs, lui fit déchi- Camille
rer It?S habits, & lui aïant fait lier les mains derriére le dos, il le fit reoondui- maître
renvoie le
&
re dans la ville toujours frappant par cette jeunesse qu'il avoit trahie. Les ecoliers
Peres & Meres de ces enfans les voïant revenir, & apprenant le danger au- les à Faléres.
quel leur maître les avoit exposé, ne pouvoient assez admirer la grandeur Paix avec
d'ame & l'équité du Général Romain. Les principaux de la ville assemblez les FaUs-
résolurent de faire la paix, & lui envolèrent à cet effét une députation. Ca- ques.
mille la renvoïa au Senat, & le Senat lui fit l'honneur de le rendre maître du
traitté avec les Falis8?s, à condition qu'il en useroit, non comme avec un
peuple vaincu, mais romme avec une nation qui avoit recherché l'amitié dela
République. Camille entra dans l'esprit du Sénat, & n'exigea des Falisques
que les frais de la guerre;
Son armée retourna à Rome fort peu contente d'un pareil traitté, car
,
elle s'étoit promise le pillage de Faléres. Le Général, quoiqu'il n'eût point
proprement remporté de victoire, ne laissa pas d'entrer à Rome dans une espé-
ce de triomphe, monté sur un char attelé de 4. chevaux blans.
D'un autre côté les Eques aïant violé l'alliance qu'ils avoient faite avec le CCXIIL
peuple Romain furent attaquez & vaincus en bataille rangée par deux des Guerre
,
Tribuns militaires C.jEmilius & Spurius Posthumius. Après la victoire ces contre Ie-s
deux Généraux se séparérent ; Æmilius demeura à Verruge, pour garder la Eques.
place, & Posthumius le jetta dans le païs ennemi, pour le ravager. Comme
ion armée revenoit de cette expédition & marchoit sans précaution, elle fut
tout d'un coup attaquée par les Eques, qui la mirent en désordre. Les Ra.
mains se ralliérent sur une hauteur & s'y campèrent. Posthumius leur aïant
reproché leur lacheté & leur negligence.à garder la discipline dans leur inar-
che ils demandèrent qu'on les menât à l'eniiemi. Le Général profitant de
leur, ardeur, les fit partir la nuit même à la quatrième veille, par un très-beau
clair de Lune. Les ennemis s'étoient portez sur le chemin de Verruge, pour
empêcher que Posthumius ne pût aller rejoindre Æmilius.
.
Posthumius fondit sur les Eques avant qu'il sut jour & avec de grands
cris. Ces cris furent entendus jusques dans Verruge, & les Soldats Romains.
qui y étoient, s'imaginant que le camp de Poilhumius étoit assiége, prirent
l'épouvante , & malgré leur Général se retirèrent a Xusculum. Cependant
Posthumius eut d'abord du désavantage contre les Eques. Ses troupes craig-
nant une embuscade lâchèrent le pied ; mais le jour étant venu & s'étant
rasTûré ils fondirent sur les Eques& les taillèrent en pièces. L'armée
,
d'iEmilius avoit répandu le bruit que Posthumius étoit vaincu , & qu'il avoit
même été tué dans le combat, & cette nouvelle avoit jetté la ville de Rome
dans une terrible inquiétude. On en revint bientôt aprés, lorsqu'on vit ar-
river de la part de Posthumius un Courier , avec une lettre envelopee de
lauriers qui donnoit avis au Senat de la victoire qu'il venoit de remporter.

L1VRE XVII.
n
Rétah!i(Te-
ment du
Consulat-
L. Lucre-
tius Flavus,
A Prés quinze ans d'interruption de Consulat, pendant les-quels la Re-
publique avoit été gouvernée par les Tribuns militaires, le Senat en-
treprit de faire élire des Consuls, afin de faire tomber par leur autori-
& Sever. té la résolution que les Tribuns du peuple avoient prise de faire transférer à
Sulpitius
Veïes la moitié du Senat & du peuple de Rome. Le Sénat donc fit elire
Camerinus Ces deux Alagistrats
Consuls. L. Lucretius Flavus, & Sever. Sulpitius Camerinus.
An de Ro- s'opposérent de toutes leurs forces au Tribun du peupleSicinius, qui ne ces-
me 360. du soit de solliciter pour le transport à Veïes, dont on a {':¡Clé. Ses poursuites
M. ?610. furent interrompues
pour un tems par la guerre contre les Eques, qui avoient
avant. J. C. de Vitellie, qui étoit habitée par une Colo-
384. surpris pendant une nuit la ville
nie Romaine, laquelle fut assez heureuse que de se sauver par l'endroit oppo-
U.
Guerre Sé à celui, par où les Eques s'étoient rendus maîtres de la place.
contre tes Le Consui Lucretius fut destiné par le sort à aller réprimer les Eques. Il
Eques. les bat & les met en fuite en bataille rangée, puis revient promtement a Ro-
Divisions à
Aulus Virginius & C1 Pomponius, ces deux Tribuns.
Rome au me. Il y trouva que ,
sujtt du du peuple de l'année précédente , qui avoient signalé leur attachement a la
transport Noblesse, par leur opposition au transport de la moitié du peuple & du Se-
d'une par- nat à Veïes, étoient accusez devant le peuple, de cet attachement même & de-
tie duSenat opposition. Malgré la faveur & le crédit du Senat, ils furent condam-
& du peu- cette
ple à Veïes. nez à une. amende de dix. mille as-
g
L
Le Sénat & sur tout Camille en témoignèrent hautement leur chagrin,
essayer de faire pas-
-ce qui n'empêcha pas Sicinius d'assembler les tribus, pour
ser la loy pour la transmigration à Veïes. LesSenateurs mélez parmi les tri-
bus du peuple emploieront si efficacement les priéres, les remontrances, les
-motits de religion, que la loy ne passa point. Le Sénat en triompha &
,
pour en marquer sa reconnoissance & sa satisfadion au peuple, dez
,
le len-
demain il fit un décret qui asiignoit sept journaux de térres dans les campa-
gnes de Veïes, à chaque tête de condition libre , & par ce moïen empêcha ni.
la ruine totale de Ja République, qui n'auroit pu subsister, si une fois le peu- L. Valerius
ple & le Sénat eussent été partagez de demeures. Potitus 6c
La libéralité du Sénat fut suivie d'une eledion libre de Consuls. Ces M. Manlius
Capitoli-
Magiitrats commencèrent l'exercice de leur employ, par la célébration des nus Con-
grands jeux que Camille avoit vouëz avant son départ pour Veïes. Ce suls.
grand homnre fit en même tems la dédicace du Temple de Junon sur le mont An de Ro-
Aventin. Enfin les deux Consuls partirent pour la guerre contre les Eques. me 361. dbl
M. 36x7.
Ces ennemis s'étoient campez à Algide. Ils y furent attaquez & presqu'aussi- avant J. G..
tôt nlis en fuite. On dit que le Consul Valerius aïant poursuivi plus long- 38?.
tems les fuïards, obtint l'honneur du triomphe , au lieu que Manlius pour Grands
s'être retiré de meilleure heure, n'obtint que l'ovation. Jeux célé-
Quoiqu'il en sbit, on vit bientôt aprés de nouveaux ennemis, s'élever brez à Ro-
me.
contre la République. Les Volsiniens & les Salpinâtes peuples d'Etrurie Tit.Liv.l.%
tirent le dégat sur les terres des Romains. La peste qui regnoit à Rome, em- IV.
pécha qu'on ne leut fit la guerre ; Mais elle n'empêcha pas qu'on ne les dé- Les Volfi-
niens & ies
clarât ennemis de la République, & la vengeance qu'on en devoit tirer, ne Salpinates
fut que différée. La contagion emporta un des Censeurs nommé Caïus Tu- se décla-
lius, & on lui en subltituaun autre nommé M. Cornélius. Comme la prise rent con.
de Rome par les Gaulois arriva sous la censure de ce dernier, les Romains tre Rome.
s'imaginérent que les Dieux n'avoient pas agréé cette subrogation, & firent Peste à Ro-
me.
un règlement que si à l'avenir un Censeur venoit à mourir pendant le cours Tit.Lw. 1.5
de cinq ans que duroit ion employ on n'en substitueroit point à sa place;
Mais que le survivant se démettroit, & qu'alors on en éliroit deux autres.
Quelque tems aprés les deux Consuls étant attaquez de la maladie epidé-
mique, & ne se trouvant plus en etat de siare leurs fondions, le Senat or-
donna qu'ils se démettroient, dans la créance qu'ils avoient été elus sous des Plin, I.32.
auspices peu favorables. Enfin on fit cette année Ufclustre ou dénombrement c. 1.
du peuple Romain, qui monta à cent cinquante deux mille cinq cens quatre
vingt trois Citoïens en âge de porter les armes. V.
Aprés cela on choitit six Tribuns militaires au lieu de Consuls, dans Les Gau-
la veuë que si la contagion emportoit quelqu'uns ,de ces Magistrats, il en re- lois Seno-
siât assés pour veiller aux intéréts de la République. Ce fut sous leur Tribu- nois allié-
Clu-
nat que les Gaulois se rendirent maîtres de la ville de Rome. Ces peuples gent lium.
en différens tems avoient franchi les Alpes, & s'étoient etablis en l'Italie, dans An de Ro-
ce qu'on appelloit la Gaule Cisalpine , & en avoient repoussé les Etrusques me 362. du
qui possédoient ce pays avant leur irruption. On comptoit déja quatre trans- M. 3618.
migrations de divers peuples de Gaules en Italie lorsque vers l'an de Rome avant J. C.
Yy 2 , 3 S2W
355.
356.. un Seigneur Etrusque nommé Aruns, des principaux de la ville deClrr-
Tit.lJv.l.).
sium en Etrurie, pour se venger de l'insulte que lui avoit faite un jeune Prin-
ce, dont il étoit tuteur , & qu'il avoit elevé dans sa maison, en raviiiant la
femme, passa dans les Gaules & invita lesSenonois, dont la Capitale étoit la
ville de Sens, de venir avec lui en Italie , leur promettant un païs fertile &
abondant sur tout en vin, dont il leur fit goûter queques caques qu'il avoit
apportées d'Italie.
Les Senonois donc suivirent Aruns, & aïant passé les Alpes, vinrent
paisiblement jusques dans rUmbrie, & s'emparérent de tout le païs depuis
Ravenne jusqu'auPicenum ou la marche d'Ancone. Ils furent environ six ans
1

à s'y établir, & enfin l'an 362. de Rome, Aruns les ména contre Cluiiuln, où
sa femme & son ravisseur se tenoient enfermez. Les Romains ignoroient ap-
paremment la force de ces nouveaux venus, ou ne les craignaient pas allez,
pour se précautionner contr'eux. Ils ne prirent aucun ombrage de les voir
attaquer Clusium, qui n'étoit pas éloignée de Rome. Ils n'étoient occupez
que des Volsiniens & des Salpinates, à qui ils avoient déclaré la guerre.
VI:, Des six Tribuns militaires deux furent envoïez contre les Volliniens.
Guerre Ce furent L. Lucretius, & C. JEmilius. Deux autres marchèrent contre les
contre les
Volsiniens Salpinates. C'étoit Agr. Furius & Servius Sulpitius. Les Volsiniens furent
& les Sal- les premiers attaquez. Ils ne firent qu'une médiocre résistance. Ils se dé-
pinates.. bandérent dez le premier choc, & la Cavalerie Romaine en prit huit mille à
discrétion. Les Salpinates n'osérent paroître en campagne. Leur païs fut
ravagé. Les Volsiniens devenus sages par leur malheur, obtinrent une tré-
ve de vingt ans, à charge de restituër tout ce qu'ils avoient pris aux Romains,
& de soûdoyer l'armée Romaine pendant un an.
Tnt Ces prospéritez firent oublier les obligations que la Republique avoit à
Disgrace Camille. ,
Un des Tribuns du peuple nommé L. Apul(-itis l'accula d'avoir con-
de Camille " à son profit quelque partie des dépouïlles des Etrusques, & entr'autres
Plutarcb. verti
in.camieo. une porte d'erain qui servoit d'ornement à sa maison. On assure que de ce
Grand homme étoit encore dans le deuïl de la perte qu'il venoit de faire
son fils, lorsqu'il fut ajourné à comparoître dans 25. jours devant le peuple.
Accablé de douleur, il assemble dans sa maison ses païens, ses ami*, fesCli-
ens, les anciens compagnons de ses expéditions, & leur aïant demandé si
l?on pourroit par leur moïen parer le coup que ses ennemis lui prép,-troiciit,.
ils répondirent, qu'ils étaient prêts de se'cottiser pour païer la iomme,à la-
quelle ils prévoïoient qu'il seroit condamné. Camille aima mieux s'exiler
volontairement que de s'exposer à une insulte, & que de mettre les amis dans
la nécellité de s'incommoder pour lui.
Il sortit de Rome en priant les Dieux de saire sentir aux l{ol11ains le re-
grét de l'avoir obligé à se retirer. Il vint à Ardea dans le p ys des Rutules..
Pendant son, absence il fut condamné à une amande de quinze mille as-
de cuiyre, à quoi fut évalué ce qu'on lui imputoit d'avoir suuitrait au trésor.
public.
vm. A peine Camille étoit sorti de Rome, que lesClusiens y envoïérent leurs,
LesClufi-
ensimr.10- AmbalTadeurSj. Bour implorer leur secours contre les Gaulois. Les Romains.
.qjiù
qui n'avoient nulle liaison particulière avec Clusium , ni aucun démêlé ave>c réntîe'fe-
les Gaulois, ne voulurent pas s'attirer un nouvel ennemi , dont on vantoit cours des
la valeur, les exploits , la taille & l'extérieur propre à inspirer de la crainte, Romains les,
le Senat jugea à propos d'envoïer feulen4ent des Ambassadeurs à Clusium, contre Gaulois.
pour offrir aux Gaulois leur médiation, afin de terminer leur differens à l'a- Livius 1. 5.
miable. Ces Ambassadeurs étoient trois freres fils de Fabius Ambustus. Ils Plut¡¡;rC'J)..
furent reçus fort civilement par les Chefs des Senonois; & leur aïant deman- in Camille»-
dé quelle injure leur avoient fait les Clusiens pour leur faire la guerre le
,
Roy des Senonois leur répondit en riant : Nous avons les mêmes raisons que
vous avez euës de vous emparer du pays des Latins, des Al bains, des Fidena-
tes, des Ardéates , des Veïens & de tant d'autres , que vous avez occupé.
Les Clusiens ont plus de terrain qu'il ne leur en sa-ut.- Nous demandons leur-
superflu.
Une réponse si fiére fit perdre toute espérance d'accommodement.. Les
Amba{sadeursRolnains demeurérent quelque tems dans Cluse, & se mélérent
avec les Clufiens dans les sorties qu'ils firent sur les Gaulois. Un jour un des
Principaux Gaulois s'étant avancé hors des rangs pour donner sur une trou-
pe de Clusiens, un des Fabius nommé Quintus, se détacha & attaque le Gau--
lois. Ils se battirent en combat singulier entre les deux armées, & le Seno-
nois frappé au côté d'un Javelot, fut renversé par terre. Fabius descend de-
cheval pour le dépouiller & donne le loisir au Roy Brennus de le considérer
& de le reconnoître pour l'un, des trois Ambassadeurs de Rome. Il fut aussi
reconnu par d'autres, & dans un moment la chose se. répand dans toute l'ar-
mée, on prend les Dieux à témoins de la perfidie, & on prend la' résolution:
de s'en venger. ix:.
Les plus impétueux vouloient que de ce pas l'on marchât droit à Rome. Ambalîàud-'
Les plus sages & les plus modérez furent d'avis d'envoïer des Ambassadeurs à. des Gau-
Rome & de demander qu'on leur livrât & Quintus Fabius & ses Freres. Ce lois àRortie:
sentiment fut suivi ; les Ambassadeurs des Gaulois partirent & furent intro- on leur
refuse la
duits au Sénat, auquel ils demandèrent réparation de l'injure qu'on leur- avoit fatisfâtliorii
faite. Les Senateurs fort embarassez & ne sachant quel partie prendre ren- qu'ils, (Ie--
,
voïérent le jugement de cette affaire à l'assemblée des. Curies. La familledes mandoi....
Fabius y avoit beaucoup de crédit, & le peuple non seulement ne condamna' ent.,
pas les trois Fabius, il résolut niêtiie-,de les élever comme elle fit dans la pre-
mière promotion, à la dignité de Tribuns militaires; Les Ambassadeurs Gau--
lois furent témoins de leur élection, & s'en retournèrent trés-mécontens au:
liège de CluHum.
Dez qu'ils eûrent rendu compte de leur ambassade, les Senonois partie Les stroiV
rent pour Rome. En s'avançant ils diraient par tout aux villes & aux peu- Fabius fontT
ples de la campagne de se rassûrer, & qu'ils n'en vouloient qu'aux Romains, Etus'tn-
l)lins" mili-,
les Fabius qui étoient alors à la tête de la Republique, levérent a la hâte des taires' aveC:
troupes ; & vinrent camper à 60. stades , ou à trois lieues de Rome sur une 3. autres
petite riviére nommé Allia. L'armée Romaine étoit de 40. mille hommes.- sàvoir
Celle de Brennus étoit de soixante & dix mille combattans. Les Généraux Sulpicius*.
Romains difsérent leur armée de cette sorte l'aile, droite composee d& & Q^Ser^lmi?
SecviU
<Cornel ius. leurs meilleures troupes, s'étendoit depuis la rivieré jusqu'à leur corps de ba.
An de Ro. taille placé dans Je milieu de la plaine. L'aile gauche étoit appuïée sur
me g63. du les Collines qui dominoient sur la campagne l'elite de leurs meilleures
M. 3618. ,
J. C. troupes étoit postée sur une hauteur, pour servir de réserve & agir dans le
avant
g82. besoin.
Liv. 1. 1. Brennus étudia cette disposition, & en habile Général en sçut profiter
Xl. pour son avantage. Il envoïa ses meilleures troupes contre le corps de réser-
Bataille opposa ses Soldats les plus aguerris aux plus foibles Lé-
d' Allia où ve des Romains, &
les Ro- gions Romaines. Dans un moment au ion des trompettes les Gaulois s'a-
mains font vancent jettans de grands cris & donnent impétueusement tous à la fois sur
vaincus. l'aîle gauche & sur le corps de réserve de l'armée Romaine. Ceux de l'aile
Liv. 1. 1. de terreur ne rendent point de combat & descendent en
Plutarch. gauche frappez ,
in%Ç.amillo> désordre dans la pleine. Le Corps de bataille & l'aile droitte attaquées avec
la même vigueur , répondirent à peine aux cris des Gaulois & se retirèrent
avec précipitation non à Rome, qui étoit si proche, mais à Veïes ; quoiqu'il
leur fallut pour cela passer le Tibre. Il en périt un trés-grand nombre dans
la fuite, les Soldats se perçant l'un l'autre pour fuir plus vite. Il s'en noïa
une infinité dans le Tibre accablez du poid de leurs armes, & les Gaulois en
percèrent une multitude dans les eaux au passage. Le peu qui s'échapa,se ren-
dit à Veïes.
Ceux du corps de réserve résistérent plus longtems , l'avantage du ter-
rain qu'ils occupoient retarda leur défaite. A la fin vaincus & mis en fuite,
ils se retirérent à Rome, où ils répandirent la terreur & le désespoir. On
croïoit déja voir Brennus & ses Gaulois dans la ville ; & il est confiant que
si ce Général se fut présenté devant Rome dans la contternation où elle
,
étoit, il s'en seroit rendu maître sans difficulté ; mais il passà le reste du jour
& le jour suivant à couper les têtes de tous ceux qu'il trouva sur le champ
de bataille ; ainsi il donna le tems aux Romains de respirer & de se raffû-
rer.
Le jour suivant il vint camper sur les bords de l'Anio. La crainte d'une em-
XIL dans un païs inconnu & où tout lui étoit contraire,l'empéchade s'ap-
Brennus buscade
arrive aux procher de la ville. Les avis que ses Coureurs lui donnérent que Rome étoit
environs toute ouverte & sans défense, le confirmèrent dans son soupçon.Cette lenteur
de Rome, &ces irrésolutions de Brennus, donnèrent aux Romains le loisir de fortifier le
An de Ro- Capitole, & d'y retirer qu'il avoit de Sénateurs & de Soldats capables de
me 3 63' ce y
se bien défendre. Ce qui ne put avoir entrée au Capitole, se sauva où il
put à la campagne ou dans les villes voisines. Les Vestales dépositaires de
ce qu'il y avoit de plus sacré dans la Religion des
Romains, sur tout du feu
sacré, qu'elles entretenoient dans le Temple de Vesta, emportèrent tout ce
Xiii. qu'elles purent & enfouïrent le reste enfermé dans deux tonneaux d'argile
Les VeRa- Rome pieds nuds & chargées
lesse reti- fous le Temple de Quirinus. Elles sortirent de
rent à des statuës de leurs Dieux. Un Citoïen nommé Albinus qui ménoit en mê-
Ceré.
me tems sa femme & ses enfans sur son chariot dans un lieu de seureté , les
Plutarch.
aïant ainsi considérées les pieds ensanglantez & accablées sous le poid qu'el-
ifj Cumillo. ses eniàns & y fit nlal1-
Lit, /. 5- les portoient, fit descend-re de son char sa femme &
ter-les Vestales, avec leurs fardeaux, & les mena jusqu'à Ceré ville d'Etrurie,
.où elles trouvérent un azyle & où elles continuèrent d'exercer les ades de
leur religion, d'où est venu le, nom de Cérémonies aux fonctions des Prétres,&
aux ades qui accompagnent leur mimstére.
Il y avoit encore dans la ville grand nombre de Sénateurs & de Pontifes,
à qui l'âge ne permettoit pas ny de se sauver par la fuite, n'y de prendre les
armes pour la défense de leur patrie. Ils résolurentde se dévouër aux Dieux
tutelaires de la ville, & le Pontife Fabius prononça les termes de leur voeu.
Ils se revêtirent des ornemens de leurs dignitez, & prirent à leurs mains les
bâtons garnis d'ivoire, dont ils se servoient pour le commandement. Quel-
qu'cns se revêtirent des robbes triomphales dont ils s'étoient servis au jour
de leur triomphes, d'autres de robbes Consulaires, & d'autres d'habits Ponti-
ficaux de cérémonie; en cet appareil ils se rendire-nt sur la place publique &
s'y assirent sur leurs chaises curules ornées d'ivoire attendant l'ennemi qui
devoit accomplir leur devouëment, en leur donnant la mort ,
Brennus entra enfin dans Rome le quatrriéme jour d'après sa vidoire. Il XIV,
fut étonné de trouver une si grande ville comme déserte & craignant tou- Brennus
jours quelque surprise, il s'avança en bon ordre jusqu'à la >place où il vit avec entre datïîr
surprise quatre vingt Vielhrds assis gravement en silence vétus magnifique- Rome sans;
, résrstanoe.-
ment & intrépides au milieu du plus éminent péril. On lesauroit pris pour Les Ro-
autant de Divinitez. Les Gaulois furent assez longtems sans ôser les apro- mains se
cher. Enfin l'un d'eux s'avançant vers Papirius, lui passa la main sur la bar- retirent a«?
be. Le Romain leva le bâton qu'il tenoit à la main & Capitole.
en frappa rudement le de Ro-
Gaulois, qui en fut blessé à la tête. Alors les Gaulois se jettérent sur ces An 363 dw
Vieillards & les tuërent tous. Le Soldat commença à piller & à tuer sans M. me .
361-9.
epargner personne. Il mit le feu en plusieurs endroits de la ville, &l'aurait , avant J. G*
entièrement brûlée en un jour, si Brennus n'eût par politique modéré l'ardeur 381.
de les gens. Il partagea la vilie par divers quartiers & assigna des jours Tit Liv.Lç
les brûler les uns aprés les autres. pour Plutarch.
Il partagea de même les prisonniers en in Camille^
plusieurs bandes, afin d'obliger par la compassion de leurs proches les dé-,
tenteurs du Capitole à se rendre à discrétion. Il n'y gagna rien ; , Les Ro-
mains etoient résolus de se défendre jusqu'à la dernière extrémité.
Brennus efsaïa de prendre cette Citadelle par escalade. Ensuite il tenta de-
la forcer par affau| d'une nouvelle sorte. Il rangea son armée dans la place de-
vant le Capitol^puis fit avancer les siens jusqu'au pied de la montagne où
aïant sait ce qu'on appelle la tortue c'est-à-dire s'étant couvert de leurs- ,
boucliers potez sur leur dos & sur leur , ,
têtes courbées ils s'avancérent ainfî-
,
jusque vers le milieu de la hauteur dc la montagne, là s'étant arrêtez
prendre baleine les Romains firent sur eux une sortie pourre-
, en culbutérent urt
grand nombre & les repoussérent jusque dans la grande place. Ce mauvais
,
succés obligea Brennus à bloquer le Capitole, dans la résolution de le
dre par famine. Il envoïa cependant ses troupes pour ramasser des provi-
pren-
sions dans les villes & les villages de la campagne. Ils s'a pro cher ent d'Ar-
dea, où Camille vivoit depuis deux ans dans un. exil volontaire,
XV. Camille parla aux Ardéates & leur inspira d'attaquer les Gaulais pendant
Camille à la nuit,s'offrant d'être leur condudeur. En effet il alla les prendre au milieu
la tête des des ténèbres
Ardéates au lieu où ils s'étoient retirez accablez de fatigue , & ensevelis
attaque les dans le sommeil & dans le vin.
Il les massacra presque tous, & ce qui en
Gaulois, & échapa, fut mis à mort par les païsans des environs. Les troupes Romaines
en defait qui avoient été battues à Allia, & qui s'étoient retirées dans Veïes,aïant apris
un gros dé- le succés des armes des Ardéates conduits par Camille, se reprochoientà eux-
tachement.
mêmes de ne pas rapeller ce grand homme, pour le mettre à leur tête & el-
fayer de chasser de Rome les Gaulois victorieux. Ils étoient au nombre
d'environ vingt mille hommes, qui obéïssoient à Coeditius simple Centurion.
Ils députèrent vers Camille & le priérent d'accepter le commandement de
leurs troupes; Camille répond qu'il ne le peut faire sans le contentement du
peuple Romain, La difficulté étoit de pénétrer au Capitole étroitement gar-
dé par les Gaulois.
XTll. Un certain Pontius Cominius s'offrit d'y aller. Il ne voulut-pas se char-
rendus ger de lettres, de peur qu'étant surpris par les ennemis, ils ne découvrirent
Cominius le projet dont il devoit faire l'ouverture au Senat & au peuple. Sur le com-
monte au mencement de la nuit, il se jetta dans 1-e Tibre & aidé d'une écorce lèche
.capitOle. ,
Camille est pour pouvoir nager plus longtems, il se rend au pied du Capitole, dans un
déclaré lieu si éscarpé qu'on avoit négligé d'y placer des gardes. Cominius grim-
,
Dictateur. pe à grande peine, & arrive au sommet de la montagne. Adinis dans son
An de Ro- enceinte il est conduit aux chefs de la République. Le Sénat s'assemble,
,
me
Liv. /. ç. on délibére & le décret est porté que les Curies s'assembleroient , que le
,
Plutarch. décret de l'exil de Camille feroit annullé & que ce grand homme seroit
i12 Camillo. nommé Dictateur. La chose fut promtement exécuté Cominius sortit du Ca-
pitole sans étre aperçu.
XVII Arrivé à Veïes, il rendit compte de sa commission, l'eledion de Camil-
LesGaulois le fut confirmée, & on ne songea plus qu'à le faire venir d'Ardea. Dans
tentent de l'intervalle les Gaulois s'aperçurent qu'on étoit monté au Capitole & Bren-
surprendre ,
le Capito- nus aïant considéré l'endroit, résolut de tenter l'attaque de la Citadelle parle
le. Ils sont même endroit. Il joignit ses Soldats deux à deux pour se mieux soûteniren
repoussez. montant, & leur aïant fort recommandé le silence, il les exhorta à bien faire.
Ils arrivérent heureusement jusqu'au pied du rempart , sans que ni les senti-
nelles ny les chiens du Capitole les eussent ouïs ; Maires oyes qu'on y
,
nourriflbit en l'honneur de Junon, les entendirent & firentsi grand bruit
qu'il eveilla Manlius , qui trois ans auparavant avoit été Consul. 11 sonna
l'allarme & court sur le rempart. Il trouve deux Gaulois qui y étoient déja
montez, & l'un d'eux aïant levé sa hache d'armes pour le frapper , Manlius
lui abbatit le bras droit d'un coup de labre , puis poussant rudement avec
son bouclier l'autre Gaulois , il le renversa du haut du mur,& avec lui tous
ceux qui se trouvérent sur le penchant.
Les autres Gaulois quitenoient déjà le parapet, ou qui étoient prêts de
toucher au haut de la muraille, furent ou percez de Javelots,ou culbutez,ou
écartez à coups de pierres. Ainsi Brennus manqua san coup & le'Capitole
fut préservé. Le lendemain on assembla le peuple pour récompenser ceux
qui
qui avoient signalé leur courage dans cette aetion. Manlius fut le premier
sur les rangs. Chacun se cottisa & porta dans sa maison une demie livre de
froment & environ cinq onces de vin pour reconnaître le service qu'il avoit
rendu à la Republique. Le présent étoit petit en lui-même, mais la circonstan-
ce du tems & du lieu le rendoit considérable. Le Tribun militaire Sulpicius
condamna à mort l'Officier qui étoit chargé de faire la ronde & de veiller
sur les Sentinelles. Il fut précipité à bas du Capitole. On étendit les récoln-
penses jusqu'aux oyes qui avoient réveillé Manlius. On en nourrit toujours
une troupe aux frais du public. On leur érigea une statuë d'or, & tous les
ans on en portoit une mollement couchée sur un brancard fort orné, comme Plin. IX.
en triomphe par la ville. Les chiens comme gardiens muets furent regardez C. 22. PlUt.
avec horreur, & en mémoire de leur negligence on en perçoit un tous les de Fortuna
Roman.
ans dans une branche de sureau. XVIII.
Cependant la famine étoit à peu prés égale & dans le Capitole, & dans Famine
le camp des Gaulois. La peste même s'étoit mise parmi ces derniers , qui parmi les
logeoient dans les ruines d'une ville qu'ils avoient saccagée, & parmi l'infè- Gaulois &
c'tion des cadavres qu'ils y avoient laissez sana sépulture. Les assîégez igno- parmi les
roient & l'état des assiégeans & les mouvemens que se donnoit Camille pour Romains..
procurer du secours à tes Compatriotes. Ils résolurent, ne pouvant plus te-
nir contre la faim, car il y avoit six ou sept mois qu'ils étoient enfermez dans
l'enceinte du Capitole, sans avoir reçu aucun secours du dehors , ils réfolu-
rent, dis-je, de se rendre à composition. Le Senat donna pouvoir au Tribun
Sulpicius de traitter avec Brennus. Ce dernfer étoit aussi las de la guerre
que les Romains, & il fut ravi de trouver une ouverture pour se tirer de ce
mauvais pas. 'Il convint avec Sulpicius, que les Romains païeroient aux
Gaulois mille livres d'or, & Brennus s'obligea sous cette condition de sortir
de Rome & des païs qui obéïssoient aux Romains.
Au jour marqué Sulpicius aporta la somme dont on étoit convenu & XIX.'
,
Brennus la fit péser au poid & à la balance, car alors l'or & l'argent n'étoient Les Ra...
monnoïez. On assûre les poids des Gaulois étaient trop mains font
pas encore que leur Capi-
forts, & que leurs balances étaient fausses, du moins le Tribun Sulpicius le tulation
prétendit & s'en plaignit. Le Roy irrité mit encore son epée sur la balance avec les
pour augmenter le poid. Sulpice en colére lui dit : Que voules-vous faire ? Gaulois.
C'est, dit Brennus ; que malheur aux vaincus. On pensa sur le champ rompre Liv. 1. f.
le traitté & reporter l'or. Pendant qu'on conteste & qu'on délibére,Camille Plutarcb.in Camille.
arrive avec ses Principaux Officiers; Il avoit laissé ion armée au voisinage. A
• l'instant il ordonne qu'on reporte l'or dans le Capitole , & comme les Gau-
lois se récriaient que c'était une convention confirmée par serment, le Dida-
teur réplique, qu'on n'a pu rien conclure ny statuër sans son ordre, qu'il casse
tout ce qui a été fait à son insçu, & sur le champ il ordonne aux Romains de
prendte les armes.
Sur ces entrefaites son armée arrive, & il la range en bataille dans l'en- XX.
ceinte même de la ville, & parmi les masures que les Gaulois avoient faites. Camile
Ceux-ci donnèrent les premiers avec cette impétuosité qui leur est naturelle ; délivre
Rome, & Mais ils furent repôullez dans leur camp. Les Romains n'en firent pas un
défait les grand carnage parceque la résistance fut foible ; Les Gaulois ne sortirent
Gaulois.. de Rome ,
que la nuit suivante. Ils vinrent camper à Gabies environ à trois
lieues de Rome. Camille les suivit & leur livra un second combat. Les
Gaulois s'y défendirent longtems & avec beaucoup de vigueur ; Mais enfin
ils furent obligez de céder. Il y en eut un trés grand nombre de tuez sur le
champ de bataille, le reste fut dissipé ou massacré par les païsans du voiiina-
ge. Ainsi finit la guerre des Gaulois, qui mit Rome au plus grand danger où
elle eut jamais été.
XXL On décerna les honneurs du triomphe à Camille. La situation des af-
Triomphe faires de la Republique ne permit pas qu'il fut aussi pompeux qu'il l'auroit
,
de Camille. été dans
un autre tems ; mais les autres circonstances le rendirent infinemènt
plus glorieux. Une Republique renfermée dans une Cidatelle réduite aux
,
abbois par la famine, capitule avec ses ennemis, & se rachette à prix d'ar-
gent. Dans le même moment un citoïen exilé, choisi Dictateur en son ab-
sence arrive, avec une armée composée de troupes ran1afIees délivre sa pa-
,
trie , batles ennemis en deux batailles rangées, entre en triomphe dans une
ville, qui n'étoit presque plus qu'un amas de ruines & de débris ; mais ce tri-
omphe est accompagné des cris des citoïens vainqueurs & rachetez qui
,
donnent à leur Chef les noms de nouveau fondateur de Rome de sécond
Romulus, de libérateur de la patrie. Quoi de plus grand & de, plus glori-
eux pour Camille?
:XXJ1.
Le Dictateur commença par rétablir les principaux Temples des Dieux.
On prend Il en erigea un nouveau a une Divinité inconnuë, qui avoit, disoit-on,revélé
la résoluti- la venue des Gaulois à un nommé Cœditius; On donna à ce nouveau Dieu
on de de- le nom Daïas Locutius. Mais quand il tut question de rebâtir la ville on y
meurer ,
dans Ro- trouva de grandes difficultez, & de la part des Tribuns du peuple qui ne
,
ine. perdoient point de veuë le projet dont on a si souvent parlé de transférer le
An de Ro- siége de la Republique à Veïes, & de la part du peuple qui n'étoit pas en état
me 364. du d'entreprendre ce rétablissement dans l'état de disette & de pauvreté où la
)&. 362o. ,
derniére guerre l'avoit réduit. Camille eut à soûtenir les discours des Tri-
avant J. G.
g80. buns du peuple & les plaintes de la populace; mais apuïé du Sénat, qui lui
P/utarch. continua la Dictature pendant une année entiére, il réiiffit à persuader aux
ÑJ- Çamilîo. Romains de rétablir la ville. Rien ne les y détermina plus efficaceillent que
les motifs de piété & de religion. Les Temples de leurs Dieux, leurs Divi-
nitez dOIueHiques & leurs Dieux Penates, les tombeaux de leurs Peres; C'est-
là principalement ce qui les retint à Rome. •
XX11L Aprés avoir disposé le peuple à demeurer, le Dictateur proposala chose
Q;_Fabius Sénat, & Lucretius qui devoit parler le premier étant prêt à liaranguer,
accusé d'a- au ,
voir violé on entendit un Centurion, qui reconduisant sa troupe aprés avoir monté la
k droit garde, cria à ses gens: Arrétez-ici. A ces mots, que l'on prit pour une dé-
des gens. claration de la volonté des Dieux
,
tout le monde conclut qu'il falloit de-
Sa mort. à Rome, & dés-ce moment chacun commença à prendre les meiures
Tit.Liv.l. 6 meurer
pour rétablir sa maison : L\'l?is avant toutes choses les Tribuns du peuple ac-
cuférent Q. Fabius, qui avoit été envoie avec- ses deux fréres en qualité d'Am-
baflàdeur
baladeur pour moïenner la paix entre les Chiliens & les Gaulois ,
& qui
avoit viole le droit des gens , &
aïant tué de sa main un Officier Gaulois , danger
avoit exposé la Republique au plus grand ou elle se fut jamais veue.
Les Tribuns le citèrent à comparoître devant le peuple, & sa condamnation
étoit certaine , puisque son crime étoit notoire ; niais sa mort qui survint
Fabius
dans ces entrefaites , vengea la Republique & exempta la famille des
d'une flétrissure , qui étoit inévitable. On soupçonna Quintus Fabius de s e-
tre donné la mort. Y.
Ensuite Camille s'étant demis de la Dictature , on choisit de nouveaux OnXXI rebâtit
Magistrats qui furent six Tribuns militaires; Ils entrérent en charge au corn- 1 ville de
la
mencement de Févrîer de l'an 36). de la fondation de Rome. Pendant qu'on Rome.
,
travailloit à rebâtir & les Temples & la ville de Rome, on trouva en creusant An de Ro-
dans les ruines du Temple de Mars prés le Mont Palatin, le bâton augurai de me 1 365. du
M'1362.t.
Romulus. Cela parut d'un bon augure aux Romains, & leur fit croire que avant J. C.
leur ville & leur Empire seroit eternel. Quant-a la construction des mai'" ,
379-
sons, on laissa aux particuliers la liberté de choisir telle place qu'il leur plaj- Tji'O* /
roit, & de bâtir à leur guise, sans se mettre en peine de la symmetrie , de la
proportion, de l'allignement. Chacun bâtit comme il put, Les Ediles furent
chargez de contribuer du trésor public a la depense; de hâter 1 ouvrage , de
faire marché avec les entrepreneurs qui devoient achever les maisons dans
l'année. On fournit les bois pour la charpente , & on permit de tirer des
pierres à la campagne par tout où l'on en trouveroit. De tout cela il résulta
une ville trés-confuse , tres-emburailee , &état dont les rues etoient trés-etroites
& toutes tortues, Rome demeura en cet jusqu'au tems d'Auguste.
Au milieu de ces travaux, & avant que l'on se fut rétabli de tant de dis- XXV,
Rome fut obligée de prendre les armes contre les Eques & les Vols- Camille
graces, On apprenoit de parts les Etrusques Dictateur.
ques ses anciens ennemis. toutes que An de Ro-
assemblez au Temple de Voltumne, étoient prêts de déclarer la guerre aux me 36,.dll
Romains, & que pour comble de malheurs , les Herniques & les Latins s'é- M. 3621.
toient joints avec les Volsques. Dans cette facheuse circonstance on choilit avant J. C.
Camille pour Dictateur,& celui-ci nomma Caïus Servilius pour son Général Liv.3 79. 1. 6.
de la Cavalerie Romaine. Le Dictateur marcha d'abord contre les Latins, Piutarch..
joints aux Volsques, qui tenoient les Tribuns militaires des Romains com- in Camitl*-
investis dans leur camp. Camille partagea son armée en trois corps,
me
l'un campa sous les murs de Rome, aïant Aulus Manlius pour Commandant.
Le sécond se rendit proche la ville de Veïes, sous la conduite deLucius^n#-
lius, pour observer les mouvemens des Etrusques. Le troiiienie corps, dont
il prit le commandement , marcha à la délivrance des Tribuns militai-
res.
Camille vint camper derriére le mont 1\1arcius proche Lavinium , der- . XXVI
riére le camp des Latins, & aïant allumé plusieurs feux , il fit connoître par Défaite des
signal Tribuns militaires, qu'il leur étoit arrivé du secours. Lés La- Eques, des
ce aux Volsques
tins & lesVolsques oui ne s'attendoient pas à voir si tôt le Diclateur auprés & des La-
d'eux, fortifièrent leur camp à la hâte par quantité de gros arbres, dont ils se tins.
firent une barrière ; & en même tenis ils députèrent chez les Etrusques pour
demander du secours, & dans leur propre païs pour amener du renfort. Ca';
mille aïant observé que tous les matins il s'élevoit un vent qui ibuftioit d'un
certain côté, il ordonna deux attaques, l'une du côté d'où le vent Jouffioit,&
l'autre du côté opposé. Il donna ordre à ses gens qui devoient attaquer du
côté d'où venoit le vent, de mettre le feu aux bois qui formoient l'enceinte
du camp ennemi & aux autres de donner vivement l'ailàut de leur côté.
Lors-donc que le ,feu se fut communique au bois les Latins furent obligez.
d'abbandonner l'attaque de ce côté-là, & de se retirer ,
du coté opposé où.
ils trouvèrent les Romains prêts à les recevoir avec l'epée & le javelot. , Les
mis se sauvérent comme ils purent à travers les flammes , les autres par les
endroits où le feu n'étoit pas encore allumé. Les uns & les autres tombè-
rent entre les mains des Romains, qui les attendoient en bon ordre dans la
plaine.
Les Tribuns militaires furent ainu tirez de danger. Camille abbandon-
na le pillage du camp des ennemis à ses Soldats, & y aïant bine san fils pour
garder les prisonniers il entre dans le païs des Eques, le ravage & s'em-
,
pare de Bola leur Capitale. Delà il pénétre dans le pays des Volsques Se
réduit ces anciens ennemis de la Republique à recevoir ses loys? & a se soû- ,

mettre aux Romains, qu'ils avoient fatiguez par des guerres presque conti-
nuelles pendant plus de cent ans.
Les Etrusques avoient assiégé Sutri ville alliée du peuple Romain. Ca-
XXV)i. mille
Sutri prise ne put arriver à son secours qu'après la reddition de la place. Le jour
& reprisc même que la ville fut rendue le peuple de Sutri dépouïHé de tous leurs
,
deux fois biens, & n'aïant que l'habit qu'il portoit sur le
jour, corps , fut recontré par Ça..
en un mille, comme ils alloient par les champs chercher quelque lieu d'azyle. Ils
& restituée
à ses ha.- implorèrent avec larmes le secours & la protection du Dictateur. 11 leurdit
titans.. d'attendre au même endroit, & que bientôt il leur rendroit leurs biens & leur
Liv. /. 6, ville. Il s'approche en diligence, entre dans Sutri & y trouve les Etrus-
Plutarch. ques
Camillo. encore tout occupez à ramasser le butin, & à faire bonne chère. D'a-
m bord il ordonne qu'on ferme les portes & fait crier qu'il accorde la vie -t
ceux qui mettront les armes bas. Les Etrusques se rendirent prisonniers de
guerre, & on vit la. ville de Sutri deux fois prise en un jour, ôtée & restituée
à ses. habitans.
'VXVII1r.
On décerna l'honneur du triomphe à Camille pour tous ces glorieux
Triomphe exploits, dont un seul auroit mérité cette distindion. On vendit les priion-
de Gamil- niers Etrusques au profit du public, & leur nombre fut si grand que de l'ar-
le. gent qu'on en fit, on acquitta tout ce que les Dames Romaines avoient pré-
Rome est té à la Republique
rebâtie & en lui donnant leurs bijoux ; on en fit de plus trois vases
repeuplée. d'or, inscrits du nom de Camille , qui furent mis au pied de Li statuë de Jll'.
non dans le Temple de Jupiter Capitolin. Les Soldats & les Citoïens Ro-
mains qui se trouvoient à Veïes avoient peine à se résoudre à quitter cetts
,
ville pour venir s'établir à Rome. Il fallut emploïer les ménaces de mort
pour les y contraindre. Enfin dans l'espace d'un an la ville de Rome se
trouva. rebâtie & repeuplée comme auparavant
L'année:
L'année suivante on elut six Tribuns militaires, qui delbicrent le pays- XXlJr.,
Election
des Eques pour leur ôter l'occasion de se révolter & de recommencer la de six Trii.
guerre. Ils entrèrent aussi dans La le païs des Etrusques, & y prirent les villes buns mili-
deCortuose & de Contenebra; premièrefut prise d'emblée; La seconde taires.
souffrit un assez long siége. Les troupes Romaines partagées en six bandes An de Roi
l'attaquèrent sans dilcontinuer, se succédant les unes aux autres de six heures me 366. du:
M. 3622.
six heures. A la fin les assiégez accablez de fatigue, furent obligez de se
en Généraux & pilla la ville, avant J. C.-
rendre. Le Soldat Romain prévint l'ordre des 378.
dont les Tribuns militaires avoient dessiné le pillage au trésor public. Ce- Liv. L6-
pendant on travailloit dans Rome à réparer le Capitole, sur tout à rendre
impraticablele côté,par où lesGaulois avoient essaïé d'y monter,& de s'en rendre
maîtres. Les Tribuns militaires aïant reconnu quelque défaut dans les co-
mices, où ils avoient été élus, se démirent volontairement, & la ville tomba
dans un interregne, qui fut allez court, puisque les élections de six nouveaux:
Tribuns militaires suivirent bientôt après.
Le Temple qu'on avoit voue d'ériger au Dieu Mars, durant la guerré xxx:
des Gaulois, fut dédié cette année par T. Quindius l'un des Decemvirs ; Et Election
de six Tri*
comme les Veïens , les Capenates & les :Falisques avoient été admis dans buns mili-
la Republique, on ajoûta quatre Tribus aux anciennes, pour avoir droit de' taires.
suffrage dans les Comices; par cette addition il se trouva vingt cinq tribus An de Ro-
Romaines, aïant toutes également tant celles de la ville, que celles de là me 367. du;
, M. 3623.
campagne, un droit égal & indivis.
Elles usérent de ce droit pour la première fois l'an de Rome 368. par avant J. C.
377.
le choix qu'elles firent de six Tribuns militaires, dont le principal étoit Ca- Tit.Liv.l, IS':,
mille; La guerre qu'on méditoit contre les Etrusques, fit qu'on jetta les yeux XXX).
sur luy ; & ses Collégues persuadez de son mérite & de son expérience dans SixTribuns'
militaires
la guerre, lui déferérent sans peine le commandement de l'armée ; Mais au élus.
lieu de marcher contre les Etrusques, elle fut obligée d'agir contre l'es Antia- An de ¡{o-
tes, qui etoient entrés dans le pays Pontin, & qui y avoient commis des ho- me 3Q8. dLv
ftilitez, avec quelques Latins & les Herniques, qui s'étoient joints à eux. Ils M. 3624.
s'étoient rassemblez proche Sutri, & leur armée étoit si nombreuse , qu'elle avant J. a;..
jetta l'effroi dans l'armée Romaine. On s'en aperçût en la rangeant en ba- Liv.376., 1. 6...
taille, on leur trouva de l'irrésolution. Camille en étant averti, leur parla;
& prenant par la main le porte-enseigne le plus proche, il le conduisit luy- Guerre'
meme à pied vers l'ennemi en criant; Soldats avancez. Son exemple fut sji- Volsques' contre les?
vi. Les troupes Romaines marchèrent avec de grands cris; étant à portée les Herni-
des ennemis, Camille fit jetter un etendart au milieu de leurs bataillons. Ceux ques & le->
qui étoient aux premiers rangs, s'animérent à le retirer. Les Antiates pliéren-.:Latins»-
d abord à l'aile droite,& Camille ne leur laissa pas le tems de se rétablir , il,
les mit en déroute.
Cependant son aile gauche étoit ebranlée, & en danger d'être rompue'*;,
Il y accourt & armé d'un bouclier qu'il avoit pris à un fantassin , il annonce
aux liens l'avantage de l'aile gauche. Le combat recommence avec une ar-
deur nouvelle ; l'ennemi est pressé, & prêt à prendre la fuite; Mais un -orage-
lurvenu tout à coup oblige les armées de se.séparer. Camille fait sonner laz
lètraite, & chacun se retira où il put. Les Latins & les Herniques reprkemt
la route de leur païs ; Les Volsques ne se croïant pas en seureté dans leur
camp, cherchérent une retraitte dans la ville deSutri qui étoit proche; Mais
Camille les y enferma par un bon fossé , & il paroissoit en vouloir former le
siége. Toute fois voïant la foiblesse & le découragement des ennemis, il fit
donner de toutes parts l'escalade à la ville & la prit d'assaut. Les Volsques
se remirent à la clemence du vainqueur.
XXXII. Il avoit formé le dessein de se rendre encore maître d'Antium, & il étoit
Guerre allé à Rome pour demander au Senat des vivres & des instrumens propres à
contre les faire
un siége. Comme il étoit dans Rome, arrivèrent des députez deSutri
Etrusques,
à l'occa- & de Nepet, qui demandoient du secours contre les Etrusques, qui ména-
sion des çoient ces deux villes, lesquelles étoient comme les barrières entre les Etrus-
villes de
ques & les Romains. Cette députation fit changer le dessein de Camille. Il
Sutri & de fut chargé d'aller secours de ces places, avec les troupes que Quintus Ser-
Nepet. au
Liv. 1. 6. vilius commandoit dans Rome ; & on envoïa Quincrius & Horatius pour
Plutarch. commander l'armée qui avoit vaincu les Volsques; Valerius Collégue de Ca-
in Camillo. mille fut destiné pour aller avec lui au secours deSutri. Ils trouvérent cette
ville à demi prise. LesSutriens avoient abbandonnéaux ennemis leurs por-
tes & leurs murs , & s'étoient retranchez au centre de leur ville,
se défen-
dant allez faiblement. Toute fois ils reprirent coeur à l'arrives de Camille;
Ce Général ordonna à Valerius de donner l'escalade a la place , tandisque
lui-même attaqueroit les ennemis par derriére. Il entre dans Sutri en ordre
de bataille, & poulie vivement les Etrusques. Ceux - ci prennent la fuite par
occupée par les Romains ; Mais Valerius les
une des portes qui n'étoit point
poursuivit & en fit un grand carnage dans la campagne, pendant que Camil-
le mettoit à mort tout ce qu'il rencontroit d'ennemis dans la ville. La
nuit mit fin à la poursuitte & au carnage.
XXX111. Dez le lendemain le Général marcha vers Nepet. La ville avoit été
Prise de livrée aux Etrusques. Camille fit demander auxNepétiens & aux principaux
Nepet. du pays, s'ils préféroient l'alliance des Etrusques a celle des Romains. Ils
répondirent qu'ils n'étoient plus leurs maîtres ; Mais qu ils apartenoient aux
Etrusques. On ravagea leur campagne, sans qu'on put tirer d'eux d'autre
réponse. Enfin on coupa des fascines, on en remplit le foiré de la ville » &
sans distinflion
onjnonta à l'assaut. La ville fut emportée. Les Etrusques
furent mis à mort. Les auteurs de la défection eurent la tête tranchée j Les
autres furent épargnez. Tel fut le succés de cette donnercampagne. Camille toute
de jalousie aux au-
fois ne triompha point, apparemment pour ne pas
XXX1Jt. tres Tribuns militaires ses Collégues.
Elc&ion
;
L'année suivante fournit six nouveaux Tribuns militaires entre lesquels
de six nou- étoit Aulus Manlius, qui avoit sauvé le Capitole, lorsque les Gaulois etoient
vraux Tri- monté jusqu'au haut du mur de cette forteresse pendant la nuit. Cette action
buns mili- donné une présomption qui alloit jusqu'à croire qu il pourroit par-
taires. lui avoit
An de Ro- venir à l'autorité souveraine ;
Comme il ne connoissoit dans la République
369. du le seul Camille qui pût lui faire obstacle, il se déchaîna contre lui en
me que
M. g625. toutes
,
occasions ; pour se concilier la faveur du peuple, il préta libéralement
avant J. G. de l'argent à: tous ceux qui avoient recours a lui dans leurs besoins, sur
m- dans
dans le tems que l'on travailloit à rebâtir la ville. Il se déclara pour le parti Tit.Liv./.6
du peuple contre celui de la noblesse, & se faisoit suivre par une troupe de Plutarch.
factieux, de ses débiteurs & de gens ruinez. Ces démarches de Manlius ren- in Camille*
dirent sa conduite suspede, & on nomma un Dictateur tant pour le réprimer
que pour faire la guerre aux Volsques. Ce fut Aulus Cornelius Cossus, lequel
choisit pour Général de la Cavalerie T. Quinctius Capitolinus.
Le Dictateur se rendit dans le païsPontin, où les Volsques avoientraC» XXXV.
semblé leur armée composée de gens de leur nation, de Latins & d'Herni- Aulus Cor-
nélius Cof-
ques, de quelques Circeïens & de quelques citoïens de Velitre, qui s'étoient sus Dicta-
joints à eux. Les Volsques commencérent le combat dez le sécond jour de teur.
l'arrivée de Cossus. Ils attaquérent les Romains avec de grands cris & à coups An de Ro-
de traits. Le Didateur avoit ordonné à ses gens de ne se servir que de l'epée me 369.
contre les ennemis, de les attendre de pied ferme & de tenir leur rangs ser- Guerreles
rez. Cette contenance des Romains étonna les Volsques. Ils ne soûtinrent contre vo:sques..
pas le premier choc. D'abord ils s'ébranlèrent, & la Cavalerie Romaine Liv. 1. 6.
acheva de les renverser & de les mettre en fuite. La Cavalerie eut ordre de
les poursuivre & de les envelopper pour les livrer à l'Infanterie qui en fit un
trés grand carnage. Sur le soir on prit & on pilla leur camp, dont les dé-
pouïlles furent abbandonnées aux Soldats. Parmi les prisonniers de guerre
on rencontra plusieurs Officiers de la nation des Latins & des Herniques, &
dez-Iors on ne douta plus de la mauvaise foy & de la défection des villes de'
Circée & de Velitre.
Après cette victoire le Dictateur revint à Rome, pour mettre des bor- XXXVI.
nes à l'ambition excessive de Manlius. Elle se déclaroit tous les jours de Ambitieux^
plus en plus. Depuis peu comme on ménoit en prison un vieu Centurion projets de
accablé de dettes insolvable Manlius avec sa troupe le tira des mains de Manlius.
,
son créancier & acquitta ses dettes, accompagnant cette action de discours
séditieux contre les riches & les Patriciens. Le Centurion pénétre d'une trop
vive reconnoissance,protesta devant tout le monde,qu'il devoüoit à son bien-
sàsseur tout ce qu'il avoit de force & de vie & tout ce qu'il avoit de droit
,
dans la patrie & dans sa famille. Ces discours tenus dans une ville infini-
ment jalouse de sa liberté , furent relevez , & augmentèrent les soupçons
qu'on avoit concus contre Manlius. Il les fortifia encore*en vendant un fond
de terre qu'il avoit dans le territoire de Veïes, & se chargeant d'en employer
le prix à payer les dettes de.tous les débiteurs. Enfin il eut l'imprudence
d'avancer que le Senat aprés avoir levé de grosses sommes pour faire la ran-
çon promise aux Gaulois , recéloit cette somme, & la tenoit cachée, mais
que lui en tems & lieu sauroit découvrir le lieu où cet or étoit enfoui. Ce&
discours & ces largesses lui avoient gagné le coeur de la populace, qui étoit
prête de tout entreprendre en sa considération.
,
y
Tel étoit l'etat des choses à Rome lorque le DiCtateur arriva II XXXVll
& il promit d'appuïer leur Manliusprà"eifc
trouva les Senateurs résolus à reprimer Manlius,
résolution, pourvuque de leur côté ils le foirtinflfent dans l'exécution du des- mis
son.
eiï
fein qu'il méditoit pour le réduire. Il cita donc Manlius devant ion Tribu-
nal au lieu des Comices. Les Senateurs l'y accompagnèrent. Manlius y com-
parut
parut aussi suivi de ses adhérans, qui paroissoient disposez de tout hazarder
à Manlius & le somnia de découvrir le lieu
pour sa défense.LeDittateur parla trésors
où il savoit qu'étoient cachez les extorquez par les Patriciens. l\Ian-
lius ne pouvant satisfaire par une réponse politive , tergiversa & demanda au
Dictateur qu'il eÚt lui-même à découvrir oÙ étoit cet argent, puisqu'il avoit
lieu de croire qu'il l'avoit déplacé, pour le soustraire à l'a diligence. Le Di-
ctateur le pressa de nouveau, ou de parler précisément & de tenir la parole
qu'il avoit donnée au peuple , ou de se soumettre à la peine des Calomnia-
teurs. Manlius repondit qu'on ne l'obligeroit point à parler au gré de les en-
nemis. 'En même tems le Dictateur le fit mener en priion, sans que person-
osât s'y opposer. Manlius invoqua envain les Dieux qu'on adoroit sur le
ne .
Capitole, & vanta inutilement le service important qu'il avoit rendu à la Re-
publique. Il fut chargé de chaînes & enfermé dans un cachot.
XXXViu Le peuple touché de sa disgrace prit le deuïl, changea d'habits, négli-
Manlius est gea ses cheveux & sa barbe ; Plusieurs alloient à la porte de sa prison déplo-
mis en 'li-
rer son malheur, & lorsque l'on vit dans le même tems Cossus entrer ct Rome
Jeerté. triomphe, on entendit plusieurs personnes qui disoient publiquement que
•en
c'était moins des Volsquesque de Manlius qu'il triomphoit,& qu'il ne lui man-
-quoitque de conduire ce détenteur du peuple en haine devant Ion char. Ce fut
pis quand leDiftateur se fut démis de sa dignité. Les séditieux donnèrent
-encore
de nouvelles marques de leur douleur & de leur mécontentement Ils s'ani-

en
bientôt.....
moient l'un l'autre à délivrer Manlius , & ménacoient de rompre les portes
de sa prison. Le Senat craignant les suites de ces emportemens, mit Manlius

verra
liberté ; Mais cela ne rendit pas le calme à la République, comme on le

Sur ces entrefaites arrivèrent à Rome des Ambassadeurs envoiez par les
Latins & les Herniques, par ceux de Circeïe & de Vélitres, qui redemandoi-
bataille. Le Sénat ne voulut pas
ent les prisonniers faits sur eux à la&dernière
de Vélitres prétendant que ces villes
admettre l'ambassade de Circeie ,
étant Colonies Romaines, n'avoient pas droit de traitter avec la République,
On leur ordonna donc de sortir plu-
comme auroient fait des étrangers.le Senat les renvoïa lans avoir égard au à leurs
tost de la ville. Pour les autres,
demandes.Lenouveaux
XXXIX. Tribuns du peuple qui furent créez au commencement de
Nouveaux l'année suivante, n'eurent point d'affaire plus importante durant leur gouver-
Tribuns
nement que celle de Manlius, que sa prison n'avoit rendu que plus outré
militaires. étoit au Capitole, il y tenoit continuellement
Camille est & plus insolent. Sa demeure
-de leur des assemblées séditieuses , dans lesquelles- il inspiroit au peuple de déitruire
nombre. & le Senat & le Consulat & la Dictature , & d'établir un etat nouveau,ou le
An de Ro- peuple délivré despoursuites des riches & de ses créanciers, jouït sous la pro-
me 37o. du tedion de Manlius, d'une liberté parfaite. Dans ses discours il avoit eu
M. lui donnoit le nom & l'autorité Roïale, il
avant J. C. l'imprudence d"insinuër,que on
.
si
974- i-l'en useroit que pour procurer le
bonheur du peuple.
Le Senat prévoïant les suites de ces assemblees, ordonna aux —I ribuns .,

du peuple de pourvoir par tous moïens à la sureté publique. C'étoitdonner


donner l'autorité toute entiére d'agir contre Manlius,& d'empîoïer même les
Publius,deux des Tribuns du peuple,
armes pour le réduire ; Mais Manius & d'ajourner Manlius devant lesTribuns,
ouvrirent un avis qui fut suivi ; Ce fut
affecté la Royauté. On ne douta pas
pour répondre sur l'accusation d'avoiresprits & les détacher de Manlius. En
que ce seul nom ne dût aliéner les
effet il fut cité à comparoitre à l'ordinaire dans vingt-sept jours. Il compa-
rut avec des habits de deuïl, & n'omit rien pour fléchir ses Juges. Il fit pa-
roître quatre cent bourgeois, dont il avoit payé les dettes, il montra deux
dépouïlles remportées sur l'ennemi. Il avoit mérité six couronnes civiques,
pour avoir délivré du danger de la mort autant de citoïens Romains. Il avoit
reçu de ses Généraux trente-sept prix de sa valeur ; Il montroitqu'il sur son corps
étoit,une
vingt-trois blessures honorables; Il avoit gagnè,tout Cavalier
couronne murale , il avoit sauvé Servilius Général de la Cavalerie ; Enfin il
avoit seul garanti le Capitole de l'invasion des Gaulois.
Comme les assemblées se tenoient dans le champ de Mars, d'où l'on XL.
voïoit le Capitole trop à découvert , Manlius en tiroit un grand avantage Mort de
Manlius.
pour sa défense. Le peuple se laissoit toucher à la veuë de ce lieu si respe- Tit.Liv. 1.6
dable. Il remit plus d'une fois la décision de ce procès. Camille craignant Plutarch.
que ces délais n'aboutissent à renvoïer le coupable, transport.l'aÍsemblée in Cumiild.
hors de Rome au bas du mont Viminal, & par ce moïen ôta à Manlius la seu-
le ressource qui lui restoit. Le peuple, quoiqu'à regrét, le condamna à être
précipité du Capitole, & cet arrét fut exécuté le jour même. Le Senat por-
ta une loy,qu'à l'avenir nul Patricien n'auroit sa maison dans le Capitole; La
demeure de Manlius fut rasée, & dans sa famille il fut déterminé,que jamais
aucun Manlius, ne porteroit le prénom de Marcus. t
L'année sui van te le peuple Romain fit voir qu'il n'imputoit rien du cri- XLl. •
Six nou-
me de Manlius à sa famille. Il choisit pour un de ses Tribuns militaires, Au- veaux Tri-
lus Manlius frere du même Marcus Manlius, qui avoit été précipité du Ca- buns mili-
pitole. Sous ces nouveaux Magistrats Rome etoit menacée de toutes parts taires élus,
par ses voisins ; Les Volsques, les Circeïens, les habitans de Vélitres, ceux l'an de Ro-
de Lavinium, & même , disoit on, les habitans de Preneste, faisoient le ra- M. me 371. du
3627.
vage sur les terres des Romains & de leurs alliez. On résolut de leur décla- avant J G.
rer la guerre ; Mais la peste qui survint, fut cause qu'on n'osamener l'armée 373.
en campagne, & qu'on dissimula les entreprises des ennemis.
Les Tribuns militaires de l'année suivante furent deux Papirius savoir XL II.
,
Spuriu5 & Lutins pour la première fois, & quatre autres Patriciens très-con- Nouveaux
donna commandement de l'armée Papirius. Tribuns
nus. Cependant on le aux Ils militaires.
marchèrent contre Vélitres ; Ceux de Préneste s'étoient joints à ces révoltez, An de Ro-
& ces deux peuples ensemble formoient une armée supérieure en nombre à me 372. du
celle des Romains. Ils furent toutefois vaincus , & obligez de se sauver, M. 28.
dans Vélitres. Les Généraux ne jugérent pas à propos d'en former le liège avant J. C.
372.
& le Senit aima mieux différer jusqu'à l'année suivante , la vengeance qu'il Guerre
méditoit d'exercer contre Préneste. contre
ceux deVe-
• Tom. II. Aa a La litres & de
Préneste.
XLIII. La guerre que l'on vouloit faire aux Volsques, fut cause qu'on choisit la
Camille sixiéme fois Camille pour Tribun militaire. Il étoit d'un
Tribun mi- âge presque décre-
litaire pour pite,
Mors attaqué d'une légére maladie. Il s'excusa sur Ion de se char-
la sixiéme ger du commandement de l'armée ; Mais le peuple l'obligea à lui préter son
fois. secours dans cette importante conjoncture. On le nomma Général de l'ar-
An de Ro- mée sans tirer au sort, & on lui donna pour ajoint Lucius Furius. Les
me 973. du tre autres Tribuns militaires demeurèrent dans Rome qua-
M. 3629. pour le maintien de
tranquilité publique. ,
avant J. G. la
371. Les Volsques joints aux citoïens de Préneste, s'étoient mis de bonne
Cuerre heure en- campagne, avoient forcé la ville de Sutri, & en avoient passé les
contre les habitans au fil de l'épée. Fiers de ce succés & de leur grand nombre, ils
Volsqncs
&c. s'étoient campez assésprés de Sutri. Camille & Furius allèrent aussis'y
camper,
Tit.Liv. 1.6 & continrent leurs troupes dans leur camp pendant quelques jours. Furius
Plutarch. étoit jeune & ardent il supportoit impatiemment
in CamiUo. afFe&oit , ces délais, que Camille
pour de bonnes raÏions. Furius suivantfon impétuosité, poufsa Ca-
mille à consentir qu'il livrât la bataille. Le vieu Général ne pouvoit l'empê-
cher, Furius aïant une autorité egale à la sieAne ; Mais il se précautionna
contre les cas imprévus, en formant un bon corps de réserve.
Furiu% attaqua les Volsques avec la vivacité & la vigueur qu'inspire
la jeunesse jointe à la valeur & à l'amour de la gloire. Il poussa les Volsques,
les fit plier & les poursuivit jusqu'au milieu du penchant de la colline
leur camp étoit situé. A ce moment on vit sortir du camp de nouvelles trou- , oii
pes , qui se joignant à celles qui avoient paru fuïr , vinrent à la charge, &
combattant d'un lieu éminent & avantageux, renversérent les Romains, & les
conduisirent battant jusqu'à leur camp. Camille étoit, dit-on, alors
au lit
par une suite de son incommodité dont il n'étoit pas encore bien guéri.
,
Il se fit mettre à cheval, & se tenant à la porte du camp, il arréta les fuïards
& leur dit, qu'ils n'y rentreroient pas qu'ils n'eussent repoussé les ennemis^
Suivez seulement Camille, leur dit il, & aprenez à vaincre.
XLIK Sa présence ses paroles, son exemple firent tant d'impression. sur les
,
Camille troupes, que retournant au combat, & chacun se ralliant sous ses enseignes,
remporte elles obligérent les ennemis de reculer & leur arrachérent la viétoire. Le len-
la viftoire
sur les demain Camille rangea son armée en bataille. Furius eut le commandement
Volsques. de la Cavalerie. Devenu sage à ses dépens, il attendit que l'Infanterie eut
commencé lamêlée. D'abord elle prit l'ascendant sur les Volsques, & Fu-
rsus voulant profiter du moment, pria là Cavalerie de mettre pied à terre, &
de seconder les efforts de l'Infanterie. Il fut obeï & ce nouveau renfort
,
renversa entièrement les Volsques. On en fit un trés-grand carnage. Ils ne
purent pas même conserver leur camp. Il sut pris & pillé. Le nombre des
y
prisonniers fut très-grand. On reconnut parmi eux quelques Tufculans.
Interrogez ils déclarèrent qu'ils n'avoient pris les armes, que du contente-
,
mént des Magistrats de leur ville.
XLV. Cette déclaration intrigua Camille. Il crut devoir consulter le Senat sur
Ceux de le parti qu'il avoit à prendre dans cette circonstance. Il laissa le comman-
Tusculum
obtiennent dement de l'armée à Furius & se rendit à Rome. On crut qu'il y acculerait
Furius
-Furius son Collègue. Il ne parla que de la défedion de Tusculum. Il fit le pardon
entrer les prisonniers de guerre, qui ne purent nier la chose. Le Sénat par le droit
du Senat oc
de
distinction lui permit de choisir entre ses cinq Collègues, celui qu'il jugeroit Bourgeoi-
à propos pour aller châtier Tusculum. On fut étonné de voir qu'il choisis- sie Romai-
soit le même Furius, dont il avoit lieu de n'être pas satisfait personnellement. ne.
Ils partirent ensemble & entrérent dans les terres de la ville coupable ; Ils ne
remarquèrent ny dans les champs, ny dans les villages, ny dans la ville au-
cun vestige de révolte. La paix, la sécurité , l'assurance paroissoient par tout
sur les visages, dans les Magistrats, dans les bourgeois, dans les gens de la
campagne, nulle apparence de trouble, nulle inquiétude, nuls préparatifs de
guerre. Camille entra exprés dans la ville, parla aux Magistrats, & leur dit
qu'ils pouvoient aller à Rome & se justifier devant le Senat, qu'il n'entrepren-
droit rien contr'eux avant leur retour. Ils allérent & parurent en habits de
deuïl. Leur seule veuë toucha les Senateurs ; Les discours qu'ils tinrent, fu-
rent encore plus sournis que leur exterieur n'avoit paru humilié. Le Senat
leur accorda non seulement le pardon mais encore le droit de bourgeoisie
,
Romaine. Telle fut la fin de la glorieuse campagne de Camille.
On choisit aprés lui d'autres Tribuns militaires, dont le gouvernement XL VI.
fut troublé par des divisions intestines. Pendant le cours de cette année & Tribuns
avant l'expiration des cinq ans,un des Censeurs étant mort, son Collègue ab- militaires l'an
diqua son emploi, & le peuple se mit en devoir d'élire de nouveau Censeurs. choisisde Rome
Jamais ces Magistrats n'avoient paru plus nécessaires que dans cetems, au 374. du M
quel les pauvres débiteurs se plaignoient extraordinairementdes vexations de 363 o.
leurs créanciers. Cependant il se trouva du défaut dans leur élection ; Elle avant J. G...
370.
n'eut point lieu, & les Patriciens, qui craignoient les censures & les suites de Brouille-
ses informations, firent entendre au peuple, que la volonté des Dieux se dé- ries dans
claroit assez, qu'ils ne vouloient pas que de toute l'année il y eut des Cen- Rome à
seurs dans la Republique. l'occasion
Les Tribuns du peuple découvrirent aisément l'artifice des Patriciens,qui des Créan-
& des
craignoient qu'on ne reconnût l'état de leurs biens & celui du menu peuple : ciersdébiteurs.
-
Ils firent entendre à celui cy qu'on ne différoit l'election des Censeurs que Tit.Liv. 1.é
pour le tenir dans l'oppression; Et comme onfaisoit alors des levées pour ré-
primer lesPrenestins, qui ravageoient les campagnes de Rome,& qu'en même 1
tems on contraignoit par corps les débiteurs à satisfaire à leurs créanciers, les
Tribuns du peuple s'opposérent à l'un & à l'autre, & l'on ne se réünit que
quand l'on vit l'ennemi aux pieds des murs de Rome. Alors on créa un
Difîateur, qui fut T. Quindi-Lis qui choisit Aul.Sempronius pour son Général
de la Cavalerie. La nouvelle ,seule de cette élection fit eloigner les ennemis.
Ils se retirèrent sur la riviére Allia, & s'y campèrent.
Quin&ius les y suivit, & sans se mettre en peine de l'observation d'un XLV1L
lieu autrefois fatal aux Romains, par leur défaitte par les Gaulois; 11 ordon- Tit. Quin-
cHus Dicta-
na à son Général de la Cavalerie de donner sur l'ennemi. Les Prénestins
soutinrent à peine le premier choc de la Cavalerie Romaine. Ils se mirent à teur. Guerre
fuir vers leur ville & abbandonnérent leur camp, qui fut pillé. Le Dicta- contre les
,
teur alla de nouveau les attaquer dans leur camp prés la ville de Préneste. Prénestins.
Ils n'eurent pas le courage de la défendre; ils l'abbandonnérent & se fauve-,
rent dans Préneste. On ne jugea pas à propos de s'attacher à en faire le sié'-'
ge. Quindius porta ses armes contre neuf forts ou chateaux situez dans les
terres des Prénestins. Ils se rendirent en peu de jours, & leur reddition fut
suivie de celle de Préneste même , qui fit sa compétition avec le Didateur.
Ces conquêtes ne lui coûtèrent que dix jours. Chaque jour il prit un cha-
teau, & le ic.e il se rendit maître de Préneste. Il emporta de cetté ville la.
statuë de Jupiter Empereur ou Général d'armée, & la plaça au Capitole,entre
Jupiter Capitolin & Minerve, avec une inscription,parlaquelle il rendoit grâ-
ces aux Dieux de ces si promis & si heureux exploits, & marquoit qu'en re-
corinoissance il offroit à Jupiter une couronne d'or du poid de deux livres
& un tiers. Quindius triompha & se démit de la Dictature au bout de vingt
jours.
XLVlll Lorsqu'on procéda à l'eledion des nouveaux Magistrats,le peuple indis-
liledion posé contre la noblesse, à caule de la dureté que les riches exerçoient con-
de six nou- tre lui élut trois Tribuns militaires du nombre des Plébéiens & autant du
veaux Tri- nombre, des Patriciens. 11 fit entrer dans le nombre de ces derniers par dif-
buns mili- déclaré pour
taires, par- tindion , deux Manlius parens de ce Manlius qui s'étoit si sort
tie Patrici- le peuple, & dont la fin fut si malheureuse. Depuis la prise de Rome parles
ens & par- Gaulois, la Republique étoit trés-considérablement affoiblie elle n'avoit pu
.. tie Plé- se de ses Ses alliez l'avoient'a bbandonnée ,
;Les Latins mê-
béiens. remettre pertes.
An de Ro- mes & les Tusculans qui lui avoient
toujours paru si attachez, s'étoientjoints
me 37 5. du aux Volsques leurs plus opiniâtres ennemis.
Plusieurs des ses anciennes co-
M. 3631. lonies avoient secoué le joug, & s'étoient renduës indépendantes. 11 fallut
avant J. G. faire la guerre pour réduire ces ennemis les uns après les autres comme on
36,. ,
avoit fait au commencement de la Republique;Mais la chose se fit avec beau-
coup plus de promtitude & de facilité.
XLIX. Le peuple confia par distindion, & sans tirer au sort, le commandement
Guerre de l'armée aux deux Manlius. Ces deux Généraux avoient chacun leur
contre les corps de troupes, & se campèrent à portée l'un de l'autre, assez présdePar-
Volsques mée des confédérez. Ceux-ci emploïérent le stratagé«t-ne pour engager les
&Jes La- embuscade. Un Soldat Latin déguisé en Romain , vint
tins. Les
Romains dans une
Manlius crier dans le camp de Manlius, que les fourageurs Romains étoient envelop-

font dé- pez par les Volsques, & couroient risque d'être perdus, sans unpromtsecours.
faits. Aussitôt & sans délibérer les Soldats Romains sortent de leur camp en tu-
Tit. Liv. multe & à la suite du fourbe Latin, dans un endroit impraticable,où
L 0. courent
les Volsques, qui y étoient cachez, vinrent fondre sur eux. Les Chefs n'eu-
/ rent pas le loisir ny de ranger leurs troupes,ny de donner leurs ordres. Chacun
combattit comme il se trouva , mais il combattit avec tant de valeur & de
désespoir, que l'armée évita sa perte entiere, & revint à Rome avec les deux
Ma'nlius, qui perdirent dans cette occasion une partie de leur armée, & leur

L.
camp qui fut pillé par l'ennemi. ,
Ce succés rendit les Volsques plus fiers » & les Prenestins attirèrent à
Eleé.:ion leur parti le corps entier des Latins. Lorsqu'aprés les eledions des Tribuns
de six Tri- militaires & des Censeurs on voulut procéder aux enrôlemens
, pour repri-
buns imili- mer
mer les Volsques , qui faisoient le ravage dans les campagnes des Romains, taires de
les Tribuns du peuple s'y opposérent, & prétendirent que les Censeurs cbn- l'ordre des
tinueroient à faire le dénombrement du peuple & des facultez , tant des Pa- Patriciens de deux
triciens, que des autres, afin d'apporter quelque soulagement aux opérez & & Genseurs.
aux pauvres. Le Senat pour satisfaire le peuple & pour faciliter les levées, An de Ro-
rendit un arrêt, que pendant la guerre qu'on alloit faire , nul Citoïen ne se- me 376. du
roit inquiété ny pour dettes, ny pour le payement des contributions ordinai- M. 3632. C.
avant J.
res. Au moïen de cette assûrance, on forma deux armées, qui entrèrent par 3 6 8.
différentes routes dans le païs des Volsques. Elles y firent le dégat à loisir Guerre
& sans opposition.Les ennemis n'osérent paroître en campagne,on n'épargna, contre les
ny villages, ny maisons champêtres , ny arbres, ny moissons , ny patura- Volsques. Tit. Li-v.
gf'} ny bestiaux. On ravagea tout, & on aména à Rome une infinité de ri- L6.
ches dépouilles.
Cette expédition fut trop courte pour les débiteurs. Peu de jours aprés Z7.
que les armées furent rentrées dans Rome , les créanciers commencèrent à Tribuns Nouveaux:
exiger leurs dettes avec la même rigueur qu'auparavant. Ils citérent les dé- militaires.
biteurs devant les Juges, & les Patriciens étoient les plus ardens à les pour- An de Ro-
suivre. Le peuple se plaignit, mais il ne fut pas écouté, & quand il fut que- me 177. du
ssion de changer les Magistrats, on elut six Tribuns du peuple,tous du corps M. 36g?.
des Patriciens. La guerre qu'on eût à soûtenir contre les Volsques & les avant J. G.
Latins confédérez suspendit pour un tems les plaintes des Tribuns .du peu- Liv.367. 1. 6.
,
ple. On leva dans Rome trois armées, l'une fut destinée à garder la ville ;
l'autre fut comme un corps de réserve prête à accourir où la nécessité le de-
manderoit, &la troisiéme qui fut la plus nombreuse, marcha contre les en-
nemis postez aux environs de Sutri. On ne fut pas longtems sans donner
bataille ; Mais une pluie abondante survenuë au milieu de l'aétion sépara
les combattans, sans qu'on pût dire à qui apartenoit la vidoire. ,
Des le lendemain on en vint a un nouveau combat. Aprés- quelque
résistance de la part des Latins la Cavaleriè Romaine donna sur eux & les
rompit. L'infanterie acheva ce, que la Cavalerie avoit commencé, les Vois-
ques & les Latins mis en déroute se sauvérent à Sutri, qui n'en étoit éloignée
que de deux mille pas. Ils abbandonnérent leur camp dans la terreur dont
ils étoient saisis, n'espérant pas de le pouvoir défendre. La nuit suivante ils
le retirérent même de Sutri, & prirent la route d'Antium, où ils furent reçus;
mais les Antiates craignant les suites de la guerre, ne jugèrent pas à propos
d'en courrirles risques: Les Volsques étoient dans les mêmes sentimens &
songeoient à se rendre aux Romains par composition. ,
Les Latins seuls persistans dans leur animosité contre les Romains, sor- LU"
tirent d'Antium, se rabbatirent sur Sutri & la réduisirent en cendre ; Il n'y Défaite des
Latins dans
relia d'entier qu'un Temple coiasacré à la Déesse lVlatuta, connue des Grecs T usculiucu
sous le nom de Leucothea ou Ino fille de Cadmus. Delà ils se jettérentdans
Tusculum, qui fut surprise; Les bourgeois n'eurent que le loisir de se sauver
avec leurs femmes & leurs enfans dans leur Cidatelle , & d'envoïer en dili-
gence à Rome , donner avis du danger auquel ils étoient exposez. II y
avoit dans Rou1e, ainsi qu'on l'a dit, une armée toujours prête pour tous les
evénemens imprévus. On la fit marcher aussitôt au secours des Tusculans. Les
Latins résolurent de défendre la place contre les Romains, sans discontinuër
le siége de la Citadelle. Assiégez & assiégeans, ils partagèrent inconfidérem-
ment leurs forces, & les Romains s'étant rendus maîtres des murs, ouvrirent
les portes & firent main basse sur les Latins, pendant que les Tusculans de
leur côté fondirent sur eux du haut de la Cidatelle & ne leur donnèrent au-
cun quartier. Il n'échapa aucun des Latins.
Les Tribuns après cela raménérent à Rome leurs armées vi(-'torieuses-Le
peuple y gén1issoit sous l'avarice des riches; Les créanciers traittoient impi-
toïablement leurs débiteurs. Il les jettoient dans les prisons ou les rédui-
soient en esclavages ; Les Nobles & les Patriciens avoient pris sur le menu
peuple un tel ascendant, qu'il ne sembloit pas que le parti Plébéïen dut ja.
mais se relever, ny faire ombrage à la noblesse Une circonstance fort sim-
ple changea la face des choses.
LUI. Fabius Ambui1:us de l'ilIui1:re famille des Fabius , avoit marié l'ainée
La Jalou. de (
ses deux filles à Servius Sulpitius, d'une famille trés-distinguée, &quiétoit
sie entre alors
j
Tribun militaire; &la cadette à Licinius Stolo, homme trés - considéré
les deux dans Rome, mais d'origine Plébeïenne. Celle-ci étant allée rendre visite à
soeurs sil- sa soeur ainée pendant l'absence de son Mari, se trouva fort surprise, lors-
les de Fa.. les lideurs frapper rudement à la porte,
bius Am- qu'au retour de Sulpicius, elle ouït
bustus, oc- avec leurs fai{seaux pour annoncer la venue du maître. Son étonnement
cafionne augmenta lorsqu'elle aperçut la foûle des Cliens & des Courtisans qui fai-
un grand soient civilité , à Sulpicius. Sa soeur ainée ne put s'empêcher d'en rire, & la
change-
dans cadette se sentit fort choquée par ce ris moqueur. A son retour elle ne put
ment
JaRepubli.. dissimuler son chagrin à son Pere, qui l'aimoit tendrement, & Fabius lui pro-
que. mit que bientôt elle verroit dans la Republique un changement qui l'éga-
Tit.Liv.L6 leroit à sa soeur.
Pour accomplir sa promesse, il fit entendre a Licinius son gendre, & à
LIV.
Nouvelles Lucius Sextius jeune Plébéïen d'une famille considérable , qu'il falloit qu'ils
loys pro- briguassent le Tribunat du peuple pour l'année suivante , & qu'alors il ne
posées par leur seroit pas difficile de changer le Gouvernement, defaire élire deux
Licinius & Consuls
au lieu des six Tribuns militaires, & de faire admettre un Plébéien
Sextius
Tribuns dans le Consulat. La chose s'exécuta selon le projet de Fabius. Licinius
du peuple. & Sextius surent faits Tribuns du peuple, & dez ce moment ils résolurent
de faire passer trois loys, qui faisoient tomber toute l'autorité des Patriciens,
La première ; Qu'on imputeroit sur le Principal les intérêts déjà payez, dr le ressant
slaquitteroit dans la fuite en trois payemens égaux. La seconde ; Que nul citoien ne
pourroit posséder plus de cinq cens journaux de terre i & la troisiéme, Que les Tribu-
à
nat. militaire seroit pour toûjours supprimé Rome,
& qu"à l'avenir on choijïroit toujours
deux Consuls, dont F un feroit de famille Plébéienne.
Le Senat vit que ces loys tendoient à annéantir la supériorité de la No-
blesse, en luy ôtant ses biens & ses prérogatives. Il mit tout en oeuvre pour
empêcher qu'elles ne passassent dans les asseniblées générales du peuple.
Le moïen qui lui parut le plus efficace, fut de diviser le Corps des Tri-
buns du peuple. En effet dez-que les deux Tribuns dont on a parlé, vou-
lurent
jurent proposer ces !oys,Ies autresTribuns du peuple leurs Collègues, s'ecrierent
jem'yoppose; ; de manière que les Auteurs de ces loys ne purent jamais se faire
entendre au peuple dans aucuns Comices. Licinius & Sextius istiguez de ces
oppositions affeétées, enlploïérent le même moïen pour empêcher l'élection
des Tribuns militaires, en criant je m'y oppose. Le peuple Romain eut tant
d'égard à cette opposition, qu'il ne choisit ny Consuls ny Tribuns militai-
res; mais seulement des Tribuns du peuple & des ediles, & encore conti-
nua- t'il Licinius & Sextus dans leur employ , en sorte qu'ils se
trouvèrent
par ce moïen à la tête de la Republique, & que pour cette fois les Patrici- Supression LTT.

ens furent absolument exclus du gouvernement. du Gonfu-


Cet état dura quatre ans, pendant lesquels Licinius & Sextius furent lat & du
continuez dans la charge de Tribuns du peuple ; & par bonheur la Repu. Tribunat
blique pendant tout ce tems n'eut point d'ennemis qui troublât sa paix au militaire à
dehors. Enfin la sixiéme année duTribunatdeLicinius& de Sextius les Veli- Rome
pendante
tres peuples situez entre les Volsques & les Latins , s'étant jettez dans les ans.
campagnes des Romains, & aïant même formé le siége de Tusculum , les An deR.
deux Tribuns dont nous avons parlé se désistérent de leurs oppositions, & 378.79.8o.
l'on choisit six Tribuns militaires, tirez des familles Patriciennes. Quand il 81.
fallut procéder aux enrôlemens des troupes , les Tribuns du peuple formè- duM.3634.
rent encore des oppositions, qui ne furent lévées qu'après bien des disputes, avantH. 36. 37-
J. G.
& uniquement en considération des besoA1s preÍfans de la Republi-
3 6 6> 6 5 .64-
que. 63.
Déz que l'armée Romaine parut en campagne les ennemis se retirè- LVI.
,
rent & abbandonnérent le siège de Tusculum. Ils furent à leur tour auffi- Election de six Tri-
^
tôt assiégez dans Vélitres parles Généraux Romains; Mais ce siége tirant en buns mili-
longueur, ceux qui j'avoient commencé, n'eurent pas le loisir de l'achever. taires Pa-
On choisit de nouveaux Tribuns militaires, qui continuèrent le siége, quoi- triciens.
qu'avec lenteur & foiblement. Un de ces Tribuns militaires fut Fabius, qui An de Ro-
servoit de Conseil à Licinius & Sextius , & qui étoit dévoué au parti Plé- me 382. du
M. 3638.
béien. Licinius & Sextius gagnèrent trois autres Tribuns du peuple, de ma. avant J.G..
niére que de dix qu'ils étoient,il y en avoit moitié qui aprouvoit les loys pro- 362.
posées, & une autre moitié qui s'y opposoit. Si les Auteurs & les aproba- Siège de
teurs de ces loys n'eurent pas alors assez d'autorité seuls pour les faire pas- '."élitres. Tit.Liv.l.6
ser, ils disposérent insensiblement les esprits du peuple à les agréer dans de LV11.
plus favorables circonitances. Ils ajoutèrent même aux trois premiéres loys Election
une quatrième qui portoit, qu'on créerait des Decemvirs ou dix Magistrats , au des nou.
lieu de deux qui étoient établis, pour la consèrvation <& l'interprétation des livres Sybilli* veaux Tri.
buns mili-
ens; Mais comme l'armée qui étoit occupée au siége de Vélitres
, ne pou- taires.
voit à cause de son absence donner ses suffrages la chose demeura inde- An de R.
,
,
cise. 983. 384.
Elle paroissoit devoir se décider l'année suivante, dans laquelle Licinius duM.3^39*
& Sextius surent continuez Tribuns du peuple, & les opposans furent chan- 3640. J. C..
remplacez favorisoient avant
gez & par d'autres qui les loys proposées. Cepen- 361.360.
dant les troubles continuèrent, & la chose fut poussée au point qu'au tems LVIII.
des élections de l'année qui suivit, il n'y eut point de Tribuns militaires elus. Continua-
On
On donna pour Chef à la Republique en qualité de Dictateur le fameux Fu.'
son des
b roùille- Camille pour la quatrième fois. Son autorité ne put arréter les entre-
rtus
ries à Ro- prises continuelles de Licinius & ds Sextius, qui étoient toûjours Tribuns du
me. Peuple Ils vinrent à bout de proposer au peuple & de lui lire les quatre
An de Ro- assemblées avoient commen-
me 384. du lovs dont on a parlé , & les Tribus Romaines
M. -3 640. cé de donner leurs suffrages en faveur des loys, lorsque le Didateur arriva
avant J. C. foûle de Patriciens, & aïant fait dreiser son Tribunal au milieu de
avec une oppositions à celles des Tribuns
3*9.
Furius ea.- la place, il harangua -le peuple & joignit ses
mille Dic- dupeuple , qui n'aprouvoient point les loys proposees par Licinius & par
tateur Sextius
pour la 4. Et comme malgré ces oppositions les Tribuns, vouloient continuerlesa
fois. prendre les voix des Tribuns , Camille fit..disperrer les Tribus & quitter
An de Ro- où elles étoient assemblées, & menaça en cas de désobéïssance, de con-
me 381. du plates
le peuple au champ de Mars , de les obliger de s'enroler & de mar-
:M. 3641. voquer Les Tribuns répliquèrent qu'à leur tour,
ayant J. G. cher tout de suite en campagne.
3 Î- quand il seroit hors de sa Dictature , ils le feroient condamner a cinquante
Tit.Liv.I.6 qui font cinq cens mille as d'erain monnoyé. Ca-
Plutarch. mille dragmes attiques,
in (;iJmillo. mille que l'âge avoit rendu
plus timide & plus circonfpeç'-t,n'osa s'opposer de
front a la multitude irritée; Il se retira dans sa maison, & quelquetenlSaprés
il abdiqua le Didature, souy>rétexte qu'il y avoit eu quelques défauts aux
auspices de son eledion.
si bien qui revint au parti Patricien de sa Dicta-
l'acceptation des loys, dont on asouvent
ture & de son opposition, c'est que
ParIeBi«tôteapr'és
empêcher l'eclat des divisions,on nomma pour Dic-
LIX. pour
Publius Manlius, dont la famille avoit toújours été attachée au parti
x Publ. Man- tateur Lieutenant-Général de là Cavaleri*un nomeLici-
lius Dicta- Plébéien II choisit pour son
teur. Stolo ,
son parent, & parent de Licinius gendre de Fabius , auteur des
nius
An de Ro.. loys question. Tout sembloit promettre aux Tribuns un heureux succes.
en le peuple qui n 'envifageoit que
fne 3.8
Les loys furent de nouveau proposées , mais de satisfaire 1 ambition de ses
son utilité sans se mettre beaucoup en peine
Tribuns, n'agréa que laloy qui portoit que nul Citoïen Romain ne pourrait
posséder que cinquante Journaux de terre.
L'acceptation des autres fut dil-
térée àl'cinnee suivante. j* •'
LX. On y continua Licinius & Sextius Tribuns
m j peuple
du i pour lai dixième
Election
& choisit'six Tribuns militaires, qui furent les derniers Magistrats de
des six Tri- fois, on Consuls, comme auparavant.
buns mili- ce nom- Car dans la suite on elut toujours des
taires. Ac- T Tribuns du peuple attentifs à tout ce qui pouvoit favoriser leurs desseins,
ceptation es
mirent à profit la nouvelle qui s'étoit répanduë que les Gaulois établisenIta-
des 3-loys la Republique Romaine. La necessite où
proposées lie, s'étoient liguez pour renverser
Licini- l'on se trouvoit de faire des Levées extraordinaires de troupes , leur fourllll-
par Ils proposérent les trois loy s
us & Sexti- soit un moïen de venir à bout de leurs
fins.
us. qui n'étaient pas encore reçues. Le peuple en admit deux, avant que le Gé-
An de Ro- de-voit commander l'armee, fut nomme. Ces deux loys furent l 0
me 386. du néral qui des sommes empruntées °
M. 3642. Celle qui concerna le payement des intéréts
Avant J. a.
,déthar,meoit les débiteurs ; L'autre est celle qui regarde la création de dix
perionnes chargées de l'inspeétion & de la garde des livres Sybillins.
L'aproche des Gaulois & le danger dont la Republique étoit ménacée de LXI.
leur part, firent jetter les yeux sur Camille, pour le déclarer Dictateur pour Furius Ca-
la cinquième fois. Il avoit prés de quatre-vingt ans, mais Page n'avoit pas miUus Di-
diminué Ion ardeur guerriére. Il nomma T- Quinctius poursan Lieutenant- ctateurla
Général de la Cavalerie, & sortit de Rome à la tête de son armée, qu'il avoit pour cinquième
eu la précaution d'exercer, avant que de l'exposer au danger. Les Gaulois fois.
avoient accoutumé de se servir du làbre, en élevant le bras pour frapper. Les Tit. Liv.1.6
Romains croïoient que la meilleure manière de se battre étoit de pointer ou ($Vîutarcb
de percer l'ennemi avec l'epée. Ce mouvement donnant moins de prise & in CarciL'o.
Guerre
d'ouverture à l'aggresseur, Camille donner à ses Soldats des casques de fer., contre les
fit
,ou d'acier bien polis, pour parer les coups de sabre des Gaulois, il fit ajouter Gaulois.
à leurs boucliers un rebord de cuivre, pour le même effet; Car jusqu'alors les
boucliers n'étoient que de simple bois ; pour armes offensives, il leur donna
de longues Javelines, pour atteindre de loin & frapper l'ennemi pendant
qu'il levoit le bras pour assûrer son coup. ,
Camille s'avança jusqu'assez prés de l'Anio,ssïr lequel les Gaulois étoient
campez ; son camp étoit en partie sur le penchant d'une colline , d'où il ne
paroissoit que trés-peu de chose le gros de son armée étant'cache dans des
vallons & derriére des rochers , d'où les Gaulois ne le pouvoient aperce-
voir. ,
Les Gaulois, qui ne pénétroient pas le dessein de Camille méprisérent ZX/ï.
son armée, & ne daignérent pas même fortifier leur camp ; Ils, alloient sou- Défaite
vent par troupes fourager les campagnes voisines, & s'avançoient hardiment des Gau-
jusqu'au pied de la hauteur qu'occupoit le Dictateur Romain. Un jour que lois par
Camille s'aperçut qu'ils étoient sortis du camp en grand nombre & après Camille.
avoir fait la débauche toute la nuit il fit marcher de grand matin, ses trou-
,
pes de Cavalerie armées à la légère , avec ordre , de harceler Penn^my &
de donner sur luy avec tant de prolutitude, qu'il n'eut pas le loisir de se ran-
ger en bataille , le stratagénie réiiffit. Les Gaulois piquez de se voir ainsi
nffiillis par gens qu'ils Inéprisoient,sortirent confusément de leur camp &
Jans prendre le loisir de se ranger en bataille commencèrent ,
,
brusquement
l'action. Presque dans le même moment parut Camille avec le gros de sou
armée en belle ordonnance & donna sur les Gaulois. Les Legions plus
,
pésamment armées soutinrent celles qui étoient grmées à la legére. Les Ja- ,
velots des Romains leur furent d'un grand usage contre les sabres des Gau-
lois & contre leurs boucliers de bois. Ces Javelots attachez aux boucliers
en1barassoient le Soldat qui pour s'en décharger ou jettoit son bouclier
, ,
pour combattre plus aisément , ou perdoitson tems à arracher ces Javelots,.
dont il efeiïoit ensuite de se servir contre les Romains. Les sabres de
étrangers emoufsez contre les boucliers de$ Romains garnis d'erain leur ces
devenoient inutiles.EnEn les Gaulois déconcertez plièrent & furent taillez ,
piéces par Camille. Ceux qui échapérent, furent dispersez dans differents en
endroits de l'Italie.
LXllI. Le siége de Ventres avoitété interrompu depuis quelque tems. Le Di-
Prise de dateur victorieux des Gaulois, marcha contre cette ville, & l'emporta. Il
Vélitres. revint à Rome & reçut les honneurs du triomphe. 11 vouloitauslitôt aprés
Troubles y
dans Ro- abdiquer la Dictature, mais il ceda aux priéres du Sénat , qui luy remontra
me. qu'il devoit travailler à rétablir la paix au dedans de la Republique. Les
Tribuns du peuple étoient plus ardens que jamais pour faire paffer la loy,
qui vouloit qu'il y eût toûjours un Consul Plébéïen avec un Patricien. Ca-
mille tenoit le parti de la nobleiïe; Mais les Tribuns du peuple appuyez des
Plébéïens portoient leur insolence jusqu'à manquer de resped au Dictateur,
& à vouloir le forcer à déposer la Didature. Un jour qu'il étoit assis sur sory
Tribunal dans la place publique,quelques Tribuns lui envoïerent un huissier
pour l'arréter & pour le conduire au Tribun. A ce moment il s'eleva un cri
t des gardes du Didateur & des Patriciens,qui l'accompagnoient, & du peuple
qui crioit à pleine tête, qu'on l'enleve, qu'on l'arréte.
Camille n'en fut point ébranlé. 11 se réfugia au Senat, & fit voeu de
bâtir un Temple à la Concorde, s'il réüflissoit à rétablir la paix dans la Repu-
blique. Aprés bien des délibérations & des contestations , il fut accordé
qu'on pourroit choisir un Consul Plébéïen & un Consul Patricien, sans toute
fois en faire une loy, ni une obligation pour l'avenir.
LXlV. Le peuple fut content de cette déférence ; & pour l'année suivante on
L. Mamer- élut Consul L.Mamercus Patricien, & Lucius Sextius Lateranus Plébéien. Le
cus & L. Senat réfuta de reconnoître ce dernier pour Consul , & le peuple s'obn.ina à
Sextius La- le soûtenir.La chose alla si loin,que le peuple Romain fut iur le point.de se
teranus retirer de Rome & de se separer des Patriciens. Camille trouva un tempé-
Consuls.
An de Ro- rament pour contenter les uns & les autres. Ce fut de partager les fondi-

me 87. du ons des Consuls & d'en réserver une partie aux seuls Patriciens. Ces fondions
M. 964e. consistoient à commander les armées, comme Généraux, & à juger les diffé-
avant. J. Co du peuple commes juges. Il proposa au Senat de consentir, qu'un des
3)7. rens
T.Liv.I.6.7 Consuls fut tiré du corps des Plébéïens, à condition que les Préteurs ou Ju-
Plfitarch. ges des differens, seroient toûjours tirez de la Noblesse. Depuis ce tems on
in Camillo. choisit toûjours & des Consuls & des Préteurs ; ce qui ne s'étoit pas fait jus-
Institution qu'alors; & les fondions des Consuls furent bornées affaires de la guerre
des Pré. aux
teurs. & du Gouvernement; & celles des Préteurs, aux jugeniens des procès. Ce
temperament fut agréé de tous les ordres, & la paix fut rétablie dans la Re-
publique.
Pour en tendre graces aux Dieux , on fit de grands jeux en leur hon-
neur,& on ajoûta un quatriénie jour,aux trois jours qu'on donnoit auparavant
à ces jeux. D'où vient qu'on leur donna le nom de Ludi maximi, au lieu de
Luài magni ; Les Ediles aïant fait quelque difficulté de se charger du soin de
préparatifs. Ca-
ces jeux, quelques jeunes Patriciens s'offrirent d'en faire les
mille agréa leurs offres, & demanda au peuple, s'il consentoit d'accorder l'é-
dilité à deux Patriciens. Le peuple y conièntit, & le Senat promit de ratifier
tout ce qui s'étoit fait dans les derniers Comices , au sujet des Magistrats.
Quant au Temple de la Concorde voüé par Camille , .il fut bâti aux dépens
du public, sur une en1inence au pied du Capitole, afin qu'il fut veu du lieu ou
I on tenoit les assemblées. Après tant de grandes actions, Camille se démit
de la Dictature, & passa le reste de sa vie dans le repos d'une vie privéé.
Co- me il avoit été Auteur de l'établissement de la Préture, on fit l'hon- Lxrr.
à son fils Spurius Furius Camillus de le nommer Préteur la premiére fois Fonctions
neur il n'y qu'un Pré- &préroga-
qu'on choisit de ces Magistrats. Dans les commencement eut tives des
teur, dans la suite on les multiplia, & quoique leurs fondions ne regardaient Préteurs.
d'abord que l'administration de la justice, on les emploïa souvent dans la sui-
te au commandement des armées. Ils étoient regardez comme Collègues
des Consuls, se servoient comme eux de la chaise curule ornée d'ivoire , &
étoient précédez de deux Lisseurs. Ils étoient choisis en des Comices par
Centuries, & avec des Auspices comme les Consuls. Ils étoient regardez
comme possédans la seconde charge de la Republique. Avant que d'entrer
dans l'exercice de leur charge, ils étoient obligez de dresser un edit, qui con-
tenoit les principes sur lesquels ils devoient former leurs jugemens.
Les deux premiers Ediles tirez du corps des Patriciens, furent Clleïus- LXVl
Quiiiftius Capitolinus, & P. Cornelius Scipio. L'ancien employ des Ediles Premiers Ediles Pa-
étoit borné au soin des réparations des Temples & des edifices publics des triciens,
,
préparatifs pour les jeux publics, de veiller à la propreté de la ville, -& à lui Cn. Qmn-
procurer l'abondance des vivres. Dans la suite cette charge devint beaucoup étius Capi-
tolinus &
plus considérable, tant à cause de la grandeur & de la puissance de la ville, P. Corneli-
qui augmentèrent extraordinairement , que par rapport à la condition de us Scipio.
ceux qui furent faits Ediles, & qui se servoient de cet employ , comme d'un An de Ro-
dégré pour parvenir aux premières dignitez de la Republique. me 387.
Bientôt les Tribuns du peuple, la commune & le Senat même jugérent
qu'il y avoit quelque espéce d'inconvenient & cl'incongruité de voir presque
toutes les charges de la Republique entre les mains de la Noblesse. On con-
vint que le peuple pourroit choisir de deux ans en deux ans des Ediles du
nombre des Plébéïens & enfin on luy laissa indéfiniment la liberté de tirer

,
les Ediles du nombre des Patriciens ou des Plébéiens.
Les Consuls de cette année furent Lucius Genucius Aventinensis du rang LXV 11
des Plébéïens, & Quintus Servilius de race Patricienne. Leur Gouverne- L.Genutius
& QJîervi-
ment n'eut rien de considérable dehors nul ennemi ne troubloit la Re-
, au manière Un
lius Con-
publique ; Mais la peste la ravagea au dedans d'une cruelle. suls.
des deuxCenseurs en fut enlevé, & il fallut que son Collégue renonçât à son An de Ro-
employ. Trois Tribuns du peuple & un des Ediles en moururent, de même me 388. du
M. 3644.
que le grand Camille , dont la réputation ne fut ternie par aucun défaut. avant J. C.
Grand dans la paix & encore plus dans la guerre il sçut mettre des bornes H().
,
à ion amour de la gloire & il eut l'avantage de laisser en mourant sa patrie Peste ex-
dans la paix qu'il y avoit ,procurée autant par sa sagesse que par sa valeur. traordi.
,
,
Le désordre que la contagion causa dans la Republique, fut infini, elle n'é- naire à Ro-
pargnoit personne. Le riche comme le pauvre en étoit attaqué & ceux me. Liv. 1. 7.
,
qu'elle ne réduisoit pas au tombeau, demeuroient longtems accablez de lan- PlutRrch.
gueur. in Camillt.
LXVIII. Elle continua l'année suivante qui eut pour Consuls C. Sulpitius éfc'
,
G.Sulpitius Caïus Licinius Stolo ; Ce dernier est le même qui causa tant de troubles
& G. Lici- dans la République
nius Stolo afin d'humilier y
pour la publication des quatres loys qu'il avoit saites,
Consuls. le parti Patricien, & dont la femme avoit donné occasion. à.
An de Ro tous ces mouvemens, par sa jalousie contre sa, soeur Fabia Epouse d'un Tri-
,
me 389. du bun militaire. Pour le coup cette Dame vit ses souhaits accomplis ion
M. 364S'. mari étant devenu Consul,& aïant à sa suite les licteurs & les ,
* avant J. C.
autres Officiers,
31î,
qui formoient le cortége d'un des premiers Chefs de la Republique.
Leftister- Au milieu des maux que la peste causoit dans Rome.les Magistrats vouè-
nium Of-. rent aux Dieux ce qu'on apelloit Leciisternillm qui étoient des repas de Re-
donné à ligion, qui se faisoient dans les Temples, où l'on ,
dressoit des tables, avec des.
Rome. lits de table à l'antique, sur lesquels les statuës des Dieux étoient couchées à
liiv* /. ?..
la tête des conviez & où les Déessea étoient comme assises, de même que Jes.
Dames Romaines, qui par bienséance s'asseioient & ne se couchoient pas, à
table, comme faisoient les hommes. Cette cérémonie étoit puerile, d'inviter
des statuës à desrepas, mais la superstition païenne croïoit apparemment,au
que ces statuës avoient quelque chose de divin , qui les animoit, ou du moins,
que le Dieux affistoient invisiblement à ces repas, 01.1 leurs statuës étoient in-
vitées. Il faut convenir que l'invention des repas de rejouïssance, des festins
publics, & des jeux de divertissement & même d'exercice n'étoient pas des
remèdes indifférens dans les maladies epidémiques & dans les calamitez po-
pulaires. la
La joïe, le divertiuement,
trés-propres à soutager les maladies , & quand on
gaïeté la bonne compagnie font
,
a le secret d'y faire inter-
venir la religion, ces choses ont encore un effet beaucoup plus prompt &plus;
grand.
liXTX.. On ajouta aux Festins des jeux '-Zcéniques , ainsi nommez du nom Grec
Jnfiitution Séenc, qui signifie
locs Jeux une tente, un lieu couvert, un abri , parcequ'on les reprt-
Scéniques':. sentait sur des
Théatres dressez à l'ombre. Les jeux dont nous parlons, fu-
à Rome. rent représentez dans un côté du cirque. On fit venir à Rome des danseurs
Etrusques, qui dansoient au son de la flute, & faisoient des gestes,des sauts
& des mouvemens mesurez sur le son des inptrumens. Tout cela n'étQit--
point accompagné de paroles, ny de récits. Dans la suite on y joignit des
vers facetieux, des Satires & des bons mots ; & à la rin on.réduiut la choie
en art & en comédies réglées». Ni ces divertissemens. niJes Festins du Lfdi-
fiGrniuffl- n'apaisérent pas la peste.
LXX, - Elle continua une troiliéme année sous le Consulat de Lucius iEmi'iius
JL'.iEmilius,.
&. Cneïus & Cneïus, ou Caïus Genucius. Tous les remèdes qu'on avoit jusqu'alors
Genucius emploïez contre la maladie, n'aïanteu aucun effet réel , on s'avisa de remet-
6onsuls.. tre.
en. pratique une ancienne cérémonie.,- dont on croïoit s'être autrefois
.An de Ro- bien trouvé
du en cas pareil. le
C'étoit de ficher un clou dans Temple de Ju-
me 3£o. piter Capitolin. On peine a se persuader qu'une nation aussi tiére & aulli
M. 3 646'. a
avant J. C. belliqueuse que la Romaine, ait pu donner dans une superstition aussi frivo-
H4. le, & que pour faire cette importante cérémonie , on ait choisi exprés un
L. Manlius Dictateur, qui fut Lucius Manlius lequel
Imperiosus , pour la sorme seulement nomma
jacuniaé. j pour san. LieutenantrGénéral. de la Cavalerie.
Lucius Pillarius Natta. Le
Dictar-
Dictateur donc ficha le clou en grande cérémonie & on attribua ridicule- Dilatent V
,
ment à cela la cessation de la peste qui avoit duré assés longtems pour ces- poor sicher
,
ser d'elle-même. un clou
dans le
On tient que cette coutume de ficher un clou dans le mur du Temple Temple
de Jupiter Capitolin , vient d'une autre coutume très-ancienne, mais tres. de Jupiter
simple; Sous le Consulat de Brutus & d'Horatius Pulviilus , immédiatement Capitolin.-
aprés l'expulsion des Tarquins, lorsqu'on eût bâti à Jupiter , a Junon & à Tit,Liv,Lf
Minerve un Temple au Capitole , on résolut d'y marquer par des clous fi-
chez dans la muraille, le nombre des années depuis la. fondation de Rome.
Chaque année un des Consuls en cérémonie alloit ficher ce clou, pour lnar-
quer l'année de Ion Consulat & celle de la fondation de Rome. La coutu-
me en venoit des Volsiniens peuples d'Etrurie, qui en usoient ainsi dans leur
Temple de la Déesse Nortia, ou fortune. S'il arrivoit quelque calamité extra-
ordinaire à la Republique, on se figuroit qu'apparemment les Consuls n'a-
voient pas été créez sous de bons auspices,. & pour réparer ,ce défaut,on nom^
moit un DiCtateur pour renouveller la cérémonie malfaite.
Manlius auroit bien voulu prolonger le tems de sa Dictature & la LXXI:.
,
signaler par quelque adion d'éclat. Il ordonna des enrôlemens de troupes ÇKServilius
pour marcher contre les Herniques , qui paroissoient disposez à secouër le &L.Genu,.
joug de la Republique; Mais il trouva tant de résistance'de la part des Tri.. citts suts.
Con-
buns & du peuple encore afFaibli & epuisé par ses dernières maladies que Ah de llo*
malgré ses hauteurs & son ton Impérieux, il fut obligé d& céder & de renon- ,
fnegg i. dit
cer à la Dictature. La chose alla plus loin- * Dez-qu'on eut créé de nou* M. 1647.
J.
veaux ConsulsJesTribuns du peuple-outrez des façons hautaines & violentes avant
de Manlius, le citérent devant les Curies asemblées. 0n l'àccusa première- Tit.Liv.l.y? 3??.
ment d'avoir pris le surnom d' lmperiofus,quine convenoit point àunCitoïen d'une Cicero de
ville libre. En second lieu d'avoir usé de violence envers le peuple Romain, Officiisl. 3^
afin de l'obliger à s'enrôler,pour faire une guerre inutile & hors de saison, & Val. Max*-
troiHéluement de traiter inhumainement son fils, qui avoit un empêchement li ç. c. 4,
naturel de la langue, & dont l'esprit étoit; tardif ; 11 Pa vait confiné à la camï.
pagne & l'y nourrissoit à peu prés comme un esclave,
Le tems étoit pris dans trois marchez, ou dans vingt-sept jours pour ini- Manlius
struire le procés de Manlius. Tout le monde étoit sort indisposé contre accusé de-
luy, son fils seul, touché du, danger de son Pere surtout pour ce qui regar- vant le
, pettule,Çomx
doit Paccauhltion de dureté & d'inhumanité qu'onformoit contre luy à l'occa- fils le -tire-
tion du traittément qu'il luy faisoit résolut de le secourir efficacement. Un de dang£*5»
jour de trés-grand matin il part de la, campagne & vient se présenter devant
la mnison de Marcus Pomponius Tribun du peuple, quis'étoit déclaré accu-
,
lateur de son Pere. Le jeune Manlius se fait annoncer on l'introduit dans
l'apartenlent du Tribun. On: ne douta pas qu'il ne vint fournir denouvelles.
preuves d'accusation contre son Pere. Il demanda de parler en, secret à;
Pomponius.Tout le monde se retire. Alors le jeune homme tire un couteau;,
& le présentant sur la gorge du Tribun, qui étoit encore au lit, luy dit qu'ili
# l'allait
egorger, s'il ne lui promettait sur l'heure avec serment, de renoncer &
la poursuite intentée contre sou Pere. Pomponius promit tout ce qu'il .vous-
lut, & il tint sa promesse, non obstant les sollicitations du peuple qui vou-
loit que Manlius l'ancien fut puni. Le peuple même admirant le bon natu-
rel & la générosité de ce fils, l'éleva la même année à la dignité de Tribun
Légionaire d'une des 4. Légions qu'on leva pour faire la guerre aux Herni-
ques. Ces Tribuns Légionaires étoient à la nomination des Généraux. Mais
pour cette fois le peuple en voulut nommer une partie, & le jeune Manlius
fut un des premiers.
LXXII. Pendant qu'on étoit occupé des préparatifs de la guerre contre les Her-
Marcus niques, dont le Consul Genucius devoit être chargé , il arriva à Rome une
Curtius se chose qui attira toute l'attention de la Republique. Il s'ouvrit tout à coup
dévoué milieu de la place publique une espéce d'abyme, où l'on ne voïoit point
pour la Ré- au
publique de fond. Les Devins ne sçurent quoy en dire. On ne douta point que ce
& se préci- ne fut un prodige & un de ces evenemens par lesquels la Divinité découvre
pite (lans ses volontéz aux hommes. Les Augures prétendirent que cette ouverture ne
un abyme se refermeroit jamais, qu'on n'y eût jetté ce que Rome avoit de plus prétieux,
ouvert au
milieu de mais aussi qu'en sacrifiant ce que la ville avoit de meilleur, elle seroit immor-
Rome. telle. On raisonna beaucoup sur cela, & on rechercha ce qui pourroit pas-
TH.Uv.LT. ser
pour la choie la plus pretieuse qui fut à Rome. Dans l'incertitude des
Fa/er. opinions, Marcus Curtius se leva & 'dit qu'il ne connoissoit rien de plus grand,
Max. 1.
c.6. ($c. de meilleur, ny de plus prétieux dans la République, qu'un bon citoïen guer-
An de Ro- rier & courageux , qui sacrifie sa vie pour le salut & la gloire de sa patrie ;
me 391. Qu'il étoit prêt de se dévouër, & de descendre tout vivant & tout arme dans
cette abyme, pour appaiser les Dieux & accomplir les grandes destinées de
Rome. *
Le Senat & le peuple agréérent son dévouement. On le combla1.1/debé-
nédictions. Il se pare de ses plus belles armes, vient sur la place sur son
cheval superbement harnaché ; Et aprés avoir invoqué les Dieux du Ciel &
de l'enfer, il pique son cheval & se précipite dans le gouffre qui se renfer.
-AlaisTiteLive racon-
ma aussi-tôt. C'est ce que disent quelques Historiens;
te qu'après que Curtius se fut précipité dans le gouffre , on y jetta quantité
de grains & de sruits ; Il avoue que cet événement étoit enveloppé de récits
fabuleux, & qu'il avoit été embelli par les discours & les traditions popu-
laires, & que l'abyme n'avoit apparemment d'autre cause qu'un tremblement
de terre ou quelqu'autre effet naturel. C'est en effet ce qu'on peut dire
de plus raisonnable sur cet événement, que l'on ne s'avisa pas alors d'apro-
fondir la superstition & l'ignorance aïant tout d'un coup tourné leb esprits
du côté, du merveilleux & du divin.
lxxul Aprés cet événement Rome se promit seurement la victoire contre les
Le Consul Herniques. Genucius qui commandoit l'armée, étoit de race
Plébéienne. Du
Genucius bon ou mauvais succés de cette campagne dépendoit la réputation & le bon
est tué palr
ou mauvais augure du commandement Plébéien. La campagne fut malheu-
les Herni-
reuse. Genucius étant tombé dans une embuscade , fut mis à mort par une
ques.
troupe de gens qui ne le connoissoient pas, & ses Légions saisies d'une ter- %
reur panique, prirent la fuite. La nouvelle de cette défaite jetta lamoment
cutistei--
nation dans le parti Plébéien; Mais les Patriciens n'en parurent
touchez.
touchez. Ils insuîtérent même auxPlébéïens, qui avoient eu l'ambition d'en-
trer dans des charges, dont ils n'étoientpas capables. Qu'ils choisissent donc
des Consuls Plébéïens, & qu'ils foulent aux pieds tous les plus anciens & les
plus sacrez usages ; Ils voient ce qui leur en revient. LXX1V.
Il fallut toutefois chercher un remède au mal. On n'en trouva ppint Appius
d'autre que de créer un Dictateur. Ce fut le Consul Servilius qui le nom- Claudius
for-
ma ; & il choisit Appius Claudius celui des Senateurs, qui s'étoit le plus Plé- créé Dicta-
tement opposé à la loy qui permettoit de choisir un Consul de race teur rem-
la vie
béïenne. Servilius se mit à la tête des débtis de l'armée deGenucius, tandis porte
le Dictateur lévoit de nouvelles troupes. Les Herniques enflez du succés toire con.
que tre les Her-
de leurs premiéres armes, eurent la hardiesse de venir assiéger le Consul Ser- niques.
vilius dans son camp ; Mais il ne leur donna pas le loisir de l'attaquer ; 11 fit
sur eux une sortie si à propos que les ennemis prirent la fuite & se retirèrent
précipitamment dans leur propre camp. Peu de tems aprés arriva le Dicta-
teur, qui loüa la valeur & la conduite de Servilius & de ses troupes, & exhor-
ta celles qu'il venoit d'amener, à les imiter;
Les Herniques pour soutenir leur honneur & la réputation de leurs ar-
mes, firent de nouvelles levées, & obligérent tous ceux qui étoient en etat
de porter les armes, de se trouver dans le camp. De ce grand nombre de
troupes qu'ils avoient ramassées, ils choisirent trois mille deux centSoldats,
à qui ils firent de grandes promesses, & leur firent l'honneur de leur donner la
place la plus périlleuse & la plus honorable dans le champ de bataille, com-
me fondant sur eux la plus solide espérance de leur vidoire. Les deux armées
le rangérent dans une grande plaine située entre les deux camps. Les Che-
valiers Romains se trouvèrent à l'opposite de ces braves Herniques, dont on
a parlé. Dabord ils donnèrent sur eux avec leur impetuosité ordinaire ; Mais
n'aïant pu les ebranler, le Didateur leur ordonna cfe descendre de cheval, &
de combattre à pied à la tête de l'Infanterie Romaine. Le combat recom-
mença avec plus de furie qu'auparavant. Les deux armées ne furent, pour
ainsi dire, que spedatrices des efforts que firent ces deux corps d'élite, pour
remporter la vidoire. Elle fut longtems balancée, & il y eut grand nombre
de ces braves qui périrent. A la fin les Chevaliers Romains s'exhortant à fai-
re de nouveaux efforts, firent plier les ennemis, & les contraignirent de se re-
tirer dans leur camp. La nuit qui survint, ne permit pas de lesy assiéger; &
les Herniques, l'aïant abbandonné la nuit fui vante, épargnèrent aux Romains
la peine de le faire. On compte que le Didateur perdit le quart de ses trou-
pes, & ce qui fut le plus regretté, il perdit grand nombre de Chevaliers Ro-
mains.
Dans les comices de l'année suivante, on choisit encore pour Consul un LXXV,
Patricien & un Plébéien, savoir CaïusLicinius Stolo le plus déclaré adver- G. Licinius
,
saire de la Noblesse, & Caïus Sulpitius Peticus, de race Patricienne. Les deux Stolo &
Caïus Sul-
Consuls se mirent de bonne heure à la tête de leurs troupes ; Mais les Her- pititis Peti-
niques n'aïant pas paru en campagne , l'armée Romaine se rabbattit sur Fe- eus Con-
rentine qui fut obligée de se rendre. Delà les Consuls marchèrent contre suls.
Tybur, qui leur ferma les portes, sans doute, parce qu'elle attendoit le se- An de Ro-
me ? Q2. du
cours M. g64î.
t
avant J. G. cours des Gaulois, qui s'avancèrent en effet jusque sur les bords de l'Anio.
3 Dans cette circonstance les Romains choisirent pour Dictateur Titus Quin-
Tit.Liv.L7 dius P.ennus, qui
Guerre nomma pour Lieutenant-Général de la Cavalerie , Servie
contre les lius Cornélius.
Le Dictateur se rendit avec ses troupes sur l'autre rive de l'A-
Ty lui (tins nia. Il sQ donna plutieurs petits combats entre des détachemens des deux
gigantes- armées, & les deux partis firent plusieurs efforts pour se rendre maitres du
que & les Pont de la riviére. Un jour que l'on escarmouchoit avec beaucoup de vira-
Gaulois.
T. Quin- cité, un Gaulois d'une taille gigantesque , fit signe de la main, & l'on fit
Ctius Pen- silence des deux cotez. Il demanda qu'on envoiat contre lui quelqu'uns des
nus Ditta. plus braves de l'armée Romaine, pour se battre eu combat tingulier. Com-
teur. me personne n'osoit s'y hazarder , le Gaulois tira la langue pour inlulter aux
Romains.
Alors Lucius Manlius, dont on a parlé cy-devant, & qui obligea le
L. Manlius
tue: un
Tribun Pomponius à se désister de la poursuite qu'il faisoit contre son pere,
GéantGau- se présenta au Dictateur & lui demanda sa permission , pour aller combattre
lois en le Gaulois. Le Dictateur charmé de son courage l'anime à bien frire. Tout
combat le monde s'empresse à bien armer Manlius ; 11 change le bouclier rond qu'il
:ftnzulier.
portoit comme Chevalier Romain, en un bouclier quarré, propre à un fm-
tailin. Il prend une epée à l'elpagnole , c'est-à dire assez courte, mais poin-
tuë,& propre à frapper d'estoc & de taille. Il s'avance contre le Gaulois,
qui alloit au combat en chantant, vétu légèrement, & armé d'armes super-
bes & toutes brillantes d'or, faisant parade de ses forces par les mouvemens
dont il s'agitoit.
Manlius n'étoit rien moins que fanfaron, & sa démarche étoit d'un hOln-
me ferme & qui réservoit toutes ses forces contre son ennemi. Dez-quil fut
à portée, il heurte fortement de son bouclier le bouclier du Gaulois, & lui
fait faire un mouvement, il redouble & le frape une seconde sois, puis pro-
fitant de l'agitation de son adversaire, il se glisse fous le bouclier du Gaulois,
& par là pare un coup de sabre que celui-cy vouloit lui porter. En même
tems Manlius lui plonge son epée dans le ventre & dans l'aine, puis le re-
levant il le frappe à l'epaule, & par des coups redoublez le renverle par tër-
re, & lui coupe la tête. En même tems il arrache le collier qu'il portoit &
se le met au coû. A l'instant ses Camarades accoururent sur le pont, le pren-
nent & l'amènent victorieux au Dictateur, qui fit son eloge devant toute l'ar-
mée, & lui fit prêtent d'une Couronne d'or. Toute l'assèmblée lui donna le
surnom de Torquatus , a cause du collier du Gaulois, que l'on nomme en
Latin Torquis, & composa sur le champ des chansons en son honneur. Le
fruit de cette victoire remportée par Torquatus, sut la retraitte des Gaulois,
qui dez la nuit suivante abbandonnérent leur camp & se retirérent dans la
Campanie.
ZXXVL Ceux de Tybur eurent leur tour l'année suivante. Ils étoient entrez dans
M. Fabius
Ambustus, la revolte des Herniques, & s'étojent déclarez pour les Gaulois ; Les nou-
& Caïus veaux Consuls le partagérent les troupes, & en aïant formé deux armées, Fa-
Pœte1ius bius marcha contre les Herniques, & Pœtelius contre le<; Tyburtins. Auffi-
Ljbo Con- tôt l'armée Romaine parut en caiiipagne, les Gaulois sortirent de la Cam-
fcls. que
panie,
panie , & se jettérent dans les terres d'Albe , de Tusculum & de4*rvle, An de Ro-
Yfirent de grands ravages. Ils osérent même s'avancer jusqu'au voi'Linage -de me 393. du

teur, qui fut Servilius ,


jRome, & inveilir la porte colline. Pour les réprimer,Ro111e choisît unDitra- M. 3649.C.
Ahala lequel nomma pour Lieutenant Général de-la
Cavalerie Titus Quinftius. Aulîi-tôt on enrôla tout ce qui reçoit de jeunesse Guerre
avant J.
3*1-

à Rome, & on marcha contre les Gaulois. Le combat le donna, pour ainsi contre les
dire, au pied des murailles de Rome. La veuë de ce que les Romains avoient les Herniques,
Gaulois
de plus cher , leur donna un courage nouveau. Ils combattirent -avec. une & les Ty-
vigueur incroïable. Toute la campagne sut couverte de morts. LesGaulois burtins.-»
xms en déroute, furent obligez de se retirer vers Tybur. Les Tyburtins firent Quadrig.apufi Gel-
une sortie pour faciliter leur retraitte ; ainsi ils entrèrent dans cette place avec 1mm.
les Tyburtins, malgré les efforts que fit l'armée du .£o-nful Pœtelius pour Tit.L,-'V /.£
les couper. /. 9. c. 11.
D'un autre côté leConsul Fabius battit les Herniques en bataille rangée, Servilius
& le Dictateur de retour à Rome, fit l'éloge des deux Consuls, leur attribua Ahala Dic-
les heureux succés de la campagne. On accorda à Pœtelius l'honneur du tateur. -

triomphe ; Fabius se contenta de l'ovation. Le Dictateur ne triompha pas,


quoiqu'il Peut mérité plus que personn-e. Les Ty-burtins plaisantèrent du
triomphe de Pœtelius,& menacèrent de fournir bientôt de nouvelles matières
de triomphe aux Romaiiis,s'il suffisoit pour cela, de leur donner des allarmes. LXXV1L
En effet l'année suivante les Tyburtins parurent pendant la nuit devant M. Popilius
Rome, comme s'ils eussent voulu la surprendre. Au premier bruit l'allarme Cnc'ius tanas &
fut grande parcequ'on ne Í:1voit si c'étoit les Gaulois -ou quelqu'autre en- Manlius
,
nemi qui menaçât la ville. Le retour du jour fit voir , que ce n'étoit qu'une Imperiosus
a(sez petite armée de Tiburtins qui causoit tant d'effroy. Les Consuls sor ti- Consuls.
An de Ro-
rent sur eux, par deux portes, & les diŒpérent. Quelque tems aprés les me 394. du
Tarquiniens peuples d'Etrurie, se déclarèrent contre la Republique & firent M. 36*0.
le ravage sur ses terres. On en remit la vengeance à l'année suivante. avant J. G.
Lors qu'on eut elû les nouveaux Consuls on songea à faire marcher 3îo-
,
les armées en campagne. D'un côté les Herniques & les Tyburtins, & de LXXVllL
Fabius
l'autre les Tarquiniens s'étoient déclarez. On craignoit encore les Gaulois, C. Ambufhis
qui n'attendaient que le moment de fondre sur les terres de la République. & C.Plau.
Le Consul Plautius marcha contre les Herniques, & Fabius contre les Tar- tius Procu-
quiniens. Le premier battit les ennemis & les réduisit au même état, où ils lus Con-
etoient avant leur révolte. Fabius s'engagea témérairement cqntre les Tar- suls. An de
quiniens , qui lui prirent trois cens sept prisonniers, qu'ils egorgérent, aprés me 39f.Ro.. du
les avoir traitté indignement. Rome ressentit vivement cet outrage & s'en M. 3 6 5 1.
,
vengea dins la suite. avant J. C.
A peine avoit-on réduit les Herniques, que les Boïens peuples Gaulois 349.
Guerre
se jettérent dans le Latium. Ils parurent dans les plaines de Preneste, & de- contre les
là s'avancérent jusqu'à la ville, de Pedum, qui n'étoit éloignée de Rome que T arqui-
de dix miles, ou environ trois lieues. Heureusement les Latins se reconcilié- niens, les
rent alors avec Rome,& rentrèrent dans son alliance ; ils lui envolèrent leur &Herniques
contingent de Soldats, dont on étoit convenu selon les anciens Statuts. Et lois.les Gau-
,
ces nouvelles troupes vinrent fort à propos à la République, dans un tems Tit.Liz'. 1.7
aussi dUJiéile. La nécel11te des affaires ne recourir a l'expédient ordinaire, qUI
étoit de-nommer un Dictateur. Sulpitius Peticus fut elu par le CousuLPiau-
tius, qui revint à Rome exprés pour faire cette fondion. Sulpitius nomma
pour Général de sa Cavalerie Marcus Valerius.
LXXIX. Le Dictateur & Valerius formèrent les corps.qu'ilsdevoient commander,
Sulpitius des meilleures Légions, qu'ils tirèrent de l'armée des Consuls, & avec le ren-
Peticus Latins, ne craignirent point de marcher contre les Gaulois. Leurs
Di&ateur. fort des
troupes ne respiroient que le combat, le Dictateur -ne jugea pas à propos d'en
courir les risques. Il aima mieux laisser les ennemis consumer les provisions
qu'ils avoient, & les mettre par là dans la nécessité de se retirer, que de ris.
terrible que dans le premier
quer une bataille. Il savoit que le Gaulois n'est laitier
feu & la première in-Wétuosité ; Il vouloit la lui. rallentir. L'arméeRo-
maine qui ne pénétroit pas les desseins du Général , murmuroit de sa condui-
te& blamoit sa lenteur. Elle. en vint jusqu'à s'attrouper tumultueusement &
à demander qu'on les menât à^'emiemi, menaçant de sortir de ses retrancht-
ment & de marcher au combat malgré le Général ; ou de s'en retournera
-Rome en ordre de bataille. Les plus mutins priérent un nommé Sextus Tul-
lius, de.,parler au Didateur en leur nom, & de lui porter leurs plaintes. Tul-
lius accompagné de ces gens-là parla publiquement au Didateur, mais sans
manquer au respect, qui lui étoit dû, & le pri£ au nom de toute l'armée de
mettre leur courage, leur valeur & leur fidélité à l'épreuve..
Le Dictateur témoigna au Centurion Tullius, dont il conuoifioit la 14-
gesse & la dépendance, son étonnement de lé voir à la tête d'une troupe de
factieux. Tullius lui en fit son excuse, en disant qu'il n'avoit accepté la COlTI-
n1iffion de lui faire des remontrances,que dans la crainte qu'ils n'en choisissent
autre moins dévoué à ses volontez, & qu'ils ne priÍfent quelque résolution
un
extrême d'aller d'eux-mêmes aux ennemis ; Sulpitius parut content dix
discours ,du Centurion, & le renvois avec les Soldats qui l'accompagnoient.
Presqu'en même tems quelques Gaulbis aïant enlevé deux bétes de char-
ge qui paiffoiënfchôrs des retranchemens, deux Soldats Romains les leurs re-
prirent ; Les Gaulois se défendirent à coups de pierres, & les obligérent à
lâcher prise. A ce moment les Soldats Romains, qui étoient sur le rempart,
criérent:aux armes, & auroient sortisur l'ennemi, s'ils n'eussent été retenus par
leurs Centurions. Alors Sulpitius reconnut la vérité de ce que lui avoit dit
Tullius, & ordonna qu'on se tînt prét le lendemain pour le combat.
LXXX. Comme i'armée Romaine étoit inférieure en nombre à celle des Gau..,
Défaite des lois, le Didateur s'avisa d'un stratagéme pourfaire paroitre sa Cavalerie, en
Gaulois.
consistoit la principale force de son armee, beaucoup plus nombreuse
Tit. Liv. quoy
l7. qu'elle n'étoit. Il fit equipper les muléts de l'armée comme dés chevaux, &
Frontin. les fit monter par des valets, à qui il fit prendre les armes des Soldats malades,
Stratagem. & celles qu'on avoit enlevées sur l ennemi, & c>ïaijt mele cent Cavaliers à cst-
i. 2. c. 4.
te troupe de valets, qui alloit bien à mille hommes 1 il leur ordonna de mon-
Açpian.in d'y demeurer cachez dam le
Gelticis. ter pendant la nuit sur la montagne voisine,
bois, & de ne faire aucun mouvement, qu'ils n'en eussent reçu l'ordre;
Dez le matin l'armée Romaine sortit de ses retranchemens, & fut rangée
en bs.-
en bataille, de telle sorte que les Soldats légionaires qui se servoient du dard
nommé Pilum qu'ils lançoient à l'ennemi, aïant fait leur décharge , avoient
,
ordre de se retirer, & de laisser place à la seconde ligne pour en faire de mê-
Jue, & à la troisiéme & quatrième de suite ; aprés quoi les Soldats Romains
devoient fondre sur l'ennemi l'epée à la main. Ces ordres furent exactement
luivis; & les ennemis quoique surpris de cette manière d'attaquer, à laquelle
ils ne s'attendoient pas, donnérent ensuite avec tant de furie sur l'aîle droite
où étoit le Dictateur,qu'ils la mirent en danger d'être rompue ; Mais Sulpi-
tius par son exemple & par les discours mélez de reproches qu'il fit aux
,
Soldats qui avoient témoigné, tant d'empressement pour en venir aux mains,
les ranima. Ils firent des efforts si extraordinaires que les Gaulois furent
obligez de plier & de se retirer vers leur aile droite qui combattoit vaillamment.
Le Dictateur les y suivit, & en même tems envoïa ordre à ses muletiers
déguisez en.Cavaliers de se montrer & de marcher par des détours vers le
,
camp des Gaulois. Ceux-ci aïant aperçu cette Cavalerie, & aïant ouï leurs
cris, se débandérent & coururent en diligence à la défensè de leur camp.
L'aile gauche des Gaulois étant ainsi mite en déroute, Valerius Général
de la Cavalerie Romaine eut ordre de couper les fuïards & de les empêcher
de regagner leur camp. Il ne restoit plus aux Gaulois d'autre retraite que
les foréts & les montagnes. Ils abbandonnérent la plaine, & les Romains se
virent pour le coup délivrez des Gaulois, des Herniques & des Latins, qui
jusqu'alors avoient donné de grandes inquiétudes à la République. Le Dicta-
teur Sulpitius fut considéré comme un fécond Camille. On lui décerna les
honneurs du triomphe. Il marqua sa pieté & sa reconnoissance envers les
Dieux, en consacrant à Jupiter Capitolin les Colliers & les brasselets d'or,
que l'on avoit pris sur les Gaulois, & dont on lui avoit fait présent. Ces
richesses furent renfermées dans un caveau bâti de pierres de taille.
Rome se trouvant tranquile, sit enfin représenter les jeux qui avoient été
voüez neuf ans auparavant par Camille ; Elle augmenta le nombre de ses tri-
bus, & y en ajouta deux, l'une fut nommée Pomptina, à cause du pais Pontin
où l'on envoïa une nouvelle colonie ; & l'autre Publiâa ou Popiiia à cause
du lieu particulier de sa demeure dans le irieme païs ; Enfin , ,
les Tribuns du
peuple portérent une loi contre les brigues trop déclarées & trop ouvertes de
certains citoïens de naissance peu illustre, qui portoient leur ambition jusqu'à
prétendre aux premières dignitez de la République, & qui n'avoient point de
honte de mendier & d'achetter bassementles suffrages du peuple dans les places
publiques & même dans les foires & dans les campagnes. Ce fut le Tribun =

Pœtelius ^ui en dressà la loy, & qui la fit agréer par le Senat & par le peuple
Ici nous finirons cette partie de l'histoire Romaine, que
commencée au régne de Romulus, en la première année de lanous avons re-
fondation de
Rome, & que nous avons continuée dans l'espace de 39j. ans. Nous
marqué ses premières conquêtes sous Romulus, ses premières loys& sa premic y avons
re forme de police établie sous Numa, son accroissement sous lesRoys suivans
jusqu'à Tarquin le superbe, son affranchissement & Pétabliflement de la Re
publique par l'expuluon des Tarquins, & parla création des premiers Con-
suIs Brutus & Collatinus. Cc c 2 LIVRE

•t
L1VRE XVIII.

L
Commen-
A Prés avoir representé dans les livres précedensles villes de Lacédémone,
se
d'Athènes & deThebes disputer l'Empirer de la Grèce, dominer tour
cement de à tour sur leur voisins,& même porter leurs armes par mer & par terre
la gran- dans les pays étrangers ; Nous allons à présent voir ces mêmes villes
deur des reduittes dansunaffoiblissement&
Roys de un epuisement qui ne pourront plus faire
Macédoi- aucun ombrage aux autres états ; La Macédoine au contraire, qui jusqu'icy
ne. avoit fait une assez petite figure dans la Gréce & dans les états voisins , v,,,
prendre le dessus & porter ses armes jusqu'aux Indes, renverser l'Empire des
Perses & fonder la domination la plus puissànte que nous eussions encore
,
veuë dans l'Univers • puis qu'elle comprenoit toute la Gréce , l'Asie <&r
l'Egypte.
Il Les Thessaliens avoient mis sur pied une armée nombreuse ; dont Í!f}.
Divisions ' avoient donné le commandement à Jason Tyran de Phéres. Leur dessein
dans la étoit de se rendre maîtres de l'Empire de la Grèce, qui devoit être la recom-
Thessalie..
Pelopidas pense de celuy, qui par sa valeur en auroit fait la conquête. Jalon fut
affai-
y est en- finé, ou par des particuliers qui avoient conspiré contre luy,ou par son pro-
voyé. pre frere Polydore. Ce dernier avec son autre frere Polyphron , prit le com-
An du M. mandement de l'armée. Polyphron voulant commander seul, fit mourir
363 4.
Polydore & enfin Polyphron perit luy-même par le moyen d'Alexandre
avant J. G.
Phéres fils , de Polydore, qui le fit empoisonner.
346.
Diodor. Ce dernier se trouvant a la tête des troupes, fit la guerre à prufieurs vil-
/. 13. P.488. les de Thessalie voulant par leur assujetissement se frayer un chemin à ta
JÇenophon , villes craignant de tomber sous sa domination, députèrent
Tyrannie. Ces
rerum Gra- Général.
car. I. 6. vers les Thébaïns, & leur demandèrent du secours de troupes & un Thessalie
Pelopidas est chargé de cette commission, & se transporte en
a,vec une armée. Il attaque Larisse & s'en étant
rendu maître, il oblige Ale-
xandre à semoderer.Mais Alexandre ne pouvant se contenir,& continuant datis,
ses excès de cruauté & d'avarice, Pelopidas le menace de le réduire à la raisou.
Alexandre allarmése retire avec ses gardes, & Pelopidas ayant mis lesThds:l-
liens en état de ne rien craindre de la part du Tyran , ni de la part de leurs
voisins, prit le chemin de la Macédoine, où il étoit invité avec ses troupes.
111. C'étoit pour pacifier les deux Princes Perdiccas & Philippe fils d'Amyn-
Pelopidas. tas II Roy de Macédoine. Ce Prince en mourant avoit laissé trois fils, lUe-
rétablit la xandre, Perdiccas & Philippe, &
un fils naturel nomme Ptolemée. Alexandre
paix en
Macédoi- ne regna qu'un an, & fut tLT,--', par Ptolémée, qui régna
trois ans. Perdicci,,;
ne. a qui le, Royaume appartenoit par
le droit de sa naissance, invita Pelopidas à
Plutarch. venir en Macédoine, pour être l'arbitre de son différent avec Ptolcmée. Pe-
in Pefopida. lopidas eut bientôt rétabli la p ix entre les deux freres,& .Ijugea le Royaume
p. 292. Dio à Perdiccas aprés quoi aïant pris pour otages Philippe frere de Perdiccas Se
du¡-.si(,'ul. ;
rIi. trente autres enfans des meilleures familles de la Macédoine, il les aména a
Thébw>
Thébes & par là fit voir aux Grecs, quelle étoit l'autorité & le crédit des
,
ThY't.)aïns parmi les étrangers, & quelle cenfiance ils avoient en leur valeur.
Ce Philippe fut Pere d'Alexandre le grand, & nous le verrons bientôt sur le
Trône de Macédoine.
Mais Ptolémée ne s'étant sournis que malgré luy à la sentence de Pelo- Ptolémée IV.
ridas, recommença à remuer; c'est pourquoy les Macédoniens en toute di- s'empare
ligence envoyent prier Pelopidas de venir à leurs secours. Pelopidas n'aïant du Royau-
point de troupes; leve à la hâte quelques Soldats mercenaires, & marche con- me de Ma-
cédaille.
tre Ptolémée , dans le dessein de le surprendre & de le combattre , avant Plutarcb.
qu'il le fût affermi sur le Trône ; Mais Ptolémée trouva le secret de débau- ibid.
cher les troupes de Pelopidas & de les corrompre par argent. Les ayant
ainsi attirées à son service il s'avança vers Pelopidas non avec des troupes,
,
mais dans un aïr de suppliant , & luy parla comme à son maître, luy promet-
tant de garder le Royaume de Macedoine pour le fils du Roy Alexandre, &
de vivre dans une parfaite intelligence avec les Thébaïns; donnant pour gage
de sa parole son propre fils Philoxéne, & cinquante jeunes enfans de condi-
tion qu'on elevoit avec luy. Pelopidas fut obligé de se contenter de ses
promesses, & ayant envoyé à Thébes tous ces otages ? il crut ne devoir pas
laitier impunie la trahison de ces Soldats mercénaires ,qui s'étoient l'aissé cor-
rompre par Ptolémée.
Il aprit qu'ils avoient jetté dans Pharsale ville de Thessalie, leurs femmes, F.
leurs enians & leurs meilleurs effets. Il pritla résolution de les enlever; & est Pelopidas
arrété âc
aya-nt ramassé quelques troupes de Thessalie, il marcha vers Pharsale,& entre fait prison.-
dans la ville. Alexandre Tyran de Phérés, dont nous avons parlé & vers nier par
,
qui Pelopidas avoit été envoyé comme Ambassadeur, s'avance avec une bonne Alexandre
armée. Pelopidas ne pouvant s'imaginer qu'il fut venu à dessein de le com- Tyran de
Pheres.
battre mais croyant qu'il venoit pour se justifier, & pour repondre aux Plutar&.
plaintes, des Thébaïns, va à luy avec Ismenias seul sans aucune précaution. jnPelopidû»
Alexandre les arréte & les charge de liens. -. ,
Puis entrant dans Pharsale,
oblige tous ceux qui étoient à Pelopidas, de luy rendre obéïssànce. La nou-
velle de cette perfidie étant aportée àThébes, remplit les Thébaïns d'indigna-
tion; Ils résolurent aussitôt d'envoyer des troupes pour le délivrer. Et
comme ils étoient alors indisposez contre Epaminondas , comme ayant dans
une occasion paru trop favorable aux Lacédémoniens , ils ne le nommèrent
point Général de cette expédition. Il n'y alla que comme simple particulier
& ami de Pelopidas.
Cependant Alexandre conduisit Pelopidas# à Phérés sa Capitale & lui
laissa la liberté de parler à qui il voudroit. ,
J1 ne se servit de cette liberté
que pour consoler les bourgeois de cette ville, les assurantque.le Tyranseroit
bientôt puni de ses cruautez. Il ne l'épargna pas luy même & luy fit dire,
qu'il étoit surpris qu'il fit souffrir tant de mauvais traittemens , à des Citoïens,
qui ne I'avoient jamais offensé, pendant qu'il le laissoit en vie quoyqu'il ne
,
pût ignorer que s'il étoit jamais hors de ses mains, il lui feroit porter la peine
de tant de crimes. Alexandre étonné de cette intrepidité, luy fit demander
.ce qui l'obligeoit à chercher ainsi la mort : C'est,luy repondit Pelopidas, afin
que par ma mort tu deviennes de plus en plus odieux aux Dieux & aux
hommes, & que tu hâtes d'autant plus ton malheur & ta perte. Dept'is ce
tems Alexandre ne permit plus à personne de luy parlera Il ne put toute
fois refuser cette liberté à Thébée sa propre femme, qui eut la curiosité de
voir ce grand homme. L'ayant trouvé dans un état à faire horreur , abban-
donné,'négligé, mal couvert, elle neput retenir ses larmes, & luy dit : Ah
infortuné Pelopidas, que je plains vôtre pauvre femme ! non, répliqua Pelo-
pidas, c'est vous même qui étes à plaindre , d'être obligée de souffrir un
Tyran comme Alexandre, n'étant pas sa prisonniere.
L'armée Thébaïne étant entrée en Thessalie, n'y fit rien de remarquable.
Elle fut obligée de se retirer, & Alexandre l'aïant toujours suivie, tua beau-
coup de monde, & l'auroit entièrement défaite, si les Soldats Thébaïns n'eus-
sent forcé Epaminondas de prendre le commandement de l'armée. Il semit
à la tête de la Cavalerie & de l'Infanterie armée à la légère & s'étant mis
,
l'arriére garde, tantôt faisant tête à l'ennemi & tantôt s'avançant il ramena
heureusement les Thebaïns & les tira de ce mauvais pas. Les Généraux, , qui
avoient si mal conduit cette entreprise , furent condamnez chacun à une
amende de dix mille dragmes ; Et la Republique ayant résolu d'envoyer de
nouvelles troupes en Thessalie; Epaminondas fut déclaré leur Général. Il
partit peu de jours aprés, brûlant du desir de tirer son ami de captivité.
VI. Toutefois dans la crainte que le Tyran ne se portât par desespoir à
Epaminon- faire mourir Pelopidas, il ne se hâta pas de lui livrer bataille. Il se contenta
das délivre de l'intimider
Pelopidas. par sa présence & par l'éclat de son nom , qui avoit rempli
toute la Province de joïe & de confiance, & qui avoit jetté la confirmation
dans le coeur du Tyran ; Alexandre luy députa du monde pour tacherde se
justifier auprès de luy, & pour excuser sa coi^ite.passee. Epaminondas
dissimula son ressentiment, conclut avec luy de trente jours, retira
Pelopidas de ses mains & se retira en Béotie.
A peine eut-il quitté la Thessalie, que le Tyran recommença à exercer
ses violences contre plusieurs places de ce pays qu'il ruina ; Il s'empara des
villes des Phtiotes, des Achéens, & des Magnesiens, & y mit garnison. Ces
villes demandèrent du secours aux Thébaïns, & priérent qu'on en donnât le
commandement à Pelopidas. Elles obtinrent ce qu'elles demandoient , &
PelofÇdas se disposa à partir avec une armée de sept mille Thébaïns ; Mais
au moment de son départ, une eclypse du Soleil jetta l'effroy dans Thébes,
& il ne fut plus possible de faire marcher les troupes, qui prirent cet événe-
ment naturel pour une déclaration de la colère des Dieux. Pelopidas qui
n'ignoroit pas les causes de cet événement , se contenta de trois cent Cava-
liers, tant Thébaïns qu'étrangers, qui voulurent bien l'accompagner, & par-
tit malgré ses amis & ses Devins, qui luy annonçoient un mauvais succés.
VII. Arrivé à Pharsale, il marcha avec sa petite troupe contre le Tyran , qui
VÍétoire de
Pelopidas étoit beaucoup plus fort. " Quelqu'un
des fiens luy ayant dit ; Les ennemis
contre les sont en beaucoup plus grand nombre que nous ; tant mieux , luy répondit-
Tyran Ale- il, plus ils seront, plus nous en battrons. Il avoit outre cette petite troupe
xandre. de Cavalerie , quelqu'infanterie du pays, qui s'étoit jointe à luy. Il luy
Sa mort. ordonna
ordonna de gagner quelques hauteurs, qui s'élevoient dans la plaine ; Mais
Alexandre les prévint, & s'y posta avec son Infanterie. Pelopidas attaqua
la Cavalerie d'Alexandre & l'enfonça, mais son Infanterievoulant forcer celle
du Tyran qui occupoit les éminences, souffroit beaucoup ; Il ordonna à sa
Cavalerie d'avancer de ce côté-là luy-même se couvrant de son bouclier,
,
courut aux liens, qui combattoient encore sur les éminences , & s'étant fait
jour au travers des siens, il se trouva et! un moment de la queuë à la tête, &
ranimant ses Soldats par sa présence, il fit croire aux ennemis .que c'étoient
de nouvelles taupes qui étoient venuës à son secours. En même tems ils
apperçurent sa Cavalerie qui montoit pour soûtenir son Infanterie , alors ils
commencèrent à plier.
Pelopidas s'en étant apperçu, songea à se venger d'Alexandre à qui il
,
eti vouloit personnellement, tant à cause de sa cruauté, qu'à cause de la per-
fidie & de l'inhumanité qu'il avoit exercée envers luy, en l'arrêtant le pre-
,
nant prisonnier, & le traittant indignement durant sa prison ; Il le remarqua
qui rallioit ses troupes à son aile droitte,& courant à luy de toute sa force, il
l'appella & le défia au combat. Alexandre ne luy répondit point, mais s'en-
fonça dans le Bataillon de ses gardes. Pelopidas comme un lion se jette sur
ces gardes, en tuë un grand nombre, écarte les autres, &nul n'osant com-
battre de prés contre luy il l'attaquent de loin à coups de Javelots & de
,
dards, & enfin percent sa cuirasse & l'abbattent. Les Thébaïns & les Thessà-
liens voyant le danger où il étoit, accoururent pour le secourir, mais ils arri-
vérent trop tard. 11 etoit déja expire.
Ils retournérent aux ennemis qui se défendoient encore les mirent en VIII.
,
deroute & leur tuèrent plus de trois mille hommes. Cette vidoire leur pa- Honneurs
rendus à
rut une vraye perte par la mort de Pelopidas. On raconte que les Thessaliens Pelopidas,
ayant apris sa mort, ne quittérent point leur casques, ne débridèrent point
leurs chevaux, ne bandèrent point leurs playes, & ne prir-ent point de repos,
qu'ils ne l'eussent veu, & ne luy eussent rendu l'honneur qu'ils luy devoient;
& comme s'il eut été encore en vie. Ils amassérent au tour un tas des plus
riches depouïlles. Plusieurs couppérent le crin à leurs chevaux
& se couppérent les cheveux à eux-mêmes en signe de deuïl. Ar-,
,
rivez dans leurs tentes il y en eut grand nombre qui ne voulurent
,
ny allumer du feu, ni prendre de la nourriture, mais démeurant assis dans un
morne silence,ils pleuroient la perte de ce grand homme, comme si avec luy
ils avoient tout perdu ; Le gain de la bataille ne leur paroissant pas un avan-
tage, après lachute d'un si grand Capitaine. Il fut universellement regretté
& des Thébains & des Theïraliens; son mérite, sa valeur, son integrité son
désintéressement, sa sagesse luy attirèrent les éloges de tout le monde. , Ce
fut à qui luy rendroitplus d'honneur aprés sa mort, les Theflhliens deman-.
L
dérent en grâce qu'on ieur permit de faire seuls & à leur dépens les obsé-
ques de ce grand homme. Toutes les villes où l'on passa avec son Cercueïl
au retour de cette expédition, lui témoignèrent leur estime & leurs respeds,
a en allant au devant de luy , vieillards & jeunes gens, Magistrats & Prêtres,
| portant des couronnes, des trophées, des armes d'or. Thébes le pleura
i avec
i
avec des larmes d'une douleur trés smcére , & luy fit des obséques magni-
fiques.
Elle longea aprés cela à venger sa mort. On envoya contre Alexandre
une armée de sept mille hommes de pied, & de sept cent chevaux. Le Tyran
encore tout affoibli de sa défaite, n'ola leur résister. Il rendit aux Thessaliens
ies villes qu'il leur avoit prises, remit en liberté les Phtiotes, les Magnesiens
& les Achéens, retira les garnisons qu'il avoit mises dans leur pays , & pro
mit avec serment de demeurer sournis aux Thébaïns , & deles aider dans»
toutes les guerres par tout ou il en 1eroit requis. ^
lx.. Alexandre méritoit une punition plus proportionnéeà ses crimes. C'étoit
Conspira- une bête farouche, qui n'écoutoit ni la raison ni la justice, qui ne suivoit que
' tion contre les mouvemens de sa brutalité. C'étoit un jeu pour luy de faire enterrer des
le Tyran hommes tout vivans d'en faire couvrir d'autres de peaux de langliers &
Alexandre. ,
Plutarch. d'ours, & de les faire déchirer parlés chiens, ou de les tuër comme desbétes
inPelopida, sauvages à coups de fléches. Un jour étant au Théatre où l'on representoit
les Troadës d'Euripides , il fut ému par les paroles du Poëte & par FacHon
de l'A&eur, & craignant qu'on ne luy vît couler des larmes, il sortit , & Cii-
voya dire à cet aél:eur, que s'il lbrtoit, ce n'étoit pas qu'il fut mécontent de
luy m 'lis qu'il avoit honte que les citoïens le vissent pleurer les disgrâces
,
d'Hecube & d'Andromaque , luy qui n'avoit jamais eu pitié de tant de per-
sonnes, qu'il avoit fait mourir. Tel étoit le caradére d'Alexandre , que la
providence destinoit à périr malheureusement comme nous l'allons voir.
Il étoit souverainement haï & détesté de tout le monde. Sa femme
Thébée craignant de devenir à son tour la vidime de sa cruauté , & animée
parles discours que Pelopidas luy avoit tenus dans 1a priibn, résolut de s'en
défaire. Elle fit entrer ses trois freres dans Ion dessein; Alexandre ne se fioit
à personne, pas même à sa femme. Il n'entroit jamais chez elle, qu'après
avoir fait fouïller par tout si l'on n'y trouveroit pas quelques armes cachées.
Il sefaisoit précéder par un esclave tenant en main une epée nuë. Il couchoit
dans une chambre haute, où l'on ne montoit que par une échelle. Prés de
cette chambre étoit posté un gros dogue enchaine, qui ne connoissoit que le
Roy, la Reine & l'esclave qui luy donnoit à manger. Le palais étoit rempli
de gardes bien armez , qui veilloient toute la nuit. Tant de précautions ne
suffisoient pas pour tranquiliser le Tyran.
X. La Reine Thébée ayant ménagé le tems qui luy parut propre à exécuter
Mort du son dessein, fit entrer secrétement pendant le jour ses trois freres bien armez
Tyran Ale- dans Celuy-.cv après avoir bien
xandre. une chambre voisine de celle du Tyran.
soupé,va dans son apartement avec la Reine , & s'endort d'un profond som-
meil. Thébée sort un moment aprés, & ordonne à l'esclave d'emmener le
chien, parceque le Roy vouloit dormir en repos. Elle couvre de laine les
eçhellons de l'echelle par où il salloit monter; & ayant tout doucement fait
monter ses freres, elle les veut introduire dans la chambre-du Tyran. Ces
jeunes hommes saisis de fraïeur n'osent entrer. Thebée les raMure & les me-
nace d'eveiller sur le champ Alexandre ; Ils entrent & la Reine tenant la
laiiipe, elle les méne prés du lit. Ils frapent le Tyran à grands coups de
poignard
poignard & le tuent. Aussitôt la nouvelle s'en répand dans la ville, son corps
est exposé aux insultes de la populace , & livré aux chiens & aux oiseaux ;
digne recompense de sa cruauté & de ses crimes.
Nous avons veu cy-devant que Philippe fils d'Amyntas Roy de Macé- XI..
doine, avoit été envoyé en otage -dans la ville deThébes, par Pelopidas.Phi- Philippe
lippe fut confié à Epaminondas, qui l'eleva comme son enfant. £paminon- devient
das avoit alors auprès de lui un Philosophe Pythagoricien qui servit beau- Roy de
,
coup à former les mœurs de l'un & de l'autre. Perdiccas ayant mis à mort Macé-
son frere Ptolemée, monta sur le Trône de Macédoine, & s'y maintint pen- doine. An du M.
dant cinq ans, au bout desquels il fut tué dans un grand combat contre les 3644.
Illyriens, où il perdit plus de quatre mille hommes de ses troupes. avant J. <3.
Jamais la Macédoine n'avoit eu plus de besoin d'un Prince vaillant & ? /
Diodor.
expérimenté. La perte qu'elle venoit de faire, l'avoit si fort epuisée, qu'elle Sicul. l.
ne se trouvoit plus en état de poursuivre ni de soutenir la guerre contre les
l'
Illyriens. Dans le même tems les Péoniens voisins de la Macédoine., mé-
prisans la foiblesse de ce Royaume, s'étoient jettez sur ses terres & les déso-
loient. Pour comble de malheur, les Illyriens levoient de nouvelles trou-
pes pour venir fondre sur la Macédoine , & deux prétendans se présentoient
pour avoir la couronne & menaçoient le Roïaume d'une guerre civile ; Le
premier étoit Pausanias né de la race Roïale qui étoit soûtenu par le Roy
,
des Thraces : Le second étoit Argée appuyé par les Athéniens qui avaient
déja envoïé des troupes & une armée navale, pour le placer sur, le Trône.
Ce fut dans de si facheuses circonstances, que Philippe frere du Roy
Perdiccas s'échappa de Thébes, & vint se présenter aux Macédoniens. La
veuë de tant de dangers ne luy abbattitpas le courage. Comme il étoitfort
éloquent, il ne cessoit de haranguer ses peuples pour les encourager & les
retenir dans son obéïssance. Aprés quoi il se , mit à dresser ses Soldats par
l'exercice continuel des armes, & à les aguerrir par des combats feints. Il
inventa même une nouvelle façon de ranger ses troupes imitant la ma-
niére dont les Héros du siége deTroyes combattoient serrez les uns contre
,
les autres & tout couverts de leurs boucliers ; On luy attribue l'inventifen
-de la Phalange Macédonienne qui devint si célébre dans les guerres
d'Alexandre le Grand. ,
En même tems il gagna le Roy des Thraces, qui avoit entrepris d'éta-
blir Pausanias sur le Trône de Macédoine, & sachant que les Athéniens vou-
loient réduire à leur obéïssance A111,P,hipo]is, ibus prétexte de ramener Argâp
en Macédoine, il rendit la liberté à cette ville , & luy permit de se gouver-
ner sélon ses propres loys. Argée s'étant présenté devant la ville d'Eges,
esperant qu'on l'y recevroit, Philippe luy livra bataille, le battit & prit plu-
sieurs prisonniers, qu'il renvoya sou6 certaines conditions, aprés qu'on luy
eut remis les transfuges de Macédoine. Ces premiers avantages luy gagne-
rent la confiance des troupes, & les attachèrent fortement a son service.
Il envoïa ensuite à Athénes pour faire alliance avec cette Republique, XII.
& il n'eut pas de peine à y réiiiïir, les Athéniens n'aïant plus rien à prétendre Philippe-
sur Amphipolis, enfin le Roy des Péoniens 'étant venu à mourir sait alliaa
vers ce même ce avec
les'Athé- tems, il en prit occasion de s'emparer de son païs. Il y entra avec une ar-
niens & mée, défit les Péoniens & les obligea de se soûmettre aux Macédoniens. Il
subjugue
les Péo- ne lui restoit plus d'ennemis sur les bras , que les Illyriens, qui étoient les
niens. plus puissans & les plus rédoutables. Il marcha contre eux à la téte d'une
An du M. armée de dix mille hommes de pied, & de six cens chevaux. Bardylis Roy
364;. d'illyrie lui envoïa des Ambassadeurs pour lui offrir la paix, s'il vouloit con-
avant J. G. sentir que chacun demeurât maître des villes, dont il se trouvoit enpoûfeflion.
? 1.
J)iod Sicul.
Philippe répondit aux Ambassadeurs, qu'il ne pouvoit entendre aucune pro-
/. S.
position,à moins qu'on ne lui rendît toutes les villes qui étoient duRoïaume.
01.YMP. 105 de Macédoine.
XI 11. Ces demandes ne furent point écoutées, & les deux armees en vinrent
Philippe bientôt aux mains. Bardylis avoit dix mille hommes de pied, & cinq mille
défait les chevaux d'excellentes troupes. Il forma son armée comme un gros batail-
Illyriens. lon quarré ; Philippe avec ses meilleurs Soldats se mit à la tête de l'aile
droite de son armée, & donna ordre à là Cavalerie de prendre les ennemis,
Il y eut bien du monde tué de
en flanc. Le combat fut rude & opiniâtre.
part & d'autre; La vidoire fut longtems balancée. A la fin la Cavalerie
Macédonienne poussant l'ennemi & par derriére & par les cotez, les Illyriens.
lâchèrent le pied, & furent poursuivis longtems par les Macédoniens , qui
leur tuèrent plus de sept mille hommes. Alors le Roy d'Illyrie demanda,
la paix & l'obtint, en rendant toutes les villes de Macédoine,dont il s'étoit
emparé.
XIV. La ville d'Amphipolis étoit pour Philippe un sujet continuel de guerre
Amphipo. & de disputes; Il résolut de Tassujettir. Il en fit le siége, abbattit une partie-
lîs est prise de ses murailles à coups de béliers, entra dans la place par la brèche, bannit
par Phi-
lippe.
les plus opposez à ses intérêts, traitta le relie du peuple avec beaucoup d'hu-
An du M. manité, & se servit de cette ville pour porter plus avant ses conquêtes; Car
3d46. il le rendit presqu'en même tems maître de Pydna, & peu après de Potidée,.
avant J. C. où les Athéniens avoient une garnison; Il renvoïa la garnison à Athènes, &
H4. donna la ville de Potidée à ceux d'Olinthe , dont il avoit besoin pour les
Diodor. de Cune , &
J.16.P, 5 14. autres entreprises Il envoïa ensuite une colonie dans la ville de
Olympiad. la nomma de son nom Philippe; il fit si bien valoir les mines ce païs-là,
qu'il en tiroit par an mille talons ; Ce qui lui donna occasion de srapper de'
104 .an.3.
la monnoïe d'or, qui fut aussi nommée Philippe..
On a veu ci.devant qu'Alexandre Tyran de Phéres avoit été, tue, par les\r
trois Beau-Freres aïdez de sa femme Thébée. Ces trois Seigneurs aprés avoir
été quelque tems fort bien venus parmi les Thessaliens , qu'ils avoient af-
franchis de la Tyrannie d'Alexandre, se conduisirent ensuite avec si peu de'
modération, qu'ils obligèrent les Thessaliens de recourir à Philippe pour les
délivrer. Ce Prince en usa envers les Thessaliens d'une manière si pleine
en
de bonté, que dans toute la suite ils lui demeurèrent trés-dévouez, & lui ren-
dirent de très-grands services dans les guerres que lui &son fils Alexandre
eurent à soûtenir. ^
La prospérité de Philippe luy suscita des ennemis. Il se vit tout à la fois XV.
attaqué par les Roys de Thrace, de Péonie & d'Illyrie , qui se liguérent dans Viftoiredc
l'esperance de l'opprimer réunis, n'ayant pu separément soutenir ses efforts. Philippeles
Philippe informé de leur dessein, ne leur donna pas le loisir de réunir leurs contre Roys de
forces, les attaqua les uns aprés les autres, les vainquit & les assuiettit à sa Thrace, de
domination. La même année Alexandre le grand, fils de Philippe & de la Péonie &
Reine Olympias, naquit. On assure que le Roy de Macédoine reçut en un d'Illyrie.
jour trois nouvelles trés-agréables ; La premiere, que Parmenion, un de ses Vaillanced'Alexan-
Généraux, avoit remporté une victoire signalée sur les Illyriens; La seconde dre le
que les chariots qu'il avoit envoyez aux jeux Olympiques , y avoient rem- grand.
porté le prix de la course, & la troisiéme qu'il luy étoit né un fils. An du M.
On dit aussi que la même nuit qu'Olympias mit au monde Alexandre, g648. J. G.
le Temple de Diane d'Ephése fut brûlé ; & que celuy qui y avoit mis le feu, avant gjz.
étant sur le chevalet, déclara qu'il ne s'étoit porté à cette action, que dans le Diod.jz'cul.
dessein d'eterniser sa memoire, par la destrudion d'un ouvrage si célébre & si 1.16.p. 1 22.
magnifique ; Ce qui fut cause que les Chefs du Conseil de l'Asie firent un Plutarch.
decret, qui défendoit de prononcer jamais l'on nom ; Ce qui n'a pasempêché in Alex.
vide Utfer.
qu'il ne fut venu jusqu'à nous. Strabon l'apelle Heratostrate & Hesychius ad bunc
,
Lygdamis. On ajoûte que les Prétres deDiane d'Ephése, voyant cette incen- annula*
die, s'ecriérent qu'il étoit né ce jour-là un Prince, qui dévoie porter le flam-
beau fatal de la guerre-dans l'Asie; En disant cela, ils se frappoient la tête &
couroient ça & là comme des furieux. Ce fut à cette occasion que Timée
selon les uns, ou Hegesias de Magnesie, sélon d'autres crut avoir bien ren-
contré, en disant, que Diane occupée aux couches de la ,Reine Olyrnpias,avoit
laissé brûler son Temple sans y aporter du secours.
Les Athéniens ayant envoïé quelques colonies dans la Cheronéfe de
Thrace, Philippe en prit ombrage & assiégea LVlethone, qui étôit comme leur XVI
place d'armes. Il la prit aprés quelque résistance de la part de la Garnison. Guerre de
Ce fut dans ce siége qu'il perdit un oeil d'un coup de trait qu'il y reçut. Il Philippe
marcha ensuite contre Lycophron Tyran de Phéres en Thessalie ; Il le battit en Thrace
& en Thef-
& chafra de Thessalie le secours que le Roy des Phocéens luy avoit envoïé salie.
mais Onomarque Roy des Phocéens, qui s'étoit mis en tête de s'emparer de• An du M.
tout ce paye, étant luy-méme accouru au secours de Lycophron Philippe ;6î 1.
,
perdit contre luy deux batailles, & fut obligé de sè retirer en Macédoine. avant J. C.
Onomarque continuant ses exploits, passa en Béotie, battit les Thébaïns & Diodor. ;49.
leur prit la ville de Coronée. jicul. I. 16.
Dans l'intervalle Philippe rentra en Thessalie, & y fit la guerre à Lyco-
phron. Celui-ci eut de nouveau recours à Onomarque Roy des Phocéens-,
qui vint à son secours avec une armée de vingt mille hommes de pied & de
cinq cens chevaux. Philippe ayant ramassé une armée de plus de vingt
mille hommes de pied & de trois mille chevaux tant de ses propres
,
troupes, que de celles des Thessaliens, lui livra bataille, & le mit en fuite avec
perte de plus de six mille hommes, sans compter les prisonniers, qui furent
au nombre de trois mille. Philippe fit pendre Onomarque, & précipita dans
la mer les autres prisonniers.
XVII. Continuant ses conquétes vers ]'Hellespont, il prit sans combat les villes
Philippe se de Mieyberne & de Torone ; puis il attaqua celle d'Olynthe, qui étoit trés-
rend maÎ- considérable. Les Olynthiens lui livrérent deux combats qu'ils perdirent, &
tre d'Olyn- s'étant renfermez dans leur ville, Philippe en fit le liège. Il y perdit bien du
the &c.
An du M. monde; A la fin il s'en rendit maître par la trahison de deux des principaux
36S6. bourgeois qu'il corrompit par argent. La ville fut pillée, & les bourgeois
avant J. C. vendus à l'encan, avec le rette des dépouïlles. Philippe en fit de grosses,
?44
OlympAoS.
sointneç, qui luy servirent à continuer la guerre, à recompenser ses nleillcurs-
an. 1.
Officiers, & a gagner les Gouverneurs des villes; Ce qui lui rairoit dire, qu'il
Iïiod.Jtcul. n'y avoit point de ville imprenable , pourvu qu'on y pût faire monter un
Z.I6. p. 138. âne chargé d'or.
De Ti grands progrés allarmérent les Athéniens. Ils mirent tout en
oeuvre pour empêcher que Philippe ne continuât à s'aggrandir , envoïant
fous main du secours à ceux, auxquels il saisoit la guerre, intimidant les uns,
exhortant les autres à conserver leur liberté; à la fin ils se déclarèrent ouver-
tement contre lui. Dccnotthéne, qui étoit alors le plus éloquent Orateur
de la Gréce, les y animoit fortement ; Mais rien/ne résistoit à l'argent de
Philippe. Il faisoit par ses largesses plus de conquêtes, que par la-force de
ses armes. On s'emprefsoit à lui livrer les villes à l'envi, pour profiter de
ses libéralitez. L'avarice & l'intérét étoit alors la maladie de la Grèce.
XVI11. C'est par une suite de' cette funeste maladie, que les Phocéens pillèrent
Commen- le Temple de Delphe. On sait qu'il étoit rempli de'richesses, que les Roys,
cement de les Princes, les Republiques y avoient envoïées. Delphe étoit une ancienne
la guerre ville de la Phocide Achaïe. Elle étoit bâtie sur la pente & vers le milieu.
sacrée. en
An du M. de la montagne du
Parnasse. Le terre-plein où elle étoit située étoit en-
,
g611. vironné de précipices qui la fortifioient sans le secours de Part. Diodore
avant J. C. de Sicile raconte que l'Oracle de Delphes, le plus célébre de toute la Grèce,
349- fut trouvé par*hazard. Il y avoit sur le mont Parnasse une caverne d'où sor-
Diod. Rcul.
effets étoient tout extraordinaires. Les chévre3
I16 p. 12.3. tit une exhalaison, dont les
2.4." qui paissoient sur cette montagne, lorsqu'elles s'aprochoient de cette ouver-
ture, étoient comme ennivrées de cette vapeur, & couroient ça & là criant
d'une façon qui étonnoit les Bergers. Ceux-ci voulurent aussi approcher de
la caverne & ressentirent sur eux-mêmes des effets surnaturels de cette va-
peur > ils se trouvèrent comme transportez d'une fureur divine & commen-
cèrent à prédire l'avenir. • *
XIX. Cette découverte attira grand nombre de personnes en ce lieu , & plu-
Découver- sieurs firent l'épreuve de la vapeur qui les transportoit & leur inspiroitl'eÍprit
te de l'an- de prophétie. Quelqu'uns mêmes s'étant trop aprochez furent engloutis
tre d'où dans l'ouverture de la terre & ne parurent plus. Pour prévenir de pareils
Portent les
exhalai- dangers , on choisit une femme, qui se chargeroit de repondre à ceux qui
fons qui viendroient en cet endroit, & on lui fit une chatte à trois pieds, ouverte pur
produifi- le milieu sur laquelle elle s'asseïoit sans danger sur l'entrée de l'ouverture &
rent l'O- recevoit les vapeurs qui en exhalaient. Dans les commencemens on, y
racle de dans la suite on jugea plus à propos d'y mettre une
Delphes. emploïa une jeune.fille;
femme àgée au moins de cinquante ans , qu'on ornait néanmoins comme
DUe:
une fille vierge, en memoire de ce qui s'étoit pratique dans les COmUleRCe..
mens. On bâtit insensiblement une ville autour de cette ouverture , & on
y érigea un Temple, qui devint un des plus beaux & des plus riches de la
Grèce.
D'abord il n'y eut qu'une seule Pythie, ou Prophétesse Mais l'Oracle
étant devenu plus fameux, une seule ne suffit plus ; On en élut une fécondé
pour monter sur le trépied à l'alternative avec la premiere, & une troisiéme
pour les remplacer en cas d'absence, ou de maladie. La vapeur ne se faisoitr
par toujours sentir. Au commencement ce n'étoit qu'une fo-is l'année , om
dans une seule saison de l'année , ensuite on consultois l'Oracle une fois le'
nlois. La Prétresse ne montait qu'avec une extréme répugnance sur le tré-
pied. Il falloit la forçer, elle s'y préparoit par des purifications, des fàcri- .
fiees, un jeûne de trois jours. Le Dieu que l'on croïoit présider à
ces Ora-
cles, annonçoit, dit oft sa venue en secoiiant avec violence un laurier qui
étoit devant le Temple;, & en ébranlant. le Temple même jusqu'aux fonde-
mens.
La Prétresse étant assise sur le trépied, paroissoit une autre personne, ses XX..
cheveux se drenbient sur sa tête, sa bouche écunloit, elle trembloit de tout Manière
le corps, ses yeux & son maintien étoient d'une personne agitée de fureur. dont sc
rendoient
Elle prononçoit comme du fond de son estomac ou de son ventre quelques les Oracles
paroles entre-couppées, que les Prétres qu'on nommoit Prophétes- , avoient au Temple
foin de recueillir & d'arranger. C'étoit les Oracles que l'on venoit recher- de Del"
cher de tous côtez. Quand la Pythie étoit sortie de dessus le trépied, on la phes,
conduisoit dans sa cellule, où elle demeuroit. Les Prétres où les Prophètes
donnoient ensuite à des Poëtes gagez pour cela, les paroles de la Pythie,
pour les mettre en vers. Car, comme on l'a dit, là Pythie ne les proféroit
que par elans, sans suite, & sans liaison, C'étoit aux Prophètes à les recueil-
lir & a leur donner du sens & aux Poëtes à leu.r donner la mesure ; En,
,
quoi ils ne réiiflilsoient pas toujours; Les Païens mêmes en railloient,. disant
qu'il étoit étrange, qu'Apollon* le Dieu de la Poësie, rendit des Oracles en si
mauvais vers.
La réputation de cet Oracle étoit répandue par tout le monde ; On y
couroit de toutes parts , & nul ne s'y présentoit sans y faire quelques pre-
sens. Aussi les richesses du Temple étoient immenses & inesiinlables.Crœsus.
seul y avoit mis des statuës d'or & d'argent en grand nombre. Ainsi il n'est:
pas étrange que ces grands tresors aïent tenté l'avarice de plusieurs guerriers,
& aient exposé Delphes à plusieurs pillages. Xercés Roy de Perse essaya-
d'enlever l'or & l'argent du Temple de Delphes. Mais on dit que le Ciel
l'en empêcha. Les Gaulois le pillèrent dans la suite, & en furent bien pu-
nis. Les. Phocéens plus de cent ans après Xercés enlevèrent à plusieurs
reprises les richesses de ce fameux Temple, qui étoit dans ,
leur païs, & qui en-.
faisoit l'honneur, la force & l'ornement, ce qui occasionna la guerreque l'on
nomma sacrée;, dont voici l'occasion.
XXI. Apres la bataille de Leué1:res, où les Lacédémoniens furent battus par
Commen- les Thebains, les Amphy&ions, qui étoient les souverains Juges de la Gréce,
cement de condamnèrent les mêmes Lacédémoniens à païerune grande somme d'argent,
la guerre
pour avoir pris la ville de Cadmée ; les Phocéens furent de même conda nez
sacrée par- grosse amande, avoir cultivé une assez grande étendue du terrain
mi les aune pour
Grecs. sacré, aux environs de la ville de Cirrhe"e ; Comme ils différoient de satisfai-
1 An du M. re à cette sentence, on les ménaçoit de consacrer à Apollon tout leur terri.
3 6 5 i .. toire & de les en priver. On faisoit des menaces à peu prés pareilles aux
avant J. C. Lacédémoniens, qui ne se trouvoient pas en disposition de payer la somme
e
349. Philoméle homme hardi & entreprenant
DiodlJr. Si- à laquelle ils étoient condamnez.
CM/: Lié. parmi les Phocéens, aprés avoir beaucoup déclamé contre le jugement des
Amphyftions, qu'ilsoûtenoit étre injuRe , s'offrit, si on vouloit lui confier
-
p. çaa.
la conduite de cette affaire, & l'établir Chef de la nation, de la tirer de cet
embarras. On le crée donc Didateur ou Chef des Phocéens, & aussi,tôt il
se transporte à Sparte, & propose à ¡\rchidame Roy de cette
Republique, s'il
vouloit entrer en alliance avec lui & joindre ses forces aux tiennes, d'annul-
ler ce décrétdes Amphydions. Archidame qui n'avoit pas moins d'interet d'abord
à cette affaire, que les Phocéens , promet de lui donner du secours
secret, & ensuite de se déclarer quand les circonstances le demande-
en il lui ,
quinze talens pour lui aider à com-
roient. En même tems compte
mencer l'entreprile. » & les joint avec mille hommes
XXII. Philoméle leve des troupes étrangères ,
,
Philoméle des Phocéens qu'on lui donna; Il en compose une assez bonne armée, avec
s'empare laquelle il s'empare du temple de Delphes. Les Locriens accourus au fe-
de la ville
cours, font battus & mis en fuite. Après cette vidoire Philoméle arrache
& du Tem-
du Temple de Delphes les tables d'erain , sur lesquelles etoient gravées les
ple de Del- détruit les décrets portez contre les condamnez.
phes. sentences des Amphyétions, &
Cependant il publie par tout qu'il n'en veut ni au Temple, ni a ses nehefles,
sa nation, & renverser les mjuftes
niais qu'il veut soutenir les prérogatives de apris quelesBéotiens venoient
En même aïant
décrets
avec une
forte de cinq
des Amphyâions.
armée au
mille
secours

hommes, avec
tems

lesquels
,
du Temple, il s'y fortifia, l'enferma d'une bonne
muraille, augmenta le nombre de ses troupes & se trouva avecdeune
il ferma les avenues
armée
Delphes.
de grands ravages;
Il se jette ensuite dans le pays des Locriens &lesy fàit Locriens lui refuserent
perdu dans une rencontre vingt de ses gens,
aïant sépulture , disant que c'eÍtune loy géné-
de les rendre, pour leur donner lasépulture sacri eges. Philoméle outre
rale parmi les Grécs, de refuser la aux
les Locriens, leur tué^ quelque monde
de ce reproche, attaque de nouveau afin de leur rendre les devoirs de la fépul-
& les force à lui remettre les siens,
De.à à Delphes & veut consulter l'oracle sur le succés l'a.
ture. il retourne
de ses entreprises. Comme la Prétresse refusoit de monter sur le trépied,
tur montoit pas qu'on ne l'y contraignit , Philomele 1 'y
en disant qu'elle n'y
obligea à force de menaces; alors elle repondit : rota êtes le maître riefiÍre ce
plait; Il n'en demanda pas davantage, & sans attendre qu e pro-
el
oblicyeavo:us

nonçât de dessus le trépied, il fit écrire ces mots, & publia devant tout
e
monde, qu'Apollon lui permettoit de faire tout ce qu'il voudroit. En même
tems un Aigle qui voloit par dessus le Temple , se jetta sur des Colombes
qu'on y nourrissoit & en prit quelques unes jusques sur l'Autel. Ce que-
Philoméle & les Phocéens interprétérent en leur faveur, comme si les DieuX"
leur promettoient de les rendre maîtres de Delphes , ou du moins de les y
maintenir.
Alors Philoméle envoya des Ambassadeurs à Athènes , à Lacédémone,
à Thébes & aux principales villes de la Grèce pour leur faire entendre
,
maître Delphesn'est,
que son dessein en se rendant de pas de s'emparer dee
richesses qui y sont, mais de conserver à lès Compatriotes le droit de pro-
tedion de ce St. Lieu , & qu'il est tout prêt de donner un etat de tous les.
présens & des richesses qui y sont, avec leur poid, leur nombre & leur qua-
lité. Que si quelqu'un vouloit attaquer les Phocéens il prie ces villes de
,
prendre leur defense , ou du moins de garder la neutralité. Les Athéniens
& les Lacédémoniens & quelqu'autres. s'engagérent de les soûtenir & firent
alliance avec Philoméle. Mais les Béotiens avec les Locriens lui déclaré-
rent la guerre.
Philoméle se prépara à la soûtenir & fit de grands préparatifs, leva beau- XXIII.
coup de troupes, fit prendre les armes aux Phocéens qu'il jugea propres à Les Athé-
la guerre, & pour les soudoyer, il obligea les plus riches de Delphes, de lui niens & les
Lacédémo-
fournir de l'argent, n'en voulant point tirer du Temple, de peur de se rendre niens
pren-
odieux. Les Locriens s'étant approchez, il leur livra la bataille, leur tailla nent le
en piéces plusieurs soldats , & fit plusieurs prisonniers , & en contraignit parti de
quelques uns de se précipiter du rocher auprés du quel la bataille s'étoit Philornéle.
donnée. An du M.
Les Locriens eurent recours aux Béotiens & ceux-ci qui avoient in- avant 3652.
, J. G.
térêt à ce qu'on ne donnât point d'atteinte aux décrets des Amphydions, se 348. -

donnèrent de grands mouvemens pour obliger ces Juges à faire une ordon- Diodor.
nance, de faire la guerre aux Phocéens. La chose ne fut pas plutôst déclarée, p.cul.12î. 1. 16.

que toute la Gréce prit parti les uns pour les Phocéens, les autres contre. Ol:JmpiatL.
Les Béotiens, les Locriens les Théssaliens les Parrhebiens, les Doriens, 10 6+an.î*.
, ,
les Dolopes les Athamanes, les Achéens les Phtiotes & quelques autres
, ,
résolurent de prendre la défense du Dieu adoré à Delphes,& de saire la guerre
aux Phocéens ; Les Athéniens au contraire & les Lacédémoniens soûtenoient
ces derniers ; On a déja veu que les Lacédémoniens avoient intérét à faire-
tomber le decret des AmphyéHons, qui les avoit condamnez à une amende
de cinq cent talens & ensuite à une somme de mille talens, pour avoir
,
négligé de payer la premiére amende.
Philoméle se voïant tant d'ennemis sur les bras & n'aïant pas de quoy XXIV:.
,
payer les troupes qu'il avoit à son service, se vit obligé de toucher aux trésors Philoméle:
du Temple de Delphes ; Et comme les sommes qu'il en tira étoient immen- grandes; tiîe de
ses, & qu'il ne craignoit pas d'en épuiser la source, il doubla la paye de ses richesses
Soldats & par ce moïen en amassa tant qu'il voulut; Il n'y eut pourtant aucun du Temple
homme de bien & d'honneur qui s'enrôlât dans son armée, par respeélpour de Del-
Apollon. Mais des gens sans honneur sana religion sans piété, il en eut phes.
, > Diod. 1. x&.
bientôt!: jMA**
bientost assemblé une armée de dix mille hommes , avec laquelle il marclia
dans le païs des Locriens & y firent de grands dégâts. Les Locriensvoulu-
rent s'y opposer , livrèrent le combat, & le perdirent. Quelque tems aprés
les Thessaliens avec leurs alliez voulurent aussi combattre les Phocéens,
mais ils eurent du deubus.
Les Béotiens vinrent au secours des Locriens avec une armée de treize
mille hommes; & les Achéens du Peloponese aménérerit quinze cens hom-
mes aux Phocéens. Les deux ai mées se campèrent vis vis l'une de l'autre.
à
Pendant qu'on éto-it ainti dans l'attente d'une bataille , les Béotiens prirent
quelques Fourageurs du parti des Phocéens & firent publier à la tête du
camp, que les Amphyttions ordonnoient que quiconque auroit prété secours
aux sacriléges, seroit mis à mort. En même tems on perça de coups tous
Les Soldats étrangers qui servoient
ces fourageurs à la veuë de deux armées.
dans l'armée de Philoméle lui demandèrent qu'ils puiïent uler de représailles,
contre tous ceux qu'ils prendroient du côté des Béotiens ; En effet ils en
orirent plu (leurs dans les champs , & les aménérent à leur Général, qui or-
.donna qu'on les perçât de traits.
Peu de jours aprés les deuxarmées décampèrent, & s'étant inopinément
rencontrées dans des brosailles, on en vint d'abord à des escarmouches & enfin
à une action générale , dans la quelle les Béotiens comme plus forts en
nombre , eurent l'avantage contre les Phocéens & en tuérent plusieurs dans
ces lieux rabotteux & enlbaraisez.
Philonléle aprés avoir vaillamment com-
battu & reçu plusieurs blessures fut obligé pour éviter de tomber entre les
mains des ennemis, de se jetter à bas d'un rocher. Aprés sa mort Onomar-
que prit le commandement de
l'armée & en samassa les débris, qu'il condui-
sit dans la Phocide, & continua la guerre avec beaucoup de vigueur, craignant
les decréts des Amphydions, qu'il s'etoit déja attirez plus d une fois.
Dans le même tems Philippe Roy de Macédoine après avoir prisMethone,'
J
xxv.
Phayllus ainsi qu'on la dit plus haut, vint en Thessalie , contre Lycophron Tyran de
frete Phéres, qu'il chassa de ce pays , puis après quelques combats , il vainquit
d'Onomar- aussi O
prend no marque & le fit pendre ou crucifier ; Phayllus frere d'Onomarqûe
qne
le co man- prit le
commandement des troupes des Phocéens, & comme il avoit des
dement trésors inépuisables dans les richeises du Temple de Delphes , dont il étoit
des trou- maître, il eut bientost levé une armée nombreuse en prodiguant l'argent à
pes pho- ses Soldats & leur donnant une paye beaucoup plus forte , que ne faisoient
céennes. Il fit même frapper de la monnoïe à son coin. Les
Diod. 1.16. les autres Généraux.
page,29- Lacédémoniens , les Achéens, les Athéniens gagnez par ses riches présens,
An du M. entrérent dans son alliance & lui envoïérent des troupes. Lycophron &
;,6 sg. Pitholaiis Tyran de Phéres ne se trouvant plus en etat de se soutenir, livré-
ayant J. G. leurs villes au Roy Philippe & se retirérent avec deux mille Soldats au-
347. rent
prés de Phayllus. Philippe remit Pheres en liberté. Ensuite se disposoit à
marcher contre les Phocéens, mais les Athéniens lui aïant refusé le passage,
il se retira en son Royaume de Macédoine.
XXVI Phayllus s'étant jetté dans la Béotie y perdit beaucoup de son monde
Mort de dans différens combats, où il eut toujours du dessous. Il passa delà dans le
Phayllus pays
Epicnemides,& leur prit la ville d'-A-r'i-ce; Mais Chef des
pays des Locriens surnommez Phocéens.
il ne la put conserver. Les Béotiens étant venus au secours des Locriens, Diodor. Si-
lebattirent-, l'obligèrent de lever le siége d'Abes , & s'étant répandus dans cul. 1.16.
Ixi Phocide, y tirent de-grands ravages,&
emportèrent de riches dépouilles. ^.530.
}>hayllus cependant s'étoit attaché au siége d'Arice, & les Béotiens étant ve-
la secourir ; Phayllus les dissipa prit la ville & Pabbandonna au
nus pour , maladie lente,-qui le consuma
pillage. Il mourut quelque tems aprés cf une
à peu, ce que l'on prit pour punition des Dieux dont il avoit profané
peu ,
le Temple. Il eut pour succeflfeur dans le gouvernement des Phocéens Pha-
becus fils d'.QnDmarque).àqui il donna à cause de son bas âge, pour Gouver-
neur Mnaseas, qui fut plus d'une fois battu par les Béotiens.
Ces petites batailles ne servoient Wilà epuiser les uns & les autr-es 4 sur ::YXVII.
tout les Béotiens, qui n'aïant pas la resïburce du Temple de Delphes, pour Roy Artaxercés
de
en tirer de l'argent, comme faisoient les Phocéens, surent obligez de re-
Perse don-
courir au Roy de Perse Artaxercés, qui leur fit délivrer trois cent talens pour ne de l'ar-
continuer la guerre; Mais il ne se passa entr'eux aucune adion mémorable, gent aux
jusqu'à la bataille de Coronée, que les Béotiens perdirent. Peu de tems aprés Béotiens
Phalsecus aïant été recherché , pour les trésors qui avoient été enlevez du pour pour»
Delphes fut .deposé & mit place trois Gouverneurs, suivre la
Temple de
, , on en sa
guerre
qui n'aïant pû rendre compte des sommes qui avoient été prises dans le même contre les
Temple, périrent pardifférens supplices.; On obligea ceux qui avoient encore Phocéens.
quelque chose de .ref1:e, de le rendre, mais ils n-evitéreiu pas le supplice que Diod. L16.
méritoit leur sacriléger Diodore de Sicile remarque,que le Tyran Philoméle pag. ;'3l.
An du M.
s'étoit abûenu de toucher au trésor du Temple; ; qu'Qnomarque, son succes- 3653.
feur en enleva de grandes richesses pour les frais de la guerre ; Que Phaylle
son frere en ôta encore beaucoup poursoudoyer ses troupes; Car il prit six XX VI IL
vingt lames d'or, consacrées autrefois par le Roy Crœ(us, qui pesoient cha- Richesses
du Temple
cune deux talens. Il prit aussi 370. coupes d'or, du poid de deux mines cha- de Del-
cune, & quantité d'autres.préIens d'or & d'argent, qui montaient à la valeur pher.
de dix mille talents d'argent „ ce qui fait de nôtre monnoye , à prendre le
1
talent sur le pied de 3313.Li'Vr. i.sla somme de trente trois millions dix huit

mille cinq cens livres. Il ajoute que Phalaecus, aïant apris qu'il y avoit encore
de grands trésors cachez sous le pavé du Temple , avoit essayé avec les Of-
ficiers de son armée de le lever, mais qu'il en fut empêché par un tremble-
ment de terre qui les effraya. Ce qui surprend dans tout ce-cy, c'est que les
Athéniens & les Lacédémoniens se rendoient manifeslement complices des
iacriléges des Phocéens,en recevant leur argent & -en leurs vendant leur trou-
pes à un prix excessif.
Quelque tems après les Béotiens, qui presque seuls avoient jusqu'alors .xXIX.
soûtenu le poid & les frais de la guerre sacrée, qui duroit depuis 7. ans, dé- Philippe
putèrent vers Philippe Roy de Macédoine, pour. lui demander du secours Roy deMa-
cédoine
contre les Phocéens. Ce Prince qui étoit bien aise de voir les Béotiens hu. envoie dll
miliez, fie leur envoïa que peu de troupes, & seulement pour qu'il ne parût secours
pas négliger l'outrage fait au Temple d'Apollon. On remarqua dans le aux Béo-
même tenis une chose qui fut prise pour un effet de la vengeance de ceDieu. tiens.
An du M. Les Phocéens affiégeoient la ville d'Abes,prés laquelle etoit un Temple d'Apoï-
3^58. Ion. Les Béotiens les aïant attaquez à l'improviite, les d1spederent, & environ-
avant J. C. cinq cens se jettérent dans ce Temple. Il y avoit aux environs beaucoup de
342. sarmens & de branches séches; Le feu s'y prit par hazard & brûla le Temple
& tous ceux qui s'y étoient refugiez , comme si Apollon eût refusé la pro-
tection à des sacriléges, qui avoient pillé son Temple de Delphes.
XXX. La guerre sacrée fut enfin terminée cette huitième année. Les Phocéens
Fin de la & les Béotiens
en étoient également las & epuisez. Les premiers envoÏérent:
guerre sa- demander du secours aux Lacédémoniens, qui leur donnèrent mille hommes-
crée.
An du M. pesamment armez sous la conduite
du Roy Archidame. Les Béotiens en-
36çg. volèrent de même vers Philippe Roy de Macédoine , qui marcha en perfon-
avant J. G. ne' à latête d'une bonne armée con1pjsée de Macédoniens & de Thessaliens,,
341. & vint dans la Locride où Phalaecus, qui avoit de nouveau pris le comman-
Diod. I.16. ,
dement des Phocéens, étoit avec une armée ; Mais ne se tentant pas allez
i accommodement avec lui, & se re-
fto* 54^ fort- pour tenir contre Philippe, il fit ion
tira avec ses troupes dans le Péloponése , & les Phocéens destituez de toutr
secours, furent obligez de se soumettre à Philippe.
Ce Prince aïant ainsi contre son espérance , mis fin sans combat à une-
longue guerre , convint avec les Béotiens & les Thessaliens de remettre le
jugement de toute cette grande affaire au conseil des Amphyétions. Ces Ju-
sentence, que le Roy Philippe & ies
ges dans leur allembj^e portérent cettedans le Collége des Amphy éf'üils,
Successeurs aprés lui seroient admis
y jouïroient du double droit de suffrage, dont jouïssoient cy-devant les Pho...
céens qu'on démoliroit les murs de trois villes de ces peuples , lesquels.
,
n'auroient dans la suite aucune part, ny au Temple de Delphes, ny a lauem-
blée des Amphydions ; Qu'il ne leur seroit permis d avoir ny chevaux ny
l
les trésors enlevez de son emple
armes , qu'ils n'aient restitué à Apollon qui étoient complices de leur ia-;
Que les bannis des Phocéens & tous ceux
crileges, seroient regardez comme dévouez à l'anathéme , & qu'il Qu seroit
permis de les tirer de tous les lieux où ils pourroient s etre refugiez , oil:
détruirait toutes les villes de laPhocide, & qu'on en transfereroit les habitans
dans des villages, qui n'auroient pas plus de cinquante maisons, & ne ieroient
pas plus.prcz l'un de l'autre, que
d'un stade ou 22<j. pas ; Qu 'on leur laiHe.
roit leurs champs pour les cultiver, mais qu'ils payeroient a Apollon tous les
jusqu'à l'entier payement des lommes enlevées.
ans un Tribut de 60. talens,
de son Temple; Que le Roy Philippe avec les Béotiens & les Thessaliens au..
roit à l'avenir soin de faire représenter les jeuxPythiens; les Corinthiens étant
iustement privez. de cet honneur, pour avoir pris part au iacnlege des 1 ho-
céens; Qu'on brise contre la pierre les armes des Phocéens,&qu'on on en bride
les restes, & qu'on vende leurs chevaux au plus offrant. Tel fut le décretdes
Amrhyélions, qui fait voir quelle horreur on avoit parmi les Grécs de 1 action
des Phocéens. h se faire
XXXV. Le Roy de Macédoine, dont toutes les démarches tendoient
Philippe déclarer le contentement des peuples de la Gréce, Général de l'expédition:
par
entre dan' contre, les Perses, ii'oubiloit-rien pour se concilier la bienveillance des p^eu-
r.Iilyrie.&

\
cAes & pour former dans la Grèce une Monarchie, capable de soutenir le Thessàlic.
dans Ix
poid, d une telle entreprise. 11 conservoit toujours un vif ressentiment contre An du M.
les Illyriens & il leur en fit ressentir les effets, en faisant dans leur pays une ?66o.
irruption, dans laquelle il désola ltur campagne & prit plusieurs villes, où il avant J. 6.
fit un trés-grand butin; De retour en Macédoine, il entreprit de chasserles Diodor. 340.
fi-
petits Tyrans , qui avoient usurpé la souveraine autorité dans la Thessalie. cul.1. 1'.
Un service si important lui gagna les coeurs non seulement des Thessaliens, P' 147.
mais aussi des peuples voisins, qui firent alliance avec lui.
Quelques années après il assiégea Perinthe, ville de Thrace située sur une XXX IL
éminence dans une Peninsule sur la Propontide , parcequ'elle étoit trop at- Philippe
tachée aux Athéniens & toujours opposée à ses intéréts. Son armée étoit de assiége Pe-
machines, étoit rinthe.
trente mille hommes, & la multitude de ses propres à assiéger,
An du M.
innombrable, Ilavoit partagé ion armée de telle maniéré, qu'elle ne donnoit g66 4.
aucun relâche aux ennemis, mais les tenoit nuit & jour en haleine pour se avant. J. C.
dcfendre. Il fit élever une tour de bois, beaucoup plus haute que les murs Diodor. 336.
si-
de la ville, pour fàtiguer delà les assiégez pars le moien des traits qu'on leur cul. 1.:16.6.
lançoit. A grands coups de belier on avoit renversé un peu de muraille ; P-W-
Mais les Perinthiens en rebâtirent une autre par derriére avec une promtitu-
de incroïable. Malgré leur brave résistance & leur courage, ils auroient enfin
été contraints de se rendre, sile Roy de Perse , à qui la puissance de Philippe
commençoit à devenir suspecte , n'avoit envoyé or4re à ses Satrapes, qui
commandoient sur les côtes, de secourir les Perinthiens de toutes leurs forces.
Ils leur envoyèrent donc, & des hommes & de l'argent & des vivres, & des
armes pour se défendre. D'un autre côté les Bizantins firent paffer ,dansJ>e-
rinthe un de leurs Capitaines, avec l'élite de leurs Soldats.
Avec ces renforts les Perinthiens se défendirent avec un nouveau coura-
ge ; & comme la place est située sur une éminence, & que les maisons sont
bâties comme en Amphithéâtre, lorsqu'on avoit abbattu une partie du mur,
les assiégez en bâtissoient aussi-tôst un autre., en fermant l'entrée d'une de leurs
rues, & fortifiant les maisons qui faisoient face. Philippe voyant que malgré
ses efforts le siége n'avancoit point, fit un détachement de la moitié de son
armée, & alla assiéger Bizance, qu'il considéroit comme la principale cause
..de la résistance de Perinthe. Bizance se trouva assez embarassée, s'étant epui-
iée d'armes & de Soldats, pour soûtenir cette ville son alliée; Mais les Athé-
niens regardant cette entreprise comme une rupture de la part de Philippe'7
envoïérent auHi-tôt une armée navale au secours de Bizance. Ceux de Chios,
de Cos, de Rhodes & quelqu'autres Grées se joignirent à eux...& augnlenté-
rent leurs forces ; Ce qui fut cause que Philippe leva le siége de Perinthe &
de Bizance, & fit la paix avec Tes Grecs.
Mais il n'oublia point ce que lui avoient fait les Athéniens & les Perses. XXXIII.
Il déclare donc la guerre aux Athéniens , & s'empare d'abord d'Eleate & y Phi'ippe
assemble san armée ; La nouvelle en fut bientôt portée à Athénes, & y causa déclare la
une consternation universelle. Les Chefs de la République firent sonner l'al. guerre Athéniens,
aux
larme toute la nuit, & dez le matin le peuple se trouva au théâtre, avant qu'on Diod.L 16.
l'y convoquÚt à la manière accoutumée. La fraïeur jétoit si grande, que per- p.. H,..
Ee e 2 ' sonne
.Art du M. sonne n'osa se présenter pour haranguer le peuple, & pour donner consess
3 66 6. dans une circonstance si peu attendue. Les yeux de tout le monde étoient
avant J. G. arrêtez sur Demosthénes qui monta sur la Tribune, rassura le peuple &con-
334. ,
seilla d'envoyer en diligence à Thébes, pour implorer le secours des Béotiens
contre l'ennemi commun. Lui-même fut député, il partit sur le champ, &
s'acquitta si bien de sa commission, que les Béotiens donnèrent leurs troupes
aux Athéniens , qui par ce moyen se trouvèrent en etat de faire tête à Phi-
lippe.
L'armée combinée des Athéniens & des Béotiens se campa à Cheronée.
Philippe s'avança à la tête de ço» mille hommes de pied, & de deux mille
chevaux de très- bonnes troupes & bien aguerries. Les Athéniens étoient
commandez par Chares, & Lysicles, qui ne manquoient ni de courage,ni
de valeur, mais qui n'avoient pas autant d?expérience que Philippe & ses Gé-
néraux. Philippe avoit améné avec lui son fils Alexandre, qui avoit déja don-
né des preuves de son courage dans quelque rencontre. Il lui confia le com-
mandement d'une des aîles de son armée & lui. donna pour ajoints les plus
,
expérimentez de ses OfficiersGénéraux. Pour lui,il commandoit l'aile droite.
Les- alliez se rangérent aussi en bataille ; les Béotiens à une aile, & les Athé-
niens à l'autre.
:XXX1Tl. Aprés un combat long, sanglant & opiniâtre, Alexandre renversa Taile
Victoire de qui lui. étoit opposée, & bientost aprés Philippe Ion Pere mit aussi
Philippe en fuite
contre les
les ennemis, contre lesquels. il combattait. Il y eut environ mille Athéniens
Athéniens tuez sur la place, & deux mille faits prisonniers. Les Béotiens y perdi-
& les Béo- rent aussi beaucoup de monde. Philippe accorda aux ennemis la liberté
tieAs. d'enterrer leurs morts, & rendit graces aux Dieux par des sacrifices. On dit,
qu'après un grand repas que Philippe avoit donné aux principaux Officiers
de son armée, il voulut voir les prisonniers de guerre, & que portant encore
les marques de sa débauche & couronné de fleurs, il passoit au travers des
rangs de ces malheureux pour leur insulter, qu'alors un nommé Demade Ora-
teur célèbre , qui étoit du nombre des captifs, prit la liberté de lui dire :
Seigneur, puisque la-fortune vous a aujourd'huy égalé à Agamemnon,pour-
quoy faites-vous le personnage deThersite? Ces paroles touchèrent Philippe.
Il quitta ses couronnes & toutes les marques de l'on intempérance , il rendit
la liberté à Demade & le retint auprès de lui. Il renvoya de même tous les
Athéniens sans rançon, & renouvella l'ancienne alliance avec leur Républi-
que. Il mit garnison dans Thébes, mais il accorda la paix aux Béotiens.
XXXV. Aprés la vidoire remportée à Cheronée , Philippe crut qu'il étoit tems
Philippe de déclarer le projet., qu'il avoit formé de porter la guerre dans la Perle. Il
est déclaré fit savoir
Général aux villes Gréques, qu'il avoit à leur proposer une affaire de très-
faire grande- consequence, & qui regardoit l'intérêt commun de la Grèce. On
.pour
la guerre indiqua "une assemblée générale à Corinthe. Philippe s'y rendit, & propola
aux Pertes. le dessein. qu'il avoit conçu, de faire la guerre aux Perses, & les moïens qu'il
An da M. avoit pris pour le faire avec succés. Toute l'assemblée y applaudit & le
3667. choisit pour Généralissime de cette entrepritè; avant que l'assèmblèe se fépa-
avant J C.
33e. rit, il fit. régler le nombre de troupes que chaque ville devroit fournir , puis
X'CJ3;
s'en retourna en Macédoine, pour faire les préparatifs convenables à' une ex- Diod.l,I6..
pédition de cette Importance. pag.
Il commença par envoyer en Afie trois de ses Généraux, Parmenion, XXXV!.
Amyntas & Attale, pour rendre la liberté aux villes Gréques de ce pays-là: Parmetuom
En même tems il fit consulter l'oracle sur le succés d'e son entreprise, & la Amyntas<fe
Prétresse repondit : Le Taureau efi déjà couronné de fleurs & celuy qui le doit immoler Attale font
envoiez en
efi tout prêt; Ce que Philippe interprétoit en sa faveur, croyant que le Taureau A sie, pour
>

prêt à être immolé, étoit le Roy de Perse, & que luy étoit le Sacrificateur mettre les
désigné par l'Oracle. Mais l'évenenient fit bientôt voir que c'étoit lui même villes Gré-
qui de voit être immolé • en effet quelque tems après comme il offroit aux berté. ques en K-
Dieux un grand Sacrifice d'adions de graces -pour l'heureuse reponse de An du M.
l'Oracle & qu'en même tems il célébroit à ,Ege ville de Macédoine les ?668.
,
noces de sa fille Cleopatre , qu'il donnoit en mariage à Alexandre Roy avant J. G.
>

d'Epire, Oncle de cette Princesse & frere d'Olympiade Epouse de Philippe, ?3*o.
il y invita une infinité de personnes les plus considerables de la Grèce, & plu-
lieurs villes y envoyérent leurs députez avec des couronnes d'or pour le Roy.
Le concours de monde y fut prodigieux, tant à cause de la magnificence de-
la fête, qu'à cause des jeux & des fpedacles qu'on y représentoit.
Le lendemain du festin nuptial on devoit recommencer les jeux publics, XXXVIL
& Philippe y devoit paroitre au milieu de douze Dieux, qu'il y sir porter en Morfrtragi-
grande cérémonie ; Comme il marchoit seul, aïant exprés fait éloigner ses que de Phi-
lippe-Roy
gardes, pour montrer aux Grecs qu'il ne croyoit pas en avoir besoin étant de Macé-
parmy eux , qu'il regardoit comme ses meilleurs amis , toutd'un coup un doine.
nommé Pausanias, qui avoit conçu contre lui une haine implacable pour un An du M.
outrage dont le Roy ne l'avoit pas vengé r courut sur luy & lui perça le Diodar. 3668.
,
côté d'une épée à la gauloise c'est-à-dire qui étoit à deux tranchans
,
En l.t6. p.HB.,
même tems il court à la porte de la ville, ou il trouve des chevaux qu'il y ffujiin. 1.6.
avoit préparez pour s'enfuir. Il est poursuivi par Leonatus, Perdicc;¡s & tfojeph.
quelques autres, qui ne l'atteignirent que parceque- son pied s'étant pris dans 1. Xi. c.&.
un lept de vigne , il fut renversé de cheval & mis à mort par ceux qui le'
pourluivoient. Ainsi mourut Philippe Roy de Macédoine, aprés 24. ans de'
regne. Il avoit porté la gloire & la puissance des Macédoniens au plus haut:
point où elle eût jamais été,. & il se finttoit d'en avoir l'obligation plutoftàla-*
manière douce, polie & populaire, dont il s'étoitservi pour gagner les
& la bienveillance des peuples
coeurs
qu'à sa. valeur & à la force de ses armes r
Les succés de la guerre dilbit-il dépendent beaucoup de la valeur des,
,
trouppes; mais l'affabilité,y la bonté, les manières gratieuses du Prince sont
des qualitez dont il ne partage la gloire avec personne. ,
Alexandre le grand, successeur de Philippe, dans une lettre qu'il écrivit à
Darius Rov de Perse; prétendoit que ce Prince avoit fait assassiner Philippe puint. Curt-
par des hommes apostez; Ce qui n'est nullement probable ; si l'on admet le /. 4. c. 1.
récit de Diodore de Sicile, & ceux. de Justin & de J-oseph. l'Hittorien,.comiiie Arrian.î.%..
nous venons de le raporter.
Alexandre avoit 20. ans, lorsqu'il commença à regner. Cette grande XXXVIII!
jsuaeire n'empêcha pas qu'il ne prît toutes les précautions pour se concilier Alexandre;
Eee3 le& le Grand:
succéde a les esprits des Grecs, & pour prévenir la mauvaise volonté de ceux qui en
.Fhilippe. vouloient à sa personne & à son Royaume. Attale ion Oncle par Cleopatre,
An du M. que son Pere avoit épousée depuis peu , un de ceux que Philippe avoit en-
3668. voyé en Asie, avoit des veuës sur le Royaume. Alexandre de son côté fit partir
,avant J. C.
pour l'Alie ,Hecatée un de ses confidens avec des troupes, & lui donna ordre
? ïï-
iDiodor. de lui livrer Affale vif ou mort; sans éclat & sans violence, s'il étoit possible.
l.xj.g-ujîin. Demoithénes déclamait hautement à Athénes contre Alexandre, & soûtenoit
Plutarcb. qu'il falloit pas donner aux Macédoniens l'Empire de la Gréce. Les
Jbrrian. ne
&c. Thébaïns étoient résolus de chasser la garnison que Philippe avoit mise à
-Cadmée. Les Ambraciotes avoient déja chassé ceux que ce Prince avoit
mis chez eux, en un mot presque toute la Gréce conipiroit à secouër lej«ou&
des Macédoniens, & à refuser à Alexandre les secours qu'ils avoient promis a
Philippe son Pere.
Mais le jeune Prince sçut apaiser ces troubles, & ramener lesesprits avec
tant de dextérité & de bonheur, qu'enpromesses peu de tems il les remit dans ses inté-
rêts Il emploïa envers les uns les les bienfaits, les caresses ;
,
les autres les menaces & la force. Aïant fait avancer ion armée dans
envers
h Béotie, les Athéniensavoient envoïérent au devant de lui,& lui firent leurs excuses
,du retardement qu'ils apporté à lui envoïerdu secours; il contraignit
-de même les autres villes de lui renouveller les assurances qu'elles avoient
données au Roy Philippe son Pere , & à le reconnoître pour Chef de la
aux Perses. En Afie Hecatée s'étant défait d'At-
-guerre qu'on devoit faire
tale l'armée qui étoit disposée à la revolte , rentra d'elle même dans le d'e-
. Aprés avoir ainsi pacifié la Gréce il porta ses armes dans la Thrace &
XXXIIY. dans l'illyrie & dans les Provinces voisines, ,
& les réduisit en peu de .tems à
Alexandre
soumet la l'obéïssance Il étoit encore occupé à ces guerres, lorsqu'on lui annonça
Thrace & que la plupart des villes de la Gréce & en particulier celle de Thébes , re-
Plllyrie, & fusoient de le reconnoÎtrp, pour Général de la grande entrepri1e concertée
attaque contre les Perses. A cette nouvelle il revient en diligence dans la Macé-
Thébes. son alliance, & marche
doine affermit lesThe{saliens & les ALubraciotes dans
les Béotiens qui alïïégeoient Cadmée, où Alexandre avoit laissé une
contre Thébes, elle
garni son Macédonienne. Cadmée étoit comme la Citadelle de
étoit enveloppée de fossez & de redoutes , de telle sorte qu'il étoitimpoilible
assiégez ni d'en sortir, ni de recevoir aucun secours. Alexandre arriva
aux de pied & de trois
dans la Béotie avec une armée de trente mille hommes servis sous ,
Philippe
mille chevaux, tous gens bien aguerris & qui avoient
,
son Pere Il n'entra pas d'abord en adion, voulant laisser aux Béotiens le
de se reconnoître Mais ceux-ci au lieu de rentrer en eux-mêmes, ré-
tems ;
aïant fait publier que
folurent de faire la guerre à Alexandre, & ce Prince
des Thébains qui voudroient se ranger de son parti, jouïroient de la
ceux Thébains, comme pour lui insulter,
Daix avec tout le reste de la Gréce; Les
firent publier par un Heraut de dessus une très-haute tour, que quiconque
le joug
voudroit se joindre au Grand Roy de Perse & à eux , pour secouër
Cette msolence irrita
du Tyran de la Grèce n'avoit qu'à venir a eux.
,
Alexandre, & le porta à prendre la résolutionde rUÏner la ville de Thébes, pour
intimider les autres Grecs ; Car il n'ignoroit pas que plusieurs d'entr'eux, ne
lui étoient nullement affedionnez.
Il usa de tant de diligence, qu'en trois jours tout fut disposé pour lë sié- XL.
ge. Alexandre partagea son armée en trois. La premiére partie fut. destinée Prisc &rul*
à attaquer les fossèz & les terrasses de la ville ; La -seconde à attaquer les Thé- ne de Thé-
baïns qui étoient en armes hors de la ville, & 'Ia,ttoifléi-ne fut un corps de Alexandre.bes par
reserve, devine à venir au secours des combattans. Le choc, fut rude de part, An du M.
& d'autre. LesThébaïns étant plus grands & plus forts que les Macédoniens, 9^70.
& ceux-cy plus nombreux & plus aguerris que les Thébaïns. On. combattit, avant J. C. -
avec un courage & une opiniâtreté égale pendant assez. longtems. Alexan- Diodon 330.
(

dre voyait que les siens accablez de fatigue, ne faisoient plus qu'une foible /.17.
résistance fit avancer le corps de réserve qui recommença le combat aver.
, ,
une nouvelle vigueur. Mais les Thébaïns au lieu de perdre courage, sem-
bloient se ranimer à la veuë de ce renfort.- Ils en soûtsnrent- l'effort avec tant;
de fermeté, que les Macédoniens se virent prêts à reculer.
Alexandre s'en aperçut, & envoya Perdiccas avec quelques compagnies*
s'emparer d'une poterne qui étoit sans garde. Perdiccas se saisit de cette-
porte & entre dans la ville. Alors les Thébaïns lâchèrent le pied, & se jet-
térent dans la place. Ils le firent avec tant de précipitation & de confuliom
qu'il y en eut plusieurs d'ecrasez sous les pieds des chevaux, & d'etouffez dans-
la foule. Dans le même tems la garnison de Cadmée fondit sur eux
comme'
un torrent & en fit un carnage horrible. D?un autre côté les Macédoniens'
irritez de la résistance des bourgeois, & encore plus de l'insolence, avec la-
quelle ils leur avoient infuité. du haut de leurs tours; tuoient sans miséricorde;
tout ce qu'ils rencontroient ; Les Thébaïns non seulement ne leur deman-
doient aucun quartier, ils sembloient même braver le péril & agacer le Sol-
dat victorieux pour en recevoir la mort ; Heureux quand en mourant ils
voient ou blessèr ou tuer leurs ennemis. Toute la ville étoit remplie depou.
davres & de la trille image de la mort. On compta qu'il ca-
en fut tué plus de"
six mille & qu'on en prit captifs plus de trente mille. Les Macédoniens
n'y-
perdirent qu'environ cinq cens hommes.
Aprés cela Alexandre assembla le conseil des Grecs délibérer sur-
pour
ie traittement qu'on devoit faire à la ville de Thébes. Tout le monde
,
con-
clut qu il falloit raier la ville, vendre les prisonniers de guerre, faire revenir
tous les exilez qui étoient répandus dans toute la Gréce, pourleur faire por-
ter la peine de leur perfidie, & faire défense aux Grecs de recevoir à l'avenir
aucun Thébaïn. Le Roy fit donc renverser la ville de Thébes pour inspi-
rer de la terreur aux autres villes,.& tira quatre cent quarante talens,
des captif
qui furent vendus a l'encan.
Athenes s'etoit trop déclarée contte Alexandre,
pour n'être pas recher-- XLf
cher Alexandre y envoya des députez pour demander qu'on lui livrât dix Athènes:
des Orateurs, & entr'autres Demolthénes & Lycurgue, qui avoient invedivé est
contre lui, & avoient porté les citoïens à prendre un parti contraire à son cée par"
alliance. Cette demande jetta Athènes, dans, une grande perplexité. Les- ,cllcdaadic.-.
- uns D^a
cornais;
obtient la comme Phocion
grâce des ,
iiiosthénes étaient,
qui avoit toujours été oppole aux ientimens ae ue-
d'avis que les Orateurs allassent le livrer entre les maint
Orateurs. du Roy afin de détourner parleur propre mort, s'il étoit
necéssaire, les
Diodar, commun, qui ménac,oieiit la République ; Mais son lentiment fut rejetté d un
7c).
contentement, & Demades gagné, diloit-on, par cinq t-,tleiis que
commun le
lui donna Demostliéi-ie , proposa un decret qui fut approuve par peup e^
Il contenoit les excuses des Orateurs , qui avoientla suivi des le penchant de leur
leur République, & des promesses de part Athéniens de les
coeur pour Demades tut député avec
punir lelon les loys, s'ils se trouvoient coupables. des Athéniens, & pour le
auelqu'autres pour porter à Alexandre le decret Il il bien de sa
haranguer & le prier de leur accorder le pardon. s'acquitta
commissîon, que le Roy pardonna & aux Orateurs & aux Athéniens. Et
quant à la ville de Thébes, il défendit qu'on touchât a la maison du Poëte
Ælian.
étoit dans cette ville, & épargna les descendans de ce Poëte >
Variar. Pindare qui Philippe son
:
Hijfor.l.l t. même que les Prêtres des Dieux, & les anciens hôtes & amis de
0-7- confirmé l'a femblee de
'
Il se rendit de Thébes à Corinthe, où il fut par
dans leGénéralat, ou le commandement General délai armée
XLII.
Alexandre foute contre la Grèce
est confir- les Perles. Etant dans cette ville , il fut visité & la ùe par grand
mé dans la nombre de Senateurs de Politiques & de Philosophes. Ils s'attendait que
, rendroit la même civilité
charge de Diogéne le Cynique lui ; Mais Diogene ne s étant
Généralis- l'alla voir suivi d'une trés-grande oule de courtisans.
si me con- tns
bouffé Alexandre
pasDiogéne voyant^tout mcd-ide, se leva un peu sur l'on séant & Alexandre
tre les I>er- ce chose, le Philosophe le pria
ses. lui aïant demandé, s'il avait besoin de quelque
An du M. de se déto "nerun peu de son soleil. Le Roy fut sUl'pris de la grandeur
3670.
de
hommef& du mépris qu'il faisoit de ce que le monde reipecle
avant J. C. d'ame cet
Courtisans se rlilloient de sa hardiesse & de ion impru-
390.
Plutarch. dentle o us Comme ses
Alexandre répliqua , & moy je vous déclare que si je n'etois pas
in Alex. Delphesêtre Diogéne.coni'ulter
Arian. /.i. Alexandre,Etant alléjeà l'oracle sur l'entreprise qu'il alloit
ffuftin 1. 1I,' funestes, auxquels il n'était pas permis à
faire, comme c'étoit alors des jours Alexandre la prier de vouloir
Prétresse de monter sur le trépied, envoya
la s'étant pas rendue, il alla lui-mem
sa considération consulter l'oracle. Ne
fnnr
en à venir dans le Temple; Ne pouvant la periuader, il la poussa
l'engager
p j|
5 ah vous étes invincible. Voulant marquer
r forcene la fit entrer • Elle s'ecria,
qu'elle
C'enest assez, répliqua Alexandre; Je ne veux
^^"lfreviflt son armée, & différa pas de palier
ensuite en Macédoine avec ne
arriva jours à Seile & se rendit a Trotte iur soixante
Af Ti en 20à'Parmenion
enAfie.
vaHseaux
longs • LaiQant le soin de faire passèr l'Hellelpont au
armée ; il laissa dans la Grèce une arme de douze nulle
(
reste de son
aI nied & d'onze mille cinq cens chevaux, sous le commandement d Anti-
nombre des troupes qu'Alexandre mena en Alie, n'alloit qu^nviron
?atre mille hommes de pied, & quatre mille , ou quatre mille cinq cens
Le
t rente prêt de.débarquer, lança
çhevaux. -On raconte que ce Conquerànt étant
Ttvec raideur une lance de la pouppe de son vaisseau contre le bord du con-
tinent, comme pour prendre parlà possession de l'Ane ; & en même tenis
fauta en tressaillant hors de son b.ord. Ensuite il immola des hosties aux
Dieux du pais, les suppliant de l'agréer pour Roy. Delà il se rendit au
tombeau d'Achille , dont il descendoit du côté de sa Mere, il l'oignit, lui
imposa une couronne & fit une course tout nud autour de ce tombeau, avec
les amis. Il honora aussi tous les Heros, qui étoient morts devantTroye,
disant qu'il envioit le bonheur d'Achille d'avoir eu pour ami pendant sa vie
Petrocle; & pour Panégyriste aprés sa mort, Homère.
Etant arrivé à Ilium, ou à l'ancienne Troye, il y sacrifia à Minerve, & XL Ill.
Alexandre
comme. on lui demanda s'il vouloit voir la lyre de Paris fils de Priam , il arrive
témoigna qu'il ne s'en soucioit pas, mais qu'il auroit voulu voir celle d'Achil- Troyesà
les, sur la quelle il avoit chanté les beau faits des grands hommes. D'ilium pardonne ,
il sè rendit à Arisbé , où toute Ion armée étoit campée aprés le passage de à Lampfa-
FHelleipont. De là il vint à Percote, & passant prés de Lampsaque, il campa que.
sur le fleuve Percotis. Il avoit résolu de ruiner Lampsaque, comme favorisant
les Perles, ou suspecte d'infidélité. Anaximène historien natif de cette ville,
& fort connu du Roy Philippe, s'étant présenté devant Alexandre pour lui Valerius
demander la grace de cette ville, ce Prince le prévint & lui dit qu'il ne feroit Max. /.y.
c. 9.
rien de tout ce qu'il lui demanderoit. Anaximene repartit : Je viens vous prier Pausan.
de rajer Lampsaque ; Ainsi Alexandre pardonna malgré lui aux Lampsacéniens. Eliac. /. z,
Darius Codomannus Roy dePerse avoit d'abord paru mépriser la jeunesse XL IV.
d'Alexandre. On dit aussi qu'il avoit envoyé de grandes sommes en Gréce, passe Alexandre
le
pour porter les Orateurs, qu'il savoit avoir grand crédit dans les Républiques, Granioue
à déclamer contre Alexandre, & à détourner les Grecs d'entrer dans le dessein & défait
de faire la guerre aux Perses ; Mais voyant les succés si prompts & si pro- les Géné.
digieux du jeune conquérant, il songea sérieusement à se défendre, & aïant raux de
levé une grosse armée, il l'envoya sous le commandement de ses Généraux, Darius. An du M.
sur le fleuve Granique, qui étoit comme la porte de l'Asie. Les gens d'Alexandre 3670.
craignoient de s'engager au passage de ce fleuve, tant parcequ'il étoit profond, avant J. C.
que parceque les bords où il falloit abborder , étoient fort hauts & de dif- Plutarch. ??o.
ficile accés; Ils ajoûtoient une autre raison tirée d'un ancien usage des Roys Alex.
in
de Macédoine, qui avoient coutume de ne rien entreprendre pendant le Diodor.
mois Dafius. Mais Alexandre leva leur scrupule,en ordonnant qu'on fit une 1.17. Arian.
seconde fois le mois Artemisius ; Et comme Parmenion lui remontroit qu'il 1 1
étoit un peu tard , pour tenter ce passage à la veuë de l'armée ennemie il
dit que l'Hellespont rougiroit de honte si des gens qui l'avoient traversé ,
,
avoient peur de palier le Granique. En même tems accompagné de quelques
troupes de Cavalerie, il saute avec une intrépidité qu'on auroit prile pour une
espéce de fureur guerriere dans le fleuve, le pane surmonte tous les ob-
, ,
itacles, est suivi de son armée, & attaqué par les ennemis, sans avoir le loisir
de ranger les siens-, il combat à leur tête avec une valeur prodigieuse. Il
étoit remarquable par le bouclier qu'il portoit,& par le pennache blanc & elevé
qui voltigeoit sur son Casque. On tira une infinité de traits contre lui, dont
un le toucha sur la jointure de sa Cuirasse, mais sans lui faire de mal
Nous fui- Deux des Généraux de rarmee rerianne, ttnœiace <x spicnriaare s
Alexandre poussa sa lance & la brisa contre la cuirasse de
ai-
vons le ré- chérent à lui.
cit de Plu- Rhœface. Alexandre &Rhoesace étant renversezde cheval, Spithridate vint
tarque. fondre avec son cheval sur Alexandre, & lui déchargeant un grand coup de
Diodore l'aigrette de son Casque, & lui auroit fendu la
de Sicile son Cimeterre, lui abbattit aussi bonne qu'elle étoit, La pointe
raconte la tête, si la trempe de son Casque n'eût été
chose un du Cimeterre de Spithridate atteignit le bout des cheveux d'Alexandre.
peu autre- Comme il vouloit rédoubler & lui porter un second coup, Clitus le prévint
ment & & le le milieu du corps. En même tems Alexandre srappa Rhœsace
dans un perça par
plus grand & le tua d'un coup d'epée.
détail.Il dit Pendant que la Cavalerie étoit ainsi aux prises avec l'ennemi, . 1 Infanterie
qu'Alexan- Macédonienne passa le fleuve, & la Phalange avec le reste des troupes se mit
dre fut
blessé au en bataille.
Les Barbares ne firent que peu ou point de résistance. Ils
des Grecs s'étant retirées sur une
haut de lâchèrent le pied, mais les troupes auxiliaires
Pepaule. éminence, demandèrent qu'on les reçut à composition. Alexandre suivant
plutôst le mouvement de sa colère que la raison, poussa contre eux ion che-
val qui fut percé d'une lance. Ce cheval étoit différent de Bucephale, dont
Alexandre se servit depuis. Il périt grand nombre de braves gens en conl-
battant contre les Grecs, que l'on réduisit au desespoir , en refusant de leur
accorder une composition raisonnable.
L'armée Persanne étoit, selon quelqu'uns de six cens nulle hommes de
pied & de quarante mille chevaux. D'autres ne la font forte que de cent
mille hommes de pied & de dix mille chevaux. C'est ainsi que le compte
Diodore de Sicile. Plutarque dit qu'il y en eût plus de dix mille hommes de
pied tuez, & plus de deux mille chevaux. L'on n'en: pas non plus d'accord
sur le nombre des prisonniers. Les uns en mettant vingt mille, d'autres
feulement deux mille. Alexandre ne perdit dans cette fameuse action que z).
Cavaliers & neuf fantassins, d'autres en mettent un peu plus. Il est certain
la perte fut très-petite de la part des Macédoniens. Alexandre fit enter-
que
les siens avec leurs armes & leurs habits ; Il leur fit dans la iuite ériger des
rer
Statues de bronze de la façon de Lysippe célébre Statuaire. Il envoya aux
Athéniens trois cens boucliers pris sur les ennemis, & a sa Mere tous les vases
les plus pretieux & les habits de pourpre. r j.
, il s , avança dans ila Lydie*
XLV. Aprés avoir donné quelque repos a son armee, >

Alexandre & entra dans Sardes, le Gouverneur de la place nommé Mithrinne la lui aiant:
arrive àSar." remise sans combat, & l'aïant rendu maître des grandes richesses qui y etoient.
des) puis à
De là il arriva à Ephése, où il changea le gouvernement. Et au lieu de'
Iphése.
l'Oligarchie, qui y étoit établie, il y mit le gouvernement Démocratique.
Les Ephésiens avoient rétabli, au moins pour la plus grande partie, le l enip.e
de Diane qui avoit été brûlé , comme on l'a dit, la nuit de la naillance
d'Alexandre. Ce Prince offrit aux Ephésiens de leur restituer l'argent qu ils
avoient emploie à le rétablir, & d'achever à ses frais ce qu'il y reçoit a
iaire
les Ephésiens refuserent Etant
Strabol.14f. à condition qu'il y mettroit son noni. Ce que
dans la même ville, il reçut les sournirions des villes de Magnesie, & de Tral-
les, qui vinrent le reconnoitre pour leur Seigneur. Il envoya du monde
fous le commandement d'Alcimale pour remettre en liberté les villes d'Asie,
qui obéïssoient encore aux Perses , rétablit par tout la Démocratie ou le
Ôgouvernement populaire, & suprima les Tributs qu'on payoit aux Perses.
D'Ephése Alexandre marcha à Milet, où Memnon Général des Perses
s'étoit retiré, avec les troupes qui s'étoient sauvées de la bataille du Granic.
Il assiégea la ville & la battit sans relache par Mer & par terre ; Car il avoit
eu la précaution de faire occuper par quelques troupes trois jours aupara-
vant la petite Isle de Lade, qui est devant cette ville, & avoit par ce moïen
rendu inutile la flotte des Persès, qui étoit de quatre cent Vaisseaux, & qui fut
obligée de se retirer sous le mont Mycale. Milet fut bientost obligée de se
rendre. Les Bourgeois furent traittez avec beaucoup de clemence ; Les Sol-
dats Grecs qui y étoient à la solde des Perses,au nombre de trois cent, prirent
parti dans les troupes d'Alexandre. Les Barbares qui s'y trouvérent, furent
passez au fil de l'epée, ou vendus comme captifs. Memnon qui comman-
doit l'armée des Perses, aïant envoyé à Darius sa femme & ses enfans comme
otages, fut nommé Généralissime de toute l'armée Persane. Alexandre aprés
la prise de Milet prévoyant que sa flotte lui deviendroit désormais inutile,
aïant à faire la guerre dans les Provinces éloignées de la Mer , la renvoya;
ne se reservant que vingt Navires Athéniennes & quelqu'autres petits vaisseaux,
pour porter les machines propres a assiéger les villes.
Memnon Général des troupes de Ddrius aprés la prise de Milet, s'étoit XLVI.
jetté avec le débris de son armée dans la ville d'HalicarnasseCapitale de Carie. Siége
Alexandre l'y suivit. En chemin faisant, il rendoit la liberté aux villes Gré- d'Halycar-
ques & les exemptoit de Tribut ; publiant par tout qu'il n'avoit entrepris la Alexandre.
naffe par
guerre, que pour la délivrance des Grecs. Ada Reine de Carie, qui avoit An du M.
été dépouïllée de ses états par son frere Pexodare, vint au devant d'Alexandre 3671.
& lui demanda son secours, lui remit la ville d'Alinde où elle avoit sa de- avant J. 6.
meure, lui promit de lui faire rendre aussi la plupart des villes du pays, qui Diod. 3 29.
/. 17.
étoient entre les mains de ses proches , & le pria d'agréer qu'elle l'adoptat
pour son fils & son héritier. Alexandre reçoit cette qualité, prie Ada de lui
garder la ville d'Alinde, la déclare,Reine de Carie , & marche contre Halv-
carnasse.
Orontabates y commandoit pour le Roy de Perse depuis la mort de
Pexodare ; & Memnon le Rhodien Général des Perses, s'y étoit enfermé
avec ses troupes. Alexandre l'y assiége avec toutes ses forces. Le siége ne
fut pas long, mais il fut des plus meurtriers & des plus sanglants. Il y perit
de part & d'autre grand nombre de braves gens. Les Perses comme supe-
rieurs en nombre, eurent quelque avantage au premier atlaut,ils mirent le feu
à quelques machines des Macédoniens & leur tuèrent bien du monde. Pen-
dant la nuit quelques Soldats de Perdiccas s'étant pris de vin, attaquèrent
témérairement la Citadelle. Mais Memnon les repoussa avec perte; Les Ma-
cédoniens leurs Camerades étant accourus à leur secours, il y eut un combat
assez considérable; Alexandre s'étant montré avec sa troupe, obligea les Perses
à se retirer dans la ville, aprés quoy il leur envoya un Heraut pour demander
les siens, qui avoient été tuez, afin de leur donner la sépulture, ce oui lui
fut accordé, contre le sentiment d'Ephialte & de Thrasybule Athéniens, qui
étoient alors au service des Perles.
JCLVJL Le même Ephialte s'étant offert de s'exposer avec les autres Soldats
Iphialte étrangers qui étoient à la solde des Perses,
fait une pour sauver le relie de l'armée,
sortie sur sortit un matin à la tête de deux mille hommes choisis , dont la moitié
les Macé- portaient des flambeaux allumez & les autres étoient bien armez. Les pre-
doniens & miers mirent le feu aux machines des Grecs, les autres fondirent sur la Pha-
les met en. lange Macédoniéne qui s'étoit mise en mouvement pour eteindre le feu.
déroute*
Alexandre y accourut, avec ses meilleures troupes; Les assiégez qui tiroient de
dessus les murs incommodoient beaucoup les troupes Macédoniennes,
,
Memnon qui survint avec des troupes fraiches, y causa un nouveau trouble.
Alexandre couroit risque de voir son armée repoussée ; tout d'un coup la face
du combat changea. Les véterans de l'armée Macédoniene, qui avoient le
privilége de ne plus aller au combat , reprochèrent avec tant de force leur
lâchete à ceux qui se retiroient, qu'ils les contraignirent à retourner, & eux-
mêmes s'étant couverts de leurs boucliers, & aïant formé un Bataillon serré,.
se mirent au devant des ennemis & les arrétérent. Ephialte qui loûtenoit les
Perses par sa force extraordinaire & par sa valeur , aïant été tué, les autres
sè retirérent en désordre dans la ville ; Les Macédoniens les y suivirent; Mais.
Alexandre aïant sait sonner la retraitte, ils revinrent dans le camp.
JCLVlIL Pendant la nuit Memnon & les autres Généraux Persans prirent la reso-
Prise d'Ha- lutÍon d'abbandoxiner la place ; ce qu'ils exécutérent la nuit même, laissant
îycainafiè.
dans la Citadelle une bonne garnison, & transportant dans l'isle de Cos les
Soldats & les richesses qu'ils avoient dans la ville. Alexandre ne s'aperçut
de leur retraitte que le lendenlain au point du jour. Etant donc entré dans.
la ville, il la rasa, & environna la Citadelle d'un bon fossé & d'un mur, pour
empêcher la garnison d'en sortir. Il laissa aux eu virons , Ptolemée un de
ses Généraux avec trois mille piétons & deux cens chevaux, pour contenir
la Carie dans le devoir, & donna à Ada qui l'avoit adopté pour son fils, l'au-
torité absoluë sur tout le pays. Il envoya en même tems ses Généraux avec
des troupes, pour réduire à son obéïssance les pays les plus eloignez de la
JtLIX. Mer ; pour lui il s'avança vers la Lycie , & la Pamphilie, les assujettit, &
les Soldats prit environ 30. villes.
Macédo Comme plusieurs de ses Soldats s'étoient mariez peu de tems avant leur
niens nou- départ
pour FAsie il leur permit d'aller passer l'hyver dans leur pays, avec
reaux ma- ordre de revenir au ,
riez obti- printems , & de lui amener autant qu'ils pourroient de
ennent nouvelles troupes de Cavalerie & d'Insanterie. Il envoya même Cleandre
permissïon avec de l'argent dans le Peloponése pour y saire de nouvelles levées, &
de s'en re- donna ordre à Parmenion d'aller à Sardes,& d'amener de Sardes avec lui dans
tourner la Phrygie la Cavalerie Thessalienne & les autres Cavaliers & les Chariots.
falser
fit alliance
l'Hyver en Il se rendit lui-même en Phrygie vers le milieu de l'IIyver , &
Macédoi- avec les peuples de Phaselide & de la basse Lycie , qui lui avoient envoyé
ne. des Ambassadeurs.
Arrian. li..
tfuftwJ. Etant a Phaselide, on lui donna avis qu'Alexandre Aëtope Général dela
J.,¡¡.t:..7" Cavalerie Thessalienne avoit conspiré contre luy, dans l'espérance que luv
, donnoit
donnoit Darius , de le faire reconnoitre Roy de Macédoine & de lui faire
toucher mille talens. Alexandre envoïa un homme de confiance nommé
Amphoteros Parmenion à qui il portoit des ordres secrets d'arrêter
, vers
Aëtope, & de le mettre dans les ,liens.
De Phaselide Alexandre conduisit son armée le long des Côtes de la: Alexandre L.
Méditerranée jusqu'à Perges, de là il alla à Aspendum ville située sur une en Phrygi»,,
eminence de difficile accés, & dont il se rendit maître.. Aprés ce lail entra & enPHi-
en Pisidie , où il y eut un combat avec les Pisidiens , qui passoient pour les die,
plus belliqueux des peuples des environs ; Ils s'étoient campez sur une
hauteur prés la ville de Salagafle , & les Telmiffiens s'étoient joints à eux
pour résister à Alexandre. Ce Prince les battit, leur tua environ cinq cens-
hommes, & prit leur ville de Salagasse. Il lui fut aisé aprés cela d'assujettir
les autres Pisidiens, & de réduire leurs forteresses à l'obéïssance.
Quelque tems aprés il entra en Phrygie & arriva en cinq jours à Céle-
,
nés, qui étoit une ville bien fortifiée défendue par un Satrape avec mille-
,
Cariens, & cent Grecs de troupes à la solde du Roy de Perse. Le Satrape
envoya témoigner à Alexandre, qu'il étoit prét de lui remettre sa Wace, s'il
ne lui arrivoit point de secours dans un certain tems qu'il lui marqua.
Alexandre préféra ces conditions aux risques d'un siége. La ville fut rendue
au jour assigné ; Alexandre y laissa quinze cens hommes en garnison, & aprés.
y avoir demeuré dix jours, il en sortit aprés y avoir mis Antigone fils de
Philippe, en qualité de Gouverneur de Phrygie.
Il se rendit delà à Gordium, où Parmenion le vint joindre avec l'armée; Ll
Les Soldats à qui il avoit permis d'aller voir leurs nouvelles Epouses en Macé- Alexandre
doine, y vinrent aussi avec de nouvelles troupes au nombre de mille hommes couppe,oœ
de pied & de trois cent Chevaux de Macédoine, de deux cens Cavaliers de noeu-.l délie le
Théssalie & de cens cinquante Eléens ou de l'Elide dans le Peloponése. Gordien.
, ,
C'est dans cette ville de Gordium qu'Alexandre couppa le noeud Gordien; Arrian. /; %
Cet événement est raconté diversément. Arrien dit qu'il y avoit dans la Ci- Plutarch.
tadelle de cette ville, où l'on voyoit le Palais de l'ancien Roy Midas & de in Alex. Gi.
Curt. &,-
ses enfans, un chariot qui avoit servi à ce Prince & dans le timon duquel
étoit un noeud fait de cordes composées avec la, plus,
fine écorce du Corneil-
ler,; Ce noeud étoit tellement embarassé & la corde y étoit repliée en tant.
,
de manières, qu'on ne pouvoit voir où étoit le bout. La difficulté étoit de'
délier ce noeud & de trouver l'extrémité cachée de la corde. Alexandre
aprés l'avoir tourné de tous cotez,& n'aïant pu en venir à bout avec ses mains,,
tira son épée & le couppa. Aristobule cité dans Arrien & dans Plutarque"
dit qu'il tira du timon la cheville à laquelle étoit attachée la corde, aprés,
quoy il n'eut plus de peine à dénouer le noeud fatal Car l'oracle avoit
promis l'empire de l'Asie, à celui qui le dénouëroit.
De quelque maniere qu'il l'eut fait, il crut, & il voulut persuader aux
autres, que les Dieux lui promettroient l'empire de l'Asie. Il regarda com-
me un bon présage le tonnére, les éclairs & l'orage qu'il fit la nuit suivante;
Le le ndemain il offrit aux Dieux des hosties folemnellès en adlions d'e grâces
des heureux succés qu'ils lui promettoient. De Gordium il alla a Ancyre
ville de Galatit, où il reçut les Ambassadeurs des Paphlagoniens, qui venoient
obéïssance. De là il marcha vers laCap-
au nom de leur nation lui promettre
padoce & assujettit avec une incroïable facilité toute cette partie du pays,
qui estsitué au deça du fleuve Halys,& une bonne partie de ce qui est au de-
là de cé même fleuve.
Lll. Pendant >rr
qu'Alexandre poussoit ainli les conquêtes , sans trouver de ,
, re-

Darius fiftance, Darius songeoit à porter la guerre dans la Macédoine, & se flattoit
veut por- de rappeller ainsi Alexandre à la
défense de son propre pays. Il envoya donc
ter la guer- de grandes sommes à Memnon Rhodien , à qui il avoit confié le comman-
re en Ma- dement Général de ses armées dans cette guerre. Memnon leve une armée
cédoine. étrangères, & equippe une flotte de trois cent galéres.
Mort de nombreuse de troupes
à celle de Lesbos, il
Memnon. il s'empare d'abord de l'isle de Chio , puis abbordant
prend sans beaucoup de peine les villes d'Aiitisse , de Metymnes, de Pyrrhe
& d'Eresse ; Mais il lui fallut attaquer dans les formes celles de Mitylene &
de Lesbos ; qui furent enfin prises après la mort de Memnon, qui mourut
pendant le'nëge. Les Isles Cyclades craignant le même sort, lui envolèrent
des députez pour traitter de paix ; Et comme le bruit couroit qu'il vouloit
faire descente dans l'isle d'Eubée, plusieurs Grecs qui ne demandoient que
quelque changement dans la face des affaires, le favorisoient sous main, de
même que ceux qui s'étoient laissé gagner par l'argent des Perles ; Mais la
entreprises, déconcerta tous les
mort qui enleva Memnon au milieu de ces
projets du Roy
Ce Prince
Darius......
délibéra avec ses amis, s'il iroit en personne combattre , Alexandre
LUI. envoïeroit ses Généraux. Charidénle
Charidéme avec toutes ses troupes , ou s'il y
Athénien Athénien, qui étoit à son service, & dont les conseils etoient d'un fort grand
conseille à poid, remontra au Roy qu'il ne convenoit ni a ses intérets, ni a sa dignité,
Darius de d'exposer & sa personne & tout Ion empire a la fortune d un combat
partager
son armée. étoit plus convenable
;
de faire la guerre par ses Généraux ; que cent mille
Qu il

-D,iodor.ji'- hommes de bonnes troupes, dont on tireroit


la troisiéme partie de la Grece
cuL /. 17- achettant des Soldats,suffiroit pour tenir tête aux Macédoniens, qu 'il
p577.Curt. en y
s'offroit de faire tout ce qu'il faudroit pour le succés de cette entreprise. Le
1. 3. c. Rov'étoit fort porté à lui confier la conduite de cette affaire, Mais les autres
Conseillers du Roy piquez de jalousie contre lui, & craignant que si on lui
1

donnoit le commandement des armées detraversérent Perse, il ne trahît les intérêts de


favoriser les Macédoniens, le de tout leur pouvoir;
Darius, pour
aue' l'irrita de telle sorte qu'il leur reprocha leur peu de courage. Le
Ce ,
Roy offensé de son manque de resped , le prit par le baudrier , & 1 envoya
440
supplice. Charidéme eut beau crier que le Roy auroit un jour tout le
au de n'avoir suivi son conseil il fut exécuté, &
teins de se repentir pas ,
repentit bientost de la mort d'un si brave homme ; Car
Darius en effet se personne à qui il put confier le com-
la mort de Memnon il ne trouva lui-meme, &
mandement de ses armées , & il se vit obligé de s'en charger de la guerre.
courir tous les risques des événemens toujours incertains
de ses Etats, de le venir trouver
LIV. Il envuya ses ordres à toutes les troupes de à l'exemple de Xercés environ-
Darius ra- à Babilonne - Pour en savoir le nombre, il fit
maire tou-
ner de fossez un grand espace deterrain,. capable de contenir dix mille hom- tes ses for-
mes , & les y faisant entrer les uns aprés les autres au nombre de dix mille, ces & mar-
il en fit ainsi le dénombrement &.Ia reveuë. Il s'en trouva cent mille Perses, che contre
dont trente mille étoient Cavaliers ; Les Medes étoient au nombre de dix Alexandre.
Diod. /. 17.
mille chevaux, & de cinquante mille hommes de pied. Les Barcans au An du M.
nombre de deux mille chevaux & quarante mille hommes de pied. Les 3672.
Hircaniens six mille chevaux ; Les , Derbices,
deux mille chevaux, & quarante avant J. e.
mille hommes de pied. Il y avoit outre cela deux cens chevaux & huit mille 328-
hommes de pied, qui venoient des bords de la Mer Caspienne, & encore
quatre mille chevaux & deux mille piétons, qui venoient de quelques autres
pays moins célébres. Les Grecs auxiliaires qui étoient à la solde de Darius,
étoient au nombre de trente mille. Ainsi toute l'armée de Darius étoit de
trois cens onze mille deux cens hommes. C'est ainsi que Quinte-Curce en
fait le dénombrement. Diodore de Sicile en compte quatre cens mille
hommes de pied & cens mille chevaux ; Arrien & Plutarque en mettent en
tout six cens mille.
Aprés cela Darius dépécha vers Pharnabaze qui avoit pris la place de
Memnon & lui ordonna de lui envoyer tous, les Soldats étrangers qui
,
étoient auparavant sous les ordres de Memnon ; donnant au même Phar-
nabaze l'autorité & le commandement qu'avoit eu Memnon sur les côtes de-
rAGea
Alexandre s'àvançoit toujours plus avant dans les terres de Darius.- Il[ LV,
marcha avec toutes ses troupes de la Cappadoce vers la Cilicie ; & aïant apris Alexandre
se rend
que les portes de la Cilicie, c'est ainsi qu'on nommoit un défilé qui donnoit maître
entrée dans ce païs, étoient occupées par une armée, il s'aretta dans le lieu défilez des
qui
nommé le Camp de Cyrus & y aïant laissé Parmenion avec les piétons pé- conduisent
famment armez, il s'avança ,
vers ces portes au commencement de la nuitavec en.CiHeie..
ses archers & son Infanterie armée a la legére,dans le dessein desurprendre
ceux
gui les gardoient. En effet ils prirent la fuite, dez qu'ils sçurent qu'il êtoit
ta, & Alexandre fit heureusement passer toute son armée défilez, en
sorte que dez la pointe du jour il se trouva en Cilicie
par ces
; On lui vint dire au
même endroit qu'Arsames Satrape de Cilicie s'étoit retiré aïant laccagé
,
par le fer & par le feu toute la Province y pour empêcher qu'Alexandre n'y
pût subsister avec ses troupes.
Il se hata d'arriver à Tharse Capitale du païs ; Le fleuve Cydnus coule LVL
au milieu de la ville; & ses eaux sont d'une fraîcheur & d'une netteté extra- Alexandre
ordinaire. Alexandre encore tout chargé de poussîére & epuisé par la tombe
malade &
chaleur excessive du Climat, quitte ses armes & se jette sans autre précaution, Tharse.
dans le fleuve pour s'y rafraichir. Mais il n'y fut pas plutôt descendu,- qu'il An du
fut surpris d'un engourdissement si général & si grand dans tous ses nerfs, 3Ô72.
qu'il en perdit & le mouvement & la parole & qu'on commença à défes-iavant J. CL
pérer de sa vie, les Médecins ne trouvant pas rde remedes assez promts 3 2~8'-
mal subit danger
pour
un si & un' si prenant. Philippe son Médecin touché du;
peril de son maître, ne crut pas devoir délibérer, ni conduire son malade
par
les voies ordinaires ; Il lui prépara un reméde qu'il crut le plus seur, le plus.
promt
promt & le plus efficace que son art lui fournit ; Mais en même tems Par-
menion écrivit au Roy de se donner de garde de Philippe son Médecin,
parcequ'il avoit reçu une grande somme d'argent de Darius , avec promette
de lui donner de plus sa fille en mariage, s'il vouloit se défaire d'Alexandre.
LVïl Ce jeune Prince ne montra la lettre à personne, mais le mit sous son
Philippe Chevet. Lorsque Philippe arriva avec la potion qu'il devoit donner au Roy,
Médecin Alexandre prit le vase où elle étoit, & en même tems donna à lire à Philippe
d'Ale- la lettre de Parmenion. Alexandre tint tes yeux arrétez sur Philippe , &
xandre cst
se avala la Médecine sans temoigner la moindre crainte.
accu
d'avoir Philippe reçut la lettre sans émotion &, la lut sans changer de viftge,
contpiré mais il se jetta aux pieds du Roy, cria à la c ilomnie, conjura le Prince d'avoir
contre ce consiance que le succés de son remède teroit l'on Apologie & justifieroit la
Pmice. fidélité. Le, remède opéra, mais d'une manière qui troubla tous les assistans.
Alexandre parut d'abord si abbattu qu'il perdit la parole , & qu'à peine lui
restoit-il un souffle de vie ; mais bientôt les forces lui revinrent , & en peu
de jours il se trouva parfaitement guéri & en état de se montrer à son armée
& de la rassûrer.
Peu de tems après il envoïa Parmenion pour se rendre maître d'autres
LVIU Cilicie de la Syrie ; 11 le suivit bientôt
Alexandre portes ou défilez , qui séparoient la
à Anchiale. après avec le relie de l'armée. Le premier jour il arriva à Anchiale , ville
Tombeau autrefois grande & célébre; prés des murs de la ville on voyoit le tombeau
de Sarda- de Sardanapale Roy d'Assyrie, ce Prince étoit représenté lir ce Mausolée en
napale.
la posture d'un homme qui bat des mains. L'inscription du tombeau étoit
en lettres Assyriennes & en vers, elle portoit Sardanapale fils d'Anacyndarax , a
bâti en un seul jour Anchiale & Tarse. Pour vous, pqffànt, buvez, mangez, divertijj'ez-
vous, car tes cboses humaines ne
valent pas, il achevoit le reste par son geste, d'un
homme qui fait du bruit avec ses mains voulant dire que tout le reste n'est
qu'un son.
D'Anchiale Alexandre marcha vers la ville de Solos; il y laissa garnison
& fit payer à la ville deux cens talens d'argent , pour la punir de ion trop
grand attachement au parti des Perf-es. Delà il alla réduire les Ciliciens, qui
tenoient les défilez; y aïant emploie sept jours il revint à Solos , où il offrit
des sacrifices à Esculape , & fit en son honneur lui & toute son armée , une
marche solemnelle avec des flambeaux allumez ; puis il représenta des jeux
d'exercice & de musique, & partit enfin de cette ville, aprés y avoir établi
le gouverne ment populaire. Il y étoit encore, lorsqu'il aprit la défaire du Sa-
trape Orontobate , qui défendoit la Citadelle d'Halycarnade , & Calliope. qui étoit
encore maître des villes de Mynde , de Caune sept de Thére & de
, ,
Ptolemée & Asandre lui a voient tué environ cens hommes de pied &
Cos & Triopium
)0. chevaux , & avoient fait environ mille prisonniers.
s'étoient rendues ensuite de cette vidoire.
Cependant Darius fit passer l'Euphrate à ses troupes sur des ponts , &
LIX. elles furent cinq jours à défiler ; Lorsque les Grecs qui avoient servi sous
On con-
seille à Memnon, & sous Artabaze, furent arrivés, les principaux Chefs de ces troupes
Darius de conseilloient au Roy de retourner en arriére, & de demeurer
dans les vaites
cani-
campagnes de la Mésopotamie, ou du moins de partager son armée , & de ne pas ris-
& toute la ref- quer une
ne pas exposer au hazard d'une seule bataille, toutes ses forces ses Officiers lui Bataille
l'ource de son Empire. Le Roy goûtoit assez cet avis, mais
plus aisé- générale.
ditbient,que les Grecs ne lui donnoient ce conseil, que pour livrer Z.Curt. 1.
ment son armée partagée à Alexandre, si elle venoit à avoir du dessous. Que
le plus seur seroit de faire sur le champ envelopper tous ces Grecs, & de les
faire percer de traits,pour servir d'exemple, & pour inspirer de la terreur aux
traitres.
Darius qui étoit naturellement doux & benin , eut horreur d'une telle
proposition. Il leur répondit,qu'il n'avoit garde d'en user ainsi envers des
;
gens, qui s'étoientvolontairement donnez à son service qui voudroit jamais
prendre confiance en nous aprés une telle perfidie? On ne punit pasdeniort
ceux qui donnoient des conseils peu considérez. Autrement personne ne vou-
droit s'exposer à en donner, dans une si grande diversité de gout , d'intérêts
& d'inclination qui regne parmy les hommes. En même tems il sit dire aux
Grecs qu'il leur étoit obligé de leur bienveillance , que reculer seroit livrer
son empire à son ennemi , qu'avec une telle multitude de Soldats , il étoit
impossible de trainer la guerre en longueur , quand il n'y auroit que la diffi-
culté de les nourrir. Qu'Alexandre, qui d'abord avoit paru si hardi , avoit
feint une maladie, puis s'étoit caché dans des montagnes , dez qu'il avoit eu
vent de sa marche. Qu'il étoit résolu à l'exemple des Roys dè Perse. sespré-
décesseurs, de marcher à lui avec toutes ses troupes.
11 s'avança donc vers la Cilicie, & laissa r Damas ville de Syrie, tout ce LX.
qu'il avoit de plus prétieux avec les choses qui pouvoient retarder sa marche, Darius
& qui étoient inutiles à son dessein, ménant avec lui à la maniére des Perses, laide à Da-
sa Mere, sa femme, ses filles & un jeune fils. Alexandre de son côté donna mas ce
qu'il a de
ordre à Philotas de conduire sa Cavalerie par les campagnes d'Aleïe jusqu'au plus pré-
fleuve Pyrame, se rendit sur le même fleuve avec son Infanterie ; le fit palier à tieux.
l'une & à l'autre sur des ponts, & arriva à la ville de LVlallos, qu'il déchargea
des tributs qu'elle payoit à Darius, & y établit la paix & la concorde. Là
on lui vint annoncer que Darius n'etoit éloigné des defilez qui donnent en..
trée à la Syrie, que de deux Stadmes, ou deux journées de chemin qui sont
,
ordinairement estimées à vingt mille par jour , ou dix lieuës de deux mille
pas l'une, par jour. De Mallos Alexandre arriva à Castabale, où Parion
le vint rejoindre, & lui apprit l'agréable nouvelle qu'il avoit châtié tSis les
Barbares, qui gardoient les défilez, qu'il s'en étoit rendu maître de même
de la ville d'issus, qui avoit été abbandonnée à son aproche. ,
que
Alexandre s'avança donc vers Issus avec toute son armée; là il délibéra
avec ses amis s'il livreroit la bataille à Darius, ou s'il attendroit un renfort de
cinq mille hommes de pied, & de huit cens chevaux qui lui venoient de
,
Macédoine. Parmenion étoit d'avis d'attendre Darius en cet endroit; que nul
autre lieu ne convenoit mieux à Alexandre ; que le Roy de Perse seroit
obligé d'y combattre avec lui à forces égales, le terrain n'étant pas suffisant
pour y ranger toute sa nombreuse armée. Cependant Alexandre abban-
donna le poste d'Issus & entra plus avant dans la Cilicie, pour y joindre le
renfort, dont on a parlé.
LXL Darius aïant surmonté les défilez du mont Amanus, arriva à Inus, d'où
Bataille Alexandre étoit sorti, & y mit à mort tout ce qu'il y trouva de Macédoniens;
d'tHus
les Ainsi les deux armées s'étant détournées, de leur route,ne s'étoient pas ren-
entre
.
armées de contrées, & Darius avoit laissé Alexandre derrière lui. Ils se réunirent bien-
Darius & tôt, & rangérent leurs armces de la manière la plus avantageuse que la situa-
d'Alexan- tion des lieux le put permettre. Alexandre rendit graces aux Dieux d'avoir
dre. même endroit avec toutes ses troupes afin qu'il put
jîrian.l. 2 amené Darius en un ,
Diodor. tout d'un coup abbattre la puissance des Perses. Le lieuoù Darius rangea
Si euh 18. son armée étoit serré entre la Mer les montagnes & le fleuve Pinare qui
,
QCurtJ.i. couloit au même endroit, de sorte que la Cavalerie n'eut ,
pas le terrain pour
s'étendre à son aise. Il opposa à la Phalange Macédonienne trente mille
Grecs, qui étoient à sa solde,& à leur cotez 60. mille Cardaques bien armez.
Ces Grecs formoient l'aile droite , & étoient la principale force de l'armée
de Darius. Ils étoient commandez par Thymodés ; à l'aile gauche étoit
Âristoméde Thessalien à la tête de vingt mille hommes de pied , de diverses
nations barbares. Le Roy devoit combattre dans cette aile, comme opposée
à l'aile droite des Macédoniens. Il avoit autour de lui sa garde ordinaire,
qui étoit de quatre mille Cavaliers choisis, & il étoit suivi de quarante mille
hommes de pied. Aprés cela venoit la Cavalerie Mede & Hyrcanienne. A
la tête de l'armée étoient six mille archers & frondeurs , qui formoient une
espéce d'avant garde. La Mere, la femme, & les Dames de leur suite étoient
au centre de l'armée.
LX11. Alexandre avoit fait avancer son aîle droite plus avant que la gauche,
VW:oirc lui-même à la tête de ses troupes , il donna impétueusement sur les
d'Alexan- & étant
dre contre ennemis & reçut une blessure à la cuisse. Les Pertes ne firent que trés-pea
Darius, de résistance. Il y en eut dix mille hommes de Cavalerie tuez sur la place :
prés d'Issus Pour l'Infanterie,les Hiitoriens ne conviennent pas du nombre des morts;Les
sur la rivie- 61.les autres 8o.mille,d'autressix vingt mille.Plutarque dit qu'en
re Pinare. uns en mettent
An du M. tout il en perit cent dix
mille. Justin & Orose disent qu'on y fit quarante
367a. mille prisonniers. Du côté de l'armée d'Alexandre, on ne compte que cerrt
avant J. G. cinquante Cavaliers & trente deux piétons de tuez ; & environ cinq cens
,
328. quate blessez. Tel fut le succés de la bataille qui se donna sur le fleuve
Pinare prés d'Issus, le 28. d'Octobre de l'an du monde 3672.
Darius se sauva par le moïen d'une Cavalle qu'il montoit , à qui le sou-
venir de son poulain qu'elle nourrissoit, donna tant de viteiïe, qu'Alexandre
quelque diligence qu'il fit, ne le put atteindre. Il revint vers minuit au
camp de Darius, aprés avoir couru l'espace de deux cent stades ou 28. mille
pas, qui font 14. lieuës à deux mille pas la lieuë : On y trouva la Mere de
Darius nommée Sifygambis, sa femme qui étoit aussi sa soeur,sonfils nommé
Ochus, qui n'avoit pas encore six ans, & ses deux filles, qui étoient nubiles;
Mais pour de l'argent, on n'y trouva que trois mille talens, le Roy aïant laissé
ses trésors à Damas, ainsi qu'on l'a dit.
Dez
Dez que Sisigambis & les autres Princesses eurent veu le char de Humanité LXIII.
Darius, & Parc dont il se servoit, qu'Alexandre avoit pris, elles ne doutérent Jqu'Ale-
' plus que ce Prince ne fût mort. Ce furent des cris & des lamentations !xandre
extraordinaires; Alais Alexandre leur envoia auJlitôtLeonat, pour les rassurer, exerce en-
& leur dire que Darius étoit vivant , qu'Alexandre ne faisoit la guerre à vers < la
Darius, que pour l'Empire , qu'elles pouvoient s'assurer que sa victoire ne mere, j
semme&
la
changerait rien ni à leur condition, ny à leur fortune. les
j enfans
Dez qu'il fut jour, il alla lui-même accompagné d'Hephestion salüer les de Darius.
Reines. Sisigambis ne connoissant pas Alexandre , & aïant pris pour lui
Hephestion, elle lui Mais Alexandre répondit poliment
en fit des excuses.
c'étoit un autre Alexandre un autre lui-même. Il ordonna non seule-
que ,
ment qu'on leur conservât-, mais même qu'on augmentât les honneur & les
services qu'on avoit accoutumé de leur rendre , & qu'elles se servissent des
mêmes parures & des mêmes marques de leur dignité qu'auparavant, sur tout
qu'elles ne verroient & ne souffriroient rien qui pût blesser leur pudeur , &
qu'elles seroient danssoncamp aussien seûreté,que dans leteniple le plus sacré.
Darius arriva à Vuchas, ou plutôt Socos, ville eloignée de deux journées
de chemin des défilez du mont Amanus , & y aïànt ramaiTé environ quatre D.arins.' LXIV.
mille hommes de les troupes, qui s'étoient sauvées du combat , il se rendit repasse
avec eux à Thapsaque , dans le dessein de mettre
l'Euphrate entre lui & I'Euphrate.
Alexandre, & de gagner ainsi du tems, pour se remettre de les pertes.
Alexandre pour rendre graces aux Dieux de l'insigne victoire qu'il ve-
noit de remporter, érigea sur les bords du fleuve Pinare, trois autels , l'un à LXV.
Jupiter, l'autre à Hercule & le troiliéme à Minerve. Puis il se mit en chemin Parmenion
pour la Syrie, aïant dejà envoïé devant Parmenion,pour s'emparer des trésors s'empare
Il envoïa avec lui la Cavalerie Thessa- les de tous
de Darius qu'il savoit être à Damas, trésors
lienne. qui avoit fort bien *t dans le combat, afin de lui donner moïen
du
de
Gou- que Darius
s'enrichir dans ce voïage. Parmenion reçut en chemin des lettres avoit lais-
verneur de Damas, par lesquelles il lui marquoit, qu'il étoit prêtParmenionde lui remet- sez à Da-
tre la ville & toutes les richesses que Darius y avoit laissées, y nr .
arriva quatre jours aprés.Le Gouverneur en étoit sorti avant le jour, craignant,
disoit-il d'être assiégé dans Damas, mais son véritable dessèin étoit d& présen-
ter les trésors dont il étoit Gardien, à Parmenion.
Il y avoit parmi les femmes qui étoient à Damas , la femme & trois
filles du Roy Ochus, prédécesseur de Darius ; La femme d'Artabane,Gouver-
filles de Mentor ; La femme & la
neur de la côte maritime d'Allé ; trois
fille de Memnon de Rhode, dont il a été parlé; Parmenion dans la lettre où
il rend compte à Alexandre de ce qui s'est trouvé à Tyr , dit qu'il y avoit Athena.
trois cent vingt neuffemlnes du second rang du Roy, qui savoient la musique; DipnoJo-
quarantesixfaisenrs de couronnes; deux cent soixante dix sept Cuisiniersex- pbiji. 1.11.
perts, & vingt neuf Cuistres, treize Laitiers,dix sept maîtres pour préparer les c. ZI.
liqueurs;soixante dix Chefs des Celliers, où l'on conservoit les vins, quarante
parfumeurs.
Tout cela fait voir quelle étoit la magnificence du Roy de Perse ; Car
je ne compte pas ce qui se trouva dans la tente de Darius , où Alexandre
entra après la victoire. Il y vit tant de choses prétieuses & une si grande
profusion, qu'il dit à les amis: C'était -la Jans doute vraiment regver. Peut-être
le prenoit-il dans un sens ironique, comme si le Roy de Perie eût fait vaine-
ment consister la grandeur & la Majesté Roïale dans le faite , la somptuosité,
la bonne chére, la mollesse & le luxe. Quant-à l'argent monnoyé qu'on
trouva à Damas, il montoit à deux mille six cens talens, & l'argent façonné
étoit du poid de cinq cent talens. Or le talent ordinaire s'estime sur le pied
Mur!.1.3.
de six cens ecus, ou 1800. livres. On prit aussi dans Damas trente mille
hommes, & sept mille belles de somme. Celui qui avoit livré ces richesses
à Parmenion fut mis à mort par un de ses complices qui porta sa tête à
Darius. , ,
LXV1. Alexandre profitant de sa victoire & de l'effroy que la défaite de Darius
Plusieurs avoit répandu dans les Provinces envoïa Parmenion pour s'emparer de la
,
Provinces flotte des Perses & ses autres Généraux pour se rendre maîtres des places
,
d'Afie se d'Afie. Elles sè rendirent
tendent à sans combat,les Satrapes ou Gouverneurs des villes
Alexandre, vinrent d'eux-mêmes avec beaucoup d'or & d'argent se livrer aux victorieux.
An du M. Alexandre etant entré en Syrie fut saliié par plusieurs Roys d'Orient , qui
g67 2. venoient lui rendre hommage. Il en reçut quelqu'uns dans son alliance , il
avant. J. C priva les autres de leurs Royaumes selon qu'ils avoient paru plus ou moins
328.
attachez à ses intérets, nommant de ,nouveaux Roys dans les lieux , où il ju-
geoit plus à propos. Il reçut en particulier une Couronne d'or, qui lui fut
offerte par le fils du Roy de l'Isle d'Arade ; & qui lui remit en même tems
les villes d'Arade, de Marathe & de Marianne ; Alexandre vint donc camper
QCuriJ.4. prés de Marathe ; Là on lui rendit des lettres de Darius par lesquelles ce
,
Prince demandoit à rachetter ses femmes & ses enfans faits prisonniers de
guerre.
LXVll. Alexandre fut fort piqué de ce que dans lettre de sa lettre , il disoit :
Lettres de Le ityjy Darius à Alexandre, lans y ajouter le nom de Roy.
Darius demandoit
Darius à avec quelque espéce de hauteur & d'Empire,qu'Alexandre lui rendit sa Mère,
Alexandre sa femme & ses enfans, offrant de lui donner pour leur rançon autant d'or&
& d'Ale- qu'il en pourroit tenir dans toute la Macédoine. Q_u'à l'égard de
xandre à d'argent
Darius. l'Empire, il étoit prêt de vuider leur différend par une juste bataille. Qu'au
reste il lui conseilloit de se contenter de son propre Roïaume , sans vouloir
envahir celui d'un autre, & que s'il vouloit vivre avec lui en ami & en allié,
il étoit prêt de lui en donner sa foy &>de recevoir la sienne.
Alexandre lui répondit en cette sorte : Le Roy Alexandre h Darius.
„Cet ancien Roy Darius dont vous avez pris le nom,ruina autrefois les Grecs,
„qui tiennent la côte de l'Hellespont & les Ioniens nos anciennes Colonies.
„Depuis aïant traversé la Mer 'il porta les armes jusque dans le sein de la
,
"Macédoine & de la Grèce. Aprés lui Xercés vint encore pour nous com-
battre avec une armée innombrable de Barbares. Aïant été vaincu dans
„une bataille navale, il laissa en Gréce en se retirant, Mardonius pour sacca-
"gernos villes & désoler nos campagnes ; Qui ne sait que Philippe mon
,,Pere a été assassiné par des meurtriers que vos gens ont subornez par de
,,;zrandes esperances. Car vous entreprenez des guerres impies, & quoique
"y0us
„vous avez les armes à la main, vous ne laissez pas de mettre à prix la tête
„de vos ennemis , comme depuis peu, quoyque suivi d'une grande armée,
„vous avez promis mille.talens à un meurtrier pour me tuer.
,,Ce n'est donc pas moi qui fais la guerre; je me défens. Aussi les Dieux
,,qui favorisent toujours la bonne cause,m'ont aidé à réduire une grande partie
„de l'Asie sous mon obéïssance. Vous-même avez été défait en bataille ran^
„gée; & bien que je ne diifle vous accorder rien de ce que vous m'avez de-
mandé, parceque vous ne m'avez pas fait bonne guerre : néanmoins si vous
„venez en qualité de supliant, je vous donne ma parole que je vous rendray
„vôtre Mere, vôtre femme & vos enfans sans rançon. veux vous montrer
„que je say vaincre & obliger les vaincus. Que si vous craignez de vous
"nlettre entre mes mains, je vous donne ma parole, sur laquelle vous pourrez
„venir en assurance. Mais souvenez-vous une autrefois, quand vous m'ecri-
„rez, que vous écrivez non seulement à un Roy, mais à vôtre Roy. Cette
„reponse fut portée parTersippe.
Alexandre continuant sa route sur les côtes de Phénicie,vint de Marathe LXVIII.
Prise de
à Biblos qui se rendit par composition, & de Biblos à Sidon qui avoit été Sidon.
quelqu'années auparavant si maltraittée par les Perses. Straton y, regnoit alors, Abdalo-
il étoit créature du Roy de Perse & étoit fort attaché à Darius ; C'est pour- nyme y est
quoi Alexandre lui ôta le Royaume , & permit à Ephestion son Favori de établi Roy.
mettre en sa place celui des Sidoniens qu'il jugeroit le plus digne de regner, Arrian. 1.z
Hephestion étoit logé chez deux jeunes freres des plus apparens du païs. Il ,Q. Curt. 14-
leur offrit le sceptre ; mais ils le refusérent,disant que par les loys de l'Etat
nul ne pouvoit monter sur le Trône, qu'il ne fût du sang Roïal. Hephestion
admira leur grandeur d'ame & leur désintéressement & les félicita de ce
,
qu'ils avoient si bien compris qu'il est plus glorieux de refuser un Roïaume,
que de le posseder. Il les pria de lui nommer quelqu'un de la race Royale,
qui fut digne de regner, & qui leur scût gré de lui avoir mis la couronne sur
la tête. Ils lui répondirent qu'ils ne connoissoient personne plus digne de
ce haut rang,qu'un certain Abdalonyn1e descendu des anciens Roys de Sidon,
quoique de loin; mais qui étoit si pauvre, qu'il étoit contraint pour vivre, de
travailler à la journée dans un jardin hors de la ville.
Aussitôt Hephestion envoya veis lui les deux freres avec les ornemens
Roïaux. Ils trouvèrent AbdalonYl11e arrachant les mauvaises herbes de son
J!trdin. Ils le salüérent & lui offrirent les ornemens Roïaux. Il crut d'abord
que c'étoit un songe, ou qu'ils vouloient rire & se moquer de lui; & comme
il tardoit trop à se revétir de ces riches habits, ils le prirent, lui essuyérent la
poussiére & la sueur dont il étoit couvert, & l'ayant couvert d'une robbe de
pourpre rayée d'or, ils le conduisirent au Palaïs. Aussitôt qu'il parut devant
Alexandre, ce Prince lui dit qu'à son air on voyoit bien d'où il étoit sorti ;
Mais dis-moy ajouta-t'if comment as-tu porté ta misére & ta mauvaijcfortune.
, ,
Abd¡ilonyme repondit ; Je prie les Dieux que je puisse porter cette Couronne avec
autant de force. Ces bras ont fourni à tous mes desirs, & tandis que je n'ay rien cu,rien
ne nia manqué.
Cette reponse fit concevoir au Roy une si grande opinion de sa vertu,
prétieux meubles deStraton, mais auili
que non feulement il lui fit donner lesPerses,
plusieurs choses du butin pris sur les & ajouta à ses Etats une des con-
trées voHines,

LIVRE. XIX.

1.
DEja toute ia€yrie & la Phenicie étoient au pouvoir des Macédoniens,
seule ville deTyr; Alexandre étoit campé ion armée
Alexandre excepté la avec
demande sur le continent qui n'en: séparé de la ville que par un petit bras de
auxTyriens Mer. Les Tyriens se flattaient qu'Alexandre feroit quelque diltindion de
l'entrée de leur ville, qui étoit alors la plus grande & la plus célébre de la Syrie & de
leur ville.
An du M. la Phénicie, & qu'il la recevroit dans son alliance, au lieu de la soûmettre à
son empire. Ils lui envoïérent donc des Ambassadeurs, qui lui préientérent
avant 3* C.
une couronne d'or, & lui apportèrent des vivres & toutes sortes de rasraichifle-
leur dit qu'il vouloit aller lacrifier
328.
!LCurt.I.4. mens. Alexandre les reçut fort civilement &
Sf-ujlin. /. à Hercules de Tyr, & cela non seulement parceque les Roys de Macédoine
n.
Diod. ficul. prétendent en être descendus, mais aussi parceque l'oracle lui avoit ordonné
Arrian. de sacrifier à Hercule. Les Ambassadeurs répondirent qu'il y avoit un Tenl-
1. 2. tÔC. ple d'Hercule dans le continent, au lieu qu'on nommoit la vieille Tyr, & qu'il
pourroit y offrir son sacrifice. Alexandre s'emporta & leur dit qu'il vouloit
de gré ou de force entrer dans leur ville, & les renvoya avec cette rS^onse.
Ceux deTyr se confiant en la bonté de leur place, résolurent de soûtenir
le siéo-e. La ville étoit située dans une isle séparée de la terre ferme par un
IL
Siège de la
ville de bras de Mer large de quatre Stades ou de cinq cens pas, lequel étoit exposé
Tyr. vent du couchant qui y excitoit souvent des tourmentes capables de
au ,
renverser tous les ouvrages qu'on pourroit faire pour le combler. De plus
le rocher sur lequel la'ville étoit située, étoit battu des flots de tous côtez,
& la Mer étoit trés-profonde tout au tour, de manière qu'à moins de remplir
toute la profondeur de la Mer , il étoit impossible d'en approcher, si non
Roy n'en avoit point, & quand il en auroit eu, ils
avec des vaisseaux. Lerepoussez
pouvoient aisément être à coups de traits, & ni les machines, ni les
echelles qu'on auroit mis dessus, n'auroient pu faire que trés-peu d'effet ctfa-
des vagues, & de l'initabilité des navires.
tre ces murs, a cause de l'agitation qu'Alexandre
Tout cela faisoit croire auxTyriens ne viendrait jamais a bout
de forcer leur ville, & ils étoient encore encouragez par les Carthaginois
colonie de Tyr, qui étoient alors les maîtres de la Mer, & qui étant venus
offrir leurs sacrifices à Hercules, comme ils faisoient tous les ans, leur pro-
mettoient de leur envoyer un promt secours.
Les Tyriens se mirent donc en devoir de soûtenir le siége, en rangeant
leurs machines sur les remparts, fabriquant des armes & des crocs & crampons
leur jeunesse à manier les
pour jetter sur les ouvrages des aHiégeans, exerçant
• armes,
armes , tout retentissoit du bruit qu'ils faisoient pour les préparatifs de la
guerre. Alexandre qui n'avoit point alors d'armée auprés de lui, & qui
prévoyoit qu'un long siége retarderoit ses autres affaires, leur députa des
Hérauts pour les convier à la paix ; Mais ils les tuèrent contre le droit des
gens & les jettérent du haut des murs dans la Mer.
Cet attentat détermina Alexandre à ne plus différer d'entreprendre le sié-
ge. Ses Soldats ne s'y portoient qu'avec une extréme répugnance, rebutez
par la longueur & la grandeur du travail ; Car où trouver les pierres & les
bois pour remplir la profondeur de ce bras de Mer toujours agité & plein
d'orages ? Alexandre les encouragea en disant qu'Hercules lui étoit apparu
en.songe, lui donnant la main & l'introduisant dans la ville. Il les prit
ensuite du, côté de l'honneur, leur représentant l'insulte atroce faite à ses Am-
bassadeurs, & qu'il, leur seroit honteux de la laisser impunie, & s'il seroit dit
que la seule ville de Tyr résisteroit aux Macédoniens, qui étoient venus a
bout de tout ce qu'ils avoient entrepris jusqu'alors.
On commença donc tout de bon à travailler à la digue. L'ancienne On Ill. travail-
ville de Tyr qui étoit sur la terre ferme & qui étoit alors ruinée, leur four- le à joindre
nissoit des pierres en abondance, & le mont Liban, qui n'est pas loin de là, la ville de
leur donnoit des bois. A force de travaux on remplit une partie du bras de Tyr au
Mer. Mais ce qui rebutoit les Soldats, étoit que plus 4s avançoient, plus continent
la Mer étoit profonde, & plus elle engloutissoit de matériaux. par une
Diguc.
D'abord les Tyriens ne firent que s'en Tailler , demandant si Alexandre
étoit plus puissant que Neptune & si ses Soldats étoient devenus des bétes
à ,
de charge, pour s'occuper ainsi porter sur les epaules des fardeaux énormes.
Ensuite quand la chaussée commença à paroîtrehors de l'eau, Ils s'avançoient
dans des esquifs, & tournant tout au tour ils tiroient sur les travailleurs. Pour
se mettre à couvert de leurs traits, on fit deux tours roulantes à la tête de
l'ouvrage, afin de couvrir les travailleurs, & on tendit des peaux & des voiles,
pour rendre les traits des ennemis sans effet.
Pendant qu'une partie de l'armée étoit occupée à ces travaux devant Tyr, Alexandre
IV.
Alexandre avec un camp volant se jetta dans l'Arabie & l'assujettit. Pendant assujettit
san abtoace, les Tyriens prirent le plus grand de leurs navires, qu'ils chargé- l'Arabie.
^|t dfllble & de pierres sur le derriére, pour faire lever la prouë, & l'aïant
ftIIftté de bitume & de souffre le jettérent dans la Mer & le conduisirent
, ,
droit à la digue. En même tems ils mirent le feu aux matiéres combustibles,
& se jettant dans des chalouppes, qu'ils avoient préparées exprés, ils se reti-
rérent. Le navire enflammé communiqua la flamme aux tours &aux autres
ouvrages qui étoient à la tête de la chaussée ; Cependant ceux qui s'étoient
jettez dans les chalouppes; fomentoient & aidoient la flamme en jettant des,
torches ardentes & des bois enflammez contre les ouvrages. qui furent en un
moment tout en feu.
Le même jour il s'eleva un vent impétueux, qui poussa les vagues contre On V.
la digue avec tant de violence, que tout ce qui la lioit sè lâcha, & les flots mence recom-
passant à travers les amas de pierres, la rompirent par le milieu. Les pierres l'ouvrage
ctant une fois désùnies ; le reste fondit comme dans une abyme, &. Alexandre de la Di-
revenant gue.
revenant d'Arabie, ne trouva presque aucune trace de tantMais de travaux. Le
Rov sans se rebuter fit recommencer une nouvelle diguecelle ; au lieu que
eût le front
la première prétoit le côté aux vents , il .voulut que - cy
aussi plus
tourné pour rompre les flots & assurer les machines. Il lui donnahors
fuirent de la
de largeur, afin que les tours qui étoient bâties au milieu leurs branches,
portée du trait. Ils jettoient les arbres entiers dans la Mer avec
& les chargeoient de grosses pierres,sur lesquelles ils mettaient
d'autres
arbres, qu'ils couvroient d'une terre grasse , pour servir de mortier. Ainsi
tout l'ouvrage se soûtenoit, & étoit lié en un seul corps.
Les assiégez de leur côté n'oublioient rien pour rendre inutiles les tra-
Ils se servoient de plongeurs, qui en nageant entre
vaux des assiégeans. sans être aperçus jusqu'à la Digue & avec des Crocs
deux eaux, venoient
amenoient à eux les branches qui sortoient en dehors, & les tirant de force,
Après quoi il n'étoit
elles entraînoient avec elles tout ce qui étoit dessus.
malaisé d'ebranler les souches qui étoient détachées de leurs fardeaux ;
pas
& ce fondement venant à manquer, tout suivoit & tomboitlaenperplexité, ruine.
Le peu de progrés qu'on fàisoit, jetta Alexandre dans ne
^

sachant s'il devoit quitter où continuer le siége. Mais il fut raliuré par l'arri-
& en même tems
vée de sa flotte composée de cent quatre-vingt voiles passees ,
Cleandre arriva amec les troupes qui étoient depuis peu en Afie. Le
Roy rangea sa flotte disposée en croissant & présenta la bataille aux Tyriens;
Ils mirent leurs Galères tout
Mais ils ne jugérent pas à propos de l'accepter.
de leurs murailles, où elles étoient à l'abry. Ce qui n'empêcha pas
au tour attaquât & n'en coulât trois a fond. Dez le lendemain il
mie le Roy ne les
qu'il fit battre de toutes parts avec
vint mouiller l'ancrée assez prez des murs,
les machines & principalement avec les dehors. & même un
Les assiégez réparoient aussitost les bréches, commencèrent /
de défense, il le premier étoit
au dedans , pour leur servir
nouveau mur commencèrent
renversé. Ils toute fois à reconnoitre le danger ou ils etoient,
lorsqu'ils furent assiégez par Mer & par terre, & qu'ils virent la digue avancée
à la portée dutrait. De plus les Macédoniens avoient joints deux a deux
Galéres à quatre rangs de rames, en telle sorte que les pcuppes tenoient
des
se,,Iible par des poutres mites de travers, sur lesquelles on jet W d une
en
à l'autre des antennes qui s'attachoient ensemble avec des ais eiiw.
poutre Soldats sur ces ais dans l'éspace d'une Galére a l'autre.
placer les
vers pour par les prouës, & tiroient lans
Les Soldats ainsi placez étoient a couvert muraille.
danger contre ceux qui defendoient la galéres ainsi disposées.
°Une nuit Alexandre fit avancer ces pour donner
VI
assaut général. Mais tout d'un coup il s'éleva une si funeuse te111péte,
LesTyriens un le de lumiere qu'il faisoit, & que les
envoient qu'elle déroba aux Macédoniens peu
leurs fem- vaisseaux s'entrechoquant, se brisérent pour la plupart , &
firent perir un
mes & grand nombre de Soldats. En ce même tems arrivèrent de Carthage a Tyr
& leurs en- trentegrand Ambassadeurs, qui
au lieu de ce grand secours qu'ils avoient promis,
sans à Car- qu'ils étoient assez empêchez dans leur pays a
thage. aportérent des excuses, disant
Syracusains ré¡vageantalors
défendre non leur empire, mais leur propre vie. Les
alors l'Afrique avec une puissante armée, les Tyriens n'espérant plus rien de
ce côté-là, envoyérent à Carthage leurs femme-» & leurs enfans, dans Pespé-
rance de suporter plus aisément tout ce qui pourroit leur arriver, lorsqu'ils
verroient en seureté tout ce qu'ils avoient de plus cher.
Cependant ils n'étoient pas sans inquiétude , & comme un de leurs Ci- VIL
Ils enchaî-
toïetîs eût déclaré en pleine assemblée, qu'Apollon lui avoit apparu en songe, nent
& lui avoit dit qu'il alloit abbandonner la ville , & que la digue des Macé- Apollon &
doniens étoit changée en un bocage. Ce discours, quoique l'auteur n'en le lient à
fut pas considérable , ne laissa pas dé faire impression sur les esprits. Les l'autel
Tyriens liérent la statuë d'Apollon avec une chaine d'or & attachérent la d'Hercule.
,
chaine à l'autel d'Hercule, à Qui la ville étoit dédiée espérant retenir Apol-
,
Ion par le moïen de ce Dieu. On a veu cy-devant que les Carthaginois
avoient enlevé cette statuë de Syracuse ; Ils l'avoient envoïée par honneur à
Tyr,ville de leur origine. Ils mirent encore en délibération de faire un Sa-
crifice à Saturne, & de lui immoler selon l'ancienne coutume des Chananéens,
un enfant de condition ;Mais les Senateurs qui avoient la souveraine autorité
dans la ville, en empéchérent l'exécution.
La nécessité est ingénieuse. Les Tyriens trouvérent de nouvelles ma-
chines pour se défendre. Pour incommoder les navires qui s'approchoient
de leurs murailles ils attachérent des grappins, des faulx & des mains de
fer à des solives, ou', à des poutres ; puis aïant bandé leurs machines nom-
mées 1\rbaletes à caille de leur forme & y ayant ajusté ces grosses pièces
,
de bois au lieu de fléches,ils les décochaient tout d'un coup contre les en-
nemis, & en écrasoient, en déchiroient & en tuoient un grand nombre. Ils
avoient aussi des boucliers d'Erain qu'ils jettoient tout rouges de feu &
,
rempli de labié brûlant sur les aŒégeans. Les Macédoniens ne craignoient
rien tant que cela ; Car ce sable pénétrant sur la chair par le défaut de la
Cuuaîié, s'y attachoit tellement qu'on ne l'en pouvoit tirer & les Soldats
brulans, jettant leurs armes,& déchirant leurs habits,demeuroient,
sans defense
& exposez aux coups des ennemis.
Alexandre rebutte d'une si vigoureuse défense, délibéra de lever le siége VIIL
-Jez de palier
en Egypte. Mais la honte d'abbandonner son entreprise, & la Prise de la
crainte de donner atteinte à la réputation de ses armes,le retinrent & l'enga- ville de
gèrent àjtire un dernier effort. Il y eut d'abord une espéce de combat na- Tyr. An du M.
val, danquel-ni ni l'un ni l'autre parti ne put se vanter d'avoir remporté la 367 2.
victoire. Mais deux jours aprés il fit avancer sa flotte & ses machines pour avant J. G.
une attaque générale. Il monta lui-même sur une de ses tours de bois qui ?29.
étoient fort hautes; & aïant été reconnu aux marques Royales & à larichefle
de ses armes, il servit de butte à tous les traits des ennemis. Il fit là des
prodiges de valeur, & son armée navale aïant forcé le port, & quelques Ma-
cédoniens s'étant saisis des Tours que les Tyriens avoient abbandonnêes, les-
assiégez accablez de toutes parts,se virent contraints, les uns de s'enfuir dans
les Temples, pour y chercher un Azyle; les autres de s'enfermer dans leurs
maisons où ils préviennent.les malheurs de l'esclavage & la fureur du vain-
queur, par une mort volontaire. Les autres résolus de vendre leur vie bien
cher, tinrent tête aux Macédoniens, ou les accablérent de pierres, qu'ils jet-
toient du haut des toits.
Alexandre ordonna qu'on fit main baffe sur tous ceux quise trouveraient
dans la ville, à l'exception de ceux qui s'étoient refugiez dans les Temples,
& qu'on mit le feu par tout. Ces ordres furent exécutez, il ne se trouva
dans les Temples que des femmes & des enfans ; les hommes périrent l'epée
à la main. Les vieillards se tenoient a l'entrée de leurs maisons,attendant
le moment d'être immolez à la fureur du Soldat. Les Sidoniens,qui étoient
dans l'armée d'Alexandre, en sauvérent prés de quinze mille les aïant fait
,
monter sur leurs vaissèaux & les aïant secrètement fait conduire à Sidon. On
compta jusqu'à six mille Tyriens tuez sur les remparts de la ville , ce qui
peut faire juger du nombre de ceux qui furent taillez en pièces dans la
place. II. en restoit encore environ deux mille qui étoient echappez au
massacre. Alexandre les fit attacher en croix le long du rivage de la mer.
Il pardonna aux Ambassadeurs de Carthage , qui se trouvèrent dans la ville,
leur déclarant néanmoins la guerre , que la conjoncture présente de
ses affaires lui faisoit différer à un autre tems. Ainsi fut prise & sacca-
gée la vilte de Tyr aprés un siége de sept mois. Nous avons parlé ail-
,
leurs de ce qui se passa par raport aux Juifs & aux Samaritains pendant ce
siége.
IX. Les Macédoniens y perdirent environ 400. hommes. Alexandre mit de
Tyr se ré-
tablit quel.
nouveaux habitans dans Flsle de Tyr, & cette ville se rétablit si parfaitement
dans la suite qu'elle soutint environ 18. ans aprés sa prise, un siége de
qu'années
aprés sa quinze mois ; , du tems de Pline elle s'étoit tellement augmentée , qu'elle
ruine. avoit vingt deux stades de long & dix neuf mille pas de tour, aïant envelop-
Strabo I.16 pé dans son enceinte l'ancienne Tyr , & aïant bâti des maisons sur la digue
gufiin. qui la joignoit au continent. Le vainqueur célébra des jeux [oIemnels
JJ8.c.4.
Diod. en l'honneur d'Hercules , lui offrit des Sacrifices , & lui consacra avec une
Plin. 1. 5, inscription,le vaisseau qu'il avoit pris sur les Tyriens;ilôta à la statuë d'Apollon
,. 1'. la Chaine d'or, que les Tyriens lui avoient mile , donna à cette Divinité le
nom d'Apollon ami d'Alexandre, & lui fit offrir des victimes lolemnelles au
même jour, que les Carthaginois l'avoient enlevé de Sicile.
De Tyr Alexandre se rendit à JérusaIem,où il fit de grands boxeurs au
X..
Alexandre -
Grand Prétre Jaddus. Delà il vint à Gaze, où aïant trouvé uneTorte gar-
a Jérusa- nsson de la part de Darius , il en forma le siége & le poufsa pendant deux
lem. Il mois. Betis l'un des Eunuques du Roy de PerIe la défendoit. Alexandre y
assiége reçut deux blessures, une à l'epaule & l'autre à la jambe. La première fut
Gaze. assez profonde & jetta beaucoup de sang ; toutefois elle ne l'empêcha pas,
An du M.
3673. lorsque la playe fut bandée & le sang arrété , de demeurer à la tête de se s
avant J. 6. troupes qui combattoient contre ceux de Gaze; Mais le lang arrêté par le
317. premier appareil, s'étant mis à couler tout à coup plus fort qu'auparavant, il
.qosepl).
jintiq.l.Xï tomba en défaillance & fut emporté dans le camp. Betis le croyant mort,
QCurt.1,4* rentra dans la ville comme victorieux & triomphant ; Mais le Roy sans at-
tendre
tendre que sa blessure fût guérie, fit eléver une platte forme à la hauteur des> Diodor.
la
remparts, & fit sapper muraille en plusieurs endroits. Par ce moïen il enL Olympiade
renversa plusieurs pans , & donna entrée à ses gens. Il fut le premier H2.
à l'assaut ; & comme il s'avançoit sans précaution , il reçut un coup
de pierre à la jambe , qui ne l'empêcha pas de combattre appuyé sur son
javelot.
Betis après un glorieux combat étant percé de plusieurs coups fut XI.
,
,
abbandonné des siens, & ne se porta pas moins vaillamment pour cela ; Il Prise de la
combattit toujours , jusqu'à ce qu'enveloppé de toutes parts , il fut pris & ville de
mené au Roy. Ce jeune Prince, qui d'ailleurs estônoit la valeur même dans Gaze.
les ennemis, lui parla avec une espéce d'insulte & lui dit : Tu ne mourras
pas, Betis, comme tu l'as souhaitté, mais resous-toy à souffrir tous les tour-
mens que la vengeance peut inventer. Betis regarda le Roy fiérement,
ne lui repondit rien & ne lui donna aucun signe de soumission. Ce qui
irrita de plus en plus Alexandre, & comme les prospéritez ont coutume de
changer & de corrompre les moeurs, il lui fit passer des courroyes à travers
les talons, & l'ayant fait attacher à un char, il le fit traîner par des chevaux
autour de la ville, voulant en cela imiter Achille dont il se disoit descendu^
qui traina de même Hedor autour de la ville de Troyes. Les Macédoniens
perdirent quelque monde devant Gaze, mais du côté des ennemis,il mourut
prés de dix mille hommes.
Vers le même tems Darius écrivit à Alexandre lui offrant sa fille Sta- XII.
, Lettres de
tira en mariage, & lui donnant en dot tout le païs d'entre l'Hellespont & la Darius à
riviere d'Halis, ne se reservant que les terres qui regardent l'Orient ; disant Alexandre
qu'il se sou vint de l'inconstance de la fortune, & de ce qui lui restoit encore & d'Ale-
à subjuguer avant que d'arriver aux extrémitez de l'Empire des Perses ; xandre à
Qu'il auroit le, tems de viellir, à ne faire seulement que passer à travers tant Darius.
QXurt.l.4.
de Provinces qui composoient ce grand empire ; Qu'au reste Alexandre ne
devoit pas le presser davantage de l'aller trouver qu'il n'iroit que trop tost
,
pour lui.
Alexandre repondit à ces lettres; que Darius offroit ce qui n'étoit plus
;i lui; qu'il n'avoit pas bonne grace de vouloir partager ce qu'il avoit entié-
rement perdu, que c'étoit au vainqueur à donner la loi , & au vaincu à la
recevoir , que s'il étoit le seul qui ignorât qui des deux étoit le maître il
s'en pouvoit éclaircir par une bataille. Qu'il ne se bornoit pas aux con.,
quetes qu'il avoit déja faites, qu'il en vouloit à Persepolis, & à réduire à son
obéïssance les derniéres extrémitez de l'Orient ; qu'en quelque lieu qu'il
la
put s'enfuir, il sauroit le suivre à la trace.tans que ni ses rivieres,ni distance
de ses provinces pût l'en détourner.
Pendant que le jeune conquérant faisoit des conquêtes dans la Syrie &
dans la Paleltine ses Généraux faisoient anDi des progrés considérables en Conquêtes Xiii.
Afie. Calas prit ,la Paphlagonie, Antigone la Lycaonie, Balacre, après avoir des Géné-
défait Idarne Satrape de Darius, s'empara de la ville de Milet. Amphotére raux d'A-
& Egiloque avec une armée navale de cent soixante voiles, mirent au pou- lexandre
Hhh z dans
voir
l'Afie. 1
voir d'Alexandre toutes les Isles qui sont entre l'Achaïe & l'Asie , & tout
QXurt.L^. je suite enlevèrent Tenedos, où ils furent apellez par les habitans. L'isle &
<
]ia ville de Chio fut prise par intelligence , ceux de lIsle qui £1vorisoient
]les Macédoniens aïant livré la ville à Amphotére & à Egiloque, qui taillèrent
-

Ien piéces la garnison Persane & se saisirent de Pharnabaze , d'Apollonides


& d'Athénagore qui y. commandoient. Delà ils passérent à Mitylene , que
Chares Athénien avoit prise depuis peu, & où il s'étoit renfermé avec deux:
mille Perses ; Charés ne se sentant pas assez fort pour soutenir un siége, ren-
dit la ville & se retira à Imbre.
XIV.
Darius voyant qu'il n'y avoit pas lieu d'espérer ni paix, ni accommode-
Préparatifs ment avec Alexandre , rassembla de nouveau ses forces & se prépara à la
de Darius guerre.11 ordonna aux Gouverneurs des Provinces de se rendre à Babilonne.
pour la & à Bessus Satrape de la Baétriane,de lui amasser le plus de troupes qu'il pour-
guerre roit, & de le venir joindre.Il faisoit grand, fond sur les Bactriens,quipaflbicnt
contre
Alexandre. pour les meilleurs Soldats de son empire; Mais Bessus lui étoit sufpeft, paice-
qu'on croyoit qu'il aspiroit à la Royauté. Cependant comme les Perfes
sont extrêmement réservez , quand il s'agit de parler des dessèins de
leurs Princes le silence leur étant ordonné-à cet égard sous peine de la
,
* vie Alexandre ne pouvoit apprendre ni où étoit Darius, ni quel étoit sou
,
deiTein.
Dans cette incertitude il entra en Egypte in niediatement aprés lesiégc
XV. sept jours de marche au lieu nommé le camp d'Alexandre.
Alexandre -de Gaze, &se rendit en
se rend Aïant laissé à côté Peluse , où grand nombre d'Egyptiens aïant à leur tête
maître de Amyntas, s'étoient rendus , pour se livrer à lui en haine des Perses, dont ils
l'Egypte. ne pouvoient souffrir l'avarice & l'orgueïl, Alexandre envoya presque toute
Curt. 1. 4. son Infanterie
Arrian.l.'}- vers Peluse, & se mit sur le Nil avec l'elite de ses troupes. Les
Perses ne l'attendirent pas, étant effrayez par la défedion des Egyptiens qui
s'étoient donnez à Alexandre. Ce Prince étoit assez prés de Memphis,
quand Mazaces Lieutenant de Darius & Gouverneur de cette ville, vint luy
remettre entre les mains huit cens talens & tous les meubles du Roy. IL
ordonna a sa flotte de remonter le Nil pour arriver à Memphis, pour lui il
alla par terre, aïant le Nil à sa droite, à Heliopolis; & prit en passant toutes
les villes qui étoient sur sa route. Il passa le Nil,& entra dans Memphis , il
y offrit des Sacrifices à tous les Dieux du pays & en particulier à Apis & y
,
célébra des jeux d'exercice & de Mulique , où se trouvèrent tout ce qu'il y
avoit de plus habiles maîtres.
Delà il descendit le long du Nil & vint à la mer méditerranée , où il
XVI. s'embarqua ses gardes & ses amis , & étant arrivé à Canopes , il fit le
Alexandre avec
bâtit la tour du Lac Mareote ou Moeris, & revint au lieu où est aujourd'hui la ville
ville d'A- d'Alexandrie. La situation lui en parut si commode & si avantageuse, qu'il
lexandrie. résolut d'y bâtir une vilie.ll voulut lui même en tracer le circuit, & marquer
Arrïan.l.i. l'endroit où devoit être la place, les lieux d'assemblées & les Temples.On ra-
conte que n'ayant point sous les mains d'inth-ument propre à tracer sur late!rc
initio.
le circuit des murs de la nouvelle ville , on lui suggéra de prendre la farine
d'orge
d'orge que les Sol-dats avoient dans leurs sacs , & de s'en servir pour cet
usage en la répandant sur la terre ; Mais une grande troupe d'Oiseaux
étant venue pour la manger , on prit cela pour un heureux présage
de l'abondance de vivres qui devoit faire la principale gloire d'Alexandre,
& du grand nombre de Provinces & de nations qu elle devoit nour-
rir. * •de Jupiter Am.. XVII.
Dans le même tems il résolut d'aller consulter l'Oracle
Alexandre
mon ; qu'on tenoit pour un des plus certains Oracles qu'on connût,& qu'on on vavisiter
disoit avoir été autrefois consulté par Persée & par Hercule , qu'Alexandre l'Oracle de
se faisoit gloire d'imiter, comme étant un de leurs descendans. La difficulté Jupiter
étoit d'y aller, car il falloit passer par des deserts stériles & sans eaux,dont les Arria;,t.
Ammon.
l.%
sables brûlans & sans consistance , sont aussi incommodes par leur chaleur g-,Curt.1.4.
insuportable, que par leur légéreté, & leur inhabilité, d'où a peine peut onse Plutarch.
retirer, & où l'on a veu, dit-on,des armées enveloppées & englouties,comme Alexandre in
dans des abymes. Les Egyptiens, comme c'est l'ordinaire, faisoient encore
le danger plus grand, & exagéroient les difficultez de cÈen1Ïn.Alexandre. ne
s'en eflraïà pas. Il marcha le long de la mer jusqu'à Paraetomum , puis il
entra dans les déserts sablonneux , dont on a parlé. On y souffrit beau-
coup par la disette d'eau , & par la chaleur excessive. Mais le Ciel
s'étant, couvert de nuages epais qui se résoudirel1t en une grosse pluïe,
l'armée qui accompagnoit Alexandre , eut de quoi se raffraichir , & de
quoi remplir les outres qu'on portoit sur des chameaux dans des peaux
de Boucs. On dit de plus que deux dragons, sélon les uns , ou deux
corbeaux selon les autres , servirent comme de guides à Alexandre & à sa
compagnie.
Il arriva au Temple d'Ammon après quatre jours de marche. C'est un XVI 11.
lieu si tué au milieu de deserts inhabitez de toutes parts , n'ayant pas plus de Déscrip- du
quarante stades, ou trois mille pas de largeur , aux endroits où il est le plus tion Temple &
etendu. C'est une choie étrange que dans une telle situation, il est environné de POrade
d'un beis si touffu, qu'à peine le Soleil le peut-il percer avec ses raïons. Il d'Artimon.
yaauffi plusieurs fontaines d'eau douce, qui arrosent ce bois,&en conservent
la verdeur. L'air y est si tempéré que pendant toute l'année ce n'est
qu'un continuel printems. L'on y voit une fontaine admirable , nommée
l'eau du Soleil ; Au point du jour elle est tiéde ; à midy froide; sur le soir
elle s'echauffe peu à peu, & à minuit elle est toute bouïllante; puis à mesure
que le jour approche, sa chaleur diminuë ; continuant toujours dans cette
vicissitude. o
Les habitans de cet agréable bocage s'appellent Hammoniens, & logent
dans des Cabanes écartées les unes des autres. Au milieu du bois on voit
plusieurs enceintes au centre desquelles est le Temple du Dieu A m ni on.
, étoit le palais des anciens Roys du païs. Dans
Dans la première enceinte
la sécondé les appartemens de leurs femmes, de leurs enfans & de leurs con-
cubines. Là est aussi le Temple d'Ammon ; Dans la derniére enceinte étoit
le Quartier des Archers & des Gardes du Prince. Le Dieu qu'on adore dans
ce Temple, n'a point la figure que les peintres & les sculpteurs ont accou-
tumé de donner aux Dieux. Il est tait d'emeraudes & d'autres pierres pré..
tieuses, & depuis la tête jusqu'au nombril, il ressemble à un Belier. Quand
on le veut consulter, les Prêtres le portent dans une nef dorée, garnie d'une
quantité de coupes d'argent, qui pendent des deux côtez. Ils sont suivis
d'une trouppe de femmes & de jeunes filles, qui chantent Certains Cantiques
grossiers à la mode du païs le moïen desquels elles croient se
, par
rendre Jupiter favorable & le disposer à rendre des réponses claires &
,
favorables.
Le Roy donc s'étant avancé dans le Temple, le plus ancien des Prêtres
XIX.
Oracle l'appella ion fils, l'asfurant que Jupiter son Pere lui donnoit ce nom. Et lui
renda à oubliant qu'il étoit homme ; répondit qu'il acceptoit cet honneur & recon-
Al cx-i-,I(Ire noissoit Jupiter pour ion Pere. Aprés il demanda si Jupiter ton Pere
pirl'oracle avoit ne lui
d'Ammon. Roy étoit pas destiné l'empire de tout le monde. Le Prétre allai flatteur que le
vain, lui dit qu'il seroit Monarque de l'univers. Il s'enquit encore
si tous les meurtriers de son Pere avoient été punis. Sur quoy le Prétre
s'écria; Vous blasphemez ; vôtre Pere est immortel: Mais les meurtriers de
Philippe sont tous exterminez, ajoutant qu il seroit invincible jusqu'à ce qu'il
eue pris rang parmy les Dieux. Alexandre combla & le Temple & les
Prêtres, de présens magnifiques & permit à ses principaux officiers de con-
sulter aussi l'oracle; Mais ils ne lui demandèrent autre chose, si non s'il leur
conseilloit de rendre des honneurs divins à leur maître, à quoy il repondit
qu'ils feroient chose tiés-agréable a Jupiter,s'ils révéroient comme un Dieu,
XX. un Prince vidorieux de tant de Nations.
Lettres Quoique tout cela ne fut qu'impothire au jugement même des Païens
d'Alexan- (a) & qu'Alexandre ne consultât l'oracle que pour en imposer à la crédulité
dre à peuples, toutefois non seulement il souffrit qu'on l'appellât fils de
Olympiade des
sa'Mere. Jupiter; Mais il le commanda, & nous verrons dans la fuite ce qu'il en coûta
Ca) à ceux qui voulurent lui resuser ce titre ; tant il est dangereux de se laitier
Quint. aveugler par sa bonne fortune & de s'oublier dans la prosperité. Alexandre
Curt- 1.4. dans la lettre qu'il écrivit à sa Mere sur ce voyage (b) lui dit que l'Oracle
gulf.l.XJ.
Cb) lui a révélé des secrets , qu'il se reserve à lui dire , quand il sera de retour
Plutarch. auprés d'elle. D'autres (c) assurent, que le Roy aïant écrit à sa Mere en ces
in Alexan- termes : Le Roy Alexandre, fils de Jupiter Ammon,saliïe sa Mere Olympiade;
dre). Olympiade lui récrivit ; Je vous prie, mon fils, de demeurer en repos &
(0 de ne pas m'accuser auprès de Junon d'avoir eu commerce avec Jupiter;
'M. Varro
apud Gel- elle ne me le pardonneroit jamais, s'il étoit dit que j'ay été fc rivale auprés
lium 1.1 3. de son Epoux. Dans une autre, ou peut - être dans la même lettre, il diroit
c. 4.
Cd)
Aug. de Ci.
savoir que les Dieux n'étoient que des hommes,
culte souverain.
a
à sa Mere (d) que le Grand-Prêtre des Egyptiens lui avoit révélé un secret,
qui l'on avoit dans la suite
vit.l.%. c. ç. rendu un
Tertull. lib Aprés cela Alexandre retourna en Egypte,& se rendit à Memphis, où il
de pallio reçut de nouveaux renforts de troupes nouvellement arrivées de Gréce &
c.?. Mmut, Thrace ; Il y sacrisia & célebra des jeux en l'honneur de Jupiter son Pere,
in QHavio &
&c.
& lui envoya des présens par ses Soldats en armeS. Puis il ordonna aux
villes voisines d'Alexandrie, de faire paffer de nouveaux habitans dans cette
ville qu'il venoit de bâtir, & qu'il avoit renduë la Capitale de l'Egypte. Il
avoit une grande curiosité de visiter non seulement les provinces les plus
reculées de l'Egypte, mais encore l'Ethiopie, & de voir les fameux Palais
de Memnon fils de l'Aurore & de Titan ; mais la guerre de Darius qui lui
alloit tomber sur les bras plus forte encore qu'auparavant, ne lui permettoit
pas ces courses inutiles. Il sortit donc de l'Egypte, aprés y avoir laissé des
trouppes pour la garder, & iEschyle de Rhodes avec Peuceste Macédonien
pour la gouverner.
Comme il étoit encore en Egypte il aprit que les Samaritains avoient XX/.
brûlé vif Andromaque Gouverneur de Syrie. ,
Il partit le plutost qu'il lui fut Alexandre
possible pour venger cette cruauté. Etant entré en Palestine, on vint lui retourne
remettre entre les mains les auteurs de cet attentat, & aprés les avoir fait enPhénicie
exécuter il donna le gouvernement d'Andromaque à Memnon. Il livra & en Sa-
,
auln les Tyrans du païs à la fureur des peuples qu'ils avoient opprimez, & marie.
qui pour se venger des outrages qu'ils en avoient reçus leur firent souffrir
toutes sortes de tourmens. Il prit la ville de Samarie, &, y mit une colonie
de Macédoniens; Il donna aux Juifs le pays des Samaritains, recompense
de la fidélité qu'ils lui;avoient gardée, & l'exempta de Tributeh leur confi--
dération. en
Il vint ensuite à Tyr & y célébra des jeux d'exercice & de
Musique où les Roys de Chypre ,
, ,
qui avoient abbandonné le parti
des Perse pour se donner à lui furent les Condudeurs des Choeurs
,
de Musique.,; & aprés avoir sacrifi^ à.J1ercuIe Tyrien & lui avoir
consacré une couppe d'or avec trente pa\Wes ,
il partit pour faire la guerre
,
a Darius.
Ce dernier Prince aïant été informé qu'Alexandre étoit résolu de le
XX77.
chercher avec toutes ses forces en quelque lieu qu'il allât, avoit ordonné Darius se
que
à
toutes les trouppes qu'il attendoit se rendissènt Babilonnc.' Déjà lesBadriens, dispose à
combattre
les Scythes & les Indiens s'y étoient assemblez avec les autres nations,
qui Alexandre.
ne s etoient pas tro.uvées en la première bataille ; Et parceque son armée
etoit plus grande presque de moitié qu'elle n'avoit été Cilicie, plusieurs
en
étoient sans armes, mais il fit toute sorte de diligence pour en recouvrer &
pour leur en fournir. Les Gens de cheval étoient tout couverts de lames
de fer, & leurs chevaux bordez de même. Il donna l'epée & le bouclier à
ceux qui auparavant n'avoient que le javelot, & tira tous les jeunes chevaux
des Haras, pour monter une partie des gens de pied & se rendre plus fort
en Cavalerie qu'il n'avoit été auparavant. ,
Deux cens Chariots armez de
faulx sui voieiit. Du bout du timon sortoient comme deux Javelines
presentoient eurs pointes; & de chaque côté il y avoit trois lames tranchantes qui
fichées dans le joug des Limoniers. Entre les rais des roues tout étoit garni
de langues de fer qui avançoient en dehors, & au côté des Jantes il
encore des faulx, les unes tournées en haut, les autres en bas, qui lorsqu'ony avoit
venoit
venoit à pouffer les chevaux , taillaient en pieces tout ce qu'elles rencon-
troient. Ces Chariots étoient au nombre de deux cens , & Darius faisoit
consister en cela la principale force de son armée. Il avoit de plus quinze
Elephans qui lui a voient été amenez par les Indiens. On n'efl; pas
d'accord sur le nombre des Soldats de Darius , mais il avoit au moins
huit cens mille hommes de pied & deux* cens mille chevaux. Alexandre
n'avoit qu'environ quarante mille hommes de pied , & sept mille che-
vaux.
XX111. Darius partit de Babilonne & marcha vers Ninive, aïant le Tigre à sa
Darius part droite & l'Euphrate à sa gauche ; son armée couvroit les campagnes de Mé-
dcBabilon- sopotamie ; aïant passé le Tigre, & aïant eu avis que l'ennemi n'étoit pas
envoya deux de ses Géncraux avec de la Cavalerie, pour empêcher
neçX; arrive loin, il
à Arbelles. passage de la riviere, & pour faire le degat par tout où Alexandre devoit
An du M, le
3673. paffer, croïant le ruiner par la disette, parcequ'il n'avoit de provision que ce
avant J. G. qu'il en prenoit à la faveur de la guerre. Darius arriva bientôt à Arbelles,
327. où aïant laissé la plus grande partie de ses munitions & de son bagage, il ht
un pont sur la riviere de Lyce , & passa son armée en cinq jours, comme
auparavant il avoit fait l'Euphrate. Delà s'étant avancé d'environ quatre-
vingt stades , ou quatre lieuës , il campa sur le bord d'une autre rivière
nommée Boumelle dans un lieu nommé Gaugamele, qui étoit fort propre
pour ranger une armée en bataille, parceque c'étoit une grande campagne

XXIV.
que rien n'empêchât sa Cavalerie.Ify .
où il n'y avoit ni buisson ni rien qui empêchât de découvrir de tous cotez,
& s'il y avoit quelque endroit bossu, ou inégal, il le faisoit applanir, afin

Alexandre arriva àThapsaqusjii avoit un gué pour passer l'Euphrate.


Alexandre Il y trouva deux ponts, mais qui n'alloient pas d'une rive à l'autre. Mazée
paile l'Eu- à qui Darius avoit ordonné de garder ce passage, se sauva avec toutes tes
phrate. laissa la liberté & la fa-
troupes, dez qu'il aprit l'arrivée d'Alexandre, & luipasser
cilité, d'achever ces ponts commencez, & de faire son armée. Après
avoir donné quelque peu de jours à ses Soldats pour reprendre leurs esprits,
il se mit àpoursuivre Darius dans la crainte qu'il ne gagnât les dernieres par-
ties de son Royaume,& qu'il ne le fallûtsuivre parles deserts dans la disette
de toutes choses. Il descendit donc vers Babilonne, aïant à sa gauche l'Eu-
phrate & les montagnes d'Armenie, parceque cette route étoit la plus com-
mode pour les fourages & la moins brûlée des ardeurs du Soleil. En même

XXV.
Cilicie..
tems on prit quelques espions de Darius, qui déclarérent que ce Prince étoit
campé surie Tigre , résolu de lui en disputer le passage, & que ses forces
étoient de beaucoup supérieures à celles qu'il avoit au combat d'issus en
Etant arrivé sur le Tigre, il n'y rencontra ni Darius,ni aucunes troupes de
Alexandre sa part, & aïant fait sonder le gué de ce fleuve, il se trouva que les chevaux
palïe le
en avoient jusqu'aux flancs
à l'entrée, & au milieu jusqu'au coÙ. De tous
,

Tigre. les fleuves d'Orient, celui-ci est le plus rapide ; Il ne roule pas seulement
An du M. de plusieurs torrens, mais des pierres mêmes, d'où vient qu'on lui
les eaux
3<573. donne
donne un nom en langue persienne qui signifie flèche pour marquer son
extrême rapidité. Aïant donc disposé son Infanterie en, forme de croissant,
& mis la Cavalerie sur les ailes, ils vinrent jusqu'au fil de l'eau sans beaucoup
de peine, portant leurs armes sur leur tête. Alexandre passa à pied parmi
l'Infanterie,^ & fut le premier qui parut à l'autre bord, d'où il montroit de la
main le gué aux Soldats, sa voix ne pouvant être entendue, à cause du bruit
des eaux & de tant d'hommes, qui ne pouvoient qu'à peine se soûtenir, tant
à cause des pierres, qui les faisoient glisser que de l'impétuosité du courant,
qui les entraînoit. Ceux qui portoient leurs ,
hardes avec leurs armes étoient
les plus emfearassez. Ils étoient souvent obligez d'abbandonner leurs hardes,
qui flottant ça & là en faisoient tomber plusieurs. Ceux qui tachoient de
ravir ce qui leur apartenoit, se donnoient plus de peine les uns aux autres,
que ne leur en donnoit le fleuve. Le Roy avoit beau crier qu'on sauvât
seulement les armes, qu'il rendroit tout le reste ; On n'écoutoit ni ses con-
feils ni ses ordres tant on faisoit de bruit & tant le trouble étoit grand.
, ,
Enfin toute l'armée passa sans qu'on y perdit autre chose que quelque ba-
,
gage.
Il est certain que cette armée auroit été taillée en pièces s'il y eÍlt XXVI.
,
eu quelqu'un qui eût osé vaincre. Mazée qui les pouvoit défaire aisément, s'il Mazée ar-
fut venu à tems & pendant qu'ils passoient la riviere, n'arriva que quatre rive trop
jours aprés, & aïant, tard pour
envoïé devant quelques mille chevaux, ce petit nombre disputer le
fut reconnu & méprisé par Alexandre, il commanda à Ariston Colonel de la passage du
Cavalerie Péonienne, d'aller à toutes brides les charger. Ariston s'attacha Tigre à
a Satropate Chef de la Cavalerie des Perses, lui donna un coup de Javeline à Alexandre.
la gorge, le poursuivit à travers les ennemis, comme il s'enfuïoit, le renversa Arrian.l.'i.
Q^Çurt.l. 4.
de son cheval & malgré toute sa résistance lui couppa la tête qu'il aporta Plut. in
,
aux pieds du Roy, en lui disant: Sire, un tel present se paye parmi nous par Alexand.
un autre présent d'une couppe d'or; Alexandre soûriant lui repondit : Ouï,
d'une couppe d'or vuide; mais moy je vous la présente pleine de vin.
Alexandre demeura là encore deux jours puis il commanda qu'on se XXV11.
tmt prêt pour la marche. Mais environ la premiere , .
veille de la nuit qui ter- Eclipse qui
minoit le 20. Septembre de l'an du monde 3673. tout à coup le Ciel étant jette le
clair & serain, la Lune perdit premièrement sa lumière, & aprés parut comme trouble dans l'ar-
souïllée & teinte de sang. Comme on étoit à la veille d'une grande bataille, mée d'A-
toute l'armée qui ignoroit la cause naturelle de cet evénement, crut que c'é- lexandre.
toit une marque du courroux du Ciel & criant qu'on les traînoit contre la An du M.
volonté des Dieux aux extrémitez de la, terre ; que les rivieres s'opposoient 3673.
à leurs passages, que les Astres leur refusoient leur clarté accoutumée qu'ils avant J. a.
; 327.
ne voyoient que des deserts & des solitudes; que pour contenter l'ambition Le zo.Sel'.
d'un leul homme, qui désavoiioit son Pere, & vouloit paffer pour fils de Ju- tembre.
piter, il falloit exposer tant de milliers d'hommes, & sacrifier leur sang à ion
orgueil.
Ces murmures alloient à une sédition ouverte, lors qu'Alexandre qui XXVIII.
ne
s'étonnoit de rien, fit appeller en sa tente les Chefs & les Officiers de l'armée, Explica-
& en leur présence consulta les Devins Egyptiens, qui passoient pour les plus tion de
Tom. II. Iii ' r versez
l'
Edipfc
savorable versez dans la science des Astres, sur ce que
signifioit cette eclipse de la Lune.
à Alexan- Ces Devins, qui n'ignoroient pas que ces effets font tout naturels , & causez
dre. la' se trouve interpolée entre le Soleil & la Lune,en sorte que le
parceque terre
four du S oleil étant coupé,ne se réfléchissant plus sur le corps de la Lune, ils
se contentérent de leur dire,que le Soleil étoit pour lesGrecs,& la Lune pour les
Perses,&qu'elle ne s'eclipsoit jamais qu'elle ne les ménaçâtde quelque calamité,
sur quoi ils raportoientplusieurs exemples de l'antiquité, qui justifioient leur re-
offrit des Sacrifices à la Lune,au Soleil&à la
marque & leur prédiction. Alexandrecauses des ecliples;AriftandreDevinparticu-
terre qui sont considérez corne les
lier d'Alexandre, dit de même que cette eclipse étoit un présage delà victoire
se donneroit dans le mois & que les
pour les Macédoniens, que le combat annonçoient heureux succés. ,
Sacrifices qu'on venoit d'offrir, un
Rien n'est plus puissant que la sùperstition pour contenir le peuple dans
le devoir. Quelque effrené & quelque en1û qu'il soit, s'il a une fois l'esprit
frappé d'une vaine religion , il obeïra plutost à les Devins qu'à les Chefs &
qu'aux personnes les plus sages. La reponse des Egyptiens, & d'Ariltandre
étant divulguée parmi les troupes , releva leurs eipérances & leur cou-
& le Roy voulant profiter de cette ardeur décampa à la seconde
rage
veille'de la nuit, c'est-à-dire, environ minuit. 11 avoit ,
le Tigre à sa droite &
les monts Gordiens à sa gauche. Au point du jour les coureurs lui rapor-
tent que Darius vient à lui. Aussitôt il range son armee & se Inet a leurtête.
Mais il se trouva que ce n'étoit qu'environ mille chevaux qui alloient à la
découverte, & qu'on avoit pris pour un corps d'armée. Alexandre fit don-
sur cette troupe. On en tua quelques uns des plus mal montez, on en
ner
prit quelques autres, le reste regagna le gros de l'armée.
XXIX. En même tems il fit avancer quelques Cavaliers,tant pour apprendre des
Alexandre nouvelles,que pour eteindre le feu , que les-eniiemis avoient mis surie haut des
sait etein- maisons, & sur les tas de froment qui étoient à la campagne. Comme le
dre les
feu n'avoit pas eu le loisir de pénétrer dans les tas de grains , on l'eteignit
aisément, & le Soldat trouva des vivres en abondance.. Les troupes d'A-
seux mis
par les
Officiers lexandre craignant que l'ennemi ne consumât par le feu tout ce qui était
de Darius dans les champs, s'excita à user de diligence pour le prévenir , & dans cette
la raison.
aux mon-
ceaux de
rencontre la nécessité fit tout ce qu'auroit pu faire
Mé, Alexandre informé que Darius n'étoit plus qu'à cent cinquante stades
environ huit lieuës delà & se trouvant dans un pays où il ne manquoit
ou , Mais aïant surpris des lettres de Darius,
de rien, y séjourna quatre jours.
lesquelles il sollicitoit les Soldats Grecs de tuër le Roy , ou de le trahir,
par
il délibéra s'il devoitles lire à la téte de l'armée , ne celle se tenant pas moins af-
sûré de l'affeétion & de la fidélité des Grecs, que de des Macédoniens;
Mais Parmenion l'en dissuada, disant qu'il étoit perilleux de donner connois-
sance aux Soldats de telles propositions ; qu'il n'en falloit qu'un pour faire
un mauvais coup; qu'il n'y avoitson rien dont l'avarice ne fut capable ; il suivit
XXX. armée.
Mort de un si sage conseil, & fit marcher
Statira Sur la route un des Eunuques qui accompagnoient Statira femme de
scais-ne de Darius, lui vint dire qu'elle se mouroit & que peut-être elle n'étoit
,vie :
vie< Elle étoit en effet tombée evanouïe entre les
bras de la Reine Sisigambis jDarius.
La douleur de sa An
& de ses Bellessoeurs & bientôt après avoit rendu l'esprit. .
da M.
mauvaise fortune, la fatigue du vovage, & une fausse couche lui causèrent la avant 3674.
J 6.
Le Roy n'en fut pas moins touché que si on lui avoit annonce la ,
'
mort
mort'de sa propre Mere. Il vint en la tente de Sisigambis Mere de Darius, 316.
vénérable Princesse- couchée
& sa douleur se renouvella , lorsqu'il vit cette
de Darius avoient leur tête sur son sein, jeunes filles à
par terre. Les filles étoit là d'autant
la fleur de leur âge; son petit fils, qui n'étoit qu'un enfant ,
plus digne de pitié, qu'il ne sentoit pas la calamité dont le plus grand faix
,leurs. On auroitdit, àle
retomboit sur lui. Alexandre mêla ses larmes aux
voir, qu'il pleuroit au milieu des siens; il s'abstint ce jour-là de manger,& fit
à cette PrinceiTe des funerailles Royales avec toutes les cérémonies & la
magnificence usitées parmi les Perses. On a toujours loiié avec raison & la
bonté d'Alexandre & sa continence dans sa victoire & dans sa prospérité. Il
n'avoit jamais veu qu'une seule fois Statira , qui fut le jour qu'elle fut prise >
& encore n'étoit-ce pas elle qu'il alloit voir, mais Sisigambis Mere de Darius,
tellement que cette beauté si excellente ne fut pas pour lui un attrait de vo-
lupté, mais un sujet à faire éclatter sa vertu. C'est la remarque de Quinte-
Curce.
Pendant les troubles & les embarras de ce deuïl & de ces funerailles, On XXXI.
Eunuques de la Reine- trouva moïen de se sauver par une Issuë que annon-
un des ce à Darius
l'on ne gardoit pas bien que
si les autres , & se rendit au camp de Darius ; la mort de
On le ména tout en pleurs & déchirant ses habits à la tente du Roy , qui ne sa femme.
l'eut pas pliitoft aperçu, qu'il lui dit : mon ami, je vois bien que tu viens
m'annoncer quelque mauvaise nouvelle, mais "ne me déguise rien, & nepense
affligé ; Car j'ai apris à être malheureux,
cas m'épargner, parceque tu me vois miierables, de lavoir jusqu ou va leur
& c'est une espéce de consolation aux
misère. Ne feroit-ce point des nouvelles de l'indignité que ce que j'ay de
plus cher a rcçüe dans sa prison ? Sire, lui repondit l'Eunuque, il n'y a sorte
d'honneur que des sujets puissent rendre à leur Roy, qui ne leur ait été rendu
n'est plus en vie.
par le vainqueur, mais la Reine vôtre femme le
Bientôt aprés vous eussiez ouï par tout camp, non des gémissemens,
mais des cris & des hurlemens étranges. Darius ne douta point qu'elle n'eut
été tuée, pour n'avoir pas voulu souffrir qu'on attentât à sa pudicité. L'Eu-
qu'il ne lui avoit été fait aucun
nuque lui jura par tous les Dieux du païs ,
traittement qui fût indigne d'elle ; qu'Alexandre avoit pleuré sa mortauffi-
amèrement que lui,qui étoit son mari auroit pu faire. Darius ne put encore
se guérir par le serment del'esclave; il fit sortir tout le monde,& le prenant
de ne lui rien déguiser. L'Eunuque
en particulier, le conjura avec menaces
offre son corps aux tortures les plus terribles, & apellant les Dieux à témoins
pasTé qui ne soit plein
avec des sermens horribles, il l'assure qu'il ne s'en: rien
d'honneur & de vertu. Alors Darius après avoir donné quelques momens à
l'on extrême douleur, se découvrit la tête & levant les mains au Ciel,fit cette
priere; Dieux protecteurs de la Couronne des Perses, je vous demande pre-
mièrement qu'il vous plaise me rétablir sur le Trone; mais si les destinées en
ont autrement ordonné , ne permettez point que l'Empire de l'Asie tomtre
en d'autres mains, qu'en celles d'un vainqueur si modéré.
xxxu. En même tems il envoya dix des principaux de ses parens, pour pro-
Députa- poser à Alexandre de nouvelles conditions de paix. Ils parlérent dans leCon-
tion de seil d'Alexandre & témoignèrent
Darius à leurs affaires, que ce n'étoit pas moins par la nécessité de
Alexandre que vaincus par la justice , la vertu & l'humanité d'Alexandre,
pour de- qu'ils venoient pour la troisiéme fois lui demander la paix ; Qu'ils étoient
mander la chargez de lui offrir la fille de Darius en mariage, avec tout
ce qui est entre
paix. l'Helleipont & l'Euphrate ; qu'il offroit de plus de lui laitier en otage son fils
An du M. Ochus à condition qu'on lui rendroit sa Mere & ses deux filles,
1674- , pour la
avant J. G. rançon desquelles il prioit qu'on acceptât trente mille talens d'or. Ca) Aprés
326. qu'ils eurent parlé, ils sortirent & Alexandre demanda l'avis de son Conseil.
(a) On fut quelque tems sans ouvrir la bouche, parcequ'on ignoroit à quoiincli-
Cure. noit le Roy. Enfin Parmenion rompit le silence
& lui dit: Que dezle com-
porte go.
mille talens mencement il avoit été d'avis de rendre les prisonniers à ceux qui les vou-
d' orsffujlin droient rachetter , qu'on auroit pu faire de gresses sommes de leur rançon,
Diodpre qu'étant en fort grand nombre, ils occupoient de braves Soldats dignes d'un
de Sicile meilleur employ. Qu'encore à prêtent il conseilloit de prendre trente
mettmt
des talens mille talens d'or pour le rachat d'une vielle femme & de deux jeunes filles,
d'argent. qui à le bien prendre, n'étoient qu'un vrai embarras d'armée. Que par le
traitté qu'on offroit au Roy on le rendroit maître d'un des phis beaux
Royaumes du monde qu'il ,pourroit se vanter que jamais avant lui aucun
Grec n'avoit possédé cette,
vaste étenduë de païs,qui est entre les fleuves d'ivre
ou le Danube & d'Euphrate, & qu'il lui paroissoit qu'il devoit plutost tour-
ner les yeux du côté de la Macédoine, que du côté des Badriens & des Indes.
Alexandre fut offensé de ce discours, & dit, que s'il étoit Parmenion, il pré-
férerait l'argent à la gloire; Mais qu'étant Alexandre il ne craignoit point
,
de devenir pauvre : qu'il étoit Roy & non pas marchand si l'on juge a
, que
propos de renvoyer les prisonniers, il est bien plus honorable de les renvoyer
sans rançon, que de les rendre pour de l'argent.
XXXlll. Puis aïant fait rentrer les Ambassadeurs, il leur dit que les remercimens
Jléponse sont superflus entre gens qui se font la s'il avoit usé de clemence
d'Alexan- & de courtoisie guerre ; que
dre aux envers les personnes qui ap;lrtenoient à Darius , ç'avoit été
Ambafîâ- pour se satisfaire, & non pour aucune affection qu'il lui portât ; qu'il n'en
deurs de vouloit qu'à ceux qui avoient les armes à la main. Que Darius ne cessant
Darius. de solliciter par ses lettres & par son argent ses Soldats à le tuer ou à le tra-
hir, il étoit résolu de le poursuivre à toute outrance non plus comme un
ennemi ; mais comme un empoisonneur & un auaHin., Qu'en lui offrant
tout ce qui est entre l'Istre & l'Euphrate, il ne lui offroit que ce qu'il pos-
sédoit deja; Qu'enfin tout ce qui lui restoit & tout ce qu'il avoit perdu de-
voit être le prix d'une bataille; Que c'est à elle à décider des limites de leur
Royaume, que demain elle fera leur partage. Les Ambassadeurs partirent
avec cette réponse qu'ils rapportérent à Darius.
AuŒt 6t
Aussitôt que ce Prince eût appris ces nouvelles, il envoya Mazée avec xxxiv,
trois mille chevaux se saisir des avenuës , & Alexandre marcha contre les Darius se
dispose à
ennemis. Son Infanterie étoit disposée en deux corps & couverte des deux marcher
côtez par la Cavalerie qui étoit sur les ailes. Le bagage suivoit en queue. contre
Aprés il envoïa Menidas avec la Cavalerie des Scythes , apprendre des nou- Alexandre,
velles de Darius. Menidas aïant apris sur le chemin que Mazée n'étoit pas An du M.
loin de lui, il revint sur ses pas, sans raporter autre chose, si non qu'on n'en- avant 3674-
J.G.
tendoit que bruit d'hommes & que hennissement de chevaux. Mazée de san 326.
côté découvrant de loin les coureurs de LVlenidas, se retira dans le camp de
Darius, où il annonça la venue de l'ennemi. Ce Prince commença donc à
disposer l'ordre de son armée.
Celle d'Alexandre fut tout d'un coup saisie d'une terreur panique ; On XXXV.
vit l'air tout en feu, comme on voit pendant l'été les exhalaisons s'enflam- Terreur
pendant la nuit, & lueurs s'étendoient bien loin du côté panique
mer parceque ces répandue
de l'armée de Darius, ils s'imaginèrent que c'étoieut les feux de son camp, & dans Par-
qu'ils étoient tombez imprudemment dans les corps de garde avancez. mée d'A-
Alexandre voyant cette épouvante fit faire alte à ses troupes, leur commanda lexandre.
de mettre les armes bas, & de se reposer, leur remontrant que l'ennemi étoit
bien loin delà. A la fin leur esprit se remit, le courage leur revint, & ils
reprirent les armes. Neanmoins on trouva à propos de camper au même
endroit, & de s'y retrancher.
Le lendemain, Mazée qui s'étoit logé avec quelque Cavalerie d'élite sur
une emmence, d'où l'on découvroit le camp des Macédoniens, retournavers
Darius. Alexandre qui étoit décampé dez la seconde veille de la nuit, dans le
dessein de livrer le combat au point du jour, se saisit de ce poste qui lui étoit
très-avantageux & d'où il pouvoit à [on aise considérer le champ de ba-
,
taille. Mais il s'étoit élevé un brouillard, qui faisoit qu'on ne pouvoit dis-
cerner les bataillons, ni les escadrons, ni l'ordre dont l'armée de Darius étoit
disposée. On la voyoit seulement en gros, & toute la pleine inondée de
cette multitude d'hommes ; Le bruit confus de tant de milliers d'hommes
éturdilsoit ceux mêmes qui en étoient bien loin. Ce fut alors que le Roy
voyant le danger de plus prés, commença un peu àrabbattre de cette grande
assurance & se mit à balancer tantoit son avis, & tantost celui de Parmenion.
Mais il n'étoit plus temps de délibérer. On étoit trop avancé, il jugea donc
qu'il ne falloit plus différer le combat, de peur que le désespoir des siens ne
s'accrût, & cachant son inquiétude il fit avancer la Cornette des Peoniens
soudoyez devant sa Phalange. ,
Cependant le brouïllard étant tombé, on vit tout à découvert l'armée XXXVI.
de Darius. A cette veuë les Macédoniens soit d'allegresse ou ennuyez d'une Ardeur de
si longue attente, jettérent un grand cri comme de ?armée
gens qui vont à la charge, d'Alexan-
& les Perses leur ayant répondu remplirent d'un bruit effroïable les foréts dre à la
& les vallons d'alentour. ,
On ne pouvoit plus empêcher les Macédoniens veuë de
de courir au combat ; mais le Roy jugeant qu'il valoit mieux se fortifier en- l'armée de
core sur cette éminence , y fit faire des retranchemens & le travail étant Darius.
,
bientost achevé , il se retira dans sa tente, d'où il découvroit à plein toute
l'armée ennemie.
Plutarcb. Pendant qu'on étoit dans l'attente de l'a&ion la plus serieuse & la plus
in Alexan- importante qui se put voir dans le monde, les valets qui suivoient l'armée se-
droJx Era- divertiffoient entr'eux & ayoient choisis deux Roys, l'un nommé Darius, &
tojihene.
l'autre nommé Alexandre, qui devoient combatrre l'un contre l'autre chacun
avec ceux de son parti. Alexandre en aïant été informé voulut que ces
,
deux Roys se bâttiiTent l'un contre l'autre. Il arma lui même Alexandre, &
Philotas arma Darius. Ils se battirent devant toute l'armée , & Darius fut
vaincu. Le Roy recompensa libéralement le premier, & tira un bon augure
du succés de cette petite bataille. Dans le même tems les amis du Roy lui
vinrent dire que les Soldats deTarmée se partagoient déja par l'elpérance les
dépouilles des Perses & prétendoient, rationnant ensemble dans leurs tentes,
qu'ils n'en donneroient rien au trésor Royal. Bon, repondit Alexandre,
voila des discours de gens qui veulent vaincre & non pas fuir. Alors il vint
aussi plusieurs Soldats qui dirent au Roy de ne pas s'effrayer du grand
nombre d'ennemis. Ils ne pourront pas même, dirent-ils, soûtenir le bruit
de 110S cris militaires.
XXXVII. La nuit suivante pendant que Darius parcouroit les rangs de ses troupes
Alexandre qui étoient en armes & en faisoit la reveuë aux flambeaux ; Alexandre n'étoit
sait des pas sans inquiétude. Il ne s'étoit jamais veu dans une si perilleuse conjonctu-
voeux & re. C'eitpourquoy il fit venir Aristandre son Devin , pour avoir recours
des priéres
obte- aux priéres & aux voeux. Le Devin revétu d'une robbe blanche, portant
pour voilée, prononçoit les priéres que le Roy
nir la vic- de la verveine à la main , & la tête
toire. répétait après lui, demandant le secours de Jupiter, de Minerve & de la
Quint. Vidoire. Lesacrifice étant achevé, le Roy se retira dans sa tente pour se
Curt. 1.4. impossible de dormir, tantost il se
Plutareb. reposer le reste de la nuit. Mais il lui fut
in Alexan- proposoit de fondre du haut de
la colline sur l'aile droitte des ennemis,
,
dro. tantost de le choquer de front, puis il étoit en doute, s'il ne devoit pas plutost
à la fin son corps abbattu d'inquiétude succomba au
attaquer l'aile gauche ; profondément,qu'étant
sommeil, il s'endormit si déjà grand jour, les Chefs qui
s'étoient rendus à l'entrée de sa tente pour prendre ses ordres, ne pouvoient
assez s'étonner du silence qui y régnoit. Cependant le tems pressoit, & per-
sonne ne paroissoit. Parmenion aprés avoir longtems attendu, commanda
qu'on allât repaître, & voyant qu'il n'y avoit plus de remise, il entre & l'ap-
pelle plusieurs fois. Et comme il ne repondoit point, il le pouffe & l'eveille
en: grand jour. Voila l'ennemi en bataille qui vient
en disant •
Seigneur,
à nous & vos gens sont encore
il
à attendre vos commandemens. Où eit
donc cette vigilance, avec laquelle vous aviez accoutumé d'éveiller jevos gar-
des? Alexandre répondit : Pensez-vous que j'aye pû dormir, que ne me
fusse mis l'esprit en repos sur ce qui m'inquiétoit ? En même tems
il fit ion-
ner àEtcheval.coiiinie
Parmenion insiftoit & lui demandoit la cause de ce profond
sommeil, il lui dit que jusqu'alors il avoit été inquiet,dans la crainte que
Darius ne refusât le combat, mais qu'à présent il étoit au comble de les
Íuohaits, le voyant résolu à donner bataille. Il ne S'arn10it que très-rarement
& encore étoit-ce à la priére de ses amis, plutost que pour la crainte du
danger. Mais ce jour-là il prit ses armes & sortit de sa tente. Ses Soldats
qui ;ne l'avoient jamais veu si gay , ni si résolu, en tirèrent un augure infail-
lible de la vi¿1oire. Aïant donc fait abbattre ses retranchemens , il fit sortir
ses troupes & les mit en bataille.
A l'aile droite, où le Roy commandoit en personne, les gens de cheval xxx VIII
commandez par Clitus eurent la pointe de cette aile , avec les escadrons de Ordre de'
Philotas. A côté de lui étoient tous les autres corps de Cavalerie , dont l'armée
Meleagre ménoit le dernier. Aprés venoit la d'Alexan-
Phalange,puis les Argyraspides, dre pour le
ou les Soldats portant des boucliers d'argent, sous la conduite de Nicanor combat.
fils de Parmenion, suivis des troupes de Cenus; Ensuite Orestes & Lyncestes, An du M.
& enfin Polysperchon, qui commandoit les bandes étrangères. 3674.
J. 6.
A l'aile gauche, où commandoit Parmenion, étoit la Cavalerie du Pelo- avant SZ6,
ponéle, conduite par Cratére, avec celle d'Achaïe, de Locres & de Malée;
& pour la derniere bande, les Gendarmes Thessaliens commandez par Philip-
pe. L'Infanterie étoit couverte de la Cavalerie; Mais il y avoit. une seconde
ligne, où pour s'empêcher d'etre enveloppé par la multitude, il avoit mis
un puissant corps de réserve, & jetté de la Cavalerie sur les ailes, non pas
de front, mais en flanc, pour faire téte de ce côté-là s'ils étoient investis par
derriére.' Il voulut que les derniers rangs tournaient ,
le dos aux premiers,
afin que l'armée fut également forte de tous côtez. Les choses étant ainsi
disposées. il ordonna que si les Barbares poussoient avec' grand bruit leurs
Chariots armez de faulx ses gens se sûssent & s'ouvrissent pour les laisser
passer & leur faire place. , Mais s'ils venoient à eux sans bruit, ils jettassent 1
de grands cris, pour effrayer les chevaux & leur tirassent de p^rt & d'autre
dans les flancs. Ceux qui ménoient les ailes; avoient ordre de les étendre le
plus qu'ils pourroient, sans toutefois trop affoiblir le corps de bataille, afin
qu'on ne pût les envelopper.
JI
Dez la veille de cette grande journée,Darius avoit rangé son armée & XXXIX.
elle étoit demeurée sous les armes pendant toute la nuit, ce qui contribua Ordre de
de.
plus qu'aucune autre chose à sa défaite, à cause de la lassitude, & de l'épui- l'armée
Darius
-
-
iement où elle se trouva quand il fallut combattre. La Cavalerie Susienne pour le
,
avoit la pointe de l'aîle gauche, avec les Daces, les Arachosiens & quelques combat.
BaClriens faisant en tout prés de six mille chevaux ; Aprés venoient cent
,
Chariots armez de faulx, & ensuite Bessus à la tête de trois mille chevaux
Badriens, & de deux mille Massagetes. L'Infanterie suivoit composée de

peau. ,
plusieurs nations, non pas mêlées mais partagées' chacune sous son drap-
Anobarzanes & Orobates ,menoient les Perses avec les Magdiens,
& les Sogdiens en deux corps séparez. Ils étoient suivis de plusieurs peuples
à peine connus du reste de l'armée. Phradate venoit aprés eux avec les bandes
Caspiennes & cinquante Chariots de guerre ; puis les Indiens & toutes les
autres nations voisines de la Mer rouge , suivis de cinquante autres Chariots
armez de faulx, avec les troupes étrangères, & les Arméniens de la petite
Armenie les Babyloniens, les Belites & ceux qui habitoient les monts
,
CoiT¿ells,
Cofféens & quelques autres peuples originaires de la Grèce habituez de
long tems, dans l'Orient. Darius conimandoit en personne à cette ,
aile.
A la droite où commandoit Bessus, étoient d'abord les Arméniens de la
grande Arménie avec les Cadufiens; puis les Capp.idociens & les Syriens, &
ensuite les l\1.édes, qui avoient aussi cinquante Chariots armez de faulx; Par-
menion avoit conseillé à Alexandre d'attaquer Darius pendant la nuit, afin de
mettre la confusion dans cette grande multitude, & d'ôter aux Macédoniens
la veuë de ces visages affreux, & de ces malles enormes des corps des étrangers;
que par ce moïen on évitoit le danger d'être enveloppé par une armée il
nombreuse & on la mettoit dans une espéce de nécessité de ne pouvoir se
,
rallier, si jamais elle étoit en désordre, & c'est apparemment dans cette crainte
que Darius tint son armée sous les armes pendant toute la nuit. Presque
tous les Officiers d'Alexandre étoient de l'avis de Parmenion. Pour lui il
repondit qu'il ne vouloit pas dérober la victoire ; qu'il vouloit la gagner de
bonne guerre. Que se servir de pareilles ruses, ne convenoit qu'à des voleurs
ou à des avanturiers. Qu'il vouloit se battre en plein jour, afin qu'on ne
pût imputer sa victoire, ni à la ruse, ni aux circonstances du tems ou des
lieux.
XL. Les deux armées s'avançoient ainsi en ordre de bataille. On n'étoit pas
Rion dé- à la portée du trait, qu'un transfuge nommé Bion vint à toutes brides
couvre à encore
Alexandre du camp de Darius avertir Alexandre, que l'ennemi avoit fait cacher sous
qu'on à . terre des Chausse-trappes de fer, du coté qu'il croïoit que la Cavalerie Ma-
caché en. cédonienne devoit donner, & qu'à l'endroit où étoient ces Chausse-trappes,
terre des il avoit fait mettre certaines marques, afin que ses gens les pussent eviter.
chauffe
trappes.
Alexandre fit venir ses Capitaines, leur dit ce qu'on venoit de lui rapporter,
& leur ordonna de se.détourner du lieu qui lui avoit été marqué ; de faire
passer l'avis de main en main ; Car il n'étoit pas possible autrement de se faire
entendre à tant de gens, à cause du bruit que faisoient les deux armées.
XLI. Darius étoit à son aile droite, & Alexandre à sa gauche. Lorsqu'on fut
Efféts que Darius fit donner le signal pour lâcher à la fois tous les chariots
firent les à portée,
Chariots armez de faulx. Les Conducteurs les poussèrent à toutes brides contre les
armez de Macédoniens, afin de les surprendre , & de causer un plus grand trouble
€»ulx. dans l'armée. En effet les Macédoniens furent fbrtmaltraittez; les uns percez
par les Javelines qui passoient audelà du timon, les autres mis en piéces par
les faulx qui pendoient des deux côtez, de sorte qu'ils commencèrent à ceder
,
& à prendre la fuite. Mazée qui s'en apperçut, leur donna encore une autre
alarme, en faisant couler trois mille chevaux par derrière pour se snisir du
bagage. Mais Parmenion en envoya incontinent donner avis au Roy par
Polydamas. Alexandre l'aïant entendu, va t'en, lui repondit-il, dire à
Parmenion, que si nous gagnons la vidoire, nous ne recevrons pas seulement
ce qui est à nous, mais nous serons maîtres de ce qui est à l'ennemi , qu'il
laisse là le bagage, qu'il n'affoiblifle pas le corps de bataille, & qu'il se mette
feulement en peine de bien combattre.
Xlll Ainsi on laissa piller le camp Amyntas Colonel de la Cavalerie Macé-
On pUle le ,
des donienne y accourut, ou de son mouvement ou par ordre d'Alexandre. Mais
camp il fut
t5 fut obligé de se retirer sans avoir f^jt autre chose, que de se rendre témoin Macédo-
du désordre. On donna avis à Sisigambis que Darius avoit gagné la bataille nienssanit-
& que l'on avoit pillé le camp des Macédoniens. Mais cette sage Princesse xandre qu'Aie- -
se
ne le crut point, du moins elle ne donna aucune marque de joïe & ne pro- mette en
,
féra pas une seule parole qui put faire découvrir ce qu'elle désiroit le plus; peine de
comme si elle eût craint d'irriter la fortune par une joïe précipitée. l'empê-
Cependant les chariots armez d'e faulx après avoir rompu les premiers cher.
rangs, donnèrent jusqu'à la Phalange des Macédoniens. Ceux-ci ouvrirent
leur Bataillon en deux, comme il leur avoit été commandé, & croisant leurs
piques, les enfonçoient de part & d'autre dans les flancs des chevaux. Après
ils se mirent à environner les chariots & à tirer à bas ceux qui étoient mon-
tez dessus. Il se fit là un grand carnage , & les chevaux étant blessez , &
aïant pris l'épouvanté, ne se laissoient plus conduire , Mais à force de se
tourmenter, renversoient & conducteurs & chariots. Il y eut pourtant quel-
qu'uns de ces chariots qui percérent jusqu'à l'arriere garde & firent un grand
ravage par tout où ils passérent.
Alexandre craignant que le desir de regagner le bagage, ne détournât
les gens du combat, envoya Arétes Chef des piquiers contre les Scythes qui
ravageaient le camp & qui avec les prisonniers qui avoient rompu leurs
,
chaines, tuoient tout ce qui vouloit leur résister. Arétes etant survenu, tua
le Chef des Scythes & commença à les pousser, profitant de l'embarras où les
avoit mis la perte de leur Capitaine. Darius envoya les Ba&riens pour les
soutenir, & à leur tour ils repoussérent les Macédoniens, & les obligérent de
regagner le gros de l'armée. Alors les Perses jettérent un grand cri, comme
quand on a gagné une victoire,& donnèrent de grande furie contre l'ennemi
qu'ils croyoient défait de tous cotez. Alexandre voyant ce desordre,rechauffe
lui seul le combat, anime ses gens de la main & de la voix, & les renvoye à
la charge. En même tems s'étant aperçu que l'aile gauche des Perses étoit
fort affoiblie a cause du détachement des Badriens qu'on avoit envoyez pour
enlever le bagage, il donne sur ces rangs ainsi éclaircis les rompt & taille
tout en pièces. ,
Les Perses de leur coté croyant le pouvoir envelopper par derrière, lui
vinrent donner à dos, & l'eussent mis en grand hazard si la Cavalerie Agri- Combat XLUl
,
enne y accourant à toutes brides , n'eût chargé les Barbares & ne les eût des Pertes
forcez de tourner le visage contr'eux pour se défendre. Alexandre avoit & des Ma-
l'ennemy devant & derrière & il y avoit plusieurs troupes détachées qui cédoniens.
, du
combattoient à part, selon que le hazard avoit lié la partie. Les deux ,Roys An3674. M.
environnez de Soldats d'élite se cherchoient l'un l'autre. Alexandre étoit à avant J. C.
cheval, & Darius étoit monté sur un chariot. C'étoit à qui remporteroit la 326.
gloire de tuer le Roy de sa main. On dit qu'un aigle parut pendant tout le

combat voler doucement autour d'Alexandre & que le Devin Aristandre
,
revêtu de sà robbe blanche & un laurier à la main montra cet Oiseau
Soldats & les anima par cette veuë à combattre avec , aux
un nouveau courage.
Mais ce qui les encouragea le plus fut la mort de celui qui conduisoit le
, ,
char de Darius ; Car & les Persos & les Macédoniens crurent Que c'étoit le
Roy qui avoit été tue ; tellement que les cris & les hurlemens des Pertes
mirent le trouble dans toute leur armée.
XLIV. Darius se vit en un moment abbandonné de ses parens qui étoient à sa
Darius est droite, & de ses gardes qui étoient à sa gauche. Mais ceux qui étoient à sa
obligé de droite, le reçurent au milieu de leur trouppe. On dit que ce Prince ayant
prendre la
iuite. tire son Cimeterre, délibéra s'il devoit éviter une fuite honteuse parunemort
honorable, mais voyant de dessus son chariot que les siens soûtenoient en-
core le combat, il eut honte de les abbandonner; & commeà il balançoit entre
l'esperance & le désespoir, les Perfes lâchérent le pied peu peu & commen-
cérent à éclaircir leur rang ; ainsi il fut obligé de tourner aussi son chariot &
de prendre la suitte comme les autres. Alexandre avoit changé de cheval
plusieurs fois & n'avoit cessé de tuer tout ce qui s'étoit rencontré devant
,
lui. Il s'aperçut de la suitte de Darius, mais l'epaisse poussiére qui s'élevoit
Tel fut le
au dessous des pieds des chevaux, l'eut bientost derobé à ses yeux.
succés du combat à l'aile droite où commandoit Alexandre.
Mais à l'aîle gauche où commandoit Parmenion, il en alloit tout autre-
XLV:
L'aîle ment, car Mazée étant venu fondre en cet endroit avec toute sa Cavalerie,
gauche prit les Macédoniens en flanc, &commençoit à les enfermer par la multitude
d'Alexan.. de ses troupes. Parmenion envoye en diligence avertir Alexandre du danger
dre est en où il se
trouve, & que s'il n'est promtement secouru, il ne repond plus d'ar-
danger
d'être réter la suitte de ses gens. On lui vint dire ces mauvaises nouvelles, comme
mire en. il étoit déja fort avancé dans la poursuite des fulards. Il quitta toutefois &
déroute. revint au fetours de Parmenion. Il arriva à la riviere de Lyce , dont le pont
étoit si rempli de fuïards, que plusieurs s'étoient précipitez dans l'eau,& pé- y
rirent misérablement accablez du poid de leurs armes & epuisez de fatigue,
Les Soldats d'Alexandre lui demandoient avec instance qu'il leur permit de
poursuivre l'ennemi qui ne leur pouvoit échaper. Mais sàns leur découvrir
qu'il savoit du danger de Parmenion, il les retint sous divers prétextes, Se
ce
tes ramenoit au combat, lorsque Parmenion envoya lui annoncer qu'il avoit
aussi gagné la viétoire à l'aile gauche, & voici comme la choie arriva.
XLVI. Mazée au milieu ,,de l'avantage qu'il avoit d'abord remporté sur les Ma-
mazée se cédoniens, apprit la défaitte de Darius. Cette nouvelle rallentit son ardeur
fauve à Ba il pressoit plus si vivement l'ennemi. Parmenion ne pouvoit s'imaginer
ne
hilonne pourquoi le combat s'étoit rallenti tout à coup, mais comme rusé Capitaine,
avec ses droit à la Cavalerie Thessalienne & leur annonce qu'Alexandre a
troupes. il pique
Àîi dli M • vaincu les Perses, que l'armée ennemie est en déroute. Ce
discours qui avoit
g674. toutl'air de vraisemblance, leur rendit l'esperance & le courage, & poulï.mt
avant J. ( ." leurs chevaux à toutes brides, ils fondent sur l'ennemi qui commence auili-
,
326.
tôt à reculer & à fuïr, non au petit pas comme auparavant, mais si vîte qu'il
ne restoit qu'à tourner les dos pour en faire une juste fuite. Parmenion qui
n'étoit pas encore bien assuré de la désaite de Darius, n'osa les pouffer , 6c
donna à Mazée le tems de se sauver & de gagner Babilonne avec les trittes
débris de son armée.
Darius accompagné de peu de gens aïaiit passe le fleuve de Lyce , fut
XLVII.
Darius eu doute s'il c
romproit le pont pour arrêter l'ennemi qui le suivoit. Mais
craignant
* D
craignant de iaiîser périr tant de milliers des siens qui le suivoient il aima paire la
mieux le laisser entier ; & après avoir traversé une longue étenduë ,de pays, riviere de
il arriva sur la minuit à Arbéles. Le combat s'étoit donné à Gaugamele sur Lyce.
le fleuve Boumele; & delà à Arbéles il y a environ cent Itades.ou neuf mille
deux cent cinquante pas ; ce qui n'a pas empeché que plusieurs Historiens
n'ayent donné à cette adion le nom de bataille d'Arbéles à cause que cette
ville étoit beaucoup plus connue & plus considerable ,
le village de
Gaugamele. , que
Aprés une si grande victoire Alexandre revenoit accompagné de peu de XLvnu
gens qui ne gardoient aucun ordre, croyant qu'il n'y avoit plus d'ennemis Danger
qui ne fussent défaits ou dissipez. Tout d'un coup ils donnèrent sans y Alexandroque court
penser dans un gros de Cavalerie Parthe & Indienne, qui d'abord tint bride après la
en main, puis aïant reconnu le petit nombre des Macédoniens , les chargea. viétoirc
Alexandre marchoit à la tête de sa troupe, & le Chef des ennemis l'ayant at- gagnée
taqué assez inconsidéremment; Alexandre le tua, & aprés lui le plus proche, contre
& plusieurs autres ensuite d'un seul Javelot. Les siens donnèrent en même Darius. 1.4.
tems, & les Perses étonnez d'une telle résistance, & voïant que la nuit favo-
risoit leur retraitte, se séparérent par bandes & se retirèrent. Le Roy échappé
d'un si grand danger, ramena ses gens au camp sans aucune perte, D'autres
disent qu'il y perdit soixante hommes, & qu'Hephestion Cenus & Menidas
furent blessez. , ArrianJ.f*
y
On ne convient pas du nombre des morts qui furent tuez du côté des
Perses. Les uns en mettent trois cens mille, d'autres quatre-vingt dix mille, i
d'autres quarante mille. Du côté d'Alexandre Quinte Curce dit qu'il n'y en
eut pas trois cens de tuez ; Diodore de Sicile en met cinq cens de morts &
un grand nombre de blessez.
Darius étant arrivé à Arbéles ainsi qu'on l'a dit, vers la minuit & 'XL IX*
, y
aïant trouvé une grande partie de ses troupes & de ses Chefs, il les assembla Darius ar-
»

& leur dit qu'il étoit resolu d'abbandonner à Alexandre toutes ses richesses rive à AIoot
& tout le pays des environs du Tigre & de l'Euphrate pour se retirer dans béles,
les provinces les plus écartées de son empire , prend la
, pour y mettre sur pied une résolutioa
nouvelle armée. Ce discours fut jugé plein de désespoir & d'abban- de se reti-
donner au vainqueur Babilonne, c'étoit aussi le rendre maître , que
de Suze Capi- rer dans
tale de la Perse & des meilleures places de l'Empire ; On les
ne laissa pas de
suivre Darius, &il. se rendit sur les confins de la Médie. Provinces
les plus
Alxandre après avoir donné quelque repos à la Cavalerie qui étoit reculées
avec
lui, partit vers la minuit pour se rendre à Arbéles. Darius en étoit déja sorti, de ses
& la ville se rendit à Alexandre. Il y trouva quantité de meubles de la Etats.
Couronne, de riches habits & d'autres choses prétieuses quatre mille
, avec
talens d'argent & toutes les richesses de l'armée qu'on avoit amassées. Par
y
cette victoire Alexandre se trouvant maître de l'Empire des Perses qu'il
regardoit desormais comme renversé & transféré aux Macédoniens , offrit
en aCtions de graces des Sacrifices solemnels à ses Dieux & disiribua ,
à ses
,
amis & à les Officiers des Provinces, des Palais & d'autres présens dignes de
1a fortune présente. Il ne demeura pas longtems à Arbéles à cause des
maladies qui te mirent dans le camp, par i iie-i ces corps mures , uonc
toute la campagne étoit couverte. 11 prit sa route par les plaines de la Mé-
sopotan1ie entre l'Euphrate & le Tigre. Ces plaines sont, dit-on,, d'une si

Mennis,
grande fertilité, qu'on est obligé de tirer le bétail des paturages,de peur qu'il
n'etouffe de trop manger. En quatre jours de marche il arriva à la ville de
où l'on montre dans une caverne la fameuse fontaine qui jette le bi-
tume en si grande abondance , qu'on dit que les murs de Babilonne ont été
bâtis avec ce bitume.
L. Comme il prenoit le chemin de Babilonne , Mazée qui s'y étoit retiré
Alexandre après la bataille, se vint rendre à lui
avec ses enfans deja grands & lui mit
va d'Arbé- la ville entre les mains. Alexandre le reçut avec joye & fut ravi de , se
les à Ba- mettre
Monne. sans combat en possession d'une place de cette importance. Son armée entra
dans la ville en ordre de bataille, lui étant à la tête , comme s'il fut allé titi
combat. Les murs de Babilonne étoient tout bordez de monde, quoique 1 n
plupart fussent sortis audevant de lui ; Bagophanes Gouverneur de la fortc-
reile & gardien du trésor, pour ne pas témoigner moins d'affeftion que l\la-
zée, fit joncher le chemin de fleurs, & dresser des deux cotez des autels d'ar-
gent, chargez de parfums & de toutes sortes de bonnes odeurs. Aprés lui
suivoient les présens qu'il devoit offrir au Roy. C'étaient des troupeaux
de bétes & des chevaux, de plus des Lions & des Panthères, qu'on portoit
dans des cages; Les Mages marchoient ensuite entonnant des Hymnes à leur
mode ; Puis les Caldéens ou Agronomes, les Devins & les Musiciens de Ba-
bilonne, chacun joiiant de ses instrumens. La Cavalerie Babilonienne venait
la derniére en somptueux appareil, & d'une magnificence extraordinaire.
IL Le Roy fit marcher le peuple de Babilonne à la queue de son Infanterie.
Entrée Pour lui il entra dans la ville sur un char comme en triomphe , & se rendit
d'Alexan- fit rendre compte des meubles & de
dre à Babi- au Palais , où dez le lendemain il se
lonne. l'argent de Darius, Alexandre & les liens ne pouvoient se lasser d'admirer
la beauté de cette superbe ville. Nous en avons donné la déscription dans
un autre endroit. Le chateau a vingt stades ou deux mille deux cent cin-
quante pas de circuit ; ses tours ont trente pieds dans terre, & quatre vingt
de hauteur; sur le haut du chateau sont ces jardins suspendus, dont on a fait
une des merveilles du monde. Ils sont portés sur des colomnes de pierres,
qui soûtiennent des terraflfes de pierres quarrëes.sur lesquelles on a jette sorce
bonne terre, qui nourrit des Arbres, dont le tronc a huit coudées de tour &
qui ont cinquante pieds de haut. La terrasse est soûtenuë de vingt murailles
trés-solides, à onze pieds l'une de l'autre ; ce qui fait qu'il semble à ceux qui
regardent de loin toute cette masse , que ce sont plusieurs montagnes toutes
couvertes de forêts.
LI1. Le Roy sejourna dans cette ville plus longtems qu'en aucun autre lieu,
Départ Mais son sejour fit grand tort à la discipline militaire. Il ii'elt rien de plus
d'Alexan- savant en l'art des plailirs
dre de Ba- corrompu que le peuple de Babilonne, ni de plus
bilonne. & de la volupté. La plus honteuse prostitution y est en honneur, le Pere ny
An du M. est point jaloux de la pudeur de sa fille ni le mari de celle de sa femme.
i 674. ,
L'armée d'Alexandre après y avoir sejourné 34. jours, auroit eu de la peine à
sou-
soûtenir sa réputation de valeur si elle eût eu un ennemi en tête. Mais avant J. ($>
,
n'en ayant point , & recevant des recruës de tems en tems, on s'aperçut g26.
moins du désordre que Babilonne avoit causé dans ses moeurs. ,Q. Curt. 1. Ç.
En quittant Babilonne, le Roy y laissa Mazée en qualité de Satrape. Il
donna le gouvernement du chateau à Agathon, & celui de la ville & de tout I.Itaç.Diodor. .
Ca)
Curt.
le pays jusqu'en Cilicie, à Menes & à Apollodore. Bagophanes qui lui avoit.ficul. 1. 17.
remis la fortereiïe, eut ordre de le suivre. L'Arménie fut donnée à Mithrénes, mèt 6. mu
qui lui avoit livré la ville de Sardes. Il fit de plus quelque largesse à ses nes pour
troupes de l'argent qu'il avoit trouvé à Babilonne, donnant par tête six cens chaque Cavalier
deniers aux Cavaliers Macédoniens, aux étrangers cinq cens à chaque fan- Macedo-
tassin deux cens, outre leur paye ordinaire. (a) , nien, cinq
Avant que de partir de Babilonne, Alexandre consulta lesCaldéens,&par pour les
leur Conseil il offrit des Sacrifices à Belus Dieu de Babilonne, & se mit en étrangers-, à chaque
devoir de rétablir les Temples de la ville qui avoient été détruits par Xer- fantaJ/ilz
cés au retour de son expédition contre les, Grecs. Il fit nettoyer la place de deux mines
celui de Belus,qui étoit au milieu de la ville ; Mais les Soldats Juifs qui étoient aujcfan-
dans Ion armée ne purent être forcez par aucun mauvais traittement à y tra- tajJins
vailler ; craignant de prendre par Jà quelque part au culte de cette fausse étrangers deux mois
divinité. de paye.
Le Roy se mit en chemin' pour gagner la Province Sitacéne. Il y arriva Heca.
apud
au bout de six jours de marche; & comme le païs étoit trés-fertile, il y de- tæ tfofepb.
meura allez longtems. & proposa des prix à ceux de ses gens qui s'étoient contra
,
le plus distingué par leur valeur dans le cours de cette guerre
; & pour Appion.l.v.
juger des actions de ceux qui disputeroient cet honneur, il nomma des juges: LUI.
Aux huit qui se trouveroient les plus braves, il donna à chacun un régiment Alexandre
de mille hommes, auparavant ils n'étoient que de cinq cens hommes, & n'a- JaSitacéne. entre dans
voient pas encore été le prix de la valeur. Les Soldats accoururent à ce An du M.
nouveau spectacle, non seulement comme témoins des faits les uns des autres, 9674.
mais aussi comme Juges des Juges mêmes, pour voir si les recompenses se- avant J. G.
roient données au mérite ou à la faveur. Le premier prix fut pour le vieu p.6.
Adarchias, qui devant Halicarnasse, quand la jeunesse lacha le pied les fit
revenir au combat. Antigene eut le fécond, Philotas le troisiéme, on, donna
le quatrième à Amyntas le cinquième à Antigone le sixiéme à Lynceste
Amyntas, Theodote emporta , ,
le septiéme & HellaniqLIe le dernier
De plus il fit un changement très-utile dans la discipline militaire. Il
réduilit toute la Cavalerie en un corps, sans considérer la différence des
tions, & lui donna des Chefs de son choix ; Au lieu qu'auparavant chaque na-
nation se rangeoit sous sa cornette à part, & n'étoit commandée
Colonel de son pays. que par un
Le signal de la marche étoit de sonner de la tronl-
pette : Mais parceque sou vent on avoit peine à l'entendre à cause du grand
bruit qui se fait en décampant ; Il ordonna qu'on éleveroit sur sa tente
étendard, qui lèroit veu de tout le monde. un
Il établit de plus le feu pour
lignai pendant la nuit, & la fumée pendant le jour. Llff.
Aprés cela il s'avança dans le dessein d'achever la Suses se
guerre. II aprochoit rend à
de ouïes, lors qu 'Abulites Gouverneur de la Province
envoya son fils audevant Alexaaiie»
de lui avec promette de lui rendre la ville ; On ne sait s'il fit cela de son
propre mouvement ou par ordre de Darius pour amuser Alexandre par le
,
butin. Ce Prince fit grand accueïl à ce jeune homme, qui le conduisit jus-
qu'au fleuve Coaspes si célébre par ses excellentes eaux. Abulites le vint trou-
ver au même endroit avec des presens dignes d'undouze si grand Roy ; Il y avoit
Eléphans que Darius
des dromadaires d'une vite sse extraordinaire , &
avoit fait venir des Indes pour s'en servir dans la guerre. Etant entré dans
la ville,il tira du trésor des sommes immenses, de l'or & de l'argent en inasTe,
monnoïé. On fait monter la valeur de l'argent
ou en Lingots,& de l'argentmille talens & celui de l'or monnoyé en dariques , à
en masse à quarante ,
neuf mille talens. Alexandre sacrifia dans cette ville à la manière de ion païs
à la lueur des flambeaux, & y représenta des jeux d'exercices.
11 s'affît sur le Trône des Roys de Perle , qui étoit beaucoup plus
haut
LV.
Il s'a tilt sur qu'il ne falloit pour un homme de sa taille ; de sorte qu'aïant les jambes
le Trône pendantes, il y eut un Page, qui lui mit une table sous les pieds. Mais le
- des Roys Roy voyant pleurer un Eunuque qui avoit été a Darius, lui demanda la cause
de Perle.
de la douleur. A quoi il repondit: Que c'étoit la table sur laquelle Darius
avoit accoutumé de manger > & qu'il ne pouvoit sans verser des larmes,voir
profaner une chose si sacrée. Le Roy fut touché d'une fainte honte d'avoir
viole le resped dû aux Dieux hospitaliers, & alloit commander qu'on l'otât,
à bon
lorsque Philotas le pria de n'en rien faire , mais plûtost de prendre
la table où son ennemi mangeoit lui servit de marche-pied.
augure que Suses, Alexandre laissa
, Gouverneur Archelaus
Avant que de partir de y pour
,Yarnison de trois mille hommes, & fit Xenophile Gouverneur dela
avec une ?
farteresse lui donnant mille vieux Soldats Macédoniens qui n'étoient plus
de' le suivre dans ses expéditions. Il donna à Abulites le Gouverne-
en état
ment de la Susiane & laissa dans la même ville de Suses la Mere & les
enfans de Darius , à qui il donna des maîtres pour leur montrer la langue
Gréque.Alexandre
traittoit Sisigambis avec autant de respect que si elle eut été
LVI. etoffes de pourpre & de riches
Refpeâ: sa Mere * Et aïant reçu de Macédoine des
<l'Alexan- vestes à la manière de Ion pays, il en fit présent à Sisigambis avec les Ouvriers
dre pour qui les avoient travaillez, & lui fit dire que si elle trou voit ces ouvrages à son
Sifigambis
eré elle pouvoit les faire apprendre à ses petites filles pour les divertir & en
Mere de A mots les larmes lui tombèrent des yeux, ce qui fit
Darius. faire des présens. ces
QXurt.l.î. connoitre combien ce présent lui étoit désagreable » & ce compliment inju-
(je. rieux • Car il n'y a rien que les femmes de Perseporté tiennent à plus grande honte,
de travailler en laine. Ceux qui avoient ce présent, aïant fait en-
que
tendre au Roy que Sisigambis n'en étoit pas contente , il se crut obligé de
faire des excuses. 11 l'alla trouver & lui dit : Ma l\lere, cette étoffe
lui en de mes soeurs;
dont vous me voïez vétu , n'ett paslà feulement un présent nôtre pais
C'est l'ouvrage de leurs mains. Par vous voïez que la mode de
manqué à rien de ce que je
m'a trompé.- Je ne pense pas jusqu'icy avoir
croïois de vos moeurs & de vos coutumes. Parmy vous un filsvôtre ne doit jamais
présence,
s'asseoir devant sa Mere ; Vous savez si je l'ay jamais fait en
1
sans vôtre permission. Souvent vous avez voulu vous prosierl1er devant moy.
Vous savez si je l'ay permis. Par ces paroles il satisfit Sisigambis.
Il partit de Suse & arriva en quatre logemens sur les bords du Pasi-tigre, LVII.-
quia sa source dans les montagnes des Uxiens.Alexandre passa ce fleuve avec Alexandre
neuf mille hommes de pied & trois mille chevaux, tant des Agriens que des assujettit le
Grecs soûdoyez, & un renfort de trois mille Thraces, & pays des
vint à la rencontre Uxiens.
des Uxiens. Madates commandoit dans cette Province,. c'étoit un homme An du M..
plein d'honneur & de courage, qui fidéle à son maître étoit résolu de tenir 3674.
jusqu'à l'extrémité. Il étoit allié à Sifigambis, aïant epousé la fille de la avant. J.
soeur de cette Princesse. Madates s'étoit donc avancé avec un corps de ;z6.
troupes jusqu'aux défilez des montagnes. Mais des hommes qui connois- QCurt,
/.fr>

soient le païs, vinrent dire au Roy qu'il y avoitun sentier couvert & détourné,
&que s'il vouloit leur donner quelques gens armez alalégère, ils les iroient
loger sur la tête des ennemis. Alexandre leur donna donc quinze censhOIU-
mes des soûdoyez & environ mille des Agriens sous la conduite de Tauron,
avec ordre de se mettre en chemin aussitost après le coucher du Soleil.
Pour lui, aïant décampé sur la troisiéme veille à petit bruit, & gagné
le pied des montagnes vers le point du jour, aprés avoir fait des mantelets
& des gabions pour mettre à couvert ceux qui devoient conduire les machi-
nes & les tours, il commença à assiéger la ville. Ce n'étoit par tout que-
rocher & que précipices. Ses gens furent dabord assez malmenez, & la;
grandeur du travail les étonnoit. Mais le Roy les encourageoit par sa pré-
sence & par ses discours demeurant lui-même exposé aux traits qu'on lui; '
,
tiroit de loin, sans qu'il voulût se retirer quelques priéres qu'on lui en fit,,
,
de manière qu'il fallut que ses Soldats le couvrissent de leurs boucliers joints
ensemble. Enfin Tauron & sa troupe parurent au dessus de la forteresse. &
cet aipecr les Barbares commencèrent à perdre coeur, & les Macédoniens à
redoubler leurs efforts, jusqu'à ce que Yenneni étant pressé des deux c0tez,
fut obligé de rendre la place. La Citadelle tenoit encore, & les assiégez'
envoïérent au Roy trente députez pour lui demander pardon; Mais ce Prince
leur aïant fait reponse qu'ils n'en devoient point esperer, ils dépécherent vers.
Sisigambis par un chemin inconnu aux Macédoniens, pour la prier d'appaiser
le Roy.
Cette sage Princesse s'en défendit long tems, disant qu'il ne convenoit
pas à sa fortune d'intercéder pour autruy. Cependant elle se laissa vaincre,.
& elle écrivit à Alexandre, le suppliant de l'excuser, si elle prenoit la liberté
de lui demander la vie d'un de ses amis & de lès alliez, qui étoit devenu sont
suppliant réduit à ses-pieds & à sa misericorde. Alexandre seulement
non
accorda le pardon à IVladates, mais il donna la liberté à tous ceux qui s'étoient
rendus, les maintint dans leurs privilèges, & sauva leur ville du pillage. Il
ajouta le pays des Uxiens au Gouvernement de la Susiane, & s'avança
quelques troupes armées à la légére dans les montagnes qui régnent jusque avec
dans la Perse, pendant que Parmenion conduisoit le relie de l'armée la '
plaine..
par
II
LVlll. Il arriva le cinquiéme jour au pas de Suzes, ou aux portes Suziennes, où
Alexandre Artabaze
j avec vingt cinq mille hommes s'étoit poilé au dessus des rochers,
eftrepoulTé jhors de la portée du trait, attendant qu'Alexandre & les siens se fussent enga-
dupas de
gez dans ces défilez. Alors ils firent rouler des pbrres d'une grosseur dé-
Sûtes.
An du M.
«
1
mésurée du haut de la montagne, qui faisant plusieurs bonds sur les pointes
3674. des
<
rochers, en tomboient avec plus de violence , & écrasoient des troupes
avant J. C. entiéres. Ils les accabloient aussi de tous côtez à coup* de pierres & de
326.. <

p":"Curt.l.r;..
traits, & ce qui désesperoit le plus de si braves hommes, s'étoit de se voir af-
sommer comme des bétes prises dans un piége, sans pouvoir se défendre, ni
JJiod.j'zeul.
tfujlm. ($c. 'venger leur mort. Il n'y avoit efforts qu'ils ne fissent pour grimper & aller
se déta-
aux ennemis ; Mais ces rochers que tant de mains empoignoient
choient & tomboient sur ceux qui les avoient ebranlez. Alexandre qui jus-
qu'alors n'avoitrien trouvé d'impossible fut obligé de reconnoÎtre qu'il s'étoit
engagé témérairement, & aïant tait sonner la retraitte, il retira ses gens de ce
mauvais pas, où ils eurent trente stades ou environ trois mille sept cent pas,
a retourner en arriere.
LIX. Alexandre étoit fort superstitieux, du moins il paroissoit faire beaucoup
Alexandre de fond sur les prédictions des Devins. Il ne marchoit jamais sans Arissandre,
sort super- l'on écoutoit Oracle. Peut-être y entroit-il beaucoup de
llitieux. que comme un
politique dans sa conduite, sachant que les hommes se laissent beaucoup con-
duire par tout ce qui a apparence de religion. Quoyqu'il en soit,il consulta
les Devins lorsqu'il fut échappé de ce danger , mis il revint bientost aux
,
moyens natuiels de s'instruire des chemins pour entrer dans la Perse. II se fit
parmi lesquels il s'en trouva
amener les prisonniers qu'il avoit pris depuis peu, Persanne
un qui étant né d'un Pere Lycien & d'une Mere lavoit le Grec & le
Persàn. Il assùra Alexandre qu'il n'y avoit qu'un chemin qui put donner
entrée dans la Perse ; & encore n'étoit-ce que de petits sentiers pleins de
brossailles, où l'on pouvoit à peine passer un à un, à cause des branches des
Arbres qui s'entrelassbient l'une dans l'autre. Que de l'autre côté la Perse est
fermée d'une chaine de montagnes, qui ont seize cens Stades de long, &
cent soixante & dix de large, s'étendant depuis le mont Caucase , jusqu'à la
Mer rouge.
LX. Le prisonnier aïant ainsi parlé, le Roy lui demanda s'il savoit ces choses
Alexandre
pour les avoir veuës, ou Amplement sur le rapport d'autruy. 11 répondit
tente de qu'aïant été pasteur dans ces montagnes, il ny avoit sentier ni detour qu'il ne
nouveau lesPerses, &.
de forcer le: connut & qu'il avoit été pris deux fois, l'une en Lycie par
pas de Su- maintenant par lui. Aussitôst le Roy se rappella en memoire ce qui
luï avoit
ze. été prédit par l'oracle , qu'un Lycien le conduiroit dans la Perse. L'aïant
donc comblé de promesses il le fit armer à la Macédoine, & lui dit de le
mener où il voudroit, bien persuadé que quelque difficile que fut le chemin,
nul de ceux qui le suivroient, ne feroit difficulté d'aller où il iroit lui-même.
Il ne prit que peu de monde avec lui, leur ordonnant de prendre des vivres
trois jours. Il laissa la garde du camp à Crateres avec l'Infanterie qu'il
pour
commandoit,les troupes deMeleagre& mille archers à cheval. 11 leur COln-
manda
manda de laisser le camp en l'etat où il étoit, & d'y allumer quantité de feux,
pour faire croire aux Barbares que le Roy y étoit.
Il ajouta en parlant aCratère, si Ariobarzanes s'apperçoit de ma marche
& vient m'attaquer, donnez en même tems sur lui, pour faire diversion &
l'obliger de tourner de vôtre côté. Si au contraire je surprens les Barbares &
me rens maître des deviez ; rentrez hardiment dans le chemin d'où nous
avons été repousséz, parceque vous le trouverez abbandonné, les Perses
aïant tourné toutes leurs forces contre moy.
Le Roy partit sur la troisiéme veille de la nuit, prenant les détours que LXI.
le Garde lui montroit. Il fallut d'abord voyager par des sentiers presqu'im- Alexandre
pradicables, & sur des rochers si glitlans,qu'à peine pouvoit-on y asseoir le pénétre les
défilez des
pied. De plus il y avoit une trés-grande quantité de neiges, qui amassées montagnes
-
dans les fonds à une trés grande profondeur, exposoient les Soldats, qui y de Perse..
tomboient, à y périr sans secours. D'ailleurs l'horreur de la nuit, & le guide
dont la fidélité ne leur étoit pas bien connue, redoubloient leur appréhension.
Ils firent tant néanmoins qu'ils gagnèrent le haut de la montagne. 11 y avoit
un chemin sur la main droite qui menoit "vers Ariobarzanes. Il envoïa devant
,
par ce chemin, Philotas, Cenus, Amyntas & Polypercon avec ce qu'il avoit
de Cavalerie, mélée avec quelque lutanterie avec ordre de n'aller que le
pas. On leur donna pour guides quelques prisonniers.
Pour lui avec sa Compagnie & ses gardes il monta, non sans une peine
incroïable par un sentier fort roide, mais fort éloigné du corps de garde
,
des ennemis. Il étoit midy & il y avoit encore autant de chemin à faire qu'ils
,
en avoient fait, pour parvenir aux ennemis. Il les fit donc repaître , & la V
seconde veille de la nuit, il partit & passa le reste aisez alternent ; Mais au
pied de la montagne ils trouvérent une grande fondriere creusée par les tor-
rens qui avoient rompu le chemin, avec cela les branches des arbres entre-
lassées formoient comme une haye continuelle qui leur fermoit le chemin. 1

Ce qui les effrayait le plus,étoit lobfcurite" de la nuit, joint à un vent impétueux,


qui agitant violemment les branches, caúsoit un si grand bruit, qu'on, ne s'en-
tendoit pas l'un l'autre. Tout cela joint ensemble jetta les Soldats d'Alexandre
dans un tel àésespoir, qu'à peine se purent-ils tenir de pleurer.
Enfin le jour aïant disîîppé ces ténèbres, ils montèrent sur un sommet, LXII.
d'où aïant découvert le camp des ennemis, ils parurent inopinément en armes Il défait
derriere eux, ils commencèrent à donner sur le corps de garde des Perses,& Ariobarza.
taillèrent en piéces tous ceux qui se mirent en défense. Ceux qui purent nes.
*
regagner le camp, y jettérent une telle épouvante que l'armée prit la fuite
avant que de tenter le combat. A ce bruit Cratere s'avance & s'empare du
défilé qu'il n'avoit pu forcer le jour précédent. En même tems Philotas donna
par un autre endroit avec Amyntas, Cenus & Polype-rcon, & acheva de rompre
les Barbares, qui ne laiiïèrent pas dans une telle extrémité de se défendre
vaillamment.
Cependant Ariobarzanes suivi d'environ quarante chevaux & de cinq mil-
le hommes de pied se fit jour à travers les braillons des Macédoniens, &
,
courut pour se jetter dans Persepolis Capitale de.la Perse. 'Mais on lui en
ferma les portes, ce qui l'obligea à revenir au combat où lui & tous les
siens demeurèrent sur la place. Cratere hâtant ses troupes,, y vint aussi rejoin-
dre le Roy qui campa au même lieu, où il avoit défait les ennemis. Car en-
core que leur déroute entiére lui assurât la vidoire, les chemins néanmoins
étoient si rompus & il dangereux, qu'il ne fàlloit pas moins s'en défier que
des ennemis.
LXIII; Sur sa route il reçut des lettres deTiridates, qui avoit la garde dès trésors
Il s'appro- du Roy Darius. Il lui marquoit que ceux de Persepolis sur le bruit de sa
che de Per- ve.
étoient résolus de piller trésors. Qu'il se hâtât de les prévenir, qu'il
teyolis. nue,
à ces
n'avoit que l'Araxe passer, & que du relie c'étoit tout chemin aisé. AusTi-
tost Alexandré aïant laisse ses gens de pied, marcha toute la nuit avec sa Ca-
valerie, toute harassée qu'elle étoit, & arriva au point du jour sur le bord de
l'Araxe. 'Il y avoit prés delà des villes qu'il fit démolir, & des .matériaux il
en batit en fort peu de tems un pont de bois sur des piles de pierres; Ilpassa
le fleuve avec son armée, & s'avança en diligence vers Persepolis.
LXiV. Comme il approchaitde la ville,il vit paroitre une troupe de huit cens ou
Esclaves même de quatre mille Grecs prisonniers de guerre, sélon Quinte-Curce, que
Grecs qui les Perses avoient traité d'une manière indigne. Aux uns ils avoient coupé
implorent les mains,
les secours aux autres les pieds, aux autres le nez & les oreilles, puis leur
d'Alexan avoient imprimé sur le visage avec des fers'.brûlans, des caractères Barbares,
dre. pour les rendre des objets de leur risée & de leur diveitissement. Ces malheu-
An du M. reux résolurent d'aller au devant du Roy,& les Perses n'osérent s'y opposer.Ils
?674. paroissoient plutost des fantômes que des hommes. Ils vinrent se jetter aux
avant J. C. pieds du Roy,
g26. en criant qu'enfin Jupiter vengeur de la Gréce avoit ouvert
!2.:.-Curt./.ri. les yeux. Le Roy & tous les assistans ne purent retenir leurs larmes &
Diod. Zfuji, Alexandre aprés avoir essl1ïé les Tiennes, leur dit d'avoir bon courage,&qu'ils ,
J. XI. <$c. reverroient encore leurs pays , leurs femmes & leurs enfans. Delà il alfa
camper à deux Stades, ou deux cent cinquante pas de la ville.
Cependant ces misérables se retirèrent à l'écart, pour délibérer sur ce
qu'ils pourroient demander au Roy. Les uns etoient d'avis de retourner
dans leur patrie, pour y revoir ce qu'ils avoient de plus cher, & pour y jouïr
de la liberté, &de ce que les hommes aiment le plus, leurs habitudes, leurs
loys, leurs sacrifices, l'exercice de leur religion. D'autres au contraire re-
montroient qu'en l'Etat où ils se trouvoient, ils ne pouvoient être qu'a charge
à leurs femmes & à leurs enfans, tronquez, difformes & accablez d'infirmitez
comme ils étoient, qu'ils ne pouvoient présenter à la Gréce qu'un speélacle
hideux & désagréable ; que les femmes qu'ils avoient épousées en Perse dans",
leur misere,les voudroient suivre dans leur retraite, qu'en cette compagnie
personne ne voudroit les recevoir dans leur patrie ; Que de vouloir abbiUl-
donner ces malheureuses & leurs enfans, pour en aller chercher d'autres, ce
seroit une inhumanité ; Qu'enfin le parti qui leur restoit à prendre, étoit de
se cacher aux yeux du monde & de chercher un coin de la terre, pour y
ensevelir ces restes de membres, ces hideuses difformitez.
Ce sentiment fut embrassé par le plus grand nombre, & ils députérent
cent des leurs;pour demander au Roy qu'il lui plût leur asfignerdans la Perse
une
TInecontrée pour habiter. Le Roy les prévint & ne doutant pas -qu'ils ne de-
mandaient de s'en retourner en Gréce, il leur dit qu'il avoit donné ses ordres
qu'on leur fournit des montures pour leur voyage, & à chacun mille deniers
pour leur de"peiile,& que, quand ils seroient arrivez enGrèce, il rendroit leur
condition telle qu'ils n'auroimt pas sujet d'envier celle de persoime. Ils ne
répondirent à cela que par leurs soupirs & leurs larmes, & le Roy leur en
aïant demandé la cause, ils répondirent qu'en l'état où ils se trouvoient, ils
avoient cru qu'il leur convenoit mieux de se cacher dans une terre étrangère,
que d'aller exposerun tel spedacle aux yeux de leur famille & de leur patrie.
Le Roy touché de leur résolution leur fit distribuer à chacun trois mille de-
niers & dix paires d'habits, & leur donna du bétail & du froment pour ense-
mencer les terres qui leur furent asiignées*
LIVRE XX.
ALexandre entrafdans Persepolis sans résistance ; Le lendemain aïant af. 1.
semblé les Chefs de son armée, illeur remontra qu'il n'y avoit jamais eu Alexandre
de ville plus fatale 'aux Grecs que Persepolis Capitale'de la Perie, que abbandon-
c'étoit delà qu'étoient venus ces déluges d'armées, qui avoient inondé la ne Perfe-
Gréce. Qu'il falloit exterminer cette malheureuse ville, & immoler sa ruine polis au
pillage.
aux Mânes de leurs Ancêtres. Les Barbares Pavoient déja abbandonnée, & An du M.
s'étoient retiré chacun où ils avoient pu. On y trouva des richesses i.mmen- ?67 4.
ses, les Perses y aïant amassé comme en monceàu tout ce qu'il avoit de plus avant J. G.
y
prétieux dans l'empire: Le Soldat méprisoit les dépouilles communes & or- OXuxL 326»
1. f.
dinaires; Il nes'attachoit qu'aux plus riches & aux plus prétieuses. Ils rOlU-
poient à coups de haches les vasesd'un prix inestimable,& n'enanmoient nas
même les statuës des Dieux d'or & d'argent. LeSoldat aïanttant debiensqu'il
n en savoit que faire, tuoit à la fin ses prisonniers comme une vile proie ce
,
qui fit que plusieurs résolurent de prévenir le vainqueur, & parez de leurs plus-
riches habits, se précipitèrent du haut des murailles avec leurs femmes & leurs
en sans. D'autres mirent le feu à leurs maisons & s'y brûlèrent avec leurs famil-
les & leurs effets. A la fin le Roy fit cesser le massacre,& défendit d'attenter à
la pudicité des femmes5ny de toucher aux ornemens qu'elles avoient sur elles.
L'argent qui fut trouvé au trésorRoyal,rHantait à six vingt mille talens,
qui furent mis sur des Chameaux, & emportez à Suses pour servir aux besoins ....
d-e la guerre. Alexandre donna le commandement de la Citadelle de Perse-
polis à Nicarthides, avec une garnison de trois mille Macédoniens, & con.
serva à Tyridates qui lui avoit livré les trésors de Darius, le rang & la charge
qu'il avoit auparavant. Il laissa à Persepolis une grande partie de son armée
avec le bagage, sous la conduite de Parmenion & de Cratére,& prenant
.mille chevaux îz quelques Compagnies d'Infanterie, il entra dans le fond de
la Perse au commencement de l'Hyver. Il pénétra dans une contrée couverte
de neiges de verglas. L'horreur de ces lieux étonna le Soldat rebutté
de tant de fytigues ; qui croïant être au bout du monde vouloit à toutes
forces rebrousser chemin avant que la lumiere du Ciel, vint encore à
lui manquer. Alexandre, les voyant effraïez mit pied à terre, & mar-
chant le premier à travers les neiges & les glaces , tous les autreq suivi-
rent son exemple; & après avoir traversé des lieux d'où ils ne croyoient ja-
mais sortir ils trouvèrent quelques traces d'hommes & quelques troupeaux
,
errans parles campagnes. Les hommes se sauve'rent sur les montagnes tuant
ceux qui ne les pouvoient suivre. Mais depuis s'apprivoisant peu a peu, ils
se rendirent au Roy qui les traitta doucement.
il. Apres cela il tira vers les Mardes nation belliqueuse, & dont la manière
Alexandre de vie est fort différente de celle des autres Perses. Ils demeurent dans des.
subjugue cavernes creusées dans les montagnes où ils se cachent avec leurs femmes
lesMardes. & leurs enfans ,
ne vivant que de la chair de leurs troupeaux ou des bêtes
P_Curt.I.S. ,
sauvages. Les femmes contre le naturel de leur sexe, n'y sont pas moins
farouches que les hommes. Elles portent les cheveux hérifTez, leurs robbes
ne vont que jusqu'au genou, & leur front est environné d'une fronde qui leur
sert d'ornement de tête & d'armes tout ensemble. Ces peuples se sournirent
sans résistance, & Alexandre revint à Persepolis un mois après qu'il en étoit
parti. 11 y fit de grandes largesses aux siens , & leur distribua presque tout
ce qu'il avoit trouvé dans Persepolis, qui passoit pour la plus riche ville qui
fût sous le Ciel.
111. Pendant qu'Alexandre recueïlloit le fruit de ses vi&oires, Darius étoit à
Darius à Ecbatanes de Medie, où il ramaflbit les Soldats qui étoient échappez à tant
Ecbatanes Il donnoit des armes à ceux quienmanquoient, bitÓit de nou-
... de Medie de malheurs:
fêdispose velles levées , exhortoit les Satrapes des Provinces les plus réculées à lui
de nou- conserver la fidélité. Son deiïein éioit , si Alexandre s'arrétoit à Suses où à
veau à la Babilonne de demeurer lui-même en Medie , & d'y attendre si les ennemis
, Que si Alexandre marchoit contre lui avec
guerre.
du M.
feroient quelques mouvemens.
An
3674. son armée il étoit résolu de se retirer dans le pays des Parthes, des Hirca-
, Bach-iens & de faire le dégât sur
avant C. biens ou des toute la route,afin de lui ôter le
3 26. moïen de le poursuivre. En attendant il jetta tout cequ'il avoit de chariots
.A,-rian. 1.3 & de barges dans les défilez des montagnes Caspiennes, & demeura à
Diod. 1. ; 7.
Ecbatanes avec son armée, dans l'attente du parti que prendroit Alexandre.
IV. Ce dernier Prince parmi une infinité de grandes qualitez qui le mettent
Alexandre beaucoup au dessus de tous les autres conquerans, avoit un défaut, qui ter-
met le feu niffoit la gloire de tout le reste, c'était l'amour du vin. Au milieu de ses
à Persepo-
lis. plus importantes affaires , & pendant que son ennemy armoit puissamment,
An du M & que les peuples nouvellement conquis ne
songea eut qu'à la révolte il
,
3674. passoit les jours entiers en Festins, & y appelloit des femmes de mauvaise ré-
avantJ. C. putation ; Entr'autres il y en avoit une nommée Thaïs, qui dans la chaleur
3 26.
QCurt.l.f. du vin & de la bonne
chere commença à lui dire, qu'il n'auroit jamais une
si belle occasion de faire plaiiir aux Grecs & de mériter leur bienveillance,
que de mettre le feu au Palais des Roys de Perse; que ceux dont les Barbares,
avoient brûlé les villes, attendoient de lui cette justice. La proposition faite
par une personne de ce caradére & au milieu du sevin fut applaudi de tous
les conviez; & le Roy non seulement l'agréa, mais montra ardent à l'exé-
cuter. Allons, dit-il, vengeons la Gréce & brûlons Persepolis. Aussitôt
prenant un flambeau ardent, il le lance contre le bois de Cédre dontprésque
tout
tout le Palais étoit bâti, les Conviez, les Courtisans, les Officiers & enfin les
Concubines en firent de même; de manière qu'en un .moment tout le Palais
fut en feu. L'armée qui n'étoit pas loin delà dans son camp, croyant que le
feu s'y fût pris par hazard, y accourut pour l'éteindre. Mais voyant que le
Roy même l'allumoit, ils se mirent à y jetter aussi du bois pour l'entretenir
& l'augmenter. Tel fut le sort de cette superbe ville, dont on connoissoit
à peine la place du tems de Quinte Curce. Quand' Alexandre eût dormi,
il le repentit de ce qu'il avoit iait,& dit que les Grecs auroientété bien mieux
vengez, s'il avoit obligé les Perses à le venir reconnoître assis sur le Trône de
Xercés. V.
Le lendemain il fit donner trente talens aù Lycien qui lui avoit servi Pasargade
de guide dans les défilez des montagnes de Perse ; & vers le même tems est livré à
Gobare Gouverneur de la ville de Pasargades, bâtie autrefois par Cyrus,livra Alexandre. (a)
cette place à Alexandre, qui y trouva six mille talens. Aristobule qui fut pré- Ariflobul.
fent, lorsque le Roy entra dans cette ville O) assûre qu'Alexandre y vit le apud Stra-
tombeau de Cyrus. II poussa ses conquêtes dans le reste de la Perse pendant ban. 1. x
cet automne , & il s'en rendit entièrement le maître. Phrasaorte fils de p.7)0.
Rheomithis en fut établi Gouverneur. (b)
Il passa ensuite dans la Médie, où il les
rencontra recruës qui lui venoient
Cb)

VI\
f
Arrian.l, 3

de Cilicie, au nombre de cinq mille hommes de pied, & de mille chevaux. Darius à
Les uns & les autres étoient commandez par Platon Athénien. Avec ce Ecbatanes,
dispose v
renfort il résolut de/poursuivre Darius, qui étoit déja arrivé à Ecbatanes Ca- àsecombat- -

pitale de la l\Iédie. C'tst dans cette ville que les Roys de Perse avoientaccou- tre Alexan-
tumé de passer l'été. Darius avoit pris la résolution de se retirer d'Ecbatanes dre.
& de marcher dans la Badriane mais craignant d'être prévenu par son en- ÇKCurt./.ç»
nemi, il changea d'avis & de route. , Vide $
Car encore qu'il fut éloigné d'Alexandre ,An'ian.l.
de quinze cent Stades, ou de 45. lieuës, il n'y avoit diffance qui pût l'assurer $ Strabon.?
contre la vitesse d'un tel ennemi, de "sorte qu'au lieu de se retirer, il se disposa 1.1
au combat. Il lui restoit trente mille hommes de pied, entre lesquels il y Diod.Sicul.
avoit quatre mille Grecs, qui lui demeurèrent fidéles jusqu'à la fin. Il avoit
outre cela quatre mille frondeurs ou gens de traits , & trois mille trois cens
,
,
chevaux, présque tous Baclriens commandez par Bessus Satrape de la Bac-
tnane. Il portoit avec lui sept ou huit mille talens qui furent pillez aprés
1a mort par ceux qui l'accompagnaient.
Dans la perplexité 011 il se trouvoit, il consulta ses amis sur le parti qu'il Vll.
avoit à prendre. Mais l'image du danger présent avoit tellement saisi les Conspira.
esprits & les coeurs, que pas un ne savoit qnoy lui repondre. Cependant ti on contre Il
Artabaze lui dit qu'ils s'étoient tous parez de leurs plus riches habits pour Darius. est sollicité
,
le suivre au combat dans l'esperance de vaincre; Mais Nabarzanes qui assistoit de quitter
à ce Conièil, avoit tramé avec Bessus le plus noir complot, & qui étoit sans l'Empire.
exemple parmi les Perses, c'étoit d'arréter le Roy & de l'enchainer dans la QXurt.ï. c.
du M.
veuë , s'ils étoient poursuivis par Alexandre, 'le le lui livrer vivant ,; ou s'ils An'g674.
lui échapoient, de tuer Darius, de s'emparer du Royaume & d-e recommencer avant J.G*
la guerre. Nabarzane n'eut pas de honte de faire à Darius la proposition
de se dépouïller du Royaume & de le remettre à Bessus, qui pourroit rétablir
;
36.
-
les affaires des Perfes sous de plus heureux auspices
, promettant qu'après
avoir mis les choses sur un meilleur pied, de lui remettre l'Empire qu'il n'au-
roit reçu que comme un dépôt.
A ce discours Darius s'emporta & mettant la main à son cimeterre,alloit
tuer Nabarzanes , si Bessus & les liens ne se fusfeut promtement mis aude-
vant ; en même tems Nabarzanes & Bessus ayant séparé leurs troupes du
gros de l'armée , laiflférent Darius dans un étrange embarras ; il n'osa dé-
camper de ce lieu & s'enferma dans sa tente,plein de tristesse &de désespoir,
laissant l'armée au commandement d'Artabaze qui ne lui manqua ja-
,
mais de sicle"lité i II lui releva le courage & l'engagea à manger & à se
,

,
montrer aux Perses qui lui étoient toujours constamment attachez malgré
,
les sollicitations & les promesses de Nabarzanes & de Bessus qui n'avoient
,
rien omis, pour tacher de les débaucher.
Ces deux traîtres désespérant de s'emparer de l'Eiiipire tandisque Da-
,
rius vivroit, arrêtèrent qu'on se sàisiroit de lui & qu'on enverroit vers Ale-
,
xandre, pour l'avertir qu'ils le tenoient & le lui gardoient vif. S'il détestoit
leur trahison, qu'ils tueraient Darius, & se retireraient dans la Baûriane avec
leurs troupes. La difficulté étoit de prendre le Roy au milieu des PeiiVs,
qui lui étoient toujours trés-attachez, & au milieu des Grecs,dont la fidélité
étoit connue. Ils eurent recours à l'artifice. Ils feignirent de se repentir
de s'être ainsi séparez de l'armée, & Artabaze les ayant assurez qu'ils étoient
rentrez dans les bonnes graces du Roy , Nabarzanes se rendit dez le point
du jour à la tente du Roy avec les Baftriens, & Darius ayant donné le lignai
pour marcher, monta sur son chariot comme de coutume. Nabarzanes <Sc
ses complices se proiternérent pour l'adorer, & le conjurèrent avec larmes de
leur pardonner. Darius bon & credule se laissa toucher, & joignit ses larmes
aux leurs.
VIII. Patron Chef des Grecs sachant la conspirat{ol1 de Nabarzanes & de
Patron Bessus, ordonna à ses gens de prendre leurs annes;& de se tenir avec lui prés
Chef des le chariot du Roy, prêts à exécuter ses ordres au moindre signal. Darius
Grecs qui s'étant
étoient au aperçu que Patron vouloit lui parler , lui fit demander ce qu'il snu-
service de haittoit, Patron lui
fit dire qu'il désiroit l'entretenir en.particulier. Le Roy
Darius, luî l'ayant fait approcher; mais sans truchement, parcequ'il entendoit la langue
découvre Gréque Patron lui dit qu'il le suplioit de faire dresser sa tente dans le quar-
la confjîi- tier des ,Grecs, & de leur confier la garde de sa personne qu'il avoit de trés-
ration lui Darius ,
deBessus fortes raisons pour faire cette demande. ne parut point étonné
& de Na- de ce discours, & ayant pressé Patron de s'expliquer davantage, il lui dit net-
barzanes. tement que Bessus & Nabarzanes avoient conspiré contre lui & que sa vie
,
& sa couronne ne tenoient plus à rien, s'il ne prévenoit les conjurez. Da-
rius lui repondit qu'il ne pouvoit se resoudre à abbandonner ceux de son
pays, pour chercher sa seûreté parmi des étrangers , qu'encore qu'il ne pût
douter de la fidélité.des Grecs, il étoir résolu d'attendre parmi les siens tout
ce que la fortune lui préparoit; qu'aussi bien il ne pouvoit plus mourir que
trop tard, si les Soldats de sa nation l',esii01oiept indigne de vivre.
Bonus
Bessus qui avoit été informé de tout ce qu'avoit dit Patron, par un IX
interprète lui avoit tout entendu, avoit dessein de tuër Darius sur le champ, Darius est
mais craignant qu'Alexandre ne le reçut mal, s'il ne lui livrait le Roy vivant, abbandon,
il différa de prendre le Roy jusqu'à la nuit suivante ; & cependant Bessus né des
liens &
prenoit les Dieux à témoins de son innocence & accusoit Patron de per- chargé de
fidie & de vouloir le livrer à Alexandre. La nuit étant proche, les Perses se chaînes.
dé[armérent selon leur coutume & allérent au fourage dans les villages voisins; QCurt.l.ç.
Bessus ordonna aux Badriens de demeurer sous les armes.Le Roy ayant dit le An du M.
dernier adieu à Artabaze, se coucha le visage contre terre ;ses gardes se retirèrent avant 3674.
J. G.
où ils purent, il ne resta dans sa tente que quelques Eunuques,& encore les fit-il 326,
sortir. Alors se voyant seul, il rouloit dans son esprit tantot une chose &
tantôt une autre; & aïant dit à Bubace le Chef des.Eunuques qu'il pouvoit
se 1 au ver où il pourroit avec ses compagnons que c'étoit assez de lui avoir
,
été fidéles jusqu'alors. L'Eunuque à ces mots remplit la tente de cris. Le
bruit se répandit dans tout le camp & perça jusqu'au quartier des Perses*
qui étant désarmez n'osoient reprendre ,
les armes, pour ne pas s'attirer les
Baclriens sur les bras. Le bruit se repandit aussitôt que Darius étoit mort.
Bessus & Nabarzanes accoururent à sa tente, & l'ayant trouvé
encore vivant,
ordonnèrent qu'on le saisît & qu'on le chargeât de chaines d'or. Justin
raconte que cela arriva dans le village de Dara> ou de Thara dans le pays des Sfuflin.
Parthes. LXl c.iy»
Ainsi Darius ce Grand Monarque de PAne un peu auparavant adore
comme un Dieu , fut jetté par ses propres sujets sur un chariot & traîné
,
parmi le bagage de sa propre armée. Son argent & ses meubles ,furent pil-
lez. Artabaze avec ceux qui étoient demeurez dans l'obéïssance & les
bandes Gréques se retirèrent dans le pays des Parthes. De peur qu'on,
reconnût le Roy dans le misérable état où il étoit aux marques Roïales
qu'il n'avoit pas quittées les traîtres couvrirent le, chariot où il étoit de
ne

vilaines peaux, & le faisoient,


méner par des gens qui ne le connoifïbientpas. ,
Quelques gardes le suivoient feulement de loin.
Alexandre ayant sçu que Darius avoit quitté Ecbatanes, se mit à lepour- X
asuivre vivement, & quelques transfuges lui ayant dit dans la ville J'ie Tabes, Alexandre
a l'extrémité de la Paretacéne, que Darius s'enfuïoit en grande hâte dans la pourrit -

Laetriane, il marcha avec encore plus de précipitation, & arriva enfin au Darius.
Bourg, ou Bessus avoit arrété ce Prince. Il y trouva Melon truchement de
Darius qui l'informa de tout ce qui s'étoit passé. Et comme ses troupes
,
aprés une si grande traite n'étôient pas en état de le suivre il choisit six
mille chevaux, & y joignit trois cens hommes nommez Dimaques,qui ,
battaient a pied & à cheval selon le besoin, avec lesquels il corn-
p ou rsui vit Bessus
que les Bactnens avoient déclaré Empereur en la place de Darius ; en
tant Alexandre donna ses ordres à Nicanor, & à Attalus de le suivre par-
Cavalerie armée a la légère, pendant que la Phalange viendroit le plus avec la
dili-
gemment qu eUe pourroit. Pour lui il partit sur la brune, aïant pour guides
Urlile & Mithracenes, qui avoient quitté le parti de Bessus détesteit, sa
hlfon. tra-
Quoiqu'il
Quoiqu'il menât ses gens au galop, il ne laissoit pas de marcher en ordre
de bataille & de modérer la course de ses gens de telle manière, que les pre-
miers pouvoient se joindre aux derniers. Il avoit déjà fait trois cent stades,
fils de Mazée cy-devant Gou-
ou environ quinze lieuës, lorsqueà Brocubelus
verneur de Syrie, vint se rendre lui, & l'assûra que Bessus n'-étoit qu'à deux
cent stades de lui, & que son armée ne se défiant de rien , marchoit en des-
ordre, que Darius étoit encore en vie, & que s'il se vouloit hâter , il le sur-
prendroit infailliblement. Ces discours étoient autant d'aiguillons qui pous-
faient Alexandre à poursuivre les ennemis. Ils doublèrent le pas & allant
à toutes brides ils arrivèrent bientôt assez prés de Benus pour entendre le
bruit de sa marche: mais la poussiére qui s'étoit élevée,leur en ôtantlaveuë,
,

il fallut faire alte pour la laisser raireoir.


xi & chérentBessus & ses complices ayant apris qu'Alexandre étoit proche , s'apro-
Bessus du chariot qui portoit Darius, & exhortèrent ce Prince à monter à
cheval & à se dérober à l'ennemi: Mais aïant refusé de le faire , Satibarzanes
(
lessiens
lancérent leurs dards contre lui & le laissérent tout couvert de
(
percent & Barzaentes
Darius de j
Ils tuèrent aussi deux esclaves qui accompagnoient le Roy , &
&le blessures.
coups
laissent blefferent les chevaux qui traînoient le chariot. Les auteurs de ce parricide
pour mort. se sauvérent avec six cens hommes qui les accompagnoient, & pour
empêcher
curt- 1. ? l'ennemi ne pût découvrir le lieu de leur retraite , ils laissërent en plu-
Arrian.l.?» que

vestiges de leur fuite. Nabarzanes tira vers l'Hircanie &


-
~.
Ffuflin.
l. X2.
fleurs
Bessus
lieux
vers
des
la Badriane, suivis de peu de gens à cheval.
tuez de Chefs se dispersérent ça & là , sélon que lasepeur
Les Barbares defti-
ou l'espérance les
guidoient. Il n'y eut que cinq cens chevaux qui rallièrent incertains
,
encore s'ils devoient combattre ou fuïr:'
Alexandre voyant branler l'ennemi, fit avancer Nicanoravec une partie
de la Cavalerie pour les coupper, & se mit à les charger avec le reste. Il y
en eut prés de trois mille, qui s'étant mis en défense, furent taillez en piéces.
Pour les autres on les chassoit comme des troupeaux de bêtes, le Roy eût-il aïant
commandé qu'on cessat de tuer. Il s'étoit tellement hâté qu'à peine y
trois mille chevaux qui le purent suivre. De sorte que les troupes entieres
1
de fuïar-,Ï, venoient comme d'elles mêmes se mettre entre les mains de ceux de
qui venoient plus lentement aprés lui. 11 y avoit plus de prisonniers que
pour les prendre;La peur & la mauvaise fortune aïant tellement ôte le
gens
sens à ces Barbares, qu'ils ne s'appercevoient ni de la multitude des leurs,
ni
du petit nombre des ennemis. "

XII. Cependant les chevaux qui menoient le char de Darius , n aïant per-
Mort de sonne qui les conduisit, quittèrent le grand
chemin, & aïant fait quatre stades
fond n'en pouvant plus de
Darius.
jlrrian.l.i
.
Rçurt.l., ou 490 pas
chaud & de
à l'avanture,
la douleur de
s'arrétérent
leurs playes.
dans un
Il y avoit ,
prés de la une fontaine,
pressé de la sois fut adressé par ceuX du pais,
guflin. où Polystrate Macédonien
il buvoit de l'eau qu'il avoit puisée dans son casque , il vit des che-
1. IX. comme de dards & s'aprochant il vit dans un
vaux à demi-morts & tout couverts ,
mauvais char un homme tirant à sa fin, & reconnut que c'était
Darius perce
de plusieurs coups, mais qui respiroit encore.Un des prisonniers aePolyltrate
s etaiit
s'étant approché de Darius & ce Princé, aïant reconnu qu'il étoit Perran,
témoigna qu'en l'état où il se, trouvoit, il mouroit content, puisqu'il pari oit
à un homme qui l'entendoit. Il chargea ce prisonnier de dire à Alexandre,
qu'il le remercioit de tant de bonté qu'il avoit tue pour sa Mere , sa femme
& ses enfans, qu'il prioit les Dieux de le conserver& de le rendre Monarque An du M.
de l'univers, & qu'il lui seroit glorieux de le venger du traître Bessus; qu'il de- 3*574.
voit cet exemple au monde. Que c'étoit la cause commune de Roys. En d'Août au mois
ou
même tems il demanda à boire, & Polyltrate lui aïant présenté de Peau , il de Sep-
but,& lui donna la main, il le pria de la donner pour lui à Alexandre,comme tembre
le seul & dernier gage desafoy & de son affeftion.En disant cela, il rendit avant J. G.
resprit. Il avoit régné six ans & en avoit vécu cinquante. 326.
XIII.
A peine avoit-il rendu l'esprit, qu'Alexandre suivi de sa Cavalerie arriva, Alexandre
& voyant le corps de ce Prince il le pleura amèrement & plaignit son in- pleure la
,
fortune; puis il détacha son manteau, le jetta sur le corps, & l'aïant fait em- mort de
baumer royalement, il l'envoïa à Sisigambis)pour le faire ensevelir à la façon Darius &
des Roys de Perse & le mettre au tombeau de ses Ancêtres. Il donna à lui fait ren-
dre les
Oxathre, frere de Darius un rang considérable parmi ses amis , & se mit à derniers
poursuivre Bessus. Mais ayant apris, qu'il avoit pris les devans, & qu'il avoit devoirs.
gagné la Baél:riane, désespérant de l'atteindre, il revint sur ses pas. Et comme
le repos lui étoit plus insuportable que toutes les fatigues de la guerre , il
n'eut pas plutôt pris un peu de relache, qu'il s'abbandonna aux voluptez &
àla bonne chere. Ce n'étoit que jeux, que plaisii&3 quefestins, que débauches.
Il passoit les nuits & les jours à boire , & prenant les façons de faire des
étrangers qu'il avoit vaincus, il offensa tellement les liens, que la plupart ne
le considéroient plus que comme un ennemi. Delà vinrent ces conspira-
tions si fréquentes contre sa personne, ces mutineries dansées troupes , &
cette licence effrénée de se plaindre de lui , d'où lui tiaisiient ensuite ces
défiances, ces soupçons, ces inquiétudes, dont on parlera dans'la suite.
Le dernier butin qu'on avoit fait sur l'ennemi, montoit à vingt-six mille XIV.
talens; dont il y eut douze mille d'employez à faire largesse aux Soldats, & Les Soldats
autant de détournez par ceux qui les avoient en garde. Alexandre cepen- Macédo-
dant s'avançait toûjours dans le païs : Etant dans la ville d'Ecatonpyle située niens veu.
lent re-
dans le païs des Parthes, & bâtie autrefois par les Grecs il y sejourna quel- tourner
,
ques jours, & ordonna qu'on y amenât des vivres de tous cotez. Le Soldat dans leur
oisif & dans l'abondance,forgeant des nouvelles sélon sa coutume répandit païs.
, An du M.
un bruit, sans qu'on en connût l'auteur , mais qui passant de main en main, 3P74.
courut toute l'armée ; que le Roy content de ce qu'il avoit fait, retournoit avant J. G.
de ce pas en Macédoine; tellement que chacun courant dans sa tente, amasse 326.. ,
son bagage, cherche en hâte ses compagnons, charge son butin sur des cha-
riots. On auroit dit qu'on avoit donné le signal pour déloger; tout le
camp fut rempli de ce tumulte; Alexandre en fut bientôt averti; & comme
il avoit dessein de pousser ses conquétes jusqu'aux Indes & aux extrémitez
de l'Orient, il appelle ses Chefs dans sa tente , & les larmes aux yeux il se
plaint qu'au milieu d'une carriére si glorieuse , on veut l'arrêter , & le
contraindre de retourner en son pays, plutôt en vaincu qu'en victorieux.
La delius tous les Chefs a envi lui ottrent leur lang & leur vie qu'il
1
,
n'a qu'à commander, que non feulement les Officiers,mais les Soldats mêmes
iront où il voudra , pourveu qu'il lui plût les adoucir par de bonnes pa-
roles. En effet dez qu'il eût parlé à ses troupes , tous s'écrièrent qu'il n'a-
voit qu'à les mener où il voudroit. Ce qui avoit donné lieu à ce faux bruit,
étoit qu'Alexandre avoit licentié les bandes Gréques, & avoit donne six mille
deniers à chaque Cavalier ; si bien que les Macédoniens croyoient la guerre
finie pour eux, comme pour les autres.
' XV. Pour profiter de l'ardeur des troupes le Roy fait marcher son armée
Alexandre vers l'Hircanie, & traversant le païs des Parthes
- ,
il arrive en trois jours aux
arrive dans frontières de cette Province. ,
Il laissa Cratére avec les troupes qu'il com-
/
le païs des
Parthes. mandoit, & celles d'Amyntas renforcées de six cent chevaux & d'autant d'Ar-
--CUrt.1. 6. chers, pour défendre les Parthes des incursions des Barbares. Pour lui, s'é-
Arrian, l. j tant avancé de cent cinquante stades il campa dans une vallée qui elt à
, ,
l'entrée de l'Hircanie; Il y avoit là un bois de haute fûtaye, arrosé d'une in-
finité de ruiflèauxj & du pied des montagnes descend le fleuve Zioberis,qui
aprés avoir coulé dans Ion lit environ quatre cent pas, vient se rompre contre
un rocher, qui le coupe en deux, & en forme comme deux riviéres , qui se
réüni{sant après, coulent ensemble pendant quelque espace, puis se précipi-
tent sous terre , où le fleuve demeure caché à la longueur de trois cent
stades ou de 3 7 5. pas. Alexandre voulant s'assûrer, si c'étoit la même
riviére qui reparoilsoit ainû , aprés avoir demeuré quelque tems sous terre,
y fit jetter deux taureaux, que l'on vit reparoître à l'endroit où la rivieresort
de terre.
XVI. Apres y avoir sejourne quatre jours, il y reçut des letttes deNabarznnes
Il se rend complice de Bessus, par lesquelles il excufoit comme il pouvoit sa conduite
maître du Darius, & offroit de se rendre à Alexandre. Celuy-cy lui donna sa
Eais des envers
Tapiriens parole à la façon des Pertes,& lui fit dire qu'il pouvoit venir en toute assu-
k des Hir-rance. Toutefois il faisoit marcher son armée en bon ordre, envoyant de
«aniens, tems en tems des coureurs pour reconnoître les parages ; Quoique le païs
fut présqu'inaccessible,& que les peuples fussent trés-belliqueux, le Roy passa
sans danger & sans ren'contrer aucun ennemi. Il fit encore trente stades , &
Phrataphernes sè vint rendre à lui avec ceux qui l'avoient accompagné dans
sa suitte après la mort de Darius. Il les reçut tous fort humainement. Etant
arrivé à la ville d'Arvas, Cratere & Erygie l'y vinrent trouver & lui améné.
rent Phradates Gouverneur des Tapiriens, qui fut traitté si favorablement du
Roy, qu'il fut cause que plusieurs voulurent aussi eprouver sa clemence. Il
rendit le Gouvernement des Tapyriens à Phradates, & donna celui de l'Hir-
canie à Menapis, qui aïant été exilé sous le regne d'Ochus , s'étoit réfugié
XVII. d'Alexandre.
Artabaze auprés de Philippe Pere
fidel ami Quand il eut traversé toute J'Hircanie , Artabaze , de qui nous avons
de Darius, parlé plus d'une fois, & qui avoit toûjours demeuré fidel à Darius vint au-
sest bien devant d'Alexandre, accompagné de quelques parens de ce Prince ,
infortuné,
reçu d'A- encans & d'une trouppe de Soldats Grecs. A son abord le
lexandre.. de ses propres
Z.Cu.-t.4 16. Roy lui toucha dans la wain1 & lui fit beaucoup de caresses, à cause de l'amitié
qu'il
qu'il avoit eue avec le Roy Philippe son Pere, auprés duquel il s'étoit retiré
durant Ion exil sous le RoyOchus, & plus encore pour la fidelité qu'il avoit
gardée à son Souverain. Ce vénérable vieillard avoit alors quatre - vingt
quinze ans , & avoit à ses côtez neuf jeunes hommes ses enfans, tous bien-
laits , & nez d'une itfême Mere. Il les présenta au Roy, priant les Dieux
qu'ils ne vécussent qu'autant qu'ils pourroient être utiles à son service.
Alexandre alloit le plus souvent à pied dans la campagne. Mais alors il fit
amener des chevaux.pour luy & pour Artabaze, de pe.urquelui étantàpied,
ce bon vieillard n'eut honte de se voir a
cheval. ^
Les Mardes des peuples de l'Hircanie, gens brutaux & accoutumez au XTIII1.
brigandage, étoient les seuls qui n'avoient envoyé ni Ambassadeurs , ni pré- LesMardes ré-
sens à Alexandre ; Ce Prince piqué de cette insolence , laiflse- là le bagage, sont duits à
& s'avance contr'eux avec l'elite de ses troupes. Il marcha toute la nuit, & i,obëis-
au point du jour il le fit voir l'ennemi.
à Ce fut plûtost une deroûte qu'un tance d'A-
combat. Les Barbares châtiez des collines où ils s'étoient jettez , s'enfui lexandre.
rent, & l'on prit les Bourgs voisins abbandonnez de leurs habitans. Les Curt. 1. 6.
Arrian.l.
ennemis se retirérent dans des forts qu'ils avoient dans la plaine,& qui con- An du M.3
siltoient eh des arbres plantez fort prés les uns des autres , dont ils ploient 3674.
les branches avec la main durant qu'elles sont encore tendres , puis les tor- avant J. Go
dant par le bout, ils les replantent & les enfoncent dans terre, où elles pren- - 326.
nent racine. & produisent des branches & des tiges plus fortes que les pre-
mières ; lesquelles toutefois ils ne laissent pas croître selon que la nature
les pousse, mais ils les croisent les unes contre les autres ; de sorte qu'elles
sont comme des rets cachez sous leurs feuïllages, qui empêchent qu'on ne
puisse pénétrer dans ces forts.
L'expedient étoit de coupper & les arbres & ces branches ; Mais la
chose demandoit beaucoup de tems & de travail, & les habitans du païs qui
étoient faits à brosser à travers ces buissons , comme des bétes sauvages,
s'étoient jettez dans ce bois, d'où ils tiroient à couvert sur les ennemis. Le
Roy se gouverna aussi en chasseur pour les prendre & les forcer. 11 fit saire
l'enceinte du bois par ses Soldats , avec ordre de se jetter dedans pour peu
qu'il y eût d'ouverture. Il y perdit quelques Soldats qui s'égarèrent, d'au-
tres furent pris-par les Mardes , & avec eux son cheval Bucephale , qu'il
considéroit comme un animal fort distingué des autres. En effet on auroit
dit qu'il avoit de l'intelligence , ne souffrant pas qu'autre qu'Alexandre le
montât, & quand il le sentoit approcher , il se mettoit à genoû pour le re-
cevoir. Le Roy outré de colére au delà de la bienseance, fit dire aux Bar-
bares que si l'on ne lui ramenoit son cheval, il extermineroit tout. Ils en
furent tellement effrayez, qu'ils le lui ramenèrent avec force présens. Il ne
s'en contenta pas , mais aïant comblé le retranchement qui leur servuit
comme de fbssé , & aïant couppé les arbres, les Barbares voyant qu'ils ne
pouvoient plus tenir, lui envoïérent cinquante Ambassadeurs, & des otages, &
se rendirent à lui. LeRoy remit les otages à Phradates, à qui il donna le gou-
vernement de ce pais, & retourna dans son camp, n'aïant mis que cinq jours
a cette expédition.
xix. On lui amena alors quinze cens Grecs,qui avoient servi dans l'armée
Les Grecs de Darius. Ils étoient accompagnez de quatre-vingt-dix Ambassadeurs La-
qu avoi- cédémoniens, que les Spartiates avoient envoïez vers le même Prince. Les
ent suivi Grecs refusérent de se présenter devant Alexandre qu'on
Dar us, , ne leur donnât à
se ren- eux & aux Lacédémoniens un sauf conduit. Le Roy ne voulut point leur
dent à Ale- donner sa foy, ni leur rien promettre, mais il leur fit dire, de venir recevoir
xandre. de lui telle loy qu'il lui plairoit. Ils furent longtems à délibérer; à la fin ils
"QXurt.1.6. résolurent de le présenter & de se rendre à discretion. Démocrates Athénien
Arrian.l.î.
qui avoit toujours été opposé à la grandeur des Macédoniens, désespérant
de san salut, se passa son épée à travers le corps. Le Roy incorpora les gens
de guerre dans ses compagnies, renvoya les autres chez eux & fit mettre
,
les Macédoniens sous bonne garde. Il renvoïa en liberté les Ambassadeurs
de Synope & de Chartage & après avoir comblé de biens & d'honneurs
,
Artabaze au double de ce que Darius lui en avoit jamais fait, il lui permit de
s'en retourner en sa maison.
Aprés cela le Roy marcha vers Zadracarte Capitale d'Hircanie où
Darius tenoit autrefois sa cour. A peine y fut-il arrivé, que Nabatzanes, l'y
vint trouver sur sa parole avec de grands présens. Il lui présenta entr'autres -
l'Eunuque Bagoas,beau par excellence, qui avoit été fort aimé de Darius, &
qui le fut bientost après d'Alexandre, de sorte que ce fut principalement à sa
priére que le Roy pardonna à Nabarzane.
XX. Quelques Historiens racontent, que Thalestris Reine des Amazones
Thalestris vint endroit trouver Alexandre. Lorsqu'elle fut assez proche du
Reine des en cet
Amazones camp , elle envoïa
devant l'avertir qu'une Reine qui le venoit visiter & qui
vient voir mouroit d'envie de le connoitre , étoit arrivée & n'étoit pas loin delà»
Alexandre Alexan-dre lui aïant mandé qu'elle seroit la trèsbien venue elle commanda
QCurt.1.6. à son train de s'arrêter, & vint avec trois cens Amazones. , Dez qu'elle eut
ujiin. 1.12
Clitar- apperçu le Roy, elle se jetta à bas de cheval portant deux lances à la main
6. ?. ,
cbus apud droite. L'habit des Amazones ne leur couvre pas tout le corps,car du côté
Strabon. gauche elles ont le sein découvert, & tout le reste est caché, hors que leur
l.Xi.Polyc. robbe troussée avec un noeud,ne leur passe pas le genouïl. Elles gardent
Oneficritus de leurs mamelles pour nourrir leurs filles & brûlent la droite pour
jLntigen. une ,
Rflor &c. mieux bander l'arc, & lancer le Javelot. Thalestris avoit les yeux arrêtez
An du M. sur le Roy sans s'étonner , ne trouvant pas que sa présence répondit à la
3674. haute réputation ; Car on sait qu'Alexandre n'étoit pas d'une taille avanta-
avant J. C. geuse, ni d'un extérieur fort imposant.
326.
Ca)

Ptohmaus rendroit à son Pere.


l,agi,Antï- excusoit
,
Ce Prince lui aïant fait demander si elle souhaittoit quelque chose de
Arijiobu- lui elle répondit franchement, qu'elle étoit venue pour avoir de sa lignée ;
lus, Cbares, que , si elle faisoit une fille, elle la garderoit & si c'étoit un garçon elle le
Alexandre Unvira à venir à la guerre avec, lui &
qu'elle ,
cliaes, Phi- comme elle s'en sur ce n'avoit laissé personne pour la (on-
lo Thtba- duitte de son Royau e , le Roy la retint treize jours, après quoy elle s'en
7ius, Phi- retourna dans ses Etats. C'est ainsi que Quinte-Curce raconte cette histoire,
lippui He- qui est rejettée comme une fable par les Historiens les plus tentez& les plus
tatœus Ere-
exacts, (a) Alexandre qui écrivoit à Antipater tout ce qui lui arrivoit, lui
manda
manda bien que le Roy des Scythes lui avoit offert sa fille en mariage, mais trîenjts,
il ne dit pas un mot des Amazones ; & Onesierte recitant un jour devant Philippin
Chalcidens,
Lysimaque un des Généraux d'Alexandre,le quatrième livre de son histoire,où Duris Sa-
il parloit des Amazones Lysimaque lui dit en riant OU eto1S-Je donc
, : ns ius. Vide
ali)rs ? Plut.
Le Roy étant de retour dans la Province des Parthes se livra sans ré- in Alex.
,
serve à toutes ses passions ; Et lui, qui jusqu'alors s'étoit fait admirer par sa Strabon; XJ.
chasteté & par sa modération, passa tout d'un coup dans les excés opposez, 1.Arrian.
& quittant la bonne discipline l'habit simple & la vie reglée des Macédo- l. 7. &c.
,
niens, comme choses trop basses pour la grandeur de sa fortune, il affeda le XXL
faste & les maniéres des Roys de Perse qui osoient s'égaler à Dieu & exi- Excès d'A-
,
geoient de leurs peuples un culte qui n'eitdûqu'à l'Etre supreme.Alexandre lexandre dans la
en usa de même envers les nations qu'il avoit vaincuës, voulant qu'elles se paix&dans
prosternasient à ses pieds,& lui rendissent les services les plus abjects. Il por- l'oisiveté.
toit sur le front un Diadème de pourpre mélé de blanc, comme l'avoitporté Q€urt.l.6.
Darius, & prit la robbe Persienne, diiant qu'il se paroit des dépouïlles de ses An du. M.
3674.
ennemis. Dans les lettres qu'il écrivoit en Europe , il mettoit son cachet
ordinaire ; dans celles qu'il faisoit expédier pour l'Asie , il se servoit de l'an-
neau de Darius. Il obligeoit aussi les Grands de sa cour & tous ses amis
de s'habiller comme lui à la Persienne, à quoy ils obéïssoient, quoi qu'avec
une répugnance infinie, personne n'osant le contredire.
Il avoit rempli son Palais de trois cent soixante Concubines, autant
qu'en avoit eù Darius, avec une troupe d'Eunuques, qui se prostituoient à
toutes sortes d'infamies. Les vieux soldats qui avoient servi sous Philippe
son Pere dételtoient tout haut ce luxe si prodigieux & disoient qu'on
avoit plus, perdu que gagné par tant de combats & tant de, victoires, que le
Roy avoit honte de les compatriotes, & de ses soldats, & les dédaignait,
aimant mieux ressembler aux vaincus qu'aux victorieux & se rendant en
quelque sorte Satrape de Darius, en prenant l'habit des Perses. ,
Alexandre
n'ignoroit pas leur mécontentement & leurs discours. Mais il les dissimuloit,
& ménagoit ses soldats, dont il avoit encore besoin, les comblant de bien-
faits & de largesses. De peur que la chose n'allât plus loin, il crut qu'il
falloit leur donner de l'exercice, & les mener à la guerre.
L'occasion s'en présenta d'elle-même. Bessus aprés la mort de Darius XX IL
avoit pris les ornemens Royaux, la tiare droite, le nom de Roy, & se faisoit Bessus
nommer Artaxercés. Outre les Badriens qui lui étoient attachez , il avoit prend le
ramassé les Peries qui s'étoient jettez dans la Bach'iane & avoit fait alliance titre de
, Roy.
avec les Scythes & les habitans du Tanaïs, dans le dessein d'en former une
armée nombreuse & de faire la guerre à Alexandre. Satibarzanes en vint
donner avis au Roy, qui le reçut dans ses bonnes grâces,& lui conserva son
gouvernement de l'Orient ; Il lui donna Anaxippe un de ses amis avec qua-
rante Cavaliers armez à la légère, afin qu'ils garantissent cette Province des
ravages que l'armée y pourroit faire dans son passage.
Comme les troupes Macédoniénnes étoient si chargées de butin & d'atti- XXIII.
xail inutile, qu'elles ne pouvoient qu'à peine se remuer, Alexandre fit porter Alexandre
fait brûler
Almn1 3 au
son bagage au milieu de la place de Sures , premièrement tout son bagage, puis celui
& celui de de ses soldats, à la réserve des choses les plus nécessaires. Delà il fit trans-
b
ses Soldats.
porter le tout sur des chariots dans une grande campagne. Tout le monde
étoit attentif à ce qu'il vouloit faire. Tout à coup aïant renvoyé les chevaux,
il mit le feu à son propre bagage, & commanda qu'on en fit autant à tout le
xeste. Les Macédoniens le firent sans résistançe, & brûlèrent ces riches dé-
pouïlles qu'ils avoient eux-mêmes tirées du milieu des flammes, & qu'ils
avoient acquises au prix de leur sang. Mais l'exemple du Roy fit que personne
i- 1l'osa s'en plaindre; Une courte harangue appaisà leur douleur, & ils prirent
avec allégresse le chemin de la Baétriane, dans la
confiance de faire bientost
un butin plus riche.
Xxiv. La mort subite de Nicanor fils de Parmenion, remplit toute l'armée de
Mort de deuïl. Le Roy auroit bien voulu séjourner pour assister à ses funérailles;
Nicanor Mais la nécessité des vivres l'obligea â se hâter. 11 laissa Philotas avec deux
mille six cens hommes, pour rendre les derniers devoirs à sonfrère, &
fils de Par-
menion.
Fuite de marcha contre Bessus. En chemin il reçut nouvelles, que Satibarzanes qu'il
Satibarza- venoit d établir Gouverneur des Ariens, s'étoit aussitost revolté & avoit mis
nes. à mort Anaxippe & les Cavaliers qu'il lui avoit laissez , & que Bessus venoit
à lui en résolution de le combattre. Surquoi, bienqu'il en voulût princi-
palement à Bessus, il jugea toutefois à propos de combattre premièrement
Satibarzanes pour le punir de sa perfidie. Il prit donc avec lui Ion Infan-
terie légére & sa Cavalerie, & aïant marché toute la nuit avec une extrême
diligence , il le surprit au dépourveu. Tout ce que put faire Satibarzanes
fut de ramasser deux mille chevaux, & de s'enfuir versBeflus dans laBadnane.
Le reste de ses gens gagna les montagnes voisines.
Alexandre suivit quelque tems Satibarzanes, mais désespérant de l'attcin4
dre il revint à Artacone , dont il commanda à Cratére de faire le liège,
,
pendant qu'il réduiroit les troupes de Satibarzanes, qui au nombre de treize
mille s'étoient retirées sur un rocher escarpé du côté de l'Occident, mais qui
assez douce pente toute couverte de bois,& pleine
vers l'Orient prenoit une
de sources, d'où couloient une grande quantité d'eaux. Ce rocher a trente
deux stades, ou quatre mille pas de tour, & au sommet est une plaine où les
Barbares retirérent les personnes inhabiles .au combat, pendant que les gens
de guerre se tenoient retranchez sur les avenuës avec des troncs d'arbres &
des quartiers de rochers.
Le Roy aprés avoir tente toutes sortes de moiens pour se rendre maître
de cette roche, s'avisa de faire amasser tout le bois que les soldats avoient
couppé au tour de cette éminence & d'y mettre le feu. Il s'éleva un grand
qui portoit contre le rocher, & qui favorisa son entreprise. La flamme
vent
& la fumée étoient portées par le vent aux visages des assiégez, qui enoù per-
dant la veuë & la respiration , cherchoient à le sauver par les endroits le
ils rencontraient
feu laissoit quelque jour. Mais en évitant les flammes , communiqué
l'ennemi, qui les tuoit impitoïablement. Le feu s'étant aux
foréts voisines & aux bois où étoient retranchez les gens de guerre, ils pé-
rochers,
rirent tous en différentes manières, les uns le précipitant à bas des
les autres à travers les flammes, les autres en petit nombre tombèrent entre
les mains des ennemis.
Le Royievint trouver Cratere qui étoit devant Artacone, & attendoit xxv:
ion retour piwr lui saire honneur de la prise de la ville, Elle se rendit, & Prise d'Ar-
le Roy touché des priéges des habitans, qui le conjuroient de tourner sa co- tacone.
ÇKCuri. 1.6
lére contre Satibarzanes auteur de la revolte, non seulement leur pardonna
mais aussi leur conserva leurs biens. Ayant ainsi réduit toute la Province,
d'Ariene en son obéïssance dans l'espace de trente jours il y établit pour 1
Satrape Arsaces qui étoit Perse, & s'avança vers les Dranges,
, , ou Zaran-
gées.
Dans ce même tems, il reçut ses recruës, qui lui venoient de différens,
endroits. Zoile lui amenoit cinq cens chevaux de Grèce : Et Antipater lui
en amenoit trois mille d'Illyrie ; Philippe fils de Menelaiis lui amena de'
Medie quelque Cavalerie qu'il avoit engagé*^; oùtre cela cent trente Cava-
vaiiers Thessaliens, qui n'avoient pas vouluprofiter du congé qu'Alexandre
leur avoit donné.pour retourner dans leur pays. Il lui vint aussi de Lydie
deux mille six cens soldats étrangers, & trois.cens chevaux de la même
nation, que commandoit Andromaque.
Barzaentes, un de .ceux qui avoient conspiré avec Bessus pour faire périr
xxTri.,
Darius, étoit Satrape du pays des Dranges. Il n'eut pas plutost apris l'ap- Alexandre- "
proche d'Alexandre, que craignant d'en être traité comme il méritoit, il se entre danl;-
lauva aux Indes. AssisileRoy entra dans ce pays sans résistance. Il y avoit le pays des,
neuf jours qu'il étoit dans la Capitale des Dranges, lorsqu'il faillit d'être Dranges»
opprimé par une conjuration de ses projapes gens. Un nommé Dymnus
considéré a la cour, dit un jour a un jeune homme nommé Nicomaque, qu'il peu
aimoit beaucoup qu'il avoit une choie de la dernière conséquence à lui
communiquer. & , en même tems le tirant à l'écart dans un Temple eXÎ&e'
de lui par les plus religieux sermons qu'il lui garde un secret inviolable.-
,
Nicomaque qui ne se doutoit de rien,s'engage
,
au secret ; Alors Dymnus lui
déclare qu'il y a une conspiration contre la personne du Roy, qui se doit-
exécuter dans trois jours, & qu^il est de la partie avec nombre de de*
gens
coeur & des plus qualifiez.
Nicomaque auŒtoft se recrie & proteste qu'il n'a pas prétendu donner XX VIL.
sa parole pour un parricide, & qu'il n'y a point de ferment qui l'oblige à. Confpira-
garder le lecret sur un crime si détestable. Dymnus éperdu le supplie les tion contre
larmes aux yeux de ne pas trahir son ami. Comme Nicomaque persistoit à découver- Alexandre:
détester un tel dessein Dymnus le menace le prie, le caresse, lui fait de te par Ni-
grandes promesses, & enfin,
lui dit,que s'il parle,, on commencera par lui-même comaque.
cette exécution, & lui mettant le poignard sur la gorge, l'oblige à lui pro- QCurt. 1.6°.
mettre non seulement de lui garder le secret, mais même de mettre Ja main An 67 du M..
à l'oeuvre. Nicomaque promit ce qu'on voulut, mais bien résolu de faire 4.
ayant J. («-
ion devoir. 11 ne laissa pas de faire bonne mine, & de prier Dymnus de lui 314,.
découvrir qui etoient les conjurez, afin qu 'il sçut avec qui il s'étoit engagé..
Dymnus lui nomma Demetrius Capitaine des gardes, Peucolaïis,. Nicanor,
Aphebetus, Locée, Dioxene, Archepolis & Amyntas..
Sur
Sur cela s'étant separez,Nicomaque va en diligence à son frere nommé
Cebalin, & luidécouvre tout ce qu'il vient d'apprendre. Cebalin court au
Palais,& se tenant entre les deux portes, parcequ'il ne lui étoit pas permis
d'aller plus avant, attend quelqu'un qui l'introduise vers le Roy. Philotas
fils de Parmenion étant venu à sortir , Cebalindui raconte ce qu'il vient
d'apprendre & le prie d'en informer Alexandre. Philotas rentre, & s'étant
toute autre chose, ne lui dit pas
encore entretenu longtems avec le Roy de Cebalin le prenant à la sortié, lui
un mot de la conspiration. Sur le soir
demande s'il a fait ce dont il l'à prié. Il répond qu'il n'a pû en parler au Roy,
& passe outre. Le lendemain il le conjura de nouveau d'en parler au Roy,
mais Philotas n'en fit rien. Cebalin se défiant de lui, crut qu'il ne falloit plus
lui en parler. Mais il découvrit la chose à Metron maître de la Garcterobbe,
qui sur le champ alla en donner avis au Roy, qui étoit alors dans le bain.
En même tems le Roy envoya des archers pour lui améner Dymnus, &
entrant dans sa Garderobbe, y trouva Cebalin, qui y étoit demeure cache, &
qui lui raconta tout ce qu'ilsavoit de la conspiration.
Alexandre lui aïant demandé depuis quel tems il le savoit, & aïant con-

amitié..
fessé qu'il y avoit deja trois jours, le Roy crut qu'il n'auroit pas tant tardé à
lui découvrir la chose , s'il n'y avoit eu part, & ordonna qu'on lui mit les
fers aux pieds; Mais aïant protesté que du moment qu'il l'avoit sçu, il l'avoit
dit à Philotas , le Roy levant les mains au Ciel, se plaignit avec larmes de
l'ingratitude d'un homme à qui il avoit donné tant de marques de sou
XXVI 11. Dymnus se doutant bien du sujet qui le faisoit demander au Palais, se
-
Philotas «st passa son epée au travers du corps. Les Gardes l'aïant empéché de s'achever,
convaincu
le portèrent au Palais, où il expira en présence d'Alexandre, sans avoir pu
.
d'avoir qu'il avoit
conspiré proférer une parole. Après cela on fit venir Philotas, qui avoiia
de Nico-
contre le sçu la chose de Cebalin, mais qu'il l'avoit négligée comme venant
Roy. maque, qui étoit un jeune débauché, & qu'il avoit craint de s'exposer a la
QjOurt. 1.6. risée de tout le monde, s'il découvrait une chose, qui n'étoit peut-être
jirrian.l.?. dHlerend. honteux entre deux infâmes. Néanmoins que depuis que
An du M. qu'un
3674- Dymnus s'étoit tué, il reconnoissoit sa faute, & que dans de pareilles circon.
avànt J. G. stances on ne doit rien négliger ; La dessus se jettant aux genoux du Roy,
326. il le supplia de lui pardonner sa faute. Alexandre lui donna sa main en signe
de reconciliation, & lui dit qu'il vouloit croire qu'il avoit plutost méprise
l'avis, qu'il ne l'avoit célé.
Il n'étoit pourtant que trop vrai,que Philotas étoit entre dans cette con-
spiration, & dans un conseil que le Roy tint quelque tems aprés, Cratere &
tous les autres amis d'Alexandre, à qui Philotas faisoit ombrage,
conclurent
à lui faire donner la question' pour découvrir la vérité. Il avoüa tout dans
les tourmens & déclara ses complices. Alors ils furent tous aflomniez a
de pierres, selon la coutume des Macédoniens ; & on ne le condamna
coups
à mort, qu'après qu'il eut confessé,& que l'armée Macédonienne, a qui en
Peut déclare
teins de guerre apartient la connoissance des crimes capitaux ,
coupable & convaincu de crime de leze Majesté. Il est certain que dans
cette occasion Alexandre courut grand risque non seulement de sa vie, mais
'Ulssi de voir soulever tout son camp, parceque Parmenion &son filsPhilotas
étoient si puissans, qu'il n'eut pû les condamner sans exciter de grandes
l'armée. Le suppHce Philotas ,
rumeurs dans de & la mémoire des grands
services,que Parmenion son Pere & lui avoient rendus à Philippe & à Alexan-
dre, excitérent la compassion des Soldats aprés sa mort, ils en murmuroient
entr'eux; Alexandre s'en mettoit peu en peine, aïant en main le remède à ces
murmures, qui ne venoient que de l'oisiveté où étoient les Soldats.
Il y avoit trois ou quatre ans qu'un nommé Lynceste Alexandre étoit en
prison, pour avoir aussi conspiré contre le Roy avant la bataille d'Issus. On
le fit comparoitre devant le Senat des Macédoniens, pour le deffendre. Mais "
il fut tellement interdit & saisi de frayeur qu'il ne put rien dire de suivi, &
ceux qui étoient autour de lui,le percèrent à coups de Javelots, prenant -1c,
,
désordre de sa memoire, pour un effet du trouble' de la conscience.
Après cela on fit venir Amyntas fils d'Andromenes intime ami de Philo-
tas, & Amyntas & Simias freres du même Philotas; Car Polemon le plus
jeune de ses freres aïant veu ce qui. se passoit avoit pris la fuite comme
quantité d'autres. On l'arrêta toutefois, & il fut ,
présenté au Roy avec ses
freres. D'abord on le voulut lapider, supposant que sa fuite étoit l'effet des
reproches de sn conscience. Mais aïant témoigné son regret, non d'avoir
manqué de fidélité envers èe Roy mais d'avoir jetté ses freres dans l'embar-
,
ras par sa fuite, en donnant lieu de les soupçonner d'un crime dont ils étoient
innocens, il toucha de pitié toute l'assemblée, qui sondant en pleurs, demanda
au Roy qu'il pardonnât aux trois freres. Le Roy se laissa fléchir, & leur ac-
corda le pardon.
L'assemblée étant congédiée Alexandre fit appeller Polydamas l'intime XX1X.
,
ami de Parnlenion, & qui dans les combats étoit toujours à son côté. Poly- Polydamas
damas ne se sentoit coupabffc de rien, & toutefois voïant qu'on lui commun- est envoyé
doit d'amener aussi ses freres, qui n'étoient point connus du Roy à cause de pour en Médie
met-
leur bas âge, il commença à s'effrayer. Mais Alexandre le rassura,& lui dit, tre à mort
qu'il l'avoitchoin pour porter ses ordres à Parmenion, & qu'il avoit fait venir Parme-
avec lui ses freres, pour lui servir d'otages de sa fidélité. Il lui recommanda nion. QCurt. 1.7
d'user d'une extréme diligence, afin de prévenir Parmenion, qui étoit Gouver- ArrianJ.%
neur de Médie, avant que la nouvelle de son fils Philotas fut parvenue jusqu'à
lui. Le Roy lui écrivit deux lettres, l'une en son nom & l'autre au de
Philotas son fils, dont il avoit le cachet, & donna à Polydamas pour con- nom
ducteurs deux Arabes qui montotent des Dromadaires d'une vîtesse extra-
,
ordinaire. Ils arrivérent en onze jours au lieu où étoit Parmenion,& firent Strttbo.l.l';o
en ce peu de tems un chemin qu'on ne faisoit d'ordinaire qu'en 30. ou 40. Cul-t- /. 7.
jours.
Polydamas vint descendre sur la quatrième #
veille de la nuit à la tente de XXX.
Cléandre Lieutenant du Roy dans la Province, & aprés avoir distribué les Mort de
lettres dont il était chargé, ils arrétérent.lui & Cléandre, d'aller ensemble Parme-
point du jour chez Parmenion où les autres Chefs,-,i q-ui le eoy avoit aussi su nion.
.
An du M
écrit, se devoient trouver. Parmenion étoit déja informé de la venue de son 3*74-
Tom. II. Nnn ami avant
3x6.
J. G.
ami, & impatient de le voir, il le faisoit chercher par tout. En attendant qu'il
vint, Parmenion au milieu des Capitaines qui avoient ordre de le tuër, se

,
,
proménoit dans une longue allée de verdure. Du plus loin qu'il aperçut
Folydamas il courut l'embrasser avec la plus glande cordialité & aïant
reçu la lettre d'Alexandre , il la lut avec attention, puis il dit : Le Roy se
prépare pour marcher contre les Arachosiens. Puis il ajoûta : Chose admirable
de ce Prince, qui ne se donne point de repos , si est-ce qu'il est teins qu'il
fonge à se menager aprés avoir aquis tant de gloire.
Ensuite il prit la lettre écrite au nom de Philotas , & la lisoit, ce sem-
bloit, avec grand plaisir, quand Cleandre lui plongea le poignard dans le
fianc, puis lui porta un autre coup à la gorge. Les autres Capitaines le per-
cèrent de plusieurs coups aprés sa mort. Il avoit soixante & dix ans. Cleandre
envoya sa tête à Alexandre & eut assez de peine de permettre qu'on donnât
la sépulture au reste de Ion corps. Les Gardes de Parmenion aprenant ce
meurtre , coururent au camp & causérent une grande émeute parmi les
troupes; Mais quand elles eurent ouï la lecture des lettres du Koy, qui leur
XXXI.
la
mandoit conspiration de Parmenion & de Philotas, elles s'appiisereiit.
Cependant Alexandre jugea à propos de séparer du rette de l'armée
Alexandre
ceux qui avoient témoigné trop hautement leur mécontentement pour cette
sépare fia Il fit à part, dont il donna le commandement à Leonidas
mort : en un corps
corps de autrefois grand ami de Parmenion. Ce Prince les avoit depuis long tems
son armée
les Soldats en aversion, pour le sujet que je vas dire. Voulant un jour sonder l'esprit
mécon- de ses Soldats il les fit avertir qu'il dépéchoit en Macédoine , & que s'ils
, Chacun man-
tens. vouloient écrire, leurs lettres seroient rendues seurement.
!>.....Curt.¡.7.
dant donc naïvement à ses amis ce qu'il avoit dans le coeur , il ouvrit toutes
les lettres, & ayant connu les dispositions de chacun d'eux, il fit camper ie-
paremment ceux qui s'étoient plaint de lui, disant qu'il vouloit les ditlinguer
à cause de leur valeur extraordinaire;mais en eff*il les sépara dans la crainte
qu'ils n'inspiraÍfent leurs sentimens aux autres, toutefois ces gens ainsi notez
le servirent dans la suite avec une fidélité singuliére , voulant par là effacer
la honte dont on avoit voulu les charger.
Aprés cela le Roy marcha contre les Agriaspes, ou les Arimaspes, qui
n'étoient plus connus que sous le nom de bienfatteurs, depuis qu'ils avoient
logé & secouru de vivres l'armée de Cyrus, que le froid & la faim avoient
réduite à l'extremité. Ces peuples le reçurent fort bien, & cinq jours aprés
qu'il fut arrivé dans leur païs,- il fut informé que Satibarzanes faisoit de nou-
velles courses sur les Ariens ; C'est pourauoy il envoya contr'eux Caranus,
Erygie, Andronique & Artabaze , avec six mille hommes de pied Grecs, &
six cens chevaux. Pour lui, il polica l'état desEvergetes en soixante jours, il
leur donna une grande somme^d'argent, en recompense du service qu ils
avoient rendu à Cyrus, & leur laissa pour Gouverneur Amenides, qui avoit
été Sécretaire de Darius. Diodore de Sicile assure qu'il nomma Teridate
Gouverneur des Evergetes & des Gedrosiens leurs voisins,. qui l'avoient reçu
volontairement& de bonne grace dans leur païs..
*
Le
Le Roy marcha ensuite contre Bessus, qui s'étoit fait donner le nom de XXXII. -
Alexandre
Roy, & s étoit retiré dans la Badriane. Alexandre subjugua en chemin fai- poursuit
iant les Drangiens & les Arachosiens. Il y reçut l'armée que commandoit Bessus. Il
Parmenion, qui étoit de six mille Macédoniens, de deux cens nobles, & de entre dans
cinq mille Grecs, outre six cens chevaux de la même nation; qui étoient les le païs des
Faropami-i
meilleures troupes du Roy. 11 laissa pour Gouverneur des Arachosiens Menon fades.
avec quatre mille hommes de pied & six cens chevaux. Aprés il rentra dans An du M.
le païs d'Ur, ou des Paropamisade£, peuple à peine connu de ses voisins, 3675.
comme n'aïant aucune communication avec le reste du genre humain. Ils QCurt. /.~.
logent dans des Cabanes bâties de briques jusqu'au comble & en voute, tout
le païs étant sans bois, & les montagnes mêmes, ce qui fait qu'ils n'y peuvent
faire de toiture. Ils laissent au milieu de la voute une ouverture pour recevoir
le jour & pour sortir la fumée. S'il s'y trouve quelque ceps de vignes, ou
quelqu'arbres fruitiers, ils le courbent & le couvrent de terre pendant l'hy ver,
& au retour du printemps ils le remettent au Soleil. En hyver les neiges y
sont si hautes & les glaces si épaisses, qu'on n'y voit ni oiseaux, ni autres
bétes. Une ombre obscure y couvre la face de la terre, & ce qu'on y apelle
jour, n'est qu'une sombre lueur , si peu différente de la nuit, qu'à peine y
distingue-t'on les objéts.
Dans ce malheureux païs l'armée d'Alexandre souffrit tous les maux qu'on
peut endurer , le froid, la faim, la lassitude, le deséspoir. Plusieurs Soldats
moururent de froid sur les chemins, les pieds tombèrent à d'autres, & il y
en eut plusieurs qui perdirent les yeux. La plupart n'en pouvant plus,'se
couchoient sur la glace , où étant saisis par le froid, ils étoient bientost en-
gourdis de telle sorte qu'ils ne se pouvoient plus relever. Mais leurs com-
pagnons les obligeant de se relever & de marcher, la chaleur naturelle excitée
par le mouvement les faisoit un peu revenir. Le Roy toujours infatigable
alloit autour de ses troupes, les animoit, les relevoit & les soûtenoit, allant
& venant continuellement avec des peines incroïables. Les peuples de ce
païs qui n'avoient jamais veu d'étrangers dans leurs terres , y voyant toufc
d'un coup des hommes armez, en furent si eperdus, qu'ils leurs apportoient
tout ce qu'ils avoient, afin qu'on les épargnât & qu'on leur sauvât la vie.
Enfin ils arrivèrent dans un païs beaucoup meilleur, où trouvant abondance
de toutes choses, ils se recompensérent des maux qu'ils avoient soufferts &
attendirent leurs Compagnons, qui n'avoient pu suivre; Tous ces païs se ren-
dirent volontairement au Roy.
De là il arriva au mont Caucase, qu'il passa en dix-sept jours. On lui xxxin.
fit voir ce fameux rocher qui a dix stades de tour, & plus de quatre de hau- Alexandre
au mont
teur, où-Ies Poëtes racontent que Pronlethée fut attaché, en punition de ce Caucase.
qu'il avoit dérobé le feu du Ciel, dont il se servit pour animer les premiers Fable de
hommes qu'il avoit formez de terre & d'eau. Jupiter en haine de sa témérité, Promcthée
le fit enchaîner par Vulcain au rocher du mont Caucase, dont nous venons Curt. 1.7.
de parler. Là une aigle ou un vautour lui déchiroit tous les jours une partie Arrian.l.î
du foye sans toutefois le consumer parceque cette partie recroiflfoit à
, ,
mesure que l'aigle le dévoroit. On dit dit qu'Hercule détacha Pronlethee &
le délivra de ce supplice.
Tout ce qu'on raconte de Promethée ne veut dire autre chose, si non
que ce fils deJaphet étoit un excellent sculpteur,qui faisoit des figures d'hom-
mes & de femmes trés-renemblames ; Ce qui a fait dire qu'il formoit des
hommes & des femmes d'argile. Il inventa la manière de tirer le feu du
caillou ou de l'allumer par le moïen du miroir ardent. D'où l'on a pris
occasion, de feindre qu'il avoit volé le feu du Ciel. Un fleuve nommé f Aigle
s'étant débordé, inonda & ravagea le païs de Promethée. Cela à donné lieu à la,
sable, qui veut que l'aigle ait devoré le coeur oulefoye dePromethée, en arrêtant
cette inondation par les digues qu'il opposa au cours delà riviere;ou si1>on veut,
Promethée & Pandore sont les mêmes qu'Adam & Eve.Pere & Mere de tous
les hommes. Ils. sont punis, pour avoir volé le feu, ou la lumière du Ciel,
en mangeant le fruit de la science du bien & du nlal. L'aigle qui dévore sou
coeur. sans le consumer, est. le remord de sa conscience.
XXXIV. Alexandre en memoire de cette hifloire, ou plutostde cette sable, bâtit
Alexandrie ville au pied de cette montagne, & laissa pour la peupler sept mille
une
- bâtie au esclaves,. & tous les soldats inutiles, qui s'y établirent & la nommèrent
pied du
mont Cau- Alexandrie. Il donna pour Satrape à ce païs Proëxes Perse de nation, & y
cale. laisra Niloxene avec une armée pour le garder.
An du M. Bessus effrayé de la, vÎtesse avec laquelle Alexandre s'approchoit de la-
?67?. Baéhialle-" aïant fait un sacrifice solemnel aux Dieux du païs, se mit à table
avant J. C.
?2.<» avec ses amis & les Chefs de ses troupes , pour délibérer des affaires de la
XXXV. guerre, au milieu de la bonne chere, à la mode de ces peuples. LàBcsTus.
Bedus déli- à demi-yvre exaltoit ses beaux-faits, & disoit que rien n'avoit plus contribue
béré de sai- bonheur d'Alexandre, que la bêtise de Darius, qui s'étoit avancé au-
la au
re guerre devant de lui jusqu'aux defilez de la Cicilie,
à Alexan- au lieu de se retirer en arriére,.
dre. pour l'engager insensiblement dans des chemins & entre une infinité de ri-
-Cobare lui vieres & de montagnes où ce Prince n'auroit eu aucun moïen de le com-
donne des battre. Que ,
pour lui il étoit résolu de paffer en Sogdiane & de mettre devant
avis sa'u--
taires. lui le fleuve Oxus, comme une barriere que son ennemi ne pourroit franchir;
QXurt' 1.7. pendant qu'il. lui viendroit à lui même de puissans rensorts des nations voiû-
nes, qui n'étoient pas encore assujetties. Tous les conviez applaudissoient
à Bessus, qui faisoit de sa table un champ de bataille, où il défaisoitAlexandre.
Il y avoit dans ce festin. un Méde nommé Cobare, homme de bon sens,
Magicien de profellion, & qui passoit pour fort habile dans son art. Cet
homme aïant dit qu'il ne lui convenoit pas de parler,étant serviteur deBesius,
mais de l'écouter & de lui obeïr ; Bessus lui donnai la couppe qu'il tenoit en
main comme lui. permettant de s'expliquer. Cobare l'aïant prise, com-
,
mença à parler premièrement en général pour ne le pas choquer d'abord.
Que nous sommes toujours plus clairvoyans dans les affaires d'autruy que
dans les nôtres; que tous les hommes préfèrent toujours les avis qui viennent
d'eux, à ce qui vient d'autruy; qu'une couronne est un fardeau fort pesant &
qu'on doit porter avec beaucoup de sa,,-esse& de précaution. Que lesBadriens
ont un proverbe, qu'un chien qui abboye est ordinairement timide & ne mord
point].
point ;• que les riviéres les plus profondes sont celles qui sont le moins de
bruit; Aprés avoir ainsi préparé Bessus & sa compagnie à l'écouter , il ajouta :
vous avez à faire a un ennemi qui ne s'endort
pas.\/ous comptez de faire venir
des troupes du Tanaïs & des Provinces les plus éloignées. Assurez-vous
qu'Alexandre est déja campé à vos portes , & que vous l'aurez sur les bras"
avant que vous ayez fait lever cette table. Le plus court feroit desoulnissi0ns' vous ren-
dre à lui, sans attendre qu'il vous attaquât, & de prévenir par vos
n'étes pas en état de sbùtenir.. XXV1.
une guerre, que vous tire^^ son Alexandre
Bessus ne put se contenir entendant ce discours , & avoit déjà ^
sc rend'
cimeterre pour tuer Cobares ; mais ses amis l'arrétérent & Cobares s'étant
, s'étoit passé. Cë maître de'
sauvé, se rendit auprés d'Alexandre, à qui il raconta ce qui laBaétriane
y
Prince partit de la nouvelle ville d'Alexandrie après, avoir sejourné environ QCurt.l.j.
jours. Son armée eut beaucoup à souffrir de la disette avant qu'il Arrian. /.?
quinze caché An du M.
fût entré dans la Badri.ane parceque les Barbares avoient sous terre 367*).
,provisions,avec, d'adresse qu'il étoit impossible
leurs grains & leurs autres tant avant J. c..
de les découvrir. Les Soldats furent réduits a ne vivre que d'herbes & de 325»
poissons de rivières. Encore cela vint-il à leur manquer, & on fut obligé de
tuer les chevaux de bagage pour les sustenter. Mais. ils se trouvèrent dans
l'abondance, dez qu'ils surent arrivez dans le pays des Baclriens. Ce pays
dans une partie de son étendue , est très-abondant ; Le reste est stérile *
sablonneux & inhabitable;& quandlesvents de la merPontique y tournent, ils
emportent le sable en si grande quantité, qu'il paroit de loin comme grandes
collines ; & les voyageurs qui se trouvent en campagne , courent risque de
se voir cnfevelis dans le sable. D'ailleurs-le vent cachant les traces des che-
mins, iait qu'on est obligé d'y voyager la nuit, en observant la position & le
cours des Astres. XXXT!IL
Alexandre entra sans resistance dans les villes dJl\ornas & deBaéhes, Alexandre
qui sont les plus grandes & les plus considérables du païs. Il laissa Arche- entre dans-
hùs fils d'Androcles pour Gouverneur dans la Badriane, & donna la Satrapie laSogdianc'
du reste du même païs à Artabaze. Et aïant laissé le bagage & ce qu'il ÇkCurtJ.fr.
avoit de meilleur sous bonne ga-rde, il entra dans la Sogdiane. Sur sa route
Erygie qu'il avoit laUré dans le païs des Ariens , le joignit avec ses troupes,
ponant devant lui les dépouilles de Satibarzanes qu'il av-oit tué dans un
combat singulier. Satibarzanes s'étoitmis à la tête [des Ariens & avaitlivré la
bataille aux Macédoniens. Voïant que les con^attans ne s'échauffoient pas;
assez à son gré, il s'avança à cheval entre les deux armées, ôta son casque &
défia quiconque seroit aisez hardi pour l'attendre. Erygie Général dès Ma-
cédoniens ne put souffrir cette bravade , & quoiqu'il fut déja fort vieu , il
quitte son casque, & montrant ses cheveux blans, dit au Barbare;, Tu vas voir
de quels gens se sert Alexandre. En même tems piquant son cheval
vance vers Satibarzanes. Celui-cy lui lance le premier son Javelot , mais-
, il s'a-

l'autre l'évite en détournant la tête, & en même tems Erygie lui planta sa ja-
veline dans la gorge si avant, qu'elle lui sortitpar le nuque du col. Puis le:
il
portant par terre, l'acheva par un sécond coup qu'il lui donna au visage..
Auihtot les Ariens, qui ne l'avoient suivi qu'a regret, se rendirent à Erygie.
XXXVlll La Sogdiane est un pays qui pendant l'éte est brûlé par les ardeurs du
Melle Soleil; On n'y trouve point d'eau, & l'on n'y peut voyager que pendant la
a£tion d'A- nuit. On ne sauroit exprimer combien l'armée d'Alexandre souffrit dans
lexandre cette marche. L'eau que ceux du pays leur fournirent de ce qu'ils avoient
dans une réservé,
extréme ne leur suffit que pour peu de tems. On fut obligé de leur distribuer
disette tout ce qui se trouva de vin & d'huile ; Maïs le vin leur causa de si violens
d'eau. maux de tête & de coeur , qu'ils ne pouvoient plus ni se soutenir ni porter
An du M. leurs armes. Alexandre ne se soûtenoit que par la sorce de son grand cou-
.9675-
rage. Un jour ayant rencontré deux de les Soldats qui revenoient au camp
avant J. 6r
ayant deux outres pleins d'eau , L'un d'eux ouvrit aussitôt un de ces outres
Q^Curt.1.7" & prenant une tassé, il la remplit d'eau & la présenta au Roy : Mais le Prince
ayant apris que ces Soldats dessinoient cette eau pour leurs fils qui étoient
dans l'armée, les remercia, & leur dit qu'il ne pouvoit se résoudreà en boire,
tandisque son armée souffroit la sois, qu'ils pouvoient la porter à leurs enfans.
Il arriva enfin au fleuve Oxus sur le coucher du Soleil. Il commanda
de repaître promptement puis
XJ(XIX. à ceux qui étoient arrivez , de premiers,
les
,
Alexandre de remplir d'eau des peaux boucs aller
, pour fit allumer
au devant de ceux qui
arrive au étoient demeurez derriére. En même tems il des feux sur les
fleuve montagnes voisines, afin que ceux qui étoient accablez de latitude, sçuflènt
Oxus. qu'ils n'étoient pas loin du camp. Pour lui sans quitter la cuirasse & sans
boire ni manger, ni prendre aucun rafraichissement il demeura toute la nuit
sur les avenuës du camp, jusqu'à ce que ses Soldats y fussent arrivez. Ceux
d'entr'eux qui burent avec excès, en moururent, & le Roy en perdit plus de
cette sorte, qu'il n'en avoit perdu dans aucun combat.
Quand il fallut passer le fleuve, il se trouva dans de nouveaux embarras;
Comme il n'avoit point de batteau , & que le pays d'alentour étoit nud &
désert, il fit distribuer aux Soldats quantité de peaux que l'on remplit de paille
& d'autres matiéres seches & légéres, sur lesquelles les Soldats s'appuyoÏl nt
& passoient ainsi le fleuve. A mesure qu'ils arrivoient sur le bord, ils le ran-
geoient en bataille, & cependant les autres suivoient. ^ Il passa ainsi son ar-
mée en cinq ou six jours ; Dans cet intervalle il congédia neuf cens de ses
vétérans, & donna à chaque Cavalier deux talens, & i chaque fantassin deux
i
mille dragmes, & les renvoya ainsi dans leur pays. Ayant apris qu'Arsace
Satrape des Ariens remuoit, il envoya en diligence contre lui Stasanor un de
ses amis, pour l'arrêter , & gouverner la Province en sa place.
Une autre nouvelle bien plus intéressante qu'il reçut alors, fut que Bes-
sus avoit été arrété & mis dans les liens par Spitamenes son confident. Le
XL. prétexte qu'il prit pour se saisir de lui, fut de venger la mort de Darius. Il
Bessus est Ion dessein à Dataphernes, & à Catenes, qui ne s'en firent pas
arrété communique
Spita- prier, & qui prirent avec eux deux jeunes hommes forts & robustes. Aprés
par
menes. avoir ainsi lié sa partie, Spitamenes vint trouver Bessus & lui dit, que Data-
QjCurt. /.7. phernes & Catenes avoient conspiré de le livrer vifentre les mains d'Alexandre,
An dl1 M. mais qu'il les avoit prevenus, & qu'il les tenoit dans les fers. Bessus lui en
367;. de grands remercimens & ordonna sur.le champ qu'on les amenât devant
avant J. (t. fit
315. lui. Us se laiflTérent amener par leurs complices, faisantsemblant d'avoir les
mains
mains liées. Dez qu'ils furent en presence, Bessus courut sur eux comme
pour les mettre en pieces; Alors les conjurez se dégagent, se jettent sur lui,.,
le lient, lui arrachent la tiare de dessus la tête, lui déchirent la robbe Royale
de Darius dont il s'étoit revêtu, & publient qu'ils le font par ordre d'Alexandre,
pour empêcher que les Badriens ne prennent sa défense ; en même-tems on
le met à cheval & on le méne à Alexandre.
Avant l'arrivée de Bessus, les Branchides, qui étoient une famille origi- jrzx
Cruauté
naire de la ville de Milet, & que Xercés avoit autrefois fait venir en ACie, où exercée
ils habitoient une petite ville se rendirent à Alexandre & le reçurent avec envers les:
,
toutes sortes de témoignage de joïe. Le Roy fit venir lesMilefiens qui étoient Branchides
dans son armée, & leur abbandonna les Branchides, leur permettant ou de QCurt.l.7.
les exterminer en haine de leur attachement à Xerxés,& du sacrilége par eux Ari-ian. 1. ;
Strabo. L.ir..
commis en pillant le Temple d'Apollon Didymée, ou de leur faire grace en An du M.
considération de leur commune origine. Les Milésiens étant partagez 367^.
de lèntimens sur le parti qu'ils devoient prendre Alexandre leur dit qu'il avant J. G..
aviseroit lui-même ce qui seroit pour le mieux & ,
le lendemain étant entré >2Ç..
dans la ville des Branchides il les sit égorgerrpar ses Soldats sans que ni
, ,
leurs cris, ni leurs priéres pussent les garantir. On arracha même les fonde-
mens de la ville, & on couppa les racines des bois sacrez, afin qu'il ne restât
aucun vestige de ce repaire de perfides. On, auroit pu excuser une telle in-
humanité si elle avoit été exercée sur les auteurs de la perfidié
; Mais.
, mérité
qu'avoient leurs descendans. qui n'avoient veu ni Xercés ni" Milet?
Le Roy s'avança ensuite vers le Tanaïs où il lui vint des envoyez de' JCLlh.
,
Spitamenes.qui promettoient de lui livrer Bessus, s'il vouloit envoyer quelqu'un Bessus est
de les Capitaines pour le recevoir. Le Roy y envoya Ptolemée avec de pris &
bonnes trouppes, qui aïant fait en quatre jours le chemin qu'on ne fait d'or- Alexandre»» amené à
dinaire qu'en dix, arriva au lieu où Spitamenes avoit campé le jour précédent,. QXurt.l.?.
on lui dit,que Spitamenes & Dathaphernes n'etoientpas encore bien détermi- Arrian. .I.;
nez à livrer Bessus. Ptolemée s'avance avec sa Cavalerie, donnant ordre à son ad.finem*
Infanterie de le suivre en ordre de bataille. Etant arrivé au Bourg où Bessus
étoit enfermé il fit sommer les habitans de le lui remettre entre les mains"
,
leur promettant; s'il le faisoient, de les laisser en liberté & en même-tems
enveloppe le Bourg qui étoit fermé de murailles. Aussitôt ,
on. lui ouvre les
y
portes & on lui remet Bessus,
Ptolemée en donne aussitôt avis au Roy, & lui demanda en quel état il
veut qu'on lui présente Bessus. Alexandre ordonna qu'on le lui amenât
tout nud, & enchaîné par le col , & qu'on le place sur la droite du chemin
par où lui-même doit passer avec son armée. Ce fut un speftacle également,
agréable aux Barbares & aux Macédoniens, de voir ainsi traitter ce perfide,.
qui avoit ose enchaîner son Roy, & qui lui avoit ravi la vie & la couronne.,
Alexandre loüa la fidélité de Spitamenes, & aprés avoir reproché à Bessus sa.<
cruauté & san infidélité, il le livra à Oxatres frere de Darius, afin qu'après lui
à
avoir couppé le nez & les oreilles, & qU'onl'auroitattaché une croix, les Bar-
bares le tuairentà coups de flèches, & gardassent si bien le corps que les Oise-
aux mêmes ne pussent en approcher. Oxatres se chargea de tout le reste, &
donna:.
{ donna commitiion a satanés ceae les oneaux; L,ar n aVaIt une 11 grande
addresse à tirer de l'arc, qu'il tuoit lés Oiseaux envolant. Le Roy voulut
t
néanmoins différer le supplice de Bessus , jusqu'à ce qu'on sut arrivé au lieu
.]
même, où il avoit tué Darius; Il le fit en attendant durement fouetter, puis
le renvoya dans -la Ba&riane pour l'y garder.
xiiu. Cependant quelques Macédoniens s'étant écartez pour le fourage , fu-
Alexandre rent chargez par quelques Barbares , qui vinrent fondre sur eux des mon-
]
est blessé tagnes voisines, où ils étoient au nombre de vingt ou trente mille. Comme il
à l'attaque plus de Macédoniens faits prisonniers qu'il n'y en eut de tuez, ces B1r-
des Bar.. y eut
bares. bares chassérent les prisonniers devant eux & regagnérent leur retraitte. Le
ÇlCurt. l.f. Roy les vint aussitôt assiéger , & étant des premiers à l'attaque , il fut bielle
.ÂrdarJ. /.? d'une flèche à l'os de la jambe, & le fer demeura dans la playe. Arrien dit
.(\n (lu M.
que l'on força les Barbares sur la montagne, & que de trente mille qu'ils
3675. il n'en resta qu'environ huit mille. Mais Q.ainte-Cruceraconte que
avant J. C. étoient,
J2J. les Barbares, qui de la hauteur où ils étoient, voyoient tout ce qui se passoit
dans la plainè, aïant veu qu'on emportoit le Roy, lui envoïérent dez le len-
demain des Ambassadeurs, pour lui témoigner qu'aïant apris sa blessure , ils
n'en avoient pas reçu moins de déplaisir, que les Macédoniens mêmes ; que
s'ils eussent pu découvrir qui étoit celui qui avoit fait le coup , ils le lui au-
roient mis entre les mains ; qu'il n'apartenoit qu'aux impies de faire la guerre
aux Dieux; qu'au reste vaincus par son incomparable valeur, ils se rendoient
à lui'avec tous les peuples qui les suivoient. Le Roy les reçut en son obéïs-
sance & retira les prisonniers.
XL lT'. De la le Roy marcha vers Maracande. Comme il ne pouvoit marcher
Alexandre à pied ni à cheval, les Cavaliers & les fantassins disputoient entr'eux à qui
arrive à
ni
auroit l'honneur de le porter. Les Cavaliers prétendans à cet honneur, par-
Maracan-
dre. •cequ'il avoit coutume de combattre au milieu d'eux; & les fantassins, parce-
QCurt. 1.7. qu'ils étoient en possession de porter leurs camarades blessez. Le Roy ter-
mina la dispute, en disant qu'ils le porteroient tour à tour. Il arriva le qua-
trième jour à l\1:aracande qui est une ville assez grande, aïant soixante & dix
stades de tour. Il y larissa garnison & fit faire le dégat dans le païs d'alen-

XLV. *
Ce fut.là qu'il reçut une Ambassade des Abiens , peuple de Scythie,
Les A.biens connus dans Homere pour les plus justes des mortels , ne faisant jamais la
peuples de
guerre que pour défendre leur liberté , & vivant dans une grande ju!1ice
Scythie le
jointe la pauvreté, qui égaloit entr'eux les petits aux grands. Depuis
rendent à avec
Alexandre. Cyrus ils s'étoient maintenus 'en liberté. Ils vinrent d'eux mêmes se rendre
QXurt.l-f. à Alexandre, qui les reçut fort bien, & renvoïa avec eux les principaux de
conditions de la & en effet pour
cour, en apparence pour arréter les le nombre des paix,
.lJ.rrian.1.4- sa
observer le païs, les moeurs, les forces, habitans. Il avoit
le dessein de bâtir une ville sur le Tanaïs pour contenir dans le de-
conçu , dont vouloit se rendre
il
voir tant les peuples qu'il avoit assujettis, que ceux
maître. Mais ce dessein fut retardé par la revolte des Sogdiens, suivie bien-
tôt de celle de la Bactriane.
Cette
Cette révolte commença par les Scythes qui habitoient sur Je Taiiaïs, XLTI'I.
lesquels égorgèrent les Soldats Macédoniens , qui étoient en garnison dans Révolté
,
les villes de Scythie ; & pour plus grande seureté ils le mirent à fortifier ces des Sogdi-
villes,& à les mettre en état de seureté. Spitamenes & Catanes qui avoientpris ens & des
& livré Bessus, se défiant d'Alexandre, & craignant qu'on ne leur fit un mau- Baétriens. QXurtXj.
vais parti firent courir le bruit que le Koy n'avoit mandé la Cavalerie Arrian.l.4
,
Badrienne dans la ville de Zariaspe, que pour la tailler en piéces,qu'ils étoient
eux - mêmes chargez de l'exécution de cette cruelle commission , dont ils
avoient horreur. Sur cela les Sogdiens & les Badriens prennent les armes,
& se revoltent ouvertement.'
Dez que le Roy en reçut la nouvelle, il envoïa Cratère à Cyropolis, qui
est la' plus grande & la plus forte ville du païs avec ordre de Piéger &
de l'environner de fossez & de terra (Tes afin que , ,
, ceux de la ville ne pussent
porter aucun secours aux autres places ; Pour lui, aïant fait prendre des
echelles à chaque compagnie des liens, il marche contre la ville de Gaze &
la prend par escalade ; Il fait passer au fil de l'epée tous ceux qui étoient,
âge de porter les armes, & rafe la ville, pour intimider les autres & les tenir
en
dans le respeét.
Le <même jour il prit encore une autre ville par escalade & la traitta XLJIll.
comme il avoit fait Gaze, & le lendemain il en prit encore trois autres de la PriCe de
même sorte aïjnt eu la précaution d'envoyer devant sa Cavalerie, pour eiTI- Gyropolis
pêcher que les ,
Barbares ne se sauvaÍfent de ces villes & ne le missent dans la & de quel-
nécessité de les poursuivre au loin. Aprés cela il marcha contre la ville des quesau- places.
Memaceniens, qui se résolut à souffrir le siége & eg-orgea cinquante Cava- *trAnes du M.
liers, qu'il avoit envoyez pour les exhorter à se , rendre. Il laissa Meleagre & 3675-
Perdiccas à ce siége, & vint trouver Cratere qui affiégeoit Cyropolis. 11 avant J. C.
au- g2S.
roit voulu épargner cette ville en consideration de Cyrus qu'il considéroit QXurt.l.7.
extraordinairement parmi les Monarques de même qu'il, estimoit sur tout ;ir'rian.L 4
Scmiramis entre les Reines; mais l'opiniâtreté ,
des habitans de cette ville, le
porta à l'abbandonner au pillage & à la raser jusqu'aux fondemens. La
,
garnison étoit d'environ dixhuit mille hommes.On en tua dans la ville environ
huit mille, le reste se sauva dans la Cidatelle où ils ne tinrent qu'un jour,
aïant été obligez de se rendre faute d'eau. ,
Delà il revint à Meleagre & à Perdiccas
,
qui affiégeoient la ville des XLVUI.
Meluaceniens. jamais place ne se défendit mieux. Alexandre y perdit ses Prise de la
meilleurs soldats ; Lui-même y reçut un coup de pierre à la tête dont il ville des
tomba évanoui. Ce coup ne fit qu'enflammer davantage sa colère. ,Il pousfa Memace-
le siége plus vigoureusement qu'il n'avoit fait auparavant. Il viens.
en fit sapperles QXurt.l.7.
murailles où il entra dans la ville qui fut pillée & ruinée de fond en Arrian. 1. 4
, par ,
comble. Aprés il envoya Menedeme, Andromaque & Cranus contre Spita-
menes , qui s etoit renfermé dans 1\laracande & en avoit chassé la garnison
Macédonienne, qui s'étoit retirée dans la Citadelle.Ils s'y défendirent vaillam-
ment, & Spitamenes sur la nouvelle, qu'il reçut de l'arrivée du secours, se
refit a vers la Capitale des Sogdiens. ^ 11 fut suivi par Pharnacés qui tenoit le
parti du Roy. L'un & l'autre tombèrent sans y penser dans les troupes -des
Scythes Nomades, qui s'étant joints à Spitamenes, défirentl'armée Macédo-
nienne, de telle sorte qu'il n'en resta que quarante Cavaliers, & environ trois
cens fantassins.
XLIX. Pendant que ces choses se passoient dans la Sogdiane, Alexandre vint
Alexandrie
camper avec son armée sur le fleuve Tanaïs, où il ferma de murs tout l'es-
bâtie par son armée avoit occupé & qui étoit de soixante stades, ou d'envi-
Alexandre pace que d'une nouvelle ville.
furie ron sept mille pas de circuit, & y jetta les fondemens
Tanaïs. Il y fit travailler avec tant de diligence, qu'en dix-sept jours les rempars furent
fJ....Çurt.l.7. achevez & les maisons élevées ; aussi y eut-il une grande émulation entre les
Arrian.l. 4 soldats, à qui auroit le premier fourni sa tâche, car chacun avoit la tienne. Et
An du M. peupler sa nouvelle ville il rachetta tout ce qu'il put trouver de pri-
367f. pour ,
avant J. G. sonniers, & les y établit. Arrien dit qu'il la peupla de Grecs mercenaires,
jaç. qui étoient à sa solde, de Macédoniens qui n'étoient plus propres à la guerre,
& de,Barbares qui voulurent bien s'y retirer. Aprés avoir offert des sacrifices
à cheval & des
aux Dieux , sélon sa coutume , & avoir représenté des jeux
jeux d'exercice, il fit la dédicace de sa ville.
Cependant l'armée des Scythes s'étoit assemblée surie bord opposé du
Tanaïs dans le dessein de contenir dans la fidélité ceux des environs , qui
, se rendre à Alexandre. Ce Prince voïant que ces Barbares non
voudroient
seulement ne se retiroient point , mais même tiroient des fléches contre ses
Tanaïs, qui n'est pas fort large,
gens, qui n'étoient séparez d'eux, que par le
& leur insultoient, disant qu'ils n'osoient en venir aux mains avec les Scythes,
y
qui leur feroient bien voir la différence qu'il a entr'eux & les peuples d'Afie,
qu'Alexandre avoit vaincus.
L. Ce Prince n'avoit eu aucune envie d'attaquer ces peuples, mais seule-
Alexandre ment de les tenir en bride, par la ville qu'il venoit de bâtir. Mais voyant
prend la qu'ils faisoient des courses à sa veuç avec beaucoup d'insolence, & qu'ils le
résolution niéprisoient, il
ne le put souffrir plus longtems; & quoiqu'il fut encore trés-
d'attaquer à la téte, & qu'il ne pût ni monter
lesScythes. incommodé de la blessure qu'il avoit reçue foiblesse,
Curt. 1. 7. à cheval, ni parler à ses troupes, ni donner ses ordres à cause de sa
Arri,an.1.4, causée par le peu de nourriture qu'il prenoit il résolut de pasfer le Tanaïs
,
& d'attaquer les Scythes. Mais auparavant il ordonna à Aristandre qu'il
,
tenoit auprès de lui comme un oracle d'ofsrir des Sâcrinces & de coniul-
,
ter les Dieux par les entrailles des vïftimes. Il s'étoit abstenu de ces super-
stitions depuis la défaite de Darius; mais icy où la foiblefft de sa santé, où
la grandeur du péril, le replongérent de nouveau dans ces cérémonies pleines
d'impostures ; Aristandre aïant offert les Sacrifices , fit entendre au Roy par
Erieie un de ses amis que les entrailles des victimes ne lui promettaient rien
de boii & le menaçoient même d'un grand danger , s'il passoit le fleuve.
entra en colére & contre Erigie, & contre Aristandre, parcequ'il
,

...
Alexandre
avoit divulgué une chose qu'il vouloit qu'il tint secréte. Il fit donc venir ce
dernier, il lui ordonna d'aller de nouveau sacrifier, & qu'il eût consiance en
la bonne fortune d'Alexandre, que les Dieux n'avoient pas borné là gloire à
la conquéte de l'Asie.-
Peu de tems après comme il délibéroit encore avec les
r .sur
r principaux Officiers
sur la guerre des Scythes, Aristandre entra, & lui dit, qu'il n'avoit jamais veu L
11
les hosties plus favorables ; qu'elles étoient bien differentes des premiéres ;
que pour le coup il pouvoit entreprendre tout ce qu'il avoit dans l'esprit.
>

Il se leva donc le lendemain au point du jour, & aïant pris sa cuirasse , isse 1

montra à ses soldats , qui ne l'avoient point veu depuis sa derniére blessure.
Ils versérent des larmes de joïe, & vinrent tous lui faire la révérence , & le
presser de leur faire voir l'ennemi, contre quiils avoient auparavant témoigné
tant de répugnance de marcher. Il leur dit qu'il feroit palier sa Cavalerie &
sa Phalange sur des radeaux, & ceux qui étoient armez à la légère sur des
,
peaux ou des outres.. Les soldats travaillèrent aux radeaux avec tant de di-
ligence, qu'en trois jours il y en eut douze mille de faits.
Comme l'on étoit prêt pour paffer , il arriva des Ambassadeurs de la LI.
part des Scythes, au nombre de vingt, selon la coutume de leur païs. Ils Ambassade
traversérent le camp à cheval, & demandèrent à parler au Roy. Alexandre dcsScythes
Aler
les aïant fut entrer dans sa tente, les pria de s'asseoir. Ils furent longtems à vers xandre.
'le regarder fixement sans dire mot, & cela apparemmentparceque ces peuples An du M.
jugeant des hommes à la mine & à la taille, il leur sembloit d'une médiocre 367' .
J.
,

apparence, pour une si grande réputation. Enfin le plus ancien de la troupe avant a., -
lui parla de cette sorte. Si les Dieux t'avaient donné un corps proportionné QCurt.L?. 3

à ton ambition, tout l'Univers seroit trop petit pour toy. D'une main tu - Arrian. 1.4
toucherois l'Orient & de l'autre l'Occident, & non content de cela, tu vou-
drois suivre le Soleil; & savoir où il se couche. Tout tel que tu es, tu ne
laisses pas'd'aspirer, où tu ne fmrois atteindre. De l'Europe tu passes dans
rAfle, de l'Asie tu repasses dans l'Europe & quand tu auras subjugué tout le
,
genre humain ; tu voudras faire la guerre aux rivières, aux forêts &auxbêtes
lauvages. Ne sais-tu pas que les grands arbres sont longtems à croître &
qu'il ne faut qu'une heure pour les arracher ? Le Lion sert quelquefois, de
pâture aux plus petits oiseaux. Qu'avons-nous à démêler avec toy? Jamais
nous n'avons mis le pied dans ton païs, n'est-il pas permis à ceux qui vivent 1
dans les bois, d'ignorer qui tu es, & d'où tu viens ?
Nous ne voulons ni obéïr ni commander à personne & afin que tR
,
sâches quelles gens ce sont que les Scythes; Nous avdns reçu ,du Ciel comme
un riche present un joug de boeufs, un soc de charuë, une flèche , un javelot
& une couppe; C'est de quoi nous nous servons & avec nos amis & contre
nos ennemis. A nos amis nous leur donnons du blé provenu du travail de
nos boeufs, avec eux nous offrons du vin aux Dieux dans la couppe; & pour
nos ennemis, nous les combattons de loin à coups de flèches, & de prés avec
le Javelot. Il continua son discours en raportant les victoires que les Scythes
avoient remportées contre différentes nations, il ajouta : Tu te vantes de ve-
nir pour exterminer les voleurs toi qui es le plus grand voleur de la terre
,
tu as pillé & saccagé toutes les nations que tu as vaincuës. Tes mains ont
beau être pleines, tu cherches toujours une nouvelle proye. Ne te flattes
point de vaincre les Scythes ; passe seulement le Tanaïs, & tu verras l'étendue
de nos plaines. Tu as beau suivre les Scythes, je te defie de les atteindre,
crois-moy la fortune est glissante, tiens-la bien qu'elle ne t'échappe : encore
auras-tu de la peine à la reteuir, si elle a envie de te quitter. Il finit en lui
disant, regarde lequel tu aimes le mieux, de nous avoir pour amis, ou pour
ennemis.
Lll. Le Roy lui repondit qu'il useroit de sa sortune & de leur conseil. De
Les Macé-
doniens sa fortune, en continuant d'y avoir confiance, & de leur conseil, en n'entre-
patient le prenant rien témérairement & les aïant renvoyez il mit ion armée sur les
,
Tanais, & radeaux qui étoient tout prêts, & sur des outres pleins de paille. Le Roy
défont les
Scythes. avec une troupe choisie détacha son radeau pour aller gagner l'autre rive,
Curt. /.7. où les Scythes lui opposerent leur Calaverie disposée en si bon ordre, qu'on
Arrian.l.\. ne pouvoit prendre terre.Toutefois on tira contre les Barbares tant de traits &
An du M. de pierres de dessus les machines que bientôt la foule de ceux qui s'étoient
9675. ,
trop avancée fût éclaircie, & aussitôt que les Macédoniens purent gagner le
avant J. C.
bord, ils commencèrent à lancer leurs Javelots de pied ferme, & lesennemis
,
225.
s'étant ebranlez, & aïant tourné leurs chevaux les Macédoniens sautèrent ('i
,
terre , & s'encourageant l'un l'autre , les attaquérent vivement. La Cavalerie
aïant pris terre en même tems, les Barbares jettérent les brides sur le col des
chevaux, & prirent tous la suitte. Le Roy tout incommodé qu'il étoit, les
poursuivit à la longueur de quatre-vingt itades, & n'en pouvant plas il sc
,
\
retira dans son camp, disant aux tiens de poursuivrel'ennemi tant que le jour
çi-ureroit.
Arrien raconte que l'armée fut fort incommodée de la sois en peur-
suivant les Scythes, & que le Roy lui-même aïant bu de mauvaise eau, en fut
fort incommodé d'un flux de ventre, qui joint à l'incommodité de sa blessùre,
le mit en grand danger; C'est pourquoi on le reporta dans le camp & ses
,
troupes cessérent de poursuivre les ennemis. Sans cet accident on les auroit
entièrement défait. On en tua environ mille, on en prit cent cinquante &
on leur enleva dix-huit cens chevaux.Du côté des Macédoniens il demeura
soixante Cavaliers, quelques cens fantassins , & il y en eut mille de blessez.
Le danger que courut Alexandre fut regardé comme une suite de la première
prédiction d'Aristandre.
un. Peu de tems après arrivérent au camp des Ambassadeurs de la part du
Ambassade Roy des Scythes, témoigner à Alexandre que ce qui s'étoit fait, n'était
duRoy dès pour
Scythes. pas du conseil de toute la nation , mais que c'étoit une entreprise d'une
Cette na- troupe de Scythes vagabonds, qui ne vivent que dç rapines ; qu'au reitc la
tion se nation,étoit disposée à lui obéir. Alexandre leur répondit avec beaucoup
soumet à d'honnêteté, renvoïa sans rançon les prisonniers qui avoient été pris & les
Alexandre Ambassadeurs s'en retournèrent Excipine des Favoris du Roy ,
qu'il
Arrian. avec un ,
J. 4. p. 248.
leur donna pour les accompagner. La nouvelle de cette victoire remportée
Curt, /. 7. sur les Scythes, affermit l'Aile, qui branloit de toutes parts, & après la débite
des Scythes qu'on croïoit invincibles, on crut que nulle nation ne pouvoit
résister aux Macédoniens.
Alexandre aïant ainsi heureusement terminé la guerre contre les Scythes,
ordonna à Cratere de le suivre à petites journées, avec la plus grande partie
de ses troupes. Pour lui, il, s'avança en diligence contre Spitamenes qui
,
comme nous l'avons dit, après avoir abbandonné la ville de Maracande,
b
étoit
s'étoit joint à quelques Scythes Nomades ou vagabonds , & avoit entière-
ment défait un corps assez considérable de Macédoniens. Macédoniens Alexandre après
quatre jours de marche, arriva au lieu où Menédéme avec les qu'il
comandoit,avoit été mis à mort.Il fit enterrer les morts avec toutes les cérémonies
usitées parmi les siens; & Cratere l'ayant rejoint au même endroit,il ordonna
que l'on saccageât toute la Province & que l'on y mit à mort tous ceux
qui
seroient en âge de porter les armes.
Entre les prisonniers Sogdiens qu'on amena au Roy, il se trouva trente PrisonniersL1V.
jeunes hommes fils des plus grands Seigneurs du païs , tous bienfaits & de Sogdiens
bonne mine, lesquels , aïant sçu qu'on les ménoit au supplice par le com- qui se rc-
mandement d'Alexandre, commencèrent à chanter des chants d'allégresse , à jouissent
sauter & à danser, témoignant une joye excessive. Le Roy étonné de les voir de mourir les or-
aller à la niort si gayement,leur demanda d'où leur venoient ces transports de' par dres d'A-
joye, voyant la mort devant leurs yeux ; Ils répondirent qu'étant réunis à lexandre.
leurs Ancêtres par l'ordre d'un si grand Roy, vainqueur de tant des nations, ,Q.-Curt. L7.
ils se réjouïssoient d'une mort si glorieuse , & que les plus grands hommes An du M.
envieroient leur sort. Admirant cette grandeur d'ame, il leur demanda, s'ils avant ?67S. -
J. 6.
vouloient bien qu'il leur donnât la vie, à condition qu'ils ne seroient plus ses
32^
ennemis. Ils l'assurérent qu'ils n'avoient jamais été ses ennemis : Mais que
quand on les avoit attaquez, ils s'étoient défendus. Que si on étoit venu à
eux par la douceur & non par violence, ils ne se seroient point laissé vaincre
par générosité. Il leur demanda de plus, quel gage ils donneroient de leur
foy? Point d'autre, répondirent-ils, que cette même vie que nous recevrons
de vôtre bonté, & que nous serons toujours prêts de vous rendre , lorsque
vous la demanderez. Ils lui tinrent parole, & ils lui demeurèrent aussi fidéles
& aussi affectionnez, que pas un des Macédoniens.
Le Roy ayant laissé Peucolaiis en Sogdiane avec trois mille hommes de Bessus LV.
est
pied, il marcha vers la ville de Badres (iÙ on lui présenta Bessus & quel- envoïé à
,
qu'autres de ses complices , entre autres Barsanes que Bessus avoit établi 'Sa- Ecbatanes
trape des Parthes ; Alexandre ayant assemblé tous ses principaux Officiers, pour y
délibéra sur le supplice que méritoit Bessus. On lui couppa le nez & les souffrir le
dernier
oreilles, puis on l'envoïa à Ecbatanes, afin qu'on l'y jugeât & qu'on l'y punît supplice.
-
iuivant les loys des Perses & des Alédes, Arrian.L 4
Presqu'en même tems il lui vint un gros renfort de troupes de Grèce, ÇXurUr.
de Macédoine, de Lycie & de Syrie. Le tout montoit environ à seize mille
hommes de pied & deux mille cinq cens chevaux. Avec ce renfort il Arrian.
dit qu'on
L4
marcha pour rétab'ir la paix dans les Provinces, aprés avoir fait mourir les trouva
auteurs de la rebellion , il se rendit en quatre jours sur le fleuve d'Oxe , dont deux l'or.ai
l'eau eit toujours trouble & mauvaise à boire. Les Soldats s'étant mis à nes, ,Pune
creuser des puits pour en trouver de bonne on découvrit par hazard une d'huile
, étoit Fautre
source dans la tente du Roy. Mais comme on ne s'en pas apperçu d'eau, prés
d'abord on publia qu'elle avoit paru tout à coup, & Alexandre ne fut pas la tente du
,
faché qu'on crut qu'elle étoit miraculeuse & que c'étoit un présent des Roy, que les
Dieux. Ca) D,viNs dé..
clarérent
que celle
Ooo 3 Aprés
tPhuilt Après avoir pasle les rivières d'Oche & d'Oxe, il arriva à la ville Alar-
marquoit .giane, aux environs de laquelle il. bâtit six villes (a) deux tournées vers le
de grands *midy & quatre vers l'Orient. Elles sont toutes elevées sur des collines, &
travaux, assez prés l'une de l'autre, pour s'entresecourir en cas de besoin. Elles servuie!it
mais qui <
feroient à tenir en bride les peuples nouvellement conquis.
i
Tout le païs étoit en
suivis de la paix. Il ne restoit plus qu'un grand rocher que tenoit ArÍ111JZe Sogdien, avec
vif/aire. trente
; mille hommes de guerre & des provisions pour deux ans. Ce lieu
LVL
Alexandre avoit trente stades de hauteur, & cent cinquante, ou deux lieues & demie
bâtit six de tour. Il étoit escarpé de toutes parts, & n'avoit qu'un sentier taillé dans
villes au- le roc, par où l'on y pouvoit monter. Au milieu de sa pente s'ouvroit
tour de une Caverne dont l'entrée étoit fort étroite & obscure, mais s'élargissant peu
Margiane. à elle formoit plusieurs Grottes , dans lesquelles presque par tout il y
Çurt. 1. peu,
Ca) avoit des sources, dont les eaux ramassées ensemble formoient un grand
Curce fleuve.
en metfix) Le Roy -
aïant reconnu l'endroit, étoit disposé à paffer outre. Mais Ion
tfuftin en qui croissoit à la veuë des plus grandes difficultez , le fit résoudre à
courage
met douze ; l'attaquer afin de vaincre
Strabo huit en quelque sorte , la nature même. Auparavant il
1 lXl.p.)17. envoya Cophas fils
d'Artabaze à ces Barbares pour les porter à se rendre ; mais
ufiin dit Arimaze lui repondit avec insolence , lui demandant si Alexandre avoit des
qu'il y mit ailes ? Cette réponse le mit en telle colère, qu'à l'heure même il fit venir ses
tous ses fol- Chefs, & leur aïant raconté la réponse d'Arimaze, il leur commanda de lui
dats les plus
po?,tez a la chercher parmi
ses soldats trois cens jeunes hommes des plus dispos & des
/édition. plus adroits, & s'il étoit possible que ce fussent des montagnards,qui eudent
LXVll. autre fois gardé des troupeaux dans des lieux de difficile accés. Aussitost on
Attaque & lui Il promit dix talens de re-
-
priie d'un en amena le nombre qu'il avoit demandé.
- rocher, où compense à celui qui y monteroit le premier ; neuf au sécond & ainsi de
Arimaze suite en diminuant jusqu'au dixiéme.Ils s'engagèrent de faire tous leurs ciiorts,
s'étoit reti- & aïant fait provision de coins de fer de crampons de cordes & de
, ,
re avec 30. vivres pour deux jours, le Roy fit avec eux le tour du rocher & leur com-
mille hom-
manda d'entrer à la seconde veille de la nuit, par l'endroit qui paroissoit le
mes.
QCurt. 1.7. moins difficile. Ils commencèrentdonc à grimper, n'aïant que leurs epées &
An du M. leurs Javelines.
3676. Ils marchèrent quelque tems a pied, puis s'accrochant au rocher,les uns
avant J. G. pierres qui avançoient, les autres se faisant des espéces d'echelles & de
324. aux
déprez avec leurs coins, les autres se guindant en haut à l'aide des cordes Se
des noeuds coulans; Ce qui les effrayoit le plus, etoit le malheur de ceux de
leurs compagnons,qui tomboient dans les précipices, & dont le malheur leur
aprenoit ce qu'ils avoient à craindre pour eux-mêmes. Enfin malgré toutes
ces difficultez ils
gagnèrent le haut du rocher, mais si horriblement fatiguez,
quelqu'uns ne pouvoient pas même faire usage d'une partie de leurs
que
membres. Ils s'endormirent, qui ça, qui là, & ne se réveillérent que quand
il fut grand jour. Leur trouppe s'étant ralliée , il s'en trouva à dire trente
deux qui s'étoient tuez en montant. Ils ne trouvérent aucun ennemi sur la
hauteur ' mais ils virent au dessous d'eux de la fumée, qui leur enseigna leur
demeure.
demeure. En même tems ils élevèrent le signal dont ils étoient convenu, &
qui étoit un etendart blanc.
Le Roy fut le premier qui l'apperçut, & qui en informa ses Généraux. LVllL
On mit l'armée en etat de donner l'assaut au rocher, mais pour ne pas ex- Supplice
poser mal à propos ses troupes, il envoya de nouveau Cophas, pour exhorter d-' Arimaze-
ArÍ111aze à se rendre. CeluÎ-cy répondit d'abord avec encore plus de fierté &des liens.
C"dr. Lj.
qu'auparavant ; Mais aïant apperçu le signal que Cophas lui fit voir, & les An du M.
Macédoniens qui tenoient le haut du rocher, sans faire attention à leur petit 3676. ;
nombre, ils se rendirent & envoyérent trente des principaux d'entr'eux, pour avant J. a..
faire leur composition. Ils ne demandoient que la vie sauve. Alexandre se Î24*
fiant à sa bonne fortune leur refusa toute composition. Arimaze, qui se
,
croïoit entièrement perdu , descendit du rocher avec ses parens & la princi-
pale noblesse du païs, dans le camp d'Alexandre, qui les fit battre de verges,.
puis attacher en croix au pied même du rocher. Les troupes qui s'étoient
rendues à diserétion, furent abbandonnées avec tout le butin aux nouvel-
les villes bâties aux environs, & Artabaze laissé Gouverneur , du roc & de
toute la Province d'alentour.
Aprés la réddition de ce roc, le Roy partagea son armée en trois, dont
il donna une partie à Ephestion, l'autre à Cœnus, & se réserva le reste. Cha:"
cun tira de son côté pour réduire les Barbares à l'obéïssance. De ceux-cy
les uns furent domptez par les armes ; la plupart se rendirent sans combat;
à ces derniers on distribua les villes & les terres de ceux qui s'étoient opiniâ-
trez dans la revolte. Cependant ceux qui étoient bannis de la Bad-riane,
s'étoient joints à huit cens chevaux MalTagetes, & fourageoient le plat païs.
Attinas Gouverneur de la Province voulut réprimer leur audace, & se mit
aux champs avec trois cens chevaux, mais étant tombé dans une embuscade
des ennemis, il fut raillé en piéces avec toute sa troupe. Cratere informé de
cette défaite, y accourut ; Mais les Mafsagétes s'étoient deja retirez. INé-
chargea sa colére sur les Dahes & leur tua mille hommes. Ce qui mit fin à
tous les mouvemens de la Province.
Le Roy de son côté dompta encore une fois les Sogdiens & retourna à LIX.
Maracande, où Berdes, qu'il avoit envoyé vers les Scythes, qui demeurent Ambassade
sur le Bosphore vint à 1a rencontre avec les Ambassadeurs de ces peuples. des Scythes
Ces Ambassadeurs ,
étoient chargez de lui dire que le Roy des Scythes étoit Européens
vers Ale-
trés-disposé à lui obéïr ; Ils lui offrirent de sa part des présens de tout ce qu'ils vandrc.
éslimoient le plus prétieux, & le priérent de prendre pour femme la fille de QCurt. 1.9.
leur Roy ; & s'il ne l'éstimoit pas digne de cet honneur, qu'il souffrit pour ArrianJ.4.
le moins que les principaux Seigneurs de sa Cour & ses plus grands amis p. 273*
épousaslènt les filles des premiers Seigneurs de leur païs ; Promettant même,
s'il l'ordonnoit, que leur Roy viendroit en personne lui rendre ses obéïssan-
ces. Il répondit à ces Ambassadeurs d'une manière fort civile, & proportion-
née aux circonstances du tems, leur témoignant civilement qu'il n'étoit pas
disposé à epouser la fille de leur Roy. LX,
En même tems Phrataphernes, ou Pharœmanes,comme l'appelle Arrien, Le Roy des
Choras-
Roy ou Chef des Chorasmiens voisins delaColchide & des Amazones, vint miens se
aussi
rend au- aussi trouver Alexandreà la tête de quinze cens chevaux,& lui offrit ses services,
près d'Aie. lui disantque s'il vouloit faire la guerre aux Colchiens ou aux Amazones, il
xandre, s'offroit à lui servir de guide dans cette expédition & de fournir à Ion armée
v OÇurt.l.8.
Arrian.l.4. tous les vivres necéssaiIes. Alexandre le remercia & loüa beaucoup bonne
sa
An du M. volonté, lui témoigna qu'il n'étoit pas alors disposé de marcher du côté du
3676. Pont, le recommanda à Artabaze Satrape de la Bachi ne, & des pais voisins,
avant J. G. le renvoya dans son païs, le priant de réserver les effets de là bonne volon-
324. té, jusqu'au tems qu'il s'en retourneroit en Gréce avec toutes ses armées;
qu'alors il passeroit dans son païs.
LXI. Il passa ensuite dans la Bazarie , accompagné d'Ephestion & d'Artabaze.
Chasse cé- En cette contrée la plus grande magnificence consiste en des parcs remplis de
lèbre où bétes fauves. Pour cet effet ils choisissent de grandes foréts arrosées d'eaux
Alexandre.
tué de sa & les ferment de
murailles qu'ils garnissent de tours, pour la retraite des ve-
main un neurs. On en fit voir un entr'autres où il y avoit quatre ages d'hommes qu'on
Lion d'une n'avoit chassé. Alexandre entra dedans avec toute son armée & fit lancer
énorme des bétes de tous cotez. Parmi ces bétes il y avoit un Lion d'une épouvan-
grandeur.
Curt. 1. S. table grandeur, qui
vint droit à lui. Lysimaque qui régna depuis, se trouvant
prés du Roy , & présentant l'éspieu à la bête , le Roy le repoussa lui dilant
qu'il pouvoit aussi bien tuer un Lion qu'avoit fait Lysimaque. C'est que Ly-
fimaque chassant en Syrie avoit tué lui seul un Lion d'une grandeur énorme,
mais aussi il en avoit eu l'épaulé déchirée jusqu'à l'os, & avoit été en grand
danger de sa vie. C'est ce qu'Alexandre lui vouloit en quelque façon repro-
cher. Le Roy ne manqua pas la béte, il là tua d'un seul coup.
Cela n'empêcha pas que les Macédoniens n'ordonna{sentselon la coutu-
de leur nation que le Roy n'iroit plus à la challe à pied, ni sans avoir
me , On tua dans
auprès de lui quelqu'uns de ses grands & de ses Officiers.
cette chasse jusqu'à quatre mille bêtes, aprés quoi le Roy fit un festin dans le
même parc à toute son armée.
LXIJ. De là il revint à Maracande, où il fut prié^ par Artabaze de le décharger
Alexandre de son gouvernement à cause de sa vieillesse. Le Roy lui accorda sa demande
dans le vin & donna son gouvernement à Clitus qui avoit servi sous Philippe pere
,
tue Clitus d'Alexandre, & qui s'étoit signalé en beaucoup de belles occasions. Ce lut
son ami. Alexandre combattoit la tête nue,
Idem 1. 8. lui qui à la bataille de Granique, comme
-

Arrian.l.4. & que Rosaces avoit déja le bras levé pour le frapper par derriére, couvrit le
Plutarcb. Roy de son bouclier, & abbattit la main du Barbare. I-Iellanice soeur de
in Alexan-
Clitus avoit nourri Alexandre, qui ne l'aimoit pas moins que sa propre Mere.
dro &c.
Aïant reçu ordre de partir le lendemain, il fut convié le soir à un festin, où
le Roy aprés avoir bien bu se mit à célébrer ses propres exploits, sans garder
mesure, & se rendant importun à ceux-mémes qui savoient qu'il disoit
aucune
Les plus âgez demeurèrent dans le silence , tandis qu'il ne parla
la vérité.lui-même
de Mais aïant commencé à ravaller les belles actions de Phi-
que ;
lippe son Pere, soûtenant que la gloire des plus belles aélions qu'on vantoit
dans Philippe, étoit due à lui-même, qu'il lui avoit sauve la vie en le couvrant
de son bouclier, & en tuant ceux qui le vouloient tuer, dans une sédition
entre le> Macédoniens & les Grecs, où Philippe pour se sauver ,
avoit été
obligé
obligé de faire le mort ; II dit plusieurs choses de cette nature , qui furent
sort applaudies par la jeunesse qui étoit présente. Mais les vieux Officiers
qui avoient servi sous Philippe, sur tout Clitus l'écoutoient fort impatiem-
ment, & il échapa'à Clitus de dire à ceux qui étoient au dessous de lui, un
vers d'Euripide, qui porte en substance, que c'est mal fait de ne mettre aux
Inscriptions des trophées que les noms des Roys , que c'étoit dérober à
de vaillans hommes la gloire qu'ils avoient méritée aux prix de leur sang. Le
Roy n'entendit pas distinctement ce qu'il avoit dit ; Mais se doutant qu'il
avoit parlé pour le contredire, il demanda aux assista'ris ce qu'il avoit dit :
Personne n'osant repondre, Clitus prit la parole, & commença à raconter
les belles adions de Philippe, les préférant à celles d'Alexandre.
Ce Prince l'écouta sans rien dire, mais frémissant de colère ; la com-
pagnie prit parti, les jeunes étoient pour Alexandre & les vieux pour Philippe.
Clitus continuant à parler, irritoit de plus en plus Alexandre. Il poussa l'in-
solence jusqu'à lui dire qu'il lui avoit sauvé la vie à lui-même dans la ba-
taille de Granique, à lui reprocher la mort de Parmenion, & à lui dire qu'il
ne lui donnoit le gouvernement de la Sogdiane, Province indomptée & in-
domptable, que pour se défaire de lui, en le confinant parmy des peuples plus
farouches que les bétes sauvages. Alexandre piqué au vif, sur tout de ce
qu'il avoit parlé honorablement de Parmenion , lui dit de sortir de table.
Comme il ne se hâtoit point d'obéïr, ceux qui étoient auprés de lui remme-
nérent comme par force ; Mais Clitus échauffé par la colére & par le vin,
se mit à crier que le Roy devoit la vie à son bras; Il lui reprocha le meurtre
d'Attalus,& se moquant de l'oracle d'Ammon, qui l'avoit déclaré fils de Jupi-
ter, il se vantoit de lui avoir dit ses véritez, mieux que son Pere ne les lui
avoit déclarées.
Le Roy nese pouyoit plus contenir, il saute au javelot d'un de ses gardes
pour tuër Clitus ; Mais Leonate & Lysimaque lui ôtérent le javelot; & le
retinrent malgré ses efforts. Il s'écrie que ses plus intimes amis se saisissent
de lui, & veulent l'arréter comme on avoit fait Darius, il appelle ses gardes
à son secours, & fait sonner de la trompete, pour leur faire prendre les armes,
& atin qu'ils vinssent à son secours. Ptolemée & Perdicca.se jettent à les
pieds & le prient de laisser passer sa colére, & d'attendre au lendemain pour
se faire justice avec plus de sang froid. Il n'écouta rien, & courant tout
furieux à la porte du Palais, il arrache le Javelot à la sentinelle & se filet sur
le passage où Clitus devoit nécessairement passer. Tout le monde s'étant re-
tiré, Clitus voulut sortir aussi sans flambeau. Alexandre lui demanda qui
il étoit, il répondit doucement que c'étoit Clitus qui se retiroit. Au même
instant le Roy lui passa le Javelot au travers du corps, lui disant : Vas main-
tenant trouver Philippe) Parmenion & Attalus. C'en: ainsi que Quinte-Curce
raconte la chore. Arrien y ajoûte quelques particularitez que flon peut lire
dans cet Auteur.
L'on voit icy les tristes efféts de l'excès du vin dans Alexandre & chans LXlIL
Clitus, ni l'un ni l'autre ne sont certainement pas excusables. Mais Alexandre -Regrets
l'en beaucoup moins que Clitus, l'yvresse étant un vice dont un grand Prince d'Alexan-
dre ap.rés
Tom. v II. Pp p ne
la mort de ne sauroit avoir trop d'horreur. Aussi ce Prince étant rentré dans lui-
Clitus. même, en eut une telle honte, & tomba dans un tel désespoir,qu'il vouloit se
Q^Curt. 1.8. faire mourir, & se percer du même Javelot dontilvenoit de percer Clitus. Ses
.arrian. 1-4 gardes étant accourus,lui arrachérent le Javelot & l'emménérent dans sa tente.
Plutarcb. Là il se
jetta par terre & remplit le Paldis de hauts cris, puis se déchirant le
vifoge, il prioit ceux qui étoient autour de lui, de ne le pas laisser survivre, •
après une adion si lâche & si honteuse. Ce qui lui faisoit plus de peine,
étoit de voir tous ses amis effarouchez , & que personne ne voudroit avoir
de liaison avec lui, qu'il se verroit obligé de vivre seul comme une béte
sauvage, qui fait peur aux autres, & à qui les autres font peur. C'est ainsi
qu'il s'entretenoit pendant la nuit.
Dez le point du jour il commanda qu'on apportât le corps dans sa
tente, à la veuë de ce cadavre encore tout sanglant, il se livra à sa douleur,
& fondant en larmes, il se reprochoit à lui-même la mort de son ami , frere
de sa nourrice mere de deux fils qui étoient morts à son service devant
Milet. ,
Comme il ne mettoit point de fin à ses pleurs on emporta le
,
corps,& le Roy fut trois jours couché & enfermé , sans vouloir voir per-
sonne, & sans prendre de nourriture. A la fin ses Officiers entrèrent & le
forcèrent de prendre soin de son corps; & pour un peu modérer sa douleur,
les Macédoniens déclarèrent par un décret solemnel, que Clitus avoit été tué
avec justice. Ils avoient même résolu de le priver de la sépulture , si le Roy
LXIV.. ne l'eût fait ensevelir.
On veut Quelqu'uns prétendirent que ce malheur étoit un effet de la colére de
excuser Bacchus à qui depuis quelques années Alexandre avoit interrompu d'offrir
l'avion ,
annuels,rendant à Castor & Pollux l'honneur que jusqu'alors il
«l'Alexan- des sacrifices
dre. avoit rendu au Dieu du vin. Que Bacchus ossensé de cette préférence,s'en
R.Curt./.8. étoit vengé en portant Alexandre à tuër son ami dans le vin. Comme on
Arrian.1.4: connoissoit le foible de
ce Prince, qui étoit la superstition , on l'engagea à
sacrifier à Bacchus, & à lui imputer en quelque sorte une adion, qui lui cau-
soit tant de douleur & tant de honte. Aristandre son Devin lui rappella un
ancien songe qu'il avoit eu, & qui lui marquoit ce qui lui venoit d'arriver ;
D'où il concluait que la chose étoit arretée depuis longtems dans les decrets
du destin ; Enfin Anaxarque Abderite Philosophe qui suivoit l'armée, voulut
persuader au Roy que ce qu'il avoit fait étoit julte,parceque les anciens Sages
avoient dit que-la sagesse est toujours assise aux cotez de Jupiter, voulant dire
par une flatterie indigne,qu'Alexandre étant fils de Jupiter , n'avoit pu rien
LXV. faire que de juste. Tant les hommes sont industrieux à flatterles grands dans
Les Bannis leurs passions les plus criminelles,&àjustifie; leurs actions les plus mauvaises.
de la
Bafàriane Le Roy aïant sejourné dix jours à L\'laracande pour assûrer sa conte-
se soûmet- nance & essuyer la honte de ce qu'il avoit fait , envoïa
Ephestion dans la
tent à Badriane avec une partie de ses troupes , pour y faire des magazins pour
Alexandre l'hyver. 11 donna à Amyntas le gouvernement de la Sogdiane qu'il avoit
An du M. destiné à Clitus ,
Pour lui, il revint dans la Province de Xenippe frontiére
3676.
avant J. G. de.Scythie, pays
;
rempli de Bourgades la
à causede bonite du terroir. C'ef1:.là
3*4- où s'étoient retirez les bannis de la Badriane, dont on a déjà parlé. Mais
sur
fùrle bruit de la venuë d'Alexandre, on les en avoit chassez & ils avoient
,
ramasse .quelques deux mille deux cens hommes, tous gens de cheval , qui
ne vivoient que de brigandages.
Tout à coup ils vinrent sondre sur Amyntas,,
& le chargèrent avec tant de furie , que la vidoire fut longtems balancée ;
*

Enfin Amyntas les mit en suitte.aprés leur avoir tué sept cens hommes, & fait
trois cens prisonniers. Il y eut quatre-vingt Macédoniens de tuez, & trois
cent cinquante de blessez. Le Roy ne laissa pas de faire gcace à ces bannis,
apparemment en considération de leur valeur, il leur fit prêter le serment de
fidélité & les laissa dans leur pays.
Sisimethres Satrape de la Province nommée Naura ou Nautace, s'étoit LXVL
fortifié dans des montagnes de très-difficile accés, & dans un rocher haut de Sifimc-
vingt stades, & de quatre vingt stades de circuit, ayant au dessus une plaine pedelathrcsSatra-
capable de nourrir )00. hommes. -Ce Satrape avoit deux fils, qu'il avoit eus '^Province
de sa propre Mere ; Car ces sortes d'incestes ne passent pas pour défendus deNautacc
parmi les Barbares. Alexandre l'attaqua,força les défilez de ses montagnes,& se soumet
Pobligea de se retirer sur le rocher, dont on a parlé. Oxiartes qui étoit de à Alexan-
dre.
cette nation, fut envoïé pour lui parler & lui persuader de se rendre. Il y
étoit a (sez porté, mais sa Mere s'y opposa , & lui fit changer de résolution.
le
Comme Oxiartes s'en retourna, il le fit rappeller, & pria de faire entendre
au Roy la répugnance de sa Mere , afin de lui obtenir plus aisément le par-
don. A peine Oxiartes fut-il parti, que Sisimethres le suivit avec sa femme
& ses enfans, resolus de se rendre au Roy sans attendre aucune assurance de sa
parole. Le Roy lui fit dire de l'attendre dans la forteresse. Il y arriva aussitôt
que lui , & aprés avoir sacrifié à Minerve & à la victoire, il lui rendit son
gouvernement avec promesse d'en étendre les limites,s'illui demeuroit fidéle.
Sifimethres lui donna ses deux fils, le priant de les recevoir pour le suivreàia
guerre.
Il s'avança ensuite avec sa Cavalerie contre les rebelles du païs, laissant LXVII.
sa Phalange, qui ne le pouvoit suivre à cause de l'apreté du terrain, qui étoit]Belle
action de
pierreux & rabotteux. Les chevaux & les Cavaliers y souffrirent extraordi- jPhilippe
nairement , les premiers aïant la corne de leurs pieds usée, & les autres ac- frère j de
cablez de fatigue, ne pouvoient suivre le Roy qui changeant souvent de Lysimaque
,
chevaux, ne cessoit de poursuivre les rebelles. Toute cette jeune noblesse Q....Curt.1.8.
qui avoit accoutumé de l'accompagner, étoit outrée. Leseul Philippe frere An
de Lysimaque, jeune garçon de dix-neuf à vingt ans, & plein de courage,fut avant
capable de résister à une telle fatigue ; Car étant à pied, il suivit le Roy qui
.
' du M.

'
?',67()'
J. G.
324»
étoit bien monte, l'espace de deux cens stades, ou vingt lieues sans vouloir
se servir du cheval de son frere qui le lui offrit plusieurs sois,, & quoiqu'il
,
eut la cuirasse sur le dos, & fût chargé de ses autres armes, jamais ilne quitta A

le Roy d'un pas.Puis comme on fut arrivé à un bois où les Barbares s'étoient
mis en embuscade, il y fit des merveilles & tira le Roy de la mélée. Mais
aprés que les ennemis eurent pris la suitte, ce grand coeur qui l'avoit Cou-
tenu dans la chaleur du combat, lui manqua tout à coup. Il lui prit une
sueur froide par tout le corps, & s'etant appuyé contre un arbre il expira
r
entre les bras d'Alexandre. Cette perte fut suivie de celle d'Erygie un des ,
principaux Chess de l'armée du Roy, il leur fit à tous deux de superbes suné-
railles.
Lxvni. Un des plus dangereux & des plus opiniâtres ennemis d'Alexandre,
Mort de étoit Spitamenes, dont on a parlé plus d'une fois. Il avoit ramassé environ
Spitame- trois mille Cavaliers Scythes, avec lesquels il entra dans la Sogdiane. Coenus
nes enne- un des Généraux d'Alexandre, aïant apris, qu'il étoit dans le païs marche à
mi d'Ale- lui, lui livre la bataille, lui tuë environ huit cent Cavaliers ,
Spitamenes est
xandre. ;
QCurt. /.8. obligé de se sauver avec le reste des siens dans des lieux déserts.LesSogdiens
Arrian.l.4» & la plûpart des Badrietis se voyant abbandonnez, se livrérent à Cœnus. Les
Scythes Massagetes après cette défaitte se jettent sur les bagages des Sogdiens
& desbadriens leurs alliez, & les pillent ; puis se retirent avec Spitamenes dans
le desert. Mais aïant apris qu'Alexandre venoit en personne pour les réduire,
ils couppérent la tête à Spitanlenes&l'el1"Voyérent à ce Prince,pourle détour-
ner de venir à eux. C'est ainsi qu'Arrien raconte la mort de Spitamenes.
Quinte-Curce la raconte autrement. Il dit que la femme de ce Capitaine
fatiguée des marches & des mouvemens continuels, dans lesquels son Mari
\ la faisoit suivre, le sollicitoit sans cesse de se rendre à Alexandre, pour mettre
fin à cette vie errante & vagabonde qu'il ménoit.^ Spitamenes reçut sort mal
ses avis, la chassa de sa compagnie, & l'auroit tuée.sises freres ne l'eneuslent
empêche. Quelque tems après vaincu par la passion qu'il avoit pour elle,
il la rappella, & lui fit promettre que jamais elle ne lui parleroit de ce qui
avoit été la cause de leur séparation. Elle promit tout ce qu'il voulut &
s'excusa sur le passé, comme elle jugea à propos. Spitamenes charmé de
cette réunion, fit un grand festin pour en témoigner sa joïe. Il y but tant
v.o'il fallut l'emporter dans sa chambre demi-endormi. Quand cette semme
le vit enseveli dans un profond fcunmeil, elle lui couppe la tête & la donne
à porter à un esclave complice delon crime. Aussitôt elle va tout enfan-
glantée comme elle étoit, au camp d'Alexandre, & lui fit dire qu'elle étoit
venue pour une affaire de la derniére conséquence, qu'elle ne pouvoit con-
fier qu'à lui seul. Il la fit entrer sur le champ , & aïdnt apris d'elle-même
ce qu'elle avoit fait, il eut moins de considération pour le service qu'elle lui
avoit rendu, qu'il n'eut d'horreur du crime qu'elle avoit commis, & la fit
sortir du camp, de peur, dit l'Historien, qu'un parricide si exécrable ne cor-
rompît l'esprit des Grecs, qui naturellement sont assez éloignez de ces sortes
de cruautez.
L.XlX. Les Dahes aïant appris la mort de Spitamenes , prirent Dataphernes
Alexandre compagnon de sa revolte, &ramenèrent lié à Alexandre. Par ce moïen la
châtie les paix fut renduë à la Province. Le Roy mit son armée en quartier d'hyver
Gouver- à Nautace, car la saison ne permettoit paf de tenir la campagne , & il s'ap-
neurs des pliqua à chatier les Gouverneurs qui opprimaient les peuples par leur con-
Provinces Phrataphernes Satrape des Hircaniens,
qui abn. cuffion & leurs violences. Il fit venir
soient de * des Mardes & des Tapiriens, avec ordre de se saisir de Phradate , auquel il
leur auto- succédoit, & qui avoit resusé plusieurs fois de venir. Il lui ordonna de le
rité. lui envoyer sous bonne garde. Stafanor fut mis en la place d'Arsanes Gou-
Yeriuur de la Carie. il envoya Arsaces dans la Medie, dont il rappella
Oxidatef»
P
Oxidates.Il donna àDeditames ou Stamenesle Gouvernement de Babilonne Arrian. t:LCurt.!.!.
*
vaquant par mort
la de Mazée. 1. 4. ($c.
Aprés que l'armée eut hyverné trois mois, il prit la route d'une contrée An du M.
nommée Gabaze. - Le premier jour qu'ils se mirent en chemin il fit assez 3676.
beau. Le lendemain le tems commença à se troubler, & le soir ne se passapas avant J. G.
sans quelque ménace d'orages.Mais au troisiéme il fit des éclairs il effroïables, 324.
qu'ils éblouïssoient les yeux & abbattoient le courage des soldats. Il tonnoit
présque sans cesse , & ils voyoient a chaque moment la foudre tomber de-
vant eux. Tout à coup il vint une si grande pluïe inélée de grêle , qu'on
auroit dit que c'étoit un torrent qui tomboit du Ciel. D'abord les soldats
se couvrirent de leurs armes, mais aprés ne les pouvant plus tenir,parcequ'ils
étoient percez de la pluie & engourdis de froid, ils rompirent leurs rangs &
se répandirent dans le bois, pour chercher du soulagement à leur lassitude &
au froid dont ils étoient pénétrez.
Le Roy seul invincible à tant de maux , alloit & venoit autour des
soldats, ralliant ceux qui s'écartoient , ramenant les autres & leur montrant LXX.
la fumée des cabanes éloignées, les encourageant de gagner les plus proches. Belle d'A-
adion
Enfin la nécessité les obligea à coupper du bois en quantité, & d'y mettre le lexandre
feu. Cela garantit l'armée qui étoit en danger de périr toute entiére. On dans
une
compte que le froid en emporta prés de mille. Alexandre aïant apperçu un tempête
soldus Macédonien qui .s'étant trainé avec ses armes jusqu'au camp, étoit à oupiu-
,
demi.mort de froid, accourut à lui, & aïant désait- les armes de ce Soldat,le fit sienrs de
les soldats
asseoir en sa place devant un grand feu. Cet homme fut assez longtems sans périrent.
savoir où il étoit. Tout d'un coup s'étant apperçu qu'il étoit dans la chaise QCuriJ.8*
du Roy, & le Roy auprés de lui, il se leva tout effrayé. Mais Alexandrelui
dit : mon ami, ne crains rien. Pour un Perse c'est un crime digne de mort
de s'asseoir dans la chaise du Roy; & pour toy, c'est ton salut.
Le lendemain il fit assembler les principaux Chefs, & leur dit qu'il LXXI.
vouloit rendre tout ce qui avoit été perdu. En effet il n'y manqua pas. Car Presens
Siiimethres lui aïant envoie quantité de bétes de charge, avec deux mille que sirt-
chameaux, & avec plusieurs troupeaux de bêtes, il les fit distribuër aux methres
soldats. Ensuite aïant ordonné que chaque soldat prît des vivres pour six fait à
Saces, qu'il & fourragea, & du butin Alexandre
jours, il passa dans le païs des courut
fit present *à Sisimethres de trente mille moutons. Il vint delà dans la Pro-
vince où commandait le Satrape Cohortanes, lequel se sournit à l'obéïssance
du Roy, qui lui rendit ses Etats, & ne lui demanda autre chose , si non que
de trois fils qu'il avoit, il lui en donnât deux pour l'accompagner à la guerre.
Alais le Satrape les lui offrit tous trois. LXXII.
Bientôt aprés Oxiartes eut l'honneur de recevoir le Roy , & lui fit un Mariage
festin superbe où il étala toute la magnificence des Barbares , & pour le Alexan- (1-"

mieux régaler, ,il y fit venir trente jeunes filles de condition, entre lesquelles dre avec
étoit la sienne , nommée Roxane , d'une beauté extraordinaire, Car tous les An Roxane.
du I&
Grecs qui l'avoient veuë convenoient qu'après l'épouie de Darius, c'étoit la 3676.
plus belle personne de l'Asie. Le Roy l'aïant veuë, en fut épris, & résolut de avant J. e.
i'épouser. 11 disoit hautement, que pour établir son Empire ^ il falloit allier 324.
le sang des Perses avec celui des Macédoniens par les mariages quec'était
yîrrian.l. 4 le seul moïen d'ôter la honte ,
aux vaincus & l'orgueïl aux victorieux.
p. 284- Qu'Achille même dont il étoit descendu, avoit épousé une captive. Sur le
,
champ & dans le même festin, il fit venir du pain, le couppa en donna une
,
portion à Roxane & se réserva l'autre, dont ils mangèrent tous deux. Ainsi
Roxane devint Epouse d'Alexandre, sélon la maniére des Macédoniens, que
le Roy voulut suivre dans cette occasion. Ce mariage n'étoit nullement du
goût des Principaux de sa Cour , sur tout à cause de la disproportion de
condition entre le Roy & une esclave; mais depuis la mort de Clitus nul
n'osoit plus parler. Et son exemple même fut imité par plusieurs des ,siens.
Arrien raconte que ce mariage se fit aprés la prise du rocher, défendu par
Arimaze, dans lequel Oxiarte avoit réfugié sa femme & sa fille, comme dans
StrabQ.
unlieuinaccessible&imprenable.strabon dit que ce mariagese fit sur le rocher
J. iç. de Sisimithres.
LXXlll Alexandre tourna ensuite tous ses soins à porter la guerre dans les
Préparatifs Indes, &
pour ne rien laisser derriére lui, qui pût lui donner de l'inquiétude,
d'Alexan- il commanda
dre pour que de toutes les Provinces on lui choisit trente mille jeunes
la guerre hommes , & qu'on les lui amenât tout armez , pour lui servir d'otages aussi
des Indes. bien que de soldats. Les Indes passoient pour le plus riche pays de l'Uni-
An du M. vers, non lentement en or & en argent, mais aussi en pierreries. On disoit
3676.
que les boucliers des soldats y étoient d'or & d'yvoire. Alexandre pour ne
avant J. C.
céder au Roy des Indes en magnificence, fit garnir les boucliers de ses
324. pas
!J.....Curt.l.8. soldats de lames d'argent, mettre des mords dorez aux brides des chevaux,
Arrian. 1.4 enrichir les cuirasses les unes d'or les autres d'argent & se mit en
, , ,
marche avec une armée de six-vingt mille hommes, pour faire la conquête
des Indes.
LXXIV. Il crut alors qu'il étoit tems de faire éclore le dessein qu'il avoit conçu
Alexandre depuis longtems, de se faire rendre des honneurs divins. Il ne se contentoit
afFe&e les de se faire appeller fils de Jupiter , il voulut qu'on crût qu'il l'étoit ef-
pas
honneurs fedivement, & qu'on lui
divins. en rendit les honneurs. C'étoit parmi les Perses
QCuît.l-S' une ancienne coutume de se prosterner devant les Roys, &de les honorer
jîrrian.l.4 comme des Divinitez sur la terre. Alexandre prétendit qu'on ne devoit pas
lui refuser les mêmes hommages. Il ne manquoit pas de flatteurs qui l'entre-
tenoient dans ces folles pensées, & ces flatteurs étoient des Grecs qui desho-
noroient par la corruption de leurs moeurs, la profession qu'ils failoient de
belles lettres & de science; Pour les Macédoniens ils furent plus fermes, &
il n'y en eut pas un seul, qui voulût se relâcher des coutumes de son pays.
Entre les flatteurs d'Alexandre on remarque un nommé Cleon Sicilien &
,
un nommé Agis d'Argos, le plus mauvais Poëte qu'on connût aprés Cherille,
& enfin Anaxarque Sophiste, dont on a déja parlé.
Celui qui témoigna le plus de répugnance aux prétentionsd'Alexandre,
fut le Philosophe Callisthénes , condisciple du Roy , qui avoit étudié avec
lui sous Aristote. C'étoit un homme d'un naturel féroce,plein de lui.même,
& qui par Ion arrogance mérita qu'Alexandre le fit mourir quelque tems
aprés, comme nous l'allons raconter.
Les
Les flatteurs dont on a parlé, ne cessoient d'elever Alexandre jusqu'au
Ciel, & de publier que Bacchus, Hercule , Castor & Pollux le céderoient
bientost à cette nouvelle Divinité. Le Roy ordonna une féte, à laquelle il
invita les plus grands Seigneurs de sa Cour, Grecs & Macédoniens, & les plus
qualifiez d'entre les Perses. Il suffit à table avec eux; & après avoir un peu
mangé, il se leva & b'en alla, prétexta quelque affaire; mais il se cacha derrière
une tapisserie,pour entendre tout ce que diroient les Conviez , au sujet du
culte supréme auquel il prétendoit. Alors Cleon, ainsi qu'il avoit été con-
certé, se mit sur les louanges du Roy, & sur les obligations qu'ils lui avoient,
disant,que le seulmoïen de les reconnoître, étoitdelui rendre leurs adorations
comme à un Dieu, qu'aussi bien l'étoit- il, aïant été déclaré fils de Jupiter
par l'Oracle. Que pour lui, il étoit résolu de l'adorer, dez qu'il rentreroit,
& qu'il falloit que tous en fissent de même, principalement ceux qui faisoient
profession de sagesse.
Tout le monde comprit que ces paroles s'addrefloient à Callifthenes, LXXV.
dont la gravité & la liberté de parler déplaisoient à Alexandre, & qu'il regar- Discourstîe
doit comme le plus grand obstacle au dessein qu'il avoit de se faire recon- Callisthe-
noitre pour un Dieu. Ce Philosophe voyant qu'on faisoit silence & que nes contre
, la préten-
tous les Conviez le regardoient, répondit à Cleon, que si le Roy eut été tion r l'Ale-
présent a son discours, il n'auroit pas manqué de lui imposer silence, & de xandre.
lui dire de ne pas engager les autres à prendre les Coutumes des Barbares, & 0. Curt. 1.S. *
à ne pas tenir sa gloire par des flatteries, qui lui attirent l'envie des hommes Arrian.l,4,
& la haine des Dieux. Que les Dieux ne se font ni en un moment,
Qu'Hercule & Bacchus n'ont été admis au rang des Dieux, qu'après qu'ils
ni à table;

ont dépouillé ce qu'ils avoient de mortel ; Pour moy, ajouta-t'il, je ne sou-


haite Alexandre au rang des Dieux que le plus tard qu'il se pourra, afin qu'il
jouïsse premièrement d'une longue vie,& aprés d'une gloire eternelle.
Ce discours fut écouté avec plaisir, sur tout par les anciens Macédo- LXXVI.
niens,!qui ne pouvoient souffrir ces nouveautez. Le Roy, qui avoit ouï tout Polyper-
ce qui s'étoit dit, envoya secrétement faire savoir à Agis & à Cleon, que raille chon se
des
son intention étoit, qu'ils n'insisiassent pas davantage sur l'adoration des Grecs,
Perfes qui
mais qu'on se contentât que les Perses, quand il rentrerait, se prosiernassent adproient
a leur façon. Aussitost aprés il rentra, & les Perses ne manquérent
pas de Alexandre.
se prosterner à^ l'ordinaire. Polyperchon qui étoit à table auprés du Roy,
voyant qu'un d'entr'eux à force de s'incliner, touchoit du menton contre
terre, lui dit en se moquant, qu'il frappât encore plus fort. Cela. piqua le
Roy qui se contraignoit depuis longtems ; il lui dit : Quoy ! tu ne m'ado-
,
\
reras pas, & tu seras le seul qui me jugeras digne de risée ? A quoy Poly-
perchon aïant répondu : Que ni le Roy n'étoit pas digne de risée, ni lui de
mépris, Alexandre le jetta par terre si rudement, qu'étant tombé sur le visage,
vois tu, lui dit-il, comme tu fais la même chose, dont tu te moquois tout-à
l'heure. Et l'aïant fait mettre en prison, il rompit la compagnie. A l'égard
de Callisthenes, il porta sa colère'plus avant, & rencontra bientost une
casson de la satisfaire. oc-
Les
LXXVll. Les grands Seigneurs de Macédoine avoient accoutumé de donner
Conspira- leurs enfans
au Roy, dez qu'ils avoient atteint l'âge de quinze ans, afin d'être
tion des employez auprès de lui à certaines fondions qui ne pouvoient passer
jeunes ,
Seigneurs pour relevées, que parcequ'elles étoient rendues au Roy par des personnes
Macédo- de la première qualité, & que cette épreuve étoit le chemin ordinaire pour
niens con- parvenir aux premières dignitez. Ils faisoient garde tour à tour à la porte de
tre Alexan- sa chambre, & quand il montoit à cheval, ils prenoient les chevaux de la
dre.
QCurt.l.i. main des palefreniers pour les lui amener ; Ils l'accompagnoient la guerre
à
Arrian.L4. & à la chasse, & on leur donnoit des maîtres pour les lettres & pour toutes
AUi (je. sortes d'exercices. Un jour Hermolaiis qui étoit de cette bande, aïant tué
à la ch&(Te un sanglier, que le Roy vouloit tirer, il s'en mit si fort en colére,
qu'il lui fit donner le fouet. Hermolaüs indigné de cet affront, s'en plaignit
à Sostrate un de ses compagnons, qui l'anima à la vengeance. De sorte
qu'après s'être donné la foy, ils résolurent de le tuër. Ils communiquèrent
leur dessein a sept de leurs compagnons , qui gardérent la chose fort secréte
pendant trente-deux jours, en attendant qu'ils se trouvassent tous de garde
une même nuit. Enfin la nuit qu'ils attendoient, étant venue, ils se trou-
en
vèrent tous à la porte de la salle où le Roy soupoit, afin qu'au l'ortir de la
table ils le puiï'ent conduire en sa chambre & exécuter leur résolution.
Mais ,le Roy aïant passé une grande partie de la nuit a boire, & le jeu aïant
encore emporté une bonne partie du tems, iloccasion ne sortit que vers la pointç du
jQur. Les Conjurez le suivirent, ravis d'avoir d'exécuter leur dessèin
sur un homme pris de vin. Mais comme il étoit prét d'entrer dans sa
Chambre, une certaineDevineresse se mit à travers la porte, lui criant toute
transportée, qu'il allât se remettre à table. 11 lui répondit en souriant, qu'il
faisoit bon suivre le conseil des Dieux, & aïant fait rappeller la compagnie,
il recommença la débauche, qui dura jusqu'à deux heures du jour.
La garde étoit déja changée, & toute sois les Conjurezétoient toujours
là. Le Roy les caressant plus qu'à l'ordinaire, leur
dit qu'ils allaient reposer,
puis qu'ils avoient veillé toute la nuit, & leur fit donner à chacun cinquante
pièces d'argent, louant leur zéle, de ce qu'après avoir été relevez par leurs
se retira donc,
Compagnons, ils n'avoient pas laissé de demeurer. Chacunl'eussent change
& un d'eux nommé Epimene, soit que les caresses du Roy
à leurs delTems, dé-
tout à coup, ou qu'il crût que les Dieux s'opposoient
couvrit la conjuration à son frere Euriloque. Comme l'exe:i pie de Philotas
mena au Palais,
étoit tout récent, Euriloque sur le champ arréta son srere, & leaffaire,
où aïant éveillé les gardes, il leur dit qu'il s'agissoit d'une qui con-
LXXVI1L cernoit la vie du Roy. c
Découver- Ptolemée & Leonatus, qui étoient de garde, les firent entrer promtement,
te de la & aïant eveïtté le Roy, Euriloque lui déclara la conjuration, les Auteurs &
conspira-
les autres circonstances,ajoutant que par la saveur des Dieux son frere touché
tion contre complot qui avoit été
Alexandre. de repentir, venoit lui-même revéler au Roy le noir
An du M. formé contre lui. Il est certain que Calliflhenes ne fut point nomme comme
3676. ' aïant été du complot,mais comme aïant écouté ces jeunes gens qui parloicnt
avant J. G quelque fois trop licentieusement du Roy & blamoient sa conduite. Un
514. di
, ,
disoit même que Callistlieiies à qui Hermolaûs s'étoit plaint de ce que le
Roy lui eût fait donner le fouët, avoit repondu qu'on avoit dû se souvenir
qu'ils n'étoient plus enfans.
Le Roy aïant considéré la grandeur du peril qu'il avoit couru donna LXXIX.
sur l'heure cinquante talens à Euriloque & la dépouille d'un certain ,Tiridate Mort des
qui étaitfort riche, & lui rendit son frere, avant mêmequille le lui demandât Conjurez.
Mais il fit arréter les Conjurez, & avec eux Callisthenes. Le lendemain H
tint une assemblée générale, où se trouvérent les Peres & les parens des cri-
minels, qui n'étoient pas eux-mêmes trop aÍfurez de leur vie ; Car en ces ren-
contres-là, les lois des Macédoniens condamnent à mort toute la parenté des
coupables. On fit paroître tous les Conjurez, mais on laissa Callisthenes en
priscm. Aussitost ils confefTérent leur crime, & le Roy leur aïant demandé ce
qu'il leur avoit fait pour conspirer contre lui, Hernlolaüs prenant la parole,
lui parla avec une liberté qui surprit toute l'asseniblée, & qui la souleva con-
tre lui, surtout Sopolis son Pere , qui fut deux fois sur le point de lui passer
son épée au travers du Corps. Mais Alexandre l'arréta & voulut qu'on le
lailTât parler jusqu'à la fin
Ce jeune homme lui reprocha la mort d'Attalus, de Philotas, de Parme-
nion, de Lynceste, de Clitus ; Il dit qu'on avoit jetté dans les liens Callifthe-
nes tout innocent qu'il étoit, uniquement parcequ'il est capable de parler au
Roy avec intrépidité ; Qu'il veut assèrvir les Macédoniens à l'adorer, à por-
ter l'habit des Perses , à quitter les maniéres & les coutumes de leur païs;
qu'il les traite comme des esclaves, & prodigue leurs vies & leur sang, pour
contenter son ambition & son avarice. Alexandre écouta -ce discours sans
rien dire ; aprés quoy il parla, & justifia sa conduite envers les Macédoniens
en général, & envers les Conjurez en particulier. Puis il congédia l'assemblée,
& fit mettre les criminels entre les mains de leurs campagnons, qui pour se
montrer fideles au Roy les firent mourir aprés les avoir cruellement tourmen-
tez. Callisthenes expira dans la torture quoiqu'innocent de la conspiration,
mais d'une humeur peu complaisante &, peu propre pour la Cour.
C'est ce qu'en dit Quinte- Curce ; mais d'autres, comme Chares de Mi- LXXX,
tylene, aÍfurent qu'après avoir été environ sept mois dans les fers, il mourut Mort de
de trop de graisse & de la maladie pédiculaire. Aristobule, dit qu'il fut long- Callisthe-
tems dans les liens, toujours suivant l'armée, & qu'enfin il mourut de maladie. nes. 1.3.
"
f).Curt.
Ptolemée fils de Lagus qùïregna depuis, asfure que les jeunes Seigneurs qui Arrian.
avoient contplre contre Alexandre avoient déclaré qu'ils ne l'avoient fait /. 4. &C-
qu'à la sollicitation & par le- conseilde
,
Callifi:henes,qu'on le mita la question
& qu'enfin il fut pendu. Tant il y a peu de certitude sur la manière dont il
rnourut,parmi les auteurs mêmes qui étoient alors dans l'armée d'Alexandre,
& qui semblent mériter plus de créance par leur rang & leur qualité.
Pour arréter le cours des murmures &des mécontentemens, quj produit L.VXXI.
toujours dans les troupes l'oisivété & le repos, Alexandre marcha enfin vers Alexandre
les Indes. Lui-même avoit besoin de la guerre; Cardans le repos il perdoit marche les;
toujours quelque chose de la gloire qu'il acquéroit dans les combats. Son vers Indes.
armée étoit de six-vingt mille hommes. Elle n'avoit jamais etc ni si noinbreuse An du M.
Tom. II. q
Qq nisi 3 677.
ni si superbe dans ses ajustemens. Aprés avoir passé le Caucaib en dix jours ,
avant J. C. 1 Alexandrie qu'il avoit bâtie au pied du rocher de Promethée. il
3*3. il arriva à
QCurt.1.8^ 1en changea le Gouverneur parcequ'il s etoit mal aquitté de son devoir , &
i

,
ArrianJ. 4 mit sa place Nicanor ; Il donna la Satrapie, ou le gouvernement de tout
en
J
]le païs des
Paropamisades àTvriaspe. Il envoya des Ambassadeurs à Taxiles
& aux autres Princes, qui étoient audelà de ce fleuve, pour leurs commander
1
de le venir trouver. Ils y vinrent avec de riches présens, se sournirent vo-
lontairernent à son empire , disant qu'il étoit le troisiéme fils de Jupiter, qui
1
1

etoit venu dans leurs païs ; Qu'ils n'avoient connu ni Bacchus, ni Hercule*
<

la renommée mais que pour lui, ils le voyoient & jouïssoient de sa


que par ,
Dreience. les flatteurs d'Alexandre, lui
JLXXX1L Ces discours qui leur étoient suggerez par
Divers étoient d'autant plus agréables, que les Macédoniens ne lui rendoient pas
Princes des des honneurs divins, comme il les demandoit. Ils furent donc reçus du Roy
Indes se très-agréablement, & il leur dit de le suivre, & de lui servir de guide. Mai?
loumet- personne ne s'opposoit à sa marche, il envoya Ephestion & Perdiccas,
tent à comme n'ofeéïroient pas, &
Alexandre. avec une partie de ses troupes, pour réduire ceux qui
ordre d'aller jusqu'au fleuve Indus, & de faire faire des batteaux pour paf-
avec rivières, il les fit con-
ser l'armée. Mais voyant qu'il falloit passer plusieurs
struire de telle sorte, qu'on pouvoit les démonter & charger les piéces lur
des chariots & aprés les rassembler. Ils arrivérent
conduite de Taxiles & des autres Princes, au fleuve Gouverneur
rencontré qui s'opposàt à leur passage,si non Artanes
,heureusement fous la
Indus sans avoir rien
duCanton
nommé Peuceliote, qui aïant voulu se défendre , fut oblige de se ioumettre

s'étoit venu rendre à Taxiles..


& de rendre sa ville Capitale à Ephestion, aprés un siége
Artanes fut mis à mort & son gouvernement donné àSangée,qui peu auparavant
Alexandre avec ses meilleures troupes marcha contre les A fpies, les Ty-
rées & les Arafoqaes; Cratere reçut ordre de le suivre avec la Phalange
de trente jours.

& les
lui avec sa Cavalerie & les soldats
troupes pésaniment armées , pendant que leger combat,
légèrement armez passa les montagnes, & en chassa aprés un la
qui défendoient l'entrée. Ils se retirérent dans la ville plus proche
ceux en celles de Cratere, etoit deja arrive.
il les assiégea avec ses troupes & qui
ou
Pour inspirer de la terreur à ces peuples, qui n'avaient pas encore éprouve
les armes des Macédoniens, il fit mettre le feu aux fortifications, & enforma lae
siége. Comme il faisoit le tour des murailles à cheval pour reconnoÍtre
place, il fut blene d'un coup de flèche. Ce qui fut caisse qu 'il fit main balle
sur tous les habitans, & n'épargna pas même les iiiaisoiis.
LXX,VIII Delà il marcha vers la ville de Nyse, située au pied du MontMeron ;
Alexandre
On attribue la fondation à Nysus ou Bacchus ; 11 campa allez prés de 1.:
arrive à la en déroboit la veuë & a lui & a tes troupes. C e-
ville de. ville derriére une foreit, qui en qu'ils ienti Je
Uyfe. pendant il se leva la nuit un si grand froid, n en avoicnt jamais
An du M. semblable. Mais ils firent tant & de si grands feux, que les étincelles vol.rcnt
3677. ' jusqu'aux sépulcres des habitans; & comme ils étoient bâtis de vieux cèdres,
avant J. G.
i& feu s'y prit aussitôt, qui répandit la flamme de toutes parts, & les conii.ina
3-2*"
Alors les habitans & les Macédoniens reconnurent, ceux-là 9- Curt. 1.2,
entièrement.
que l'ennemy n'étoit pas loin ,habitans
Comme le Roy s'avançoit, les
-
& ceux-cy que la ville étoit tout proche. Arrian.
tentérent une sortie mais ils furent Initio a
, transposé
repoussez, de telle sorte que la division se mit parmi eux, les uns étant d'avis cette
de se rendre, & les autres de tenir bon. Ce qui fut cause que le Roy se con- -_jîifloire }
tenta de les bloquer, jusqu'à ce que lassez de se voir ainsi enfermez, ilsle ren- mettant
ville de
la
dirent à discrétion. Nyse
Comme la ville & la montagne voisine sont consacrées à Bacchus, delà duau.
Alexandre fit porter des vivres & du vin sur la montagne , afin que ses fleuve
troupes s'y réjouïssent en l'honneur de cette Divinité. Ils commencèrent à d'Inde. LXXXIV
couper des pampres de vignes & des branches de lierre & de lauriers , & Fête de
s'en- étant fait des guirlandes & des couronnes, ils se mirent à courir par les Bacchus
montagnes, & par la forêt, criant & hurlant comme des Bacchantes, les mon- célébrée
tagnes & les vallées retentissant des voix confuses de tant de milliers d'homes. par les Ma-
Cette saillie ne déplût pas auRoy, qui fut bien aise de voir son armée occupée cédoniens
pendant dix jours à ces réjouïssances en l'honneur de Bacchus. au mont
Nysée. ,r
Il vint delà dans une contrée nommé Dédale, dont les habitans s'étoient QjCurt.1.8,
sauvez dans les montagnes & dans des lieux inaccessibles. Ceux d'Acadere Arrian.
en firent de même. La ville d'Andacene se rendit volontairement, il y laissa LXXXV, 1. 4.

Cratere avec quelques troupes pour réduire le reste du païs. Pour luy, avec Alexandre
l'elite de sa Cavalerie, il tira vers le fleuve Evasple , arriva en deux jours à la àDedale, à
ville d'Arigée, que les habitans brûlèrent & abbandonnérent,dez qu'ils eurent Andacéne,
connoissance de son aproche. Il attaqua les Barbares & les défit, il ordonna & àArigée.
qu'on mît de nouveaux habitans dans la ville. Ceux du voisinage qui vou-
lurent s'y habituer, y furent bien reçus, avec ceux des Macédoniens, que leurs
blessures ou leur grand âge rendirent inutiles à la guerre.
Cependant Ptolemée ayant raporté au Roy qu'il paroissoit plus de feux LXXXVI
dans le camp des ennemis que dans son armée & qu'assuremment leur Vi&oire
contre les
nombre étoit trés-grand, sur, cet avis le Roy partage, son armée en trois corps, Barbares.
l'un commandé par Leonat, l'autre par Ptolémée fils de Lagus ; Il se reserva Arrian. 1 4
le troisiéme. Ces trois corps marchèrent en bataille à l'ennemi qui étoit p. 2 p.296.297.
campé sur une éminence; Les Barbares voïant le petit nombre des, Macédo-
niens, & se fiant en leur multitude, descendirent de la montagne & se rangè-
rent en bataille. Le combat fut âpre & meurtrier. Alexandre renversa d'abord
ceux qui lui étoient opposez. Leonat trouva plus de résistance dans ceux
qu'il attaqua ; Ptolemée eut à combattre un corps d'ennemis qui étoit demeu-
ré sur la hauteur. Il les força d'en descendre & les tailla en pièces. Le
,
même Ptolemée dans les mémoires qu'il avoit écrit de ces guerres, racontoit
qu'on y avoit fait quarante mille prisonniers de guerre, & qu'on y avoit pris
deux cent trente mille tant boeuss que vaches dont Alexandre avoit eu
dessein d'envoyer les plus beaux car ils étoient, d'une beauté & d'une gran-
,
deur extraordinaires, de les envoyer, dis-je, en Macédoine pour labourer la
terre.
,
LXXXVH. Delà Alexandre tira vers le pays des Aliacenes, dont le Koy étoit mort
Alexandre depuis peu. Sa Mere Cleophe commandoit dans la Province & dans la ville.
arrive au On publioit qu'ils avoient trente mille hommes de pied, deux mille chevaux
pais des Eléphans. Alexandre arriva dans ce pais & passa le fleuve Gusée,
Aifacénes & trente
& à la ville qui donne son nom aux peuples des environs. Les Alsacénes informez de
de Maiïaga sa venue, n'osérent tenir la campagne. Ils se dimpèrent & se jettérent dans les
Arrian. t.4 montagnes. 11 s'avança jusqu'à la ville de Massaga Capitale du païs. Elle
Curt. 1.8. étoit trés-grande, aïant trente cinq stades de circuit, qui font environ
An du M.
quatre
g677. mille cinq cens pas : La garnison étoit forte de trente mille hommes dont
,
avant J. C. sept mille étoient venus de l'Inde intérieure. Du côté de l'Orient la ville
323. étoit environnée d'une riviére trés rapide,. & dont les bords sont très-hauts.
Vers l'Occident & le Midy ce sont des rochers escarpez , au pied desquels
sont des abymes. A l'endroit où les rochers manquent, il y a un fossé d'une
profondeur effroyable.
LXXXVIII. Comme Alexandre réconnoissoit les fortifications y il reçut un coup de
Prise de fléche au gras de la jambe. Il ne fit qu'arracher le fer, & sans bander seule-
Maifaga.
ment la playe , il monta à cheval, & continua à saire le tour de la place.
Comme le sang s'étoit figé & que l'ardeur s'augmentoit, on raportequ'il dit :
L'on me fait fils de Jupiter: Màis je ne laisse pas de bien sentir l'incommo-
dité de mon corps; à propos de quoi il récita un vers d'Homere qui porte ^
Cesi vraïement du fang & non pas de cette humeur qui fart du corps des Dieux im-
,
mortels. Il ne' se retira pas néanmoins qu'il n'eut tout veu & donné les
ordres. Les soldats se mirent à remplir ces abymes, & travaillèrent avec tant
d'ardeur, que dans neuf jours l'ouvrage fut achevé, & en état de porter les
tours '& les autres machines. Lorsqu'on eût commencé à faire avancer les
tours & à faire jouer les beliers & les autres machines, les Barbares qui n'é-
toient pas accoutumez à voir ces sortes d'ouvrages & qui n'en connoissoient
pas le secret, crurent d'abord qu'il y avoit quelque chose de divin , & déses-
pérant de défendre la ville , ils se retirérent dans la Citadelle , d'où ils en-
voyèrent des Ambassadeurs au Roy pour lui demander pardon.
Ils n'eurent pas de peine à l'obtenir. La Reine sortit avec une grande
suite de Dames qui lui aportoient du vin en sacrifice , comme à un Dieu
,
dins des couppes d'or. Et lui aïant présenté un fils qu'elle avoit, & qui
n'étoit encore qu'un enfant , elle obtint non seulement sa grace, niais aussi
d'être rétabli dans ses états avec toute la splendeur de sa piemiere sortune ;
& cette Princesse aïant dépuis accouché d'un fils, qui que ce fut qui en sut le
Pere, il fut nommé Alexandre ; les Indiens prétendirent qu'elle avoit rachetié
son Royaume au depens de son honneur.
LXXXIX Les Indiens qui servoient dans la ville en qualité de soldats mercénaires,
Belle réfi- eurent permission d'en sortir , à condition qu'ils scroient enrôlez parmi les
itance de troupes du Roy. En effet ils sortirent avec leurs armes, & se campèrent sur
quelques une hauteur vis-à-vis les Macédoniens, dans le dessein de se sauver pendant la
Indiens. nuit,
.Arrian.1. 4 ne voulant pas porter les armes contre ceux de leur nation. Alexandre
Diod.Jtcul. marcha contr'eux & leur livra la bataille. Les Indienu sans s'effrayer de la
¡ 17.P.607' grandeur du peril, se rangérent en rond , mettant leurs femmes & leurs en-
sans
sans au milieu d'eux, & se défendirent avec un courage incroïable,les femmes
mêmes s'étant revétuës des armes de ceux qui avoient été tuez, se joignirent
le grand
aux soldats qui combattoient encore. Enfin ils furent accablez par
nombre & taillez en pièces. Le Roy donna à ses Cavaliers ceux qui furent
pris avec les femmes. xc.
Delà Alexandre envoïa Cœnus avec une bonne partie de son armée Prise des
contre la ville de Bazire, s'imaginant que sur le bruit de la prise de Massaga, villes
elle se rendroit, & ne voudroit pas s'exposer au danger d'un siége. Mais (I' Ore & de
voyant qu'ils ne parloient point de se rendre , le Roy ordonna à Cœnus de Bazire. ArrianJ.%
bâtir un fort prés la ville, pour la tenir en respect & empêcher que les habi-
tans ne pussent librement sortir à la campagne , d'y laisser une bonne garni-
son, & de le venir trouver avec le reste de ses troupes, au liège d'Ore, où il
s'étoit rendu, & avoit enveloppé la place d'un mur avec de bons fossez. Il
eût bientôt réduit la ville d'Ore ; il la prit d'emblée, & y trouva quelques
Eléphants, dont il profita. Ceux qui étoient dans Bazire , aïant apris la
reddition d'Ore, abandonnèrent leurs villes, & se retirérent pendant la nuit
sur un rocher nommé Aorne. A leur exemple les autres habitans du païs s'y
retirérent de même. AJexandre mit de bonnes garnisons à Ore, à Massaga,
& à Bazire, & se disposd à réduire ceux qui s'étoient refugiez sur le rocher
dont on a parlé.
Le lieu passoit pour inexpugnable, & l'on disoit qu'Hercule même avoit XCI.
été obligé d'en abbandonner l'entreprise par un tremblement de terre. Le Déscript'on
du rocher
circuit de cette roche étoit de deux cent stades, Ca) ou d'environ huit lieuës Aorne.
de tour d'onze stades ou mille trois cent soixante & quinze pas de haut, Arrian. /. 4
, (a)
dans l'endroit où elle est le moins elevée ; Elle avoit sur son sommet une
belle fontaine, un bois & autant de terres que mille hommes en pourioient Diodor.
cultiver. Le fleuve d'Inde la couvroit du côté du Midy ; des autres côtez Sicul.l.
lui donne
17.
elle étoit escarpée & naturellement sortifiée par des creuæ & des abymes. 100. fiades
,
On n'y pouvoit monter que par un sentier étroit taillé dans le roc. Ce ,qui de circuit
animoit le plus Alexandre à s'en rendre maître , étoit ce qu'on publioit e 1 t.Jlade?
qu'Hercule ne l'avoit pû prendre ; Il vouloit surpasser ce Heros en quelque de baut.
chose.
Avant que d'en entreprendre le siége il eut le bonheur de trouver un
homme du païs, qui avoit sa demeure -avec, deux de ses enfans dans une ca-
verne de la montagne, où il y avoit trois lits creusez dans le roc. Ce vieillard
vint s'offrir au Roy, & lui promit de lui montrer le seul chemin pour monter
au haut du roc, moyennant quelque recoi-iipense. Le Roy lui promit quatre-
vingt talens ; & aïant retenu l'un de ses fils en otage, le renvoya avec quelques
soldats armez à la légére commandez par Mullinus Secretaire de. ses com-
,
mandemens. Ils s'emparérent de ce chemin, & couppérent par ce moïen à
ceux qui étoient sur le rocher, toute communication avec ceux de dehors,&
toute esperance de secours.
Aprés cela le Roy assiégea sérieusement le rocher. Ses soldats amassérent XCII.
Siége du
des pierres & des bois en si grande quantité qu'en l'espace septi ours le rocher
gouffre qui l'environnoit fut rempli.Le Roy ,y jetta le premier arbre avec sa Aorne.
QCurtJL*. racine, & encouragea tous les fiens par son exemple à travailler. Aussitôt
que les creux furent comblez , on fit une attaque, à laquelle furent com-
mandez les Archers , les Agriens & trente jeunes hommes des plus vaillans
de la compagnie du Roy, auxquels il donna pour Chefs Carus& Alexandre.
Le péril étoit trop évident pour, que le Roy s'y hazardât, & on l'avoit prié de
ne pas s'exposer. Mais la trompette n'eut pas plutôt sonné, qu'il ne fut plus
maître de son courage. Il fut le premier à grimper sur le roc, commandant à
ses gardes de le suivre. Tout le monde le suivit à l'envi, mais il en périt
un très-grand nombre, accablez par les pierres qu'on rouloit sur eux du haut
de la montagne & renversez dans la riviére qui couloit au pied du roc.
, Alexandre
Cependant Carus, & les trente Soldats qui les acconlpagnoient,
arrivérent au haut du roc, & y firent des prodiges de valeur. Mais accablez
par le grand nombre des ennemis, ils iuccombérent & périrent. Le Roy
touché de la mort de tant de braves gens, fit sonner la retraite, & elle se fit
avec tant d'ordre, que les ennemis n'olérent les poursuivre.
XCHI. Quoyqu'Alexandre désespérât de se rendre maître de ce rocher, toute-
Ptolemée fois il fit mine d'en vouloir continuër le siége. Il fit approcher ses tours, fit
prend de gens frais ceux qui étoient fatiguez se saisit des avenues &
poste sur relever par , ,
le roc fatigua les ennemis par sa consiance à les attaquer. Ptolemée eut le bon-
Aorne. heur de gagner le haut du rocher par des sentiers trés-difficiles. Il s'y re-
JlrriawJ-4" trancha, & alluma un feu dans un lieu d'où le Roy pouvoit l'appercevoir. Le
-
Roy fit alors attaquer les Barbares ; mais aprés un combat trés opiniatre il
fut encore obligé de se retirer; Alors les Barbares attaquérent Ptolemée dans
ses retranchemens. Ils se battirent jusqu'à la nuit, sans aucun avantage de
part ny d'autre. Pendant la nuit Alexandre envoïa un Indien transfuge
affidé vers Ptolemée avec une lettre, par laquelle il lui commandoit de sortir
de ses retranchemens, quand il le verroit aux mains avec les Barbares. De
très-grand matin le Roy conduit ses troupes contre le roc du côté par où
,
Ptolemée étoit monté, dans la résolution de se joindre à lui. En effet après
.un combat sanglant qui dura presque jusqu'à la nuit , les Macédoniens par-
vinrent au lieu ou étoit Ptolemée. Alors toutes les troupes étant réunies,
elles firent un nouvel effort en commun, pour se rendre maître de la roche.
Mais leurs efforts furent inutiles. La nuit les obligea de se retirer.
XCIV. Le lendemain dez le point du jour Alexandre ordonna aux siens de
,
l'rire du coupper chacun un pieux, & de les aporter au lieu où il étoit campé. Il
rocher les emploïa à élever une très-grande terrasse de la longueur de cent vingt
Aorne.
QCurt.l.8. cinq pas. Toute l'armée y travailla pendant trois jours, & le troisiéme jour
.Airian./.4 quelques Macédoniens aïant gagné'une eminence, qui étoit vis-à-vis la roche
& de même hauteur, le Roy s'y transporta & résolut de continuer sa terrasse
jusqu'à cette .eminence, il le fit en effet. Ce qui étonna tellement les Barbares,
qu'ils envoïére'nt un Ambassadeur pour lui offrir de rendre le rocher , s'il
vouloit leur faire une bonne composition. Leur dessein étoit de consumer
tout le jour à faire & à recevoir des propositions, & de se sauver la nuit sui-
vante. Le Roy informé de ce dessein, leur donna tout le tems pour le re-
tirer. Il retira les troupes qui gardoient les avenuës de la montagne ; Et
quand
quand les Barbares eurent commencé à se sauver, il monta avec sept cens de
les gardes & de ses soldats armez de boucliers, au haut de la roche; plusieurs
Macédoniens y grimpèrent aussi par d'autres endroits. Alors il donna le
signal pour les poursuivre , il y en eut grand nombre de tuez dans leur re-
traite. En même tems aïant commandé à ses gens de jetter un grand cri,,
les fuïards croïant voir toute l'armée à leur poursuite, se sauvérent avec tant
de précipitation, que plusieurs se jettérent à bas des rochers & se tuérent ob
s'eiiropierent, de manière qu'ils demeurèrent sur la place.
Alexandre se voyant maître de ce rocher y offrit des Sacrifices a Mi- xcv.
à la victoire, laissa Gouverneur, Sificopte Indien, qui s'étoit Alexandre-
nerve & & y pour
donné à lui longtems auparavant , & lui avoit toujours demeuré.fbrt fidele. marche le
Delà il marcha vers le païs des Assacénes ; Car il avoit apris que le frere vers fleuve
d'Alsacéne s'étoit retiré dans les montagnes avec les Eléphants & une grande d'Inde.
quantité de Barbares des environs. Il trouva la ville de Dyrte vuide & ab- Arrian.l.4.
bandonnée, de même que tout le païs d'alentour. Il envoïa Nearque & An-
tiochus chacun avec mille hommes pour aller à la découverte & savoir des
nouvelles des ennemis, & en particulier des Eléphants ; Cependantil s'avança QCurt.l. 8.
Arrian.I.4.-
vers le fleuve d'Inde ; Aïant appris qu'un certain Eryce avec vingt mille
hommes de guerre, s'étoit saisi d'un détroit qui étoit sur sa route il laissa le
,
gros de son armée à Cœnus, pour la conduire à petite s jour né es; prit les de-
il
vants avec ses frondeurs & ses gens de trait, donna la chasse auæ ennemis, &
ouvrit le passage à ses troupes, qui vénoient aprés. Les Indiens tuérent Eryce
& aportérent sa tête à Alexandre.11 se contenta de ne pas punir les meurtriers,*
mais il ne leur donna aucune recompense, pour ne pas autoriser un si perni-
cieux exemple.
Il arriva au fleuve d'Inde après seize jours de marche; il trouva qu'Epheffcion XCVl
& Perdiccas y avoient préparé tout ce qui étoit nécessaire pour son passage, Alexandre
ainsi qu'ils en avoient reçu l'ordre, Le Roy reçpt à composition la ville de arrive
fleuve
au
Peuceliote & plusieurs autres moindres places qui étoient situées sur le d'Inde.
,
fleuve. Il prit à la chasle plusieurs Eléphans qui paissoient dans le païs, & les An du M.
mit dans Ion armée; enfin aïant fait construire plusieurs batteaux qui pou- 3677.
J. G«
voient se démonter & se transporter, il donna à son armée un mois, de repos, avant
offrit des sacrifîces solemnels avec beaucoup de magnificence, fit représenter^I 3*3-
des jeuæ à cheval, & d'autres jeux d'exercices ; après quoi il fit passer Plnd'c
à san armée sur le pont qu'Ephelhon & Perdiccas avoient conitruit, & fit
mener sur des chariots les Navires dont nous avons parlé, afin de s'en servir
pour le passage des autres riviéres , qu'il devoit encore rencontrer sur sa
route. Ainsi il se trouva heureusement avec son armée entre l'Inde &l'Hydaspe StraboJ. 1

au commencement du Printems. P. 69 r. ex~


Il s'étoit déja avancé trente stades au delà de ce fleuve, lors qu'Omphis Arijiobuift.
XCVH.
Roy de ce canton, vint au devant de lui avec ses troupes & ses Elephans. Ce Le Roy
Prince avoit conseillé à son Pere, dez qu'il apprit la déroute de Darius, de se Omphis
soumettre à Alexandre & aprés la mort de l'on Pere il avoit dépéché vers vient au-
, , devant
ce Prince , pour lui demander s'il lui plaisoit qu'il prit ce Royaume, ou s'il J'Alexaru-.
devoit attendre sa.venuë en personne privée, Quoiqu'Alexandrelui eût dre.
permis*
An du M. permis de prendre le Diadème, il n'osa se servir de cette permission; il avait
3 677- -traitté Ephestion avec beaucoup de cou'rtoisie, & fait distribuer gratuitement
avaat J. G du grain a ses troupes. Omphis vint donc audevant d'Alexandre avec une
QQirt.I.S. belle armée , où parmi les escadrons il avoit mêlé un grand nombre
323.
.d'Eléphans, à peu de distance les uns des autres, ce qui les faisoit paroître de
loin comme un chateau , à cause des tours dont ces animaux étoient
chargez.
Du commencement Alexandre le prit pour ennemi, & avoit déja or-
donné à sa Phalange de se tenir prête , & à sa Cavalerie de s'avancer sur les
aîles, comme pour combattre quand l'Indien s'appercevant de l'erreur fit
faire alte à ses troupes, & poussa ,
ion cheval. Alexandre en fit de même, , lui
étant indifférent qu'il vint en qualité d'ami ou d'ennemi. Comme ils ne pou-
voient s'entendre, on fit venir un truchement, qui dit à Alexandre qu'Omphis
étoit venu audevant de lui, pour remettre toutes ses forces,& pour lui livrer
sa personne & son Royaume, persuadé qu'il ne combattait que pourlagloire,
& ne craignoit rien tant que le reproche d'une perfidie. Alexandre charmé
de sa franchise, lui toucha dans la main & lui rendit ses états. Omphis lui
fit prêtent de cinquante six Eléphans & de beaucoup d'autres bétes d'une
,
grandeur extraordinaire, avec trois mille taureaux, qui sont trés-rares en ce
païs-la & dont les Roys font leur délices, & plus de dix mille brebis.
Le Roy lui demanda de quoi il avoit plus de besoin de laboureurs,
répondit son ,
ou de soldats! Il qu'aïant païs situé entre deux Roys il avoit
plus.besoin de solaats que de laboureurs. Ces deux Roys étoient, AbWlres
& Porus, tous deux regnoient au delà de l'Hydaspe; l\'1ais,Porus étoit le plus
puissant. Omphis prit le Diadème, sélon la permission qu'il en avoit reçuë
d'Alexandre & le nom de Taxiles , qu'avoit porté Ion Pere & qui étoit
affedé à tous, ceux qui succédoient au Royaume. Il eut l'honneur ,
de rece-
voir Alexandre dans sa ville de Taxile, qui est la plus grande de toutes celles
qui sont entre l'Inde & l'Hydaspe ; & aprés y avoir traité le Roy magnifi-
quement pendant trois jours , il lui fit voir quelle quantité de blé il avoit
fournie aux troupes d'Ephestion , lui offrit des couronnes d'or à lui & à
tous les Grands de 1a cour, deux cens talens d'argent en barre, & outre cela
e quante-vingt talens d'argent monnoïé.
1

Le Roy extrêmement content de la générosité de ce Pri-nce, lui renvoïa


tout ce qu'il lui avoit donné & y ajoûta mille talens , & forces vases d'or &
d'argent pour le service de sa table , quantité de robbes à la Persienne , &
trente de ses chevaux harnachez, de même que ceux qu'il montoit lui-même.
Cette libéralité du Roy offensa quelqu'uns de ses Officiers, entr'autres
IVleleagre, qui ne put g'empécher de lui dire en souppantaprès avoir bien bû,
qu'il se réjouï£foit avec lui de' ce qu'il avoit trouvé au moins dans les Indes
un homme digne de mille talens. Mais Alexandre qui se souvenoit du dé-
plaisir. qu'il avoit eu de la mort de Clitus, retint sa colère & se contenta de
.
lui dire: Que l'envie étoit le bourreau des envieux.
XCVI1L Le lendemain les Ambassadeurs d'Abisares Roy des Indiens montagnards
Abilàres
avec le frere de ce Priuce , vinrent tro.uver Alexandre, & lui remirent,
un des selon
félon le pouvoir qu'ils en avoient, les Etats de leur maître. II en vint aussi Roys des
de la part de Doxarée Gouverneur 'de la Province, qui lui apportèrent des Indes
vient se
présens. Le Roy avant que de partir de Taxiles, y fit des sacrifices à Pordi- rendre
à
naire ; Car comme on l'a remarqué, il n'y man-quoit jamais ; & y fit repré, Alexandre
l'enter des jeux d'exercices & des courses de chevaux. Il mit garnison dans An du M.
la ville, y laissa les soldats de son armée, qui n'étoient plus en état de porter 3677.
les armes, & y nomma pour -GouverneurPhilippe Roy de Macha'te. Delà il avant J.G,
partit pour se rendre sur le fleuve difidafpe. g23
Arrian. I.-ç
Cart.L g;

LIVRE XXI.

ALexandre se flattoit que Porus étonné de la réputation 4e ses grands 1.


exploits, pourroit aussi se rendre. Il lui dépécha Cleocares, pour lui Porus se
dénoncer qu'il eût à lui payer tribut, .& à venir audevant de lui jus- dispose à
qu'aux frontières de son Royaume. Porus répondit qu'il ne man- faite la à
guerre
queroit pas à Tune de ces deux choses qu'il viendroit à sa rencontre sur .là Alexandre.
frontière, mais que ce seroit les armes à, la main. Le Roy prévoïant qu'il An du M.
auroit de la difficulté à passer l'Hidalpe parceque Porus étoit au delà du 3677.
fleuve avec son armée, renvoïa Cœnus pour ,
lui amener les vaisseaux, qui lui avant J G.
avoient servi à passer le fleuve d'Inde. On démonta ces vaisseaux les plus Arrian. gzg.
I.
petits en deux parties les plus grands qui étoient à 30. rames,, en trois.; ,Q.("Urt.1. 8.%
On en mit les pièces sur ,
des chariots, & on les aména sur l'Hidaspe où on &c.
les rejoignit .de nouveau ; & on les mit dans l'eau. ., (a)
On étoit déja sur le point de palier ce fleuve, quand Barzaentes, Auteur Diodore de
Sicile lui
de la revolte des Aracosiens & trente Eléphans qu'on avoit pris avec lui, donne
, 130.
lurent amenez au Roy. Ce renfort lui vint fort à propos contre les Indiens ; Eléphans,
Car les Elephans parmi eux font toute l'espérance & toute la force des plus dejïx
armées. Le Roy Porus étoit campé de l'autre côté du fleuve pour en em- mille cba-
pécher le passage, & avoit mis de Iront quatre-vingtcinq Eléphans , riots de
d'une gran- guerre (§
deur prodigieuse, & derriere eux trois cens chariots, & prés de trente mille 5 o. mille
hommes de pied (a) entre lesquels étoient les Archers. Porus étoit monté hommes de
sur un Elépant beaucoup plus grand que tous les autres & lui-même excé- pied.
Plutarque
doit la stature ordinaire des hommes ; de sorte qu'avec,ses armes éclatantes seulement
d'or & d'argent il paroissoit terrible & majestueux tout ensemble. La 20. mille
,
grandeur de son courage, sa sagesse & son habileté égaloient la grandeur de hommes de
la taille. Quelqu'uns lui donnent cinq coudées de haut, c'est-à-dire sept pied 2.
pieds & demy; Plutarque ne lui en donne que quatre coudées & un palme, mille che-
c'est-à-dire, six pieds quatre pouces. vaux.
Arrien
Quant-au fleuve d'Hidalpe les Macédoniens craignoient extrêmement ?oo. ebom
de le passer; Car il étoit large de, quatre stades, ou cinq cens pas & telle- riots, 2000
ment profond par tout, qu'il paroissoit une Mer, & n'étoit guéable, nullepart. Eliphans,
11 rouloit ses eaux avec grande impétuosité 30. mille
& les flots bruïans & écumeux, hommes de
Tom. IL Rrr, -
qui pied i fane
cor4pter6o. qui se brisoient en plusieurs endroits , montroient bien qu'il étoit plein de
chariots & rochers; Alexandre pour accoutumer ses gens à ne pas craindre le bruit des-
deux ennemis, faisoit faire exprés tous les jours grand bruit dans son camp. Le
mi lie che- fleuve étoit rempli de petites Isles où les Indiens & les Macédoniens pas-
vaux qu'a- ,
voit le fils soient à la nage avec leurs armes
sur la tête & y faisoient tous les jours de
,
du Roy légéres escarmouches à la veuë des deux Roy s, qui étoient bien aises de pré-
Porus. sentir par ces petits combats , ce qu'ils devoient espérer de la bataille gé-
Plutarch. nérale.
in Alexan- Alexandre qui ne voyoit point de moïen de faire passer le fleuve à son
dro p. 698.
11. armée sur des ponts ni sur des batteaux,à la veuë des armées rangées en bataille,
passage du s'avisa d'un stratagéme pour tromper l'ennemi. Ilyavoit dans la riviére une
fleuve Isle plus grande que les autres, qui étoit couverte de bois, &ainsi plus propre
Hydaspe
à dresser une embuscade. Il y avoit aussi assez proche du bord où étoit le
par l'ar- profondeur, dans laquelle pouvoit cacher ,
seulement
mée d'A- Roy une on non des gens.
,
lexandre. de pied, mais aussi des Cavaliers.Alexandre commanda à Ptolemée.de marcher
loin de cette Isle, donnant souvent des allarmes, comme s'il eût eu envie de
passer. Tout cela dans la veuë d'attirer Porus de ce côté-là, & de lui faire
perdre de veuë l'isle, dans laquelle Alexandre voulo.it passer, afin de traverser
la riviére.
Quand l'ennemi eut perdu l'isle de veuë , Alexandre fit dresser sa tente
vis-à-vis leur camp, & ranger ses gardes du corps à l'entour comme s'il y
,
eût été présent; faisant prendre la robbe Roïale à Attalus , qui étoit de son
âge & à peu prés de sa taille & qui ne lui ressembloit pas mal de visage, pour
faire accroire à Porus qu'Alexandre étoit en personne campé sur le bord. Ce-
pendant il prit le tems d'une nuit très obscure, pour se jetter dans l'isle dont
nous avons parlé. Il y entra avec bon nombre de ses troupes & de ses bat-
teaux , puis se mit à passer de l'autre côté du fleuve par le moïen de ses bat-
teaux, qui vinrent heureusement à bord , à l'exception d'un seul qui se brisa
contre les rochers. Aïant mis ses gens à bord, il les rangea en bataille.
Ili. Il ne faisoit pas encore bien clair, lorsqu'on vint dire à Porus, que les
DéfAite du Macédoniens avoient passé la rivière, & marchoient à lui en bataille. Du
fils du Roy commencement il crut que c'étoit. Abisares son allié, qui venoit pour l'assister
Porus.
en cette guerre. Mais le tems qui s'éclaircit aussitôt, lui fit voir que c'étoit
Arria,n. 1.5 de sorte qu'il envoïa son srere Hagesavec cent chariots & quatre
Curt. 1. 8. les ennemis,
An da. M. mille chevaux pour s'opposer à eux. Arrien dit aprés Ariflobule que ce
,
3677. fut le fils du Roy Porus qui fut envoïé avec soixante chariots,pot!1r s'op-
,
avant J. C. poser au débarquement des troupes d'Alexandre. Mais Ptolemée fils de
3z3.. Lagus, assure que ce jeune Prince fut envoie avec six- vingt chariots & deux
mille Cavaliers. Ces chariots de guerre étoient montez de six hommes,
dont deux avoient des boucliers, deux autres étoient armez.de flèches, & les
deux derniers conduisoient les chariots, & ne laissoient pas de combattre à
coups de dards , lorsqu'on en venoit aux mains , en quittant les rênes des.
chevaux. Mais les chariots ne furent pas de grand usage dans cette occafioo,
parceque _la pluïe qui avoit tombé en grande abondance , avoit tellement
détrempé
détrempé les chemins , que les chevaux ne se pouvoient tenir, & que les
chariots enfonçoient dans les bourbiers, dont ils ne se pouvoient tirer.
Au contraire Alexandre, qui avoit une armée lette & débarassée, les
chargea vigoureusement, prit plusieurs chariots, tua beaucoup d'Indiens, &
entr'autres le jeune Porus, fils du Roy de même nom. A cette nouvelle le
Roy Porus.se trouva fort embarassé , parceque les Macédoniens qui étoient
encore audelà du fleuve, paroissoient le vouloir palier; & comme il ne
pouvoit partager son armée sans la trop affaiblir, il prit le parti de marcher
avec toutes ses troupes contre Alexandre ; ne laissant à l'opposite de Cratere
que quelques Eléphants & quelque peu de troupes, pour empêcher son pas-
sage. 11 rangea ses Elephants à la téte de son armée, à la distance de cent
pieds les uns des autres, pour effrayer les chevaux des Macédoniens. Derriére
les Eléphans étoit rangée l'Infanterie Indienne ; En sorte néanmoins, qu'elle
occupoit presque l'espace qui étoit entre chaque Elephant. On portoit la
itatuë d'Hercule à la téte des gens de pied, pour les encourager au combat.
11 y alloit de leur vie s'ils ne le rapportoient pas de la bataille. Aux aîles
,
de son,- armée il avoit placé de l'Infanterie sur les Eléphans dans des tours de
bois, d'où elle pouvoit combattre à coups de flèches & de traits. L'Infanterie
étoit couverte aux cotez par la Cavalerie, & la Cavalerie l'étoit à son tour par
les chariots. Telle éroit la disposition de l'armée de Porus.
Alexandre aïant veu ce Prince & son armée, enfin, dit-il, j'ay trouvé un IV.
peril digne de mon courage, puisqu'aujourd'huy j'ay affaire tout à la fois & Combat
à des bétes farouches, & à des hommes fort vaillans. Puis se tournant vers d'Alexan-dre contre
Cœnus: Quand j'auray, dit-il, attaqué l'aile gauche des ennemis avec Ptole- Porus«
mée, Perdiccas& Ephestion,& que vous me verrez engagé au combat.chargez ;

l'aile droite. Et vous Antigenes, Leonatus & Tauron donnez en même


,
tems dans le fond de la bataille, & le prêtiez vivement. Nos longues & for-
tes piques ne nous serviront jamais mieux que contre ces animaux & contre-
ceux qui les montent. Il dit & en même tems poussa le premier son cheval.
Il avoit déja ouvert un bataillon des ennemis, lorsque Coenus commença à
charger l'aile droite, pendant que la Phalange aussi choqua le corps de ba-
taille des Indiens, qui fut rompu tout d'un coup. Porus fit marcher les
Eléphans du côté qu'il vit que la Cavalerie donnoit. Mais ces lourdes masses
n'obéïssoient pas comme les chevaux.
la
Les Indiens qui avoient conduite des chariots, les poussérent à toutes
brides au milieu de la bataille. Mais ils firent autant de mal à leurs gens
qu'aux Macédoniens. L'Insanterie Macédonienne exposée à cette premiére
furie, souffrit beaucoup ; Mais les chariots poussez à travers les champs, par
des lieux glissans &rabbotteux, jettoient par terre ceux qui les conduisoient,
& la plupart des chevaux epouvantez entrainoient les uns dans les précipices
& les autres dans la rivière ; Il y en eut même, qui furent emportez jusque
dans le quartier de Porus, qui faisoit tout devoir de Soldat & de Capitaine.
Quand il vit le désordre de ses chariots errans çà & là, il donna à chacun de
à
ceux qui étoient auprès de lui, un Elephant à conduire,& se nlit leur tête.
Sa présence aussi bien que la veuë des Eléphans arréta un peu les Macédoniens;
Mais la Phalange Macédonienne tirant force traits contre ces animaux, lesr
irritoit & les mettoit en désordre , de sorte qu'ils ne failoient pas moins de
désordre parmi les leurs, que parmi les ennemis. Le trouble s'étant mis parmi
ces bêtes, de même que parmi les chariots, on n'écoutoit plus les ordres de
Porus. Il y avoit autant de Générauæ que de troupes dispersées ; l'un vou-
le
lant qu'on ralliât en corps de bataille, l'autre qu'on se iëparât; quelqu'une
étoient d'avis de faire ferme , & d'autres d'envelopper l'ennemi par derrière :
& de tout cela rien ne s'exécutoit.
Porus avec peu des siens vint à la rencontre d'Alexandre faisant mar-
cher les Eléphans à la tête. Ces bêtes par leurs cris terribles,, auxquels on
n'étoit pas accoutumé, effraïétent non seulement les chevaux, mais aussi les
hommes & troublérent les rangs, de telle sorte que les troupes d'Alexandre
peu auparavant vicrorieusës, commencèrent à s'ébranler. Alexandre aussitost
fit avancer la Cavalerie légére des Agriens & des Thraces, plus propres à
tirer en courant, qu'à s'attacher au combat. Ils firent leur décharge sur les
Eléphans, & sur ceux qui les conduisoient avec tant de succés, qu'ils les dé-
rangérent, & la Phalange les voyant ainsi branler, les serra encore de plus
prés. De plus la Cavalerie LVlacédonnienne, qui avoit été obligée de se par-
tager, pour faire tête à celle des Indiens , qui étoit divisée en deux corps,
s'étant réünie, donna sur les escadrons des Indiens, les enveloppa , les rompit
& les tailla presque tous en pièces. L'Infanterie fut encore plus maltraitée
tout ce qui nese trouva pas enveloppé par les troupes d'Alexandre, prit la
fuite.
V. Cependant Craterus, & ceux qui étoient demeurez au camp audelà
Craterus & du fleuve, voyant qu'Alexandre avoit remporté la victoire contre les Indiens,
les fiens à poursuivre les ennemis. Il y en eut environ
paisens le sé mirent à passer l'Hidaspe &
neuve vingt mille hommes de pied & trois-mille chevaux de tuez, tous les chariots
d'Hidarpe furent dispersèz. Porus y perdit ses deux fils tous les Commandans des
,
& donnent Eléphans des chariots, & les Chefs de la Cavalerie & de l'Infanterie &
suries In- Spitarches, Gouverneur de la Province. Les Eléphans qui ne furent pas-
diens.
Arrian.l.f. mis à mort, furent tous pris ; Du côté d'Alexandre, il y eut quatre-vingt
p.345- morts du nombre de six mille hommes de pied qui avoient été au premier
combat ; dix Cavaliers armez à la légére, & 20. du nombre de la Cavalerie
des amis d'Alexandre, & deux cens Cavaliers du reste de sa Cavalerie.
VI. Porus voyant la déroute de son armée, ne perdit point courage , mais
Vittoire tandisqu'il y eut encore quelques troupes d'Indiens en etat de combattre, il
d'Alexan- Quinte - Curce dit, que le combat fut douteux une
dre contre ne les abbandonna pas.
Porus. bonne partie du jour, & ne seroit pas fini si tost, à cause de la grande quan-
.Arrian.l:'i. tité d'Eléphans, qu'il fut malaisé de détruire & qui écrasoient tout ce qui
,
Curt. /.8- se trouvoit devant euæ & enlevoient avec leurs trompes les hommes tout
Plutarcb. , On
in A'exan- armez , pour les livrer par dessus leurs têtes à leurs conducteurs.
dro. fut obligé de leur couper les Jarets avec des haches préparées exprés pour
An du M. cela, & de leur trancher les trompes avec des fàulx ou des épées recour-
3677. bées en terme de fauix i & que Porus aïant reçu neuf blelstires tant par
avant J C. devant pap'derriére¡ aïant perdu beaucoup de sang, n'avoit plus de force;
ÎZb que
en
sorte les dards lui tomboient des mains, quand il les pensoit tirer.Son
en que
Eléphant qui n'étoit point encore blessé,etant entré en fureur,fit un grand car-
s'étant apperçu
nage des Macédoniens, jusqu'à ce que celui qui le gouvernoit,
ses armes, fit prendre la
que le Roy chancelloit de foiblesse, & laissoit allerl'epaule droite, qu'il por-
fuite à la bête. Arrien dit qu'il n'étoit blessé qu'à
toit découverte, le reste de son corps étant couvert d'une excellente cuirasse,
qui le garantit des coups qu'on lui porta.
Ce Prince étant donc fort blessé,& se retirant du combat,Alexandre qui
estimoit son merite & son courage, & qui souhaittoit lui conserver la vie , le
suivoit de prés. Mais son cheval tout percé de coups, lui manqua au besoin
& se coucha doucement sous lui, comme s'il eût eu peur de le blesser. Le
Roy aïant perdu du tems à changer de cheval, ne le put suivre Mais il en-
voïa aprés lui le frere de Taxile, pour l'exhorter à se rendre, & à ne pas at-
tendre l'extrémité. Porus l'aïant reconnu, reprit ses sorces, & lui aïant re-
proché la perfidie de son frere, prit un dard qui lui restoit, & le lança contre
lui avec tant de roideur, qu'il le perça d'outre en outre. Arrien dit que Ta-
xile s'enfuit & evita le coup, & qu'Alexandre envoïa de nouveau à Porus un
Indien nommé Meroës son ancien ami, qui le conjura de penser à se rendre.
Que Porus étant descendu de son Eléphant, but, & aïant un peu respiré , se
laissi conduire à Alexandre. Le Roy s'avança au devant de lui avec quel-
qu'uns de ses amis, & admirant la grandeur de sa taille , sa bonne mine &
son aïr qui ne paroissoit nullement abbatu par sa mauvaise fortune,lui parla
,
le premier, & lui demanda ce qu'il souhaittoit qu'on fit pour lui ; Porus re-
pondit ; Je vous demande seulement que vous me traittiez royalement
Alexandre lui dit : de ma part je vous traitteray en Roy , mais que voulez-
vous que je fasse pour vous ? Il répondit ; tout ce que je souhaitte est ren-
fermé dans ce que je vous ay dit: Alexandre charmé de ces manières, le re-
çut dans son amitié , lui rendit son Royaume , & y ajouta un Etat encore
plus étendu.
Quinte-Curce ajoute quelques circonstances, qui méritent d'être rapor' vu.
tées icy. Porus aprés avoir tué le frere de Taxile,se mit à fuir plus fort qu'au- Gircon-'
stances cfe
paravant. Mais Ion Eléphant, qui avoit reçu plusieurs coups, ne pouvant la prise de
plus marcher, ce Prince fut contraint de s'arréter, & avec quelques fantassins, Porus par
le résolut de faire tête aux ennemis qui le poursuivoienr, Alexandre l'aïant Ale-xandre
atteint, & voïant son opiniâtreté, ordonna qu'on taillât en piéces tout ce qui Q.CurtJ.%*
se mettroit en défense. On coirmença donc à tirer de tous côtez,& sur
Porus & sur ses gens; ce Prince enfin accablé de traits, se laissoit aller le long
de son Eléphant, quand l'Indien qui conduisoit la bête, croïant qu'il vouloit
descendre, la fit mettre à genoux, comme elle avoit accoutumé. Elle ne fut
pas plutost baissée,que les autres Eléphans qu'on avoit dressez à cela,en firent
de même, ce qui livra Porus & toute sa suite au vainqueur, Alexandre le
croiant mort, ordonna qu'on le dépúuïllàt; mais comme on accouroit pour
lui ôter sa cuirasse & ses habits, l'Eléphant se mit à défendre son maître, & à
se jetter sur ceux qui en aprochoient, & l'aïant levé de terre avec sa trompe,
le remit sur son dos.
En un moment la bête tut toute couverte de dards & aïant rendu les
,
abboys, Porus fut pris & mis sur un chariot. Comme le"Roy vit qu'il levoit
encore les yeux, il lui fit des reproches de sa témérité , & de ce qu'il avoit
mieux aimé prendre les armes contre lui, que d'éprouver sa clémence. Porus
lui répondit; Je ne croïois pas qu'il y eût au monde un plus vaillant homme
que moi. Je connoislbis lues forces, mais je n'avois pas éprouvé les tiennes.
Je reconnois aujourd'hui ta supériorité, & je ne m'estime pas peu heureux de
tenir le sécond rang aprés toy. Alexandre lui aïant demandé, quel traitte-
ment il croyoit que le vainqueur luy dût faire. Celui, dit-il, que t'inspirera
le succés de cette journée, qui t'a fait voir combien la prospérité des hommes
est fragile. 11 gagna plus par cet avertissement qu'il donna au Roy qu'il
,
n'eût fait en s'ab.baissant à des prières indignes. Tel fut le succes de la guerre
contre Porus Roy des Indes. Le combat se donna au mois de May de l'an
du monde 3677. avant J. Christ 323. avant l'ére vulgaire 327.
TIIlI.
Après cette mémorable vidoire, qui ouvroit à Alexandre les portes de
Suite de la l'Orient ce Prince immola des victimes au Soleil , & y célébra des jeux
,
yiétOÍre d'exercices & des courses de chevaux & de chariots , au même endroit, où
contre Po- il avoit d'abord passé l'Hydaspe ; & comme il y avoit abondance de toutes sor-
rus.
tes de provisions, il y donna trente jours de repos à son-armée; & pour leur
donner plus de courage, il les assembla, les combla de louanges, leur dit que
toutes les forces des Indes étoient tombées par ce seul coup, qu'ils venoient
de frapper, qu'il ne leur restoit qu'à profiter des richesses immenses de ce
païs, qu'ils alloient, pour ainsi dire, à la source de l'or, de l'argent,de l'y voire,
des pierreries, des perles, qu'ils y trouveroient non seulement de quoy remplir
leurs maisons, mais aussi la Grèce & la Macédoine. Le Soldat avide de gain,
l'ecouta avec joïe & promit de le suivre par tout il voudroit.
Alexandre ne bornoit pas encore ses conquêtes rux Indes, il avoit des-
IX. l'Océan, aux extrémitez de la terre.' Pour cela il fit equip-
Nouveaux sein d'aller viliter
11 y avoit dans les mon-
projets per une flotte à l'endroit même oùàil se trouvoit.
d'Alexan- taO'nes voisines force bois propres faire des vaisseaux. Dans ces montagnes
dre. Mort se°trouvérent des Rhinocéros & des serpens qui avoient jusqu'à seize cou-
du Cheval ,
des linges de différentes façons. Alexandre fit
Bucephale. dées ou 24. pieds de long;
Strabo 11 15. coupper de ces bois, & en consirmât des vaisseaux propres à voguer sur l'O-
p.698. 699. céan. Il bâtit au même endroit deux villes, l'une au lieu même où le com-
bat s'étoit donné, qu'il nomma Nicée, où victorieule ; l'autre sur le bord op-
posé de l'Hydaspe, à la quelle il donna le nom de Bucephalie , à cause de son
cheval Bucephale, qui étoit tombé mort de fatigue dans le combat. On dit
Le Roy voulut qu' on lui fit des fune-
que ce cheval avoit alors trente ans.
railles.
Ensuite il distribua des recompenses aux Chefs de son armée, leur don-
Philoflrat. nant des couronnes, & à chacun mille piéces d'or; Il fit aux autres des pré-
1. 3. c. 42. à leurs lèrvices & à leur dignité. Il érigea au même en-
Pausanias sens proportionnez consistoit
Btoticor. droit un trophée, qui en deux portes, ou deux Arcs de triomphes,
1. ;l5. qu'Apollonius dit y avoir veu, plusieurs siécles après. Mais on doute avec
raison
raison de la vérité de ce que Philostrate raconte sur ce sujet ; Car les Roys. (4)
Macédoniens n'étoient pas dans l'usage d'ériger des trophées , & Pausanias Vide Curt.,
remarque expressément qu'Alexandre n'en erigea aucun ni aprés sa victoire Plutarch.
/.. c.
remporté sur Darius, ni après celle qu'il remporta sur les Indiens , & en effet in Alexan-
aucun de ses Historiens ne parle de ces trophées , mais bien de deux tours dro.
trés-élevées, hautes de cinquante coudées , ou de 7?. pieds, & larges à pro- Plin. 1 6.
portion, sur lesquelles Alexandre sacriria, & qu'il laissa pour servir de monu- C.Diodor. 21.
ment à ses victoires, (a) 1.17. <&c„
Delà il marcha contre les Indiens, qui étoient aux environs. Les uns X.
les nomment Glauses, & les autres Glauconiques. Ils se sournirent sans com- Nouvelles
bat & Alexandre se rendit maitre de trente-sept villes , dont les moindres conquêtes
avoient,
cinq mille habitans, d'autres en avoient jusqu'à dix mille. Il prit de d'Alexan- dre dans
plus un grand nombre de villages trés-peuplez, Il donna tout ce païs à les Indes.
Porus, & par ce moïen ce Prince trouva se maître de tout le païs qui entre
est
l'Hydaspe & l'Acesine, ce qui comprend environ trois cens villes , (b) Cra- 00
tere fut chargé de bâtir & de fermer les villes qu'Alexandre avoit fait tracer; Strabol.Jli,
& aprés avoir réconcilié Taxile avec Porus, Alexandre renvoya Taxiles dans
ses Etats.
Abisares un des Roys du païs avoit dessein un peu avant le combat, de XI.
joindre ses troupes à celles de Porus ; mais aprés la vicroire remportée par Abisares' Le Koy
Alexandre il lui envoïa son frere avec des Alnbassadeurs,chargez de presens se rend à
,
en argent & quarante Eléphans ; & fit dire au Roy qu'il étoit prêt de faire Alexandre
tout ce qu'il lui commanderoit, excepté de livrer sa personne, parcequ'il ne An du M.
pouvoit vivre sans regner , ni regner étant captif. Le Roy repondit aux ?677.
.,ànibafsadeur,s que s'il se fâchait de venir il l'iroit trouver avec son avant. J. G»
armée. , , 323.
Alexandre s'avançant toujours plus avant dans les Indes,arriva au fleuve Xll.
Acesine, qui elt un des plus grands de ce païs ayant quinze stades ou prés Pacage du
de deux mille pas de largeur. Il est fort rapide, & rempli de rochers, ce qui fleuve
Ace fine»
fait que les flots venant à se rompre contre ces rochers font grand bruit &
,
en rendent la navigation tort dangereuse. Aum ceux qui le voulurent pas-
ser sur des batteaux, furent en grand danger & plusieurs périrent dans les
,
gouffres, leurs bjtteaux s'étant brise z contre les rochers ; Au lieu que ceux
qui le passérent à la nage appuiez sur des outres ou des peaux remplies de
paiile seche, arrivérent heureusement à bord, Alexandre laissa sur le bord op-
pôle Cœnus avec ses troupes , afin qu'il lui fit passer les vivres & les provi-
sions nécessaires du païs des Indiens qui lui obéïssoit; & en même-temsren-
voïa le Roy Porus dans ses Etats , avec ordre de lui ramasser tout ce qu'il
pourroit de bons soldats Indiens, & Eléphans, pour s'en servir dans la guerre
contre les peuples de l'Acesine.
Un autre Porus neveu du Roy Porus, qui étoit aussi Roy d'un païs de-
delà ce fleuve, aïant apris que son oncle s'étoit rendu à Alexandre se sauvs
de son Royaume, plutost par la crainte qu'il avoit du Roy son oncle,que ,
par
la crainte d'Alexandre; 11 se retira dans le païs des Gangarides, & ména avec
lui tout ce qu'il put de gens de guerre. Alexandre le suivit & passa le fleuve
Hydrc^
Hydroate qui ne cède point en largeur à l'Acesme mais qui est beaucoup
, ,
moins rapide. Il réduisit tout le païs à son obéïssance & mit par tout de
bonnes garnisons, afin que Cratere & Cœnus pussent librement venir vers lui,
& joindre leurs forces aux Tiennes. Delà il envoïa Epheltion avec des trou-
pes de Cavalerie & d'Infanterie, dans le païs du jeune Porus, avec ordre à lui
de se soumettre à l'obéïssance du Roy Porus son Oncle. Il donna les
mêmes ordres pour tous les- peuples libres qui habitent sur le fleuve Hy-
,
droate.
Pour lui, il passa ce fleuve avec afïez de facilité, & s'étant avancé dans
le païs, il reçut à son obéï[[adce plusieurs peuples, & en réduisit plusieurs au-
tres par la force. En même tems il aprit qu'il y avoit certains Indiens, qui
étoient disposez à^ lui livrer bataille , & qui sollicitoient leurs voisins à se
joindre à eux : Qu'ils vouloient le retirer dans la ville de Sangale qui étoit
très-forte; Que les Cathéens, les Oxydraques & les Malliens, peuples ,
,
fort
belliqueux, s'étoient joints à eux. Alexandre informé de cette confédération,
marcha incontinent contre les Cathéens, & en deux jours il arriva à la ville
de Pimprane, qui se rendit aussitôt ; Le lendemain le Roy laissà reposer son
armée, & le troisiéme jour il se rendit devant Sangale,prés laquelle les Cathéens
& quelques autres peuples du voiflnage s'étoient rangées en bataille, sur une émi-
nence de difficile accés. Ils avoient rangé autour d'eux trois rangs de chariots,
comme autant de terrasses palissadées, & avoient mis leur camp au centre de
ce rempart. 1
Alexandre aïant considéré leur grand nombre & la situation du lieu,
XliI. ordonna à ses Archers à cheval de les
Combat agacer à coups de traits , afin de les
d'Alexan- contenir dans leur camp & les empêcher d'en sortir, pendant qu'il rangeoit
dre contre son armée. Il mit à l'aile droite les escadrons de sa Cavalerie, avec les régi-
les Indiens de Çlitus, puis les Agriens. A l'aîle gauche il plaça Perdiccas avec les
mens
à Sandale. escadrons & l'Infanterie de ses amis.
An du M.
Il partagea les Archers sur les deux
3677. ailes. Pendant qu'il étoit ainsi occupé à ranger ses troupes, arrivérént la Ca-
avant J. C. valerie & l'Infanterie qui étoient demeurées pour accompagner & escorter
92e. son arriéregarde ; 11 rangea la Cavalerie sur les ailes, & l'Infanterie futmélée
dans la Phalange, pour la rendre plus serrée. Pour lui aïant pris la Cavalerie
qu'il avoit rangée à l'aile droite, il la conduisit contre les chariots des In-
diens qui étoient à la gauche, parceque c'étoit l'endroit qui paroissoit le plus
propre pour gagner la hauteur, & que les chariots ne paroissoient pas si ser-
rez en cet endroit, qu'ailleurs.
Les Indiens ne sortirent pas de leur rangs mais combattirent de des-
,
sus leurs chariots, lançant des Dards avec avantage contre les Macédoniens
des ce lieu élevé. Alexandre voïant que la Cavalerie n'étoit pas propre pour
ce genre de combat, mit pied à terre & ména contre eux sa Phalange , qui.
n'eut pas beaucoup de peine à repousser les Indiens de cette première en-
ceinte; Mais ils se soûtinrent mieux dans la leconde,parcequ'i!s y étoient plus
serrez, & que les Macédoniens n'avoient pas tant d'elpace pour les combattre.
Cependant les Macédoniens se firent jour à travers ces chariots, & chassérent
les Indiens de cette leconde enceinte. Ceux-ci ne pouvant plus resister à la
valeur
valeur de leurs en,ieiiiis,se retirèrent précipitamment dans la ville deSangale.
Us y surent aussitôt assiégez par Alexandre, quoiqu'il n'eût j5as alors avec lui
allez de troupes pour l'envelopper entiérement. Mais comme il y avoit un
étang qui occupoit une bonne partie de l'enceinte de la ville , le Roy mit
sur cet étang sa Cavalerie partagée par pelottons, ne doutant pas que les In-
diens ne se sauva{[ent la nuit, & n'abbandonnassentla place. Ce qui arriva
en effet; & ceux qui sortirent les premiers, tombèrent dans les gardes de la
Cavalerie, qui les mirent à mort; Ce qui fut cause que les autres rentrérent
dans la place.
Le lendemain Alexandre environna la ville d'une double enceinte de XIV.
Siége de lz
fossez, & aïant placé Ptolemée avec sa Cavalerie sur l'etang il commença à ville
battre le mur avec ses machines. En même il
teIns apprit ,
d'un transfuge,
de
que Sangalc.
la nuit suivante les assiégez sortiroient du côté du lac. Le Roy en donna
avis à Ptolemée, & lui ordonna de disposer ses gens pour les empêcher de sor-
tir, & de faire sonner dela trompette, aussitôt que les assiégez paroîtroient.
En effet la nuit suivante les Indiens se présentérent pour gagner les champs;
Mais Ptolemée les repoussa & en tua un grand nombre. Dans ces circon-
stances le Roy Porus arriva avec cinq mille soldats Indiens, & ce qui lui re-
Hait d'Eléphans. On recommença à battre la ville, dont les murailles qui
n'étoientque de briques, furent aisément ébranlées, & les soldats étant mon-
,
tez à l'escalade, la place fut emportée de force. Il y périt dix-sept mille In-
diens, on y fit soixante & dix mille prisonniers outre trois cens chariots &
cinq cens Cavaliers. Alexandre n'y perdit qu'environ cent soldats, mais il y 6.360. Arrian.l; ç
eut plus de mille blessez. C'est ainsi qu'Arrien raconte cet événement. (je.
%

r
Quinte-Curce est un peu différent; Il dit qu'Alexandre aïant pris une p. 1. I..
ville, qu'il ne nomme point,s'avança vers une autre fort grande,(appare1111nent
Sangale) ceinte de fortes murailles, & au milieu d'un marais, comme c'est
l'ordinaire en ce païs-là. Les Barbares sortirent pour le combattre, montez
sur des chariots joints ensemble, les uns aïant des haches, les autres des Jave-
lots ou des dards & sautant légèrement de chariots en chariots, quand ils
,
vouloient s'entresec-ourir. Cette nouvelle.sorte de combat étonna d'abord
les Macédoniens, quibse sentoient blesser sans les pouvoir joindre. Mais aprés
méprisant une troupe si mal ordonnée, ils se mirent à investir les chariots, &
pour le faire plus aisément, le Roy commanda qu'on couppât les liens qui les
tenoient attachez ensemble ; tellement qu'aïant perdu huît cens des leurs, ils
le retirérent dans la ville. Le lendemain on planta les échelles de tous côtez,
& on l'emporta d'assaut, peu s'étant sauvez de vitesse, qui passérent l'étang à
la nage, & porterent l'effroy aux villes yoisines, publiant, qu'il étoit venu
dans leur païs une armée de Dieux, que les hommes ne pouvoient vaincre.
C'est-ce que dit Quinte-Curce.
Arrien continue ; Alexandre aprés avoir donné la sépulture aux fiens;
envoïa EUtuene IbnSécrétaire.vers deux villes qui s'étoient alliées avecSanga-
le, pour leur dire que Sangale étant prise, elles pouvoient se rendre à lui, sans
craindre qu'il les maltraittat; mais les peuples de ces villes s'étoient déja re-
tirées dans les montagnes, Alexandre les fit poursuivre; on en prit & tua
environ cinq cens. Un ne put atteindre les autres. De retour a >angale, il
rasa la ville, & en attribua le territoire aux Indiens, qui s'étoient volontaire-
ment rendus à lui.
Il marcha ensuite avec son armée contre une ville forte, où les habitans;
XV. des autres lieux s'étoient retirez. Les assiégez envoyèrent des Députez au
Prise de
quelques Roy pour traitter , & néanmoins se préparérent à la guerre ; Car les uns
villes des étoient d'avis de se rendre, & les autres vouloient soûtenir le siége. Les
Indes. premiers prévalurent & ouvrirent les portes au Roy. Quoiqu'il pût avec ju-
QXurt.l, 5>, itice punir
ceux qui avoient désiré la guerre, toutefois il pardonna à tous ; &
aïant pris des otages, il marcha contre la ville prochaine. Comme on mé-
tioit ces ôtages à la tête de l'armée ceux qui étoient sur les murs, les aïant
,
reconnus, parceque c'étoient tous gens du païs, demandèrent à s'abboucher
avec eux , & lorsqu'ils furent informez de la clemence & des forces d'Ale-
xandre, ils se rendirent & les autres villes de même.
XVI. Aprés il entra dans les Etats du Roy Sopites. Le peuple de ce païs est
Le Roy des fage autant que des Barbares le peuvent être & se gouverne par de bonnes
Sopites se loys. Le Roy s'étoit enfermé dans sa Capitale, ,
qu'Alexandre avoit bloquée.
rend à paroissoit ni aux tours, ni sur les murs, les Macédo-
Alexandre Et comme personne ne
Idem niens ne savoient si la ville étoit abbandonnée , ou s'ils se cachoient pour
Strabon. -jouer quelque firatagéme. Mais les portes s'ouvrant tout à coup, on vit sortir
.
i. I
JEUan.
& le Roy Indien avec deux de ses fils déja grands,&venir au devant d'Alexandre.
Il surpassoit en beauté & par la grandeur de sa taille tout le rette des Bar-
Hiss. Alti-
mal. 1.8 bares & portoit une robbe de pourpre rayée d'or qui lui descendoit jus-
, d'or ,
r. x.
.
qu'aux talons, avec des sandales toutes couvertes de pierreries. Il avoit
des brasselets de perles au bras & aux epaules, & pour pendans d'oreilles des
perles d'un prix inestimable. 11 portoit un sceptre d'or à la main, tout garni
de berilles, dont il fit present au Roy, en se donnant lui-même à lui avec les
enfans & son peuple, faisant mille voeux pour sa saute&pour l'accroissement
de son Empire.
Le Roy lui laissa le Royaume qu'il possédoit, & Sopites le régala lui &
son armée pendant quelques jQurs. Il lui offrit de trés-riches présens,
entr'autres cent cinquante chiens qu'on disoit être nez c' me chienne &d'un
Tigre. On dit que ces chiens n'abboyent plus, dez qu'ils ont veu la béte,
& qu'ils en veulent principalement aux Lions. Sopites ht lancer en pré-
fence du Roy un Lion d'une grandeur extraordinaire & lâcher seulement
,
quatre de ces chiens, qui se jettérent incontinent dessùs ; Le Veneur en prit
un par la cuisse, qui étoit attaché à la proye comme les autres ; & s'effor-
çant de l'arracher, comme il ne démordoit point, il lui couppa la jambe; en-
fuite il lui en coupa encore une autre, & la découppa lentement par petits
morceaux, jusqu'à ce qu'il rendit les abboys, sans vouloir lâcher prise.Quintc-
Curce avoue que dans cela il en dit plus qu'il n'en croit ; mais qu'il ne veut
pas supprimer ce qu'il a appris.
XVII Aïant laissé Sopites dans son Royaume le Roy s'avança vers le fleuve-
,
Le Roy Hyposis. Le Roy Phegelas, ou Phegée qui regnoit dans cette contrée lui
Phegée sc vint audevant* ,
^
avec des presens, pour l'aliurer de ion obéïssance. Alexandre
iï-
séjourna deux jours chez lui , & en partant lui laissa la jouï1Tance de ses rend à
Etats. Le troisiéme jour il arriva sur le fleuve Hyphasis, ou Hypanis , qu'il An Alexandre
du M.
quoique largeur fut de sept stades, prés de
avoit résolu de passer
deux mille pas de largeur,
, & de six
sa
orgies ou 36. pieds de
ou
profondeur & ;67.7.
, avant J„ G*
avec cela rempli de rochers , ce Phegée, qui en rendoit le passage trés-difficile. 32?.
Alexandre aïant pris langue du Roy il sçut que de delà le fleuve il Diodor.
, le J.Il.
desert, & qu'après trouvoit le Gange
y avoit pour onze journées de Indes Que plus
on
habitoient les
,
Gaa-
plus grand de tous les fleuves des ; avant
gariens, & les Prasiens,aïant pour Roy Agramnes , qui défendoit l'entrée de
les Etats avec vingt mille chevaux & deux cens mille hommes de pied, for-
tifiez encore de deux mille chariots , & ce qui donnoit plus de terreur , de
trois mille ou même quatre mille Eléphans , comme le dit Diodore de Si-
cile.
Ces choses paroissoient incroïables à Alexandre. Il fit venir Porus &
lui en demanda la vérité. Porus l'assûra que pour les forces du Royaume,
on n'y exagéroit rien; Mais que celui qui regnoit , étoit de très-basse nais-
sance, son Pere aïant été Barbier, que la Reine du païs l'aïantprjsen afFe&ion*
l'a voit élévé à la première place auprés du Roy. Que cet ingrat avoit tué
le Roy son maître en trahison & s'étoit emparé du Royaume, sous ombre de
la tutelle des Princes ses enfans, qu'il avoit aussi fait mourir; qu'aïant épousé
la Reine, il en avoit eu un fils qui étoit le Roy d'aujourd'hui, homme haï &
méprisé de ses peuples, n'aïant rien qui fût digne de sa fortune , & qu'il ne
feroit pas malaisé de détrôner , à cause de la haine publique dont il étoit
chargé.
Alexandre ne craignoit ni les ennemis , ni leurs Eléphans ; mais il re- XVIII.
doutait rassiéte des lieux & l'impétuosité des rivières, l'éloignement & la fé- Alexandré veut paffer
rocité des nations , si reculées & en quelque sorte placées la
par nature au leGange&
bout du monde. De plus le Ciel sembloit l'avertir de borner en cet endroit saire la
ia conquéte par des tempêtes, des tonnéres, des pluïes, des soudres qui du- guerre aux
rérent pendant soixante & dix jours de suite. Cependant l'amour de la gloire Ganga- riens;
& cette saim insatiable de réputation & de grandeur, ne lui permettoient-pas Diodor.
de se contenter. Dans la crainte que ses soldats , qui depuis huit ans le SicuJ. L17.
servoient, c'est-à.dire,dep-uis qu'il étoit monté sur le Trône de Macédoine , ne
se rebutassent & ne refuiàssent de le suivre , il chercha à les gagner en leur
permettant des fourages dans tout le païs, qui regorgeoit de biens , & en
même tems il fit diitribuër à leurs femmes du blé pour un mois, & fit payer
à leurs ensans une solde proportionnée à celle que leurs Peres recevoient.
Aprés que ses soldats furent de retour dans le camp, il les fit assembler, XIX.
& leur parla, pour les exhorter à la guerre contre les Gangariens, loüant leur Les soldats
services passez, leur valeur, leurs exploits, les comblant de promesses magni- d'Alexan-
fiques, & les conjurant de ne pasl'abbandonner dans le tems où il se fluttoit dre craig-
Cœnus nent de
de faire de nouvelles conquêtes plus glorieuses que les premières, paffer plus
fils de Polemocrates pendant que toute l'armée demeuroit dans un morne avant dans
,
silence, eut la lwrdieffe de s'approcher du Tribunal, témoignant qu'il vouloit les Indes,
Di rier, & ôtant son c.isque , car
c'étoit la coutume de ôter pour parler au
Roy; Toute l'armée le pria de plaider sa cause, & de répondre à ce que îe
Roy leur a voit dit; Il parla, & lui témoigna que tous ses soldats étoient tou-
jours prêts de lui obéïr", & d'aller par tout où il leur commanderoit, fallût-il
exposer mille vies, & courir mille dangers pour sa gloire & pour sonservice.
Mais qu'ils le prioient de considérer, qu'ils avoient fait ce q.ue des hommes
mortels étoient capables de faire, que leurs corps épuisèz, leurs visageshâves
1 & défigurez, leurs poitrines couvertes de cicatrices, leurs armes usées, leurs
épées émoussées prouvoient & leurs services passèz & l'impuissance où ils
,
étoient de les continuer. Que de tant de nations, conquises & subjuguées,
de tant de dépouilles remportées sur l'ennemi, il ne leur restoit rien ; qu'ils
manquaient de tout. Qu'ils le conjuroient d'épargner un petit reste d'une
vie, qu'ils avaient consumée à combattre pour lui.
Il n'eut pas plutost achevé de parler, qu'on ouït de tous côtez des cris &
des voix contiises & mélées de pleurs, qui appelloient le Roy leur Seigneur
& leur Pere. Les principaux Chefs de son armée lui firent la même priére
,
qu'avoit fait Cœnus ; Alexandre ne pou voit ni chatier ses gens, ni les flatter.
Il descendit de son tribunal, & s'enferma dans sa tente, avec défense d'ouvrir
à qui que ce fût, si non aux Officiers de sa maison. Il ne laissa pas, comme
le racontoit Ptolemée fils de Lagus de faire encore des sacrifices pour le
,
I-uccés de ses expéditions. Mais comme les entrailles des victimes
ne lui an-
nonçoient rien d'heureux, il fit venir ses amis & ses plus anciens Officiers,
& leur déclara qu'il avoit enfin pris la résolution de retourner en LVlacé-
doine.
XX. Cette nouvelle remplit toute son armée d'une joïe infinie, & fut reçuë
Alexandre avec des cris extraordinaires. Le Roy pour conserver la mémoire de ses
prend la voïages, fit ériger
résolution au même endroit douze autels de pierre de taille hautes
,
de retour- de cinquante coudées ou de 75. pieds, & larges à proportion, comme de
ner en Ma- hautes. Tours; sur lesquelles il sacrifia à la manière des Grecs, ou des Macé-
cédoine. doniens. Je ne sai si ces douze autels sont différentes de ceux dont nous
An du M parlé ci-devant après Philostrate. Mais cet Historien n'en met que
3 677.
avons
avant J. C.
deux; Au lieu qu'Arrien & Quinte-Cruce en mettent ici douze. Il célébra
3 23- au même endroit des jeux de courses de chevaux & de chariots, & des jeux
-Diod. 1. 17. d'exercice & fit faire l'enceinte de son camp trois fois plus grande qu'elle
,
Arrian. 1. 1 n'avait été jusqu'alors & fit creuier autour de
QXurt. I..g. cinquante pieds & profond , ce camp un tbsfé large de
de dix ; qu'il revétit d'un bon mur. Il ordonna
à san Infanterie, de faire chacun dans sa tente des lits de la longueur de cinq
coudées, ou de sept pieds & demi de longueur, sur une largeur proportion-
née; Il commanda de même à sa Cavalerie, de faire des litsdenlêmegrandeur
& des mangeoires pour les chevaux deux fois plus grandes qu'à l'ordinaire.
Il fit laitier dans le camp des armes des brides, des instrumens faits exprés,
,
beaucoup au dessus de la grandeur commune afin de laisser à la poftériré
,
l'idée d hommes, de chevaux, de meubles, d'armes & d'equippages sort au
dessus du commun, & par conséquent d'une valeur, d'une force,d'une ,
deur inusitées, & dignes d'admiration. Cette attention paroitra aux per-
gran-
sonnes sensées peu digne de la. véritable grandes d'Alexandre» & diminuera
plutoit
«
plutost qu'elle n'augmentera l'estime qu'on a de sa valeur & de son mérite.
l\t.is la gloire & la réputation étoient ses idoles, à qui il étoit résolu de tout
sàcrifier.
Aprés cela il retourna vers le fleuve Hydraote, & delà à celui d'Acesine, XXL
Cœnus
où Cœnus mourut de maladie. Le Roy le, pleura, mais il ne put s'empê- meurt
cher de dire, que pour le peu de jours qu'il avoit à vivre , il avoit fait une prés le
longue harangue , comme s'il eut été le seul , qui dût revoir la Macédoine. fleuve
Il s'av2nça ensurte jusqu'au fleuve Hidaspe. Il y trouva achevée la ville de Acefine.M.
Nicée & de Bucephalie, qu'Ephestion avoit reçu ordre de bâtir, & les vaiile- An3678. du
aux qu'il avoit commandez, à l'ancre. Il ramassa tout ce qu'il y avoit de avant J. <1..
Phéniciens de Cypriotes de Cariens dans ses troupes, pour les mettre sur 322.
, ,
des vaisseaux. Sur ces entrefaittes Memnon lui amena de Thrace six mille Arrian.1.6
chevaux de recruë, avec sept mille hommes de pied, ou 30. mille, sélonDio- Initio. QXurtJ.2*
dore de Sicile , qu'envoyoit Harpales. Il lui apporta de plus vingt-cinq
mille paires d'armes garnies d'or & d'argent, qu'il départit aux soldats, aïant
fait brûler les vieilles. Diodore de Sicile ajoute des médicamens pour cent
talens.
Alexandre étant prêt de s'embarquer surl'Hydaspe,pour arriver à l'Ocean,
reconcilia Porus avec Taxile Roy des Indes, & leur aïant sistrenouveller leur
alliance, les laissa paisibles dans leurs Royaumes, qui étoient situez entre l'Hy-
daspe & l'Hypafe ; & qui contenoient, disoit-on, quinze nations diverses, &
environ cinq mille villes, qui étoient aussi grandes que celle de Cos & un
trés-grand nombre de Bourgs & de villages. ,
Alexandre avoit alors six-vingt mille hommes de pied & quinze mille XXII
chevaux, la flotte étoit de mille vaisseaux sélon Quinte-Curce, dont deux Forces
, d'Alexan-
cent étoient découverts & huit cent dessinez à porter des chevaux & des pro- dre,
visions ; d'autres en comptent jusqu'à deux mille, dont quatre-vingt étoient qu'il lors- s'em-
à trente rames ; Les autres étoient des vaisseaux de transport. La flotte étoit barque
commandée par Nearque fils d'Androtime de Crete. Le vaisseau que mon- pour voie
toit Alexandre , l'étoit par Onesicrite d'Aftypalée. A la droite du fleuve Hi- l'Océan.
daspe étoit Cratere avec une partie de la Cavalerie & de l'infanterie ; à la An du M.
gauche du même fleuve étoit Ephestion avec la meilleure partie de l'armée, avant 3678.
J.. Go.
& deux cens Eléphans. Ils devoient descendre par terre le long du fleuve J22-
tandisque la flotte^ descendoit par eau. On faisoit par jour environ quatre
cens stades ou prés de sept à huit lieues.
Avant l'embarquement Alexandre offrit des sacrifices aux Dieux du pais,
& à tous ceux que les Devins lui suggérérent, entr'autres à Neptune,à Venus
la marine, aux Nereïdes, à l'Océan, aux fleuves Iiidaspe, Acefine & Indus,
Il fit de plus représenter des jeux, & proposer des prix pour les victorieux
dans la musique & les jeux d'exercices, & distribua des victimes à chaque
troupe de soldats, pour faire des feitins. L'armée s'embarqua vers le com-
mencement d'Octobre, au nombre d'environ huit mille hommes. Le reste
étoit demeuré sur terre, comme on l'adit.On embarquatous lesÂrgyrafpideS"»
c'eit-à-dire,ceux quiportaient des boucliers d'argent,les Archers & les Cavaliers
nommez les amis. Quand Alexandre monta sur son bord, il répandit dans.
le fleuve avec une couppe d'or, des libations à l'Hidaspe, à l'Acesine, & a
l'Indus. Aprés quoy il invoqua Hercule & Ammon, dont il se disoit descen-
du, & leur fit des libations , puis donna le signal pour le départ. Tous les
vaisseaux étoient rangez par ordre, & on avoit réglé la di foui ce qui devoit
être entre chacun, de peur que.venant à s'approcher, ou a le heurter, ils ne
se brisaŒent.
XXUl Il vint de cette sorte jusqu'au confluant de l'Hydaspe & de l'Acesine, qui
Sobes delàprennent leurs cours vers la Province des Sobes,qui se vantent que leurs
defcendns ancêtres étoient de l'armée d'Hercules, & qu'étant demeurez malades en ce
de Parmée lieu, ils s'y étoient habituez. En effet ils s'habilloient de pe^ux de bétes, &
«l'Hercule.;
Diod. /. 17- n'avoient pour armes que
des massùës, & quoiqu'ils ne tinssent plus rien des
Q.Curt. /.. façons de faire des Grecs, ils montroient encore pluiicurs traces de leur ori-
£4. <$c. gine. Alexandre fit assèoir son camp, auprés de cette ville, & les principaux

XXIV.
les laissa enliberté..
des habitans étant sortis de la place, eurent l'honneur de parler au Roy, &
de lui renouveller l'ancienne parenté, ils lui promirent d'exécuter ses ordres,
lui offrirent des présens, & le Roy pour récompense de leur bonne volonté,

,
Continuant sa navigation,il s'avança de deux cens cinquante stades ; <Sc
"iétoire aprés avoir fouragé le païs où il abborda il en prit la Capitale.
remportée bares Agallassiens avoient rangé en bataille quarante mille hommes sur les
Les Bar-

sur les bords de la riviére, pour lui en empécher le passage. Mais il passà malgré
Agallas-
& à leur veuë, les mit en fuite, les rechalsa dans leurs murs, & emporta
fiens. eux,
Diod. 1.17. leur ville d'assaut. Tous ceux qui pouvoient porter les armes.furent taillez
9. Curt. en pièces, le reste fut vendu. 11 marcha contre une autre ville, d'où il fut
1.9 <&c. repoussé par les habitans, qui combattoient vaillamment de dessus leurs toits,
& il y perdit beaucoup des liens. Mais quand les habitans virent, qu'il s'opi-
niâtroit au siége3déièspérant de leursalut, ils mirent le feu dans leurs maisons,
& se jettérent dedans avec leurs femmes & leurs enfans. Les Macédoniens
firent ce qu'ils purent pour conserver la ville , & pour eteindre les flammes;
Mais les habitans y mettoient eux-mêmes le feu, & l'augmentaient autant
qu'ils pouvoient. Le chateau fut conservé, & Alexandre y mit garnison.
Etant bientost rembarqué avec ses amis, il arriva au bout de cinq jours
XX K dans les pais des Malliens & des Oxydraques, qui passoient pour peuples
Alexandre être résolus de lui livrer bataille. Ce païs est
arrive au trés-belliqueux, & qu'on disoit
pais des situé entre le confluent des fleuves Hidaspe &AceÍine. Ces rivieres se joignent
Malliens & tant de violence, qu'il s'y fait des tourmentes comme en pleine Mer, &
des Oxy- avec parcequ'elles amarrent quantité de vaze & de limon , elles ne laissent qu'une
draques. passer les vaisseaux. La flotte d'Alexandre à ce pat-
Diod. 1. 17- petite embouchure, pour
ÇhCurt. I.. sage étant battuë par la prouë & par
les flancs les pilotes voulurent bailler
,
Arrien. les voiles. mais ils ne purent, tant à cause de l'impétuosité des fleuves, que
ce. la troubloit les Matelots. Ils virent périr devant leurs yeux
An du M. pour peur qui
deux de leurs plus grands Navires , mais les moindres furent jettez à bord
3678. fut emporté dans le courant,où il faillit d'être
avant J. G. sans dommage. Celui du Roy
322. englouti par le tournoiement de l'eau, qui brisa le gouvernail. Le Roy avoit
Officiers étoient
deja quitté ses habits pour se jetter dans la rivière , & ses
mis dans l'eau pour le recevoir. Mais comme il étoit fort douteux s'ilétoit
plus seur de demeurer dans le vaissèau, ou de se jetter à la nage, le Roy de-
meura dans son bord & les Matelots firent tant à force d'avirons & de rames,
qu'ils le dégagèrent de ces gouffres. Mais ils ne purent abborder, ni em-
pécher que le vaisseau ne se brisât contre legué. Le reste dela flotte aborda
au bord qui étoit à la droite du fleuve,s'y mit à couvert dans un reduit assez
.vaite, qu'un rocher mettoit à l'abry des flots.
Echappé de
ce danger, il fit dresser autant d'Autels qu'il y avoit de fleuves XXVT,
qui se rencontroient, c'est-à dire à l'Hidaspe, à l'Acefine & à l'Indus, & leur Guerreles
aïant offert des sacrifices d'actions de grâces, il s'avança encore de trente sta- contre
Oxydra-
des, & entra dans le païs des Malliens & des Oxydraques. Ces peuples ques.
étoient en perpétuelles guerres les uns contre les autres, mais le danger com-
mun les aïant alors réünis, ils avoient assemblé dix mille Chevaux,& quatre-
vingt mille hommes de pied, de trés-bonnes trouppes, avec neus cent cha-
riots, ou selon d'autres , sept cens chariots & soixante mille Chevaux ; Les
Macédoniens qui se croyoient quittes de toutes sortes de dangers, voyant
qu'il se présentoit une nouvelle guerre contre les plus belliqueuses nations
des Indes, tombèrent dans le découragement, & tenoient entr'eux des discours
ieditieux; Qu'à la vérité on ne leur avoit pas fait passer le Gange, mais qu'on
les exposoit à des nations feroces, pour se frayer au péril de leurs vies, un
chemin vers l'Océan. Qu'ils n'avoient à attendre sur cette Mer que des
brouillards & une nuit éternelle, des monstres hideux, des eaux croupissan-
tes, & pour ainsi dire, les derniers abbovs de la nature mourante.
Alexandre aïant sçu ces dispositions de ses soldats, leur parla, les raitura,
les pria de ne lui point envier la gloire qu'il se proposoit, en voulant poufser
ses conquêtes plus loin que n'avoient fait Bacchus & Hercules; qu'ils souffrif-
sent qu'il les tirât des Indes avec honneur & qu'ils n'en sortissent pas com-
,
me ensuïant. Ce discours changea les coeurs des troupes; tout à coup elles
s'écrirérent qu'il les menât où il voudroit, afin qu'il égalât la gloire de ceux
dont il suivoit les traces. Le Roy profita de ces dispositions & les fit marcher
du côté où étoient les ennemis.
Les Indiens avoient élu un Chef de la nation des Oxydraques, plein de XX VIL
valeur & d'expérience qui s'étoit campé au pied de la montagne, & avoit Guerre
fait allumer quantité de, feux, pour foire montre d'une plus grande multitu Malliens. contre les
de, avec des cris & des hurlemens à la maniére des Barbares, dont il pensoit Diod. 117-
étonner les Macédoniens. Dez le point dujour le Roy rangea ses gens en fcgrt/.».
bataille, & les Barbares soit que la peur les eût saisis ou que la division se
,
,
fut mise parmi eux, gagnérent les montagnes & s'enfuirent. On les poursui- ArrianJ.6 "

vit inutilement. On ne put prendre que le bagage. De fuite il marcha


contre les Malliens, pour les attaquer , avant qu'ils se fussent joints aux
Oxydraques.
En même tems il donna ses ordres à Nearque de conduire sa flotte dans
le même païs, <Wl'y arriver trois jours avant le reste de l'armée; Il fit partir
Polyperchon avec les fiens & les Eléphans, & Philippe sous le commande-
ment de Cratere, qui conduisoit les troupes qui marchaient sur la droite de
rHida[pe ;
i'Hydalpe ; Il commanda à Ephestion d'arriver avec sa troupe cinq jours avant
l'arrivée du Roy , & à Ptolemée fils de Lagus de ne partir que deux jours
aprés fou départ, afin qu'il pût arréter tous ceux des ennemis qu'Alexandre
n'auroit pu atteindre ; tous avoient ordre de l attendre au confluent de l Hi-
daspe & de l'Acesine, jusqu'à la jondion de toutes les armées.
Pour lui, il prit avec lui les Argyraspides , les Archers, les Agriens &
les troupes que commandoit Python & marcha en diligence par un païs sec
& stérile, contre les Malliens, dans le dessein de les surprendre avant qu'ils
fufl-,ent joints aux Oxydraques. Le premier jour il campa sur une petite ri-
viere ; & aïant donné peu de tems à ses troupes pour reposer & pour repaî-
tre, il leur ordonna de remplir d'eau leurs outres & les fit partir sur le soir.
Ils marchèrent tout le reste du jour & toute la nuit suivante 5 & aprés avoir
fait quatre cens stades, ou environ quatorze lieuës, il arriva au point du jour
prés la ville des Malliens, & en surprit plusieurs qui étoient hors la ville, ne
pouvant s'imaginer que le Roy dût venir par un païs aussi aride. Lesservant autres
se iettérent dans la place, & il les y assiégea avec sa
Cavalerie, s'en
d'une enceinte qui l'environnoit, l'Infanterie n'aïant pû luivre avec
comme
autant de promtitude; „ avec la Cava-
Cependant l'Infanterie étant arrivee , il envoya Perdiccas
lerie & celle qui avoit été sous les ordres de Clitus , avec les Agriens pour
inveitir une autre ville, où il savoit que grand nombre de Malliens s'étoient
refusiez Il ordonna à ses gens de ne rien entreprendre contre la ville ; mais
seulement de la tenir si bien invertie, que les Malliens ne pussent rien (avoir
se mit ensuite a
de sa venue, & que personne ne sortît de la ville. Le Roy Ils aboanncruit
battre la place. Les assiégez ne firent pasAlexandre grande resistance.
leur mur se retirérent dans la Citadelle. les y assiégea & les prelia
tant de vigueur qu'elle fut prise de force , & tous ceux qui y etoient
avec , furent passez au fil de l'epée.
au nombre de deux mille,
XXVIU. Perdiccas étant arrivé à la ville , qu'il avoit ordre d'assiéger, la trouva
Alexandre abbandonnée. Les Barbares s'étant retirez où ils avoient pu, il les poursuivit,
arrive au
tailla piéces tous ceux qu'il put atteindre, les autres furent garantis par les
fleuve Hy- en quelque repos
dtaote. marais où ils s'étoient retirez. Alexandre aprés avoir donné
à ses troupes, partit au commencement de la nuit, & aïant fait unedes Bar-
longue
traite il arriva au point du jour sur le fleuve Hydraote. Une partie
bares' l'avoit déjà passé, les autres étoient encore à le passer. 11 mit a mort
qu'il put atteindre, passa le fleuve, atteignit les fuiards, en tua une par-
ceux se sauva dans une ville forte d'ai-
tie prit les autres, le plus grand nombre Il envoya Python contre cette place.
siéte & d'ailleurs assez bien fortifiée.
Il la prit du premier assaut, tailla en pièces auprès ou réduisit en iervitude tous
quoy il se rendit d'Alexandre.
ceux qu'il y trouva. Apres
Ce Prince marcha aussitost contre une ville desBrachmannes,ouinvesti il lavoit
grande troupe de Malliens s'étoient jettez ; à peine eût-il la
qu'une dans la&rtereiTe, ou ils
place avec son Phalange, que les assiegez se jetterent
voulurent se deffendre. Mais ils y furent bientost forcez ; plsieurs se brÙlé-
furent tuez les ajmes a la main. Le
rent dans leurs propres maisons, d'autres
ùruIt de ces conquêtes obligea les autres Malliens de ces contrées, d'abban-
donner leurs maisons, & de se retirer dans les solitudes & dans les mon-
f O P*M pC
Alexandre arriva enfin à la Capitale des Malliens, ou" s'étoient jette la plupart XXIX.
des plus vaillans & des plus résolus de cette nation , & où plusieurs même assiége Alexandre
la
des autres villes s'étoient retirez. A l'approche d'Alexandre ils abbandon-
Capitale
nérent la place, aïant & passé le fleuve Hydraote, ils s'étoient portez sur son des Mal-
rivage, dans la résolution d'en disputer le passage au Roy. Il y marcha en di- liens.
ligence avec sa Cavalerie, aïant donné ordre à son Infanterie de le suivre. Arrian. QjCurt.
Dez-qu'il fut arrivé au milieu du fleuve, les Indiens se retirérent en bon or- Diodor.
dre ; Ils étoient au nombre d'environ cinquante mille. Alexandre n'aïant Plutarcb.
point alors d'Infanterie, ne crut pas qu'il fût de la prudence de les attaquer. ($c.
II se contenta de les harceler & d'escarmoucher. Mais quand les Agriens & An du M.
les Archers furent arrivez, & que la Phalange fut prés , les Barbares s'enfui- J678.
jambes dans la ville voisine. Le Roy les suivit, tua plusieurs avant J. G-
rent à toutes en 2%,
dans leur fuite, & enveloppa la place avec sa Cavalerie , en attendant qu'il
arrivée.
en fît le siége dans les formes, lorsque son Infanterie seroit
Comme il en faisoit les approches, Demophon un de ses Devins l'avertit
de quitter cette entreprise, ou du'moins qu'il la différât , parcequ'il étoit
menacé d'un grand danger. Alexandre reçut mal son avis, & le traitta d'im-
portun & de séditieux, devenir l'interrompre dans une telle entreprise; &
aïant partagé son armée en deux corps, dont il donna l'un à Perdiccas, &
prit le commandement de l'autre , il donna l'assaut à la ville avec tant de vi-
gueur, que les ennemis furent obligez d'abbandonner la place, & de se retirer
dans la Citadelle. Alexandre fut le premier, qui aïant fait rompre une porte,
-
se jetta dans la ville & en même tems fit donner l'escalade à la Citadelle.
,
Comme on n'y alloit pas assez vite à son gré, il arrache l'échelle à un soldat,
& monte lui-même jusqu'au haut du mur. Aprés lui monta Peucestes, por-
tant le bouclier qu'Alexandre avoit tiré du Temple de Pallas de Troye, &
qu'il faitoit toujours porter devant lui. Il fut suivi par Leonate, un de ses
Gardes du corps, qui montèrent par la même echelle. Abreas monta par
une autre échelle; les Argyraspides craignant pour la personne du Roy,vou-
lurent aussi monter ; Mais les échelles s'étant rompues sous eux, ils furent
renversez, & ôtérent aux autres le moïen de gagner le haut du mur.
Le Cordon du mur étoit fort étroit, & il n'y avoit point de crénaux. XXX.
Ce n'étoit qu'un chapiteau fort avancé en dehors , & qui régnoit tout au- Alexandre
tour ; de sorte que le Roy n'eut sçu s'y tenir debout. Mais il s'y étoit se jette seul
accroché, dans son bouclier les qu'on lui tiroit dans lavila-
comme recevant tous coups le des Mal-
de loin de dessus les tours; Car personne n'osoit l'attaquer de prés, & l'éclat liens.
de ses armes le faisoit assez dittinguer. Cependant il étoit-là à la veuë de QCurt. /.p. <
toute ion armce, aussi abbandonné que s'il eut été seul, & si las de parer les
coups, qu'il ne pouvoir plus s'aider du bras gauche , qui portoit son bou-
clier. Ses principaux Officiers lui crioient du pied de la muraille, qu'il se
laissat couler, & qu'ils le recevroient ; Mais il ne consulta que son courage, &
entreprit une choie qui doit palier plûtôi1 pour un prodige d'intrépidité, ou
de témérité, que de valeur. Il sauta du haut du mur dans la place remplie
d'ennemis. Heureusement il tomba sur ses pieds, & se trouvant debout
l'epée à la main, il écarta ceux qui étoient les plus proches, il tua même un
Chef des Indiens, qui voulut s'approcher pour le frapper. Il y avoit au même
endroit un vieil Arbre fort touffu, & dont le tronc étoit fort gros; contre le-
quel il s'appuya, de peur d'être environné, recevant sur son bouclier les traits
qu'on, tiroit de loin contre lui.
XXXV A la fin accablé de fatigue, il tomba ssir ses genoux, & les Barbares
11 est dan- sur lui pour l'accabler, le voyant hors de defense. Peucestes &
coururent
gereuse-
ment blef- à
Leonat, qui l'avoient suivi, lecouvraient de leurs boucliers ; Abreas fut mis
sé, & est mort d'un coup de néche,qui le perça depart en part; Alexandre lui-même
rapporté reçut un coup de fléche dans la poitrine sur la mammelle, en sorte, qu'avec
dans sa le sang le souffle du poumon sortoit par la playe ; La douleur & la perte du
tente. sang lç firent tomber en défaillance. 11 se renversa sur son bouclier. Quin-
.I1rrÙm.l.6.
te-Curce dans tout son récit suppose que ce Prince étoit seul dans la ville;
Mais Arrien lui donne pour Compagnon Peuceste, Leonat & Abreas, qui
étoient montez sur le mur avec lui, & qui avoient de même sauté dans la
ville.
Cependant les Macédoniens voyant le danger de leur Roy, mirent tout
en oeuvre pour le secourir & le délivrer. Et comme ils n'nvoient plus
d'echelles, ils cherchèrent d'autres moïens pour monter ; Les uns dressoient
des troncs d'arbres contre les murs, les autres fichaient des pieux dans le
mur, qui n'étoit que de terre, pour s'y accrocher & se guinder jusqu'au
haut ; Et à mesure qu'ils y arrivoient, ils se jettoient dans la place; Enhn ils
enfoncèrent une des portes & entrèrent en foule. Peucesteb n'en pouvoit
plus, & percé de trois coups de fléches, il fut obligé d'abbandonner son
bouclier; Leonat repoussant vigoureusement les Barbares, reçut un si grand
coup sur la téte, qu'il en tomba demi-mort aux pieds du Roy. Le bruit se
répandit même que le Roy avoit été tué. Cette nouvelle remplit les Macé-
dQniens- de fureur. Ils firent main basse sur tout ce qu'ils rencontrèrent,
n'épargnant pas même les femmes & les ensans.
XXX IL Alexandre fut mis sur un bouclier & rapporté dans sa tente, si accablé,
On arrache qu'on ne savoit s'il étoit mort, ou vivant Quelqu'uns écrivent que nes'ét(Jnt
le fer de la point trouvé de Médecin pour lui arracher la flèche de h playe, Alexandre
playe d'A- dit à Perdiccas,de lui ouvrir le sein avec son epée pour la tirer. Qu'il sortit
lexandre.
de la playe une grande quantité de sang, qui ne fut arrêté que par la foiblesse
où il tomba. D'autres racontent que ce futCritodéme Medecin natif de Cos,
un des descendans d'Esculape, qui lui tira la flèche ; Quinte-Curce en ra-
conte les circonstances. Il dit que les Médecins s'étant apperçu, aprés qu'on
lui eût couppé le bois de la flèche , & qu'on l'eût déshabillé, que le fer de
la flèche étoit barbelé, & qu'on ne pouvoit le tirer sans danger, si l'on n'élar-
gi ssoït la playe, Critobule Médecin trés-expert, n'olant y mettre la main, &
pleurant de crainte que sa tête ne répondit de l'événement, le Roy qui s'en
apperçut,le rassura,& lui ordonna de le délivrer promtement de ses douleurs.
Alors Critobule le pria de se laisser tenir, pendant qu'on lui arrâcheroit le fer,
parue*
parceque le moindre mouvement du corps lui pouvoit beaucoup nuire. Le
Roy l'assura qu'il n'étoit pas besoin de le tenir, & de fait il demeura ferme,
sans branler en aucune façon.
Les Historiens anciens racontoient ce fameux événement avec tant de
variétez , que l'on ne pouvoit que difficilement discerner le vrai du faux.
Arrien & Quinte-Curce ne s'accordent pas, & tous deux se plaignent de l'in-
fidélité & de l'incertitude des Historiens qui les ont précédez. Ciitarq\le,
Timagéne & Pausanias afsuroient que Ptolemée fils de Lagus avoit assisté à
ce combat, ou à la prise de cette ville. Mais lui-même disoit dans ses me-
moires qu'il n'y étoit point, & que le Roy l'avoit envoyé ailleurs contre
d'autres, Barbares. Il faut avo,uër qu'il y a bien des circonstances de la vie
d'Alexandre, qui paroissent tenir ou de la fable ou du miracle.
Les soldats demeurerent sous les armes tout le jour & toute la nuitsui- xxxm.
Il s'embar-
vante , autour de sa tente, & protestant qu'ils ne se retireroient pas a'7 camp, que sur le
qu'ils ne fussent assurez qu'il se portoit mieux, & qu'il commençoit un peu fleuve Hy-
à reposer. Au bout de sept jours, sa blessure n'étant pas encore fermée, il se draote.
fit conduire au bord de PHydraote, pour descendre par eau dans san camp,
qui étoit vers le confluent du même fleuve & de l'Acesine. Sou vaisseau aïant
abbordé à terre, il donna la main à tous ceux qui se présentérent,'& refusant
de se servir de sa litiére, il monta à cheval, puis entra à pied dans sa tente;
ensuitte aïant appris que le bruit de sa mort i'augmento-itparmi les Barbares,
il fit joindre deux vaisseaux ensemble, & dresser sa tente au milieu, à la veuë
de tout le monde, afin qu'on le vit de tous cotez. Tout d'un teins il descen-
dit par eau s'avançant à quelque distance du reste de sa flotte, de peur que
le bruit des, rames ne lui empêchât le repos qui lui étoit si nécessaire pour
,
rétablir ses forces. Le quatrième jour il arriva dans un païs abbandonné par
les habitans, mais qui étoit plein de blé & de bétail, & qui lui sembla par là
fort propre pour rafraichir ses troupes, & affermir sa santé.
C'était la coutume des Principaux de la cour de faire garde la nuit XXXIV.
,
devant la tente du Roy lorsqu'il étoit malade. Un jour voyant qu'il se Alexan,dre
,
portoit mieux, ils entrèrent tous ensemble dans'sa chambre ; & Alexandre est prié par
leur aïant demandé, s'il y avoit quelque mauvaise nouvelle, & si les ennemis les fieus de
ne pas
paroinient encore Cratere lui témoigna les inquiétudes, où tous ses amis s'exposer.
,
& toute l'armée avoient été à l'occasion de sa blessure, & le pria au nom via quint.
d'eux tous, de se réserver pour des occasions dignes de lui, & de ne pas s'ex- Cu?-t. /. 9.
poser ainsi à toutes sortes de danger. Alexandre ne put dissimuler que le Ex Nearch»
A'exandri
discours de Cratere ne lui avoit pas plû. Mais un ancien Officier Béotien Navarchap.
le rappaisa en lui disant, que les grandes actions conviennent aux grands An du M^. '
hommes, &, lui cita sur cela un vers qui porte : Il est juste que celui qui veut 367 8.
faire de grandes choses, s'exposé aussi à de grands périls. Quinte-Curce avant. J. C.
met un fort beau discours en la bouche de Cratere, & une sort belle répon- SU'
se en celle d'Alexandre ; Mais on peut croire que l'un & l'autre sont de sa
façon.
Pendant que ces choses se passoient aux Indes, les soldats Grecs qu'Ale- xxxv.
xandre avoit disposez par colonies autour de Baétres, se revoltérent, non Révolté
des Cole
T 11 z par
nies d'au- par
] aucune haine qu'ils portassent à ce Prince , mais par la crainte du chati...
tour de ment,
i parcequ'ils avoient tuez quelq'uns de leurs compagnons. Ils avoient
Baétres. Chef un nommé Athenodore , qui avoit même pris le nom de Roy,
,pour
fJ.:...Curt.I.- j
non par l'ambition de regner, mais pour retourner plus seurement en son
païs,
] avec ceux qui le reconnoiflbient» Cependant un nommé Bicon Grec
comme lui, l'ayant invité à un festin, le fit assassiner. Le lendemain ayant
assemblé les troupes,il fit accroire à plusieurs qu'Athenodore l'ayant voulu per-
dre, il l'avoit prévenu. Les autres se doutant de l'imposture, prirent les armes,
résolus de le tuër à la premiére rencontre. Mais ils furent arrêtez par les
Chefs dans le moment de l'exécution.
Bicon reconnut mal le bon service que les Chefs lui avoient rendu. Il
.machina leur mort, & la trame aïant'ëtë découverte on l'arréta avec Boxus
,
qui avoit tué Athenodore. Boxus fut mis à mort sur le champ mais on
,
voulut faire souffrir à Bicon les tourmens que méritaient ses crises. Les
soldats, on ne sait par quel motif le tirèrent des mains de ceux qui le mé-
,
noient au supplice; Et Bicon s'étant jetté tout nud au milieu des Grecs , &
aïant ainsi évité la mort, se retira en GréGe avec ceux qui avoient quitté les
colonies, que le Roy leur avoit assignées.
XXX VL Sur ces entrefaites les Malliens & les Oxydraques envoyérent des Am-
Les Malli- baffadeurs au Roy, avec cent cinquante des premiers de l'eur nation tous
& les ,
ens
Oxydra- hommes de bonne mine, montez sur des chariots, & vétus de robbesde lin,
ques se
brochées d'or & de pourpre. Ils venoient lui déclarer que les deux nations
soumet- dont on vient de parler , les avoient envoïez pour lui engager leur liberté,
tent à Ale- qu'ils tfavoient jamais engagée à personne. Le Roy les reçut en son obéïs-
xandre.
sance, leur imposa le même tribut, qu'ils payoient aux Arachosiens, & les
obligea de lui fournir deux mille cinq cens Cavaliers, ou sélon Arrien, mille
des premiers de leur nation; à quoi ils satisfirent ponctuellement. Aprés il
ordonna un magnifique festin, auquel furent conviez ces Ambassadeurs,& les
petits Roys qui étoient à sa suite. Il fit dresser cent lits d'or assez prés les
uns des autres,qu'il fit couvrir de tapis, ornez de pourpre & brochez d'or.On
servit avec des meubles superbes, en un mot Alexandre y étala tout ce.que
l'ancienne pampe des Perses, & la nouvelle mollette des Macëdoniens.avoient
de faste & de luxe.
XXXVIL Il y avoit en ce festin un Athénien nommé Dioxippe Atlete célébre,que
Combat le Roy estimoit à cause de sa force & de son addresse , & un Macédonien
entre Dio- nommé Horratus, bon homme de guerre. Pendant teut le repas on railla
*'PP,C Dioxippe comme un gros animal chargé de graille , qui n'étoit bon à rien.
Athénien s'étant pris de vin, se voulut aussi mêler de le piquer, & lui dit, que
& Horra- Horratus
tus Macé- le lendemain ,
s'il étoit homme de coeur , ils se verroient l'épée à la main.
donien. Dioxippe ne fit que rire de cette bravade, & accepta le déffi. Le jour d'aprés
QXurt. /.p. le Roy voïant qu'ils étoient aussi échauffez que la veille, & qu'il ne pouvoit
les détourner de leur deflèin* leur permit enfin de se battre.
Le Macédonien parut armé de toutes pièces, aïant un bouclier d'ernin,
la demie pique à la main gauche , le Javelot à la droite & l'épée au côté.
Dioxippe vint, aïant un manteau rouge autour du bras gauche , le corps
oiud
oinct d'huile, une couronne sur la tête, & une puissante & noueüse massuë à
la main droite. D'abord Horratus lui lança son Javelot, que l'autre esquiva
en pliant un peu le corps, & tout d'un tems sautant à lui sans
lui donner le
loisir de palier la demie pique dans l'autre main, la rompit par le milieu avec
sa massuë. Alors le Macédonien denué de ses deux armes, commençoit à
tirer l'épée, quand le Grec plus promt vint aux prises, & lui donnant de la
jambe, le porta par terre les pieds en haut; & aprés lui avoir ôté son épée,
lui mit le pied sur la gorge, & haussant la massuë, alloit lui écraser la tête, si
le Roy ne l'en eût empêché.
Les Macédoniens ne virent la vidoire de l'Athénien qu'avec un extréme
déplaisir. Ils résolurent de perdre Dioxippe. On détourna à dessein une
couppe d'or en un festin où il étoit, & on voulut le rendre coupable de ce
larcin. Tout le monde qui étoit à table, jetta les yeux sur lui. Dioxippe
ne put supporter cet affront, il se leva de table, écrivit au Roy, pour lui faire
connoitre son innocence, & se tua lui-même.
Alexandre aïant fait embarquer son armée navale, descendit l'Hydraote, xxxviii
& arriva en peu de tems au confluent de l'Hidaspe & de l'Acesine, & y atten- Ambaffa-
dit Perdiccas, qui venoit avec l'armée de terre. Perdiccas subjugua en chemin deurs des
Ofladiens,
faisant, la nation des Abastanes; en même-tems arrivèrent plusieurs nouveaux desMalii-
vaisseaux, qu'on avoit conflruits dans le païs des Xathres; on vit aussi arriver ens &dcs
des Ambassadeurs des Ossadiens qui venoientse rendre au Roy, Les Am- Oxydra-
bafladeuis des Malliens & des Oxydraques revinrent de même vers Alexandre, ques , vers
& lui firent de grands présens. Il y avoit trois cens chevaux, & mille trente Alexandre.
An du M.
chariots, attelez de quatre chevaux de front ; Arrien ajoûte mille des princi- 367 8.
paux de la nation, qui étoient envoyez pour ôtages 33co. chariots avec ceux avant J. C.
qui les montaient, & qui étoient exercez à combattre de dessus ces chars; de 31a.
plus ils offrirent au Roy quelques robbes de lin, mille boucliersàl'indienne,
cent talens pésans de fer hissant & blanc, des Lions & des Tigres apprivoi-
sez d'une grandeur épouvantable, de grandes peaux de lézards
,
& toutes
sortes d'écaillés de Tortuës.
Il reçut les chariots, mais renvoïa les otages. Il imposa à ces deux na-
tions des Malliens & des Oxydraques, le même tribut qu'elles paÏoientaupa-
ravant aux Arachosiens, & leur donna pour Gouverneur Philippe , dont il
fixa le gouvernement dans l'espace qui est entre les Confluens de l'Inde & de
l'Aceiine. 11 laissa à Philippe toute la Cavalerie Thracienne & autant d'In-
fanterie qu'il en falloit, pour tenir la Province dans la soumission. De plus
il fit bâtir une ville sur le Confluent de ces deux fleuves , & y fit un port &
des atteliers pour construire des vaisseaux.
Le Roy aïant envoyé Polyperchon avec une armée à Babylonne (a) & XXXIX.
aïant donné ordre à Cratere de descendre par terre sur la rive gauche de des La nation
Sabra-
Plr.de, avec le reste de l'armée de terre & les Eléphans, continua sa route par se
ques
eau vers l'Ocean. Il ne faisoit pas moins de six cens stades, ou de neuf à soum et à
dix lieuës par jour, & cependant il sut plus de cinq mois avant que d'arriver Alexandre
à l'Ocean. (b) La première nation qu'il vit, aprés avoir quitté le païs des Mal- (a)
ssujlin. ,l.i%
liens, fut celle des Sabraques (c) ou des Sambestes, nation puissante & qui
G. 10.
,
Ttt 3 ne
Cb) ne le cédoit à aucune autre des Indiens en valeur. Ils se gouvernoient sélon
Plin. 1. 6. leurs loys en forme
de Republique & avoient levé jusqu'à soixante mille
,
c. 17.
hommes de pied & six mille chevaux, avec cinq cens chariots, le tout com-
-
Cc) mandé par trois braves Chefs. Comme ce païs étoit rempli de villages, sur-
QCurt.l.9. tout le long du fleuve, les habitans voïant de loin la belle ordonnance de la
Hotte du Roy, ce grand nombre d'hommes, ces armes brillantes n'aïant ji-
,
mais rien connu de semblable, crurent que c-étoit l'armée des Dieux qui ar-
rivoit, ou un autre Bacchus, si célébre dans ces contrées. De manière que
courant vers leur armée, ils leurs criérent qu'ils étoient insensez de vouloir
combattre contre les Dieux, qu'il étoit impossible de -compter le nombre de
vaisseaux qui portoient ces hommes invincibles. Tout cela joint à b répu-
tation d'Alexandre, porta les anciens de ce peuple à envoïer cinquante des
plus notables d'entr'eux, pour se soumettre à son obéïssance; --Il leuraccorda
la paix ; On lui offrit de riches présens, & on lui déféra tous les honneurs
qu'on peut rendre a un Héros.
XL. Aprés quatre jours de navigation, il arriva au païs des Sodres, ou des
Alexandre Sogdes, autrement nommez Mafïaniens. Il les reçut à coiiiposition,& com-
arrive au à bâtir une nouvelle ville, qu'il nomma Alexandrie,sur le fleuve Indus.
pays des mença
Sodres, ou Il y fit radouber ses vaisseaux, & donna la Satrapie ou le Gouvernement de
Malfani- de tout le païs, qui est depuis le confluent des fleuves indus & Aceiine, jus-
ens. qu'à l'Océan , à Oxyarthes son Beau-Pere, Pere deRoxane, & Pitiion
An du M. fils d'Agenor
à
y ajoûtant encore le païs qui s'étend sur les côtes de la
' 3678. Mer. ,
ayant J. G.
322. En descendant toujours par eau avec sa rapidité ordinaire, il arriva dans
XLI. les Etats dès Musicans, avant que le Roy du-païs fut informé de Ton expé-
Le Roy des dition. Ce Prince vint faire ses soumissions à Alexandre lui demanda par-
Musicans ,
offre son don de ce qu'il avoit
tardé jusqu'alors à lui envoïer des i\mbaffadeurs,s\:xcu-
pays à sant sur ce qu'il n'avoit pas été informé de sa marche , lui fit prelent de tout
Alexandre ce qu'on estime le plus dans lesIndes, & de tous ses Eléphans. Alexandre
le confirma dans son Royaume, & ordonna qu'on construisît une Citadelle
dans sa ville Capitale , la croïant trés-propre à contenir dans le devoir les
nations voisines.
XLll. Delà il vint avec toute la Cavalerie qu'il avoit sur sa flotte, dans le païs
La nation des Prestes , nation Indienne , dont Portican ou Oxycan étoit Roy ;
Ce
des Preltes Prince s'étoit enfermé dans la meilleure de ses places , avec bon nombre de
est fubju- de guerre. Alexandre l'assiégea & aïant en trois jours emporté la ville,
guée. gens
Curt.l.ç Portican se retira dans la Cidatelle, d'où il envoïa des Ambassadeurs au Roy
Q.
JLrrictnA.6 pour traitter. Mais avant qu'ils fussent arrivez on fit sauter deux grottes
,
tours, par où les Macédoniens vinrent à l'assaut, & tuérent Portican combat-
tant à la bréche avec peu des siens. La forteresse fut donc prise & rasee, &
les prisonniers vendus ; Alexandre abbandonna la ville au pillage, & em-
mena tout les Eléphans. Toutes les autres villes du païs de Portican se ren-
dirent.
XL/Il. Aprés cela le .Roy entra dans les Etats de Sambi Roy des Brachmanes,
Conquête
du pays nommé autrement S,« mi, ou Sabba, ou Ambife , car les Hiitoriens varient sur
fo n
»
san nom. Ce Prince s'étant sauve, Alexandre s'approcha de sa Capitale
nommée Sindomane, On lui en ouvrit les portes, & les serviteurs du Roy des Brach- des
manes
Sambi lui vinrent offrir l'argent & les Elépans de leur maître disant qu'il Indes-
, ne
s'étoit pas sauvé pour éviter de le voir, mais dans la crainte de tomber entre ÇhCurt.l..
les mains de IHüsican, son ennemi jqré)- qui avoit été renvoie en liberté ArrianJ.t.
par
Alexandre. Il reçut plusieurs autres villes sous son obéïssance; il en assiégea
une qui avoit refusé de se soumettre, & la prit enfaisant miner la muraillet&
faisant entrer ses soldats par la mine dans la ville, au grand étonnement des
Barbares, qui ne pouvoient se lasser d'admirer ces soldats, qui sortoient de
terre au milieu de la Place. Clitarque raporte qu'il y eut 80. mille Indiens
de tuez en cette expédition, & plusieurs prisonniers vendus à l'encan.
Mufican se souleva encore, & Pithon envoïé pour le dompter,prit plusieurs XLlV.
villes & se saisit de la personne de ce Roy. Alexandre le fit crucifier Le Roy
, ; avec Musican
ceux des Brachmanes qui l'avoient engagé dans ce mauvais parti. Les Gymno- est pris &
sophistes Philosophes Indiens, ainsi nommez, parcequ'ils vont toujours nuds, mis en
^
ne souffroient que trés-impatiemment le joug des Macédoniens. croix.
Ils inspirérent Questions
l'esprit de revolte au Roy Sabba. On en prit dix qu'on aména à Alexandre.
Ce Prince leur proposa des guessions obscures& énigmatiques, les proposées
menaça de aux Gym-
mort, s ils ne repondoient jusie,& leur donna pour juge le plus ancien d'eux nolophi-
tous. Il demanda au premier, s'il y avoit plus de morts qui de ''-viv-ins; Il re- stes. ^
pondit,qu'il y avoit plus de vivans,parceque les morts ne sont plus. Au sécond Plutarch.
Laquelle des deux,de la terre ou dela mer engendrait de plus grands animaux?• in Aleôcan-
-dro P. 701.
Il repondit; La terre, parceque la mer sait partie de la terre. Au troisiéme':
Lequel de tous les animaux est le plus rusé ? Il répondit: Celui
que l'homme
n'a pas encore Connu. Il demanda au cinquiéme d'où vient qu'il avoit
porté le Roy Sabba à se revolter ? Il répondit: Afin , qu'il vécût hon-
avec
neur, ou qu'il mourût malheureux. Aprés les avoir tous interrogez, le Roy
demanda au plus ancien qu'il avoit établi Juge, qui étoit cerui des dix, qui
,
lui iembloit avoir le plus mal repondu ; Il en nomma quelqu
Alexandre ajouta : Vous mourrez tout le premier, puisque uns , &
vous jugez de la
sorte: Le Gymnosophiste répliqua : Vous me pardonnerez, Sire, à moins
que vous ne vouliez palier pour menteur ; Car vous avez promis de faire
mourir celui qui répondroit le plus mal. La plupart de leurs reponses qui
sont rapportées par Plutarque, sont aussi obscures
que les demandes.
Alexandre les renvoya comblez de présens.
Enruite il envoïa Onesicrite Philosophe Cynique, inviter des Phi- XLV.
ceux
losophes Indiens, qui sont les plus célèbres, & qui vivent solitaires & éloig. Calanusi
nez du tumulte du monde, à le venir visiter. Calanus un de ces Indiens lui Philosophe
fndien,
répondit d'abord qu'il ne lui parleroit point, quand même il seroit envoie de vient vici-
Jupiter, à moins qu'il ne quittât ses habits. Dandamis autre Philosophe In- ter Ale-
dien, repondit avec moins de hauteur, & reconnut Socrate, Pythagore xandre.
que
& Diogéne lui paroissoient de grands hommes, mais trop attachez An du M.
aux loys 367ÎS.
D'autres racontent qu'il dit seulement ; Qui vous a donc obligé, Alexandre'
avant J. <5»
a hure tant de chemin pour venir dans les Indes ? Pour Calanus le Roy 122* -
Taxiles le détermina à se rendre auprès d'Alexandre.. Le ,
nom de Calanus
doit
étoit Sphinés. Mais comme il ialuoit ceux qu'il rencontroit, en leur disant
Cale, les Grecs lui donnérent le nom de CaUnus. On dit que pour montrer
à Alexandre, que s'il vouloit contenir ses Etats en paix, il devoit ne pas s'é-
loigner de leur centre; il fit apporter un cuir sec , lorsqu'il marchoit sur
ses extrémitez, tout le contour s'élevait; quand il étoit au milieu, toute
la
pièce demeuroit immobile. Calanus s attacha a suivre Alexandre, & il cil
sera parlé dans la suite.
XLF7. Alexandre s'étant rembarqué sur le fleuve d'Inde, arriva en quatre jours
Si ége de à la ville d'Harmatilie, qui étoit aux Brachmanes,
& dont le Roy s'appelloit
la ville Samus. Les habitans de la ville fermèrent leurs portes, & Alexandre envoïa
d'Harmati-
contre eux cinq cens Agriens, avec ordre de s'approcher des remparts, puis
lie, fléches à attirer l'ennemi hors de sa ville, lequel ne
empoifon- de se retirer peu peu , pour ,
nées. manqueroit pas de les suivre, quand il les verroit fuir. Donc, après quelques
QÇurt. 1.9. légères escarmouches, ils prirent la suitte , & les Barbares les poursuivant a
l'étourdie, donnèrent dans l'embuscade où le Roy étoit en personne. Toute-
fois ils ne laissérent pas de se bien défendre; en sorte que de trois mille qu ils
étoient, il y en eut six cens de tuez , niille. prisonniers , le relie lut. rechJ{fé
dans la place. De la part des Macédoniens, il eut plusieurs ble{fez, dont la
plupart moururent, parceque les Indiens avoient empoisonnez leurs flèches.
Ptolemée fils de Lagus, qui étoit fort considéré d'Alexandre, fut blessé allez
légèrement à l'épaule, mais comme les Médecins, qui ne lavoient pas que
les flèches eussent été empoisonnées, n'y pouvoient apporter de remede
effi-
son lit auprés de Ptolemée, s'endormit, &
cace , le Roy s'étant fait apporter Dragon, portant à la gueulé une herbe qu il lui
en dormant il vit en songe un
avoit présentée, comme un remède contre ce venin. On chercha 1 herbe,
& le Roy l'aïant reconnue, l'appliqua lui-meme sur la playe; La douleur rut
annaisée sur l'heure, & Ptolemée fut guéri en peu de jours. Strabon croit
qu'on inventa cette fable , pour faire honneur au Roy de la guenlon de
Str-aboI.I!j. Ptolemée qu'il aimoit.
P'723' La ville d'Harmatilie se rendit bientôt, & Alexandre pardonna aux ha-
XLVII. Mœris Roy des Pattaleniens vint dans ce même tems se rendre à
Mœris Roy Qitans.
Alexandre tout son païs. Le Roy le renvoya avec ordre de préparer
' des Patta- avec
leniens se toutes choses pour la réception de son armée , qui devoit bientôt arriver
rend à Ale- dans ses Etats. Mais à peine eut-il fait trois jours de navigation, qu'il apprit
xandre.
Mœris aïant assemblé beaucoup de troupes, avoit abbandonne sa ville,&
que
s'étoit sauvé dans les montagnes. Ce qui l'obligea de hâter sa marche. Il
arriva dans le païs de Mœris sur la fin de Juillet , & au commencement du
dixieme mois de sa navigation. Alexandre prit sans peine Avilie & le pais des
Pattaleniens. Il y trouva abondance de bétail & de provisions. On prit
Quelques païsans, qu'on relâcha, pour aller dire aux autres, qu'ils pouvoient
toute seureté retourner dans leur pays, & cultiver leurs terres a l'ordi-
en voir l'Océan,
naire; plusieurs revinrent en effet. Alexandre brûloit d'en vie dedu Tigre & de
& de remonter par le Golphe Persique aux embouchures
l'Euphrate. Il continua donc sa marche par le fleuve d'Inde, qui se décharge
dans l'Océan. Ce fleuve se partage en deux grands bras,qui retiennenttous
deux le nom d)Tnde, & qui forment entre deux une espéce d'Ile triangulaire, Sirabo
dont les cotez ont de long deux mille stades , & la base mille ou 18. cens p.70I.
Stades. Cette Isle s'appelle Pattaléne, du nom de la ville principale qui s'y Plin.l. 6.
rencontre. c. 21.
Arrian.l
Le Roy aïant choisi ce qu'il avoit de meilleurs vaisseaux & de plus vîtes, XLVIl/. Ç
& aïant pris de bons guides, s'embarqua & continua sa route par le bras droit Alexandre
de l'Inde, aïant donne ordre à Leonat de le suivre par terre, avec mille chevaux approche
& environ huit mille hommes de pied. Le lendemain de son départ il s'eleva de l'Océan.
du M.
une tempête, qui brisa quelques vaisseaux de ceux qui étoient à trente rangs An3678.
de rames, & en nialtraitta plusieurs des autres, ce qui obligea Alexandre de avant J. -6.
demeurer assez long tems en cet endroit, tant pour les raccommoder &
-pour en fabriquer d'autres , que parceque ses guides s'en étant fuïs, il fallut
en chercher d'autres ; & ne s'en trouvant point, il ne laissa pas d'aller sans
conducteur, s'exposant avec tant de braves hommes à la mercy d'un fleuve
-inconnu. Ils avoient deja fait quatre cens stades, quand les Pilotes lui dirent
qu'ils commençoient à sentir l'air de la Mer, & qu'il leur sembloit que l'Océan
n'étoit pas loin. A cette nouvelle tréssaillant de joye, il encourage les Ma-
telots à ramer de toutes leurs forces, & aïant mis quelques gens à terre, il fit
chercher quelqu'uns, pour savoir combien ils étoient éloignez de la Mer.
Aprés avoir bien cherché, on en trouva quelques païsans cachez dans des
-Cabanes, qui répondirent qu'ils n'avoient jamais ouï parler de la Mer, mais
qu'il y avoit à trois journées delà une eau amére qui corrompoit l'eau
douce. On comprit aisement que par là ils desjgnoient ,
la Mer sans la con-
l1oÎtre.
Au troisiéme jour ils trouvérent que l'eau de la Mer commençoit à se
péler à celle du fleuve, & comme ils descendoient avec un peu plus de peine, Les XfLlK.
soldats
ii cause que la marée remontoit, ils abbordérent à
une autre Isle assise encore d'Alexan-
iau milieu de l'eau, & coururent aux provisions, sans prévoir ce qui leur devoit dre igno-
arriver. Sur la troisiéme heure du jour, ou environ neuf heures du matin, rent la na-
•îe flux revenant a son ordinaire, ne fit du ture du
commencement qu'arrêter le cours flux &
de la rivière mais aprés il le repoussa avec tant d'impétuosité qu'elle reflux de
,
•broufsa plus vite , re-
^
que ne roûle un torrent dans une vallée. Les soldats ne laMec.
làvoient ce que c'étoit du flux & du reflux de l'Océan ; de sorte le
venir, que
voyant ils crurent que c'étoit un signe de la colére des Dieux, qui vou-
loient punir leur témérité. ^ Cependant la marée aïant haussé les Navires, &
dispersé la flotte, ceux qui étoient descendus courant
le premier vai fléau qu'ils voyoient, y causérent une telle en foule pour regagner
confusion que ni
les Pilotes, ni les Matelots ne s'entendoient plus, & ne savoient à quoi , se ré-
soudre. Les vaisseaux commencèrent à s'entrechoquer & à se briser Les
uns étoient échouez ; Les autres étoient en pleine eau, sélon la situation -

des lieux que la Mer avoit inondez, toute la campagne paroissant qu'une
Mer. Les voyageurs remarquent encore aujourd'huy ne
., que la marée esi:
extraordinairement grande sui' le bord de Cambaïe, oÙ l'Inde se dégorge dans
l'Océan. $
Bientost aprés le reflux fit retirer les eaux, avec la même impétuosité
'qu'elles étaient venuës. Alors les vaisseaux demeurez à sec, tomboient les
champs étaient semez de hardes,
uns sur la prouë, les autres sur le flanc ; les
de rames brisées, d'ais fracassez, comme aprés un grand orage. Cependant
la. nuit étant venue, laissa toute l'armée dans de grandes inquiétudes. Le Roy
fut toute la nuit sur la dune,ou sur le tillac à donner ses ordres. 11 fit radouber
ses vaisseaux, envoya des Cavaliers jusqu'à l'embouchure du fleuve, pour don-
bientôt!: à toutes bri-
ner avis du flux, quand il reviendroit. Ils retournèrent
des, & la Mer après eux. D'abordelle revint fort doucement, & ne fit que
soûlever les navires ; Mais ensuile elle remit en pleine eau toute la flotte au
grand étonnément de tout le monde, qui ne pouvoit comprendre d où pou-
voit revenir une telle quantité d'eau. En meme tems Alexandre envoya deux
vaisseaux des plus legers pour aller à la découverte & lui donner des nou-
velles de risle où l'on disoit qu'il devoit descendre, avant que d'entrer dans
l'Océan. On lui fit raport qu'elle étoit grande, commode, aïant de l'eau
douce & de bons, ports ; qu'elle se nommoit Scillefta, ou Scillustis. Aulli-
toit il donna ses ordres pour y mener la flotte dans l'Océan. Il s'avança deux
cent stades audelà de cette Isle , & en découvrit une autre qui étoit déjà
située dans la Mer, à la longueur de deux cens ttades.
L. Delà il retourna à l'Isle où sa flotte etoit arrivée, & se voyant au comble
Sacrifices de ses souhaits, il sacrifiaaux Divinitez, auxquelles il disoit que Jupiter Am-
qu'Alexan- lui avoit ordonné d'offrir des sacrifices. Le lendemain il se rendit dans
tire offre mon
Dieux l'autre Isle qu'il avoit veuë dans la Mer, & y offrit de nouveaux sacrifices &
aux
Marins. d'autres hosties à d'autres Dieux, que ceux à qui il avoit sacrifié le jour pré-
1 An du M. cédent, disant toujours qu'il ne faisoit qu'exécuter les ordres de Jupiter Am-
g678- Enfin il s'avança en pleine Mer & y jetta des taureaux qu'il avoit im-
nion.
avant J. C. molez à Neptune & aprés y avoir fait les libations ordinaires, il y jetta les
juflin. LI2. coupes & les bassins d'or, dont il s'étoit servi, priant les Dieux
322. , Matins d ac-
JLe. corder à sa flotte un heureux passage. Justin dit qu'en mémoire de ses grands
exploits, il bâtit la ville de Barce surles bords de l'Océan, & qu'il y érigea
des Autels. Diodore de Sicile parle aussi des Autels qu'il dressa en 1 honneur
de Thetis & de l'Océan- Q. Curce dit qu'il sacrifia aux Dieux de la Mer &
contrées.
aux Divinitez tutélaires de ces Indus & revint la ville de Pattala; il y trouva
Ll- Delà il remonta le fleuve à
Alexandre la Citadelle achevée, & Pithon de retour des expéditions, où il l'avoit envoyé.
revient a. Il laissa une partie de sa flotte à Pattala, ville qui est encore aujourd.huy
l'atula. sous ce nom par les peuples du Cambaye, & qui eit situee a l'endroit
connue dans
où l'Indus se partage en deux bras. Pour lui, il descendit de nouveau
l'Océan par l'autre bras de l'Indus, c'est-à. dire par le Canal qui est a gauche;
afin de reconnoître lequel des deux bras était le plus aile. Etant allez près
de l'embouchure de ce fleuve dans l'Océan, il laissa Leonat avec une partis
de l'armée & des vaisseaux dans un lac, qui est formé parles eaux du fleuve,.
& descendit avec quelques vaisseaux dans l'Océan, & reconnut que cet.en..
droit étoit plus propre pour y fdire. descendre so^i année...
'w
11 débarqua' avec quelques Cavaliers, & marcha trois jours sur les bords de bâtit 1/7.
reconnoître la nature. Il fit creuser plusieurs puits, afin d'y Il la
la Mer pour en y
Enfin l'Indus, ville de
trouver de l'eau pour son armée navale. il remonta pour venir Potana.
rejoindre sa flotte à Pattala. Il la fit descendre jusqu'au lac dont nous avons (a)
parlé, & y fit faire un port, des Arsenaux & des Magazins, & meme y bâtit Vide User
'la ville de Potana Ca) afin d'y tenir use garnison pour la
seûreté de la naviga- Chronolog.
amasser des provisions ad.ran.mun-*
tion. Il s'y appliqua à faire des Magazins & à pour qua- Ex
tre mois ; & envoya Leonat sur les côtes de l'Océan avec des troupes, pour .Arrian,
que l'armée de terre trouvât de l'eau sur sa route.
y creuser des puits', afinPattale, 1. 6. Diod.

Il partit enfin de & vint avec quelques vaisseaux au païs des /. 3. Agu-
le fleuve Arbis Arabe les Arbites habitent entre l'Indus & le thar. Vids
Arbites, sur ou i
Arbis, & sont tous;les derniers peuples Indiens, aïant pour voisins les Apud Pho*
fleuve tium
Orites, qui parlent une autre langue que l'Indienne. Les Arbites sont un aoç. C.51.
peuple libre & indépendant, qui n'étant pas assez puissant pour résister à LIII. Arbites
Alexandre, ny assez lâches pour se soumettre volontairement à son empire, Les se rendent
ie retirèrent dans les Montagnes. à Alexan-
Les Pattaleniens voyant Alexandre éloigné, se revoltérent & chasséreat dre.
Nearque avec ceux qui y étoient demeurez avec lui. 11 partit de Pattale, au
commencement du Printems, aprés avoir brûlé les vaisseaux inutiles, & vint
par terre dans le païs des Arbites ou des Aribes. il
Aïant passé le fleuve d'Arbis ou d'Arabe, traversa pendant la nuit un zjr.
païs stérile & solitaire,& arriva le matin dans une contrée cultivée & habitée, Il fait la
àlors il prit sa Cavalerie, & aïant ordonné à l'Infanterie de le suivre, il s'avança conquête
païs des
dans le païs des Orites , occupant le plus de terrain qu'il étoit possible. 11 du Orites.
tailla en piéces tout ce qui voulut faire résistance, & fit plusieurs prisbnniers. An du M.
Il trouva au milieu du païs une riviére, sur laquelle il campa. Ensuite aïant 3679.
partagé toute son armée en trois corps , il ordonna à Ptolemée de faire le avant J. G.
dégât sur les côtes de la Mer, & à Leonat d'en faire de même dans le conti- 32.1.
nent ; Pour lui, il parcourut les montagnes & les lieux d'alentour. Le soldat
fit partout un' riche butin, & tua une infinité d'ennemis. Hephestion etant
arrivé sur ces entrefaites avec le gros de l'armée, le Roy marcha vers Rham-
bacie , qui est le plus grand village des Orites ; & y aïant trouvé un lieu
fort commode pour un port, il ordonna à Hephestion d'y bâtir une ville,
qu'il nomma Alexandrie, où l'on mit une colonie d'Arachofiens.
Delà il marcha avec sa Cavalerie, ses Archers à cheval, ses Argyraspides, LV.
& la moitié des Agriens, vers les frontières des Gedroliens & des Orites, qui Il vient a»
s'étoient joints, & occupoient des défilez fort étroits, pour lui en disputer pais des
l'entrée. A son approche la plupart prirent la fuite, & les Chefs des deux Gedro- Gens.
nations vinrent se soumettre avec leur païs. Le Roy leur ordonna de An du ML
faire lavoir aux Orites de retourner dans leurs maisons, & qu'on ne leur y 9679.
feroit aucun tort. Il laissa pour gouverner ce païs, Apollophanez, & lui don- avant J. CL
na pour ajoint Leonat, accompagné des Aériens, dç quelques Archers à cheval 32.L.
& de bon nombre de Cavalerie & d'Infanterie Gj-éque, qu'il avoit à sa solde.
Il leur recommanda d'y attendre la flotte , d'y-régler toutes choses, & de
faire en sorte, que la nouvelle ville qu'il y avoit bâtie., fût bientost peuplée.
Arr;an.l.g.. Delà il entra dans le pays des Gedrosieas, qui étoit presqu'entiérenlent
Sir.ahsJ.L%r desert. Les Aromates & les plantes Aromatiques y sont si communes, que.
les soldats s'en servoient pour couvrir leurs loges & pour le coucher dess'us ;
Les Phéniciens qui suivoient l'armée pour trafiquer, chargèrent leurs bêtes de
Myrte & de Nard, & l'air étoit tout embaumé de l'odeur de la racine du Nard
'lue les chevaux en marchant fouloient aux pieds. Mais au relie ce pays.
etoit trés-stérile & trés aride, & le Roy qui vouloit tout voir par lui-même,
& qui avoit envie sur toutes choses que son armée ne manquât point d'eau
douce, fit creuser des puits par toute la côte , & examina tous les endroits
où l'on pourroit faire des ports ; Il n'eut pas moins d'attention à procurer
du blé à sa flotte, en aïant ramassé une assez grande quantité dans cette partie
de la Gedrosie qui est cultivée ; Il les cachetta de son Sceau dans les sacs où
il le fit mettre, afin qu'on n'y touchât pas, & qu'on le transportât jusqu'au
bord' de la Mer. Mais ses soldats & ceux mêmes à qui il avoit confié la garde
de ce blé furent obligez de rompre ses sceaux & d'ouvrir les lacs, dans
,
l'extrême nécessité où ils se trouvèrent. Alexandre leur pardonna sans peine,
mais il ordonna à ceux du pays de fournir du blé autant qu'ils pourroient, Se
exhorta les marchands à en chercher de toutes parts.
LVl Bientôt!:sa flotte arriva sur ces côtes, & mit suries vaisseaux de la provi-
Bicommo* sion pour dix jours. On assure qu'Alexandre souffrit plus dans la Gedrosie,
6iitez que qu'il n'avoit fait dans tout le reste de ses expéditions dans l'ACie; Ensorte qu'il
souffrit perdit plus de trois quarts des troupes qu'il avoit amenées des Indes, les uns
Alexandre, y
dans laGe, étoient morts de maladie , les autres de faim , ou de mauvaise nourriture,
thosie. les autres brûlez par les ardeurs du Soleil, on ensevelis dans les sables mou vans ;
Nearque qui commandoit la flotte d'Alexandre, raconte que ce Prince n 'igno-
roit ni les dangers, ni les incommoditez de cette marche par la Gedrosie, &
qu'il s'y engagea exprés aïant sû que Semiramis & Cyrus avoient autrefois
,
fait le même voyage ; & que la première en étoit revenuë, n'aïant plus que
vingt hommes, & l'autre n'en aïant plus que sept ; que l'envie de les surpar.
fer, lui avoit fàit entreprendre de faire passer son armée par ce même pays,&
d'en ramener encore un nombre assez considérable. Etrange effet de la va-
nité & de l'ambition d'un homme, qui sacrifie ainsi à ses delirs, des milliers
d'hommes, qui lui sont dévoüez & ses meilleurs amis.
Ses guides aïant perdu le chemin, parcequel'on ne pouvoit plus diflin-
guer les pas sur le sable qui avoit été agité par les vents, Alexandre jugea par
conjedure qu'il falloit prendre sur la gauche ; Ainsi aïant pris quelques Ca-
Strab'o -1.1 ?; valiers avec lui, il se mit à chercher le bord de la IVler. Mais la fatigue &
Tr 722. l'extréme chaleur aïant obligé une partie de sa troupe à s'arréter en chemin,
ArrianJ.y, il continua sa route suivi seulement de cinq Cavaliers, & arriva
au bord, où
aïant fait creuser des puits & trouvé de l'eau douce, il en fit incontinent don-
ner avis à son armée, qui voyagea pendant sept jours sur la côte, aïant de l'eau
en abondance ; Apres ce tems les guides reconnurent leur chemin, & mcné-
*%
rent l'armée plus avant dans le continent. Il arriva enfin à Pure Capitale des.
Gedrosiens, soixante jours aprés qu'il fut sorti du pays des Orites. 11 y ht.ra^
ftaichir sei troupes épures Par tant de Mgues..
ii
Il quitta le païs des Gedrosiens, pour entrer dans la Carmanie. Menon LVU:
Gouverneur des Arachosiens étant mort, il lui donna pour successeur Sibyr- Il entre
la
tius avec le titre de Gouverneur d'Arachofie & de Gedrosie. Avant Ion. départ, dans Carmanie»-
il avoit eu soin d'envoyer veis les Satrapes des Parthes, de la Dragiane & de An du M.
l'Ariane, avec ordre de lui envoyer en toute diligence des chameaux, des 3679.
Dromadaires, & autres bétes de sonime, chargées des toutes sortes de provi- avant J.
fions de bouche pour l'armée sur les frontiéres de Carmanie. Ce qui fut
, de même une quantité prodigieure de tou-
ponctuellement exécuté. Il reçut %
tes sortes de provisions, envoyées par les Roys des Indes, qui lui obéïflbient.
Alexandre prit une partie de ces bêtes de somme pour remplacer celles qui
étaient mortes dans le chemin. Il fit raccomoder les armes de ses soldats, &
reçut quelques recruës d'Infanterie & de Cavalerie. Craterus l'y vint joindre
avec le relie de l'armée ; plusieurs Satrapes s'y rendirent aussi, afin de lui ren-
dre leurs services. Pour témoigner auxDieux sa reconnoissance, pour l'avoir
si heureusement tiré de la Gedrofie, & pour la conquête des Indes, il leur offrit
des sacrifices d'actions de grâces, & célébra des jeux de Musique & d'exerci-
ces, proposant des prix à ceux qui s'y distingueroient.
Quelques uns Ca) écrivent, que pour imiter Bacchus, qu'on disoit avoir fait LVI1r..
la conquête des Indes Alexandre voulut à son. exemple triompher de ces Triomphe;
, d'Alexan-
nations d'une manière singuliere, en faisant joncher le chemin par .où paisoit dre dans
ion armée, de fleurs & de verdure , ordonnant qu'à toutes les portes des les Indes
maisons on tînt toujours prétes force tasses pleines de vin & qu'à-tous les imité H.ü:'> '
,
carrefours on eut d'es tonneaux désoncez, où l'on. pût puiser largement à. celui de:
boire. Aprés il fit equipper des chariots fort vastes, qu'il fit couvrir en forme. Bacchus.
de tentes, les uns de fin lin, les autres de riches tapis, & les aïant chargez Diod. Ca)
}kul...
de ses Officiers & de ses soldats , aïant des couronnes & des chapeaux de' Plutarch..
fleurs sur la tête, il les fit marcher au son de toutes sortes d'instrumens & de fJ...urt.,1.fJl10
concerts de Musique. Le Roy était au milieu de ses troupes sur un char
magnifique, chargé de flacons & d'autres vases d'or, excitant les autres par
son exemple à. se divertir à boire, a manger & à faire mille diïïolutions*.
,
L'armée marcha, dit on, pendant sept jours en cet equippage;- Mais Arrien Jtrrian'.Lï*.
rend ce triomphe suspect & douteux , en disant que ni Ptolemée, niAristo.
bule, ni aucun autre auteur*dine de foy de. ceux qui étaient à l'armée, n'en; j
fait mention.
Dans ces entrefaites Nearque & Onesîci-ite qui avoient eu ordre de navi- EDf..
ger sur l'Océan le plus loin- qu'ils pourroient, étant de retour à Oriiius.,-al' Toinbc-aut*'
du Roy
lérent trouver le Roy qui étoit à cinq journées dela dans la ville de Sal111us,. Erythrée». »
où il faisoit représenter des jeux sur le théâtre. Ils lui rapportèrent plusieurs. rrt.
choses, les unes par ouï-dire les autres pour les avoir veuës.. Ils disoient i.l0".
,
avoir reu des Baleines d'une grandeur énorme, qui flottaient sur l'eau com-
me des vaisseaux & qui ensuite se plongeaient dans la Mer avec un bruit:
Horrible; Que. les habitans des Cotes leur avoient appris- que Mer rouget
ne prenoit pas son nan1 de là couleur de ses eaux, mais du Roy Erythrée, om
rouge ; qu'assez prés du bord il y avoit une Isle toute pleine de palmiers, &
caviroii. le milieu du bois une colomne fort-hautr- érigée sUr.lcL tombeau de,
ce Roy, & gravée de caractères dupaïs; Que de tous les vaisseaux marchands,1
qui étoient allé mouIller dans cette Isle , aucun n'en étoit revenu. Le Roy
Tendit grâces aux Dieux pour l'heureux retour de sa flotte. Il o if rit des i'.t-
crifices à Neptune, aux Dieux Marins, à Jupiter Sauveur, à Hercule, à Apollon.
Il fit représenter des jeux de Musique & d'exercice, fit une pompe ou une
procession solemnelle, qui étoit conduite par Nearque, toute l'armée jettant à
pleines mains des fleurs sur ce Chef de l'armée navale.
Le Roy curieux de connoitre encore plus parfaitement la nature & les
qualitez de l'Ocean, renvoya Nearque avec une escorte à la Hotte, & lui
.commanda d'aller côtoïant la terre jusqu'à l'embouchure de l'Euphrate, d'où
remontant le sleuve, ils viendroient àBabilonne. Nearque eut a combattre-
avant que d'arriver à la flotte, plusieurs trouppes de Carmaniens, qui l'aflail-
1ircnt en différens endroits 'jusqu'à deux ou trois fois par jour. Il arriva non
sans danger à sa flotte, & delà à l'embouchure de l'Euphrate, qu'il remonta
ainsi qu'il lui avoit été ordonne.
L}(:. Alexandre toujours occupé^ de vastes desseins, & jamais content de si
Vastes JcC- fortune présente, étoit résolu, après qu'il auroit domté toute 14 région nnri-
feins d'A- l'orgueil de
lexandre. time de POrient, de passer de Syrie en Afrique ,pour abbaisser
Q^Curt. Carthage, contre laquelle il étoit fort animé ; & delà traversant les deserts
/, 10. C. 1.2. de Numidie, prendre la route de Cadis, où étoient les colomnes d'Hercule,
Arrian.l.5. ensuite passer Espagne, puis franchir les Alpes & raser toute la côte d'Italie,
Initio. en
d'où il n'eut eu qu'un petit trajet pour pafser jusqu'en Epire. Il comm nda
donc aux Gouverneurs de la Mésopotamie de faire couppcr quantité de bois
au mont Liban, de le faire transporter à Thapsaque ville de Syrie, pour fabri-
quer des galères de diverses grandeurs, & de les mener à Blbtlonhe. de
Les
Roys de Chypre eurent ordre de fournir de quoi les équipper d'éperons,
voiles & de cordages.
LXI. Comme il dressoit ces préparatifs , il reçut des lettres de Porus & de
Orfine Sa- Taxiles, qui lui donnoient avis qu'Abifares étoit mort de maladie, & que
trape de Philippe son Lieutenant avoit été assassiné, & ses meurtriers chatiez. Si bien
Pasargades qu'il mit Eudemon Colonel des Thraces en la place de Philippe, & donna le
reçoit Ale- Royaume d'Abisares à son fils. Delà il alla à P¡sargade ville de Perse, dont
xandre.
r). Curt. étoit Satrape Orsines le plus grand Seigneur de toutes ces contrées. Il
/.IO. descendoit de Cyrus, & des sept Perses qui mirent sur le Trône Darius fils
jlrrian.l.G. d'Hydafpe. Depuis la mort de Phrasaorte Satrape de Perses, Orlines avoit
adfinem. nation dans l'obéïssance, en attendant que le Roy y eut nom-
Strabo if. contenu cette
mé un nouveau Satrape. Etdnt venu au devant du Roy avec une infinité do
riches presens, confinant en hardes, en chevaux , en chariots enrichis d or
& d'argent, en pierreries, en meubles prétieux, en robbes de pourpre, en
vases d'or d'une pésanteur énorme , & en quatre mille talens d'ai gent
monnoïé il distribua tout cela au Roy & aux principaux de la Cour. Mais
il ne tint ,compte de Bagoas Eunuque duRoy, disànt qu'il honorait les amis
du Roy, mais non pas les Eunuques.
LXll. Ce discours & cette affedatioti lui coûta la vie. Bag08s trouva le secret
Alexandre de rendre Orsines susped
au Roy. Il s'y prit de loin, & la calomnie fut con-
vifitc le sé. duite
duite avec beaucoup d'artifice. Alexandre aïant un jour fait opvrir le sépulcre ptiléredt
de Cyrus, pour rendre aux cendres de ce Conquérant des honneurs funébres, Cyrus.
le trouva tout dérangé. On n'y voyoit qu'un vieu bouclier tout pourri, deux
arcs à la façon des Scy«thes, & un cimeterre; d'autres ajoutent qu'on y trouva
aussi une litiére brisée,sur laquelle étoit posée l'urne qui contenoit les cendres
de Cyrus. Ceux qui avoient violé ce tombeau n'aïant pu briser l'urne qui
-
étoit d'or & trés massive, cassérent la litière, , enlevérent le couvercle de
l'urne, & répandirent les cendres de Cyrus. Alexandre fit prendre les Ma-
ges qui étoient les Gardiens de ce tombeau, & leur aïant fait donner la que-
ition, il n'en put rien tirer, de sorte qu'il les renvoya;
Quinte-Curce raconte que le Roy mit une couronne d'or sur l'urne de LXlll.
Cyrus, & la couvrit de son manteau, s'étonnant qu'un Monarque si puissant Alexandre
fait injuste-
ne fut pas enseveli plus somptueusement ; Que la dessus Bagoas prenant son m'entmolle
tems, faut-il s'étonner, Sire, dit-il, si les sépulcres des Roys sont vurdes,puis- rir Orsines».
que les maisons des Satrapes regorgent de l'or qu'ils en ont tiré ? Pour moy
je n'avois jamais veu ce tombeau, mais j'ay ouï dire à Darius, qu'il y avoit
trois mille talens dedans. Et delà font venuës ces profusions qu'Orfines a
saites à toute la Cour pour se ménager vos bonnes grâces. Alexandre qui
,
étoit deja aigri d'ailleurs, fit arréter Orsines, & peu de tems après Bagoas
aïant suborné de faux témoins, qui déposérent contr-e lui, il l'envoya au sup-
plice, & le fit mourir en croix dans Persepolis Capitale de la Perse.
De Palargades le Roy étoit venu à Persepolis, & y avoit établi Satrape de-
Perse, Peuceste un deses gardes du corps. Ce Gouverneur se rendit agréable
à Alexandre & aux Perses, en,prenant leurs habillemens, leurs moeurs, R ap-
prenant même leur langue : Ce qui lui fut particulier , aucun autre Macé-
donien ne l'aïant voulu faire.
Vers le même tems Nearque & Onesicrite arrivèrent en remontant l'Eu-
phrate, dans la ville de Diridote, qui-ell un lieu de commerce, fameux dans,
les quartiers de la Babilonie. Ils y apprirent qu'Alexandre étoit allé à Susès-
Sur cette nouvelle ils retournèrent en arriére à l'embouchure du Pasitigre, Se
remontant ce fleuve par un païs riche & bien cultivé, aprés avoir fait cent:
cinquante stades,ils s'arrétérent pour attendre la réponse de ceux qu'ils avoient
envoyez pour lavoir ou etoit Alexandre;
Cependant le Philosophe Ca!anus\ dont on a parlé cy-devant, tomba tXlV.;
malade à -Pasargades étant alors âgé de soixante treize ans, lans avoir jamais Mort ex-
,
auparavant ressenti aucune incommodité il ne laissa pas de suivre le Roy traordinai-
,
jusqu'aux frontières de la Susiane; alors craignant re cial'hi-
de tomber entre les mains lafophe-
des Médecins, il pria le Roy de commander qu'on lui érigeât un grand Calanus.
bûcher & que quand il seroit dessus, il y.fit mettre le feu. Le Roy crut Hiod. I 17;-
,
du, commencement qu'il seroit aisé de le détourner d'un dessein si extraordi- Arrian.1.1'"
Plutarch.
naire. Toute fois le voyant inflexible dans sa résolution, il fut enfin contraint in Alexan»'
de lui accorder ce qu'il'demandoit. Mais comme ilavoit pour lui beaucoup dro. Valera
d'estime & de considération, il voulut honorer sa mort d'une pompe funébre, jydaxïm.l.u
qui fut digne de la magnificence d'Alexandre. If fit ranger toute l'armée en c.8.
bataille, avec les Eléphans dans une grande plaine qui étoit proche de la ville An ci a IC.
a ~4Z,.%
da
J. C. de Suses, & ordonna à certaines personnes de répandre sur le bûcher 8c sur
îxl. Calanus tous les plus prétieux parfums. De plus il lui envoya une robbe
de pourpre toute couverte de pierreries, quantité de vaisselles d'or & d'argent
.& force richesses comme pour l'appareil du sacrifice & pour orner la
,
victime.
Calanus s'étant paré de ces magnifiques habits, étoit monté sur le Che-
val que le Roy lui avoit aussi envoyé, mais n'en pouvant suporter la fatigue,
à cause de sa maladie, il se fit mettre dans une litiére, où après s'être cou-
ronné d'un chapeau de fleurs, il commença à chanter des Cantiques en son
langage jusqu'à ce qu'aïant traversé toute la ville, il s'en vint descendre au
pied du ,bûcher. Là aïant fait sa priére aux Dieux, il fit répandre sur sov les
mêmes eifusions, & observer toutes les mêmes cérémonies, dont on a accou-
tumé, d'user aux funérailles des morts. Puis aïant coupé une touffe de ses
.cheveux, avant que de monter sur le bûcher, il prit congé de tous les Ma-
cédoniens, embrassa ceux de ses amis, qui étoient présens, & leur touchant
dans la main il dit qu'après avoir perdu sa santé & avoir veu le Grand
Alexandre il ,ne se soucioit plus de vivre ; Que la, douleur & la mauvaise
conscience , étant les seuls maux véritables de la vie, il avoit plu aux Dieux
.de le rendre heureux, en le préservant de l'un & de l'autre ; Qu'encore qu'il
eût fait tous ses efforts pour conserver sa conscience pure de toutes sortes de
vices, il n'avoit toute fois pu éviter de contracter beaucoup de tâches; Qu'il
alloit les nettoïer dans le feu, dont la peine lui seroit douce, puisqu'il devoit
brûler les liens de sa captivité » & le mettre en état de s'enrôler au Ciel &
de revoir sa patrie. Qu'au reste il les prioit de se rejouïr & de faire ce jour,
là bonne chére avec le Roy, à qui il ne disoit pas àdieu pJrcequ'il le re-
,
verroit dans peu de jours à Babilonne.
Aprés avoir dit ces paroles qui furent comme une prédiction de la pro-
chaine mort d'Alexandre, il distribua à ses amis les présens que le Roy venoit
de lui faire, & ensuite monta gaïement sur le bûcher, d'où il contempla quel-
que tems l'armée, puis se coucha tout de son long,s'agençant le plus honnête-
K

ment qu'il lui fut possible, & enfin se couvrit le visage. Quand on mit le sen
au bûcher, on ouït de tous côtez sonner les trompettes & un grand cri s'éle-
ver dans toute l'armée, accompagné du mugissement effroïable des Eléphans.
Lorsque la flamme vint saisir Calanus, il demeura immobile dans la même
posture, dans laquelle il s'étoit composé, sans donner le moindre signe de
douleur. Alexandre n'aïant pas jugé qu'il lui fut bienséant d'assister à ce
fpe&acle, se retira tout morne & tout pensif dans le Palais.
LXV. On forma des jugemens bien divers sur cette action. Les uns la con-
Jugemens damnèrent comme l'action d'un homme furieux .& intente ; Les autres la
divers sur regardérent, l'effet d'une vani'té aveugle & d'un orgueïl ridicule; Les
la mort de comme
Calanus. autres enfin la louèrent comme une action de courage, & d'une consiance ex-
traordinaire. Alexandre qui aimoit tout ce qui étoit au dessus du commun,ne
pouvoitse lasser de l'admirer.Il honora les cendres de Calanus d'une sépulture
honorable; La vraïe religion & la raison éclairée d-e la foy, ne peuvent envisa-
ger cette mort, que comme l'ouvrage d'un orgueil crinùnel & d'un aveugle-
ment
ment déplorable. Calanus croyoit l'ame immortelle ; il regardoit le Ciel
comme sa patrie, il ne dii'convenoitpas qu'il n'eût contraclé diverses Mouillures
par la contagion du corps, & néanmoins il se flatte qu'une mort volontaire
qu'il se donne, qu'un feu passager, auquel il s'expose de san propre choix, le
purifiera de ses tâches; La vie lui devient ennuïeuse, par la douleur & la ma-
ladie, & il croit que Dieu recompensera sa foiblesse & son impatience; qu'il
aura pour agréable l'attentât qu'il commet contre les droits de saMajesté, en
s'arrachant la vie, dont Dieu seul est le maître ; qu'il guérira par une adion
pleine de vanité, les playes qu'il s'en: faites par son orgueïl. Quel aveugle-
ment!
Il y avoit sept mois qu'Alexandre etoit parti dePatta!e, & qu'il avoit LXVL
Réunion
quitté sa flotte commandée par Nearque & Onesicrite, lorsque cette même de la flotte
flotte vint le rejoindre prés la ville de Suses, en remontant le Pasitigre; Elle d'Alexan-
mouïlla l'ancre prés d'un pont que le Roy venoit d'achever, pour faire passer dre avec
ce fleuve à son armée de terre. Alexandre offrit des sacrifices solemnels & son armée
fit représenter des jeux en actions de grâces, de ce qu'il voyoit ses deux ar- Plin.de terre. •
1. 6.
mées de terre & de iner heureusement réunies. Nearque reçut dans l'armée c. 23.
des honâtors extraordinaires ; Par tout où il alloit dans le camp, tout le
monde -'"envi répandit sur lui des fleurs & des couronnes,
Alexandre arriva enfin à Suses oÙ' Abulite Gouverneur de la ville, au*' LXVll.
lieu des provisions pour la nourriture, des chevaux, lui vint offrir trois mille Alexandre
talens d'argent monnoïé. Le Roy aïant fait jetter cet argent dans la mangeoire arrive à Su-
ses. Il fait
des chevaux qui n'en tinrent compte fit arréter Abulite & perça son fils mourir
, , ,
Oxyatre de sOH Javelot. Arrien écrit, qu'il les fit mourir tous deux, en pu- Abulites <Sc
nition de leur mauvaise administration dans la ville de Suses. Joi1 fils.
Un Etat aussi vaste que celui d'Alexandre & qui étoit gouverné par un LXVI1/.
,
si grand nombre de Gouverneurs de differentes nations, étoit nécessairement Les révol-
sujet à diverses révoltes, où à plusieurs malversations de la part de ces Gou- tez des
Etats d'A-<
verneurs.. On en fit des plaintes de tous côtez à ce Prince, & la sévérité,-qu'il lexandre se
exerça envers les plus criminels, faillit de tout perdre, parceque ceux qui retirent à
fc sentoient coupables de concussion, ouprenoient la fuite avec leur argent, Tenare eu
ou se revoltoient véritablement, & engageoient les troupes étrangères dans Lacoais.
lijur revolte. Pour obvier à ces inconvéniens, Alexandre écrivit à tous les
Gouverneurs des Provinces d'Asie, de casser sur le champ tout ce qu'ils a voie n-t Diod. 1. 1?,
de troupes étrangères à leur solde. Mais ce licenciement de troupes si subit,
remplit toute l'Aile de brigands, qui y commirent une infinité de désordres,
jusqu'à ce qu'enfin ils se rassemblérent à Tenare dans la Laconie, avec les
Satrapes & les Gouverneurs, qui avoient abbandonné leurs Satrapies, &.
sr'étoient enfuïs avec leur argent.
Etant à Suies, Alexandre épousa Statire, fille ainée de Darius, & encore LXIX.
Parysatis la plus jeune des filles d'Ochus. Il donna à son cher Hephestion épouseAlexandre
Dripatis la plus jeune des filles de Darius Soeur de sa semme ; Il fit épouser ti-re filleSta-

,
à Cratere Amestris, fille d'Oxyarte frere de Darius à Perdiccas Atropatis, Darius.
>
fille du Satrape des Médes ; à Nearque la fille de Spitanléne le Ba&rien ; à An du M.
Ptolemée fils deLagus, & à Eumene le Cardien les deux filles d'Ar£abs;ze; la ;679.
J. G»
Tom. II. Xxx premiére avant
;ai»
(4)
première se nommoit Artacame , & la seconde tons. Il ht de même
tes amis & à ses principaux Officiers les filles des plus iilustres
Chares Mi- épouser tous
à
tylen• Hi- des Perses & des Medes. On compte jusqu'à 80. ou 90. ou même cent de
jior. Alex. ces mariages qu'Alexandre fit célébrer dans Suses, en même tems qu'il y cé-
1. X. apud lébroit ses
nôces avecStatire faisant toute la dépense de cette grande céré-
Atkena ,
monie & fournissant les dots de toutes ces personnes. Les l'estins durèrent
DipnoJo- .
phiflæ / 12. pendant cinq jours entiers, & le nombre des conviez
étoit de neuf mille per-
c. 18. Et sonnes, à qui le Roy
fit présent à chacun d'une couppe d'or, propre à faire des
Æ/ian.Tfa- libations. Il fit aussi de très-grandes largesses à tous les Macédoniens, qui
riar.Hflor. épousé des femmes Asiatiques, &les Auteurs anciens (a) ont eu soin
J. 8. c. 7.
avoient
de nous conserver la déseription des fêtes, qui se donnèrent à cette occasion.
Dans le même tems il crut qu'il étoit de sa magnificence de payer tou-
LXX.
Alexandre tes les dettes de ses soldats. 11 leur ordonna de lui apporter un état de ce
paye les qu'ils devoient. Au commencement il y en eut peu qui se
presentérent, craig-
dettes de \ nant que ce ne fût un piége qu'on leur tendît, pour connoître les mauvais
ses soldats. à qui leur solde ne suffisoit pas. Mais le Roy pour leur, ôter ce
Curt. l11enagers,
I. 10. soupçon, leur fit dire,qu'il ne convenoit à un Roy de manquer de parole,
tfuftin. ou de ne pas dire la vérité , & réciproquement,qu'il ne de parole: pas
convenoit aux
Arrian. sujets de soupçonner leur Roy de faux, ou de manque & pour
Plutarch. leur faire voir qu'il alloit sincérement, il fit établir des bureaux par tout le
&c. y
Diod. ficul. camp, où l'on exposa
dix mille talens pour payer les créanciers.
Parmi ceux qui se présentérent pour donner leur déclaration , fut un
nommé Epigenes, qui avoit perdu un oeil au service du Roy Philippe,au siége
de Perinthe. Cet homme feignit d'avoir emprunté une somme coiasidérable,
& en fit la déclaration. Mais la chose aïant été découverte, le Roy le chas-
sa de la cour,-& lui ôta son employ. Cependant comme Epigenes fit mine
de se vouloir ôter la la"vie,il lui pardonna, & lui laissa l'argent qu il avoit touché.
Pour tous les Créanciers qui se présentérent, on leur délivra de l'argent, sans
\ même s'informer de leurs débiteurs ; on se contenta de voir leurs obligations
& leurs contrats. On dit qu'il en coûta au Roy vingt mille talens, d'autres
disent environ dix mille talens ; Le Roy en aïant exposé dix mille, il y en
eut cent trente de reste, selon Diodore de Sicile.
En même tems arrivérent à Suses trente mille jeunes hommes Persiens, &
LXX1. choisis par l'ordre du Koy»
Recrue des des autres Provinces d'Orient, qui avoient été
ïpigorites pour relever les vieux soldats, qui n'étoient plus en état de porter les fatigues
au nombre de la guerre. C1n les avoit choisis à peu prés de même âge, les plus forts &
de trente
de la meilleure mine, qu'on les avoit pu trouver. On les nomma Epigones,
mille. soin de les dresser dans tous les
comme qui diroit Successeurs ; On avoit eu
exercices militaires, & de les armer & habiller à la Macédonienne. Ils vinrent
planter leur camp devant Sures, & s'étant mis en bataille , ils firent leur
LXXll exercice devant le Roy, qui en àfut fort content, & leur fit de grands présens.
Alexandre Aprés cela il donna ordre Hepheition de conduire l'armée de terre sur
descend le Golphe P.rsique ; Pour lui,il s'embarqua sur sa flotte, & descendit avec les
dans !c siens par le fleuve Eulée dans la même l\ler. Etant arrivé allez prés de l'enl-
Golphe
bouchure de ce fleuve, il prit quelques vaisseaux des plus legers, & se rendit
Perfi(]ue,
avec
aTec quelqu'uns de ses amis dans la Mer , qu'il côtoya jusqu'à l'embouchure
du Tigre , puis remonta le Tigre, jusqu'au lieu ou étoit Hephestion avec
l'armée de terre ; Il marcha ensuite vers la ville d'Opis située sur -le même
fteuve,& fit rompre toutes les digues qui y étoient, & que les Perses y avoient
faites, pour empêcher que les ennemis ne remontafsent par eau dans leur
pays ; disant que c'était là des inventions de gens qui n'étoient ny vaillans ny
belliqueux.
Etant arrivé à Opis , il assembla toute son armée , & fit publier qu'il L XXIII.
Il licentie
donnoit congé à tous ceux, qui par lèur âge ou par quelqu'autres raisons, tousjes vé-
n'étoient plus en état de servir, & qu'ils pou voient s'en retourner dans leurs térans de
niaisons ; Que pour ceux qui voudroient rester à son service, il les comble- son armée.
roit de tant de biens, qu'ils seroient un objet d'envie à ceux qui s'en seroient
retournez, & que les autres Macédoniens en seroient excitez à le venir trouver,
pour partager avec lui les travaux & les dangers de la guerre. Ce discours
que le Roy leur avoit tenu dans le dessein de leur faire plaisir, fut pris en
mauvaise part par les soldats. Ils crurent que le Roy les méprisoit, & ne les
renvoyoit que parcequ'il les regardoit comme désormais inutiles à ses desseins,
ils rappellérent tout ce qui leur déplaisoit dans sa conduite ; qu'il alloit véta
à la Persienne, qu'il avoit célébré ses noces à la manière des Perses ; qu'il
avoit mélé parmi ses trouppes des Barbares, tirez des nations vaincues, qu'il
donnoit de grands employs & des Gouvernemens à des Etrangers , qu'il
n'a voit que du mépris pour les coutumes &les maniéres des Macédoniens,
& qu'il avoit donné des armes & des habits à la Macédonienne aux Epigones,
ces nouveaux soldats qu'on venoit de lui amener.
Ils allérent de plus s'imaginer qu'il vouloit établir le siége de son empire LXXIV.
en Asie . & ladeflus entrant en furie, & foulant aux pieds toute diseipline, Sédition de
ils rempliflfent le camp de propos séditieux,- & abbordent le Roy avecinso- l'armée d'Alexan-
lence, ce qu'ils n'avoient jamais fait, & s'écrient qu'il les licentiât tous, lui dre.
montrant leurs visages tout défigurez de coups, & leurs têtes toutes blanches. An du M.
Ni les menaces des Chefs, ni le resped du Roy ne furent pas capable de les 367 9.
réprimer, mais criant & tempêtant lans celle avec une violence militaire, ils avant J. G.
l'interrompoient lorsqu'il vouloit parler, & prote!l:oient hautement qu'ils 321.
ne partiroient point dfjq ue pour aller chex eux; qu'ils demandoient tous
leur congé, qu'il allât '1iIItl combattre ses ennemis, accompagné de IonPère
Ammon puisqu'il méprisoit ses Compatriotes.
,
Comme ils ne se contenoient point, Alexandre saute à bas de son Tri-
bunal en saisit treize de plus 111utins,& qui excitoient les autres il les fait
,
lier &, précipiter dans la riviére. Cette multitude comme forcenée s'appaisa
tout d'un coup : Nul ii'osa ni tirer l'epée, ni résister , ni même dire un seul
mot. Ils rentrérent-mêmebientost en eux-mêmes, & témoignèrent se repen-
tir. Mais le Roy qui ner revenoit pas aisément, se retira dans son Palais,ac-
compagné de ses principaux amis, ne voulant ni boire ni manger, ni permettre
qu'on laissat entrer personne, ni ce jour-là, ni le lendemain.
Le troisiéme jour il fit venir les troupes étrangères, ordonnant que les
Macédoniens demeurassent dans leur camp. Il parla aux premiers, les loüa
de leur fidélité &de leur attachement à sa personne, leur rapella les bienfait?
dont il les avoit comblez, qu'il ne les avoit jamais traittez comme une nation
vaincuë, mais comme les Compagnons de sa victoire, qu'il ne vouloit faire
qu'un empire de cel'ui d'Asie & de celui d'Europe, qu'il leur donnoit les ar-
mes Macédoniennes, & que cy-aprés ils seroient & ses soldats & ses conci-
à
toïens. Il en choisit mille d'entr'eux, qui il confia la garde de sa personne,
donna les premiers commandemens de ses Régimens à des Perses, & fit porter
à leurs Escadrons des noms Macédoniens, accorda à quelques-uns d'entr'eux
le privilége de lui donner le baiser, comme ses pareils.
LXX V. Les soldats Macédoniens aïant appris ces changemens, allèrent par bri.
Les soldats gades trouver leurs Capitaines & les Favoris du Roy,
-tl'Alexan- pour les prier de lui dire,
dre de- que s'il y avoit encore quelqu'uns des leurs qui fussent coupables, ils étoient
mandent prêts de les livrer , qu'enfin toute l'armée s'abbandonnoit à son courroux,
& ohtien, qu'il l'exterminât. Ensuite ne pouvant plus contenir la douleur qu'ils avoient
rentlepar- dans l'ame, ils coururent tous ensemble au Palais en chemise, & jettant leurs
don d e
leur muti- armes à la porte, ils se mirent à crier qu'on les laifHtt entrer, que si le Roy
nerie. vouloit contenter sur eux sa colére, que ce sut dans leur sang, & non dans
leur honneur. Qu'ils ne partiraient point delà, qu'il ne leur eût pardonné.
Ils demeurèrent en cet état pendant deux jours, sans qu'Alexandre les regar-
dât, ni les admît en sa présence. Le troisiéme jour touché de leurs pleurs &
de leur repentance il fit ouvrir les portes du Palais & s'en vint à eux, & se
,
mit lui-même à pleurer assez longtems avec eux. Il se mit en ponure comme
pour leur parler, mais comme ils ne se relevoient point, il leur dit qu'il leur
pardonnoit, & un vieil Officier nommé Callines prenant la parole, lui dit;
Ce qui afflige le plus les Macédoniens, Seigneur, c'est que vous ayez donné
à quelqu'uns des Perses le nom de parens, & que vous leur ayez accordé
l'honneur de vous baiser , pendant que vous reiusez cette grace aux Macé-
doniens. Alexandre l'interrompant, dit à toute l'assemblée, je vous fais tous
aujourd'huy mes parens, & je veux à l'avenir vous donner ce nom. Au même
instant Callines s'approche & lui donne le baiser. Les autres qui étoient les
plus proches, en firent de même, & étant ainsi rentrez en grâces, ils repri-
rent les armes, & retournèrent au camp en chantant un Cantique de victoire.
Delà il fit un sacrifice aux Dieux qu'il honor^ljkplus, & fit publier un
festin public & solemnel, où il se trouva, dit-on, f!11'qu'a neuf mille convi-
ves, le Roy étant à la tête avec les Macédoniens," puis les Perses, chacun
sélon le rang que sa dignité, son employ, ou sa valeur lui donnoient. Le Roy
& tous les conviez burent dans la même couppe , les Devins Grecs & les
Mages des Perses faisant des voeux pour la prospérité & pour la bonne union
des deux empires,& chacun chantant le même Cantique de joïe & de victoire.
LXXVI. Le Roy aïant passé le Tigre, arriva à Charres, & delà en quatre jours de
Alexandre chemin à Sawbane, où il sejourna f pt jours. Ensuite il vint en trois jours
arrive à de marche à Celone, où Xercés avoit établi
Charres & une colonie de Béotiens ; Puis
à Samhan<: se detournant du droit chemin, il se rendit dans la Bagiihme * qui eit un païs
puis à Ce- très-fertile, & rempli de toutes fortes de biens. Dans le même temsHarpa-
lone. Har " gus Macédonien qu'Alexandre avoit établi Intendant des trésors & des Tributs
pagus In- de la
"dela Babilonie, craignant la sévérité du Rby, s'enfuît d'Àsie avec cinq mil- tendant de
la Babilo-
le talens d'argent & six mille hommes de'trouppes qu'il avoit gagnées par nie se sau-
argent. Il lai (Ta les trouppes à Inare dans la Laconie, où d'autres fugitifs ve en Grè-
s'étoient déja retirez, comme nous l'avons dit, & se rendit à Athènes. Anti- ce.
pater & Olympias Mere d'Alexandre le répétèrent, & il n'echapa qu'à force
d'argent, qu'il distrjbua à pleines mains à Demosthénes, & aux autres Orateurs
de cette ville. Il s'enfuit delà àTenare avec les autres fugitifs, qui y étoient
déjà.
Apres cela Alexandre entra dans le païs de Nysée, un des plus célèbres LXXVII.
du monde, pour la quantité d'excellens Chevaux qu'on y nourrit. On assure Alexandre
dans
qu'on y en a veu à la fois jusqu'à cent cinquante ou soixante mille ; Mais vient le pais de
Alexandre n'y en trouva pas plus de cinquante mille, sélon Arrien, ou de Nysée, &
soixante mille, sélon Diodore de Sicile. On dit que des voleurs pendant les en visite
troubles de l'Asie, en avoient volé grand nombre de Juments. Alexandre y les Haras.
passa un muis entier, & se rendit delà en sept jours à Ecbatanes Capitale de An du M.
3680.
1\ledie, dont l'enceinte étoit de deux cent cinquante-huit stades, ou d'environ avant J. G.
trois lieues, à trois mille pas la lieuë. Il y.offrit des sacrifices, y célébra des 320.
jeux & des feitins, où l'on proposoit des prix à qui boiroit le mieux ; & cela
en réjouïssance de l'arrivée de trois mille Artisans, qui lui étoient venus de-
Gréce.
Ces festins & ces excés de boire coûtérent la vie à plusieurs des amis LXXVIll
d'Alexandre, & à Alexandre lui-même. Mortd'He.
Ephestion le meilleur de ses amis phestion
fut surpris de la fiévre pour avoir trop blÎ, & sans se mettre en peine de l'or- ami d'Ale-
donnance de son Médecin qui lui avoit ordonné l'a diette, comme il étoit xandre.
jeune & vigoureux, mangea, un chappon roti & but une grande couppe de
viii froid ce qui augmenta tellement son mal, qu'il en mourut le septiéme
jour de sa , maladie. Sa mort causa une douleur inexplicable à Alexandre.
Il fut trois jours sans boire ni manger, pleurant & se lamentant sans cesse. Il
quitta ses habits ordinaires, se couppa les cheveux, & voulut que non seule-
ment ses troupes en fissent de même, mais aussi qu'ils couppassent le crin à
leurs chevaux & à leurs mulets. Il fit abbattre les crenaux d'Ecbatanes &
des villes des environs, fit pendre le Médecin d'Ephestion & ordonna un
deuïl général dans tout le pays de sa domination, défendant, la musique &les
instrumens dans toute l'armée. Il sit porter le corps de son ami à Babilonne,
dans le dessein de lui dresser le plus grand & le plus superbe monument,qu'il
lui féroit possible.
Euménes qui avoit eu d'assez grands démêlez avec Ephestion, craignant
que le Roy ne crût qu'il se réjouïssoit de sa mort, fut le premier à inspirer à
Alexandre de lui rendre des honneurs extraordinaires, & offrit de lui-même
de l'argent, pour lui ériger un monument. Enfin il se dévoüa lui & ses armes
à l.1 mémoire d'Ephestion.Ce qui fut imité par plusieurs des amis d'Alexandre.
Ce Prince ne donna à personne le commandement de la Cavalerie qu'on
nonmioit des amis, qu'avoit eû Ephestion, & conserva à ce corps le nom de
Regiment d'Ephefhon, & les enseignes qu'il y avoit fait faire.
LXXlX. Pour soulager sa douleur, il -alla faire la guerre aux Cosséens, regardant
Guerre cet exercice de la chasse des hommes, comme un autre auroit fait l'exercice
contre les d'une chasse ordinaire. Les Cosléetis n'avoient jamais été vaincus par les
Cofféens &
anciens Roys de Perse, & de tous les peuples d'Asie, ils étoient les seuls, qui
les Tapy- nlépriso.ient
riens. les forces des^ Macédoniens. Alexandre les attaqua pendant
An du M. l'hyver,& dans un tems où ils ne croyoient pas qu'on pût.pénétrer dansleur
3680. pays, il les battit par tout , & l'on disoit dans l'armée que cette expédition
avant J. G. étoit comme un sacrifice fait aux mânes d'Ephestion. Toute la nation des
320. CosTéens fut obligée de se sotîmettre. Alexandre bâtit des villes dans les
lieux les plus inaccessibles, & revint de ce pays au bout de quarante jours.
LXXX. Bientôt aprés il p a ssa le Tigre pour se rendre à Babilonne.
Les Devins
Mais il
de Caldée marcha fort lentement, pour donner le loisir à son armée de se remettre de
détour- ses fatigues. Comme il étoit à trois cens stades de cette ville c'eit-à-dire
a
nent les Devins de Caldée envoïérentau devant de lui l'un d'eux nommé
,
Alexandre 37)0. pas,
d'entrer à Belephante, pour le prier de ne pas entrer dans la ville, parceque ce lieu lui
Babilonne. devoit être fatal. Nearque lui aïant dit ce que les Caldéens n'avoient osé lui
annoncer, il n'osa pour cette fois entrer dans Babilonne, mais y enVOla plu-
sieurs de ses amis, & se rendit avec son armée à deux cens itades delà,en une
ville nommée Bursia, située 2U delà de l'Euphrate. Là Anaxarque Philosophe
Grec, & plusieurs autres s'efforcérent de lui persuader par des raisonnemens
Philosophiques, qu'il devoit mépriser les prédictions des Devins,comme cho-
ses douteuses & incertaines; en effet il conclut par ce vers d'Euripide que
,
qui sait bien conjeé1urer , est un bon Devin ; & commença à se mettre en
marche. Les Devins le conjurèrent qu'au moins il ne vint pas dans Babi-
lonne par le côté du Couchant, mais du côté de l'Orient. D'abord il déféra
à leur avis mais ayant trouvé des endroits marécageux, qui l'empéchoient
,
d'avancer, il se mit au dessus de toutes les prédictions & marcha droit à la
ville, & y entra par la porte qui regarde l'Occident. ,
LXXXI. Il y reçut des Ambassadeurs de toutes les parties du monde, non seule-
Des Am- ment il en vint de toute l'Asie mais aussi de l'Afrique & de l'Europe ; des
,
ha[adeurs villes de la Gréce, des Thraces, des Illyriens, des Scythes, des peuples d'Ita-
de toutes des Brutiens, des Lucaniens, desToscans ; quelques uns comme
les parties lie, comme asfurent qu'Alexandre
du monde, Aristus & Asclepiades y joignent même les Romains, &
viennent à aïant remarqué leur gravité, leurs mœurs & leur conduitte, augura bien des-
Babilonne lors leur future grandeur. Mais les Historiens Romains ne font aucune men-
trouver
Alexandre tion de cette ambassade , qui n'est nullement probable; des Isles de Sicile &
Diod. 1.17. de Sardaigne, de l'Espagne même & des Gaules, noms auparavant inconnus
p. 62.2.623, aux Macédoniens; il en vint de l'Afrique, des Ammoniens, des Carthaginois,
Arrian.l. 7 des Ethiopiens,& de tous les peuples qui habitent les côtes de la Méditerra-
p.476. née, jusqu'aux colomnes d'Hercules. Il
ne s'étoit jamais rien veu de si pom-
peux ni de si flatteur, & jamais Conquérant n'avoit veu tant de sortes de na-
tions venir reconnoître sa puissance & sa supériorité. Alexandre fit faire un
catalogue de tous ces Ambassadeurs, & regla le tems & la manière dont il les
recevroit. Il donna le premier lieu à ceux qui étoient venus pour offrir des
sacrifices, ou pour des matiéres de religion, ensuite à ceux qui apportoient
des

/
des presens, en troisiéme lieu à ceux qui étoient en contestation avec leurs
voisins. Quatrièmement à ceux qui étoient venus pour traitter d'affaires par-
ticulieres.Les derniers furent ceux qui s'opposoient au rétablissement des Grecs
exilez. LXXXII-
11 se fit dresser un Trône d'or dans les jardins à Babilonne, & des lits sou- Il donne
tenus avec des pieds d'argent, pour y asseoir ses amis, c'est-là où il donna au- audiance
diance aux Ambassadeurs auxquels il s'étudia de repondre d'une manière aux Am-
,
gratieuse, afin de les renvoyer tous contens. Il écouta d'abord ceux d'Elée, baffadeurs
puis ceux d'Ammon, de Delphes, de Corinthe, d'Epidaure, & ainiides autres,
en consideration des Temples fameux, qui étoient dans leurs villes. Aprés
avoir donné audiance à ceux d'Epidaure, il les renvoïa avec de riches presens
& leur dit; Qu'il faisoit ces dons à Esculape quoiqu'il lui eût été fort peu
.savorable, & qu'il ne l'eut pas conservé, tout devoüé qu'il-lui étoit. De
plus il permit aux Ambassadeurs des villes Gre"ques de remporter dans leur-
,
païs toutes les statuës que Xercés en avoit tirées pour les mettre à Babilonne,
à Suses, à Pasargades, ou ailleurs. Quant-a ceux qui étoient bannis des
villes Gréques; il en écrivit en ces ternies à l'Assemblée des jeux Olympiques:
"Le Roy Alexandre, aux bannis des villes Gréques : Nous n'avons pas été
8Jcause de vôtre exil, mais nous le serons de vôtre rappel, excepté toutefois
"les sacriléges & les scélérats. Nous avons écrit à Antipater de contraindre
"par la force les villes qui s'opposent au retour de leurs Citoïens. On re-
marque que ni les Athéniens,ni les Etoliens ne se mirent pas en peine d'obéïr
en cela à Alexandre.
Aprés cela il tourna ses soins à faire les funérailles d'Ephestion. Il s'y ':,LXXXIII
prit d'une saçon à faire connoÎtre à tout son Empire l'extrême affedion qu'il Funérail-" d"Ephe-
portoit à son ami. Il ordonna à toutes les villes du voisinage de contribuër les ssion.
de tous leurs moyens à l'appareil de ses obséques, & fit eteindre par toute la Diod.Sicul.
Perle les feux sacrez qu'on y entretenoit en l'honneur du Soleil, comme il se /.i7. p.62.,.
pratiquoit à la mort des Roys de Perses. Les Chefs de son armée,pour se con- 624.
former à l'inclination du Roy, firent faire des statuës d'Ephestion de matières
prétieuses, comme d'or, d'argent & d'ivoire. Pour lui, il fit venir de tous 1
cotez rout ce qu'il y avoit de plus habiles Architectes, & aïant fait démolir
les murs de Babilunne à la longueur de dix stades, ou de treize cens cinquante
pas, pou«K)urilir des briques & des materiaux aux ouvriers il fit applanir
,
une place de cent-vingt-cinq pas en tout sens, dans laquelle on dreslà l'edi-
sice, sur lequel on devoit placer le corps avec le bucher pour le brûler. Cet
édifice étoit quarré, aiant cent vingt-cinq pas sur chaque face, & de hauteur
cent-trente coudées, ou cent-quatre-vingt-quinze pieds. Cette hauteur étoit
partagée en plusieurs étages dont chacun avoit ses ornemens particuliers.
,
Le premier étage étoit orné de deux cent cinquante quatre prouës de
Navires, accompagnées chacune de deux archers le genoû à terre & en
posture pour tirer, & de plus des statuës armées,hautes de sept pieds & demi. ,
Les entre-deux étoient ornez de voiles couleur de pourpre. Le second
étage étoit occupé par des flambeaux de vingt deux pieds & demi de haut,
Éuarçt au nùlieu, par où l'on les tient, une couronne d'or; à l'extrémité où on
» .

les
les allume, une aigle éployée, & menaçant des dragons, qui étoient au def..
sous tournez vers ces aigles. Le troiliéme étage representoit une chasse de
plusieurs bêtes sauvages. Le quatrième un combat de centaures représenté
en or. Le cinquième des Taureaux & des Lions d'or, placez l'un auprés de
l'autre à l'alternative. Au dessus on voyoit entassées des armes à la Macédo-
nienne, & à la façon des Barbares ; Au haut de l'édifice étoient placées des
figures de Sirénes creuses & capables de contenir les Musiciens qui devoient
chanter les chants lugubres à la louange du défunt. On dit qu'on emploïa
à ces funérailles dix ou douze mille talents. On estime d'ordinaire le talent
à six cens ecus, ou dix-huit cens livres. Alexandre jetta dans le feu du bLl-

JEU .
Var. Rist.
l. 7. c. 8.
cher ses armes, de stor, de l'argent, & des habits prétieux
tenter des jeux d'exercice & de uque, ,
il fit aussi repré-
beaucoup plus superbes que ceux
qu'il avoit représentez jusqu'alors, tant par le grand nombre des aél:eurs &des
combattans, car on dit qu'on en compta jusqu'à trois mille, que par la richesse
Ari-ian-1- 7- des prix qu'il proposi aux vainqueurs.
x
LX,Y V
Apothéose
Vers ce même teins arriva Philippe un des amis du Roy, qui rapporta
prétendu Oracle de Jupiter Ammon, qui portoit qu'on pouvait facrificr
d'EI)hcsti- un
à Ephestion comme à un Heros. Cette nouvelle causa une joïe iticroïable à
on.
1Jiod. 1.17 Alexandre, qui fut le premier à lui offrir des sacrifices, il immola jusqu'à dix
.lJ.rrian./. 7 mille hosties de différentes espéces, & fit un festin solemnel, auquel il invita
toute la multitude. Il écrivit aussi à Cleomenes Gouverneur d'Egypte, hom-
me sans religion,d'édifier des Temples à Ephestion, comme à un Héros, lui
promettant l'impunité de tout le nial qu'il avoit fait, & de tout celui qu'il
pourroit faire, s'il exécutoit en cela son commandement. Bientost on vit
de tous côtez des Temples, des autels, des lieux consacrez à Ephestion. On
jura par son nom, & il n'étoit pas permis de ne pas désérer à ces sermons.
La flatterie & la complaisance qu'on avoit pour le Roy, valurent les honneurs
divins à Ephestion, & le Roy lui-même fut convaincu , du moins il parut
l'être, que son ami étoit élevé au rang des Dieux ; En sorte qu'il sc glorifioit
non seulement de tirer sa naissance de Jupiter, mais aussi d'accorder aux au-
tres le privilege de la Divinité.
LXXXV. L'Arabie a toujours passé pour un païs riche & heureux ; Alexandre of-
Alexandre sensé de ce que les peuples de ce païs n'avoient pas daigné lui envoyer des
résolu de Ambassadeurs, ni lui témoigner la moindre soumission, résolut de gpn rendre
saire la maître, & de les attaquer par Mer. Ce païs étoit alors assez peu connu par
Conquête l'Arabie maritime, ou l'Arabie heureusè n'étoit
de l'Ara- les Grecs, & on publioit que
bie, en fait guéres moins grande que les Indes , & qu'elle avoit plusieurs Isles situées le
faire la dé- long de ses côtes. Pour en être mieux informé, Alexandre y envoya Archias,
couverte. Androsthene & Jeron, avec trois vaisseaux de trente rames, pour parcourir
les côtes de ce païs, & lui en faire leur rapport. Ils partirent de Babilonne&
descendirent le long de l'Euphrate, entrérent dans le Golphe Persique & delà
dans l'Océan, & cotoyérent l'Arabie heureuse. Ils rapportérent que ce païs
s'étendoit bien avant dans l'Océan, & formoit une très-vaste Peninsule.
Alexandre avoit fait venir sa flotte à Babilonne par l'Euphrate, & faisoit
u travailler à un port dans la même ville, pour y mettre ses vaisseaux à l'abry.
Dans
Dans le même tenis il fit construire plusieurs nouveaux vaisseaux j aYant fait
couper pour cela quantité de Cyprés qui étaient dans les jardins du Roy. Il
envoya en Phénicie & en Syrie avec de grossès sommes, pour en faire venir
tout autant de Matelots & de gens de Mer, qu'il étoit possible pour conduire
& monter ces vaisseaux ; & comme on lui avoit rapporté que les Arabes
n'avoient que deux Divinitez, savoir le Ciel & Bacchus, il se flattoit qu'après
les avoir vaincus, il les engageroit à l'adorer comme un troisiéme Dieu, en
reconnoissance de la liberté qu'il leur rendroit, comme il avoit fait aux
Indiens.
Pendant qu'on étoit occupé aux travaux du nouveau port & des nou- LXXXVI
veapx vaisseaux à Babilonne , le Roy s'embarqua sur l'Euphrate, & arriva au Alexandre
fleuve Pallacopas, qui est un bras dè' l'Euphrate, qui se dégorge dans des visite les
marais attenants à l'Arabie. Comme l'orifice de ce fleuve, quand il se sépare tombeaux
de l'Euphrate, étoit trop dilaté & qu'il prenoit plus d'eau qu'il n'en falloit des Roys
de Ferle.
,de la Caldée Alexandre
pour arroser les endroits arides ; changea cette ouver-
ture,& la mit à trente stades delà, en un endroit dont le terrein étoit beau-
coup plus fort & plus solide. Il vit dans ces marais plusieurs anciens sépul-
cres des Roys de Perse. Comme il descendoit par ces lacs, il plaisantoit sur
les prédictions des Caldéens, qui lui avoient prédit que son entrée à Babilonne
lui seroit funeste voyant qu'il étoit entré dans cette ville, & qu'il en étoit
forti sans aucun danger. Or il arriva que son Diadéme emporté parle vent
s'arrêta aprés un roseau qui étoit cru autour d'un des tombeaux des Roys. Un
Matelot se jetta à la nage & le rapporta l'aYant enveloppé autour de sa tête,
de peur qu'il ne fut mouïllé. On le punit sévérement pour avoir osé mettre
sur sa tête le bandeau Royal, & on offrit aux Dieux des sacrifices pour dé-
tourner l'effet de ce présace.
11 revint à Babilonne & recommença à s'y plonger dans les excés du vin LXX'Wl1.
& de la bonne chere ; de telle sorte que les journaux de sa vie que l'on Il revient t
voyoit autrefois, & dont on trouve des extraits dans Plutarque & dansAthe- Babilonne.du
née marquoient jour par jour quand il avoit été pris de vin, & quand il An3681. M.
avoit, dormi tout le jour, pour laisser passer son yvreÍfe. Voyant la ville avant J. G.
de Babilonne dans une situation avantageuse & dàns l'abondance de toutes 19»
choses, il avoit résolu de l'embellir & d'en faire la Capitale de ses Etats. IlL
ordonna pour cet effet qu'on nettoyoit l'endroit, où avoit été autrefois le
Temple de Belus, afin de le rebâtir plus grand & plus somptueux qu'aupa-
ravant. Mais sa mort qui arriva bientost aprés, l'empêcha d'exécuter ce def-
sein.
En même tems il renvoya en Macédoine dix mille ou même, selan IlLXXXVI". congédie
,
justin, onze mille vétérans, qui n'étoient plus en état de servir. Il leur paya dix miMe
non feulement la solde pour tout le tems qu'ils avoient servi, mais aussi pour vétérans.
heul.
tout le tems de leur voyage jusqu'à leur arrivée en Macédoine. , De plus il LDiod.17.
leur fit present à chacun d'un talent, & écrivit à Antipater, qui gouvernoit la ~~~./.
Macédoine en son absence, de leur donner toujours la première place dans Q^Curt. 12. '
les jeux publics, & dans les assemblées, & qu'il leur fut permis d'y assister 1.10.
la .couronne sur ia tête. Il De permit pas que les enfans qu'ils avouent eûs Arrian.l.j.
Tom. II. Yy y des f
464.
des femmes étrangères, les suivissent en Macédoine , de peur qu'ils n'y ci-a;
fanent quelque trouble , promettant néanmoins de les renvoyer , quand ils
seroient grands & accoutumez aux manières Macédoniennes &aux exercices
de la guerre. Le Roy ne put les voir partir sans verser des larmes. Il leur
donna pour Conducteur Cratere qui lui avoit toujours été fort fidéle, & au
cas qu'il arriveroit quelque
chose en chemin à Cratere, qui étoit alors d'une
fente fort chancellante , il lui donna pour second Polysperchon. Plusieurs
des anciens amis du Roy partirent avec eux. Alexandre donna à Cratere
le gouvernement de la Macedoine , de la Thrace & de la Thedulie, en la
place d'Antipater, & écrivit à Antipater de se rendre auprès de lui à Babilon-
prendre la place de Cratere dans le commandement des armées, &
ne pour
de'lui amener des recruës de jeunes Macédoniens , pour remplacer les vété-
rans r qu'il venoit de renvoyer.
LXXXIX. Cratere en partant av.oit reçu des ordres secrets du Roy, de lui taire pré-
Ordres mille vaiflTeaux de guerre tirez de la Phenicie , de la Syrie , de la
donnez à parer Cilicie & de lIsle de Cypre , qu'il destinoit à faire la guerre aux Car-
Cratere, peuples qui sont le long des cotes d'Afrique,
allant en thaginois & aux autres
Macédoi- jusqu'aux colomnes d'Hercules, & dans l 'Espagne, les Gaules & l Italie, jus-
,
jFie. qu'en Sicile., De faire bâtir six Temples magnifiques, a quoi il vouloit em-
faciliter les voya-
Biodor./.18 ployer quinze
cens talens, qu'il disposat toutes choies pour
& le transport des hommes d'Asie en Europe & d'Europe en Afie, anti
ses
de lier un commerce étroit entre les peuples de ces différeiis pais, & les ac-
disposat les ports & les magazins-
coutumer à une même Monarchie. Qu 'ilflotte dont on a parle. Tels etoient
nécenaires.pour contenir & entretenir la
les vastes desseins d'Alexandre; lorsque quelques Ambassadeurs arrivérent
de-
Grèce à Babilonne, lui apportant des couronnes d'or.& disposez a le recon-
naître comme une Divinité nouvelle. Ils lui présentérent leurs couronnes",
Prétres qui [aifoient
aïant eux-mêmes des, couronnes sur la tête,& comme des Alexandre,&
des présens à un Dieu. Tout cela achevoit de gâter l'esprit d
lui persuadoit qu'il étoit au dessus de la condition des mortels.
xc: Il paroissoit comble des bonheurs & des prospéritez, On lui anle-
Nouvelles au
noit de côtez de nouvelles trouppes; & le monde ne lui paroissoit pas"
recrues ve- tous satisfaire son ambition. Peuce te
nuës à Ale- assez vaste pour borner ses desseins & pour
xandrepeu venoit de lui vingt mille hommes de nouvelles trouppes tirées de la.
amener
avant sa Perse, quantité de soldats Cosieens & Tapyriens, qui passoient pour les,
mort. avec
An du M meilleures trouppes de l'Asie.
Philoxene lui amena aussi une armee de Carie
de meme avec une bonne
368 1.. & Menandre une autre de Lydie ; Menidas arriva dans les anciens corps
avant J. G. trouppe de Cavalerie. Alexandre distribua ces soldats
319. remplacer les vétérans qu'il avoit congédiez. On remarque que dans
pour ses amis, il se sentit pressé de la lois, & qui ta-
cette occupation étant assis avec
moment son Trône un homme inconnu perçant la fou e de les
pour un ;
la Ma,elle du Trône
Eunuques, alla s'y aileoir; Les Eunuques par refped pour se frappat la
n'bsérent l'en empécher , mais déchirant leurs habits &On
poitrine & le visage, commencèrent à jetter de grands cns_ ne manqua.
d'en,tirer mauvais Augure &l'on fit mouur cec homme , ahn^.£
pas un. ,
punir de sa témérité,& de faire retomber sur sa tête les effets de ce sinistre
présage..Quelques-Jours
après aïant fait les sacrifïees ordinaires aux Divinitez, XCI.
auxquelles il avoit accoutumé de sacrifier, il fit un grand festin avec ses amis, Alexandre
à table jusque bien avant dans la nuit. Comme il rentroit dans tombe
& demeura Ils malade pu \
son appartement, un Médecin Thessalien l'invita avec ses amis a manger. un excès
se remirent à table tout de nouveau. Ils étoient au nombre de vingt, de vin.
Alexandre but à leur santé, & reçut les santez qu'ils lui portérent. Apres Atbenau s
LX.C.Il. 17.
cela ayant demandé une couppe qui tenoit deux congés , & qu 'on appel- &Lib.Xtt.
loit la couppe d'Hercule ; Le conge Romain contient dix livres de liqueur, 18. (ô
à douze onces la livre, ou six sessiers. Ayant, dis-je, demandé cette couppe" Macrob*
il la but, & porta la santé à Proteas Macédonien , qui la but, & mérita les SaturnaL I. tj.

loüanges de toute l'assemblée, Un peu aprés le même Proteas demanda la


même couppe, & portant la santé au Roy, il la vuida de nouveau.Alexandre Arrian.
c.

accepta le défi, & but la santé, mais la couppe lui tomba desmaladiemains, & s'étant Plutarck.
couché sur son couffin de table , il se sentit frappé de la dont il &<r.
mourut peu de jours après. On n'est pas d'accord sur le jour de sa mort, xcii,
d'autres & d'autres de Mort d'A-
les uns la mettent au 18. d'autres au 19. au 22. au 24. lexandre
May de l'an du monde 3680. avant J. C. 320.. il fut malade dix ou douze le Grand.
Vide Ujflr.'
3°UrS'Le
deuxième jour avant sa mort aiant perdu la parole , le bruit se ré- atate mon-
pandit qu'il étoit expiré. Aussitost les Soldats Macédoniens coururent au di VI.du M.
faisoit An
Palais avec grand bruit, ménaçant d'enfoncer les portes, si l'on ne leur 3680.
voir le Roy' Ils entrérent sans armes & passérent tous l'un a prés l'autre Va 1er.
devant son lit,' entrant par une porte & sortant par l'autre. Le Roy se te- LMaxim.
nant; appuyé sur son coude,présenta sa main à baiser à tous ceux qui défilé- 0.5.Curt., C. 1.

rent devant lui, & demeura constamment dans la même posture ses ,
tant que Io.
toute son armée eût passé devant lui. Aprés cela il demanda à semblable amis qui
étoient au tour de luï, s'ils croyoient pouvoir retrouver un Roy à
lui. Comme ils demeuroient dans le silence, il ajoûta; Je ne le say point.
mais je sa y & je vois , pour ainsi dire, de mes yeux, combien il coûtera de
sang a la Macédoine, combien de monde elle sacrifiera à mes Mânes , com-
bien de combats & de disputes elle verra après ma mort, avant qu'elle m'ait
donné un successeur. Ènsuitte il ordonna qu'on l'enterrât dans le Temple
<le Jupiter Ammon. Et comme les amis lui demandoient a qui il laissoit son
Royaume, il repondit: au plus vaillant. Aprés quoy il tira son anneau de
son doigt & le donna à Perdiccas, ce qui fit juger qu'il lui recommandoitle
soin de les Etats, en attendant qu'on lui remit la tutéle de ses enfans. Per-
diccas lui aïant demandé, quand il vouloit qu'on lui rendit les honneurs di-
vins , il lui dit j quand vous serez heureux. Ce furent, dit Quinte-Curce.
les derniéres paroles de ce Prince, qui mourut par conséquent dans la folle
idée dans laquelle on l'avoit entretenu, qu'il étoit au dessus de la nature des
mortels, quoique l'état où il se voyoit réduit , ne lui fit que trop connoître
la misére, la dépendance & la foiblesse de sa condition.
T. Mace. 1. L'auteur du premier livre des Maccabées dit que ce Conquérant farta#*
sin Rçyaume à ses sèrviteurs, ou à ses Généraux avant sa mort, c'elt-à-direqu'il
le leur laissa à partager comme un Pere qui laisse ,
ion heritage à partager entre
ses héritiers
, ou plutost qu'il leur laissà les gouvernemens des Provinces,
dont ils étoient déja pourveûs avant sa mort. Diodore de Sicile dit que ce
/ Prince avoit fait un testament pour le partage de ses Etats & qu'il l'avoit
,
déposé dans la ville de Rhodes. Quinte-Curce dit aussi que plusieurs avoient
cru qu'il avoit fait le partage de ses Etats avant sa mort, mais il réfute ce l'en-
timent.
Alexandre avoit regné douze ans ; Quelqu'uns lui en donnent treize,
ou douze & quelques mois. 11 étoit âgé de 32. ou sélon quelqu'uns de
trente trois ans ; ou selon Arrien il avoit vécu trente deux ans huit mois, &
en avoit régné douze & huit mois.Il avoit laissé Roxane son Epouse enceinte
Vide-Ujjer. de six ou de huit mois, & il avoit eu un fils nommé Hercule de Barsine, qui
ad An. M. n'étoit pas sa femme légitime. Enfin il avoit un fiere nommé Aridée qui
3680. auroit pu prétendre au Royaume, s'il n'eût pas été imbécille. Mais Olym- ,
piade Mere d'Alexandre lui avoit, dit-on, donné un breuvage, qui lui avoit
si fort affoibli l'esprit, qu'il étoit incapable de On parlera cy-
gouverner.
aprés de sa soeur Cynna.
y cm. Aprés la mort d'Alexandre il s'éleva une contention entre la Cavalerie &
Contesta- l'Infanterie,sur l'état du Gouvernement
tion« dans qu'on établiroit dans l'armée. La choie
l'armée alla si loin qu'on fut prêt d'en venir à une bataille. Aprés bien des débats, il fut
.
tJ'Alexan convenu entre les Chefs, qu'on donneroit le nom de Roy à Aridec trere
dre aprés d'Alexandre que Philippe avoit eu d'une Comédienne,
la mort de nommée Philine. Mais ou d'une Danseuse,
comme il n'étoit pas en état de commander, Perdiccas
«e Pnnee.
à qui Alexandre avoit donné son anneau en mourant, fut chargé du commun.
dément
, en attendant les couches de Roxane. Quant à Hercules fils
d'Alexandre & deBarsine, on n'en tint compte, parcequ'il n'étoit pas né d'un
mariage légitime. On partagea les principaux employs de cette sorte.,
Meleagre fut chargé du soin du camp & des armées le tout sous la dépen-
,
dance de Perdiccas. Le commandement de la Cavalerie des amis dont
Ephestion avoit été chargé fut donné à Seleucus fils d'Antiochus , enfin
Cratere eut l'intendance du ,Royaume & des trésors qui montoient, à cin-
,
'1uante mille talens, & à trente mille talens des tributs annuels.
Pendant tout le tems que durérent ces disputes, jusqu'à ce qu'on eut pris
XCIV. les arrangemens dont nous venons de parler, c'est-à-dire pendant sept jours,
Aridée est selon Justin, ou pendant 30. jours selon Elien (Il) le corps d'Alexandre de-
charge du meura sans sépulture, assis sur son trône, sans corruption ,
sans la moindre
foin des nétrislure. On remarquoit sur son visage des ,
de sa vigueur
Gh(éques encore marques
éll,ilexan- & desonesprit; & les Embaumeurs Egyptiens & Caldéens,àqui l'on donna
dre. ordre de l'embaumer à leur manière, craignoient de le toucher, tant le relbect
(a) qu'on avoit pour lui, même aprés sà mort avoit de fjrce sur leur elprits.
JElian. ,
Rift.
Ils n'y portèrent les mains qu'après avoir prié qu'il leur fut permis de le luire.
Var.
îiau «. 64. Aprés quoi ils remplirent son trône d'or > de parfums , & mirent sur la tête
les
les marques de son Empire. On chargea ensuite Aridée) different d'Aridée,
frére d'Alexandre, du soin de ses funérailles, & de préparer le chariot & les
autres choses nécessaires pour le transporter en cérémonie au Temple de
Jupiter Alnmon,oÙ il avoit choisi sa sépulture. On employa deux ans à ces
préparatifs, & Olympias Mere de ce Prince ne put s'empêcher de dire;enfin, Diûd.f,cul.
mon fils, après avoir voulu passer pour un Dieu, & fait tous vos efforts
cela, vous étes reduit à manquer de ce qui ne se refuse pas aux plus vils 11ar. Hin.
pour Ælian. '
J. 17.

mortels, d'un peu de terre & de la sépulture. /.i?. c. 30.


Roxane étant accouchée d'un fils, qui fut nommé Alexandre inconti- XCV. de
, fils
nent les troupes le proclamèrent Roy. Statire autre femme d'Alexandre & Le
Roxane est
fille du Roy Darius,avoit été mise à mort par Roxane sa rivale, 'de même que proclamé
Dripatis veuve d'Ephestion soeur de Statira. On les attira par des lettres sup- Roy par
posées & aprés les avoir inhumainement massacrées on les jetta dans un l'armée.
,
puit, que l'on remplit de terre. ,
Perdiccas fut complice & témoin de cette An du M.
3681,
cruauté. Sisigambis Mere du même Darius, & qu'Alexandre avoit toujours avant J G.
honoré comme sa Mere, ayant appris la mort de ce Prince, s'abbandonna à 319.
l'excès de sa douleur & se laissa mourir de faim. Ainsi se vérifioit petit à
netic ce qu'Alexandre avoit préveu des maux qui devoient arriver après sa
,
mort.
Perdiccas ayant ordonné une lustration, ou purification solemnelle de XCVh
toute l'armée, tant à cause de la mort du Roy, que pour la divisiôn quiavpit Lustration
été entre les troupes à cette occasion, fit tuer un Chien, & l'aïant couppé en de l'armée
deux parties, en fit mettre une d'un côté & l'autre de l'autre afin que les d'Alexan- dre.
passassent deux. Dans ,
troupes entre cette cérémonie Perdiccas fit séparer du Q. Curt.
relie des troupes trois cens soldats, qui avoient suivi Meleagre, lorsqu'il sor- L x. c. la.
tit de la premiere harangue qui se fit après la mort d'Alexandre il les fit tfuftin.
XlIl. c. 4.
écraser sous les pieds deSt Eléphans à la veuë de toute l'armée &, aux yeux 1. Arrian.
d'Aridée; qui étoit couvert de la pourpre, mais qui n'avoit pas ,
plus d'auto- apud
rité qu'un enfant. Meleagre fut témoin de cette exécution, & demeura en Photium 1 ^
son rang sans branler; Mais ensuitte craignant un pareil sort pour lui-même, Cod pz.&C'
il se retira à l'azyle d'un Temple, où il fut mis à mort.
La mort de Meleagre apporta quelque changement aux affaires géné-
rales, & les Généraux d'Alexandre se partagèrent ses États JCCV11.
sous le nom de Partage
Gouvernement, s'abstenant toutefois par respeét du titre du, Roy, quoiqu'ils des
Etats
en eussent toute l'autorité & toute la grandeur. Lysimaquefils d'Agathocle d'Alexan-
eut pour son partage la Thrace, la Chersonése & les peuples du voiunage dre entre
jusqu'à la ville de Saln1ydesse sur le Pont Euxin., ses Géné-
La Gréce entière, la Macédoine, l'Illyrie, l'Epire les Triballiens & les raux.
Agriens furent confiez à Antipater & à Craterus. ,
Dans l'Afrique Ptolemée fils de Lagus surnommé Soter eut PEsrvDte.
la Lybie , la Cyrenaïque & cette partie de l'Arabie qui confine ,
à l'Egypte.
On croit que Ptolemée étoit fils de Philippe Roy dn Macédoine ArÍinoê
Mere de Ptolemée étant enceinte de lui, fut donnee par Philippe , mariage
en
a un nommé Lagus , homme d'une naissance fort obscure pour couvrir
l'honneur de la Mere. Sur ce pied-là Ptolemée auroit été fils, du même Pere
qu'Alexandre. Yyy 3 Dans
Dans l'Asie mineure, Eumenes eut pour partage laCappadoce,laPaphla-

gonie & les pays qui sont le long du Pont-Euxin, jusqu'à la ville deTrebi.
,zonde.Antigone
fut établi Gouverneur de la Pamphilie, de la Lycie, de la Ly-
xaohie, & de la grande Phrygie.
Leonat eut la petite Phrygie, qui est situee sur 1 'Hellespont.
Menandre eût la Lydie, l'Eolide & l'Ionie,
Cassandre eut la Carie,
Philotas la Cilicie & l'lsaurie.
Laolnédoll de Mitylene eut la Syrie & la Phenicie.
L'Armenie fut donnée à Neoptoleme, la Mésopotamie à Arcesilas, la Ba..
tbilonie à Archon, la Medie à Atropates Beau-Pere de Perdiccas, la Bachïane
& la Sogdiane à Philippe.
Peuceftés fut confirmé dans la Satrapie de Perse ; & dans celle d'Hir-
canie & de Parthie, Phrataphernes ; Tlepoleme dans la Carmanie ; Oxiarte
1

Pere deRoxane dans laBadrienne & dans laParopnmise , Sta[anor dansl'Arie


l'Arachofie &
& dans la Drangiane ; Scynus dans la Susiane , Sibyrtius dans
dans laOnconfirnla
le gouvernement des frontiéres des Indes depuis le fleuve
Paropamise & depuis le confluent de l'Acesine & du fleuve d'Inde , jusqu'à
l'Océan à Pithon fils d'Agenor. Celui des Malliens & des Oxydraques à
Eudeme Chef des Thraces. Le reste de l'Inde fut conservé à Porus, à Taxile
& auTousfilsces
Gouverneurs méprisant l'imbécillité d'Aridée , & la jeunesse
xcviii. d'Alexandre fils de Roxane, ne songérent qu'à s'établir en Souverains dans
Les Gou- leur gouvernement, & à amasser des troupes & des richesses pour resister .a
verneurs leurs voisins. Bientost on vit une multitude de Monarchies s'élever, & dans
desProvin-
s'en- l'Afie & dans l'Europe, & chacun de ces Gouverneurs cherchera s'élever &à
ces
s'aggrandir dépens & à la ruine de son voisin. Ils ne prirent néanmoins
gent en aux
iouverftins le nom de Roy & les marques de la Royauté, que quand il n'y eut plus per-
sonne qui pût légitimement prétendre à la qualité, d'héritier d Alexandre. Le
Lecteur ne doit pas attendre de nous , que nous entrions dans le detail de
les guerres qui se firent dans toutes les Provinces de ce vaste Empire
toutes
<tau'avoit laissé Alexandre. Nous nous attacherons principalement a ce qui
se& nassï en Egypte, en
Syrie & en Macédoine , comme aux trois plus grands
débris de cette immense Mo-
plus célèbres Etats, qui se formèrent du
xclx. narchie. préparatifs qu'on avoit faits pour le convoy du corps d'Alexandre,
Le corps se mettre en
d'Alexan' étant enfin achevez au bout de deux ans , on commença a
dre est marche pour le porter en Egypte. Il étoit enferme dans un Cercueïl d 'or
mené en marteau,& sait exprés à la mesure de son corps. Il baignoit dans
Egypte battu au à moitié la concavité , & le couvercle
des aromates qui en remplissoient
Magniii- qu'il ne s en pouvoit rien écouler.
cence de aussi d'or manu y étoit si bien joint ,
son convoi "toit enveloppé d'un drap de pourpre broche d'or, prés duquel étaient
H
An du M.
06 8 a.
posées les armes du défunt. Le Ciel du chariot ou de la Iitiere, qui devoit avant J. 9.'-
porter le corps , étoit d'or disposé en voute & orné d'écaillé, de différentes Diod. 318.
fieu/.-
pierreries. Ce char long de 18. coudées & large de douze, étoit chargéd'un 1.18. /?.642»'
Trône d'or quarré, & embelli par des têtes d'animaux qui tenoient du bouc
& du cerf, qui mordaient des anneaux d'or de deux palmes ou de douze
doigts de diamètre, d'où pendoient comme des couronnes ou des festons de-
diverses couleurs. Au haut du chariot étoit un rebord en forme de retz, du-'
quel pendoient plusieurs cloches d'or, d'une grandeur considérable, pour aver-
tir de loin par leur son de l'arrivée du convoy.
Aux quatre coins de la voute ou du ciel de la litière, étoient des"
victoires d'or, portant des trophées; Ce ciel étoit suporté par des colomnes-
d'or, avec des chapiteaux de l'ordre Jonien. Au dehors étoit un ouvrage
en forme de retz, dont le tissu étoit de la grosseur d'un doigt ; Les cotez du;
char étoient enrichis de quatre tableaux, dont le premierreprésentoit Alexandre.
assis sur son Trône, le Sceptre à la. main environné de ses Gardes Macédo-
,
niennes & Persiennes ; Le second représentoit la suite du Roy, les Eléphant
armez & montez,par devant par des Indiens, & par derriére par des Macédo-
niens. Le troisiéme représentoit de la Cavalerie , que faisoit les évolutions
usitées dans les combats. Le quatrième représentoit une armée navale, prête
à combattre. Au dessus de la voûte ou du Ciel, qui couvrait la
litière, OŒ
voyoit un grand voile d'or , soûtenu par une grande couronne de palmier
d'or, qui rendoit un éclat merveilleux,étant frappée des raïons du Soleil.
Le chariot étoit porté sur deux essieux avec quatre roues à la Persienne.
Le rais en étoit doré, & les jantes étoient garnies de fer. Les extremitez d&
l'essieu étoient d'or, représentant un Lion qui mordoit une pique. Il y avoit
quatre timons, & à chaque timon quatre jougs de mulets des plus grands
& des plus beaux qu'on avoit pu trouver. Ils étoient au nombre de foixan-
te quatre ; aïant chacun une couronne dorée , & à chaque mâchoire des,
sermettes d'or, & autour du cou des carquans d'or enrichis de pierreries;
& afin que le corps de la litiére ne fut pas ébranlé par les secousses on y
avoit pratiqué un pivot sur lequel il portoit. Il y avoit une grande suite,
de>
personnes, tant pour accompagner le convoy par honneur,- que pour pré-
parer & applanir les chemins; sans compter une infinité de gens qui- accou-
roient de toutes parts pour contenter leur curiosité, par la veuë d'un speâa.--
'cIe si magnifique.
Ptolemée Gouverneur de l'Egypte vint audevant du corps avec son ar- C.
1 Ptolemée
mée jusqu'en Syrie, & l'accompagna avec grand honneur jusqu'à Alexandrie,
où il crut qu'il convenoit mieux lui donner la sépulture qu'au Temple de Gouver-
,
Jupiter Ammon, qui est situé dans une solitude de trés-difficile neur
accez, au lieu CI-'Egypter
qu'Alexandrie étoit dez lors une des plus grandes & des plus considérables dépose- le:
villes du monde. Ptolemée y avoit fait bâtir un Temple accompagné d'un corps d7A-
bois sacré d'une grandeur & d'une magnificence dignes d'Alexandre. Ce lexandre. e
, Alexati«-
fut-là où son Cercueïl fut déposé, & où on lui fit de très-magnifiques funé- drie..
railles, accompagnées de sacrifices qu'on lui offrit,., comme à ula Héros, &
de jeux proportionnez à cette cérert:'Ûnie..
LIVRE:
L1VRE XXII.

7.
PEndant qu'Alexandre le Grand poussoit ses conquêtes dans l'Asie avec
Gaius Mar- la rapidité & le bonheur qu'on a veu cy-devant, il y avoit au milieu de
tius Ruti- l'Italie une République peu connue, qui se formoit aux grandes entre-
lius, & prises & à la valeur, & qui devoit un four renverser la Monarchie des Ma-
(Sneïus
Manlius cédoniens,& former un Empire plus étendu & plus durable, que n'avoit été
Impcriosus celui dont nous venons de parler. Les Romains pendant prez de quatre
Co n lui s. cens ans avoient presque toujours eu les armes à la main , & toute fois
An de Ro- à peine avoient-ils porté leurs conquêtes à dix où douze lieuës autour de
me ,gé,. du leur ville. , Nous les allons voir encore pendant plus de cent ans occupez à
M.
avant J. C. faire Ja guerre aux Samnites & aux Sabins.
Ensuite nous les verrons aux
348. priies avec Pyrrhus, puis avec les Carthaginois, & c'eit-Ià où l'on peut placer
Tit.Liv.I.7 le commencement de la grandeur des Romains.
L'intérêt Sous les Consuls Caïus Martius Rutilius, & Cneïus Manlius Imperiolus,
de l'argent les Tribuns du peuple firent régler les intérêts qu'on tireroit à l'avenir de
prété,fixé à l'argent prêté, & cet intérét fut fixé à un pour cent. Auparavant l'intérêt de
un par l'argent prété étoit arbitraire. Les Patriciens sentirent que cette loy les re-
cent. gardoit. Ils s'en véngérent sur Licinius Stolo, qui avoit toujours été opposé
à la noblesse. Ils l'acculèrent devant le Préteur Popilius Loenas, d'avoir violé
une loy, qu'il avoit lui-même autrefois portée, qu'il nedeseroit pas permis à
un citoïen Romain de posséder plus de cinq cens jours terre; & Stolo en
possédoit mille ; Il est vrai qu'il avoit fait émanciper Ion fils pour lui en don-
que c'étoit pour frauder la loy. Ainli il
ner cinq cens. Mais il étoit visible mille
fut condamné à une amende de dix as Romains.
II. Ensuite on porta la guerre contre les villes de Velitres &dePivernes,qui
Guerre dez l'année précédente avoient pris parti contre Rome. Le Consul Martius
4
contre les marcha contre elles. Il entra d'abord dans le territoire de Piverne Capitale
Pivernates.
des Volsques, & promit à ses soldats le pillage de la ville & du camp des
Pivernates. Les Romains allérent au combat avec une intrépidité extraordi-
naire. Ils poussèrent l'ennemi & le renversérent du premier choc. Il se jetta
dans Piverne , & le Consul se prépara d'y donner l'assaut par elcalade. Les
Pivernates prévinrent leur prise par leur soumissîon ; & le Consul Martius
mérita l'honneur du triomphe. On ne nous dit pas ce qui arriva à la ville
V élitres. -

Le second Consul Manlius fut envoyé contre les Falisques, anciens en-
Défense nemis des Romains, & qui depuis peu s'étoient joints aux Tarquiniens, & les
d-'a trem- Infanterie. Manlius ne fit rien de mémorable contre eux;
bler les tri- avoient aidé de leur
hus horsde Mais il fit une entreprise qui lui attira
du désagrément. Il fit assembler les
Rome. comices par tribus dans son camp à Sutri, & y fit passer une loy , qui avoit
été auparavant agréée par le Sénat ; c'étoit de faire payer au trésor public,le
6
vingtième du prix de chaque esclave que Ton vendroit. Cette démarche du
Consul
Consul, & cette assemblée du peuple dans un camp & hors de la ville, parut
aux Tribuns du peuple d'une dangereuse conséquence. Ils firent une loy qui
-défendoit sous peine de la vie d'assembler le peuple en comices, autre part
qu'à Rome.
Les Consuls de Tannée fui vante furent occupez , l'un, lavoir Popilius H7.
Loenas à la guerre contre les Tiburtins ; & l'autre, savoir Fabius Ambustus M. Fabius
Arnbustus
contre les Falisques & les Tarquiniens. Le premier se contenta de faire le & M. popi-.-
dégât sur les Terres des Tiburtins, l'autre vitse assaihi dans son camp par une lius Lœnas
trouppe de Prêtres traveitis en furies, tenant d'une main des bandelettes de Consuls.
diverses couleurs, & des figures de serpens, & de l'autre des flambeaux allu- An de97.da Ro-
me 3
miez. Ce spedacle jetta d'abord l'effroy dans l'esprit des soldats..Mais en- M. g65 3.
fuite revenus de léar vaine terreur, ils sortirent de leur camp, dilîîpérent ces avant J. eL
phantomes, assiégérent le camp des ennemis, le forcèrent& le pillèrent 347-
Mais bientost le corps entier des Etrusques se déclara contre Rome, & Guerre
les
"vint camper au lieu nommé les Salines, sur le bord du Tibre. A la veuë de contre Tiburtins,
-ce danger, le Consul Popilius en l'absence sans doute de sanCollégue, nOUl- les Falis-
ma pour Dictateur Marcius Rutilius du nombre des Plebeïens, & qui avoit ques & 1-ts
été Consul l'année precédente. Le Dictateur choisit pour Général de la Ca- Tarqui-
valerie C. Plautius Proculus Plebeïen comme lui. C'étoit la premiere fois niens.
Tit.Liv,zt f
-qu'on avoit veu tirer un Diétateur de l'ordre du peuple. Les Patriciens en
lurent piquez jusqu'au vif. Ils firent ce qu'ils purent pour empêcher qu'on ne
lui fournît ce qui étoit nécessaire pour se mettre en campagne. Le peuple
au contraire hâta à l'envie les préparatifs, & le Diftateur fut en état de mar-
.cher à l'ennemi plutost que d'ordinaire. il arriva à l'improviste prés du camp
.des Etrusques & le força. On ne sait pas le nombre des morts, mais on y
compta sept ou huit mille prisbnniers.* LeDictateur triompha malgré les Pa-
triciens. Le peuple ieul lui décerna les honneurs du triomphe.
Mais le même peuple ne put réüssir pour l'année suivante à mettre aucun IV.
Consul de l'ordre des Plébéiens. La noblesse l'emporta, & Caïus Sulpitius C. Su Ip ictus
Petieus &
Peticus, avec M. Valerius Poplicola furent choisis & reconnus Consuls, ulal- M. Valèriui
gré les oppositions des Tribuns du peuple. Leur Consulat n'eut rien de .re- Poplicola
marquable ; Ils enlevérent aux Tiburtins la ville d'Empulan après un leger Con(uL;.
combat. Puis quand il fut question d'elire de nouveaux Consuls, ils protefté- I/andeRo-
398. dit
rent qu'ils ne remettroient cette dignité qu'à des Patriciens. Malgré les cla- me M.36Ç4.
meurs & les plaintes du peuple, on prit pour Consuls Marcus Fabius Ambu- avant J, G.
itus & Titus Quinctius Pennus,tousdeux de race Patricienne. On dit qu'une J46.
partie du peuple choisit IVI. Popilius ConsuL Mais cette élection n'eut point
-de l'uite.
Les deux Consuls tirèrent au fort à l'ordinaire, & la guerre contre les M. Fabius
Ambuf!:I1S
Tiburtins échut à Fabius, & celle des Tarquiniens à Quinctius. Le premier & Tit.
prit aux Tiburtins la ville de Sa{sula & força les Tyburtins à reconnaître Quin&ius
,
Rome pour leur maitresse; l'honneur du triomphe fut décerné au victorieux. Pennus
Quiiidius livia la bataille aux-Tarquiniens. Il leur tua bien du monde, prit Consuls.
sur eux un-trés.grand nombre de prisonniers , & les fitpasser au fil de l'épée, An de RG-
représaille de les Tarquiniens avoient autrefois massacré me ? 99. di&
en ce que trois cens
Tom. II. Zz z sept
avant J. G.
sept soldats Romains pris dans une déroute ; Il réserva néanmoins trois cerrs
345- soixante huit prisonniers de guerre, des plus qualifiez, & les envoya à Rome,
Liv. 1.7 . où le Sénat les fit fustiger au milieu de la place , & leur fit ensuite trancher
la tête.
Alliance Les Samnites peuples puissans, au bruit de ces avantages, envoyerent
ave c les des Ambassadeurs à Rome, pour demander l'amitié des Romains; On conclut
Samnites. avec eux un traitté d'alliance; Ils promirent d'envoyer des troupes au secours
des Romains, & on s'engagea à les protéger contre leurs ennemis.
Tl. L'année suivante on choisit encore pour Consuls deux Patriciens, savoir
' C. Sulpitius C. Sulpitius Peticus, & M. Valerius Poplicola. Ce dernier marcha contre
Peticur, &
les Etruriens. Valerius étoit déja campé suries confins du païs de Tusculum,
M.Valerius lorsque tout à catfp il fut rappellé à
Poplicola pour arréter l'incursion des Volsques ,
Consuls. Rome pour nommer un Dictateur. Le Consul Sulpitius y avoit jetté la ter •
An de Ro- reur, en écrivant qu'il n'étoit pas en etat avec sa seule armée, de réprimer les
me 400. du Tarquiniens, les Cerites & les Falisques, qui s'étoient joints ensemble, & que
M. g616. déja fait le dégat dans les Salines Romaines, proche
avant J. C. les Tarquiniens avoient
344- du Tibre, & avoient transporté leur butin chez les Cerites.
Liv. 1. 7. Valerius nomma donc pour DictateurTitus ManliusTorquatus, qui quel-
Tit. Man- années auparavant avoit vaincu un Gaulois, & lui avoit ôté son collier
lius Tor- ques
d'or. Torquatus n'avoit pas encore été Consul, & par là sa nomination pa-
quatus fit qu'on passât sur les règles.
Diétatcnr. roissoit défeftueuse. Mais son mérite reconnu
An de Ro- Il nomma pour son Lieutenant-Général de Cavalerie Cornelius Cossus, & de
me 40 r. fuite sans faire des enrôlemens extraordinaires, il se contenta d'une armée
Guerre
Consulaire de deux Légions & de quelques trouppes alliées, & aïant fait
contre les
Cerites. déclarer la guerre dans les règles aux Cérites, il se disposa à marcher contre
T es Cerites effrayez envoyèrent
à Rome des AmbaiTadeurs. Le Senat
en v
les renvoya devant le peuple ; Le peuple touché des prieres & de l'humilia-
tion des Cerites & des sérvices qu'ils avoient autrefois rendus aux Romains,
leurs Prétres & leurs Vénales, lors de la prise de Rome
en recevant chez eux accorda
les Gaulois, leur le pardon, & conclut avec eux une tréve de
par
cent ans.
marcha contre les Falisques, qui s'étoient alliez aux Tar-
quiniens. Mais ni les uns ni les autres n'aïant paru en campagne, Manlius
aprés avoir fait le dégat dans leur contrée, ramena son armée à Rome. Le
reste de l'année se passa dans des exercices de paix.
Mais les divisions domestiques recommencèrent, quand il fut question
de choisir les Consuls. Le Didateur qui devoit présider à l'eleftion, s'obfti-
noit à n'admettre au Consulat que des Patriciens, protestant qu'il anéantiroit
plutost cette dignité dans la République, que d'y souffrir un Plebéïen. Les
Tribuns du peuple s'opposérent toujours à Palsemblé des comices par centu-
ries • & le tems de la Diftature de Manlius étant expiré au bout de
six mois,
& celui des Consuls au bout de l'année, la République tomba dans l'inter-
Les Magistrats, qui furent chargez du gouvernement pendant cet in-
règne.
tervalle, ne purent concilier les esprits. Enfin le Senat crut devoir céder &
permettre » pour éviter de plus grands inconvéniens, l'election d'un Coniui
plébéien. On choisit donc P. Valerius Poplicola de la part des Patriciens,
la seconde
& Caïus Martius Rutilius de- l'ordre des Plébéïens. C'étoit pour
fois qu'il exerçoit le Consulat. VI.
Les dettes dont les particuliers étoient accablez, & les Interêts, quoy- P. Valerius
que modérez, comme on l'a veu , à un pour cent, étoient la vraie cause de Poplicola
la désünion du peuple & des Patriciens. Le peuple gémifloit sous un joug &iiSRUtilûiS C. Mar-
qu'il trouvoit insupportable, & faisoit dans toute occasion ressentir aux Patri- tiGonsuls.
ciens les efféts de son mécontentement. Les Patriciens irritez de la résistan- An de Ra.
ce du peuple , emplovoient la rigueur & les mauvais traittemens envers les me 402. du
débiteurs. La République cependant souffroit de ces divisions, c'étoit tous M. 3658.
les jours des murmures & des espéces de séditions. Sous les nouveaux Con- avant J. G.
suls les esprits s'étant trouvez disposez à la réunion , on nomma cinq honl- Tit.Liv.Lf4
q42.

mes d'une probité reconnuë, pour prendre connoissance Commissaires de toutes les dettes On aquittfî
du peuple Romain, & pour satisfaire les créanciers. Ces furent au depens
Mensarii, banquiers Ils tirérent du trésor public de quoi faire de l'éparg-
nommez ou ; les det-
l'avance du paiement îles arrérages de tous les débiteurs ; les débiteurs qui ne, tes des par.
s'étoient laissez accabler d'arrérages, ou empruntérent des banquiers publics, ticuliers.
l'equi-
en donnant au trésor des seûretez , ou présentérent à leurs Créanciers
valent de leurs dettes en effets, dont les Banquiers faisoient la juste estima-
tion. Par ce moïen les débiteurs se trouvèrent soulagez , les Créanciers fu-
rent contens, & le fisc n'en souffrit que trés-peu de dommage. JuHusJuÍu-s
Pendant qu'on travailloit au dedans à tranquiliser les esprits, les deux Di&ateue.
Consuls étoient en campagne. On vint tout d'un coup annoncer au Senat
que les douze Lucumonies des Etrusques alloient se mettre en campagne /
contre Rome. Aussitost le Senat nomme Dictateur Julius Julus, & celui-ci
prend pour son Colonel Général Lucius iEmilius Mamercinus ; en même
tems on envoye au Camp des Consuls, pour leur donner avis du choix qu'on
a voit fait. La nouvelle qui s'étoit répandue, s'étant
trouvée fausse, le Dida-
teur emploïa toute son autorité à faire élire deux Consuls de l'ordre des Pa-
triciens. Il n'y réiiffit pas, & les Tribuns du peuple retardérent l'élection
jusqu'après l'expiration de sa Dictature & du Consulat des deux Consuls. On
retomba de nouveau dans l'interrégne, & les deux Magistrats qui furent nom-
mez dans cet intervalle pour gouverner la République , trouvèrent le secret
.de ramener les esprits du peuple, & de leur faire élire deux Consuls Patriciens.
Vil
Ce furent Caïus Sulpitius, & Titus Quindius Pennus. Caïus Sut.
Ils marchèrent aussitost contre les Falisques & les Tarquiniens, & par les pitius & T.
ravages qu'ils firent dans leurs campagnes, ils les sorcèrent de recourir à la Quin£i:ius
démence des Romains, qui leur accordèrent une tréve de quarante ans. Pennus
On pensa ensuite à faire un nouveau lustre, ou un nouveau dénombre- Consuls. An de Ro-
ment du peuple Romain & des facultez des particuliers. On éhoisit pour me 403. du
cela deux Censeurs & pour la premiére fois on fit entrer dans cet employ M. 36^9.
,
iiii Plébéien nommé Caïus Martius Rutilius.qui avoit déjà été Consul & Dicta- avant J. G.
teur ; Il eut pour Collègue Cneïus Manlius, qui fut tiré de la noblesse. Dans Tit È,iv.l7.
cette circonstance leTribun du peuple Ovinus fit passer une loy, qui donnoit On: admet
pouvoir aux Censeurs de retrancher du Sénat, ou d'y admettre à leur choix, dans le $c-
aat des ceux des famillesPatriciennes ou des Plébéiennes , qu'ils croiroient dignes
hommes de cet honneur. Jusqu'alors ce choix étoit attaché au Consulat. Les Con-
de famille fuls de cette année s'en virent dépouiller, sans qu'il paroissè qu'on
.Plébéien,. en ait fait
ve.. aucun bruit En vertu de ce nouvel arrét,les Censeurs aprés la recension du
peuple, parurent dans un lieu éminent, & en présence des centuries en armes
dans le champ de Mars, prononcérent à haute voix les noms des trois cens
Sénateurs, qui devoient avoir séance au Sénat. Celui qui fut nommé le pre-
Inier,.devint par là même Prince du Senat, & ceux dont les noms ne furent
pas prononcez, furent censez ou déchus de leur dignité y ou exclus du rang,
des Senateurs.
JDi&ateur^ Les Consuls de l'année étant Patriciens, résolurent de continuer le Con-
M. Fabius sulat dans lesfamilles nobles,àPexclusiondes Plébéïennes.Pour y réüssir, ils ju-
Ambultus. gérent à
TrIll. propos denomerun Dictateur pourpresider aux Comices, & emporter
* Popilius par son autorité & par sa présence les suffrages du peuple. Ce Dictateur fut
Lœnas & - M, Fabius Ambuitus qui avoit.été trois fois Consul ; 11 choiiit pour soa
Il. Corné- Lieutenant-Général de la Cavalerie Servilius Ahala, célébre par ion zéle pour
lius Scipio la Republique; mais
Consuls. ces mesures si bien concertées furent inutiles;Le peuple
An de Ro- choisit pour premier
Consul Popilius Lœnas Plébéien d'origine & pour se..
famille Patricienne. Ce dernier ,étant tombé
ane 404.. .du cond L. Cornelius Scipio d'une
M. 3660, malade, Lœnas fut chargé seul du commandement de l'armée qui marcha
,.
avant J. C. contre lesGaulois qui s'étoient campez dans le païs Latin. Les levées s étant
340* faites avec un succés extraordinaire, on en composa deux armées, dont l'une,
sous le commandement du Préteur P. Valerius Poplîcola;iut destinée à la garde
de la ville, l'autre marcha à l'ennemi, sous la conduite du Consul.
Viaoire de A peine l'armée Romaine eût-elle commencé à se camper, que les GaLL-
- Popilius lois se présentérent en batailfe. Le Consul craignant l'impétuosité des Gau-
contre les lois, ne jugea-pas à propos d'y exposer aussîtot Ion armée. Il se campa sur
GauloÏ5. Les Gaulois l'attribuèrent a timidité , ils
Tii.Liv.Lj. une éminence & s'y retrancha.
fondirent sur les travailleurs & sur ceux qui étoient passez sur la première
ligne pour les soûtenir. La situation du lieu favorisoit les Romains ils re—
poussérent les ennemis & les chasserent jusques dans la vallée. Là ils se
ralliérent & revinrent a la charge. Les Romains les reçurent sur la hauteur
où ils étoient portez: Dez le premier choc le Consul fut bielle à l'epaule
& obligé dé se retirer dé la mêlée. Son absence- ral1entit le courage des Rn-
mains, qui se contentèrent de résister à l'ennemi sans le pousser. Bientôt le
Consul aïant fait bander sa playe, retourna au combat, sa présence ranima les
liens. Ils changent la disposition de leurs Légions,& les arrangent en coit.
ou en pointe, à peu prés comme un triangle. Les Gaulois ne firent- que peu
de résistance. Ils, se culbutèrentles uns sur les autres,& prirent précipitanl-
ment là fuite , vers les montagnes d'Albe, abbandonnant leur retranchement
aux Romains. Le Consul en laissa le pillage à- ses soldats & retourna à
Rome. Il n'y put entrer triomphant qu'après la- guérison de sa bIcHure.
LucimFùi Comme la maladie 4e sori Collègue continuoit , on pria les deux Cort-
rius Camil- suIs de nommer un Dictateur pour présider à l'cletlion des Consuls de
lusDi&a- L'année suivante.. Ils choisirent , Lucius Furiws Camillus qui
, nomma pour
t<mr<. Coloneli
Cùlofiel Général de la Cavalerie Publius Cornélius Scipion frete du Consus. f
Leur application fut de faire nommer des Consuls tirez de familles Patrick
ennes, & ils y réunirent. Le Dictateur lui.même fut nommé Consul,. & on.
lui donna pour Collègue Appius Claudius Crassus.
Le Consul Furius essuya quelques reproches de la part du peuple, pour Luc.IX. Furias
s'être servi de sa qualité de Dictateur afin d'obtenir le Consulat., Mais la Camillus<5t
guerre des Gaulois fit oublier teut cela, pour accourir au plus pressant dan- Appius
ger. Ces ennemis n'avoient pas été entièrement défaits par Popilius.
Des Claudius;
Grassùs;
montagnes d'Albe où ils s?étoient refugiez, ils descendirent sur les côtes de Cotifuîs».
la Mêr, où ils faisoient de grands ravages. D'une autre côté une flotte de An de Ros-
Grecs venue inopinément sur les mêmes côtes , ménaçoit d'y faire une ine 40î --dti--
descente.Sur ces entrefaites Appius Claudius second Consul mourut. Malgré M. ;661.
le double danger dont on étoit nfénacé ,. on ne jugea pas à propos, ni de avant J. 6.
donner un Collégue à Furius, ni de nommer un Dictateur. On crut que Guerre 3*39»

Furius pourroit seul faire tête à ces deux ennemis. Le bonheur voulut que contre les,
les Grecs & les Gaulois également avides de proïe"se battirent sur les côtes, Gaulois &
les
que les uns & les autres vouloient ravager ; Les Gaulois eurent l'avantage & contre Grecs.
rechallérent les Grecs sur leurs vaisseaux. Tit.Liv.Lj
Cependant comme ces deux ennemis ne s'éloignoient point de Rome,
& que les Gaulois étoient toûjours dans le Latium,& les Grecs à, une petite
distance de la côte, on résolut de lever deux armées pour leur epposer, Les
Latins furent sommez de fournir leur contingent; Mais ils;reiufé rent de mar-
cher, disant que, si l'on avoit besoin de leur recours devoit obéïr à un'
, on
Général de leux nation & non pas les enrôler pour combattre sous un Gé-
néral Romain. Le Senat dissimula pour lors l'insolence des Latins,& ordonna
qu'on feroit les levées dans toute la rigueur, & sans epargner personne. On.
en forma dix Légions, la- Legion étoit alors composée de quatre mille deux;
cens hommes de pied, & de trois cens chevaux. Ainsi l'armée Romaine fut
au moins de quarante cinq mille hommes j ce qui étoit un nombre prodi-
gieux, etant fourni par une feule ville.
De ces dix Legions le Consul enlaina d'eux à Rome pour la leûreté de X. ;
la ville. Il distribua les huit autres entre lui & le Préteur L. Pinarius qui Vitroire (li:-,
,
.
fut envoyé sur la côte pour la garder contre la' descente des Grecs. Pour lui, Valerius
il alla camper dans le Pontin, païs couppé de marais & de riviéres dans le Corvinus
deiTein d'harceler les Gaulois & de les sa-ire périr par la disette, sans, en venir contre
Gaulois.
un-
à un combat. Pendant qu'on étoit de part & d'autre dans l'attente d'une Tit. Liv.
action, un Gaulois de taille gigantesque, & remarquable par la beauté & la Plorus.,
richesse de ses armes, vint se présenter entre les deux armées, & frappant avec Aurel. Vie*
grand bruit de sa lance sur son bouclier,cria par la voix d'un truchement aux tor. $&>•
Légions Romaines, qu'il défioit à un= combat singulier le plus brave de leur
armée. Ce défi répandit d'abord la fraïeur parmi les troupes Romaines,mais,
un jeune Officier nommé Marcus Valerius, petit fils du Didateur M. Valerius
Volusus, s'étant présenté au Dictateur il en. obtint la germiflion d'aller com-
battre le Gaulois.. ,
Il marcha fièrement contre lui, & tin Corbeau s'étant perché sur son
Ca) casque, des le matin selon quelques uns (a) ou seulement lorsqu'il s'approcha
lext. Aurel., du Gaulois, felon Tite Live & Aule-Gelle ; Les deux Champions en vin-
Vicior.
rent aux mains, & le Corbeau s'élançant contre le Gaulois, lui couvrit les
c. 29..
Tit. Liv.l.J. yeux de ses aîles & lui perça le vilage & les yeux avec son bec ; & entin
Aul. Gell. l'effraya si fort, que son adversaire n"eut pas de peine à le percer & à le por-
I.. Flor. ter par terre. Les Auteurs Romains nous racontent cecy comme une choie
<$ç.
.,nliraculeuse, le Corbeau passant parmi eux pour un animal propre à donner
,de bons & de mauvais présages, sélon qu'il paroît d'un côté ou d'un autre.
D'autres croïent avec beaucoup plus de vraisemblance , que cet oiseau étoit
apprivoisé, & que Corvinus l'avoit dressé de longue main à demeurer perché
sur son casque & à combattre avec lui contre ses ennemis. Quoi qu'il en
foit les Romains regardèrent cette avanture comme une déclaration de la
,
faveur des Dieux. Mais les Gaulois n'en jugèrent pas de même, ils s'appro-
chèrent en armes pour empêcher que Valerius ne dépouïllât le corps de
leur Compatriote , & dans un moment les deux armées en vinrent aux
mains.
D'abord la résistance fut à peu prés égale de part & d'autre ; Mais lors-
que l'armée Romaine eût réuni toutes ses forces, & qu'animé Dieux par la victoire
de Valerius, & par la superstition qui lui faisoit croire que les la favo-
risoient, elle eut essuyé les premiers feux des Gaulois, ceux-ci commencérent
à plier, puis leur déroute devint générale. Ils s'enfuirent par le pays des
Volsques dans la Campanie. Ils traversérent le territoire de Falerne & se ren-
dirent enfin sur la mer Adriatique. Le Cotisul ne jugea pas à propos de les
poursuivre. Il recompensa Valerius d'une Couronne d'or & de dix boeufs ;
& l'armée l'honora du surnom de Corvinus, qui passà à toute sa postérité.
situs Mati- Camillus auroit voulu achever la campagne par la défaitte des Grecs,
lius Tor- qui étoient en mer. Mais ils n'osérent faire le débarquement, & le ConsuI
obligé de demeurer longtems sur les côtes,pourobierverleursmouveir.t ns.
quatus fut
Dictateur. Voyant le tems approcher de l'eledion des Consuls pour l'année fuivaijte,
il nomma un Didateur pour présider en son absence aux Comices , & ion
choix tomba sur Titus Manlius Torquatus, qui nomma pour Lieutenant Gé-
néral de la Cavalerie Cornelius Cossus.
Xl. Le Didateur charmé de la valeur du jeune Valerius Corvinus, le recom-
Valerius manda au peuple, & le fit nommer Consul , quoiqu'absent & âgé seulement
Corvinus - Collègue Popilius Lœnas de race Plébéienne,
& Popilius de vingt-trois ans. Il eut pour
Lœnas mais qui avoit été dejà trois fois ConsuI. Leur Consulat ne fut remarquable
Consuls. par aucun événement célèbre, si non par la perte qui fit mourir à Rome un
An de Ro- grand nombre de citoïens. Le Sénat fit consulter les livres Sybillins, & on
me 40Ç. du ordonna des Festins publics dans les Temples auxquels les Dieux turent
'M. ?6ej2. ,
où leur dressa des tables cérémonies qui avoient déja été pra-
avant J. 9. invitez, &
,
on ;
3gg. tiquées plus d'une fois en pareille occasion.
Prémiére' Sous le même Consulat les Carthaginois envoïérent a Rome des Ambai-
Alliance sadeurs, pour renouveller un ancien traitté d'alliance, qui avoit été fait long-
entre les auparavant entre les deux Républiques Ce premier traitté portoit en
Romains tems
substance, que les Romains & leurs alliez ne pousseroient pas leurs conquêtes & les Car-
audelà du Be,iupromontoire , nommé aujourd'hui le Cap-bon , sur les côtes thaginois...
d'Afrique,•& au Septentrion de Carthage, que si les vaisseaux Romains abbor- Polyb.1.
doientau delà de ce promontoire,ils ne pourroient y acheter que les vidimes p.
nécessaires pour les sacrifices &les choses dont ils auroient besoin pour radou-
ber leurs vaisseaux, & n'y pourroient demeurer que cinq jours....Que s'ils
venoientpour négocier au Beaupromontoire, ils n'y payeroient aucun péage,
à l'exception du droit du crieur public, & du Secretaire. De plus le prix
de ce qui sera vendu aux Carthaginois ou aux Sardaignois , sera garanti au'
vendeur sur la foy publique. Les Romains jouiront des mêmes droits que
les Carthaginois, lorsqu'ils viendront trafiquer dans cette partie de la Sicile
qui obeit aux Carthaginois,ils y jouiront aussi des mêmes droits que les Car-
thaginois. Les Carthaginois de leur côté n'exerceront aucune hostilité con-
tre les habitans d'Ardea , d'Antium, d'Aricie, de Circée & de Terracine , ni
contre aucun de ceux du Latium, qui sont sournis aux Romains. Ils n'atta-
queront pas même les villes qui n'obeissent pas aux Romains, & s'ils s'empa-
rent de quelques unes de ces villes, ils les remettront aux Romains. Ils ne
bâtiront aucune forteresse dans le pays des Latins. S'ils entrent en armes
dans le pays, ils n'y passeront pas la nuit.
Tel étoit le premier traitté fait avec les Carthaginois, dont on ne nous XII 1.

dit pas la datte. Le second qui fut passé l'an de Rome 40^. fous le Consulat Seconde
de Valerius Corvinus & de Popilius Lœnas, étoit conçu à peu prés en ces alliance
termes. • Les Romains & leurs alliez font alliance avec les Carthaginois, les Romains entre les
&
Tyriens, ceux d'Unique & leurs alliez. Les Romains ne feront aucune course les Gartha'-
au délà du Beaupromontoire, Marsie & Tarsion ; (prés les Colomnes d'Her- ginois.
cules) qu'ils n'y viennent pas trafiquer, & qu'ils n'y bâtissent aucune ville. Si
les Carthaginois prennent quelque ville dans le païs Latin qui soit sous la.
,
dépendance des Romains; Ils en réserveront pour eux l'argent &les captifs,
mais ils rendront la place aux Romains. Si les Carthaginois prennent quel-
ques uns de ceux qui ont fait alliance par écrit avec les Romains , quoique
non sournis à leur domination , ils ne les conduiront pas dans les- ports du
peuple Romain, pour y être vendus comme esclaves ; S'ils les y conduisent,
& qu'un Romain s'en saisisse, ils seront mis en liberté. Les Romains en
useront de même envers les Carthaginois & leurs alliez. Si les Romains
descendent sur les côtes des Carthaginois, pour y faire de l'eau, ou y achetée
des vivres, ils ne pourront se servir de cette liberté pour nuire aux Carthagi-
nois, ou à leurs alliez; s'ils le font, leur insulte sera regardée comme une in-
jure publique. Les Romains ne pourront ni négotier dans l'Afrique ni dans.
la Sardaigne ni bâtir aucune ville, ni l'abborder si non pour acheter des;
,
vivres ou pour radouber leurs vaisseaux ; & au cas, que la tempête les y ait:
jcttez ; Ils n'y pourront demeurer plus de cinq jours. Les Romains pour-
ront vendre & acheter , tant à Carthage que dans les endroits de la Sicile,,
qui sont fournis à la domination de Carthage, tout ce que les Carthaginois
eux-mêmes y vendent ou achètent ; & les Carthaginois réciproquementau-
ront le même droit dans le port de Rome.
L'année
KM L'année fulvante on choisit pour Consuls Caïus Plautius & Titus Man-
Caïusl'lau- lius Torquatus. Ce dernier n'avoit point encore été Consul, quoyqu'il eut
tius & Tit. été deux fois Difrateur. La paix dont on jouît audedans donna lieu au
Manlius ,
de demander qu'on le déchargeât de toutes ses dettes. Le Senat n'y
Torquatus peuple
Consuls. put consentir ; Mais il consentit que les Consuls réduisissent l'intérêt à un
An de R demi pour cent, & qu'ils permissent aux débiteurs d'aquitter le principal de
.
406. du M. leurs dettes, en payant aux Créanciers le quart comptant, & le reste en trois
g 663. dans l'espace de trois ans.
avant J. a. Bavemens
Les Consuls de l'année de Rome 407. furent Valerius Corvinus& Caïus
337-
Valerius Petelius; Le premier marcha de bonne heure contre les Volsques,quiavoient
Corvi mis rebâti la ville de Sutrie,brûléeenviron trente ans auparavantpar les Latins. Les
&G l'cetc- Antiates,Volsques de nation,y avoient envoie uneColonie&l'avoient repeuplée
lius Visolus
Consuls. &pour engager les Latins dans leur partiels leur avoient envoyé des Députez,&
An (Je Ro- avoient fait armer les autres Volsques pour leur
défense. Valerius arrive aux
me 407. du environs de Sutrie avant que toutes les troupes des conféderez y fuirent as-
M. 3664. semblé'es. Cela n'empécha pas les Volsques de livrer la bataille ; i!s la per-
avant J. C dirent & se jettérent dans Sutrie. Vale-rius y présent:t l'escalade, & ceux qui
336. pillée & brûlée à
T.Lïv. IX s'y étoient retirez, se rendirent , la ville fut de nouveau
-
,
Guerre l'exception du Temple de Matuta qu'on épargna. Le Consul entra dans
*' contrôles Rome
en triomphe, menant avec lui quatre mille captifs , qui furent vendus
Volsques..
au profit du trésor public.
XIV. Les Aurunces, autrement nommez Ausoniens , demeurans à l'extremite#
M. Fabius du Latium, sur les côtes de la mer
Tyrrhenienne, declarérent la guerre aux
Dorso & Romains,en faisant le ravage sur leurs terres. Les Consuls de cette année,
Serviusser.. qui étoit la 408. de Rome furent comme forcez de nommer un Dictateur,
vilius Sul- , besoins de la Republique. ils choiiirent Lu-
comme dans les plus pressans
pit;us Con-
suls. cius Furius, qui nomma Cneius Manlius Imperiosus pour son Colonel Géné-
An de Ro- ral de la Cavalerie. Il marcha en diligence contre ces nouveaux
ennemis,&
me 408. du fut sur.pris de les trouver si peu nombreux , & qu'un peuple si peu redou-
M. 3661. table, eût si fort allarolé les Romains. Les Aurunces ne laisserent pas de lui
avant J. G. préfe'ater la bataille, & de se battre avec une valeur extraordinaire, jusque là
3 31.
le Dateur dans le fort de la 111él¿e, voüa de bâtir unTempleàla Déesse
GMerre_ que nommée, parcequ'elle avoit averti
contre les junon Moneta ou la donneuse d'avis ; ainsi
Aurunces. les Romains d'immoler une truïe pleine, un peu avant la prise de Rome par
Tit.Liv.L7
les Gaulois. Les Aurunce5 ne purent résister au grand nombre des Romains.
Ils furent vaincus , & le Didateur de retour à Rome, obtint que la Republi-
qu'il avoit fait; Aprés quoi il se démit de la Dicla-
que accompliront le voeu
ure.
Les deux Consuls reprirent le commandement de l'armée, que le Dicta-
enleva
teur avoit ramenée. Ils la conduisirent contre les Volsques, leur
&
rent la ville de Sora.
XV. Sous les nouveaux Consuls le Temple de Moneta fut dédié. Dans le
6. Manius même pluie de pierres étant tombée dans la ville, & des ténébres
Rutulus & tems une
T. Manlius epaiues aïant paru bien avant durant le jour,
le peuple superstitieux demanda
Imperiosus qu'on consultâtles livres Sybillins,& qu'on créât un Dictateur pour ordonna
Consuls. des
Valerius Poplicola, qui 1I/an de?,o-
des feries ou des jours de repos. Le Dateur fut P. ordonna me 409. dw
choisit pour Colonel Général Q. Fabius Ambustus. Le Diftateur ?M. 3666.
donc des fêtes, qui furent religieusement observees, parla visite des Temp.es & avant
a J. C.
l'immolation des vitfimes. Les peuples des campagnes voisines furent 334.
par Pluie de
invitez à venir à leur tour faire les prières & offrir leurs sacnfices dans la pierres 1
ville. R ttombée à
Les Samnites avoient fait depuis peu d'années alliance avec les omains. •
j
Rome.
Tout d'un coup ils devinrent leurs ennemis,& il fallut plus de cinquante ans pour XVI.
les dompter entiérement. L'on choisit l'an 410. de Rome pour ConsulsMarc< 1Cervinus
M.Valerius
Valerius Corvinus, & Cornelius Cossus. Les Samnites aprés avoir attaque & &
vaincu les Sidicins peuples de l'Ausonie, qui habitoient audela du Lyris, firent i
( Corne-
lius Go ssus
aussi la guerre aux peuples de la Campante, qui avoient pris le parti des Sidicins. Contuls. (
Les Campanois n'étoient pas braves. Ils se sentoient de la mollesse de leur L'an i claRa-
410. du
climat Ils furent aisément défaits par les Samnites & repoussez dans Capouë me 3
M. 3667.
Capitale de leur païs. Les Samnites les y assiégérent, & les assiégez eurent ;
avant J. G.
assistance. Rome comprit l 'impor-
recours aux Romains pour implorer leur
aussi puissante, aussi riche & aussi Les peu-
3 3 3.

tance de se ménager une ville aussi grande, ples de


à portée que l'étoit Capouë, pour lui procurer mille avantages, & dans la Campanie
Cependant elle ne jugea pas à propos de prendre se donnent
guerre & dans la paix.
les armes contre les Samnites, ni de violer le traité d'alliance , qu'elle avoit aux Ro- ;
fait avec eux. Le Consul Valerius promit aux Capoiians de prier les Samnites mains.
de mettre bas les armes. Les Députez de Capouë ne se contentèrent pas de T. Lw.
1.1..
Consul de regarder de"soriiiaiscapouë & la Cam-
ces promesses ; Ils priérent le
mnie non comme un païs étranger, ou umplement allié, mais comme apar-
tenant en propre aux Romains, & à la défense duquelprosternérent ils etoient engagez,
dans le
comme à celle de Rome même. Aïant ditles Consuls, ils répandirent
cela, ils se
vestibule du Sénat, & levant les mains vers un tor-
rent de larmes.
Ce speé1:acle toucha le Senat; il envoya enmême tems des Ambailadeurs
faire rapport de tout ce que les Campanois
aux Samnites, avec ordre de leurd'épargner
venoient de faire, & de les prier un païs qui étoit devenu Romain,
à la République. Que si les Samnites
par la donation qui venoit d'en être faite qu'on les fommât de sortir de la
ne déféroient point à ces remontrances,
Campanie. Les Ambassadeurs s'acquittérent de leur commission, & les Sam-
nites, loin d'y avoir égard, ordonnèrent à leurs Officiers d'aller faire le dégât
dans'la Campanie Les Ambassadeurs de retour à Rome, firent leur rapport
;
des dépositions des Samnites ; & le Sérçit ordonna sur îe champ qu'on leur
déclarerait la guerreetans les formes préscrites par Numa. On leur envoya
donc des Feciaux, pour leur faire les dénonciations ordinaires, puis on lança
dard sur leurs terres. Enfin pourqu'il n'y manquât aucune cérémonie, on
un
demanda les suffrages du peuple Romain, pourqu'il consentît à faire la guer-
re, & qu'il l'entreprît par son choix.
XVIL
Aprés le consentement du peuple, les deux Consuls se mirent a la tête Guerre
de leurs armées ; Valerius marcha dans la Campanie , & Cornelius dans le contre les
païs des Samnites. Le premier se campa vers le mont Gaurus, aujourd'hui Samnitc&.
-nommé le mont Barbare en Campanie, & Cornelius proche de Saticule dans
le Samnium. Les Samnites se rendirent avec leurs meilleures trouppes dans
la Campanie, pleins de colére contre les Romains, qui avoient renoncé à leur
amitié. Ils demandoient avec instance à leurs Généraux de les mener aux
ennemis ; Mais Valerius ne jugea pas à propos de sortir de son camp; Il vou-
lut auparavant essayer ses forces contre ces nouveaux ennemis, pour connoÎ.
tre leur maniere de combattre. Quelques jours après il fit élever le signal
du combat, & parla à ses troupes, dont il avoit sçu gagner l'estime par sa va-
leur, & l'amitié par ses manières populaires. Car, leion la remarque de Tite
Live, on ne vit jamais de Général plus familier avec ses soldats, ne dédaignant
pas de faire comme eux les exercices d'un simple fantafill1 , se mêlant avec
eux dans leurs jeux militaires, sans vouloir l'emporter sur eux ; d'un visage
égal quand il avoit été vaincu, comme quand il étoit victorieux ; n'offensant
& ne méprisant jamais personne, conservant dans les emplois & dans la Ma-
gisirature les mêmes manières, qui la lui avoient fait obtenir.
Les troupes Romaines sortirent du camp avec une ardeur incroïable.
Les Samnites n'avoient pas moins de courage, ni de valeur. Mais les Romains
avoient plus d'expérience dans la guerre. D'abord on se battit de part &
d'autre avec unsuccés égal. La victoire sut longtems en balance. Enfin le
Consul ordonna à sa Cavalerie de sondre sur les Samnites, comptant de les
enfoncer. Il se mit à leur tête & essaya de les entamer. Mais les chevaux
se trouvérent trop à l'étroit, & ne purent faire les mouvemens néceQaires.Leur
attaque fut sans succés. Alors il descendit de cheval, & se mettant à la pre-
miere ligne de l'Infanterie, il exhorta les Commandans à le suivre. Il se jette
à travers le#ennemis & les met en désordre. Les Légions le suivent, l'ac-
compagnent , & tuent tout ce qui se trouve devant elles. La Cavalerie en
nlême tems donna sur les ailes des Samnites,& facilita à l'Infanterie l'ouverture
dans le corps de bataille. Quoique les ennemis reçussent plus de coups qu'ils
n'en donnoient, ils demeurèrent fermes. Le combat fut opiniâtre des deux
côtez, & le carnage horrible. Les Samnites paroissoient résolus de se deffen-
dre jusqu'à la mort. Les Romains sentant que le jour commençoit àbailler,
& que la lassitude affoiblilsoit leurs forces, s'excitérent à faire un nouvel effort.
Ils pénétrèrent dans les bataillons des ennemis & frappant à droite & à
gauche, les Samnites commencèrent à plier sans, toutefois abbandonner le
,
champ de bataille ni même quitter leur rang. Il en fut tué un très-grand
,
nombre, & la nuit seule fut capable de terminer un combat si sanglant & si
anime. *
%
Les Romains après la bataille avoüoient qu'ils n'avetfnt jamais rencontré
d'ennemis si opiniâtres, & les Samnites disoient que ce qui les avoit le plus
frappé dins la mêlée, étoit le visage des Romains enflammé de colère, leurs
yeux etincellans, leurs regards furieux. Ils abbandonnérent leur camp pen-
dant la nuit, & par-là se confessérent vaincus. Le Consul entra dans leur
camp, & les Campanois vinrent en foule le féliciter de sa vidoire.
xvi 11. D'un autre côté le Consul Cornelius s'étoit campé, comme nous l'avons
DeciusMu»
tire le Con- dit, prés la ville de Saticule, dans les confins du Samnium & de I4 Campanie.
Le
Le païs etoit inégal, semé de rochers & de montagnes, & peu propre a un sui Corn e.
campement Pour se mettre dans un terrain plus commode, d'issuë il décampa & lius d'un
mauvais
s'engagea avec son armée dans une forêt, d'où il n'y -avoit que par où il
qui étoient aux aguets, l'attendirent à Mue pas,
une profonde vallée.Les Samnites s'étoit en-
de la forêt,dans la résolution de fondre sur lui, lorsqu'il seroit dans cet en- gagé.
droit serré & embarassé.
Heureusement un Tribun Legionaire de l'armee r Romaine,# nomme De-
cius Mus, dont il sera encore parlé dans la suite , aïant remarqué l'embaras
du Conml, s'offrit d'aller occuper une hauteur, qui dominoit le camp des
Samnites, & demanda seulement à Cornélius, qu'il lui donnât les deux pre-
miéres lignes d'une Légion. Il partit, & accompagné de sa trouppe, il perça
la forêt & se mit à grimper sur l'éminence , que les Samnites avoient împru-
demment abbandonnée. Ceux-cy furent assez longtems à les examiner, sans
oser quitter leur poste pour les aller prévenir ; Pendant ce tems le Consul
sorti de la vallée, gagna une colline, d'où il considéra tranquillement l'incer-
titude & l'irrésolution des ennemis. La nuit survint, & les Samnites se reti-
rérent dans leur camp.
Decius songea après cela à tirer sa trouppe de l'endroit ou il l'avoit DeciusMus XIX.
conduit. Il se déguisa, & prit un habit de fantassin, ordonna auxCenturions rejoint le
de sa trouppe de le suivre. Ils firent ensemble la ronde des environs ; Il avoit Gonsul,
ordonné aux siens, que quand la trompette auroit sonné pour annoncer la se-
conde veille de la nuit, ils s'aÍsel11blaHènt autour de lui, pour prendre une
derniére résolution, afin de sortir du lieu où ils se trouvoient comme investis
par les ennemis ; & comme il faut que tout ce-cy se passe en silence ,seront ajou-
ta-t'il,ceux qui seront de mon avis, passeront à ma droite, & ceux qui
d'un avis contraire, passeront à ma gauche. Aprés avoir donc observé la
situation de tous les environs ; 11 retourne vers les siens, & leur témoigne que
son avis est de profiter de l'obscurité de la nuit, pour faire leur retraite. Tous
sans exception l'approuvérent en passant à sa droite. * A l'instant il se met à
la tête des siens & descend du rocher. Il prend sa route par les lieux qu'il
croit plus dégarnis d'ennemis. Ils avoient déja traversé la moitié de leur
camp, lorsqu'un soldat Romain heurte du pied un bouclier d'un Samnite &
l'éveille. La sentinelle qui étoit prés delà , crie aux armes. Les Samnites
sans savoir de quoi il étoit question, se mettent en défense. Decius ordonne
aux siens de jetter un grand cri. La frayeur augmente parmi les ennemis.
Cependant les Romains tuent la garde, & se sauvent sans que les Samnites
- .
osent les suivre.
Quand Decius fut assez éloigné des ennemis, pour n'avoir plus rien à
craindre, il fit faire alte à ses gens, & dépécha au Consul,pour le tirer d'in-
quiétude, & l'assûrer que lui & ses gens étoient en seureté , & que dez que
le jour paroîtroit, ils se rendroient au camp. Cornelius fit part de cette
heureuse nouvelle, en l'écrivant sur un petit ais nommé Tessera, qu'il envoya
aux Centurions, pour la faire passer aux soldats. Car c'est ainsi que les ordres
des Généraux se portoient aux Légions. Decius entra dans le camp auxac-
clamations de toute l'armée,qui le salua comme son Contervateur. Arrivé au
quartier du Général, au lieu de perdre le tems à haranguer, il avertit le Con-
sui que le moment étoit venu d'attaquer les Samnites, dans l'embaras où ils
étoient, & qu'il étoit d'avis que sur le champ on marchât contr'eux.
Xx. Le projet de Decius fut approuvé. On marcha aux Samnites, en suivant
Victoire de bons guides, qui les conduisirent sans danger droit à
contre les nemis qui
leur camp. Les en-
Samnites. ne s'attendoient à rien moins , étaient pour la plupart sortis de
leurs retranchemens sans armes & sans aucune précaution. Les Romains
en
arrivant attaquérent le camp, & le forcérent sans beaucoup de peine. On fit
main basse sur tout ce qu'on y trouva, Au bruit que firent les vainqueurs &
les vaincus, ceux des soldats Samnites qui étaient pastez sur les différentes
avenuës de la forêt, se sauvérent. Ceux qui étaient dans le camp au nombre
de trente mille, furent passez au fil de l'épée. Le pillage fut abbandonné au
soldat.
Lorsque l'armée Romaine fut retournée à son camp, le Consul ne se
contenta pas de louër publiquement la sagesse & la valeur de Decius il
,
lui fit present d'une couronne d'or, & de cent boeufs, outre un Taureau blanc
dont on avoit doré les Cornes. L'armée entière lui mit sur la tête une Cou-
ronne de chien-dent, qu'on donnoit d'ordinaire à un Général qui avoit fe-
couru une ville assiégée ; & le détachement que Decius avoit si heureusement
tiré du poste, où les Samnites le tenoient investi, lui fit présent d'une Cou-
ronne de feuilles de Chêne. On appelloit cette couronne civique. Elle se
donnoit à celui qui avoit sauvé un Citoïen Romain. Quant-à la trouppe qui
avoit suivi Decius, le Général leur assigna à tous une double ration de tro-
ment. Le reste des Légions leur fit aussi son présent, qui consistoit en quel-
ques livres de farine & quelques sextiers de vin.
Cependant les Samnites, qui avoient été battus devant Capouë, avoient
repris courage. La jeunesse du Samnium étoit venuë à leur secours,& s'étoit
postée devant Suessula, ville située entre Noie & Capouë, & à distance égale
de l'une & de l'autre.' Le Consul Valerius informé de leur mouvement, s'a-
vança avec son armée, mais sans bagage, & se campa dans un lieu allez spati-
eux, occupant le moins d'espace qu'il lui étoit possible, pour cacher ses for-
ces à l'ennemi,& lui persuader que son armée étoit trés-peu nombreuse. Les
S;imnites s'approchérent de son camp, & quelques-uns en firent le tour. L'in-
adion du Consul & le petit circuit de ses retranchemens leur firent croire
qu'il n'étoit pas en état de leur Faire tête, Les soldats Samnites vouloient à
toutes forces qu'on les ménât contre les Romains, pour combler leur retran-
chement & forcer leur camp. Mais leurs Généraux les retinrent dans l'espé-
rance de réduire l'armée Romaine par la faim à la nécessité de se rendre, Hl-
chant qu'ils n'avoienj de provisions que. pour peu de jours.
XXI. Il en arriva tout autrement. Les Samnites, qui faisoient la guerre dans
Les Samni- un païs ennemi, où tout leur étoit contraire, se virent bientôt dans la néces-
tes sont sité de chercher des vivres loin de leur camp, & de se répandre
encore par pelottons
battus par dans les campagnes ; pendant que les peuples de Campantefburnisibient
les Ro- tout aux Romains avec abondance ; Le Consul Valerius ayant remarqué le
mains. peu d'ordre que gardoient les ennemis dans leurs courses, attaqua leur camp
à l'im-
à l'improviste, & l'emporta sans relance ; il en tua un très-grand nombre
qui avoient été surpris dans leurs tentes. Delà il marcha contre ceux qui
étoient répandus dans la campagne , & laissa seulement deux Légions pour
garder le camp. On en fit un très-grand carnage dans les champs, & la Cava-
lerie Romaine en enveloppa &en resserra un grand nombre, comme des poif-
fons dans un filet. Les Soldats Romains prirent sur les Samnites deux cens
vingt etendards, & plus de quarante mille boucliers , dont plusieurs avoient
été jettez dans les champs par les fuïards, pour courir plus vite. Le pillage
du camp ennemi fut abbandonné au soldat vidorieux.
Quoique les exploits des deux Consuls fussentfort différens,on ne laissa
Les Falisques
pas de leur accorder à tous deux l'honneur du triomphe. .
peuples Etruriens qui avoient fait une trêve avec la République , changérent
la trêve en alliance ; Les Latins qui avoient pris les armes pour secouër le
joug des Romains, s'ils avoient eu du dessus, les tournèrent contre les Pelig-
niens peuples Samnites, comme pour favoriser les Romains. Enfin les Car-
thaginois envoyérent une couronne d'or à Jupiter Capitolin, & firent com-
pliment aux Romains sur l'heureux succés de cette campagne. Tout cela fut
regardé comme le fruit des vidoires remportées par les Consuls. Les Ca-
poiians & quelques autres peuples priérent qu'on leur envoïât des troupes en
garnison, pour les défendre contre les courses des ennemis. Chose inusitée
jusqu'alors. Dans le dénombrement du peuple Romain qu'on fit cette année,
il s'en trouva cent soixante mille en état de porter les armes. XXIl.
Les Consuls de l'année suivante entrérent de bonne heure en campagne. C. Marcius
Marcus Rutilus alla commander dans la Campanie contre les Samnites ; Servi- Rutilus &
lius Ahala demeura campé devant Rome , pour marcher où le besoin le de- Q.Servilius
manderoit. Rutilus arrivant à Capouë, trouva la Garnison Romaine différente Ahala
de ce qu'elle étoit, quand elle y fut envoyée; L'air & la mollesse de Capouë Con[ub. An de R.
l'avoit efféminée., elle y avoit tellement pris goût, que méprisant sa patrie, elle 4fI.du M.
avoit formé la résolution de chasser les Campanois de leurs villes, & de s'en 3668.
emparer; Aussi bien disoient-ils, ce païs fut autrefois envahi par les Samnites, avant J. C.
qui en chassérent les Etrusques ; pourquoy n'en pas chasser à leur tour ces Tit.;Liv.l.r 92.
usurpateurs, qui n'ont ni la force, ni le courage de se défendre , & pour qui Les Ro-
il a sallu verser nôtre sang? mains
Les choses étoient en cet état, quand le Consul arriva à Capouë. Les complot-
Tribuns des Légions l'informérent du complot; au lieu de s'y opposeravec tent de
faire périr
éclat, il fit esperer awx troupes que l'année suivante elles pourroientexécuter les peuples
leur projet, & s'emparer de la Campanie, où elles demeureroient encore en de Capouc
quartier d'hyver. Cependant il les tira des villes & ies mena en campagne. & de s'em-
Alors il prit les mesures nécessaires pour éloigner les plus mutins. Les uns parer de
furent renvoyez, sous prétexte que le tems de leur service étoit accompli, leur païs.
d'autres parceque leur âge ou leur santé ne leur permettoit plus de servir ;
D'autres parceque leur présence étoit nécessaire à leur famille. Enfin aprés
en avoir ainsi fait partir plusieurs les uns aprés les autres , il en renvoya des
compagnies entières. D'abord on ne s'apperçut pas de l'artifice. A la fin
on fie réflexion, qu'il n'y avoit de renvoyez que les plus ardens auteurs ae\a
/ conspiration, qu'aucun n'étoit revenu de Rome, que sans doute ils avoient été
mis à mort. Qu'il y avoit apparence qu'on ne pardonneroit pas ceux qui
étoient restez à^ l'armée. Dès-lors ils ne songérent plus qu'à déserter. Il
s'assembla un grand nombre tle déserteurs à Anxur, ville située sur un défilé,
un peu au dessus de Terracine.
xxm La troupe de ces mécontens grossissant tous les jours, ils se trouvérent
Les Ro- à la fin assez nombreux, pour former une armée raisonnable. Ils furent quel-
mains mé.. à délibérer sur le choix d'un Chef.
que tems Quelqu'un d'entr'eux leur
contens
choififlçnt suggéra un ancien guerrier nommé Anxur, qui pour une blessure qu'il avoit
Anxur reçuë au pied, & qui l'empéchoit de marcher, avoit quitté les armes, & pas.
pour leur soit sa vie à cultiver ses terres prés de Tusculum. On envoya des Députez
Chef.
pour l'enlever ; Car on jugea bien qu'il refuseroit le commandement d'une
armée de rebelles. Les Députez arrivèrent à sa maison durant la nuit le
,
prirent .& le forcérent de les suivre & de les commander. Arrivé au camp
d'Anxur,.on le proclame Général, on le revét des ornemens de sa dignité, &
on lui dit qu'il faut qu'il conduise l'armée droit à Rome.
XXIV. La nouvelle de cette mutinerie jetta l'allarme dans la ville. On nomma
Valerius un Dictateur qui fut Valerius Corvinus, lequel choisit pour son Colonel Gé-
Corvinus néral de la Cavalerie L. lemilius Mamercinus. Il marcha à la rencontre des
Dittateur. rebelles, & les trouva avancez à huit mille ou trois petites lieuës de Rome.
,
A la veuë de l'armée Romaine les Mutins se radoucirent & le Dictateur qui
étoit l'homme du monde le plus aimé des troupes, & le, plus propre à rame-
ner les esprits, leur aïant parlé, Quintius intercéda pour eux, & ils remirent
leurs intéréts entre les mains de ValeriOs, qui sur le champ retourne à Rome
en diligence, & obtient du Senat & du peuple une entière abolition , & une
* aniniffie de tout le passé. On fit plus, on accorda à leur priére que désor-
mais on ne congédiroit plus aucun soldat, que de son bon gré ; qu'on ne
pourroit faire reproche à aucun de cette séparation ; que nal Tribun Légio-
naire ne pourroit l'année suivante devenir Centurion ; cette loy regardoit un
nommé Salonius, qui s'étoit toujours opposé au parti des séditieux ; qu'on
diminueroit la paye de la Cavalerie ( car auparavant elle étoit triple de celle
du iimple fantassin,) c'est que la Cavalerie n'avoit pas voulu se ranger au parti
?
de la révolte Enfin on leur accorda l'abolition des usures dans Rome,& que
l'on pourroit créer .deux Consuls de race plébéïenroe. Si tout cela est vrai, il
faut, selon la remarque de Tite-Live , que les forces des conjurez ayent été
XXV. bien formidables, & le Sénat
Romain bien indulgent.
C. Plautius L'année suivante on créa Consuls C. Plautius Hypfaeus, & L. iEmilius
Hypfeus Mamercinus. Tout (!U commencement de leur Consulat, les Setins & les
& L. iEmi- Norbans donnérent avis au Senat que les Privernates faisoient des courres
lius Ma- dans leur pays; en même tems on apprit que les Volsques excitez par lesAn-
mercinus
Consuls. tiates, s'étoient assemblez prés de Sutri,pour faire la guerre aux Romains; d'un
An de R. autre côté on vouloitreduire les Samnites. Pour executer ces projets, il fallut
412. du M. former deux armées? l'une, commandée par Plautius, marcha contre les Vols-
3 669.
ques; L'autre.commandée par iEmilius, marcha contre les Samnites. Le pre-
avant J. G. mier défit aisément les Privernates, prit leur ville
331. , y mit garnison Romaine,
& ôta aux habitans le tiers de leurs campagnes. Delà il alla attaquer les
Antiates. On se battit avec beaucoup d'opiniâtreté de part & d'autre.. Un Tit.Liv.1.8-
orage survenu tout à coup sépara les combattans. Pendant la nuit suivante Guerreles
les Antiates se sauvérent dans leur ville d'Antium, laissant à la merci des Ro- contre .
mains tous leurs blessez & une partie de leur bagage. On trouva sur le Priverna- -
tes & con- -
champ de bataille un trés-grand nombre de morts, & quantité d'armes, que tre les -
l'on brûla en l'honneur de la Déesse Lua , que l'on croit être la même que Samnites.
1\bea ou la terre. Delà le Consul porta le ravage jusque surie bord de la
Mer.
Pour les Samnites ils n'osérent paroître en campagne & le Consul
,
JEmilius désola leur campagne, , Il
& les obligea de lui demander Ja paix.
les renvoya au Senat qui leur accorda la paix, & renouvella avec eux le traité
qu'ils avoient fait quelque tems auparavant avec la Republique; Il leur per-
mit de plus, de faire la guerre aux Sidicins; mais on les obligea de payerune
année de solde aux soldats, & de leur fournir des vivres pour trois ans.
Les Sidicins attaquez par les Samnites.eùrent recours aux Romains, & à
l'imitation des peuples de Campanie, ils se donnèrent à la Republique. Le
Senat refusa ces offres, & abbandonna les malheureux Sidicins à la fureur des
Samnites. Cette conduite des Romains parut cruelle aux Campanois ; ils
prirent les armes, se joignirent aux Sidicins, aux Latins & aux Aurunces &
attaquèrent non les Romains, mais les Samnites. Ceux-ci n'osérent hazarder ,
un combat, & leurs ennemis ravagérent impunément leurs campagnes.
Les Samnites incertains si les Romains vouloient iincérement les tenir
pour amis & pour alliez ; & si les peuples qui venoient de piller leur pays,
n'étoient pas sous main soûtenus par les Romains envoyèrent des Ambassa-
deurs au Senat, pour s'en instruire. On leur fit réponse,
que la Republique
feroit cesser les hostilitez de la part des Campanois, qui étoient sujets de la
Republique, mais que pour les Latins, elle n'étoit pas la maîtresse de les em-
pêcher de faire la guerre. Cette reponse ne contenta pas les Samnites, & n'ar-
réta point les entreprises des Latins. Ceux-ci firent de grands préparatifs de
guerre, en apparence contre les Samnites,mais en effet contre les Romains. La
Republique jugea à propos de les prévenir, & on choisit deux Consuls ca-
pables de soûtenir le poid de cette importante guerre.
Le choix tomba sur Manlius TÕrquatu' & surDecius Mus, tous deux XXVI. -
célèbres par leur valeur. Ils commencèrent l'exercice de leur charge par Manlius
citer dix des principaux Chefs de la nation Latine, pour rendre compte des Torquatus
préparatifs de guerre qu'ils faisoient contre les Sunnites. Les Latins avoient & Decius
leur tête deux Préteurs Mus Gon-
a L. Annius & L. Numicius. Le premier étoit de fiais.
Setie & l'autre de Circée. Ils convoquérent les Etats de leur nation leur An de R.
exposérent les ordres du Senat Romain & leur demandèrent ce ,qu'ils 413. du M,
avoient à repondre. ^ Annius parla à l'assemblée,,
& proposa de repondre au 36,7o.
Senat, que les Latins étoient disposez de demeurer dans l'alliance du peuple avant J. G.
Romain sous deux conditions; La première, que l'on tirât toujours à l'avenir Les930. Latins
un Consul d'entre les Latins ; & la seconde, que les places du Senat fussent déclarent
partagées entre les Latins & les Romains. la guerre
Toute aux Ro-
mains.
!
Toute l'assemblée applaudit à la proposition d'Annius , & il fut prié de
parler & d'agir comme il croiroit plus à propos pour l'honneur & les inté-
rêts de la nation Latine. Il arriva à Rome, & parla au Sénat assemblé dans
le Capitole, d'une manière qui indigna toute l'ailèniblée. Le Consul Manlius
lui repondit avec autant de hauteur que de fermeté , & Annius sortant du
Temple tout transporté de cblére, se heurta & tomba à bas des dégrez, &
demeura quelque tems étendu sur la place. Les plus superstitieux ne man-
quërent pas d'en tirer un présage désavantageux aux Latins; & il fallut toute
l'autorité des Consuls pour empêcher que le peuple ne fit insulte & violence
aux Ambassadeurs des Latins. On leva en diligence deux armées,& les deux
Consuls se les aïant partagez , vinrent camper dans la Campanie au pied du
mont Vésuve; les ennemis s'étoient retranchez assez prés delà , & on étoit
dans l'attente d'une bataille
XXV1L Pendant une nuit les deux Consuls eurent chacun en dormant uti
Songe des songe tout semblable. Ils crurent voir un homme d'une taille
Gigantesque,
deux Con- qui leur disoit qu'il falloit qu'un des deux Chefs se dévoüât aux Dieux Mâ-
suIs tOtl.
nes, & que la vidoire étoit assurée au parti, dont un Général se conlacreroit à
chant le . sa tête Dieux des enfers & à la Dêesse de la terre. Les Dieux Mânes
dévoue- aux
ment de ou les Dieux infernaux
sont ceux qui président aux ames des morts, & dont
l'un d'eux. le pouvoir s'exerce principalement sous la terre & dans les enfers. Ils
aimoient 'les vidimes humaines & les sacrifices funestes. Les Consuls à^ leur
reveil se communiquèrent leur songe, & aïant ordonné des sàcrifices d'expia-
tion & consulté les Aruspices, ils assemblérent leurs Officiers Généraux, leur
déclarèrent ce qui leur avoit été révélé, & la résolution qu'ils avoient prisede
se dévouer l'un ou l'autre, pour le salut de la patrie. Il fut arrété que Man-
lius commanderoit l'aile droite, & Decius l'aile gauche, & que celui dont les
troupes plieroient les premières, se jetteroit dans le corps de bataille des en-
nemis, pour y trouver la mort.
xxviii. Dans la.même assemblée il fut convenu que nul Officier ni soldat ne
- Manlius combattroit l'ennemi, sans un ordre exprés & hors de son rang. Or il arriva que
défait Ge- le jeune Manlius fils du Consul sortit'ducamp à la tête d'un détachement, pour
miniusMe- observer la contenance des Latins & la situation de leur camp, sans aucune
tius Latin.
envie de combattre. S'etant approche de la garde avancée des Latins, il sut
Manlius le
Pere fait reconnu par Geminius Metius qui la commandoit , & qui défia
Manlius.
trancher Celui-ci n'osa refuser le défi; & aïant mis l'un & l'autre la lance en arrêt, ils
la tête à coururent l'un contre l'autre. La lance de Manlius ne porta que sur le Cas..
son fils
punir que de Metius. Mais d'un sécond coup de lance il frappa le cheval de Me-
pour
sa dés- tius entre les deux oreilles, & le cheval violemment blessé se cabra & renversa
obéi(Tance. son Cavalier. Metius s'efforce inutilement de se relever, Manlius lui porte
coup de sa lance dans la gorge de telle roideur, qu'elle sortit par les cô-
un
tes de ion adversaire. 11 le dépouille & retourne au camp. conduisent
Il y est reçu comme en triomphe par les soldats, qui le a la
tente du Consul Manlius Torquatus son Pere; Mais celui-ci sansvoulut écouter là
tend relie , ni l'estime qu'il faisoit de la valeur de son fils, ne le point
voir, fit assembler ses troupes, & en leur présence dit à son fils: Vous m'avez
mis
mis par vôtre desobéîssance dans la dure nécessité de vous punir, ou de man-
quer à mon devoir envers ladiscipline Republique, qui jusqu'icy n'a subsisté que par
observance sévére de la militaire. Je saice que je dois à l hu-
une
manité, & à un fils qui m'est cher, & que la victoire qu'il vient de remporter,
je dois l exemple àlajeunesse Ro-
nie rend encore plus recommandable, mais veines
maine. Et vous, mon fils, s'il reste dans vos une goutte du iang pater-
nel, vous ne devez pas refuser la mort, qui doit rétablir la discipline & l'o-
béïlsance que vous avez violée, en combattant contre les ordres de vos Chefs.
En même-tems il ordonna au Lisseur de l'attacher au poteau, & de lui tran-
cher la tête. Toute l'armée frémit en entendant cet ordre, & chacun sentit
le coup, comme s'il étoit tombe sur lui-même. Apres cette cruelle exécu-
tion le silence des troupes se changea en plaintes & en imprécations. Les

prises sur l'ennemi..


soldats témoignèrent leur estime pour le jeune Manlius , en lui faisant des
funérailles les plus honorables qu'il leur fut possible. Ils dressérent un bû-
cher hors du camp, & y brûlèrent son corps avec les dépouilles , qu'il avoit
Cet exemple servit infiniment à contenir les soldats Romains dans la XXIX.
..,plus sévére discipline, & rien ne contribua davantage à la viétoire qu ils rem- Bataille
portèrent sur les Latins, que l'obéïssance exacte qu'ils rendirent à leurs Chefs. entre les
pied du Ve- Latins.
Les deux armées se rangérent dans une grande plaine, au mont
luve. Les Aruspices aïant à l'ordinaire considéré le foye des vidimes , dé-
clarèrent, que du côté des Latins les fibres du foye des victimes annonçoient
un grand malheur, & que du côté des Romains tout étoit favorable ; que .
néanmoins du côté de Manlius les présages étoient beaucoup plus heureux.
Manlius comme on l'a dit, commandoit l'aile droite , & Decius l'aile gau..
, disposition des deux armées étoit la même les Latins suivant la
La
che. >
même discipline & le même arrangement que les Romains comm'étant
,
accoutumez de combattre dans leurs armées. XXX.
L'aile où commandoit Decius, fut vivement pressée & la première Decius
,
ligne fut obligée de céder, & d'entrer dans les intervalles de la seconde Mus se
ligne. A ce moment Decius se souvint de ce dont il étoit convenu avec son dévoue
Collègue, que celui des deux dont l'aile auroit du dessous, se dévouëroit aux mée pour l'ar-
Ro-
Dieux Mânes, & avec lui toute l'armée ennemie. Decius donc fit venir le mai,lie-
grand Pontife nommé Valerius, qui étoit alors à^ l'armée, & lui dit de faire
,
à son égard les cérémonies du dévouëment. Valerius lui ordonna de quitter
f.on habit militaire, & de prendre la robe dont il usoit au Sénat Ensuite il ;
lui mit un voile sur la tête , lui dit de tenir sous sa robe sa main élevée jus-
qu'au menton. Puis le Consul ayant mis ses pieds sur une lance couchée
par terre , le Grand-Prétre lui dit de prononcer aprés lui cette formule :
Janus, Jupiter, Mars, Rgmulus, Bellone, Dieux Lares, & vous neuf Divinitez, Héros qui
habitez le ciel, Dieux qui exercez vôtre Empire sur nom & sur nos ennemis, Dieux Infer-
l1aux, je vous honore, je vous invoque,
& je vous supplie de seconder les armes des &o-
mains, & de frapper de terreur nvs ennemis. je me dévoué aux Dieux Mines & à la
terre, pour obtenir la prospérité Je formés Semaine & de ses Légions, Je leur devoùif
Aittc woy f armée de rias ennemis
& leurs troupes auxiliairesB
Ayant proféré ces paroles, il retroussa sa robe, s'en ceignit, & envoya
donner avis à son Collégue de ce qu'il venoit de faire, & qu'il alloitsèjetter
à travers les ennemis à une mort certaine. Il saute à cheval, & parut tout à
coup d'une taille plus grande qu'à l'ordinaire. Les deux armées le prirent
comme un Heros descendu du Ciel , pour écarter les effets de la colére des
Dieux. Les ennemis frappez de terreur à la veuë de ce spedale, cédoient
la
partout où il paroissoit.A fin percé de coups, il tomba par terre , & tout à
coup les Latins perdirent courage, & les Romains taillèrent en piéces,ou mi-
rent en fuite l'aile gauche où Decius avoit commandé..
XXXI. Lorsqu'on apporta à Manlius la nouvelle de lamiort de Decius, & l'effet
Victoire surprenant qu'elle avoit opéré sur les Romains & sur tes Latins il ne put
des Ro- retenir ses larmes. Toutes les troupes qu'il commandoit,firentde ,
mains con- efforts, donnèrent nouveaux
tre les La-
& toutes à la fois sur les Latins, qui combattoient encore
tins. avec ardeur. Manlius fit avancer les gens de traits dans les intervalles des
deux premières lignes & plaça les volontaires à la première ligne ; Ces
,
troupes fraiches firent des merveilles contre les Latins deja fatiguez. Pour
leur tenir tête, ils firent venir leurs Triaires,qui étoient ce qu'ils avoient de
meilleures troupes. Le choc fut violent, & l'avantage paroissoit tout entier
du côté des Latins, lorsque le Consul ordonna à ses Triaires, qui jusqu'alors*
étoient demeurez comme cachez derriére leurs boucliers un genou en terre:,
d'avancer & de combattre.
Alors recommença un nouveau combat, & les choses prirent une autre
face.Les Triaires Romains mirent le désordre parmi les Triaires Latins , qui
leur étoient opposez; puis poussant les autres lignes, ils en firent un si grand
carnage, qu'à peine resta-t'il la quatrième partie de leur armée. On loua éga-
lement, & la valeur de Manlius, & la résolution de Decius, & on avoüa que
les armes de la Republique ne s'étoient point encore veuës en si grand péril..
Aprés le combat les Latins se réfugièrent à Minturne , un peu au dessus de
l'embouchure du Liris. Leur-camp fut pris & pillé. On chercha avec grand
foin le corps de Decius, & on ne le trouva que le lendemain percé de mille
coups. On lui fit des obséquesdignes de son rang & des services qu'il avoit
rendus à sa patrie.
XXXlL Les Latins de Lavinium ne sachant pas la déroute de ceux qui avoient
Seconde été défaits au pied du mont Vesuve, étoient partis pour venir à leur secours.
déFaite Mais ils n'étoient pas encore tous sortis de leurs murailles , lorsqu'ils appri-
des Latins.
rent cette triste nouvelle, & retournérent dans leurs maisons. Le débris de
l'armée Latine qui s'étoit retirée à Minturne , se grossit insensiblement , &
Numicius leur Chef leur persuada de tenter de nouveau la fortune d'un com-
bat. Ils marchèrent vers Capouë , se flattant de surprendre les Romains.
Mais le Consul Manlius informé de leur marche, s'avança jusqu'à Trifane,vil-
lage situé sur leur route. Les armées ne prirent pas le loisir de calnper.El1es
jettérent leur bagage en monceaux,& sè préparérent au combat. Les Latins
fatiguez & encore consternez de leur première détàite , ne firent qu'une lé-
gère. résistance.. Manlius entra, dans, le Latiura* y fit le dégât, & reçut toutes
les,
lesvilles à discrétion; Priverne ville des Volsques se rendit de même ; Ca-
pouë & toute la Campanie rentrèrent dans le devoir.
Le Consul pour punir la défection des Latins, des Capouans On
&des Pri-
les priva de leurs champs, & les distribua aux Romains. con-
vernates, Calupanois,
serva néanmoins leurs champs aux Laurentins & aux Chevaliers
lesquels n'a voient point pris parti dans la revolte de leurs Compatriotes. On
le privilége
fit plus en faveur des Chevaliers de la Campanie; on leur accorda
de bourgeoisie Romaine, & on leur assigna par tête une somme de quatre
devoient leur payer par an. ils
cens cinquante deniers, que les Campanois
étoient au nombre de seize cens. Manlius fut reçu a Rome d une maniéré,
qui dut le percer de douleur. La jeunesse Romaine le regarda avec horreur,
& comme un parricide. Il n'y eut que les Vieillards qui lui vinrent au de-
vant. Il ne paroit pas qu'on lui ait accordé les honneurs du triomphe, Tite
Live n'en parle point ; mais il remarque qu'il tomba malade, apparemment
de chagrin, & de désespoir. xxxiii.
Sur la fin de son Consulatles Antiates aïant fait quelques courses sur
L. Papyrius
les terres des Romains, Manlius nomma un Dictateur pour les réprimer ,
sa Crassus
maladie ne lui permettant pas d'agir. Ce Dictateur fut L. Papirius Crassus, Dictateur.
iEmi-
qui prit pour son Lieutenant-Généralde la Cavalerie L. Papyrius Cursor. Pa- Tib. lius &
pyrius ne trouva point d'ennemis en campagne. Il se contenta de faire vivre Publilius
les troupes dans leur pays, & retourna à Rome pour présider à l'élection des Consuls.
& Q Publilius. Le premier An de R„
nouveaux Consuls, qui furent Tiberius iEmilius,
étoit Patricien, & le sécond Plébéien. Ils marchèrent l 'un & l autre contre 4x4.3670. du NL
les Latins , qui-s'étoient rassemblez, les uns proche Ferentine , & les autres avant J. G.
proche Pedum. Publilius attaqua les premiers, les vainquit, les reçut a discré- BO.
tion, & mérita l'honneur du triomphe. Æn1ilius son Collègue prétendit au Guerre
jnéme honneur, pour avoir battu ses ennemis en diverses rencontres. ^ Mais contre lesc
le lui refusa, parcequ'il n'avoit pas pris la ville de Pedum. £milius s'en Latins.
on la noblesse. Tit,Liv. U%
vengea par des discours séditieux contre
Le Sénat lui ordonna de nouveau de créer un Dictateur , sous prétexte' Publi-
de réduire le reite des Latins rebelles. Æmilius saisit avidemment cette occa- lius Ditt.1co
sion d'humilier la noblesse. Il nomma pour Dictateur ion Collégue Publilius, teur,
oui, comme on l'a remarqué, étoit de râce Plébéienne ; Et celui-ci pritpoui
son Colonel-Général un autre Plébéïen, nomme Brutus bcseva. Publilius
profita du tems de sa Didature, pour relever les droits du peuple contre la
noblesse. Il fit passer trois loys trés-avantageuses aux Plébéïens.La première,
généralement par tous
que les Decrets faits par le peuple seroient observez
les sujets de la Republique. La seconde, que le Senat ratifieroit les loys,
avant qu'elles fussent portées en comices , & que le peuple les approuveroit,
& leur donneroit par là leur derniére forme. La trpisiéme , qu'il y auroit
toujours un desCenseurs tirez de l'ordre des Plébéiens. Ces nouvelles loys XXXIV. L.Furiùs
nlortifiérent le Senat, qui ne différa pas de s'en venger. Camillus
Les nouveaux Consuls ne furent pas plutost entrez dans l'exercice de &C. Mse-
leurs charges, que le Sénat leur enjoignit de faire le siége de Pedum, puis- nius Con-
Consul ful-s.
que le Consul Æmilius n'avoit osé le tenter. C'étoit faire sentir à ce
An de Ro- son insuffisance, ou lui reprocher sa négligence. On fournit abondamment
RIO 41,. du aux nouveaux Consuls dequoy faire ce tiége , & ils commencèrent parlà la
'M. 367T. campagne. Les Latins n'osérent paroître en campagne, mais ils envoyèrent
avant J. 6. au secours de Pedum. Tybur & Preneste furent les premières qui envoïé-
y
3129.
Siège de rent des troupes. Elles fondirent sur celles de Camillus,au moment que ceux
Pedum. de la ville faisoient une sortie. Le Consul battit & dissipa le secours,. & re-
Les Latins poufsa la garnison dans la ville. Le même jour laplace fut prise par escalade.
font ré- Les habitans d'Aricie, de Lavinium, de Velitres & d'Antium s'étoient réunis,
duits à
l'obéil- pour venir secourir Pedum. Ils furent battus en chemin par le Consul
fanee. Msenius.
ht. Livl. 8 Après cela les Consuls parcoururent ensemble tout le païs des Latins, &
obligérent towtes les places, ou de gré ou de force, à rentrer sous l'obéïsfiiice
de la Republique. Ils y laissérent de fortes garnisbns, & rentrèrent à Rome
glorieux. Ils triomphèrentleparemment,& on leur érigea deux statuës de
bronze dans la place aux harangues. On mit ensuite en délibération, de
,
quelle manière on puniroit la revolte des Latins; & le Sénat jugea qu'il fal-
lait les punir inégalement, puisque leur faute n'étoit pas égale. Les habitans
de Lavinium, d'Aricie de Nomente de Pedum & de Tusculum furent faits
,
citoïens Romains. Velitres fut rasée,, & son Senat transporté ailleurs. On y
envoïa une nouvelle Colonie Romaine. On ôta aux Antiates six navires
qu'ils avoient dans leur port ; & on arracha les éperons d'airain, dont les
prouës de ces vaisseaux étoient armées pour la guerre, & le Consul en orna la
tribune aux harangues, qui pour cette raison fut appellée ity/fr^c'est-à-direjes
becs ou les pointes des navires. A l'égard des villes deCampante, leurs terres
furent distri buées aux Romains.
la
Ainsi la Republique se vit augmentée de deux Provinces,de Campanie
& du Latium, dont elle devint maîtresse absoluë. Cela la mit en état de faire
de plus grandes entreprises, & de pousser ses conquêtes plus loin, qu'elle n'a.-
voit fait jusqu'alors. De plus on étoit heureusement parvenu à couper la
racine aux divisions domestiques , par les dernières loys qu'on avoit faites,
en supprimant les usures & les intérêts, & en admettant les Plébéiens dans
toutes les dignitez de la Republique.
XXXV. C. Sulpicius Longus & P. Ælius Paetus aÏantété élevez au Consulat,les
C.Sulpicius Aurunces petit peuple d'Italie,se voyant attaquez
Longus & par les Sidicins, se donnèrent
P./Eiius aux Ronlains.& réclamèrent leur assistance. Les Consuls furent chargez de
P 32 tus marcher à leur secours, & de réprimer les Sidicins. Ils lefirentavec si peu de
Consuls. diligence,que les Aurul1ces pressez par leurs ennemis, furent contraints d'ab-
An de Ro- bandonner leur Capitale, & de se retirer à Suessa-Arunca, autre ville de leur
me 416. du païs. Ils s'y maintinrent & s'y défendirent, mais leur Capitale fut prise, pil-
M. 3672.
avant J. C. lée & détruite. Le Sénat indigné de voir les tristes effets de l'indolence des
328. Consuls, les contraignit de nommer un Dictateur. Ils nommèrent C. Chu-
rit.Liv.ii 8 dius Crassus, qui prit pour son Colonel-Général de la Cavalerie C. Claudiu»
Les Aurun- Hortator. Mais les Augures aïant déclaré qu'il avoit
y eu quelque défaut de
ces se don formalité dans leur inauguration, ils furent obligez d'abdiquer, & les Consuls
ne nt aux
Romains» centrèrent en. exercice..
La
La Préture étoit alors la seule dignité à laquelle les Plébéiens n'avoient ceux-ci font la
point eu de part. Le peuple entreprit fous cesConsuls d'y faire entrer un de leur guerre aux
été Consul & Diétàteur. Samnitts..
corps ; Ils présentérent pour cela Publilius qui avoit
Le Consul Sulpicius qui étoit Patricien , refusa de l'inscrire au nombre des
Candidats pour la Préture. Ælius son Collégue prit le parti de Publilius. La.
chose fut portée au Senat, qui décida qu'un Plébéïen autrefois élevé au Con-
sulat & à la Dictature, ne devoit pas être exclu de la Préture. XXXVI..
Sous le même Consulat une Vestgle nommée Minutia fut convaincue :Minutia
d'avoir violé la pureté, à laquelle elle étoit obligée par son état. Elle vou- Vestale en-
lut donner la liberté à ses esclaves.pour les obliger à demeurer danslesilence,. ffouie toute
&pour empêcher que mis à la torture,-ils ne découvrant ses infamies. Mais ;vivante..
on lui fit défense de les affranchir , & les informations achevées, on la con-
damna à être enfouïe sous terre toute vivante. Elle fut conduite en grand
silence hors la porte Colline, dans le champ nommé scélérat, & là enfouïe
dans un caveau sbûterrain, que l'on couvrit d'une tombe.
Les nouveaux Consuls furent chargez d'aller faire la guerre* aux Sidicins L. Papirms'
& aux Ausons, qui continuoient leurs hostilitez envers les Aurunces ; Dez la Crassus &
premiere rencontre les ennemis prirent la fuite, & se jettérent dans leurs pla- Gaeso DuIlius
ces, où ils demeurèrent en seureté, les Consuls n'aïan-tpas jugé à propos deles Consuls.
y assiéger. Marc. Valerius Corvinus, & M. Attilius Regulus, qui leur succé- An de Ro-
dérent, eurent les mêmes ennemis à combattre. On fit agréera Attilius Re- me 417. (119
gulus, que sans tirer au sort, Valerius Corvinus son Collègue fût seul chargé M. 3 67?»
de 1 1 guerre.
coup de peine, puis assiégea la ville de Cales ,
Il marcha d'abord contre les Ausons, & les battit sans beau- avant J. <3'..
où ils s'étoient
employa pour la' reduire, les machines dont on se servoit alors pour
retirez. Il
assiéger,
527.
"'uern:'
contre les
des tours roulantes, & des ponts, sur lesquelles le soldat sans danger appro- Sidicins &
choit les murs, & les renversoit par la sappe. les Aurons.
Tit. Liv. /. a
Un jour un soldat Romain, qui étoit détenu prisonnier de guerre dans XXXVlh
la ville,, aïant rompu ses liens, s'échappa , & descendit par le moyen d'une M. Valerius
corde attachée aux Crénaux. Il donna avis au Consul, que les Aurons avoient Corvinus
passé tout le jour dans la débauche & dans la bonne chére, & qu'il seroit aisé &M. Atti-
de les surprendre, pendant qu'ils étoient endormis & pleins de vin. Sur lius Regu-
lus Con-
cet avis Valerius présenta l'escalade à la ville, & s'en rendit maître. Elle fut suts.
abbandonnée au pillage, les Ausons furent faits prisonniers de guerre, & on An de Ro-
mit dans la place une garnison Romaine. Le Consul revint à Rome, & y me 418. dt1
triompha. M.
J. C".
Le second Consul Attilius Regulus n'avoit point eu de part à cette ex- avant 32 6.
pédition. On voulut lui procurer l'honneur de réduire les Sidicins. Mais Guerre
comme l'année s'avançoit, on fit nommer un Dictateur pour présider à l'élec- contre les
tion des nouveaux Consuls. Ce Didateur fut L. Ætl1ilius Mamercinus,.&jon Aurons T. Liv. l.t.
Colonel-Général de la Cavalerie fut Q. Publilius. Les deux Consuls Valerius XXXV1H
& Regulus marchèrent contre les Sidicins, mais ils n'eurent pas le loisir d'a- L. iEmilius
chever cette guerre. L'honneur en fut réservé aux Consuls qui leur succé- Maraerci-
dérent, & qui furent T. Veturius Calvinus, & Sp. Posthumius Albinus. nvs
Bbbb 3 Ces Di&zteac.
iltis
-Y-.,Vetu Ces deux Magistrats proposérent au Sénat d'envoyer
'Calvinus & toïen5 Romains, dan» la nouvelle conquête une Colonie de ci-
Sp. Pofthu-
qu'on venoit de faire de Cales,au
mius Albi- pays
des Ausoniens. On choisit pour cela deux mille cinq bourgeois,
cens
nus Con- a qui l'on partagea les terres du païs nouvellement conquis. Aprés cela les
suls. An de Consuls entrèrent en armes dans le païs des Sidicins. Les ennemis furent
R. 419. du repoullez dans leurs places, & ne parurent plus en campagne. Cependant le
M. 367t. bruit se répandit à Rome, que les Sidicins avoient rassemblé de grandes for-
avant J. G.
?2f- ces, & qu'ils sollicitoient les Sabins à se joindre à eux. Il est presque in-
Colonie à croyable que l'on fût si peu informé à Rome de ce qui se passoit dans le païs
Cales. ou étoit l'armée. Le Senat sur ce fàux bruit fit nommer un Didateur.qui fut
Guerre P. Cornélius Rufinus, lequel se donna pour Colonel-Général de la Cavalerie
contre les
Sidicins. M. Antonius. Mais leur nomination s'étant trouvée défectueuse, le Dictateur
Tit.Liv.l. 8» fut contraint d'abdiquer. Une peste qui survint fit encore déclarer l'élection
P. Corne- des Consuls vitieuse. Ainsi la République n'aïant plus de Chefs, tomba dans
lius rufinus l'interrègne pendant lequel choiiit de nouveaux Consuls, qui furent,
on
Dictateur. dit-on, (a) Aul. Cornelius & Cneïus Domitius
Ca) ,
dont le Consulat n'est pas
TiuLiv.l. 8. marqué dans Tite-Live, & dont on ne lait aucune particularité.
XXXIX. L'année suivante on eut nouvelle que les Gaulois, qui étoient encore
A. Corne- en Italie, avoient pris les armes. C'en fut assez pour obliger les Consuls à
lius Go (Tus
&Sn. Do- nommer un
Dictateur, qui fut Papirius Crassus & son Colonel-Général de
Valerius Poplicola.Bientost ,
Initius <Sal- la Cavalerie fut aprés le bruit de l'armement des
vinllS Con- Gaulois se dissipa; & ni les Consuls, ni le Dictateur n'eurent aucune guerre
suis. An de à faire ni à soutenir. On fit le dénombrement du peuple Romain &
R. 421. du ajouta deux tribus , on
aux vingt-sept, qu'on comptoit alors dans la République.
M. 3677.
avant J. C.
C'est tout ce que l'histoire de cette année nous présente.
\ 323. Celle de l'année qui suivit, offre un spectacle singulier & infiniment
M. Clau- odieux. Plusieurs femmes Romaines, on en comptoit plus de cent soixante
diusMar- & dix prenant occasion d'une maladie populaire qui régnoit alors à Rome,
cellus, & firent , On étoit surpris de voir- mourir
C-a'i. Vale-
mourir leurs maris par le poison.
riuspotitus tant d'honlmes,tous hommes de conudération,& de les voir expirer avec. les
Consuls. mêmes symptômes. Une femme elclave découvrit la choie à Quinclus Fa-
L'andeRo- bius, qui étoit alors Edile Carule. Elle fut conduite devant les Senateurs
du
me 422.
M. 367X.
assemblez, & promit de faire connoître la. cause de tant de morts;qu'ellene
avant J. G. venoit que de quelques
Dame^ Romaines qui savoient préparer un poison ;
,
322. dont elles faisoient prendre à leurs maris. On entra dans leurs maisons, &
plusieurs on les trouva occupées à préparer ce prétendu remède. On prit entr'autres
femmes deux femmes Patriciennes, l'une nommée Sergia & l'autre Cornelia. Elles sou-
empoiion-
nent leurs tinrent que
leur potion n'avoit rien que de Salutaire. On les condamna à en
maris dans faire l'epreuve. Elles demandèrent d'en délibérer avec le reRe de leurs com-
Rome. plices. Elles résolurent toutes de prendre le breuvage; elles le prirent, &
Tit.Liv.l. 8. leur fut la conviction de leur crime.
Aug.de civ.
mort
Dei. 1.3.c. 1.
On imputa tout cela à un esprit de fureur & de vertige, envoyé par la
Val. Max. colére des Dieux ; & on nomma un Dictateur.pour ficher un clou dans le
Oros C'$c. Temple de Jupiter Capitolin, du côte qu'il regarde le Temple de Minerve;
XL. Cérémonie qui avoit été employée plusieurs années auparavant, lorsque le
Glou fiché
peuple
peuple Romain se cantonna sur les montagnes f sans vouloir retourner à la par ICf
ville. Le Dictateur fut Cneïus Quintilius, &il s'acquitta de ce ridicule point Dictateur
Cne'ius
de religion. Quintilius
Sous les nouveaux Consuls les habitans de Frabratere, & les Lucans, dans le
tous de la nation des Volsques, se voyant ménacez par les Samnites, vinrent Temple de
implorer la protection des Romains, & promirent de leur demeurer sournis J upi ter 6a--
& obéïssans. Les Consuls envoyérent une ambassade vers les Samnites, pour pitolin.
les prier de ne pas traitter en ennemis des peuples alliez des Romains.. L.PàpiriuS-Crassus 8c
Les Samnites détérérent aux priéres de la République parcequ'ils ne vou- L. Plautius
loient pas alors se les attirer pour ennemis, n'étant pas , préparez à leur faire Venus*
la guerre. Gonsuîs^
En même tems on reçut nouvelle qu'un nommé Vitruvius Vaccus habi- An de Ro- du!,
me 42?.
tant de Fondi,& aïant maison & demeure dans Rome, s'étoit fait choisir Chef M. 3679.
des Privernates & de ceux de Fondi,& à leur tête s'étoit jetté dans le territoire avant J. G"
des villes de Setie, Norba & Cora, où il faisoit de grands dégâts. Les Con- 321.
suls marchérent contre les uns & les autres, se retranchérent, & se campèrent Guerre
allez prés les uns des autres. contre;
Vaccus sortit de ses retranchemens, & rangea Fondi &
ses troupes fort prés de là. L'armée Romaine les dissipa presque sans com- contre Pri-
bat, & ils se jettérent dans leur camp. Ils n'osérent y passer la nuit. Dez-le verne.
soir ils décampérent,& se retirèrent dans Priverne. Papirius les y suivit,& les T-it.Li-V.I.S.
XLl.
y assiégea. Plautius alla dans le dessein d'attaquerFondi. Mais ceux de cette L. /Emiiiusi
ville lui aïant fait connoitre, qu'ils n'avoient nulle part à la revolte de Vaccus,. & G aï us
il les reçut à compolition, & les traita favorablement. Priverne résista long- Plautius
tems, & avant qu'elle fut réduite, l'un des Consuk fut rappellé à Rome, afin Gonsuls-
^de^réfider aux comices, pour l'eledion des nouveaux Consuls. An de Ro-
Le choix tomba sur L. iEmilius, & Caïus Plautius. Ils entrèrent en char- M. me 424. ([tu
3680.
le
ge vers premier de Juillet ; Car le tems n'étoit pas fixe pour le commen- avant J. C..
cement du Consulat. Le Consul Æmilius sut désigné par le sort, pour com- 320.
mander l'armée qui devoit agir contre les Gaulois, & Plautius alla continuer Guerre
contre sess.
le siége de Priverne. lenlilius ne conduisit son armée que jusqu'à Veïes, de Priverna-
peur qu^Jfes Gaulois, s'il alloit plus avant , ne le coupassent & ne se rendis- tes.
lent dans la plaine de Rome. Mais bientost il fut délivré de ses inquiétudes, Liv*1, ï»
lorsqu'il apprit que les Gaulois ne songeoient pas à faire la guerre. Il alla
joindre son Collègue devant Priverne. La ville ne tint pas longtems contre
les deux armées Consulaires. Elle se rendit à discretion, & livra Vitruvius»
Vaccus auteur de la rebellion. La ville fut demantelée,. & on y laissa gar-
nsson Romaine. Les Consuls reçurent les honneurs du triomphe. Vaccus,
fut condamné à perdre la tête, aprés avoir été fustigé; La maisbn.qui lui ap...,
partenoit sur le mont Palatin, fut rasée, & ses biens confisquez au profit dir
Temple Semo Sancus, qu'on croit êtreHercules le vengeur de la bonne fov des-;
traitez. Pour les Privernates ils parlérent au Sénat en des termes si remplis)
de magnanimité & de liberté,, que le peuple Romain leur accorda, le drQit, de
bourgeoisle dans Rome. G. Plautius
Les nouveaux Conful¡ résolurent d'envoyer une Colonie Romaine dans Procuius,, -

la. ville de Fregelles, autrefois dépendante des Sidicins i les Samnites qui &P.,Cor....
levaient: ucllu&S--i
pnla Con-" l'avoient possedée & rasée, en prirent occasion de se revolter contre les Ro-
luis. An de mains, & leur révolté éclata à l'occasion des hostilitez
R. 425. du que la ville de Palepolis
M. 3681. une de celle que les Grecs possédoient en Italie, exerça dans la Campanie, &
avant J. G. en particulier sur les terres de Falerne. Ce ne fut toutefois que l'année sui-
919. vante, que l'on ména une armée sur leurs frontiéres, & qu'on commença aies
Trt. Liv.1.8. traiter ennemis. Les Consuls de l'année 426. de Rome, furent L. Cor..
Colonie à en
nelius Lentulus, & Q. Publilius Philo. Ce dernier fut destiné le sort à
Fregelle. par
marcher contre les Grecs, qui habitoient ce qu'on appelle la grande Gréce,
c'est-a dire, cette partie d'Italie qui s'étend depuis Naples jusqu'à Tarente;
& son Collègue Cornélius se campa aux environs deCapouë,
les démarches des SJnInites.
pour obser-
ver
XLII. Le premier vint se porter entre Naples & Palepolis. Ces deux villes
L. Corne- étoient voisines & alliées. Le Consul leur coupa toute communication,
lius Lentu-
lus &Q.- & tint parlà bloquée la ville de Palepolis qui étoit la première cause de la
Publilius guerre. Quant-aux Samnites, on apprit à n'en ,
pouvoir douter qu'ils se dispo-
l'hilo Con- soient à la guerre; & la réponse pleine de hauteur & de
sul .t. An de menaces qu'ils firent
Ambassadeurs Romains, qui leur furent envoyez, confirma les soupçons
R. 426. du aux
M. 3682. qu'on avoit conçus contre leur fidélité. Cependant cette année se passa sans
avant J. C. aucune action considérable. On crut devoir envoyer les Consuls en cam-
318. pagne pendant toute l'année, & on les obligea de nommer un Dictateur, pour
Guerre présider à l'élection des nouveaux Consuls. Le Dictateur qui fut nommé par
contre les Cornélius, fut Claudius Marcellus, Plébéien d'origine. Les Augures sollicitez
Grecs &
contre les secrétement,àce qu'on crut, par le parti de la nob/else,déclarérent l'élection
Samnites. du DiCtateur défectueuse -& malgré le murmure du peuple, il fut obligé
TiJ. Liv.l.s. d'abdiquer. Ce furent les, Magistrats de l'interrégne qui présidérent
aux
mices, où les Consuls furent elûs. *W
XLil1.
Ces nouveaux Consuls commencèrent la guerre contre les Samnites

G.Pœtelius Mais Publilius, Consul de l'année précédente continua sous le nom dePro-
,
Libo & L. consul le blocus de Palepolis. L'armée des Consuls fut grossie par.les troupes
Papirius des peuples de la Lucanie & par ceux de l'Apulie, qui sont ordinairement
Mugilla- compris dans la Grande Gréce, ,
mais qui ne voulurent pas entrer dansle parti
nus Con- de
suls. ceux de Palepolis & de Naples. Avec ce renfort les Consuls entrèrent
An de Ro- dans le Samnium, & s'emparèrent des villes d'Alise, CaIJifre,.& Rufrium; &
me 427. du firent le dégât dans les terres de l'ennemi.
M. 3683. La ville de Palepololis bloquée par Publius, étoit à la fois pressée parla
avant J. (3.
317.
faim, & maltraitée par les Samnites & les soldats de Noie, qui y étoient entrez
Guerre pour la défendre. Elle attendoit le secours de ceux de Tarente, qui ne firent
contre les aucun mouvement en sa faveur. A la fin les deux Chefs qui la gouvernoient,
Samnites. résolurent de se rendre
Prise de Pa- aux Romains. L'un s'appelloit Nymphius, & l'autre
lepolis. Charilaüs. Ils concertèrent entr'eux, que Charilaiis iroit le premier s'offrir à
Tit.Li..,. 8. Publilius, puis avec les troupes Romaines viendroit au tems marqué, attaquer
la place en un endroit, qu'on auroit soin de tenir dégarni. Pendant l'absence
de Charilaiis, son Collègue Nymphius ne cessoit de déclamer contre lui COIU-
me contre un traitre à sa patrie ; Il proposa ensuite aux Samnites & à ceux
de Noie, d'aller secretement par mer faire une descente sur les terres des Ro-
mains,
,lmàim;, pendant que leurs armées étoient éloignées. Son avis fut approuvé.
-II fit sortir le plus de Samnites qu'il lui fut pollible , pour mettre
à l'eau les
vaisseaux qui étoient à terre ; & pendant qu 'oii est occupé à ce travail, Chari-
ïlaûs à la tête de trois mille Romains attaque Palepolis, & se rend maître de
la ville haute. Les soldats de Noie qui étoient dans la place , ouvrent pré-
cipitamment les portes, & se sauvent en leur païs. Les Samnites qui étoient
iur le port & hors de la ville, furent obligez d'en faire de même. Les uns
<& les autres servirent de jouets & de divertissement à leurs Compatriotes,qui
leur reprochérent d'avoir été la dupe des Palepolitains. Ainsi Palepolis &
Naples se donnèrent aux Romains ,; & Publilius pour recompense obtint les
,-honneurs du triomphe, quoiqu'il ne fut ni Di&ateur, ni Consul. La faveur
-du peuple lui valut cet honneur contre les régies communes.
Les Tarentins jaloux du progrés des armes Romaines, & fâchez de la XL[TJ'.
reddition de Palepolis., dont eux-mêmes étoient cause par leur retardement Les Taren-
à lui envoyer le secours promis ., résolurent de regagner les Lucaniens, qui tins enga-
lesLtt-
-s'étoient donnez à la République. Ils engagèrent a force d'argent une troupe gent caniens à
de jeunes. Lucaniens d'une naissance diltinguèe., à se déchirer le dos à coups se revoitec
de fouët, & à se présenter en cet état au peuple de leur païs, feignant d'avoir contre les
été ainsi traitez par les ConsulsRomains., sans aucune raison ; mais pour être R,omams.
seulement entrez dans leur camp, entraînez par la simple curiosité de le voir.
Le peuple ému, sans examiner la chose de plus prés, demande qu'on déclare
la guerre aux Romains, & qu'on renouvelle l'alliance avec les Samnites.
Les Samnites ne voulurent pas s'en fiera leur parole. Ils demandèrent
--des otages, & que les Tarentins reçussent garnison Samnite dans leurs places.
Tout cela fut accordé. Bientost on découvrit l'impostur-e. Les Auteurs de
la calomnie se sauvérent chez les Tarentins ; Mais rengagementpris avec les
.Samnites subsista., & la vengeance sui vit bientost après.
Sur la fin de cette année un nommé L. Papirius aïant conçu une patïïioîi XLV.
'honteulé pour un jeune Romain nommé Publilius, qui s'étoit engagé à lui pour Loys en fa-
des
les dettes de son Pere, ce jeune homme lui résista, & le maître le traita avec veur Débiteurs.
,une rigueur outrée, lui faisant déchirer le corps coups fouët.
à de Publilius
s'échappa de la maison du Créancier, & se présenta au peuple en l'état où il
étoit, déclarant publiquement le crime & les honteuses sollicitations de son
maître. Le Senat assemblé prit connoissance de la chose, & rendit deux ar-
réts. Le premier.que dans la suite personne ne seroit mis dans les liens, ni
châtié au gré de loh Créancier, à moins que sa faute ne fut bien avérée ; le
fecond,que les Créanciers n'auroient d'aftion que sur les biens, & jamais sur
les corps de leurs Débiteurs. 'L."Ftirius
L'année suivante on résolutla guerre contre les Vestins & les Samnites. Camillus &
Les Vestins venoient de se déclarer pour les Samnites. C'étoit un petit peuple, P. Junius
Brutus
dont païs
le étoit situe sur la Mer Adriatique, & étoit environné des Marses, Consuls.
des Peligniens & des Marruciniens. Les Veftins échurent au Consul Brutus, An de Ro-
& les Samnites à Camillus. Pour empêcher la jon&ion des ennemis, Brutus me 42g. du
se posta sur les frontiéres des Vestins, & les battit en diverses rencontres. Delà M. 3684. J.Ct
il porta la désolation dans leurs campagnes. Les Vestins au désespoir hazar*. avant 316.
Tom. II. Ce cc «dérent
Cwerre dérent la bataille & la perdirent. Ils se iauvérent dans leur camp & delà
contre les dans leurs places. Brutus les y suivit, & prit les villes de Cutine & ,de Cin-
Venins & gilie.
contre les Camillus son Collégue ne put rien entreprendre contre les Samnites.
Samnites.
Tit.Liv.l. 8. Une maladie qui lui survint, l'obligea à nommer un Didateur. Il choiiie L.
XLV1. Papirius Cursor, & celui- ci prit pour son Lieutenant-Généralde la Cavalerie
1. l'apirius Fabius Rullianus. L'un & l'autre se rendirent sans delay. Mais
Cursor Dic- au camp
le Didateur s'ét :nt apperçu, qu'il pouvoit y avoir quelque défaut dans Ion
tateur.
élection, retourna à Rome, pour faire recommencer de nouveau les Aulpices,
Fabius Co- laissant le commandement de l'armée à Fabius , avec détente de livrer la ba-
lonel - Gé- taille avant son retour. Fabius emporté par la jeunesse & par l'amour de la
néral de la gloire, résolut de profiter de la negligence,dans laquelle on lui voit dit
Cavalerie vivoit l'armée ennemie. a que
Il l'attaqua avec toute la vivacité que son courage
combat les se défendirent avec valeur, & l'armée Romaine
Samnites lui inspiroit. Les Samnites
contre les couroit risque d'être enfoncée, lorsque leur Cavalerie , ôtant les brides aux
ordres du Chevaux donna impétueusement sur les ennemis & les rompit. L'Infanterie
Diâateur. séconda cette ,
adion ; Les Samnites furent mis en fuite. Quelques uns ra-
content,que Fabius donna deux combats ; Mais Tite-Live, qui avoit veu les
anciennes Annales, n'en reconnoit qu'un. Le jeune Vainqueur eut tout le
bonheur qu'il pouvoit désirer. Il demeura, dit-on, vingt mille hommes sur
la place ; & aprés la bataille,sous prétexte d'un voeu fait à quelque Divinité,
il mit le feu aux dépouïlles des ennemis. D'autres l'interprétèrent, comme
s'il l'eut sait, pour en dérober le profit & la gloire au Diftateur, & pour em-
pêcher qu'il n'y mît son nom. De plus, il offensa sensiblement Papirius, eu
écrivant non à lui, mais au Senat, le succés & le détail de sa victoire.
XLVII. Papirius ne dissimula pas son ressentiment, & Fabius en fut promtement
Papirius averti. Avant que le Di&atear fut arrivé au camp, Fabius parla aux soldats,
veut punir leur exposa les dispositions du Didateur, le danger auquel il s'étoit exposé
Fabius
dans toute en combattant contre ses ordres, & le besoin qu'il avoit de leur assistance &
la rigueur j de leur appui. Le Didateur arrive peu aprés, assemble l'armée auprès de sa
Fabius esi tente, fait comparoîtreFabius, l'interroge, & sur ses réponses le condamne
délivré. à être dépouillé & fustigé par la main duLideur. Fabiuss'échappe & se jette
parmi lesTriaires , qui étoient les meilleurs soldats de l'armée. Toutes les
troupes témoignèrent parleurs cris,par leurs prières, par leurs ménaces,qu'el-
les étoient résoluës de soûtenir le jeune Fabius. La nuit sépara l'assemblée, &
Fabius profita des ténèbres, pour se rendre à Rome.
Son Pere, qui avoit été trois fois Consul, & une fois Dictateur, pria les
Sénateurs de s'assembler,& de protéger l'innocence de son fils. Déja les coeurs
paroissoient panchez à la clémence, lorsqu'on entendit le bruit de Papirius,qui
arrivoit avec ses Lideurs. Sa présence fit changer les dispositions du Sénat.
Il fit de nouveau arréter le jeune Fabius. Alors le Pere n'aïant plus d'autre
ressource pour garantir son fils, en appella aux Tribuns du peuple. Le Dida-
teur déféra à cet appel, qui étoit sans exemple. Dans l'assemblée du peuple
les deux Fabius parlèrent. Mais le Didateur soutenant toujours les préro-
gatives de sa dignité, parla à sba tour , rappella les exemples des Brutus &
des
Enfin
des Manlius, & conclut à la punition de la témérité du jeune Colonel.
Je peuple joignant ses priéres & ses instances à celle de la
famille desFabius,
demanda avec tant d'instances la grace du coupable, qu'il l'obtint. Papirius
lui témoigna, qu'il accordoit sa grace à la dignité du peuple Romain, & a
l'intercession de ses Tribuns, content d'avoir mis à couvert la discipline mi-
litaire, & l'autorité des Généraux. On loüa la fermeté de Papirius à soûtenir
les droits de sa dignité , & sa modération qui a voit sçu donner des bornes a
son pouvoir. Le jeune Fabius fut néanmoins déposé de sa charge de Colonel
Général de la Cavalerie, & un nomme L. Papirius mis en la place. XLVIII.
Le Dictateur retourna au camp, & y trouva tous les esprits aigris contre Bataille de
lui.Les Samnites informez de ce qui se passoit dans le camp , vinrent lui pré- Papirius
senter la bataille. Il ne pouvoit compter sur la résolution, ni sur la bonne vo- contre les
lonté de ses soldats. Il ne laissa pas de ranger son armée de telle manière, Samnites.
qu'il étoit impossible de la forcer. Ses soldats se défendirent foiblement, mais XL IX.
ils ne furent pas vaincus. Les Samnites perdirent plus de monde ; mais les L. Papirius
Romains eurent plus de blessez. Aprés ce combat Papirius parut avoir oublié Gursor
sa roideur & son inflexibilité. Il se rendit populaire , affable, compatissant, continué
Di&ateur.
le tout sans affectation & sans bassesse. Il prit soin des soldats blessez comme An de Ro-
&
de ses enfans, par ces maniéres il regagna bientost leur affedion & leur
me 429. dm
confiance. M. 3681.
Aux Comices suivans le peuple Romain ne voulut point choisir de nou- avant J. C.
veaux Consuls , pour laisser à Papirius le gouvernement de la
République en 3l,.
Tit.Liv.1.S.
qualité de Dictateur. Il réduisit les Samnites à n'oser plus paroître en cam- Guerre
pagne. Ce fier ennemi vit ravager ses campagnes, sans s'y opposer; Il fut en- contre les
fin obligé de demander la paix , & il ne l'obtint qu'à ces conditions. 1° qu'ils Samnites.
fourniroient des habits à chacun des soldats Romains. 2°. Qu'ils les soû- C. Sulpitius L.
doïeroient pour toute une année. 3°. Qu'ils iroient demander au Senat la Longus, &
ratification de cette paix. Tout cela fut agréé des Samnites. Papirius retour- Qj\urelms
na à Rome,& y triompha. Le peuple Romain voulut qu'avant
sa démissïon il Cerretanus
présidât encore aux Comices, pour l'election des nouveaux Consuls, qui fu- Consuls.
An de R.
rent C. Sulpitius Longus, & Q. Aurelius Cerretanus. du M.
Ils marchèrent contre les Apuliens, qui avoient violé la foy donnée à la 430.3686.
République;& contre les Samnites, qui ne voulurent pas tenir la trêve,ni les avant J. (S.
conditions proposées & acceptées de part & d'autre l'année précédente. Mais ?i4.
Guerre
ces ennemis n'aïant osé se montrer en campagne, les Consuls ne purent que contre les
faire le ravage dans leurs terres. La guerre continua l'année suivante contre Apuliens&
les mêmes ennemis. Les nouveaux Consuls résolurent de les attaquer sé- contre les
parelnment. Ils commencèrent par les Samnites. Ceux-ci attaquérent les Ro- Samnites.
mains, dans un tems où leur armée n'étoit pas encore formée, & dans un lieu Q Fabius &
Fulvius
qu'ils n'auroient pas choisi, s'ils avoient eû le loisir de se poster à leur avan- Curvus
tage. Mais enfin pressé par un ennemi nombreux & vaillant, il fallut se bat- Consuls.
tre où l'on se trouva. De part & d'autre on fit des prodiges de valeur. On An de Ro-
se battit depuis les neuf heures du matin jusqu'à deux heures aprés midy, me 431 du
sans qu'on vit de quel côté paachoit la victoire. M. 3687.
avant
J. IG.
Cc cc z Les ;i;.
Guerre Les Romains avoient placé à la hâte leur bagage, dans un lieu écarté,
contre les sans laisser personne pour le garder. Un escadron de la Cavalerie Samnite s'en
Samnites. étant
T. Liv.1%, apperçu, se détacha & alla droit à cette proïe.. 11 fut suivi de quelques
autres; & insensiblement presque toute la Cavalerie ennemie s'abandonna au
pillage. Le Consul s'en étant apperçu, commanda au Colonel de la Cavalerie
Romaine, de l'aller charger, pendant qu'elle étoit ou acharnée au pillage, ou;
chargée de butin. Les Cavaliers Romains fondirent sur les Samnites, les sur-
prirent, & les taillèrent en pièces. Puis revenant au champ de bataille, ils
donnèrent par derriére sur l'Infanterie Samnite avec tant d'impétuosité, qu'ils-
rébranlérent. L'Infanterie Romaine reprenant un nouveau courage, acheva
de la renverser. Ce ne' fut plus un combat, ce fut-un massacre. Le Général:
même de leur armée fut trouvé parmiles morts.. Delà Fabius alla ranger les;
Apuliens au devoir.
El. Les Samnites effrayez d'une si grande perte reconnurent qu'elle étoit-
Défaite dès la punition de leur manque de parole, & du violement , des traitez. Dans-
Samnites. assemblée de leur nation il fut résolu de livrer aux Romains un nommé'
Mort de une
l)apius.., Brutulus Papius, homme de condition mais inquiét, qui avoit porté le peu-
ple à enfraindre la trêve. Il fut donc,, envoyé à Rome avec les prisonniers
qu'on avoit faits pendant la tréve , &. le butin:' qu'on avoit pris pendant la-
dernière guerre. Le malheureux Papius se donna la mort en chemin, & les,
Ambassadeurs Samnites livrérent son corps mort aux Romains. Ceux-cy re-
çurent les prisonniers, mais n'acceptérent que cette partie du butin, que quel-
ques Romains reconnurent leur appartenir. On n'eut point d'égard à cette,
soumission des Samnitesqui.paroiffoitfffincére., L'on accorda l'honneur dm
triomphe aux deux Coniuls.
Ceux qui leur succédérent, furent' Titus Veturius Calvinus & Spur,.
L'Il. ,
Posthumius. Ils eurent affaire aux Samnites, à qui les pertes précédentes, qu'ils*
T.Veturius avoient faites, avoient donné la circoiispedion, & à qui le refus,
calvinus que le Sénats
& Sp. post. avoit fait de leurs offres, avoit inspiré uneaversion implacable du nom Romain..
kumius Les Samnites mirent à la tête de leur armée un Général nommé Pontius, fils;
Consuls d'un nommé Herennius. Celui-ci s'étoit retiré des affaires,,mais paÍfoitpourr
An de Ro- un excellent Conseil. Pontius étoit dans la force de son âge, & étoit
me 49 2. du putation d'un excellent Général. en ré-
M.
Il choisit pour le Théatre de la guerre-
avant J. C. Caudium, petite ville du Samnium, environnée de bois,,de marais , de défi-
312. lez, propres à mettre une armée en embuscade. En effet il y mit la nenne,,
Guerre & les Consuls Romains vinrent camper à quelque distance delà, prés les bois;
contre les
Samnites. qui couvroient
Caudium. Ils y demeurérent allez longtems dans l'ina&ion,,
T.Liv. 1.• craignant de s'engager dans les défile.%. Pontius fit répandre le bruit qu'il avoit:
quitté le voisinage de Caudium , & étoit allé faire le siége de Lucerie, ville-
alliée des Romains. Cette nouvelle fut confirmée à diverses reprisès par des-;
soldats travestis en payeurs, qui se laissoient prendre exprés avec leur bétail..
On s'étonne avec raison que les Consuls, étant si prés de Caudium & de l'ar-
mée des Samnites, sçussent si peu ce qui fè passoit dans leur camp.
Ils prirent donc sans autre examen, la résolution d'aller sccourir Luce-
|
rie il y eut quelque partage de sentiment sur la route qu'on de voit prendre..
LL&-,
Les uns vouloient qu'on évitât le paisage de Caudium, comme trop serre <Sc
trop difficile ; D'autres en plus grand nombreà furent pour la voïe la plus
courte, ne croyant pas qu'il y eût aucun danger la suivre. On s'engagea
donc dans la forêt & dans les défilez qui conduisoient à Caudium. D'abord
ils trouvèrent les chemins libres ; puis s'avançant, ils descendirent dans un,
vallon assez spacieux, environné de hautes montagnes, chargées de bois tres-
épais. Le terrain du vallon étoit rempli de foudriéres & de marécages , &
Samnites avoient,
on n'en pouvoit sortir que par un défilé trés-serré , que les
fermé, & qu'ils gardoient avec un bon corps de troupes.
Les Consuls se doutèrent alors de quelque surprise. Ils voulurent re- LUI,
Avanture
brousser chemin,& sortir du bois par le même chemin qu'ils y étoient entrez. des four-
Mais ils le trouvérent encore fermé par des abbâtis d'arbres & des amas de ches Cau-
pierres. Se trouvant ainssi environnez de tous cotez, ils commandèrent à dmes..
leurs trouppes de fortifier un. camp dans le milieu du vallon. L'ennemi se
découvrit alors par les huées & les insultes qu'il fit aux travailleurs. L'on;
s'assembla pour tenir conseil' Mais la nuit survint avant qu'on pût prendre
aucune résolution.. La nuit se passa dans les inquiétudes & les perplexitez,-
qu'on peut s'imaginer.. Les Samnites de leur côté crurent r qu'ils devoient
consulter Herennius , ce vénérable & sage Vieillard r Pere- de leur Com-
mandant. Ils- lui dépêchérent un Courier, & il répondit , qu'il étoit d'avis
qu'on ouvrît le passage aux Romains, & qu'on les renvoyât à Rome:
On sut extrêmement surprïs de ce conseil , & on ne pouvoit croire
qu'Herennius en fût Auteur. On lui dépêcha un second Courier, & il récri:".
vit, qu'on fit mourir tous les Romains sans exceptions Cette contradiction-
de sentimens embarrassa les Chefs des Samnites. Xls- engagèrent Herennius:
à venir au camp en personne.. A, son arrivée il développa le myst.ére de'
ses deux avis. Ou il faut gagner les Romains par un aéte de générosité, leur
dit-il, ou il faut les exterminer. Par le premier vous vous les rendrez amis;:
par le second vous les mettrez hors d'état de vous attaquer de longtems.L'un;
ou l'autre vous procurera la paix. On lui proposa un parti mitoïen, c'était:
de renvoyer les Romains la vie sauve, mais de les traiter en vaincus.. Ce
sentiment fut suivi, malgré les remontrances du Vieillard.
Les Romains enfermez depuis quelques jours dans cet affreux valions nv.:
Les Rou-
ne savoient quel parti prendre. A la fin ils conclurent, qu'il falloit députer mains sont
aux Samnites, pour leur demander la paix à des conditions raisonnables' ou obligez de"
en cas de refus, les inviter au combat Pontius reçut les Députez avec hau-, passer iou£-
teur , & leur déclara qu'ils ne sortiroient de ce lieu que désarmez, & aprés le joug,-
avoir passé sous le joug ; que pour le reste, il entendoit qu'ils quitteroient le,"
Samnium, & retireroient les Colonies des villes, qu'ils avoient usurpées sur.
les Samnites ; qu'ils ne devoient point espérer de lui d'autres conditions que:
celles-là. Les Députez rapportérent cette reponse aux Consuls, qui les rem-
plit de désespoir. Lentulus un des principaux Officiers de l'armée, osa con--
seiller de prendre le parti de la sbumiflion, &. desauver l'armée, pour coiiser--,
ver la ville & la Republique.
Cet avis,, tout humiliant qu'il étoit, fut suiyi. Les Consuls & les princi-
paux Officiers Romains se rendirent auprés de Pontius,& convinrent des con-
dirions du traite Mais ils se retranchèrent sur les formalitez
5 ne pouvant
faire de leur autorité privée un traité solemnel avec les Samnites,, sans le con..
tentement du peuple Romain,& sans l'assistance & le ministére des Féciaux,
pour immoler une truïe,& charger les infrafteurs des imprécations ordinaires.
Mais au défaut de ces formalitez, les Samnites demandèrent six Cheva-
cens
liers Romains en otage lesquels répondraient sur leur téte de la seûréte du
,
traité. Les Romains promirent tout ce qu'on voulut, & malgré la rage & les
malédictions du soldat, il fallut mettre bas les armes, & pader à un sous
un
le joug, qui étoit une espéce de potence, composée de deux piques fichées
en terre,& d'une troisiéme qui les traversoit par le haut. Les Consuls paffé-
rent les premiers,dépouillez de leur paluâamentum, qui étoit leur manteau de
guerre, & la marque de leur dignité. Et les Légionaires les uns après les au-
tres selon leur rang. Les six cens Chevaliers Romains furent mis en main des
Samnites, & aussitost conduits en lieu de seûreté. Aprés cela l'armée fut
renvoyée la vie sauve; & telle fut la fatale Journée des fourches Caudines.
LV. Les Romains auroient pu arriver le jour même àCapouë; mais la honte
Les soldats & le dépit de se voir en un état si malheureux , les obligea de demeurer en
Romains chemin, & d'y coucher sur la terre, dénuez de toutes choies. Les-Cïïpbiians
retournent touchez de leurs malheurs, leur envoyèrent des rafraichissemens, & donnè-
à Rome Consuls des habits, des chevaux, des faisceaux,des Liéteurs,& lesor-
sans armes. rent aux
nemens de leur dignité. On les reçut à Capouë avec toutes les marques
d'humanité & de bienveillance. Mais rien n'étoit capable de les toucher, ni
de les consoler. Ils ne parurent nullement sensibles à tout ce qu'on avoit
fait pour eux. Ils ne respiroient que la vengeance; un morne silenceregnoit
parmi eux & un air de mécontentement se faisoit remarquer sur tous les
,
visages.
A Rome on avoit sçu, je ne sai comment, le danger des Légions, & on
avoit déjà fait quelques lévées pour marcher à leur secours. Bientost aprés
arrivèrent les nouvelles de la paix honteuse, que les Consuls avoient concluë.
Tout à coup on prit toutes les marques du grand deuïl, sans attendre les or-
dres du Sénat.On ferma les boutiques, on quitta les tribunaux où l'on rendoit
la justice les Dames Romaines mirent bas leurs anneaux d'or, & les l\Ia..
giltrats les, ornemens de leur dignité. Toute la ville fut remplie de murmure
& d'indignation contre les auteurs d'un tel traité. Les sbidatsn'osèrent rentrer
dans la ville que la nuit & nul d'entr'eux ne parut en public les jours sui-
,
vans. Les Consuls s'interdirent toutes fondions de leurs charges. Ils nom-
mèrent un Dictateur, pour présider aux Comices dans l'élection des nouveaux
Consuls. Ce Dictateur pour quelques défauts de formalitez, fut obligé de se
déposer. Il en arriva autant à un second qu'on avoit choisi. On eut recours
à l'interregne pour présider aux Comices, & les nouveaux Consuls furent L.
Papirius Cursor, & Q. Publilius Philo.
LVl Ils entrérent en exercice de leur charge avant que l'année de leurs pré-
L. Papirius décesseurs fût expirée. Le Sénat fut assemblé, pour trouver quelque tem-
QJ'ubliiius peramment,afin de réparer l'honneur de la Republique, & pour chercher
Cursor &
qu el-
quelque moYen de casser avec quelque couleur de justice le honteux traité Philo Cou*
fait avec les Samnites. Le Consul Posthumius qui avoit été aux fourches fuis.
Caudines, proposa au Sénat de le livrer lui & les autres Officiers de l'armée, An de R.
ennemis, aïant outrepasse leur pouvoir concluant traité,sans 43?. du M.
aux comme en ce ;689.
pouvoir ni du Senat ni du peuple Romain. Cet avis fut suivi , non obstant avant J. a.
les oppositions des tribuns du peuple; & Posthumius avec les autres auteurs 31 1.
du traité furent liez & menez en cet état aux Samnites. On remarque que Tit.Liv.L
l'Officier de justice n'aïant pas serré ses mains assez fort, Posthumius l'en reprit, PoHllU-
& lui dit de le lier de manière que les Samnites n'aïent pas même sujet de rendu mius est
douter de la vérité de ,
sa reddition.
aux
Samnites,
Arrivez au camp des Samnites, le Fécial Romain parla de cette sorte : comme
Puisque ces hommes ont conclu un traité de paix avec vous, sans en avoir aïant traité
reçu de nôtre part aucune commission, nous vous les remettons comme cou- sans avec eux
l'a-
pables, & nous vous en laissons le châtiment. En même tems Posthumius grément
frappa du genou le plus rudement qu'il put le Fecial à la cuisse, en lui disant: de la Re-
Je luis Samnite, & je frappe un Ambassadeur Romain. Par ce violement du publique»
droit des gens, vous étes autorisez à nous faire la guerre. Pontius Général
des Samnites ne se laissa pas surprendre par ces apparences étudiées. Il
somma Posthumius, ou de faire ratifier le traité au Senat, ou de remettre les
choses en l'état où elles étoient avant le traité. En même tems il fit délier
le Consul & les autres qui l'accompagnoient, & les renvoïa. Ils se rendirent
sans scrupule au camp des nouveaux Consuls & on commença bientost à
,
entrer en action.
On portera quel jugement on voudra de cette adion des Romains;mais
on ne me persuadera jamais qu'elle ait mis leur bonne foy & la justice à cou-
vert. Les Samnites virent alors, mais trop tard , le tort qu'ils avoient eu de
ne pas suivre les conseils d'Herennius. Ils avoient irrité les Romains au
,
lieu de les gagner; Ils ne les avoient point affoiblis, & n'avoient fait qu'aug-
menter leur animosité contr'eux. La manière dont Posthumius avoit réparé
sa faute, lui avoit fait infiniment plus d'honneur que les fourches Caudines
lui dans ,
ne avoient fait de tort, les esprits des Romains.
Les nouveaux Consuls étoient à la tête de leurs armées mais l'inadion LVII.
des Samnites les obligea de demeurer eux-mêmes sans rien entreprendre , de
de Prise
considérable. Cependant les habitans de Sutri, ville du Latium, s'étant dé- Fregellcs'
clarez pour les Samnites s'emparèrent de la ville de Frégelles pendant une les Su-
triens.
,
nuit. Quand il fut jour,on commença de part & d'autre à combattre. Tous
les Fregellans, hommes.femmes & enfans se mirent sur la défensive,& tuérent
bien du monde aux ennemis. Ceux-ci firent publier par un Hérault, qu'ils
pardonneroient à tous ceux qui quitteroient les armes. Plusieurs les quittè-
rent, & les perfides Samnites firent allumer un feu autour, & les brûlèrent.
Les autres se sauvérent comme ils purent, en se battant en retraite, jusqu'à la
porte de leurs villes.
Ln même tems on reçut des avis certains que ceux de Capouë avoient LV11L
pris la résolution de secouër le joug des Romains. Cette nouvelle obligea à <l, Mx ni
us
creer un Dichteur,qui fut Caïus IVlasnius, de race Plébéïenne qui prit pour 1)ittaleur,
,
fou
iles Princi- son Colonel-Général de la Cavalerie M. Fossius aussi Plébéïen. Il ne fit
de dignité, ,
paux des point d'autre exercice sa que contre ceux qui s'étoient révoltez,
Gapoiians
se font ou qui avoient conspiré contre la Republique. Ceux de Capouë n'attendi-
mourir rent pas qu'on les exposât au supplice. Ils se tuérent eux-mêmes. Aprés cela
pour évi- le Didateur qui en vouloit à la nobleiTe, déclara qu'il vouloit procéder con-
terlapcine tre ceux qui avoient brigué d'une façon contraire aux loys,les charges de la
de leurs in- Republique. Les Tribuns du peuple ménacérentle Didateur lui-même, & on
fidelitez.
assûre qu'ils le déposérent, aussi-bien que le Consul Publilius ; mais ni l'un ni
l'autre ne purent être convaincus d'aucune brigue puniiïàble.
LIX. Cependant les affaires de la guerre ne s'avançoient pas. Aprés la dé-
Cornélius position/du Consul Publilius, on nomma pour Dictateur Cornelius Lentulus,
Lentulus qui prit pour son Colonel-Général de la Cavalerie, le Consul Papirius. Ils
Diftateur. retournèrent ensembleàl'armée.lls la partagérent en deux corps.Papi¡ius avec
Vittoire les liens marcha contre Lucerie,où les six-cens ChevaliersRomains donnez
en
contre les
Samnites. otage aux Samnites.ètoient détenusprisonniers.Lentulusdemeuraproche Cau-
Tit.Liv.l dium, avec les mêmes troupes qui avoient passésous les fourches Caudines.
Pontius Général des Samnites crut qu'en l'absence de Papirius il auroit
bon marché de Lentulus, dont la réputation n'étoit pas grande dans le com-
mandement des armées. Il lui présenta la bataille. C'est-ce que demandoient
les troupes Romaines. Aussitost que les armées furent en présence, le soldat
Romain sans attendre les ordres du Général,ni observer l'ordre ni la manière
ordinaire d'attaquer, se jettérent sur l'ennemi avec une impétuosité qui tenoit
de la fureur. Ils négligérent de se servir des traits qu'ils tenoient en main;
ils les jettérent par terre, & armez de leurs épées, ils coururent sur les Sam-
nites presque sans ordre, mais avec une violence si extraordinaire, qu'ils les
enfoncèrent & les mirent en déroute. Les ennemis ne crurent pas même
qu'il fût seûr pour eux de se retirer dans leur camp. ^ Ils prirent la route de
Lucerie, dans le dessein de la secourir, & abandonnèrent leur camp & ceux
qui y étoient demeurez, à la fureur des victorieux.
Le Consul Papirius de son côté entra dans l'Apulie, & fut fort bien reçu
LX. lui facilita l'accés à la ville de Lucerie,dont il avoit
Siége de dans la ville d'Arpi ; ce qui
Lucerie. deflfein de faire le siége. Il le forma en effet , & la ville étoit serrée d'itssez
prés, lorsque le Didateur Cornélius y arriva aussi avec Ion armée vié:torieuse.
Il y fut d'un grand secours à Papirius, par rapport aux vivrès , que l'on avoit
toutes les peines du monde de tirer de la campagne, dont les Samnites étoient
maîtres, Ceux-ci voïant Lucerie réduite aux abbois , présentérent la ba-
taille aux Romains, & Papirius ne la refuÍà pas. On étoit prêt à en venir
mains, lorsqu'il vint des Ambassadeurs de la part des Tarentins, ména-
aux le'déclarer pour celui des deux peuplés, Romains ou Samnites, qui
çant de
s'obstineroient à vouloir combattre. Papirius les écouta, & feignit d'avoir
égard à leurs priéres, & de vouloir en conférer avec le Didateur ; mais ce
les mesures pour la bataille.
ne fut que pour prendre avec lui sur sa
LX1. En effet le Consul fit arborer tente la Casaque rouge, qui \.-toit le
Viftoire signal du combat. Le Dictateur fit offrir les sacrifices accoutumez, & l'on
se disposa à marcher à l'ennemi. Les Ambassadeurs deTarente
contreles se présentérent,
Samnites.
les tn'éprisa.Les Saninites ne s'attendoient point au combat, lorsque les
on n-osérentsortir de leur retranchement.
Romains parurent hors de leur camp. Ils
T es troupes Romaines
les y forcérent, & firent main basse sur tous ceux i
parurent les armes à la main,& même sur ceux qui ne firent aucune résista,
On ne vit jamais un plus grand acharnement. il fallut les faire sortir du
camp Apre^ceLTe^aateur
jetta ses troupes dans l'Apulie, & l'assujettit prés-
entiére; Le Consul de son côté obligea bientostles Lucériens a se
que toute Romains, qui
rendre Ils commencèrent par lui offrir les six-cens Chevaliers
étoient renfermez, s'il vouloit lever le siége. Papirius repondit que non-
.y
1eulenlent on lui rendroit les six-cens Chevaliers Romains, mais aum,que tous
les Samnites qui étoient dans la ville, passeroient sous le joug; que pour
les
bourgeois de Lucerie, il voulut bien leur accorder la vie & la liberté. Les
Lucériens acceptèrent ces conditions. Les six-cens Chevaliers furent rendus
Consul, & sept-mille Samnites passérent sous "le joug. Aprés cela l'armee
au
F onDine revint à Rome. Tite-Live dit,que Papirius fut honore du triomphe;
sais les Faites Capitolins n'en parlent pasConsul
L'année suivante il fut continue avec Q. Aulius Cerretanus.^ - LXil
Celui-ci fit la conquête de Ferente ou Forent ville d'Apulie. Papirius parut cursor, &
l.
] Papirius
devant Sutri , qui avoit reçu dans ses murs une garnison de Samnites. La Q. Aulius
présence seule du Consul les jetta dans la consternation. Ils lui deputérent Cerrctanus
Il leur ordonna de ne plus paroître de- Consuls.
pour implorer sa clemence. à <

leur ,
lui
vant ville , qu'ils n'eussent
Ceux de Sutri
mis mort
prirent un
la garniion de Samnites, qui étoit dans An de Ko-
tempérament.
Consul de leur
Ils
sortie.
firent
Ils
sortir
les fit
les me
:
43
M. 3690.
4. du •

Samnites par une porte, & avertirent le at- avant J. C.


tendre lur le chemin,& les mit à mort. 'D'autres Sutriciens lui livrèrent une Prise310. de
fil de l'épée tout ce qu'il restoit de
porte de la ville , & il fit passer au ensuite
Samnites dans la ville. Il informa contre les auteurs de la rébel- Ferente de Sutri.
lion, & leur fit trancher la tête. Cette conquête lui mérita l'honneur du tri- T. Liv. 1. 9.
omphe.
Cursor étoit d'un tempéramment très robuste , infatigable dans LXill.
Caractère
les travaux de la guerre, ne donnant point de relâche à ses troupes, mangeant de Papirius
& buvant autant ou plus qu'aucun homme de son tems, dten esprit aisé & fa- Cursor.
cétieux, ayant la repartie promte & agréable. Un j01& ses Cavaliers lui de- -Tit. Liv.Lf
mandèrent un peu de relâche,après avoir fait une expéditionde valeur. Volon-
tiers leur réoondit-il. le vous accorde de ne pas potier la main sur le dos de vos
,chevau-x,lorsque vous en descendez.Une autrefois aïant fait venir en sa présence
le Préteur de Prénen:e, dont il n'étaitpas content ; le lieu où il le reçut ètant
embarassé de branches & de racines d'arbres, Papirius d'un air faché ordonna
faisceau où elle étoit engagée ; Le Préteur se
au Licteur de tirer sa hache du Lideur de les racines qui emba-
crut perdu ; Mais Papirius dit au ,
couper
rassoient Ainsi le Magistrat de Préneste en fut quitte pour la peur. LXîV,
Papirius eut pour successeur dans le Consulat deux hommes, qui n'a- L. Plautius
voient jamais été en place; lavoir L. Plautius Vermo, & AI. Follius Flaccinna- Vermo, &
à Rome des M. Follius
tore Dés le commencement.de leur Magistrature, on vit arriver
Flactina- Députez de plusieurs villes Samnites, qui venoient demander d'être admires
tor dans l'alliance des Romains. Le peuple assemblé en Comices, leur refusason
Consuls. alliance, mais leur accorda seulement une tréve de deux ans, Aprés cela le
An de Ro-
Con-sul Plautius conduisit une armée dans l'Apulie. 11 y repandit l'elfroy,&
me 49 ç. du
M. 3691. les villes de Theano & de Canusium se rendirent aux Romains, & leur donné-
avant J. G. rent des otages. En même tems ceux de Capouë demandérent à la Republi-
09.
7: Liv. 1. 9. que un
Préfet pour les gouverner, & des loys pour les régir. Cela leur fut
Trêve avec accordé avec plaisir; & l'on ajouta alors deux tribus aux anciennes; La pre-
les Samni- mière fut nommée Falerine.du nom du montFalerne, & la sécondé Ufentine,
tes. toutes deux dans la Campanie; de sorte qu'on commença à compter à Rome
Guerre trente & une tribus Romaines , aïant toutes droit de suffrages dans les Co-
dans
l'Apulie. mices par tribus.,
Deux nou- L'année suivante fut heureuse pour la Republique. De toute l'Apulie il
velles tri- ne ressoit plus que Tarente à assujettir. Le Consul Junius Brutus s'en rendit
bus à maître. On ne nous apprend aucune particularité de cet événement. Delà
Reme.
LXV. les deux Consuls se rendirent dans la Lucanie,& emportèrent d'assaut la ville
QjEmilius de Nerula; Ainsi la Republique étendoit notablement ses conquêtes dans cette
Barbula, & partie de l'Italie, qu'on nommoit la grande-Grèce.
Jun.Brutus Les Consuls qui furent à la tête de la République l'an 437. de la fonda-
Bubulcus
Consuls. tion de Rome, nommèrent un Dictateur dez le commencement de leur ad-
An de R. ministration, & ne sortirent point de Rome pendant toute cette année. L.
436.du M. Æmilius qu'on éleva à la Dictature, & qui choisit pour son Colonel-Général
3692. de la Cavalerie L. Fulvius, se mit à la tête des armées Romaines, & marcha
. avant J. 6. la ville de Saticule, alliée des Samnites. Ces peuples accoururent au
?o8.
contre
P. Nautius secours de leurs alliez, & vinrent camper à portée de Saticule. Le Dictateur
&M l'o- se trouvant entre ces deux ennemis, sçut si bien prendre ses mesures, &lc potta
pilius si avantageusement.qu'il rendit inutiles tous les efforts des ennemis;qui tentè-
Consuls,
rent inutilement de l'envelopper, en le prenant de deux côtez. D'abord les
An de R. Saticulans,
437. du M.
quiavoient fait une sortie, furent vigoureusètiietit repoussez dans
3693. la ville par une partie de l'armée d'iEmilius; puis ces mêmes troupes s'étant
avant J. G. réiinies à celles du Didateur vinrent fondre sur l'armée des Samnites qui
,
307. après une vive & longue résistance fut enfin obligée de se sauver dans, sou
L.Æmil?us Elle sortit pendant la ,
nuit, aprés y avoir allumé de grands feux,
Dittateur. camp. en
Prise de la pour cacher sa fuite. -
ville de iEmiiius tourna ensuite toutes ses forces contre Saticule. Mais il fut
Saticule. obligé de retourner à Rome, & d'y renoncer à sa dignité avant la réduction
Défaite des Consuls ,
Samnites.
de la place. Les de l'année qui suivit, n'eurent point non plus de
LXVI. part aux affaires de la guerre. Le Dictateur Q. Fabius Maximus fut chargé
t. Papirius de continuer le siége de Saticule. A peine y fut-il arrivé, que les Samnites,
Cursor, & lesquels aprés leur défaite s'étoient attachez
Q^Pub'ilius senter, au liège de Plistie, vinrent se pré-
Philo pour lui livrer bataille. Leur armée étoit nombreuse, mais Fabius lims
Consuls. s'en mettre en peine, continua le siége de Saticule & se contenta de poftcr
,
An de Ro- quelque Cavalerie par devant ses retranchemens, pour les mettre à couvert.
me 438. du Les Samnites se présentérent avec quelques Escadrons, pour insulter les Ro-
M. 3694.
mains.- Aulius- Cerretanus ColondUGéaéraide la Cavalerie Romaine, les reçut
aYCI
d'intrépidité, qu'il les repoussa. Le Chef des Samnites méprisant avant J. C. -
_™ tant
fT^et^ Romains rallie ses troupes & les ramené au combat Q^Faflus
nombre des
quiTe reconnut à sa
,
taille,& le démêla parmi ses Cavaliers , court à Maximus
Aulius
renverse mort sur la place.
lui & du premier coup de lance le Aulius & l'accablent de
Di&ateur,
Liv.l. 9.
,
Les Samnites sans perdre courage environnent Prise de
du Général Samnite.qu'il venoit de tuer, le renversa
coups de dards : Le frere
A* son Chéval
nouvellede ardeur&
&
au
S
le perça. A ce moment le combat recommença avec une Saticule.
du corps du Colonel de la Cavalerie ; les Sunrnt» LXVIl.
rendre maîtres, & les Chevaliers Ro- Mort
Pliftie &de

sa.isaiitdes efforts incroïables pour s'en


l'empêcher. Ils iautérent à bas de leurs chevaux les uns & les d'Aulius
mains pour demeurerent maîtres du corps, Colonel-
Romains
autres, & ciprés'un rude combat,les d'Aulius tirale Dictateur d grand
Général
& l'enlportérent dans le camp. La mort 'un de la CaY*<
embarras • Il n'avoit pu ne pas punir une désobeïssance pareille a celle lerie Ro-
qui avoit failli de lui être funeste fous la Didature de Papirius, ni aussi ne maÏlle.
pardonner une faute, dont il avoit lui-même, quoiqu'avec peine, obtenu
pas
aUtreAprés retournèrent liege de Plistie , qu ils en*,
cet échec les Samnites au
de soncôté prit acom-
portérent d'assaut quelque tems après, & le Dictateur marcha versSora.
position la ville de Saticule. Delà il quitta le Sammum, &
autrefois Colonie Romaine, que les anciens habitans avoient égorgée*, & s'é-
livrez Samnites bans sa route il fut suivi par les Samnites. Aïant
toient aux ;
la bataille. La nuit
qu'ils étoient proches, il marche à eux & leur livreSamnites se separerent,
permit qu'on en vit la fin. Les Romains & les
ne pas Sora l attaquer & lesau-
& continuérent leur marche vers ; Les uns pour ,

LeDictateur usa de stratagénle pour venir about desSammtes. Il nomma. LXVill.


Vi&oire
nommé L. Fabius pour Colonel de la Cavalerie &
en la place d'Aulius,luiun , contre les
de le fane Samnites.
lui donna ordre de amener de Rome une nouvelle armee, mais
susTent pas informez de sd marche. L. Fa-
si secrettement, que ses ennemis ne
bius
rivée au ur'
exécuta ces ordres, &

chement Le Général des Samnites bataille


le
se

signal
rendit

de la
à portée de Sora, d'où il fit savoir son ar-
"Celui-ci feignit de craindre, & se resserra dans ses retran-
l'y invertit. Le Romain en meme tems
; Ce qui fit croire a ses troupes
fit arborer sur sa tente
qu'il se trouvoit réellement dans un trés-grand embarras Il les confirma
leur disant qu'il n'y avoit
dans cette opinion par la harangue qu'il leur du
fit
,
leur valeur & leur courage qui les pût tirer péril ou ils se trouvoient.
que tentes qui bor-
Il augmenta exprés leur fraïeur, en faisant mettre le feu aux perdu, & qu'il
doient les retranchemens.Chaque Romain crut que tout etoit
n'y avoit de reflouce que dans la victoire. cela se faisoit de concert avec le Colonel
Ils ne savoient pas que tout
Fabius, & que ces flammes étoient le signal qu'on lui avoit donne, pour faire
ses troupes contre les Samnites. Tout d'un coup ces ennemis se vi-
avancer derriére avec une égale vivacité. Bientost
rent attaquez par devant & parfuite. Ceux qui furent enveloppez, se serrèrent
ils furent rompus & prirent la Ils perirent presque tous
de telle sorte, qu'ils ne pouvoient plus combattre.
-
1
* par l'épée du- vainqueur. Leur camp fut pris & pillé. Aprés quoi le ,foidîtt
Romain rentra dans ion camp qu'il croyoit consumé par les flammes, & qu'il
retrouva trés-peu endommagé. Enfin le Didateur forma le siége de Sora ;
Mais il fut obligé de retourner à Rome sans avoir réduit la place. Il en laissa
la gloire aux Consuls de l'année suivante, qui le vinrent relever dans le COIU-
LXIX. mandement de l'armée.
M.l'ætelius Ces Consuls furent M. Pxtelius Libo, & C. Sulpitius Longus. Ils par-
Libo, & C. tirent
Sulpitius pour l'armée, & en prirent la conduite des mains du Dictateur. Ils-
firent d'e grandes reformes dans les troupes.renvoyérentla pluspart des vieilles
Longus
Coniuls. bandes, & les remplacèrent par de nouvelles troupes. La ville de Sora étoit
An de Ro- trés-bien fortifiée, & trés-bien défendue. Les Consuls s'étoient approchés
me 4? 9. du trop prés des murailles, résolus de réduire les ennemis, ou par la force, ou par
M. ?69s. la faim. Heureusement pour eux, un transfuge sorti de Sora, fit espérer
avant J. C. Consuls de se rendre auxi
:jO,. maître de la place, pourveu qu'on lui donnât feulement
Tit. Liv.l 9. dix hommes choisis. Il demanda de plus,que les Généraux s'éloignaflenfc
Prisc de. de quelques milles de la place, afin crue leur éloignement donnât lieu aux af-
Sora*.. fiégez de négliger les rondes, & la garde de leurs murailles. Les expédiens
qu'il proposa, parurent praticables, & on fit ce qu'il demandoit.
Lorsqu'il s'apperçut que la vigilance des assi.égez étoit ralentie il prit
avec lui les dix soldats qu'il avoit choisis , leur fit prendre un plus, grand
nombre de traits, qu'un soldat n'a voit accoutumé d'en prendre embusqua
quelques Compagnies dJnsdes bron.aiMes & marcha pendant, la nuit avec
,
sa petite troupe, par des chemins presque inaccefIiCles. Il arrive aux mur&
de la haute ville, & y entre avec les liens. Il les poste à l'entrée d'un sentier
étroit, qui descendoit à la basse ville puis les exhorte à demeurer fermes en ~
,
cet endroit, pendant qu'il va répandre la terreur dans la ville. En effet il
descend, & crie de toutes ses forces que tout est perdu, que l'ennemi cst dans
place ; aux armes, aux armes.accourez, les Romains se sont emparez de la ville
haute. Au bruit tout le monde se leve, on court su sentier qui y mène, on y dé-
couvre cles troupes,lafraïeur&l'obscuritéles multiplienf.On ne cherche plus:
qu'à se sauver, les portes ne s'ouvrent pas assez tost; onles brise, on sepre1se,.
ou s'étouffe pour sortir.
Au bruit qui se fait, les soldats Romains sortent de leur embuscade, & se
jettent dans la ville. Ils font main basse sur tout ce qui se trouve encore dans.
les ruës. Les Consuls y entréren-t au point du jour. Ils prirent deux cent-
vingt bourgeois qui furent convaincus d'avoir massàcré la Colonie Romaine,.
& d'avoir été les, premiers auteurs de la revolte. Us furent conduits à Rome],
& condamnez à être frappez de verges & ensuite décapitez. On épargna les
au-.
4res habitans qui s'étoient rendus à discrétion.Tel fut le sort delà ville de Sora..
LX x-. Delà les Consuls marchèrent vers le païs des Aulons, qui habitaient
alti
Cuarre voisinage des Volsques, & dont la fidélité étoit devenuë suspecie. Douze'
contre les des Chefs de l'Infanterie d'e cette nation, vinrent acculèr auprès des Consuls,.
AuJbns & les villes d'Ausone,
les Vols- de Minturne & dl-1 Vescia comme aïant pris des réfolu-
,
que s, tions contraires à la fidélité qu'elles devoient à la Republique, dont elles
étc)ieiit alliées Leur rapport fut cru. sans examen, & les Conluls partagèrent
kuis>
leurs troupes,pour aller s'emparer de ces trois placés. Ils en embusquèrent
»

partie prés des villes accusées, & firent prendre aux autres des habits de
une
bourgeois, avec des armes cachées sous leurs habits. Ces derniers le presen-
térent aux portes des villes,& y furent reçus sans difficulté- Ils tuerentda--
bord la garde, puis s'emparérent de la principale porte , par laquelle ils in-
troduifirent leurs Camarades, qui étoient en armes. On fit dans les trois
villes un massacre général de tous les habitans, & on exterminales restes des
Aurons, nation autrefois nombreuse & célébre, & qui avoit donné son nom
à toute l'Italie, nommée anciennement Aujonia.
La ville de Lucerie qui avoit été depuis peu d'annèesalluj^ttie
^ àla LX*Xl.' j
C. Masniu»
Republique par les armes ,de Papirius , s'étoit de nouveau livrée aux Samni- Dictateur.
la prit
tes. L'armée Consulaire informée de sa défeéHori, marcha contre elle, défen- Fasti Capi<~
d'emblée, & n'épargna ni le bourgeois infidéle , ni le Samnite qui la tolini,
doit. Pour prévenir les effets de l'inconstance de Lucerie, on y transporta
pussent rienentre-
une Colonie Romaine si nombreuse, que les Lucériens neRomains.
prendre contre elle. Elle étoit de deux mille cinq cens
La légéreté des Capoiians, dont on se défioit, fut cause qu'on nomma Lxxir.
Dictateur C. Maenius, & qu'il fut destiné avec une armée, pour contenir Ca- Défaite
des Samni-
pouë dans le devoir. Il y demeura sans rien entreprendre ; Mais les Samni- tes.
tes,qui s'étoient avancez jusqu'à Cauditlm"dans Pespérance d'une déclaration Tit.Liv.l^
des C'ipoiians en leur faveur se virent bientost suivis par le Consul Sulpi-
,
tius qui se n-tit avec son armée à portée de les arrêter, s'ils voulaient mire
mouvement. Il ne purent se contenir longtems dans le même lieu.
,
quelque
Ils se rendirent dans les campagnes de la Campanie où Sulpi-LiL-s. les fui vit...
, & à s'essayer par
Les deux armées furent quelques jours à escarmoucher ,
quelques legers combats ; enfin les Samnites résolurent de bazarder une ba-

camp, de peur de quelque surprise.


Sulpitius. qui commandait l'aile droite de l'armée Romaine ,
taille. Ils placèrent leur Cavalerie sur les ailes, avec ordre de veiller sur leur

élargi ses rangs pour présenter un plus grand fond à l'ennemi ; & au con-
/
avoit fort

traire,il avoit fort serré l'aile gauche, pour la fortifier. Le combat commen-
ça par l'aile gauche ; Elle donna si brusquement sur l'Infanterie des Samnites?
qu'elle l'ébranla ; La Cavalerie des mêmes Samnites, quis'étoit avancée pour'
se jetter à la traverse entre les deux ailes qui étoient aux mains , fut touC
d'un coup assaillie par la Cavalerie Romaine, qui ietta la confusion & la ter-
reur en même tems dans la Cavalerie & dans l'Infanterie ennemie. Sur ces-
entrefaites le Consul Sulpitius attiré par les cris qu'il entend à Pane gaucher
y accourt avec douze cens hommes. Aprés y avoir animé les troupes par sai
présence, & voyant de ce côté-là la vidoire assurée, retourne en diligence,àl-
fcn aile droite"qu'il avoit quittée, avant qu'elle fut entrée en action.
Pendant son absence elle avoit été attaquée & pouffée par les Samnites.
Le désordre commençoit à s'y mettre. Sulpitius avec ses douze cens hom-
mes fait bientolt changer la face des afraires. Les Samnites lâchent le pied,.
& sont taillez en piéces par l'armée Consulaire. On compta trente nulle
Samnites morts sur la place.-. Ceux qui échae*rent.,se jettérent dans la. ville-
LXXllI. de Malevent, nommé dépuis Benevent. Delà Sulpitius conduisit ses troupes
L. Papirius du côté de Bovianes aujourd'huy Boiano, dans le Royaume de Naples,& les
Curior & y laissa en quartier de rafraichissement. Po.ur lui, il retourna à Rome, où il
C. Junius triomphe.
Brutus Bu- entra en
bulcus La République éleva pour la cinquième fois au Consulat L. PapiriusCur..
coiisulç. sor, & pour la feconde fois Junius Brutus Bubulcus. Presqu'en même tems
An de Ro- on nomma pour Dictateur C. Paetelius Libo, qui marcha versBoviane, pour
me 440. du y prendre le commandement des troupes, que le Coni111 Sulpitius y avoit
M. 3696.
avant J. C. laissees.
La première d.e ses expéditions fut contre la ville de Frégelle, qu'il
" 304. reprit sur les Samnites. 11 y entra sans résistance, & y mit une forte garnison.
JJv. 1. 9* Delà il se rabbattit sur la ville de Noie; qui étoit défendue par les Samnites.
C. Psetelius Le Dictateur mit le feu ,'t ses Faubourgs, & la ville se rendit. Atma & Cala-
Libo Dic-
tateur. tia imitèrent son exemple.
Prise de
% Les Consuls étoient occupez dans Rome à envoyer des Colonies en di-
Fregelle,de vers endroits. SueŒl, Interamna & Cafinum furent peuplées de bourgeois
Nole, d'A- Romains, qui y furent destinez. On en fit aussi partir pour l'île Pontie, située
tina, & de vis à vis le promontoire de Circé.
.
Calatia.
Nouvelles Cependant le gouvernement changea. M. ValeriusMaximus, & P. Decius
Colonies Mus fuient choisis Consuls. Decius Mus étant tombé malade, fut obligé de
Romaines rester à Rome. L'autre Consul marcha contre les Samnites ; Mais on ne
àSueifa,In- apprend pas les particularitez de ses expéditions. En même tems le
teramna & nous
Casinum. bruit se répandit que les Etrusques armoient.
Cette nouvelle jetta l'allarme
LXXIV. dans Rome & on créa pour Dictateur C. Sulpitius Longus. On fit les
M.Valerius enrôlemens ,& les préparatifs pour la guerre. Mais comme les Etrusques de-
en repos, le Dictateur ne fit aucune entreprise.
Maximus meurèrent
& P.Decius
Mus Gon - Appius Claudius homme sevére, entreprenant & entêté, avoit pendant
fuis. An de qu'il étoit Edile , essayé de réduire le nombre excessif des Musiciens & des
R. 441. du joueurs d'instrumens, qui étoient à Rome, en diminuant leurs profits & leurs
M. 3697. droits. Appius leur interdit les repas de religion , qu'ils prenoient dans le
avant J. c- Temple de Jupiter,
30?. avec les Prêtres, en mangeant avec eux certaines parties
C. Sulpitius de la vidime, qui leur étoient
réservées. De plus, il ordonna qu'on n'em-
Longus ploïeroit à la pompe des enterremens , que dix joüeurs de fluces, au lieu de
Didateur. cette multitude, qu'on y en employoit auparavant. Ces joiieurs d'instrumens
Liv. l. 9.
& ces Musiciens,à qui l'on ôtoit le moïen de subsister; se retirérent tous à
Appius en-
treprend Tibur. Le Senat pria les Tiburtins de les renvoyer. Ils refusérent de reve-
de diminu- nir. Un esclave d'un bourgeois de Tibur les niant attirez à la campagne à
er le nom- un repas qu'il leur donna, a l'insçu, disbit-il, de son maître, & ou le vin ne
bre des fut épargné ; tout d'un coup on vint dire, que le maître arrivoit au milieu
Joueurs pas
les mène endormis
d'inftru- de la nuit. On jette les Musiciens sur des chariots, & on
mens. & pleins de vin au milieu de la place de Rome, où ils se trouvérent bien
LXXV. étonnez à leur reveil. On les rétablit dans
leurs droits, & dans leurs anciens
Appius in- privilèges.
troduit des Le même Appius du tems de sa Censure, c'est-à dire l'an de Rome 44t.
affranchis
par un gout assez bizarre, prit à tâche d'humilier la noblesse, quoyqu'il fut
dans le S-.e- des premières maisons de Rome. Il mit dans le tableau des
nat.
lui-même d'une
Senateurs
Senateurs ilon seulement des Patriciens & de vénérablesPlébéiens, sélon la;
coutume, mais aussi des affranchis, ou des fils d'affranchis, dont on avoit veir.
les Peres ou les Aïeuls, dans l'esclavage ; C'étoit visiblement avilir l'ordre re-
spectable des Senateurs. 11 fit plus. Le sacerdoce dans Rome avoit jusqu'alors
été réservé à la noblesse. La plus ancienne Prétrise de Rome étoit celle dit
Temple d'Hercule, possédée dez son origine par la famille Potitia. Appius Les Poti-
sont
persuada à ceux de cette famille de céder ce ministére à des esclaves publics; tiensdépouillez
Festus veut, qu'Appius ait acheté desPotitiens ce sacerdoce pour la somme de de leur sa.
cinquante mille as, & qu'il l'ait revendu ensuite aux esclaves. Quoiqu'il en cerdûce».
soit, les Potitiens furent dépouïllez de cette noble fonction, & périrent dans
l'armée, si l'on en veut croire les Historiens Romains.
Si ces entreprises rendirent Appius odieux à la noblesse, celles qu'il fit LXXVL
en faveur du peuple Romain, rendirent sa memoire prétieuse. L'on n'avoit Appius des.
à Rome que d'assez mauvaises eaux. Il entreprit d'y en faire venir d'excel- ameneà Ro..
lentes. 11 les prit àÍept mille de Rome & les amena par des Canaux soû- eaux me, & fait
,
ttrrains jusque dans la ville de Rome , où elles se déchargeoient d'abord, en saire la
partie entre les portes Capénes & Trigemines , & delà étoient conduites au voie Ap-
champ de *rs. C'est-ce qu'on a appelle longtems Aqua Appia. pie.
Le chemin qui conduisoit de Rome à Capouë, étoit presque imprati-
cable sur tout aux armées. Appius y fit construire un chemin pavé & égal,
,
applanisGnt les collines, coupant les rochers, faifunt des ponts sur les fuif-
seaux & les endroits marécageux. On admire encore aujourd'huy les restes-
de ce iameux chemin qui est le premier que les Romains aient entrepris.
Il s'étend à la longueur, d'environ quarante sept lieues, à raison de trois mille Monts'au-*
D. Bern, dh
pas la lieuë. Les pierres dont il est pavé, sont extrêmement dures, & si bien- con, Anti-
-
jointes, qu'à peine en apperçoit on la jointure. La largeur n'est pas bien. quité expli-
grande, mais elle suffit pour passer deux chariots de front. Il y a apparence quét t. 4.
que les voitures d'alors étoient moins larges que celles d'aujourd'huy ; Car p.177,
on allure, que les anciens chemins Romains n'ont qu'un peu moins de qua-
torze pieds de largeur.
Sous les Consuls de l'année 442. de la fondation de Rome, on ¿ta de la C.Junius
Brutas&
liste des Senateurs, ceux que le Censeur Appius y avoit mis à la honte du Sé- Q^/Emilius*
nat. Sous les mêmes Consuls le Tribun Decius Mus fit donner une loy, par Barbula,.
laquelle il étoit ordonné qu'on nommeroit deux Officiers, pour être chargés Con(u!s.
des affaires de la marine, & pour travailler à l'equippenlent d'une flotte. Jus- An de Ro-
qu'alors la République occupée à dompter les peuples qui l'environnaient, M. me 442. dit
369$.
n'avoit pas songé à se fortifier sur la Mer, ni à porter ses conquêtes au delà avant J. G..
de son continent. 302.
D'un autre côté les Consuls marchèrent en campagne ; Junius Brutus LXXV1L Tit.Liv.1.&,
contre les Samnites, & Æmilius Barbula contre les Etrusques, qui se dispo- Défaite des;
soient à faire le siége de la ville de Sutri. Cette place n'étoit éloignée de Ro- Etrusques.
me que de trente trois mille , ou onze lieuës. Sutri étoit une colonie Ro- trii devant Sa*
maine, & là"conservation étoit d'une trés-grande importance à la Républi-
que. L'arrivée du Consul avant la formation du siége, détermina les Etrus-
ques à^ livrer la bataille. Les deux armées demeurèrent en présence depuis
kz
le matin jusqu'à midy. Les Etrusques commencèrent ration, les Romains
les reçurent avec courage. On se battit de part & d'autre avec une ardeur in-
croïable. La prémiére ligne des Romains composée de ce qu'ils appelloient
l-lajlati, ou piquiers, fut contrainte de céder du terrain, & de se retirer par
les intervalles derriére la seconde ligne, composée de ce qu'ils appelloient
les Princes. Ceux-ci recommencèrent le choc avec une nouvelle vigueur. Ils
firent perir une infinité d'Etrusques, sans pouvoir les faire reculer. La nuit
le para les deux armées , & elles se retirérent sans désordre,chacune dans son
camp/ Les Etrusques reconnurent la grandeur de leur perte, lorsqu'ils trou-
vérent qu'à peine leur restoit-il du monde pour garder leur camp. Ils se re-
tirèrent, & le Consul revint à Rome, où il fut reçu en triomphe.
/ Le Consul Brutus ne fut pas moins heureux ; 11 reprit sur les Samnites
la ville de Cluvia, & fit passer au fil de l'epée tout ce qu'il y trouva, en re-
préfailles de la cruauté,que les Samnites avoient exercée contre les Romains,
qu'ils y avoient pris quelque tems auparavant. Delà il marcha contre Bo-
viane, dont on a déjà parlé. Pour animer l'ardeur du soldat, Brutus lui en
promit le pillage. Boviane ne put tenir contr'eux. Elle fut emportée &
LXXVIII.
pillée, mais on pardonna aux citoïens. n
Les Samnites battus tant de fois , n'osoient plus tenir la campagne.
Défaite des Ils résolurent d'émployer contre Brutus
la ruse & le lt'ratagéine, comme ils
Samnites avoient fait aux fourches Caudiries contre Veturius& Posthumius. Ils firent
dans la entrer dans la forêt d'Averne grande quantité de bétail de toutes sortes, &
forêt d'A- répandirent le bruit qu'ils avoient retiré tout leur butin, toutes leurs pro-
y l'espe-
visions & toutes leurs richesses. Ils s'y étoient cachez eux-mêmes, dans
y.,erne..

le soldat Romain avide de proïe, ne manqueroit pas de donner


rance que
dans le piège. Ils y donnèrent en effet,& Brutus à leur tête s'engagea dans
A peine toute l'armee
cette forêt, qui étoit d'une épaisseur extraordinaire.
jettérent un grand cri. Aussitôt les Ro-
y étoit-elle entrée, que les Samnites
mains quittent leurs hardes,les mettent en un monceau, & se rangent comme
ils purent au milieu des arbres de la forêt ; puis animez par les paroles
&
l'exemple-de leur Général, ils marchent à l'ennemi, qui s'étoit range sur une
éminence Le soldat Romain eut beaucoup à souffrir avant qu'il fut par-
qu'il l'eut atteint & qu'il pût combattre
venu à cette hauteur ; Mais aussitost plus tenir
de plein pied, les Samnites ne purent contre son împetuolite. Ils
furent renversez, & obliges de chercher une retraite dans ce mime bois, où
ils croyoient surprendre les Romains. Ceux-ci en tuèrent jusqu'à vingt
n1ÏJle,
prirent tout le bétail & tout le butin qui étoit dans la forêt, puis s'en retour-
nèrent à Rome chargez de richesses. B-utus y entra en triomphe.
LXXIX. ÇXFabius & C. Marcius Rutilus, qui lui iuccederent dans le Consulat,
(LFabius continuèrent la guerre contre les Etrusques & contre les Samnites. Fabius
Rullianus fut destiné à commander l'armée qui devoit agir en Etrurie, & Rutilus marcha
&C. Mar- dans le Samnium. Fabius alla joindre l'armée Romaine, qui étoit aux envi-
cius Rutilus aména bon renfort de troupes. Les Etrusques se ren-
Confiais. rons de Sutri, & v un
An de Ro. dirent au même fieu / mais en nombre beaucoup
plus grand, que n'etoit
me 443. du formée Romaine. Fabius craignant d'être enveloppé, se saisit d'une hauteur
M. 3699.
armée sur un grand avant J. C.
de difsicile accès, rabboteuse, pierreuse, Là" il rangea son la sécondé
l'ordinaire les Princes, qui combattaient 301.
ligne, ,
front aux joignant contre
Hajlati, qui combattaient à la première. Les
a
Etrusques sentant Tit.Liv.I..
Victoire de
__

leur supériorite du côté du nombre, se hâtérent de livrer servir la bataille. Ils s y Fabius
de leurs traits, contre les
portérent avec tant de précipitation,que négligeant de se
ils mirent d'abord l'épée à la main ; Mais avant que d'arriver a
l'ennemi , ils Etrusques.
furent accablez de trait-s, qu'on leur tiroit de haut en bas, & quand on com-
à manquer de traits, on fit pleuvoir sur eux une gréle de cailloux, qui
mença
brisérent casques, boucliers, cuirasses, & renversérent une infinité d 'Etrus-
Le désordre que causa ce premier choc, fut suivi de l'attaque, qui le
ques. culbuter. Dans "le même tems
"fit l'épée à la main, & qui acheva de les
Fabius fait déscendre sa Cavalerie contre ceux qui cherchoient a regagner
leurs retranchemens ; Elle les coupe, en tire un grand nombre, & oblige le
reste à se cacher dans la forêt Ciminie.
Delà le Consul entra dans le camp des Etrusques, & 1 abandonna au LXXX. Fabius pé-
pillage. Il délibéra ensuite s'il pénétreroit dans le coeur du pays ennemi, en-
nétre dans
traversant la forêt Ciminie, qu'on regardoit comme immense & impraticable, la forèt
inconnue même aux gens de pays, & qui n'étoit pas moindre que les grandes Ciminie.
fnrêts. oue l'on vovoit autrefois dans l'Allemagne. Il fut le ieul de tout le
Conseil qui opina à tenter cette voïe ; mais il ne s'y hazarda qu après avorr
pris les précautions, que la prudence vouloit qu'il prît pour reussir dans une
entreprise de cette conséquence. Un nommé Claudius son frere utérin avoit
été élevé parmi les Etrusques , où l'on envoyoit alors assez souvent la jeu-
nesse Romaine, pour y apprendre les sciences. Pendant son sejour dans ce
plusieurs choses,
pays, il avoit appris la langue Etrurienne, & s'étoit initruit de du Ce
qui concernoient le gouvernement, les forces & la situation pays.
jeune homme accompagné d'un seul esclave, se déguisa en berger, & portant
des païsans d Etrurie, & deux dards , avec
en sa main un Javelot, a la maniéré foret de Ciminie, jusques danslepaïs
une serpe au côte, il pénétra a travers la
des Etrusques, suivi de son serviteur déguisé comme lui.
Ils passérent jusque dans l'Ombrie , & s'arrêtèrent dans la ville de Ca-
merin, où ils crurent pouvoir découvrir qui ils étoient. Le Sénat de cette
ville écouta les propositions que Claudius lui fit de la part du Consul,& s'en-
gagea, si l'armée Romaine venoit dans le pays, de lui fournir des vivres pour
mois & de permettre a la jeunesse de Camerin , de prendre parti dans
un ,
l'armée Romaine. Claudius de retour au camp, rendit compte au Consul
du succés de son voyage, & Fabius résolut de passer à travers la forêt, & de
Dés le soir il
porter la guerre jusque dans le centre du pays des Etrusques.
fit partir les bagages, & les fit suivre par l'Infanterie, qui marcha toute la nuit
,&par où le Consul vouloit entrer dans la forêt. Il demeura
vers l'endroit
dans son camp avec la Cavalerie jusqu'au matin. Alors il en partit, & alla se
présenter à rentrée du bois, où il savoit que les ennemis avoient des sentinel-
les & des corps de garde. Il les amusa une partie du jour par de légéres
escarmouches, & puis s'en retourna dans son camp.
LXXX 1. Il en sortit présqu'en même tems, mais par une autre porte pour
y
Députa- aller rejoindre Ton Infanterie. Il l'atteignit avant la nuit, & entra dans la
tion du forêt par un endroit éloigné de celui qui étoit gardé par les ennemis. Avant
Senat à
Fabius, le lever du Soleil, il avoit gagné le sommet du mont Ciminie, dont la forêt
lui tire son nom ; Aprés avoir envoyé des détachemens dans le pays ennemi
pour
défendre pour le ravager, il revint à son camp avec le relie de son armée. En même
d'entrer tems arrivérent deux Tribuns du peuple, accompagnez de cinquantenotables
dans la citoyens, pour défendre au Consul de s'engager dans la forêt. A leur arrivée
forêt Ci-
minie. ils trouvérent la chose heureusement exécutée, & s'en retournérent fort sa-
risfaits des bonnes raisons de Fabius.
Les troupes qu'il avoit envoyées dans PEtrurie, y jettérent la terreur. Le
païsan qui prit les armes pour se défendre, fut aisément défait & mis en dé-
route. Toute l'Etrurie & les peuples frontières de l'Ombrie se réunirent &
marchèrent contre le Consul, qui étoit campé auvoisinage de Sutri. Ils de-
mandèrent avec instance à leurs Généraux de les mener a l'ennenii. Fabius
feignit de redouter leur grand nombre, se contint dans son camp, & y retira
même ses gardes avancées , pour mieux persuader aux Etrusques qu'il n'o-
soit en venir aux mains avec eux. Cependant il ordonna à ses gens de se
tenir prêts, & qu'au moment qu'il donneroit le signal, ils eussent à marcher;
qu'il devoit exécuter un projet important, que le tems leur découvriroit. Ils
crurent qu'il avoit quelque intelligence dans le camp des ennemis, & se re-
posérent sur sa prudence.
LXXXll. Ils prirent de la nourriture, & se couchèrent suries trois heures du ma-
Défaite tin, où le sommeil est d'ordinaire plus profond , surtout pendant les cha-
des Etrus- leurs de l'été. Le Consul donna le signal, & Parmée sortit sans bruit par de
ques par vastes brèches,que les valets de l'armée avoient faites au camp,par les ordres
Fabius,, du Consul. Les Etrusques étoient si peu sur les gardes, qu'ils n'étoient pas
même retranchez. On tomba sur eux,& on les surprit, les uns couchez sur
la terre, les autres dans leurs lits. On fti fit un carnage horrible. Quelques-
uns coururent aux armes, mais n'aïant ni Chefs ni Commandant.ni enseignes,
ils furent aisément taillez en pièces. Il s'en sauva quelqu'uns dans la forêt,
d'autres dans leur camp, qui n'étoit pas éloigné; mais ce camp fut forcé &
pillé le jour même. Le Consul en abandonna le pillage au soldat, se réser-
vant seulement l'or & l'argent, qu'il se fit apporter. On compte que les
Etrusques perdirent en cette journée environ soixante mille .hommes, tant
tuez que prisonniers de guerre. Cette victoire obligea les villes de Cortone,
de Perouze & d'Aretium de demander une suspension d'armes. Elle leur fut
accordée pour trente ans.
LXXX111
Du côté des Samnites , le Consul Marcius qui commandoit l'armée,
Marcius est nJeut pas le même succés. Il prit la
à véritéAlife, ville située sur le Vulturne,
battu par & rasa plusieurs chateaux dans le Samnium. Mais les Samnites encouragez
les Sam- par la nouvelle, qu'ils reçurent de la défaite de quelques Romains de la flot-
nites.
te commandée par Cornélius, qui ayant fait descente dans le Samnium, y
avoient été maltraitez, & par une autre fausse nouvelle, qui annonçoit que
Fabius avoit trouvé les fourches Caudines dans la forêt de Ciriiinie,foriiiér&iit
le
dessein de livrer la bataille à Marcius, & de marcher ensuite vers I Etrune,
le
à celles des Etrusques. Marcius accepta la bataille,
I
pour joindre
il perdit
y
leurs
un
armes
si grand nombre de ses gens
Luy-même
qu'on ne douta pas a Rome
avoit
,
dangereusement bielle.
qu'il n'eût été vaincu. y été
DiNa. L. Papirius
On recourut alors au remède ordinaire, qui fut de nommer un Gursor
monde jetta les sur Papirius Cursor. La difficulté étoit
teur. Tout le yeux
Consuls. On croyoit Marcius mort ou Dictateur.
de le faire nommer par un des deux An de Ro-
moribond & d'ailleurs il étoit difficile d'aborder a son camp a travers les
me 444. d«
Samnites, qui , occupoient toutes les avenuës. Le Consul Fabius étoit en- M. 3700.
en le
nemi declaré de Papirius, qui avoit pouffé la rigueur a l'excés, pour punir avant J. G.
d'une désobéïssance, qui avoit été suivie d'une viâoire. Le tempérament Tit.Liv.l.,. goo.

que prit le Senat, fut de commander à Fabius de donner taDictature PaP1*a


rius, & à Papirius de l'accepter de ses mains. Fabius eut assez de force sur
son esprit, pour demeurer dans le silence , lorsqu'on lui signifia les ordres
du Sénat. Il rentra dans sa tente, & dans le plus grand silence de la nuit, il
& la superstition l'avoient ainsi or-
nomma Papirius Diâateur. La coutume
donné. Peut-être aussi y avoit-il du mystére, à ne saire que dans le repos de
la nuit un choix, qui ne se devoit faire qu'avec meure délibération.de Rome LXXXIV
Papirius & Fabius furent seuls à la tête de la Repuoli^ue 1 an Guerre
Papirius comme Didateur; & Fabius comme Pro-Co'nsul; Car on n'é- Gdz
dans l'Cm*
4 4 4.
lût point de Consuls pour cette année. Fabius demeura a la tête de alternent 1 armée, briebî &
& porta la guerre dans le pays des Ombriens. Ces peuples furent contre
ce les
mis en déroute, & abandonnérent leurs campagnes au vainqueur. Ue!a il Etrusques.
E1

revint contre les Etrusques, qui s'étoient assemblez sur le Lac Vadimon,
proche Velitres. Ils s'y étoient rassemblez en vertu de la Loy Sacrée , appa-
liez par des sermens, de vaincre ou de mourir ; ou enfin ils avoient
remment à*atiathé*me
dévouëz ceux qui ne s'étoient pas trouvez a cette guerre. Un
soldat alpit choisi un Compagnon, pour vaincre ou pour mourir.
que
n'avoit encore rien veu de pareil , & le Consul devoit s'attendre a trouver
une résistance extraordinaire.
Cela ne l'empêcha point de donner bataille. De part d 'atitre, sans s ' ar-
rêter à se lancer des traits, on s'approcha l'épée à la main. Le courage &
l'acharnement furent égaux des deux côtez. La première ligne des Romains
fut taillée en pièces; La seconde qui lui succeda, fut fort maltraitée. Les
Triaires mêmes furent obligez de combattre, & enfin la Cavalerie mit pied a
telle
terre, & vint combattre aux premiers rangs. On n'avoit jamais vu une &
résistance. L'Infanterie Romaine soutenuë de la Cavalerie, reprit courage
revint à la charge. Les Etrusques ne purent tenir longtems. Ils reculérent,
& enfin furent absolument renversez. Tout de suite Fabius entra dans leur
rele-
camp & le pilla. Ce coup fut fatal pour les Etrusques, ils ne purent s'en
ver. Ils y perdirent tout ce qu'ils avoient de meilleures troupes. LXXXV.
Papirius avant que de sortir de Rome, fit approuver sa nomination a la Défaite des
Diftature, par le peuple assemblé en Curies. Il mena avec lui une nouvelle Samnites.
armée, qu'on venoit de lever, & qu'il joignit aux Légions, qui avoient été si Tit.Liv.t.s.
maltraitées sous le Commandement du ConlulMarcius. Bientôt larmeeRo-
mairie, & celle des Samnites se trouvèrent e.n présence ; ils y demeurèrent jus-
qu'à la nuit, puis rentrèrent dans leur canip* Les Samnites s'étoient
le combat, comme pour un jour de triomphe. Leur armée étoit partagée parez pour
deux corps dont l'un portoit des boucliers dorez & l'autre des boucliers en
,
argentez. Les boucliers des uns & des autres étoient ,
plus larges par le haut,
pour couvrir la poitrine & le ventre, & se terminoient en pointe par le bas.
Au lieu de cuirasse, ils portoient sur l'estomac des éponges, des corsets de
feutre, ou meme d un tissu de lin fort épais, & bouïlli dans ou le vinaigre. Le
r
texte de Tite-Live porte exprelsémentde Eponge:Leur jambe gauche étoit cou-
verte d'une bottine ou brodequin. L'Historien n'en marque pas la matière
Mais d ordinaire elles étoient de cuivre ou de fer. Ceux qui avoient des
boucliers dorez, étoient vêtus d'habits rayez, & de diverses couleurs. Ceux
dont les boucliers étoient argentez, portoient des habits de lin fort blancs.
Ceux-cy furent placez à l'aile droite, & les autres à l'aile gauche.
Papirius avoit pour Général de la Cavalerie JuniusBrutus; il lui donna
le commandement de l'aile gauche & prit l'aîle droite lui. Brutus se
, pour
trouva opposé.aux Samnites vêtus de blanc. Il les dévoiia au noir Pluton,
& les attaqua ave. tant de vigueur qu'il les fit reculer avant
, , que l'aile où
commandoit Papirius, eût fait aucun progrés. Le Didateur en fit des repro-
ches aux liens, & tous ensemble Cavalerie & Infanterie fondirent sur les
Samnites, & les ayant pris en face & en flanc, les enfoncèrent, ,
& les mirent
en fuite. Ils voulurent se sauver dans leur camp, mais ne s'y croyant pas en
feflreté, ils en sortirent avant la nuit. Papirius s'en & y mit le feu.
empara,
Les belles armes des Samnites servirent à orner le triomphe de Papirius &
ensuite on les employa à embellir la grande place de Rome lorsqu'on ,
toit les statuës des Dieux en procession. Les peuples de Campanie , por-
jaloux
des Samnites leurs ennemis firent faire des boucliers sembJable#&ux leurs,
& les donnèrent aux Gladiateurs,,
qu'ils faisoient jouer penckint leurs Fe-
stins.
LXXXVl On choisit pour Consuls de l'année suivante Q. Fabius, qui venoit de
Q. Fabius triompher des Etrusques,
Maximus & P. Decius Mus, qui s'étoit signalé dans plus d'une
&P.Decius occasion par sa valeur. Il fut destiné par le sort à faire la guerre aux Etrus-
Mus Cou ques, & Fabius a la continuer contre les Samnites. Ce dernier ne trouva
fuis. pas matière à signaler sa valeur ; il vengea sur la ville de Nucerie la défaite
An de Ro des soldats de la flotte Romaine, dont
in, s 44)'. du étoient les on a parlé cy-devant. Les Nucériens
M. 3701, principaux auteurs de cette défaite. Les Mariés & les Peligniens,
avant J. C. peuples voisins , mais peu considé¡ables, éprouvèrent les forces du Consul;
299. mais l'hisioire ne dit pas les particularitez des avantages, qu'il remporta sur
T. Liv. 1. 9.
Les Nucé eux. Decius
riens & les de son côté contraignit les Tarquiniens à demander la paix.
Tarquini- On leur accorda une tréve de 4°. ans. La nation entière des Etrusques rechercha
ens foo- l'alliance de la Republique. On ne lui accorda qu'une suspension d'armes, &
mis.
encore seulement pour une année, & à charge de payer la solde du soldat
Roulain> & de fournir deux habits à chacun d'eux.
Les
Les Ombriens ayant pris les armes, les deux Consuls reçurent ordre LXXXVTU
de marcher contre eux. Fabius entra dans leur pays, ^& Decius se posla Défaite
empêcher l'ennemi de pénétrer dans le La- des Ombri-
sur le chemin de Rome , pour retirez dans leurs villes, dez qu'ils sçurent ens.
tium. Les Ombriens s'étoient
Fabius sur leurs terres. Puis reprenant courage, ils vinrent à lui, comme il
étoit occupé à fortifier son camp. Les troupes Romaines quittent leurs
travaux, se mettent en bataille , donnent sur l'ennemi , le renversentprend sans
presque tirer l'épée , mais à coups de boucliers & d'epaules on en
plus qu'on n'en tuë; Ils ordonnent aux ennemis de mettre bas les armes, ils4
les traitent avec empire, saisissent les étendards à ceux qui en sont chargez,
& les conduisent eux-mêmes dépouïllez & désarmez au Consul. Les auteurs
de la guerre se rendirent les premiers, puis toute la nation se sournit aux Ro-
mains. Aprés cette expédition, où le Consul ne fit, pourainsi dire, que se
montrer, il retourna dans le pays desSamnites, pour contenir dans le devoir
ce peuple toujours inquiét.
Appius Claudius qui étoit Censeur depuis cinq ans , obtint le Consu- LXXXVlîl.
Appius
lat cette année avec L. Volumnius Flamma. Appius demeura à Rome, par- Claudius &
cequ'on ne lui connoissoit pas les qualitez propres à un Général d'armée. L. Volum-
Son Collégue marcha contre les Salentins, peuples habitans à l'extrémité de nius Flama
l'Italie ; il fit de grands progrés dans ce pays, & y porta la terreur des armes Consuls.
de Ro-
Romaines. On confia la conduite de la guerre contre les Samnites à Fabius, An 446. du
été Consul l'année précédente. Le Consul Appius forma de me
qui avoit- y M. 3702.
grands obstacles; Mais le Sénat & le peuple méprisérent ses oppositions, & avant J. C,
donnèrent à Fabius la qualité dePro-Consul & le commandementde l'armée. 29 8.
Il combattit les Samnites sur les bords du Vulturne , & les repoussa dans Tit.LiQ.l.*
leur camp. Il les y tint invertis pendant la nuit qui suivit le combat , & le Guerre contre les1
lendemain ils se rendirent à composition. Les Samnites naturels passérent Salentins
sous le joug, sortirent du camp avec un seul habit sur le corps, &se retirèrent & contre
dans leur pays la vie sauve. Leurs alliez furent faits esclaves, & vendus à les Samiïi-
l'encan, au nombre de sept-mille. Lesflerniques.de naissance furent ren- tes.
voyez à Rome, & traitez comme prisonniers de guerre. On les distribua
dans les villes aux environs de Rome. Dans le même tems les Censeurs
firent de belles & grandes routes à travers les campagnes de Rome. Appius
leur en avoit donné l'exemple.
Sous les Consuls de l'année suivante, une partie des Herniques prit les ÇhMarcitfs LxXXïX.

armes, pour venger l'insulte faite à leurs Compatriotes. Le Consul Marcius Tremulus
marcha contre eux, & les battit. Il leur enleva trois camps en peu de jours, & P. Cor-
& les contraignit à envoyer des Députez au Senat. Ils s'offrirent à payer la itelius Af-
solde de deux années à l'armée de Marcius, à donner un habit à chaque sol- vina Con-
dat & à fournir des vivres à l'armée. Le Consul à qui le Senat renvoya su!$. An de Ro-
,
la chose se contenta pas de ces offres ; il voulut les avoir à discré- I11e 447. du
, ne
tion. M. ?703.
L'autre Consul nommé P. Cornelius Arvina, avoit mené son armée con- avant J. C.
tre les Samnites, & les ennemis l'avoient enveloppé dans des défilez, d'où Tit.Ljv.L* 297. -
il ne pouvoitfortir, &où il ne pouvoit recevoir de vivres de dehors. Souvent
Vïftoire il avoit présenté la bataille aux Samnites ; mais ils l'avoient refusée, dans
contre les l'espérance de le voir perir de faim dans ses retranchemens. Marcius après
Herniques. avoir réduit les Herniques, accourut au secours de son Collègue. Les Samni-
Défaite des prévinrent la jondion de leurs forces, & vinrent présenter la bataille aux
Samnites. tes
Romains, au milieu de leur marche. Ceux-cy se mirent incontinent en ba-
taille, & le choc commença avec toute l'ardeur imaginable. Pendant le fort
de la mêlée, le Consul Cornelius aïant ouï les cris des combattans, & aïant
remarqué la poussiére qui s'élevoit, jugea que Marcius ëtoit aux mains Ô.vec
les Samnites; il sort de ses retranchemens, prend les ennemis en flanc, les
enfonce, passe jusqu'à leur camp, le force, & y met le feu. A la veuë de
la flamme, l'armée Samnite perd courage, la plupart prennent la fuite, mais
ils sont enveloppez de toutes pirts4 Il en demeura trente mille sur la place.
XC. A peine l'armée Romaine avoit-elle esiïié la sueur & le sang de cette
Seconde victoire, l'on vit arriver une seconde armée de Samnites nouvellement
défaite des que
Samnites.' levez, qui venoient au secours
de leurs Compatriotes. Sans attendre l'ordre
des Consuls , les soldats Romains se rangent en bataille , & s'exhortent à
vaincre ces nouveaux venus. Le combat commença, & les nouvelles trou-
Celles qui échappèrent à l'epée
pes Samnites ne firent que peu de résiftan-ce. vOliines,
des Romains, se sauvérent sur les montagnes où elles se joignirent
aux débris des vaincus de la première bataille. On les y poursuivit, & on
les contraignit de descendre dans la plaine. Là ils demandérent la paix. On
renvoya leur demande au Senat, & par préliminaire on les obligea de donner
la solde à l'armée pour une an-
un habit à chaque Soldat Romain, à fournir
née, & des vivres pour trois mois. On accorda l'honneur du triomphe à
Marcius seul.
XC1. Pendant l'absence des deux Consuls, on nomma un Dictateur, pour
P. Corne. présider à l'assembléè, où se devoit faire l'eledion des deux Consuls de l'année
lius Barba- suivante. Ce Dictateur fut P. Cornelius Barbatus, qui prit pour son Colonel
* tus Dicta- Général de la Cavalerie, Decius IvIus. Leur fonction se termina au choix
teur. l'on fit de Posthumius LVlegeltus & de Tiberius Minutius pour Coniuls.
Pofthu- que
mius Me- Au commencement de leur Consulat, on reçut les Ambassadeurs des Cartha-
gellus & ginois, & on dit qu'on fit avec eux un troisiéme traité. Aprés cela les deux
Tiber.Mi-
Consuls à la tête de leurs armées entrérent dans leSamnium. Posthumius vint
nutius. de Boviane. Post-
eonsuls. camper vers la ville de Tiferne, & Minutius aux environs
An de Ro- humius gagna, dit on, une grande bataille contre les Samnites, & leur tua
me 448. du trente mille hommes. D'autres croyent qu'il y eût perte égale dans Faction,
"Md 7°4.
& que le Consul s'étant retiré sur une montagne vaHine, s'y retrancha , & y
avant J.e.
296. laissa une partie de son armée, pendant qu'avec le reste de ses troupes il alla
Guerre sur le minuit joindre son Collègue, qui n'étoit pas éloigné delà, & étoit sur
contre les le point de livrer bataille aux Samnites. Sur le soir Posthumius sortit du
aisement les Samnites, déja ac-
camp avec ses troupes fraîches , & rompit
Samnites.
cablez de fatigue. Les Consuls prirent vingt-un Drapeaux , & leur tuérent
bien du monde sur le champ de bataille.
Delà ils se rendirent au camp de Pofthumius, puis marchèrent contre
les Samnites, qui étoient dans la plaine. Le combat fut rude & opiniâtre.
Le
Le Consul Minutius y fut blessé à mort. Le Général des Samnites y fut fait
Laprisonnier, avec grand nombre de soldats. On leur prit vingt-six Drapeaux,
a perte de la personne du Consul fut réparée par l'eledion qui se fit de M.
Fulvius Pxtinus, lequel acheva glorieusement cette campagne par la prise de
Boviane. Il entra triomphant à Rome. Tite-Live fait aussi triompher ion
Collègue.
Les Consuls qui leur succédérent, furent Sempronius Sophus, &P. Sul- JCCIL
pitius Saverrio. Tout au commencement de leur Magistrature, les Ambaffa- P. Sempro-
deurs des Samnites arrivèrent à Rome, & demandèrent qu'on renouvellât l'an- nius So-
phus, & P.
cienne alliance qui étoit entr'eux & les Romains. Le Sénat se défiant de leur Sulpitius
bonne foy, voulut s'assurer par les effets, si leur retour étoit sincére. Il ren- Saverrio
voya les Ambassadeurs, & leur dit que le Consul Sempronius alloit les suivre, Consuls.
pour juger de leurs dispositions présentes. Il marcha en effet à la tête de son An de Ro-
armée dans leSamnium, &y fut reçu par tout avec les marques de la plus sin- M. me 449. du
cére affedion ; Ce qui fut cause que la Republique les rétablit dans les droits avant3705.
J. c.
>

de la premiére alliance, où ils étoient avant les troubles. 295.


A peine la paix fut-elle conclue avec les Samnites, que les Eques, ces T. Liv. /. 9.
anciens ennemis de la République, se déclarèrent contre elle. Les deux Alliance
avec les
Consuls entrérent sur leurs terres, & y firent le dégât. Les Eques avoient mis Samnites.
une armée en campagne; mais faute de Chefs expérimentez, & de subordi- Guerre
nation dans le soldat, elle se dissipa, & pendant la nuit chacun s'en retour- contre les
na dans sa maison. Les Consuls sortirent de leur camp,cj$ns la résolution de Eques.
les combattre, ou de forcer leur camp ; Mais l'ennemi aïant disparu, ils se dis- XC111.
posérent à aller chacun de son côté les assiéger dans leurs villes. Dans l'espa- Ser. Corné-
ce de cinquante jours, ils prirent quarante-une villes & plusieurs bourgs, & lius Lentu-
réduisirent aux abbois toute la nation des Eques. La reddition de ces places lus, & Lr
fut suivie de la soumission des Martes, des Peligniens, des 'Frentans & des GenuciuS
Aventi-
Marrucins, qui habitoient sur les bords de la Mer Adriatique. On accorda nenfisCon-
le triomphe aux deux Consuls ; mais ils triomphèrent séparemment. suls. An de
Ser. Cornélius Lentulus, & L. Genucius Aventinensis, qui leur succédé- R. 4jo. du
rent dans le Consulat, n'aïant point de guerre au dehors s'appliquérent à M. 3706.
avant J. 6.
des Colonies à Sora ville du Latium, ,
envoyer & à Alba ville des Marses; en 294.
même tems on accorda le droit deBourgeoisie Romaine aux villes d'Arpinum Tit.Liv. 1.9
& de Trebulle. Pendant qu'on n'étoit occupé à Rome qu'à gouter les fruits Colonies à
de la p^ix, on fut obligé de faire partir quelques soldats pour l'Ombrie, où Sora, & à
Alba. T
une troupe de deux mille voleurs faisoit de grands désordres. Ils avoient M. Livius
pour retraite une caverne spatieuse , pratiquée dans un rocher , n'aïant que Dexter
deux issuës. On les y enfuma. La plupart y furent etouffez par la fumée, M.iErnilins
d'autres périrent dans les flammes, où ils se jettérent. Paulus
La Colonie qu'on avoit envoyée à Alba, étoit de six mille hommes. Consuls» de
Elle allarma les Eques, qui crurent avec raison que ces gens étoient destinez An 4?t.Ro- JŒ
me
principalement pour les tenir en bride. Les Eques reprirent les armes; mais M- 3707.
ils furent réprimez & vaincus par le Dictateur Junius Brutus, qui fut nommé avant Jo. C;
par les nouveaux Consuls, M.iEmiliusPaulus, & Livius Dexter. La défaite Tit.293.
des Eques fut complète, & si aisée que le Diâateurteviat à Rome huit jours l.X..Liu*
après
Les Eques aprés son départ.
3
A son retour il dédia le Temple à la Déesse du Salut, qu'il
font vain- £avoit voue pendant ionConsulat, & qu'il avoit bâti pendant le tems de la
eus parle Censure. Fabius Pidor d'une famille illustre, peignit les murs de ce Temple.
<
Dictateur la première, où les Romains aïent
JuniusBru- On remarque cette circonstance comme
^

tus. employé l'art de la peinture. (V)


Cleonyme fils de Cleoméne Roy de Lacédémone, étoit venu sur les cô-
(
(a)
Pline l.
tes d'Italie avec une flotte, & avoit conquis le païs qui est situé entre les fleu-
c. 4, Valer, Les Romains en prirent ombrage, & le Dictateur Bru.
Max. 1. 8. ves Sybaris & Cratis.
14. tus partit avec une armée pour les châtier d'Italie. Le combat se donna prés
c.
la ville de Thurie , & les Lacédémoniens furent contraints de se sauver sur
leurs vaisseaux.
XCIV. Les Marses & les Etrusques qui avoient commis des hostilitez contre la
Q.Fabius République, donnérent lieu à la création de deux Dictateurs, l'un après l'au-
Maximus tre, l'an de Rome 4^2. Ce qui fut cau se qu'on n'y élut point de Consuls.
'Di c;lateur.
Le premier Dictateur fut Fabius Maximus, qui marcha contre les Marses, les
An de fto- dissipa, leur prit les villes de Milionie, Pliltine & Fresilie, & les
du battit, les
M. 3708. priva d'une partie de leur territoire. Apréssix mois de Dictature, Fabius eut
me 452.
avant J. C. pour Successeur dans la même dignité, Valerius Corvinus, dont on a souvent
292. parlé ; 11 prit pour Colonel Général de la Cavalerie Sempronius Sophus. Ils
Guerre marchèrent ensemble contre les Etrusques, qui avoient pris les armes, pour
contre les Romains.
Marses & opprimer une famille puissante de leur païs, laquelle étoit alliée aux
les f trus- Cilnius étoit à la tête de cette maison, qui se nommoit des Cilniens.
ques. Valerius Corvinus aïant reconnu quelque défaut dans les cérémonies de
T.Liv.i. 10. à Rome pour prendre de nouveaux Auspices. Pen-
XCV. son élection, retourna
Valerius dant son absence, Sempronius Sophus étant sorti du camp de son autorité pri-
Gorvinus vée, tomba dans une embuscade,& perdit grand nombre de ses gens & quel-
Maximus
ques Drapeaux. Le reste se retira dans le camp. La nouvelle de cet échéc
Dictateur.
jetta le trouble dans Rome. On cessa d'y rendre la justice, & on fortifia les
Guerre de la ville; on posta des sentinelles sur les murs,
contre les corps de garde aux portes
Étrusques. & on y ramassa des armes pour le besoin en cas d'alarme ; on
enrôla toute la
jeunesse de Rome, & le Dictateur la mena joindre les troupes de Sempronius
Sophist. Celui-cy avoit changé de camp, & avoit mis hors du camp les Com-
pagnies, qui avoient perdu leurs Drapeaux , sans leur permettre d'avoir ny
tente, ni couvert, ni.jour, ni nuit.marcher ses
Le Dictateur à son arrivée fit troupes vers les campagnes de
Breselles, au voisinage du Lac de Castiglionc, où il se campa. Fulvius un
des Lieutenants-Généraux de l'armée Romaine, s'étoit emparé d'un fort, ou
il se défendoit avec ses gens. Les Etrusques qui suivoient le Dictateur dans
sa marche, essayérent d'attirer Fulvius hors de Ion Chateau, pour le faire don-
dans embuscade qu'ils avoient mise dans un village voisin. Mais
ner une ,
l'Officier Romain découvrit le piége, & se moqua de la rule des Etrusques.
Ceux-cy s'avancérent avec toutes leurs forces pour réduire le Chateau. Ful-
vius envoya en diligence au Dictateur, pour l'informer du danger ou ilse
trouvoit. L'armée Romaine vint à son secours. Mais le Dictateur ne sequand hâta
Il laissa jetter aux Etfusques leur premier feu à l'attaque du fort, &
pas :
miand il fut a portée, il lâcha d'abord contre eux ù Cavalerie ,
quil a-voït
placée exprés dans les intervalles, que leur avoit luflez l 'In.,'atiterie
Cette Cavalerie mit le trouble parmy les Etrusques, & donna a Fulvius
& aux siens le tems de respirer. L'Infanterie Romaine
n°uvell;^""r";eecs
de Rome, donna ensuite sur l'ennemi, & le mit en desordre. Les Etrusques
s'enfuirent vers leur camp ; Ils s'y mirent en défense sur leurs remparts; mais
le rempart où ils étoient en plus grand nombre, s étant eboûlé fous leurs
pieds, ils profitérent de cette brèche, pour se sauver dans les vil es. LesEtrus..
alors la clemence du Diâateur. Il exigea d eux par pré -
ques recoururent à
minaire, la solde d'une année pour ses soldats, & des vivres pour deux mois. -
Le Sénat & le peuple ne leur donnérent qu'une treve de deux ans. Valerius
Corvinus reçut les honneurs du triomphe , & le peuple le choisit quoyqU-
absent, Consul pour l'année suivante, avec Q Apuleius Pansa. XCVl
Sous leur Consulat deux freres Tribuns du peuple, l'un nomme Quint. ^M. ValeriuS
Ogulnius & l'autre Cneïus Ogulnius , firent changer l'ancien usage de ne (Gorvinus
donner entrée dans le Collège des Prêtres & dans celui des Augures, qu'à des & Q^Apu-
Patriciens : Ils obtinrent à force de sollicitations & de mouvemens, qu an leius Pansa
Gonfuls.
ajoûteroit aux quatre anciens Pontifes Patriciens, quatre nouveaux de race
Plébéiens, joindre aux An de Ro-
Plébéienne , & qu'on nommeroit cinq Augures pour me 453. du
quatre Augures Patriciens, qui étoient alors en charge. Ce changement mor- M. 370 9-
tifia extrémement la noblesse, qui se vit par là dépouillée de la seule préroga- avant J. G.
tive, qu'elle avoit jusqu'alors conservée à l'exclusion de la populace. 291.
T.Liv.î. 1o.
Sur la fin de l'année les Consuls se mirent en campagne. Valerius alla Nouveaux
faire la guerre aux Eques, qu'il eut bientost ramenez au devoir. Apuleills Prêtres &
marcha contre la ville de Nequinum, nommée aujourd'huiNarni, ^a cauie du nouveaux
fleuve Nar, qui pafse auprés d'elle. Elle étoit située dans l'Ombrie, sur un du nombre
Aruspices
rocher presqu'iiiaccessible. Le Consul en forma le siége ; mais il le laissa des PLé.
achever aux nouveaux Consuls, qui furent M. Fulvius Pxtinus & T. Manlius béïens.
Torquatus. Le pleuple avoit jetté les yeux sur le célébre Q Fabius Maximus
Dour le Consulat ; mais il pria qu'on ne
pensât point à lui, & qu on le reler-
vàt pour des besoins plus prenants de la République.
Fulvius alla continuer le siége de Nequinum. La bonne fortune desKo- XCV1L
mains voulut, que deux bourgeois de la ville creusérent sous les murs de la 1M. Fulvius
ville-un chemin soûterrain, par lequel ils se rendirent à la premiere garde rTit. Man-
Paetinus,
des assiégeans. On les prit, & on les conduisit au Consul, a qui ils promirent jlius Tor-
ious certaines recompenses , de remettre la ville , si on vouloit leur
donner quatus
quelques troupes pour s'en emparer pendant la nuit. Fulvius retint un de Consuls.
& l'autre deux soldats dans la ville, pour An de Ro-
ces hommes en' otage, renvoya avec 4,4
observer si le parti que ces transfuges proposoient, étoit praticable ; Ils allé- me M. 3710. ,
rent, & rapportérent que tout étoit conforme au rapportd'élite, de ces deux hom- avant J. C.
hommes qui se glis- 250.
mes. La nuit suivante on leur donna trois censd'une
sérent par le soûterrain dans la ville, se saisirent porte, & la livrèrent au T. Liv.Li G.
Prise de
Consul, qui y entra avec son armée. S'étant ainsi rendu maître de Nequi-
Nequinum
colonie Romaine, garnison pour
num sans combat, il y mit une comme une ou de Nar-
tenir en bride toute l'Ombrie. ni.
Tom. Il. Ffff Les
jterm. Les Etrusques ne purent conserver la paix pendant les deux, années,de'
LesGaulois trêve, qui leur avoient été accordées. Ils se dispolbientà la rompre,lorsqu'une
entrent armée de Gaulois fondit sur leur païs. Pour détourner l'orage de dessus leurs
dans l'Etfu'
lie. terres, ils offrirent de l'argent aux Gaulois, & voulurent leur persuader de
fè joindre à eux dans la guerre, qu'ils vouloient faire aux Romains. Les Bar-
bares reçurent l'argent, & quand on les somna de marcher contre Rome, ils
repondirent, qu'ils ne le pouvoient faire, à moins qu'on ne leur cédât un ter-
rain dans l'Etrurie, pour s'y retirer en cas de besoin, & pour y fixer leurs de-
meures. La proportion fut examinée dans une assemblée de la nation, & re--
jettée tout d'une voix.
XCIX., Sur ces entrefaites les peuples du Picenum,Province située sur les bords
Mort du dela Mer Adriatique, vinrent demanderd'entrer dans l'alliance des Romains.
Gonful La crainte qu'on avoit alors des Etrusques & des Gaulois fit recevoir ces
Manlius peuples plaisir. Peu de jours Manlius ,
Torqua^ avec aprés partit à la tête de l'armée,
tus. pour porter la guerre dans l'Etrurie., A. peine étoit-il arrivé sur les terres de
Il a pour 'l'ennemi, que faisant faire l'exercice à sa Cavalerie, comme il caracolloitavec
SuccelTeur vîtesse extraordinaire, son cheval le renversa par terre, & trois jours après
Valerius une
Corvinus.
il mourut de sa chute.
Sa place de Consul fut remplie par M. Valerius Corvinus, qui fut elû
à
Consul pour la septiéme fois, & alla aussitost se mettre' la tête de l'armée.
Les Etrusques n'osérent paroître devant lui. Ils se tinrent dans leurs retran-
chemens, qu'ils avoient rendus aussi forts qu'une ville des plus fortes, & lais-
férent, sans s'émouvoir, le Consul faire le dégât dans leurs campagnes. Vale-
rius est regardé commer un des plus grands hommes, que la République ait
produit dans ses plus. beaux tems II avoit été elevé vingt-fois à des em-
ploys, qui lui donnoient droit d'user de la cfciise curule. Il mourut Úgé de
plus de cent ans, aprés avoir rempli tous les devoirs d'un bon citoïen, d'un
C. bon Pere de famille & d'un excellent Général d'armées.
,
Cn;Pulvius Malgré les oppositions de Claudius Appius, qui vouloit empêcher qu'on
Cennuna. ne tirât un des Consuls d'entre les Plébéïens, on elût à l'ordinaire
lus, & L. Patricien & un Consul
Cornélius un Plébéien. Ce furent Cn. Fulvius Centumalus, & L. Corné-
Scipio lius Scipio. Le premier sut chargé d'aller faire la guerre aux Samnites", & le
Consuls. sécond aux Etrusques. Les Samnites avoient fait de grands ravages dans la
An de Ro- Lucanie. Les Lucaniens s'en plaignirent au Senat Romain, qui envoya des
me 455. du Féciaux dans le Samnium, pour demander qu'on réparât les torts faits auxLu-
M-371 1.
avant J. C. caniens. Les Féciaux ne furent pas écoutez; on leur défendit même d'entrer
289. dans le Samnium. Fulvius étant arrivé aux. environs de Boviane, livra la
T.Liv.Lio. bataille aux Samnites & la gagna; le fruit de sa vidoire fut la prise de Bovia.
Guerre qui fut emportée de. force, de même que la ville d'Aufidéne dans le même
contre les ne,
Etrusques païs.
& contre, Le Consul Cornélius Scipio marcha contre les. Etrusques ; ils les com-
les Samni- battit à Volaterres; mais la nuit ayant obligé les armées de se léparer, on ne'
tes. connut qui étoient les Vainqueurs ou les vaincus , que quand on vit le len-
demain le camp des Etrusques abandonné, & le champ de bataille couvert
de. morts en.la puissance de SdEion. Le Consul ramena armée dans le pay^
dé-.
& après y avoir mis le bagage en seûretë dans de tons re-
ides 'Falil«Sques ;
tranchemens, il retourna dans l'Etrurie; où il fit le dégât, brûlant les villages
& les Chateaux, mais n'attaquant pas les villes, qui étoient en état dé- soûte-
nir des siéges.
Le bruit qui se répandoit de toutes parts, que les Samnites & les Etrns- -CI.
pour se dédommager de leurs 1LFabius
pertes panées ;
ques alloient faire des efforts extraordinaires,
ximus, comme le plus
Les Comices
capable
résolurent
de
d'éléver
réprimer ces
au Consulat
opiniâtres
Q,
ennemis
Fabius
de la
Ma- Maximum
Re- & P.Decius
Mus Con-
publique. Il eut beau s'excuser sur son grand âge & sur ses infirmitez. Il suls.
eut beau citer les loys qui défendoient d'élever au consulat un homme plus An6. de R,
d'une fois en dix ans. Les Comices le choisirent unanimement , & lui 4j du M.
donnérent à sa priére pour Collégue Decius Mus, avec qui il avoit deja avant 3712-
J. G.
géré le Consulat quelques années auparavant. Ces deux grands hommes se 288.
déférérent mutuellement le choix du pays , où ils devoient aller faire la Guerre
& pendant leurs déférences réciproques, arrivérent à Rome des Dé- contre les
guerre ; Etrusques Samnites
putez de Sutri, de Nepet, & de Falerne, qui raportoient que les
& lesEtrus-
dans leur assemblée a voient resolu de demander la paix aux Romains.
aller ques.
Cette nouvelle détermina les Consuls à réunir leurs forces, pour T.Liv.1. i a*
ensemble faire la guerre auy, Samnites. Ils se rendirent dans leur pays par
différens chemins, & commencèrent l'un & l'autre à faire le dégât dans leurs
campagnes ; mais de telle maniéré, qu'ils ne laissoient pas marcher leurs
troupes, sansuser des précautions nécessaires, pour ne pas tomber dansées
embuscades des Samnites. Fabius informé qu'ils étoient cachez dans le fond
d'une vallée , dans l'esperance de le surprendre, résolut de les prévenir & de
les attaquer. En même tems aïant disposé ses Légions en bataillon qua-rré,
il marcha contre eux. Les Samnites se mirent en bataille dans la plaine; leur
armée étoit nombreuse & résoluë ; Sa résistance fut terrible. Les Légions
Romaines ne purent les ébranler. Fabius eut recours à sa Cavalerie, & l'en-
gagea de donner avec impetuosité sur l'ennemi. Elle donna sur la première
ligne des deux armées, puis s'étant jettée sur l'infanterie Samnite, .elle ne put
l'ébranler. Enfin elle se retira & quitta le combat.
Cette retraite donna coeur à l'ennemi, & le Consul craignant un échec, en.
ordonna à Scipion, l'un de ses Lieutenans-Généraux, de prendre les soldats de Défaite Samnites&
des
la première Légion qui étoient armez de lances, & qu'on nommoit pour cela des Apu-
Haftati, de les ménersans bruit & par des detours sur la montagne voisine, & liens.
delà de venir fondre par derrière sur l'ennemi. Cet ordre fut exécuté. Pen-
dant que Scipion étoit en mouvement, pour faire ce qu'on demandoit de lui,
Fabius fit prendre la place des Hajiaii aux Princes, qui réprimèrent un peu l'ar-
deur des Samnites ; enfin les troupes que Scipion conduisoit, parurent; Alors
le Consul s'écria, qu'il voyoit venir à son secours l'armée de Decius son Col-
légue. Cette nouvelle se répandit dans un moment dans l'une & dans l'autre
armée; le découragement saisit les Samnites. Ils prirent la fuite & se retirè-
rent. Ils ne laissérent que trois mille quatre cens hommes sur le champ de
bataille mais on leur prit vingt-trois drapeaux.
,
Les Apuliens venoient au secours des Samnites. Le Consul Decius les
arrêta & les battit. Il leur tua deux mille hommes proche IVlalevent. Aprés
cela rien ne fut plus capable d'arrêter les Consuls. Ils portérent la détela-
tion dans tout le pays des Samnites. On peut juger des dégâts qu'ils y firent,
par le nombre de leurs campemens. Decius en fit quarante-cinq, & Fabius
quatre-vingt-six.
€111. Appius Claudius, qu'on a vu plus d'une sois sur la Scène , avoit resolu
Appius de se faire élever au ConsuLt avec Fabius pour l'année suivante. Fabius qui
Glavidius présidoit
aux Comices, s'y opposa, disant qu'il étoit contre les loys que le
Cæcl1s & L. de suite. Son objet étoit de mettre en place
Volumnius mêmeConsul fût élu deux années
Flamma un second Consul Patricien, à l'exclusion des Plébéïens; mais l'oppolition de
violens Fabius prévalut. On nomma pour Consuls Appius Claudius Patricien, & L.
Consuls. Volulnnius FlammaPlébéien; le peuple pour donner des marques de distinc-
An de R.
du M. tion & d'eslime aux deux Consuls de l'année précédente, les nomma Pro-
457. les dans le Samnium, pour continuer la guerre contre
?71 Consuls, & on envoya
avant J. G, les Samnites.
287. Decius Collègue de Fabius étoit resté à l'armée, pendant que Fabius
T.Liv.l.10. étoit
Guerre venu à Rome, pour présider aux Comices; Decius profitant de la supé-
les riorité que lui avoient donné les avantages remportez l'année précédente sur
contre
Samnites; les Samnites, les poussa avec vigueur , & sans leur donner de relâche les
obligea-de se retirer bois de leur propre pays. D'un autre côté Fabiui, té-
noit en bride les Lucaniens, & les empêchoit de se joindre aux Samnites ;
de manière qu'il donna à Decius tout le moïen. de pouffer ses conquêtes, & de
se rendre maître de plusieurs villes du Samnium. Le moyen le plus efficace
qu'il emploïa pour animer se& troupes, fut de leur abandonner le pillage de
prises en trés-peu de jours,
ces villes. LVlurgantie, Romulée, Ferentine, furent de malheur
malgré la résistance des habitans. Pour surcroit pour les vain-
armée, &
cus, le Consul Volumnius vint encore dans le même païs avec une
y fit de nouveaux ravages.
ClV. Le Consul Appius étoit destine pour l'Etrurie. Les Etrusques chassez de
Guerre leur païs par Decius, vinrent s'offrir aux Samnites, pour les
servir contre les
contre les Romains. Ces offres furent acceptées. Toute l'Etrurie court aux armes.
Etrusques. Appius arrive dans c.e pli.8 avant que les ennemis sçuf[ent qu'il étoit parti
HLiv.l.io- ,
de Rome. Le peu de réputation qu'il avoit dans le métier de la guerre, don-
remportèrent sur lui plusieurs légers avantages.
na coeur aux ennemis. Ils état de tenir tête
Appius ne se croyant pas en aux Etrusques, écrivit, dit-on,
Consul Volumnius qui étoit alors dans le Samnium , pour le prier de lui
au
améner du secours. Volumnius y accourt. Appius le reçoit avec indifférence,
& comme ne lui aïant pas écrit. Volumnius se dispose à partir sur le champ,
& à reprendre le chemin du Samnium. Les Officiers Généraux le retinrent.
Volumnius
Il y. eut entre Appius & Volumnius de grosses paroles. A la fin silence
dit l'armée témoigne par ses cris que je demeure, ou par son que
oue
fm'en retourne. A l'instant il s'éleva un grand en de toute l'armée
A ce cri l'armée combinée des Etrus-ques &
des Samnites se mit en bataille.
Celle des Romains en fit de même. Appius eut peine à laisser marcher t-es,
Elles ne marchèrent que malgre^i.
t.[al1Ees- avec, celles de Volume.
Enfin on en vint aux nlains." Appius piqué d'honneur, fit
plus qu oïl n atcen»
doit de lui. 11 rangea assés-bien ses troupes, se battit avec intrépidité, anima
ses soldats par son exemple, voua de bâtir un Temple àBellone ; les
Roi
leur camp. Dans ce
mains renversent les Etrusques & les repoussent jusqu'à
moment arriva Egnatius Général des Samnites, qui ramenoit ses gens du
fourage. Sa présence ranima les Etrusques. Le combat recommence,mais
& les Samnites sont obligez de reculer. Leur camp est^atta-
les ,Etrusques
qué pris & pillé. Il resta sept-mille trois cens hommes sur la place, & on
fit deux mille cent prisonniers de guerre. -
avantage, er-
Les deux armées étoient sur le point de pousser plus loin leur Défaite
& d'humilier PEtrurie : Mais les Samnites avec de nouvelles troupes
étant des Samni*
entrez dans la Campanie, & y ayant fait le dégât, y tes.,
O Consul trouva par tou 2 chargez cette contrée les tristes marques de la fureur des
Samnites, & il apprit que de butin, ils s'en retournoient dans leur
mïs presque détordre &sans dilcipline. 11 pritfuite ion moment pour les at-
point du jour. Il les battit & les mit en puis revenant a leur
taquer au Campanois qui y etoient, rompirent leurs-
camp, il le força. Les prisonniers
chaînes, délivrérent leurs compagnons, & firent un grand carnage des Conlul. samni-
Ils prirent même un des Chefs des ennemis, & ramenèrent au
tes. d'abord attaquez
Sur ces entrefaites les Samnites de l'avant-garde qu'on avoit
& diilioez. accoururent au secours du camp. Leurs efforts turent mutiles, e
secours fut battu comme le reste. Les Samnites deux mille
perdirent environ six mille
hommes dans ces différentes actions. On leur prit cinq cent pri-
sonniers, & on délivra sept-mille-quatre-cent Campanois , qui etoient dans.
liens. 1
Etrus-- cm.
même apprit sur des rapports certains que les
Dans le tems on , Q^FabiuSM
ïe< Ombriens, les Gaulois & les Samnites avoient forme une ligue. Maximus
ques Volumnius, qui présidoit aux &. lj.Decills;
contre la République. Cela obligea le ConsulConsul.
Comices, de proposer Fabius Maximus pour ^ Celui-cy
s 'en excula Mus Con-
iur ion grand âge, & allégua la loy dont on a déja parlé qui exclut du Con- suls.
,
année précédente.. Le An de Ro"-
fulat pour dix ans de suite, ceux qui l'ont été une me 4,8.
besoin des affaires fit passer sur toutes ces considérations. Fabius fut élu d une M. 3714*
J. C"
voix unanime ; & à sa priére on lui donna pour Collégue ion fidel ami ex- avant
clus Mus. Les voeux du public, & en particulier du Sénat avoient donné a . 286.
Etrurie. Decius inspiré par le Guerre
Fabius la commissîon de saire seul la guerre en contre leg-
parti Plébéïen, dont il tiroit son origine, prétendit que le sort devoit déci- Etrusques r.
der, lequel des deux, de Fabius ou de lui, commanderoit dans ce païs , la les Ombri-
choie fut agitée devant le Sénat & devant le peuple. Aprés bien des conte- ens,
itations & des discours de part & d'autre,
lettres
Fabius
qu'Appius
en se retirant
écrit de
dit au
I>E---rurie
peuple ;
Aprés
les.3
Gaulois &:
les Samni»-
se vous prie de lire seulement les ;
tes.
niu-.i nrenez le oarti Que vous jugerez le meilleur. On lut les lettres d Ap-
pius, qui marquaient l'extrême danger dont la République etoit menacée..
Sur le champ on nomma tout d'une voix Fabius, pour commander en Etrurie.'.
On ne loüa pas Decius de s'être livré au parti Plébéien, contre un homme dus
mérite de Fabius, & à qui il avoit personnellenlent-de
Ef. ff 3.
si grandes-obligation*-
.
Dez que Fabius fut nommé, la jetinésseRomaiiie courut à l'envie pour
s'enrôler sous un si grand Capitaine ; Mais Fabius déclara qu'il ne méneroit
enEtrurie qu'un renfort de quatre mille hommes d'Infanterie, & desix cens
chevaux, que cela lui suffisoit, avec l'armée qui y étoit sous le commande-
ment d'Appius ; Qu'il comptoit pour peu d'avoir une armée nombreuse,
-qu'il mettroit toute son application à la ramener saine & riche à la ville. 11
partit donc pour l'Etrurie à la tête de ce petit corps, plein de courage & de
résolution. A quelques milles d'Urna, il trouva un détachement sie soldats
Romains bien escorté, qui alloit dans une forêt voisine, pour y couper du
bois. Fabius leur demanda si le camp manquoit de palissades; on lui repon-
dit qu'il étoit bien palissadé, qu'il étoit même environné d'un double folié, &
d'un double rempart ; que cependant on ne le croyoit pas en leurete.
criIl. Il les renvoya avec ordre d'abbattre le premier rempart, & de combler
Tabius raf- le premier fossé, disant qu'il n'étoit pas de l'honneur du nom Romain de
sure l'ar- marquer si peu de confiance. Ces soldats à leur arrivée exécutèrent les or-
mée Ro- dres du Consul, & rendirent à l'armée sa première aiTûrance; dez le lendemain
maine.
qui suivit l'arrivée de Fabius, Appius partit pour Rome , ou il entra en pos-
session de la Préture , qui lui convenoit mieux , que le commandement des
troupes.
Le Consul recommença de bonne heure à mettre ses soldats en haleine,
& en leur faisant souvent changer de
en leur faisant faire de longues marches,
camp. Par-là ilj^ur donnoit de l'assùrance, & prenoit connoissance dupaisà
& des forces de l'ennemi. Avant que d'entrer en adion, il fit un voyage
Rome pour délibérer avec le Senat sur les opérations de la campagne. S i
,
présence & ses discours diffipérent les craintes, que le rapport d'Appius avoit
répanduës dans les esprits. Cependant pour assurer davantage la tranquilité
publique, il demanda un associé, & pour montrer que la conteitation, qui étoit
survenuë entre Decius & lui sur le commandement, n'avoit point altéré la
parfaite intelligence, qui avoit toujours été entr'eux: Il pria qu'on lui don-
nât Decius, ou même Volunlnius, si Decius avoit quelque répugnance à fii-
qu'il se remettroit du tout à Fabius
re la guerre avec lui. Decius témoigna
lui-même. Ils partirent donc ensemble pour l'Etrurie, & Volumnius marcha
ctëpart, ils pourveurent à la seûreté de la ville,
vers le Samnium. Avant leur
plaçant deux camps, l'un sur le mont Vatican, qui étoit encore hors de
en
la ville, & l'autre sur le bord du -libre.
CVIII. Avant l'arrivée de Fabius en Etrurie, il apprit la défaite d'une de ses
Défaite de Légions, qu'il avoit laissées prés deClusium, sous le commandement de Sci-
Scipion par
pion, qui étoit alors Pro-Préteur de la Province. Scipion voyant la nIultitu-
lesGaulois.
de des Gaulois, qui venoient fondre sur lui , voulut gagner une éminence
qui étoit à portée ; Mais elle étoit déja occupée par une troupe de Gaulois,
qui l'avoient prévenu. Ainsi se trouvant enveloppé de toutes parts, il fut
entièrement défait. Les Consuls, dit-on, virent eux mêmes la Cavalerie
Gauloise, qui revenoit du carnage, chantant à leur manière un chant de viftoi-
& portant les têtes des Romains au bout de leurs lances, ou penduës au
re,
poitral de leurs chevaux.
Les
Les deux Consuls rassemblérent d'abord leurs forces à Sentinum, au-
jourd'hui Sciitiiia dans l'Ombrie. Elles consistoient en quatre Légions, &'
,
bon nombre d'escadrons de Cavalerie sans compter l'Infanterie fournie par
,
les alliez, & d'un corps de mille Cavaliers de Campanie ; ce secours surpaf-
soit en nombre les troupes Romaines. Fabius & Decius formérent chacun'
leur camp à part, mais toutefois à portée l'un de l'autre, dans la plaine de-
Sentina. L'armée des ennemis étoit sans comparaison plus nombreuse que-
celle des Romains. On faisoit les Gaulois seuls & les Samnites forts de cent-
quarante-mille-trois-cent-trentehommes d'Infanterie, & de quarante-.sl-xmil.-
le chevaux ; sans compter les Etrusques & les Ombriens, qui étoient auflt
très-nombreux. Ils convinrent que les Gaulois & les Samnites combattroienf
féparemment contre les Romains en rase campagne, tandis que les Etrusques,
& les Ombriens durant le fort du combat, attaqueroient les deux camps des-
Consuls.
Fabius informé par quelques transfuges de leur résolution, envoya eir cix:
diligence auxPro-PreteursFulvius & PbPchumius, qui avoient leur camp tout Défaite des ^
proche de Rome, & étoient destinez à couvrir la ville. Il leur envoya ordre Samnites oc*
d'aller promptement en -Etrurie, & d'y faire le dégât. Les Etrusques & les Om- des Gau-
briens accoururent ensemble pour arrêter le cours du ravage, & pour donner lois., ^
secours à leurs Compatriotes. L'absence de ces ennemis encouragea les Ro-
mains. Aprés avoir escarmouché pendant quelques jours, on en vint à un
combat. Les armées étoient en présence lorsqu'un Loup poursuivant une:
Biche,se jetta entre les troupes rangées en ,bataille. Le Loup effrayé de voir
tant de monde, courut à travers les bataillons Romains & se sauva, sans qu'on;
lui fit le moindre mal. La Biche se jetta de même au milieu des Samnites 8t
des Gaulois, & y fut percée de coups. Les Devins Romains donnérent à cet--
événement une interprétation favorable. La Biche animal craintif, porté
a
chez nos ennemis la fraYeur & la fuite. Profitons du présage, & imitons le'
Loup, animal hardi consacré à Mars, & qui nous rappelle le souvenir de là*
Louve, qui allaita Romulus & Remus.
11 faut peu de chose
pour faire impression sur la' multitude. Le' soldafc-
Romain rempli de ces idées, marcha au combat avec une intrépidité in;.
eroïable. Les Gaulois étoient al'aile droite, & les Samnites à l'aîle gauche
ainsi Fabius qui étoit à l'aile droite des Romains, eut à- combattre les Samni-^;.
-

tes, & Decius qui commandoit l'aile gauche, se trouva opposé aux Gaulois,.
Dabord les Gaulois parurent avoir quelque avantage. Le Consul Decius à la;
tête d'un escadron, s'élança deux fois contre les Gaulois-, & deux fois il le*
repoussa ; mais tout à coup à cette Cavalerie Gauloise qui s'étoit retirée, suc-
cédèrent des chariots a deux roues, & d'autres à trois roues, qui fondirent sur
les Romains. Le- bruit des roues & la nouveauté du spedacle jettérent Hl;
terreur dans la' Cavalerie Romaine, elle prit la fuite avec précipitation, & per-
dit bien du inonde & bien des chevaux. Delà les chariots des Gaulois tom-
bèrent sur rinianterie ennenIÏe, la percèrent, la culbutèrent, la mirent
eUl
déroute, & la poursuivirent, sans lui.donner le tems de respirer.

| Envaiu1.
ex.' Envain Decius tâche de les,,rassùrer & de les retenir. Ils n'écoutent que
Dévoue- leur fraïeur. Dans ce moment le Consul prit la résolution de sè dévouër aux
ment du Dieux Mânes, à l'exemple de son Pere. Il appelle le Pontife Marcus Livius
Consul De-
cius. qui avoit reçu ordre de ne pas s'éloigner,& lui dit de prononcer les paroles du
Liv.l. 10. dévouement. Livius les prononça, & Decius les repéta d'après lui. Il fit
les mêmes cérémonies que son Pere avoit faites, retroussa la robe, & aïant
chargé de malédictions les ennemis de la République , il poussa son Cheval
dans le plus serré de l'armée des Gaulois, & y fut bientost percé de mille
traits. Il avoit eu la précaution avant cette cérémonie, de nommer pour
commander en sa place le Pontife Livius. Celui-ci se met à la tête des trou-
pes Romaines, les ramène au combat & leur inspire à la veut! du dévoue-
,
ment de leur Général, une ardeur nouvelle. Fabius qui ne savoit pas encore
Je dévouement de son Collègue, avoit envoyé à son secours quelque renfort.
Ce renfort arriva fort à propos; Le combat recommença. Les Romains ra-
niassérent les traits dont le champ de bataille étoit couvert,les lancèrent avec
furie contre les boucliers, dont les bataillons des Gaulois étaient couverts;
de ces traits les uns percérent les boucliers, & bléfierent ceux qui Ls por-
toient. Les autres demeurérent seulement attachez à ces bouchers, (S:, par
leur poid les attirérent à terre. Par ce moïen on pénétra dans ces bataillons,
& on commença à entamer les Gaulois.
A la droite Fabius combattit avec plus de bonheur. Il laissa jetter le
premier feu aux Samnites, & se contenta, pour ainsi dire, de demeurer dans
les commencemens sur la défensive. Puis aïant commandé à b Cavalerie
de prendre l'ennemi en flanc, il s'avança avec son Infanterie ; & la Cavalerie
aïànt dans le même tems donné avec impétuosité sur eux, ils furent ébranlez
& bientost mis en fuite. Ils voulurent se saire jour à travers les battions
des Gaulois, pour regagner leur camp ; mais les Gaulois sans se déconcerter, se
couvrirent de leurs boucliers & firent la tortue.
Fabius tourna alors ses efforts contre les Gaulois, qui renvoient encore.
CXI. de prendre un détour pour
Défaite des Il ordonna au corps de Cavalerie de Campanie,
Gaulois venir tomber par derrière sur l'Infanterie Gauloise , & en même tems il fit
par Fabius. marcher les Princes de la troisiéme Légion, pour donner sur la même Infan-
terie Gauloise , lorsque la Cavalerie Campanoise l'auroit entamée. La chose
.réüssit, & les Gaulois furent enfin mis en fuite. Aprés que Fabius eut appris
le dévouëment de Decius, il fit aussitost voeu de faire un Temple à Jupiter
le victorieux, & de lui consacrer les dépouilles de l'ennemi. La République
s'étoit jamais veuë dans un plus grand péril. Aussi les Chefs emploïerent-
ne
ils ce que la religion a de plus sacré, pour détourner le danger. On compta
parmi les ennemis vingt-cingt mille hommes de tuez sur la place, & huit Inil-
le prisonniers, qui furent pris ou dans le camp, ou dans la déroute. On ne
perdirent.
nous dit pas combien les Romains .r sur
Aprés la victoire Fabius fit mettre en monceau les dépouilles prises
l'ennemi, & y fit mettre le feu en l'honneur de Tupiter le victorieux. La nuit
permit pas de retrouver le corps de Decius, couvert d'un tas d'autres
ne morts.
%
morts. Le lendemain on lui rendit tous les funébre honneurs funèbres, qui étoient
dûs à son courage. Fabius fit sa harangue devant toute 1 armee
Les Etrusques & les Ombriens aprés la défaite des Samnites & des CXil
n'orérent plus hazarder la bataille. Ils se contentérent de defendre Nouvelle
Gaulois l'a veu, pour guerre les
leur païs contre les Généraux qui y étoient entrez, comme on contre
v faire le ravage. Ces
Généraux attaquérent en Etrurie les Perusiens & les Etrusques.
Chiliens, leur tuèrent plus de trois mille hommes, & leur prirent vingt dra-
'tant de pertes n'abattirent pas le courage des Etrusques. Le Con-
peaux -
iul Fabius, croyant apparemment la guerre finie de ce côté-là, étoit retourne
Il y apprit que les
à Rome avec son armée, & y étoit entré en triomphe.
Etrusques avoient, à la persuasion des Perufiens, assemble une nouvelle armee.
Il marcha contr'eux avec ses troupes,& les battit dans un combat, où il resta
où leur fit dix-sept cent
quatre mille cinq cens Perusiens sur la place, & prixon de trois cens dix livres
quarante prisonniers, lesquels furent rachettez au
d'érain par tête. CXI II
Les Samnites ne pouvoient demeurer en repos, ni. modérer leur ha-ine Guerre
h .

invêtérée contre les Romains.Ils s'étoient partagés en deux corps,& etoient contre les
des alliez des Romains. L'un de ces Samnites.
venus faire le dégât surles campagnes Vukurne assez proche de la ville d 'Efernie.
corps s'étoit rassemblé sur le
,
I M autres oilloient aux environs de Formie, & de Vescia. Le Pro Consul
Volumnius, qui dez le commencement de- la campagne avoit été envoyé dans
le Samnium, leur donnoit la challe d'un côté, pendant que le
Préteur Ap-
pius d'un autre côté , avec des troupes nouvelles amenées de Rome,
les re-
poussoit vers le Samnium. Les Samnites se rassemblérent enfin dans les cam-
de Stellate dans la Campanie.Là les trois armées se disposérent a livrer
pagnes La fureur
la bataille. Elle se donna avec une ardeur égale de part & d'autre. ils
& le désespoir animoient les Samnites. Vaincus tant de fois , Ilsneperdi- pou-
voient se soûmettre, ny reconnoitre la supériorité des Romains. prit deux
® rent dans ce combat seize mille trois cens hommes, & on leur
mille sept cens prisonniers.
La même année Fabius surnommé Gurges, c'est-a dire , le gouffre, à cxm
cause de son intempérance & de ses débauches, étoit Edile de la ville de Ro- Falieus
me. Il étoit sils du Consul Fabius Maximus, & depuis quelque tems Gurges il tre dans
ea-
les
avoit quitté la voïe du désordre, & avoit mérité d'entrer dans les emplois de employs.
la République. Il voulut signaler son Edilité par la réforme des Dames Ro- TLIV.I.io.
maines, dont l'incontinence & l'infidélité envers leurs maris, étoitl'adultéré. devenue Macrob.
SaturnaL
publique. On fit pour la première fois des loys contre
comme furent condamnées amende 1 - o.
Les femmes convaincuës ce de crime a une pe-
,
cuniaire ; & de l'argent qui en vint, Gurges fit bâtir à Venus un Temple pre-
che le grand cirque.
L1VRE XXIII.
7.
Posthu-
LEs Consuls qui succédérent à Fabius Maximus, furent L. Posshuiiiius Me-
L. gellus, & M. Attilius Regulus. Les Samnites toujours obstinez malgré
mius M fi- leurs défaites presque continuelles, mirent encore cette année une armée
ge lus , &
1

M. Attilius sur pied ; l'on publiait même qu'ils avoient trois corps d'armées, dont l'un
Regulus devoit marcher vers l'Etrurie, l'autre dans laCampante, & le troisîéme devoit
Gonsuls. demeurer sur les frontières du Samnium, pour le défendre. Le Consul Pott-
An de R. humius
4'i.du M. apparemment pour cause de maladie , ne put aller en campagne ;
37 if.
mais on pressa le Consul Attilius de se mettre au plustost à la tète des armées
avant J. C. Romaines. Il s'avança vers le Samnium. Les Samnites voulurent être ag-
28S. gresseurs, & dez le point du jour entreprirent d'attaquer & de forcer le camp
Liv. 1. 1o. des Romains.
Défaite des
Samnitcs. Le brouïllard de ce jour-là étoit si epais, qu'à peine pouvoit-on se re-
connoître de fort prés & il dura la plus grande partie du jour. Dans
,
cette obscurité les Samnites attaquèrent la porte Decumane, ou la principale
porte du camp des Romains. La garde avancée fut prise & taillée en pièces-.
Les Samnites maîtres de la porte, pénétrer?^ jusqu'à la tente du Questeur, oii
étoit la caisse pour le paiement des troupes. L'ennemi s'en empare non sans
grand bruit; l'armée ett auiïi répanduë dans le camp & le Consul éveillé
par le bruit, confie la détente du Prétoire, où il »
avoit son logement, à une
troupe de soldats alliez, pendant qu'avec quelques Compagnies de troupes
Romaines, il marche à la défense du poile, dont les Samnites s'étoient empa-
rez. Mais comme on ne pouvoit distinguer les objets, ni savoir quel étoit
le nombre des ennemis, les Romains reculèrent, & les laissérent avancer jus-
qu'au centre du camp.
Alors le Consul fit donner sur eux. Ils furent repoussez jusqu'à la porte
Decumane; le soldat Romain acharné au combat,les auroit poursuivis plus
loin, mais le Consul les retint, craignant quelque embuscade. Les Romains
perdirent dans cette affaire deux cent trente hommes, & les Samnites environ
trois cens. Pendant cet intervalle, Posthumius s'étant un peu rétabli, fit partir
son arm/.e, & lui ordonna de se rendre à Sora, où il la devoit sui.vre, lorsque
sa santé le lui permettroit. Avant son départ il consacra à la Victoire un
Temple, qu'il lui avoit fait bâtir pendant son Édilité.
La jondion de son armée à celle de son Collègue deconcerta les Sam-
nites. Ils décampèrent précipitamment, & abandonnèrent leur païs à la
mercy des troupes Romaines, qui y commirent les derniers desordres. To-ute-
fois le Consul Posthtiniius s'attacha à prendre quelques ailles. Il emporta de
force la ville de Milionie, qui étoit considérable, puisqu'on y compta trois
mille deux cens hommes tuez sur la place, & environ quatre mille deux cens
captifs. La place fut abandonnée au pillage.
Il Po[l:humius marcha ensuite contre la ville de Trin, qui fut abandonnée
Prise de la
ville de de ses habitans pendant la nuit. Le Consul craignit d'abord quelque surprise.
Tria. Mais aïant trouvé les portes de la ville ouvertes, & voyant les vestiges encore
récenfc
récens du peuple fugitif, il se saisit des portes ;
Neanmoins se défiant tou-
jours des Samnites, il n'y fit entrer ses troupes, que quand il eut sçu certaine-
& quelques mala-
ment qu'il n'y avoit dans la ville que quelques vieillards
d es
Ces gens leur déclarèrent, que la résolution des Samnites étoit
d'aban- Ill.
leurs villes Romains, sans s'exposer aux dangers Nouveau
donner ainsi par tout aux combat
d'un liège De sorte qu'Attilius se trouva tout d'un coup maître du pais. les
forces contre
Mais l'ennemi n'avoit abandonné ses murailles, que pour réiinir ses Samnites,
contre le Consul, qui venoit au secours de Lucerie, qu'ils avoient assiégée.
Ils se renconttérent dans un lieu étroit & serré,où l'on fit de part & d d'autreide
trés-grands efforts pour remporter lavictoire. Les Samnites firent une si
vigoureuse résistance, que les Romains furent contraints de se retirer dans
leur camp, où ils trouvérent qu'ils avoient un plus grand nombre de blessez,
,qu'il n'y en avoit du côté des ennemis. Ils passérent la nuit dans de terribles
inquiétudes ; les Samnites n'étoient pas moins consternez. Ils étoient réso-
lus de se retirer; mais ils ne pouvoient avancer, sans se jetter dans les enne-
mis. Ils prirent donc le parti de cotoïer paisiblement le camp des Romains,
& de passer outre. 1V.
Les Soldats Romains intimidez, & epuisez par le travail & par le mauvais Découra-
succés de la journée précédente, n'écoutérent ni le Consul, ni les Officiers gement
Généraux qui les exhortoient à prendre les armes, & à sortir sur l'ennemi. des Ro-
Lorsque les Samnites furent plus prés, on s'appercut qu'ils étoient chargez mains.
de pieux & de fàscines,& qu'ils cherchoient à se fortifier dans un camp. La
circonilance Darut favorable au Consul, & aux Tribuns militaires, pour vain-
rendit à leurs sentimens qu'avec
cre ces peuples intimidez. Le soldat ne se s'approcha
répugnance. Il sortit du camp en armes, des ennemis en ordre
de bataille, mais sans ardeur & sans résolution. Les deux armées demeurè-
rent quelque tems sans s'ébranler. Enfin pour engager la mélée, & pour tirer
ses soldats de l'engourdissement où ils étoient, Attilius fit avancer à la tête
de son armée quelques escadrons de Cavalerie. Elle ne fit pas grand mal aux
Samnites, & tut obligée de se retirer en désordre. Quelques uns furent ren-
versez de cheval, & quelques Samnites accoururent pour les frapper. Un
petit nombre de Romains se mit en devoir de les aller secourir; mais ils fu-
rent repoussez, & une partie fut même écrasée sous les pieds des chevaux.
Ce petit avantage que parurent remporter les Samnites , ralluma leur V.
Défaite des
ardeur. Ils s'ébranlèrent tout de bon, & donnérent sur les Romains, qui fu- Samnites.
rent repoussez vers leurs retranchemens. Le Consul au deséspoir, défendre ordonna Liv. 1.
IO.
à un corps de Cavalerie de se poster sur la porte du camp, & d'en
l'entrée aux fuïards. Ceux-cy menacez par les leurs, & poussez par les enne-
mis, se rallièrent. Les Centurions prennent en main les drapeaux des Port-
enseignes. Le Consul levant les mains au Ciel, fait voeu à Jupiter-Stator de
lui ériger un Temple, s'il daigne exaucer ses priéres, & arrêter ses troupes
craintives. Le soldat superstitieux crut que Jupiter étoit de la partie. 11 re-
prit coeur & rechassa les Samnites. Ceux-cy retournent au lieu où ils avoient
laissé leur bagage, se rangent tout autour & s'y défendent. Les Romains les
y attaquent, l'Infanterie par devant & la Cavalerie par derriére. Les Samnitey
sont accablez de toutes parts. On prend sur eux sept mille trois cens prifon-
niers, & on leur tue quatre mille huit cens hommes. Les prisonniers de
guerre furent dépouïllez, & passérent sous le joug. Les Romains comptoient
d'avoir perdu dans tous ces différens chocs, environ sept mille trois cens
hommes.
VI Aprés cela Attilius marcha vers Lucerie, & en fit lever le liége. Au re-
l.evée du tour de cette expédition il
siége de ,
rencontra une troupe de Samnites, qui con-
lucerici duifoit devant elle quantité d'hommes & de bestiaux, qu'ils avoient pris au-
tour d'lnteralnne dans le païs des Volsques. Attilius dissipe ces pillards, re-
prend sur eux le butin dont ils étoient chargez, & le rendit à ceux d'interam-
ne. Il laissa son armée dans ce païs,& se rendit à Rome.
Son Collégue Posthumius ne trouvant rien à faire dans le Samnium, où
les ennemis ne paroissoient pas en campagne, quitta de lui même,& sans le
congé du Senat, cette Province, qui lui étoit échue par le sort. 11 conduisit
tes troupes dans l'Etrurie, & y fit le dégât dans les campagnes deVolsinium.
Les milices du païs prirent les armes, & attaquèrent Pofthumius prés la même
ville. Poithumius leur tua deux mille deux cens hommes, & les contraignit
de se sauver dans cette place. Il marcha ensuite contre la ville de Rullèlle,
la prit d'assaut & y tua deux mille hommes. Ces avantages obligèrent trois
Cantons de l'Etrurie, savoir ceux de Volsinie de Perouse & d'Aretium,
,
de venir demander la paix au Consul. Il les renvoya au peuple Romain , &
les obligea par préliminaire de fournir des vivres à son armée, & un habit à
chaque soldat. Le peuple Romain leur accorda une tréve de quarante ans, a
charge de payer comptant par chacune ville cinq cens mille livres d'érain.
VIL Posthumius revint à Rome,& pour la forme seulement, présenta sa re-
Pofthu- quête Senat,pour obtenir les honneurs du triomphe, bien asturé qu'on ne
au
mius tri. le lui accorderoit
omphe pas ; pour deux rations ; la première, qu'il avoit de son
malgré chef abandonné sà Province pour aller en Etrurie , & la sécondé, pour étre
le Sénat. parti trop tard de Rome pour se mettre en campagne. Il s'adressà donc au
peuple qui charmé d'étendre les bornes de son autorité lui décerna le'
, ,
triomphe, encore que de dix tribus, trois seulement fuirent pour le lui don-
ner. Attilius son Collégue l'obtint nuifi, à cause des avantages qu'il avoit
remportez sur les Samnites & les Volsons.
Sous ces deux Consuls on fit un dénombrement ou lustre du peuple
Romain qui se trouva monter à deux cens soixante & dix mille citoïens Ro-
mains en, état de porter les armes. Le célébre Q Fabius Maximus Rulliu-
nus: fut mis à la tête du Senat, comme Prince de cette auguste compagnie.
Viii.- La République choisit pour Consuls de l'année 46o.de Rome L. Papirius
0. Papirius Cursor, fils du même Papirius Cursor, que l'on
Cursor, & la République, a veu si souvent à la tête de
& Spur. Carvilius Maximus. Les deux Consuls marchèrent
Spur Car.
vilius Ma- dàns le Samnium. Papirius fit de nouvelles levées, & Carvilius le mit à la
ximusCon- tête des troupes qui avoient été l'année précédente sous le commandement
fuls. An de du Consul Attilius. Ce dernier fut nommé Préteur ;& Pofthumius, qui avoit
R. 460. du été son,Collégue,, & qui avoit triomphé malgré le Sénat, fut obligé,
6- pour se
mettre.:
JÍlettre à couvert des poursuites des Tribuns du peuple, de prier le Consul avant J. <Co
284.
Carvilius, de le prendre pour un de ses Lieutenans-Généraux. T.Liv.l.io.
Les Samnites épuisez d'hommes, & atterez par tant de disgraces, ne trou- Guerre
vèrent point d'autre expédient pour continuer la guerre, que d'ordonner contre les a
tous ceux de leur nation, qui étoient en âge formérentde porter les armes, de se pré- Samnites.
senter sous peine de la vie. Par ce moïen ils une armée d'environ Serment
C'en étoit assez résister Romains, si ces que fait
quarante mille hommes. pour aux une partie
troupes eussent été bien disciplinées & bien résoluës. Les Chefs de la nation de leur ar-
inventèrent une manière de devouëment, dans lequel ils engagérent prés de mée d'en avant,
Id moitié de leur armée, pour les lier par les liens de la religion, & pour les que
en
retenir au moins par la crainte. Un ancien Prêtre Samnite, nommé Ovius trer a&ion*.
Paccius,commença par lire à l'assemblée dans un vieu livre écrit sur de la toi-
le, les cérémonies du sacrifice qu'il alloit faire, puis il commença le sacrifice..
L'autel étoit placé au milieu d'un enclos , ferme de planches & de clayes,.
largeur de deux cens pieds en roufsens, & situé au milieu du camp. ^ Le'
a
tout étoit si bien enveloppé, qu'on ne pouvoit découvrir ce qui se passoit em-
dedans. Pour défendre l'enclos des ardeurs du Soleil, on le couvrit dé-
voiles soutenus par des mats & des cordages. On immola sur l'autel diver-
ses sortes de victimes, &
on. teignit l'autel du sang de ces victimes.
L-.isuite le Général fit entrer dans l'enclos les principaux Officiers de
son armée, les uns aprés les autres; Ils approchoient de l'autel comme des
victimes qu'on conduit pour être immolées ; Cet autel étoit environné de'
Centurions,l'épée nuë à la main. On commençoit par exiger de tout ceux
qui étoient amenez, un serment de ne révéler à personne ce qu'ils verroient,,
ou ce qu'on leur diroit. Puis on leur faisoit faire ce terrible devouëment :
"Que toute la malédiction & la colère des Dieux retombe sur moi, & surmar
^famille, si je ne marche au combat, par tout où mes Chefs me conduiront;.
„& si je me sauve du combat, ou que je ne mette pas à mort ceux que je'
verrai s'enfuir. Ceux qui voulurent refuser de faire ce serment,furent auffi-
toit mis à mort, & jettez sur le tas des victimes qui étoient autour de l'autel.
On appella le corps de ceux qui avoient fait ce dévouement, la Légion dev
toile, parcequ'ils s'étoient dévouez dans cet enclos couvert & enveloppé'
de toiles. Pour les distinguer, on leur donna des armes plus riches qu'aux
autres soldats, & en particulier des casques surmontez de superbes aigrettes,,
des habits blancs, des boucliers dorez & argentez. Le reste de l'armée n'était
guéres moins richement vétu & paré. '
Carvilius étant venu joindre l'armée qu'Attilius avoit commandée, com-
mença par se rendre maître d'Amiterne,ville de la Sabinie, appartenante alors
aux Samnites; la ville fut emportée d'assaut, & les Samnites y perdirent deux
mille huit cens hommes, sans compter les prisonniers, qui furent au nombre'
de quatre mille deux cens soixante & dix. Le Consul Papirius ne tarda pas'
non plus d'entrer en campagne. Il la commença par la prise de Duronie,.
qui appartenoit aussi aux Samnites. Delà les deux Consuls réunirent leurs,
forces, & allérent ravier les campagnes des Samnites. Puis ils s'attachèrent,
Carvilius au siége de Coïn"um,,, & Papirius à celui d'Aquilonie. Les deux
armées n'étoient éloignées l'une de l'autre que d'environ vingt milles, c'en-a
dire environ sept lieuës, à trois mille pas la lieuë. Papirius se vit bientost
sur les bras l'armée des Samnites ; mais on tut assez longtems à s'essayer de
part & d'autre par de legers combats, avant que d'en venir à une action déci-
iive. La veille du jour qui fut pris pour la bataille, Papirius fit savoir sa
résolution à Carvilius son Collègue , & le pria de presser si vivement le siége
de Cominium, que les assiégez ne pussent envoyer aucun secours à l'armée
des Samnites, qui étoit prés d'Aquilonie.
La bataille fut differée d'un jour. Papirius harangua ses troupes, & prit
IX. tous les arrangemens necessaires pour le combat ; Il fit consulter les Augures
Défaite des qui nourrissoient des poulets dans des cages , pour tirer des Auspices EIVO-
Samnites. rables ou contraires, par l'avidité ou l'indifférence que témoignoient ces pou-
Liv.1. 10. lets à sortir de leur cage, pour venir manger. L'Augure qui fut consulté,
répondit au Consul , que les Oiseaux lui promettoient un heureux succés,
quoique de fait ils n'eussent marqué aucune avidité au sortir de leur c,--l,,C. 11
y avoit plusieurs témoins, qui ne s'en turent pas, & publièrent dans l'armée
la chose comme elle étoit Spurius Papirius, neveu du Consul, voulut lavoir
la chose à fond,& en rendit compte à Ion Oncle. Celui-ci avoit déjà donné
ses ordres, & distribuc les portes, que chacun devoit occuper dans le combat.
En un mot, les Aigles étoient sorties de leur Temple, & le Consul avoit deja
fait quelques détachemens de ses troupes, tant pour prendre l'ennemi par
derrière, que pour aller au secours de Cominium. Papirius sans s'amuser à
X. raisonner sur la chose, dit, qu'il acceptoit l'auspice favorable qu'on lui avoit
Faux aufpi- donné, qu'il en avoit cru le Ministre des Dieux, que s'il l'avoit trompé, c'étoit
ces donnez de l'auteur de la fourbe ; en même tems il ordonna qu'on plaçat
à Papirius. aux risques
à la tête d-e la première ligne, celui qui avoit abusé de la sainteté de son mi-
nistére.
A la tête de l'armée ennemie paroissoit cette Légion
, . de toile, Legio Li-
neata, dont on a parlé"avec ses armes & ses parures. Lorsque les armées
s'approchèrent, un trait parti d'une main inconnue, on ne t1it s'il partit des
Romains, ou des Samnites, perça l'Augure infidel, & le renversa mort à la
tête de la premiére ligne. Le Consul s'écria que la vengeance du Ciel étoit
retombée sur la tête de ce perfide, & que l'armée Romaine n'avoit plus rien
à craindre • en même tems on vit paroître en l'air au dessus de sa tête un cor-
beau qui'croassant d'un son aigre & clair, donna aux Romains sélon les
,
principes de leur vaine religion, des assurances d'une victoire certaine. En
même tems les deux armées s'avancèrent, & la mêlée commença. Les Samni-
tes qui s'étoient dévoüez, comme on l'a veu, firent quelque résistance ; mais
la plûpart furent bientôt taillez en pièces. On entamoit les premiers batail-
lons, lorsque tout à coup on vit paroître par derriére une epaisse poussiére,
comme d'un gros corps de Cavalerie qui venoit en diligence. C'étoit Nau-
tius, que le Consul avoit envoyé avec les valets, les chevaux de bagage, & les
mulets de l'armée, pour se montrer à propos, & donner à croire aux enne-
mis, qu'il venoit à Papirius un gros secours de Cavalerie, Les valets qui con-
duisoient.-
duiroient ces chevaux & ces mulets, augmentaient encore la poussiére par
artifice, traînant de longues branches d'arbres qui balayoient la terre, & ser-
voient à augmenter l'idée de ieur multitude, & à les cacher aux yeux des en-
nemis. XL
Le Consul qui en savoit le secret, fut le premier qui s'apperçut de leur Stratagème
marche. En même tems il donna à sa Cavalerie un certain signal dont il étoit du Connut
toile
convenu par le mouvement de sa lance, pour fondre sur la Légion de Comi-; Papirias.
La veuë du prétendu secours, le bruit qu'on répandit que la ville de
nium étoit prise , & que le Consul venoit avec son armée, l'attaque de la
Cavalerie qui donna brusquement sur l'ennemi , tout cela jetta le trouble
dans l'armée des Samnites. Cette Légion terrible & dévoüée par des ser-
mens si sacrez, lâcha le pied, & avec elle toute l'armée ennemie. L'Infanterie
de l'aile gauche le jetta dans la ville d'Aquilonie, & celle de l'aîle droite dans >
le camp qui n'étoit pas loin delà. Pour la Cavalerie composée de la nob-
,
lesse du pays, elle gagna Boviane, qui étoit alors aux Samnites.
La Cavalerie Romaine pour sui vit longtems celle des Samnites. L'Infanterie XIl.
Samnites. Prise de la
se partagea. Une partie commandée par Volumnius,força le camp des ville d'A-
L'autre partie conduite par Scipion, s'attacha la ville
à d'Aquilonie. 11 étoit quilonie.
malaisé qu'une petite partie d'une arnlée fatiguée d'un long combat, pût forcer
une ville défenduë par une nombreuse garnison. Scipion en connut toute la
difficulté, mais il crut qu'il valoit mieux brusquer l'attaque, que de former le
Hége de la place dans les formes. Au même instant le Commandant couvre
sa téte de son bouclier, sa troupe en fait de même pour se mettre à cou-
,
vert de la gréle de pierres, qui tomba sur eux des murailles. Ils s'appro-
chent en faisant la tortue, & foncent une porte de la ville. Entrez dans la
place, ils s'apperçoivent de leur petit nombre comparé à celui des ennemis,
qui s'étoit rassemblé au centre de la ville.
Papirius étoit alors occupé à ramasser dans les champs les soldats Ro-
mains dispersez & acharnez à poursuivre l'ennemi. Il entendit du côté
d'Aquilonie comme le bruit de gens qui sont aux mains. Il y accourt avec
ce qu'il a de gens autour de lui, il entre par la porte, qu'il trouve ouverte ^
Mais comme la nuit commençoit il n'osa s'avancer bien avant dans la ville.
r
Il se contenta de se retrancher dans, l'enceinte des murs aux environs de la
porte, & de lamalser Scipion & les siens, qui couroient risque d'être opprimez
par la multitude des Samnites. Ceux-ci désespérant de tenir contre le Con-
fui, se sauvérent pendant la nuit & abandonnèrent la place aux Romains.
On loua beaucoup la conduite de, Papirius dans cette journée. On admira
surtout sn présence d'esprit, & la supériorité de ses sentimens sur les supersti-
tions populaires, sachant les emploïer habilément pour son avantage & les
détourner sur ses ennemis. On fait la perte des Samnites si grande dans ,
cette
bataille, qu'elle paroit incroïable. Tite-Live dit, qu'il y relia trente-mille
troi,, cens quarante hommes, qu'on leur en prit trois mille huit celJSsoixante xra.
dix, & qu'on leur enleva quatre-vingt dix-sept etendards. Prise de 1a
Carvilius reçut par un Courier dépêché par Papirius, la nouvelle de la ville: Je
victoire remportée sur les Samnites, & en même tems l'avis qu'une partie de,Cemi-
l'armée niun&»
l'armée ennemie marchoit au secours de Cominium. Carvilius sur le champ
iit partir Brutus Scaeva avec la première Légion, & vingt Cohortes des trou-
pes alliées, avec ordre,ou de combattre le secours, ou de l'amuser , pendant
que lui-même donneroit Paflàut à la place. Il le donna dez la pointe du jour.
Ses soldats montèrent les uns par l'escalade, les autres au moïen des machines
,de guerre, qui égaloient la hauteur des murs; tandisque le Consul sassant la
tortuë avec une partie des siens, s'approcha de la porte, la prisa & donna en-
.trée aux siens dans la place. Les assiégez abbatus n'eurent point d'autre parti
à prendre, que de se retirer dans la place publique,&de s'y mettre en bataille,
pour s'y défendre le plus longtems qu'ils pourraient. Ils surent bientolt
forcez de mettre les armes bas,& de le rendre à discrétion au Consul. Ils
étoient encore au nombre dj^quinze mille quatre cens , & ils avoient deja
perdu quatre-mille trois cens quatre-vingt hommes.
Brutus Scaeva ne trouva point le secours qu'il cherchoit pour le com-
battre. Ce secours s'étoit dispersé aprés la bataille d'Aquilonie, & n'étoit pas
arrive à Cominium, ni même aux environs. Les deux Consuls s'étant réunis
dans un seul camp, donnèrent des louanges & distribuèrent des prix, à ceux
de leurs armées, qui s'etoient le plus diltitiguez. On donna aux principaux
d'entr'eux des Couronnes & des brafselets d'or, & aux simples Cavaliers des
T Lw.l.io..brasselets & des cornets d'argent. On abandonna au toldat le pillage des
£orniculis, deux villes Cominium & Aquilonie. A Rome on ordonna des prières publi-
armiîiisque
ques, en adions de graces de ces heureux succés, & ces priéres durérent pen-
.argenteis.
dant quatre jours.
XIV. Le Senat & le peuple Romain résolus de profiter de ces avantages, en-
Siége de voïérent des ordres aux Consuls de partager leurs forces, & de faire lessiéges
Volana & places, réauire les Samnites, en leur ôtant ces lieux de re-
de Sepi- de quelques pour
traite Carvilius fut chargé de faire le siége de VoLina dans la Lucanie, &
num.
LtV'i. 10. Papirius celui de Sepinum située au pied de l'Apennin au dessous du Ta-
maro.Cependant Ils firent des
les Etrusques ne demeuroient pas en repos.
hostilitez suries terres de quelques villes alliées des Romains ; & ces villes
vinrent porter leurs plaintes au Senat. On apprit en même tems que les
en
Falisques, peuple allié de la République, s'étoit joint aux Etrusques & a voit
pris les armes. Ces nouvelles obligèrent de rappeller l un des Consuls, &
d'envoyer des Féciaux aux Falisques , pour leur demander justice des dom-
& en cas de refus leur déclarer
mages causez aux alliez de Rome , , pour
la guerre dans les formes. Ils refusérent de dédommager les alliez,& on leur
déclara la guerre. Les deux Consuls tirérent au sort , lequel des deux 111ar..
cheroit en Etrurie, & le sort tomba sur Carvilius , qui revint à Rome , sans ou
il triompha au mois de Janvier de l'an 461. de Rome. Delà il partit
délay pour son département.
Papirius ne revint à Rome que le mois suivant , après la réduction de
XV. Sepinum, qui étoit une ville trés-forte & très-bien défenduë , & où plusieurs
"Triomphe
villes du voisinage avoient refugié ce qu'elles avoient de plus prétieux. Le
de Papi-
rius. Coniul ne put la réduire qu'aprés avoir combattu diverses fois les bamnites
au
dehors de la ville & les avoit contraints de se renfermer dans la place.
an , dans les formes la prit d'assaut & en donna le pilla-
Alors en il fit le siége ,
à ses soldats. Il périt autour & audedans de cette ville, sept mille quatre
ge trois mille prisonniers de guerre, qui fu-
cens hommes, & on y fit environ la République. Papirius obtint sane
rent vendus pour la plupart au profit detriomphe fut orne non seulement des
peine l'honneur du triomphe, & ce
riches dépouilles prises sur l'ennemi, mais aussi des principaux prisonniers de
qui suivirent le char du vainqueur ; ce qui se faisoit le plus distinguer,
guerre,
etoient les soldats , qui avoient reçu des recômpenses de leur valeur, des
couronnes & des brasselets d'or, des couronnes civiques & murales; l Infan-
terie qui avoit mérité des prix, étoit montée sur des chariots; L'or, l argent,
le cuivre en très-grande quantité, etoit porte sur des brancards, & destiné au
trésor public. On n'avoit veu jusqu'alors aucun triomphe, où l'on eût etale
autant de richeises & de magnificence.
On remarque que ce Consul dans le fort du combat , au lieu de vouër XVI
Temple à quelque Divinité, s'étoit contenté de promettre à Jupiter une Voeu de
un
libation de vin mêlé de miel, avant que lui-même goûtât d'aucun vin. Le Papirius (l'une liba-
Papirius Pere avoit autrefois voué Tem-
voeu étoit frugal & siniple. son un tion devin
ple à Quirinus ; Papirius son fils en fit la Dédicace sur la fin de son Consu- mêlé de
lat; Il orna les murs & la voûte du Temple, de tout ce qu'il y avoit de plus miel.
riche & de plus brillant parmi les dépouïlles prises sur les Samnites ; Il s'en
trouva même une si grande abondance , qu'il fit présent de ce qui ne put
trouver place dans ce Temple, aux villes alliées & aux Colonies Romaines, iHustra
pour en décorer leurs places & leurs Sa-nduaires. Une autre chose qui
la dédicace du Temple de Quirinus, fut le cadran solaire, qui fut dressé par
le Consul, pour marquer les heures du jour. Jusqu'alors les Romains n'avoient
-compté les heures du jour qu'au hazard. Ils avoient même été longtems, sans
savoir fixer l'heure de midy. On dit que quand le Soleil donnoit au droit
entre la Tribune aux harangues, & la maison où logeoient les Ambassadeurs
étrangers, on faisoit crier par un des Hérauts du Consul, qu'il étoit midy.
Papirius partit de Rome bientost après son triomphe , pour marcher Nouvelle XVII.
contre les Samnites, qui commettaient des hostilitez dans le païs des Vestins. guerre
Son armée y passa le resse de l'hyver. Pour lui, il. revint à Rome pour présider contre les
à l'élection des Consuls, pendant que Carvilius son Collègue poussoit la guer- Samnites.
re contre les Falisques. Il y assiégea la ville de Troflfule, d'où sortirent qua-
tre cens soixante & dix des plus riches bourgeois, qui ne vouloient pas
s'exposer aux risques du siége, ny soûtenir la révolte de leurs Compatriotes.
La ville de Trolrule fut prise de force; Papirius fit prisonniers de guerre ceux
qui se trouvèrent dans la place; ensuite il prit encore cinq chateaux dans le
païs des Falisques,& força les Falisques à demander la paix: Il ne leur accor-
da qu'une année de tréve, & encore à charge de payer au trésor public deux
cens mille as d'érain, & de donner à ses troupes la solde d'une année. Il rap-
porta à Rome trois cens quatre vingt dix mille as d'erain; il distribua à cha-
cun de ses soldats cent deux as d'erain, & il en donna le double aux Centu-
rions & aux Cavaliers. Ainsi se termina une des plus glorieuses campagnes
qu'on ait veu dans la République; aussi les deux Consuls étoient d'un mérite-
& d'une capacité distinguées.
jann. Ceux qui les suivirent l'année d'après, ne méritèrent pas tant de loüan-
{\_Fabius ges. Ce furent Fabius Gurges, & Junius Brutus. Le premier étoit fils du fa-
Gurges & meux Fabius Maximus lequel considérant qu'aïant été cinq fois élevé
D. Junius Consulat, & ,
dans même dignité au
Brutus Scae-
aïant veu la son Pere & son Ayeul, il étoit
va Consuls. d'un dangereux exemple
dans une République, de voir, pour ainsi dire,
per-
An (le Ro- pétuer la même dignité dans sa famille, s'oppolk, dit-on, à ce que son fils
me 461. tlu fut nommé Consul. Ces sentimens s'il est vray qu'il les ait eus, sont
M. 3717. du grand Fabius , cer-
tainement dignes C'en: un trait digne de PHeroisme, de
avant J. G. •
'pa-
28?. préférer les intérêts de sa patrie à ceux de sa famille, & à l'inclination
Vaier. lYJa- ternelle. Mais la connoissance, qu'il avoit du peu de capacité de son fils,
xim. 1. 4. n'influa-t'elle pas aussi sur la répugnance qu'il eut à le voir élevé Consulat?
cap. o.
au
T.Liv.Lio. Junius Brutus n'avoit pas plus de
mérite & d'autorité que Gurges ; ainsi on
Guerre ne doit pas être surpris de voir les Etrusques & les Samnites prendre les ar-
contre les mes, & ôler attaquer la République.
Samnites, La peste qui ravageoit alors la ville de Rome, & qui y moissonnoit une
les Etrus- multitude innombrable de citoïens, fut
ques & les encore un puissant motif pour inspi-
Eaiisc^ucs.. rer le courage aux ennemis des Romains. Les Samnites se jettérent alors
dans- la Campanie, & y firent de grands dégâts ; les Falisques rompirent la
trêve qu'on leur avoit accordée, mirent une armée sur pied, & recommencè-
rent les hostilitez. Gurges fut destiné par le lort à marcher contre les Samni-
tes, & Brutus contre les Etrusques & les Falisques. Comme on connoissoit
le peu d'expérience des deux Consuls, on' donna pour Lieutenant-Géneral à
Brutus, le brave Carvilius, qui avoit si heureusement terminé la derniére cam-
pagne. Les Falisques se mirent en campagne, mais ils furent aisément défaits
par Brutus, aide des conseils de Carvilius.
XIX, Gurges étant arrivé dans la Campanie, où les Samnites avoient conl-
Défaite de mence leurs hostilitez & leurs ravages, se hâta de livrer la bataille aux enne-
Fabius
Gurges,. mis. Il tomba sur un détachement de leur armée, qui avoit été envoyé pour
le reconnoître, & le mit aisément en déroute ; Puis s'imaginant que toute
l'armée des Samnites étoit battuë, il s'avança en désordre & futrepoussé faci-
lément par les ennemis, qui étoient encore en ordre & tout prêts à combattre.
Il se retira avec perte de trois mille hommes, sans compter les blessez, dont
plusieurs périrent faute de soulagement, ne se trouvant pas à portée du relle-
XX. de l'armée. Les ennemis décampèrent pendant la nuit & se retirèrent.
Gurges est La défaite de Gurges étant portée à Rome, y causa une elpéce de sou-
a(cusé de- levement général contre lui. On l'accusa devant le Senat, & le rappelé
le
vant Se- à Rome, pour y comparoître. Tout ce qu'on avoit à dire contre lui étoit
on
nat.
Fabius (on notoire , qu'on ne crut pas même devoir l'entendre pour sa jultiskation..
Pere prend Tout alloit à le condamner. Alors Fabius son Pere, plus sensible au des-
fadéfenfe. honneur de sa maison qu'à celui de son fils, parla au peuple, représenta tes
,
Vid. Dion. services & celui de la famille des Fabius, excusa comme il put la trop gran-
in Excerp- de vivacité de son fils, s'offrit à aller commander l'armée
avec lui, lui obtint:
tis Valefii.
p. 184. SS). non à Cill1ditiwu
seulement le pardon du Eaisé,.nlais même qu'il retotirneroit l'armée; àt
condition que lui Fabius le Pere seroit son Lieutenant--Général. Il partit
répara bientost les pertes que son fils avoit
en effet avec cette qualité , &luiil attira de toutes parts des soldats venus des
faites. Sa grande réputation
villes Latines, & son armée se trouva bientost en état de livrer bataille aux
Samnites.
Ceux-cy avoient pour Général PontiusHerennius, homme de coeur & -XXL
d'expérience. 11 attaqua l'armée Romaine avec une résolution étonnante, & Fabius le
donna avec tant de vigueur où étoit le Consul , qu'il enfonça tout qui Pere en
qualité de
étoit, autour de lui. Fabius le Pere voyant le danger où son fils se trouvoit, Lieutenant
oublia son âge & le danger auquel il exposoit sa personne , pour accourir à Général de
fils, dé-
ion secours. Il fut suivi par l'élite de la jeunesse Romaine, & mit en fuite son
les Samnites. Pontius leur Général fut fait prisonnier. On tua dans- cette fait les
Samnites.
journée jusqu'à vingt mille Samnites. L'on en prit quatre mille, le Roy de
ha nation fut du nombre des prisonniers ; la prise du camp ennemi fut une
fuite de leur défaite, de même que le ravage que l'on fit dans leur païs.
La peste continuoit toujours à dépeupler la ville. On eut recours aux
livres Sybillins, qui ordonnèrent, disoit-on, de faire venir d'Epidaure, ville
du Peloponése, située dans le territoire d'Argos > le serpent qu'on y adoroit
ious le nom ou sous la mémoire d'Esculape ; & dez-lors on se disposa à ame-
ner à Rome cette prétenduë Divinité.
Pendant que les Consuls étaient encore occupez à faire tête aux enne- XXII
. mis, tant dans le Samnium, que dans l'Etrurie, le tems auquel l'electiondes
L. Poflhn-
mius Me-
Consuls se devoit faire, arriva. Pofthumius qui durant l'interrégne se trouva gellus, &
en place pour présider à cette eJeftion, se fit nommer Consul avec C. Junius C. Junius
Brutus surnommé Bubulcus. Les bons citoïens murmurèrent beaucoup de Brutus Bu-
cette intrigue de Poithumius, qui violoit en cela toutes les loys ; Mais san bulcus Consuls.
eledion subsista, & c'était la troisiéme fois qu'il possédoit cette dignité. Le An de Ro-
mauvais caradére d'esprit de Posthumius se déclara de fort bonne heure. Il me 462. du
eut de grand démélez avec Brutus son Collègue, dont il méprisoit la naiffan- M. 3718.
.ce, parcequ'il étoit Plébéien, mais toutefois descendu, apparemment par les avant J. C.
femmes, du fameux Brutus, qui avoit chassé les Tarquins. De plus il préten- Sufda 2.8 x.
in
dit emporter d'autorité, & sans tirer au sort, le commandement de l'armée du Pojthum.
Samnium , qui y étoit demeurée sous la conduite des Fabius. Brutus pour (c.
ne pas s'attirer à dos le parti de Posthumius, aima mieux lui céder le conl- Intrigue
mandement qu'il demandoit, & se contenta d'aller commander en Etrurie. du Consul
PoLtllu.
Comme la peste continuoit ses ravages dans Rome, Ogulnius fut chargé mius.
d'aller à Epidaure demander qu'on lui livrât le serpent d'Esculape. Esculape XXlll.
naquit dans le Peloponeie dans la ville de Messéne. Ses parens, on ne sait Histoire de
pourquoy , l'exposé.reiit dans une forêt, où il fut trouvé par des chasseurs, la du
venue
serpent
qui le firent allaiter par une chienne. Devenu grand, il fut confié au Cen- d'Escnlape
taure Chiron, qui lui montra tous les secrets de la Médecine, dans laquelle à Rome.
il excelloit. Esculape profita si bien des leçons de son maître, qu'il se vit en Lassant.
état de pratiquer publiquement la Médecine à Epidaure. On lui attribuë Val. Max.
quelques nouvelles inventions, comme de bander les playes, d'arracher les 1.1.c.8. (je.
dents, d'employer la sonde & les purgations. Après sa mort on lui rendit
roy ez Pau. les honneurs divins dans Epidaure. Son Temple fut bâti sur une éminence'
Janias Co- & hors de la. ville, comme dans le lieu où l'air étoit plus pur. Les Prêtres
rinthiac. de ce nouveau Dieu nourrissoient dans son Temple un de ces grands serpens,
1. i. p. 170.
Msqq. qu'on apprivoise, & dont la morsure n'est point à craindre. Cet animal se
&p. 277. retiroit ordinairement dans un trou, qui étoit au pied de la statuë d'Esculape,.
171.

284. ftc- que Thrasiméde de Paros avoit faite ; Les peuples crédules croyoient que ce
Ovide Me", serpent étoit le Symbole de la Divinité d'Esculape & que par son moïen
tamorphof. ,
Esculape accordoit la guérison. aux malades.. La supercherie des Prêtres les.
J.15t
entretenoit dans ces sentimens.
Lors donc qu'Ogulnius & sa suite arrivérent à Epidaure, ils exposérent:
au peuple & aux Prêtres le sujet de leur voyage. Les présens & les offran-
des ne manquérent pas d'accompagner leur requête. On leur accorda aisé-
ment ce qu'ils sbuhaitoient, & on leur permit de transporter à Rome le fai
meux serpent. Cet animal de lui-même vint à travers la ville d'Epidaure,
droit au.port, où étoit le vaisseau des Ambassadeurs Romains, y entra & se
retira dans la chambre d'Ogulnius, où il se replia & demeura en repos. Il y a:
beaucoup d'apparence, si l'esprit de mensonge ne s'en mêle point, que les
Prêtres qui avoient accoutumé de nourir ce serpent, le menérent sans vio-
lence au vaisseau qui le devoit conduire à Rome , & qu'on l'y retint, en lui
donnant à manger avec abondance ce qu'il CJÍ1noit le plus. Au retour la
navigation fut trés-heureuiè & trés-tranquile , jusque vers les côtes d'Italie..
Alors il s'éleva une violente tempête , qui contraignit les Pilotes à relâcher
dans le port d'Antium. Il y avoi là-auprés un Temple d'Esculape. Alors
le serpent sortit de la chambre d'Ogulnius, & alla s'entortiller autour d'un
des plus grands palmiers, qui étoient dans ce parvis. Il y demeura trois
iours , sans qu'on put le retirer dans le vaisseau, ni par caresses ,.ni en lUl.
présentant la pâture, dont il avoit accoutume de se nourir.
jKXIV: Enfin il se rendit de lui-même au vaisseau, & en peu de tems il arriva au:
Arrivée du port de Rome, ou au port d'Ostie, à l'embouchure du Tibre. Delà il fut
serpent aisément amené jusqu'à Rome. On l'y reçut avec des transports de joye
«i'Epiciaure
qu'il est impossible de bien exprimer. Il y avoit des Autels érigez sur tout le
àRowe.
rivage, où l'on lui immola une infinité de vidimes. On étoit disposé à lui

'
ériger un Temple dans la ville , mais il préféra l'Isle, qui étoit au milieu du
Tibre,
ment,' &
vis à vis la ville de Rome. 11 s'y retira de lui-même, nageant douce-
on y construisit un Temple, qui fut bientost enrichi de grands
lens. La prévention & la crédulité du peuple, qui y accouroit en foule pour
êtregueri, fit croire qu'effeâivement il s'y opéroit des guérisons miraculeu-
pré,

XXV. ses. Quant-à la peste qui avoit cessée,


donné occasion à la venuë du serpent d'Epis
Cc>nteûa-- daure, il est croïable qu'elle étoit avant l'arrivée de cet animal.
tion sur le Cependant le Consul Poithumius, qui avoit eu le Samnium pour sort
c,oiiiande" département, étant arrivé dans cette province avec son armée, prétendit que
ment entre lés Fabius Pere &fils devoient lui céder le commandement de leurs troupes,
le Consul
Fofthu- &lui donner la conduite du siége de Cominium, qu'ils avoient commence-
mius,& Fa- La difficulté fut proposée au Sénat, qui décida en faveur des Fabius, & manda
bius lePc- ,Ç,onful de porter- les armes dans quelqu'autre.Canton du Samnium, & de
te.. au laislen
Fabius Posthu'mius méprisant les Dion; îtë
la'iiTer achever le siége de Cominium aux

public.....
bataille Fabius, Excerptis
ordres du Sénat, s'avança vers Cominium, prêt à livrer la aux Vales.
s'ils vouloient s'opposer à sa résolution. Fabius Maximus le Pere conseilla a f>. 51-31.-1 53*''
son fils de céder, pour ne pas s'exposer au danger de combattre contre le i

Consul, avec protestation toutefois qu'il ne le faisoit que dans, la7 veue du
bien XXVli
Posthumius eut bientost fait la conquête de Gominium. Delà il se ren- Prise de
dit devant Venusium, qui fut emportée avec beaucoup de valeur. Le Con- Cominium;
sul en donna avis-, & fit remarquer que cette ville par sa situation etoit ca- & de Ve-
pable de tenir en resped l'Apulie, la Lucanie & le Samnium, & qu'il seroit nusium.
important d'y envoyer une Colonie Romaine. L'avis étoit utile, & on y eut
.Xxvii;
égard - Wis pour mortifier Posthumius, à, qui. il appartenoit de conduire la Triomphe,
Colonie, d'en distribuer le territoire, on nomma trois autres personnages de Fabius
pour faire cette conduite, & fut pour fonder la Colonie. De plus on lui_refuia Gurges.
l'honneur du triomphe, qui accordé au jeune Fabius. Le vieux Fabius PlutLlrcb,'.
ion Pere suivoit à cheval le char du triomphe, On remarque qu'autrefois ce in Fabio.
entant, Fal. Max:
vénérable vieillard avoit porté sur ses genoux ce même fils encore /. 7. c. 1.
dont alors il honoroit le triomphe par sa présence. XXtllï"
Toutes ces marques de distin&ion accordées aux Fabius, itritérent 1 hu- Mécontede* in-
distribuant à ses tement
meur impérieuse de Posthumius. Il s'en vengea, enqu'il avoit prises, troupes sans en posthu-Ildb
tout le butin qu'il avoit fait dans les deux places
, trésor public. De plus- il congédia san' armée avant l'arri- mms.
rien donner au condamné-
vée de fou Successeur. Il ne porta pas loin la-peine de ses emportemens. à une a-
Dez que les Consuls qui devoient gouverner la République après lui , furent mende peuple..
paK
choisis, & qu'ils furent entrez en. exercice de leur charge, deux Tribuns du leXXIX.
peuple l'accusérent, premièrement d'avoir employé-un gros détachement de P. C-Iortie-@
l'es soldats, avant même qu'il fût sorti de Rome, à lui défricher une forêt de lius Rufi.-;
sa dépendance,sansleur fournir d'outils pour ce travail servile,faisant travailler nm & Mi
des troupes de condition libre, à-un ouvrage si pénible &si peu proportionné Curius DentatuS'
à leur condition. De plus, on l'accusa d'avoir désobeï aux ordres du Sénat, Gonfuls.
le siége de Comi- An deROr-
en usurpant le commandement de l'armée, & enle faisant condamna à une grosse me 46 3. d»'
nium. à l'exclusion de Fabius. La commune
amende,& le tint longi*ems, & peut-être pour toujours, éloigné des affaires. M.-il 19. J. C-'.
Les nouveaux Consuls partirent de Rome pour aller combattre les Sanv avant
a?,i.
nites, dont la puissance etoit infiniment affoiblie par la mort de leur Général EpitovitLé**
Pontius, qui aprés avoir servi d'ornement au triomphe du jeune Fabius, avoit vii ej Diow*'
été décapité;, les deux Consuls agirent séparemnlel1t dans le Samnium,-& In Excerpt*1
dans la disette où se trouve l'Histoire Romaine dans ces. tenls-cy, on ignore Vàles.
ce qu'y fit Cornelius Rufinus. On connoit un peu
plus les exploits de Gurius pi GucrrO::
Dentatus-, dont les Historiens ont vante-le désintéressement, la pauvreté vo- con-tr,e-tce
lontaire , la frugalité, & sai probité égales a tout ce que -la-Gr nous dit de 5am»ites<?*
plus extraordinaire de ses plus célébrés1 Philoibphes. On raconte que l'es,1
Ambassadeursdes Samnites l'étant venus trouver, pour le- prier de leur accorder Plutarc/lt.
des conditions de paix avantageuses; Car le Senat l'avoit-rendu le maîtrede irt¿Ap.op!J"'-
les leur Eréscrire. telles qu'il jpgeroit à' propos., ils.letrouvèrent, alsis prés t eg?n, va4,
H h h h £> dûil -

a
ler.'MdxÎM' du feu, faisant cuire pour sa nourriture quelques racines, qu'il mit ensuifë
J. 4. c. ?. dans un petit plat de bois, qui étoittoute sa vaisselle.
JPlin.l. 19. Ces Ambassadeurs étonnez d'une telle pauvreté, lui offrirent une grande
16.
<f.
ibtnme d'argent ; mais il la refusa, disant qu'il aimoit mieux commander à
des riches, que d'être riche lui-même ; & qu'ils pouvoient dire à leur nation,
qu'il n'étoit pas plus aisé de le corrompre que de le vaincre. En effet rien
,
.ne contribua plus à rendre les anciens Romains invincibles, que leur désin-
Cicero de téreflement, & leur mépris des richesses. Pontius ce fameux Chef des Samni-
Offic. 1. 2. tes disoit, que c'étoit pour lui un malheur, d'avoir affaire à un peuple si peu

XXX.
ou par les promenés, il les auroit bientoit vaincus.
Curius fit donc un traité d'alliance avec les Samnites, & c"
1 Traité d'al- trième qu'on avoit fait avec eux. Lorsqu'il rendit compte aux Womains de
liance avec la nouvelle conquête qu'il venoit de faire duSamnium, qui avoit coûté tant
t
sensible à l'intérêt, & que si les Romains se laissoient toucher par l'argent,
^ le qua-

les Samni-
tes.
de sang aux Romains, & qui avoit occupé cinquante quatre Consuls pendant
Autor de .quarante neuf ans de guerre, il leur écrivit ; ,Je vous ai assujetti un terrain si
virit illu- '"vaste, que cette partie de l'Italie que j'ai soumise, ne serait qu'une vaste so-
firibm. ,,,litude si je n'avois vaincu allez d'hommes pour la cultiver; & je vous ai
,,,souiiiis, un si grand nombre d'hommes, qu'ils mourroient tous de iaim, si je
n'avois conquis assez de terrain, pour fournir à leur nourriture. Il fit dis-

tribuer aux Romains, qui n'avoient encore point de fonds de terres, les cam-
pagnes vagues dont il avoit enrichi la République. II n'en assigna à chacun
d'eux, que sept arpens, & n'en prit pas davantage pour lui-même, disant à
.ceux qui se plaignoient de la petitesse de leur portion ; qu'il seroit à souhai-
ter pour conserver fè goût de la frugalité ancienne , que personne ne polie-
Liât pas plus de terre, qu'il en faut pour subsisier. Ainsi le Samnium fut en-
tièrement sournis aux Romains.
XXXI Restoient les Sabins à assujettir. Curius marcha contr'eux, & les èon-
Defaite des traignit d'accourir à la défense de leur propre païs, par le ravage qu'il y fit,
Sabins.
FIorus l.i.
& par les divers détachemens de son armée , qu'il y répandit. Les Sabins
g. 15.
•étoient alors dispersez sur les terres des Romains & les pilloient. Ils revin-
rent en diligence & par pelottons. Curius & tes Lieutenans les attaquèrent
ainsi séparemnient & en vinrent aisément à bout. Les Sabins se voyant sans
ressource, furént obligez de se rendre aux Romains. Le Senat & le peuple
leur accordérent le droit de Bourgeoisie Romaine, comme à d'anciens alliez,
mais on ne leur permit pas de porter leurs suffrages dans les élevions des
Magistrats. Curius triompha deux fois dans l'année de son Consulat, chose
dont on n'avoit encore aucun exemple.
Autor de Son mérite étoit trop éclatant, pour n'avoir point d'envieux. On l'ac-
viris illu- cusa de s'être approprié une partie du butin pris sur l'ennemi. Malgré son
jiribuf. désinteressement & sa frugalité connuës de tout le monde, il fut obligé de se
justifier par serment. Il avoüa qu'il avoit gardé un petit vase de bois, dont
il se servoit pour faire les libations aux Dieux. Avant l'expiration de son
Consulat, il fut envoyé au secours de la ville deThurie, attaquée par les Luca-
niens : Il les obligea de lever le siége. Il revint à Rome pour présider à
l'élection

*
Sélection des nouveaux Consuls. On choisit M. Valerius Corvinus, & Q. M.Valerius
Caeditius Noétua, & on nommaCurius Dentatus Pro-Consuî,pour continuer Corvinus
la guerre dans la Lucanie. Il y réûssit à la satisfa&ion du peuple Romain, qui & CK_C?ecii-
tiusNoclua
-
lui accorda l'honneur de l'ovation. Par l'assujettissement des Samnites, des Consuls.
Sabins & des Lucaniens, la République se trouva tranquile, & délivrée des An de Ro-
ennemis étrangers. Elle commença à respirer. On fit alors un dénombre- me 464. dur
ment du peuple Romain, qui se trouva monter à deux cent iOlxante & treize M. 37.:'0;
avant J. C.
mille hommes capables de porter les armes. 280.
Sous les Consuls Valerius &Casditius, les plaintes contre lesusures, dont Florin in
les riches opprimoientles pauvres, commencèrent à se faire entendre. L&s Epi tome-.@
Tribuns du peuple demandèrent qu'on reformât les contracte, & qu'on redui- Romeaprès en-
paix
iît 1 'intérêt à un prix plus modique. Les plaintes continuèrent sous les la réduc-
Consuls de l'année suivante. Ces Consuls furent Q. Marcius Tremulus, & P. tion des
Cornélius Arvina. Le peuple Romain déjà animé contre la dureté des Usu- Luc-aniens,"
riers, le fut encore plus violemment par l'accident que nous allons raconter. &c.
n. Marcius
Titus Veturius,. qui sous son Consulat avoit eu le malheur de passer sous Trérmiius,,
le joug avec son armée aux fourches Caudines, venoit de mourir insolvable. &P.Corne«
Son fils, qui étoit un jeune homme fort bien fait & fort bien .élevé, avoit été lius Arvinat
obligé d'emprunter une [ol1Ul1e considérable auprés d'un nommé C. Plotius Go n (uls.
homme fort corrompu ; le jeune Veturius avoit employé cette somme aux fu- An 4tfî. dt Ro-
me du<-
nérailles de son Pere, & n'étant pas en état de satisfaire son Créancier, issut M. 3721.
réduit à l'esclavage, & obligé de Servir Plotius dans les ouvrages les plus, bas- avant J. e..
& les plus pénibles. 279.
Plotius voulut attenter à la pudeur de son esclave ; Il le sollicita ; il lui Dion, in Ex-
Vales.
fit des ménaces & des promesses; Veturius fut toujours inflexible. Sa fermeté cerpt.
lui attira les plus cruels traitemens. Un jour qu'il avoit été mis tout en sang p.Val. Max.
à coups de fouët, il s'échappa du lieu où il étoit renfermé, & fuyant à travers 1.6. C. 1. -
la ville, vint criant dans la place publique & s'étant mis sur une espéce de Histoire dc.'
Tribune ; se plaignit en termes amérs de la , Veturius
cruauté de son maître, dont il réduit en.
montroit les marques sur son dos, & en même tems découvroit l'infame pas- esclavage
fion de Plotius, qui lui avoit attiré ces mauvais traitemens. Les Tribuns du par Plotius.
peuple accusérent Plotius devant le peuple, & le firent condamner à mort. M.Claudius
Veturius & tous ceux qui pour dettes étoient.réduits en esclavage, furent re- Marcellus
&C.Nauti.
mis en liberté. us Rutilus
L'année suivante sous les Consuls M. Claudius Marcellus, & C. Nautius Gonsuls.
Rutilus, les bruits recommencèrent contre les Usuriers. Le peuple deman- Ande Ro-
doit que l'on abolit la loy, qui permet aux Créanciers de saisir au corps leurs me 466. du.
débiteurs insolvables. Cette loy avoit déja une fois été abrogée ; mais les M. 3721. J. C#.
riches la remirent en vigueur, & dans cette contestation ils soutinrent,.qu'il avant 278.
étoit juste de punir la négligence du débiteur, & de lui faire payer ses dettes Florw m-
Epitome.
ou en argent, ou par des peines corporelles. Comme ni les uns ni les autres Augujî. de'
ne vouloient pas céder, le peuple abandonna la ville, se retira au delà du Civit. Dez
Tibre, & se cantonna sur le Janicule;. 1. c. 18...
Les Patriciens & les riches Bourgeois sentirent bientost le besoin qu'ils Di visons àft
avoient du peuple. ils se virent sans artilans, sans manoeuvres, sans pro- Rell!C atji
su jet des>
YiU(m&
tL.Horten- visions amenées du dehors. L'on nedetrouva point deDidateur. meilleur expédient pour
sius Dicta- mettre fin à cette dissension, que nommer un Q. Hortensius
teur. fut élevé à cette dignité , & ménagea l'accommodement du peuple avec
les Patriciens. En voicy les principales conditions. 1°. Que les ordon-
observées par les nobles &
nances du peuple Romain seroient également
par les Plébéiens ; c'est que les Patriciens ne se croyoient pas assujettis aux
loys portées par le peuple, à moins que le Senat ne les eût authorisées. 2°. Que
les gens de la campagne qui venoient à Rome les jours de marché , pour-
raient ces mêmes jours faire juger leurs procès, & s'en retourner dans leurs
maisons, sans être obligés de quitter leurs travaux, pour venir à la ville aux
jours qu'il plairoit aux juges de leur assigner. 30. Le Sénat se déporta du
droit Qu'il avoit eu jusqu'alors, d'authoriier par son agrément les loys & les
ordonnances faites dans les assemblées de la commune.
,Q.,Fabitis à
Les esprits paroissoient disposez la paix, & l'on avoit lieu de croire
Rullianus que bientost le Didateur mettroit la derniére main à son ouvrage; Mais la
Di&ateur. mort l'en empêcha, .& l'on nomma pour lui succéder le fameuæ Q. Fabius
Sa mort. Maximus Rullianus, qui fut créé Dictateur pour la troisiéme sois. il eut le
bonheur d'achever ce que son prédécesseur avoit si heureusement commencé,
& le peuple revint dans la ville, fort content d'avoir amené les Patriciens au
point, où il cherchoit à l'amener depuis si longtems, & où il ne parvint que
la scéne depuis sa dernière Diélature.
par degrés. Fabius ne paroit plus sur Tout le peuple Romain con-
11 est à croire qu'il n'y survécut pas longtems.
Autor de tribua libéralement aux frais de ses obséques. Son fils fit immoler un 11 grand
vi ris iUujir. nombre de victu-nes pour honorer ses
tunérailles, qu'il y en eut assés pour
donner un fessin public à toute la ville.
'M.Valerius Sous les Consuls LVI. Valerius Potitus & C. Ælius, l'histoire ne nous four-
Potitus, & nit aucun événément mémorable, non plus que sous leurs Successeurs an de
L. iElius Rome 468.469. Seulement en cette dernière année les Gaulois établis en Ita-
Consuls. formé le siége d'Aretium, les Aretins envoyèrent demander du se-
L'an deR0. lie, aïant
me 467. du cours aux
Romains. Avant que de commencer les hostilitez, Rome envoya
M. 5723. des députez aux Gaulois Senonois, pour leur faire entendre qu'Aretium étant
ayant J. C. alliée aux Romains, & sous la proteétio11 de la République, elle ne pourroit
277.
G.Servilius se dispenser, si on
les attaquoit, deprendre sa défense. Mais un jeune Seigneur
*J"ucca & L. Gaulois,
nommé Britomaris, dont le Perè avoit été tué dans un combat par
Cæcilius les Romains, aïant rencontré ces députez, les arrêta, brisa le Caducée qu'ils
Metellus portoient, & les nlit à mort Les Gaulois au lieu de punir ce violement du
Consul?.
de Ro-
droit des Gens, l'authorisérent & assiégérent Aretium.
An La ville étoit assiégée, lorsque le Consul L. Cæcilius Metellus se présenta
me 469.
se donna, le Consul fut tué sur la place; Les
M. 37 pour la secourir. La bataille
avant J. a. Légions furent mises en déroute. Sept Tribuns militaires, la meilleure partie
27" des Chevaliers Romains & treize mille soldats demeurèrent sur le champ de
Guerre bataille. Rome consternée Curius Dentatus avec une nouvelle armée
contre les envoya
Gaulois Se contre les Gaulois. Au lieu d'aller droit à Aretium, il entra dans le païs des
nouois. Gaulois Senonois.,pour venger le meurtre commis sur les Ambassàdeurs de la
Républi..
République. On leur opposa quelques troupes levées à la hâte, qu'il dissipa
alternent, puis ravagea sans obstacle tout leur païs. Le ravage fut tel, qu'à Polyb. /• 2.
peine y voyoit-on ni maison , ni aucune marque qu'il eût été cultivé & ha-
bité.
Lorsqu'on créa de nouveaux Consuls, la Republique se vit tout à coup XXXII..
sur les bras deux nations Gauloises, savoir les Senonois & les Boïens, & de Dolabella Cornelius
plus les Samnites & les Etrusques. Domitius Calvinus un des Consuls mar- & Cn. Do-
cha contre les Gaulois Senonois, & les rencontra qui venoient droit à Rome, mitius Cal-
dans le dessein de la saccager, & de se venger du désordre , que Dentatus vinus Con-
avoit commis dans leur païs. Domitius leur livra la bataille, les battit &leur suls.de

,
Ro-
tua un grand nombre de soldats. Ceux qui échappèrent, se jettérent dans le ms An
47o. du
païs des Boïens-, & les .animèrent à venger la nation Gauloise. Ils armèrent M. 1726.
toute leur jeunesse, & s'étant joints aux Etrusques ils s'avancérent vers avant J. G.
Rome. 274.
L'autre Consul nommé Cornelius Dolabella, les attaqua sur les rives du Guerreles
Lac Vadimon, aujourd'huy le Lac des Bassans en Etrurie. Les Boïens & les Tarentins. contre
Etrusques furent entièrement défaits. Pline dit, que Dolabella porta le der- Appian,
nier coup à la nation des Boyens, qui étoit composée de cent douze tribus, apud Ful-
sélon Caton. Cependant ces peuples firent encore quelques efforts l'année vium Urjî-
suivante ; mais enfin ils furent contraints de demander la paix, & de se ranger num.Pof:Jb. /. 2.
du nombre des alliez des Romains. Ce fut le Consul Æmilius Papus qui les Plin. L
assujettit.. Son Collègue C. Fabricius Luscinus la
porta guerre dans la Luca- %ï?*
.
nie où les Tarentins avoient foÚlevé contre les Romains les Lucaniens, les Ffor.l.i.c.r;
,
Bruttiens, & quelques restes de Samnites. Ces derniers voulurent s'opposer XXX m
(C. Fabricius
au passage de Fabdcius, mais il les renversa& les mit en fuite. Us allèrent Lufcinus,&
joindre les Bruttiens & les Lucaniens, qui alsiégeoient la ville de Thurie, au- Q^/Emilius
tiefois nommée Sybaris. Papus
Fabricius leur livra la bataille assez prés de la ville, & remporta îavidoi-1Consuls.
jettérent leur Pendant délibére An de Ro-
re. Les vaincus se dans camp. qu'on si Pon \
Légions me 471. du
doit l'attaquer, on vit paraître au milieu des un jeune homme d'une M. 37z7.
taille avant igeufe, portant un plumet sur son Casque,qui prenant une echelle, avant J. C.
exhorta ses Camarades à le suivre. Il monte le premier à l'assaut, & à son 2 73.
exemple le reste de l'armée. Le camp fut forcé, & il demeura du côté des Guerre
ennemis sur la place, tant dans le camp, que dans la pleine, vingt-cinq mille Samnites, contre les
hommes. Aprés cet heureux succés on chercha inutilement le jeune & brave les ; Luca-
solJat. Personne n'en put dire des nouvelles. Il est croyable qu'il fut tué niens & les
dans Pefcalade ; Mais les soldats crurent que c'étoitle Dieu Mars, qui étoit Bruttiens.
descendu du Ciel pour venir à leur secours, & on lui en rendit de sblemnel-/.Val. Max.
10. c. 8.
les aCtions de grâces, & la persuasion de ce prétendu-miracle se perpétua par- Ammiaty.
m y les Romains. Fabricius retourna à Rome, & reçut les honneurs du tri- MarceU.
omphe. 11.24.

Les Tarentins ne s'étoieijt pas encore déclarez. Une occasion impré- ]XX XIV.
Guerre
vue découvre leur haIne contre les Romains. Une flotte Romaine compo- contre les
see de dix vaisseaux, aborda au port de Tarente, pour y prendre quelques Tarerttins.

Tom. H. iiii
à
raiiaichifiemens. LesTarentins étoient alors auTheatre leur ordinaire, occu-'F/or. L I.
Zonar.1.8.
pez '
Val. Jr1ax. pez à des jeux publics. La veuë de ces vaisseaux Romains troubla la j'oîè
de la féte., Un nommé Philocharis, célébre débauché, que Ion infatue pro-
ititution faisoit appeller la Thaïs."de la ville, commença à Lu-anguer ses con-
citoïens , & leur conseilla de courir sus aux Romains, les traitant d'infrac-
teurs des anciens traitez, qui leur défendoient de pasfer Crotone & le Pro-
montoire Lacinien. Il n'en fallut pas davantage pour animer les Tarentins.
Ils fondent sur la flotte Romaine, prennent quatre vaisseaux, coulent à fond:
celui que montoit le Chef de la flotte , font main baffe sur tout ce qui porte
les armes, & reduisent le relie en servitude. Les cinq vaisseaux qui échap-
pèrent, retournèrent à Rome, & y racontérent ce qui s'étoit passé.
Sur leur rapport on envoye à Tarente une Ambassade, pour demander
la réparation de cette injure, & de la perte que la République avoit soufferte.
Posthumius Megellus, qui avoit été trois fois Consul, étoit Chef de l'ambaflà-
de. Il fut admis dans l'assemblée des Tarentins, & les harangua en grec. A
peine daigna-t'on l'écouter. On se railla de la mauvaise prononciation du
grec. On le renvoya avec des ris moqueurs & des huées, & on ajoute,
qu'un bouffon, nommé Philonides.salit de son urine la robe de l'Ambassadeur,
comme il sortoit du lieu de rassemblée. Posthumius sans perdre sa gravité,
leur dit, que leurs ris pourroient bien un jour se changer en pleurs, & que
bientôt Rome laveroit dans leur sang, les ordures, dont ils avoient sali sa
robe. Aprés cela il se retira. Les Tarentins se disposérent à soutenir la;
guerre , en appellant à leur lecours Pyrrhus Roy d'Epire, un des plus vail-
lans Princes de son tems ; & sans différer ils commencèrent leurs hostilitez
par la prise de Thurie, qui étoit defenduë par une garnison Romaine.
XXXV. Les Consuls que Rome choisit cette année 472. depuis sa fondation,.
1. /EmiUus furent L. Æn1Îlius Barbula,. & Q.Marcius. Le premier marcha contre les-
Barbula 6c Samnites, qui sans avoir égard aux traitez, avoient pris les armes; Marcius
_Marcius
Consuls. son Collègue partit pour l'Etrurie, qui etoit encore en armes. Le Sénat fut
An de Ro- longtems à délibérer, si l'on entreprendroit cette année la guerre contre
les
me 472. du Tarentins. Mais la chose aïant été renvoyée au peuple, ilfutrésblu, que
M. 2728. sans différer le Consul Æmilius entreroit en aCtion contre eux, à moins qu'ils
avant J. 6. prissent le parti de donner satisfa&ion à la République offènsée. Les plus
272. ne
Dion. in fenfez des Tarentins étoient d'avis de fléchir les Romains par des sounliHiomL
Legatimi' Mais le peuple conclut à faire venir Pyrrhus à leur secours, & en même tems
bus. vid.
on fit partir des Ambassadeurs, pour l'inviter à passer en Italie.
Flutarch. Dez-que cette nouvelle fut répanduë dans le camp des Romains, on n'y
in Pyrrbo. qu'à tirer vengeance de l'outrage fait à l'Ambassadeur Pofthu-
Les Ta- songea plus
rentins mius.Le Consul Æn1ilius porta la terreur dans toutlepaïs de Tarente, y prit
font venir des villes força des chateaux & mit tout à feu & à sang. L'armée enne-
Pyrrhus en mie parut, ,
en campagne mais elle fut bientoi1 mile en fuite. Æmilius lie
en-Italie. ,
vouloit pas toutefois pouffer les choses à l'extrémité, pour ne pas réduire les
Tarentins au dësespoir, & les obliger à faire passer Pyrrhus en Italie. 11 leur
envoya tous les prisonniers qu'il avoit faits dans leurs campagnes,& usa très-
A.
modérément de sa victoire. Les Tarentins apparemment revenus de leur pre-
mier emportement,choisirent pour Gouverneur de leur ville, & pour Général
ik:
3e leurs troupes, un de leurs citoïens, nommé Agis, qui lavojt toujours con-
seillélkpaix, & étoit rempli d'estime pour les Romains; Plusieurs Tarentins
Lraientaix, d'entrer
en guerre ; Mais la multitude fut la plus forte,
& Pyrrhus
fut fflvité fous les promesses les plus magnisiques, à venir en Italie. On lui .

tairait entendre, que les Messapiens, les Lucaniens, les Samnites, lesBruttiens
& d'autres peuples d'Italie , n'attendoient que son arrivée, pour
prendre les
armes contre les Romains, &
qu'il se verroit bientost à la tête de trois cens
mille hommes de pied, & de vingt mille chevaux, fournis par l'Italie seule. XXXVt
On dit qu'il consulta l'oracle de Delphes sur une entreprise de cette Pyrrhus
importance, & que la reponse qu'on lui rapporta, étoit équivoque à l'ordi- consuite
naire, & qu'elle pouvoit également signifier que les Romains seroient Vain- l'oracle sui
queurs de Pyrrhus, ou que Pyrrhus seroit Vainqueur des Romains. Pyrrhus son expé-
ne manqua pas de prehdre la reponse son Favori
dujsoté qui flattoit son inclination. Un dition.
Cyneas de ses vastes desseins, il lui Augufl. de
jour qu'il s'entretenoit avec civit. Dei
grandeur, la facilité, les avantages. La conquete de l'Italie
en étala la
aisé-en Afrique. J'assujetti-
/.3. Cicer•
m'ouvrira celle de la Sicile. Delà -le passage est 1. 2. -de Di-

ai les Carthaginois à filon Empire ; aprés quoi la Macédoine & la Gréce ne vh/atnne.
r Aio Æa.
pourront me resister. le m'en rendrai aisement le mattre ; Mais répliqua Cyne- cidate,Roma-
Lis
aprés tant de conquêtes, que ferés - vous ? pourrés-vous demeurer en re- nos vincere
pos?,
Alors, reprit Pyrrhus, -je jouirai du fruit de mes travaux, & je goûterai JojJè.
avec tov les plaisirs de la vie. Et qui empêche, répondit
Cyneas, que des-
à présent vous ne goûtiez ce bonheur , & que vivant en paix dans vos Etats,
vous ne nous exposiez pas aux risques de tant de combats, & de voyages.
Pyrrhus avoit déjà pris Ion parti. Il dit à Cyneas, qu'un grand Prince n'eit
pas né pour lui-même , qu'4.1 est obligé de prendre la défonfe 'de ceux qui
font foibles & opprimez.
Aprés avoir fait ses préparatifs, il fit partir -Cyneas avec:une partie de sa XXXVIII.
flotte & quelques trois mille hommes de débarquement. Cyneas arriva à Cyneas as-
Tarente ,
laissant en Epire une partie des Ambassadeurs Tarentins, en appa- rive à Ta-
,
être témoins de la diligence de Pyrrhus à faire les préparatifs de rente.
*ence,pour
la guerre, & en effet pour s'annrer de la fidélité des Tarentins.
Cyneas ne fut pas plutost arrivé en Italie, qu'il fit déposer Agis,comme
trop affectionné aux Romains, & fit mettre en sa place un des A-nlbail'adeurs
deTarente, qu'il avoit ramené d'Epire. Quelque tems aprés arriva du même
*
païs un nommé Milo, avec quelques nouvelles troupes. Cyneas lui fit donner
le gouvernement de la Citadelle, pendant que lui-même étoit maître de la
ville & des remparts. Les Tarentins, comme s'ils étoient déchargez d'un -grand
fardeau, parc-equ'ils s'étoient livrez aux Epirotes, envoyèrent leurs galères &
leurs vaisseaux de transport en Epire, pour amener Pyrrhus, ses troupes & ses
Eléphans à Tarente. Alors ce Prince ne différa plus son départ.
Le Consul Æn1ilius qui avoit toujours entretenu quelque intelligence XXXVIII
Le,Consul
avec Agis, & qui s'étoit flatté de ramener les Tarentins à des sentimens de /Emilius ea
paix, voyant.Tarente entre les mains des Epirotes, jugea à propos de se re- Apulie.
tirer,& de me'ner hyverner ses troupes dans l'Apulie. Pour arriver en ce païs,
il lui falk)it passer par des défilez entre la Mer & les montagnes, & il s'-atten-
doit bien que les ennemis ne tnanqueroient de le suivre,& de le harceler danj
la marche. 11 ufa de stratagéme pour se garantir de leurs traits. 11 fiy>lacer
sur les ailes, à la tête & à la queue de son armée dans là marche, le'n..cSren-
niers qu'il avoit faits dans les terres des Tarentins, afin que les traits
nemis ne portassent que contre ces malheureux captifs. La compassion que
les Tarentins portèrent à leurs Compatriotes garantit les troupes Romai-
,
nes, qui arrivèrent heureusement en Apulie.
XXXIX. Aprés l'election des nouveaux Coniuls, on confirma Æmilius dans le
P. Valer. commandement de la même armée, qu'il avoit conduite en Apulie, & on lui
Lævinus,& ordonna d'aller faire la
Tiber. Co- guerre aux Salentins, qui avoient pris -le parti de Ta-
Les deux Consuls de l'année furent P. Valerius Laevinus, & Tiberius
runcanus rente.
Gonsuls. Coruncanus. Ce dernier fit la guerre dans l'Etrurie, & Valerius marcha con-
An de Ro- tre le Tarentins. Les be'soins de l'Etat obligèrent d'enrôler même les Pro-
me 473. du létaires .
de la plus vile populace à qui d'ordinaire on ne faisoit pas.
M. 372p. , gens ,
avant J. G.
l'honneur de les employer dans les armées.
271. Pyrrhus étoit arrivé à Tarente avant la.venuë du Consul. Il y avoit amé-
Plutarcb. né une flotte nOlllbreuse;composee des vaisseaux de l'Epire, de ceux du Roy
in Pyrrbo. Antigonus Gonatas, & de ceux de Tarente. Il avoit
Pyrrhus hommes de pied, trois mille chevaux, cinq en tout vingt-deux mille
pasle en cens frondeurs, & vingt Eléphans,
1talie. que le Roy Ptolemée lui avoit prêtez pour deux ans. Parmi les troupes il y
avoit bon nombre de soldats Thessaliens, & environ scpt mille hommes de
ces vieilles bandes, qui avoient servi en Asie sous Alexandre le Grand. Dins
son passage il eflfuïa une violente tempête, qui fit échouer une partie de les
vaisseaux sur les côtes de la Messapie. Son vaisseau même fut en danger de
périr, & pour éviter un plus grand péril, il se jetta dans la Mer, & gagna à
grande peine le bord à la nage, suivi de ses gardes & de ses amis. 11 ne se
trouva avec lui à son arrivée, que deux mille hommes de pied, peu de Cava-
lerie & deux Eléphans. Tout le reste de sa flotte étoit ou échoué , ou dis-
persé par les vents. Il traversa la Messapie, & arriva à Tarente, Cyneas étant
venu audevant de lui avec une escorte.
XL. Le Consul Valerius arrivé dans la Lucanie, se montra à Pyrrhus avec ses
Pyrrhus ré- troupes; Mais ce Prince ne fit aucun mouvement. Il attendoit san armée,
forme les qui avoit été dispersée, & qui arriva enfin heureusement à Tarente. Les Ta-
moeurs
des Taren-
tins.
rentins n'étoient rien moins que belliqueux. Pyrrhus les disciplina, th fer-
mer les Theatres & les portiques, où s'assembloient les fainéans, pour di[con-
Appian. in rir des intérêts & des entreprises. Il ordonna des enrôlemens & des exerci-
.
Excerpt. ces pour les troupes nouvellement levées. Par ce moïen il fit entièrement
Va/ifp.5')2 changer la face de la ville. D'oisive & de voluptueuse qu'elle étoit, elle de-
vint occupée, guerriére & laborieuse. Ce ne fut pas sans murmure de la
part des Tarentins. Un jour Pyrrhus aïant fait venir en sa présence quel-
ques uns de ceux qui s'étoient le plus émancipez , il leur demanda s'il étoit
Val.Max. vrai qu'ils eussent mal parlé de lui, comme on les en accusoit ; Ils le con.
jfefférent, & ajoûtérent qu'ils en auroient bien dit davantage, si le vin ne leur
I. 5, C. 1.

( eût manqué. Cet aveu désarma la colére du Roy, & lui fit connoitre le ca.-
]
radére de cette République.
Arishr-
Aristarque célébre Orateur de Tarente,s'étoit acquis une grande autorité XLl
dans la ville , par son éloquence & ses harangues. Pyrrhus ess'\ya de le Aristarque
& de le mettre dans ses intérêts. Il n'y réunit pas. Aristarque con s'éteve
gagner d'un Roy qui exerçoit la Tyrannie sur les contre
tinua à parler de Pyrrhus comme Pyrrhus.
Tarentins. Le Roy le dissimula, & le chargea d'aller en ambassade auprès
du jeune Prince Antigone son fils, qu'il avoit laissé en Epire. L'Orateur feignit
d'accepter la commission; mais à peine l'eût-on perdu de veuë,qu'il engagea
le Pilote de le faire aborder à un port., d'où il pût en seureté se rendre à
Rome. Il y arriva , & découvrit au Senat ce qu'il savoit des projets de
Pyrrhus, & des dispositions des villes, & des peuples d'Italie envers les Ro-
mains. Sur ses avis on fit partir Fabricius, qui fit la visite des. places & des
Colonies, & exhorta puissamment tous les alliez à garder la fidélité au peuple
Romain. *
Pendant cet intervalle la ville de Rhége , situee sur la pointe d itahet- LesXLlt. Ro-
voisine de la Sicile, craignant l'invasion de Pyrrhus, ou des Carthaginois, mains en-
demanda du secours aux Romains. Quelque enlbarassée que fut la Re- trent dans
publique par d'autres guerres qu'elle avoit sur les bras, elle envoya des trou- la ville de
à Rhége. Un nommé Decius Jubellus Campanois avec une Legion Rhége.
pes des Poiyb. /.i.
levée dans son pays, y fut destiné. Les grandes richesses & la vie aisée
Flor.
habitans de Rhége, furent un'sujet de tentation à ces troupes • Elles résolu- Epitome
rent de se défaire des Rhégiens, & de s'emparer de leur ville. Decius sup- c. 12.
posa de fausTes lettres, qu'il disoit avoir été écrites à Pyrrhus par des habi- Appian. in
tans de Rhége, pour lui livrer la place. Jubellus fait lecture de ces lettres Excerpt.
Vales.
dans la place publique. Des soldats apostez crient en tumulte, qu'il fautfaire
main basse sur les traitres.
Presqu'au même moment un autre Campanois vint annoncer à Jubellus, XLIII, de
qu'il a veu dans le port de Rhége des vaitteaux de Tarente , & que ceux qui Ceux Rhége
les commandaient,avoienteu des entretiens secrets avec les habitans de Rhége. sont égor-
Il n'en fallut pas davantage pour faire condamner à mort tous les prétendus gez par les
coupables ; Jubellus invite à souper les Principaux de la ville ; & au milieu Romains.
du repas il les fait égorger, & ordonne à ses soldats de faire main basse sur
tout le reste des bourgeois. Toute la ville est remplie de sang. On se partage
les biens des InOtts, & on force les filles & les femmes de recevoir pour
maris les meurtriers de leurs Peres & de leurs Epoux. Le bruit de cet at-
tentat débouta beaucoup de villes de l'alliance des Romains j & le Sénat oc- «
cupé d'affaires plus pressantes, sut obligé de différer la vengeance de cette
persidie.
Le Consul Laevinus étoit cependant dans la Lucanie, où il faisoit sublî- XL IV.
iter ses troupes au dépens de l'ennemi. Il s'y étoit fortifié dans un chateau, somme Pyrrhus
attendant que Pyrrhus se mît en campagne. Ce Prince ne vouloit pas s'y
Laevinus
mettre qu'après avoir fo-nlmé Laevinus de mettre bas les armes , de renvoyer de quitter
ses troupes, & aprés cela de venir lui exposer ses raisons de rupture avec le& les armes..
Tarentins. Lxvinus repondit : Nous ne voulons pas vous avoir pour Juge, Plutarcb.
& nous ne craignons pas de vous avoir pour ennemi, vous qui sans aucune in Pyribe*
juite raison avez abordé en Italie comme ennemi. Nous ne voulons point
d'autre Juge que Mars, l'Auteur de nôtre race & le Proteéleur de nos armes.
Pyrrhus aprés cette reponse s'avança vers le fleuve Siris, sur lequel Laevinus
s'étoit retranché. Avant que de rien entreprendre, il voulut lui-même con-
sidérer le camp des Romains, leur contenance & la manière dont ils s'étoient
retranchez. Quand il l'eut bien examinée, il dit à Megacles, l'un de ses Gé-
néraux qui l'accompagnoient : Je vois bien que ces gens-cy ne sont pas
aussi peu instruits de l'art militaire, qu'on avoit voulu nous le faire croire.
XLV. Dés-lors le Roy résolut d'attendre le renfort qu'on devoit lui envoyer
Bataille de Tarente & il se retrancha dans son camp se contentant de border le
entre bord du fleuve, ,
pour en empêcher le passàge aux, troupes Romaines. Quel-
Pyrrhus & Espions du Roy ayant été pris, Laevinus les conduisit lui-même partout
les Ro- ques
inains. son camp puis les renvoya à Pyrrhus ; Aprés cela il ne chercha plus qu'à
,
engager Roy à .conlbattre, avant l'arrivée du renfort qu'il attendoit. Pour
le
y parvenir, il fit passer sa Cavalerie à un gué, qui n'étoit pas gardé , & cette
Cavalerie vint fondre sur quelques bataillons, que Pyrrhus avoit placé sur le
bord de la riviére;dans le nlêlnetenlS l'armée Romaine la passa aussi à la faveur
de sa Cavalerie,qui étoit aux mains avec celle de Pyrrhus.CePrince au bruit des
combattans, accourt avec sa Cavalerie & ses Eléphans. Bientost l'affaire de-
vint générale. Pyrrhus y remplit tous les devoirs d'un Grand Général, &d'un
brave soldat. Un nommé Oplacus qui commandoit un corps de Cavalerie
dans l'armée Romaine, s'attacha à la personne de Pyrrhus, pour le joindre &
le combattre. Leonatus en avertit le Roy, & presqu'en même tems (Jp]acus
avance & perce le cheval du Roy d'un coup de lance. Leonatus au même
instant perce celui d'Oplacus. Le Roy & l'Officier Romain tombent en même
tems; Mais Oplacus fut bientost percé & mis à mort; & Pyrrhus aidé de tes
gens, remonta sur un npuveau cheval.
La chute de Pyrrhus fit croire à plusieurs qu'il étoit niort Pour les
détromper, il se montra à son armée & la rassura,& de crainte qu'un semblable
accident ne lui devint fatal , il changea d'habits & donna à Mégacles les
ornemens Royaux. Les Légions Romaines en vinrent aux mains avec la
Phalange Macédonienne La victoire fut longtems en balance. Sept fois on
-vit chacune des deux armées reculer, & rept fois on les vit reprendre le dessus
sur leurs ennemis. Megacles qui portoit les armes de Pyrrhus, fut attaqué
par un Romain nommé Dexter, qui le porta par terre & lui arracha promte-
ment son Casque & ses armes, & les porta au Consul. On les montra à l'ar-
mée ennemie, qui en fut concernée. Pyrrhus accourut, & ôtant son Casque,
m

se fit voir à ses troupes & leur inspira une nouvelle ardeur.
XLVl.h Le Consul Laevinus après le premier choc commencé , comme on l'a
Vi&oire di ;
veu, par sa Cavalerie l'avoit fait retirer, pour s'en servir dans l'extrémité.
Pyrrhus . Elles'avança ,
ordre, & Pyrrhus qui de son côté avoit réservé tes Elé-
furies Ro en bon
mains. phans pour agir 4 lorsque la Cavalerie Romaine paroîtroit, fit marcher ces
énormes animaux chargez d'archers, qui tiroient contre ceux qui tentoient
d'en approcher. Le cris de ces bêtes joint à leur odeur, que les chevaux
extraordinaire, jettérent l'épouvante
ne pouvoientriupporter, & à leur forme
& dans ia Cavalerie, & dans l'Infanterie Romaine. Les Cavaliers Romains
ne pouvant plus retenir leurs chevaux , furent ou renversez, ou emportez au
loin par leur monture. L'Infanterie se défendit encore quelque tems ; Mai»
la Cavalerie Thessalienne étant venue tout à coup fondre sur elle , elle tut
obligée de céder,& de se retirer dans l'Apulie.
On compte que les Romains laisserent sur le champ de bataille quatorze'
mille huit-cens quatre-vingt hommes, & Pyrrhus a peu prés treize mille, ce
qui lui fit dire aprés la bataille, que s'il gagnoit encore une pareille vidorre, Car
il étoit perdu, (Il) & dans l'inscription, qu'il mit au Temple de Jupiter a Ta- Plutarque
& tout lui attribué
rente, on lisoit: Grand Jupiter % j'ay vaincu des peuples invincibles ,
vaincus qu'ils sont, je.les reconnois pour vainqueurs. Il prit le camp des; ce diseours
Romains,& y fit environ huit cens prisonniers. Envain il les exhorta a prendre,seuleme?it
inébranlables, & il put 'empêcher- aprés la
parti parmi ses troupes. Il les trouva ne s séconde ha.
de louer leur fermeté & leur confiance. Ayant fait donner la sépulture éga- taille con-
lement aux vaincus & aux vainqueurs il remarqua qu'aucun soldat Romain tre les R.o..
n'avoit reçu de blessure honteuse , ni n'avoit abandonné son poste , & que mains. Orose les
l'animosité & la fureur Martiale étoient encore peintes sur leur visage, meme lui metàla
Pyrrhus avoit de tels soldats que
aprés leur mort. Alors il s'ecria : ô si
, ou la bouche-
les Romains eussent Pyrrhus pour Général , ils pourroient ensemble faire après sà
conquête de tout l'Univers, première
Pyrrhus ne poursuivit pas Laevînus , mais il se jetta dans les terres des viHoire.XLVII,
Romains & de leurs alliez. 11 y fit le dégât & y répandit la terreur. L^vinus Laevînus
de son coté ayant rassemblé les débris de son armée , prit grand soin de ses est loué

Menez, & attendit de nouvelles troupes, pour se remettre en campagne. On quoique


lui rendit justice à Rome , & le bon mot de Fabricius, qui dit, que Pyrrhus vaincu Pyrrhus,
par.
avoit vaincu Lævinus,. mais que les troupes d'Epire n'avoient pas vaincu les
Romains, ne lui fit poiift de tort. Ilavoit fait tout ce qu'on pouvoit attendre
d'un grand Capitaine. On lui envoya deux Légions, & aussitost il se mit à
suivre Pyrrhus, pour essayer de lui faire abandonner la Campanie , où il fai-
soit subsister son armée au dépens des Romains.
Ce fut en ce pays, que le Roy reçut le renfort de ses alliez, qu'il avoit
attendu si longtems, & qui ne s'étoit point trouvé à la bataille. Il ne laissa
pas de partager avec eux le butin, qu'il avoit fait sur les Romains. Le renfort
consistôit en quelques troupes de Samnites, de Lucaniens & de Mt?sfapiensy
dont on ne nous dit pas le nombre. Avec ces troupes le Roy s'avança vers.
Capouë dans le dessein d'y entrer ; Mais Laevinus le prévint, & y jetta des
troupes; Pyrrhus ne fut pas plus heureux dans la résolution qu'il avoit prise
de s'emparer de Naples; Le voisinage de l'armée Romaine la garantit-Delà il
prisse chemin de Rome ; Il prit en passant la ville deFregelles,&vintàPréneste.-
11 n'alla pas plus avant, parcequ'y aïant fait dresser une hauteur voi.sine,d'où il
considéra la ville de Rome, il désespéra de la prendre. A la fois il se trouva
entre les deux armées Consulaires. LeCoususCorun.çanus, après avoir forcé les
Etrusques dans l'alliance des Romains, avoit pafsé le Tibre,& venoit à sa ren*
contre ; d'un autre côté Lsevinus avec une armée aussi nombreuse que la-
première, l'attendoit dans la Campanie, & se disposoit à lui livrer bataille.
Lr
XL VIm. Le Roy crut qu'il lui seroit honteux de la refuser. Il sir disposa donc à
Ambassade combattre, & ordonna à ses gens de frapper de leurs lances sur leurs bou-
des Ro cliers, & de faire crier leurs Eléphans pour étourdir les Romains. Mais ceux-
mai iis vers ci répondirent à bruit par un cri militaire si fort & si perçant, que Pyrrhus
Pyrrhus. ce
lui-même en fut frappé, & que sous prétexte des Auspices, qu'il dit ne lui
être pas favorables, il n'accepta pas la bataille , & se retira à Tarente où il
,
.reçut une ambassade fameuse de la part des Romains, qui lui envoyèrent ré-
peter les prisonniers de guerre, faits aprés la bataille d'Heradëe sur le Siris.
Les AmbC1ffadeurs étoient distinguez par leur mérite. C'étoit Cornélius Do-
!abelIa, Fabricius, & Æn1ilius Papus. Le Roy les reçut avec honneur, envoïa
les recevoir avec une escorte jusqu'aux frontières duTarentin,sortit lui-même
de Tarente pour venir à leur rencontre ; Il les logea & les traita magni-
,
fiquement, & lorsqu'ils lui eurent exposé le sujet de leur venue, qui étoit de
demander l'élargissement des prisonniers Romains, ou par échange, ou pour
une somme d'argent; Il fit assembler son Conseil , & Cyneas aïant été d'avis
qu'il falloit les renvoyer gratuitement, & trouver les moïens de faire avec les
) Romains une paix honorable, Pyrrhus prit ce parti & rendit les prisonniers,
disant qu'il préféroit la paix & leur amitié, à la victoire & à la guerre.
XLIX. Ensuite il voulut entretenir Fabricius, Mont il connoissoit la sagesse, la
Entretiens grandeur d'ame & le désintéressement. Il lui offrit de l'argent,
de Pyrrhus pour le tirer
avec Fabri- de l'extrême indigence où il vivoit; Mais le Romain lui repondit, qu'il lui
. rius. faisoit in jure de le croire capable de se 1aisser éblouIr par l'éclat des richesses;
que son indigence étoit de Ion choix , qu'il s'eH:in10it plus heureux de cul-
tiver son petit champ, qu'il tenoit de ses Peres, que le Roy d'Epire ne l'étoit
avec tous ses trésors. Le lendemain Pyrrhuseut encore un entretien avec
Fabricius, & pendant qu'il lui parloit, il fit tout à coup tirer un rideau, der-
riere lequel étoit caché un Ele"phant , à qui l'on fit- jetter un grand cri , &
Romain. Celui-ci sans s'émouvoir dit
avancer sa trompe jusque sur la tête du
au Roy; qu'il étoit aussi peu susceptible de fraïeur ce jour-là, qu'il avoit été
insensible le jour précédent à ses pronle1Tes & à ses présens , & sans daigner
faire attention à ce spedacle, qui étoit nouveau pour lui , car il n'avoit ja-
mais veu d'Eléphans, il continua son discours avec une intrépidité qui étonna
Pyrrhus. Pendant le repas qui suivit, le Roy fit tomber la matière sur la
Philosophie d'Epicure, surquoi Fabricius lui dit : Plut à Dieu, que pour le
bonheur de Rome Pyrrhus eut établi son bonheur dans cette indolence , ou
dans cette privation de douleur & de peine, qu'Epicure a tant vantée.
Plus le Roy voyoit , plus il entendoit les Romains , plus il concevoit
pour eux d'estime, plus il souhaitoit de les avoir pour amis, & plus il déses-
péroit de les réduire ni par la force, ni par la désunion, ni par les caresses,
ni par les promesses, ni par les menaces. Il renvoya donc les trois AmbasTa-
deurs, leur rendit sans rançon deux cens prisonniers, & permit aux autres sur
à
leur parole de retourner Rome, célébrer les Saturnales dans leurs samilles.
Les Saturnales se célébroient à Rome le 19. Décembre ou le 14. jour avant les
Calendes de Janvier. Au commencement on ne les fit que pendant iiii jour;
dans la suite on y en ajouta jusqu'à deux, & jusqu'à quatre jours, en sorte
qu'elles
qu'elles duroient cinq jours. Mais du tems de Pyrrhus, elles n'étoient en-
core que d'un jeur. On y jouïiïoit d'une grande liberté,& les esclaves mêmes
en memoire de l'égalité des conditions, qui régnoit parmi les hommes du
tems de Saturne , étoient pendant ces jours-là comme affranchis du joug de
la servitude.
Presqu'en même tems le Roy fit partir pour Rome Cyneas son Prin-:, L.
cipal Ministre,afin de ménager la paix avec les Romains. Il étoit chargé d'in- Gyneas à Ro-
ar-
strudions,qui se réduisoient à ces 4. Chefs. 1°. Que dans la paix qu'il vou- rive me. Il est
loit faire avec la République, les Tarentins seroient compris. 2°. Que tou- admis ait
tes les villes Gréques, qui étoient en Italie, jouïroient de leur liberté. 30. Que Sénat.
Rome restitueroit aux Samnites,aux Lucaniens & aux Bruttiens tout ce qu'elle
avoit pris sur eux. 4°. Qu'à ces conditions Pyrrhus quitteroit l'Italie, & ren-
droit les pr.isonniers Romains. Cyneas ne précipita pas la convocation du
Senat. Il se donna le tems de voir les principaux Senateurs, de leur distri-
buer à eux & à leurs Epouses les riches présens, dont il étoit chargé. Il en
gagna un grand nombre.
Cyneas aïant été admis au Senat, y parla avec son éloquence ordinai-
re.Il releva la puissance de Pyrrhus, sa vidoire, sa modération,promit desa
part dessecours considérables aux Romains, s'ils vouloient laisser Tarente en
paix aussi bien que les alliez de Pyrrhus ; Il témoigna mêtne que Pyrrhus
viendroit volontiers à Rome, pour conclure & ligner la paix. Le plus grand
nombre des Senateurs étoit d'avis d'accepter les conditions proposées par
Pyrrhus : Cependant comme l'assemblée n'étoit pas assez nombreuse, on re-
mit la conclusion à un autre jour. Le jour venu, il n'y eut point de Senateur
qui ne voulût prendre part à une affaire de cette importance. Le vieuAppius
Claudius, dont on a parlé plus d'une fois, voulut y paroÍtre & y haranguer.
Il le fit avec tant de véhémence & de solidité, que tout à coup le Senat chan-
gea de sentiment, & porta un decret de continuer la guerre avec Pyrrhus,
de renvoyer le jour même son Ambassadeur, de dénoncer à Pyrrhus qu'il étoit
inutile qu'il vint à Rome, & qu'on étoit résolu de ne traiter de la paix avec
lui, que quand il seroit forti de l'Italie.
Cyneas partit le jour même. Arrivé à Tarente, 11 avoua à Pyrrhus que L1.
le Senat Romain étoit une espéce de lieu sacré, où regnoient la modestie, la Idée que
gravité & le bon ordre., Que le Senat étoit une assemblée de Roys, dont la Cyneasdu
présence & la Majesté inspirent du respeé1: & de la terreur. Ce rapport aug- avoit Sénat Ro-
menta restiirie quePyrrhus avoit pour les Romains; Il se disposa sérieusement main.
à faire les préparatifs pour la campagne prochaine. Comme il avoit éprouvé
combien il est difficile de faire passer des troupes par Mer de l'Epire en Italie,^ Plin.. 1. 3.
il forma le projet de faire un pont de batteau depuis l'Epire jusqu'à Otrante, 11.
c'est-à dire, à la longueur d'environ dix-sept lieuës de france, ce qui étoit un /
projet imprâticable. Mais Pyrrhus aimoit à former de grands desseins, au
hazard d'en abandonner l'exécution, lorsqu'il y trouvoit trop de difficultez,
ou qu'il se presentoit autre chose, qui flattoit son ambition, ou amusoitson
ir.constance.
LU. Il entra en campagne de fort bonne heure, & commença à exercer des
P. Sulpitius hostilitez dans l'Apulie, qui obéïssoit aux Romains. La République s'étoit
Saverrio, & donnée deux nouveaux Consuls, qui furent P. Sulpitius Saverrio, & P. Decius
Mas. Ils n'avoient pas encore parû sur le Théâtre, & il est étonnant que
& P.Decius
Mus Con-
suls. Rome, qui avoit alors tant de grands Capitaines, & qui setrouvoit dans la cou.
An de Ro- joncture la plus périlleuse, où. elle eut été depuis longtems, n'ait pas jette
me 474. du les yeux sur quelques-uns de ses anciens Généraux. Peut-être voulut-elle par
M.9730-
le choix qu'elle fit de deux hommes nouveaux, montrer à Pyrrhus qu'elle le
avant J. 6. On donna toutefois pour Lieutenant-Général dams les ar-
270. craignoit peu.
Guerre mées Consulaires, le célébre Fabricius.
contre Les deux armées des Romains & de Pyrrhus se trouvérent aux environs
Pyrrhus, d'Asculum dans l'Apulie, fort différente d'une autre Asculum située dans le
Picenum. Un torrent large &profond les séparoit. Elles demeurèrent
Zonar, /. s.
dans l'inaction pendant quelque tems. Les Epirotesaussi superstitieux que les
Romains, craignoient serieusement que Decius Mus à l'exemple de son Pere
& de son Ayeul, ne se dévouât pour la République, & n'attirât par la vertu
surnaturelle du dévouement, la victoire dans son parti. Pyrrhus fit ce qu'il
put pour les désabuser, & pour leur persuaderpisque cette cérémonie n'avoit
rien qui dût leur donner de la terreur, qu'au aller, il ordonneroit qu'on
tirât pointer Decius au cas qu'il lui prît envie de se dévouer, mais
ne ,
qu'on le prît vivant, pour lui faire porter la peine de sa superchene. 11 fit

dire la même chose à Decius lui-même ; Mais les Consuls lui firent réponse,
qu'il n'était pas ennemi assez redoutable, pour les obliger à en venir a des
dévouëmens; qu'au reste il pût choisir, ou de passer le premier le torrent, ou
de le laisser passer aux Romains, & que lorsqu'on sera en rase campagne, on
si les Romains se servent d'artifices, pour vaincre leurs ennemis.
verra
LIll. Pyrrhus accepta le défi, & permit aux Romains de palier le torrent. Ils
Bataille en- le passérent
en effet, & se rangèrent dans la plaine proche d Aiculum. Pour
tre Pyrrhus se précautionner contre les Elephans, les Consuls avoient fait faire des cha-
& les Ro- fourches de fer, & chargez de soldats munis de tor-
riots armez de longues
Hiarns. les Elephans,
ches ou de brandons allumez, qu'ils devoient lancer contre
pour les écarter & les effaroucher, ou pour mettre le feu aux tours de bois
de reserve
qui étoient sur ces animaux. De plus, ils avoient garde un corps
de troupes Apuliennes, à qui ils avoient donné ordre d'attaquer le camp de
Pyrrhus, lorsqu'ils verroient les deux armées les plus acharnées au combat,
Pyrrhus, & de
le tout, afin de forcer ce camp, ou du moins afin d'inquiéter
faire diversion de ses forces.
Le Roy qui entendoit mieux qu'aucun Capitaine de son tems, l'art de
Trmtin. prendre ses avantages du côté de la situation des
Stratag.l.2' ranger une armée, & de
remarqué que la plaine ou la bataille se devoit donner, etoit
lieux, aïantrochers,!
remplie de embaraflee de brossailles, jugea que m la Cavalerie, ni
dernier rang.
les Eléphans n'y seroient pas d'un grand usage ; 11 les plaça au
*
Il mit à l'aile droite les troupes d'Epire ave'-Jes Samnites; a 1 aile gauche, les
Lucaniens, les Bruttiens & les Salentins. 11 mêla les Tarentins avec là Pha-
faire combattre separement.
lange, ne se fiant pas assez à leur valeur, pour les
Les Consuls avoient posté leur Cavalerie sur les aîles , & les chariots dont
parlé, étoient vis à vis les Eléphans , & ne devoient entrer en mouve-
on a s'ébranler & marcher.
ment que quand ils verroient les Eléphansde
Le combat étant commencé, il y eut part & d'autre une égale arde.ur
à combattre, & une égale envie de vaincre. Les anciens Historiens ne con-
viennent pas entr'eux ni sur lesuccés du combat, ni sur le nombre des morts,
OV
ni même sur le nombre des batailles, qui se donnèrent. Les uns croyent Plutarck.
qu'il y eût deux batailles prés d'Asculum deux jours de suite. (a) D'autres ; rn Pyrrh,.
n'en connoissent qu'une. Enfin les uns donnent tout l'avantage aux Romains, Ch)
(b) d'autres à Pyrrhus. Les plus équitables avoüent que la victoire fut long- Euirop.
& ,
eût quelque avantage, il lui couta si cher,
tems disputée , & que si Pyrrhus
qu'il avoüoit lui-même, que de telles victoires lui étoient plus désavantagèu-
ses qu'à ses ennemis-mêmes. Il est certain que pour la valeur & Popiniâtre-
té au combat, le#Romains l'emportérent sur leurs ennemis, & que sans les
Eléphans, qui mirent l'épouvante parmi les chevauxdes Romains, & quisçu-
rent éviter les chariots qu'on avoit destinez contr'eux, Pyrrhus auroit été en-
tièrement défait. *
Ce Prince soûtint longtems l'effort des troupes Romaines, _ t & rétablit
, .

même par le moïen de ses Eléphans le combat, où ses gens avoient été fort
maltraitez ; MaTs le détachement de la Cavalerie Apulienne, dont nous avons
parlé étant venu fondre sur son camp, il fut obligé d'envoyer du monde
pour les arrêter, ce qui fut cause d'un second dérangement
, dans son armée,
auquel il lui fut impossible de rémédier ; ses gens s'étant mis dans l'esprit que
leur camp étoit pris, ou que leur Cavalerie les abandonnoit ; les Romains
avec des flambeaux allumez, qu'ils mirent sous le ventre des Eléphans, les;
mirent en furie, & ces animaux retournans sur leurs pas, mirent le désordre
même dans la Phalange de Pyrrhus.
Le Consul Decius fut tué dans le combat, soit qu'il se fût dévoüé à l'ex- LIV.
emple de ses ancêtres , ou qu'il eût été tué dans la bataille en combattant Mort du
Consul De-
vaillamment. Pyrrhus y fut blessé d'un coup d'epieu. Le Lieutenant-Général rias.
Fabricius le fut de même. La nuit sépara les cornbattans, & chaque parti
s'attribua la victoire de cette grande journée; On compte qu'il y mourut en
tout au moins quinze mille hommes, tant du 'côté de Pyrrhus que de celui
des Romains. Ceux-cy dez le^ lendemain reparurent sur le chamj&de batail-
le, prêts à livrer un nouveau combat; Mais Pyrrhus se retira à Tarente pour
s'y faire traiter. Cette démarche fit juger qu'il ne se croyoit pas victorieux.
Ronie ne crut pas non plus que le Consul Sulpitius eût remporté la victoire,
puisqu'on ne lit pas qu'on lui ait décerné le triomphe.
Les Consuls QV:e la République se donna pour l'année suivante, furent C. Fabri- LV.
C. Fabricius, &CImilius Papus, deux hommes d'un mérite superieur, & cius & Q.
capables de soûtenir tous les efforts du Roy d'Epire. Les Carthaginois avoient Æmilius
alors dans la Méditerranée une flotte de six vingt vaisseaux, commandez par PapusCon-
Magon. Ce Général reçut ordre de sa République de s'avancer sur les côtes suls. An de Ro.
de l'Italie, & d'aller offrir aux Romains les services de sa flotte contre Pyrrhus.
conformité de ordres Mais les Senateurs le'remer- me 47?. du
Il parla au Senat en ses ; M. 3731,
Kk kk % ciérent
avant J. 6. ciérent poliment, en lui disant, que le Roy d'Epire n'étoit pas pour eux un
269. ennemi il redoutable , qu'ils dussent, pour lui résister, recourir aux forces de
yualn. leurs alliez; Que pour témoigner combien ils étoient reconnoiÍTans des offres
FIor. Epi- de la République, ils vouloient renouveller Carthage les anciens traitez,
1
tom. ç. &
1.
avec
que si jamais ils faisoient la paix avec Pyrrhus, ils n'y oublieroient pas les
*
PolYb. 1. 3.
Les Cartha- intérêts de Carthage. Enfin dans ce même traité conclu avec Magon, il fut
ginois of- dit,qu'au cas qu'on fît la paix avec le Roy d'Epire, il y auroit un article qui
frent leurs porteroit,que Rome étoit alliée de Carthage, & que si Pyrrhus attaquoit cette
services
République, les Romains prendroient les armes pour sa défense. Magon de
aux Ro-
mains, son côté s'engagea envers les Romains, de leur prêter secours dans leurs be-
soins, à condition que ceux qui seroient secourus , défraïeroient les troupes
qui viendroient à leur secours, & que les soldats de la flotte Carthaginoise ne
seroient pas obligez de combattre sur terre.
tfujlin.l. 1S. Magon conduisit ensuite sa flotte vers Tarente, & eut un pour parler
Plutarch. avec Pyrrhus. On n'en sait pas les particularitez; mais on sait que les Sici-
in Pyrrho. liens las de la servitude OÙ les Carthaginois les avoient réduits, pressaient for-
tement le Roy d'Epire de venir les en délivrer. C'eit-ce que craignoient les
Carthaginois, & le principal sujet du voyage de Magon étoit de l'en détour-
ner, ou même de l'en empêcher par la force, s'il vouloit l'entreprendre. C'est
pour cela qu'il fit entrer sa flotte dans le détroit, qui sépare laPSicile de l'Italie,
fous prétexte d'assiéger Rhégio.
LVi. Les deux Consuls se mirent en campagne de bonne heure, & comme
LesConsuls ils étoient d'une parfaite intelligence, ils conduisirent ensemble leur^armée
donnent a- dans le Tarentin. Pyrrhus ne parut avec ses troupes qu'après l'arrivée des
fjs à Pyrr-
hus que Consuls. Le mauvais succés des campagnes précédentes l'avoit rendu plus
son Méde- circonspect, & moins présomptueux. Les deux armées furent longtems à
cin veut s'observer, sans qu'aucune présentât la bataille. Dans cet entretems le LVlé-
l'empoi- decin de Pyrrhus vint de Fabricius, & lui communiqua le dessein
f&nner. au camp
Zonar. 1.S. qu'il avoit formé d'empoisonner son maître. Si Fabricius n'avoit consulté
que l'intérêt de sa République, il auroit sans doute accepté ces offres, &^iu-
roit bien recompensé celui qui auroit par ce moïen tout d'un coup fini la
guerre, sans risque pour les Romains ; Mais par un sentiment digne de sa
générosité, il communiqua la chose à son Collègue, & de concert ils écri.
Plutaroh. virent aujRoy en ces termes: C. Fabricius, jk Q. Æmilius Consuls, au Roy
in Pyrrho. Pyrrhui"? Vous n'êtes bon Juge ni de vos amis.ni de vos ennemis. Quand
Confer. lu lettre, faites la guerre à des gens
vous
jîul Gel!. pleins aurez cette vous verrez que vous
J.3.c.8. &t. de justice & de probité, & que vous donnez vôtre confiance à des
perfides & à des méchans. Ne croyez point que -ce soit pour gagner vôtre
amitié que'nous vous écrivons ; C'est afin que la tâche d'une si noire action
ne retombe pas sur nous, & que vous ne vous imaginiez pas, que ne pouvant
finir la guerre par la voïe des armes, nous cherchons à le faire par la trahison.
Pyrrhus aïant lû cette lettre, admira la probité de Fabricius, & dit, qu'il étoit
aussi malaisé de détourner Fabricius des sentiers de la probité, que d'arrêter
le Soleil dans sa course. Il fit des recherches sur les indices qu'on lui avoit
données, & fit pendre son Médecin convaincu de perfidie. Quelques Auteurs
nomment
disent, qu il
nomment ce Medecin Nicias , d'autres Cineas ; Quelques-uns
vint lui-même trouver les Consuls , d'autres,qu'il leur ecrivit ; d autres qu il
écrivit au Senat, d'autres que ce fut un nommé Timochares,.qui promit par
le minière de les deux fils, qui'étoient Echansons de Pyrrhus,
d'empoiion-
Prince. Il y en a qui avancent que la lettre du Medecin fut renvoyée
ner ce
à Pyrrhus ; d'autres que le scélérat même, auteur de la trahison lui fut remis.
Tant il estvrai que souvent les faits les plus certains & les plus remarquables.lont '*>
.
ceux qui se trouvent le plus alterez dans l'histoir-e,quant à leurs circonltances.
Pyrrhus ne pouvoit a1Tez reconnoître la générosité des Consuls Romains. LVII. .=•

Il leur renvoya sans rançon tous les prisonniers faits dans la guerre précé- mains Les Ro-
dé-
dente. Mais on ne voulut les recevoir, qu'à condition d'en renvoyer autant daignent
de Tarentins & de Samnites. Le Senat ne témoigna que du mépris & de la de rece-
défiance pour ceux qui avoient été renvoyez. On ne leur permit pas de voir les
servir ensemble dans un même corps, ni dans le même rang , où ils etoient prisonniers
auparavant , ni en qualité de Cavaliers , ni enfin de porter les armes contre renvoyez
étoient tombez entre les mains de l'ennemi..
Pyrrhus.Toutes marques trés-sensibles du peu d'état, qu'on faisoit de ceux qui par hus.
Pyrr-
Plutarch.
Le Roy d'Epire brûloit d'envie d'aller en Sicile, où il se promettent bien in P.yrrba..
d'autres avantages, que ceux qu'il avoit trouvez en Italie. Il désespéroit^ de
vaincre les Romains par les armes, ni de les gagner par argent, ni par mena-
ces, ni par présens. Il fit de nouveaux efforts pour persuader au Senat de
faire la paix. Le Senat lui répéta qu'il ne traitéroit pas avec lui, qu'il n'a-
bandonnât l'Italie, & n'en retirât ses troupes, 11 le relolut a quitter i Italie,
mais il ne put se resoudre à quitter la conquête ou plûtôt l'usurpation qu'il
avoit faite de Tarente.
Il étoit prêt à passer en Sicile, lorsqu'il reçut la nouvelle que Ptolemée LVIII.
Pyrrhus
Ceraunus Roy de Macédoine, avoit été tué dans un combat contre les Gau- paffe en
lois, & qu'il lui seroit aisé dans une telle conjoncture, de se rendre maître de Sicile.
la Macédoine, en s'offrant aux Macédoniens, qui demandoient un Roy. ^ On Plutarch. '
alïure que Pyrrhus dans cette occasion se plaignit de la fortune , qui lui of- in Pyrrha.
froit à la fois deux conquêtes àfaire, dont il couroit risque de ne faire ni l'une
ni l'autre. Il fut flottant assez lonstems sur le parti qu'il avoit à prendre, &
à la fin il se détermina à passer en Sicile , dans l'espérance d'aller - delà en
Afrique contre les Carthaginois. Il envoya devant lui Nicias en Sicile, pour
y préparer les voies, & disposer les esprits à
seconder ses desseins. Il n'aban-
donna pas toutefois Tarente; il y laissa Milon,& son fils Alexandre demeura à
Locres. Il s'embarqua, promettant qu'au moindre signal il se rendroit auprés
d'eux pour les secourir. Les Tarentins eurent beau lui dire,ou de demeurer
parmi eux, ou de les remettre en l'état où il les avoit trouvez ; il leur re-
pondit avec dureté, leur imposa silence, & leur dit d'attendre son tems.
Il avoit demeuré deux ans & quatre mois en Italie, & il mena en Sicile
sur sa flotte composée de deux cens vaisseaux , son armée, qui étoit de trente
mille hommes de pied, & de deux mille cinq cens chevaux. Aprés son dé.
part,quelques villes des Etruriens essayérent de secouër le joug des Romains;
Mais elles furent aisément réduites au devoir par le Consul Æll1ilius Papus.
L'autre Consul Fabricius attaqua l'armée des Tarentins, des Lucaniens, des
Bruttiens & des Samnites que Pyrrhus avoit abandonnée. Fabricius les bat-
tit, les dissipa, fit le dégât dans leur pays; & pour tenir en bride Tarente, il
porta la ville d'Herculée & quelques autres places du voisinage , à faire alli-
ance avec les Romains. Tant de services lui méritèrent l'honneur du tri-
omphe. Nous laisserons désormais Pyrrhus en Sicile, & nous continuerons
l'histoire Romaine.
LIX. Les deux Consuls de l'année 476. de Rome, furent P. Cornelius Rufinus
p. Corné- & Junius Brutus. Ce fut Fabricius qui présida aux eleftions , & qui contre
lius Rufi- son inclination fit élire Cornelius Rufinus homme intéressé & avare mais
, ,
nus , & C. grand Capitaine. Il témoigna lui-même sa surprise à Fabrfcius, de ce qu'il eût
Junius contribué àl'elever auConsulat; mais Fabricius lui repondit,qu'il avoit mieux
Brutus aimé voir la Republique entre les mains d'un homme avide d'argent, que de
Consuls.
An de Ro- la voir asservie par un ennemi redoutable. Cet ennemi étoit Pyrrhus, dont
me 476. du on craignoit le retour en Italie. Les deux Consuls conduisirent leurs armées
M. 37?2'
6.
du côté du Samnium, afin de réduire les Samnites, qui s'étoient liguez avec
avant J.
26 8.
les Tarentins. Ils ravagèrent leur païs, sans y trouver aucune résistance. Les
Zonar. 1. 8. Samnites s'étant retirez sur la montagne Cranite avec leurs femmes , leurs
Guerre enfans & leurs meilleurs effets, les Consuls les y attaquèrent, mais ils fu-
contre les rent repoussez avec grande perte & Junius Brutus ne voulut plus faire la
Samnites ,
& les guerre avec Rufinus. Ce dernier avec son armée marcha contre les Luca-
Tarentins. niens & les Bruttiens, pendant que Brutus continuoit la guerre dans le Sam-
nium.
Rufinus fit le dégât dans tout le pays ennemi, puis il s'approcha de
Crotone, pour en faire le siége. Il avoit ménagé quelques intelligences dans
la ville, au moïen desquelles il espéroit s'en rendre maître ; Mais l'intrigue
fut découverte, & Milon Gouverneur de Tarente y envoya un bon renfort de
troupes, lesquelles étant sorties brusquement sur les Romains, lorsqu'ils voulu-
rent s'approcher de la place,les repoussérent & en tuérent un assez grand nom-
Zonar. 1.8. bre. Rufinus ne se rebuta point. Il exagéra sa perte, feignit de le retirer, fit
Frontin. publier qu'il alloit du côté de Locres, & se mit en effet en mouvementcomme
Stratag.
pour faire le siége de cette ville. Nicomaque qui commandoit dans Crotone,
envoya au plus vîte un détachement de ses troupes à Locres, & Rufinus re-
venant promtement sur ses pas, surprit Crotone & s'en rendit maître.
Nicomaque à son tour quitte Locres & retourne à Tarente ; mais sur
le chemin il est attaqué, battu & mis en fuite par Rufinus ; Les Locriens
mécontens du Gouverneur & de la Garnison que Nicomaque leur avoit lais-
sée, égorgent l'un & l'autre, & se donnent aux Romains. Tels furent les suc-
cés de cette campagne.
LX. L'année suivante on élut pour Consuls Q. Fabius Gurges, & C. Genu-
Fabius tius
&
tous deux connus par leur valeur. Sous leur Consulat Rome fut affli-
Gurges , de maladie. Les enfans périssoient dans le sein
C. Genu-
gée par un nouveau genre
de même, mouroient avant que de
tius Con- de leurs meres, & les petits des animaux
fuls. naître. • On attribua ce malheur à la colére des Dieux ; Les remèdes hu-
An de R. mains étoient inefficaces, & le prétendu Dieu Esculape qu'on avoit amené à
Rome
convenable.On s'ima- 477.du M.
Rome, n'en savoit pas allez, pour y apporter le remède
gina que ficher un clou dans le T emple de Minerve dans le Capitole, pour- 37H.
voit servir à appaiser les Dieux.. On choisit un Dictateur pour faire cette avant J.
sévére Vejtale 267.
superstitieuse cérémonie, on & punit de la manière la plus une Oros. 1. 4.
nommée Sextia, convaincue d'inceste. Ce cloû étoit sans doute une choie c.2. Aug. m
magique, & s'il produisit quelque effet , ce ne pouvoit être que par l'opéra-, I.de Civit.
3. c. 17.'
tion du Demon. ' Mort des
Cette maladie n'empêcha pas les armées de marcher en campagne, ra- enfans
bius Gurges battit successivement les Samnites, lesLucaniens & les Bruttiens, danslefeim
& affoiblit tellement ces ennemis de la Republique.qu'ilsfurent contraints de de leurs
faire revenir Pyrrhus en Italie. Ce Prince avoit d'abord fait des progrés Meres.
Syracuse & Di dateur
surprenans dans la Sicile. Catane, Agrigente
,
trente autres créé pour
villes se donnérent à lui; Les Carthaginois forcez de recourir à sa clemence, ficher un
furent méprisez, dépou.ïllez d'une grande partie de leurs conquê.tes,& réduits le cloû dans
Temple
à la seule ville de Lilybée. Pyrrhus l'assiégea inutilement. Il fut obligé de de Miaet-
lever le siége. Delà il prit la résolution d'abandonner la Sicile, & de passer ve.
dans leur
en Afrique , pour y faire la guerre aux Carthaginois les forcer propre pays. LX se
de le suivre Pyrrhus esî:
Les violences qu'il exerça contre les Siciliens , pour
dans cette expédition, dégoutérent ce peuple , & lui firent regarder Pyrrhus appellé Italie.
en.
insupportable. LesCar-
comme un Tyran, dont la domination leur devint flotte,
thaginois en même tems firent partir de Carthage une pour empêcher
/ ^
que Pyrrhus ne pÚt tenter le passage en Afrique.
Ce fut dans ces circonstances que les Tarentins , les Ambassadeurs des
Samnites, des Lucaniens & des Bruttiens arrivérent en Sicile, pour le prier de
repasser en Italie. Le Roy saisit cette occasion pour se tirer d'embarras. Il
quitta la Sicile avec regret, disant qu'un jour ce beau pays seroit le Théâtre
d'une guerre cruelle entre les Rondins & les Carthaginois. Il se rembarqua
sur la même flotte, qui l'avoit amène en Sicile,, & qui étoit composée d'envi-
ron deux cens voiles. Sa navigation ne fut pas heureuse. La flotte Cartha- SfuJiinJ. 2 3'
ginoiie vint fondre sur lui, & lui brisa ou coula à fond soixante & dix de ses Piutarcb.
galéres, dissipa les autres, & les mit hors d'état de servir. Pyrrhus arriva in Fyrrha.
dans les ports d'Italie avec seulement douze vaisseaux , & à peine y étoit-il
débarqué que les Mamertins peuples d'Italie habitans dans le Bru^um, au-
,
dessus de Locres & de Rhéges, vinrent au nombre de dix huit mille hommes,
se porter sur la route que Pyrrhus devoit suivre, pour se rendre par terre à
Tarente.
Le Roy d'Epire se vit tout à coup accueilli par ces nouveaux ennemis, LXII.
dans le tems qu'il s'y attendoit le moins. Les Mamertins fondirent sur l'ar- Pyrrhus 4,
riére-garde de Pyrrhus, & Pendomnlagérent; Mais Pyrrhus y étant accouru, attaqué
Un qu'il tête, l'obligea de retirer. par les
y combattit en Heros. coup reçut à la se Mamertins
Comme on le crut hors de combat, un Mamertin d'une taille extraordinaire Pluta;-ch.
sortit de ses rangs,& défia le Roy au combat. Pyrrhus ayant encore le visage in Pyrrbo.
couvert du sang qui couloit de sa playe, court à son ennemi & le coupe en
deux, depuis la tête jusqu'en bas. Cet exploit remplit les Mamertins d'admi-
ration, & Pyrrhus continua son voyage.
En
LXIII. En chemin faisant, il prit la ville de Locres,qui, comme on l'a veu,avoit
Prisè de égorgé la garnison qui lui étoit venuë de Tarente, & s'étoit donnée aux Ro-
Locres par mains. Il traita les Locriens avec la derniere rigueur, & pilla le Temple de
Pyrrhus. Proserpine, qui étoit prés de la ville. Les richesses de ce Temple étoient
dans un abyme profond, où l'on avoit jette une multitude de morceaux d'or
& d'argent, en l'honneur de la Déefsefemme de Pluton Dieu des enfers &
des richesses. Il transporta ces trésors sur sa flotte, qui, cotoyoit les rivages,
pendant que son armée s'avançoit par terre vers Tarente. Les HistorieiK
Payens ont imputé à ce sacrilège de Pyrrhus , tout les malheurs qui lui sont
arrivez pendant tout le relie de sa vie. Ils racontent, que la colére de la
Déesse poursuivit sa flotte la brisa par une tempête, qui repoussa les débris
des vaisseaux avec tout ce ,qu'ils portoient de plus prétieux, sur les côtes des
Locriens,& que Pyrrhus fit restituer le tout à la Déesse, qui ne lui pardonna
jamais son crime,& refusa ses sacrifices d'expiation.
LXIV. Pyrrhus étant enfin arrivé à Tarente à la tête de vingt mille hommes de pied
M. Curius & de trois mille chevaux, n'osa rien entreprendre avecsipeude monde. Il ras-
Dentatus, sembla quelques troupes des Tarentins, des Samnites, des Lucaniens & des Brut-
* & L. Cor- tiens,qui augmentèrent assez considérablement ion armée.11 ne fut en état d'a-
nélius sous les nouveaux Consuls, qui furent l\1.CuriusDelltatus&L.Corne-
Lentulus gir,que
Consuls. lius Lentulus. D'abord il y eut quelques difficultez pour les enrôlemens. Le
An de Ro- Consul Curius ayant fait assembler les tribus , fit jetter au sort, pour prendre
me 478. du les noms de ceux sur qui le sort tomberoit. 11 tomba sur un jeune homme
M. 37?4- de la tribu Popilia, qui ne voulut pas se présenter. Le Consul ordonna que
avant J. G. ses biens seroient vendus à l'enchére. Comme le refraé1:aire
266. en appelloitaux
Valer. Tribuns du peuple,Curius le fit vendre à l'encan lui & ses biens. Cet ex-
Jviaxim. emple de sévérité rendit les autres plus sages. Les enrÓlemens se firent sans
' 1. 6. c. 1. difficulté, & les Consuls eurent de quoy cotnposer deux grosses armées qui
Flor. Epi- agirent séparément. Dentatus entra dans le Samnium, & Lentulus dans ,
la
tom. 1.14.
Victoire Lucanie. Pyrrhus fut obligé de partager aussi ses troupes,pour venir au secours
des Ro- de ses alliez. Il marcha en personne contre Dentatus.
mains Celui-ci connoissoit la manière de combattre des Epirotes qui étoit
,
contre celle qu'ils avoient reçuë d'Alexandre le Grand; c'esbà-dire, de réünir toutes
Pyrrhus.
leurs troypes dans un c'orps impénétrable, qu'ils appelloient Phalange. Den-
tatus se garda bien de se montrer dans une campagne plaine & unie. Il se
campa dans un endroit entrecoupé de chemins , de racines , de bois & de
rochers afin que la Phalange n'eût pas assez de terrain pour s'y étendre.
, où étoient les alliez de Pyrrhus d'en venir à une bataille, porta
L'impatience
. ce Prince à aller attaquer pendant la nuit à la lueur des falots l'armée Ro-
«
maine dans ses retranchemens. La lueur de ces feux le découvrit d'asiezloin,
& Curius sortit de son camp, & donna brusquement sur l'avant-garde des
Epirotes, & les mit en désordre. Aprés cela il rangea son armée dans les
campagnes Tauresiennes , dans un terrain trop étroit pour la Phalange de
Pyrrhus, qui ne pouvoit donner toute entiére. L'aile où commandoit le Roy,
eut quelque avantage , à cause des Eléphans qui y combattirent. L'aile op-
posée par les Romains, & celle même où Pyrrhus avoit l'avantage , fut bien-
tost
tost renversée par un corps de réserve , que Dentatus avoit laHfé exprés dans
son camp, & qui donna subitement sur les Eléphans, & les mit en désordre,
-en jettant contr'eux des brandons , qui les effraierent & les irritèrent contre
ceux-mémes qui en attendoient du secours. La Phalange desEpirotes fut
entièrement renversée. Ainsi les Eléphans dans cette occasion furent laprin-
cipale cause de la victoire des Romains. Quelques-uns font monter le nombre
des morts du côté de Pyrrhus, à trente mille hommes, d'autres le réduisentà
vingt mille. On lui prit huit cens prisonniers & douze Eléphans ; le camp Frêutht.
de Pyrrhus fut pris & pillé, & lés Romains aprés en avoir admiré la con- 1.4. c'. i.
,
itaftion, le prirent dans la suite pour modèle. LXV.
On met ici l'Epoque de l'aggrandiiïement de la Republique Romaine, Pyrrhus
Fs-
Par cette victoire elle se vit, pour ainsi dire, maîtresse de toute l'Italie ; & quitte
talie & se
Pyrrhus retiré à Tarente, ne songea plus qu'aux moyens de quitter l'Italie, retire ca
avec le moins de honte qu'il lui seroit possible. Pour soûtenir son parti Epire,
chancellant, il lui promit de tirer de grands secours des Roys ses alliez, & en
effet il écrivit dans l'Etolie, & aux Roys de Macédoine & d'illyrie, pour leur
demander des secours de troupes & d'argent; & au lieu des vèritablesrépon-
ses qu'il reçut de tous ces endroits, il en feignit d'autres, qu'il lut à ses alliez,
pour ne les pas laisser tomber dans le désespoir. Enfin après les avoir amu- Polyan.
fez par des discours & des promesses vagues, il prit tout d'un coup son parti, Stratag.l.%*
& s'embarqua avec la meilleure partie de ses troupes,disant qu'il vouloit aller
en personne chercher le secours de ses amis, qui différoienttrop de l'envoyer,
Il lai ssa dans Tarente Milon avec une forte garnison, & arriva en Epire,n'aïant
plus que trente mille hommes de troupes, Il les occupa à faire la guerre a
Antigone fils de Demetrius Roy de Macédoine & fit sur lui des conquêtes
asséz considérables. ,
Le triomphe de Curius Dentatus, qui avoit vaincu le Roy d'Epire fut LXVL
fort remarquable. On y vit ce qu'on n'avoit jamais veu en Italie des , Elé- Triomphe
phans avec leurs tours sur le dos & leurs équipages.On y vit des captifs
,
Grecs de Curius
de l'Epire, de la Thessalie & de la Macédoine, avec leurs armes & leurs lia- Dentatus
billemens, qui formoient un spedacle nouveau pour les Romains. Enfin remarqua-
on ble par ks
y vit des vases d'or, des Statues, des Tableaux des Tapisseries monumens Elépharts
,
de la magnificence des Roys successeurs d'Alexandre le Grand. , Au milieu qui y pa-
de tant de richesses, on admira la modestie du Triomphateur, qui de tant de rurent.
riches dépouïlles ne retint qu'un petit vase de bois de hêtre, dont il se ser- Senec. dt
Brevit.
voit pour les libations dans ses sacrifices. Le peuple Romain lui offrit cin- vite
quante arpens de terre ; mais il refusa cette distindion content de sept ar-
pens , qui étoit ce qu'en devoit posséder un Citoyen ,Romain. Ce grand
homme passa le reste de sa vie dans une campagne, occupé innocemment à
cultiver le petit héritage, qu'il avoit reçu de son Pere.
Sur la fin de cette année les Censeurs Fabricius & Æmilius Papus firent LXVII.
le dénombrement du peuple Romain, qui se trouva de deux
cens soixante & Sévérité
onze mille deux cens vingt quatre hommes , capables de porter les armes. des Cen-
Les deux Censeurs firent une grande réforme dans la liste des Senateurs. Ils feurs Ro-
maiai.
en rayérent tous ceux dont la vie étoit licentieuse. En particulier on en
ôt3 Cornélius Rufinus,que Fabricius peu d'années auparavant avoit fait elever
du nombre des Senateurs, parcequ'il s'étoit trouvé
au Consulat, On l'effaça
dans sa maison le poids de dix livres d'argent en vaisselle de table. Pour Fa-
bricÍus, l'antiquité a remarqué qu'il n'avoitpour tout meuble d'argent qu'une
petite saliére , dont encore le pied étoit de corne ; & Papus n'avoit qu'un
petit plat d'argent, dont il se ser voit dans ses sacrifices , & qu'il avoit hérité
de tes Pères.
LXVIll. Curius Dentatus fut continué dans le Consulat pour l'année suivante;
M. Curius Exemple rare, & qui fait voir le cas que Rome faisoit de ce grand Magistrat.
Dentatus& On lui donna
pour Collégue Cornelius Merenda de race Patricienne.Depuis
Cornélius nommé
Merenda. le depart de Pyrrhus, les Tarentins choisirent pour les gouverner un
Consuls. Nicon, qui contraignit Milon avec ses Epirotes de se retirer dans la Citadelle.
An de Ro Les Samnites & les Lucaniens n'osérent paroître en campagne, & se conten-
me 479. du térent de demeurer sur leurs montagnes où ils ne craignoient point d'être
,
M. 3-7. m.
forcez. Curius marcha dans le Samnium & dans le païs des Lucaniens. Il
avant J. C.
26 ? . n'y fit aucune action d'éclat, dont Phistoire ait conservé le souvenir. Il laiiïà
'Curius les Tarentins se consumer par leurs divisions domestiques, & leurs alliez se
dans le morfondre sur leurs montagnes, pendant qu'il ravageoit leurs champs.& leurs
pays des
Samnites
& des Lu-
L'année suivante eut pour Consuls C. Fabius Dorso, & C.ClaUdiusCani-
caniens. na. Ce dernier seul marcha en campagne, & vainquit lès Samnites, les Lu-
LXIX. caniens & les Bruttiens. L'histoire Romaine de ce tems-ci est présqu'entié-
C.Fabius
rement dénuée de lumières, par la perte que nous avons faite d'une grande
Dorso,&G. Tite-Live. Nous ne saurions pas même que Canina
Claudius partie de l'ouvrage de
si les
Canina remporta la victoire sur les peuples , que nous venons de nommer violence ,
Consuls. tables triomphales ne nous l'apprenoient. Pyrrhus craignant quelque
An de Ro- de la part des Romains, ou même des Tarentins, fit revenir auprés de lui Ion
me 4$0. du fils Helenus qu'il avoit laissé à Tarente..
14. 3-736.
avant J. C. La réputation des Romains, surtout depuis la défaite de Pyrrhus,s etoit
264. répandue dans les pays eloignez, & les Princes étrangers commencèrent à les
LXX. redouter & à rechercher leur amitié. Ptolemée Philadelphe Roy d'Egypte
Ambassade Ambassadeurs, pour faire alliance avec eux. La Republique
de Ptole- leur envoya des
fit partir pour l'Egypte quatre autres
mée Roy les reçut avec de grands honneurs , &
è' Egypte Ambassadeurs, dont le Chef étoit le fameux Fabius Gurges. Le Roy d'Egypte
aux Ra.. leur fit une reception digne de sa magnificence.. Il les invita à manger , &
mains.
leur fit présent comme il avoit accoutumé de faire à ses Convives , d'une
ïlor. 11. ,d'or. Les Ambassadeurs la reçurent par resped & par bien-
f. 18. riche couronne
Zonar. 1.7. séance' Mais aprés le repas ils mirent ces couronnes sur la tête des Statues
JEutrop-12. du Roy. A leur départ on les chargea de présens pour eux-mêmes & pour
ïfuftin. /. 18
leur République ; à leur retour
ils remirent le tout au Trésor public sans
yal. Max. s'en-rien reserverj Mais le Senat fit un decret, qui ordonna aux Questeurs de
1. *
leur rendre les presens, qui leur avoient été donnez en particulier.
LXXI. Cependant Pyrrhus aprés avoir subjugué une très-grande partie de la
L. Papirius Macédoine fut appellé dans le Peloponése par Cleonyme Roy deLacedé-
Cursar,, & ,
chatte de sa Capitale par Arée son Neveu.. Le Roy d'Epire affie^ea
$pur-. mone >
t -ace*"d'émone , y donna l'assaut & fut repoussé. Un nouveau secours étant Carvih'oç
Ce ne fut que pour aller faire Consuls.
'Venu à la ville, il fut obligé de lever le
siége.
An de
'Celui d'Argos, où il trouva la mort par une femme qui lui jetta de dessus la mC481.Ro- d1&
p latte-forme de sa maison, une pierre qui lui fit perdre la connoissance; en- M. ;7;7,.
fuite Zopyrus Macédonien lui coupa la tête. La mort de Pyrrhus délivrales avant J.
Romains d'un ennemi qu'ils craignoient toujours, quoiqu'eloigné; Les alliez a 6?.
des Tarentins que l'esperance du retour de Pyrrhus avoit soûtenus jus- Mort de
Pyrrhus.
qu'alors, perdirent courage, & les nouveaux Consuls de cette année, Papirius Défaite des
& Carvilius , réduisirent enfin les Samnites à ne pouvoir jamais se relever. Samnites,
Les Lucaniens & les Bruttiens furent de même obligez de se soûmettre. Il des Lùca-
ne restoit dans toute cette partie de l'Italie, que Tarente, qui jl'obëït pasàla des1 Brut-
niens &
Republique. tiens.
Les deux Consuls allèrent ensuite investir Tarente. Milon en occupoit OroC. /. 4.
la Cidatelle, ainsi qu'on l'a dit. Les Tarentins n'espérant plus rien de Pyrrr Florus.
hus, implorérent le secours des Carthaginois, qui vinrenfcavec une flotteaffié- Efii. -c. z4.
-ger la Citadelle , où Milon étoit avec ses troupes. Le Consul Papirius lui
fit faire des propositions ; Milon promit au Consul de le rendre maître non
seulement de la Citadelle, mais encore de la ville de Tarente. En esfet aïant
parlé aux Tarentins, il leur promit que s'ils vouloient le charger de leurs in-
térêts,il négotieroitsi bien auprés des Consuls,qu'ils neperdroient ni la vie ni
les biens. Milon parla aux Consuls & en obtint ce qu'il voulut. Les Ro-
mains entrérent dans Tarente, & se rendirent maîtres sans violence & sanset:
fusion de fang de la ville & de la Citadelle ; après quoy la flotte Carthagi-
noise se retira.
Les deux Consuls eurent l'honneur du triomphe. Le Senat & le peuple

tie de leurs champs. Ils conservérent la vie aux Tarentins ;


Romain privérent les Samnites les Lucaniens & les Bruttiens d'une par-
,
mais ils les dé-
sarmérent, leur otérent leurs vaisseaux renversérent leurs murailles & les
rendirent tributaires à la Republique. , Ainsi Rome se trouva délivrée, de ses
anciens ennemis, des Sabins des Volsques, des Etrusques,, des Ca-nipanoi%
des Tarentins, des Lucaniens, & des Bruttiens.
On a veu ci-devant que Decius Jubellus avec sa Légion avoit égorgé
,
les habitans de Rhége & s'étoit emparé de leurs villes, qu'il tenoit indé-
,
pendamment des Romains & où il se soûtenoit avec le secours des Ma-
,
mertins, qui s'étoient de même emparé de Messane en Sicile, en faisant périr
les anciens habitans de cette ville. La perfidie de Jubellus étoit demeurée
impunie, à cause des embaras où l'on s'étoit trouvé par les guerres de Pyrr-
hus & des Tarentins. Dez que Rome fut en repos, elle songea à châtier ces
usurpateurs. Jubellus avoit été chassé par son Secretaire nommé Caesius.
Celui-ci se fortifia dans Rhége, & appuyé du secours des IVleIraniens, & des
bandits du pays, à qui il avoit ouvert un azyle osa so.ûtenir un liège contre LXXIL
une armée Consulaire.
*
i
QQ!! nét:i..
Les Consuls de l'année furent C. Quindius Claudus, & L. Genucius usClaudus.
Clepsina. Ce dernier marcha contre Rhége. La ville se défendit avec une vi- & L.Genu-
cius
gueur extraordinaire & le-siége tirant en longueur l'on fut -obligé d'avoir clefina
, ,
re,ifuls. recours à Hieron Roy deSyracuse, pour avoir des vivres. Non seulement if
An de Ro.
en fournit , mais il envoya même des troupes Siciliennes au secours des Ro-
me 482. du mains. Rhége fut enfin forcée de se rendre. Le Consul Genucius renvoya les
M. 2738.
avant J. C. Me iraniens en Sicile,sans les punir
de mort. C'étoient de simples troupes au-
262. xiliaires. Les bandits qui s'étoient jettez dans Rhege, furent punis de divers
Zonar. 1.8. supplices. Ils les méritoient & comme bandits & comme fauteurs des re-
Siège de belles & perfides légionaires. Ces derniers furent renvoyez chargez de
Rhége.
* Punition chaînes à Rome, où l'on leur trancha la tête, aprés les avoir srappez de ver-
des Ro- ges;.mais pour ne pas effaroucher les esprits,on les fit mourir cinquante à cin-
mains per- quante en différens jours. Ils étoient au nombre de trois cens. On fit une
fides. recherche des Citoïens de Rhége , qui avoient échappé au massacre de leurs,
Concitoyens, & on leur rendit leurs biens & leur ville.
LXXn1., On éleva l'année suivante au Consulat L. Genucius Caïus, & Cn. Cor-
L. Genu- nelius Blasia..Leur Consulat n'esi connu que par la réduction de l'Ombrie,& par
cius Caïus l'hyveç, qui fut si extraordinaire, que l'on vit pendant 4o.jours
& Cn"Cor. la rigueur de
.ne!ius la neige dans les places de Rome à une hauteur trés-considérable. Les arbres
Consul?. & les plantes pour la plupart périrent par le froid ; il mourut une infinité de
An de R. bestiaux, & le Tibre fut glacé à une grande profondeur.
483. du M. De tous les peuples de l'Italie Orientale , il ne restoit que ceux du Pi-
9799. fussent assujettis aux Romains. On résolut de
avant J. C. cenum & de Salente, qui ne
261. les subjuguer. Mais auparavant les nouveaux Consuls Q, Ogulnius Gallus,
L'Ombrie & C. Fabius Pictor se trouvérent obligez de marcher contre un nommé Lol-
est subju- lius, Samnite d'origine, qui ayant été envoyé à Rome en qualité d'otage, s'é-
guée. à la tête d'une troupe de scélerats, avec lesquels.
Zonar. I. 8» toit échappé, & s'étoit mis
Aug, li.de il fit mille ravages dans le pays des Samnites, s'y fortifia dans un chateau, &
Civit. 1.17. fit de la ville des Caricins sa place d'armes. Les Consuls n'eurent pas de-
.LXXIV. peine de reduire le chateau de Lollius ; Mais la ville des Caricins fit une
Q^OguJni- résistance. Les Consuls la prirent toutefois par intel-
.usGalJus.& longue & vigoureuse
C. Fabius ligence pendant la nuit, & la faveur
à d'un gros brouillard. Mais comme
Pretor ils furent dans la ville , les Caricins prirent les armes & en firent un grand
Consuls.
carnage ; Fobscurité étoit telle que les soldats ne se reconnoissoient plus.
An de R. A la fin la Lune ayant reparuë dans sa clarté, les Romains firent main basse sur
484. du M.
3740i les assiégez, & demeurérent maîtres de la place.
avant J. G. Les Romains au commencement n'usoient que de mÓnnoïe de cuivre'
260. fort massïve , assez épaisse & oblongue, à peu prés de la forme d'une petite
Z,onar.l. 7. brique. Ces monnoIes étoient chargées de la figure d'un animal domestique,
Prise de -la
ville des comme une brebis , un taureau, un verrat , d'où lui vint le nom de Pecunia,
Caricins. qui dérive de' Vécus, un animal domestique ;
Depuis le Consulat d'OguInius
LXXV. & de Fabius Pittor, on commença à frapper de la monnoye d'argent.Comme
Première
on trouva beaucoup de ce métal en lingots dans les trésors de Lollius , les,
monnoye Consuls s'avisérent d'en faire frapper des piéces d'argent, qui furent nommées
d'argent Temple de Junon .surnommé Mo-
à Remc. mowta, à cause qu'on les fabriqua dans le
neta, parcequ'on tenoit qu'elle avoit donné aux Romains dans
plusieurs occa-
sions des avis salutaires ; & au lieu d'animaux qu'on représentoit anciennement
1
iic les pièces de.cuivre ,, qui entroient dans le. commerce* on, y représenta;
diw-
diverses choses énigmatiques, principalement la Déesse Viétoire. On y mar-
quoit aussi la valeur de la piéce ; X. signifioit le denier. V. le Quinaire , Olt,
Vitioriatus numus, à cause de la figure de son empreinte, qui étoit une victoire;; , A

H. S. le sesterce, qui dans les commencemens ne valut que deux as & demi.
Dans la fuite son prix augmenta à proportion de l'augmentation du denier,,
qui valut jusqu'à 16. as, au lieu de dix qu'il en valoit au commencement. Lxxn:
La guerre contre les Picentins qu'on avoit été obligé de suspendre,
, P.ScrnprDb-
sut enfin commencée sous les Consuls Sempronius Sophus,& Appius Crassus, nius
fils du fameux Appius Cæcus, dont on a parlé ci-devant en plus d'une occa- Sophus, &
lion. Sempronius fit la guerre dans le Picenum, & Appius fut obligé de se Appius
transporter avec son armée dans l'Ombrie. Il y affiéga Carçerinum , la prit CSraiîïis Go n suls.
par artifice, du moins il engagea les Camerins à se rendre soùs de specieuses An de Rv
promesses. Ensuite il les traita avec la derniére rigueur, les faisant vendre à' 485. duM.
l'encan comnie esclaves, & s'emparant de leurs campagnes. Sa conduite fut ?74T. .
désapprouvée à Rome. On leur rendit la liberté, on les reçut au nombre avant J. G. „

des Citoïens Romains, on leur assigna une demeure surle montAventin, & Guerre Î'S

on leur rendit autant de terres qu'ils en avoient perdu dans l'Ombrie. dans le Pi*,
Sempronius étant en présence des Picentins, & tout étant disposé à un cenum &
combat, la terre trembla dans le lieu même qui devoit être le champ de ba- dans
taille. Cet accident jetta la terreur dans les deux armées. Sempronius sçut l'Ombrie Valer.
en tirer avantage. Il fit entendre à se s troupes que la Déesse qui preside à la lt1ax. L 6.
terre , ou qui est la terre même , témoignoit par ce tremblement la crainte c. ç.
qu'elle avoit d'être asiiijettie aux Romains; qu'il falloit l'appaiser en lui voii- Oros. 1. 4..
ant un Temple. il le voüa en effet, & ses troupes rassurées allèrent hardi- FI19. or. L r.
Fron-
ment au combat. Les Picentins furent vaincus. Ascultfm leur Capitale se fin. c.
Stra-
rendit ; & le pays demeura assujetti & fidéle aux Romains. ta!!./;I.C.I2.;
On résolut ensuite d'aller attaquer les Salentins, peuples qui occupoient: LXXVH..
l'extrémité qu'on appelle le talon de. l'Italie. Leurs principales villes étoient Guerre
Hidrunte, Aletinm, & Brunduse. Le motif de la guerre qu'on leur fit, se dé-" contre les-
Salentins-
guisa sous celui de venger leur attachement aux Tarentins & l'accueïl qu'ils'i LXXVilll.
avoient fait à la flotte de Pyrrhus. La vraie raison de la guerre étoit la bien- L. Julius
séance & lasituation de ces villes, dont la Republique avoit besoin,pourpor-. J!.iho:& M»-
ter la guerre dans la Gréce & dans l'Illyrie.. Les nouveaux Consuls qui fu-' eulusCoii^- AttiHusROfr-

rent L. Julius Libo, & lVi. Attilius Regulus, marchèrent donc contre les Sa-" suis
lentins. Ils les battirent, & prirent Brundufe ; mais le reste du pays défen- An de Rac-
dit vigoureusement sa liberté.. Il fallut que de nouveaux Consuls vinssent de me 486. <lU:
M. 3742.
nouveau sur leurs terres. J. (S„
Numerius Fabius & D. Junius Pera ayant donc été élevez au Consulat,. avant 258*
eonduisirent d'abord leurs armées contre les Sarcinates ouSaffinates ,,peuples Guerre
d'Ombrie, qui n'étoient pas encore soûmis. Ils ne firent pas grande rési- contrel*csi ..

fiance, & entrérent sous l'obéïssance des Romains. Les Salentins furent plus-. Salentins*.
difficiles à réduire. Ils avoient attiré dans leur parti l'es Japigjens;. Mais cela LXXIX.
Numeriusî
ne put les garantir contre deux armées Consulaires réunies. Ils furent obli- Fabius Se
gez de céder, & les Consuls par un exemple nouveau & inconnu jusqu'alors,, D.-Jiiniusi
L 1.1 ^ 3 Pera ea..-
trio m- Ails».
L
An de R. triomphèrent deux fois la même année ; premièrement, pour avoir assujetti
487. les Sasfinates, & secondement pour avoir vaincu les Salentins.
Guerre Par conquêtes Rome se trouva maîtresse de toute l'Italie Orientale,
.contre les ces
aussi bien que les peuples de la Gréce, commen-
Saflinates & les villes libres de la Mer,
& les Sa- cèrent à la respe&er & à demander son amitié. Apollonie ville de Macé-
lentins. doine fut la première, qui en fit la démarche. Le Sénat reçut ses députez
flor. Epi. honneur Mais quelques jeunes Sécateurs les maltraitèrent, & de paro-
avec
tom. Lïvïu les & de
;
.1. t.?. coups dans une emeute populaire, où ces députez le rencontrèrent.
Le Senat en fut informé & les condamna à être livrez aux Apolloniates, & à
être par eux conduits en Macédoine , pour y souffrir la peine du violement
qu'ils avoient fait du droit des gens, dans la personne de ces Ambassadeurs ;
& de peur que sur la route les parens ou les amis de ces jeunes Senateurs ne
les enlevassent, on leur donna une escorte qui les accompagna jusqu'à Brun-
duse, où ils s'embarquèrent. Cette conduite pleine d'équité fit beaucoup
d'honneur à Rome, & celle des Apolloniates ne leur en fit pas moins. Ils
traitèrent civilement Fabius & Apronius ; c'est le nom des deux coupables,
& les renvoyèrent à Rome, sans leur faire le moindre mauvais traitement.
LXXX. Sous le Consulat de Q. Fabius Gurgçs pour la troÍÍlélne fois, & de L.
(VFabius
Gurges & Maiïxilius
surnommé Vitulus, la pelle le fit sentir à Rome d'une manière ter-
L. Mami- rible. On crut que c'étoit un effet de la
colére des Dieux & on découvrit
,
lius Vitu- qu'une Vestale nommée Capparonia avoit violé la sainteté de Ion état par son
lus Con- incontinence. Elle fut condamnée à être enfouïe toute vivante, & ses com-
duis. sous les coups de fouet. La Vestale prévint son
An de Ro- plices moururent
me 488* supplice en s'étranglant. Malgré les pertes des citoïens que la pelte avoit
M. 3744. causées, on trouva encore dans Rome deux cens quatre-vingt douze mille
avant J. C. deux cens vingt-quatre citoïens capables de porter les armes. On comprit
2 s 6.
Peste à Ro sans doute
dans ce dénombrement la nation des Sabins, honorée depuis peu
Nou- de la qualité de citoïens Romains. Les.Censeur£ qui présidérent à cette ré-
me.
veaux cension, furent Cn. Cornélius Blasio, & L. Marcius Rutilus. Ce dernier mal-
Quêteurs. gré ses oppositions & contre les régies ordinaires, fut continué Censeur, à
Capparo- cause de sa modération & de sa probité.
nia Vesta-
le con- Cette année se seroit passée en paix, si la ville de Volscinium située dans
damnée à l'Etrurie, ne s'étoit adressée au Sénat , pour demander Ion secours contre
être en- les affranchis de la même ville, qui par l'indolence des Bourgeois, s'étoient
fouie vive. mis
en possession des employs publics & de la Magistrature. Ces hommes
Oros. 1. -4.
Ylor.c. i*. sans naissance
& sans honneur s'abandonnèrent aux pallions les plus hon-
,
jr,al. Max. teuses & les plus cruelles, ravissant & violant les femmes & les filles libres,
1. 4. c. *• & exerçant les dernières rigueurs contre ceux qui voulaient leur rentier, ou
LXXXI- seulement se plaindre de leur indigne conduite. Ils avoient poussé l'impu-
Les affran- dence jusqu'à faire loy, que nulle fille libre ne seroit renduë à son époux,
chis s'em- une
la passion d'un affranchi.
parent de qu'après avoir été abandonnée a
Volscini- Quelques 6tolens de Volscinium furent députez à Rome , pour
um. v implorer le secours de la République contre ces Tyrans. Il fallut tenir la
Jlut. de vi. chose fort secréte; le Senat s'assembla pour cet effet dans unel'laiton parti-
ris illustr. le Consul Fabius Gurges marcheroit contre Vols-
Val. Max culière, où il fut arrêté que
/,?. ç. 1. cinium
cînium,& châtieroit les affranchis. Malheureusement il se trouva dans cette
maison un Samnite, que la maladie retenoit au lit, & qui aïant ouï le résultat
del'assemblée, en informa les coupables. Dez-que les députez arrivèrent a
Volscinium, il furent citez devant le Senat des affranchis, & condamnez a
mort, de même que les plus notables bourgeois, qui avoient été d'avis qu'on
les envoyât à Rome. LXXXIL
Le Consul Gurges croyoit surprendre la ville. Il la trouva en état de Mort de
détente, & les ^affranchis sortis de leurs portes, osérent lui livrer la bataille. Fabius
Il furent aisément repoussez, & le Consul avec les siens entra pêle-mêle avec Gurg& es..
bientôst aprés. Prix
eux dans la place. Il reçut un coup de trait, dont il mourut châtiment
Les affranchis à leur tour repoussérent les Romains , & Decius Mus, qui se de Volsçir-
trouva alors à la tête de l'armée Romaine, fut obligé d'en faire le siége dans nium..
les formes. La ville fut prise & rasée l'année suivante, sous le Consulat de
M. Fulvius Flaccus.

LIVRE XXIV.
AVant que d'entrer dans le récit des guerres que les Romains & lesl'His-
Car.. r.
thaginois eurent les uns avec lesautres, & qui sont connuës dans Etat des-
toire fous le nom de Guerres Puniques, d'un nom qui dérive de Punique affaires des-
Carthagi-
Phenicien, parceque les'Carthaginois étoient Phéniciens & Ty-
ou Phenile ou nois du
riens d'origine ; Il faut reprendre les choses d'un peu plus haut. Nous tenisde li..
avons veu d'ailleurs les guerres que les Carthaginois firent en
Sicile, tant con- prenaiére
tre Denys le Tyran, que contre Timoleon, & de quelle manière ce dernier guerre Punique.
fit la paix avec les Carthaginois. Hanon
Vers ce même tems, un nommé Hanon Carthaginois trés-riche & tres- veut faire
puissant forma le dessein de s'emparer de la Tyrannie à Carthage , en faisant perir tout
mourir tout le Senat de cette ville. Dans un grand repas qu'il vouloit don- Carthage.le Senat de:
le
ner aux Senateurs, le jour même des noces de sa fille, il fit empoisonner
n'osa guJtin.
vin qu'on leur devoit servir. La chose fut découverte j mais on en pour- l. &i. C. 4*
suivre la vengeance, tant le crédit du coupable etoit grand. On se contenta
de fdire une ordonnance, qui défendoit la trop grande Inagniticence des repas
des noces, & qui en Iimitoit la dépense. Craignant la vengeance & la hai-
dont le nombre alloit
ne publique dont il s'étoit chargé, il arma ses ésclaves, fort. Delà il follici-
à vingt mille, & se retira dans un chateau extrêmement
ta les Africains sujets de Carthage, & le Roy des Maures, a entrer dans fore
parti. II n'y réunit pas; Onl'assiégea & on le força dans sonChâteau. Amene'
O-n lui cassa les os.
a Carthage, on lui fit souffrir les-plus cruels supplices.
des bras & des jambes, on lui créva les yeux & on le fit mourir ibus les»
coups de fouët. Son corps fut attaché à une potence, fesée,-ifans & toute sa?
parenté, quoyqu'innocente de son crime, furent enveloppez dans son mal-
heur. On les sit tous mourir^
-âpres
lI. Aprés qu'Alexandre le Grand eut conquis l'Egypte, les Carthaginois
Amilcar craignant que ce Conquérant ne pouffât ses conquêtes plus avant dans l'Afri-
-auprès
d'.\lexan. -plusque, envoyèrent un de leurs citoïens des plus adroits, des plus Toupies &des
dre le insinuans, à la Cour de ce Prince, avec ordre d'observer adroitement tes
Grand. desseins & les démarches. Cet homme s'appelloit Amilcar. Il se donna à
Vers l'an Alexandre pour transfuge de Carthage ; & comme aïant de grands sujets de
du .monde -mécontentement de sa patrie 11 Parmenion, & par son nioïen trouva
*674.
; gagna
uflin. de l'accés auprès d'Alexandre , à qui il s'offrit pour soldat dans ses expédi-
J.2.1. c. 6, tions militaires. On s'apperçut bientôst qu'il abusoit de la confiance du Roy,
& qu'il donnoit avis à Carthage , de tout ce qui se passoit, en écrivant sur
des tablettes de bois, qu'il avoit soin d'enduire ensuite de cire, de manière
qu'il n'y paroissoit aucune écriture. On se contenta de se défier de lui. On
ne lui fit d'ailleurs aucun mal. Après la mort d'Alexandre il revint dans son
païs, où il fut accusé& condamné à mort, comme aïant trahi sa patrie auprès
d'Alexandre. Carthage étoit presque toujours cruelle & ingrate envers ceux
qui lui avoient rendu les plus importans services.
m Timoleon aïant rendu la liberté à Syracuse &aux autres villes de Sicile,
Histoire ainsi qu'on l'aveu.Syracuse fut gouvernée d?abord par deux Magistrats, choi-
d'Agatho- sis par le peuple, & par un Sénat composé de six cens Senateurs. Ensuite
cle Tyran le peuple chassa & les Magistrats & les Senateurs, & établit en leur place le
deSyracufe
tfuftin. 1.22 gouvernement populaire;
Enfin Agathocle s'empara de la souveraine autorité,
.t. 1. 2. &c. & gouverna
sous le nom de Tyran, qui alors n'emportoit pas une idée aussi
Diodor. odieuse, qu'il fait aujourd'huy. Il faut donner en peu de mots l'IIistoired'Aga-
Si cul. 1. 19 thocle. Il eut pour Pere un nommé Carcinus, qui aïant été chassé de Rhé-
f 67 L. 672. gio sa patrie, se retira ensuite dans la ville de Thermes , qui obéïssoit alors
>

aux Carthaginois. Delà il vint s'habituer à Syracuse, où quelque tems après


Timoleon accorda le droit de bourgeoisie à tous ceux qui voudroient s'y
établir. Ainsi Carcinus & son fils Agathocle devinrent citoïens de Syracuse.
Ils étoient si peu à leur aise, qu'ils gagnoient leur vie à fàire de la poterie de
terre.
Comme Agathocle étoit r très-débauché & d'une très-grande beauté,
il donna dans mille désordres, souffrit & commit mille infamies. Un riche
bourgeois de Syracuse, nomme Damas dont il étoit aimé, le mit un peu plus
à son aise , & lui donna une charge de Capitaine de mille hommes; Il mon-
ta à la charge de Tribun , qui lui donna lieu de faire connoître son adresse
& sa valeur. Damas étant mort, Agathocle épousa sa veuve, avec qui il avoit
entretenu un commerce honteux, & se vit tout a coup maître de grandes ri-
,chesses. Il se trouva dans l'armée que les Syracusains envoyèrent au secours
des Crotoniates assiégez par les Bruttiens. Agathocle s'y distingua par ses
exploits, mais Heraclide & Sosisirate, qui étoient les Chefs de l'armée, sur
toutSosistrate piquez dejalousie, lui refusérent les recompenses qui lui étoient
duës. Agathocle s'en vengea, en les accusant publiquement d'aspirer à la ty-
rannie ; mais on négligea ses accusations, & Sosissrate fut établi Chef des Sy-
racusains.
Agathocle n'osa revenir dans sa patrie. Il essaya avec ceux qui lui étoient
attachez,
obligé de se
attachez de s'emparer de Crotone , mais il fut découvert &
retirer à Tarente , où il eut quelque employ parmi les troupes étrangères,
oui étoient au service de cette Republique. Comme on remarqua qu il tra-
moit quelque chose contre la ville, on lesecours congédia. Ensuite ayant ramasse une
de vagabonds il les mena au de Rhége assiégée par Hera-
troupe ,
C*Iide&Sosisirate ses ennemis. -
Syracusains dissérent Sosistrate & six„ cens des,
Peu de tems aprés les
Gouvernement populaire.
principaux Senateurs de leur ville,& y établirent leCarthaginois,firent la guerre
Ces Senateurs & ceux de leur parti appuyez des
Syracusains. Agathocle qui étoit revenu à Syracuse, ne manqua pas de
aux Il se distingua dans cette guerre par
se joindre au peuple contre Sosistrate.
sa conduite & par sa valeur; Enfin la paix ayant été
faite,& les exilez étant
rentrez dans la ville, Agathocle fut obligéville. d'en sortir, & se retira a Murgante,
où il fut créé Chef des troupes de cette Il prit la ville des Leontins,
& osa même assiéger Syracuse. Cette ville implora le secours d'Amilcar, qui
commandoit les Carthaginois de Sicile. Amilcar y vint avec ses troupes, & fuftn.
Syracuse se défendit si bien,qu'Agathocle fut obligé de prier ce Général des 1. 22. C,
de moyenner la paix entre lui & les Syracusains. censer.
:%*,

troupes Carthaginoises, puissance d'Agathocle, fit alliance avec lui, & lui pro- Diodor.
Amilcar qui craignoit la
fit d'employer autant de forces en sa faveur contre les Syracusains, que lui 1.19*
Agathocle en employeroit des siennes pour favoriser les Carthaginois en
Virile Par ce moïen Agathocle non seulement fut reçu à Syracuse ; il y fut
même établi Gouverneur, après avoir promis avec serment dans le Temple
de Cerés, de ne rien entreprendre contre le Gouvernement populaire.
Il promit en même tems à Amilcar, èn mettant la main sur les feux sa-
crez,d'exécuter le dessein qu'il avoit formé depuis longtems, de s'emparer de
la Tyrannie de Syracuse. L'occasion s'en présenta bientost. Le bruit s'étant
répandu que quelques mécontens avoient ramassé des troupes aux environs
de la ville d'Erbite, il reçut ordre de marcher contre eux, & de lever autant
11 fait donc promtemeiiC
de troupes qu'il lui en faudroit pour les dissiper.
une levée de gens qui lui étoient depuis longtems affidez, & qui pour leurs
intérêts particuliers haïtsoient le Senat de Syracuse. Il leut joignit plusieurs
bourgeois, qui par le mauvais état de leurs affaires, ou par leur pauvreté, sou-
haitoient un changement dans la ville. 11 les fit tous assembler dans la

place nommée de Timoleoll,& y manda Pisarque & Décles qui étoient à la


tête des six cens Senateurs. 1V.
Ceux-ci s'y rendirent, non seuls, mais avec quarante de leurs amis. Auffi- Agatho-
cle s'em-
tost Agathocle crie à la trahison & qu'on veut attenter à sa vie. Il les arrête pare de la
& accuse le Senat comme ennemi de la liberté. Les soldats & le peuple ani- souveraine
mez par ses discours,se jettent sur les Senateurs, les mettent à mort & pillent autorité à
leurs maisons. Le soldat & le menu peuple, sans distinguer l'ami de l'ennemi, Syracuse.
ni l'innocent du coupable, font main basse sur les riches, sur leurs ennemis An du M.
3686.de
particuliers, sur tous ceux qui font résistance. La ville est remplie de sang, de 429. R.
violences, de brigandages. On compta plus de quatre mille morts. Il s'en avant J. G.
sauva environ six mille, qui se retirérent pour la plupart à Agrigente. 314.
J'om. II. M m ni m Agatho-
Diodtn". AgathQcle s'étant ainsi défait de tous ceux qui étoient en état de s'op-
1.19. poser à sa Tyrannie, assemble ce qui ressoit de bourgeois à Syracuse & les
ffujlin. harangue, se vantant d'avoir purgé la ville des ennemis de la paix & de la li-
A 22.
berté. Puis ôtant sa Casaque militaire, il se revêt d'un manteau, pour montrer
qu'il vouloit cy-aprés vivre dans la ville sans distinction , ni employ, mais en
simple bourgeois; il n'ignoroit pas que l'assemblée étant composée de gens
qui lui étoient tous dévouez, & qui se sentant souïllez de crimes,& coupables
de vols & de violences, ne pourroient éviter le châtiment, s'il renonçoit au
commandement commencèrent à le rétenir 8t a le conjurer de ne les pas
,
abandonner. D'abord il feignit de résister ; enfin il céda à leurs priéres, &
dit, que puisqu'ils l'en prioient, il se chargeroit du Gouvernement, niais qu'il
ne vouloit point de Collègue , pour n'être pas responsable des fautes que
d'autres pourroient commettre centre les loys. Sur le c'hamp on l'établit:
Chef de, la Republique à la pluralité des voix. Plusieurs des principaux ci-'
toïens ne virent ce changement qu'avec une peine incroyable, mais les plus
pauvres & ceux qui étoient accablez de dettes, s'en réjouïrent7Agathocleleur
aïant promis solemnellement de casser tous les contracts d'obligation, & de-
distribuer des terres à ceux qui n'en avoient point. Apres cela il s'étudia à
gagner les Syracusains par ses manières, les comblant de bienfaits, ou leur fai-
sant de belles promesses. Au lieu d'affeéter des airs de hauteur, il ne prit point
le Diadème, ni de gardes. " 11 étoit doux, affable & d'un facile accés; ce qui
lui acquit l'aftèdion de la plupart des Syracusains. Il s'appliqua eiisuiteà*
faire de nouveaux vaisseaux, & à faire forger des armes ; il fit valoir les reve-
nus de la ville, & se rendit maître des chateaux & des bourgades de la cam-
pagne.
F. Deux ou trois ans aprés Agathocle résolut de se rendre maître de lVltf-
Guerre sine. Il tenoit un chateau de la dépendance de cette ville ; il promit de le
d'Agatho- remettre, si on lui payoit trente talens d'argent. Il reçut cette ibmme, & aU'
cle contre lieu de rendre le fort il entreprit même de surprendre la ville de Messine,.
Messine. ,
Di,*odor. dont il savoit qu'une partie des murs étoit renversée. Il fit partir de la Ca-
Il.19 P-707. valerie pendant la nuit , & lui-même s'embarqua avec quelques troupes,,
ièc. esperant de surprendre la place ; mais il fut découvert & obligé de se retirer
An du M. à Syracuse. Aprés la moisson il revint contre Messine ; mais il y trouva
36S8.
tant de résistance , sur tout de la part des Syracusains exilez qui s'y étoient
retirez , qu'il donna loisir aux Ambassadeurs des Carthaginois de venir lui
dénoncer, que faisant cette guerre au préjudice des traitez, ils seroient obli-
chez de lui declarer la guerre r s'il ne retiroit ses troupes ; il fut obligé de
céder & même de rendre le fort de Myles qu'il avoit pris.
17L
des Cependant les Syracusains, qui s'étoient retirez à Agrigente, ne cessoient
Guerre
Ag-rigen- de presser les Chefs de cette Republique, de s'opposer aux progrés quefaisoir
tins contre Agathocle dans la Sicile; Les Agrigentins lui déclarèrent la guerre , s'alliè-
Agathocle.> rent
avec ceux de Gela & de Messine , & députèrent quelqu'uns des exilez
Diod. 1.1S'. de Syracuse à Lacédémone,
pour demander du secours aux l,acédéi-»onieils-
P-709. 7lcv Acrotate fils du Roy Cléomenes s'offrit à les servir ; il s'embarqua avec quel-
La même
annÚe, ques troupes,, toutefois sans l'ag,réulentdesEphores).&
à
étant arrivé Tarente"
Colonie*
il les Tarentins à envoyer, vingt Galères
arédémone, engagea
5n secôursde Agrigentins. Il se rendit ensuite à Agrigente, & sut reconnu
T
des
Chef de la Republique. Mais il se gouverna avec tant d'insolence & de cru-
-Tnté ouel'on fut contraint de le dépouïller du Gouvernement; enfin craignant
quelque choie de pis, il s'en retourna à Lacédémone , & les Tarentins rap-
pellerenUeure^vaiflfeauXo^ paix,troupes.
fit la la médiation d'Amilcar Carthaginois,
Agathocle & les villes dAgrigente-, de Gela & de Messine; & en voici les
nH-p
villes Gréques d'Héraclée, de Selinunte & d'Himéredemeu-
Articles • Que les
reroient'comme auparavant sous la domination des Carthaginois ; que toutes
villes demeureroient libres sous la direétion & le Gouvernement
les autres
des Syracusains.Cependant
Agathocle continuant à maltraiter les villes alliées des Car-
,
sans qu'Amilcar se mît en peine de le réprimer, les
alliez en pOE-
thaginois
èrent leurs plaintes au Senat de Carthage acculant bien moins Agathocle,
,
qu'Ariiilcar qui sembloit agir de concert avec lui. Ces nouvelles mdispose-
les esprits contre Amilcar mais comme il étoit absent, & a la tête une
rent ;
sa conduite m
armée, on n'osa ni le mander pour venir rendre compte de _
publier le décret qu'on avoit porté contre lui, de peur qu neil se révoltât &
portât les choses à l'extrémité. Sa mort arrivée bientost après, rendit 1 arrêt
ne
inutile. puis-
la , concluë avec les Agrigentins , Agathocle affermit
famment sa domination, assujettissant les villes & les chateaux a son obéïf-
augmentant ses revenus & ses troupes. Car outre les troupes de by-
sance,
racuse & de ses alliez, il avoit dix mille hommes de pied, & trois mille cinq
chevaux de troupes étrangeres, & avec cela grande quantité d'armes de
cens
toutes sortes dans ses Arsenaux. Vil
Il s'attendoit bien que les Carthaginois mecontens de* 1i, alliance qu 'il Prise de
avoit faite Amilcar, ne manqueroient pas de lui faire bientost la guerre.
avec fut
Messine
Il se-prépara à leur résister; Messine étoit la seule ville de Sicile, qui enne- par Aga-
mie d'Agathocle. Les exilez de Syracuse qui s'y étoient retirez depuis la thocle."
paix concluë entre Agathocle & les Syracusains, entretenoient leur animosité Diodor.
lui. Agathocle envoya contr'eux Pasiphile Général de ses troupes. /. 19 p
contre
Celui-ci entra brusquement sur les terres des Messéniens, & y commit de >
72*7.

grands dégâts, fit plusieurs prisonniers, puis s'étant présenté devant la ville,
exhorta les Messéniens àembrasser l'amitié du Roy, & à ne le pas forcer à leur
faire h guerre en soûtenant ses ennemis. Les Messéniens ne se croyant
assez forts pour résister à Agathocle, renvoyérent ces exilez & lui ouvri-
pas usa d'abord avec beaucoup
rent les portes. Il entra dans la ville, & en six
d'humanité ; mais ensuite il fit mourir environ cens des Principaux des
Messéniens & des Tauroméniens, qui étoient contraires à ses desseins ambi-
tieux. Les Messéniens virent ces choses avec douleur 5 mals il ne pou-
voient plus se soustraire à sa domination.
Viii. De Messine il marcha contre Agrigente, dans la vue de s'en emparer
Hoftilitez Mais il n'osa rien entreprendre à cause d'une flotte de soixante vaisseaux de
d'Agatho- Carthage,qui était arrivée depuis
cle contre y peu. Dez-ce moment il ne ménagea plus
les Cartha-rien avecles Carthaginois. Il fit le dégât dans leurs terres, & prit par force,
ginois. ou par composition la plupart de leurs forteresses; ce qui obligea Dinocrates
Chef des exilez de Syracuse de se rendre à Carthage, pour informer cette
Republique des entreprises d'Agathocle.,
En même tems il envoya Nym-
phodore un de ses amis, avec une bonne troupe de ceux qui lui étoient atta,
chez, il l'envoya disje pour s'emparer de la ville de Centorippe, dans la-
quelle il avoit des, intelligences.
,
Nymphodore & les siens entrérent dans la
place j Mais les principaux Magistrats l'ayant appris le mirent à mort avec
r
ceux qui étoient venus avec lui. Agathocle en prit occasion de faire mourir
tous les bourgeois de Centorippe , comme gens qui cherchoient à changer
l'état de la Sicile.
Dans ces entrefaites les Carthaginois entrèrent dans le port de Syra,
cuse avec cinquante vaisseaux. Mais ils n'y firent rien de considérable. Dino-
crates Chef des exilez étant de retour de Carthage , se mit à la tête de trois
mille hommes de pied,& d'environ deux mille chevaux & s'empara de la
»
ville de Galarie, dont les habitans chassérent la fadion d'Agathocle. Celui-ci
*
çnvoïa contre lui Pafiphile & Denl0phile, qui livrérent la bataille à Philonide
son Collègue. On se battit avec beaucoup de courage; Mais Philonide aïant
été tué,. l'aile qu'il commandoit prit la fuite, & Dinocrate lui-même fut obli-
gé de se retirer. Pallphile reprit Galarie, & Agathocle résolut d'attaquer
avec toutes ses forces les Carthaginois , qui étoient campez sur une hauteur
prés la ville de Géle." Les Carthaginois n'osérent accepter la bataille,& Agit-
thocle se retira à Syracuse.
lX. Les Carthaginois résolurent enfin de faire serieusement la guerre à Ag:}.
LesCartha- thocle, & pour cet effet equippérent une flotte de cent trente galéres,dont.
ginois font i{s donnèrent le commandement à Amilcar fils de Giscon. Ils lui donnè-
la guerre
à Agatho- rent
deux mille soldats Carthaginois, dont plusieurs étoient d'une naissance
cle. illustre, & plus, dix mille soldats Africains mille autres tirez de la Tvrrhé-
,
Qlymp. nie, deux cens conducteurs de chariots, & mille frondeurs tirez des Baléares,
117. 2. La flotte étant partie du port de Carthage, fut accueillie d'une violente tem-
An du ]V!. pête, qui fit périr soixante galéres & deux
3690. cens vaisseaux chargez de froment;
avant J. G. la perte
des hommes ne fut pas moins considérable ; Carthage en prit le
310. deuïl public, qui consiste principalement à couvrir les murs d'étoffes noires.
Diodor. Amilcarne laissa pas avec les débris qu'avoit épargnez la tempête, & avec ce qu'il
I.19 p.728. ramassa de
troupes en Sicile, de former une armée de quarante mille hom-
mes, & de cinq mille chevaux. Agathocle de son côté perdit vingt de sesvais-
seaux, qui tombèrent entre les mains des Carthaginois.
X. Ce qu'il craignoit le plus, étoit que la ville de Gele ne tombât entre les
Agathocle
s'empare mains
de ses. ennemis parcequ'elle lui étoit fort nécessaire dans la con-
(le Gele.
,
joncture des affaires.
solddts
,
Il y fit donc entrer par pelottons un nombre de ses
qui surpassoit celui des bourgeois. Alors il y vient lui-même,accule
les citoïens d'avoir voulu livrer la place. aux ennemisv& en fait mourir plus
etc:
de quatre mille. Il s'empare de leurs biens , & ordonne a tous les habitans
de Géle,d'apporter tout ce qu'ils avoient d'or & d'argent monnoyé ou autre-
ville, y laissant une bonne
ment, & de Je lui livrer. Aprés cela il sort de la nommée Phalerie , & les
Garnison. Son armée se campa sur une hauteur
Carthaginois sur une autre éminence » nommée Ecnome ou scélerate.
les deux armées étoit une riviere qui servoit comme de barriére entr elles ;.
r
ni l'une ni l'autre n'osoit entreprendre de la passer '
Un événement non prémédité occasionna une adïion generale.Des sol-
dats Siciliens aménoient à leur camp quelques bestiaux, qu'ils avoient pris à
la campagne. D'autres soldats Carthaginois passérent la rivière pour venir
leur enlever leur proye. Agathocle qui s'en étoit douté, avoit mis sur le
fleuve une embuscade dans un lieu caché. Dez que les Carthaginois furent
passez, l'embuscade tomba sur eux,& les tailla en pièces. Durant le trouble
de ce choc, Agathocle attaque le camp des ennemis & le force. Les Car-
thaginois n'eurent pas le tems ni l'espace de se ranger en bataille * ils se dé-
fendirent toutefois avec beaucoup de valeur, & Amilcar aïant posté ses fron-
deurs des Isles Baléares , à portée des Syracusains , ils en tuerent un trés-
grandd'une nombre ; car personne ne les égale dans l'-art de lancer des pierres
'une grosseur considérable , & ils les lancent avec tant de roideur , que
nulle sorte d'armes ne leur résiste. Ainsi les Siciliens furent repoussez de ce
côté-là.
Agathocle les attaquoit d'un autre côté & commençoit à prendre le
dessus lorsque tout à coup on vit paraÎtre un nouveau renfort qui venoit Viétoire _/
/
, des Car-
d'Afrique aux Carthaginois. Alors les Siciliens attaquez de front & en queue, thaginois,
ne purent se soûtenir plus longtems ; Ils prirent la fuite & se sauvérent, les contre
uns vers leur camp, qui étoit à quarante stades du champ de bataille, & plu- Agatboclev
sieurs furent taillez en piéces dans leur fuite ; Les autres se jettérent dans le
fleuve Himére,& la plupart y périrent Agathocle perdit dans ce combat en-
viron sept mille hommes, &"les Carthaginois environ cinq cens, Agathocle
avec le débris de son armée se retira à Géle , après avoir mis le feu à son
camp. Il auroit aisément pu se sauver à Syracuse , mais il aima mieux de-
meurer à Géle,afin d'y attirer Amilcar, & pendant ce tems donner le tems aux
Syracusains de faire leurs moissons.
Amilcar découvrit le dessein d'Agathocle, & au lieu de faire le siége de
Géle il s'appliqua à attirer à l'obéïssance des Carthaginois tout ce qu'il put
,
de chateaux, de villes & de forteresses dans la Sicile. Camarine, Catane,
1 auroméne, Leontine, Messine y Abacéne & plusieurs autres villes à l'erm
se rendirent à luy, XlT.
Agathocle vint ensuite à Syracuse, répara les brèches de la ville,& semit Agathocle
pa{feen
en état de porter la guerre en Afrique. Cette entreprise paroissoit téméraire Afrique.
& impraticable ; mais ce Prince s'étoit mis dans Pesprît que les Carthagi- Diodor.
nois, qui vivoient dans l'oisiveté & dans l'abondance , qui jouïssoient d'une /.20./7.734,
profonde paix qui ne connoissoient ni les dangers d'e la guerre, ni les tfbijlin*
,
travaux qui l'accompagnent , feroient aisément vaincus par une trou- l.Olymp;.. 22. c. 4,
.

pe de soldats résolus & aguerris. Que leurs alliez, qui ne cherchoient que 117- î-
Mm m m j Facca*.
cannée l'occasion de secouër le joug, seroient ravis de voir des étrangers leur tendre
d'Agatho- les mains, qu'enfin il alloit s'enrichir lui & les siens par le pillage des envi-
cle. du M. rons de Carthage. Il garda sur son entreprise un secret impénétrable ; &
3'692. lorsque les Carthaginois eurent formé le siége de Syracuse, il se contenta de
ayant J. 6. déclarer aux assiégez, qu'il avoit trouvé un moïen seur de vaincre leurs enne-
,308.
mis ; qu'il n'y avoit qu'à supporter pendant quelque tems les incommoditez
d'un siége, que si quelqu'uns en craignoient. le danger, il leur laissoit la li-
berté de sortir de la ville. Il n'en sortit que seize cens personnes.
Pour lui, il ne prit avec lui que cinquante talens, disant qu'il trouve-
roit assez d'argent dans le païs ennemi. Il Lûssa dans Syracuse Antandre son
frere avec assez de troupes & de vivres, pour faire une bonne défense ; Il
affranchit tous les esclaves, qui étoient en âge de porter les armes, leur fit
prêter serment, & les embarqua-avec le reste de ses troupes Il mena avec
lui ses deux fils Archagathe & Heraclide, & partit du port de Syracuse, sans
Les uns soupçonnoient qu'on
que personne sçût où l'on alloit débarquer. Sardaigne» & d'autres aux côtes de
en vouloit à l'Italie, .d'autres à l'Isle de
Sicile, qui obéï,.Ifoient aux Carthaginois.
J. 2.0" Diodore de Sicile remarque qu'il fit armer toute l'Infanterie qui devoit
faire le voyage avec lui, maie qu'il se contenta d'ordonner aux Cavaliers
d'embarquer leurs equipages, c'est-à dire, la selle & la bride, avec promesse
de leur fournir des Chevaux, quand ils seroient débarquez ; & pour faire
l'argent qui lui étoit nécessàire, il en emprunta des marchands. 11 prit dans
les Temples quelqu'uns des plus riches prése'nf) qui y étoient, il dépouilla les
femmes de leurs ornemens, & confisqua les biens des plus riches qui étoient
sortis de la ville. 11 n'avoit qu'environ soixante vaisseaux, lorsqu'il entreprit
de passer en Afrique, & les Carthaginois étoient maîtres du port de Syracuse.
Il attendit le moment que les vaisseaux Carthaginois donnoient la chasse à
quelques Navires qui apportoient du blé dans la ville. Alors voyant la sor-
La flotte Cartha-
tie du port libre, il mit aussitost à la voile & prit le large. de froment, se
ginoise, croyant qu'il venoit au secours des navires chargées ^

tournèrent de son côté, & donnèrent lieu au convoy d'entrer dans Syracuse,
où la disette commençoit à se faire sentir. Il n'auroit pû échapper à la dili-
& à la légéreté des vaisseaux Carthaginois, sans la nuit qui survint.
gence
Le lendemain il y eut une Eclypse de Soleil, qui fut telle qu'on voyoit briller
les étoiles dans le Ciel. Agathocle & les siens firent de si grands efforts de
qu'ils arrivèrent sur les côtes d'Afrique, en l'endroit nommé les car-
ramer '
riéres. Dez-qu'ils furent à portée, ses soldats se *Lettérent dans l'eau & arrivè-
rent heureusement à bord. Pour lui, il repoussa avec valeur les plus agiles
des galéres Carthaginoises, qui s'étoient avancées sur lui à la portée du trait.
-Ylli. Etant ainsi abordé en Afrique, il tira ses vaisseaux à terre, harangua ses
Agathocle troupes leur dit qu'il avoit fait voeu à Céres & à Proserpine, Déesses de son
aborde en païs de brûler en leur honneur les vaisseaux de sa flotte. En même tems
Afrique. lui présente une torche allumée, on en présente de même à chacun des
on
Chefs. Agathocle le premier met le feu à sa galére, tous les autres en
font
& ordonne à ses soldats
autant ; - en même tems il fait sonner les trompettes de
«
de jetter les cris de guerre. La chose se fit avec tant de précipitation, qu'ils
n'eurent pas le loisir de refléchir sur les suites de ce qu'ils venoient de faire, &
qu'Agathocle les avoit mis parlà hors de l'état de retourner jamais dans-
leur patrie; après considérant la chose de sang froid, ils tombèrent dans une
profonde tristesse, & un morne silence succéda aux acclamations. Pour les-
distraire de ces tristes pensées, il les mena tout de suite contre une place
nommée la Grand-ville , de la dépendance de Carthage, & qui n'étoit pas,
éloignée du lieu où il a voit débarqué.
Le chemin qui conduisoit à la Grand-ville, formoit le spectacle le plus Prise de la,
agréable que l'on pût s'imaginer. Ce n'étoit que prairies entrecoupées de grand-vil»
ruisseaux, que maisons de campagne bâties superbement, que jardins déli- le.
cieux, qu'avenuës plantées d'arbres fruitiers. Le soldat arrive à la ville, & la
prend sans résistance. Agathocle l'abandonne au pillage. Delà il marche con-
tre Tunis, qui ne lui coûta pas plus à réduire. Tunis n'étoit qu'à deux mille
de Carthage. Les soldats auroient voulu qu'Agathocle conservât ces conquê-
tes,& qu'il y mît garnison. Déja ils y avoient mis les dépouilles qu'ils avoient
prises sur l'ennemi; Mais Agathocle avoit d'autres veuës. Il vouloit aupara-
vant livrer bataille aux Carthaginois, & porter la terreur dans tout le païs.
Ainsi il détruisit la Grand-ville & Tunis, & s'approcha de Carthage comme
pour en faire le siége.
L'allarme fut extrême dans cette grande ville. En voyant la hardiesse
d'Agathocle, on ne pouvoit s'imaginer que l'armée Carthaginoise n'eût pas
été défaite en Sicile. Le Senat & le peuple également effrayez délibérent sur
les moïens de repousser l'ennemi. On leve à la hâte quarante mille hommes;
d'Infanterie, mille chevaux & deux mille chariots de guerre. Tous étoient
bourgeois de Carthage; Car on n'avoit pas eû le loisir de recourir aux alliez»
ny de ramasser des troupes étrangères. Cependant la flotte Carthaginoise,.
qui avoit suivi celle d'Agathocle, envoya promtement à Carthage, pour y ren-
dre compte de l'état où étoient les choses à Syracuse & en Sicile. Ces en-
voyez rasfûrérent un peu les Carthaginois, mais on blâma beaucoup -la flot-
te qui étoit devant Syracuse, de ce qu'étant maîtresse de la Mer, elle n'avoit
pas empêché les Syracusains de passer la Mer, & de porter la guerre en Afri-
que. ^
On nomma deux Généraux Hannon & Bomilcar, quoiqu'ils fussent e,u XV:
division pour des quérelles de famille. Le combat se donna; Hannon com- Défaite (lic g;
mandoit l'aile droite avec la Légion sacrée qu'on tenoit pour invincible.. Carthagi-
,
Bomilcar avoit l'aîle gauche où il rangea ses troupes Phalange, battail- nois par
en ou Agathoele*.
Ion quarré oblong, la situation du lieu ne permettant pas de les disposer au-
trement. Les chariots & la Cavalerie étoient à la tête de l'armée. Agatho-
cle aïant bien examiné la disposition de l'armée ennemie, donna l'aîle droi-
te à son fils Archagathe, avec deux mille cinq cens hommes de pied, après
ceux-cy étoient trois mille cinq cens soldats Syracusains; puis trois mille sol-
dats Grecs, & trois mille autres soldats du nombre des Samnites, des Celtes;
il
& des Tyrrhéniens. Pour lui, se mit au centre de la bataille, avec ses gar.
des & mille bons soldats, qui devoient combattre contre la Légion sacrée.
m
y
Il jetta sur les ailes les Frondeurs & les Archers, au nombre d'environ cinq
cens.
Comme il n'avoit pas des armes en suffisancepour en donner a tout ion monde,
il leur fit étendre des peaux sur des batons,tournez en ovale,à la manière des bou-
cliers,afin que de loin les ennemis les prissent pour de véritables boucliers. De
plus, il fit lâcher en différens endroits du camp bon nombre de chouettes,
qu'il nourrissoit exprés dçpuis assez longtems, afin que ces animaux consa-
les épaules de ses
crez à Minerve ou Pallas,venant se poser sur la tête ou surPallas Déesse de la
soldats, leur inspiraffent le courage, dans la pensée que
guerre les envoyoit à Itur secours. Il fit en même^ tems répandre le bruit que
jamais les auspices n'avoient été plus favorables. Ces choses toutes vaines &
superstitieuses qu'elles soïent, ne laissent pas d'opérer souvent de grands chan-
gemens dans les coeurs, comme il arriva dans cette occasion; Car on ne vit
jamais plus de bravoure,qu'en témoignèrent les soldats d'Agathocle. Ils re-
çurent les chariots & la Cavalerie des ennemis avec une intrépiditéétonnante,
perçant & les Chevaux & les Cavaliers de leurs traits, renversant & repous-
sant les uns & les autres. L'Infanterie Carthaginoise ne fut pas mieux traitée.
Agathocle attaqua la Légion sacrée avec tant de furie, qu'après qu'Hannon
qui la commandoit, fut mis à mort accablé de blessures, toute la Légion fut
]mile en
déroute. '
xvi. Bomilcar fut averti à tems du danger d'Hannon & de sa troupe; Mais
Bomilcar il le haïssoit, & qu'il songeoit à s'emparer de la souveraine authorité
abandon- comme dans Caithage , il ne se mit pas en peine de le secourir. Au contraire il se
ne Hannon retira doucement,& dit à les gens qu'Hannon étant mort, le plus seur parti
sans vou- où effectivement il les con-
loir lui pour eux étoit de se retirer sur une éminence,
donner du duisit sans beaucoup de perte. Agathocle le poursuivit quelque tems, puis
secours. revint sur ses pas,& pilla le camp des Carthaginois. On y trouva entr'autres
Ca)
choses plus de vingt mille menottes.qu'ils avoient apportées dans l'espérance
tfuftinJ. 22.
de prendre vifs la plupart des soldats Siciliens. Agathocle dans ce combat
met 2000.
Siciliens perdit environ deux cens hommes ; & les Carthaginois seulement mille, ou
gooo. Afri- sélon d'autres, deux mille. Ca)
cains. L'Historien remarque que la cause de l'aninlofité de Bomilcar contre nan-
Diod. 1. 20. sa patrie, étoit l'extrême cruauté du Senat de
p.7,7. non & de son courroux contre
Carthage, qui condamnoit souvent à mort les plus Illustres des citoïens, aprés
les avoir élevez aux premiers employs de la guerre. S'ils ont le malheur ne pas
de
réüssir à leur gré, dit Diodore de Sicile, on les traite dans 1ft derniére rigueur,
voulant contre toute sorte de raisons, les rendre responsables des événement
de la guerre. Ce qui est cause que quelqu'uns pour éviter la mort, ou
se
revoltent ouvertement, ou affectent la Royauté dans leur propre païs.
XVII. Le fruit de cette victoire d'Agathocle, fut la prise d'un grand nombre
Progrés
de places, & la revolte de plusieurs habitans dupaïs, qui se joignirent aux
d'Agatho-
cle dans vainqueurs.
Agathocle. vint camper à cinq mille, ou deux lieuës de Cartha-
l'Afrique. se & fit le dégât dans tous les environs, mettant le fèu aux belles maiions
:fuftin.l. a 2. decampagne des Carthaginois, qui voyaient J'incendie de dessus leurs mu-
Ii. 6. railles, sans pouvoir y apporter de remède. En même tems l'esprit de cr^n^e
de superstition s'empara de leurs coeurs. Ils crurent avec raison que ces Diodor. -
& pechez Mais lieu de recourir a 1. to.
malheurs étoient la juite peine de leurs ; au
Vource de
la toute Justice, & de la fléchir par la pénitence, ils s'imaginèrent
Saturne & Hercules leur anciennes Divinitez étoient irritées contr eux.
nup 1 ancienne coutume,
Saturne, parcequ'au lieu de lui offrir en sacrifice , selon
des enfans des meilleures maisons de la ville, on ne lui avoit offert que quel-
enfans nés dans l'esclavage, ou dans les maisons des plus pauvres bour-
ques sang. Pour
geois, à qui les riches les achettoient, pour épargner leur propre
expier telle impiété, les Carthaginois dans cette occasion immolèrent à
une
Saturne deux cens enfans, tirez des premières maisons de Carthage, de plus,
trois cens autres particuliers, qui étoiel-d accusez d'avoir eu part a ce crime,
s'offrirent d'eux niêmes,,poure être imnlo1.àSaturne.Or la statue de cette Divi-
nité qu'on adoroit à Carthage , étoit debronze, ayant les mains étenduës &
panchées le dos de la main en haut , de manière que les enfans qu on lui
niettoit sur, les bras, tomboient d'eux-mêmes dans les flammes, qui étoient al-
lumées au dessous dans une tournait
C'étoit encore une coutume aussi ancienne que Carthage meme , cl 'eit- a
chaque année à Tyr, qu'elle considéroit comme sa mere, la dixme de
voyer On n'en avoit point absolument interrompu
tout le revenu de la Republique.
la pratique * Mais quoique les richesses de Carthage fussent infiniment accruës,
que trés-peu de choses à Hercules. dela colère
On ne douta pas que ce.
on n'envoyoit
d'exaditude n'eût attiré les effets de ce Dieu sur
manque encore
la République. On lui envoya donc de trés-riches présens, entr'autres de
petits Temples, ou de petites niches d'or, qu'on tira des Temples, & l'on crut
c'étoit le moyen le plus propre pour adoucir Hercules.
que
Aprés avoir ainsi expié la ville & appaisé les Dieux, les Carthaginois dé- Amilcar XV111
est -
pêchérent en toute diligence Amilcar en Sicile pour lui ordonner de
vers , rappelaen
revenir au plutost en Afrique avec son armée. Amilcar dit au messager de Afrique.
tenir la chose secréte, & pour lui, il publia dans l'armée qu'Agathocle avoit
été entièrement défait lui & sa flotte ; & en même tems il envoya dans Syra-
cuse quelques-uns des Députez de Carthage, portant avec eux quelques fer-
ramassées aprés l'incendie
remens & quelque piéces de cuivre, qu'ils avoient la flotte Sicilienne avoit
des vaisseaux d'Agathocle, afin de leur montrer que
été prise & les vaisseaux brûlez. Ce stratagéme ne lui réùssit pas. Les pre-
miers de Syracuse ne pouvant se fier aux Carthaginois , renvoyérent leurs
Députez,& mirent hors de la ville environ huit mille hommes,qui leur étoient
suspeâs. Amilcar les reçut dans son camp , & marchant contre Syracuse,
ménaçoit Se l'assiéger & de l'abandonner au pillage. Antandre fils d'Aga-
thocle qui commandoit dans la place, étoit d'avis de se rendre ; Mais Eu-
Conseiller, fut d'avis d'at-
rymnon Etolien qu'Agathocle lui avoit donné pour XIX.
tendre la confirmation de la nouvelle. du
Cependant Agathocle avoit promtement fait construire deux vaisseaux Levée siége de
à trente rames, & en avoit fait partir un pour Syracuse avec ordre de faire Syracuse
,
toute la diligence possible, pour y porter la nouvelle de sa vidoire. Ce vais-
par lesCar-
seau arriva en cinq jours à Syracuse; Lorsqu'il vouloit entrer dans le port,les thaginois.
Tom. II. Nnnu Galères
Galéres des Carthaginois se mirent à le poursuivre & le peuple étant
le rivage, voir a ac-
couru sur pour ce qui en arriveroit le vaisseau d'Agathocle,
,
malgré tous les efforts des Carthaginois arriva au bord & annonça la bonne
nouvelle aux bourgeois. ,
Dans le même tems Amilcar croyant trouver la ville dégarnie, & les
murs mal gardez, fit monter à l'assaut quelques-uns de ses meilleurs soldats,
qui s'emparèrent sans peine d'une partie du mursitué entre deux tours: Heu-
reusement ceux qui font la visite des postes, étant sur venus, & s'étant
de la chose, criérent aux armes & bientost les Carthaginois surentapperçus ou tue7,
précipitez du haut des ,
murailles.
ou Aprés cela Amilcar leva le siége, & en-
voya cinq mille hommes de renfort à Carthage.
XX. Pendant que ces choses se paffiàent en Sicile Agathocle étant maître
Stratagème de la
campagne, sournit à son obéïssance les villes & , les Chateaux qui étoient
d'Aga-
thocle, qui autour de Carthage ; puis ayant fortifié son camp prés la ville de Tunis, il y
lui vaut la laissa une partie de les troupes, & mena le reste contre les villes, qui sont
prise <1)A- situées sur les côtes dela mer. Il prit d'abord la ville nommée la neuve,
druméte & purs mit le siége devant Adruméte & fit alliance avec un Roy d'Afrique
la fuite nommé Elymas, qui joignit ses forces ,
des Car- aux siennes. Les Carthaginois vou-
thaginois, lant profiter de l'absence de ce Prince, attaquérent son camp & le forcérent,
puis tournérent toutes leurs forces contre Tunis, où apparemment les soldats
du camp s'étoient jettez. Agathocle informé de ce qui étoit arrivé sans
abandonner le siége d'Adruméte prend ses gardes & un -petit nombre ,
de
soldats choisis ,
& ayant sans faire bruit gagné une éminence, d'où l'on dé-
,
couvroit AdrurÍléte & Tunis, y fit allumer un grand nombre de feux & dans
une grande distance les uns des autres, pour faire croire qu'il y avoit-là une
trés-grande armée. Ce stratagéme lui réiiffit au delà de ses esperances ; Car
les deux villes également surprises donnérent toutes deux dans le piége.
Adruméte se rendit & les Carthaginois levérent précipitamment le siége de
Tunis, abandonnant ,même leurs machines. Aprés cela Agathocle força la
ville de Thapse, & en peu de tems il se vit maître de deux cens places dans
' l'Afrique.
Delà il partit pour la Lybie.Les Carthaginois aussitost retournèrentau siége
*
de Tunis,& reprirent divers lieux, dont les Siciliens s'étoient emparez. Aga-
thocle informé de ces entreprises, revient incontinent sur ses pas, surprend les
Carthaginois, les taille en pièces, en tuë deux mille, & ayant vaincu en ba-
taille rangée le Roy Elymas, qui s'étant donné à lui, étoit rentré dans le par-
ti des Carthaginois il le mit à mort, & avec lui un grand nombre de bar-
XXI bares. ,
Amilcar Pendant que ces choses se passoient en Afrique Amilcar continuoit la
reccmenee Aprés avoir réduit son ,
le siége de guerre en
Sicile. à obéïssance la plupart des villes du
Syracuse. païs, il retourna au siége de Syracuse. Il fit le ravage dans la campagne,gâta
An du M. es nioilsons & empêcha l'entrée des vivres dans la ville.Un Aruspice ayant con-
369,; sulté les entrailles des vidimes, lui nvoit prédit que le lendemain il dineroit
Olymp. dans Syracuse. Il fit toutes les dispositions, pour se rendre maître de la place
117. 4.
Jùiodor. par surprise pendant la nuit. Les Syracusains informez de son deiïein,mirent
Lzo.#.? 47. une embuscade de trois mille hommes de pied, & d'environ cinq cens Cava-
lias
liers, dans un lieu avantageux nommé Eurycle. Amilcar s'avançoit pendant
la nuit avec ses troupes sans aucune défonce ; Il étoit accompagné de Dino-
crate,Colonel de la Cavalerie, & de deux Phalanges d'Infanterie ; outre cela
il y avoit une multitude de gens de toutes sortes qui suivoient l'armée , uni.
quement pour piller, sans garder ni ordre, ni discipline. Comme l armée
Carthaginoise marchoit dans des lieux serrez & rabotteux , les valets & les
Goujats de l'armée se prirent de quérelle & firent grand bruit , empêchant
même les troupes réglées de continuer leur marche.
Au bruit les Syracusains se levent de leur embuscade,& viennent fondre XXII
sur les Carthaginois. L'obscurité de la nuit, l'inégalité du terrain, l'ignorance Défaite
des lieux, les cris confus de la multitude , jettent une confusion incroyable Il est pris
d'Amilcar.
-

dans l'armée d'Amilcar. Nulnesonge à se défendre, tous cherchent à sauver par les Sy-
leur vie par la fuite. Amilcar voulut faire quelque résistance avec ses gardes; racusains.
il fut fait prisonnier & conduit à Syracuse. Son armée qui étoit de trente mille
hommes de pied & de cinq mille chevaux, fut entièrement mise en déroute
par une troupe de trois mille hommes.
Ainsi se vérifia la prédidion de l'Aruspice. Amilcar dira dans Syracuse.
On -le livra entre les mains de ceux, dont les parens avoient été tuez par les
Carthaginois, tant dans la bataille d'Himére, que dans d'autres occasions. Ils
le promenèrent avec ignominie par toute la ville; & aprés lui avoir fait fouf-
frir tous les supplices que leur fureur & leur vengeance.leur inspirérent ; ils
lui coupérent la tête & l'envoyèrent à Agathocle, à qui ils annoncèrent cette
nouvelle vidoire.
Cependant les restes de l'armée d'Amilcar se divisérent. Les Carthaginois XX lIt
prirent pour Chef celui qui étoit immédiatement au deflfgus d'Amilcar, & qui Les Agri-
commandoit sous lui: Les Grecs choisirent pour Général Dinocrates. Les gentins
Agrigentins voulant profiter de la défaite & de la mort d'Amilcar, & de l'ab- veulent
fenct. d'Agathocle, songérent à s'emparer de la souveraine autorité dans toute s'emparer
de la Sou-
la Sicile. Ils choisirent pour Général un nommé Xenodoque, & lui donnèrent veraineté
de bonnes troupes, avec lesquelles il se rend d'abord maître de la ville de dans La.
Géle, & la remet en liberté. Ceux de Gèle joignent leurs forces à celles de Sicile.
Xenodoque. Quelques autres villes Gréques attirées par l'appas de la liberté
dont ils se flattoient, se joignirent aux Agrigentins ; mais d'un autre cote quel-
ques-uns des soldats qu'Agathocle avoit i aillez à Syracuse, s'emparérent d'E-
chetle, & firent le ravage dans les campagnes de Leontine & de Camarine.
Xenodoque reprend Echetle, & repousse les soldats d'Agathocle. Ainsi toute
la Sicile étoit pleine de troubles & de confusions.
Agathocle ayant reçu la tête d'Amilcar & la nouvelle de la victoire rem-
portée sur lui par les liens, poussa son cheval à toutes brides droit au camp
des Carthaginois, s'en approcha assez prés pour être entendu, & leur annonça
en leur montrant la tête de son ennemi, la défaite entiére de ses troupes ; ce
qui jetta les Carthaginois dans la derniére consternation.
Mais bientost Agathocle eut son tour la fortune ou plutost la provi- Révolté xxir.
,
dence se plaisant à humilier ceux qui s'élevent. Un jour Agathocle don- des soldats
nant à manger aux principaux Officiers de son armée, un nommé Lycisque d'Agatho-
cle à cause ayant la tête echauffée par le vin, commença à l'insulter : Agathocle qui
tic la mort estimoit Lycisque à cause de son habileté dans l'art militaire dislimuloit &
de Licis-
tournoit en risée tout ce qu'il lui disoit ; Mais Archagathe son, fils prenant la
que. chose au serieux, répondit à Lycisque avec beaucoup de vivacité ; Aprés le
souper, comme chacun se retiroit dans sa tente Lycisque reprocha à Archa-
gathe d'abuser d'Alcie sa Belle-Mere. Archagathe, ne put souffrir ce reproche,
& perça Lycisque d'un coup de dard. Aussitost l'on emporte le corps de cet
Officier, & le lendemain matin tous ses amis & grand nombre de soldats s'at-
troupërent,& remplirenttout le camp de plaintes, de menaces & de confusion.
Enfin ils prennent les armes, demandent qu'on leur livre Archagathe, 11 non
qu'ils mettront à mort le Roy-même. En même tems ils choisissent de nou-
veaux Chefs, demandent insolemment leur paye , s'emparent de la ville de
Tunis, & enferment le Roy & son fils.
XXV. Agathocle dans cet embaras quitte la pourpre prend un habit de
,
Agathocle 'simple soldat, se présente devant fis soldats, leur expose ce qu'il fait
appaise la a pour
&
eux avec eux, leur dit que puisqu'ils le veulent, il elt prêt de mourir, que
sédition
de ses sol- ce qu'il en fait, n'est pas par crainte de la mort, comme il va le leur fàire voir.
dats. Au même moment il tire son épée comme pour s'en percer. A ce spettacle
toute l'assemblée s'écrie,qu'elle esi satisfaite,qu'il peut reprendre ses ornemens
Royaux, qu'ils ne veulent point d'autre Chef & qu'ils n'obéiront qu'à lui.
Les Carthaginois qui avoient été informez de ,la sédition des soldats de Sicile,
s'attendoient à tout moment qu'ils viendroient se rendre à eux, comme ils les
y avoient invitez ; Mais Agathocle ayant sait donner le signal du combat,
fondit sur eux & en tua un grand nombre.
XXVI. Tant de mauvais succés, & audedans & audehors , furent cause que
Vi&oire plusieurs villes & plusieurs alliez des Carthaginois les abandonnèrent & se
contre les détachérent de leur alliance. Les Numides furent de ce nombre. Carthage
Carthagi- contr'eux une armée, qui en ramena quelques-uns à leur devoir^Mais
nois. envoya
JQioder.
Agathocle ayant laissé son fils Archagathe à Tunis avec une partie de son
,
Lz 0./.77Ç. armée , prit avec lui trente mille hommes de pied , & huit cens Cavaliers
avec cinquante chariots, & marcha à grandes journées au secours des Numi-
des. Les Carthaginois l'attendirent au passage d'une riviére où il y eut un
,
rude combat. Agathocle y remporta la victoire, quoiqu'avec perte de plu-
sieurs des siens; & comme il étoit occupé à forcer le camp des Carthaginois,
les Numides qui n'avoient pas voulu combattre voyant Agathocle éloigné
,
de son camp, coururent pour le piller, & le pillérent en effet. Agathocle
accourut, & récupéra une partie du butin. Les Numides s'enfuirent avec le
XXVII. reste.
Agathocle Pour mettre le comble à tant de grandes aétions, il ne restoit plus à Aga-
engage
Opheiias thocb que de se rendre maître de Carthage. Dans ce dessein il dépêcha
dans son Orthon un de ses confidens Syracusains, dans le pays de Cyréne,vers Ophel-
parti. las Roy de-ce pays pour l'engager dans son parti. Ophellas étoit un de
,
ceux qui avoit suivi Alexandre le grand dans ses expéditions , & possédoit
J. 2 2 £. 7-
.
Diodor. alors la Cyrénaïque. Il avoit auprès de lui de très-bonnes troupes , & avoit
i. 20./.777. l'esprit rempli de desseins ambitieux d'une domination encore plus étendue.
Orthou
Orthon lui proposa de la part d'Agathocle la conquéte de Carthage & de
lui promit de lui abandonner
toute l'Asrique, lui offrit son secours pour cela, de
l'Afrique, dilant que pour lui, il se contenteroit la Sicile qu'en tout c&
, qui le séparâs..
s'il vouloit pousser ses conquêtes, il n'y avoit qu'un petit trajet
Ophellas se rendit sans peine à l'invitation d'Agathocle & comme il
avoit épousé une femme de la famille du fameux Miltiade Athénien,auprés & qu'il
étoit réçu bourgeois d'Athènes , il ne lui fut pas malaisé d'attirer de
lui beaucoup de soldats Athéniens & d'autres Grecs, dans l'espérance de faire
la conquête de l'Afrique, & de se rendre maître des grandes richesses des Car-
thaginois. Ainsi Ophellas forma une armée de dix mille hommes de pied,
de six cens Cavaliers, de cent chariots, de plus de trois cens hommes qui les
montoient, qui les conduisoient & qui-combattoient de dessus ces chariots.
Il avoit outre cela environ dix mille hommes des troupes qui suivoient
l'armée avec leurs femmes & leurs enfans; en sorte que son armée avoit l'air
d'une peuplade, ou d'une Colonie ambulante. 11 se mit en campagne » &
aprés dix-huit jours de marche, il campa dans une campagne nommée Auto-
male, prés laquelle étoit une Caverne , où l'on disoit qu'avoit demeuré la
Reine Lamia, dont la fable raconte tant de particularitez merveÍHeuses. Delà
il alla toûjours à travers des déserts affreux, où il manquoit d'eau & de nour-
riture , & où les serpens & les bêtes venimeuses lui tuérent beaucoup de
monde. Il arriva enfin au bout de deux mois auprés d'Agathocle. Celui-ci
vint au devant de lui, & lui fournit abondamment de quoy rafraîchir son ar-
mée épuisée par tant de fatigues.
Quelque tems aprés Agathocle ayant observé que la plus grande partie XXVIII.
Agathocle
des troupes d'Ophellas étoit sortie du camp , pour aller au fourage, & pour met à mort
fàire des courses, il convoqua ses propres troupes , & leur dit que ce Prince Ophellas.
étranger, qui en apparence étoit venu pour les secourir, cherchoit eI1 effet à
les trahir, & à les livrer aux Carthaginois. Les troupes trop crédules à ces
calomnies,prennentaussitost les armes, & marchent en bataille contre Ophel-
las. Celui-ci qui ne se doutoit de rien, se met comme il peut en défense
avec les siens, mais accablé par la multitude, il succombe & est tué combat-
tant Vaillamment. Aprés cela Agathocle parla aux troupes d'Ophellas & les
attua dans l'on armée , partie par promesses & partie par nécessité, n'ayant
aucun moyen , ni de s'en retourner dans leur pays, ni de résister à ce Prince
perfide.
Vers le même tems Bomilcar, qui, comme on l'a veu, cherchoit depuis XXIX.
longtems à s'emparer de la souveraine autorité dans Carthage sa patrie,&en Bomilcar
avoit toûjours jusques-là été empêché par divers incidens , crut que les parer veut s'em-
delà
troubles dont patrie
sa étoit agitée-, seroient propres à l'execution de son souveraine
dessein. Il avoit trouvé moïen d'éloigner de la ville les principaux Citoïens autorité à
à l'occasion de la guerre de Numidie, & s'étant fait déclarer premier Magi- Carthage. 1
Diodor.
strat de h Republique par ceux de son parti, il forma une armée composée 1.20.
de soldats qu'il avoit levez dans Carthage la neuve, qui n'est pas éloignée de luflÙz.
l'ancienne de quelques cinq cens bourgeois, complices de son deJÎein , & 1. 2,2* f. 7.
,
de mille soldats étrangers. A la tête de cette armée il se'fait reconnoître
Tyran de Carthage, & ayant partagé ses troupes en cinq corps,il leur ordonne
de faire main basse sur tout ce qu'ils rencontreroient. D'abord on crut la
vile étoit prise par les ennemis. Ensuite on se rassura, quand on sçut que que
reçoit ; la jeunesse de la ville ayant pris les armes, & s'étant formée parceCom-
pagnies.résista vigoureusement à Bomilcar. On fit pleuvoir sur lui gréle
une
de traits du haut des maisons ; En sorte qu'il fut obligé de se retirer avec les
Cens sur une hauteur, résolu de s'y bien défendre.
Mais les Principaux de la ville, pour épargner le sang des citoïens, alant
proposé aux deux partis une amnistie générale, ils mirent bas les armes, &
la paix fut faite. On tint les paroles données aux soldats, mais pour Bomil-
car, on jugea que sa persidie ne méritoit point de miséricorde. On le prit,
on l'attacha à une croix au milieu de la place, où il fit paroÎtre une con-
siance admirable; Car de dessus sa potence, comme d'un Tribunal, il leur
re-
procha leur cruauté & leur ingratitude qu'ils avoient fait perir Hannon sur
,
une fausse accusation, comme affedant la Tyrannie; qu'ils avoient envoyé en
exil Giscon tout innocent qu'il étoit. Qu'ils avoient secrétement condamne
à mort Amilcar son Oiicle,sans l'entendre, & auroient exécuté cet injulte arrêt,
O{1mpiad. si la mort nol'eut soustrait à leur injuste
vengeance. Il mourut ainsi dans les
1l 8.2. plus violentes douleurs, parlant au peuple assemblé jusqu'au dernier soupir.
tluM. 3695. 11 est étonnant
avant J. C. que ni Ophellas, ni Agathocle n'aient eu aucune connoiilàn-
go~. ce de ce qui se passoit à Carthage ; Car Agathocle n'auroit pas manqué de
Diodor. saisir cette occasion d'attaquer la ville & de s'en rendre maître, & Ophellas
- /. 20. auroit aisément pu résister à Agathocle, si Bomilcar Ce fut joint à lui.
XXX. Jusqu'alors Agathocle s'étoit abstenu du nom de Roy. Il commença
Agatho-
cle prend à le prendre, lorsqu'aprés la mort d'Ophellas, il se vit à la tête d'une plus
le titre de puissante armée. Il ne prit toutefois pas le Diadème, parceque depuis long-
Roy. tems il avoit accoutumé de porter une couronne, comme Prêtre d'un certain
Prise de la Temple, & il la conserva toujours depuis même qu'il fut devenu Tyran de
ville d'Uti-
Syracuse. Sa premiére expédition, aprés qu'il se fut rendu maître des trou-
que.
pes d'Ophellas, fut contre la ville d'Utique. Il surprit environ trois cens de
ses bourgeois dans les champs, & s'en servit pour engager les autres à lui
livrer la ville ; & comme les Uticiens se préparaient à lui résister, il fit ap-
procher des murailes ses machines de guerre, faisant marcher devant ces ma-
chines les prisonniersdont on a parlé, afin que les citoïens touchez de leurs
malheurs, ne tirassent point, ni contre ceux qui menoient les machines, ni
contre ceux qui s'en servoient pour écarter les assiégez placez dessus les murs.
Les assiégez furent d'abord touchez de compassion envers leurs Compatrio-
tes; mais à la fin ils furent obligez de tirer sur eux, ne pouvant autrement
se défendre contre les traits des ennemis. Ce fut un speftacle terrible de voir
ces malheureux citoïens ainsi exposez aux traits & aux coups de leurs conci-
toïens & de leurs parens , & périr misérablement sans pouvoir se défendre.
Agathocle outré de voir l'opiniâtreté des assiégez, fit envelopper toute la vil-
le, & aïant remarqué un endroit mal gardé, il y fit monter àl'anaut, em-
porta la place, & y fit un carnage horrible des habitans, sans épargner ceux
qui
qui s'étoient jettez dans'l'azyle des Temples. La ville fut abandonnée au
pillage, & le vainqueur y laissa une bonne garnison. - Il prit ensuite la sorte-
resse nommé du Cheval, qui n'étoit pas loin d'Utque. XXXi.
Il se voyoit par ce moïen maître d'une grande partie de l'Afrique, . a la Agatho-
tête d'une armée viâorieuse , de beaucoup superieur en forces aux Carthagi- de quitte
nois , aïant pour amis ou pour alliez tous les peuples du continent, hors brusque-
les Numides, dont même une partie avoit fait alliance avec lui. Tout d'un ment
il prit son parti, & vaincu par l'inquiétude où il étoit sur le siége de l'Afrique
coup abandonnant la conduite de la Afri- & revient
Syracuse, il part pour la Sicile, guerre en Sicile.
Sicile deux mille en
que, à son fils Archagathe.villesIl aborda à Selinunte en avec
soldats. A son arrivée les de ce païs qui s'étoient livrées aux Carthagi-
nois, ou aux Agrigentins, se donnérent à lui; les unes de gré, les autres atten-
dirent qu'il les afiiégeât; en peu de tems il purgea la Sicile des Carthaginois,
& se vit seul maître de toute l'isle.
Un peu avant son arrivée Xenodoque Chef des troupes d'Agrigente,
avoit été battu par les Généraux Leptines & Demophile, qui commandoient
défaite Xenodoque se retira à Agri-
pour Agathocle dans Syracuse; aprés cette
gente , & abandonna ses conquêtes à Agathocle. Mais Dinocrate Chef des
exilez de Syracuse, s'étant mis en campagne avec une armée d'environ douze
mille hommes de pied, & de quinze cens chevaux , se mit à poursuivre
Agathocle, qui n'aïant pas des forces égales, ne jugea pas à propos d'en ve-
nir à une bataille.
Pendant que ce-cy se passoit en Sicile, Archagathe fils d'Agathocle fài- Expédi-XXXll.
soit la guerre avec beaucoup de succés en Afrique. Eumaque un de ses Gé- tions cl-'Ar-
néraux y prit quatre villes considérables, & un fort nommé du Cheval, diffé- chagathe
rent de celui dont on a parlé. Aprés quoy Eumaque revint trouver Archaga- dans l'Afri-
the ; Ce jeune Prince entreprit encore une autre expédition dans la Lybie que.
supérieure ; Eumaque y surprit la ville de LVliltine, d'où il fut bientost obligé
de se retirer forcé par les habitans, qui se rassemblérent contre lui de toute
la campagne. Il revint par un païs où l'on voit une multitude de chats & de
singes. Il y a surtout une montagne longue de deux cens stades, dans la-
quelle on ne voit aucun autre animal que des chats. Delà il arriva dans un
païs où l'on adore les singes; Il se rendit maître de trois villes,' que les Grecs
nomment Pyihecufa, à cause des singes qui y sont en singuliére vénération.
Enfin il se rendit auprés d'Archagathe, qui jusqu'alors s'étoit acquis la réputa-
tion d'un Grand Capitaine.
Aprés le départ d'Agathocle, les Carthaginois revenus de leur première XXXllL
Mauvais
terreur, résolurent de mettre en campagne trois corps d'armées, tant pour succés
soulager la ville qui souffroit beaucoup de la disette, à cause de la multitude d'Archa-
des peuples qui s'y étoient refugiez depuis les troubles, que pour partager-les gathe en -
forces des ennemis & les obliger de s'éloigner de la ville. Ils firent donc Afrique.
sortir trente mille soldats de Carthage, & en envoyèrent une partie le long
de la Mer, l'autre dans le continent, & la troisiéme partie plus avant dans les
terres d'Afrique. Hannon commandoit les troupes qui devoient agir dans le
continent. Il surprit Æschrion un des Chefs d'Archagathe, & lui tua trois
' mille
mille hommes de pied & deux cens chevaux. Oeschrion lui-même fut trouvé
parmi les morts.
Eumaque qui commandoit une autre partie de l'armée Sicilienne, fut
aussi contraint par lmilcon Carthaginois , de se retirer sur une hauteur, où
une partie de ses gens mourut de tois, une autre partie périt par l'epée ; de
telle sorte que de treize mille hommes de piedqu'il avoit, à peine s'en iau-
va-t'il trente, & de huit cens Cavaliers, il n'en échappa que quarante. Aprés
ces pertes Archagathe se retira a Tunis, & écrivit à son Pere ce qui étoit
arrivé à son armée, le priant instamment de repasser au plutoit en Afrique.
Dans le même tems presque tous ceux qui avoient pris le parti d'Agathocle
en Afrique, se rendirent aux Carthaginois, & les Généraux dela Républi-
que, lmilcon & Atharbas, tenoient Tunis comme bloquée; de manière que
les troupes Siciliennes ne pouvant plus tirer de nourriture, ni du côté de la
Mer, dont les Carthaginois étoientmaîtres, ni du côté de la terre, qui étoit
occupée par les ennemis, ils se trouvoient dans une trés-grande extrémité.
XX XIV. Agathocle informé de toutes ces choies, résolut de repasser en Afrique.
Agathocle Il prépara pour son trajet dix sept vaisseaux longs, dans lesquels il devoit
remporte embarquer
victoi- ce qu'il avoit de meilleures troupes; Mais il hllloitauparavant bat-
-une
sur les tre, ou dissiper, ou tromper les vaisseaux Carthaginois, au nombre de trente,
re
Carthagi- quil'attendoient au passage. Un se cours de dix-huit Galéres qui très à pro-
nois en Si- pos lui arrivèrent d'Etrurie, le tirèrent d'embarras. Les dix-huit Galéres Etru-
cile.
riennes entrérent heureusement pendant la nuit dans le port de Syracuse;
Agathocle pria celui qui les commandoit, de donner sur les Carthaginois,
d'abord qu'il les verroit aux mains avec lui. Agathocle étant donc forti du
port avec ses 17. vaisseaux, fut aussitost poursuivi par les Galéres des Carth'-
ginois. Il retourne sur eux & les attaque avec vigueur, pendant que les
Etruriensles prennent par derrière. Les Carthaginois se trouvant ainsi assail-
lis de tous côtez,veulent prendre la fuite. Les gens d'Agathocle leur pren-
nent cinq vaisseaux, & le Commandant de cette flotte craignant de tomber
entre leurs mains, se perce de Ton de epée. Par cette vidoire Agathocle se trou-
de la Mer, & la ville Syracuse, qui jusques-là avoit été dans la
vci maître
disette, fut bientoit dans l'abondance par le concours des marchands qui y
apportérent des vivres de tous côtez.
En même tems il donna ordre à Leptines un de ses Généraux, d'attaquer
les Agrigentins, de faire le dégât dans leurs campagnes, & d'attirer au com-
ÎÉenodoque n'oia
bat Xenodoque, qui commandoit les troupes d'Agrigente.
4!d'abord se commettre avec Leptines, dont les troupes étoient en haleine &
tien aguerries au lieu que celles des Agrigentins étoient accoutumées a
,
l'oisiveté & au repos de la ville ; Cependant piqué par les reproches de ti-
mMité qu'on lui faisoit, isse mit en campagne, & accepta le combat. Mais
il fut aisément mis en fuite avec perte d'environ cinq cens hommes de pied &
de cinquante chevaux. Les Agrigentins le citèrent pour rendre compte de
sa conduite; Mais il se retira à Gele, pour
éviter le dernier iuppltce.
XXXV. Agathocle se vit par ce moïen en peu de tems délivré de tous les ennemis
Agathode Sicile. Or il avoit coutume dans ses feitins de se dépouiller de
qu'il avoit en
met à mort la
Maiesté Royale, & de se familiariser avec les plus vils de la populace ; &
il étoit naturellement badin & gesticulateur ; de sorte que même dans
comme gestes & de
ses harangues publiques il ne pouvoit s'abstenir de faire certains
dire certaines bouffoneries, qui apprétoient a rire au peuple qui
l'écoutoit.
Un jour donc qu'il donnoit un grand festin a ses amis, après la vidoire dont
venons de parler, & qu'à son ordinaire il s'égayoit en discours libres &
nous
familiers, il prit une coupe d'or de grand prix, & dit qu'il n'avoit quitté le
métier de potier de terre, que pour faire de pareils vases; Car il n avoit point
de honte de son ancienne profession. Dans la chaleur du vin il remarqua
ses intérêts, &
qu'une bonne partie de la Compagnie n'étoit nullement danslors, & les aïant
Il le dissimula pour
ne goûtoit point son gouvernement.
invitez avec d'autres une autrefois, quand ils furent bien echauffez parcraindrele vin,
il les fit mettre à mort par ses gardes ; Aprés quoy n'ayant plus rien à
dans la Sicile, il partit pour l'Afrique.
Il y trouva ses affaires dans un état désespéré, son armée fort diminuée . XXXVI.
Agathocle
& réduite à la dernière disette. Il les remit comme il put, & les exhorta a retourne
de rétablir enAfrique.
tenter la fortune d'une bataille, croyant que c'était le seul moyenconsistoient
sa réputation & l'honneur de ses armes ; Il rangea ses troupes, qui Il est battu
de Gaulois, de Samnites & d'Etrusques. par lesCar-
en six mille Grecs, & à peu prés autantAfricains, sur lesquels il
Il avoit outre cela environ dix mille ne falloit faire thaginois»
& de la légéreté de cette nation.
que peu de fond , à cause de l'inconstance
De plus il avoit quinze cens chevaux, & plus de six mille chariots de guerre.
Les Carthaginois qui ne manquoient de rien dans leur camp , n'eurent garde
d'accepter la bataille, contre des gens à qui le désespoir & l'extrémité où ils
se trouvoient, faisoient mépriser & les périls & la mort. Ils demeurèrent tran-
quiles dans leur camp , jusqu'à ce qu'Agathocle vint se présenter pour les y
forcer. Alors ils en sortirent ; & comme ils avoient avec l'avantage du poile,
celui du grand nombre , ils repoussérent Agathocle dans ses retranchemens,
avec perte d'environ trois mille hommes. grande fête dans leur XXXVIL
La nuit suivante les Carthaginois firent camp, pour Incendie
la vidoire qu'ils venoient de remporter - & comme ils immoloient à leurs dans le
Dieux les mieux faits des prisonniers de guerre , la flamme qui brûloit les camp des
corps de ces malheureux, prit à la tente sacrée qui étoit prés de l'autel, delà Carthagi-
& enfin celles des nois.
gagna les tentes des Généraux, des moindres Officiers ,roseaux. Le vent Bataille
soldats, qui n'étoient couvertes que de chaumes & de no&WJie»
porta bientost la flamme le
par tout camp, &y causa un tumulte inexplicable.
Plusieurs étoient brulez dans leurs tentes, d'autres dans les défilez ; Ceux qui
voulurent gagner la campagne, rencontrèrent cinq mille Africains du camp
d'Agathocle, qui venoient se rendre à eux ; Ils les prirent pour des ennemis
qui venoient attaquer leur camp. Ils tirérent l'épée contr'eux, & il y eut en
cet endroit un choc très-violent : il périt tant dans cet endroit que dans le
camp & aux environs prés de cinq mille hommes. Le reste de l'armée se
retira dans Carthage , où elle causa une étrange consternation , parcequ'on
crut qu'ils avoient été vaincus par Agathocle.
xxxvm Dans le même tems une terreur subite se répandit dans le camp d'Aga-
Terreur thocle.
\ Car les gardes ayant veu la troupe d'Africains déserteurs, qui retour-
panique naient
^
sur leurs pas, & vouloient rentrer dans le camp, qu'elles venoient de
«tans le
d'A- quitter,
'
la prirent pour l'armée Carthaginoise ; en même tems la terreur ne
pas le tems à la reflexion, on ne songea plus qu'à se sauver. Au milieu
camp
gathocle. laissant
3

de cette confusion on n'écoute personne , & chacun prenant ce qu'il reiv


contre pour autant d'ennemis, le camp se remplit de sang & de carnage. On
(

demeura dans cet affreux désordre tout le reste de la nuit. Au matin on se


reconnut, & chacun rentra dans le camp. Cet accident coûta plus de quatre
mille hommes à Agathocle.
XXXIX. Aprés tant de malheurs Agathocle résolut de quitter l'Afrique. Il n'étoit
Agathocle plus allez fort pour tenir tête aux Carthaginois, Ses Africains l'avoient aban-
veut quit- donné. Il n'avoit pas de vaisseaux en suffisance pour passer tout son monde
ter l'Afri- Sicile. Demander la paix aux Carthaginois; ou abandonner ses troupes à la
que & en
abandon- merci de ses ennemis, c'étoit deux extrémitez, auxquelles il n'étoit pas hono-
ner son fils rable de se résoûdre ; Il prit néanmoins un parti qui étoit encore plus honteux.
& ses fol- C'étoit de laisser Archagathe son fils aîné avecune partie de l'armée en Asrique,
dats.
& de se retirer sécretement avec Heraclide son fils cadet, & quelques troupes
choisies en Sicile. Archagathe, soit qu'il s'en doutât, ou qu'il en fût fous main
averti découvrit le dessein de son Pere à quelques Officiers, afin qu'ils en
,
empêchassent l'exécution.
XL. Le soir même qui précéda la nuit, en laquelle Agathocle devoit s em-
Agathocle barquer, ses Officiers le viennent trouver en tumulte,. & lui témoignent leur
cst arrêté surprisede qu'il veuïlle ainsi les livrer à leurs ennemis, pour recompense
ce
par ses
soldats. Il de tant de travaux qu'ils ont soufferts,
& de tant de perils auxquels ils se font
s'enfuit eni' exposez pour son service j En meme tems les soldats accourent, se saisissent
Sicile, du Roy, & le tiennent sous bonne garde. La nuit qui suivit cet événement,
une terreur panique s'empara desur tous les esprits. Ils s'imaginèrent que l'ar-
mée Carthaginoise alloit fondre eux ; & comme il n 'y avoit personne
donner les ordres tout le camp étoit dans une étrange confusion-
pour ,
defendre, & étoit en garde contre tout ce qui l environ-
Chacun songeoit à se
noit. Ceux qui gardoient le Roy voulant aussi pourvoir à leur conservation,
quittèrent leur poite & emmenérent avec eux Agathocle comme il étoit, char-
gé de chaînes. Dez-qu'on le vit en cet état, tous s'écriérent qu'on le mit
qu'il se jetta dans un vaisseau avec quelques-
en liberté. Il n'y fut pas plutôt, Sicile, abandonnant ses deux fils avec son
uns de ses confidens, & se retira en
arme.
XLL Les soldats aussitost égorgérent Archagathe & Heraclides ses deux fils,
Archaga- & s'étant choisi des Chefs, firent leur accommodement avec les Carthaginois
the & He- à
ces conditions : 10. de rendre toutes les places qu'ils tenoient en Afrique,
Jaclide leur devoit compter ; 20. Que ceux qui
font tuez moyennant trois cens talens qu'on
parles fol- voudroient prendre parti dans les troupes Carthaginoises , y recevroient la
dats, qui
paye comme les autres soldats ; 3°. Que ceux qui voudroient retourner en
font leur Sicile, auroient Selinunte pour demeure. Les Siciliens qui étaient dans les
accommo-
places, & qui voulurent faire réUstance, furent forcez par les CartliaginoisLes;
dement
Officiers furent mis en croix, & les soldats réduits en servitude, & forcez arec les
L'es de Carthagi-
de leurs mains les champs, qu'ils avoient ravagez. Diodore
de cultiver admirable de la providence di- nois.
Sicile remarque dans tout ce-cy la conduite
vine qui permit que les deux fils d'Agathocle fussent mis a mort par les
la
soldats d'Ophellas, le même jour de l'an révolu que lui-même avoit ôté vie
.OphellasAgathocle
qu'il de ses soldats, & XL IL
étant arrivé en Sicile, ramassa ,ce put Agathocle
parti & lui alliée. Comme il
entra dans la ville d'Egerthe, qui tenoit sonles dernieres étoit en Sicile.
manquoit absolument d'argent, il emploïa rigueurs pour s en fai- Il égorge
il feignit les Egerthéens avoient com- les Eger-
re donner par les plus riches, puis que thécns.
plotté de le faire mourir, afin d'avoir lui-mêmeoccasion de les traiter comme
î-rfminpk. ït fit sortir tous les plus pauvres de la ville, & les sit tous égorger il

sar la riviére de Scamandre. Pour les riches, il n'est sorte de supplices qu il


n'exerçât contreux ; Les uns étoient brisez sur la roue ; d autres jettez eii
l'air comme des pierres par les ressorts des Catape,tes , d'autres brûlez a
petit feu dans unehomme, machine de fer qu'il a voit inventée, & qui étoit a peu près
de la forme d'un mais creuse & propre pour enfermer un homme
vivant. Il n'épargnoit pas les femmes , coupant aux unes les mamelles.
ccrasant aux autres les talons avec des pinces de fer, faisant avorter les autres,
poids excessifs. Ilne réièrva que les jeunes filles
en leur pendant aux côtez des
& les-jeunes garçons, qu'il envoya en Italie pour les vendre & en faire de l'ar-
malheureux
gent. Ayant ainsi désolé la ville d'Egerthe, il l'abandonna à de lui donnant
transfuges pour l'habiter, & lui changea son ancien 110m, en
celui de Dicaopoks.
Ces cruautez ne contentèrent pas encore sa rage. ,,
Il écrivit là ion fils XL HL
Gruautez
Antandre qui commandoit dans Syracuse, de venger la mort de ses ireres sur ¡exercées
tous ceux des Syracusains qui avoient leurs enfans, ou leursexécuta parens dans l'ar- contre
mée d'Afrique, qui avoit eu part à ce meurtre. Antandre ces ordres reux
;
de
les Peres &Mères, Syracuse..
avec une cruauté in<::roïable., faisant mourir sans di-stindion Ainsi
femmes & enfans de tous ceux qui servoient dans l'armée d'Asrique.
toute la ville de Syracuse étoit dans les larmes ; on ne voyoit que corps morts
sur le rivage de la mer, sans qu'on osât même leur rendre les devoirs de la
sépulture.
' Ces excès rendirent Agathocle non seulement infiniment odieux , mais Agathocle XL IV.
encore souverainément méprisé. Dinocrate Chef des exilez de Syracuse au
veut re-
contraire reprit le dessus, & augmenta son parti par le moïen des troupes que noncera la
lui amena Pasiphile, & qu'il avoit tirées des villes qui obéïssoient auparavant Royauté.
à Agathocle. Ce dernier se voyant presqu'abandonné de tout le monde, Diedor.
se vit contraint de rechercher Dinocrate, & de lui demander la paix fous ces l.zo.p.77t.
conditions: de renoncer à la souveraine autorité, & de rendre Syracuse, pour- Olympiade 773'
veu que Dinocrate lui cédât deux chateaux avec leurs territoires , pour lui 118. ?.
servir de retraites, sçavoir Thermes & Cepabedie. Ces propositions d'Aga- du monde
thocle toutes soumises qu'elles étoient, furent réjettées par Dinocrate. 11 3696. &
J.
buttoit à la Tyrannie; aimant beaucoup mieux demeurer enl'état .où il étoit, avant
à la tête de plus de vingt mille hommes de pied & de trois mille chevaux, *>4?
aïant fous sa puissance plusieurs grandes villes, ne dépendant de perfontie Se
jouïssant réellement des avantages de la Royauté y quoiqu'il n'en portât pas
le nom, que de voir rétablir dans Syracuse le gouvernement populaire.
Agathocle se voyant rebuté, essàya de rendre Dinocrate suspect à l'ar-
mée qu'il commandoit leur saisant entendre que ce Général s'opposoit au
, de Syracuse pour se conserver plus longtems
rétabliiïement de la liberté ,
dans l'indépendance. En même tems il envoya une ambassade à Carthage,
pour leur offrir de rendre toutes les places qui par cy-devant appartenoientà.
la République,!! on vouloit lui donner trois cens talensd'or,& deux cens mille
mesures de froment. Ces conditions furent acceptées, & Agathocle ne
songea plus qu'à faire la guerre à Dinocrate.
XLV: Agathocle avoit encore cinq mille hommes de pied & huit cens chevaux;
Agathocle Dinocrate en avoit beaucoup davantage; son armée étoit de vingt-cinq mille
fait la hommes de pied, & de trois mille chevaux. Malgré l'inégalité de l'es forces, il
guerre à osa présenter la bataille à Dinocrate ; Le combat fut d'abord assez animé de'
Dinocrate. part & d'autre; Mais tout d'un coup deux mille hommes du parti de Dino-
Diodor. d'Agathocle, désertion fit pancher la viéloire
f-77%- 779. crate étant passez du côté cette
O/ympiad. du côté de ce dernier ; Car on crut que le nombre des déserteurs étoit bien'
H8. An. 4. plus grand.
du monde Après la bataille Agathocle envoya sommer les vaincus de terminer la:
3697. & de se retirer chacun chez soi. La Cavalerie entière s'étoit sauvée-
avant J. C. guerre,
303. dans le chateau d'Ambiques ; La plus grande partie de l'Infanterie s'étoit re,
tirée sur une éminence, où elle capitula avec Agathocle & se rendit à lui.
Mais aprés qu'ils eurent mis les armes bas, Agathocle les fit envelopper par
ses gens, & les fit percer de traits, se joüant ainsi des sermens & de les pro-
mettes, & faisant tout servir à son ambition, faisant moins de cas de ses amis-
que de ses ennemis, en mésurant tout à ses intérêts & à la foiblesse de ceux
avec qui. il avoit à traiter. 11 n'y eut que le seul
Dinocrate qu'il refpe<fta-
& avec qui il vecut bien jusqu'à la fin. Dinocrate lui rendit les plus grands-
services, il fit mourir Pasiphile, remit à Agathocle les villes & les fortereÍses.
qu'il tenoit, & employa de bonne foy pendant deux ans toutes ses forces ài
lui assujettir tous ceux qui lui étoient opposez.
XLVi: Agathocle continuoit ses violences & ses exa&ions dans la Sicile. II?
Impieté attaqua l'Isle de Lipare sans aucun sujet, & força les Insulaires de lui donner
(.I' Agatho- cinquante talens. Comme il s'en manquoit quelque chose, ils lui demandè-
ete.
Diodor. rent du tems pour le satisfaire, disant qu'ils n'avoient osé toucherAgathocle
aux dons
I2.0.p.78*». sacrés faits aux Dieux, ni violer la
sainteté de leurs Temples ;
Olympiade inépriia'ces raisons, & il fallut, pour achever sa somme, prendre des dons,,
119. An. 2. consacrez les uns à Eole Dieu des vents, les autres à Vulcain. Les Payent
du monde deux Divinitez s'étoient vengées de ces sacriléges sur la per-
9699. crurent que ces
avant J. G. sonne d'Agathocle ;
Le premier, en lui enyoyant des vents contraires , &
301. l'autre, en le frappant de charbons brûlans, qui le coiistiméreiit à la fin de sa,
vie. Cela prouve au moins l'idée des Payens, & la persuasion où ils étoient,
sans punition,
que Dieu, ne laissè point le crime ,
cela Agathocle passa Italie avec son armée, à l'exemple de XLVlT.
Aprés en de Agathocle:
prédécesseur. Il fit la conquête d'un bon nombre
Denys le Tyran son y (délivre
Cassandre Roy de Macédoine affiegeoit Corfou
villes - & ayant appris que l'Isle de
mer & par terre, & que la ville & l'Isle de ce nom étoient sur le point Gorfou.
par leurs secours peu de monde brûla toute la Diodor.
de se rendre, il accourut à avec , rejoindre son Eclogar
flotte de Cassandre, & délivra l'Isle de ce danger; Ensuite il vint ffujlin.
armée d'Italie, où il apprit que les Liguriens & les Tyrrheniens, qui avoient L.23.6.I-
mis à mort son fils Archagathe en son absence en Afrique , étoient retour
de
Italie, & étoient venus à la rencontre de ses soldats, il les fit tous mourir,
en mille. Cette cruauté aliéna, les esprits des Bruttiens, qui
au nombre de deux
abandonnérent son parti. Agathocle assiégea la ville d'Ethas, qui leur appar-
tenait; Mais les Bruttiens aïant assemblé une puissanteCearmée, l attaquèrent
pendant la nuit, & lui tuèrent quatre mille hommes. • qui l'obligea de se'
Il
retirer
quelque tems après en Italie , & ayant fait entendre aux Cro- Agatho-
XLFUT.

toniates qu'il n'en vouloit point à eux; mais que sa flotte


étoit uniquement cle se rend,
destinée à mener sa fille Lanasse en Epire , où il la vouloit marier au Koy maître de
de bons Grotone.
Pyrrhus, il entra dans leur port, & assiégea leur ville. Il l'enferma
fossez, & de redoutes qui tenoient depuis un bord de la mer jusqu'à
l'autre ;.
Les Crotoniates craignant que s'il les forçoit, il n'exerçât contre eux toutes
fortes de cruautez, lui ouvrirent les portes ; Mais cela ne les garantit pas ;
il
abandonna la place au pillage, & fit main basse sur les bourgeois. XLlX.
Il ne resta pas longtems en Italie. 11 repassa en Sicile, aprés avoir laissé Agathocle'
une bonneGarnison
mille hommes
à
de
Crotone.
pied & de
L'année suivante ilramassaûne armée de tren- repaire
deux mille chevaux, en
& passa pour la troisieme Italie &fait
te
fois en Italie. Il donna la conduite de sa flotte a Stilpon, avec ordre de faire' la paix
le dégât dans les campagnes des Bruttiens. Pendant qu'il ravageoit la cote avec
les
peudes, la tempête brisa la plus grande partie de ses vaisseaux.. Aga- BrottienSv
de ces
thocle avec l'armée de terre assiégea la ville d'Hipponie, & s'en rendit maître
le moïen de ses pierriers. Les B-ruttiens étonnez de la rapidité de ses con-
par
quêtes, firent la paix avec lui, & lui donnérent six cens ôtages pour seureté
de leurs promesses. 11 repassa la mer, aprés avoir laissé à Hipponie une-
bonne garnison. Mais après son départ les Bruttiens ne tinrent aucune de"
leurs promessesr forcérent la ville d'Hipponie,. reprirent leurs otages, tuèrent
la garnison, & secouérent le joug du Sicilien.
Ce Prince malgré le mauvais succés de son expédition d'Afrique, ne Agathocle?
perdoit pas l'esperance d'y retourner, & d'y porter de nouveau la guerre. il est empois
avoit sait dans cette veuë provision de deux cens vaisseaux à quatre & à six sonné paff
rangs de rames, qu'il avoit pourveus de tout ce qui étoit raison pour cette
nécessaire Menoiu
expédition : Mais il ne put exécuter son projet pour la que nous al:"
lons dire. Un certain Menon natif d'Egerthe etoit entre au iervice" du ay,,ic
à cause de sa beauté il en étoit fort chéri ; Mais Menon avoit une aversiorï,
invincible pour Agathocle , qui avoit ruiné Egerthe sa patrie, & qui le des-
konoroit lui-même par l'abus infâme qu'il faisoit de sa personne. LeRoy
avait encore un fils nommé Agathocle comme lui, à qui il deûinoit le Royau-
me. Archagathe son fils aîné tué en Afrique, avoit laide un fils de même
nom que lui, qui prétendoit que de droit le Royaume devoit lui appartenir.
Agathocle écrivit à Archagathe son petit-fils de remettre à Agathocle ion
Oncle ses forces de terre & de Mer. Celui-ci étant arrivé prés d'Archagathe,
qui étoit alors à Ethna, fut mis à mort pendant la nuit par les ordres d'Archa-
gathe. Menon gagné par ce dernier, servit à Agathocle Pere des euredens
empoisonnez, dont il s'empoisonna toutes les gencives. Le mal se com-
muniqua à la masse du sang, & se sentant dévoré par un feu intérieur, qu'on
regarda comme envoyé par Vulcain, il exhortoit le peuple de Syracuse à
venger sa mort sur Archagathe son petit-fils, promettant de rétablir dans la
ville le gouvernement populaire.
LI. Le Roy Agathocle avoit épouse une femme Egyptienne nomméeTaxéne,
Mort d'A- dont il avoit eu deux enfans, qui étoient encore foit jeunes. Il voulut avant
gathoclc la
la sa mort les renvoyer en Egypte avec leur IHere, ses trésors, ses esclaves, &
22. ou
2se. année ses plus prétieux effets, qu'il avoit en plus grande quantité qu'aucun autre
de son Prince. Cette femme ne pouvoit se résoudre à quitter le Roy son Epoux dans
regne. le triste état où elle le voyoit. Le Roy touché de ses pleurs & de celles de
An du M. ses enfans, étoit inconsolable. Tout le Palais étoit dans les larmes. Enfin
371 S' obligée de partir ;
avant J. G. Taxéne fut
285. Bientost aprés Oxythemis un des amis du Roy Demetrius, qui se trou-
ffuRin. voit alors à la Cour, en apparence pour entretenir la bonne intelligence en-
i. 23. c. i. tre les deux Princes, mais
LU. en effet pour observer l'Etat de la Sicile, fit mettre
RétabiifTe- Agathocle, qui respiroit encore , sur le bucher & le brûla ainsi tout vivant.
ment de (a) Ce Prince avoit alors soixante & douze ans, & en avoit regné, selon les
l'état po- uns vingt-deux, & selon d'autres vingt-huit. Aprés sa mort les Syracusains
pulaire à rétablirent l'état consulaire, confisquèrent les biens d'Agathocle,&brisérentses
Syracuse.
Ca) statuës. Menon s'étoit sauvé de Syracuse, & s'étoit retiré dans le camp d"Ar-
On lit dans chagathe ; Il s'applaudissoit d'avoir fait périr le Tyran, & d'avoir contribué au
les extraits rétablissementde l'état populaire ; Il n'en demeura pas là. Il fit aussi mourir
; & aïant gagné ses soldats par de belles promesses, il se mit à
de Diodore Archagathe
de Sicile & prétendit régner à Syracuse.
donnez par leur tête
Y.de Valois Les Syracusains voulurent profiter de leur liberté, & choisirent pour
qu' Agat,bo- commander leurs troupes, un nommé Hicetas, qui fit tout ce qu'il put pour
cle fut brûlé obliger Ménon à accepter le combat. Il le refasa toujours. A la fin Hice-
lui sa les Carthaginois se joignoient à Menon, & que son parti
maison par tas voyant que
la foudre grosMoit tous les jours, fut obligé de faire la paix avec les Carthaginois, de
envoyéepar leur donner quatre cens otages, & de rappeller les exilez à Syracuse.
la vengean- Bientost les troubles recommencèrent dans cette derniére ville. Les
ce de Mi- troupes mercénaires ou étrangères, qui étoient à la solde des Syracusains, of-
nerVI. sensées de ce qu'on ne prenoit pas leurs voix dans l'élection des Magistrats, se
p. 228. Ex-
cerpt. mutinèrent & prirent les armes contre les bourgeois. Les Senateurs & les
LUI Principaux de la ville se mirent entre deux, & leur firent quitter les armes, à
Hicetas condition que les soldats étrangers se retireroient dans leur pifs, aprés avoir
Chef des
Syracu- vendu ce qu'ils possédoient dans la Sicile. La chose s'exécuta, & ils partirent
fains. pour se rendre en Italie; Mais étant arrivez à Messine, & yaïant été reçus
comme
hôtes pendant la nuit,
comme amis, ils égorgèrent leurs
leur ville, lui changeant son ancien nom, & lui donnant celui de »
appellent Mamers en leur langue.
en l'honneur du Dieu Mars, qu'ils de se passoit Sicile, y en y L1V.
Les Carthaginois informez ce qui en Divers par.
des troupes, qui leur assujettirent plusieurs villes.^ La Sicile étoit alors parta- tis dans la
gée entre divers petits Tyrans. Hicetas regnoit a Syracuse, Phintias a Agri- Sicile.
lente, & Tyndarie à Tauroméne, & plusieurs autres moins connus dans d au- ffujiin.
villes. Ils se faisoient la guerre & se détruisoient mutuellement. Hicetas 1. 23. C.2.
tres Syracuse durant neuf ans, ians
Diodor.
se perpétua dans sa Magistrature, & gouverna Eclog.
Collégue & en petit Souverain. Il fit la guerre a P hintias, & le vainquit p p. 867. C
d'Hybla. Enflé de cette vidoire, il attaqua les Carthaginois, mais il fut vain- 868.EX.27..
sur le fleuve Terie.
cu & perdit une grande partie de ses troupes LV.
Thynion fils de Mamée profitant de l'absence d'Hicetas, s empara Guerre ,in-
Tyrannie & du Gouvernement de Syracuse. Sofistrate qui n'avoit pas moins sestine àSy-
d'ambition que Thynion, & qui ne trouva pas moins de faveur dans la no - racuse en-
lesse & dans le peuple, prétendit à la même dignité. Syracuse étoit dm tre Thy-
deux villes, l'une située dans la petite Isle d'Ortygie, & 1 a^tr^ nion & So-
comme en séparées bras de M er,
fiftrate.
le rivage du continent. Ces deux villes étoient par un
sur lequel étoit un pont pour la communication. Thynion dominoit dans
Ortygie, & Sosistrate dans Syracuse. Les deux Prêteurs étoient continuel le-
& de la ville & de
nient en guerre; leur division n'aboutissoit qu'à la ruineprofitaient de leur
leur parti. Les Carthaginois attentifs à leurs intérêts ,
Thynion & Sosistrate craignant également la domination des Carthagi-
" nois, se réünirent & résolurent d'appeller à leur secours Pyrrhus Roy d hpire,
qui étoit alors à Tarente. Ce Prince avoit épousé Lanasse fille d "Agathocle,
& en avoit eû un fils nommé Alexandre, qu'il auroit souhaite placer sur le
Thrône de son Aïeul. De plus sa valeur & la grande réputation qu'il s etoit
acquise dans les armes, le firent préférer à tous les autres Princes qu 'on auroit
investi Syracuseavec
pu appeller pour tenir tête aux Carthaginois, qui avoient
une flotte de cent vaisseaux, & qui menaçoient cette ville par terre, avec une
armée de cinquante mille hommes.
Pyrrhus envoya devant lui Cyneas son Favori, pour préparer , les esprits, LV1.
Pyrrhus en
& pour rassûrer les Syracusains. Le Roy partit quelque tems aprés, & arriva Sicile pour
à Locres en dix jours de navigation. Sa flotte étoit chargée de ses meilleures la seconde
troupes & de ses Eléphans. Aïant passé le détroit, il fut fort bien reçu asesTauro- fois.
nienie, par le Prince de cette ville, qui fit alliance avec lui & joignit trou- Plutarcb.
triomphe. in Pyrrba.
pes aux siennes. Delà il vint à Catanes, où il entra comme en Diodor.
On lui offrit des couronnes d'or, & aïant mis une partie de ses troupes a Eclog.p 81^9
sa flotte s'avançoit en or- b70.7i.7i'
terre, il continua sa route vers Syracuse, tandisqueCarthaginois n'osérent 1 at-
dre de bataille par Mer, vers la même ville. Les
taquer, & il entra dans Syracuse sans résistance. Thynion lui livra Orty-
gie, & Sosistrate la ville de Syracuse. Dabord on le mit en possession des
\illes, des vaisseaux & des trésors publics. Thynion, Sosistrate & les Syra-
cusains se réunirent ; Sosistrate lui donna sept mille hommes qu'il avoit; Sy- te
xacuie 1
racuselui offrit six vingt vaisseaux couverts & vingt découverts; lesquels joints
à ceux qu'il avoit amenez, formoient une flotte de plus de deux cens vais.
feaux. En même tems Heraclide Gouverneur des Leontins lui envoya une
ambassade,
pour lui offrir & la ville & la garnison de Leontine, qui consistoit
Chevaux. Plusieurs autres vil-
en quatre mille hommes de pied & cinq cens ses
les vinrent de même à l'envi se remettre entre mains & lui offrir toutes
leurs forces.
LVII. Avec tous ces secours il se flattoit de chasser les Carthaginois > de la Sici-
.
Avantages le, & même de faire la conquête de l'Afrique. Les commencemens de ses
remportez exploits furent si rapides, que dans peu de tems il purgea les campagnes
parPyrrhus
1ur les Car- des troupes
Carthaginoises, les poussant de postes en portes, & leur enlevant
thaginois. leurs forteresses. Erycée passoit pour imprenable. Il la força monta le
premier à l'escalade, & tua de- sa main plusieurs Africains effrayez de son seul
regard. Il ne resta aux Carthaginois que la ville de Lilybée. Pyrrhus l'affié-
Il fut obligé d'en lever le siége.
sea inutilement pendant deux mois.
Les Mamertins, dont on a parle, exerçoient auili leur TyrannIe lur la
Sicile. Pyrrhus les défit en bataille rangée, & les réduisit à demeurer enfer-
dans leur ville. Son ambition qui le sollicitoit sans cesse à passer en
mez
Afrique, lui fit concevoir des défiances contre Sosistrate &Thynion, qui
étoient les premiers qui l'avoient invitez à venir en Sicile. Il ne pouvoit ni
les laisser dans ce païs, de peur qu'ils ne s'en emparassent pendant ion absen-
ni les conduire avec lui en Afrique de peur qu'ils ne partageassent avec
ce,
lui'l'honneur de sa conquête; Ils s'apperçurent ,
de ses défiances; Sosistrate se
soûleva contre lui , & Pyrrhus soupçonnant Thynion d'être entré dans son
complot, il le fit mourir. Les villes de Sicile qu'il avoit dabord gagnées par
ses manières polies & populaires, commencèrent à se
dégoûter de lui; elles
se donnérent partie aux Carthaginois & partie aux
Mamertins.
LVIII. Pyrrhus étoit dans la derniére perplexité,au milieu d'un païs qui le haïf-
des
Pyrrhus soit & où sa vie même n'étoit pas en assurance, lorsqu'il reçut des lettres
paire en Samnites & des Tarentins qui imploroient son secours contre les Romains, à
Italie.
qui ils ne pouvoient plus résister. Il prit avidemment cette occasion pour
sortir promtement de Sicile, où il ne pouvoit plus subsister avec honneur,

Isle...
On dit qu'étant prêt de s'embarquer, il dit à bataille, ceux qui l'accompagnoient, en
jettant les yeux sur la Sicile ; Quel champ de que je laisse aujourd'huy
Carthaginois & aux Romains pour s'exercer ! Il prévoyoit les guerres
aux les Carthaginois auroient un jour ensemble pour la con-
que les Romains &
quête de cette l'avoient améné en Sicile.
LIX. Il s'embarqua sur les mêmes vaisseaux quiflotte
Pyrrhus dans le trajet il eut à combattre contre la des Carthaginois, qui
Mais
battu par
l'attendoient au passage, & qui lui prirent ou coulèrent à fond soixante & dix
les Gartha. qu'il lui resta douze, de deux cens qu'il
ginois & de ses vaisseaux ; de sorte ne en que
dv par les Ma avoit auparavant. Lorsqu'il fut arrivé en Italie, il y trouva de nouveaux en-
mertins. nemis qu'il n'y attendoit pas. Les Mamertins avoient ramasse dix mille hom-
qui n'osant l'attaquer en pleine campagne, l'attendirent dans le bois &
mes
2ans monde de son arriere-garde ; Il y
les défilez, & lui tuèrent beaucoup de
perdit de plus deux Eléphans,& y fut blesse lui-même à la tête. Il arriva àTa-
rente avec vingt mille hommes de pied & trois mille Chevaux. Nous&avons
veu veucy-devant les particularitez de la guerre qu'il fit aux Romains, nous
parlerons ailleurs des autres exploits de sa vie, & des circonstances de sa
Aprés le depart de Pyrrhus, la premiere Magistrature de Syracuse fut LX.
déférée à Hieron, & dans la suite on lui donna d'un commun consentement Hieron de-
vient Roy
le nom & l'autorité de Roy, en reconnoissance de la manière pleine de dou- de Syracu-
Hiéroclité na- se.
ceur & de sagesse dont il gouvernoit. Il étoit fils d'un nommé
tif de Gele, & ancien Tyran de la Sicile. SaMere étoit d'une condition uflin. 1. a.
servile & d'une profession honteuse. On dit que son Pere aïant fait expo- 3. c. 4.
Polyb.
ser Hieron, des abeilles le nourrirent pendant plusieurs jours, du miel qu'el- Fragment.
les amasserent auprés de lui. Son Pere aïant appris des Devins que cette apud Vales.
avanture étoit un présage certain que son fils regneroit quelques jours, le Excerpt.
reprit & l'eleva avec beaucoup de foin. Un jour qu'il joüoit au milieu de H. 12.
ses compagnons d'ecôle, un Loup lui enleva des mains les Tablettes sur les-
quelles il apprenoit à écrire. On raconte que dans ses premieres campagnes
un Aigle se reposa sur son bouclier, & une chouëtte sur sa haste, ce quisous fut
interprété comme un bon augure de sa Royauté future. Il fit la guerre
Pyrrhus, qui lui donna en plus d'une occasion des recompenses militaires.
Il étoit d'une taille avantageuse, d'une vigueur extraordinaire, bienfaît, doux,
affable, juste, modéré, en un mot digne de la souveraine autorité.
Dabord Hieron fut élu Prêteur de Syracuse avec Artemidore ; Ce fut LXI.
l'armée qui les choisit sans le consentement du peuple ; Mais Hieron mérita Conquêtes
douceur & son affabilité d'être & agréé de toute la ville. Il d'Hieron.
par sa reconnu Sicile.
fut appuyé dans son employ par le crédit de Leptine, dont il avoit epousé la en Diodor.Ec-
fille. 11 commença par se défaire des troupes étrangères, dont il avoit sujet log4 p.% 87Z.
de se défier, & qu'il exposa sans secours à la boucherie des Mamertins, & ne Polyb. 1. i,
retint à son service que les Siciliens naturels du pais. 11 attaqua les Mamer- art. 9,
titis, qui s'étoient rendus redoutables dans la Sicile, & leur prit quelques
places, entr'autres Myles qui étoit défenduë par quinze cens soldats, & Ame-
sales qu'il força & dont il incorpora la garnison parmy ses troupes. Il prit
Alese par composition ; Abacéne & Tyndaris le reçurent & se rendirent à lui
de leur plein gré. Ainsi il resserra extrêmement les Mamertins dans Messine,
aïant d'un côté la ville de Tauromenium, & de l'autre celle de Tyndaris.
Les Mamertins firent marcher contre lui Cios Général de leurs troupes,
à la tête de huit mille hommes de pied & d'un bon nombre de Cavalerie.
Hieron avoit dix mille hommes de pied & quinze cens chevaux. Cios
aïant offert des victimes, consultà les Aruspices, qui lui répondirent qu'il
passeroit la nuit dans le camp des ennemis. Il expliqua la chose en sa
faveur & crut qu'il se rendroit maître du camp d'Hieron. Il en arriva
tout autrement. Hieron remporta la victoire, & Cios fut pris combattant
vaillamment & couvert de blessures. On le porta au camp des Syracu-
sains pour l'y faire traitter de ses blessures. Dans ce même te-ms on amena à
Hieron des Chevaux qu'on avoit pris sur les ennemis. Cios v reconnut le
Cheval de son fils, & ne doutant point qu'il n'eut été tué, il rompit les Li-
gatures dont on avoit bandé ses playes & se laissa mourir de douleur & de
défaillance. Les Mamertins informez de la défaite de leurs troupes & de la
mort de leur Général, résolurent de venir se, rendre à Hieron.
Mais Annibal, qui commandoit la flotte des Carthaginois, étant alors
dans l'Isle de Lipare, vint trouver Hieron sous pretexte de le feliciter sur sa
vidoire, mais en effet pour le surprendre & Pamuser; Aprés cela il se rendit
auprès des Mamertins, les rassura, leur promit un secours considérable, les
détermina à fermer leurs portes aux troupes d'Hieron, & mit lui-même ses
troupes dans la Citadelle de Mamerte; ainsi Hieron fut obligé de se retirer à
Syracuse, sans ôser tenter le siége de Messine. A son retour les Syracusains
le proclamèrent Roy.
LXII. Les Mamertins craignant d'un côté Hieron & les Syracusains qui ména-
Les Ma- çoientde les réduire sous leur domination, & de l'autre les Carthaginois, qui
mettins possédoient l'Empire de la Mer, & qui avoient fait de grandes conquêtes dans
implorent
le 1ecours l'Espagne & dans.Jes Isles, & qui depuis les divisions qui avoient partagé la
des Ro- Sicile, l'a voient réduite presque toute entiére en leur pouvoir, les Mamertins,
mains. -
dis-je, implorèrent le secours des Romains. Ceux cy aprés avoir meure-
ment confidéré les avantages qu'ils pourroient tirer de cette guerre, sur tout
en empêchant les progrès des conquêtes des Carthaginois,prirent le parti d'en-
voyer le Consul Appius Claudius avec des troupes au secours des Mamertins.
Ceux-cy partie par menaces, partie par addresse, trouvèrent moïen de faire sor-
tir les Carthaginois de leur Citadelle, recurent les Romains dans Messine & la
leur livrèrent. Les Carthaginois firent crucifier celui qui avoit rendu la Ci-
tadelle puis commençérent le siége de Messine par Mer & par terre. Hie-
,
ron se joignit à eux dans l'esperance de chasser les Mamertins de Messine.
Il se campa au pied du Mont ,Chalcidius , enfermant ainsi la place de tous
côtez.
LX111. Le Consul Appius qui étoit demeuré quelque tems à Rome,aprés le départ
Claudius de l'armée par un trait d'hardiesse étonnante passe le détroit pendant la nuit,
passe en Si- &
cile & en- avant que de rien entreprendre ni contre Hieron, ni contre les Carthagi-
tre dans nois,
leur envoya des Ambassadeurs, pour les porter à accorder la paix aux
Messine. Mamertins; Mais ses Ambassadeurs n'aïant rien pu obtenir, il résolut de com-
battre les ennemis, il attaqua d'abord les Syracusains, les vainquit & les re-
poussa dans leur camp. Hieron n'augurant rien de bon de cette guerre, se
retira en diligence dans Syracuse. Sa retraite augmenta l'ardeur des Romains.
Ils attaquérent dés le matin du jour suivant les Carthaginois & les obligèrent
de se sauver dans les villes des environs qui leur obéïnoient. Appius aïant
ainsi fait lever le siége, parcourut & ravagea toute la campagne, sans que
personne ôsât paroître devant lui.
LXIV. Il fit plus & sans s'étonner de la force & de la grandeur de Syracuse, il
Recit de ce en entreprit le siége. C'est ainsi que Polybe raconte l'expedition d'Appius;
passage ; Mais Zonare la raconte autrement. Il dit que la résolution aïant été prise au
felon Zo- Senat de secourir les Mamertins, & Appius Claudius aïant été nommé pour
nare. conduire cette entreprise, ce Consul resta à Rome & fit partir pourRhége un
1
des
capable des plus
Tribuns de son armée nommé aussi Claudius, qui etoit
difficiles entreprises. Dez qu'il fut arrivé sur le détroit paner Mais
qui sépare l'Italie de
Galéres pour le avant
la Sicile il ramassa tout ce qu'il put de ;
de le tenter, il voulut passer lui-même, pour s'abboucher avec ceux de
-que se jetta dans une bar-
Memne, qui étoient investis par les Carthaginois. Ilpassant pendant la nuit
de pescheurs, & arriva heureusement à Messine,
que ennemie. Etant entré dans Messine il convoqua les Mamer-
à travers la flotte
tins, & leur parla dans le lieu ordinaire de leur
assemblee. Les Carthaginois
oui'étoient dans la ville se trouvérent à l'assemblée avec les citoïens. Da-
bord qu'il voulut parler, les Carthaginois l'interrompirent. Enfin aïant ob-
tenu un moment de silence, il déclara qu'il venoit de la part des Romains,
leur offrir le secours de la République. On lui repondit que les Carthaginois
étant déja dans la ville, il étoit superflus de demander s'addrefler d'autres défenseurs ;
à qui elle
qu'il venoit trop tard ; Que Messine étant libre, pouvoit
jugeoit à propos pour la secourir. Claudius répliqua : Les Carthaginois que
je vois icy, sont sans toute une grande preuve de vôtre
liberté. Ne sentés-vous
la servitude éternelle dont vous étes ménacez? A ces mots les Mamertins
pas
se turent & le Tribun prenant leur silence pour un aveu, partit incontinent,
repassa le détroit & se rendit à Rhege.
Le Senat Romain informé de la negociation du Tribun Claudius, lui LXV.de
ordre de se mettre en Mer & de conduire incontinent la flotte Ro- Partage
envoya Romains jusqu'alors n'avoient point, trés-peu la flotte
maine devant Messine, les ou Romaine
d'expérience dans la Marine. Leur flotte n'étoit pas à beaucoup prés aussi
en Sicile.
forte & montée par d'aussi habiles Matelots, que celle des Carthaginois. Po- polyb. 1.1.
lybe remarque que les Romains ne savoient pas même alors l'art de construi- Zonar. /. 1.
les vaisseaux, qu'aïant pris une Galére des Carthaginois, elle leur servit de
re
modéle pour en construire d'autres, & que dans l'espace de loixante jours ils
equippérent une flotte de cent vaisseaux à cinq rangs de rames, sans compter
vingt Galéres, à trois rangs de rames. Il ajoûte que Tarente, pour secourir les Mamer-
tins, ils furent obligez de recourir aux habitans de de Locres & de
Naples,pour emprunter d'eux des vaisseaux. Claudius eut la hardiesse de livrer
la bataille. H mnon Géneral des Carthaginois le reçut avec vigueur & l'obli-
avec perte d'un bon nombre de ses vaisseaux.
gea de se retirer à Rhége,Claudius
Hannon renvoya à les vaisseaux qu'il venoit de prendre sur lui,
& lui fit dire qu'encore que les Romains eussent été les premiers à enfraindre
les anciens traitez, en passant le détroit qui appartenoit depuis longtems aux
Carthaginois, il vouloit bien lui rendre ses Galéres, mais à condition qu'il
ii'entreprendoit plus rien de semblable ; que s'il étoit assez hardy de laver
feulement ses mains dans l'eau du détroit; Carthage ne se croiroit plus obli-
gée à l'entretien des anciens traitez. Claudius refusa les vaisseaux & résolut
de se remettre en Mer a la premiere occasiçm. Il le fit avec tant de bonheur,
qu'il entra dans le fort de Messine, sans que les Carthaginois s'én apperçussent.
Hannon avoit pris le commandement de l'armée de terre, & à l'arrivée des
Romains, il leur abandonna la ville de 1\1essine, qui n'étoit pas de défense, &
se ietta avec ses troupes dans la Citadelle.
LXVI. Claudius étant entré dans Messine, demanda aux Mamertins qu'ils s'aP.
les Ma- semblassent en Conseil & qu'ils appellassent Hannon à la délibération
mertins re- publique. Hannon n'y vint ,
çoivent le qu'avec répugnance; Claudius parla dansl'aflem-
secours des blée avec l'ascendant que lui donnoit la présence de son armée; Hannon ré-
Romains. pliqua; on en vint aux reproches & enfin Claudius sit saisir Hannon
Les Cartha- soldats & le retint prisonnier. Les Mamertins applaudirent, & Claudius
par ses
ginois y
abandon- partie par raisons, partie par ménaces obligea le Commandant des Cartha.
,
nent mesl'i- ginois à lui remettre la Citadelle, & à évacuër la ville; Ainsi Claudius se trou-
ne. va maître de Messine, & Hannon à son retour fut mis en croix par la Re-
publique de Carthage.
Vide Diod. L/n autre Hannon fils d'Annibal, fut envoyé avec des nouvelles troupes
in Eclogis commander l'armée en Sicile, & pour faire le siége de Messine. La
1. 874. pour
flotte Carthaginoise aborda à Lilybée. Les troupes du débarquementjointes
avec les anciennes troupes Carthaginoises qui étoient en Sicile, arrivérent a
Selinunte. Le Général Carthaginois se détâcha & alla mettre Agrigente en
état de défense, pendant qu'Hieron Roy de Syracuse se rendit au camp de
Selinunte, pour faire alliance avec les Carthaginois, afin de réunir leurs for-
ces pour délivrer Messine de la puissance des Romains. Avant que d'entrer
en action Hannon envoya à Claudius un Héraut, pour le sommer de sortir de
la Sicile, & de lui abandonner Messine. Le Tribun méprisa cette somma-
tion, qui au fond n'étoit qu'une vaine formalité. Ainsi tout de suite l'armée
Carthaginoise & celle des Syracusains marchérent contre Messine. Hannon
se campa vers le Cap Pelore & borda la côte ; Hieron avec ses troupes cam-
pa au tour du mont Chalcis; en sorte que la place étoit investie par Mer &
par terre, & ne pouvoit recevoir aucun secours.
LXVIl. Le Général Carthaginois pour montrer qu'il ne vouloit plus garder au-
Siège de
Messine cune mesure avec les Romains, fit égorger dans son camp tous les soldats
parles Car. . Italiens, qui étoient au service de sa République. A la nouvelle de cette
thaginois cruelle exécution, le Consul Claudius Appius qui n'avoit pas encore paru,
& par Hie. peut-être afin si les entreprises du Tribun Claudius n'eussent pas réiiffi,
ron.
que
on le pût désavouër. Quoy qu'il en soit, le Consul arrivé à Rhége députa
vers le Roy Hieron, pour le prier de se départir du siége de Messine. Hie-
ron reçut mal la civilité d'Appius, & se plaignit de l'ingratitude desRomain,
à qui il avoit rendu des services dans le besoin; la réponse d'Hieron aïant été
rapportée à Rhége au Consul, il résolut de passer en personne en Sicile; Mais
pour dérober la connoissance de son passage aux ennemis, il fit courir le bruit
qu'il n'entreprendroit rien, qu'auparavant il n'eût informé le Senat des dispo-
sissons du Roy Hieron, & sans en avoir reçu de nouveaux ordres. Il s'em-
barqua dans un vaisseau fait à la hâte, à qui l'on donna le nom de Cfludex,
a cause qu'il étoit fait de planches mal liées & mal assorties, surnom qui de-
meura à Appius lui-même, en memoire de cet événement. Avec ce mauvais
navire il pana à la faveur d'une sombre nuit dans l'Isle, aïant d'abord pris sa
route, comme pour retourner à Rome. Ses galéres qui avoient été disper-
sées en differens ports d'Italie, le joignirent & arrivèrent aussi en Sicile à
point nommé.
11
Il fit avancer ses Légions du côté du mont Chalcis, où étoit le Roy Hie- LXVIII.
son armée. Le combat se donna, la Cavalerie Romaine fut mise Le Consul
ron avec renversa celle 'd'Hieron, qui fut obligé de se Appius fait -
en désordre, mais l'Infanterie lever le fié-
retirer dans son camp avec perte ; La nuit suivante se croyant trahi par les ge de Mef-
Carthaginois, qu'il croyoit avoir donné passage aux Romains, il se retira à sine. /. i.
Syracuse, & Appius entra à Messine. Polybe fait voir icy la différence qu'iL Polyb,
récit des historiens qui ont écrit cette de Sicile; Nous ne n. n-14-15*-16-
y a entre le guerre Zonar. 1. 8.
pouvons pas entrer dans le détail de ces variétez ; Nous suivrons principale Vide($ Die-
mentZonare & Polybe, qui pouvoient avoir eu en mains les livres de Tite dor. in
Eclog.p.17 1-
Live, qui nous manquent.
La déroute de l'armée d'lileron Inlplra au L,oniui le courage a attaquer
les Carthaginois dans leurs retranchemens. Ils étoient à couvert d'un côté
par la Mer, & des deux autres côtez par des marais, entre lesquels ilsde avoient
bâti un mur qui fermoit l'entrée de leur camp. Appius ne laissa pas les y
attaquer, mais il sut repoussé avec perte & obligé de se retirer dans Messine.
Les C "thaginois voulurent poursuivre les Romains & s'abandonnérent dans
la plaine. Dez que les Légions purent combattre de plein pied, les Cartha-
ginois eurent du dessous. L'armée d'Hannon fut mise en fuite; la plupart
des soldats se sauvérent où ils purent dans les villes voisines, le reste se retira
en mauvais ordre dans son camp. Le Consul ne jugea pas à propos degrands s'opi-
niâtrer à les y forcer; il se jetta sur les terres des Syracusains & y fit de
ravages. Quelqu'uns ont écrit qu'il avoit même assiégé Syracuse ; Mais la
chose est trés-douteuse ; du moins il est consiant qu'il n'en poussa pas le siége,
& qu'après avoir disposé Hieron son peuple à entrer dans l'alliance des
Romains, il se retira.
Aussitost qu'on eût reçu à Rome les nouvelles de l'heureux succés des LXIX.
Manius Va-
armes de la République en Sicile, on fit partir pour ce païs les deux nouve- lerius Flac-
aux Consuls, Manius Valerius Flaccus, & Manilius Odacilius Crassus. Ils y eus, & Ma-
abordérent heureusement sans trouver la moindre résistance de la part des nilius Octa-
Carthaginois. L'armée Romaine étoit d'environ seize mille hommes Légio- cUius Craf-
sus Con-
naires de troupes Romaines, sans compter les troupes alliés qui étoient en suls.
bien plus grand nombre; de plus elle avoit douze mille hommes de Cavale- Ande Ro-
rie Romaine, outre celle des alliez, qui étoit plus nombreuse. Les Consuls me 490. du
partagérent leurs forces. Valerius écarta les Carthaginois, qui tenoient enco- M. 3746.
J. G.
re IVlessine comme investie du côté de la Mer. On tient que le surnom de avant 2T4
MejJàla, ou Messena qu'il porta toujours depuis, lui en est demeuré. L'autre Polyb. 1.1.
Consul Odacilius porta la désolation dans le coeur de la Sicile. Après cela les n. 16.
Consuls réünirent de nouveaux leurs forces en se rendant maîtres de soixan- Zonar. 1. 8
te & sept places, qu'ils prirent tant sur les Carthaginois que sur Hieron.
Ils résolurent enfin dé saire le siége de Syracuse qui étoit la Capitale LXX.
de l'Isle & une des plus grandes villes du monde , & qui ,
étoit défenduë par Paix con-
clue entre
une bonne armée, sans compter une multitude innombrable de bourgeois. les Ro-
Hieron qui avoit déjà eprouvé la valeur des troupes Romaines, ne jugea pas mains &
à propos de s'exposer au danger d'un siége. Il envoya des députez au camp Hieron.
des Romains., & la paix fut bientost conclue à ces conditions 1°. Les Ro- Pol.yb. /.I.
;
. 16.
mains reconnurent Hieron comme ami de leur République, & promirent de
défendre sa Capitale, ses états, & les villes d'Acra, Leontium, M égare, Elore,
Nerine &Tauromene de toute hostilité ; 2°. Hieron s'engage de rendre tous
les prisonniers faits sur les Romains sans rançon, & de payer à la Républi-
>
que cent talens d'argent pour les frais de la guerre. Ces conditions turent
envoyées à Rome & agréées du Senat & du peuple. Depuis ce traité Hie-
ron demeura fortement & fidélement attaché au parti des Romains, il culti-
va leur amitié, & employa le relte de sa vie qui fut fort longue, car il veçut
90. ans, & toujours ensanté, à faire fleurir le commerce & les arts dans Sy-
racuse. Il avoit pour maxime qu'un Prince pour être heureux, devoit vivre
de telle manière que ses sujets craigniisent de le perdre. Souvent il voulut se
démettre de la Royauté, & toujours les SYl4acusains le pressérent de la retenir.
Les Carthaginois étonnez du progrés des armes de la République Ro-
maine dans la Sicile, résolurent d'employer toutes leurs forces à leur faire la
guerre. Les Romains de leurs côtez subjugérent plusieurs villes qui avoient
jusqu'alors obéï aux Carthaginois ; La plupart de celles de la côté Occiden-
tale dela Sicile, les reconnurent volontiers, se souvenant de leur ancienne
origine ; Car ils se croyoient descendus d'Enée de même que les Romains.
Ceux de Segesse & d'Aliéné madacrérent la garnison Carthaginoise ; Les
Tyndarites étoient tout disposez à se rendre aux Romainsmais ils furent
prévenus par les Carthaginois, qui les contraignirent de donner des otages
de leur fidélité. Aprés la campagne on fit repa er l'armée Romaine en Italie
pour s'y rafraîchir ; les Consuls retournérent à Rome & y furent reçus en
triomphe.
. LXXI. La même année on choisit un Dictateur pour ficher un clou dans le lem-
Cn. Fulvius ple de Jupiter Capitolin, afin de faire cesser la peste, qui faisoit toujours du
Centuma-
ravage à Rome. Ce Dictateur fut Cneïus Fulvius Centumalus.
lus Dicta- Consuls de l'année suivante furent L.Posthumius Megellus, & Q,Ma-
teur.
Les
LXXII- milius Vitulus ; Ils passérent en Sicile sans trouver aucune opposition de la
L. i,oflhu- part des Carthaginois. On craignoit si peu ces derniers, ou l'on comptoit
mius Me- il fort sur l'amitié d'Hieron & des autres Siciliens que le Senat Romain ne
gellus & ,
permit aux Consuls de faire passer dans cette Isle, que la moitié des troupes
Mamitius
Vitulus qu'on avoit accoutumé de donner aux Consuls; C'est-à dire une Légion, au
Consuls. lieu de deux. La Légion étoit de quatre mille six cens hommes. Ainsi l'ar-
An de Ro- mée de Sicile ne fut que de huit mille douze cens hommes de troupes Ro-
me 49 1. du maines, non compris les troupes des alliez. Avec ces forces ils résolurent le
M. 3747.
avant J. G, lléo-e d'Agrigente, qui
depuis longtems obéïssoit aux Carthaginois. La ville
250. étoit grande, bien fortifiée, bien munie & défenduë par une garnison qu'on
Guerre en faisoit monter à cinquante mille hommes, sans compter les habitans capables
Sicile. de porter les armes, qui étoient au nombre de plus de vingt cinq mille. Cela
[}ol'Jh.l. 1.
17.18. seul faisoit une armée nombreuse. Annibal étoit à leur tête. Ce n'est pas le
n. De plus Hannon n'atten-
Diodor. in fameux Annibal dont on parlera dans la suite.
Eç logis doit que les ordres du Senat de Carthage pour passer en Sicile , avec une
P. 87ï- armée de cinquante mille hommes de pied, de six mille Chevaux & de soi-
pûl.Yb. 1. 1.
xante Eléphans. Tout
Tout ce grand appareil n'ef&aïa point les Romains. Ils formèrent le SiégeLXX11l.
d'A-
siége d'Agrigente. C'étoit le tems de la moisson. Les Consuls permirent à grigente
une partie de leurs soldats d'aller ramasser dans la Campagne le blé dont ils par les RO-
prévoyent qu'ils auroient besoin dans le cours du siége. Annibal s'en étant mains.
apperçu, fit faire une sortie de la plus grande partie de sa garnison,inconsi-
qui se
partagea en deux corps; l'un fondit sur les fourageurs qui s'étoient
déremment eloignez du Camp ; l'autre attaqua le camp trop dégarni par
l'imprudence des Consuls. Les troupes Carthaginoises qui s'avancérent vers
le camp, furent partagées en deux corps, dont l'un fut envoyé pour forcer
le camp & faire bréche aux remparts. L'autre marcha contre les gardes
avancées, qui soûtinrent leurs efforts assez longtems pour donner le loisir aux
Consuls de ranger leurs troupes en bataille, & pour les faire sortir hors de
leur camp. Ils attaquérent à leur tour les Carthaginois, qui furent bientost
mis en déroute & repoussez dans Agrigente, avec une perte trés-considérable.
Delà les Romains tombèrent sur ceux put s'étoient attachez à faire brèche
aux retranchemens. Ils furent enveloppez & taillez en pièces. Pour les fou-
rageurs il en échappa bien peu, parcequ'on les attaqua dispersez & eloignez
les uns des autres. Cette avanture retint les uns & les autres dans une plus
grande circonspedion.
La haine qu'on portoit aux Carthaginois dans la Sicile, amena dans le
camp des Romains une multitude de Siciliens, qui vinrent s'enrôler parmi
eux. Il s'en trouva jusqu'à cent mille, qu'on fut obligé de partager dans
deux camps différents, l'un proche le Temple d'Esculape à quelque distan-
. ce d'Agrigente ; l'autre sur le chemin qui conduisoit à Heraclée. Le siége se
conduisit avec lenteur, parcequ'on vouloit réduire la place par famine.
Aprés cinq mois du siége elle se trouva dans une grande disette ; Enfin Han-
non débarqua en Sicile avec sa flotte , & vint camper proche d'Héraclée, à
vingt milles ou environ d'Agrigente.
Les Romains avoient fait de la ville d'Erbesse, qu'ils croyoient leur être LXXIV.
affectionnée leur magasin général où l'on apportoit de toute la Sicile les Erbefse est
vivres pour la, nourriture de leurs troupes. Quelques Erbessans ennemis se- livrée par
trahison
crets des Romains livrérent la ville à Hannon, avec toutes les provisions qui auxGartha-
y étoient. Déja les Consuls délibéroient s'ils ne leveroient pas le siége d'Agri- ginois.
gente. Le Roy Hieron les secourut dans cette extrémité & leur fournit des
vivres, beaucoup moins à la vérité qu'il n'en falloit pour vivre dans l'abon-
dance parceque les Carthaginois enlevoient la plupart des convoys, mais
,
assez pour subsister. Hannon ne différa pas assez pour son avantage de livrer
la bataille. La maladie qui s'étoit mise dans le camp des Romains les avoient
beaucoup affaiblis, & à la fin ils auroient été forcez de se retirer. Hannon
donc se présenta devant le camp des Consuls, qui firent sortir sur lui une par-
tie de leur Cavalerie. Cette Cavalerie poursuivantles Cavaliers Numides,
donnérent dans une embuscade, où ils perdirent bien du monde & d'où.
,
peu revinrent au camp.
Hannon plein de confiance se campa sur une éminence nommée Taurus,
environ à un mille & demi des Romains ; ceux-ci ne se hâtèrent point de lui
livrer
livrer le combat, espérant toujours de réduire Annibal à se rendre faute de -
vivres. En effet il se trouva bientost dans un tel dénuëment, que ses soldats
venoient par bandes se rendre aux Romains & Annibal avertiflbit souvent
Hannon par des signaux de l'embarras où il> se trouvoit. Hannon résolut
donc de descendre de son éminence & de présenter la bataille aux Consuls,
& donna avis à Annibal du jour du combat, afin qu'il pût saire une sortie,
dans le moment qu'il le verroit aux prises avec les Romains. Les Consuls
feignirent de refuser la bataille, & pendant quelques jours laissérent Hannon
étaller ses troupes dans la plaine, sans sortir contre lui, se contentant de
Frontin.1.2. lâcher par intervalles quelques troupes armées à la légére pour les fatiguer
Stratag. c.ï. dans leur retraite.
LXXV. Le jour venu auquel les Consuls vouloient donner le combat, ils oppo-
Vi&oire sérent aux ennemis quelques troupes retranchées, sur lesquelles les Cartha-
des Ra. ginois jettérent leur premier feu. Le reste de l'armée d'Hannon demeura ce-
mains con- pendant exposée à l'ardeur du Sole;,1 ; pendant que le gros de l'arméeRomai-
tre les Car- ne étoit à couvert sous ses tentes. Les Consuls la firent repaître & ensuite la
thaginois
devant rangèrent dans le camp même, & les firent sortir au moment qu'Hannon s'y
Agrigente. attendoit le moins. Le premier choc des Romains tomba sur les soldats
étrangers que les Carthaginois avoient à leur solde lesquels fatiguez par le
chaud & par le délai du combat, pliérent d'abord & prirent la fuite. Dans
leur retraitte ils se jettérent dans les Elephans qu'ils mirent en désordre; & ces
animaux en suïant jettérent la confusion dans le reste de l'armée. En même
tems les Consuls donnérent sur le corps des Carthaginois, & achevérent de le
rompre. Ce ne fut plus que désordre & que carnage. La dérouté d'Han-
non fut entière.
En vain Annibal tenta de faire une sortie & de venir au secours d'Han.
non. Il trouva les Romains postez à toutes les issuës de la ville , qui le re-
poussérent aprés lui avoir tué bien du monde. On ne sait pas préciiënlentle
nombre des morts. On .prit aux Carthaginois onze Eléphans, on en blessa
trois, & trente demeurèrent étendus sur la place. Hannon avec les debris
de son armée, se sauva comme il put à Héraclée.
LXXV1. Annibal la nuit même qui suivit la bataille, fit une dernière tentative pour
Prise d'A- tâcher de forcer le
grigente bien gardé aprés la fatigue camp des Romains, qu'il présumoit devoir être moins
les Ro'
de cette journée. 11 fit sortir ses troupes sur la
par .
mains. minuit, & pénétre jusqu'aux pieds des remparts. Avant qu'il pût saire tra..
pol;yb.l. 1. vailler à remplir les fossez il fut découvert & presqu'en même tems mis en
,
fuite. Au lieu de rentrer dans la ville, qui n'étoit plus en état de défense, il
se retira en lieu de seureté, laissant les Agrigentins à la mercy des Romains.
Les Agrigentins à leur tour égorgérent tous les Carthaginois , qui se trouvé-
rent dans leurs villes, croyant par là faire leur cour aux Consuls. Ils se ren-
dirent à discrétion; La ville fut abandonnée au pillage. On donna la vie aux
bourgeois, mais ils furent réduits en captivité, au nombre de plus de vingt
cinq mille personnes. Les Romains perdirent à ce siége, qui dura environ
.
sept mois, plus de trente mille hommes, tant de troupes Romaines, que de
celles des alliez. Delà les Consuls se rendirent à Rome.
Ceux
Ceux qui leurs succéderent, furent L.Valerius Flaccus, & T. Otacilius. LLXValeriu$- XVll.
Ils furent destinez à continuer la guerre en Sicile. Jusqu'alors les Romains Flaccus, âc
n'avoient point eu de flottes à eux. Ils avoient passé le détroit sur des vail- T.Otacilius
seaux marchans empruntez à des habitans de la côte d'Italie. Pour réduire Gonfuls.
les villes maritimes qui obéïssoient aux Carthaginois, il leur falloit une armee An de Ro-
navale, & par consequence des vaisseaux. La difficulté étoit d 'en construire, me 492. du
matelots les M. 3748.
n'aïant ni ouvriers, ni charpentiers pour les faire, ni pour gou- avant J. G.
construire frais du public, cent
verner. Toutefois le Senat ordonna de aux
échoüée sur les cotes
212.
vin et batimens. Une Galere a trois rangs de rames Guerre en
d'Italie, leur servit de modelle. On couppa des arbres & on les transporta Sicile. Poljb. /. 1.
sur les bords de la Mer, avec une célérité incroïable. Pendant qu'on tra-
vailloit aux vaisseaux, on enrôloit des rameurs & on les exerçoit a ramer sur
la terre, en les faisant asseoir sur des bancs, comme ceux des rameurs, & a
faire en l'air les mouvemens & les inflexions de corps en avant & en arriére
les rameurs ont accoutumé de les faire sur la mer. Le Commandant
comme
étoit au milieu d'eux, leur donnant ses ordres pour commencer, & pour fi-
nir à propos, & tous ensemble. à LXXVlll.
Dez-que la flotte tut achevée , c'est-a dire au bout de deux mois, .

compter du jour que les arbres furent abbattus dans la forêt, on la mit en Quatre rail-
Elle heureusement Sicile le Gaulois
mer, & on y embarqua l'armée. arriva en avec mis à mort
les Consuls. Toutes les villes du plat pays effrayées du malheur d'Agrigente, par la trahi.
se livrérent aux Romains. Hannon avoit au service des Carthaginois grand ton d'Han..
nombre de troupes étrangéres qu'il n'étoit pas aisé de contenir. Les trou- non Car-
Gauloises qui étoient au nombre de quatre mille hommes , faisoient le thaginois.
pes plusieurs mois, mé- Frontin.
plus de bruit, & demandoient avec hauteur leur solde de Stratagem.
naçant de se retirer, dans l'armée Romaine. Hannon pour s'en défaire, /. 16.
leur promit le pillage d'Entelle, ville puissante qui étoit alors sous la domi-
nation des Romains. C'étoit un piége qu'il leur tendoit pour les faire périr.
En même tems il ordonna à l'Intendant de sa nléÚÍon de le rendre au camp
des Consuls, sous l'apparence d'un transfuge mécontent de son maître.
Il déclara aux Consuls que les habitans d'Entelle devoient un tel jour
livrer la bataille aux Carthaginois, & que quatre mille Gaulois ce jour la-
même devoient entrer dans la place ; que rien n'étoit plus aisé que d'en-
lever ce détachement en dressant une embuscade sur son chemin. Le Consul
Otacilius sur la foy du prétendu transfuge, embusque une bonne troupe de
Romains sur le chemin par où les Gaulois devoient passer. Ils donnent dans
l'embuscade, & sont taillez en pièces, sans qu'il en échape un seul. Le suc-
cés de cette campagne fut la reddition de toutes les villes du plat païs, qui
obéïssoient aux Carthaginois ; les Consuls retournérent à Rome, & eurent
pour successeurs Cneius Cornélius Asina Scipio & CaïusdeDuillius. Le com-
l'armée de terre à
mandement de la flotte échut à Cornélius , & celui
Duillius.
Annibal commandoit toujours les troupes Carthaginoises de la Sicile ; LXXIX.
Corne-
sachant que Cornelius devoit bientost se mettre en mer, il fit courir le bruit Cn. lius Asina

eue d'abord qu'il paroîtroit devant Lipare, cette Isle se rendroit aux Romains. Scipio, &
à
Caïus Duil- En même tems il donne ordre Boodes un de ses Lieutenans Généraux, de
lius Gon- croiser autour de Lipare, pour investir le Consul, dez-qu'il seroit à la rade.
suls. Cornélius partit de bonne heure avec le peu de vaisseaux qu'il trouva prêts,
An de -)Ro-
Lipare à son arrivée ne lui ouvrit son port & ses portes.
me 493. du ne doutant pas que
M. 3749. A peine fut-il à portée de l'isle qu'il se vit inverti par Boodes. Celui-cy re-
avant J. 6. doutant la valeur des Romains & craignant d'en venir aux mains, invita le
251.
Continua-
Consul à venir sur son bord avec ses Tribuns, pour conférer à l'amiable sur
tion de la les difficultez de Rome avec
Carthage, Mais à peine y furent-ils entrez,
guerre en qu'on les mit dans les fers. La flotte Romaine destituée de Chefs, se rendit
Sicile. sans combattre. Le Consul fut envoyé à Carthage.
Polyb. J. 1. Le reste de la flotte Romaine, qui étoit encore de cent treize Galéres,
n. 22.23. mit à la voile selon l'ordre qu'elle en avoit reçu de Cornélius, ne fâchantpas
Oro/:/. 4.c.?
,Zonar. 1. 8. ce qui lui étoit arrivé. Cependant Annibal curieux de voir le nombre, l'or-
Liv. in Epi- dre & la disposition de la nouvelle flotte des Romains, s'avança dans le dé-
tome. troit où elle devoit passer, il s'étoit poste dans une plage qui faisoit un cou-
LXXX. de où il se tenoit sans
aucune envie de combattre ; Les Romains l'aïant ap-
Le Consul ,
Cornélius perçu donnérent brusquement sur son escadre, & la mirent aisément en déIor-
cft pris & dre, Annibal n'aïant pas eu le loisir ny de ranger ses Galéres, ni de donner
envoyé à ses ordres. La plus grande partie de ses vaisseaux fut prise ou coulée à fond.
Carthage.
11 se sauva comme il put. Les prisonniers qu'on fit dans ce combat apprirent
aux Romains le malheureux sort du Consul Cornélius.
LXXXL Duilius demeuré seul Chef des deux armées de terre & de mer, informé
Machine de ce qui étoit arrivé à Annibal, ne douta pas que ce Général ne tentât bien-
nommée tost lin nouveau combat; l'inquiétude de Duilius étoit de ne pouvoir ni éga-
IcCorbeau, 1er la légérité des Galéres Carthaginoises ni de venir à l'abordage pour
inventée com-
battre de main à main ; Car pour la valeur, les Romains l'emportaient infi-
pour ac- Un Ingenieur de son armée lui proposa une
crocher les niment sur les Carthaginois.
navires. machine propre à accrocher les vaisseaux & à passer par une espéce de pont
de l'un à l'autre. Cette machine rendoit inutile la promtitude à la légéreté
des Galères Carthaginoises , & mettoit les Romains en état de combattre sur
mer de pied ferme, à peu prés comme sur terre, & de venir à l'abordage mal-
gré l'ennemi. Duilius fit travailler à ces corbeaux avec toute la diligence
possible, & s'embarqua auplûtost sur sa flotte ; Il fit voile du côte de Myles,
qui étoit assez prés de Messine, & appartenoit aux Mamertins. Les Cartha-
ginois méprisant le peu d'habileté des Romains dans la Marine, ne daignèrent
pas ranger leurs Galéres. Ils s'avancérent assez en désordre, & chacun s'at-
tacha à une Galère des Romains pour l'insulter & la harceler à coups de
traits.
LXXXII. L'armée Consulaire au contraire étoit rangée en bon ordre, & quand les
Vittoire du Galères furent à portée de celle des Carthaginois ; Ceux-cy remarquérent
Consul avecsurprise au tour du inas des vaisseaux des Romains , une machine nou-
Duilius sur velée, dont ils ignoroient l'usage & dont ils se raillérent
les Cartha- au commencement;
ginois. mais quand ils virent ces Corbeaux tomber sur leurs Galéres, les accrocher
& empêcher leurs mouvemens, & que les soldats Romains se jettoient par le
pont dans leurs vaisseaux, & y combattoient comme sur la terre ferme, ils fu-
J
rent
rent saisis de terreur ; & aprés avoir perdu les trente de leurs Galeres qui
combattirent les premiéres, les autres prirent la fuite. Annibal montoit une
Galère à sept rangs de rames, qui avoit autefois appartenu au Roy Pyrrhus.
elle fut accrochée par le corbeau comme les autres,& le Général Carthaginois
abandonnant son vaisseau & ses soldats à l'ennemi, se jetta dans un esquif &
se sauva.
Le reste de la flotte Carthaginoise, qui n'avoit pas encore donné &
qui étoit de cent trente Galéres, vint fondre sur les Romains, & pour eviter
,
d'être accrochez par les corbeaux, ils s'efforcérent de les prendre en flanc ;
Car le corbeau tomboit de la prouë ; mais les Romains déja accoutumez a
la manoeuvre des Galères, ne leur présentérent que la prouë ; de maniére
qu'ils leurs prirent encore cinquante vaisseaux ; Dans les deux attaques ils
tuérent environ sept mille hommes & firent sept mille prisonniers".
Cette victoire remportée sur mer par des hommes qui n'avoient point
d'expérience de la marine y répandit la joïe & la confiance dans l'armée Ro-
maine. Le Consul Duilius s'étant mis à la téte de son armée de terre, alla
promtement au secours de la ville de Segeste assiégée par nmilcar, fort diffé-
rent du Pere du fameux Annibal. Dez-que Duilius parut, les Carthaginois
se retirérent. Delà il marcha contre Macella dont les Carthaginois s'étoient
emparé. Il la reprit aprés quelque jours de siége. Aprés cela il reprit la
route d'Italie, laissant ses Légions hyverner dans la Sicile.commandée Polyb.l. J.
Amilcar profita de son absence ; L'armée Romaine par des Diodor. in
Officiers subalternes, asfigeoit la ville de Mysistrate. Cette armée étoit com- Eclog.
posée de Romains & de Siciliens. La division se mit entr'eux à l'occasion des p. 876.
postes les plus honorables & les plus dangereux qu'on donnoit aux Romains,
a l'exclu si on des Siciliens. Ceux-cy se retirérent du camp des Romains &
campérent à part. Amilcar informé de cette division, vint fondre sur les re-
tranchements des Siciliens & leur tua quatre mille hommes. Aprés cela il
prit plusieurs villes les unes par force, les autres par addresse. LXXXIII
Annibal aprés sa défaite avoit conduit le reste de ses Galéres dans un Annibal
à
port d'Afrique, mais il n'osa aborder Carthage, où il savoit qu'on punis- évite la
soit d'ordinaire les fautes des Généraux par le supplice de la croix. 11 usa mort par
de souplesse & envoya un de ses amis dans la ville, où l'on ignoroit encore une fineIse.
l'echec de la flotte Carthaginoise. Cet ami avoit ordre de demander aux 1.7. Val. Max.
Chefs de la République si Annibal devoit hazarder la bataille contre la flotte Zonar. c. 3.
Romaine qui avoit paru avec certaines machines attachées, on ne sait pour Autbor. de
quel usage,à la prouë de leurs Galéres.Tout d'une voix il fut résolu qu'il falloit viris lllus-
livrer la bataille. Le député répliqua: Ce que vous ordonnez, Seigneurs, à tribtu.
été fait, mais Annibal n'a pas été assez heureux pour réussir. Le Senat n'osa
punir ce qu'il avoit conseillé. On se contenta d'ôter à Annibal le comman-
dement de la flotte.
Duilius reçut à Rome les honneurs du triomphe; & pour lui témoigner LXXXIV
d'une maniére distinguée la reconnoissance qu'on avoit de sa vidoire; on lui T riomphc
de Duilius >

permit toutes les fois qu'il retournoit le soir dans sa maison, aprés avoir soupé fort remar-
en ville, de se faire accompagner de joueurs d'instrumens & de personnes quable.
qui portaient des flambeaux devant lui. On lui accorda aussi la permiflîof!
de batir un Temple àJanus, & la République lui érigea une Colomne de
marbre blanc dans le marché de Rome, ornée de six prouës de Galéres, trois
d'un côté, & trois de l'autre. Avec une inscription en Latin de ce temsla,
fort différent sur tout par l'Ostographe de celui d'aujourd'huy,dans laquelle
on voit que le Consul prit aux Carthaginois trente navires avec ceux qui les
montoient, & entr'autres la Galère de l'amiral ; qu'il coula à fond vingt Ga-
léres à cinq & à trois rangs de rames. Qu'il prit sur les ennemis trois mille
cent piéces d'or, & cent mille piéces d'argent, & du cuivre deux mil-
lions cent mille livres pesant.
LXXXV. Les Consuls qui succédérent à Duilius furent L. Cornélius Scipio, & L.
L. Corne- Aquilius Florus; Cornelius fut destiné
lius Scipio, par le sort à commander la flotte, &
& G. Aqui- Aquilius l'armée de terre. On permit à Cornelius de tenter une expédition
lius Florus dans les Isles de Corse & de Sardaigne , s'il en trouvoit Poccasion. Il mit à
Go n suls. la voile & partit. Cependant on découvrit à Rome une conspiration sormée
An de Ro- par les esclaves, drIbrûler & saccager la ville. Ces esclaves pour fortifier leur
me 494. du parti, engagèrent les Samnites qui étoient venus à Rome pour servir de
M. 3750. y ra-
avant J. G. meurs dans les Galères. Ils n'étoient pas forcez à faire ce métier, comme
2Ç. sont nos forcats & nos Galériens. Ils étoient enrôlez & prétoient le serment
Gonfpira- militaire
comme les soldats. Cependant ils n'alloient pas volontiers servir
tion des sur la
Esclaves & mer, n'aïant jamais fait ce métier. Les Samnites donc entrèrent sans
de 4000. peine dans le complot des esclaves. Les uns & les autres choisirent pour
Samnites à Chef un nommé Errius Potilius commandant des troupes auxiliaires.
Rome. Cet homme feignit de se prêter aux desseins des Conjurez, dans la réso-
Oro/:/. 4. lution de pénétrer leurs secrets & d'en faire
part au Sénat ; Mais comme il
Zonar. /.8. étoit continuellement obsédé par les Conspirateurs, qui le gardoient, pour
c-7-
ainsi dire, à veuë il leur proposa de feindre un sujet de mécontentement,
,
d'en porter leur plaintes au Senat assemblé, & au cas qu'on n'eut point d'égard
à leurs plaintes, de prendre les armes & d'exécuter leur résolution. Ce Con-
seil fut suivi. Les Samnites attroupez dans la place publique, se plaignirent
avec de grands cris, qu'on leur avoit délivré le blé destiné pour leur subsistan-
ce à faussé mesure. Ce n'étoit qu'un vain prétexte. Le Senat ordonna que
le Chef des Samnites mécontens, seroit introduit dans la salle, où lé Senat
était assemblé, pour savoir de lui plus exactement le sujet de ces clameurs,
Potilius au lieu de cela exposa aux Senateurs tout le secret de la conspiration.
Ils loüérent sa fidélité, promirent aux Conjurez de leur donner satisfadion,
& on les renvoya chez eux avec de belles paroles. Les Samnites furent char-
mez de se retirer dans leur païs , & la nuit suivante on arrêta les esclaves, &
on les mit dans les fers. Ceux des Samnites qui étoient encore à Rome, fu-
rent emprisonnez.
LXXXVI Ce contre tems; retint à Rome le Consul Aquilius. Son Collègue étoit
Conquêtes parti, comme nour l'avons dit. Au lieu d'aller droit en Sicile, il ciut qu'il étoit
des Ro- de sa gloire de faire la conquête desIsles de Corse & de Sardaigne, qui étoient
mains en possédées
Corse &en par les Carthaginois. Il attaqua dabord l'Isle de Corse, comme la
SaJdaiinc. plus petite & la plus voiSne de l'Italie. La prise de la ville d'Alerie lui assura
la
Conauéte de l'Isle entiére. Delà il paita en Sardaigne; mais ayant trouve
dans le port d'Olbia un grand nombre de vaisseaux Carthaginois, & ayant ap-
pris qu'il y avoit une forte Garnison dans la ville, il résolut de retourner en
Italie, afin d'y prendre des troupes en suffisance, pour forcer lesCarthaginoisforma
& se rendre maître d'Olbia. Il revint en effet quelque tems après , & form
le siége de cette place. Hannon avoit succédé a Annibal dans le
dement de la flotte Carthaginoise. Il livra un combat a Cornelius & pe
La ville serendit
ila vie combattant vaillamment à la tête de ses troupes. Général Carthaginois,
bientost aprés ; & Cornelius honora les funérailles du
sa présence. Il conquit encore un bon nombre d'autres villes dans la Sar-
par
daigne & en chassa presqu'entiérementles Carthaginois. affaires des
Aquilius son Collégue étant arrivé en Sicile , y trouva les
Romains assez dérangées. Les Carthaginois avoient repris sur eux les villes
d'Enna & de Camarine,avoient fortifié Drepane, dont le port étoit excellent,
& avoient transporté dans cette ville les habitans d'Erice , dans^ la crainte
qu'ils ne se donnassant aux Romains. Aquilius arrêta les progrès d Amilcar
& demeura tout l'Hyver dans l'Isle, pour prévenir & reparer es inconveniens
causé l'hyver précédent. Il y demeura en-
que l'absence de Duilius y avoit
de la ville de Mysistrate..
core la campagne suivante en qualité de
Proconsul, ou il commença le siége

Les nouveaux Consuls furent Aulus Attilius Calatinus, & C. Sulpitius Aulus
la Sicile; Calatinus eut le com-
LXXXVII.
Atti-
Paterculus. Ils partirent l'un & l'autre pour lius Cala-
mandement des troupes de terre, & Sulpitius celui de la flotte. La ville de tinus, & C.
Mysistrate étoit vivement pressée par Aquilius , lorsque le Consul Calatinus Sulpitius
abborda en Sicile. Les habitans Siciliens de la ville pressérent les Carthagi- Paterculus Consuls.
nois d'en sortir par une porte , tandis qu'ils ouvrirent une autre porte aux An de R.
Romains. Ceux-ci par une cruauté barbare , firent main basse sur tout ce 49^.du M.
qu'ils rencontrérent, sans aucune distinétion. Le Consul, pour arrêter le 37iu
permit aux soldats de faire des prisonniers & de les vendre a leur avant J. G.
carnage , -

profit. Cela mit fin au carnage. La ville fut rasée & ne se rétablit jamais. Guerre 249.
en
Delà Calatinus marcha contre Canlarine;sur sa route il s'engagea insen- Sicile,
siblement dans une vallée profonde , où il se vit environné de toutes parts Polyb. 1. r.
par les Carthaginois , qui occupoient tous les passages, sans qu'on put ni Zonar. /.8.
Dans extrémité tribun Legionaire nommé com- Florus,alii.
avancer ni reculer. cette un LXXXVIII.
munément M.CaIpurnius Flamma vint s'offrir au Consul & promit avec trois Belle
de donner tant d exercice aux action fie
cens hommes déterminez comme lui à périr ,
ennemis, que l'armée Romaine pourroit se tirer du péril. En effet il s eni- Calpurnius
d'une hauteur, où il se retranche avec ses 3°0. hommes. Les Cartha- Flamma,
pare vivement. Petit petit qui eexpo.
ginois se croyant insultez par ce Romain, l'attaquent à
se à la mort
le gros de l'armée Carthaginoise, s'assemble au tour de cette eminence , & ponr sau-
abandonne la garde des passages. Le Consul saisit le moment & se tire du ver l'ar-
mée Ro-
vallon ; Flamma avec les siens fut la vidime de sa propre valeur & de son rcMue,
dévouëment pour l'armée Romaine; il fut trouvé dans un tas de morts cou- Du%. L 22,
gué-
vert de blessures, mais respirant encore. On le prit, on le panca, on le c.4*
rit' & pour toute recompense on lui donna une Couronne de Chien-dent,
qui étoit celle qu'on donnoit aux guerriers qui avoient sauvé un ou plusieurs
Citoïens.
LXXXIX.
Aprés s'être ainsi tiré du danger, Attilius fit le siége de Camarine, lagar-
Siège de nsson Carthaginoise y étoit nombreuse ; Le Roy Hieron fournit au Consul
Gamariac. les machines néceflsaires pour battre la place. Elle fut emportée de force, &
la Garnison vendue à l'enchère. La ville d'Enna prévint le même malheur
qui la ménaçoit, elle ouvrit les portes aux Romains à l'insçu des Carthaginois,
qui y furent tous passez au fil de l'épée. Les villes du plat pays s'empresserent
à se venir rendre aux Romains. Le Consul marcha contre Lipare. Le Gé-
néral des Carthaginois le prévint & se jetta secretement dans la ville avec bon
nombre de soldats. D'abord il ne fit paroître sur les murs que des Bourgeois.
Attilius donna dans ce piége ; Il ordonna sur le champ d'aller à l'escalade.
Pendant que les Romains étoient ainsi empressez à monter suries nlurs,An1il..
car fit une sortie & repoussa les assiégeans avec beaucoup de perte. Tels fu-
rent les exploits de cette campagne pour l'armée de terre.
Celle de Mer conduite par Sulpitius , nettoya les Isles de Corse & de
XC. étoient. Il cherchoit la flotte Car-
Défaite de Sardaigne du reste de Carthaginois qui y
la flotte thaginoise, pour lui livrer bataille ; mais elle se tenoit dans ses ports sur les
Garthagi- côtes d'Asrique. Le Consul répandit le bruit qu'il vouloit l'aller chercher &
noifc. tenter une descente dans l'Afrique. Cette nouvelle allarma les Carthaginois,
qui ordonnérent à Annibal, qu'ils avoient peu de tems auparavant dépouïllé
de la dignité d'Amiral , de reprendre le commendement de l'armée navale
pour tenir teste à Sulpitius & l'empêcher sur toutes choses de prendre terre
dans l'Afrique. Les deux flottes s'étant trouvées en présence & prêtes à en
venir aux mains, furent accueïllis d'une tempête, qui les sépara. Annibal se
retira dans un port de Sardaigne, il y apprit par des transfuges apostez par le
Consui, que la flotte Romaine s'avançoit vers les côtes d'Afrique pour y faire
une descente. Aussitost Annibal se mit à la voile; mais avant qu'il eût rangé
ses galéres, le Consul vint fondre, sur lui à force de rames ; La flotte Cartha-
ginoise prit l'epouvante, & la plupart des soldats se jettérent à terre & aban-
donnérent les vaisseaux. Les Romains s'en saisirent. Annibal se trouva sur
les côtes de Sardaigne , où ses matelots & ses soldats par un jugement sédi-
tieux, le condamnérentà la mort & le firent expirer sur une croix.Telle fut la
fin du vieu Annibal > fort different du jeune Annibal , dont nous parlerons
bientost.
XC1. L'année sui vante on choisit pour Consuls Caïus Attilius, & Cneius Cor-
Gaïus Atti- nelius, le premier vivoit retiré à sa campagne, occupé à cultiver ses champs,
lius Serra- lorsqu'on lui vint annoncer qu'il étoit choisi Consui. Actuellement il ense-
nus & Cu." mençoit sa terre, d'ou lui vient, dit-on, le nom de Serranus ou Sarranus du
Cornélius signifie Semer. Il eut la conduite de la flotte Romaine , &
Consuls. verbe Sero, qui ,
An de Ra.. Cornelius eut le commandement de l'armée de terre. Aulus Attilius étoit
me 496. du demeuré en Sicile en qualité de Proconsul; Avant l'arrivée du Consui Corne-
M. 37^* lius, il avoit usé de tant de promtitude, qu'il avoit réduit presque toute l'isle
avant J. G. à l'obéïssance des Romains, en sorte que Cornelius n'y trouva que trés peu à
248.
Guerre en faire.
C.
C. Attilius l'autre Consul qui commandoit la flotte, ayant apperçu les Sicile.
/. 1.
Carthaginois qui croisoient devant Tyndaris ville maritime de Sicile , vint Polyb. Zonar. 1.8.
sondre sur eux avec seulement dix galéres. L'entreprise étoit téméraire, aussi
fut-elle malheureuse, les galéres du Consul furent en un moment enveloppées
par celles des Carthaginois; & partie coulées à fond, partie brisées. Celle d'At-
tilius eut toutes les peines du monde de se tirer du peril. Elle alla rejoindre
le gros de la flotte Romaine, qui s'avançoit à toutes rames, sans toutefois se
déranger; à son arrivée la flotte Carthaginoise eut son tour. Du premier
choc huit de ses galéres furent enfoncées, & dix autres furent prises avec tous
les rameurs. Ainli se passa cette campagne, les deux Attilius le Proconsul,
&le Consul de l'annee, eurent les honneurs du triomphe.
Les Consuls qui leur succédérent furent L. Manlius Vulso , & L. Caedi- L. XCll. Manlius
tius. Le premier mourut peu de jours aprés son élection. On lui substi- Vulfo & L.
tua M. Attilius Regulus. Il faut qu'alors la famille des Attilius fut bien fe- Cseditius.
conde en grands hommes , puis qu'on en voit un si grand nombre de suite An de R.
de ce nom dans les premiers employs de la Republique. 497. du M.
9753.
Presque toute la Sicile & les Isles de Sardaigne & de Corse obéïssoient avant J. G.
Car-
aux Romains, ils songérent à porter la guerre en Afrique & attaquer flotte
à 247.
thage jusque dans son continent. Les deux Consuls montérent sur la Guerre
les
qui étoït de trois cent trente vaisseaux de differentes grandeurs. Ils passérent contre
Carthagi-
le détroit & arrivez à Messine, d'où ils envoyèrent leurs ordres pour le bon nois.
gouvernement des villes d'Italie & des Provinces soumises à la Republique. Folyb. /.i.
' Delà ils s'avancérent vers le Cap de Pachin, dans la veuë de prendre sur leurs
bords toutes les troupes qui étoient dans le voisinage & qui n'étoient pasné-
cessaires à la garde de la Sicile.
La flotte Carthaginoise commandée par Amilcar & par Hannon , étoit XCIII.
de trois cent soixante Galères ; Elle étoit aduellement dans le port d'He- Victoire des Ro-
raclée en Sicile, d'où elle observoit les mouvemens de la Romaine.On comp- mains sur
toit dans celle-ci environ cent quarante mille hommes , tant légionaires, la flotte
qu'alliez & rameurs, & dans celle des Carthaginois cent cinquante mille Carthagi-
hommes.Dc part & d'autre il y avoit pareille émulation , pareille envie de noise prés
réussir dans les projets. Les Romains cherchoient, quoiqu'il en coutât, d'a- le port
d'Hera-
border en Afrique, les Carthaginois étoient résolus d'employer tous leurs ef- clée.
forts pour les empêcher. Les deux Consuls rangérent leur flotte de cette
sorte. Ils montoient chacun une Galère a six rangs de rameurs. Ces deux
vaisseaux étoient à la tête de l'armée; aux deux côtez de ces Galéres étoient
rangées deux escadres montées chacune par une Légion de soldats Romains.
Ces deux premieres escadres formoient les côtes d'un triangle aigu. Une
troisiéme escadre formoit la base d'un triangle & présentoit un grand front à
l'ennemi. Derrière étoient rangez les vaisseaux de charge qui servoient à
transporter la Cavalerie, & qui étoient attachées avec des Cables à l'arriére
des galéres qui les précédoient. Les triaires qui étoient à la queue de l'armée
navale formoient l'arriére-garde, & faisoient un front encore plus étendu que
la base du triangle, dont on à parlé.
Telle
Telle étoit la disposition de la flotte Romaine qui vint présenter le com-
bat aux Carthaginois postez dans le port d'Héraclée ; D'abord qu'ils apper-
çurent les Romains, ils se rangèrent en trois Colomnes pour les combattre.
Hannon qui commandoit la première colomne s'avança en haute mer,comme
pour envelopper les ennemis. Amilcar qui commandoit les deux autres co-
lomnes, s'étoit placé au centre de ses Galéres. Les Romains s'ébranlèrent
& vinrent donner sur les Carthaginois. Amilcar ordonna à sa colomne du
milieu de ceder, afin d'attirer les Romains, & ensuite de les faire envelopper
par les colomnes de la droite & de la gauche. La chose arriva comme il
,
l'avoit préméditée. Les deux escadres qui étoient à côté des ConCuls s'en-
gagérent avec trop d'ardeur à poursuivre les fuiards ; A lors Amilcar donna
aux liens le lignai du combat. Les Romains virerent de bord & présenté-
rent leur prouë à l'ennemi. On combattit de part & d'autre avec beaucoup
de courage. Les Carthaginois avoient plus d'usage dans les batailles navales ;
mais les Romains les surpafsoient en valeur.Dez-qu'ils avoient accroché avec
leurs corbeaux une galère ÇarthaginoiCe, rien n'étoit capable de le leur faire
lâcher.
Cependant Hannon qui, comme on l'a dit, s'étoit plus avancé en Mer,
vint fondre sur les triaires quifàisoient comme l'arriére garde des Romains. Il
les attaqua avec vigueur. Il fut reçu de même ; & en même tems la co-
lomne des Carthaginois qui étoit la plus proche de la terre , attaqua la troi-
sième escadre des Romains, dont les Galéres étoient attachées aux vaisseaux
de transport. L'escadre Romaine détacha les Çables qui la retenoient & se
defendit avec toute la vigueur possible.Dans ce moment on vit comme trois
Batailles navales, qui se donnoient en trois endroits differens & assez éloignez
les uns des autres. Aprés un combat opiniâtre Amilcar fut obligé de quitter
prise & de se retirer dans le port d'Heraclée. Aprés son départ Regulus ac-
courut au secours des triaires qui étoient pressez par Hannon. Ce Général
se vit tout à coup deux escadres sur les bras , les triaires de front & Regulus
en queue. Il ne put soûtenir longtems leur attaque. Il prit le large & la
légéreté de ses vaisseaux, l'emporta bientost en pleine Mer.
Restoit la troisiéme escadre des Romains qui étoit fort maltraitée par la
colomne de la flotte Carthaginoise , qui la poussoit vers le rivage , où elle
couroit risque d'échouïr. Les deux Consuls Manlius & Regulus accourru-
rent à propos chacun de son côté, & enveloppèrent les Carthaginois
,
qui
furent entièrement défaits. Ils perdirent dans ce seul endroit cinquante de
leurs Galères avec tout l'equipage, les Romains ne perdirent que vingtquatre
Galéres qui furent enfoncées. Quant aux Carthaginois on leur coula en bas
plus de trente & on leur en prit soixante quatre.
ycir. Ils Ce ne fut pas assez aux Coniuls d'avoir remporte une victoire 11 compiette.
sassage de résolurent de passer en Afrique. Amilcar essaya de les amuser par de feintes
la flotte propositions de paix, & Hannon eut l'imprudence de venir trouver les Con-
Romaine suls pour cela, comme député de sa Republique. Tout le monde crioit
en Afrique. qu'il falloit user de représailles & l'arrêter , comme les Carthaginois quelque
Val. Max. auparavant avoient arrêté le Consul Cornelius.Hannon lui-même avoüa
F.i. c. 6. tems
que
-
la conduite des Carthaginois avoit été indigne, & que les Romains n au-
que perfidie. Il fut renvoye, & la flotte Ro-
raient point d'honneur d'imiter leur & avoir embarque de nouvelles
maine, aprés s'être pourveuë des provisions, heureusement au Cap Hermee , &
troupes, prit la route d'Afrique, & arriva
de aprés on fit la descente prés la ville de Clupêe. On iomma
peu tems La place fut
la place de se rendre, & sur son refus on en forma le siege.
prise & Carthage allarmée augmenta ses troupes & se precautionna contre les
entreprises des Romains.
Cependant les Consuls dépéchérent à Rome pour demander de nou- 7
veaux ordres du Sénat ; Car alors on leur marquoit leur expédition, & il ne
leur étoit pas permis d'outrepasser leurs commissions; Le Senat étant compote
il étoit, de gens expérimentez & dont la plupart avoient commande
comme
les armées, on ne pouvoit guéres manquer de réüssir en suivant leurs Conseils.
En attendant la reponse de Rome, on s'occupa 'à fortifier Clupée , afin d en
faire la place d'armes des Romains & le rendez-vous de leurs flottes pour
l'Afrique les troupes Romaines firent le dégât sur toute la côte , ou elles
prirent plus de vingt mille captifs. On croit que le Consul Cornelius se trouva
parmi les prisonniers qu'on fit sur les Carthaginois, qui l'avoient réduits a la-
bourer la terre, comme un vil esclave.
^ La reponse arriva enfin de Rome.Manlius eut ordre de retourner en Italie XCV. efl;
la flotte Régulus fut laissé en Afrique pour y continuer la guerre, avec Régulus
avec ;
d'en l'armée Re- laissé en
de
autant troupes qu'il jugeroit à propos retenir de' navale.
Afrique
gulus fit faire ses remontrances au Senat,& pria qu'on lui permit de retourner pour con-
héritage de
en Italie, pour prendre soin de son culture , qui consistoit en sept arpens tinuer la
terres & qui étaient demeurez sans par la desertion d'un fermier qui guerre.
Val. Max.
lui avoit enlevé ses bestiaux & les outils de son labourage , que sa presence 1.4. c. 4.
étoit nécessaire pour rétablir ses affaires & fournir à la subsistance de sa femme
& de ses enfans. Le Senat eut égard à ses remontrances & ordonna que sa
femme Marcia & ses fils seroient nourris au dépens du public. Pour lui
il eut ordre de rester en Afrique & d'y commander l'armée en qualité dePro-
consul, lorsque son Consulat séroit expiré. Il se retint quinze mille soldats
Légionaires, cinq cens chevaux & un plus grand nombre de troupes des al-
liez. Pour sa flotte il ne garda que quarante galères.
Après l'année expirée on choisit de nouveaux Consuls. qui furent Ser- XLVL
vius Fulvius Nobilior & M- iEmilius Paulus ; Mais on laissa au Proconsul Servius Fulvius
Regulus la conduite de la guerre d'Afrique qui étoit l'affaire la plus essen-
Nobilior,
, poussa les conquêtes Afrique
tielle qu'eut alors la Republique. Regulus en & M.jEmi-
avec toute la vigueur imaginable, & Carthage lui opposa ce qu'elle avoit de lius Paulus
meilleur en fait de Généraux d'armée. On fit revenir de Sicile Amilcar &on Gonsuls. An de R.
lui associa Bostar & Asdrubal , qui se nlirent en campagne , pour arrêter les 498.du M.
progrés des Regulus, Celui-ci étant arrivé sur le fleuve Bagrada,aujourd'hui 37S 4.
Megrada, y trouva à combattre un ennemi d'une nouvelle espéce ; c'étoit un avant J. 6.
serpent d'une grandeur monstreuse qui infestoit les environs du fleuve & Pli;,I.24/.6.
empêchoit le passage aux Romains, engloutissant les soldats ou lesentrainant c. 14. Valer, 8.
dans le fleuve, après les avoir enveloppez de ses replis, Il fallut lui livrer Max. 1.
i.
un combat dans les formes. Ses écailles étoient si dures & si epaisses, que
c. 3. OroJ.
1.4. c. 8. a les traits & les armes n'y faisant rien, on fut obligé d'employer contre lui les
Gallius balistes dont on se servoit dans les siéges, pour lancer de grosses pierres. On
/. 6. c. 3. plusieurs sans pouvoir l'atteindre ; Enfin il en tomba sur son dos,
Serpent en lança
monstru- une si grosse, qu'elle lui rompit l'échine, & l'empêcha de continuer ses mou-
eux tué vemens. Alors les soldats l'approchérent & le percérent à coups de traits &
par l'armée de piques. La puanteur qui exhala de son cadavre infesta bientost tout le
Romaine. On assure que
canton d'alentour, & obligea les Romains d'en décamper.
Régulus envoya à Rome la peau de ce serpent, qui étoit longue de six vingt
pieds,& qu'elle fut suspenduë dansuneTemple, où elle subsista jusqu'au temps
de la guerre de Numance. Il est surprenant que ni Polybe ni Zonare n'aïant
pas dit un mot de cette monstreuse besse. Leur silence fait soupçonner qu'il
y a beaucoup d'exagération dans ce que les Latins en ont écrit.
jrevu. Aprés cela Regulus assiégea la ville d'Adis ou Adine; le siége fut pénible
Victoire (!e
Régulus par les travaux qu'il fallut faire , afin de dresser les machines pour la battre.
s surles Car. Bientost l'armée
Carthaginoise arriva pour secourir la place & se posta sur
tbaginois, une colline embarassée de buissons & de pointes de rochers,où les Eléphans
& la Cavalerie ne pouvoient avoir part au combat. Le Proconsul les attaqua
de très-grand matin & les surprit , pendant que plusieurs étoient encore au
lit. 11 entra sans résistance dans leurs camps & fit un grand carnage des sol-
dats Africains qui étoient encore endormis , & de ceux qui n'eurent pas le
loisir de se ranger en bataille. Les troupes Espagnoles & Gauloises qui
étoient à la solde des Carthaginois , se défendirent avec beaucoup de valeur.
Elles repoussérent la première légion Romaine ; & il y avoit danger qu'elle
ne fut entièrement renversée,si Regulus n'avoit pris les ennemis en queue. Ils
furent taillez en pièces, mais ils vendirent chèrement leur vie. Les Africains
prirent la fuite, & emménérent ce qu'ils purent de leurs Eléphans. On leur
tua dix sept mille hommes; cinq mille furent faits prisonniers de guerre , &
dix huit Eléphans tombérent entre les mains des vainqueurs.
La réputation des armes Romaines se répandit au loin dans.le pays, les
villes & les provinces entiéres venoient en foûle se soumettre à Regulus. Uti-
que se rendit à lui avec son port; Tunis futprésqu' lieues de Carthage. La
aussitost réduite qu'affié-
gée. Elle n'étoit qu'à neuf milles ou environ trois
consternation étoit extréme dans cette capitale. Pour comble de malheur
les Numides se déclarérent contre elle & portérent le ravage & la désolation
par toute la campagne. Les campagnards effrayez se jettérent dans Carthage
& y causérent bientost la famine par leur grand nombre. Si l'armée de Re-
gulus eût été assez nombreuse pour tenter le siége de cette grande ville ; Il
lui auroit été fort aisé dans une telle circonstance, de l'emporter. Il aima
mieux lui faire des propositions de paix, que de s'exposer à un affront , s'il
venoit à echouër dans un siége.
XCVîll. Il lui demanda qu'ils cédassent à la Republique les Isles de Sardaigne &
Propositi- de Sicile, qu'ils rendissent sans rançon tous les prisonniers qu'ils avoient faits
ons que
Régulus depuis le commencement
de la guerre; Que pour eux s'ils vouloient rachet-
fait aux ter leurs prisonniers, ils le pourroient faire en payant ; Qu'ils indemnisassent
la
'-%
la Republique de tous les frais de la guerre, & qu'ils lui payassent un certain Carthagi-
tribut chaque année à perpétuité ; Que les Carthaginois n'eurent en Mer la nois pout

eux..
leur usage qu'un seul vaisseau ; & que ci-aprés ils equipassent a l ordre paix.
pour
des Consuls cinquante galéres à trois rangs de rames , pour servir dans les
flottes Romaines. De telles propositions furent rejettées d 'un contentement
unanime. On demanda des adoucissemens ; Mais les Députez répondirent
qu'ils n'avoient point d'autre pour cela, & qu'il falloit ou vaincre les Romains
ou se soûmettre à
Les Carthaginois poussez à bout & ne sachant quel parti prendre reçu- XCIX.
rent à propos un renfort de soldats Grées, qu'ils avoient fait venir pour rem- Xantippc
Lacédé-
placer Jes Espagnols & les Gaulois , qui avoient été mis à mort par les Ro- monien
mains.) Parmi ces soldats il y avoitun nommé Xantippe, Lacédémonien de rétablit les "
naissance, bon soldat & qui avoit fait son étude de l'art militaire. Il s'infor- afsaires
de la méthode des Carthaginois dans leurs combats, & leur fit entendre des Car-
ma,
qu'il ne l'approuvoit peint du tout , & qu'il étoit nullement surpris qu'ils thaginois Afrique.
eussent eu du dessous contre les Romains ; qu'ils ne savoient point prendre en
Lonar. 1. 8.
leurs avantages dans leur campement ni dans le choix du champ de bataille. Pohb. /. 1.
Ces discours firent ouvrir les yeux aux Carthaginois. Ils déférerent le com-
mandement de leurs armées à Xantippe. Celui-ci s'appliqua d'abord à disci-
pliner les troupes qu'on lui avoit confiées , à leur apprendre à obéïr & à
garder leur rang, à se serrer, à s'élargir selon les circonstances & à se rallier
sous leurs enseignes.
Aprés cela il se mit en campagne a la tête de douze mille hpmmes de
pied de quatre mille chevaux & d'environ cent Eléphans. Regulus s'apper-
çut bientost du changement qui étoit arrivé dans la milice Carthaginoise.
,

Cela ne lui fit rien rabbattre de sa confiance & de sa hauteur. Il passe un


fleuve qui séparoit son camp de celui de Xantippe, & va fiérement lui pré-
senter la bataille. Il étoit tard, l'armée Romaine étoit fatiguée d'une longue
marche, son camp étoit éloigné & séparé de lui par une^ riviére. Si lui ar-
rivoit un echec, quel moïen de faire une retraitte réguliére dans un païs en-
nemi & inconnu ? Au contraire si les Carthaginois avoient du dessous , ils
pouvoient aisément s'échapper à la faveur de la nuit , sachant lesroutes du
païs. La premiére ligne de l'armée de Xantippe étoient composée des gens
de traits, avec ordre de se retirer dans les intervalles des bataillons , aussitost
qu'ils auroient fait leur décharge. Derriére eux étoient rangez les Eléphans,
portant des tours de bois remplies de combattans. Suivoit la Phalange Car-
thaginoise, composée de la meilleure Infanterie de l'armée. Sur les aîles
étoient à la gauche les soldats armez à la légère , & à la droite les troupes
étrangéres qui étoient à la solde des Carthaginois , a l'une & a l'autre aile
c.
étoit placée, la Cavalerie Carthaginoise. Vi&oire de
Regulus étoit plus fort en Infanterie, mais beaucoup plus foible en Ca- Xantippe
valerie, & n'avoit point d'Eléphans. Il mit la tête de son
à armée tout ce contre Ré-
qu'il avoit de gens armez à la légére & de frondeurs , pour écarter les Elé- gulus.
phans. Son corps de bataille étoit composé de ses Légions, qui formoient Celui-ci est
fait prison-
un gros corps fort profond mais qui avoit trop peu de front ,
& la
par nier.
, Rrrr Z- étoit
étoit exposé à être plus facilement enveloppé , sa Cavalerie étoit répandue
sur les ailes.
Xantippe fit d'abord avancer ses Eléphans , & Régulus fit marcher ses
gens armez à la légére contre ces animaux. Ils n'en purent arrêter le mou-
vement, les Eléphans fondirent sur le corps de bataille & y causérent un dés-
ordre infini , écrasant sous leurs pieds tout ce qui se recontroit devant eux.
En même tems la Cavalerie Romaine donna sur celle des Carthaginois; Mais
comme elle étoit de beaucoup inférieure en nombre, elle fut mise en déroute
& obligée de prendre la fuite. L'aîle gauche de Regulus sut plus heureuse ;
elle vint fondre sur les soldats étrangers & mercénaires qui étoient à l'aile
,
droite de Xantippe, & les poussa jusqu'à leur camp , où ils se jettérent en
désordre. Le reste de l'armée Romaine étoit aux prises avec les Eléphans & la
Cavalerie Carthaginoise qui l'ayant enveloppée en fit un carnage épouvan-
,
table; Ceux qui voulurent prendre la fuite furent ou écrasezpar les Eléphans,
ou tuez par la Cavalerie. Regulus avec une troupe de cinq cens hommes, qui
ne l'abbandonnéçentpoint, fit des prodiges de valeur ; Mais entin inveiti de
tous côtez il fut pris avec sa troupe & conduit à Carthage. De toute l'ar-
mée Romaine il n'échappa que les deux mille hommes qui avoient repoussez
les étrangers dans leur camp. Ils regagnérent Clupée après mille dangers.
On compte que les Romains dans cette adion perdirent environ trénte mille
hommes. La perte des Carthaginois ne passa pas huit cens hommes.
La gloire de Xantippe etoit trop eclattante, pour ne lui pas faire des ja-
CL
Xantippe loux. Le sage Lacédémonien s'en apperçut & demanda avec instance qu'on
périt dans lui perniit de s'en retourner à Lacédémone. On dit que ses ennemis apo-
la Mer stérent deux assassins qui s'embarquérent avec lui & le noyérent dans le vo-
Appian. in d'autres croyent qu'on l'embarqua exprés dans un vieu batiment, qui
Punicis. yage ;
Zo,2ar. /. s. prenant eau de toute part,
coula bientost à fond. Pour Regulus, on n'oublia
rien pour lui faire outrage. Il fut exposé aux insultes & aux moqueries de
la populace, & pour empêcher qu'il ne pût dormir , on mit prét de lui un
Eléphant furieux, qui le menaçoit continuellement de sa trompe & lui per-
çoit les oreilles par ses cris. Enfin on l'enferma dans la prison publique.
Rien de tout cela n'ébranla Regulus, il ne rabbattit rien de sa fierté & de sa
consiance.
A Rome la défaite du Proconsul causa de grandes inquiétudes,on craig-
nit que les Carthaginois ne vinssent à leur tour ravager les campagnes de
Rome & de l'Italie. On ordonna aux deux Consuls qui jusques-la étoi-
ent demeurez dans l'inaction, de mettre de bonnes garnisons dans les villes
Maritimes pour empêcher les Carthaginois d'y faire une descente. Ensuite
de passer en, Sicile, & même en Afrique , s'ils le jugéoient à propos, pour
conserver les restes de l'armée de Regulus & les conquêtes qu'il avoit fait
en ce pays-la.
Les Consuls équipérent une flotte de trois cens cinquante galères ; &
en. après avoir laisse en Sicile des forces capables de la garder, ils mirent à la voile
Conquête
de l'isle de pour abborder en Afrique. Une tempéte qui survint, les jetta à l'Isle deCof-
Çosura. sura, qui n'a qu'environ trente milles, ou dix lieues de circuit ; cette Isle
obéït:
obeisïbit aux Carthaginois. Ils y débarquèrent, y firent le dégât, prirent la
ville principale, puis s'avancérent vers le Cap Hermée. La flotte Carthaginoise
les y attendoit en bataille, le Cap Hermée étoit à distance égale de Carthage
-
à l'Occident & de Clupée à l'Orient. Dez que les Romains qui étoient à Clu-
pée eurent appris l'arrivée des Consuls, ils leur envoyèrent les 4o. Galères
qui étoient dans leur port. Avec ce renfort ils se trouvèrent de beaucoup
superieurs aux Carthaginois; Ceux-cy ne firent que peu de résistance. On
leur coula à fond cent de leurs vaisseaux, on en prit trente, & quinze mille
Soldats ou rameurs périrent dans l'adion. Du coté des Romains on ne com-
pta qu'onze cens morts & neuf galères enfoncées, aprés cela rien ne retarda
le débarquement de l'armée Romaine.
Les Carthaginois ne les laissérent pas long tems en repos. Ils vinrent Cili.
les attaquer dans leur Camp, ajant à leur tete deux Capitaines de réputation, Tempête
Hannon. Mais ils furent plus heureux sur terre, qu'ils l'avo- qui fait pé-
nommez ne pas rir la flotte
ient été sur Mer. Ils perdirent neuf mille de leur Soldats, parmi lesquels on Romaine.
comptoit plusieurs Seigneurs de marque.qu'ils espéroient échanger contreRé-
gulus. Apres cette vidoire il y avoit lieu de croire que les Coniuls pouile-
roient leur Conquetes dans l'Afrique. Ils jugérent au contraire qu'il étoit de
l'intérét de la République d'abbandonner ce pays, où il n'y avoit plus de mo-
ien de subsister apres le ravage qu'y avoient fait les armées Romaines. Ils
chargèrent sur leurs vaisseaux tous leurs Soldats, abbandonnérent Clupée ^ &

Utique, & reprirent la route de la sicile. Plusieurs villes maritimes de cette


Isle obeïssoient encore aux Carthaginois. Les Consuls résolurent de les réduire.
La saison étoit trop avancée pour naviger dans la méditerranée, ils furent ac-
cueïllis dune tempéte, si horrible, que de quatre cens vaisseaux à peine y en
eut-il quatre-vingt qui échappèrent. On ne voyoit sur tout le Promontoir de-
puis Camar^n jusqu'au CapPachin, que débris de vaisseaux, cadavres d'hom-
mes & d'animaux, &les restes des dépouïlles prises depuis deux ans sur les
Carthaginois. Sans Hieron Roy de Syracuse, qui dans cette extrémité secourut
les Romains de vivres, d'habits & de vaisseaux, a peine les Consuls le-
roient retournez à Rome avec la décence convenable.
Cneius Cornelius Asina,qui avoit été captis à Carthage, fut elû Con- crv.
sul avec Aulus Attilius Catalinus, pour l'année suivante; &les deux Consuls <§n. Gorne-
de l'année précédente, furent confirmez chacun dans le commandement d'une liusAulus Asina,
&
armée sous le nom de Proconsul. L'une & l'autre passérent en Sicile, où les Attifius
Carthaginois avoient recommencé la guerre avec plus de fureur qu'auparavant. Calatinus
Ils avoient pris & démoli Agrigente, & le peu de Soldats Romains qui s'en consuls
étoient sauvez, s'etoient retranchez dans un lieu nommé Jupiter Olympien, An de Ro.
à cause d'un temple fameux dédié à cette Divinité qu'on y voyoit. La flotté me 499*
du munde
Romaine étoit de deux cens cinquante vaisseaux, en y comprenant les nou- 3 7 55.avant
velles galéres au nombre de six vingt que l'on avoit construites depuis la tem- J. G. 24 ?•
péte dont on a parté. Les Généraux de l'armée Romaine s'attachérent aux Guerre en
Sicile.
places maritimes de Sicile ; les Consuls les attaquoient par Mer avec la flotte, Polyb. /. l.
tandis que lesProconsuls les pressoient par terre, avec l'armée de Sicile. Diodor.
La première de leur Conquêtes fut la ville de Cephalide située sur la in Eclog,
Rrrr 3 côte
cv. côte septentrionale de Sicile, sur le fleuve Crymere. Ils s'avancèrent ensuitte
Prise de Pa- vers Drepane; mais le secours que Carthalon Général des Carthaginois y en-
norme par voya, les empêcha de s'en rendre maîtres. Panorme étoit comme la Capi-
les Ro- tale de la domination des Carthaginois en Sicile ; L'armée Romaine l'assiégea
mains.
dans les formes. On tira autour d'elle des lignes de Circonvallation & de
contrevallation. On éleva des machines, on battit la place, & on y fit une
bréche considérable. Le Soldat Romain entra dans la ville neuve; & la vielle
ville ne différa pas de se rendre. Les Consuls obligérent les bourgeois à ra-
chetter leur vie. Quarante deux mille des plus riches donnérent deux mines
& vendu à l'enchere. Cette
par tété pour leur rachat; le reste fut fait captifplupart
conquéte valut aux Romains la reddition de la des autres villes de la
Côte. Les peuples se rendirent volontairement à eux & abbandonnérent le
parti Carthaginois.
Après ces expéditions les Consuls & les Proconsuls s'en retournérent à
Rome. La flotte Carthaginoise leur enleva quelques vaisseaux de transport,
qui étoient chargez de l'argent & des dépouilles qu'on avoit prises à Panor-
me. Les deux Proconsuls furent honores du
triomphe en récompense de
leurs exploit de l'année précedente.
CTn. On choisit de nouveaux Consuls, qui furent Cneius Servilius Cœpio,
Cil. Servi- & C. Sempronius Blœsus. Ils partirent sur une flotte de deux cens soixante
lius Gœpio Galéres & passérent
en Sicile, où Cornelius Asina en qualité de Proconsul
& G. Sem-
pronius commandoit l'armée de terre. Celuy-cy agit séparemment des Consuls, & a
décerné, on doit croire qu'il remporta
JBlaesus en juger par le triomphe qui luy fut
Consuls. de grands avantages sur les Carthaginois. Pour les Consuls, ils se présen-
An de Ro- térent devant Lilibée, mais ils ne jugérent pas à propos d'en faire le siége, la
me s00. du place étant trop forte & trop bien munie. Ils passérent sur les Côtes d'Afrique
M. 37ç6. Ils y firent descente, surprirent
avant J. G. vers l'Orient & asses loin de Carthage.
244. quelques villes & pillérent le pays. Leur flotte faillit de périr, aux en-
Guerre en virons de l'isle des Lotophages, ayant échoué sur les bans de sable de la
Sicile & en la marée étant remontée, les galéres se dégagérent & re-
Afrique, petite Syrte; mais
Polyb. /. i* gagnérent Panorme en Sicile,
d'ou elles reprirent la route d'Italie.
Zonar. 1. 8« Déjà ils en découvroient les Côtes, & étoient à la hauteur du Cap Pa-
Oro/:/. 4. linre tout à portée de la Lucanie, lorsqu'une violente tempéte les accueillit
c. 92.. & dissipa la flotte. Il y en eut cent soixante galères de perdues, sans com-
pter les vaisseaux de transport. La leur superstition des Romains leur fit croire
qui avoient été si funestes, étoient une
que les deux grandes tempêtes
déclaration de la colère des Dieux, qui n'approuvoient point qu'ils entrepris-
sent de se rendre maîtres de l'empire de la l\ler. Ils firent un décret portant
CVII. défense d'equipper à l'avenir plus de soixante vaisseaux & de les employer à
C. Aurelius -autre chose, qu'à garder les côtes d'Italie, & à transporter des troupes en
Gotta &P. Sicile Les Consuls qui furent choisis pour succéder à ceux dont nous avons
Servilius
parlé passerent en Sicile, & ne s'appliquèrent qu'à y faire quelques nouvelles
Geminus
Consuls. conquêtes Ils assiégérent Himera ville maritime située a l'embouchure d un
An de Ro- fleuve de même nom. Les habitans prévinrent leur captivité & le sacage-
me 5 00. du ment de leur ville, par la retraitte. Ils se mirent avec leurs meilleurs effets
M. m 7- en
en lieu de seûreté. Le Consul Aurelius Cotta résolut dese rendre maître de avant J. C.
l'isle de Lipara, le Roy Hieron luy prêta des vaisseaux pour y transporter ses 243.
trouppes ; Mais les Auspices ne luy ajant pas paru favorable, il abbandonna
pour lors son entreprise, & alla à Messine chercher de nouveaux & plus fa-
vorables augures.
Pendant son absence Q Cassius, à qui il avoit laissé le commandement
de l'armée, & Publ. Aurelius Pecuniola son parent, à qui il avoit donné le
soin de garder les lignes du camp, entreprirent de leur chéf& contre la dé-
sense expresse du Consul, d'attaquer la ville deLipare; mais ils furent repouf-
sez avec perte i les assiégez ajant fait une sortie, brûlèrent les palissades, &
peu s'en fallut qu'ils ne forcassent le camp. Le Consul Aurelius à son re-
tour cassa le tribun Cassius, & fit fouëtter de verges & rayer du rôle des Offi-
ciers son parent Pecuniola. Aprés cela il poussa l'attaque de la place. Lipare
fut prise d'assaut, & tous les habitans passez au fil de l'epée. L'autre Consul
ne fit rien de fort considérable dans la Sicile. Souvent les armées Romaines
& Carthaginoises se rencontrérent sans en venir aux mains. On avoit fait le
siége d'Ereta, qui étoit un Chateau trés considerable ; Mais à l'approche de
l'armée Carthaginoise, les Romains levèrent le siége, les Consuls revinrent
à Rome & on accorda les honneurs du triomphe au Consul Aurelius Cotta.
,
Dans le dénombrement qu'on fit cette année du peuple Romain, il se trouva
deux cent quatre vingt dix sept mille sept cent quatre vingt dix sept hom-
nies , en etat de porter les armes.
Les Carthaginois profitant de la foiblesse des Romains, équippérent une CVIII.
flotte très nombreuse résolus de récupérer la domination de la Sicile. Ils en- Ptolemée
voyérent des Ambassadeurs à Ptolemée Roy d'Egypte leur ami & leur allié, Roy d'E-
refu-
pour le prier de leur prêter deux mille talents à la République, qu'ils promet- gypte
le de l'ar-
toient de luy rendre aprés la guerre. Ptolémée qui étoit aussi ami des Ro- gent aux
mains, s'en excusa en disant qu'il ne pouvoit sans infidélite secourir des amis Carthagi-
contre d'autres amis. Cela n'empêcha pas les Carthaginois de faire venir des nois.
trouppes etrangéres de Gaules & d'Espagne, & d'y former une armée nom- Appian.
breuse qui fut transportée en Sicile avec la flotte qui étoit de deux cent vais- in Punicis.
seaux. L'armée étoit de trente mille hommes, tant Cavalerie qu'Infanterie,
& de cent quarante Eléphans.
Les Consuls de l'année furent L. Cecilius Metellus, & C. Furius Paci- CIX.'
lus. Ils se rendirent en Sicile & y transportérent leur armée sur la petite flotte L. Cecilius
de soixante galéres, à quo'y Rome s'étoit réduitte. Ils ne firent aucune entre- Metellus
prise, & ie contentérent de demeurer sur la défensive & d'empêcher que les & C Furius
Carthaginois ne s'aggrandissent. Le Senat comprit enfin l'inconvénient dé Pacilus Consuls.
la loy qu'il s'étoit préscrite de n'avoir point de flotte nombreuse, & la honte An de Ro-
il
qu'il y avoit pour laRépublique de laisser ainsi Regulus dans les fers; donna me 502. du
ordre de construire de nouveaux vaisseaux & rappella le Consul Furius pour M. 9758.
présider aux Comices, où l'on devoit nommer de nouveaux Consuls. Me- avant J. (S.
241..
tellus eut ordre de rester en Sicile à la tête de l'armée en qualité de Procon- !Guerre en
iul. Sicile.
Les nouveaux Consuls furent S. Manlius Vulso, & C. Attilius Regulus polyb.1. r.
Orc/: 1, 4.
* cousin
coufin germain du fameux Regulus, qui étoit en prison à Carthage. Avant
ex. Proconsul Metellus y rétablit la réputation des
iLe Manlius qu'ils arrivaient en Sicile, le
Vulro & C. Romaines. 11 se contenoit dans Panôrme moins par timidité,que dans
Attilius Re- armes
dessein de soûtenir les Panormitains, pendant qu'ils feroient leurs moissons
gulus Con- le
fuis. An de qui étoient belles &
abondantes. Asdrubal Général des Carthaginois avoit des
R. 503. du intelligences dans Panorme, qui lui donnoient avis
de tout ce qui s'y passoit.
M. l7f. Metellus en étant informé indiqua une assemblée; générale de tous ceux qui
ayant J. G. se trouvoient dans la ville sans aucune exception, & donna commisfron en
241-
secrets à tous les Panormitains d'observer les visages, &de se saisir de toutes
Guerre en
Sicile. les personnes qui seroient étrangères ouinconnues. Les espions par ce moyen
Polyb.L 1. furent découverts, & on les forca de déclarer le dessein des Carthaginois. Ils
Front in. dirent qu'étant sortis de Lilybée, ils s'avançoient vers Panorme par des che-
Sirat ag 3.
c. 1 7.
mins écartez, résolus de venir camper avant la moisson dans les campagnes
Diodor.
in Eclog. Metellus ne s'opposa point à leur résolution. Asdrubal ravagea les mois-
sons qu'il trouva encore sur pied, Metellus ne fit aucun mouvement. Il atten-
dit qu'Asdrubal eût passé le fleuve Orethus, dissant seulementfitd'un mille sur de
la ville. Pour augmenter la confiance des Carthaginois, il ne milices paraître
bour-
la muraille de la ville que peu de soldats, qui paroissoient des
ceoises. Le Soldat Carthaginois, chargé de butin, négligea d'observer la di-
scipline, le mit à faire bonne chére; les Gaulois qui servoient dans l'armée
Carthaginoise, s'ennyvrérent du vin de Sicile; Asdrubal ne daigna pas forti-
fier son camp. Metellus avoit fait creuser un fossé assés profond entre
la ville & le camp des ennemis, dans le dessein
d'arréter la lesElephansdes
ennemis Il fit sortir de la ville quelques Compagnies de ses gens pour escar-
moucher & attirer les Carthaginois hors de leur camp. Ils ensortirent par
oelottons ; les Romains avoient or-dre de reculer & de les attirer en avant.
CXI. Les conducteurs des Elephans voyant les ennemis reculer, font avancer
Victoire de leurs bétes à grands pas, dans l'esperance de remporter seuls la
victoire: Dez-
Metellus,
sur les Car- que ces
à
animaux sont arrivez sur le fossé dont on a parlé, les soldats Romains
entrent tout à coup & décochent sans cesse une grêle de traits sur ces betes,
thaginois. v ils entrent en fureur & secou-
qui ne peuvent plus avancer. Accablez de dards le fosse, & y sont mis a mort.
leurs conducteurs d'autres tombent dans
ent ;
& jettent la confusion dans l'ar-
La plus grande partie retournent sur leur pas
niéeCarthaginoise , foulant aux pieds & écrasant tout ce qui s 'Oppose a son
ses Légionaires
miïage. Alors Metellus fait ouvrir la porte & fait marcherflanc les Cartha-
qu'il avoit jusqu'alors retenu dans la ville. IlsEléphans.attaquent en
déja rompus & mis en désordre par les Le peu qui se mit
einois
In défense, fut taillé en pièces par les soldats Romains. Les autres prirent la
fuite & voulurent regagner leur flotte , qui étoit flots sur la côte de Panorme ,
mais presque tous périrent ou submergez dans les ou foulez aux pieds
Eléphans tombèrent sous le fer des Romains. On compta vingt mille
des ou leur prit leur tua vingt six Elé..
hommes sur le champ de bataille, on ou on
phans.Pour qui étoient errans sans guide
ramener le reste de ces animaux ,
dans les campagnes, Metellus promit la liberté a ceux des conducteurs d Ele-
phans qu'il avoit fait prisonniers, & leur dit de les luy rechercher par tout où
ils seroient.Ils firent entendre leur voix à ces bêtes & les adoucirent par leur
.caresses. Ils en ramenèrent à la ville un assez bon nombre. Metellus réso-
lut de les faire paroître à Rome dans la cérémonie de son triomphe, & il leur
iït passer le détroit de Sicile en Italie sur des radeaux composez de ton-
& de bons madriers étroit-
neaux vuides,sur lesquels on jetta des troncs d arbres
tement liez ensemble & couverts de terre avec un rebord assez élevé aux deux
cotez pour empêcher les Eléphâns de tomber dans l'eau. On approcha ces
radeaux du rivage, & les animaux y entrérent sans peine & y demeurèrent
pendant le trajet aussi tranquils que s'ils eussent été dans leur étables. Ils éto-
ient sélon les uns, au nombre de cent quarante deux, selon d'autres six vingt;
d'autres en comptent cent trente, d'autres cent trente huit, d'autres cent ou
cent quatre.
Le triomphe de Metellus fut un des plus remarquables & des plus pom- cyn
sur l'ennemi en Triomphe
peux que l'on eut encore veus à Rome. Les Elephans prisdans
faisoient le plus bel ornement. L'espace qu'ils occupoient la marche, remarqua,
ble de Me.
égaloit celui d'une grande armée. Parmi un trés grand nombre de captifs en- tellus.
chaînez on remarquoit treize Officiers de marque de l'armée d'Asdrubal.
Comme l'on n'avoit pas dessein de conserver les Elephans -ni de les donner
à des Rovs étrangers, on les abbandonna au peuple Romain qui après s'en
étre réjoui, les fit tuer dans l'arène par ses Athlètes. Asdrubal s'etoit fauve
de la bataille. Sa République sans faire aucune attention aux grands services
qu'il luy avoit rendus,le condamna à mort en son absence , & le fit attacher
à la croix dez qu'il fut arrivé à Carthage ; telles- etoient les mœurs des Car-
thaginois. , Ils ne jugeoient du mérite des hommes que par les succés &noa
par les services ; un malheur faisoit oublier tous les bienfaits passez.
Les deux Consuls de l'année n'arrivérent en Sicile, qu'après que Me-
tellus en fut sorti. Leur flotte étoit de deux cens quarante galéres & de soixante
autres petits bâtimens. Leur armée de terre étoit de quatre Légions, sans
compter les trouppes alliées. Il ne restoit plus aux Carthaginois dans la Si-
cile que les villes de Drépane & de Lilybée. Cette derniére place étoit dans
une lituation si avantageuse, si bien munie & si bien défenduë, elle passoit
pour imprenable. Le liège en dura dix ans. Les Consuls Manlius & Attilius
eurent l'honneur & le courage de le commencer ; mais il se passa bien des
choses avant sa reddition.
Regulus étoit depuis cinq ans dans les prisons de Carthage, Il y avoit CXIII.
souffert les plus indignes & les plus durs traittemens. L'humiliation où se Regulus envoyé
'

trouverent les Carthaginois aprés la défaitte d'Asdrubal,addoucit lèur ferocité. à Rome
Ils donnérent quelque liberté à Regulus, & crurent que l'amour de sa liberté pour mé-
& de sa patrie pourroient le porter à leur obtenir du Senat & du peuple Ro- nager la
main des conditions de paix moins dures, que celles qu'il leur avoit pro- paix. vide Diod.
posées. On l'engagea à partir avec les ambassadeurs que Carthage envoyoit in Eclog.
a Rome, pour traitter de la paix, ou au moins pour convenir de l'echange Eutrop. /.e.
des prisonniers de guerre. Il s'embarque aprés avoir promis avec serment de Silo Ital.U»
Appian. in retourner à Carthage & de se remettre dans les liens, s'il ne réiiflisToit pas
punicis&c. dans sa négociation. Arrivé en Italie, il ne voulut pas entrer dans Rome,
mais il demeura dans le fauxbourg, disant qu'étant prisonnier des Carthaginois,
il ne lui convenoit pas d'entrer dans la ville, que le Senat avoit accoutumé
de donner audiance aux étrangers hors des portes. Sa femme Marcia lui ame-
na ses enfans; à peine les regarda-til. Il demeura les yeux fichez en terre,
comme un homme qui dans un honteux esclavage se croyoit indigne des
embrassemens de son epouse & des caresses de ses fils.
CXIV. Enfin se Senat étant assemblé au fauxbourg de Rome, Regulus avec les
Reguius Ambassadeurs de Carthage parlèrent, Regulus
conseille en peu de mots dit qu'il étoit
aux Ro-
envoyé de la part des Carthaginois ses maitres pour traitter de la paix & de
mains de l'echange des captifs. Il n'en dit pas davantage & voulut sortir de l'assem-
poufser la blée avec les Ambassadeurs de Carthage,n'étant pas permis aux étrangers d'assi-
guerre ster aux délibérations du Senat. En vain la Compagnie le pria de demeurer,
contre il en fut prîé même par les Carthagi-
Carthage. & d'opiner comme ancien Senateur ;
nois. Il s'assit & quand son tour d'opiner fut arrivé, il déclara qu'il n'etoit ni
de la gloire ni de l'intérét de la Republique, d'accorder la paix aux Cartha-
ginois, au'épuisez d'hommes & d'argent, ils seroient bientost obligez de
ruccombêr. Quant à l'echange des prisonniers, il en dissuada encore le se-
nat. Pour moy, dit-il, j'avance en âge, & mes malheurs m'ont rendu inu-
tile à la République. Les captifs Romains ne méritent pas qu'on s'intéresse
à leur rachat. On ne doit pas compter sur leurs services à lavenir; d'ailleurs
le nombre en est petit, en comparaison de ceux que vous avez pris sur les
Carthaginois.Parmi ces derniers il yen a treize qui pourront être mis à latête
des armées pour nous faire la guerre. Je ne conseille ni la paix, ni l'echange
des prisonniers.
Le Senat & même le Grand Pontife qui fut consulte sur le serment qu'a.
voit fait Regulus de retourner à Carthage, étoient d'avis qu'il n'etoit pas ob-
ligé à l'exécution ; Mais les généreux Romain insista pour retourner à Car-
thage, il feignit même qu'avant son départ les Carthaginois luy avoient fait
prendre un poison lent qui le consumoit petit à petit, &qui ne lui permet-
toit pas de se flatter de vivre encore aisez long^ems, pour jouïr de la liberté
& pour servir sa patrie. Le Senat refusa tout aux Carthaginois, & laissà à Re-
gulus le choix de rester à Rome, ou de retourner à Carthage. Il prit le dernier
parti & retourna à Carthage rempli d'une vaine satisfadion d'avoir fait montre
de son intrépidité, & du mépris qu'il saisoit de la mort, plus glorieux aux
yeux des Romains que s'il avoit triomphé, mais dans la verité elclave de son
amour propre, de sa vanité & de la haine qu'il portoit aux Carthaginois ;
pallions qu'il n'a voit pas eu le courage de sur monter.
cxv. Les Carthaginois à leur tour inventérent de nouveaux supplices pour
Cmautez tourmenter Regulus. Ils lui couppérent les paupieres & le l'ortant du lieu
exercées ténebreux où il étoit, ils l'exposcient tout à coup au soleil, dont-il ne pou.
par les
Carthagi- voit se détourner, ny fermer les yeux a la
vivacite de ses rayons. Deplus ils
nois contre l'enfermerent dans un tonneau hérissé en dedans de pointesde doux;
de ma-
Regulus. niére que ne pouvant ni s'asseoir ni se coucher, ni s'appayer sans souffrir des
douleurs
luy refusérent même la nourriture, & le laisséret ainsi Tubero
douleurs aiguës, ils d'insomnie.
apud Aul.
A FAIRRI de fatigues
de douleurs & Ge,U. I 6.
perir• Les fatigues,parreprésailles
firent souffrir aux prisonniers Carthaginois
Romains c. ?.
les plus cruels supplices. Ils les livrèrent a Marcia femme de Regulus, Aug. 1. r.
tous cÇ deux dans des armoires armées des chausse-trap- C. M- & 24*
enfermer deux à de Civit.
• i
lesquelles les laissa languir pendant cinq
nes ou hérissées de doux,
dans on
Fours
sans leur donner de nourriture. On
dit que Bostar un des Capitaines
Carthaginois mourut au cinquiéme jour; mais Amilcar, qui étoit enfermé
luy vécut jusqu'au dixiéme jour au milieu de l'infedion & de l horreur,
avec cadavre de son Compagnon.
oue luy causoisent le CXVl.
de Regulus à la persuasion de leur mere firent
c
On a dure que les enfans chambre
, Supplice
d'abord enfermer les captifs de Carthage dans une trés etroi , des Cartha-
où ils étoient forcez de se serrer l'un dans l'autre comme des
bétes; qu pres ginois
d avoir quelque égard aux à Rome.
la mort de Bostar, Amilcar pria instammentà Marcia Regulus; cette femme Diodor.
qu'il avoit autre fois rendus mais que
tu lieuservices
-bons
de se laisser toucher de compassion, fit donner quelque nourriture a
Sicul. in
Excerpt.
Amilcar, afin qu'il vécut plus longtems dans l'infedhon où il étoit. Il y ve- Valerii
cS cinq jours bout desquels quelques-uns de ses esdaves racon e- p. 27Z.
encore au
la chose à des etrangers qui en firent rapport aux tribuns du peuple.
rent
Ceux - cv firent venir les fils de Regulus, & peu s'en fallut qu'ils ne leur firent
perdre la telle, comme ayant rendu le nom Romain odieux par leur excemyc
plus d huma-
cruaute; ils leur ordonnérent de traitter ces malheureux avec
nité * ce qui fut cause qu'ils firent brûler le corps de Bostar, & en envoyé-
rentles cendres à Carthage ; ils firent donner de la nourriture a Amilcar, &
le tirérent de l'etat où il étoit, imputant à leur mere la
plupart des choies qui
s'étoientCependant
les Consuls poussoient avec ardeur le siége de Lilybée. L'un Siège CXVll.
de
commandoit la flotte & affiégeoit la place par l\ler ; l'autre l'affiégeoit par -
Lilybée
Les deux armées se communiquoient l'une a l autre par un folie pro- par les
terre.
fond couvert d'une terrasse & d'une muraille. Le Cap de Lilybée etoit forti- Consuls.
fié de sept tours posées de distance en distance sur une meme
ligne. La pre- Polyb. l.l.
tours, à force de travaux & de ma- Zonur. 1. 9.
mière attaque des Romains se fit contre ces
ils travaillérent
chines on les emporta les unes après les autres; Apres cela
à combler le fossé de la ville qui étoit profond ae quarante LUUUCCS oc «igc
de soixante. Les assiéges ne furent pas moins laborieux que les Romains.
Ils tirérent à eux dans la villes, les terres que les Assiégeans amassoient dans
le fossé A la fin cependant la con£tance & le grand nombre des Romains
l'emporta, & le fossé commençoit à se remplir, lors qu'Himilcon qui com-
mandoit dans la place, entreprit de bâtir un second mur au dedans de la ville,
l'opposer Romains, quand ils se seroient rendus maîtres de la pre-
pour aux
mière enceinte. J
Quelques Officiers des troupes étrangères ,
, qui
. étoient
, . au fervicedesr
-

Carthaginois dans Lilybée , formèrent le dessein de livrer la place aux Ko-


mains. Le prétexte de leur mécontentement etoit, qu on ne leur donnoit
leur pave. Ils allérent trouver le Consul, & lui promirent de lui livrer
cas
la place. Un de ces Officiers nommé Alexon grec de naissance, qui n'avoit
pas voulu entrer dans leur conspiration informa Amilcar du complot de ses
compagnons. Amilcar aiïembla les Officiers de troupes étrangères qui étoient
demeurez fidéles, leur fit de grande promesses, leur distribua ce qu'il put ra-
masser d'argent, & les affermit dans la fidélité qu'ils avoient jurée à la Repu-
blique de Carthage. Les autres rentrérent dans la ville, mais détestez des
Carthaginois & abhorrez même de leurs Compatriotes ils retournérent
recompense , au
camp & reçurent pour de leur affedion aux Romains
taine quantité de terres en Sicile. , une cer-
ex vi11. avoient Le siége de Lilybée n'étoit pas connu à Carthage tant les Romains
,
soigneusement fermé le port, On ne laissa pas d'envoyer
Renfort à tout evé-
envoyé de nement du renfort en Sicile. Annibal fils d'Amilcar fut chargé de l'amener.
Carthage à Ayant appris la flotte Romaine tenoit investi le port de Lilybée, & qu'ils
Lilybée. que
Polyb. 1. i.
avoient fait ce qu'ils avoient pû pour enfermer l'entrée,eny enfonçant quinze
Diodor. vaisseaux ronds chargez de pierres, il s'arreta dans l'Isle d'Eguse attendant
,
- Ec/og. un vent propre pour entrer dans le port. Bientost il s'en leva un qui souf-
1. S79• floit violemment du Midy au septentrion à la faveur du vent & de ses ra-
,
meurs, qui firent des efforts extraordinaires, il se fit jour à travers les Galéres
ennemis & entra dans le port. Il débarqua ses troupes dans la place & la
ravitailla.
L,arrivée de ce renfort mit Amilcar en état de faire des sorties plus fré-
quentes & plus nombreuses- & les Romains pour lui résister firent des levées
de nouvelles troupes dans la Sicile. Un jour Imilcon fit sortir jusqu'à vingt
mille hommes portant avec leurs armes des torches ardentes à la main,pour
brûler les machines des assiégeans ; mais ils furent repoussez avec perte. Aprés
qu'Hannibal eut consommé son ouvrage, en jettant du secours dans Lilybée,
il en sortit & transporta la Cavalerie de Lilybée, où elle était inutile à Dré-
pane, où il s'en servit utilement contre les Romains pour faire le ravage dans
les terres de Sicile, qui obéïssoient aux Romains. Il leur enleva les convois,
leur couppa les vivres, & réduisit l'armée Romaine à une extrême disette.Pour
la soulager, un des Consuls se rendit à Rome avec ses deux Légions & par
nombre bouches étant diminué, ,
ce moïen le des la disette diminua.
CXIX. Les Romains n'oublirent rien pour fermer le port de Lilybée, & pour
Annibal le interdire l'entrée aux Carthaginois. Il firent une longue & forte digue
Rhodien en
entre dans
composée de poutres liées & cramponnées ensemble ; mais l'inlpétuosité des
leport de vents & des flots la renverserent. Il se trouva à Carthage un Capitaine de
lilybér. Galère nommé Annibal le Rhodien, qui promit d'entrer dans le port malgré
la vigilance des Romains. Il exécuta sa promesse, apporta des nouvelles à
Lilybée & en reporta à Carthage, sans qu'on pût n'y l'arrêter ni le joindre,
ni en pleine mer, ni dans le port. Le succés de son entreprise. consistoitdans
une connoissance parfaite qu'il avoit de ce port , où il entroit par des en-
droits négligez entre des rochers , tournant sa Galére comme s'il venoit d'I-
talie. A la fin ce Capitaine fut pris à ï'aîde d'une Galére Carthaginoise, de la
légèreté de la quelle on se servit contre lui.
On
On continua de part & d'autre à attaquer & à se défendre vigoureufe-
La flotte Romaine attaqua la place par Mer,tandis que l'armée de
ment de la ville.Imilcon repoussa rune & l'autre
terre escaladoit la première enceinte admirable, & fit perir plusieurs des assiégeans
attaque avec une présence d'esprit
Une tempête s'étant élevée , ébranla les tours & les machines dont les Ro-
Garnison forti-
mains se servoient dans leurs attaques. Quelques Grecs de la
machines dans une heure de
rent de la ville , & mirent le feu aux mêm:>s tout , réduit
ten1,s,tours, beliers, balistes, platte formes, galeries, fut en cendres;
& peut-être les Romains auroient-ils été obligez de lever le siége , si Hieron
Roy de Syracuse leur ancien ami, ne les eut secourus en leur envoyant des
vivres; Cet echéc rallentit la vivacité des Romains & donna le
loisir aux af-
siégezde réparer leurs bréches & d'augmenter les travaux qu'ils avoient en-
trepris pour se défendre. Les Romains n'osérent plus rien entreprendre,mais
ils fortifiérent leurs deux camps de bons murs de mançonnerie,comme deux
villes, qui enfermoient Lilybée dans leur enceinte.
Dans Rome les sentimens étoient partagez entre la guerre & la paix.
Les uns vouloient qu'on traittât de paix avec Carthage , d'autres étoint pour
continuër la guerre. Il se trouva des citoïens assez zélez pour aller de leur
mouvement s'enrôler pour aller combattre devant Lilybée. Ils étoient
propre à pied au camp des Consuls.
au nombre de dix mille, qui se rendirent
11

étoit mal aisé de vaincre un peuple de ce caraâére , & qui s'étoit mis; par la
consiance au dessus des plus grands revers de la fortune.
On choisit cependant de nouveaux Consuls, qui furent P. Claudius Pul- P. Claudius cxx.
cher, & L. Junius Pullus. La conduite du siége de Lilybée echut par le fort pulcher, &
à Claudius, & le commandement de la flotte à Junius. Le premier ne sût ni L. Junius
se faire aimer, ni se faire obéïr; Il affeftoit des airs de hauteur envers ses Of- Pullus
ficiers subalternes & tenoit des discours méprisans & insultans,en parlant de Consulst
qui avoient commandé l'armée avant lui. Il forma la résolution d'aller An de Ro-
ceux ennemis ignoroient me S04. du
surprendre Drépane , dans la fausse imagination que les M. 3760.
le renfort de dix mille hommes qui lui étoit venu de Rome & qu'il les sur- avant J. (L
,
prendroit, lorsqu'ils seroient le moins sur leur garde. Avant son départ il 240.
voulut s'assûrer du port de Lilybée en construisant une nouvelle digue pour Malheu- reuse expé-
empêcher l'entrée, mail il ne réüssit pas mieux qu'avoit fait le Consul son
en de surprendre,
dition de
prédécessèur. Il s'avance donc vers Drepane, dans le dessein la Glandius
& aprés cela de venir s'emparer de Lilybée. sur Dre-
Claudius partit la nuit de Lilybée à Drépane il n'y a qu'environ quinze pane.
milles ou cinq lieues. Le jour commençoit à paraître, lorsqu'il fut à la hau-
teur de Drepane. Adherbal en fut aussitôt averti. 11 donna les ordres ; ion
armée navale sort du port & marche en bon ordre à travers les rochers, a la
gauche de l'armée Romaine qui venoit de la droite. En même tems il donne
sur la tête de la flotte du Consul ; qui vouloit entrer dans le port , & donc
une partie étoit déja engagée dans la Goulet pour y entrer. Hasdrubal sai-
sit ce moment pour venir fondre sur la flotte du Consul. ^ Celui-ci étoit-
comme acculé contre la côte. Le Carthaginois avoit derriere lui toute l'ét-
tenduë de la lVler. L'embarras des Galères Romaines fut grand pour sortir
du port & pour se dégager ; & cela donna le tems au Général Carthaginois
de ranger ses Galères & de prendre ses avantages. Sa flotte n'étoit que de
quatre vingt dix Galères, celle des Romains en comptoit six vingt. Le Con-
flit fit à l'ordinaire consulter ses auspices. Les oiseaux sortis de leurs cage
ne voulurent pas manger. Il les prit avec leur cage & les jetta dans la Mer,
en disant : puisqu'ils ne veulent pas manger, qu'ils boivent. Paroles qui fu-
rent regardées comme une impiété ; Car s'il ne croyoit pas aux auspices,
pourquoi les consulter? S'il y croyoit, pourquoi leur insulter? LesRomains
étoient superstitieux. Il n'en fallut pas davantage pour leur abbatre le cou-
rage.
exXI. Dans le combat on ne remarqua ni la valeur ni l'intrépidité ordinaires
Claudius des soldats Romains. Leur vaisseaux pour la plupart fui ent ou coulez à fond,
cft battu ou échoüez sur les bans de sable, ou brïsez contre les rochers. Claudius
par les de présence d'esprit au milieu du danger. Il prit la fuite avec trente
Carthagi- manqua
nois de- de ses
Galéres, & abandonna le reste de sa flotte à la mercy de ses ennemis.
vant Dié- Il perdit quatre vingt dix Galères, huit mille hommes tuez ou noyez,&vingt
pane. mille tant soldats que matelots, que rameurs , qui furent faits prisonniers &
menez à Carthage. Asdrubal ne perdit aucun de ses vaisseaux, & très-peu
de soldats. Claudius arriva auprés de Lilybée dans un appareil de triomphe,
ayant fait couronner ses vaisseaux , comme s'il eut remporté une pleine vi-
ttoire. Cette feinte réüssit pour quelques jours, mais bientost la vérité fut
découverte.
exxii dius, lui Le Senat informé de la bizarrerie & de la mauvaise conduite de Clau-
Le Consul ordonna de nommer un Didateur & de se rendre à Rome. il obéît,
Claudius mais pour insulter la Republique il déclara Didateur avec les cérémoies or-
cst révo- dinaires un vieillard nommé Claudius Glycia homme de la plus vile popu-
,
qué & lace, qui étoit son client & dont tout le mérite étoit d'avoir exercé l'office
rappellé à
Rome.
d'Huissier ou de Secretaire pendant la magistrature de Claudius. Après ce
Polyb. /. 1. dernier trait d'extravagance Claudius abdiqua le consulat , & tôsl aprés on
contraignit Glycia d'abdiquer aussi. Le Didateur qui le remplaça fut Mar-
cus Attilius Calatinus, qui prit pour son Colonel Général de la Cavalerie le
Marcus célébre Caecilius Metellus. A l'égard de Glycia on lui permit de porter le
Attilius reste de ses jours au théâtre & dans le cirque la robbe nommé prétexta avec
Calatinus bordure de pourpre.
Di&ateur. une
Claudius aussitost après sa déposition fut accusé devant le peuple &
condamné sélon les uns, ou renvoyé selon les autres , un orage qui survint
pendant qu'on procédoit contre lui ayant obligé le peuple de quitter la
Val. Max. ,
1.S. c. i. place publique.
CXXIII. L'autre Consul Junius arriva en Sicile & rassembla une flotte de six vingt
junius Galéres & de huit cens autres bâtimens de toutes sortes , & prit la route de
palTe en - Lilybée dans le dessein de porter des vivres à l'armée qui
en formoit le siége.
licite.
Il passa par Syracuse & envoya devant à Lilybée les Questeurs de sa flotte,
avec une escadre pour annoncer son arrivée & raflïïrer les assiégeans. Ad-
herbal informé de la venue de Junius , donna ordre à Carthalon un de ses
Généraux, d'aller attaquer devant Lilybée l'escadre Romaine qui en fermoit
k
commission avec assez de bonheur & en-
le port. Carthalon exécuta cette croiser au tour
leva quelques vaisseaux aux Romains , après quoi il alla
d'Héraclée pour empêcher le Consul de faire entrer son secours au camp de
Lilybée.
En'même tems Carthalon ayant apperçu en Mer l'escadre des Questeurs, CXXIV.
Questeurs beaucoup plus foibles Car- (Sarthalon
se prépara à leur livrer bataille.Les que Carthagi-
thalon, mirent leur vaisseaux à l'abri de quelques rochers qui étoient de
près nois donne
Phintia, ville qui obéïssoit aux Romains, & débarquérent leurs troupes sur la l'escadre la châtie à
côte. Les Carthaginois voulurent se saisir de leurs vaisseaux, mais
les soldats
bien, qu'ils repoussent les Carthaginois qui n'eu- Romaine.
Romains se défendirent si , Polyb. 1.1. -
leur enlever quelques barques. Aprés
rent sur eux d'autre avantage que de Halycus dans l'esperance
Diodor. in
cela Carthalon entra dans l'embouchure du fleuve , Excerptis
de combattre les questeurs, quand ils passeroient pour se rendre a Lilybée ; Vales.
Mais ayant appris que Junius s'avançoit avec sa flotte, il résolut de l'attaquer
qu'elle n'en pût re-
avant qu'elle fut à portée de l'escadre des questeurs, afin
cevoir du secours.
Tunius ignoroit ce qui s'étoit passé entre Carthalon & ses Questeurs. Naufrage
CXXV.
Ayant aqperçu la flotte Carthaginoise qui étoit de beaucoup supérieure en de la
force à la sienne, il prit le parti de se retirer sur la côte entre des rochers ou flotte de
il étoit fort exposé, Carthalon se plaça à l'abri d'un Cap, au milieu de la flotte Junius
du Consul & de l'escadre des Questeurs, en sorte qu'elles ne pouvoient sor- Prise d'E-
Mort
tir sans être battues. Cependant les Pilotes Carthaginois avertirent Cartha- rix. de Junius.
10n qu'infalliblement il y auroit dans peu un changement de tems, & qu'il ne Polyb. I, 1-
devoit pas perdre un moment pour se retirer , s'il vouloit éviter la tempête. Zmar. 1.9.
Carthalon se retira, quoy qu'à regrêt, & évita le naufrage. Pour la flotte
Romaine elle fut entiérement fracassée, & toutes les provisions qu'elle portoit
furent submergées, mais il n'y eut que peu d'hommes de perdus. Ce mal-
heur n'empêcha pas que le siége de Lilybée ne se poussât, & Junius après ^ son
désastre fut assez heureux pour surprendre la ville d'Erix, qui lui fut livrée par
quelques soldats qui étoient au service des Carthaginois. Ce poste étoit trés-
avantageux aux Romains par rapport à Drépane , qui n'en étoit pas éloigné,
& le Consul pour le conserver fit construire un fort sur le bourg d'Egithalle-
le fort & passa la Garnison
au pied du mont Eryx;l\!lais Carthalon lui enlevaJunius
Romaine au fil de l'épée. On dit que le Consul fut fait prisonnier en
deffendant la place, d'autres qu'il se donna la mort , pour éviter sa condam-
nation, ou de désespoir pour tant de mauvais succés.
Ainsi la République étant privée de ses deux Consuls , fut obligée de C.,'St{XVI.
faire passer en Sicile son Dictateur c'étoit pour la première fois qu'un Magi- Le Dicta-
ltrat revétu de cette dignité étoit passé hors de l'Italie. Le Dictateur parut lius teur Atti-
Calati-
devant Lilybée, mais on ne sache pas qu'il y ait rien fait de mémorable ; il
nus paire
revint bientost à Rome pour présider à l'eledion des Consuls , qui furent C. en Sicile,
Aurelius Cotta, & P. Servilius Geminus. Ils partirent tous deux pour la Si-
cile & y continuèrent le siége de Lilybée. Leur première & principale at-
tention fut d'empêcher que Carthalon ne pût faire passer des vivres ni à Li-
lybée, ni à Drépane. Le Général Carthaginois, pour ne pas demeurer inu-
EXxvIL til, prit le parti d'aller faire des courses sur les côtes d'Italie & d'obliger par
C.Aurelius là l'un des Consuls à venir au secours de sa patrie ; Mais le Senat informé de
Cotta & P. l'entreprise du Carthaginois, fit partir diligence le Prêteur & l'envoya à la
Servilius en
Geminus tête de quelque troupes contre Carthalon qui fut obligé de se rembarquer &
Consiais. de regagner la Sicile. Les troupes nlercén:1Ïres des Carthaginois se mutinè-
An de Ro- rent faute de payement, & Carthalon fut rappellé.
me joj.du On lui donna pour successeurs Hamilcar surnommé Barca pere du fa-
M. 3761. Annibal qui fit de mal Romains. Hamilcar ,
meux
avant J. G. les
tant aux aprés avoir appaisé
a? 9. trouppes mutinées, alla faire le ravage sur les côtes d'Italie. Il désola les
Guerre en païs des Locriens & des Bruttiens, puis revint en Sicile & ce campa entre
Sicile. ,
Eryx & Panorme, d'où -il fit des courses sur les terres alliées aux Komains &
Continua- traversa considérablément le siége de Lilybée. Les deux Consùls
tion du nérent à s'en retour-
siége de Rome, & on leur donna pour successeur L. Caecilius Metellus & M.
Lilybée, Fabius Buteo. Ce de*rnier eut ordre d'aller assiéger Drépane, tandis que Me-
Zonar. 1.8. tullus continuëroit le f1ége de Lilybée. Metellus ne fit rien digne de memoire
CXXVIII. dans
L. Caecilius
ce siége, & Fabius n'avança que bien peu les affaires de la Republique
Metellus devant Drép3ne. Hamilcar .par son adivité & sa diligence déconcerta ses pro-
&N. Fa- jets, & lui livra une infinite de petits combats.
bius Buteo Pendant que les Consuls étoient ainsi occupez en Sicile la flotte Ro-
Gonsuls. maine equippée frais de quelques particuliers, ,
aux ravageoit les côtes de l'A-
An de R. frique. Le Sénat dégoûté de la marine & voyant les fonds de l'épargne
5o6. du M. ,
3763. épuisez, permit à ceux qui en auroientle moïen & la volonté d'equipperdes
avant J. G. vaisseaux & de fàire des courses sur les terres des ennemis. L'un equippoit
238. un vaisseau à ses frais, d'autres se mettoient deux ou trois ensemble pour en
Polyb. 1.- 1 faire
Continua- autant. Bientost il y en eut deux cens de prêts, dont on donna le com-
tion du mandement au Proconsul Lutatius, ou à Attilius ; Car on ne trouve pas bien
siége de marqué le nom de Chef de cette flotte. La Republique y ajouta ce qui leur
Lilybée. restoit de Galéres, sans autre charge que de les rendre en bon état, à la fin de
siége de l'expédition.
Drépane. La flotte abborda au port d'Hippone & pilla les vaisseaux qu'elles y
Zonar. 1. 8. ,
Polyb. 1. 1- trouva & les maisons du voisinage. Pendant qu'ils étoient occupez au pilla-
CXXIX. ge, ceux d'Hippone tendirent les chaines & fermèrent l'entrée de leur port.
Expédi- Mais les pilotes Romains trouvérent moïen de dégager la flotte
tion en ; car a me-
Afrique. sure que chaque Galère se présentoit au milieu de la longueur de la chaine,
en l'endroit ou par sa pésanteur elle mouïlloit dans l'eau , on déchargeoit le
bâtiment du côté de la prouë, tout l'equippage se jettant en arriére du côte
de la pouppe, & lorsque le vaisseaux poussé à force de rames étoit assez avan-
cé sur la chaîne, tout l'equippage se rejettoit sur la pouppe & déchargeoit
la prouë. Par cette manœuvre touté la flotte se dégagea & sortit, du port
d'Hippone avec son butin.
Au retour de cette expédition, la même flotte vint à Palerme où elle
,
trouva une escadre Carthaginoise; Elle l'attaqua & emporta sur elle un avan-
tage considérable. En ce même tems on fit l'echange des prisonniers Ro-
mains telle pour teste contre ceux de Carthage ; & comme ceux de Car-
thage exçedoient ceux de Rome , on les rachatta pour une certaine
somme, qui sut mise à Rome au thrésor publique. Dans le dénombrement
da
•du peuple Romain qui se fit cette même année , on n'en trouva que deux
tcns hommes en état de porter leG
cinquante un mille, deux cens vingt deux
armes ,
quinze,
c'ess-à-dire moins de quatre vingt six nulle cinq cens soixante &
que dans le dénombrement
précédent. On ne peut
-diminution, qu'aux naufrages & aux autres malheurt;, dont la République f
^'S&'ïSSSfe'SST* o-5» cxxx.
Lilybée & ils firent M. Otaci-
Licinus. Ils furent continuer
dessinez à le siége de ; n y lius Crassus
prédécesseurs. On les laiUà en Sicile pendant toute leur &M.Fabiu;
pas plus que leurs à créer un Dictateur „ afin d'assister a 1 eleftion des Licinus.
année, & on les obligea
Consu-ls. An de Ro-
nouveaux „ les r
„ r i qui. furent
Consuls choisis, me 507. da
Ce Didateur futTiberius Corcimanius, & , ,
M. 3763.
furent M. Fabius Buteo, & C. Attilius Bulbus. Avant qu'ils partiffent pour avant J.
relever les Consuls qui étoient en Sicile, il arriva à Rome une avanture , qui
Claudia GXXXl
2? 7.
fait voir à quel point les Romains portaient l'amour de la patrie. M. Fabius
Soeur ce de Claudius, qui quatre ans auparavant avoit été oblige d'abdiquer
excés, jour du Théatre Buteo &a.
le Consulat pour ses extravagances & ses revenant un Attilius
montée sur un char, le peuple ne s'étantpas rangé assez-tost à sa fantaisie5pour Bulbus '
•la laisser passer, dit tout haut ; plût aux Dieux que mon
frere Claudius fût Consuls.
monde, éclaircir cette canaille dont Rome est remplie. An de Ra-
encore au pour Titus Sem- me ÇO8. du
Ces paroles furent apportées aux Ediles C. Fundanius &
M. 3764.
ipronius , qui firent comparoître Claudia devant les Comices assemblez par avant J. G.
Tribus ; On ne Dlanw pas de dire pour l'excuser, que ce n'étoit pas l'usage Aul.236.'Ge!!.
de faire comparoître ime femme au tribunal du peuple Romain , que la faute 1. io. c. 6.
-de Claudia n'étoit qu'un trait de vivacité; que sanaissance
méritoit des con- Val. Max*
fidérations, qu'on ne punissoit pas des paroles dans une femme , comme on 1. 8. c. i.
feroit des adions dans un homme. Tout cela n'empêcha pas qu'elle ne fût con- Sueton in.
damnée à une amende de vingt cinq mille as d'erain. Cette somme fut em- Tiberio ($c.
ployée a bâtir un petit Temple à la Liberté, sur le mont Aventin.. Claudia el
Les deux Consuls de l'armée passérent en Sicile, & continuèrent le siége accusée
de Lilybée. Hamilcar avoit tenus en ,echec leurs prédécesseurs pendant les devant le
années précédentes,en faisant entrer des vivres dans la place, ce qu'il conti- peuple quel-
pendant cette campagne, trompant toûjours la vigilance des Généraux. pour
nua ques para-
La flotte Romaine qui avoit pillé le port d'Hippone , remporta cette année les incoa-
la flotte Carthaginoise prés l'Isle d'Egimur.
une grande victoire sur vidorieuse
Mais {idérée¡.
biehtoit aprés la flotte fut brisée par la tempête sur les cotes ^ de
CXXXIL
.ybie. A. Manlius
Cependant Rome se donna de nouveaux Consuls, qui furent Aul. l\fan-
Atticus, &
lius Atticus, & C. Sempronius Blxsus. Ils allérent comme les. autres, devant 6. Sempro-
Lilybée, où tout étoit dans une espéce d'engourdi(Iement. Cette année Ha- nius Biaesus
milcar ne se contenta pas de veiller sur Lilybée & sur Drépane , * & d'empê- Consuls.
An de Ro-
cher que les Romains ne s'en rendissent les maîtres ; Il se mit sur Poffenfive, me i094 dm
resolu de leur enlever Eryx , qui étoit un polie de la derniére importance, M.?76Ç.
pour la conservation de Drépane. Eryx étoit située à mi-côte d'une mon- avant j. G.
forteresses 2îi.
ta2Jle de très-difficile accès. Les Romains avoient comme trois
Prise de dans la montagne. Au haut où étoit le Temple fameux de Venus Ericine,ils
la ville s'étoient fortifiez par de bons remparts. La ville d'Eryx étoit bien munie
d'Eryx par bien gardée. Au pied de la montagne- étoit
Hamilcar. forte garnison Romaine. un retranchement gardé par une
Folyb. 1.1,
Diador. Hamilcar à la tête des fiens pendant une sombre nuit,& dans un pro-
in Exterpt. fond silence s'avança vers Eryx par des chemins détournez. Ayant fait trente
Valus, stades ou environ deux lieuës toujours en montant , il arrive aux portes-
t '27'.' d'Eryx , surprend la ville, égorge la garnison & tout ce qui fait résistance,
,
fait le reste prisonnier, & l'envoye à Drépane. ,Placé à Eryx entre la garnison
qui étoit sur la cime de la montagne & le camp qui étoit au pied, Hamilcar
se soutint dans ce poste pendant deux ans malgré les Consuls, & tous les ef-
forts de l'armée Romaine.
CXXXUl Les nouveaux Consuls qu'on enyoya en Sicile n'oublièrent rien pour
C. Funda- chasser Hamilcar de sa conquête d'Eryx. Il s'y maintint malgré leurs efforts,
nius & C. pendant toute la campagne. Ce ne furent que combats & assauts presque
Sulpicius continuels ; jour & nuit on étoit ^
aux mains. Cependant Drépane & Lily-
Gallus. bée demeuroient au pouvoir des Carthaginois. Quatre mille Gaulois re-
An de R.
y io. du ?YL
butez des fatigues du siége de Lilybée, & mécontens de ce qu'ils ne tou-
3766. choient point leur sol de, complottérent de livrer la place aux Romains.Leur
avant J. 8'. complot fut découverts, ils désertérent & se donnèrent aux Romains,avec la-
234.
siége d'E- porte
qu'ils gardaient. Cela n'avança que de bien peu les affaires du siége.
La Republique comprit bien que le seul moïen de faire la conquête de
syx. 4000.
Gaulois la Sicile, & de se la conserver, étoit d'avoir une bonqjgftotte, & d'enlever aux
pren- Carthaginois l'Empire de la l\oler. L'épuisement de^ïnances ne permettoit
nent parti pas d'en équipper une allez considérable pour tenir la Mer. L'on proposa
dans l'ar-
mée Ro- de le faire aux frais des particuliers, qui en auroient les moïens , & auxquels
maine: on promit de rendre le déboursé à la fin de la guerre. Ce fut une émulation
Zouar. 1.8. à qui en feroit d'avantage. Quelques Senateurs construisirent une galère à
Folyb. /. 1. cinq
'Nouvelle semble rangs de rames à leurs frais ; d'autres s'asibciërent deux ou trois en-
flotte con- pour en faire autant; Les bourgeois en usérent de même. Les Ro-
ftruitc par mains s'étoient rendus habiles à leurs dépens dans la navigation, & même
la Repub- dans l'art de construire des vaisseaux. Ils prirent modèle sur la galére d'An-
lique Ro- nibal le Rhodien, qui excelloit en légéreté, & qu'on lui avoit enlévée. La,
maine. nouvelle flotte fut bient&it equippée; On la fit monter par des soldats étran-
gers, afin d'épargner la vie des citoïens. Elle étoit d'e deux cens galères à-
CXXXII7. cinq rangs
de rame.
C. Lutatius C. Lutatius Catulus, & Aulus Pofthumrus Albinus venoient d'être éle-
Gatulus & vez au Consulat. Lutatius fut chargé des affaires de la guerre ; Posthumius
Au!. Poft- qui étoit sécond Grand-Prétre de Mars, fut obligé de demeurer dans l'iiia-
humius Al- ftkm
hinus Con- ; Caecilius Metellus Grand Pontife lui ayant désendu avec menaces
i'nly» de se mêler dans une affaire militaire. Cela fut cause qu'on créa un fécond
An de Ro- Préteur pour accompagner Lutatius dans son expédition de Sicile. Le pre-
me ç 11. du mier Préteur demeura à Rome pour juger les procés des citoïens. Depuis
M. 3767. avant, on continua de créer à Rome deux Préteurs ; l'un
cette année
avant J. G. étoit chargé en de juger des causes émuës de citoicn à citoïen.On le nommoit
233*
P¡;âfor
TrœtorVrhanus. L'autreJuge oit des affaires d'entre un citoîen & un étran- Siége de
contre un citoïen. On le nommoit Prator Peregrmtts. Bataille
ger , ou d'un étrangerLutatius,essapellé
Drépane.
Celui qui partit avec Valerius Falto.
il navale,
La flotte Romaine dont on ne se défiait pas, car y avoit cinq ans que les Ro.
la Republique n'en avoit point produit, entra dans les ports de Drépane & mains rent-
de Lilybée sans trouver la moindre résistance- Le Consul sans abandonner Eortenta
je siége de Lilybée, résolut de faire celui de Drépane, & de profiter de rab. a yi&oire.
Lutatius poussa le siége (le Polyb. 1; 1.
sence d'Hamilcar, qui se défendoit dans Eryx. Zonar. 1.J.
Drépane avec tant de vigueur, que bientost il y eut une brèche raisonnable.
Comme on montoit a l'assaut, il fut blessé a la cuisse. Ses soldats F empor-
térent dans Ta tente, & abandonnèrent Passant.
Il n'étoit pas encore bien gueri , qu'il résolut de livrer la bataille à la
flotte qui venoit de Carthage, pour, apporter des secours d'hommes & de vivres
aux places de Drépane,deLilybée&d'Eryx.étoit le Commandant. Carthage
La flotte ennemie êtoit de quatre
n'a-
cens vaisseaux de toute grandeur.Hannonen
voit point encore fait de si grands efforts. Lutatius avoit bien moins de vais-
seaux, même aprés qu'il eut grossi sa flotte des galères qui étoient devant Li-
lybée. Toutefois il rangea ion armée navale sur un grand front qui ne for-
moit qu'une ligne, dans la veuë d'empécher l'ennemi de prendre le large &
de gagner les côtes de Sicile. La Romaine étoit composée desoldats aguer-
ris, & la flotte étoit gouvernée par de bons Pilotes. Les Carthaginois étoient
expérience. Leurs
pour la plupart des soldats nouvellement levez & sans &
vaisseaux étoient en bien plus grand nombre, mais plus chargez de vivres #

de ballots que ceux des Romains. Dez le premier choc la flotte Romaine
coula à bas cinquante galéres ennemies. Lutatius n'étoit pas encore en état
d'agir; Il donnoit ses ordres de dessus son lit & le Préteur Valerius les faisoit
exécuter.Les Carthaginois prirent la fuite;Hannon se retira sur l'Isle d'Hiera,&
le Consul dans le port de Lilybée,où il ramena comme en triomphe soixante CXXXV.
Fin de la
& dix vaisseaux ennemis. Le nombre des prisonniers passa dix mille. première
Carthage par ce coup se vit absolument hors d'état de continuër la guerre
guerre. Lutatius aussitost qu'il fut parfaitement guéri de sa blessureHamilcar marcha Punique
>
contre Hamilcar, qui étoit toûjours dans Eryx. En divers combats qui dura
perdit environ deux mille hommes; se voyant sans ressource , il proposa de 25. eu 24.
rendre la place; Mais comme Lutatius voulut le faire passer lui & les siens An ans.
du M.
.sous le joug, il protesta qu'il périroit plûton:
, que il
de subir une peine mili- J767.
taire qu'il n'avoit pas méritée. Dans le même tems reçut de sa Republi. avant J. cr.
que un plein pouvoir de conclure avec les Romains, & de prendre tel parti de R.233. 5 r.
qu'il croiroit le plus convenable; Il crut ne pouvoir rien faire de mieux,que 1
(a)
de faire la paix. Il trouva Lutatius dans les mêmes dispositions. Les deux Le 2200.
Républiques étoient épuisées & lasses de la guerre. On conclut donc la paix, talens d'Eti
& voici les termes du traité qui en fut dressé : Il y aura paix, si le peuple F\,o- bée font en-
main l'approuve , entre Rome & Carthage aux conditions suivantes. Les Carthagi- viron siN
millions
nois abandonneront toute la Sicile. ils ne seront point la guerre si Hieron, ni aux Syra-
cent quatre
cusains, ni à leurs alliez. Ils rendront aux Romains sans rançon les prisonniers qu'ils vingt mille

JEubityiies d'argent. (a) tt


ont fait sur eux. Ils leur payeront dans ïespace de vingt ans deux mille deux cens talens livres.
Tt % 11
Il fallait avoir la ratification du peuple Romain pour mettre la dernière
main a ce traite. ^ Le Consul fit partir les Députez, & Hamilcar les siens.
Rome renvoya dix Commissaires en Sicile pour faire quelque changement
au traité. Elle abrégea le terme du payement des sommes ilipulées; & au
lieu de vingt ans elles les réduisit a dix, & augmenta, sur la somme flipulé.-.
mille talens qu 'il, fallut payer comptant ; On ajoûta aux premières condi.
tions, que les, Carthaginois abandonneroient aux Romains toutes les Isles de
la Méditerranée, qui sont situées depuis l Italie jusqu'à la Sicile qu'ils n'y
conduiroient jamais de vaiflfeaux de guerre,, & n'y feroient point, de levées
de soldats.
Ainsi finit la premiére guerre Punique après avoir duré
, 23. ou 24. anS1.
Hamilcar partit pour l'Actique où il servit encore sa patrie aussi utilement
,
qu'il avoit fait en Sicile, & on convient que jusqu'alors aucun Général Car-
thaginois ne i'avoit égalé ni elI valeur, ni en conduite, & qu'il succomba
ne
que parceque sa Republique ne put soûtenir plus longtems le poid d'une
guerre qui l avoit mis a deux doigts de sa ruine. Elle avoit perdu dans cette
guerre prés de cinq cens galéres, & les Romains environ sept cens & un nom-
bre pre s que innombrable de soldats. Han1Ïlcar porta en Afrique une haine
implacable contre les Romains, & il la versa dans le coeur de son fils Anni-
bal, dont on verra bientosil'hist.oire. Quant au Consul Lutatius Rome le.
lailïà encore un an en Sicile avec le titre de Proconsul & le, Préteur
,

TABLE
1
TABILED DES 'M,AT 1Er'RE S.
»

ABdalonyme est établi Roy a Sydon par Carthaginois. 6 fo. Ses- soldat's se révoltent:
Alexandre. 421 • " contre lui à cause de la mort de Lycisque.
Abiens, peuples de Scythie , ils ct rendent à 6) I. Il appaise la (édition de sessoldats;6î2.
Alexandre. 472; Il- remporte la viâoire contre les Carthagi-
Abisares Roy dans les Indes vient se rendre à nois. ibid. Il. engage Ophellas Roy de Cy:.
Alexandre. réne dans son parti. ibid. qu'il met à more
Àbulites Gouverneur de Suses, Alexandre le fait ensuite. 3.. il prend le titre de Roy. 654.
mourir lui & son fils. 9. Il se rend maître de la ville d'Utique.'ibidl
Acarnanie, cette Province est attaquée par les alliés Il quitte brusquement l'Afrique & revient en
desLacédémoniens.6. Seshabitansrésistent ).
Sicile. 6) Il remporte une victoire ssir les
Carthaginois en Sicile. 6^6. Il retourne en
aux Chaoniens & les mettent en deroute. Afrique. 7.II est battu par les Carthaginoise
7.
Achoris Roy d'Egypte se dispose à se defFendre ibid. une terreur panique se repand dans
son camp. 6y8. Il veut quitter l'Afrique &
contre Artaxercés Roy de Perse.79.Samort.
109. abandonner son fils & ses soldats. ibid. Il \

Acron Roy de Cenine fait la guerre aux Ro* ef1arrêté par ses sbidats, il s'échappe & s'en-
mains. 20 z. il est tué par Romulus. ibid. fuit en Sicile, ibid. Il égorge les Egerthéens.
Ada Reine de Carie-adopte Alexandre pour son 6 s 9. cruautez qu'il exerce contre ceux de-
fils. 4rI. Syracuse. ibid. Il veut renoncer à la Royauté. -
Æmi1ius ConfutRomainfe se retire en Apulie à ibid. Il fait la guerre à- Dinocrate Chef des-;
l'approche des troupes de Pyrrhus. 619. exilés. de Syracuse. 660. Son impiété, ibid.
Aëtius Clausus Sabin se retire à Rome , il est }l: delivre l'Isle de Corsu. 661. Il se rend?
nommé depuis Appius Claùditie- 247. maître de Crotone.ibid. Il repasse en Italie,
Aëtope Commandant de La Cavalerie Thefla- & fait la paix avec les Bruttiens.ibid. Il eÍt
lienne conspire contre Alexandre qui l'a'ïsnt empoisonné par Menon. ibid. Sa mort.6S2..-
feû le fait mettre dans les fers. AgeGlas: Roy de Lacédémone, ses qualités. 64*-
4T3.
Agallafiens, ces peuples sont vaincus par Ale- Il va avec Lysandre faire la gtlerre- aux Per-r
xandre. 511 • fies. 6$. Il fait ressentir à Lvsàndre la peine?
Agathocle Tyran de Syracuse, son histoire.64'O. de son manque de refpeft; ibid. Il fait laï
manière dont il s'empare de l'autorité sou ve- conquête d'une grande partie de Ja' Phrygie;.
raine à Syracuse. 641. Il veut s'emparer de 66. Il exerce à Ephése se? troupes aux ex-
Messine. 642- 543. Les Agrigentinslui font la ercices militaires. 67. Il entre en Lydie, Se
défait l'armée de Tissapherne.ibid. Il: se retire
guerre, ibid. Ses hostilités contre les Cartha-
ginois. 644. Les Carthaginois lui fontr la en Phrygie. 68. il eflr déclaré. Général de.: at'"-
mées- de terre & de Mer de Lacédémone..
guerre; ibid. Ils s'empare de' Gele. ibid. Il
est vaincu par î*es Carthaginois; 64^. il pafle- ibid. son entrevue avec Pharnabaze. 69. iti
esi rappellé en Grèce. 70; il arrive'en'Béotien
en Afrique, ibid. & 64.6.il s'empare de Grand-
ville. 647. Il devait les Carthaginois, ibid. Ses 71. il remporte la viâx>ire sur.les Athéniens
progrés dans l'Afrique. 648 Stratagéme qui & leurs alliés. 72. il retourne à. Lacédémone^
kai vaut la prise d'Adrurnéte & la fuite des. i Tt tt ibict
ibid. il fait siége de Corinthe. ibid. il ef-
'le Sicile à Athènes, il se sauve. 2). fl est con-
saye en vain d'attirer Chabrias Général des damne à mort. ibid. il se reconcilie avec(les
troupes Athéniennes au combat. 80. il vient Athéniens. 34. il est rappellé à Athènes
pour
en Egypte , pour y commander l'armée prendre le commandement de l'armée.3 il
î.
Egyptienne. ni. il sejoint à Neâanébe remporte la victoire suries Lacédémoniens à
uiurpateur contre Tachos legitime posses- Abyde. ;6. il se rend maître de la ville &:
i
feur de la couronne d'Egypte. 12, sa mort. de l'Isle de Cyzique& de plusieursautres vil-
113. les. ibid. il se rend en triomphe à Athènes,
Aggée commence à prophetiser. 170. 37. il est absoû par les Eumolpides. ibid.
Agille, ville d'Etrurie dont Denis le Tyran pille il fait célébrer les mylléres d'Eleusis
avec
le Temple. 112. une pompe extraordinaire, ibid. Il est dei..
Agraria loy, concernant la distribution des pouïllé du commandement de l'armée na-
,
terres conquises , Sicinius Dentatus parle en vale des Athéniens. 39. il donne un avis sa-
faveur de cette Loy. 312. les Patriciens en lutaire aux Généraux Athéniens qui sont
empêchent la reception. ibid. ,
défaits pour ne l'avoir pas voulu suivre.
Agrigente, siége de cette ville par les Carthagi-
43.
sa mort.
nois. 133. tombeaux remarquables autour Alexandre le Grand sa naissance. 39^. il se
de cette ville. ibid. prophanation de ces ,
prosterne devant Jaddus Grand Prêtre des
tombeaux, 1,4.les Syracusains lui envoyent Juifs. 198. -
il accorde aux Juifs le droit de
du recours. 135. ses habitans abandonnent vivre sélon leurs loix. 199. il punit les
la ville & se retirent à Gela. ibid. pillage & Samaritains du meurtre qu'ils avoient
com-
saccac,ement de cette ville, ibid. elle est as- mis dans la personne du Gouverneur de la
siégéeD par les Romains. 671. & prise. 672. Province.ibid.il succéde à Philippe son Pere
Agrigentins, ils font la gqerre à Agathocle Ty- Roy de Macédoine. 406. il soumet laThrace,
ran de Syracuse. 642. ils veulent s'empa- l'Illyrie & attaque la ville de Thébes. ibid. il
rer de la souveraineté dans la Sicile. 6^1. prend & ruïne cette ville.407. il demande à
Agrippa, voyez, Menenius. la ville d'Athènes qu'elle lui livre dix
Ahala (Servilius) est choisi Didateur contre les Orateurs qui avoiefit excité les Athéniens à
Gaulois. 381. renoncer à son alliance. 408. il est déclaré &
Aïus Locutius, Divinité honorée à Rome.362. confirmé Généralissime contre les Perses. ib.
Alba, on envoyé dans cette ville une Colonie il rend visite à Diogéne. ibid. il pardonne à
Romaine. la ville de Lampsaque. 4cg. il pane le Gra-
Albe est ruinée, & ses habitans transférez à Rome nique & défait les Généraux de Darius, ibid.
par Tullus Hostilius. 217.son lac se déborde, il arrive à Sardes, puis à Ephése. 410. il
superstition des Romains à cette occasion.
347. les Romains creusent un canal pour
fait le siége d'Halicarnassè. 4r i. il permet à
ses soldats nouveaux mariés d'aller passer
faire écouler les eaux du lac de ce nom dans l'hiver en Macédoine. 412. il pafse en Pisidie
les campagnes, & se rendre ainsi maîtres dela & se rend maître de la ville de Salaga/Te.
ville de Veïes,selon la prédidion d'unEtrus- 413. de là il va en Phrygie il coupe le
,
noeudGordien.ibid.il se rend maitre
que. 348. des dé.
Alcibiade, sa jalousie contre Nicias, & sa super- filez qui conduisent en Cilicie 41 il tombe
cherie contre les Ambassadeurs des Lacédé- malade à Tharse,pour s'être baigné, ibid. il
moniens. 21. il est élû Général des Athénieos arrive à Anchiale, ville où étoit le tombeau
il
contre les Lacédémoniens. 22. est en com- de Sardanapale. 416. il gagne la bataille con-
promis avec Nicias. ibid. il est rappelle de tre Darius auprés de la ville d'Illiis sur la
riviére
ïfviére Pinare.418. son humanité envers la ibid. il pénétre les défilés des montagnes de
femme & les enfans deDarius. 419.plusieurs Perse. 449. il defait Ariobarzanes. ibid. il
Provinces d'Asie se rendent à lui. 420. il s'approche de Persepolis. 4^0. des esclaves-
rend réponse à Darius, ibid. il se rend maître Grecs implorent son secours. ibid. il aban-
de la ville de Sidon, & y établit Abdalonyme
il demande aux Tyriens
donne la ville de Persepolis au pillage, 4)
il subjugue les Mardes. 4^2, il met le feu à
J..
pour Roy. 421.
l'entrée de leur ville dont il fait le siége'422. la ville de Persepolis. ibid. on lui livre la
il fait travailler à joindre la ville de Tyr au ville de Pasargade. 453. il poursuit Darius.
continent par une digue. 423. il assujettit 4ff. il pleure la mort de Darius & lui fait
l'Arabie & fait de nouveau travailler à la rendre les derniers devoirs. 497. ses soldats
digue, ibid. il se rend maître de la ville de veulent retourner en leur pays.ibid.il arrive
Tyr. 42S. visionqu'il eut avant que de faire dans le pays des Parthes. 45 .8. il se rend
la guerre aux Perses. 197. il va à Jérusalem. maître du pays des Tapiriens & des Hirca-
ibid. & 426. il alîiége la ville de Gaze. ibid. niens. ibid. il reçoit fort bien Artabaze fidet
il rend reponse à Darius. 427. ses Généraux ami de Darius, ibid. les Grecs qui avoient
font plusieurs conquêtes en Asie. ibid. il le suivi Darius, se rendent à lui. 46o.Thaleftris
rend maître de PEgypte.428. il y bâtit la Reine des Amazones le vientvoir.ibid.il par-
ville d'Alexandrie, ibid. il va visiter l'Oracle donne à Nabarzanes. ibid. ses excés dans la
de Jupiter Ammon. 429. il écrit à Olympia-
de sa Mere.430. il retourne en Phénicie &
-
paix & l'oifeveté. 461 il fait brûler son ba-
gage .& celui de ses Ccldats. 462. il prend la
en Samarie. 431. Darius se dispose à le com- ville d'Artacone.463. il entre dans le pays
battre. ibid. Alexandre paile l'Euphrate & le' des Dranges. ibid. on conspire contre lui,
Tigre 432. Mazée un des Généraux de Da- ibid. il sépare du corps de' son armée les ;;
rius arrive trop tard pour lui disputer le pat soldats méconteos. 4.66. il poursuit BeÍsus..
fage du Tigre. 433. une Eclipse jette le 467. il entre dans le pays des Paropamisa-
trouble dans l'armée d'Alexandre, ibid. il fait des, & va au mont Caucase.ibid.au pied du-
éteindre les feux mis par les Officiers de Da- quel il bâtit une ville, qu'il nomme Alexan-
rius aux monçeauxde blé. 434.1a reponse aux drie. 468. il se rend maître de la Bach-iane.
Ambassadeursde Darius qui venoient lui de- 46*9. il entre dans la Sogd'iane. ibid. sa belle
mander la paix.43 6 une terreur panique le ré- action dans une disette d'eau. 470, il arrive
pand dans son armée 437»ardeur de son armée *" au fleuve Oxus. ibid. il est bielle dans ratta.-
à la vue de celle de Darius.ibid, il fait des que des barbares. 472. il arrive à Maracande,
voeux & des prieres pour obténir la viftoire. les Abiens peuples de Scythie se rendent à
438. ordre de son armée pour le combats lui. ibid. il bâtit une ville far le Tanaïs qu'il
439. son aile gauche est en danger d'être nomme Alexandrie. 474. il prend la- réfolu-
mile en deroute, 442. danger qu'il court tion d'attaquer les Scythes ibid.il reçoit leurs
aprés avoir gagné la victoire contre Darius. Ambassadeurs.47y. il défait les. Scythes stc
443. il va d'Arbelles à BabyloRe,son entrée le Tanaïs. 476. ils se soumettent à lui. ibid.
dans cette ville. 444. son départ.ibid.il' entre il envoye Bessus à Ecbatane puur y. souffrir
dans la Sita.céne.44-f. la ville de Sûtes serend le dernier supplice. 477. il bâtit six villes
à lui. ibid. il s'asseye surle Trône des Roys autour de la lVlaçgiane. 47g.. il attaque & se
de Perse.446. son resped pour Sifigambis rend maître d'un rocher où Arimaze s'étoit
Mere de Darius, ibid. il assujettit le pays retiré avec 300C0. hommes, ibid. il tue de
des Uxiens. 447. il est repousse au pas de sa main un lion d'une grandeur énorme^o.
Sufes- 44g, il teaie de nouveau de le forcer. il tue-dans le viacktus,soni2mi ajni«çLi'il regretta
ensuite. 481. on veut excuser ce meurtre. on le rapporte dans sa tente & on lui arrache
482. Sifimetres Satrape de la Province de le fer de la playe. ibid. il s'embarque sur le
Nautace se soumet à lui. 483. il chatie les fleuve Hydraote. f i on le prie de ne pas
Gouverneurs de Province qui abusoient de s'exposer. ibid. la nation des Sabraques se
leur autorité. 484. belle action qu'il fait dans soumet à lui. ^ 17. il reçoit la nation des
une tempête où plusieurs de [es soldats pé- Sodres à composition, & subjugue celle des
rirent. 485. son mariage avec Roxane.ibid. Presles. fi8- & des Brachmanes.
f 19. que-
ses préparatifs pour la guerre des Indes. 486. Rions qu'il propose aux Gymnosophistes.
il affeâe les honneurs divins. ibid. de jeunes fi.1l fait le siége d'Harmatilie. f 20.Moeris
Seigneurs Macédoniens conspirent contre lui. Roy des Pattaléniens se rend à lui. ibid. il
488. on lui decouvre les auteurs de la-con- s'approche de l'Océan. 521. ses soldats igno-
spiration, qu'il fait mourir. 489. il marche rent la cau(c du flux & du reflux de la Mer.
vers les Indes, ibid. divers Princes des In- ibid. il offre des sacrifices aux Dieux Marins.
des se soumettent à lui. 490. Il arrive à 5 22. il revient à Pattala. ibid. il bâtit la
Nyse. ibid. Il se rend maître des villes de Dé- ville de Potana. 523. les Arbites se rendent
dale, d'Andacéne & d'Arrigée. 491. il rem- à lui. ibid. il fait la conquête du Pays des
porte la victoire contre les barbares, ibid. il Orites,& vient au pays des Gedrosiens. ibid.
arrive au pays des AfTacénes & à la ville de incommoditez qu'il soussie dans le pays de
MasTaga dont il se rend maître. 492. il prend Gedrosie. 524. il entre dans la Carmanie.
les villes d'Ore & de Bazire. 493. il fait le 121. son triomphe dans les Indes imité sur
siége du rocher Aorne. ibid. il s'en rend celui de Bacchus.ibid. ses vastes dessèins.f 26.
maître. 494. il marche vers le fleuve d'Inde Orfine Satrape de Pasargades le reçoit, ibid.
qu'il paire.49)'. le Roy Omphis vient au- il viGte le tombeau de Cyrus. )27. il fait
devant de lui. ibid. il fait passer le fleuve injuslement mourir Orfine. ibid. réünion de
èPHyd.qspe à son armée-498. il combat con- sa flotte & de son armée de terre. 529. il
tre Porus un des Roys des Indes. 499. il arrive à Suses, il fait mourir Abulites & son
remporte la vidoire. 500. suite de cette fils.ibid, les révoltés de ses Etats se retirent
viéèoire. 502. ses nouveaux projets, ibid. il à Ténare en Laconie. ibid. il épouse Statire
bâtit deux villes à l'endroit où il avoit passé fille de Darius. f 29.& Parisatis son autre fille.
l'HydaCpe. ibid. il fait de nouvelles conquê- ibid. il paye les dettes de ses soldats. 130.
tes dans les Indes. 503 - il lait passer à son
armée le fleuve Acesine. ibid. combat qu'il
on lui améne de Perse 50000. hommes de
recruë. ibid. il descend dans le Golphe Per-
livre aux Indiens à Sangale. 504. il fait le sique.ibid. il licentie tous les veterans de
siége de cette ville. 505. le Roy des Sopires son armée. f 31. sedition de son armée, ibid.
& le Roy Phegée se rendent à lui. )"06. il demandent & obtiennent le par-
ses soldats
veut passer le Gange & faire la guerre aux don de leur mutinerie. ^ 32.il arrive à Char-
Gangariens. {07. ses soldats craignent de les & à Sambane, puis à Celone. ibid. il
piller plus avant dans les Indes. 507. il visite les tombeaux des Roys de Perle. f 37-
prend la resolution de retourner en Macé- il vient dans le pays de Nysée & en visite
doine. )'08. ses forces , lorsqu'il s'embarque les haras. 533. il fait les funérailles d'Ephe-
pourvoir l'Océan. ^ 09. il remporta laviétoire ssion son amy. f 3ç - il fait la guerre aux
sur les Agallasiens. )'10. il arrive au pays des Cosséens & aux Tapyriens. 5 34. les Devins
.
Malliens & des Oxyques. ibid. il assiége la de Chaldée le détournent d'entrer à Baby.
capitale des Malliens dans laquelle il se jette lone. ibid. des Ambassadeurs de toutes les
,
seul. 513. il est jdangereusenient blessé. 514- parties du monde le viennent trouver à Ba-,
bylone.
bylone.ibia. il leur donne audience. 131- AmilcarGéneral desCarthaginors arrive en Sicile
résolu de faire la conquête de l'Arabie, il en & attaque la flotte de Denys le iyrxn 144*
fait faire la découverte f 36. il revient à Ba- il prend la ville de Motya & s'empare de
bylone 537- il congédie dix mille veterans Meiline 14^. il forme le siége de Syracuse
ibid. on luyenvoye de nouvelles recrues peu 146. la plus grande partie de son armée périt
parla peste 147. il se retire à Carthage 148.
avant sa mort ^ 38. il tombe malade par un
excés de vin 39.sa mortibid. contestations il recommence la guerre en Sicile avec An.
arrivées dans son armée aprés sa mort 4°. nibal 160. il remporte la viâoire sur Aga-
Aridéeefl chargé du soin de ses funerailles ibid. thocle Tyran de Syracuse 64;. il est rappelle
ilége de
en Afrique 649. il recommence le
.
lustration de son armée 541» partage de ses
Jitats entre ses Généraux f 42-les Gouverneurs Syracuse 650. il est défait & pris par les as-
qu'il avoit établis dans les provinces, s'erigent siégez,
ibid. Ion corps Amilcar Carthaginois se rend auprès d'Alexandre
.en Souverains aprés sa mort le Grand, pour en ohserver les démarches
€st mené en Egypte ibid. magnificence de son ibid.
convoy ibid. son corps est deposé à Alexan- 64o. sa mort tragique
drie par PtoleméeGouverneur d'Egypte 143. Ammon (Jupiter) description de son temple & de
Alexandre Tyran de Phéres veut se rendre maître son Oracle429. Alexandre le va consulteribid.
delaTheflalie 388. on envoye contre luy Pe- Amphipolis, Philippe Roy de Macédoine s'em-
lopidas Thébain pour le reprimer ibid. il le pare de cette ville 3 94.

prend prisonnier 389. & luy rend ensuite la AmyntasGénéral de Philippe Roy deMacédoine
liberté forcé par Epaminondas 39o.oncon- est envoyé en Asie pour mettre les villes Grec-
spire contre luy 392. sa mort ibid. ques en liberté 40
Alexandre fils d'Alexandre le Grand & de Ro- Anaxagore, vie dece Philosophe 3. sa mortibid.
place de son pere Anaxibius Général des Lacédémoniens est défait
xane est proclamé Roy en la
par l'armée Macédonienne )'41.. - par Iphicrate Athénien 74.
Alexandrie ville bâtie par Alexandre en Egypte Anaximéne Hiflorien Grec obtient d'Alexandre
428-ailtre ville du même nom, & du même le pardon de la ville de Lampsaquequ'il vou-
fondateur au pied du mont Caucase 468* & loit raser 4°-
Ancilia sorte de boucliers 2IC»
une autre sur le fleuve Tanaïs 474.
Allia petite riviere auprés de laquelle se donna Ancus Martius quatrieme Roy de Rome 219.
les Romains, assiége & prend la ville de Médulie ibid.il er-
un combat entre les Gaulois & ferme le mont Aventin dans Rome, prend
où ceux-cy furent vaincus ^ 3 Ç 8.
Aman, faveurs extraordinaires que Darius Roy la ville deFidénes ibid. fait la guerre aux Ve-
de Perse luy fait 176. il jure la perte de Mar- ïens, aux Volsques & .aux Sabins 2 20. sa
dochée 177, il obtient de Darius la condam- mort ibid.
nation de tous les Juifs ibid. il veut deman- Andacéne, Alexandre se rend maître de cette
der la mort de Mardochée 179. il con- ville 491.
traint de le mener par la ville de Sures & de Annibal petit-fils d'Amilcar Général des Cartha-
luy servir d'Ecuyer 180. il est mis à mort par ginois en Sicile retourne en Afrique 132 il re-
ordre du Roy *8i. tourne en Sicile avecImikar pour y faire la
Amazones, Thalestris leur Reine vient # voir guerre 13 3. sa mort 134.
Alexandre 460. Annibal le vieil Général des Carthaginois va faire
Amilcar Général des Carthaginois aborde en Si- la guerre en Sicile avec Amilcar 160, il évite
cile & assiégeHimére 123. il est tué par Ge- une mort violente de la part de ses Compa-
Ion Roy de Syracuse ibid. triotes par finesse £7$. sa mort 678.
Annibal fils cTAmiîear fait entrer dans Lilybée Apuliens,les Romains leur font la guerre f7I.
un renfort de troupes & de munitions 692. & les défont
Annibal le Rhodien Capitaine de Galèrechez les Aquilius Consul Romain remporte la vidoire
Carthaginois entre dans le port de Lilybée sur les Herniques 234.

,
malgré la vigilance des Romains qui l'affié- Aquilonie, prise de cette ville des Samnites par
geoient 69z. les Romains 607.
Antemne voïez Crustume Arbelles, lieu où se donna la bataille entre Da-
Antiates, les Romains leur font la guerre 276, rius Roy de Perse & Alexandre 433,
ils sont reprimés par L. Papirius Crassus Di- Arbites, ces peuples se rendent à Alexandre f 2 J.
dateur ) 63. Ardea Capitale des Rutules est assiégée par Tar-
Antium Capitale des Volsques est prise par quin le superbe 237. Sedition dans cette ville,
Quindius Consul Romain 299. on en par- le Consul Geganius va à son secours 327. on
tage les campagnes entre les Citoyens Ro- y envoye une Colonie Romaine 328.
IjUaÍns ibid. elle est prise une seconde fois par Arcelilas Général d'Alexandre,son partage dans?
le Consul Cornélius • 367. les Etats de ce Prince y 43.
Antigone Général d'Alexandre, son partage dans Archagathe fils d'Agathocle Tyran de Syractise,
les Etats de ce Prince )'42. ses expéditions en Afrique 6^. ses mauvais
i\ntipater Général dJAlexanire,son partage dans: succés ibid. il eil: trié luy & son frere par ses
les Etats de ce Prince f 414 soldats, qui font ensuite leur accommode-
Antistius Petro le plus pu-issànt des Gabiens est ment avec les Carthaginois 6) g,
calomnié par Sextus Tarquin fils de Tarquin Archon Général d'Alexandre, son partage dans
le superbe, & mis à mort par ses ordres 236. les Etats de ce Prince Ç42.
Anxur,lessoldatsROlnaÎnsmécontens le choi- Ariaspe fils d'Artaxercés se fait mourir par le
sissent pour leur Chef f 58- poison
Arigée, Alexandre se rend maître de cette
uf.
Anxur, prise de cette ville par les Romains 343.
Aorne, description de ce' rocher dont Alexandre ville 49 r.
fait le liège 493. & dont il se rend maître 494. Arimaze Sogdien à^ la téte de 30000. hommes
Appia, chemin de ce nom fait par Appius ,83. est forcé par Alexandre sur un rocher escarpé
A ppius Claudius est accusé de' plulieursChefs de- 478. son supplice &celuy des HeRs 479.
vant le peuple Romain 297. il se donne la Ariobarzanes un des Généraux de Darius esi dé-
mort ibid. fait par Alexandre 449. sa mort 4^0.
Appius Decemvir conçoit de la passion pour Aristarque celébre Orateur de Tarente s'élève
Virginie jeune fille Romaine...&- la veut cor.. contre Pyrrhus Roy d'Epire 621.
rompre 319. il l'ailige pour cela à Marcus. Aristodéme Tyran de Cumes en Campanie ac-
Claudius soa confident & fbn esclave ibid. il corde une retraite à Tarquin le superbe 2ig,
est accule devant le peuple, & se donne la
mort pour se soustraire à son ressentiment 323'.
Arrstophane, Poëte Comique, sa vie î.
Arsés le plus jeune des fils d'Ochus est mis ssir
Appius Claudius Dictateur remporte la viétoire' le Trône de Perse par Bagoas qui avoit em-
sur les Herniques 383. il entreprend de di- poisonné le pere de ce Prince 121. sa mort,
minuer le nombre des joûeurs d'instrument Darius Codomannus luy succéde ibid.
58z. il introduit des affranchis dans le Senat Artabaze se révolte contre Ochus- 11 il est fort-
ibid. il dépouille lesPontiens du Sacerdoce bien reçu d'Alexandre 41 8.
^83. il amène des eaux à Rome & fait faire Artacooe, prise de cette ville par Alexandre462.
la voye Appienne ibid. il- passe en Sicile 6c fait Artaxercés succède à Darius Nothus Roy de
lever le £ége de MdHne £6%. PeJ:se ion pere 46. il: vient en armes à 11
tencont.ce
rencontre de Cyrus y z. ordre de son armée leur demandoient ibid. danger que courent
ibid. il offre une suspension d'armes aux Grecs ceux des leurs qui étoient enfermés dans la-
54. il arrive à la portée de l'armée des Grecs, ville dePyle 14. ils attaquent les Corinthiens
il leur offre la paix f il leur permet de s'en I ç. ils se rendent maîtres de l'isle de Cythére,
retourner, & leur promet de leur fournir des de la ville de Thyré.- dans le Peloponése &
vivres S6. il se dispose à faire la guerre au de Nysée 16. ils désapprouvent la paix que
Roy d'Egypte & somme les Grecs de vivre leurs Commandans avoient lignée en Sicile
ibid. leurs Généraux fortifient Delium 18. ils
en paix 81. il leur envoye une nouvelle am-
baÍfade à ce sujet ibid. mais lesThebainsn'y font la paix avec les Lacédémoniens 20. ils
accèdent pas. Il est obligé de faire sortir ses choisissent Alcibiade pour leurGénéralcontre
troupes de l'Egypte ibid. il veut obliger les les Lacédémoniens, avec lesquels ils recom-
Grecs à vivre en paix 84- les villes Greques mencent la guerre 22. ils portent la guerre en
députent vers luy 81. il fait la guerre aux Sicile 23. leurs Généraux sont partagés de
Cadusiens 106. son courage & là libéralité sentiment sur les opérations de cette guerre.
dans cette guerre 107. il designe son fils Da- ibid. ils entrent dans la ville àeSyracule de-
rius pour son Successeur 113. sa mort 1 if. vant laquelle ils avoient mis le siége, mais ils
Ochus luy succéde ibid. sont obligés d'en sortir 28. ils sont fort res-
Artaxercés Succe&tir deXercés renvoye Esdras ferrés pendant ce siége par Gylippe Général
àjerusalem 184- des Lacédémoniens, qui vient au secours de
Artaxercés Roy de Perse donne de l'argent aux cette ville 29. ils sont maltraités dans un com-
Béotiens, pour poursuivre la guerre contre bat naval qu'ils livrérent aux Syracusains 30.
les Phocéens 401. ils sont enfin vaincus & obligés de se retirer
Artemise Reine de Carie éléve un superbe mo- 31. on les attaque encore dans leur retraite,
nument à Mausole Con mari 116". & ils sont obligés de se rendre à discretion 33.
Aruns petit.filsdeTarquin le vieil est mis à mort désolation dans Athènes à cause de cette
,
par Tullie sa femme 232. perte ibid. le gouvernement populaire est
Aruns fils deTarquin le superbe mene uneCo- aboli dans cette ville en faveur d'Alcibiade
Ionie Romaine à Circée 2 3 6. sa mort 241. 34- mécontentement des troupes à ce sujet
Aruns Seigneur Etrusque appelle les Gaulois ils remportent la vi<fcoire sur les Lacédé-
Senonois à son secours , pour se venger de moniens & les Thébain$4i. ils déposent leurs
l'insulte que son pupille luy avoit fait 3 Généraux pour n'avoir pas donné la sepulture
il les conduit au siége de Cluslum ibid. à leurs soldats ibid ils envoyent des Députés
Athéniens., ils sont attaqués de la peste la 2e. vers Agis Roy de Lacédémone 44, Cruautés
année de la guerre du Peloponése 1. & en des 30.Tyransque les Lacédémoniensavoient
sont guéris par Hippocrate , auquel par re- établis à Athènes 47. ils sont battus .eux &
connoilTance ils rendent de très-grands hon- leurs alliés dans les plaines de Coronée par
neurs 2. ils demandent la paix auxLacédémo- Agesilas 72. rupture de la paix entre eux &
niens ibid. ils portent la guerre dans la Thrace les Lacédémoniens 79. ils remportent la vi-
6. ils prennent la résolution de faire mourir ctoire sur les Lacédémoaiens devant l'isle de
tous les Lesbiens qui s'étoient révoltés con- Naxos 80. avec lesquels ils font ensuite la
tre eux, mais ils révoquent,ce decret-& 10. paix 81.
ils envoyerit des troupes en Sicile 11. ils ser- Atina, cette ville se rend aux Romains - f 182.
rent de prés l'isle de Spha&erie dans laquelle Atropates Beau-Pere de Perdiccas, son partage
s'étoient jettes 4zo. des Lacédémoniens 13. dans les Etats d'Alexandre ^42.
ils refusent la paix aux Lacédémoniens qui la Attale Général & Beau-Frere dePhilippeRoy de
Macédoine est envoyé en Àsîe pour rendre la Bessus & Nabarzanes Généraux de Darius
con-
i.
liberté aux villes Grecques 4o sa mort 405.
Attilius Calatinus (Marcus)Diébteurpasse en Si-
spirent contre luy.454. ils le percent de coups-

cile
& le laissent pour mort 4^.
Bessus prend le Titre de Roy 461. il delibére
69
Attius Navius fameux Augure resiste au dessein de faire la guerre à Alexandre 468. il est ar-
(le Tarquin le vieil 223 - il coupe un caillou rêté pas Spitamenes 470. il est pris & amené
avec un rasoir ibid. (à mort 225". à Alexandre 471. il est envoyé à Ecbatanes
Attius -TullusGénéraldes Volsques se porte pour pour y souffrir le dernier supplice 477*
accusateur de Coriolan & le fait condamner à Bola, cette visse est prise par les Eques 338.
mort 283. après luy avoir donnéune retraite Bomilcar Général des Carthaginois abandonne
dans sa maison 279. Hannon son Collègue sans vouloir luy don-
Aventin, montagne de Rome, sur laquelle se ner du secours 648- il veut s'emparer de la
retire l'armée Romaine qui se mutine contre souveraine autorité à Carthage 6*53. sa mort
ses Chefs 321. tragique 654.
Augures, Prêtres chez les Romains 209. Brachmanes,ils sont vaincus pas Alexandre y 19.
Aulius ColonelGénéral de la Cavalerie Romaine Branchides, cruauté qu'Alexandre exerce contre
sous le Dictateur Q. Fabius Maximus, sa eux 471.
mort 579* Brasidas Général
^ des Lacédémoniens entre dans
Aulus Cornélius Cossus, voyez Cossus. la Thrace 17.il se rend maître d'Amphipolis
AulusManlius defend le Capitole contre la stiE- ibid.il remporte la vicroire contre Cléon Gé-
prise des Gaulois 36o. voyez Manlius. néral des Athéniens 19. sa mort ibid.
Aulus PohstumiusTubertusDictateur 33 r. fait Brennus Roy des Gaulois arrive aux environs
la guerre aux Volsques & aux Eques Se les de Rome 35 8. il entre dans Rome sans re-
défait entiérement 3312. on luy accorde le lastance 359. il fait avancer ses troupes con-
triomphe ibido. tre le Capitole, elles sont repoussées par las
Aurunces, les Romains leur- font la guerre ç f2. Romains ibid. il tente de surprendre le Ca-
ils se donnent aux Romains; 164. pitole, mais inutilement 360.-
Au{ons, les Romainsleur font la guerre f 6<Ç. f 80. Bruttiens-, ils sont défaits par les Romains 63
BAétdane-, Alexandre se rend maître de cette Bru tus un des premiers Tribuns que le peuple
Province 469. les Ba&riens se revoltent Romain se choisit 270.
contre Alexandre 473. les Bannis de cette Pro- Brutus voyez Junius.
,
vince se soumettent à Alexandre 482. Bucephalie ville sur PKidàspe bâtie par Alexan-
Bagoas meurtrier d'Ochus Roy de PerCe met sur dre en memoire de son Cheval Bucephale 502.
le Trône Arsés le plus jeune des fils d'Ochus Bucephale, Cheval d'Alexandre 4^9. sa
121. sa mort 121. Bagoas Eunuque chéri de mort f02.
Darius & ensui te d'Alexandre 460. CAdran solaire, on s'en sert à Rome sous le'
Bazire, Alexandre se rend maitre de cette Consulat de Papirius 609.
ville 492. Caelius Roy des Albains, voyez Ctuilius.
Bel fausse Divinité des Babyloniens 1,66. Caeso Quin&ius est accule devant le peuple Ro-
Béotiens, ils remportent la viâoire contre les main par lesTribuns, il se retire chez les
Athéniens 18. leurs plaintes contre eux ibid. Volsques 303.
ils font le siégede Delium 19. ils font la guerre Calanus Prophéte Indien vient visiter Alexandre-
aux Phocéens 39g. Artaxercés Roy de Perte ^19. sa mort extraordinaire 528. jugemens
& Philippe Roy de Macédoine leur en- divers sur sa mort c.sg.
voyent ilÙ secouxe '
IIUI~, •Calatia^ceUe ville se rend aux Romains s 8*
Cales*
Cales, prise de cette ville par les Romains Capparonia, VeitaIe, punition de son inconti-
on y envoye une Colonie Romaine. 5 66. cence 638.
Callicratide est nommé Général des Lacédémo- Capitolin (Jupiter) dédicacé de son temple par
niens en la place de Lysandre 39. ses a8:ions Horatius Pulvillus Consul 24
de valeurjs¡ victoire contre CononGénéraldes Capouë,lesRomains complottentd'en faire périr
Athéniens 4°. les habitans & de s'emparer de leur pays f 7. 7.
Calliflhéne Sophie parle contre la ptétension lesPrincipaux de cette ville se font mourir poivr
d'Alexandre de se faire adorer comme un éviter la peine de leurs infidelitez 576".
Dieu 487. Alexandre le fait mettre en prison Cassandre Général d'Alexandre,son partage dans
489. sa mort ibid. les Etats de ce Prince 142.
CalpurniusFlammas'exposeà]amort avec 300. Caricins, les Romains les assiégent dans leur
soldats pour sàuver l'armée Romaine 677. sa ville dont ils se rendent maîtres 636.
recompense ibid. Carthage est attaquée par les Africains qui Ce
Camarine, siége de cette ville par les Ro- divisent & se retirent J49.
mains M 678* Carthaginois leurs conquêtes hors de l'A*
CambyCe succéde àCyrus son pere dans le Ro- frique 122., ils en font quelqu'unes en
yaume tFAfsyrie 169. sa mort ibid. Espagne ibid. ils font la guerre en Sicile ibidl
Camerie,prise de cette ville par les Romains 2 50. ils se rendent maîtres deshIes Baleares ibid.
Camerins, ils font la guerre aux Romains 206. Amilcar leur Général aborde en Sicile & allié-
Camille Tribun militaire fait la guerre aux Falis- ge Himére 123.ils sont défàits parGélonTy-
ques 312. il leur envoye le maître d'école ran de Syractiseibid. ils demandent la paix à
avec les enfans qu'il lui avoit livrez 3^3. il GélonRoydeSyracuse 124. ils font la guerre
est choisi Dictateur par les Romains 349. il I.
en Sicile 13 ils assiégent Selinunte ville de
fait creuser une minedessous la ville deVeÏes Sicile & la prennent 131. ils offrent des ho- .

3 fO. & se rend ainsy maître de cette ville ibid. ilies humaines à leurs Dieux 134. ils font al-
son triomphe 3 51. il fait la dedicace du Tem- liance avec les Romains 5 50. ils offrent leurs
ple de Junon surle montAventin $55.sa dis- services aux Romains contre Pyrrhus 628*
grace 3 f 6. à la tête des Ardeates il attaque les- ils envoyent auprès d'Alexandre le Grand
Gaulois & en défait un gros détachement 3 6c. Amilcar pour observer sès démarches 6,4o.,
m
il est déclareDictateur pour la 2e. fois ibid. il ils font la guerre à AgathocleTyran de Syra-
délivreRome& défait les Gaulois 362.on luy euse 644. ils remportent la vi&oire ssir Aga—
decerne le.triomphe ibid. il est dec1aré Dicta- thocle 64,. ils sont vaincus à leur tour 647*
teur pour la 3 e. fois pour faire la guerre aux un incendie dans leur camp 657. ils abandon.
Eques, aux Volsques & aux Latins 3 63. Ton nent Messine dont ils sont ensui te le siégeaveC'
triomphe 364. il fait la, guerre aux Volsques, Hieron668. ils sont défaits par les Romaine
aux Herniques & aux Latins en qualité de' devant Agrigente 67%. ils font vaincus par le:
Tribun militaire 36j. il remporte la victoire Consul Duilius 674. leur flotte est battus
sur les Volsques 370. il estchoisi Dictateur
par les Romains 678. 679. Xantippe Lacé-
pour la 4e. fois 376. & pour la $"&; contre les> démonien rétablit les affaires des Carthagi-
Gaulois qu'il défait 377. il prend la ville de nois en1 Afrique 68-3.Ftolemée leur réfuse dis
Velitres 378. sa mort 379, l'argent 687. Metellus Consul Romain rem-
Camillus (Lucius Furius) estelû Dictateur porte la vidoire sur eux 689. ils condam-
pour
tenir têteaux Gaulois )"48-, noient ordinairementleurs Généraux à-mourit
Campanie, les peuples de cette partie d'Italie se.
en" croix aprés la perte de quelque bataille
donneoc aux Romain» ccjv 689. cruautés qu'ils exercent coatfs: Renji»
lus 69o. supplices que l'on fait souffrir par passion d'Appius pour Virginie jeune fille Ro-
represailles à leurs prisonniers à Rome 691. maine il la repète comme son esclave &
,
Cassia (Loy) concernant le partage des ter- Appius la luy ajuge 319. il esi condamné à
res 6 89. l'exil 328.
Gafinum, on envoye dans cette ville une Colo- Claudius passe en Sicile
^
pour secourir les Marner..
nie Romaine 582. tins 6 66. recit de ce passage sélon Zonare ibid.
•Calïius (Spurius) Consul propose le partage des Claudius Pulcher (Publius) Consul Romain, sa
terres conquises sur les Herniques entre le malheureuse expédition surDrépane 693. il
peuple Romain &.les Latins 28). sa mort est revoqué & rappellé à Rome 694.
on luy
ibid. substituë Marcus Attilius Calatinus en qualité
Catapultes ce que c'étoit 142. leur origine,ibid. deDi&ateur ibid.
Caudiuai ville des Samnites auprés de laquelle Clearque Général de l'armée de Cyrus fait une
les Romains furent obligez de passer sous le belle resistance contre Artaxercés Roy de
Joug. # # 573. Perse 4.il est mis à mort en trahison pac
Celeres Prêtres chez les Romains,origine
^ de leur Tiiîàpherne 5 6.
nom 209. Clelie fille Romaine envoyée avec neufautres au
Ceré ville d'Etrurie où les Vestales se retirèrent camp de Porsenna en otage palle le Tibre à
à Papproche des Gaulois 3)"8. la nage & se sauve avec sa suite 24 1-
Ceremonies, etymologie de ce nom 3^8* Cleon Général des Athéniens 14. sa mort 19.
Censeurs, Magistrats de Rome au nombre de Clitus amy d'Alexandre, sa mort 430.
deux créés en 3 10. pour faire le denombre- Clusium, cette ville est assiégée par les Gaulois
ment du peuple 327. leur sevérité 631. Senonois sous la conduite d'Aruns Seigneur
Censure, employ considerable à Rome 331. Etrusque $5 )'.les assiégez implorent le secou s
Cerites, les Romains leur font la guerre 446. & des Romains 3^.
concluent eu suite avec eux une trêve de 100. Cluilius ou Caelius Roy & Général des Albains
ans ibid. trouvé mort dans sa tente, le jour qu'il de-
Charidéme Athénien dissuade Darius de se mettre voit entrer au combat contre IfosiiliusRoy
luy-même à la tête de son armée 414. il luy des Romains 21 3
coaseille de partager son armée. ibid. sa le
Cluilius Chefdes Equesfait ravage dans le pays
mort. ibid. des Latins 30g. il est pris prisonnier 3og.
Charondas fait des Loix pour la nouvelle ville Collatinus Epoux de Lucrèce premier Consul
'de Thusium 127* à Rome avec Junius Brutus 239. il est deposé
Chutéens,ils demandent de contribwer à l'edifice du Consulat 241.
du temple 16r. ils forment des oppositions Comiiiiuiii,prise de cette ville des Samnites par
à la construâion du temple 172. les Romains 607.
Cincinnatus voyez Qyinétus. Conon Général des Athéniens à la place d'Alci-
Cincinnatus Diftateur cite à son Tribunal Moe- biade est vaincu dans un combat naval par
lius Cytoven Romain qui aiïèâoit la Tyran- Callicratide Général des Lacédémoniens 4o.il
nie 328. cherche les moyens de retablir les affaires
Circée Tarquin le superbe envoye une Co- d'Athènes 63.il est déclaré Général de l'armée
, navale des Perses 71. il remporte la victoire
lonie peupler cette ville sous la conduite d'A-
23 6. sur les Lacédémoniens ibid. il retourne à A-
runs un de ses fils
Claudia soeur du Consul Claudius qui avoit été thénes & en rétablit les murs 73. il est arrê.
obligé d'abdiquer, est accusée devant le peu- té & mis à mort pas les Perres ibid.
ple pour quelques paroles inconsiderées697. Consulat,il est supprimé dans Rome pendant 4.
Claudius (Marcus) confident de la honteuse ans,
aussi bien que le Tribunat militaire néraux de Carthage lorsqu'ils avoient le .mal-
ans ,
37'. heur de perdre quelque bataille 689-
Consuls,on leursubstituë six Tribuns militaires Crotoniates,ils remportentla viâoire sur les Sy-
l'an de Rome 308.326. -on les rétablit eu la baritains 127.
place des Tribuns militaires Pan de Rome Crustume & Antemne font la guerre à Romu-
3 60. 3H- lus 2o3. ses habitans sont vaincus & trans-
Corbeau,machine inventée pour accrocher les portés à Rome ibid.
vaissèaux 674. Ctesias Medecin & Historien Grec 6j.
Cordus voyez Mutius. Curiaces, Albins qui entreprennent de vuider
Cornelius un des Decemvirs, son armée se mu- au nombre de 3. la querelle de leur patrie
tine contre luy & se retire à Rome sur le contre Rome entre eux & les 3 .Horaces 214-
*
montAventin 32 1- Curions Prêtres chez les Romains 209-
Cornelius Cossus Chevalier Romain tue de sa Curtius (Marcus) se dévouë pour la Republi-
propre main Tolumnius Roy des Etrus- que & se précipite dans un abyme ouvert au
330. milieu de Rome 38Z.
ques Curius Dentatus Consul Romain,sa reponseaux
Corinthe, cette ville est assiégée parAgésilasRoy
;

de Lacédémone 73or Ambassadeurs des Samnites 614. il fait un


Coriolanus ( Marcius ) son éloge 271. traité d'alliance avec eux ibid. il défait les Sa-
-
accorde bins ibid. il triomphe deux fois pendant sou
marques d'honneur qu'on luy
Consulat 614. il défait le Roy Pyrrhus,son
272. il demande le Consulat & ne- l'ob-
tient pas 274. son mécontentement 27 y. triomphe fut remarquable par les Elephant
il est cité devant le peuple ibid. il aigrit le peu- qui y parurent 633. il entre dans le pays des
ple par [es discours Z76. il est condamné à Samnites & des Lucaniens 634.. -

mort ibid. nouvelles brouilleries à son sujet Cyneas Favori de Pyrrhus Roy d'esEpirotes ar-
277. il parle pour sa juflification ibid. il est rive à Tarente avec une partie de la flotte de'
condamné à un bannissement perpetuel 278. ce Roy 619. il vient à Rome pour menager-
il se retire à Antium 279«ilchoifî pour un la paix avec les Romains 62 y idée qu'il avoie
.
des Généraux de l'armée des Volsques 280* il du Sénat Romain ibidv
-
fait plusieurs conquétes sur les Latins 28 r. Cypre, cette Isle se révolte contre les Per-
le Senat luy députe des Principaux de son ses 117,
corps ibid. on luy député encore les Prêtres Cyropolis, prise de cette place par Alexan-
& les aNtres Ministres sacrés 282. samere Ve- dre 47$ r
turie accompagnée des Dames Romaines se Cyrus le jeune se dispose à faire la guerre à sore
vient trouver dans son camp & obtient que frere Artaxercés Roy de Përse, pour le dé-
les Volsques se retireroient de la campagne trôner 47. & 49.il est condamné à mort,on le
de Rome ibid. sa mort 2.83. on luy fait des. renvoye cependant dans son Gouvernement à
funerailles honorables ibidv Sardes 5:0. LesLacédémoniensluy envoyent
Corvinus voyez Valerius. du secours contre son frere ibid. Etat de ses
Cosura, Isle dont les Romains font la con- forces pour attaquer son frere 51. il deguises
quête 684- le veritable Íiljet de son armement, qu'il dé»
Corsus (Aulus Cornélius) est choisi Diôat'eur couvre ensuite 51. sa mort
pour faire la guerre aux Volsques 3 67. Cyrus le Grand met les Juifs en liberté & les ren-
Craterus Général d'Alexandre,son partage dans voye- dans leur pays 162. il rend les vases dut
les Etats de ce Prince •
)':41. Temple du' Seigneur à Zorobabel ibid.ii or-
Croix, supplice reservé ordinairement aux Gé- donae aux Gouverneurs ds ses provinces de
de<^
tleça l'Euphrate de favoriser les Juifs 163. nir la guerre contre Alexandre 42g. on luy
il revoque la permission qu'il avoit donnée annonce la mort de sa femme 43 5. il envoye
ibid. Alexandre des Ambassadeurs à Alexandre pour deman-
aux Juifs de rebâtir le temple der la paix 43 6. il se dispose à marcher con-
visite son tombeau 52 6.
DAniel découvre la vanité du Dieu Bel & la tre Alexandre 437. ordre de son armée pour
fourberie des Prêtres de cette fauÍfe Divi- le combat 439. il envoye piller le camp d'A-
nité 166. il fait mourir le Dragon que lesBa- -
lexandre 441 il est obligé de prendre la fuite.
442. il arrive à Arbelles aprés avoir passé la
biloniens adoroient 167.i1 est jetté dans la sofle
rivieredeLyce443.il prend la resolution de
aux Lions, & le Prophéte Habacuc luy porte se retirer dans les provinces les plus éloignées
de la Judée à manger à Babilone ibid. mort
de ce Prophéte 169. de les Etats ibid. à Ecbatane de Medie il se
Darius Nothus, Roy de Perse, sa mort 46. dispose de nouveau à la guerre contre Ale-
Artaxercés luy Cuccéd,e ibid. xandre 452.4f 3.on contre contre luy,il est
Darius demande au Roy son pere Aspasie pour sollicité de quitter l'Empire 45"3. on luy dé-
femme 114- il conspire contre le Roy son pere couvre la conspiration de Bessus & Nabar-
ibid. la conspiration est découverte & les con- zanes ses Généraux 4ï4. il est abandonné des
jurés sont mis à mort ibid. fiens & chargé de chaines 455. Alexandre le
Darius fils d'Hystaspe succéde au faux Smerdis pourâiit ibid. BelTiis & les liens le perçent de
Roy de Perse 170. il ordonne qu'on rebâtis- coups & le laissent pour mort 456. sa mort
se le temple du Seigneur à Jerusalem 173. ibid.
Darius fait un festin somptueux à tous [es Gou- Datame Gouverneur de laLeuco-Syrie prend
Thius Satrape de Paphlagonie & le livre au
verneurs & aux Grands de son Royaume 174.
il répudie la Reine Vasthi & prend Esther en (a Roy Artaxercés 107. il en fait autant d'Aspris
place 175. deux Eunuques conspirent sa mort Gouverneurd'une provincevoiiine de laCap-
17 6. padoce 108. il se revolte & se retire dans la
Darius fils d'Hystaspe Roy de Perte, sa mort Paphlagonie, il bat le Gouverneur de Pisidie
184. ibid. Artaxercés envoye une grande armée
Darius Codomanus Roy de Perte 121. perd la contre luy ibid. il est tué en trahison 109.
bataille que luy livre Alexandre 4og. il veut Decemvirs, Magistrats de Rome créés pour re.
4.Charidéme diger les loys apportées de Grèce 31 ç. ils sont
porter la guerre en Macédoine 4 t continués 317. leur déposition 322. on leur
Athénien luy conseille de partager son armée
ibid. il ramasse toutes ses forces & marche substituë des Consuls 323.
Decius Mus tire le Consul Cornélius d'un mau-
contre Alexandre ibid. on luy conseilleillaisse
de ne
générale 417. vais pas où il s'étoit engagé 55 il se dévoue
pas risquer une bataille
à Damas ce qu'il a de plus pretieux ibid. il pour l'armée Romaine ^61.
livre la Bataille à Alexandre auprès de la ville Decius Mus Consul Romain fils de Decius Ce
d'Issus sur la Riviere Pinare & la perd 418. il dévoue pour le salut de son armée 600.
repasse l'Euphrate après avoir perd u la Bataille Dedicace du temple de Jérusalem 183-
Général Delium temple d'Apollon deDelos dans laBéo-
contre Alexandre 419. Parmenion tie 18. les Béotiens en font le liège
d'Alexandre s'empare de tous ses Tresors 19.
ibid. il ecrit à Alexandre pour luy redeman- Delphes, découverte de l'antre d'où sortent les
exhalaisons qui produisirent l'Oracle de Del-
der sa femme & ses enfans 420. il se dispose
phes 396. description de cette ville ibid. ma-
à combattre Alexandre 431. il part deBaby.-
niére dont serendoient les Oracles au temple
lone & arrive a Arbelles 4.32. il écrit à Ale-
,de Delphes397. Philoméle Phocéen de na-
xaadre 427. il fait ses préparatifs pour soute-
tion
tien sV.mpare de la ville & du Temple.398. Poësie. ibid. il entreprend de nouveau !«
Richesses de ce Temple, 401. guerre contre les Carthaginois. 1^3. Magon
Demosthéne Général des Athéniens ^ & différent le jeune remporte une victoire sur lui. Ibl(L
de l'Orateur du même nara, attaque les Eto.. il fait la paix avec les Carthaginois, ibid. il
liens, mais avec perte 12.' il réduit les La- fait la guerre contre les villes soumises aux
cédémoniens enfermez- dans l'île de Sphacre- Carthaginois. 1^4. sa mort. ibid. Denys le
rie 14. il arrive avec sa flotte au secours de jeune son fils lui succéde dans le Royaume
Nicias un autre de leurs Généraux qu'ils de Syracuse. iff.
avoient envoyé faire le siége de Syracuse 30. Denys le jeune fils de Denys le Tyran de Sy-
il est défait & pris prisonnier. 32. sa mort. racuse succéde à sco Pere. 15^. il rentre
33- dans la souveraineté de Syracuse dont vou- '
Denys Tyran de Syracuse marche au secours loit le dépouiller Dion son frère. il
de la ville de Géla assiégée par Imi!car Gé- demande la paix aux Syracusains. ihid. Il
1 néral des Carthaginois. I 36. les Syracusains se rétire en Italie. ibid. il se rend à Timo-
lui donnent la souveraine autorité dans la leon & se retire à Corinthe.
ville. 137. on lui accorde six cens hommes Dercillidas Général des Lacédémoniens attaque
pour sa garde. ibid. il est accusé dé favoriser Pharnabaze Satrape de l'Asie mineure. 62. il
les Carthaginois. 139. il fortifie l'Isle qui est pâlie dans la Thrace & ferme l'Isthme d'une
devant Syracuse, ibid. Syracuse se révolte bonne muraille. ibid.
contre lui. 140. il demande aux Syracusains Deucetius Prince des Siciliens réünit presque
de se retirer, ibid. il est tiré de danger par toutes les villes de Sicile en Republique. 12f.
les Carthaginois, ibid. les Lacédémoniens ilse rend maître dela ville d'Ethna. ibid. il
favorisent sa Tyrannie. 141. il se dispose à se rend à ceux de Syracuse & est envoyé à
faire la guerre aux Carthaginois,ibid. il for- Corinthe. 126. il conduit une Colonie en
tifie l'Epipole au dessus de Syracuse. ibid. Sicile; guerre à son occasion. ibid.
Ceux de Rhégio veulent lui faire la guerre, Dictature, grandeur de cette charge & son ori-
puis il& renouvellent leur alliance avec lui. TVginf* 2ï4.
142. il commence les hostiiitez contre les Diogéne reçoit
• la visîte
• d'Alexandre. 40S.
Carthaginois. 143. il fait le siége de Motya. Dion de Syracuse tente de mettre en liberté
ibid. Amilcar attaque sa flotte. 144. il ra- Syracuse & les villes de Sicile. iff, il se
vage les campagnes des Carthaginois. 145". retire mécontent de Syracuse. 1^7. il y re-
il se met en campagne contre eux, sa flotte vient Se chaire de la ville lesfoldats de Nip-
est battuë. 146. il amène du secours à Syra- fius. ibid. sa mort.
cuse assiégée par Imilcon Général des Car- Drépane, les Romains assiégent cette ville.699*
thaginois. 147. avantages qu'il remporte sur Duilius Consul Romain remporte la viâoire
eux. 148. il fait la paix avec eux. ibid. il sur les Carthaginois. 674, son triomphe.
défait Maçon Général de la flotte Carthagi- 67 f.
noise devant Messine,vi qu'il attaquoit. 149, Duumvirs, Magistrats destinés à la garde des
il attaque Rhégio & est obligé de se retirer à écrits de la Sybille dè Cumes.
Syracuse. 1 )'0. il pasle en Italie & défait He- F 236..
loris Général des Grecs il fait la paix avec
,
les villes Greques. ibid. il se rend maître de
Diles, ,.
leur création• & leurs emplois. 270.
Epaminondas Chef des Thébains remporte la
Rhégio & y exerce de grandes cruautez. si. 1
viâoire à Leurres contre les Lacédémoni...
il envoye des chevaux & des Musici^ns aux ens. 82. il rétablit la ville de Messine qu'ils
jeux Olympiques. 1 c 2. sa fureur pour la avoient détruite. 84.. il force le mur aui dé-..
fendait l'entrée du Peloponese. ibid. il tire avec des femmes étrangéres. 18S. moyens
rarmée des Thébains d'im grand danger. 81. dont il se sert pour faire répudier aux Juifs
il veut surprendre Lacédémone,mais il man- leurs femmes étrangères. 186. il fait au peu-
que son coup. 86. sa mort. ibid. son éloge. ple la ledure de la Loi de Dieu. II. sa
87- mort. 19^. son éloge. ibid. on lui attribue
Ephestion voyez Hepheflion. le changement des anciennes lettres des Juiss.
Ephialte Athénien au service du Roi de Perse, 196.
fait une sortie Íilr les Macédoniens, qui affié- Esther devient PEpousè de Darius fils d'Hystaspe
geoient la ville d'Halicarnasse, & les met en Roi des Perses. 175. elle se présente devant
déroute. 412. sa mort. ibid. lui. 176. elle efl informée du danger auquel
Epidaure, ville du Peloponése. 61Z. Esculape est exposée toute sa nation. 178. elle se pré..
en étoit la principale Divinité. ibid. sente à Darius au peril de sa vie. 179. elle
Epipole, Denys le Tyran de Syracuse le fait for- l'invite & Aman au festin qu'elle leur prépa-
tifier. 142. roit. ibid. elle obtient du Roi la revocation
E<jues les Romains leur declarent la guerre. de l'édit porté contre les Juifs. 180.
, Etéonice Général des Lacédémoniens use de
2,81. les Romains leur font de nouveau la
guerre.29).ils se soumettent aux Romains, stratagéme pour encourager ses troupes après
mais leur inconstance leur attire encore la. une défaite d'une autre partie de l'armée. 41.
guerre sur les bras. 299. 3°0. ils sont vain. Etrurie, description de cepay$. 222.
cus. 301. les Romains leur font la guerre Etrusques, les Romains leur font la guerre.289.
de nouveau, 313. 317. 324,32). 3 31 - ils & les vainquent. 290. ils remportent la vi-
remportent la viéloire avec les Lavicans ctoire sur Ménénius Consul Romain. 292.
silf l'armée Romaine commandée par Sergius ils sont ensuite battus & repousses par Ho-
Tribun militaire. 337. ils sont ensuite dé- ratius son Collègue. 298. Camille en qualité
faits eux-mêmes par le Dicrateur Servilius. de Tribun militaire leur fait la guerre à l'oc-
ibid. les Romains leur font la guerre. 341. casson des villes de Sutri & de Nepet. 3 66.
348. ils demandent la paix aux Romains. ils sont défaits devant Sutri par les Romains.
3^2. les Romains leur font la guerre de 183. ils sont vaincus par le Consul Fabius
nouveau. 3),. 3^4. ils sont vaincus par Ca- Maximus. 5 8). les Romains leur font
mille Dictateur Romain. 363. & par Fabius. la guerre. 587. 552. les Gaulois entrent dany
^83. les Romains leur font la guerre. 191. leur pais. 5*94. les Romains leur font la
ils sont vaincus par le Diâateur Junius Bru- guerre. ibid. &),. 596. 597.
Evagore, Roi de Cypre, son hinaire. 7). les
tus. 592-
Erbeffe, ville de Sicile est livrée par trahison Perses lui font la guerre. 76. il fait sa paix&
aux Carthaginois. 671. demeure Roi de Salamine. 77.
Erix, les Romains s'emparent de cette ville sur Euménes Général d'Alexandre, son partage dans
les Carthaginois. 695. Amilcar Général des les Etats de ce Prince. 542.
Carthaginois s'en rend le maître. 698. Eudéme Chef des Thraces est confirmé dans
Erythrée tombeau de ce Roi prés de la Mer son Gouvernement. 542.
, Eumolpides, Prêtres de la Déesse Céres chez les
rouge la quelle il donne son nom. 5 2f.
à
Enclaves on découvre à Rome leur conspira- Athéniens. 3).
, Euripide, Poëte Tragique, sa vie.
tion contre la République. 337-^7^* 92.
Esculape, son histoire. 611. FAbius (Quintus Caso ) Consul Romain,
Esdras revient en Judée. 184. son deuil * Poc- mauvais succes de la guerre qu'il entre.
caiion dus mariages contractés par les Juifs prend contre les Etrusques, la mauvaise vo-
lonté
lonté de ses soîdats en est la cau(e. C-88. de la nation des Etrusques. 329.- les Filié¡;¡a..--
Fabius ( la famille de Fabius ) s'offre de tenir tes tuent les Ambassadeurs des Romains.
tête seule aux Etrusques. 281. après avoir ibid. elle est prise & ruinée par Quintus Ser-
remporté souvent des avantages sur eux, elle vilius Priscus Dictateur Romain. 330.
est enfin défaite. 292. Flamines, Prêtres chez les Romains, origine de
Fabius Consul Romain remporte la viâoire leur nom. 209.
sur les Volsques. 306. Flaveïolus fait serment de ne pas retournée
Fabius Vibulanus Consul Romain reprend la à Rome que victorieux. 289.
ville de Tusculum sur les Eques. 307. Fondi, les Romains font la guerre à ceux de
Fabius Decemvir, son armée se révolte contre cette ville. 67.
lui, & se retire au Mont Aventin. 322. Foy (bonne) Divinité chez les Romains. 210.
Fabius Maximus (Quintws) Diébteur remporte Frégelles Colonie Romaine
, ofi envoye une
la vi&oire sur les Samnites. 579. & se rend dans cette ville nouvellement rebâtie. 5 68.
maitre de la ville de Saticule. ibid. il rem- prise de cette ville par les Sutriens. 575. les
porte la vi&oire sur les Etrusques. 58^ .5 §5. Romains reprennent cette ville sur les Sam-
il pénétre dans la forêt Ciminie. 585. dans nites. ' 582.
laquelle le Senat lui fait saire défense d'entrer. GAbies, -cette ville se déclare contre Tarquiu
586. il rassure l'armée Romaine. '98. il le Superbe. 335. Sextusson' fils la trahit
défait les Gaulois.600. il défait les Samnites & la livre à son Pere. ibid.
en qualité de Lieutenant-Général de son fils. Gaos, gendre de Teribaze Général des Perses se
61r. révolte. 77.
Fabius Gurges fils de Fabius Maximus entre Gaulois Sennonois ils attaquent la ville de
,
dans les emplois de la République Romaine. Clusîum. 355. ils envoyent des AmbaiTa-
601. on lui accorde l'honneur du triomphe. deurs à Rome, on leur réfuse la satisfaôion
6ij. sa mort. 639. voyez Gurges. qu'ils demandent. 357. les Romains leur font
Fabius Rullianus (QO est choisi Diétateurpour la guerre sous la conduite de Camille Dicte-
réünir les esprits divisés au sujet des usures. teur qui les met en déroute. 377.. 385. ils
616. voyez Rullianus. sont battus par les Dictateurs Servili us Ahala.
Fabricius, vertu & désintéressement de ce :R.o- 385. & Sulpitius Pet-icus. 386. les Romains -
main.
«
6 24. remportent la victoire sur eux sous la con-
Falisques, Camille Tribun militaire leuc fait la' duite de Popilius Loenas. 548. ils entrent
' » guerre. 3^2. ils demandent la paix aux Ro- en Etrurie. 594. les Romains leur font la
mains & l'obtiennent. 3) 3. les Romains leur guerre. 597. ils sont battus par Scipion.S98.
font la guerre. '4).609.610. 599.600. les Romains leur font la guerre.
Famine arrivée dans la ville de Rome. 272.. 616. on en met à mort quatre mille
Feciaux chez les Romains, leurs emplois. 21 o. qui étoient à la solde des Carthaginois, par
Feries latines instituées par Servius Roi de la trahison de Hannon Général des Cartha-
Rome. 230. ginois. 673.
Feu sacré caché autrefois par Jérémie on en Gaze cette ville ^ est assiégée & prise par Ale-
, ,
fait la découverte. 192. xandre. * 426.427.
Fidénates, ils font la^guerre aux Romains. 206. Gédrosiens, Alexandre vient dans leurpaïs.)23.
Fidéne prise de cette ville par Tullus Hosti- ils se soumettent à lui. ibid.
,
lius. 217. Siége & prise de cette place par les Géla, ville de Sicile, AmilcarGénéral dès Cartha-
Romains. 2) 3. cette ville se révolte contre ginois en fait le siége. 138. Denys Tyran de
les Romains & se donne à Tolumnius Roi v Syracuse vient à son recours. ibid.les Citoïens
abandonnentla ville & se réticent à Syracuse. Heraclide, fils d'AgotnodeTyran de Syracuse &
ibid. son frere Archagathe sont tiiés par leurs soldats
Genutius ConsuI Romain est tué par les Herni- qui font leur accommodement avec les Car-
382. thaginois. 658.
ques.
Gordien r noeud Gordien qu'Alexandre coupe HeratoÍl:rate brûle loTemple d'Ephésê. 3 ç.
Herdoniusdefenseur de la liberté des Latins périt
ou délie. 413.
Granique, passàge de ce fleuve par Alexandre. par les Intrigues de Tarquin le superbe. 2 H •
409. Herdonius Sabin de nation forme le dessein de
Grecs, la rétraite des dix mille a travers les mon. surprendre de la ville de Rome. 304. sa mort.
rEuphrate& ibid.
tagnes, & les fleuves Contrites,
lePhate. )8.). Herniques, ils sont vaincus par Aquilius Consut
Gréce, les Romains y envoyent des Deputez Romain. 284. Camille leur fait la guerre en
qualité de Tribun militaire. 3 6S. les Romains
pour en rapporter les loix. leur font la guerre.
Çurges, (Fabius) Consul Romain est défait par 3 82.3 8 ^.590.
les Samnites. 610. il est accusé devant le Sé- Herodote, Hif1:orien, sa vie. 100.
ibid. Hicétasdevient le ChefdesSyracu(ams. 662.
nat. ibid. son Pere prend sa defense.
Gylippe Général de la flotte des Lacédémo- Hieron si.lccédeà Gelon son frere Roi de Syracu-
niens arrivée au recours de Syracuse,assiegee se. 124, samort. ibid.
Athéniens. 28. con- Hieron devient Roi de Syracuse. 66,. ses con-
par Nicias Général des quêtes en Sicile.ibid. lesMamertins implorent
vaincu de malversation,il se bannit volontai-
le secours des Romains contre lui. 66 6. paix
rement. concluë entre lui & les Romains.
HAbacuc,Prophète, sa vie. 167Ses Prophé-, 669.
ti,-s. 168, Himére, ville de Sicile, Amilcar Général des Car-
Halicarnasse, siége & prise de cette ville par Ale- thaginois en fait le siége. 123. siége de cette
xandre. 411.412* ville par Annibal. 132.
Hamilcar Général desCarthaginois se rend maitre Hippocrate fameux Medecin vient à Athènes
de la ville 'd'Eryx. 69 8. pour en soulager les cicoyens attaqués de la
Manon, riche Carthaginois forme le dessein de peste. 2. les honneurs qu'on lui rendit, ibid.
faire périr tout le Sénat de Carthage. 639. son Hipponax, Poete, sa vie. 91.
châtiment, ibid. il est abandonné de Bomilcar Hircaniens, Alexandrese rend maitre de leur pais.
648. 438.
autre Général, samort. Horaces , trois généreux Romains qui combat-
Hannon , Général des Carthaginois contre les
Mamertins,sa"mcrt. 668. tent contre les trois Curiaces Albins d'égale
Hannon fils d'Annibal est envoyé en Sicile pour valeur. 2i4. le plus jeune remporte la victoire
commander les troupes. a la place d 'un au.. sur les trois Curiaces. 21 S- il tuë sa Soeur Ho-
y 677- ratia& pourquoi, ibid. il est condamnéà mort
tre du même nom. 6&S sa mort.
Harpagus Intendant de la Babylonie pour Aie- par les Decemvirs & abl'où parle peuple. 216.
xa¡.)dresesauveen Grèce. 3 '2. Horatius Cocles, sa belle resistance.
Horatius Putvillus ConsuI dédie le Temple de
243.
^ ^ par Denys le
Heloris Général des Grecs.est défait
Tyran. ijo. Jupiter Capitolin. ' 246.
Eephestion ami & Génératd'Alexandre,sa mort. Horatius & Valerius Ce déclarent contre les De-
"rn* ses funérailles & sOll A pothéose. cemvirs. 323. il remporte la victoire sur le»
)J6. Sabins. 324. il triomphe malgré le Senat. ibid.
Heraclée, les Laçédémonieos y envoyent une Hortensius (Q) est choisi Diétateurpour réunie
çolocis- .u. le peuple divil&au sujet du uluces. 61 16..
iiaiâ..
HoMus,(Ttillus)succédeà Numa Roi de Rome. Junius Brutus, premier Consul de Rome avec
213. il fait la guerre anx Albains. ibid. CollatinusEpoux de Lucrèce. 239. ct mort,
Hybla,Nicias Général des Athéniens est obligé de 24t.
leverle siége qu'il avoit mis devant cette ville Junius Brutus Diâateur remporte la victoire suc
de Sicile. lesEques. S 93.
Hyperbolus,le dernier des Athéniens qui sut puni
# Junius ConsuIRomain passe en Sicile. 694. Car-
de l'Ostraeisme. 22. thalon Carthaginoisdonnela chaslèàson erca-
J Addus réfuse des vivres à Alexandre le grand. dre. -69 f. naufrage de sa flotte. ibid. sa mort.
ibid.
197.
Janus, Divinité chés les Romains à qui Numa Jupiter Ammon, voyés Ammon.
Pompiliusélevé un Temple. 210. LAcrates-Commaodantdes Thébains dans l'ar-
Icilia, (Loy) minutée par Icilius Tribun du peu- mée d'OchusRoi de Perse. 119. il fait le
ple, troubles dans Rome à son oecasion. 311. siége de Peluse place d'Egypte qui se rend en-
Icilius est choisi Tribun du Peuple. 323. suite à lui- ibid.
Jesils Grand-Prêtre est tué par son frère dans le
^ Lacédémone, la monnoïe d'or & d'acgent en est
Temple. 196. bannie. 46.
Jeux Romains troublés par un mauvais Danseur.
^ Lacédémoniens, ils invitent leRoi de Perse à en-
279. cérémonies de ces jeux. ibid. trer dans h guerre contre les Athéniens. 4. ils
Jeux CapitolinscélébrésàRome. 280. preanent la résolution d'attaquer le Pyrée,
Jeux célébrés à Rome à l'occasion de la prise de mauvais succés de-cette entreprise. 8. ils ea-
Veïes par Camille. 3ï voyent une Colonie à Heraclée. 12. quatre
Imperiosus (L. Manlius) est nommé Diâateur
^
cens hommesdes leurs sont enfermés dans File
pour ficher un clou dans le Temple dejupiter de Sphaâerieparles Athénieiis. 13. ils envoy-
Capitolin. 3SI. il est accusë devant le peuple, ent à Athènes demander la paix qu'on leur ré-
son fils le tire de danger. ibid. fuse. ibid, leur industrie pour fournir des vivres
Interamna, on envoye dans cette ville une Colo- à leurs concitoyens enfermés dans Pile de
nie Romaine. 583. Sphaâerie. ibid. qui se rendent enfin à discré-
Interregne à Rome arrivé à l'occasion des difsen- tion. 14. ils lévent le siége de Pyle. 1^. ils font
fions entre les Plébéiens & les Patriciens. 287. périr plu Cieurs de leurs esclaves. 17. leurs Gé-
Spurius Lartius gouverneseul. ibid. néraux attaquent le pays d'Athènes pendant le
Iphicrate Athénien défait Anaxibius Général des siége qu'elle faisoit de Syracuse. 29- ils font:
LacédémonienS". 74.il marche contre l'Egypte un traité avec le Roy de Perle qui lui est avan-
pour le ser vice du Roi Artaxercés. 109. il se tageux. 33. ils veulent faire mourir Alcibiadejr;
rétire Athènes, IIO. qui sur cette nouvelle sedonneà Tilapherne
UTue, ville prés de laquelle se donna la bataille Satrapede Sardes. 34. conditionssous lesquelL.
entre Darius & Alexandre. 418* lesils consentent à conserver la ville d'Athènes.
Juifs,ils rétournent dans lajudée. 164. ils com-
mencent à rétablir le Temple du Seigneur.
16^. ils célébrentla fète des Tabernacles à Jé-
t
4),. ils cherchent la paix & l'alliance avec les
Pertes, 73. plusieurs villes [e[0ûléven contra
eux à la sbllicitation des Thébains.78. rupture
rusalem. ibid. de la paix entre eux & les Athéniens, à laquelle
Julus (Julius) est choisi Diccateur pour faire la, les Thébains n'accèdent pas. 81. it%,- sont atta-
guerre aux Etrusques. ^47. quésdans le Peloponéseparies Arcadiens. 8y.. *

junius Brutus contrefait l'insensé. 237. les Athéniens leur accordent d'u recours. ibidL
Junius Brutus & Valerius Poplicola prennent la. il* remportent une viâoire. fucles Aicadiens.
Bé&lutioa.de chafièx les Tarqpiuie za& m-
Laomedon de Mytiîéne General d'Alexandre,son moniens.
partage dans les Etats de ce Prince. 542*. Lilybee, ville tres-forte de Sicile dont les Ro.
Laevinus Consul Romain, Pyrrhus Roid'Epire mains font le siége. 691. on envoye à cette
le somme de mettre bas les armes, 611. il le ville un renfort de Carthage. 69z. Annibal le
louë quoique vaincu. 623. Rhodien Capitaine de Galére entre dans le port
Lamachus Général des Athéniens est tüé devant de cette ville. ibid.
Syracuse. * 28. Lucaniens, ils sont défaitspar les Romains. 63
Lartius (Titus) voyés Titus. Lucerie, les Romains punissent les habitans de
Lartius (Spurius) gouverne seul la Republique cette ville de leur révolte & y envoyent une
Romaine. 287* nouvelle Colonie. î8 r. Attilius Consul Ro-
Latins, ils entrent en confédération avec les Sa- main fait lever le siége de cette ville assiegée par
bins&les Etrusques contre les Romains. zz r. les Samnites. 6o4.
ils renoncent à la confédérationdes Romains. Lucius Manlius Iinperiostis,voyés Imperiostis.
210. &leurfonda guerre. 251. les Romains Lucréce femme de Collatinus est violée par Sex..
leur font la guerre sous la conduite du Diéta- tus Tarquin lesuperbe. 238.
teur Posthumius. 2f 6. Posthumius leur livre Lucumon Chef d'un Canton d'Etrurie. 222.
bataille & remporte la viâoire auprès du Lac Lucumoniecertain Canton d'Etrurie. ibid.
Regille. 2^7- ils sont battus par Camille Di- Lustre ce que c'étoit & son origine. 230.
,
flateur. 363. 3 les Romains leur font la Lysandre elt élû Général des Lacédémoniens
guerre sous la conduite des deux Manlius Tri. contre les Athéniens. 37. il se rend à Sardes
buns militaires qui sont battus. 372. ils sont auprès du jeune Cyrus. ;8. il défait la flotte
défaits dans Tusculum. 373. ils déclarent la des Athéniens. 39. on luisubstitué Callicratide
guerre aux Romains. 5^9. bataille entre eux dans le Commandement, ibid. il est nommé
& les Romains, f6 r. ils sont vaincus par les de nouveau pour commander les Lacédémo-
Romains. f 62.les Romains leùrfont la guerre niens avec Aratus. 42. il se rend à Sardes au.
S 63. ils sont
réduits à L'obeissance. f 64. prés du jeune Cyrus dont il ell comblé d'hon-
Lavice, cette ville est prise d'assaut par leDiéta- neurs. ibid. il sesaisit des villes de Thase & de
teur Servilius. 338. on la peuple d'une Colo- LampCaque.43. il défait les Athéniens, ibid.
nie Romaine. ibid. il veut se rendre maitre d'Athènes même. 44.
Lavicans,ilsse révoltent contre lesRomains.337- il est rappelléà Lacédémone. 48. il
va en Ly-
ils se joignent aux Eques pour leur faire la bie, puis revient dans sa Patrie. 49. il fait don.
guerre,ils remportent quelques avantages sur ner la Royauté de Lacédémone à Agésilas. 64.
Sergius Tribun militaire, ibid. ils sont enfin il est envoyé pour faire la guerre aux Per[es.6,.
vaincus avec leurs alliés par ServiliusDiébteur. il néglige Agésilas qui lui fait repentir la peine
ibid. de son manque de respeâ. ibid. de retour à
Lentulus, (Cornelius) Dictateur Romain rem- Lacédsmone il cherche à Ce venger d'A géllias.
porte la vicroire contre les Samnites 176. il 66. sa mort dans un combat contre les Béo-
fait le siége de Lucerie. ibid. tiens. 69.
Leonat, Général d'Alexandre, sou partage dans A/f Acëdoitte, commencement de la grandeur
les Etats de ce Prince. 42. *
des Roys de Macédoine. 388.
Leftisternium,cequec'étoit. 380. on Pardonne Macnius, (C.)D¡dateur.
37c,
à Rome à l'occasion de la pelle qui la désoloit.
k
Mages de Perse,ilss'emparentduGouvernement
ibid. d^Cet Empire.
1
Leu&res endroit où Epaminondas Chef des MagonGénéral dela flotte Carthaginoiseattaque
,
Thébains remporte lavidoi¡e surlesLacéd®- Messine, il elUéfaitpar Denys le Tyran.
149.
sa
sa mort, Mardes, Alexandresubj ugue ces peuples. 4 f 2.
Magon le jeune remporte une viAoire
# sur Denys Mardes, Peuples d'Hircanie Alexandre les ré-
,
le jeune. 153. il se rétire à Carthage. 160. on duit à son obëiHance. 4^9. -
Mardochée est accablé de douleur de voir son
envoye en sa place Amilcar & Annibal en Si-
cile, sa mort. peuple exposé à périr à son occasion. 178. il
Malachie, le dernier des douze petits Prophètes, est élevé aux plus grands honneurs de la Cour
ses Prophéties. 19S. dePerfe. 18
Malliens, Alexandre leur fait la guerre. 511. il Marses, les Romains leur font la guerre. 5 92.
assiége leur Capitale dans laquelle il se jette Mauaga, ville capitale du pays des Assacénes sc
seu!.S13- ils se soumettent à lui. 516» rend à Alexandre. 492.
Mamercus (Æmilius) est choisi Diâateur pour Mausole, Roi de Carie, sa mÓrt. Artemise ion
tirer la RépubliqueRomaine du danger qu'elle Epouse lui érige un superbe Mausolée. 116.
couroit du côté des Fidénates & des Etrus- Mazée un des Généraux de Darius arrive trop
tard pour disputer à Alexandre le paisage du
ques. 329. il triomphe des ennemis. 330.
lvIamertins, ils implorent le secoursdesRomains Tigre. 433. il se sauve à Babylone avec ses
contreHieron Roi de Syracuse. 666. ils re- troupes. 442. il livre la ville de Babylone entre
çoivent le secours des Romains. 668. les mains d'Alexandre. 444.
Mamilius, voyés Octavius. Medulie, siége & prise de cette ville par Ancus
ManiusValerius est choisi Diâateur pour faire la MartiusRoideRome. 219*
guerre aux Sabins & aux Volsques. 2 6j - it Memacéniens, Alexandre se rend maitre de leur
ville.
remporte la vidoire sur eux. 266. on lui ac- 473.
corde l'honneurdu triomphe. ibid Memnon le Rhodien Général duRoiDariuss'en-
Manlius, ( Aulus) voyés Aulus. ferme dans la ville d'Halicarnasse, dont il sou-
Manlius, Ces projets ambitieux. 3 67. il est mis en tient le liège. 411. sa mort. 414.
prison. ibid. il est remis en liberté. 368. sa Menandre Général d'Alexandre, son partage dans
mort. 369* les Etats de ce Prince. f43*
Manlius, (L.) tuë un Géant Gaulois ^
en combat
. Mendés ville d'Egypte est prise par les Perses.
singulier. 3 84' 110.
Manlius, Consul Romain fait trancher la tête à Menenius Agrippa vient au recours de Posthu-
sonfils pour le punir de sa désobéïssance. $6o. ruius son Collègue enveloppé par les Sabins,
Manlius)(Publius)est choisi Diâateur. 376. on lui decerne l'honneur du triomphe. 249*
Manlius Torquatus Consul Romain, sa mort. Agrippa raméne le peuple Romain à la sourni f-
594-
Manlius (Titus) Torquatus est déclaré Dictateur.
sion. 269. sàmort. *
Ménon empoisonne Agathocle.
,
272.
661.
546. Mentor se rend maitre de presque toutes les villes
Mantinée lieu où se donna la bataille que les d'Egypte. 120. il est récompensé de ses servi-
, sous ibid.
Thébains la conduite d'Epaminondas ces par Ochus Roi de Perse.
gagnèrent sur les Lacédémoniens. 8 8. Messine, les Carthaginois sont obligés de l'aban-
Marcius Coriolanus, son éloge. 271. donner. 66%. ils en sont le siége avec Hieron
Marcius Consul Romain est battu par les Sam ni- Roi de Syracuse. ibid.
tes. i 8e. Metellus, Consul Romain remporte la victoire
suriesCarthaginois. 688. son triomphe re-
Marcus Curtius, voyés Curtius.
Marcus Claudius, voyés Claudius. marquable. 689-
MarcusValerius Consul, on lui accorde le privi- Metius Suffetius est choisi des Albins pour être
lège d'ouvrir sa porte en dehors. 247. leur Général. 214. voyés Susïètius.
Miloa
jVlilon de Crotone, sa vie. 130. Juifs de là'campagne à s'établir à Je'rusâleim
Minutia, Vestale punie'pour son incontinm.
# ce. j r. il rétourne en la Cour du Roi Ar taxercéc
194. il ne reçoit entre les Prêtres que ceux qui
Mityléne prend la résolution de quitter le parti peuvent produire leur arbre Généalogique.
des Athéniens, qui envoyent contre elle qua- 164.
rante Galéres. 9. elle envoye des. Députez à Nepet prise de cette ville par Camille sur les
,
Athénes & à Lacédémone. ibid. elle est assié... Etrusques. 366.
gée par les Athéniens & se rend à eux. ibid. Nephorites succéde à Psammuthis Roi d'Egypte.
Moelius aflfeâe la Tyrannie, il est mis à mort par 109.
Servilius Ahala, 328* Neoptoleme Général d'Alexandre, son partage
Monnoye d'or & d'argent bannie de Lacédémo-^ dans les Etats de ce Prince. ^42.
46. Nequinum ou Narni, prise de cette ville par les
ne avec re{triétion..
Monnoye chez les Romains, sa .matièreancien- Romains. 593.
ne. x 23 I. Nicanor, fils de Parmenion, sa mort. 462.
Ces belles
Monnoye d'argent, on commence à en faire Nicias, Athénien, son cara&ére. 20.
frapper à Rome. 636. aâions. 21. Jalousied'Alcibiadecontre lui
Montagne sacrée, lieu oùse retira le peuple Ro- ibid. il met le siége devant Syractise, qu'il en-
main aprés avoir abandonnné le camp des ferme d'un mur avec des tours. 27. il fàuve le
Consuls. 267. Fort qu'il avoit fait construire sur une mon-
Motya, ville de la dependance des Carthaginois, tagne proche cette ville. 28. il conduit son
devant laquelle Denys le Tyran mit le siége. arméeà Syracuse. 26. il remporte la victoire
H3. sur ceux de cette ville. ibid. i l est enfin vaincu
Mus, voyésDecius. & obligé de se rendre à discrétion. 3 3. sa mort.
Musicans, leur Roi offie son pnys a Alexandre. ibid.
il
51g. dl:en[uitemisencroix. 19.) Noie, cette ville se rend aux Romains. 5 82.
à
Mutius Cordus, voyés Sœvoia. Numa Pompilius est choisi pour succéder Ro-
NAbarzane&JBeflus Générauxde Darius con- mulus Roi de Rome. 208. il police la ville.
spirent contre lui. 454. Alexandre par- 209. il regle l'ordre des Prêtres. 2 ro. il étab.
donne à Nabarzane à la priére de Bagoas. 460. lit les Vestales. ibid. il donne des bornes aux
Navius, voyés Attius. champs des Romains, ibid. il regle les funérail-
N«arque Commandant de la flotte d'Alexandre. les. 211. il distingue son peuple par ordre de
529. métier, ibid. il regle l'armée Romaine. 212,
Neéhmébeu[urpela Couronne d'Egypte surTa- 1 sa mort. ibid. le Senat s'empare du Gouverne-

chos le légitime Possesseur. 112. & défait un ment aprés sa mort. ibid. Tullus Hostilius lui
ibid. succede enfin. 213.
autre Concurrent. #

Numitorius Oacle de Virginie est choisi Tribun


Neâanabis succéde à NephoritesRoi d'Egypte.
109. du peuple. 323.
Néhémie apprendle trisse état de sa Patrie. 186. Nucériens ces peuples se soumettent aux Ro-
,
il demande & obtient la permission de rétour- mains. )
88.
Jérusalem & en- Nypsius améne des vivres aux soldatsdeDenys
ner enJudée. 187. il arrive à le jeune, il entre dans Syracuse & y fait uu
treprend d'en reparer les murs. ibid. manière
dont il fait travailler à ces murs. 188. ses pré- grand carnage.
OChus succéde à Artaxercés Roi dePerse son
l
,7.
cautions pour prévénir les[urpri!ès dejérusa-
Pere. 11 ses cruautez envers les Princes
lem. 190. il fait faire la dédicace des murs &
des portes de Jérusàlem. ibid. il exhorte les de la maison Royale, ibid. - il marche en pef-
sonne
sorme contre te Roi d'Egypte. 117. Tennés Papirius Crassus, (Lucius) estproc'lamé--Diâetur
Roi de Sidon lui livre la ville, & trahit ainsi les pour faire la guerre aux Antiates. f &3*»
interêts des Sidoniens. ibid. il demande du se- Papirius Gursor, (Lucius) est élû Diâateur pour
•cours aux villes Grecques contre l'Egypte. faire la guerre auxSamnites. 570. il veut pu-
118. il fait la paix avec les petits Roisde l'Ile nir Fabius san Lieutenant-Général de Cavale.,
<ieCypre. ibid. il retourne à Babylonne aprés t'ie pour avoir combattu contre ses ordres, ib.
avoir fubiugué l'Egypte. 120. sa mort. 121. son caraâére. 1 77- il est choisi Di&ateur pour
OâaviusMam.ilius Gendre deTarquin le
super- faire la guerre aux Samnites qu'il met endé-
be. 233. route. 5 87'stratagsme dont il Ce sert dans une
Olympiade Mére d'Alexandre. 43o. son fils lui bataille contre les Samnites. 607. san triom-
écrit. ibid. phe. 608.
Ombrie, les Romains portent la guerre dans ce Papirius le fils fait un voeu à Jupiter d'une liba-
pays. f 87- die est subjuguée par les Romains. tion de vin mêlé de miel. 609.
636. Papius porte les Samnites à ne pas accepter la
Ombriens, ils sont défaits par les Romains. f 89. trêve desRomains. 572. sàmort. ibid.
les Romains leur font la guerre. s 97. Parasitis Reine de Perse & Mére d'Artaxercés
,
Omphis Roi dans les Indes vient audevant d'Ale- Mnemon & du jeune. Cyrus vengeance de
,
xandre. 49 cette Reine sur ceux qui avoient eu part à la
Onomarque prend le commandement des trou- mort dujeune Cyrus. 104. elle fait empoisora-
pes Phocéennes aprés la mort de Philoméle. ner Statira femme de Ton fils Artaxercés. 1 0)'..
400. sa mort. ibid. Parmenide, Philosophe, sa vie. 93.
,
Opia, voyés Opimia. Parmenion, Général de Philippe Roi de Macé.
Opimia, Vestale, dont on punit rincontinence. -
doine est envoie en Asie pour mettre les villes
287* Grecquesen liberté. 40?.
Oppius Collègue d'Appius est accusé devant le Parmenion Général d'Alexandre s'empare de
peuple. 323. tous les trésors que Darius avoit laissé à Da-
Ore, Alexandre se rend maitre de cette ville. 492. mas. 419. Alexandre envoye Polydamas en
Orites, Alexandre se rend maitre de leur pays. Médie pour le mettre à mort. 464. sa mort.
523- ibid.
Oronte, Général d'Artaxercés Roi de Perse, sa Parrhase, fameux Peintre, sa vie. 94.
disgrâce. 78. il trahit tous ses alliés & rentre Parysatis fille de Darius & femme d'Alexandre.
en grâce auprés d'Artaxercés. 111. 529.
Oropaste ou le faux Smerdis succéde à Cambyse Pasargade, on livre cette ville de Perse à Ale-
Roi de Perse. 170. xandre. 4^3.
OIGne, Satrape de Pasàrgade reçoit Alexandre. Patrat,(Pere) quelle charge (sétois chez les Ro-
526. mains. 214.
Ostracisme, abolition de cette peine. 22, Patron, Chef des Gjecs qui étoient au servicede
Ovation, ce que c'étoit. 249. Darius, lui découvre la conspiration deBeÍfus
Oxiarte Pere de Roxane est confirmé dans son & de Nabarzane. 4^4,
,
Gouvernement.- 342. Pedum siége de cette ville par les Romains.
,
Oxydraques, ces peuples sont vaincus par Ale-

....
xandre. 511. ils se soumettent à lui. 516. Pelopidas Thébain de nation est envoyé eu
T) Alepolis,prisede cette ville par les Romains. Thessalie pour réprimer Alexandre de Phéres
)68. qui vouloits'en rendre le Tyran. 38g. il ré-
Panorme, ville de Sicile prise par les Romains. tablit la paix en Macédoine, ibid. il est arrêté
& fait prisonnîer par AlexandreTyran de Phé- Philippe devient Roi deMacedoine. 393. issait
res. 3 89. il est delivré par Epaminondas. 390. alliance avec les Athéniens & subjugue les Péo-
il remporte ensuite la victoire sur Alexandre niens. ibid. il defait les Illyriens. 394. il re-
Tyran de Phéres. ibid. honneurs qu'on lui prend la ville d'Amphipolis. ibid. il remporte
rend aprés sa mort. 391. la vi&oire contre les Rois deThrace, dePëonie
Peloponés,-. fin de la guerre de ce nom qui avoit &d'lllyrie. 39 ç. il fait la guerre dans la Thrace
duré dix ,ans.20. fin d'une autre guerre aprés & en Iheflalie. ibid. il est vaincu, il se rend
vingt-septans de durée. 4). maitrecPOIynthe & deplusieurs autresvilles
Peluse, arrivée de l'armée de Perse devant cette 3 96. il^entretbns l'Illyrie & dans la Thrace.
place. 119. Lacrates Commandant des Thé.. 403. il assiége Perinthe. ibid. il declare la
bains en fait le Üége. ibid. elle se rend à lui. guerre aux Athéniens, ibid. il remporte la
ibid. victoire sur eux & ssir les Béotiens. 404. il est
Pennus, (TitusQuinâius) Diâateur fait la guerre déclaré Général par les Grecs pour faire la
aux Tyburtins & aux Gaulois. 384. guerre aux Perses. ibid. il envoye Parmenion,
Péricles, malheurs arrivés dans sa maison. 2. fà Amyntas & Attale en Aile pour mettre les
mort & son éloge. 3. villes Grecques en liberté. 405. sa mort tra-
Persepolis, Capitale de Perse, Alexandres'appro- gique. ibid.
che de cette ville. 450. & l'abandonne au pil- Philippe Medecin
^ d'Alexandre est accusédecon-

lage. 4f 1. il y met le feu. 4}2. spirer contre ce Prince. 416.


Perses, Philippe Roi de Macédoineleur déclaré Philippe frére de Lysimaque sa belle action.
, ,
la guerre. 404. 483-
Peste arrivée chés les Volsques. 273. la pesse ra- Philippe Général d'Alexandre, son partage dans
vage la ville de Rome. 31 f. autre peRe & les Etats de ce Prince. ^42.
mortalité arrivées à Rome, manière dont on Philoméle Phocéen de nation s'empare ,le la
Pappaisa. 347. ville & du temple de Delphes. 398. les Athé-
Petalisme établi à Syracuse à l'imitation de 1'0.. niens & les Lacédémoniensprennent son parti
firacismedes Athéniens. 125% ce quec'êtoit 399. il tire de grandes richesses du templede
que cette peine. ibid. Delphes, ibid. sa mort. 400.
Peticus (Sulpitius) est choisi Dictateur pour Philotas fils de Parmenion est convaincu d'avoir
faire la, guerre aux Gaulois. 386. il reçoit les conspiré contre le Roy Alexandre. 464.
honneurs-du triomphe. 387. Philotas Général d'Alexandre, son partage dans
PeuceRe Général d'Alexandre est confirmé dans les Etats de ce Prince. S'42-
sa Satrapie. )'43. Philoxéfle Poëte célébré desapprove lesPodles
Pharnabaze, Général de Darius Roi de Perse ssir deDenys le Tyran. 1^2.
les côtes d-el'ACie. 415. Phocéens, ils s'emparent.de la ville & du temple
Phayllus frère d'Onomarqueprend le comman- de Delphes sous la conduite de Philoméle &
dement des troupes Phocéennes après la mort donnent paFlà occasionà la guerre sacrée. 398.
de son frére. 4°0. sa mort. ibid. les Athéniens & les Lacédémoniens leur en-.
à
--Fhegée, ceRoi se rend Alexandre. 50 6. voyentdu secours. 399.
Phéniciens, ils se révoltent contre les Pertes. Phormion, Général des Athéniens défait laflotte
116. sur lesquels ils remportent unevi&oire. des alliés de Lacédémone. 7. il livre une se.
ibid. conde bataille navale aux I.acédémoniens
Phérécide disciple de Pittacus, un des sept Sages dans laquelle il a quelqu'avantage, ibid.
de la Gréce, ses aôions. 90. Phrataphernes Général d'Alexandre est confillné
Phidias, fameux Sculpteur, sa vie. dans sa Satrapieaptes la mort de ce Prince. ^ 42
Pindare.
Pindare, Poète Lyrique, sà vie. 92. Alexandre lui-même eŒpris. ^0 r.
le grand épargne sa maison dans la ruine de la Posthumius Consul est enveloppépar les Sabins.
ville de Théb--s. 408. 249. on lui accordel'ovation. ibid.
Pithon fils d'Agénor est confirmé^ dans son Gou- Pofthumius (Aulus) est choisi Diébteur pour
vernementaprés la mort d'Alexandre. y 4Z.
faire la guerre aux Latins. 2 ^6. il remporte la _,
-Platée, siége de cette ville par lesLacédémoniens. viâoire sur les Latins auprés du Lac Regille.
4. sa généreuse défense, ses travaux. S. ses 218. & sur les VoIsques&lesHeraiques.ibid.
stratagémes pour empêcher l'effet du Belier. il entre à Rome en triomphe. 259.
ibid. elle est enveloppée d'une enceinte de Posthumius Tribun militaire est mis à mort par
ses soldats qui se révoltent contre lui,
murs. 6. la moitié de sa Garnison se sauve 339.
avec adresse pendant le siége,l'autre fè rend PosthumiusConsul est rendu aux Samnites com-
avec la ville aux Lacédémoniens. 1 o. me ayant traité avec eux sans l'agrément de la
Platon, Philosophe, Chef de la secre des Acade- République. ^7^. il triomphe malgré le Senat.
il
miciens, sa vie. 103. voyage en Sicile, ibid. 6°4. il disputele commandement de l'armée
son éloge. 104. à Fabius le Pere. 612. il s'empare de Comini-
Plébeïens, ils sont admis à remplir la charge de um & de Venusium villes des Samnites. 613.
Tribun militaire. 346. ils sont admis dans le son mécontentementde ce que le Senat lui
Collége des Prêtres & des Aruspices. 593. avoit refusé l'honneur du triomphe, il est accs-
Plemmyre, endroit où Nicias Général des Athé- sé devant le peuple de plusieurs griefs &
con-
niens avoit fait construire trois forts pour se damné à une amende. 61 3.
défendre contre Gylippe Général des Lacédé- Potitiens,cette ancienne famille deRome est pri-
moniens. 3°. vée du Sacerdoce héréditaire du templed'Her-
Pilule, prisede cette ville parles Samnites. 579. cule par AppiusClaudius.
Pluie de pierres tombée à Rome. 553. Preneste,lesRomains font la guerre à ceux de cette
Polydamas ami de Parmenion s'acquitte de la ville. 3s.
cespeupleSlont subjuguez par Alexandre.
commission qu'Alexandre lui avoit donnée Pre!1:es,
de tuër Parmenion. 46j. S18*
Polysperchon se raille des Perses qui adoroient Préteurs, leur institution. 378. leurs fondions&
Alexandre. 487* prérogatives. 379. ilsétaient deux à Rome
Pontana ville maritime bâtie par Alexandre. & ils avoient des occupations différentes.
,
*23. 699.
Pontie, on envoye dans cette île une Colonie Privernates, les Romains leur font la guerre.
544.
Romaine.
Popilius Consul Romain remporte la viâoire
582.
Prométhée, son histoire fabuleuse.'
.)
5)" 67.
467.
contre les Gaulois. f 48. Psammuthis succéde à P2coris Roi d'Egypte.
Poplicola (Valerius) voyez Valerius. 109.
Porsenna Roi de Clusium fait la guerre aux Ro- Ptolemée fils naturel de Philippe Roi de Macé-
mains en faveur de Tarquin le superbe. 242. doine s'emparedu Royaume. 389.
il fait le siége de Rome. 243. MutinsScævola Ptolemée fils de Lagus Général d'Alexandre, son
entreprend de le tuer. 244. il prend lai'ëïblu-
tion de faire la paix avec les Romains. ibid. il
partage dans les Etats de ce Prince. 14
dépose le corps d'Alexandre à Alexandrie
r. il

se retire dans ion pays & laisse aux Romains Ï43. il envoye une ambassade aux Ro-
son camp tout tendu. 24?. mains. 634. ilréfusè de l'argent aux Carthagi-
Porus un des Rois des Indes se dispofeafairela nois.
guerre à Alexandre. 497-fonfils est défait. 498. Publius (Quinàitis
^ ^ est choisi Dictateur
pour
61.

R3ia
reprimer les Latins. la guerre aux Preneftins. 371. il remporte 1*
Publius Manlius voyez Manlius. ^ vidoire sur eux & l'honneur du Triomphe.
Publicola, voyez Poplicola. ibid.
Publius Cornélius Rutilus Diâateur défait les Quinâius- Cincinnatus est tiré de sa chaumiére
Volsques.
Pulvillus, voyez Horatius.
341. pour être Consul. 30) .'il est créé Dictateur.

Punique, la premiére guerre de' ce' nom a duré Egille Lac d?ltalle,. auprés duquel Aulus
,
vingt-trois ou vingt-quatre ans. 7°0.. Posttyjmius Dictateur de la Republique
Pyle, les Lacédémoniens lèvent le siége qu'ils Romaine remporte la vi£%oire sur les Latins.
a voient mis- devant cette ville. 1 f 35 6.
Pyrrhus Roi d'Epire vient au secours des Taren- Regulus Confal Romain reste en Afrique pour
tins. 61 8. il consulte l'oracle de Delphes sur (Ontinllêr la guerre. 681. il fdit tuer un ser*
son expédition. 619. ses projets, ibid. il' en- pent monstrueux par son armée. 682. vie-
voye Cyneas. son Favori à Tarente. ibiél. il toire q!,,?il remporte sur les Carthaginois, ibid.
passe en SIcile. ibid. il arrive en Italie. 6 20. il propositions qu'il leur fait
pour la paix. ibid.
reforme les moeurs des Tarentins. ibid. Ari- il est fait prisonnier après avoir perdu la ba.
starque s'eléve contre lui. 621.. il Tomme le taille. 683. il est renvoyé à Rome pourme-
.Consul Laevinus de quitter les-armes. ibid. il nagerlapaix. 689. il conseille aux Romains
livre la bataille aux Romains & la gagne. 622'. de pousser la guerre contre Carthage. 690.
les Romains envoyent vers lui en ambassàde. Cruautés exercées contre lui par les Carthagi-
624. il s'entretient avecFabricius un des Am, nois. ibid. sa mort. 691.
bassadeurs. ibid. il envoye Cyneas à Rome Rhégio, les citoïens de cette ville veulent faire-
pour menager la paix avec les Romains. 62 la guerre à Denys le Tyran, puis ils renouvel-
les Consuls Romains lui donnent avis que son1 lent leur alliance avec lui. 142. Denys le
Medecin veutl'empoisbnner. 628. il est rap- Tyran s'en rend maitre. if 1. siége de cette
pellé en Italie. <531. il est attaqué par les Ma- ville par les Romains, ils punissent la trahison
mertins. ibid il se rend maitre de Locres. de leurs concitoyens. 63 tf..
632. les Romains remportent la victoire sur Rome & Romains, prémier état de la ville de
]ui. ibid. il quitte ?Italie& se retire en Epire. Rome. 200. son ancienne religion, ibid. elle
633. il revient en Sicile, pour la deuxième devient l'azyle des Etrangers. 201. les escla-
fois. 663. les avantages qu'il remporte sur les ves de cette ville forment une conspiration
Carthaginois. 664. il palseen Italie. ibid. il, contre les citoyens. 251. elle est découverte
est battu par les Carthaginois & par lësMamer. & les A uteurs en font punis. ibid. les pauvres
\ tins. ibid. sa mort. 63f. citoyens conspirent contre les riches. 2î2,
Pythagore célébre Philosophe, Ton hiaoire. elle devient funeste aux Auteurs. ibid. troub-
, les dans cette viiieau sujetde la levée des sol-
90.
QUesteùrs,leursemplois & leurs Prérogatives.. dats. ZÇ4. Divisions domestiques arrivées
340. dans cette ville. 260. brouïlleries dans cette
Qu in tus Fabius Caesb, voyez Fabius. ville à l'occasion des dettes des Particuliers.
Quintus Fabius est accusé- d'avoir violé le droit, 26<). 266. famine arrivée dans cette ville.
des ,-,*is l'égard des Gaulois. 3,62. samort. 272. Troubles dans cette ville à l'occasion
ibid., du partage des terres. 28 7. les Consuls font les
Qukitilius (Cne'ms) Di&ateur fiche un clou enrôlemens hors de la ville pour rendre inuti-
dans le Temple de Jupiter Capitolin. 567. les les oppositions des Tribuns, ibid. elle elV
Qdinâ.ius (Titus) esi cli;eifidiétateur. pour-siiire- attaquée de la peste. 301. nouveaux troubles à
roecafion.
l'occairion de la loi Terentia. 30 f. diviGoa Noie, d'Atina, decalatia & envoyant de noiw
dans cette ville
,
àl'o£cafiondeladisiribution velles Colonies dans les villes de Sueflà , Inte-
des terres entre les Patriciens & les Plêbeïens. ramna & Cafînum. ibid. ils défont les Etrus- -
dans
338. la pesle & la famine s'y font sentir. 3 f f* ques devant Su tri. f 83. & les Samnites
on la rébâtit après qu'on en eut chassé les Gau- la foret d'Averne. 584» ils portent la guerre
vi&oire
lois. 362. brouïlleries dans cette ville à l'oc- en Ombrie. 587. & remportent la
casson des Créanciers & des Débiteurs. 37r» sur les peuples de ce Canton. 589- font
Troubles dans cette ville. 378. elle est affligée guerre aux Etrusques. f 87. les
Nucériens &
delà peste. 379. plusieursfemmes empc>ison- les Tarquinienssefou-mettent à euæ. f 88. # Ils-
nent leurs maris. 5 66. les enfans & les ani- font la guerre aux Salentins & aux Samnites.
maux même meurent dans le sein de leurs Me;.. s89. sur lesquels ils remportent la viâoi-re,
res, moyen dont on se servit pour dissiper cet
)
ibid.& 90. ils font la guerre aux Herniques.
accident. 63.0. 6; 1. les Romains- font! la' 59o. ils font alliance avec les Samnites. 191..
guerre aux Privernates. 544. aux Tyburtins ils font la guerre aux Eqtïes. ibid. ils envoyent
aux Falisques & aux Tarquiniens. f 45". & aux à
des Coloniesà Sora & Alba. ibid. ils font la:
Cérites. f46. on acquitte au dépens de l'Epar- guerre aux Etrusques & aux Samnites. 94. )
gne les dettes des particuliers. ^47. on admet S96« )97. & aux Ombriens & aux Gaulois.
dana le Sénat des gens de famille Plébéienne; ibid. aux Etrusques. 601. & aux Samnites.
548. ils font alliance avec les Carthaginois. ibid, aux Gaulois Senonois, aux Tarentins,
550. ils font la guerre aux Volsques & aux aux Samnites, aux Lucaniens & aux Bruttiens,
Aurunces. 5,52. & aux Samnites. 5 ils 617. ils entrent dans la ville de Rhége &,ên
.
complottent de faire périr les. peuples deCa- égorgent les habitans par trahisbn. 621. ils
poue, & de s'emparer de leur pays. ^7. les- recommencent l'a guerre contre Pyrrhus;
mécontens choisissent Anxur pour leur Chef. 626. bataille qui fè donna entr'eux. ibid. ils;
1S8. ValeriusCorvinusDictateur les raméne dedaignent de recevoir les prisonniers ren-
àleur devoir, ibid. ils font la guerre aux Pri- voyés par Pyrrhus. 629. ils font la guerre aux:
vernates & aux Samnites. ^9. Les Latins- Samnites & aux Tarentins. 630. ilS' rempor-
leur declarent la guerre, ibid. bataille entre: tent la: victoire sur Pyrrhus Roi des Epirotes-
eux & les Latins. 561, ils remportent la vic- sous la conduite de Curius Dentattis.. 632..
toire sur les Latins. 5 62. ils> font la guerre aux Ptolemée Roi d"Egypte leur envoyeuneam-
Sidicins & aux Ausons. & auxhabitans. baflàde. 634- ils font le siége de la1 ville de'
des villes de Fondi & dePriverne. 567. & aux Rhéges & punissent la trahison de ceux qu'on y
Grecs qui habitoient l'Italie, & aux Samnites. avoit envoyé en Garnifbn. 636. ils- subju-
f 68. ils se rendent maitres de la ville de Pale- guent l'Ombrie & Ce rendent maîtres de' lai -
polis. ibid. ils font la guerre aux Vestins- & viiledes-Carieins.ibid. ils font nl' guerre dans.
aux Samnites. 570. aux ApulienSi 571. ils- se Picenum & dans l'Ombrie. 6j 7. ils la font
sont obligés de passer sous les fourches Caudi- aussi aux Salentins.ibid. & aux Saiîinates.66SS-
nés. s 73. ils rétournent à Rome sans armes. ils envoyent le Consul Appius Claudius au.
574. ils font une trêve avec les Samnites. secours Mamertins contre Hieron Roi de:
fq8. i'is les battent ensuite. ibid. & se rendent Syracuse & les. Carthaginois. 666. ils- con-
maîtres de la ville de Saticule. ibid. & de Sora; clüent la paix avec Hieron. 669. il' font lai
dans le pays. des. Samnites. ç8o. ils font la' guerreen Sicile. 67O. ils font le siége d'Agri--
guerre aux Aufons&aux Volsques. ibid. ils gente.671. ils remportent la victoire sur les;
reprennent sur les -Samnites-. la ville de Eregel... Carthaginois devant Agrigente. 672V leuîs.
les, 183. ils'le rendent maîtres des villes da- conquêtes enCorse & en Sardaigne, 616- ils;
font le siége de Camirîne & mettent en déCor- Roy de Rome, res fondions. 230.
dre la flotte des Carthaginois. 678. ils atta- Cabraques, ces peuples se soumettent à Aie-
quent les Carthaginois jusque sur leur conti-
& xandre.
nent. 679. ils remportent la victoire sur la Sabines, elles engagent les Sabins à faire la paix
flotte Carthaginoise prés le port d'Heraclée. avec les Romains. 20 histoire de leur enlè-
ibid. ils font la conquête de l'IsledeCosura. vement. 20 r.
684. leur flotte périt par la tempête. 68). ils Sabins, AncusMartius Roi de Rome leur fait la
portent la guerre en Sicile, ibid. leurs conquê- guerre. 220. ils font la guerre aux Romains
siége de Lilybée. 246.248. les Romains leur font la guerre &:
tes en Sicile. 6%6. ils font le
69 1. ils font la guerre aux Marses & aux les réduisent. 2JO. ils affilient aux jeux de
Etrusques. 592. & s'emparent de la ville de Rome. ibid. les Romains leur font la guerre.
Nequinum ouNarni. 593. ils font peerleur 30^. 317. 324. le Consul Horatius remporte
flotte en Afrique. 680. ils construisent une la vi&oire sur eux. ibid. leur défaite par Curius
nouvelleflotte pour pousser le siége de Lily- Dentatus Consul Romain. 614.
bée. 698. ils gagnent une bataille navale Sacrée, commencement de la guerre de ce nom.
sur les Carthaginois. 699. ils assiégent Dre- ;,6.398. fin de cette guerre. 4°2. voyez
pane.
~id. Phocéens.
Romilius Consul Romain, bien . loin
. de lui ac- Saliens, Prêtres des Romains, leurs emplois. 210.
corder le triomphe à cause delavictoire qu'il Salentins,les Romains leur font la guerre. f 89.
avoit remportée surleseqties,on le condamne Salpinétes ils se declarent avec les Volsiniens
,
grosse amende. 314, contre les Romains. 3 11. qui de leur côté leur
avec son Collégue à une
Romulus donne au peuple la liberté de se choisir fontlaguerre. 3^
tel genre de gouvernementqu'il souhaiteroit. Samaritains, ils demandent à Alexandre le grand,
donne le nom mais en vain, les mêmes grâces qu'il avoit ac-
200. il est declaré Roi. ibid. il nouvelle ville. cordées auxjuifs.
de Peres aux Senateurs de la 199.
ibid. il fait enlever les Sabines. 201. ses loix. Samnites font alliance avec les Romains. 5-46.
ibid. il tue AcroR dans un combat singulier. ils sont vaincus parles Romains. f f)6. les Ro-
mains leur font la guerre. ^9.
202. som Triomphe. ibid. il fait la guerre à )71. ^ 73.
les Romains leur accordent une tréve. 178,
d Antemne. 203. il ag-
ceux de Cruflume &
granditlavillede Rome. ibid. il remporte la leur défaite. ^78. S79- 1 81 ils sont défaits par
vifftoire sur les Sabins. 204. il combat seul d les Romains dans la forêt d'A verne. 184. ils
seul avec Metius Curtius. ibid. ^ il est frappé ont l'avantage sur l'armée duConsul Marcius.
d'une grosse pierre a la tête. ibid. il fait un voeu S86. les Romains leur font la guerre. f89«
à Jupiter Stator, ibid. il partage le pouvoir ^99.601. ils sont battus deux fois par les
souverain avec Titus Tatius Chef des Sabins. Romains. y90. ils font alliance avec les Ro-
il redevient seul maitre de Rome & mains. igi. 596. S97- 602.6°3.(0)".606. 606.
20)'.
comment, ibid. son second triomphe. 206. 609. 6ro. 61 3. 630. 63f. ils sont vaincus
son troisiéme. 207. il devient odieuæ au Sé- par Fabius le Pore. 611. ils envoyentune aÍn-
produisit dans baisade à Curius Dentatus qui fait alliance
nat, sa mort. ibid. ce qu'elle du
,
Rome. 208. il y est honoré comme une Di- avec eux au nom Sénat. * 61 4.
vinité. ibid. difficultez de lui donner un suc- SanaballatGouverneurdu pays de Samarie prend
cesseur. ibid. le parti d'Alexandre le grand contre le Roi de
Perse.
Roxane femme d'Alexandre.48 elle accouche 1 97.
Sangale siége de cette ville par Alexandre.
d'un fils qui est proclamé Roi & successeur ,
d'Aiexaudreparfonarmée. S41* W.
Sarda-
Sardanapale, Roi ds Assyrie,son tombeau. 416. Servilius Dilatent défait les Eques & les LavÎ-'
Satibarzanesis rend à Alexandre.461. il le quitte cans. 337'
ensuite & s'enfuit. 578* Servilius Tullius Roi de Rome , successeur de"
Saticule, prise de cette, ville alliée des Samnites Tarquin le vieil. 226. il feint d'avoir des en..
5 78. tretiens avec la Déesse Fortune. ibid. il fait la
par les Romains.
Scsevola,(Mutius) entreprend de tuër Porsenna. guerre auxVeïens. 227. il renferme les monts
2 44. Esquilin & Viminal dans l'enceinte de Rome,
0
Scéniques,eux institués à Rome. 3 80. ibid. l'ordre qu'il met dans la campagne de
Scipion est défait par les Gaulois. 398. Rome. 228* il marie ses deux filles aux deux
Scythes, Alexandre prend la résolution de les fils de Tarquin le vieil. ibid. il réduit les Etrus- -
ques. ibid. il fait faire le dénombrement
ambeade. du
attaquer. 474. ils lui envoyent une
peuple Romain qu'il partage en sixclasfes.229.
475.479. ils sont vaincus sur leTanaïs & se samort. 232.
soumettentàlui. 476.
Scynus est confirmé dans son Gouvernement Sextia, Vénale, punition de son incontinence.
aprés la mort d'Alexandre. ) 42. 631.
SeceÍfion du peuple Romain, il quitte^ le camp & Sextus Tarquin fils de Tarquin le superbe trahit
se retire sur la montagne sacrée. 267. Sicill- la ville de Gabies & la livre au Roi son Pére.
nius Bellutusest Fauteur de cette secession. ib. . 2;1.
Menenius Agrippa le ramène à la soumission. Sextus Tarquin violeLucrèce femme deCoUati-
269. nus. 235.
Selinunte, Gége & prise de cette ville par les Car- Sibyrtius est confirmé dans son Gouvernement
thaginois. # I31* après la mort d'Alexandre. 542.
Semo-Sancus,Divinité des Romains. 5 67. Sicile elle est partagée & desolée par plusieurs
^
,
partis. 66J.
Sepinum, les Romains font le siége de cette ville
des Samnites. 608. Siciliens, ils font des préparatifs pour resister aux
Sempronius Consul marche contre les Volsques. Athéniens. 24.
Sicinnius Consul Romain remporte la victoire
335. il est accusé devant le peuple & défen-
^

du par Tempanius & par trois de ses Camara- surles Volsques. 284.
des. 3 3 6. il est condamne à une grossè amende Sicinnius Bellutus engage les Romains à quitter
ibid. le camp des Consuls. 267. il est choisi pour
Sergius Tribun militaire est vaincu par les Eques être Tribun du peuple. 270.
&lesLavicans. 337. il est défait devant Veies Sicinnius Dentatus parle pour la Loi Agraria.
par Virgi-
pour n'avoir pas été recouru condamnés 312. sa belle aâion dans l'attaque du camp
ni us son Collègue. 345. ils sont des Eques. 313. il est cause qu'on n'accorde
l'un & l'autre à payer dix mille as. 346. pas le triomphe au Consul Romilius & Vetu-
Serpent d'Esculâpe, on Papporte à Rome pour y nusvictorieux des Eques. 314-
Sicinnius Tribun du peuple est assassïné par les

12^4.
appaiser les ravages de la peRe. 611.
Servilius Consul Romain fait la guerre aux Vols- gens de Fabius. 318.
Sidicins, les Romains leur font la guerre. 1 6 f.
l
ques. 260. 262. sur lesquels il remporte la 118.
victoire. 263. il usurpe le triomphe de sa Sidofliens, ils mettent le feu à leur ville.
Ê
propre autorité. ibid. il réduit les Alftmces. Sidon, prise de cette ville par Alexandre. 421.
Abdalonyme y est établi Roi. ibid.
Smilius Ahala Général de la CavalerieRomame Signie, nouvelle Colonie que Tarquin le superbe
met a moit 110elius qui aficâeit la Tyran- envoyo dans cette ville fous le commande-
nie. 33?. jjaecit de Titus un de sis fils. 236.,
Simo-
4
S!moiudel'ancien,Poëte. 88. Ces avions, ibid. Statira, femme deDarius, sa morf 434.
Simonide le jeune, ses ouvrages. 89. Statire fille de Darius & femme d'Alexandre. f 29.
Sifigambis Mere de Darius, respeâ qu'Alexandre elle est mise à mort par les ordres de Roxane
a pour elle. 446. sa mort. 541. autre femme de ce Roi. 5 41.
Sisimethres Satrape de la Province Nautace se
de Stesichore, Poëte Lyrique. 89.
soumet à Alexandre. 48 3- Strute estenvoyé par Artaxercés pour comman-
Sitacéne, Alexandre entre dans cette Province. der son armée, il tue: Thimbron Gépéral dela
44). flotte des Lacédémoniens. 74.
Smerdis le faux succede à Cambyse dans le Sueflà, on envoye dans cette ville une Colonie
, Romaine.
Royaume de Perse. 170. 182.
Socrate, Philosophe, sa vie. 91. ce que c'étoit Suffetius se rétire de l'armée Romaine avec ses
que son Demon familier. 96. l'oracle de Del- gens. 216. il est mis à mort parles Romains.
phes le declare le plus sàge des Grecs. 97. il 217. voyez Metius.
à
s'attache Xenophon. ibid. caractère de son Su(es, Alexandre ei1 repoussé au pas de Suses.
csprit & de son corps. ibid. il decrie les Sophi- 448. il tente de nouveau de la forcer.ibid. la
stes.S. Aristophanele jouë dans la comédie ville se rend à Alexandre. 41 f.
des nuées. ibid. Melitus l'accuse devant le Se- Sqtri ville alliée du peuple Romain, elle est prise
nat d'Athènes de nier les Divinitez. ibid. il est par les Etrusques, & reprise le même jour par
tleclaré coupable & condamnéà boire la ciguë. Camille & renduë à ses habitans. 3 64.
99.il réfuse de sortir de prison & dé se sauver. Sutriens, ils s'emparent de la ville de Fregelles.
ibid. circonstances de sa mort. ibid. les Athé- yn-
niens se repentent de l'avoir condamné à Sybaritains, ils sont défaits par les Cfotoniates.
mort. 100. honneurs qu'on lui rend aprés ù 127.
mort. ibid. Sybtlle de Cumes, on présente ses écrits à Tar-
Sodres, ou Massaniens, peuples qu'Alexandre re- quin le superbe. 2 3 6.
çoit à compétition. 518. Syracuse, Imilcon Général des Carthaginois for-
Sogdiane, Alexandre entre dans cette Province. me le siégede Sy,racuse. 146. Denys le Tyran
469. améne du secours à cette ville. 147. les Car-
Sogdiens Ce révoltent contre Alexandre. 473. thaginois lévent le siége de cette ville. 649.
plusieurs de leurs prisonniers seréjouïïTentde Amilcar en récommence le siége. 6jo. on y
mourir par ses ordres. 477. rétablitl'état populaire. 662. guerre intestine
Solde, on commence à l'assigner à l'Infanterie entre Thynion&SoMrate. 663.
Romaine. Syracusains,ils demandent du secours à Corinthe
Sophocles, Poëte Tragique, sa vie. 2. & 'd Lacédémone. 26. Alcibiade résugié ;"t
Sopites, leur Roi se rend à Alexandre. ,06. Sparte appuye leurs demandes, ibid. ils sont
Sora, on envoye dans cette ville une Colonie assiégés par Nicias Général des Athéniens. 27.
Romaine. 591. prise de cette ville des Samni- & resserrés par un mur qu'il fait construire avec
tes par les Romains. S80. des tours. ibid. ils songent à s'accommoder
SofifiratedisputelaTyral1nieà Thynion qui s'en avec les Athéniens.28. ils font la guerre aux
étoit emparé. 66 3. T.rinacriens, 130. ils se révoltent contre
Spitamenes ennemi d'Alexandre, sa mort. 484. Denys le Tyran. 139. ils font la paix avec les
Spurius, voyez Lartius. Carthaginois, ibid. ils se révoltent de nou-
Spurius Cassius, voyez Cassius. veau contre Denys. 140. ils font la paix avec
Stafanor est confirmé dans [on. Gouvernement les Carthaginois. 161.ils choisissent un nom-
aprés la mort d'Alexandre, ~ 1 42. mé Hicétas pour commander leurs troupes
çontre Menon,662* Taber.
»
TAbernacles; on en célèbre la fête,pour la d'Ardea 239. il fait la guerre contre R&ms
prémiére fois après le retour ,de la capti- 240. il se forme une conspiration dans la
vité de Babylone 192.. ^ ville en sa faveur, dont les Auteurs font con-
tables, les douze tables des loix Romaines sont damnés & mis à mort ibid. il est obligé de ie
.gravéss surie bronze 316. 317. elles font retirer à Cumes dans la Campanie où
il meurt
tixées & approuvées ibid.- 259. les Tarquins sont vaincus par les Ro-
Tachos Roi d'Egypte se disposè ,re,Cifler aux mains 24. r*
Perfes 110. il est dépouillé dela Royauté Tarquiniens, les Romains leur font la-guerre

Tanaquil, femme de Tarquin le vieux, fait


i
112. il est rétabli sur le Trône d'Egypte 13. 348. ils sont défaits par Posthumius & Julius
deux Tribuns militaires 349. les Romains leur
.tomber la Couronne .sur la tête de. Servius font la guerre de nouveau 3 8 1 $4ï-# ils se -fotl-

Tullius 22 ç* mettent aux Romains çgg.
Tapiriens, Alexandre Ce rend maître de leur Tarentins, les Romains leur font la guerre
pays 43S. 6*7. 630.
Tarentins, ils engagent les Lucaniens à se ré- Tatius, (Titus) Chef des Sabins s'empare du
volter contre les Romaies 5^9. ils font ve- Capitole & comment 204. il fait une paix
nir Pyrrhus Roi d'Epire àleurÍècours 618. durable avec les Romains 20)'. il partage le
Tarpeïa livre le Capitole aux Sabins 3,03. sa pouvoir souverain avec Romulus-ibid. ii
mort 204. est tué par lesLaviniens & à quelle occasion
-
Tarquin-cinquiéme S-e: de Rome 220. il fait la ibid,
guerre aux Latins & aux Etrusques 22 il Tempanius Decurion de la Cavalerie Romai-
prend la ville de Géré & deFidéne sur eux221. ne, belle aétion qu'il fait dans la mêlée avec
il leur accorde la paix ibid. il fait faire des les Vofsques 33f. il defend le Consul Sem-
égouts dans la ville de Rome 223. il embel- pronius contre les griefs qu'on lui irn-
lit le marché Romain ibid. il renouvelle la pute 33^
guerre contre des Sabins ibid. il coupe un Temple, dedicace du temple dejerufàlem 183.
caillou avec un rasoir ibid. il remporte une Tennes, Roi de Sidon livre la ville à Ochus
vidoire sur les Sabins & les Etrusques 224, Roi de Perse, & trahit les intérêts des Sido.
il accorde la paix à ceux.ià ibid. il fait bâtir niens 117. sa mort funeste 1 i's.
un temple à Jupiter 22^. sa mort ibid. Terentia, Loi concernante la reformatton des
Tarquin le jeune petit-fils de Tarquin le vieux Jugemens 302. troubles arrivés à Rome à
fait mourir Tullie son epeusè & Aruns son l'occasion de cette loi ibid. fourberie des Tri-
frére 231. il accuse son Beau-Pere d'avoir buns pour la faire recevoir 303. nouveaux
usurpé sa couronne ibid. il s'empare du Ro- troubles arrivés dans Rome à l'occasion de
yaume & fait mourir son Beau.Pere 23 2. son cette loi 3oî. lesTribuns s'engagent de ne la
regne ibid. propoîerd'un an 306". elle est ensi,,i reçuë 3l4,
Tarquin le Superbe fait périr Herdcmius défen- Teribaze Général des Perses, sa disgrâce^, il elfe
seur dela liberté des Latins 233. il bâtit un mandé à la Cour de'Persè, sa justification 77.
temple à Jupiter Latin 234. il fait la guerre Gaos son gendre se révolte ibid. il engage par
aux Volsques & aux Sabins ibid. il abbat les stratagéme les Rois des Cadusiens à faire leuc
.têtes des plus grands pavots de son jardin, paix avec Artaxercés 106.
sens de cette aftion 2; il entre dans Ça- Termes ou bornes des champs, auxquels
oOrt.
bies 236. il fait travailler au temple de Jupi- rend un culte chés les Romainscomme à uns
ter Capitolin 237. il envoye ses fils consulter Divinité 2 1 r«
l'Oracle de Delphes ibid. il quitte le liège TJaais concilie à Alexandre de
mettre le feu aa
-
bateau des ReÍs de Perse dans- la ville dePer.. il entre dans Syracuse après avoir battu Jce-
sepolis 45 tes ibid. maniére dont il regle la République
Thalassio, cri de joie chés les Romains dans de Syracuse 160. il remporte une grande vi-
leurs mariages, san origine 202. âoire contre les Carthaginois 161. bonheuc
Thalestris Reine des Amazones vient voir ^ Ale- de la Sicile sous son Gouvernement 16'2.
xandre 46o, Tilfapherne & Pharnabaze se réuniiîènt pour re.
Thébains, commencementde la guerre entr'euæ sister à Dercillidas Général des Lacédémo.
& les Lacédémoniens 78. les Athéniens leus niens 63.
Ti£Wpherne est défait par Agésilas Roi de Lacé-
envoyent du secours sous la conduite deDe.
mophon ibid. ils font alliance avec les Athé- démone 67. il est arrêté & envoyé à Arta-
mens contre les Lacédémoniens 79. ils rem- xercés Roi de Perse. ibid.
Titrauste est fait Général desPerses à la place de"
portent une victoire sur AgéfilasRoi & Géné.
ral des Lacédémoniens 80. ils remportent TiiTapherne 68. il suscite des ennemisi Agé-
leurs silas dans la Gréce 69.
une viâoire sur les Lacédémoniens &
alliez à Mantinée 86. Titus fils de Tarquin le superbe mene une Colo-
Theognis, Poëte Lyrique 896 nie Romaine à Signie 236.
Théraméne citoyen & Magistrat d'Athènes,
^ sa Titus Latinus se fait porter au Senat pour lui sais -e-
- recit d''un songe mysterieux 278»
mort Titus Tatius Roi des Sabins regneen même tems

,
Thessalie divisons dans. ce. pays, on y envoya
,
Pelopidas. 388.
Thimbron Général de la flotte des Lacédémo-
niens est tuc par Scrute Général de l'armée
d'Artaxercês 74*
à Rome avec Romulus 205. Division qui {i¡r-
vient entr'eux, sa mort, ibid. voyez Tatius
TiepolémeGouverneur dela Carmanie f 42.
Tolumnius Roides Etrusques conseille auxFide-
Thrasibule Athénien chasse les trente Tyrans- que- nates.de tuër les Ambassàdeurs Romains 329.
les Lacédémoniens, avoient établis à Athènes. il déclaré la guerre aux Romains ibid. il est tué
48. il va dans l'Hellespont 74. sa mort ibid.. daus un sécond combat par Cornelius Cossus
Thrafibuleaccède àHiercn Roide.SyracufefoD.; .53°-
frére 1 -4*
Tribuns du peuple, leur prémier établissement
^
il
#

Thucidiae, Historien Grec, sa vie 101. com- 270. leurs offices ibid. il est défendu par une
mande une flotte dans la Thrace, il veut se. loi de les interrompre dans leurs harangues
courir Amphipolis, mais il est prévenu par 274 on permetau peuple d'en choisir dix 3 1 1..
Brafidas & condamné par cette raison à ils obtiennent le droit d'assembler le Senat à
l'exil 17i leur volonté ibid..
Thurium, ville en Italie, sa fondation ^ I2& Tribunat militaire, l'ordre Plébéien y est enfin
Loix de Charondas pourcette ville 127. admis 3415. supprimé pendant quatre ans 376..
Thynion veut s'emparer de la Tyrannie de Sy- Tribuns militaires,au nombre de six qu'on sub-
racuse& fait la guerre à SoGsirate, qui avoit stituë aux Consuls 3 2 6. leur origineibid. com-
les mêmes vues 663* mencement de leur Gouvernement 341. sa
Tibuctins les Romains leur font la guerre 54T- fin 3 S'4. on en choisit six à la place des Con-
,
Timagoras Athénien efl condamné a mort pour. suls 3)).
avoir commis une baflefse auprès d'Artaxer- Trin, prise de cette ville par les Romains 602.
cés Roi de Perse 85> Tullie femme de Tarquin,, Ci cruauté envers
Timoleon est envoyé r Syracuse par les Carin.. son Pére 2'32
thiens contre les Carthaginois iy8- il se Tullas, Hostilius fait la guerre aux FIdénates 216.
dérobe aux. Carthaginois &.entre en Sicile 1 53. il remporte la viâoire 21.7. il sait la guerre
aux
aux Sabins sur lesquels il remporte la
victoire nouveau la guerre. 333. ils sont vaincus pac
21 8. il les oblige à lui demander la paix ibid. Mamercus Æmilius Diâateur ibid. les Ro-
il porte la guerre dans le païs Latin ibid. sa mains leur font la guerre 343-
mort ibid. Ancus Martius lui succéde 219. Veïes, les Romains forment le siége de cette
voyés Hostilius. ville 344. Sergius Tribun militaire esi défait
Tusculans, ils obtiennent du Senat la pardon devant cette place 34)" CamiMeDi&ateurRo- '
de leur défedion & même le droit de Bour- main fait creuser une mine dessous cette ville
geaiGe Romaine 371.. 3jo. elle serend entre ses mains après dix ans
Tusculum, prise de cette ville alliée des Ro- de siége. ibid. partage des richeises de cette
mains par les Eques 307. Fabius la reprend sur ville, la statuë deJunon en est transportée à
eux ïbid. Rome 3 f 1.on envoye la dixme des dépouil-
Tyburtins, les Romains leur font la guerre 3 8 ï. les de cette ville à Apollon de Delphes, ibid. '
Tyr, Alexandre fait le siége de cette ville 422. à
DiviGon Rome au sujet du transportqu*on
il fait travailler à une digue pour la joindre se proposoit de faire d'une partie du Sénat &
au continent 423. on envoyé les femmes &
du peuple dans cette ville 3^4.
les enfans àCarthage 424. lesTyriens enchai- Velitre, on y envoye une Colonie Romaine
nent Apollon & le lient à l'Autel d'Hercule 273. Rome fait la guerre à ceux de cette ville
425. Alexandre s'en rend maitre ibid. elle sè 369r prise de cette ville par Camille Dicta-
rétablit quelques années aprés sa ruine par Ale- teur ~ 378-
xandre 426. Verruge, les Volsques tentent de reprendre cette
VAlerius voyez Marcus ville sur les Romains 342-
Valerius Poplicola &JuniusBrutus prennent Vestales, vierges consacrées au service de la
la résolution de chasser les Tarqe¡ins 236". Déesse Vesta 209. elles se retirent à Ceré k
Valerius Poplicola est créé Consul à la place de l'approche des Gaulois 3î g. Íilpplice d'une
Collatinus 241. il fait démolir sa maison 242. Vénale qui s'étok laissée corrompre zzf.
Valerius &Horatius se declarent contre lesDe- Vestins, les Romains leur font la guerre 17c,
cemvirs32r. il se rend auprés des Rebelles Veturius Consul Romain, bien loin de recevoir
322. les honneurs du triomphe pour avoir vaincu
Valerius Collègue d'Horatius dans le Consulat les Eques, onleconelamnelui&son Collégue
323. il remporte la victoire sur les Eques & les à une amende 314. il est réduit ea esclavage
Volsques 324. il a les honneurs du triomphe pour cause de dettes 61 f.
malgré le Senat ibid. Vibulanus voyez Fabius
Valerius Corvinus remporte la victoire sur un Vi&imes humaines, les Carthaginois en offrent
Gaulois 549. Di&ateur il ramène les Romains plusieurs à Saturne & à Hercule pour les ap-
mécontens à la sounfiffion 598. passer 649.
VasthiEpoufe de Darius Roi de Perse fait unfe- Virginie, jeune fille Romaine que leDe-cemvir
Rin aux Dames de sa Cour 174, elle est re- Appius veut corrompre, son histoire 319.
pudiée 17î. Appius l'ajuge à Claudius comme son enclave
Veïens, ils font la paix avec les Romains 207. ibid. Virginius Ion Pére revient de l'armée
& à quelles conditions ibid. Ancus Martius pour lasoustraire à la honteuse paffiond'Ap-
Roi de Rome leur fait la guerre 220. les Ro- pius 320. il la tuë & se retire ensuite dans le
mains leur déclarent la guerre 28S. 289. ils •
1
camp ibid.
sont réduits à demander la paix auxRomains Virginius est choisi Tribun du peuple 323.
qui leur accordent seulement une trève de VjrginiusTribun militaire est condamné à payer
quaralite ans 294. les Romains leur font de dix mille as pour n'avoir point voulu aller
au sceours rie Sergius son Collégue pousse par la paix aux Romains 352. ils sont défaits
par
les ennemis 346. Camille Di&ateur Romain 363. 365. les Ro-
Vitruvius Vaccus souléve les villes deFondi & mains leur font la guerre 370. ils sont vain-
dePrivernecontre les Romains 56f* cus par Camille Tribun militaire ibid. les Ro-
Volana, ville de la Lucanie dont les Romains mains leur font la guerre sous la conduite des
font le siége 608. deux Manlius Tribuns militaires qui sont dé-
Volero, Tribun du peuple, excite le peuple con- faits 372. les Romains leur sont la guerre
373.
fie le Sénat & les Patriciens 291. ses entrepri- 552.580.
ses ibid. Urbinia, Vestale, dont on punit l'incontinence
Volscius, on découvre sa calomnie à imputer 29j.
un meurtre à Q-L'iDâL's Cæso 307. il est con. Usures,'divi110ns à Rome à ce sujet 615. elles
damné au banninementpour sa calomnie 310.
il en est rappellé par la seule autorité des
sont appaisées par le DictateurHortensius 6.
Antippe Lacédémonien rétablit les affaires
1
Tribuns ibid. des Carthaginois en Afrique 683. il rem.
Volsiniens, ils se declarent avec les Salpinates porte la viâoire sur Regulus qu'il fait prison-
contre Rome 355". les Romains leur font la nier ibid. sa mort tragique 684.
guerre 356. Xenophanes, Auteur dela S«&e Eléatique 93.
Vollinium les affranchis de cette ville s'en reF-l- sa vie & ses maximes ibid.
dent les ,maitres 638. les Romains s'en em- Xenophon, Philosophe, Historien & Général
parent 6 39. il
d'armée, sa vie 102. estchoisi par les Grecs
Volsques, Ancus Martius Roi de Rome leur pour être un de leurs Chess f 7. belle rétraire
sait la guerre 220. les Romains leur font la qu'il leur fait faire devant l'armée d'Artaxer-
guerre 271. ils sont attaqués de la peste273. cés ibid. il paffe les montagnes & le fleuve
ils font la guerre aux Romains sous la con- Centrites & l'Euphrate 58. on l'invite lui &
duite de Coriolan qu'ils choisissent pour leur les fiens à entrer au service des Lacédémo-
Général 280. ils sont vaincus par Sicinius nieras 61.
Cossus Romain 284, les Romains leur decla- Xercés succede à Darius Roi dePerse 184.
lent la guerre 285. ils remportent quelques rjT Acharie, ce Prophéte commence à paroî-
avantages sir, le Consul ÆmiEus286. lesRo- tre 373. Ses prophéties 183.
mains leur font de nouveau la guerre 296. Zaloocus fait des loix pour lesLocriens 129.
i.
297. 300. ils sont vaincus 3o ils sont encore
vaincus par Fabius VibulanusConsul Romain
Zenon d'Elée, sa vie
Zeuxis fameux Peintre, sa vie
n

94.
94.
306. 307. les Romains leur font la guerre Zorobabel ramène les Juifs deBabylone àjeru-
3,24. 32)'. 331. leConsul Semproniusest de- salem 164. il recommence avec le Grand-
iHné à agir contre euæ 335. IcsRomain's leur Prêtre Jesus à travailler au temple du Sei-
sont la guerre 341. 343 348. ils demandent gneur 171.

F 1 N.
PAg. i. Ligne 28. lesaffisîgez; lisezles affiegans. p. 17^.1.43. traittéé; lisez', traittoÍt;
apprend.
p. 6.1. 30. surle camp ; lisez sur le champ, p. 18 6. à III marge apperçoit ; lisez:
p..1.31. en tinrent; lisez ne tinrent. p. 191.1.37. collisa ; lisez : cottifà. '
p. 1Q 1.4t.en envoya; lisez on envoya. p. 202.1. 1 • & 2. concours ; lisez : concours.
p.2,II.1. 3. certaines champêtres; lisez certaines ^
p. I l .1.19. effacez : de la guerre. fêtes champêtres.
p. 17. à la marge parvenu ; lisez prévenu.
p. 19.1. 36. effacez: dans. p. 212. L 1 5. au dedans & sanssedition au dehors;
lisez : au dehors & sans sedition audedans.
p. 21.1.16. rendoient; lisez
rendroient.
p. 21.1.33.il ne les; lisèz:ils ne le p. 218 - 1. dern. l'invocation ; lisez : l'evocatiotfi»
p. 22.1. 8. & il obtint ; lisez : il
obtint. p. 22o.1.4o. Tunaquil; lisez: Tanaquil.
p. 26. s. de change; lisez: le change. p. 231. la marge Aruns son beau frere; lilèz-.
ibid. 1. 9. son champ; lisez: son camp. Aruns son frère.
p. 32.1.14. être favorable; lisez: etre plus fa- p. 243.1. 12. un corps; lisez * au corps.
vorable. ibid.l. 38.cÓllisérent;liiez: cottiséreRt.
p. 3 5.1. 31. mais en firent ; lisez : mais ne firent. p. 247. àlamargtClaudus; lisez : Clausus.
p. 40.1. 2. & s'étant : lisez: s'etant. - p. 2 1 3 . t 1 ^. Crustuméne ; lisez : Ctuftume.
p.45.1. 21. avec des lisez: avec les. p. 2 5 8' L 16. les Latins ; lisez : les Romains. t
p. 54-1-18.fondérent; lisez: fondirent, ibid. 1.45. de Rome ; lisez : de leur pays.
p. ) 8 1. 32.commença; lisez: commence. p. 261 . 1.27. ces deux ; lirez : ses deux.
;
p. 65.1.6>i\ ne peut lisez: il ne put.
p. 66.1.16. etoient ,• lisez: fussent. -
p. 264.1.19. la pleine;/;^: la plaine,
p. 267.1.7. Velites; liJez: Velitres.
p. 68. L 29 quen"avoit; lisez: qui n'avoit p. 27)'.1.2)'.le tribunal ; lisez: tribunat.
p. 87* 1. 39, dans le champ ; lisez : dans le camp. p. 282.1. 26. Volumine; lisezi Volumnie.
il
p. 91.1. 8. consultois; lisez: il conseilloit. p. 286.1. 37. triairies ; lisez : triaires.
p.94.1. 1. bourreaux l'obliger; lisez: bourreaux p. 293.1.13. 16.22. Volsques;/zyë£:Etrusques,
pour l'obliger. - p. 294.1. 3.Serviliusde; lisez Servilius absoû de.
p. 96.1. 32. qu'il avoit; lisez: qu'il l'avoit. p.29f.l. 34. Tribunal -, lisez : Tribunat.
p. 109.Pacoris; lisez: Acoris. p. 306.131. des Volsques : lisez : des Latins.
p. II2- à la marge. Tacos ; lisez : Tachos. p. 312.1. ne fut? Iijrez-. en fut. N

p. 313.1. 39. au champ; lisez : au camp.


p. 119.1.3. lienuë ; lisez: lieue.
p. 122.1. 1. s'affermir ; lisez : s'assurer. :
p. 3if.l. 3 6. il eut; lisez il y eut.
:
p 12î.1. 15. l'arpeta ; lisez: l'arrêta. p. 323. si la marge Tribuns du peuple; ;/(/es De-
p. 126 1.2. firent; lisez : furent. cemvirs.
ibid. 1.42- souterrain; lisez: son terrain, p. 327. 1.31. consormerent; lisez : conformé-
p. 127. 1. 10. Nilon ; lisez : Milon. ment.
p. 13 1. à la marge. Annibal fils; lisez: Annibal p. 331.1. 19.affeéèion; lisez: afiè&ation.
petit-fils. p. 333.l.I3.ra.n 426.Ii.sez: l'an 326.
p. 132-1. 43. s''abHern!r; lisez: s'abstenir. p. 3 37.1. 39. cavalerie; lisez : infanterie.
p. 1 34.1.28. par battre ; lisez : pour battre, p. 340. a la marge : Vesteurs > lisez ; Q_Lieaeurs.
p. 146.1. 22. en dessein ; lisez : eu dessein. p. § S1 • 33. prendre du ; lisez : peindre de.
p. 163.1. 39. osiere; lirez : oind. p. 3)2.1.2). Pentreprise;lisez: l'entremise.
p. 16,.1. 31. assemble; lisez: assemblée. p. 353. à la marge Faleriens; lisez: Romains,
p. 168. 1. 12. Seigneur de Dieu > lisez ; Seigneur ibid. 1. 18. au de la garde; lisez: au dela de la
Dieu. garde.
,
m P.356.
1 * '

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