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ANALYSE

Comment réformer la France ?


Article paru dans l'édition du 05.05.06
une saison d'intervalle, la France a vu la jeunesse des banlieues et celle des universités descendre dans la rue. Comme aurait
dit Sherlock Holmes, le plus significatif est pourtant dans ce qui ne s'est pas produit : la jonction des deux mouvements. A la
différence de Mai 68, où Nanterre avait fini par entraîner Billancourt, les deux jeunesses ne se sont pas rencontrées, sinon
violemment, en fin de manifestation.

Cette séparation est le reflet d'une différence simple. Avoir le même âge n'a pas la même signification lorsqu'on est sans
diplôme à la recherche d'un emploi ou à la fac à la recherche d'un diplôme. Mais elle est aussi le symptôme d'un mal plus
profond : la fragmentation de la société française.

Il est en effet un trait commun à ces deux états de la jeunesse, même s'il ne se prête pas à une conscience commune, qui est
d'être victime d'un même dualisme. Dualisme du marché du travail pour les premiers, dualisme de l'enseignement supérieur
pour les seconds.

Sur le marché du travail, la dualité entre les contrats à durée déterminée (CDD) et les contrats à durée indéterminée (CDI)
laisse les premiers porter seuls le poids de la précarité montante. Dans le domaine universitaire, l'écart entre les universités
et les grandes écoles s'est creusé vertigineusement, laissant les premières affronter seules la démocratisation de l'accès à
l'enseignement supérieur.

Ce dualisme crée des pathologies communes. Sur le marché du travail, nombre d'entreprises préfèrent se séparer d'un
employé en CDD qui ferait pourtant l'affaire plutôt que de le transformer en un CDI au statut plus exigeant.

Dans le domaine universitaire, les facs subissent une dévalorisation de leurs diplômes à laquelle elles font face en pratiquant
un taux d'échec élevé. De la même manière que les firmes avec le CDD, l'université allonge inutilement le temps d'accès à un
diplôme, décourageant au passage les jeunes les moins armés.

On mesure ici les causes de l'échec du contrat première embauche (CPE). Pour la jeunesse sans diplôme qui navigue déjà
entre CDD et stages d'intérim, la mesure ne change pas grand-chose : d'où son indifférence. Pour la jeunesse qui va à la fac, le
CPE l'expose au risque d'un double parcours d'obstacles : d'où sa mobilisation.

Ce qui rend le discours sur la réforme complexe tient au fait que l'autre voie, celle qui consisterait à abolir le dualisme, n'est
guère plus ouverte. C'est celle que proposent les partisans du contrat unique, repris par Nicolas Sarkozy, pour le marché du
travail. Et c'est ce qu'avait essayé Alain Devaquet, en 1986, en voulant permettre aux universités de pratiquer, à l'instar des

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