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SUJET 9
Travail préparatoire :
Question 1 :
Le marché du travail s’est plus largement « fluidifié » en France depuis les années 90. Il y a
d’abord eu un recours plus massif aux politiques de flexibilité quantitative externe avec la
multiplication des emplois précaires en intérim ou les contrats à durée déterminée (CDD). Par
ailleurs, les entreprises ont utilisé les possibilités offertes par la flexibilité quantitative interne
avec l’annualisation du temps de travail sur la base de 35 heures hebdomadaires, ajustables en
fonction des nécessités de l’activité économique. La gestion de la main d’œuvre répond donc
plus à des impératifs de rentabilité à court terme puisqu’il s’agit de fonctionner aussi en flux
tendus au niveau du facteur travail et d’ajuster au plus près l’effectif aux contraintes
productives. Les flux d’entrées et de sorties du marché du travail se sont accélérés avec plus
de fin de contrats précaires ou de CDI quand l’activité ralentit (comme c’est le cas en 2009)
mais aussi plus de recours aux contrats atypiques dans les flux d’entrées du marché du travail.
Question 2 :
La multiplication du recours aux emplois précaires (CDD, intérim, temps partiel) a fragmenté
le marché du travail puisqu’un dualisme certains se développent entre un marché qui
concentre les salaires relativement protégés, bien rémunérés, avec un espoir de promotion
(marché primaire) et ceux qui enchaînent les petits boulots ou qui reviennent fréquemment au
chômage. Ce marché secondaire regroupe les salariés plus précaires, peu rémunérés et peu
diplômés, plus concentrés sur des tâches d’exécution, facilement substituables et qui ont des
contrats de courte durée. L’intégration dans la sphère du travail est plus aléatoire sur ce type
de marché et les projets individuels sont plus contraints par la relative précarité de la situation
professionnelle de ces salariés. Les possibilités de passer du marché secondaire au marché
primaire restent quand même restreintes alors que le déclassement social du marché primaire
vers le marché secondaire est plus d’actualité aujourd’hui.
Question 3 :
Les entreprises mettent en avant depuis longtemps la flexibilité comme un avantage
concurrentiel déterminant : la flexibilité permet d’ajuster le plus finement possible le niveau
de production à celui de la demande en évitant l’utilisation inutile des facteurs travail et
capital. Il s’agit donc de faire varier l’effectif ou les horaires de travail, ce qui permet de
répondre rapidement à la demande en cas de commandes supplémentaires ou d’alléger la
masse salariale en cas de ralentissement conjoncturel. Cela donne alors des marges de
manœuvre supplémentaire à l’entreprise car elle peut limiter les coûts de production et donc
renforcer sa compétitivité prix. Cela lui permet aussi d’ajuster rapidement les délais de
production et d’accroître sa compétitivité hors prix (par exemple en satisfaisant plus
rapidement les clients). Enfin, la flexibilité est perçue comme une nécessité qui « libère les
énergies » et favorise les embauches puisque l’entreprise est plus assurée de pouvoir se
défaire d’une main d’œuvre en excès (fin de CDD ou d’intérim).
Question 4 :
La multiplication des contrats précaires a pour effet d’accroître aujourd’hui la pauvreté
laborieuse. Comme l’a précisé un récent rapport de l’OCDE publié en octobre 2008,
l’accroissement des inégalités est en partie lié au marché du travail. Le nombre de travailleurs
pauvres progresse fortement puisqu’il dépasse les 2 millions de salariés aujourd’hui. Le
nombre de salariés à temps partiel représente 18 % des actifs. Le temps partiel subi est source
de paupérisation des emplois parce que le niveau de revenu est souvent inférieur au seuil de
pauvreté (60 % du revenu médian). Il faut travailler par exemple 30 heures par semaine au
SMIC pour passer au dessus du seuil de pauvreté. Par ailleurs, l’explosion des emplois
temporaires avec un retour fréquent au chômage limite ainsi la durée de cotisation et donc le
paiement des prestations chômage en cas d’absence d’emplois (les salariés s’ouvrent en effet
peu de droits à assurance sociale). Au final, la précarisation de l’emploi limite tout retour
durable sur le marché du travail. Elle fragilise les salariés dont les projets d’insertion dans
l’emploi, dans l’entreprise ou dans la société sont incertains. Elle limite donc les libertés
individuelles et elle contribue à une fragmentation déstabilisante de la société.
Question 5 :
Le premier chiffre en gras dans le document 2 mesure le taux de chômage des moins de 25
ans au Danemark, en 2005. Le taux de chômage représente le nombre de chômeurs par
rapport à la population active. Ici, sur 100 jeunes âgés de moins de 25 ans en 2005 au
Danemark, 8,6 sont au chômage soit 1 sur 12.
Le second chiffre nous montre qu’en Espagne en 2005, 1 salarié sur 3 (34 sur 100) travaillait
sous une forme particulière d’emplois en CDD (contrat à durée déterminée).
Question 6 :
Les résultats sont très inégaux : certains pays ont, comme l’Espagne, un % de salariés
travaillant en CDD élevé (34 %) mais un taux de chômage se situant dans le fourchette haute
(9.2 %). D’autres comme l’Irlande ou le Royaume Uni, ont une faible proportion de salariés
mobilisés dans ce type d’emplois (4 ou 7 %) alors que leur niveau de chômage était faible en
2005 (respectivement 4.3 et 4.7 %). Inversement, les Pays Bas ont un niveau de salariés
atypiques (embauchés en CDD) élevé (16 %) mais un niveau de chômage faible et la Suède ,
un taux de salariés embauchés en CDD du même ordre (17 %) mais avec un taux de chômage
plus élevé (7.8 %). Il n’y a donc pas de corrélation évidente et automatique.
Question 7 :
Le modèle danois repose sur le principe de la « flexisécurité » : il s’agit de renforcer la
flexibilité du marché du travail en permettant plus de créations d’emplois et plus de possibilité
de se licencier les salariés en surnuméraires. Il faut également renforcer la sécurisation
financière des chômeurs en les indemnisant plus généreusement. Il faut enfin favoriser une
recherche active d’emploi et une politique de formation professionnelle et de suivi des
chômeurs. Le Danemark a profité d’un ralentissement démographique marqué et d’une baisse
de la population en âge de travailler. De même, une politique publique active en matière de
relance budgétaire et monétaire a permis par la baisse des taux d’intérêt et par la hausse de
l’investissement public, d’enclencher un mécanisme de soutien de la croissance par le
multiplicateur keynésien. D’autres facteurs plus complexes que la vision simpliste du lien
entre flexibilité de l’emploi et chômage, expliquent donc la baisse du chômage dans ce pays.
Question de synthèse
La recherche de flexibilité est une approche qui est valorisée par l’analyse libérale. Nous
préciserons les modalités possibles pour accroître la flexibilité et les fondements théoriques de
cette approche. Nous en apprécierons enfin la pertinence.
Les différents rapports de l‘OCDE ont depuis les années 80/90 toujours mis en avant cette
nécessité de flexibiliser le travail. Les principes suivants étaient alors avancés : il s’agissait
d’accroître la fluidité du fonctionnement du marché en permettant un recours plus facile aux
emplois atypiques (c'est-à-dire qui ne sont pas des CDI à temps complet) et en éliminant les
obstacles à. la libre gestion des salariés. Il convenait également d’accroître la flexibilité des
salaires en les liant plus à la productivité marginale de chacun ou une évaluation individuelles
des salariés. Enfin, il s’agissait de réformer l’indemnisation du chômage qui peut porter
atteinte au bon fonctionnement du marché du travail en désincitant les salariés à rechercher un
emploi.
Les tenants de ces analyses appuient leur argumentation sur certains succès quantitatifs
observables, dans certains pays. Le document 2 montre par exemple qu’au Pays Bas, les
emplois à temps partiel (24 % des hommes et 75 % des femmes) ou les CDD (16 %des actifs)
occupent une part importante de la population (respectivement et que le taux de chômage est
plus faible, y compris pour les jeunes (respectivement 4,8 et 8,2 %). De plus, les pays anglo-
saxons comme l’Angleterre, l’Irlande ou les EU connaissent-ils des taux de chômage plus
faible que la moyenne.
D’autre pays comme la France ont connu une amélioration de leur niveau de chômage avec un
enrichissement du contenu de leur croissance en emplois. Le nombre d’emplois atypiques se
développe. Ils permettent une progression des taux d’emplois (population active
occupée/population en âge de travailler) puisque notre pays avait un taux d'emploi de 62,3%
en 2005. Ce niveau a progressé pour s'établir à 65,1% en mars 2008, avec pour corollaire, un
ralentissement des gains de productivité depuis les années 90. La création d’emplois non
qualifiés a progressé plus rapidement que celle des emplois qualifiés depuis le milieu des
années 90, plus particulièrement dans les services à la personne.
Enfin, la flexibilité peut présenter des effets favorables de la flexibilité sur la nature des
emplois. Les nouvelles formes d’organisation du travail (NFOT) largement inspirées du
toyotisme et souvent qualifiées de néo-taylorisme ont introduit dans le monde du travail une
recherche de flexibilité fonctionnelle et de polyvalence qui concourt à faire progresser
l’autonomie des salariés. Ceux-ci voient leur fonction s’enrichir, ils ne sont plus comme dans
le taylorisme une simple extension de la machine répétant indéfiniment les mêmes gestes de
base et ils sont moins soumis au contrôle tatillon de la hiérarchie conformément au principe
de l’autonomation. Il est ainsi demandé aux salariés de faire preuve d’initiative, de procéder
eux-mêmes aux réglages et de résoudre les problèmes à chaque fois que c’est possible.
Conséquence logique, les NFOT favorisent l’élévation du niveau de qualification des emplois
et de formation des salariés. Puisque les tâches à réaliser sont plus complexes et plus
diversifiées, l’emploi ouvrier évolue favorablement avec un enrichissement du contenu du
travail et un regain d’intérêt pour le salarié.
Les effets favorables de la flexibilité sur l’emploi étant ainsi établis sur le plan théorique et
parfois empirique. Il convient néanmoins de nuancer ce point de vue en montrant aussi les
divergences théoriques qui subsistent et les faiblesses sociales de ce modèle.
Le modèle de flexibilité peut apporter des solutions au problème du chômage mais les
résultats restent aléatoires et largement fonction de mesures de politiques économiques
périphériques ou de circonstances propres à chaque pays : certains pays ont, comme
l’Espagne, un % de salariés travaillant en CDD élevé (34 %) mais un taux de chômage se
situant dans le fourchette haute (9.2 %). D’autres comme l’Irlande ou le Royaume Uni, ont
une faible proportion de salariés mobilisés dans ce type d’emplois (4 ou 7 %) alors que leur
niveau de chômage était faible en 2005 (respectivement 4.3 et 4.7 %). Inversement, les Pays
Bas ont un niveau de salariés atypiques (embauchés en CDD) élevé (16 %) mais un niveau de
chômage faible et la Suède , un taux de salariés embauchés en CDD du même ordre (17 %)
mais avec un taux de chômage plus élevé (7.8 %). Il n’y a donc pas de corrélation évidente et
automatique.
Par ailleurs, le modèle de flexisécurité promu au Danemark est unanimement vanté
aujourd’hui mais il apparaît que certaines conditions spécifiques à ce pays en expliquent le
succès. Ce modèle propose de renforcer la flexibilité du marché du travail en permettant plus
de créations d’emplois et plus de possibilité de se licencier les salariés en surnuméraires. Mais
il assure en échange, la sécurisation financière des chômeurs en les indemnisant plus
généreusement. Il s’agit de favoriser une recherche active d’emploi et une politique de
formation professionnelle et de suivi des chômeurs. Le succès de ce pays s’explique parce
qu’il a profité d’un ralentissement démographique marqué et d’une baisse de la population en
âge de travailler. De même, une politique publique active en matière de relance budgétaire et
monétaire a permis par la baisse des taux d’intérêt et par la hausse de l’investissement public,
d’enclencher un mécanisme de soutien de la croissance par le multiplicateur keynésien.
D’autres facteurs plus complexes que la vision simpliste du lien entre flexibilité de l’emploi et
chômage, expliquent donc la baisse du chômage dans ce pays. De même, les politiques mises
en place partout dans le monde depuis la crise financière de la fin 2008 s’appuie-t-elle sur des
plans de relance très importants au niveau budgétaire et monétaire, qui remettent plus à
l’ordre du jour, comme seul élément de sortie de crise salutaire, les préceptes keynésiens.
B – Des effets socio-économiques dévastateurs
Agir sur le coût du travail représente des risques économiques et sociaux qu’il convient de ne
pas négliger. Tout d’abord, le salaire est certes un coût pour les entreprises mais il représente
aussi un revenu pour l’économie. La répartition de la valeur ajoutée a évolué en 25 ans
puisque la part des salaires a fortement décru. Le ralentissement de la consommation actuel
peut aussi s’expliquer par un déficit de pouvoir d’achat qui limite la demande effective. Les
anticipations des entrepreneurs sont donc négatives et ces derniers limitent de fait la
production et l’emploi.
La généralisation des flux d’emplois précaires (flux entrants et sortants) entraîne une
dégradation de la condition salariale, des conditions de travail, de la couverture sociale et le
développement de la pauvreté laborieuse. Le nombre de travailleurs pauvres progresse
fortement puisqu’il dépasse les 2 millions de salariés aujourd’hui. Il y a 18 % des actifs qui
travaillent à temps partiel, notamment subi. Ce dernier est source de paupérisation des
emplois parce que le niveau de revenu est souvent inférieur au seuil de pauvreté (60 % du
revenu médian). L’explosion des emplois temporaires avec un retour fréquent au chômage
limite ainsi la durée de cotisation et donc le paiement des prestations chômage en cas
d’absence d’emplois (les salariés s’ouvrent en effet peu de droits à assurance sociale). Au
final, la précarisation de l’emploi limite tout retour durable sur le marché du travail.
Enfin, le recours aux emplois précaires (CDD, intérim, temps partiel) a fragmenté le marché
du travail puisqu’un dualisme certains se développent entre un marché qui concentre les
salaires relativement protégés, bien rémunérés, avec un espoir de promotion (marché
primaire) et ceux qui enchaînent les petits boulots ou qui reviennent fréquemment au
chômage. Ce marché secondaire regroupe les salariés plus précaires, peu rémunérés et peu
diplômés, plus concentrés sur des tâches d’exécution, facilement substituables et qui ont des
contrats de courte durée. L’intégration dans la sphère du travail est plus aléatoire sur ce type
de marché. Elle fragilise les salariés dont les projets d’insertion dans l’emploi, dans
l’entreprise ou dans la société sont incertains. Elle limite donc les libertés individuelles et elle
contribue à une fragmentation déstabilisante de la société.
Le débat sur la flexibilité, vif dans les années 90/début 2000, est moins porteur aujourd’hui.
L’OCDE a reconnu récemment que « l’accroissement des inégalités était en partie lié au
marché du travail ». Les pays du nord de l’Europe obtiennent d’aussi bonnes performances
que les pays anglo-saxons en matière d’emploi avec des systèmes de protection sociale qui
réduisent les inégalités et l’exclusion. Enfin, cet organisme reconnaît que des politiques
fiscales et sociales redistributives et le développement des services publics sont des moyens
appropriés pour combattre les inégalités et générer de la croissance et de l’emploi.
L’emploi par sa dimension économique et sociale est largement plus qu’un coût et qu’une
variable d’ajustement. Il recouvre à la fois des destins individuels et collectifs et il est source
de maux multiples avec une intensification certaine du travail. Il est à craindre que la crise
profonde qui affecte l’économie mondiale depuis la fin 2008 ait des incidences durables sur le
facteur travail.