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Séquence 3 L’art

Nous arrivons à présent dans notre dernière séquence relative au problème de la


définition de l’homme.
Après avoir envisagé que l’homme pouvait être défini par la possession d’une
conscience et d’un Inconscient, que son existence s’écoulait dans un temps qu’il
mesurait et qui structurait sa vie, après avoir aperçu son rapport particulier à la
nature, notamment à travers l’étude philosophique du travail et de la technique,
nous n’avons pas pour autant épuisé le propre de l’homme.
En effet, ce dernier est également un être qui parle, qui crée des œuvres
artistiques et qui se représente la possibilité d’un ou de plusieurs dieux auxquels
il peut croire.
Séquence 3 L’art
Aussi, dans un premier temps nous constaterons que si l’art est partout autour
de nous et que nous n’y sommes pas insensibles, c’est peut-être aussi parce qu’il
existe une relation fondamentale entre l’homme et l’activité artistique.
Vous allez notamment découvrir ici que c’est justement au moment où l’homme
commence à produire des œuvres d’art qu’il devient tout à fait un homme dans
l’histoire de son évolution.
L’art est donc l’un de symboles les plus forts de l’humanité, une humanité qui ne
se conçoit pas sans création artistique et sans plaisir esthétique.
Séquence 3 L’art
Ensuite, il conviendra d’envisager la notion de langage, autre propriété
caractéristique de l’homme.
Si nous sommes les seuls êtres doués de parole, cette dernière est-elle un outil
remarquable de l’humanité, ou bien se pourrait-il que le langage ne soit qu’un
instrument mal adapté à la pensée ?
Ce qui peut nous caractériser en tant qu’espèce (l’art de parler) serait-il
également une faiblesse, un obstacle pour l’homme?
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Enfin, au même titre que l’art, nous interrogerons cette autre dimension de la culture
propre aux hommes qu’est la religion.
Si la religion intéresse la philosophie depuis sa naissance, c’est sans doute parce
qu’elle fait partie intégrante de l’existence des hommes depuis toujours. Les
peintures rupestres de la préhistoire témoigneraient déjà, selon les paléontologues,
de croyances de nature religieuse. Si bien qu’on peut avancer l’idée selon laquelle la
religion serait apparue en même temps que l’humanité, elle serait alors une autre
caractéristique essentielle de l’homme. On peut s’interroger alors sur la possibilité
d’une origine commune, d’une structure universelle qui vaudrait pour toutes les
religions qui se sont développées au furet à mesure du temps, et qui permettrait de
faire le lien entre toutes ces religions. Découvrir ce point commun nous permettrait
peut-être de cerner avec précision ce qu’est, profondément, La religion.
Peut-on d’ailleurs parler de la religion ou y a-t-il autant de religions que de cultures ?
La religion est-elle seulement le produit de la culture ?
Séquence 3 L’art
Du latin ars et du grec technè, l'art désigne à la fois la technique au sens de
savoir-fa ire (médical, culinaire, etc.) et l'art au sens des productions artistiques
et des beaux-arts. Les deux acceptions du mot ont un point commun :
l'importance des règles. L'artisan comme le musicien devra su ivre certaines
règles pour créer l‘œuvre désirée.
L'art comme production artistique est lié à la recherche du beau. Il s'affranchit de
l'utile et d'une finalité, contrairement à la technique, et vise seulement le
sentiment esthétique du sujet face à l‘œuvre. Mais le beau recherché est difficile
à définir, est-il objectif ou subjectif, propre à l'objet ou au sujet? Selon Kant, «est
beau ce qui plait universellement sans concept», autrement dit , chacun peut
trouver belle une œuvre à partir du moment où il la perçoit avec
des sensations et non avec sa raison.
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Citation:

« L'art [ ... ] est générateur de perfection, [ ... ] de divinisation de /'existence. »


Friedrich Nietzsche
«L'art est contemplation des choses, indépendante du principe de raison».
Arthur Schopenhauer
«Dans l ‘œuvre, c'est la vérité qui est à l’œuvre, et non pas seulement quelque
chose de vrai. »
Martin Heidegger
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Les premiers outils utilisés remontent à -2,6 à -2,3 millions d’années, les premiers
objets « artistiques » découverts remontent à une période de 40000, période du
« paléolithique supérieur » où l’homme prend sa forme finale d’humanoïde :
l’« homo sapiens sapiens », forme définitive que va prendre l’humanité, dans la
forme actuelle où l’homme est. Il semble que cette période se caractérise par
une augmentation et une complexification des capacités psychologiques, qui se
manifeste notamment dans l’apparition de représentations artistiques.
En quoi consiste cette « rupture », qui fait passer l’homme d’un fabriquant
d’outils à un créateur de formes artistiques ?
Age de la pierre taillée
Séquence 3 L’art
Cette étape supplémentaire n’est pas sans évoquer le « stade du miroir » des
psychanalystes, pour lesquels la découverte par l’enfant de sa propre image dans
le miroir (et il est des miroirs naturels, comme la surface de l’eau) est un moment
constitutif de la formation de sa personnalité.
En matérialisant son image, la sienne propre ou celle d’un autre être, réel ou
imaginaire, l’artiste utilise, comme dans le langage, un support pour ses
représentations mentales et prend ainsi du recul par rapport à elles.
Jean Paul Demoule, Naissance de la figure, Paris, Folio, 2007, p. 48
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Séquence 3 L’art
En quoi les objets ci-dessus sont-ils des matérialisations de l’image que l’homme
se fait de lui-même ?
Par la représentation des formes « artistiques », l’homme montre qu’il n’est plus
seulement préoccupé par la satisfaction de ses besoins. Il donne corps à ses
idées, et particulièrement à la manière dont il se pense, se représente lui-même.
La comparaison avec le « stade du miroir » (se reconnaître dans un reflet) renvoie
à la dimension consciente de ce processus. L’on peut remarquer que la Vénus de
Lespugue n’est pas une copie exacte d’un corps féminin, mais qu’elle désigne
plutôt la « féminité » de manière symbolique (pas de visage, attributs féminins
exacerbés). L’on quitte alors le domaine de l’utile pour entrer dans celui du «
symbolique », ce qui suppose de transformer le réel pour y ajouter des éléments
qui ne sont pas présents dans la perception quotidienne.
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Il est difficile d’affirmer, en l’état de nos connaissances, que les hommes
préhistoriques avaient assurément pour but de faire de l’art au sens où nous
l’entendons aujourd’hui.
En l’absence de traces écrites, cela reste du domaine de l’hypothèse : il se
pourrait que ces représentations aient d’abord eu une fonction religieuse ou
rituelle.

Symbolique:
Le symbolique coïncide avec l’usage de symboles. Un symbole est un signe (une figure, une
chose, un être) qui représente une idée, un concept, un signe qui est son image ou son
emblème.
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Artiste et artisan:
Différences : objet fabriqué en usine / objet d’art
— L’objet fabriqué en usine se distingue de l’œuvre d’art sur plusieurs points. Il y
a là une divergence quant au monde de production de l’objet, et quant à sa
valeur esthétique : le premier est fabriqué en série , et ne mobilise pas
l’intelligence ou l’imagination ; le second est unique , et implique des facultés
créatrices.
— On peut cependant soulever un problème : certains objets semblent à mi-
chemin entre l’art et la technique: l’histoire de la Tour Eiffel qui n’était au départ
qu’une prouesse d’ingénieur le montre, ou encore les objets sur lesquels travaille
le designer(Philippe Starck en France), et qui doivent être à la fois beaux et utiles.
Séquence 3 L’art
Il reste à dire en quoi l'artiste diffère de l'artisan. Toutes les fois que l'idée précède et règle
l'exécution, c'est industrie. Et encore est-il vrai que l' œuvre souvent, même dans l'industrie,
redresse l'idée en ce sens que l'artisan trouve mieux qu'il n'avait pensé dès qu'il essaye ; en
cela il est artiste, mais par éclairs. Toujours est-il que la représentation d'une idée dans une
chose, je dis même d'une idée bien définie comme le dessin d'une maison, est une œuvre
mécanique seulement, en ce sens qu'une machine bien réglée d'abord ferait l' œuvre à mille
exemplaires.
Pensons maintenant au travail du peintre de portrait ; il est clair qu'il ne peut avoir le projet
de toutes les couleurs qu'il emploiera à l' œuvre qu'il commence ; l'idée lui vient à mesure qu'il
fait ; il serait même rigoureux de dire que l'idée lui vient ensuite, comme au spectateur, et qu'il
est spectateur aussi de son œuvre en train de naître. Et c'est là le propre de l'artiste. Il faut que
le génie ait la grâce de la nature et s'étonne lui-même. Un beau vers n'est pas d'abord un
projet, et ensuite fait ; mais il se montre beau au poète ; et la belle statue se montre belle au
sculpteur à mesure qu'il l'a fait ; et le portrait naît sous le pinceau. (...) Ainsi la règle du beau
n'apparaît que dans l' œuvre et y reste prise, en sorte qu'elle ne peut servir jamais, d'aucune
manière, à faire une autre œuvre.   Alain, Système des beaux-arts (1920)
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1) Expliquer l'affirmation : "toutes les fois que l'idée précède et règle l'exécution, c'est
industrie (l.1-2). Donnez un exemple illustrant cette affirmation d'Alain.
2) Pour quelle raison l'artisan est-il artiste seulement "par éclairs" ?
3) Qu'est-ce qui caractérise une "œuvre mécanique" ?
4) Sur quels arguments est construite l'opposition entre l'artisan et le peintre de portrait ?
5) Expliquez la dernière phrase. Pour quelle raison "la règle du beau" ne peut-elle jamais
servir "à faire une autre œuvre" ?
Réflexion :
6) Les termes "artisan" et "artiste" ont une origine commune. Laquelle ? Quelle différence
essentielle faites-vous entre un artiste et un artisan ?
7) Les règles et méthodes propres à tout art (peinture, photographie, musique, etc.) sont-
elles nécessaires ? Que permettent-elles d'apprendre ? Suffit-il de les appliquer pour être un
artiste ?
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Eléments de réponses :
1) Alain explique dans ce texte en quoi consiste la différence entre l'art et l'artisanat.
"Toutes les fois que l'idée précède et règle l'exécution, c'est industrie..." : l'artiste,
comme l'artisan créent tous les deux des "objets ou, comme le dit plus poétiquement
Heidegger, les "portent à l'éclat du paraître". Dans La Poétique (poétique, poème,
viennent d'un mot grec qui signifie "créer"), le philosophe grec Aristote distingue
quatre genres de causes.
Prenons l'exemple d'une coupe en argent : la matière dont la coupe est faite, l'argent,
Aristote la nomme la "cause matérielle" de la coupe, la forme que l'artisan donne à la
coupe est sa "cause formelle", le travail de l'artisan est la "cause efficiente" de la coupe
; la "cause finale", enfin, désigne l'usage auquel la coupe est destinée, par exemple
faire des libations.
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La culture grecque, cependant ne faisait aucune distinction entre l'artiste et l'artisan. Cette
distinction n'apparaît qu'au XVIIIème siècle, sous la plume de d'Alembert. Dans
L'Encyclopédie, d'Alembert distingue les "beaux-arts" de l'artisanat et des techniques sous le
rapport de l'utilité : les œuvres d'art, contrairement aux objets techniques n'ont aucune utilité.
Alain reprend la distinction de d'Alembert entre l'art et l'artisanat (l'industrie), mais fonde
cette distinction non pas sur l'utilité, mais sur la correspondance plus ou moins grande entre
l'objet et sa "cause formelle" : quand l'objet est conforme à l'idée qui lui préexiste, il relève de
l'artisanat (et de l'industrie), quand le créateur ne sait pas exactement ce qu'il va faire, il s'agit
d'un objet d'art.
Prenons l'exemple d'un menuisier qui construit un meuble. Le menuisier a une idée préalable
du meuble qu'il veut faire. Il fait un dessin du meuble, accompagné de mesures précises qui
détermineront ses dimensions, puis il se met au travail et construit un meuble en s'éloignant
aussi peu que possible de son projet.
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2) L'objet que produit l'artisan correspond à un projet, il est conforme à sa "cause formelle". Il
peut arriver cependant que l'artisan, au cours de la réalisation de son œuvre change d'idée et
"trouve mieux" que ce qu'il avait projeté au départ. Il va alors modifier son projet initial. Mais
cette modification opérée par l'artisan est exceptionnelle. L'artisan est artiste, mais seulement
"par éclairs", c'est-à-dire par moments et pas constamment.

3) Une "œuvre mécanique" pour Alain est la "représentation d'une idée bien définie dans une
chose" ; Alain prend l'exemple d'un plan d'architecte, du dessin d'une maison. La maison est
"pensée" dans ses moindres détails : le nombre d'étages, la superficie, la disposition des
pièces, le style architectural... Une œuvre mécanique est une oeuvre qui correspond
totalement à sa cause formelle.
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Selon Alain, "une machine bien réglée d'abord ferait l'oeuvre à mille exemplaires" ; sa
caractéristique essentielle est d'être reproductible sans que l'on puisse distinguer "l'original"
des "copies" qui sont absolument semblables. Un objet d'art ne peut pas être reproduit, il
peut seulement être copié et dans ce cas, on distingue l'original de la copie ; l'objet d'art est
unique.

Note :
Andy Warhol et sa "factory" (ouverte en 1964) a changé cette vision de l'art comme
production d'un objet unique. Les sérigraphies de Warhol (par exemple le portrait de Maryline
Monroe) sont produites en séries et rien ne distingue la copie de "l'original".
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4) L'artiste se distingue de l'artisan, selon Alain, par le fait que l'idée chez l'artisan précède
l'exécution, alors qu'elle vient à l'artiste à mesure qu'il fait. Il peut arriver que l'artisan trouve
mieux que ce qu'il avait prévu au départ, mais c'est par accident. L'artiste, le peintre de portrait
par exemple, n'a pas le projet de toutes les couleurs qu'il emploiera quand il commence son
œuvre. Il emploie telle ou telle couleur au fur et à mesure qu'il exécute le portrait, selon
"l'inspiration"... Il n'a pas d'abord l'idée de ce qu'il va faire, "il est spectateur de son œuvre en
train de naître" ; l'artiste, dit Alain "a la grâce de la nature", sa "poïésis" (sa manière de faire)
est comparable à celle de la nature (Phusis en grec) qui ne fait pas de calculs.

5) La règle qui a présidé à une œuvre d'art reste prise dans cette œuvre et ne peut servir à faire
une autre œuvre. En d'autres termes, l'artisanat relève, en règle général, de l'application d'un
"procédé", alors que l'art relève de l'invention et du génie. Selon Alain, "un beau vers se montre
beau au poète", une belle statue se montre belle au sculpteur à mesure qu'il la fait", "le portrait
naît sous le pinceau"... L'artisan est "satisfait" que son œuvre corresponde à son projet, l'artiste
est "surpris" par son œuvre. La règle du beau qui se trouve prise dans cette œuvre ne peut pas
servir à faire une autre œuvre, elle ne peut servir qu'une seule fois, sinon l'artiste ne serait pas
"surpris", il ne serait que "satisfait".
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6) Le terme art (ars - qui a donné "artifex", artisan, en latin - traduit le mot grec techné)
désigne aussi bien la technique, le savoir-faire, que la création artistique, la recherche du beau.
Il s'oppose à la science, en tant que savoir théorique, à la pratique aveugle et à la routine.
L'artisanat ne doit pas être opposé de façon rigide à la création artistique car il est loin de se
réduire à la répétition d'un geste sans réflexion.
L'art, cependant, s'affranchit de l'utile et d'une fin déterminée à l'avance.

7) Les règles et méthodes propres à tout art sont nécessaires. Par exemple, pour être
musicien, il vaut mieux connaître le solfège (il y a quelques exceptions notables parmi les
musiciens de jazz), un photographe doit connaître les caractéristiques techniques de son
appareil, apprendre à régler la vitesse et la focale, savoir développer lui-même ses clichés, un
peintre doit connaître la théorie des couleurs, un poète les différentes figures de style, les
possibilités musicales de l’allitération et de l'assonance et avoir lu d'autres poètes.
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Ces savoirs, règles et techniques permettent d'acquérir culture et habileté ; elles sont
nécessaires, mais elles ne sont pas suffisantes car l'art véritable commence là où s'arrête la
technique et le savoir. L'habileté technique est la limite supérieure de l'artisanat et la limite
inférieure des beaux-arts.
La beauté offre une impression de complétude, de totalité, de liberté, sans qu'une idée puisse
justifier ce sentiment. L'artiste susceptible de produire cette beauté possède le génie, qui est,
selon Kant, plus que le simple talent, il est ce qui donne des règles à l'art, ce qui crée des
formes susceptibles d'être imitées, sans se référer, par principe, à quelque chose de réel et de
déjà existant.
Une œuvre se référant visiblement à un modèle ou faite selon des règles laborieusement
appliquées, sera dite "académique" et pourra susciter de l'agrément, sans plus.
L'art véritable rivalise avec la nature ("il faut que le génie ait la grâce de la nature et s'étonne
lui-même"), non seulement par son pouvoir de création, mais parce que ses créations, comme
le spectacle de la nature, peuvent procurer une véritable émotion esthétique.

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