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Écrire

Écrire sur quoi? La vie ? Rien de nouveau à redire, car rien n’a changé depuis
l’an 1. Non, rien n’a vraiment changé. Des mondes se créent, se perfectionnent,
puis se détruisent. Le monde suivant repart de rien et se demande comment les
peuples précédents ont bien pu réussir à créer ce qui reste de la dernière
catastrophe, car ce Nouveau Monde ne se perfectionne pas dans la même direction.
Puis, un jour, au sommet du perfectionnement, ce monde-là aussi en vient à
s’autodétruire et ainsi de suite jusqu’à aujourd’hui.

On en est arrivé, nous également, à des sommets de perfectionnement qu’on aurait


cru, il y a quelques années à peine, issues de séries de science-fiction. Et à
quoi cela nous sert-il? À créer encore une fois des armes de destruction si
puissantes que, très bientôt, encore une fois, ce monde sera détruit.

On s’évertue à nous dire que tout peut changer. Qu’on doit changer le monde. Que
le monde doit changer. Que nous devons changer. Changer quoi? Changer comment? Et
changer pourquoi? Et peut-on vraiment y changer quelque chose?

Pour la paix qu’on nous dit. Mais des périodes de paix, d’accalmie, de trêve, il y
en a toujours eu. Et toujours par la suite, il y a eu destruction.

À quoi ça rime cet éternel recommencement? C’est un jeu? Y-a-t-il quelqu’un là-
haut qui joue avec nous comme nous le faisions enfant, nous amusant avec nos
figurines d’Indiens et de cow-boys? Ne nous manipule-t-on pas tel de vulgaires
marionnettes? Si cela était le cas, à quoi cela nous sert-il d’essayer d’y changer
quoi que ce soit? Le Grand Maître du Jeu aura le dernier mot. Il l’a fera sa
guerre. Comment nous, avec nos voix d’insectes face à ce géant invisible
pourrions-nous le faire changer d’idée? Et pourquoi? Avons-nous seulement voix au
chapitre?

Et s’ils étaient plusieurs Maîtres du Jeu? Si, tout comme un jeu vidéo, ils
choisissaient une époque, des équipes et créeraient leur monde, l’organiseraient,
et ensuite, les feraient s’affronter. Le gagnant pourrait ensuite choisir sa
prochaine équipe, qui elle, aurait un développement différent, une guerre
différente. Nos périodes de trêve ne sont-elles en fait que leur période de pause-
café, nos étapes d’accalmie que leur heure de dîner, et nos cycles de paix et
d’avancement, pour eux ne seraient-ils en fait qu’heures de sommeil? Et ensuite
que le jeu reprenne jusqu’à la grande victoire!

Qu’en ferions-nous de ce monde s’il nous était redonné? Mieux? Vraiment? Comment?
Pouvons-nous oser croire que nous pourrions réussir à créer ce monde magique de
paix auquel chaque individu aspire? Quand tant de générations de tous les siècles
et de toutes les civilisations en ont rêvé mais n’y sont jamais parvenu. Si Le
Grand Maître du Jeu se désintéressait de nous, pourrions-nous survivre par nous-
mêmes? Où est-ce justement quand Il s’en désintéresse que tout est détruit?

Ne sommes-nous en réalité que des acteurs jouant éternellement la même pièce dont
on ne changerait en fait que les costumes et les accessoires à chaque
représentation? Et qui éternellement, avec de plus en plus d’improvisations, en
viendrait à faire croire à son public, que c’est une nouvelle pièce, sur fond
connu et sécurisant, qui pourrait éventuellement avoir une fin tout aussi
inattendue que surprenante. Mais dans ce cas-là, qui sont les spectateurs? Et qui
donc est l’auteur de cette représentation burlesque?

Y aurait-il d’autres mondes qui, par des moyens dont nous ne soupçonnons même pas
l’existence, nous regarderaient jouer cette comédie et applaudiraient devant tant
de bêtises? Peut-être même nous huent-ils? Et le metteur en scène, qu’en pense-t-
il? Nous trouve-t-il à la hauteur? Comment a-t-il distribué les rôles? Le scénario
laisse à désirer. Les rôles ne sont pas bien définis. Personne ne sait vraiment
quoi jouer et surtout comment le jouer. Ils nous semblent bien parfois entendre
des applaudissements, mais si peu fréquents qu’on croirait que la pièce ennuie
plus qu’elle ne détend? Est-ce lui qui décide d’en changer la distribution pour
voir si les prochains acteurs joueront mieux? Ou encore est-ce le but de nous
laisser libre de nous extérioriser afin de vérifier jusqu’où nous pourrions aller.
N’est-il donc qu’observateur en bout de ligne? Prend-il des notes pour la
prochaine séance? Séance qui pourrait se dérouler dans un ailleurs dont nous ne
soupçonnons même pas l’existence.

Et si on arrêtait. Qu’arriverait-il si on décidait de ne plus être ces jouets? Si


on faisait la grève de la comédie, que se passerait-il? Serions-nous aussitôt
remplacés? Ou réussirions-nous à le déstabiliser? Pourrait-il entrer dans une
folle rage et nous anéantir sur le champ? Non, nous ne sommes vraiment pas dans
une situation enviable. Quel que soit notre action, nous serons éliminés à plus ou
moins brève échéance. Si, au moins, on savait à quoi rime cette chorégraphie. Y a-
t-il un but précis à tout ça? Depuis le tout début des temps que ça se perpétue de
générations en générations, de siècles en siècles, il doit bien y avoir une
raison.

Pourquoi ne peut-on être mis au courant de ce manège? Qu’en résulterait-il si nous


saurions? Notre intelligence est-elle à si bas niveau comparée à la leur que nous
ne pourrions en comprendre la complexité? Et si, tout à fait par hasard, quelqu’un
réussissait à démystifier le tout, que se passerait-il? Le jeu s’arrêterait pour
toujours? On retournerait au néant? Ou, dès lors, ce participant serait éliminé,
si ce n’est toute l’équipe qui serait remplacée? Et on recommence!

Je ne veux pas faire partie d’un jeu dont je ne connais pas les règles. J’exige
qu’on m’informe. Je veux savoir le pourquoi et surtout le comment. J’en ai marre
d’errer. De quel droit se sert-on de moi comme d’un vulgaire instrument? Je
revendique ma possibilité de choisir ou non de participer à cette mimologie. Est-
il mieux de savoir ou d’ignorer? Quelle horreur se cache derrière ce jeu macabre
pour qu’on nous laisse ainsi dans l’ignorance? Et si je décide d’abandonner, est-
ce vraiment moi qui arrête, ou si c’est le Maître du jeu qui décide de
m’immobiliser?

Rien ne peut mettre un frein à cette roue éternelle? Tant d’autres générations
après moi se verront donc contraints de jouer aussi ce machiavélique jeu? Et, de
plus, dans l’ignorance la plus totale. Qui donc saura découvrir la solution, le
but ultime de ce funeste amusement? Quelles en seront les conséquences?

Diane Vanier 2007

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