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1

La Ronde
de
Arthur Schnitzler

Avec

Claudie Caro et Benjamin Feitelson

Adaptation et Mise en scène

Gérard Foucher

Contact: lightblueproductions@orange.fr

© Copyright Gérard Foucher 2009


2

I. LA FILLE DE JOIE ET L'AMBULANCIER

Elle fait les cent pas en attendant le client.


Il entre, vêtu d'une blouse blanche. Il passe dans un sens, la regardant à
peine, et ressort...
Il revient quelques instants plus tard. Il est en train d'ouvrir un paquet de
cigarettes neuf.
Il sort une cigarette qu'il porte à sa bouche pour l'allumer.

ELLE
Tu viens, beau blond ?

Il se retourne et la regarde, puis reprend sa marche sans répondre.


Elle le rappelle.
ELLE
Tu veux pas venir ?

LUI
C'est moi le beau blond ?...

ELLE
Qui veux-tu que ce soit ?... J'habite tout près... Viens
te réchauffer... Le printemps est frais en ce moment.

LUI
J'ai pas le temps... j'ai un malade qui m'attend.

ELLE
T'es docteur ?

© Copyright Gérard Foucher 2009


3

LUI
Non, ambulancier.
ELLE
C'est déjà pas mal.

LUI
Il doit passer une radio, et dès qu'il a fini, je le
raccompagne chez lui.

ELLE
Il en a peut-être pour longtemps.
Il la regarde sans bouger.
ELLE
Allez viens... je t'emmène.

LUI
Laisse, j'ai pas d'argent.

ELLE
Mais je n'ai pas besoin d'argent.
LUI
T'as pas besoin d'argent ? T'es la fille à Rothschild ?
ELLE
Non, mais c'est les touristes qui casquent. Pour les
gars comme toi, c'est gratuit.
LUI
Gratuit ?
ELLE
Oui.

LUI
Ça doit être toi dont Michel m'a parlé.

© Copyright Gérard Foucher 2009


4

ELLE
Je connais pas de Michel.
LUI
Mais si, rappelle-toi, au Notre-Dame, le bistrot en face
des urgences... Tu l'as emmené chez toi.
ELLE
Oh ben, j'en ai ramassé plus d'un au Notre-Dame.
LUI
Allez on y va, mais en vitesse.
ELLE
Ah t'es pressé maintenant que c'est à l'oeil...
Embrasse-moi quand même... c'est meilleur avec un
peu de tendresse.
LUI
Allez, allez...
ELLE
Ça fait longtemps que t'es ambulancier ?
LUI
Je ne vais pas te raconter ma vie maintenant, non ?...
C'est loin chez toi ?

ELLE
Oh, c'est à dix minutes en marchant bien.
LUI
Tu m'as dit tout près !
ELLE
Mais c'est pas loin quand on se plaît.
LUI
Tu me plais bien mais c'est loin quand même.

© Copyright Gérard Foucher 2009


5

ELLE
On n'a qu'à prendre ton ambulance !

LUI
T'es folle, c'est pas possible, je suis pas assuré pour
les passagers...

ELLE
On se met sur la civière !

LUI
Allez tant pis, ce sera pour une autre fois.

Il tourne les talons.


ELLE
Prends au moins mon téléphone !
LUI
Oui c'est ça, donne-moi ton numéro.

Il sort son portable de sa poche et se prépare à entrer le numéro. Elle dicte.


ELLE
Zéro six... Oh et puis non, tu m'appelleras pas.

Un temps.
ELLE
Écoute... puisque c'est trop loin chez moi, viens par
là...

Elle le prend par la main et l'entraîne vers les quais.


LUI
T'en connais, des drôles de trucs.

Ils arrivent à un escalier qui descend vers le fleuve.


ELLE
On sera tranquille, il passe jamais personne...

© Copyright Gérard Foucher 2009


6

LUI
Où est-ce qu'on est ?
ELLE
T'inquiète.
LUI
Ça me plaît pas trop, par ici.
ELLE
Moi ça me plaît partout.
LUI
Qu'est-ce qu'on perd comme temps !
ELLE
Attention à la flotte !... Y'a pas pied par ici... c'est le
coin des suicidés.
LUI
T'es une petite marrante, toi dis-donc !
ELLE
On va trouver un banc, là-bas.
LUI
On n'a pas besoin d'un banc. On n'est pas à
Versailles.

Il la plaque contre un mur.


ELLE
Le compte à rebours. Le premier baiser...

LUI
Allez, on n'est pas là pour discuter.

ELLE
C'est un homme comme toi qu'il me faudrait.

© Copyright Gérard Foucher 2009


7

LUI
Je suis trop possessif, ça marcherait pas.

ELLE
Tu crois ça ?
LUI
J'aime pas partager.

ELLE
Je suis prête à tout, tu sais...

Il la prend sauvagement.

FONDU AU NOIR.

Il est en train de refermer son pantalon.


Elle se rajuste, se frotte l'arrière de la tête.
ELLE
On aurait été mieux chez moi, quand même.

LUI
Bof, tu sais, contre un mur, sur une civière, dans un lit,
c'est kif-kif bourricot tout ça. Bon allez, salut. Faut que
j'y aille.

Il commence à partir.
ELLE
Mais cavale pas comme ça !...

Elle attend quelque chose...


Il revient vers elle, l'embrasse tendrement.
LUI
Je t'ai dit, j'ai du taf, moi.

© Copyright Gérard Foucher 2009


8

Il s'éloigne.
ELLE
Dis-moi au moins comment tu t'appelles.

LUI
Qu'est-ce que ça changerait ?

ELLE
Moi c'est Cassiopée.

LUI
Cassiopée, comme les étoiles.
ELLE
Oui.
LUI
Ben dis-donc.

ELLE
T'as pas une cigarette au moins, pour se dire au
revoir ?

Il lui donne deux ou trois cigarettes.


Elle le regarde un instant, avec un mélange de doute et de tendresse.
ELLE
À la prochaine ?

LUI
Ouais, peut-être à la prochaine.

Il part. Elle reste là.

NOIR

© Copyright Gérard Foucher 2009

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