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LA METHODE ONIROMANTIQUE DE BLAISE L'ATHENIEN Parmi les traités d’oniromancie que j'ai publiés dans mes Aneedota Atheniensia', il en est un qui mérile particulitrement, en raison de son originalité, de retenir l'attention : c'est celui de Blaise I’'Athénien. La personnalité de Blaise ne nous est pas connue, que je sache, par d'autres documents : nous ne savons donc & quelle époque remonte cet opuscule, que nous a conservé un manuscrit du sidcle dernier; mais il est & coup sir postérieur a l'époque byzantine proprement dite. Il est écrit en un méchant mélange de langue savante et de parler vulgaire dans lequel Vauteur ne parvient pas toujours & exprimer clairement sa pensée. Liouvrage s’ouvre par une déclaration emphatique ot Blaise défend l'art oniromantique contre l’accusation de charlatanerie ct proteste de la pureté de ses intentions. Ge n’est pas une vaine curiosité qui le pousse a étudier la signification des songes : il veut surtout donner au lecteur des conseils qui lui permettront de déjouer les complots diaboliques, de profiter des faveurs du sort et de détourner de sa téte les malheurs que les réves annon- cent. Aprés avoir passé en revue tous les songes possibles, l'au- 1, Paris, Champion, 1927, pages 184 & 204, 116 A. DELATTE. teur termine son traité par une nouvelle apologie de l'oniro- mancie. Il ajoute une recommandation pressante de vigilance & Végard des avertissements donnés par les réves et quelques conseils & l'adresse des interprétes des songes. Si le songe est compliqué, il ne faut en retenir que trois ou six éléments. Il faut se garder d’expliquer! un songe le mardi, le jeudi, le samedi, « quand les astres se lévent ». Cette prescription a un caractére netlement astrologique. On comprend pourquoi les jours de Mars et de Saturne, astres défavorables, sont condamnés; mais on ne voit pas pour quelle raison le jour de Jupiter est impliqué dans cette condamnation’. S'il y avait cependant, ajoute Blaise, absolue nécessité, on pourrait, méme ces jours-la, interpréter les songes; mais il faudrait alors commencer par donner un soufflet au consultant. Le soufMlet a sans doute pour effet de conjurer le mauvais sort’. L’auteur a observé un certain ordre dans la répartition des matigres. Il passe en revue d’abord les réves qui ont pour objet les animaux : quadrupédes, reptiles, oiseaux, poissons et autres bates aquatiques; puis ceux qui se rapportent aux phénoménes atmosphériques (une lacune de deux feuillets dépare Popuscule en cet endroit). A partir de 1a, le plan paralt assez confus : les gestes, les situations, les actions, les parties du corps humain, les plantes, les personnages et objets sacrés, les vétements, les instruments, etc., se mélent en un désordre inexplicable. La méthode oniroscopique (examen de l'objet du réve) est assez variable. Tantt l'auteur se borne & mentionner la vision de Vétre qui est objet du réve, tantdt il distingue les diverses qua- 1. Les termes employés pour désigner linterprétation sont B:22se, Bexdvanss. 2, Zeus est le dieu de la divination par excellence. On pourra voir dans les Anecdola, pp. 47, 26, 581, 4, 589, 32, 590, 5, comment Ie jour du jeudi est re commandé pour une opération divinatoire. 3. Voir Sittl, Die Geberden der Gr. und Rom., p. 125, note. LA METHODE ONIROMANTIQUE. 7 lités qu'il peut avoir quand il se présente & esprit du dormeur, ou encore les actions et les situations dans lesquelles il se mani- feste. Par exemple, la vision d'un chat symbolise la compagnie d'un traitre, quelles que soient les qualités ou les actions qui lui sont attribuées. Mais un lion peut vous emporter comme une proie ou vivre familitrement avec vous; vous pouvez l’avoir vaincu, capturé ou chassé, ou au contraire étre poursuivi par lui; vous pouvez encore le voir dérobant I'un on l'autre de vos biens. Autant d'actions et de situations, autant de symboles et d'avertissements différents. On sait que les livres des songes de l'antiquité et de I’époque byzantine (Artémidore, Achmes, ete.), attribuent au méme réve des significations qui varient avec la situation, l'état de fortune, le métier, lage, la condition d’état civil, etc. du réveur. Rien de de tel chez Blaise. A vrai dire, en quatre endroits (185, 10; 191, 2h 88.; 196, 21; 201, 30), il distingue l'état de célibataire de celui de personne mariée; mais cette distinction est justifiée par le caractére particulier du réve. En un seul endroit (192, 9), la condition d’artisan est l'objet d'une observation particuligre. Si le réve se répéte, il acquiert une valeur prémonitoire supé- rieure et l'abondance des biens ou des maux qu'il annonce cst en rapport avec sa fréquence (200, 20; 202, 7 et 27). Notons en- core que le réve ne vise pas toujours celui qui en est favorisé, mais peut annoncer un événement qui surviendra & d'autres (187, 28; 192, 21; 193, 13; 196, 4; 197, 25). IL existe d’ailleurs, comme nous le verrons plus loin, des moyens de détourner sur d'autres personnes la menace d'un réve funeste. L'interprétation des songes imaginée par Blaise ne peut étre ramenée & un principe unique. La plupart du temps, elle repose sur une sorte de symbolisme naturel qui est commun & toute Vhumani Vagneau est le symbole de la paix, la tourterelle de la pureté, le chat de la traitrise, le chien de la flatterie, le loup de la méchanceté, les cheveux de l’embarras, etc. D’autres fois, le

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