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Mélina FRANGIADAKIS Théorie des Relations Internationales

4RI1 23/10/2007

LA THEMATIQUE DE LA LUTTE ANTI-TERRORISTE


DANS « CULTURES & CONFLITS » DEPUIS LES ATTENTATS DU 11 SEPTEMBRE

Cultures & Conflits est une revue trimestrielle française de sociologie politique de
l’international. Elle rend compte des choix épistémologiques du Centre d’Etudes sur les
Conflits (association loi 1901 dont le but est l’analyse des différentes expressions de la
conflictualité : guerres, répression d’Etat, guérilla, terrorisme mais aussi domination culturelle
etc.) depuis sa création en 1990. Le Rédacteur en Chef de Cultures & Conflits n’est autre que
Didier Bigo, également Directeur de ce Centre. La revue est co-éditée par le Centre d’Etudes
sur les Conflits et l’Harmattan ; elle est soutenue par la Commission Européenne et diverses
institutions publiques (CNRS, Centre National du Livre, Ministère de la Défense) et lue dans
le monde entier grâce à son site Internet www.conflits.org qui donne accès à l’intégralité des
articles publiés.
Les auteurs, des chercheurs de toutes nationalités aux domaines de spécialités très variés,
concentrent chaque numéro autour d’une problématique précise relative donc à la
conflictualité dans son spectre le plus large. Or depuis les attentats du 11 septembre 2001, la
thématique de la sécurité en Europe et aux Etats-Unis est très largement prédominante dans
les choix éditoriaux du comité de rédaction et c’est pour cela qu’il m’a semblé intéressant
d’analyser, sur ces six dernières années, le traitement de ce sujet.
Cultures & Conflits parvient-elle vraiment à apporter un regard renouvelé sur la politique de
lutte anti-terroriste?

En dépit de l’apparente homogénéité dans le traitement de chaque dossier relatif à cette


question (la méthode semble être la même d’un numéro à l’autre : on retrouve certains auteurs
sur toute la période, évidemment les mêmes rubriques, la même ligne éditoriale qui vise à
« pointer l’ordinaire de l’exceptionnel » etc.), deux phases se dessinent quand on se penche
en détail sur les analyses publiées :

I) 2001-2003 : Une approche plutôt euro-centrée de la lutte anti-terroriste

On distingue donc une première phase dans le traitement de ce sujet, plutôt euro-centrée.
1) En effet, dès le n°44 (qui est celui qui suit les attentats du 11 septembre), les analyses qui
se veulent assez généralistes autour de la notion de terrorisme comme en témoigne le titre de
ce numéro (Défense et identités : un contexte sécuritaire global ?), s’inscrivent finalement
dans une optique assez européenne.
En effet, il suffit, pour faire ce constat, d’observer les questions abordées au fil du numéro :
- analyse du terrorisme, définition
- quelles mesures sont prises aux USA ? (Patriot Act…)
- en fin de numéro : comment y résisterons-nous ? quel sera l’impact du 11
septembre sur la politique étrangère de l’UE ? (Cf. Article de Frédéric Charillon)
Je ne crois pas au hasard de l’ordre de publication des articles…

2) Par la suite, les titres parlent d’eux-mêmes :


N°45/46 : Bilan de la sécurité européenne : Là, l’approche euro-centrée ne fait plus de doute,
notamment avec un très long texte de Pierre Berthelet portant sur le mécanisme de lutte anti-
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4RI1 23/10/2007
terroriste à l’échelle européenne et analysant le renforcement de l’action extérieure de l’UE en
la matière.
N°48 : coopération policière européenne
N°49/50 (2003): La mise à l’écart des étrangers : la logique du Visa Shenghen
Alors qu’on était dans une approche clairement descriptive jusqu’alors des moyens de lutte
contre le terrorisme, ce double numéro amorce une critique. Article de Didier Bigo et Elspeth
Guild : « Dans certains pays européens, il y a une tendance à une exagération des « dangers »
et des « risques » qui viendraient de l’étranger. » => on est toujours dans un cadre européen
de réflexion, mais sur le fond, transformation du discours, qui se poursuivra dans les n°
suivants.

Transition :
N°51 : Facettes de l’(in)sécurité.
Au travers d’articles très divers, les auteurs aboutissent à une « théorisation de l’insécurisation
comme processus social et politique » et c’est là qu’on assiste à un véritable tournant dans le
fond de la réflexion puisqu’on ne va plus se positionner dans une perspective strictement
politique mais plutôt sociologique. On sort de ce cadre politique, on sort de ce cadre
européen et on adopte une démarche plus critique, moins descriptive dans le traitement
de cette question sécuritaire.

II) Depuis 2004 : Une approche globale, mais thématique : l’équilibre sécurité / liberté

On a beau retrouver les mêmes auteurs dans ces numéros plus récents, le fond de leurs articles
a nettement changé :
1) sur les thèmes : on ne s’interroge plus spécialement sur les moyens de l’UE dans la lutte
contre le terrorisme, mais on pose une nouvelle question, un nouvel enjeu : celui des libertés
publiques. Problématiques les plus significatives :
N°53 : Surveillance politique : regards croisés
N°58 : Suspicion et exception
N°61 : Anti-terrorisme et société
N°64 : Identifier et surveiller : les technologies de la sécurité
exemple : Anastassia Tsoukala s’interroge sur la banalisation des mesures d’exception et la
modification de la notion de liberté dans les démocraties actuelles, etc.

2) sur le ton adopté :


Il est beaucoup plus offensif, à l’image d’une mise en garde : « La peur n’a jamais été
favorable à la Liberté. […]Lorsque sécurité et liberté sont susceptibles d’entrer en conflit, ce
n’est pas la liberté qui l’emporte. » (Edito ! Emmanuel-Pierre Guittet et Miriam Perier)
Questionnement ouvert sur la légitimité des mesures dans un cadre démocratique de
promotion des droits fondamentaux.
Plus critique à l’égard de la façon dont la lutte contre le terrorisme est menée.

Conclusion : La revue est très actuelle. Elle est abordable, et quand on va dans le détail des
articles, les argumentaires précis des uns et des autres entrent en résonnance et on a
l’impression que les experts nous emmènent avec eux dans les débats qui les animent
aujourd’hui. La confrontation de travaux d’historiens, de politistes, de sociologues permet aux
auteurs de traiter les sujets de façon complète et la continuité du propos et des postulats des
auteurs aux lecteurs d’adopter une vue d’ensemble et un regard critique sur les sujets traités.

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