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Mercredi 10 Décembre 2008

Jean-Louis Borloo : « Des mesures nouvelles sont en cours


de préparation... »
Un an jour pour jour après l'apparition du bonus-malus, le ministre de l'Environnement fait le
point sur une mesure qui a profondément modifié le marché de la voiture neuve, et qui montre
que le gouvernement ne s'attendait pas à ce que les Français répondent présent dès
l'entérinement du système. En exclusivité, le ministre nous a dévoilé des mesures de son futur
plan.

L'argus Avant d'entrer dans le vif du sujet, que


pensez-vous de la crise que traverse l'industrie
automobile ? Que faire ?
Jean-Louis Borloo. Le marché automobile mondial connaît
depuis quelques mois un net ralentissement et la France n'est
pas épargnée. Il s'agit d'un enjeu économique et social majeur
dans la mesure où l'industrie automobile emploie près de 2,5
millions de salariés en France et représente environ 10 % de la
population active. En effet, à côté des grands constructeurs,
notre pays compte de nombreux sous-traitants et
équipementiers qui souffrent durement de la crise actuelle.

La France milite, au niveau européen, pour un plan de relance


de l'automobile. Elle entend soutenir ses constructeurs pour les
aider à commercialiser le plus rapidement possible des véhicules
faiblement consommateurs, qui sont les véhicules d'avenir.
Ainsi, l'Etat investira près de 400 millions d'euros sur trois ans
en faveur de la recherche sur ces nouveaux modèles. De plus,
nous allons étendre le bénéfice du bonus de 5000 euros sur les
véhicules émettant moins de 60g de CO2 par kilomètre aux
véhicules utilitaires légers. L'Etat procédera enfin à un vaste
renouvellement de son parc automobile dès 2009 afin de
remplacer ses véhicules âgés de plus de dix ans par des modèles toujours plus performants sur le plan
énergétique.
L'objectif est d'atteindre le plus rapidement possible le seuil de 100 000 véhicules électriques en circulation,
afin que les constructeurs français soient les plus compétitifs sur ce segment clef de la bataille économique
de demain. La France soutiendra le secteur automobile qui est au cœur de son tissu industriel. Des mesures
nouvelles sont en cours de préparation, en concertation avec les constructeurs et je crois que nous allons
trouver une solution à la mesure de la crise.

Voilà un an que le dispositif existe : considérez-vous qu'il soit un succès ?


Le bonus écologique est un vrai succès et le marché de l'automobile est en train de changer de
physionomie. Ainsi, les ventes de véhicules éligibles au bonus - émettant au maximum 130 g de CO2/km -
ont progressé de 50% tandis que les ventes de ceux assujettis au malus - émettant plus de 160 g CO2/km
- ont baissé de 40 %. Les modèles de voiture susceptibles de bénéficier du bonus écologique représentent
désormais plus de 43% des ventes de véhicules contre 30% seulement en 2007 et les émissions moyennes
de CO2 des modèles neufs ont baissé en France de 9 g par km, contre seulement 1,5 g par an jusqu'ici. Au
total, à la fin de l'année 2008, nous aurons distribué près d'un million de bonus écologiques d'un montant
compris entre 200 et 2 000 €. Nous avons donc un dispositif très incitatif et qui offre une « double prime »
au consommateur : les véhicules les moins chers en consommation d'essence sont également de moins en
moins chers à l'achat... que du bonus pour le pouvoir d'achat des Français !

Le marché du véhicule neuf a considérablement changé de visage depuis un an. Vous


attendiez-vous à une réaction aussi rapide ?
Honnêtement, non, et pour une raison simple : le bonus écologique est la première expérimentation «
grandeur nature » de prix écologique sur un produit spécifique. L'objectif est donc atteint : grâce à ce «
signal prix », les consommateurs ont modifié leur comportement en profondeur et les industriels proposent
déjà des véhicules toujours plus sobres en carburant et en carbone, prenant ainsi plusieurs longueurs
d'avance sur l'évolution du marché. Et puis, c'est, pour les Français, des voitures plus propres, moins
consommatrices de carburant, et moins chères.

Les ventes de 4 x 4 plongent, celles des voitures à gros moteur à essence aussi. Faut-il s'en
réjouir ?
La bonne nouvelle, c'est que grâce au bonus, les constructeurs français ont pu anticiper sur les évolutions
inéluctables du marché automobile. En effet, avec la hausse continue des prix du pétrole et la volonté de
lutter contre le changement climatique, les consommateurs recherchaient déjà des véhicules moins
gourmands en carburant. Cependant, il manquait un « signal » pour les aider à passer à l'acte. De ce point
de vue, le bonus écologique a surtout été le révélateur et l'accélérateur d'une mutation bien plus profonde,
que l'on observe d'ailleurs dans tous les pays du monde et pas seulement en Europe.

Bien des reproches ont été faits au bonus-malus. On l'accuse, entre autres, de ne se focaliser que
sur les émissions de CO2 et de favoriser de fait les moteurs diesels... qui émettent des particules.
Ne croyez-vous pas qu'il s'agit là d'un paradoxe à étudier ?
Le dispositif du bonus écologique permet d'agir à la fois sur le niveau des émissions de CO2 et sur celui des
particules. En effet, nous savons que les émissions de particules sont surtout produites par les véhicules
les plus anciens, ceux qui ont été mis sur le marché au début des années 90, c'est-à-dire avant l'entrée en
vigueur des normes Euro. C'est la raison pour laquelle, nous avons prévu un « superbonus écologique » de
300 euros pour les particuliers et les entreprises qui achètent un véhicule propre et qui mettent à la casse
un modèle agé de plus de quinze ans.

De plus, les normes applicables aux véhicules vendus en France, qu'ils fonctionnent au diesel ou à l'essence,

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sont fixées au niveau communautaire depuis le début des années 90. Les études montrent que les
Etats-Unis et le Japon ont adopté très tôt des normes extrêmement contraignantes. L'Union européenne,
quant à elle, est justement en train de rattraper son retard : entre la première norme dite « Euro 1 »
adoptée le 1er janvier 1993 et la norme « Euro 5 », la limite d'émission de particules a été divisée par trente
! Nous disposerons dans quelques mois de l'une des règlementations parmi les plus efficaces au monde.

Le marché du véhicule neuf en Europe s'avère calamiteux : chute de 40 % en Espagne, en


octobre, guère mieux en Italie... La France a-t-elle été placée sous perfusion par le bonus/malus ?
Même si le bonus écologique a eu un effet très positif sur les ventes de véhicules les moins polluants, je ne
crois pas qu'on puisse parler de « perfusion ». D'abord, je rappelle que le bonus écologique n'est pas une «
mesure voiture », mais une « mesure écologique ». Son objectif prioritaire est d'adresser un signal prix clair
aux producteurs et aux consommateurs. De plus, le dispositif du « bonus écologique » qui découle
directement des conclusions du Grenelle Environnement, a été mis en place presque un an avant la crise
financière. Il a certainement contribué, et c'est tant mieux, à soutenir le marché automobile français mais
son but est surtout de modifier les comportements en profondeur, dans la durée, et d'accompagner une
demande des consommateurs.

Les organisations professionnelles, CNPA* en tête, réclament une prime à la casse plus incitative
que le superbonus, en cas de mise au rencart d'un véhicule de plus de 15 ans. Ne serait-ce pas là
un bon moyen d'assainir le parc en circulation ?
L'expérience a montré qu'une prime à la casse trop élevée avait parfois pour conséquence de désorganiser
le marché automobile. En effet, le risque est que les ventes augmentent brutalement à court terme puis
qu'elles s'effondrent ensuite une fois que le dispositif prend fin. De plus, avec le bonus écologique, nous
voulons centrer notre action sur le type de véhicule qui intègre le parc automobile afin que cellui-ci soit le
plus sobre en carbone possible : c'est en effet primordial puisqu'une nouvelle voiture reste en moyenne
près de 15 ans en circulation. S'agissant de la demande formulée par le CNPA, c'est une décision
gouvernementale et je ne souhaite pas donner publiquement mon opinion.

L'annualisation du malus a été sur toutes les lèvres cet été. Est-il toujours d'actualité ? Combien
rapporterait une telle mesure à l'Etat ?
Oui, bien sûr. Comme vous le savez, les conclusions finales du Grenelle Environnement prévoyaient
l'annualisation du malus. Cette mesure concernera uniquement les véhicules neufs immatriculés pour la
première fois à compter du 1er janvier 2009 et émettant plus de 250 g de CO2 par km, soit trois ou quatre
fois plus que les autres. Ces véhicules représentent à l'heure actuelle moins de 1% du marché. Le montant
sera de 160 euros : on se situe donc toujours dans une logique de « signal prix » et d'orientation des
comportements.

Censé s'équilibrer seul, le bonus-malus est déficitaire depuis le premier jour. Si les projections se
confirment, l'Etat devrait en être de sa poche à hauteur de 258 millions d'euros pour 2008.
Comment faire pour équilibrer le système ? Verra-t-on des aménagements dès 2009 ?
Je vous rappelle que le dispositif a clairement vocation à s'équilibrer à long terme. Il n'y a donc aucune
raison de modifier les règles du jeu. Je rappelle que depuis le début de l'expérimentation, nous avons
proposé aux industriels et aux consommateurs, un calendrier précis jusqu'au 31 décembre 2012. Les seuils
déclenchant le bonus et le malus seront abaissés de 5 g de CO2 tous les deux ans afin d'inciter les
fabricants à proposer des véhicules toujours plus performants sur le plan énergétique. En revanche, nous
réfléchissons à des adaptations du malus à l'acquisition. Cela concerne par exemple les véhicules « flex-fuel
» pour lesquels le Président de la République a souhaité une exonération et non une réduction du malus,
ainsi que les familles nombreuses ou les familles comprenant une personne handicapée se déplaçant en
fauteuil roulant.

Les sénateurs ont censuré toutes les initiatives en direction des véhicules familiaux ou des
voitures à E85. Y-a-t-il aussi une lutte d'influence à mener entre pro-écologie et pro-finances
publiques ?
Absolument pas ! Nous sommes tous d'accord, Gouvernement, députés et sénateurs, sur l'objectif à
atteindre : adapter le bonus écologique dans un sens plus favorable aux familles nombreuses. Le premier
dispositif proposé lors des débats à l'Assemblée Nationale est apparu à certains, trop complexe et peu
lisible. Nous travaillons donc en étroite collaboration avec les parlementaires sur d'autres pistes pour faciliter
la vie des consommateurs et notamment des familles nombreuses. Je rappelle qu'il existe déjà plusieurs
modèles de véhicules à sept places sans malus.

Le bonus écologique a-t-il vocation à disparaître à terme ?


Nous avions prévu dès le départ, une extinction du bonus écologique au 31 décembre 2012, suivant un
calendrier précis. Si nous continuons à ce rythme, le parc automobile français sera d'ici là l'un des moins
consommateurs et l'un des plus sobres en carbone d'Europe et du monde. »

Propos recueillis par Arnaud Murati


© L'argus de l'automobile. Tous droits de reproduction réservés

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