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Valérie CABANES

D.E.S.U. de Juriste internationaliste de terrain


Année 2001-2002

EPIDEMIOLOGIE JURIDIQUE DE CRISE

NEPAL

« Pourquoi la « Guerre du Peuple » ? »

Université Aix-Marseille III


Faculté de Droit et de Science Politique
Laboratoire de Droit Humanitaire et de Gestion humaine des crises
INTRODUCTION

Choix méthodologique

L’épidémiologie juridique est habituellement un outil de prévention de crise, élément incontournable d’un système d’alerte.
Pour autant, sa méthodologie tendant à démontrer une logique de crise par l’analyse comparative d’indicateurs peut tout aussi bien être exploitée pour
comprendre une crise, pour en trouver les facteurs déclenchant et ainsi mieux orienter les choix d’actions aidant à la résolution du conflit.

Précisément, en recherchant au sein même d’un Etat dit de Droit toutes les incohérences du système : inadéquations entre sa Constitution, son Droit positif et
ses engagements internationaux en matière de droits de l’homme, inadéquations entre son Droit interne et sa réalité sociale, non-application de ses lois, non-
respect de principes démocratiques, ainsi que tous facteurs aggravants touchant à sa gouvernance tels que corruption, gestion inefficace des ressources,
mauvaise redistribution des richesses, il est possible de comprendre la teneur du terreau d’une crise et d’agir sur ses racines plutôt que sur ses symptômes.

De façon, somme toute, peu académique, l’analyse d’une crise par le biais d’un cadre logique permet d’avoir une lecture simplifiée et éclairante des raisons
du conflit. Ainsi, nous nous bornerons dans cette étude à un travail sous forme de tableau dit « cadre logique » reprenant un maximum de données
suffisamment pertinentes et mises en perspective pour parler d’elles-mêmes. Il n’y aura donc pas de partie rédigée qui aurait pris le risque de paraphraser
l’analyse en tableau.

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Choix d’étude

Le Népal, petite monarchie perchée sur le flan des montagnes himalayennes, a fait longtemps figure de paradis paisible pour les touristes occidentaux.
Pourtant le Népal est un des pays les plus pauvres du monde représentant le 172 ème PIB mondial sur 191 et classé en termes de développement humain 144ème.
Sa culture Hindou associée à un système monarchique a maintenu pendant des siècles le pouvoir aux mains des élites de caste supérieure, les brahmans, sous
la directive de la famille royale.

Une révolution populaire eut lieu en 1990 demandant au Roi de dissoudre le régime Panchayat en place (à parti unique) et d’instituer une démocratie dans le
pays afin que les népalais, dans leur diversité, puissent être représentés au sein du pouvoir et que les richesses du pays puissent être redistribuées entre tous.

Une Constitution, de type britannique, fut alors élaborée et adoptée en 1991. Elle devint le symbole de tous les espoirs. Malheureusement, deux orientations
principales prises dès la genèse du nouveau système minèrent progressivement toutes possibilités d’évolution démocratique et économique du pays. Le
système de castes fut institutionnalisé par le droit constitutionnel, et ce dernier ne reconnaît pas non plus d’égalité culturelle entre les citoyens. Le pouvoir
resta donc aux mains des élites hindoues qui de surcroît ont tôt fait d’orienter leurs choix politiques et leurs pratiques en fonction de leurs intérêts personnels.

Les indicateurs socio-économiques tendant à le démontrer, le peuple se sentit bafoué dans ses espérances et ses droits. Ainsi naquit « le mouvement du
peuple » d’inspiration maoïste devenue, faute de négociations possibles, la « guerre du peuple » dès 1996.

Cette lutte entre la guérilla maoïste et le pouvoir a fait à l’heure actuelle près de 5000 morts. L’Etat d’Urgence a été décrété successivement en novembre
2001 et en Mai 2002, ouvrant la porte à de multiples violations des droits de l’homme des deux parts et à la dissolution de l’Assemblée Nationale. En
Octobre 2002, la reprise du pouvoir exécutif par le Roi lui-même, a ré institué une forme de dictature en renvoyant sine die toutes élections législatives et en
nommant un Premier Ministre régent de l’ancien système Panchayat, pro-monarchique et non-démocratique. Le résultat est l’inverse totale de ce que
revendiquait le Peuple.

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LOGIQUE DU CONFLIT

Indicateurs comparés
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Droit et la
Société
I/ En Droit - Adhésion à la Charte Constitution Art 26 (15) : La politique Présence d’Organisations Plusieurs rapports d’Ecosoc, du Haut
étrangère du Népal doit être guidée par internationales : AsDB, CCC, CP, ESCAP, Commissariat aux droits de l’homme, du
International des Nations Unies en
les principes de la Charte des Nations FAO, G-77, IBRD, ICAO, ICFTU, ICRM, BIT, de l’UNICEF, de la Banque Mondiale
des relations 1949 : « Nepal is a
Unies. IDA, IFAD, IFC, IFRCS, ILO, IMF, IMO, mettant en garde concernant le respect des
sovereign Independent
interétatiques State ».
Intelsat, Interpol, IOC, ISO, ITU, MONUC, droits de l’homme et des principes
NAM, OPCW, SAARC, UN, UNCTAD, démocratiques et de bonne gouvernance.
Constitution Art 26 (16) : L’Etat doit UNESCO, UNFICYP, UNIDO, UNIFIL,
institutionnaliser la Paix pour le Népal UNMEE, UNMIBH, UNMIK, UNMOP, Rapports d’Amnesty International, de
- Admission ONU (1955) :
par une reconnaissance internationale, UNMOT, UNTAET, UPU, WFTU, WHO, Human Rights Watch : Continuité, après le
FAO (1951); UNESCO (1952); OMS
en promouvant de bonnes relations de WIPO, WMO, WToO, WTrO . régime Panchayat, des violations des droits
(1953)
coopération […] avec tous les autres de l’homme avec aggravation depuis 1996.
pays du monde. Présence du HCR : Assistance à 100 000
réfugiés bouthanais et 20000 tibétains
- Adhésion à la Banque mondiale
en exil.
et au FMI (1961).
Programmes de l’UNICEF, du PNUD, du
- Adhésion à l’ « Economic
BIT, du PAM, de l’UNESCO, l’OMS, Rapport de USAID sur la bonne
Council for Asia and the Far
l’UNIFEM. gouvernance : Pas de transparence, de
East » (1954), au SAARC (1985)
responsabilité, de prévisibilité et de
Programmes financés par USAID, participation.
Europaid.
Dénommé « Rapti factor » : prise de
- Non adhérent de l’OSCE
Aide économique du « Nepal Aid conscience des populations des possibilités
Group » : Asian Development Bank, de développement, région Rapti : berceau
UNDP, World Bank (IBRD), IMF, USA, du mouvement maoïste.
Canada, France, Germany, The United
Kingdoms, Japan, Austria, Australia and
Switzerland. Ne peut être jugé devant la CIJ si
Ne reconnaît pas la compétence de la contestation internationale.
- Non adhérent à la CIJ
Cour

Suspicion actuelle de crimes de guerre


- Non adhérent à la CPI
A retardé sine die la signature du statut
de Rome depuis la déclaration d’Etat
d’Urgence

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Indicateurs comparés
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Droit et la
Société
- Accords bilatéraux : Pays dépendant de ses voisins
Pas d’indices d’implication chinoise dans la
Népal/Chine : 8 accords d’amitié En particulier avec la Chine et l’Inde « guerre du Peuple » maoïste
ou de commerce Camps d’entraînement des maoïstes en
entre 1956 et 1966 Nepal : zone duty free pour l’Inde. Etat tampon entre la Chine et l’Inde Inde en zones tribales.
Népal/Inde : 7 accords entre 1950
et 1971 d’amitié ou de commerce Influence économique et politique
dont 1 d’extradition. Indienne forte. Contrôle diplomatique
permanent(doit informer dans l’heure
l’Inde de toute tractation avec la Chine). Aucune proposition de médiation dans la
Représentation diplomatique 20 Ambassades étrangères au Népal crise pour l’instant.
dans 15 pays : +
14 Consulats étrangers au Népal
Australie 15/01/1960 Non réciprocité diplomatique
Autriche 15/08/1959
Belgique 1963 Rapport de la Commission des droits de
Bhutan 1983 l’homme du département d’Etat américain :
Canada 18/01/1965 Violations concernant le respect de
RP de Chine 1955 l’intégrité des personnes, des libertés
France 20/04/1949 civiques, des droits politiques, des principes
II/ En Droit Inde 13/06/1947 de non-discrimination, des droits des
Japon 28/07/1956 travailleurs.
International
Pakistan 20/03/1960
Humanitaire Pérou 28/01/1978
Espagne 1968 Intensification des affrontements armés à
Suisse 1959 l’instar de la négociation
Ex-URSS
USA Aide militaire (formation + équipement)
III/ En Droit des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne
International
Combats meurtriers
des Droits de
l’Homme - Conventions de Genève CICR présent mais Armée mal
ratifiées en 1964 sans réserves. organisée, mal informée. CANI entre mouvement maoïste et Etat . Actes de barbarie, torture, attentats

Ordonnance du Terrorisme de 2001 : Violations du Droit Humanitaire.


Couvre-feu avec autorisation de tirer. Non respect art 3 Commun
Armes léthales autorisées.
Pratique de la Torture

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Indicateurs comparés
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Droit et la
Société
Garanties générales de non-
discrimination :

1991 : Pacte relatif aux Droits Système de contrôle :


civils & politiques Rapports au Comité des droits de
l’homme sur les mesures arrêtées et qui
donnent effet aux droits reconnus. Ségrégation physique et sociale des Dalits
(intouchables):
- Droit à la liberté de pensée, de Constitution Art 4 : le Népal est Hindou
Discrimination inhérente à la distribution
conscience et de religion Art 19 : Droit à la liberté religieuse Hindous : 86%, Bouddhistes : 8%, des emplois, des terres, des ressources et
Musulmans : 4%, Autres : 2% équipements de base, mais aussi à la
sécurité physique : victimes de la violence,
Institutionnalisation d’un système de du travail en servitude et autres graves
castes : normes sociétales violations des droits humains (Apartheid
discriminatoires co-existant avec des déguisé).
structures démocratiques.
Discrimination religieuse

Restriction du prosélytisme religieux.


Droit à la liberté religieuse suspendu
pendant l’Etat d’urgence

1971 : CI Elimination de toutes Plaintes individuelles au Comité pour


formes de discrimination l’élimination de toutes formes de
raciale : discrimination raciale.

Discrimination vis à vis des minorités


Constitution Art 4 : le Népal est nationales
- Droit à la non-discrimination Multiethnique
fondée sur la race, l’origine Droit fondamental Art 11 : Droit à
Les minorités ne bénéficient pas
nationale ou sociale, l’Egalité
pleinement, du fait de la langue et du
l’appartenance à une minorité
système de castes, de droits civiques,
nationale
politiques et économiques.

Convention pour l’Elimination


de toutes formes de
discrimination à l’égard des
Soutien des femmes à la guérilla maoïste
femmes .
20 lois discriminatoires à l’égard des
- Droit à la non-discrimination femmes. Pas de législation spécifique
Femmes : faibles sujets de droit, surtout
fondée sur le sexe aux femmes sur la violence domestique, en zone rurale

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Indicateurs comparés
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Droit et la
Société
sur l’héritage ou la propriété terrienne.

Droits intangibles :

1998 : Protocole au Pacte


relatif aux Droits
civils&politiques relatif à la 5000 morts depuis 1996
Peine de Mort 700 exécutions extra-judiciaires en 1 mois
Condamnations à la peine de mort
Non explicite dans la Constitution Pas de consignes pendant l’Etat masquées.
- Droit à la Vie Pas de Peine de Mort en droit Pénal. d’Urgence
130 disparitions en détention depuis
1996.
Contrôle : Rapports au Comité contre la
1991 Convention c/ La Torture Torture
et autres peines et traitements Plaintes individuelles au Comité
cruels, inhumains ou possibles AI dénonce une pratique courante de la
dégradants Torture.

Intégré dans la Constitution Art 14 (4) et


- Prohibition de la Torture et des le Code Civil mais pas en Pénal. Pas de directives claires données à
peines ou traitements cruels, l’armée.
inhumains ou dégradants

1991 : Pacte relatif aux Droits


civils & politiques
Constitution Art 20 : Droit contre
- Prohibition de l’esclavage et de la l’exploitation (trafic humain, esclavage,
servitude servitude, travail forcé) 2000 : Abolition du Système Soutien des minorités ethniques à la
Code civil (n°3) sur le Trafic Humain Kamaiya ( mise en servitude par guérilla maoïste important.
avec peine de 5 à 7 ans endettement de générations familiales
d’emprisonnement. avec travail forcé des enfants).
Trafic et Exploitation sexuelle de
femmes et d’enfants d’ethnies
minoritaires persistants, notamment Protection juridique défaillante.
chez les Tamangs et chez les Taru.
- Droit à la Non-rétroactivité de la Constitution Art 14 : Droit concernant la
loi pénale justice criminelle ((1) personne ne peut
être puni pour un acte qui n’était pas Non respecté depuis l’Etat d’Urgence
punissable par la loi quand il a été puisque détention préventive abusive,
commis, (2) personne ne peut être jugé exécutions extra-judiciaires.
ou puni plus d’une fois pour la même
offense) Pas de recours juridique pour les droits de
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Indicateurs comparés
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Droit et la
Société
l’enfant si pas d’âge défini ou pas de
reconnaissance paternelle.
- Droit à une personnalité juridique
Constitution Art 9 : droit à la nationalité
(n’est pas un droit fondamental) : droit Droit à l’identité peu appliqué : pas
patriarcal. Si l’enfant est de parents d’enregistrement à l’Etat civil dans
inconnus, il est népalais jusqu’à ce certaines ethnies.
qu’on retrouve le père. Enfants nés de mère seule : enfants Climat de terreur.
Droits conditionnels : hors-droits.

- Droit de dérogation : L’Etat parti


doit informer des droits suspendus Etat d’Urgence ne garantissant plus les
le SG des NU Suspension de 9 droits fondamentaux Violations des droits de l’homme. droits fondamentaux
dans la Constitution pendant l’Etat
- Droit à la sûreté juridique d’Urgence sans informer l’ONU. Octobre 2002 : pleins pouvoirs repris par le
Roi puis nomination d’un 1er Ministre pro-
Common Law + Concepts juridiques Guérilla maoïste agissant dans 50 monarchique et dirigeant du régime
hindous districts/75 Panchayat pré-constitutionnel.
Monarchie Constitutionnelle (depuis le
09/11/90) avec une Cour Suprême . Cour suprême effective mais influençable
Constitution Part 5 : « Sa Majesté » est Totale impunité du Roi. en temps normal.
inattaquable
Plus aucun contrôle des lois pendant l’Etat
Conseil Constitutionnel : d’urgence
Cour Suprême/ Conseil Judiciaire =
contrôle de constitutionnalité + contrôle Anticonstitutionnalité de lois prononcée Cours non indépendantes.
administratif des Cours d’appel et de à maintes reprises.
districts.
- Droit d’accès à une Justice Suspension des décisions de la Cour
équitable Constitution Art 23 droit pendant l’Etat d’Urgence. Justice peu accessible, peu efficace, pas
fondamental :droit au recours équitable.
constitutionnel Cours susceptibles d’être corrompues et
sous pression politique. Présomption d’innocence non respectée.
Nomination des Juges par le Roi et le
Conseil Constitutionnel Délais d’attente très importants.
Pas d’interprètes pour les minorités Aucune garantie démocratique et juridique.
Art 14 (5) Droit d’être informé et linguistiques.
défendu quand arrêté et détenu. Détention de 90 jours sans procès
Art 14 (6) et Art 15 Détention préventive prolongée de 90 jours après accord du
24h maximum. Ministère de l’Intérieur.

Parlement corrompu et pouvant être


dissous au bon vouloir du Roi/ Exécutif
Pouvoir législatif/pouvoir aux mains des brahmans/ Juges non-
exécutif/pouvoir judiciaire formellement indépendants.
distincts dans la Constitution

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Droit et la
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- Droit à la liberté civique

Oppression sociale

Constitution Droit fondamental Art 12 :


Art 12 (2a)Liberté d’opinion et
d’expression
Art 12 (2b) Liberté d’Assemblée Société civile dynamique.
pacifique Libertés suspendues Prise en charge des problèmes sociaux par
Art 12 (2c) Liberté d’association pendant l’Etat la société civile nationale et internationale.
- Droit de protection de la famille Art 12 (2d) Liberté de mouvement d’Urgence
Art 12 (2e) Liberté professionnelle Faible protection sociale de l’Etat.
+
Art 13 Liberté de la Presse
Art 16 Liberté de l’Information Permet la reconnaissance d’associations
et d’ONGs Pouvoir aux mains des brahmans (caste
supérieure) et de l’ancien régime. Accès à
« The social Welfare Act » (1992) Mariages d’enfants courants la politique verrouilé.
- Droit d’accès aux affaires Persistance de phénomènes tels que
publiques femmes vendues, violentées ou
Code civil « Muluki Ain » : législations déshéritées.
sur le mariage, sur l’adoption, sur
l’héritage, les relations conjugales.
Système de castes. 12 autres langues, Discrimination politique (basses castes,
30 dialectes, 300 groupes ethniques : minorités ethniques, femmes).
Constitution Art ‘ : Le Népal est Hindou 40% de brahmans au Parlement (caste
Art 6 : Le Népalais est langue officielle, supérieure « pure » 12,6%de la
les autres langues sont nationales. population).
Elections considérées libres et équitables
Accession à la politique par relations ou mais non représentatives du peuple.
Constitution Art 45 : Constitution de la reconversion de l’ancien régime,
Chambre des représentants élus par le petites entités politiques figurantes. Système de castes légitimé et
- Droit à des élections libres et peuple. Femmes candidates par partis de 5 à institutionnalisé :
équitables 9% maximum. Germe du Mouvement maoïste « La Guerre
Droits à la liberté d’expression et du Peuple »
d’association suspendus pendant l’Etat
d’urgence

Constitution Art 45 (5) : Elections de 1999 considérées libres et


Un homme - une voix par bulletin équitables par observateurs
secret. internationaux.
Démocratie d’élite
Constitution : Démocratie Constitution écrite pour mettre fin au Accès à la politique verrouillé.
parlementaire avec un Parlement régime Panchayat mais Commission non
constitué du Roi et de 2 chambres. à l’écoute des suggestions provenant de

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Droit et la
Société
groupes minoritaires et du Parti Désaveu du peuple
Communiste. Mauvaise gouvernance
Constitution discriminatoire non rédigée Mouvement maoïste devenu insurrectionnel
ni approuvée par des représentants élus depuis 1996.
du Peuple

Chambre parlementaire (205 membres


élus pour 5 ans) et Conseil national (60 7 partis représentés au Parlement
membres dont 10 nommés par le Roi, aux élections de 1999 mais 2 partis
1991 : Pacte relatif aux Droits 35 élus par la Chambre et 15 élus maîtres des décisions par intimidation
économiques, sociaux et régionalement pour 6 ans) (Nepali Congress + CPN (UML)
culturels : composés de brahmans et d’anciens du
régime Panchayat) : Corruption et Pas de primauté du droit et de la
criminalité politique généralisée. démocratie.
Impunité des hommes politiques

Droit des peuples à disposer d’eux- Système de contrôle : Rapports au


mêmes Comité des droits de l’homme sur les
mesures arrêtées et qui donnent effet
aux droits reconnus. Mouvement maoïste anti-monarchique.

Préambule de la Constitution
monarchique du Népal : « La source de Possibilité donnée au Roi de dissoudre le
l’autorité souveraine du Népal souverain Parlement.
et indépendant est inhérente au Le Roi a dissout le parlement sur
Droit des peuples à disposer de peuple. » recommandation du Premier ministre en
leurs ressources Art 31 : Aucune plainte ne peut être mai 2002 puis a limogé le PM en octobre
déposée auprès d’aucune Court 2002.
concernant un acte du fait du Roi.
Monarchie incontestable Situation humanitaire dramatique pour les
anciens Kamaiya (féodalisés).

Droit à la propriété = Droit fondamental


Art 17 Traditionnellement, féodalisme : Persistance de pratiques féodales.
Système Kamaiyat

6 législations agraires entre 1963 et


1978 Tentative de redistribution plus
équitable des terres sur trois districts en
1964.
En 2000, rachat de dettes par l’Etat à L’Etat n’ offre qu’un service public
200000 familles féodalisées, aujourd’hui minimum et ne peut garantir l’emploi.
en attente de terres et affamés. L’Etat ne respecte pas le principe de
Droit au travail Code civil « Muluki Ain » : législation sur l’égalité des chances.
la culture des terres et sur les droits de 40% de la population cultive 9% des

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Indicateurs comparés
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Droit et la
Société
propriété des terres terres, 6% de la population possède
33% des terres.

Grande majorité des travailleurs non


protégés.

Art 26 :
(1)L’Etat doit s’assurer d’une politique
d’ascension sociale à travers [….] de Pas de données chiffrées sur le
l’emploi pour des gens de toutes régionschômage Extrême pauvreté
en redistribuant équitablement les 42% de la pop vit avec - 1 $/jour
investissements des ressources 81% agriculteurs Crise économique
- Droit au développement
économiques. 16% services 1/3 du budget pour l’armement
3% ouvriers industriels
Disparités économiques énormes
Code du travail (1992) protégeant « les suivant les régions et les castes. Analphabétisme chronique ayant une
travailleurs » et « les employés » dans incidence sur les droits civiques, politiques
les « établissements »au Népal. Pas de protection pour les structures et économiques.
- Droit à l’Education
employant moins de dix employés.

Constitution Art 26 (5)L’Etat doit créer Crise écologique


les conditions d’un progrès économique.
- Droit à l’Environnement
IDH : 144ème
PIB : 172ème
Baisse des revenus touristiques de 43%
dès le 1er mois de l’Etat d’urgence. Précarité
« The Education Act » (1992)
- Droit à la Santé
Constitution : Droit fondamental Art 22 Pas de déontologie médicale
Taux d’alphabétisation des adultes : Non respect du DIH
39%
Législation sur les forêts (1993), l’eau
(1992), les sols (1982), les catastrophes
naturelles (1982) et les graines (1988)
1990 : Convention relative aux
Déforestation, eau contaminée,
droits de l’enfant
pollution atmosphérique
Code civil « Muluki Ain » 1963 révisé Enfants : premières victimes du système
en1992

Médecins : 4/100 000


Espérance de vie : 58 ans
Directive s/ Etat d’urgence : pas de
soins aux maoïstes
« Children’s Act 1992 » :

Art 1 : Droit à une identité


Peu d’enregistrements à l’ Etat civil .

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Droit et la
Société
Traite des fillettes chez les ethnies
+ minoritaires.
2001 : Convention ILO 182 sur Enrôlement d’enfants soldats par les Etat défaillant dans
le travail des enfants maoïstes. son rôle de protection
sociale.

Art 4 Droit au soutien et à l’éducation, à


l’instruction et aux soins de santé.
Art 5 : pas de discrimination dans Mortalité infantile : 83/1000
l’éducation des garçons et des filles (en France : 6/1000)
Alphabétisation à 15 ans :
Children’s Act : Garçons : 40,9% Enfants occupant des travaux à risque
Art 17 : Pas d’enfants au travail avant Filles : 14%
14 ans
Art 13 : Prohibition d’engager un enfant Enfants au travail, mariages avant 14
dans la mendicité ans.
Art 16 : Pas d’engagement dans des Enfants des rues.
professions immorales. Enfants mendiants, enfants exploités.
Prostitution enfantine. Enfants
sexuellement exploités. Etat défaillant dans
son rôle de protecteur
juridique
« Child Labour Act » 2000 :
Législation régissant les obligations de
l’employeur vis à vis de du Bureau du
travail et vis à vis de l’Enfant (- de 16 Inspection du travail défaillante dans Tourisme sexuel
2000 : signataire protocoles ans) : Santé, Sécurité, Rémunération. son rôle de contrôle.
facultatifs aux droits de Enrôlement forcé d’enfants intensifié.
l’enfant CICR alerté.
Art 7 : prohibition de la torture
Art 11 : Pas de condamnation avant 10
ans
Enfants torturés en détention
Art 15 : Prohibition de punition trop Enfants en prison
sévère (inclus l’emprisonnement avec
adulte)
Enfants emprisonnés avec adultes

Intégration dans le droit interne stoppée Tabous concernant la prostitution


par l’Etat d’Urgence enfantine des garçons.
Réponse avortée à la problématique sur
des enfants soldats.

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Indicateurs comparés
Inadéquation
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Droit et la
Société

CONCLUSION : Comprendre les raisons du conflit pour travailler à sa résolution.

À la fin des années 80, la population népalaise a commencé à s’organiser contre le système Panchayat le jugeant responsable des irrégularités sociales, de la
répression politique et de la stagnation économique. Au même moment, le gouvernement indien imposa un embargo commercial à l’encontre du Népal . Le
gouvernement ne sut résoudre la crise, ce qui ne fit qu’augmenter l’opposition du peuple à l’égard de sa politique.
À partir du 18 février 1990, le peuple mena une lutte paisible contre le régime en dépit des tentatives du gouvernement de l’étouffer. En un mois et demi, la
citadelle du système Panchayat s’effondra, et la démocratie fut restaurée.

Ceux qui étaient responsables de la répression sanglante vis à vis des manifestants furent laissés libres. Le gouvernement démocratique n'a pas mis en
application le texte de la Commission Mallik condamnant les anciens du régime.
Au lieu de cela, on permit que les coupables, les anciens Panchas, s’organisent en partis politiques s’alliant avec ceux qui combattirent pour la démocratie.
Au nom de la démocratie, de nombreux actes de violence furent justifiés. Parmi le chaos, le Congrès du Népal forma le gouvernement.
Tous les personnes dénoncées comme criminels par la Commission obtinrent une totale impunité. Ils sont devenus, sur le temps, des décisionnaires du
nouveau système. Par exemple, Kamal Thapa, un des coupables comme indiqué dans le rapport, est devenu ministre dans le régime démocratique. Le Dr.
Md. Mohasin est non seulement devenu ministre, mais également le Président de la Chambre supérieure du parlement de Népal. Lokendra Bahadur Chand, le
coupable principal du massacre du 6 avril 1990, jour de manifestation populaire pour la démocratie, est devenu Premier Ministre du nouveau système, après
avoir dirigé l’ancien. De même, l'ancien Général Inspecteur de la police, Achhyut Krishna Kharel, la personne principale chargée du massacre à Katmandou,
Lalitpur et Bhaktapur, afin de contenir les démonstrations anti-panchayat, fut nommée chef de la Police dans le régime démocratique.

De même, aucun changement ne fut mis en place au sein de la structure bureaucratique. Partout, des reliques du vieux système furent adoptées sous de
nouveaux noms. Les pratiques répressives ne cessèrent pas. Un certain nombre de commissions proposèrent des réformes, mais aucune ne fut mise en
application.

Les gens ne sentirent donc aucun changement notoire dans la direction des affaires politiques et ne reçurent aucune garantie de bonne gouvernance. Ils
furent témoins de pratiques criminelles persistantes au sein de la classe dirigeante, dans un contexte juridique où les hommes politiques bénéficient d’une
totale impunité et où la corruption, morale ( achat du silence, d’appui politique …) et financière (trafic de drogue, d’or, commissions etc..), gangrène l’Etat
tout entier. Le parlement se divisa en deux groupes : le congrès et les communistes. Mais la relation entre eux se développa de façon hostile et violente, aux

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préoccupations très éloignées de celles du peuple. Prenons en exemple, un meeting politique de l’UML le 3 novembre 1994 qui se termina sous les coups de
feu tirés par des membres du parti du Congrès.

Les partis communiste et du congrès avaient assuré au peuple : libertés politiques, développement économique et sécurité sociale, justice accessible et
équitable, bonne gouvernance selon un système politique transparent, qui se baserait sur la volonté et les souhaits du peuple.
Cependant, à la différence de l'espérance populaire, la discrimination a commencé à avoir lieu dès le début du procédé de rédaction de la Constitution. La
partie 4 de la constitution a institutionnalisé la discrimination religieuse quand elle a énoncé l'hindouisme comme religion d'Etat. Les demandes des
personnes issues de minorités linguistiques, religieuses et ethniques n'ont pas été écoutées.

Le vieux fatalisme et la culture sacerdotale soutenus par le cadre Hindou de la division de travail ont continué à être l'outil du gouvernement. Le peuple,
dans sa grande majorité, continua à être oppressé et exploité par les propriétaires terriens et les élites locales. Les principales victimes de ce système de
castes constitutionnel, et unique au monde en tant que tel, sont les enfants, les femmes et les personnes appartenant à des minorités ethniques. Les données
sociologiques les concernant, et leurs conséquences économiques, sont dramatiques. La pauvreté globale augmente de près de 3 pour cent tous les ans. En
1998, autour 9 millions de Népalais, soit 45 pour cent de la population, ont été estimés pauvres, une augmentation de presque 9 pour cent par rapport au
niveau de 1997. Les incidences de la pauvreté changent de manière significative selon les régions. Elle est la plus haute dans les collines où vivent les
peuples minoritaires et dans la région la plus occidentale du pays éloignée du pouvoir central et de tout processus de développement.

La Justice au Népal étant sous la protection du Roi, lui-même garant de la Constitution et au dessus de l’Etat, dernièrement auto-proclamé responsable de
l’exécutif, le peuple ne peut vouer une totale confiance ni en ses représentants, ni en ses juges et des pratiques judiciaires telles que délais d’attente trop
longs, détention arbitraire, exécutions sommaires, disparitions en détention prouvent que le système judiciaire ne respecte pas le minimum des droits
humains. En résumé, nous pouvons affirmer qu’au Népal règne un non-respect de la séparation des pouvoirs et des garanties de bonne justice.

La discrimination sociale et économique s’accompagne de fait d’une discrimination politique. La caste des brahmans dirige le pays, les femmes et les
populations minoritaires ne sont peu ou pas représentées au Parlement. Pour que le Népal puisse être reconnu comme démocratique, il lui faudrait garantir
une véritable représentation et participation des personnes.

Après la restauration de la démocratie, une société civile a émergée. Elle a joué un rôle déterminant en instruisant les personnes sur leurs droits et leurs
devoirs, sur les responsabilités du gouvernement vis à vis du peuple, sur les conséquences de l'exploitation des plus faibles, sur les avantages du pluralisme
politique. De même, les O.N.G. de développement ont encouragé la participation des personnes en pilotant les projets qui visent à la protection de
l'environnement, de la santé, de l’économie rurale contribuant ainsi à la lutte contre la pauvreté. Ces projets ont également aidé à comprendre la dynamique
de la pauvreté, à prendre conscience de phénomènes tels que conception fataliste, interdépendance, valeur du travail, solidarité communautaire. Les gens sont
mieux au courant de la loi, de la Constitution et de ses contradictions quant à ses principes et ses pratiques.

La « Guerre du peuple » maoïste s’inscrit dans un contexte à la fois de crise politique, économique, sociologique mais aussi du fait d’une prise de
conscience du peuple des facteurs de cette crise. Toutes négociations ont été rompues, l’Etat ne sachant comment négocier face aux vraies revendications du
peuple à savoir abolir la primauté du Roi et de la religion sur le Droit et donc en assumer ses conséquences, à savoir la remise en question totale de
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pratiques culturelles ancestrales. Pourtant des premiers pas pourraient être entrepris concernant l’indépendance de la Justice et le respect des principes
démocratiques et de bonne gouvernance. Lutter contre les violations des droits intangibles de l’homme, contre la corruption et pour un meilleur accès aux
droits économiques et sociaux comme la propriété, la santé et l’éducation apporterait déjà des possibilités de développement réelles au peuple népalais. Mais
aucun Etat à l’heure actuelle n’a proposé sa médiation, mis à part l’Inde et la Chine qui ne peuvent être considérés comme parties neutres au conflit. Il serait
pourtant temps d’agir, la situation ne faisant que se durcir laissant place à l’autoritarisme et à la violence d’Etat.

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