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DROIT PÉNAL GÉNÉRAL

INTRODUCTION - Le Droit penal, entre protection des valeurs de la Societe et repression des infractions

Le terme « pénal » tire son étymologie du latin « poena » qui signifie « peine ». Parmi les conduites humaines
fautives, les comportements antisociaux qui causent à l’ordre public un trouble d’une certaine gravité constituent
le phénomène criminel. Le Droit pénal décrit et sanctionne le phénomène criminel.

Section 1 - Du Droit pENAl en GENERal au Droit pENAL GENERal en particulier

1. La notion de Droit PENAL

Pour C. LOMBOIS, le Droit pénal gouverne « l’ensemble des règles ayant pour objet de déterminer des actes
antisociaux, de désigner les personnes pouvant être déclarées responsables et de fixer les peines qui leur sont
applicables ».

Ainsi appréhendé stricto sensu, le Droit pénal s’entend du « Droit de punir » ; cette approche amène à dresser la
typologie des infractions.

A. Le Droit de punir

Infraction = incrimination + sanction

Infraction = Action ou omission qui viole une norme de conduite strictement définie par un texte d’incrimination
et qui entraîne la responsabilité pénale de son auteur. L’infraction peut être constitutive d’un crime, d’un délit ou
d’une contravention ; et ce, en fonction des peines prévues par le texte.

Incrimination = Acte législatif ou règlementaire par lequel est définie une infraction. Incriminer s’entend de
l’action d’ériger un fait en infraction. Aussi, cette tâche incombe à l’autorité normative : c’est le pouvoir législatif
(crimes et délits) ou le pouvoir règlementaire (contraventions) qui décide d’un interdit, et y attache une sanction
de nature pénale.

Sanction = mesure -de nature pénale- qui a pour objet de punir la personne qui s’est rendue coupable d’une
infraction en adoptant la conduite interdite par un texte pénal.

Un défi : concilier Sécurité et Liberté (la sécurité des citoyens et plus largement la sécurité des intérêts de la
Société commandent une réaction prompte, certaine et infaillible).

Les intérêts de la personne poursuivie supposent une justice équilibrée, statuant de manière non expéditive selon
des règles qui garantissent le respect des droits de la défense et du procès équitable.

En matière pénale, la première victime d’une infraction est la société. La personne qui subit un préjudice va
pouvoir demander réparation pour le préjudice subi (civil). La personne va pouvoir profiter du procès pénal fait
par la société pour demander réparation en se constituant partie civile.

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La vocation du Droit pénal à défendre la Société contre l’infraction lui confère diverses fonctions : rétributive
(peine, sanction pénale), préventive ou dissuasive (inviter l’auteur à ne pas recommencer et inciter à ne pas passer
à l’acte), de resocialisation et de rééducation (la peine s’érige en guide de retour dans le droit chemin).

B. La typologie des infractions

La classification légale fondée sur la gravité objective de l’infraction, article 111-1 du Code pénal, « Les infractions
sont classées suivant leur gravité, en crimes, délits et contraventions. ».

Les deux critères sont le critère explicite (la gravité) et le critère implicite (la valeur sociale protégée). Pour
déterminer la nature d’une infraction, il convient de se reporter à la peine encourue qui lui est attachée et de la
situer dans l’échelle des peines (peines de référence = articles 131-1 et suivants du Code pénal). Ainsi :

En matière criminelle (articles 131-1 et 131-2 du Code pénal) :

- La réclusion criminelle pour les infractions de Droit commun ; A perpétuité ou à temps (30, 20 ou 15 ans avec
- La détention criminelle pour les infractions politiques : un minimum de 10 ans)

Les peines de réclusion criminelle ou de détention criminelle ne sont pas exclusives d’une peine d’amende.

En matière correctionnelle (délits) (articles 131-3 à 131-9 du Code pénal) :

- L’emprisonnement de 10 ans au plus


- L’amende correctionnelle d’un montant supérieur ou égal à 3750 €

En matière contraventionnelle (articles 131-12 à 131-18 du Code pénal) :

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- L’amende de police de 38 euros à 1500 € maximum pour les contraventions de la 5 classe (Montant porté
au double en cas de récidive).

Pour les personnes morales, la peine de référence est l’amende ; elle est déterminée par renvoi aux sanctions
prévues pour les personnes physiques. Son taux maximum est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes
physiques (article 131-38 du Code pénal).

o Les intérêts de la classification tripartite

En matière constitutionnelle : la détermination de l’autorité compétente pour créer et modifier les incriminations
ainsi que les peines qui leur sont applicables (Parlement pour les crimes et les délits ; le Gouvernement pour les
contraventions ; articles 34 et 37 de la Constitution, article 111-2 du Code pénal).

En Droit pénal de fond (Incrimination et Sanction) : Intérêts spécialement eu égard à la nature de la faute, à la
tentative (tentative de contravention pas punissable), à la complicité, à l’exécution de la peine (récidive ; sursis
pour peines correctionnelles et certaines peine contraventionnelles ; délai de prescription de la peine -20 ans
pour les crimes, 6 ans pour les délits, 3 ans pour les contraventions ; et ce, sauf textes particuliers.)

En Droit pénal de forme (procédure) : La compétence juridictionnelle pour les crimes est la Cour d’assises, pour
les délits : le Tribunal correctionnel et pour les contraventions : le Tribunal de police.

Le délai de prescription de l’action publique (délai à l’expiration duquel toute poursuite est impossible), articles 7
et suivants du Code de procédure pénale :

- Pour les crimes : 20 ans Sauf textes particuliers (crimes


- Pour les délits : 6 ans contre l’humanité, terrorisme,
- Pour les contraventions : 1 an. stupéfiants...)

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o Le déroulement de la procédure

L’instruction est obligatoire pour les crimes, facultative pour les délits et exceptionnelle pour les contraventions,
détention provisoire (que pour les crimes ou délits punis de trois ans d’emprisonnement au moins), procédure
de flagrance (crimes ou délits punissable d’emprisonnement), voies de recours...

La classification doctrinale fondée sur la nature de l’infraction peut être :

- Traditionnelle : infraction de droit commun / infraction politique ; infraction de droit commun /


infraction militaire.
- Soumise à un régime spécifique en raison de leur nature particulière, notamment concernant les peines
et la procédure : infractions en matière de stupéfiants ; infractions de terrorisme ou de criminalité
organisée.

Au-delà, d’autres classifications doctrinales ont été élaborées (infractions instantanées ; continues ; d’habitude ;
infractions simples, complexes ; infractions intentionnelles, non intentionnelles...)

2. Le contenu du Droit Penal

A. Les disciplines se rattachant au Droit penal

Les branches du Droit pénal sont : le Droit pénal général ; le Droit de la peine (« la pénologie ») ; le Droit pénal
spécial ; la Procédure pénale (l’internationalisation de la vie sociale et économique entraine simultanément le
développement de l’internationalisation du Droit Pénal) ; le Droit pénal comparé ; le Droit pénal international ; le
Droit international pénal (comportements incriminés à l’échelle internationale, ex : génocides, crimes de guerre,
…).

Les disciplines spécialisées sont :

- La criminologie (importance des apports de la sociologie criminelle, des statistiques (policières,


judiciaires et pénitentiaires)
- La victimologie (statue de la victime, s’intéresse aux personnes qui ont subi une infraction)
- Les disciplines qui se rattachent à la police scientifique et technique (ex : la balistique ; la morphologie ;
l’odorologie ; la cartographie criminelle : la criminalistique ; la médecine légale (thanatologie ;
traumatologie ; toxicologie ; psychiatrie criminelle ; psychologie criminelle...) ...)

B. Droit penal et politique

o L’inflation normative face aux attentes de l’opinion publique

Au gré de l’actualité médiatique, les réformes se succèdent (en procédure pénale, en Droit de la peine) ; souvent
mal écrites, elles engendrent des difficultés techniques parfois cocasses.

o De la politique à la « politique criminelle »

Politique criminelle : ensemble des procédés et moyens, tant préventifs que répressifs, par lesquels un État
s’efforce de mettre en place une stratégie, sous-tendue par des options idéologiques, destinée à lutter contre le
phénomène criminel. (...) Cette politique, dite d’action publique, est déterminée sur le plan national par le
gouvernement et conduite par le Garde des Sceaux qui assure la cohérence de son application sur le territoire de
la République en adressant aux magistrats du Ministère public des instructions générales. Sur le plan régional,
les procureurs généraux animent et coordonnent l’action des procureurs de la République, le cas échéant, en
adaptant les instructions générales au contexte de leur ressort. (...)

La politique criminelle correspond à la vision de la répression que le Gouvernement dégage et qu’il impulse
auprès des juridictions par l’intermédiaire des magistrats composant le Ministère public, les « parquets », qui lui

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sont hiérarchiquement soumis. Cette politique prend la forme de circulaires générales ou particulières.
Par là-même, la politique installée par le Gouvernement exerce son influence sur la justice.

Plus largement, la politique criminelle est aussi constituée de l’ensemble des décisions, postures, discours, propos
du Gouvernement quant à la répression.

Section 2 - L’evolution du Droit pENAL

1. Apercu historique et reflexions sur le fondement du Droit de punir

A. La repression vindicative des temps ancestraux

Dans les sociétés « primitives », le Droit Pénal était basé sur la vengeance : le stade de la « vengeance privée » et
le stade de la « justice privée » (tarification des compositions pécuniaires). L’infraction a été plus nettement
perçue comme une menace contre l’ordre public, assurer publiquement la vengeance des victimes et prendre les
moyens pour assurer la neutralisation de ceux qui transgressent la loi pénale.

Le Droit Pénal vindicatif n’avait aucune ambition de prévention criminelle. La vengeance n’était rien d’autre que
le prix naturel de l’offense.

B. La repression retributive de l’Ancien Droit francais

Le Droit Pénal de l’Ancien Droit français est empreint de la doctrine rétributive. Ainsi, toute infraction appelle un
châtiment ; c’est le Roi qui fait appliquer le châtiment par délégation divine.

Selon la doctrine de la rétribution, il est juste et même indispensable que l’infraction soit « rétribuée », rémunérée,
compensée par une souffrance infligée à l’auteur d’une infraction. La peine ainsi subie efface ou apaise le mal
occasionné à la Société (cf. Platon, Saint Thomas d’Aquin, Aristote, Durkheim).

C. La repression sacrificielle et securitaire issue du Moyen-Age

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La solution répressive de l’Ancien Régime (Droit Pénal du XIV au XVIII siècle). À l’époque médiévale, les
seigneurs ont arbitré les conflits afin d’asseoir leur autorité ; par la suite, ils ont eux-mêmes été supplantés dans
cette tâche par les monarques.

L’Ancien Droit se caractérisait par une profusion et une extrême diversité de sources. En effet, la détermination
des infractions reposait essentiellement sur la coutume et sur la jurisprudence des Parlements, le tout imprégné
des Droits romain et canonique.

À partir du XVIe siècle, un mouvement de codification s’est répandu en Europe ; et, des Ordonnances royales et
Édits royaux viennent réprimer toutes sortes d’infractions contre les particuliers (empoisonnement ; vol ; rapt...).
Depuis la fin de l’époque féodale, force est de constater la relative modernité des règles gouvernant la
responsabilité pénale.

Sous l’Ancien Droit, la sanction pénale se caractérise principalement par :

- L’exemplarité : pédagogie de l’effroi.


- La sévérité : essentiellement, peines corporelles et supplices.
- L’arbitraire : « Les peines sont arbitraires en ce Royaume » (= apprécié selon l’exigence du cas).

Au XVIIIe siècle, en réaction aux dérives de l’arbitraire et aux excès de cruauté de l’Ancien Régime, les philosophes
des Lumières ont réclamé plus d’Egalité et d’humanité dans la répression.

o La solution répressive issue du Droit intermédiaire, ou « révolutionnaire », 1789-1810

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L’année 1789 marque l’avènement d’un système pénal radicalement différent de celui de la vieille France
monarchique. En effet, l’appareil judiciaire est simplifié ; la procédure pénale est remaniée. Depuis la Révolution,
une période s’est ouverte, marquée par une conquête légaliste sans retour en arrière possible.

• Le courant philosophique du Contrat social : « la métaphysique pénale »

De nombreux philosophes et hommes de lettres français ont initié ce mouvement, en particulier Rousseau,
Voltaire et Montesquieu. Les théories du Contrat social ont été développées par Hobbes puis Rousseau ; elles ont
été appliquées au Droit Pénal par Beccaria, dans son Traité Des délits et des peines, publié en 1764.

L’existence du Contrat social est le fondement même du Droit de punir. C’est à la loi seule, et non pas au juge,
qu’il appartient de définir objectivement les limites du permis et du défendu, et de prévoir les sanctions
applicables aux infractions. La logique contractuelle exige que les avertissements de la loi précèdent l’infraction.
Dans cette conception, l’idée prévaut que l’homme éclairé commet moins d’infractions. Aussi, il est nécessaire
que tout le monde connaisse la loi.

La Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789 est la traduction politique des théories du
Contrat social. Sur les 17 articles qu’elle comporte, 4 articles concernent plus particulièrement le Droit de punir :

- Article 6 : Principe d’égalité devant la loi et d’égalité devant la peine.


- Article 7 : Principe de sûreté et de la légalité de la procédure pénale.
- Article 8 : Principes de la légalité des délits et des peines, de non-rétroactivité de la loi pénale et de
nécessité des peines.
- Article 9 : Présomption d’innocence et caractère exceptionnel de la détention provisoire

• La théorie pragmatique de l’utilitarisme juridique BENTHAM

Le Droit de punir n’étant que le droit de défense cédé par chaque individu à l’État, la punition ne peut intervenir
que dans la mesure où elle est utile à la défense de la Société.

Bentham insistait sur les buts sociaux du droit. Il justifiait la peine non plus par le Contrat social, mais par l’intérêt
de la société.

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Assurément, les théories philosophiques fondatrices du Droit de punir ont été influentes. Le 1 Code pénal de
1791 est totalement fidèle aux principes de Beccaria ; le Code pénal de 1810 fait déjà place aux propositions de
Bentham dans la définition des peines. Par la suite, la philosophie fondatrice du Droit Pénal moderne a été
progressivement infléchie par des théories sociales.

D. La solution repressive issue de la Codification Napoleonienne

On trouve deux grandes œuvres pénales : le Code d’instruction criminelle de 1808 et le Code pénal de 1810. Toutes
deux sont des œuvres de compromis, entre les traditions monarchiques de l’Ancien Régime et la modernité
révolutionnaire.

Au milieu du XIXe siècle, des théories sociales ont présenté une redéfinition du fondement du Droit de punir en
proposant des explications, dites scientifiques, de la délinquance. Deux courants de pensée totalement opposés
se sont développés : la criminologie et la sociologie.

o Les théories criminologiques Lombroso, Garofalo, Ferri, Lacassagne

Pour Lombroso, la délinquance est essentiellement due à des facteurs anatomiques ou biologiques. (Théorie du «
criminel-né »)

Pour Ferri, la délinquance est essentiellement due à des facteurs sociaux.

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Pour Garofalo, elle est essentiellement due à des anomalies morales ou psychiques.

Au-delà de leurs divergences, ces criminologues se rejoignent sur la critique des conceptions de responsabilité
et du traitement à retenir à l’égard du phénomène criminel. Ainsi, le délinquant doit être examiné pour
déterminer son état dangereux, c’est-à-dire la probabilité de le voir commettre des infractions, ou d’autres
infractions, qui s’apprécie en fonction de ses caractéristiques individuelles et sociales. Une fois ce diagnostic de
dangerosité posé, l’intéressé devra être soumis à un régime de mesure de sûreté dont le seul but sera de
neutraliser son état dangereux dans le seul intérêt de la société. Dès lors, il conviendra soit de l’éliminer s’il paraît
inadaptable, soit de lui appliquer diverses mesures de réadaptation sans coloration morale et de durée
indéterminée.

o La théorie sociologique du crime

Pour les sociologues, la loi pénale est un produit social qui correspond à la protection de sentiments collectifs
forts. Toutefois, une augmentation importante de la criminalité est un signe d’une maladie sociale appelée l’«
anomie », terme désignant une absence ou une inadaptation des règles économiques et sociales aux besoins
sociaux. Assurément, les théories sociales ont été influentes.

o L’école néoclassique, Saleilles

L’idée centrale est que les individus n’ont pas tous la même lucidité. Dès lors, à infraction égale, on ne peut pas
les punir tous de la même façon. Aussi, Saleilles préconise de faire varier la peine en fonction de l’aptitude à la
responsabilité de la personne poursuivie. La théorie a eu pour conséquence d’introduire dans le procès pénal des
« expertises de responsabilité » confiées à des psychiatres afin d’éclairer les juges sur d’éventuelles circonstances
atténuantes de responsabilité (circulaire Chaumié, 1905). Le « concept d’individualisation de la peine » a pris
progressivement de l’importance.

o Les écoles de « défense sociale »

L’école de la défense sociale GRAMMATICA

Le but immédiat est de défendre les délinquants eux-mêmes contre la société qui les méconnait ou refuse de les
comprendre. Ainsi, il faut tout mettre en œuvre pour « resocialiser » les criminels ; lorsque cet objectif sera
atteint, c’est en fin de compte la société tout entière qui en bénéficiera. C’est ainsi que Grammatica a prôné le
dépérissement de la peine au profit de mesures de sûreté. Ainsi, les mesures de sûreté devaient être déterminées
au cours d’un procès de défense sociale durant lequel on examinait le degré « d’antisocialité » de l’auteur d’une
infraction tout en définissant son « traitement ».

L’école de défense sociale nouvelle ANCEL

Marc ANCEL a adapté la théorie de l’italien Grammatica. Ainsi, le problème criminel est un problème individuel
qui ne peut être résolu qu’en fonction de la personnalité de chaque délinquant.

E. L’evolution du Droit penal jusqu’au XXIe siecle

Sous l’influence de ces courants d’idées, le Droit Pénal français a subi une évolution profonde entre 1810 (Code
Napoléonien) et 1994 (actuel Code pénal).

- Les manifestations de l’évolution profonde du Droit Pénal de fond.


- La multiplication des incriminations.
- Le développement du Droit Pénal hors du Code pénal.
- La création de procédures spécifiques sanctionnées in fine par le juge pénal.
- La modification des peines.
- La tendance à l’accroissement du pouvoir souverain des juridictions pénales dans le choix de la peine.

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- La tendance à la diversification sélective des peines et à la multiplication des mesures de sûreté et des
sanctions administratives.

Les mesures de sûreté ne sanctionnent pas, elles neutralisent l’État d’une personne en vue d’éviter la commission
d’une infraction.

o La réforme du Code pénal

L’idée de réformer le Code pénal de 1810 a vu le jour dès l’avènement des théories criminologiques, c’est-à-dire
dès la fin du XIXe siècle. Toutefois, les enjeux idéologiques et politiques étaient tels que plusieurs projets ont
avorté (1887, 1934, 1966) ; et, il a fallu 20 ans au dernier projet, pour se concrétiser.

o La genèse du « nouveau Code pénal »

Une réforme longue et laborieuse

Projet déposé par Robert Badinter pour un nouveau Code pénal.

À la question : « Pourquoi un nouveau Code pénal ? », R. Badinter répondait qu’en dépit des modifications
apportées au Code de 1810, celui-ci apparaissait archaïque, inadapté, contradictoire, incomplet. Selon R. Badinter,
le nouveau Code devait : « exprimer les valeurs de notre temps », être « inspiré par les droits de l’Homme », «
protéger les faibles », etc., enfin être conçu selon une méthodologie le rendant « accessible à tous » et permettant
ainsi à l’axiome « Nul n’est censé ignorer la loi » de retrouver sa portée.

L’adoption du « nouveau Code pénal »

En 1989, le Président de la République a fait part de son intention de faire voter un nouveau Code pénal. En juillet
1992, au cours d’une session extraordinaire, les parlementaires ont voté les quatre lois n° 92-683 à 686 du 22 juillet
1992 (correspondent aux Livres I à IV du Code pénal).

La loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992 (loi d’adaptation qui aménage les textes adoptés) « relative à l’entrée en
vigueur du nouveau Code pénal et à la modification de certaines dispositions de droit pénal et de procédure
pénale rendue nécessaire par cette entrée en vigueur ». Cette loi, dite d’adaptation, aménage les textes et les
Codes affectés par la réforme ; et, elle adopte un Livre V, vide, destiné à recevoir les autres « crimes et délits ».

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Le décret n° 93-726 du 29 mars 1993 « portant réforme du Code pénal (2 partie : Décrets en Conseil d’État) et
modifiant certaines dispositions de droit pénal et de procédure pénale », complété par le décret n° 94-167 du 25
février 199. Ce décret fixe la partie règlementaire du Code pénal, c’est-à-dire le Livre VI relatif aux contraventions.

Après plusieurs reports, l’entrée en vigueur du « nouveau Code pénal » a eu lieu le 1er mars 1994.

Deux importantes Circulaires d’application, explicatives, ont été adoptées, pour la partie législative : le 14 mai 1993
et pour la partie règlementaire, le 18 janvier 1994.

o Les caractéristiques du Code pénal de 1994


› La forme du Code pénal

Un plan plus clair et plus rigoureux. Le Code pénal de 1994 est structuré en deux parties :

- Première partie : Législative


- Deuxième partie : Décrets en Conseil d’État (partie Règlementaire)

Chacune de ces parties est composée de Livres, découpés en Titres, Chapitres, éventuellement découpés en
Sections et Sous-sections.

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Le Livre Ier est relatif aux dispositions générales, les Livres suivants composent la partie spéciale : les infractions
y sont définies (Livre II : des crimes et délits contre les personnes ; Livre III : des crimes et délits contre les biens ;
Livre IV : des crimes et délits contre l’État, la Nation et la paix publique ; Livre IV bis : des crimes et délits de
guerre ; Livre V : des autres crimes et délits ; Livre VI : des contraventions ; Livre VII : dispositions relatives à
l’outre-mer).

› Une numérotation simple

La partie législative : Chaque article comporte 4 ou 5 chiffres : Le 1er correspond aux Livres de 1 à 7, le 2e au Titre
de ce Livre. Le 3e, au Chapitre au sein de ce Titre. Ensuite, la numérotation des articles d’un même Chapitre se
fait par un chiffre croissant situé après un Tiret, voire un 2nd tiret lorsqu’un nouvel article est inséré par la suite
dans le Code.

La partie règlementaire : L’article qui se situe dans la partie règlementaire du Code pénal est précédé d’un R.
(comme règlement). Cette partie suit le même plan que celui de la partie législative.

› Un droit accessible et univoque

Un style plus abstrait et des dispositions plus simples et mieux définies. Les définitions sont par exemple plus
accessibles. (Simplification du régime de la récidive). Le texte pénal délimite les contours des actes punis, il n’est
pas moralisateur.

o Le fond du Code pénal


› Une codification inachevée

Aujourd’hui encore, toutes les infractions ne sont pas contenues dans le Code pénal ; et, la lecture de la partie
spéciale du Code pénal est parfois difficile dans la mesure où de nombreuses notions ou formalités restent
définies dans des textes extérieurs.

Malgré quelques innovations, le Code pénal n’est pas révolutionnaire et présente quelques lacunes.

› Des innovations majeures

Quelques innovations majeures sont à mettre en lumière : la consécration de la responsabilité pénale des
personnes morales ; les modifications apportées au système des peines (aujourd’hui la peine qui apparaît est la
peine encourue, peines maximale ; dans le Code pénal de 1810, il y avait un système de fourchette avec une peine
minimale et une peine maximale) ; des incriminations nouvelles et des circonstances aggravantes nouvelles ou
aménagées ; la création des incriminations de mise en danger délibérée d’autrui et bien évidemment, depuis 1994,
d’autres textes pénaux ont été adoptés.

2. Une evolution revelatrice d’un renouvellement des finalites du Droit penal

A. Une logique repressive - La protection des interets de la Societe

Originellement, le rôle du Droit pénal était la répression des comportements attentatoires à l’ordre public.

Le Droit Pénal a vocation à défendre la société contre l’infraction. Sa fonction est essentiellement punitive,
rétributive et accessoirement préventive.

o Un outil spécifique : l’action publique

L’action publique désigne l’action en justice portée devant une juridiction pénale pour l’application des peines à
l’auteur d’une infraction. L’action publique est toujours exercée par les magistrats ou fonctionnaires auxquels
elle est confiée par la loi. Toutefois, l’action publique peut être mise en mouvement par la partie civile.

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B. Une finalite punitive en mutation

De la répression des atteintes effectives à l’ordre public à l’incrimination des atteintes potentielles à l’ordre public.

Infraction formelle : Infraction dont la matérialité ne contient pas le résultat redouté à l’origine de l’incrimination.
Ex. : l’empoisonnement, juridiquement consommé par la simple administration de substances mortifères ; peu
importe que le décès soit ou non effectif.

Dans certains cas, une infraction est considérée consumée (réalisée dans son élément matériel et dans son
élément moral) même si un dommage n’est pas prévu.

Infraction obstacle : Comportements qui n’engendrent pas en eux-mêmes de trouble pour l’ordre social, mais qui
sont, malgré tout, érigés en infraction dans un but de prophylaxie sociale parce qu’ils sont dangereux et
constituent les signes avant-coureurs d’une criminalité. Ex. : le port d’arme prohibé ; la divagation d’animaux
dangereux.

Les infractions de prévention sui generi (infractions de préventions en tant que telle) :

- Incrimination de comportements créant un risque grave d’atteinte à la vie ou à l’intégrité de la personne


: l’infraction de mise en danger d’autrui. Ex. : entrave aux mesures d’assistance ; omission de porter
secours ; provocation au suicide ; provocation non suivie d’effet à un crime d’empoisonnement ou
d’assassinat...
- Incrimination du risque lui-même : le délit de risques causés à autrui, institué à l’article 223-1 du Code
Pénal : « Le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à
entrainer une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d’une
obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement est puni d’un an
d'emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »

Les infractions formelles, les infractions obstacles et les infractions de mise en danger d’autrui visent à
sanctionner des comportements qui n’ont causé aucun dommage effectif à autrui. En cela, elles sont révélatrices
d’une politique pénale plus sévère ; dans le même temps, elles assurent une protection accrue des valeurs sociales
protégées.

o L’inflation des mesures de sûreté

Mesures de sûreté = sanctions à caractère préventif et dépourvues de but rétributif et de caractère afflictif et
infamant, fondées sur la constatation d’un état dangereux. Les mesures de sûreté peuvent consister en une
neutralisation, un traitement thérapeutique, un traitement rééducatif. Ainsi, les mesures de sûreté visent à
remédier à l’état dangereux d’une personne et par là même à éviter les infractions futures que cet état dangereux
rend très probables. Ces mesures sont dépourvues de coloration morale ; elles ne supposent pas forcément une
faute du délinquant et peuvent donc être appliquées même à des personnes pénalement irresponsables.

Le renouvellement de la fonction réparatrice de la responsabilité pénale : depuis longtemps, le Droit pénal


connait, dans certains domaines, des peines qui n’ont pas pour seul but de punir le coupable, mais également
d’indemniser la victime ou de remettre les choses en l’état (spécialement la place importante réservée à
l’indemnisation dans les procédures alternatives aux poursuites = médiation pénale, composition pénale).

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PREMIÈRE PARTIE DE L’IDENTIFICATION « INTUITIVE » DU FONDEMENT TEXTUEL DES POURSUITES À LA
RECHERCHE DE L’EXACTE DÉNOMINATION PÉNALE DES FAITS

TITRE I : la vocation à s’appliquer du texte pénal français

Thème 1 : Panorama des sources du Droit pénal

Les sources du Droit Pénal sont multiples et diverses, tant internes que supranationales. Mais une « spécificité »
du Droit Pénal tient au principe de la légalité criminelle, qui domine la matière.

Section 1 - La norme ECrite, source preeminente du Droit pénal

1. Les textes internes


A. La Constitution francaise de la Ve REPUblique du 4 octobre 1958

Des dispositions de la Constitution de 1958 intéressent directement le Droit Pénal. La Constitution opère une
répartition des compétences normatives entre le pouvoir législatif et le pouvoir règlementaire :

- L’article 34 attribue au pouvoir législatif, « la détermination des crimes et des délits ainsi que des peines
qui leur sont applicables ; la procédure pénale ; l’amnistie, la création de nouveaux ordres de juridiction...
».
- L’article 37 prévoit qu’ont un caractère règlementaire « les matières autres que celles qui sont du
domaine de la loi ».
- Le préambule de la Constitution de 1958 présente également un intérêt en Droit Pénal. Il renvoie « aux
droits de l’Homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la
Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le Préambule de la Constitution de 1946 » qui affirme
notamment l’attachement du peuple français « aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la
République » (parmi les droits ainsi consacrés : le principe de la légalité des délits et des peines ; le
principe de l’égalité devant la loi ; la protection des libertés individuelles contre toute arrestation
arbitraire ; le droit à la présomption d’innocence ; la protection des droits de la défense...).

Le Code pénal de 1994 a consacré cette répartition des compétences : article 111-2. On comprend alors que la loi
et le règlement sont les sources internes du Droit pénal français.

B. La loi, source fondamentale du Droit Penal

Appréhendée formellement, la loi désigne le texte écrit, voté par le pouvoir législatif, promulgué par le Président
de la République et publié au JORF.

o Les lois proprement dites (lois parlementaires)

Ces lois « ordinaires » sont matérialisées diversement :

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- Les Codes : Code pénal 1994 ; Code de procédure pénale 1959...
- Les lois autonomes : lois annexes ou dites hors Code (loi du 29 juillet 1881, prévoit diverses infractions
comme la diffamation).
- Les dispositions pénales inscrites dans d’autres Codes : Code de la santé publique ; Code de la route ;
Code des douanes ; Code de l’urbanisme ; Code de la consommation...

o Les textes assimilés aux lois proprement dites

Ici sont visés les textes issus du pouvoir exécutif mais intervenant dans le domaine législatif en application des
règles constitutionnelles ou en raison de situations de crise imposant, de fait, une confusion entre les pouvoirs.

Il s’agit pour l’essentiel, depuis 1958, des ordonnances prises par le Gouvernement en vertu de l’article 38 de la
Constitution, à la suite d’une autorisation du Parlement et soumises à la ratification du Parlement.

De manière plus marginale, au nombre des textes assimilés aux lois, il peut s’agir des :

- Décisions du Président de la République prises en vertu de l’article 16 de la Constitution en raison de


circonstances exceptionnelles.
- Ordonnances prises en vertu d’une délégation de la Nation, suite à un projet de loi soumis à referendum
en vertu de l’article 11 de la Constitution.
- Ordonnances prises par le Gouvernement en vertu de l’article 92 de la Constitution (abrogé par la
révision constitutionnelle de 1995) entre le 4 octobre 1958 et le 4 février 1959, soit avant la mise en place
des institutions (ex : ordonnance du 15 décembre 1958 relative à la police de la circulation routière, dite
Code de la route).

C. Le reglement, source de Droit pénal depuis la Constitution de 1958

Au sens constitutionnel, le règlement est un acte de portée générale et impersonnelle édicté par les autorités
exécutives compétentes.

Au nombre des actes règlementaires intéressant le Droit Pénal : des décrets -simples, en CE- ; des arrêtés
(interministériels, ministériels, préfectoraux -ordonnances du préfet de Police à Paris-, municipaux et arrêtés de
police de l’autorité militaire en cas d’état de siège-

o Les règlements autonomes pris en application de l’article 37 de la Constitution

Ces textes sont soit des décrets en Conseil d’État, soit des décrets simples, soit des arrêtés.

Seuls les décrets en Conseil d’État peuvent créer des contraventions et y attacher des peines dans les limites
établies par la loi (amende de 1500 € maximum).

Article R.610-1 du Code pénal : « Les contraventions, ainsi que les classes dont elles relèvent, sont déterminées
par décrets en Conseil d’État. ». Pour l’essentiel, la partie règlementaire du Code pénal est issue du décret du 29
mars 1993 pris en Conseil d’État.

Les décrets simples et les arrêtés peuvent comporter une interdiction ou une obligation mais pas de peines.
Cependant, la violation des interdictions ou le manquement aux obligations ainsi édictées constitue une
contravention de 1ère classe (d’un montant maximum de 38 €).

Article R.610-5 du Code pénal : « La violation des interdictions ou le manquement aux obligations édictées par les
décrets et arrêtés de police sont punis de l’amende prévue pour les contraventions de la 1ère classe ».

En cela, les règlements autonomes constituent une source encadrée du Droit Pénal.

o Les règlements d’application

11
Ces textes sont soit des décrets en Conseil d’État, soit des décrets simples, soit des arrêtés ministériels,
préfectoraux ou municipaux.

Les règlements d’application ne constituent qu’une source limitée du Droit Pénal. En effet :

- C’est la loi en exécution de laquelle le règlement d’application a été pris qui sanctionne l’inobservation
des normes qu’il édicte.
- Si le texte législatif n’a pas prévu de peines particulières, la sanction des règlements d’application doit
être cherchée exclusivement dans l’article R. 610-5 du Code pénal.

Deux conditions à l’application de cette sanction :

- La matière règlementée par l’autorité administrative ne doit pas avoir été déjà régie par un texte spécial.
- Les décrets ou arrêtés (préfectoraux, municipaux) doivent avoir pour objet la police municipale, c’est-à-
dire le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques (CGCT art. L. 2212-2).

2. Les textes supranationaux

Aucun texte international en matière pénal ne peut prévoir des sanctions pénales directement applicables en
Droit interne français.

A. Les textes de source internationale

Pour l’essentiel, les Traités ou Accords internationaux concernent l’exercice de la répression et la préservation
des libertés.

o L’exercice de la répression

Le texte de source internationale peut imposer à l’autorité normative nationale d’organiser la répression de tel
comportement. La répression est assurée par le biais du Droit interne et nul ne peut se substituer à l’autorité
normative nationale en cas de carence de celle-ci.

Le texte de source internationale peut définir directement le champ d’une incrimination applicable par les
juridictions nationales, sans passer par le biais du Droit interne (infractions dites internationales : crimes contre
l’humanité...).

Convention des nations unis de 1988 contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes : article
3, injonction, nécessité de l’adoption d’un texte national, fonder les poursuites en droit interne.

S’agissant de l’entraide répressive internationale : de nombreux Traités ou Accords internationaux visent à


assurer le jugement effectif des délinquants qui « circulent » dans la sphère internationale. Alors, ces textes de
source internationale organisent la collaboration des États au moyen, notamment de l’extradition (un État qui
demande à un autre État de lui remettre un délinquant) ou de l’arrestation du délinquant.

o La préservation des libertés

Des textes de source internationale affirment et consacrent des droits et libertés fondamentaux. Par là même, ils
peuvent édicter un ensemble de règles qui limitent les pouvoirs des États dans la détermination et la mise en
œuvre des infractions dans les Droits nationaux.

Assurément, l’influence des Traités ou Accords internationaux en Droit interne est indéniable (cf. article 55 de la
Constitution qui affirme la supériorité des Traités sur les lois internes sous la condition d’une application
réciproque par l’autre partie).

A. Les textes de source europeenne

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Il faut distinguer le Droit du Conseil de l’Europe du Droit de l’Union Européenne.

o Le Droit du Conseil de l’Europe

Assurément, le texte le plus emblématique issu du Conseil de l’Europe est la CESDH, signée à Rome le 4 novembre
1950 et entrée en vigueur le 3 septembre 1953. La France a ratifié la CESDH le 3 mai 1974 ; et, elle a reconnu le droit
de recours individuel, le 3 octobre 1981. La CESDH garantit divers droits (Droit à la vie ; Droit à la liberté de pensée
; Droit au respect de la vie privée ; Droit à un procès équitable...). Elle constitue une source vivace du Droit Pénal.
La CESDH opère une distinction entre les droits « intangibles » et les droits « conditionnels ».

La plupart des droits conditionnels concernent la procédure pénale (plus que le Droit Pénal Général) :

- Article 5 : droit à la liberté ;


- Article 6-1 : droit à un procès équitable ;
- Article 6-2 : droit à la présomption d’innocence ;
- Article 6-3 : droit au respect des droits de la défense ;
- Article 8 : droit au respect de la vie privée.

Divers droits intangibles concernent le Droit Pénal Général :

- Article 7 : Principe de la légalité ;


- Article 3 : Prohibition des traitements inhumains et dégradants ;
- 7e Protocole additionnel article 4 : Règle non bis in idem (= pas deux fois quand la même chose) ;
- 6e Protocole additionnel : interdiction de la peine de mort.

La CESDH est devenue une source fondamentale du Droit Pénal français. Il y a là une référence supranationale
d’application directe, sanctionnée par un organe supraétatique, la Cour EDH. La CESDH est directement
applicable aux individus. Les justiciables peuvent directement invoquer les droits qu’elle proclame.

o Le Droit de l’Union Européenne

Formule assez révélatrice : « l’aire du Droit Pénal européen s’est ouverte avec le Traité de Lisbonne ».

Avec le Traité de Lisbonne modifiant le Traité sur l’UE et le Traité instituant la CE signé le 13 décembre 2007 et
entré en vigueur le 1er décembre 2009, la matière pénale a été intégrée dans les compétences ordinaires de l’UE.

Aussi, le Parlement européen et le Conseil de l’UE peuvent établir, par voie de directives et selon la procédure
ordinaire, des « règles minimales » relatives à la définition des infractions pénales et des sanctions dans les
domaines de criminalité particulièrement grave revêtant une dimension transfrontalière, voire dans tout
domaine ayant déjà fait l’objet d’une mesure d’harmonisation (TFUE article 83).

S’agissant de l’entraide répressive, divers textes européens sont à dénombrer (Conseil de l’Europe : Convention
européenne d’extradition, 13 décembre 1957 ; Convention du 13 novembre 1991 sur l’exécution des condamnations
pénales estrangères). Et des textes de coopération assurent la prise en compte de décisions étrangères et
l’exécution des décisions (UE : Décision-cadre du 13 juin 2002 instituant le Mandat d’Arrêt Européen : forme de
procédure d’extradition simplifiée qui s’applique au sein de l’UE, reconnaissance mutuelle qui permet une remise
plus facile).

Section 2 - La place des autres sources

1. La jurisprudence, source indirecte du Droit pénal

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La jurisprudence est une source indirecte du Droit Pénal, que ce soit en Droit interne ou en Droit supranational.

A. En Droit interne

Ici, la question intéresse le pouvoir d’interprétation du juge pénal. Or, le principe de la légalité criminelle a pour
corollaire le principe de l’interprétation stricte du texte pénal (article 111-4 du Code pénal). Le juge n’a pas d’autres
option que de juger, au risque de commettre un déni de justice.

B. En Droit supranational

Les arrêts de la Cour EDH ont un fort impact politique. Aussi, la jurisprudence de la Cour EDH a une portée
effective évidente en Droit interne. Le respect de la CESDH est assuré par la Cour EDH. Aujourd’hui, la mise en
œuvre des grands principes du Droit Pénal ne se conçoit qu’à la lumière des arrêts rendus par la Cour EDH. Les
arrêts de la Cour EDH ont un fort impact diplomatique.

Certaines peuvent être assez larges pour une application d’autant plus effective de la Convention (notion de
matière pénale créée et développée par différentes décisions : vise à déterminer le champ d’application de l’article
6 de la Convention).

La Cour se réserve le Droit de requalifier les sanctions pour les intégrer à la matière pénale et respecter les
principes de l’article 6 de la Convention.

2. La coutume et les usages, sources exceptionnelles du Droit pénal

Il est exceptionnel que la coutume et les usages constituent des sources du Droit Pénal. La coutume ne pourra
jamais créer d’infraction ni en supprimer et ne peut non plus ni créer ni supprimer des peines. La coutume et les
usages sont pris en compte dans deux séries d’hypothèses.

Le juge pénal admet certaines pratiques religieuses telles que la circoncision mais condamne l’excision (violence
volontaire ayant entraîné la mutilation).

L’article 521-1 du Code pénal incrimine les sévices graves ou de cruauté envers des animaux mais la coutume rend
licite certains actes tels que la course de taureaux lorsqu’il existe une tradition locale ininterrompue (de même
pour les combats de coqs).

A. Le recours à la regle favorable à la personne poursuivie

o La coutume proprement dite

Le droit de correction des parents et des enseignants ; certaines pratiques religieuses.

o Dans certaines hypothèses, les usages jouent le rôle de fait justificatif, mais uniquement parce que la loi
le prévoit

Le maintien de l’ordre public, les sévices graves ou les actes de cruauté envers un animal.

B. L’interet de la coutume dans l’interpretation de la regle de Droit Penal

En l’absence de texte définissant certaines notions, le juge pénal peut être amené à se référer à la pratique
effective. Ainsi, des décisions ont analysé la faute d’imprudence « compte tenu du comportement usuel des
hommes » ; d’autres ont réellement tenu compte des mœurs pour définir le tapage nocturne.

En l’absence de texte sur la composition ou la dénomination d’un produit, le juge pénal peut se référer « aux
usages loyaux et constants du commerce ».

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À la lumière de ces considérations, les règles de Droit interne non écrites ou dépourvues d’autorité suffisante ne
sont pas des sources « principales » du Droit Pénal :

- Les circulaires : en principe, ces textes ne sont que des mesures d’interprétation.
- Les Principes Généraux du Droit ne sauraient être invoqués pour créer une incrimination ou une peine.
- Les conventions et accords collectifs constituent des sources du Droit Pénal de portée relative dans la
mesure où de tels textes ne s’appliquent qu’au Droit Pénal du travail.

PREMIÈRE PARTIE : De l’identification « intuitive » du fondement textuel des poursuites à la recherche de l’exacte
dénomination pénale des faits

15
Thème 2 : L’existence et la validité du texte pénal

Section 1 - Le principe de la légalité criminelle, clef de voute du Droit penal

Adage : « Nullum crimen, nulla poena sine lege ». Le juge ne peut pas créer d’infractions qui ne seraient pas prévu
par le texte pénal.

Sous-Section 1- Exposé du principe de la legalite criminelle

1. L’affirmation du principe de la legalite criminelle

On fait ici référence à l’esprit de la philosophie des Lumières.

« Le juge ne doit être que la bouche qui prononce et applique les paroles de la loi, des êtres inanimés qui n’en
peuvent modérer ni la force ni la rigueur. » Montesquieu.

A. La diversite des references textuelles


o Les références textuelles internes
› La Constitution

Le principe de la légalité criminelle a été proclamé par la DDHC du 26 août 1789 (articles 5, 7 et 8) ; il a été réaffirmé
par les Constitutions de 1791, 1793 et de l’An III. De plus, le Préambule de la Constitution de 1958 se réfère à la
DDHC.

Le Code pénal de 1810 se référait seulement au principe de non-rétroactivité.

› Le Code pénal de 1994

Le Code pénal inscrit le principe de la légalité criminelle en son article 111-3 du Code pénal : « Nul ne peut être
puni pour un crime ou pour un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi, ou pour une contravention
dont les éléments ne sont pas définis par le règlement. Nul ne peut être puni d’une peine qui n’est pas prévue par
la loi, si l’infraction est un crime ou un délit, ou par le règlement, si l’infraction est une contravention. »

o Les références textuelles supranationales


› Les références internationales

- La Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948 : articles 9, 10 et 11 : principe de la légalité


criminelle
- Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 : (article 15)

› Les références européennes

- La CESDH : article 7
- La Charte des droits fondamentaux de l’UE : article 49 : reproduit l’article 7 de la CESDH.

16
Ce principe est proclamé dans différents textes, donne une valeur tant constitutionnelle que supranationale.

B. La valeur du principe
o Un principe à valeur constitutionnelle

La conséquence du principe de légalité criminelle comme principe à valeur constitutionnelle est sa consécration
dans le préambule de la Constitution de 1958 puisqu’il se réfère à la DDHC (19 et 20 janvier 1981, décision sécurité
et liberté). C’est une garantie essentielle de la liberté individuelle favorable aux intérêts de la société.

Cette exigence est un rempart contre l’arbitraire, le propre d’un État de Droit est d’avertir avant de frapper.

Le pouvoir d’incriminer est un attribut de la souveraineté. Ainsi, seule la loi peut venir la liberté des individus.
Conforme aux principe de séparation des pouvoirs, c’est un rempart contre l’arbitraire du juge mais aussi du
pouvoir exécutif (interdit au juge de s’ériger en autorité normative).

La frontière est clairement établie entre ce qui est licite et ce qui ne l’est pas.

Cette règle empreinte de certitude : qualité normative, rédactionnelle, …

o Un principe à valeur supranationale

La valeur supranationale du principe de légalité criminelle est la conséquence de la consécration du principe dans
les conventions internationales dans lesquelles la France est partie.

2. La porte du principe de la legalite criminelle

« Nullum cirmen nulla poena sin lege » = pas de crime pas de peine sans loi.

A. Le domaine du principe de la legalite criminelle


o La définition des incriminations

Seule l’autorité normative a compétence pour incriminer. Seuls les comportements incriminés sont susceptibles
de sanction pénale. Ainsi, les comportements qui n’échappent à la répression même s’ils peuvent apparaitre
choquant. (Suicide pas incriminé mais l provocation au suicide incriminé à la suite de la publication suicide mode
d’emploi en 1987).

Au XVIIIe siècle le suicide est considéré comme une infraction. Des sanctions étaient prévues, la personne ne
pouvait pas être inhumée et ses biens étaient confisqués.

Le principe de la légalité des incriminations concerne toutes les infractions (de Droit commun, militaire,
politique) et quelle que soit leur gravité. Ce principe concerne aussi les états dangereux (mesures de sûreté) et
l’autorité normative doit alors définir clairement les états dangereux.

o La définition des sanctions

Seule l’autorité normative a qualité pour définir la peine (ou la mesure de sûreté) encourue. L’autorité normative
est compétente pour en fixer le quantum, la durée de la peine de privation de liberté et pour définir les modalités
d’application de la peine.

Le juge ne peut prononcer que les peines ou les mesures de sûreté prévues par le texte pénal pour l’infraction
concernée.

Le principe de la légalité criminelle s’applique aussi à la procédure pénale, c’est un principe au domaine large, ce
qui est assez rassurant concernant la protection des libertés individuelles.

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B. Les consequences du principe de la legalite criminelle

Le principe de légalité criminelle s’impose tant à l’autorité normative qu’au juge.

o Les conséquences du principe de la légalité criminelle pour l’autorité normative

L’obligation de légiférer par des textes précis concerne tant la définition des incriminations que la définition des
sanctions.

La définition précise des incriminations : il incombe à l’autorité normative non seulement de prévoir l’infraction,
mais également d’en préciser les éléments constitutifs ; et, en cas d’énumération, l’autorité normative doit
préciser si cette liste est indicative ou limitative. La doctrine voit dans l’obligation une exigence de qualité
normative : le texte pénal doit être clair, précis et en conséquence accessible et prévisible. Ce principe commande
une définition précise et complexe des éléments de l’infraction. Pourtant, les textes sont érigés en des termes
généraux et abstraits, pas de définition précise.

La définition précise des sanctions : pour chaque incrimination qu’elle prévoit, l’autorité normative doit attacher
une peine déterminée : elle doit en fixer précisément la nature, la durée et le taux. L’autorité normative a le
monopole dans la création mais pas de toute l’aptitude dans la détermination de la peine en ne pouvant pas
prévoir n’importe quelle peine, article 8 « peines strictement et évidemment nécessaires ».

L’interdiction des textes rétroactifs (article 112-1 du Code pénal). Figure également à l’article 7 de la DDHC, ce
principe est à valeur constitutionnelle. La signification du principe de non-rétroactivité : nul ne peut être ni
poursuivi, ni condamné pour des faits qui ne sont devenus répréhensibles qu’après leur commission.

La portée du principe de non-rétroactivité en matière pénale : 2 certitudes et 1 difficulté : en principe, le texte


pénal ne concerne que les faits commis après son entrée en vigueur. Les faits commis avant son entrée en vigueur
et définitivement jugés échappent au texte nouveau. Difficulté : quelle solution pour les faits commis avant
l’entrée en vigueur mais pas définitivement jugés.

o Les conséquences du principe de la légalité criminelle pour le juge

Les autorités de poursuite, d’instruction et de jugement ont le devoir de rechercher le texte pénal exactement
applicable au fait poursuivi. Trouver la bonne appellation des faits qualification pénale des faits ; juge vérifie que
les éléments constitutifs de l’infraction coïncident avec les faits soumis. Le principe contraint le juge à ne pas
invoquer la coutume pour nouvelle incrimination.

Outre la qualification des faits, le principe de légalité criminelle impose deux obligations principales au juge :

L’obligation de respecter le texte pénal. Cette obligation se retrouve sur les deux éléments de l’infraction :

- S’agissant des incriminations : le juge est tenu d’appliquer le texte pénal tel qu’il est prévu. Le juge ne
peut pas relever d’infraction là où le texte n’en prévoie pas. Il doit caractériser dans son élément matériel
et moral.
- S’agissant des sanctions : le juge doit respecter la peine ou la mesure de sûreté expressément prévue par
le texte pénal ; le juge doit respecter le « cadre légal », donc le juge est tenu de statuer dans le cadre des
limites prévues par le texte pénal. En effet, le Code pénal de 1994 fut l’occasion d’abandonner le système
de fourchette pour lui préférer le système de maximum légal que le juge devra respecter (article 132-12).

Principe de léga répression prévue par le texte pénal mais n’oblige pas le juge à prononcer les peines prévues. Le
juge peut écarter certaines peines, faire un choix parmi les peines complémentaires.

L’interprétation stricte du texte pénal.

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Exposé du principe : même si le texte pénal est obscur, complexe, lacunaire, le juge pénal ne peut pas refuser de
l’appliquer ; et ce, sous peine de se rendre coupable d’un déni de justice. L’interprétation stricte s’entend d’une
interprétation déclarative. Le soumission du juge est renforcée par la restriction de ses pouvoirs d’interprétation.

PORTALIS : « En matière pénale, il faut des textes précis, et point de jurisprudence ».

Ce principe se trouve à l’article 111-4 du Code pénal. L’interprétation est stricte et déclarative.

Les conséquences du principe de l’interprétation stricte du texte pénal : le rejet de l’interprétation littérale et de
la méthode d’interprétation analogique (appliquer texte à un comportement que le texte ne mentionne pas mais
qui présente des similitudes avec revient à un pouvoir de création des incriminations) ; l’utilisation habituelle de
la méthode téléologique (importance primordiale donnée à la volonté de l’autorité normative. Certaines méthodes
d’inter sont r postule perfection du texte pénal et inter vient figer le Droit. Il ne peut pas adapter aux évolutions
de la société, application mathématique du Droit qui n’est sans doute pas opportun appliquer texte à un
comportement que le texte ne mentionne pas mais qui présente des similitudes avec

Sous-Section 2 - Le principe de la légalité criminelle à l’epreuve des temps contemporains

Subit des atteintes mais reste un principe fort de la matière pénale

1. L’affaiblissement de la puissance de la loi


A. Le passage de l’exigence d’une légalité formelle à l’exigence d’une simple légalité materielle

o La disparition du monopole législatif

L’infraction suppose toujours l’existence d’un texte ; toutefois, il ne s’agit pas toujours d’un texte de loi.

o L’apparition de sources supra-légales du Droit Pénal

Le Droit pénal n’échappe pas aux phénomènes de « constitutionnalisation » et d’« internationalisation » des
sources du Droit pénal.

B. Le recul de la qualite du texte penal


o L’imprécision des textes pénaux contemporains

S’agissant des incriminations : incriminations formulées en termes vagues : l’incrimination par renvoi (édicte la
peine sans définir les éléments constitutifs de l’infraction, le texte opère un renvoi à un autre texte qui viendra
décrire les éléments constitutifs de l’infraction. Le renvoi peut être interne (autre article du Code pénal) ou
externe (article d’un autre Code) ; l’incrimination de « type ouvert » (l’autorité normative se contente de formules
très vagues donc une grande liberté est laissée au juge pour déterminer les éléments constitutifs de l’infraction)
; l’utilisation de nouveaux concepts (l’autorité normative utilise des concepts nouveaux dont le contenu n’est pas
délimité).

L’autorité normative ne peut pas tout prévoir et ce ne serait pas opportun que tous les comportements soient
décrits précisément (ex : agressions ou atteintes sexuelles pas opportun trop de détails) incapacité de prévoir les
choses avec beaucoup de précisions notamment domaines techniques (ex : informatique)

S’agissant des sanctions : pour les délits et contraventions, le caractère parfois très élevé du maximum des peines
d’amende et la suppression des minima.

La technique des amendes proportionnelles. En matière de publicité mensongère amende maximale pas chiffrée
(moitié du budget publicitaire engagé par le délinquant).

La pénalité par référence technique normative qui consiste déclarer la peine applicable celle prévue par telle ou
telle infraction (escroquerie sert de référence à d’autre infractions).

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o L’abondance contemporaine des textes pénaux

L’abondance contemporaine des textes pénaux contrarie la phrase « nul n’est censé ignorer la loi » qui devient
illusoire aux vues de la quantité des textes pénaux. La surabondance des infractions complique l’application du
texte pénal.

2. L’affermissement de l’office du juge pénal

Grande liberté laissée au juge dans la fixation des peines. Juge réintroduit dans le processus de création des règles
pénales.

A. La mise en oeuvre souveraine de la répression


o De larges pouvoirs d’individualisation de la peine

Le juge dispose de larges pouvoirs d’individualisation de la peine.

La liberté de choix est presque absolue dans la seule limite des peines non prévues.

Le juge pénal jouit de prérogatives comparables en matière de fixation de la durée de la peine privative de liberté
ou du montant de l’amende prononcée (minimum légal en matière criminelle ; seulement un maximum pour les
délit et les contraventions).

Respect du maximum prévu par le texte est la seule contrainte.

Cela dit, une obligation générale de motivation du choix de la peine existe : en matière correctionnelle (CPP art
485-1) ; en matière criminelle (CPP art. 365-1) ; en matière contraventionnelle (Cass. Crim. 30 mai 2018). Cette
exigence permet à la Cour de cassation de contrôler le principe d’individualisation de la peine. Exigence de
motivation de la peine est générale et s’impose avec plus ou moins de fermeté pour que la Cour de cass puise
vérifier

o De larges pouvoirs quant à l’exécution de la peine

Ainsi, une différence importante existe entre la peine prévue par le texte pénal et la peine prononcée par le juge
pénal ; de même, entre la peine prononcée par le juge pénal et la peine effectivement exécutée par la personne
condamnée.

B. Le pouvoir createur du juge pénal

Le pouvoir créateur du juge pénal n’est pas un pouvoir directement accordé mais un pouvoir qui est la
conséquence de l’imprécision de nombreuses incriminations contemporaines.

o L’imprécision de nombreuses incriminations contemporaines

La nécessaire recherche de la portée des termes du texte pénal :

- La recherche des termes employés par l’autorité normative


- L’adaptation du Droit Pénal à l’évolution de la société

La détermination du domaine d’application du texte pénal :

- Il peut arriver que le juge pénal applique des dispositions pénales à des faits juridiques existants. (Ex. :
le juge a précisé que la qualification de vol s’appliquait dans l’hypothèse où la personne se contentait de
détenir momentanément l’objet considéré.)
- Il peut arriver que le juge pénal recourt à l’interprétation analogique, spécialement lorsqu’elle est
favorable à la personne poursuivie. Anonalogi in favorem, en faveur de la personne poursuivie.

20
o Le contrôle de conformité du texte pénal

L’application des sources constitutionnelles et supranationales du Droit Pénal est contrôlée par des juges.

Ainsi, au XXIe siècle, la conception du principe de légalité criminelle s’est considérablement assouplie par rapport
à l’idée formulée et soutenue par Beccaria. Toutefois, même s’il apparait en déclin, le principe de légalité
criminelle reste, aujourd’hui encore, le principe fondamental du Droit Pénal contemporain.

Section 2 - Les controles de conformite, garants de la qualité du texte pénal

L’existence d’un texte pénal ne suffit pas pour que l’infraction puisse être poursuivie. En effet, encore faut-il que
ce texte soit valable, c’est-à-dire conforme aux textes qui lui sont supérieurs.

Le contrôle de conformité peut être défini comme une opération de confrontation d’un texte juridique par rapport
au texte qui lui est directement supérieur, afin de s’assurer de la régularité de son contenu, dans la logique de
leur complémentarité.

Il suffit de garder à l’esprit la hiérarchie des normes :

- La Constitution + Bloc de constitutionnalité


- Les traités internationaux
- Les lois et les règlements autonomes dans leur champ matériel respectif
- Les règlements d’application : les décrets auxquels sont soumis les arrêtés
- Les actes individuels : actes destinés à produire leurs effets au profit, ou à l’encontre, d’un destinataire
déterminé ou de plusieurs destinataires individualisés (≠ actes règlementaires, à portée générale et
impersonnelle)

Dès lors, selon le niveau hiérarchique en cause, sont concernés : le contrôle de constitutionnalité, le contrôle de
conventionalité ou le contrôle de légalité.

Et, il s’agit alors de savoir dans quelle mesure le juge pénal peut exercer lui-même ces différents contrôles, sur le
fondement d’un texte dont la personne poursuivie conteste la conformité par rapport au texte qui lui est
supérieur.

Sous-Section 1 - La conformite
1. Le controle du texte pénal
de constitutionnalite desaux
loistextes
et desfranç ais superieurs
reglements autonomes
A. La « constitutionnalisation » du Droit penal

Le contrôle de constitutionnalité ne porte que sur la conformité au bloc de constitutionnalité du texte pénal
adopté.

Selon le Conseil constitutionnel : si l’autorité normative peut prévoir de nouvelles infractions en déterminant les
peines qui leur sont applicables, elle doit assurer la coïncidence entre les exigences de l’ordre public et la garantie
des droits constitutionnellement protégés.

Au-delà des règles constitutionnelles contenues dans le corps même de la Constitution de 1958, les lois doivent
impérativement respecter les lois contenues dans les textes visés par le préambule de la Constitution. Le Conseil
constitutionnel a conféré un rang constitutionnel à certains principes fondamentaux de Droit Pénal :

- Les principes de responsabilité personnelle et de personnalité des peines (Cons. Const. 2 décembre 1976
: Réc. p. 39 ; Cons. Const. 5 mai 1998 : D. 1999, jurispr. p. 209) ;
- Le principe de légalité (Cons. Const. 19 et 20 janv. 1981 : Réc. p. 15) ;
- Le PFRLR en matière de Droit Pénal des mineurs (Cons. Const. 29 août 2002 : JO 10 sept. 2002) ...

21
Les principes susmentionnés ont pu rendre inconstitutionnels certains textes pénaux.

Le CC applique la technique de la réserve d’interprétation.

B. Un controle de constitutionnalite « conditionne »

Il s’agit ici d’un contrôle a priori et d’un contrôle a posteriori

o Le contrôle de constitutionnalité a priori, par voie d’action

Seules des personnes politiques peuvent saisir le Conseil constitutionnel (PR, président de l’Assemblée nationale,
président du Sénat, 60 députés ou 60 sénateurs).

Ce contrôle ne peut intervenir qu’avant la promulgation du texte, c’est-à-dire dans les 15 jours qui suivent la
transmission du texte définitivement adopté au Gouvernement.

o Le contrôle de constitutionnalité a posteriori, par voie d’exception : la QPC

Il s’agit du système applicable depuis le 1er mars 2010. Ainsi, l’article 61-1 de la Constitution permet aux
justiciables de soulever l’inconstitutionnalité d’un texte législatif au cours d’une instance juridictionnelle,
notamment en matière pénale, dans les cas où le contrôle de constitutionnalité n’aurait pas été effectué, pour
telle ou telle raison, avant sa promulgation.

L’article 62 de la Constitution a été complété afin de préciser que les dispositions déclarées inconstitutionnelles
sur le fondement de l’article 61-1 seront abrogées à compter soit de la publication de la décision du Conseil
constitutionnel, soit d’une date ultérieure fixée par cette décision, et que le Conseil constitutionnel déterminera
les conditions et limites dans lesquelles les effets que la décision a produits seront susceptibles d’être remis en
cause.

Un filtrage est opéré par la Cour de cassation pour éviter que le Conseil constitutionnel ne se retrouve submergé
de demandes. La Cour de cassation peut décider de ne pas transmettre la QPC au Conseil constitutionnel si la
demande n’est pas nouvelle ou ne présente pas un caractère sérieux.

Pour le Conseil constitutionnel, il s’agit seulement de dire si cette disposition, analysée de manière abstraite,
heurte un principe constitutionnel.

2. Le controle de la légalité des actes administratifs

Situé au pied de la hiérarchie des normes, l’acte administratif est soumis à l’ensemble des textes qui lui sont
supérieurs.

Depuis 1958, il faut distinguer, selon qu’il s’agit d’un règlement autonome dont le contrôle est normalement un
contrôle de constitutionnalité ou qu’il s’agit d’un règlement d’application dont le contrôle demeure un contrôle
de la légalité.

Distinction Voie d’action - Voie d’exception

Si le JA refuse le justiciable pourra invoquer l’illégalité de l’acte par voie d’exception et devant le juge pénal. Une
exception d’illégalité est soulevée par les parties ou le Ministère public devant le juge pénal sans délai. Si
effectivemet la décision n’a que l’autorité de la chose jugée, le texte pénal sera écarté de l’affaire en cours mais ne
disparaîtra pas de l’ordre juridique.

A. L’admission d’un controle de la légalité des actes administratifs

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D’origine prétorienne, la compétence des juridictions pénales a été consacrée par l’article 111-5 du Code pénal : «
Les juridictions pénales sont compétentes pour interpréter les actes administratifs, règlementaires ou individuels
et pour en apprécier la légalité lorsque, de cet examen, dépend la solution du procès pénal qui leur est soumis. ».

Avant le Code pénal de 1994, la jurisprudence était incertaine. Mais depuis 1994, la compétence du juge pénal est
subordonnée à une condition unique : l’influence de l’acte administratif doit être déterminante pour la solution
du procès.

Dès lors que cette appréciation a une influence sur la solution du litige, si de nature à mettre en cause l’existence
de l’infraction.

Souvent, l’acte admin est un acte règlementaire qui sert de fondement à la répression (ex : décret qui détermine
une contravention) mais peut aussi être acte administratif individuel.

Si la solution du procès en dépend, le juge pénal peut interpréter l’acte avant d’en faire l’application.

B. La plenitude du controle des actes administratifs par le juge pénal

Le juge pénal :

- Veille à ce que les actes administratifs qui lui sont soumis ne violent aucun texte supérieur.
- Examine la matérialité des faits qui ont justifié l’acte, leur qualification juridique et la proportionnalité
de la mesure par rapport aux faits considérés.
- Vérifie que l’autorité qui a émis l’acte avait la compétence requise.
- Sanctionne les irrégularités purement formelles à condition qu’elles soient substantielles.

Sous-Section 2 - La conformite du texte pénal français aux textes supranationaux

La Constitution de 1958 pose le principe de primauté du Droit international sur les textes internes (article 55).

Le contrôle de conventionalité consiste à apprécier la conformité des textes français aux Traités et Accords
internationaux. Ce contrôle est opéré par les juridictions internes de droit commun. Aussi, lorsque les juridictions
françaises constatent que le texte pénal français est contraire à un Traité ou Accord international, elles doivent
écarter la loi ou le règlement et faire prévaloir directement le texte supranational, même si la loi ou le règlement
sont postérieurs audit texte.

1. Les regles generales


A. Fondement et portee de l’autorité superieure des textes internationaux

o Le principe de l’autorité supérieure des Traités et Accords internationaux

L’article 54 pose le principe de la nécessaire conformité des Traités et Accords internationaux à la Constitution.
À défaut, la modification de la Constitution doit intervenir préalablement à toute ratification.

Le juge pénal est compétent pour apprécier la conformité d’un texte français à un texte international par voie
d’exception, à l’occasion d’une affaire particulière dont il a connaissance.

L’autorité supérieure des Traités ou Accords internationaux conduit à écarter l’application du texte français qui
leur est contraire ; et ce, au profit du texte international. Peu importe que le texte français lui soit antérieur ou
postérieur (Cass. Ch. mixte, 24 mai 1975, société des cafés Jacques Vabres : D. 1975, p. 497 et CE 20 oct. 1989, Nicolo
: D. 1990, p. 135). La solution ne vaut que pour l’affaire en cours.

B. Interpretation et controle de la regularite des Traites et Accords internationaux

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o L’interprétation des Traités et Accords internationaux

Un revirement jurisprudentiel est intervenu en 2004 (chambre criminelle de la Cour de cassation, 11 février 2004,
Lacour et autres). Par l’arrêt Lacour et autres, la Cour de cassation a abandonné sa position traditionnelle selon
laquelle les Traités et Accords internationaux étaient des actes de haute administration ne pouvant être
interprétés que par le ministre des Affaires estrangères sur renvoi impératif des juridictions pénales. De là, le
renvoi au Gouvernement n’est qu’une simple faculté pour le juge pénal. Et, en tout état de cause, le juge pénal
n’est pas lié par l’interprétation gouvernementale s’il la sollicite pour s’éclairer.

o Le contrôle de la régularité des Traités et Accords internationaux

Évidemment, le juge pénal ne peut pas porter d’appréciation sur le contenu des traités.

2. Les regles « europeennes »


A. Le Droit de l’UE

L’influence du Droit de l’UE sur le Droit Pénal interne se manifeste de deux façons :

- Le Droit de l’UE peut venir neutraliser des incriminations prévues par un texte français.
- Lorsqu’une infraction consiste dans la violation d’un texte de l’UE et que le texte de l’UE doit être
interprété, c’est finalement le juge de l’UE qui permet ou non la mise en œuvre d’une incrimination
française, par le biais de l’interprétation.

L’interprétation du Droit de l’UE est assurée par la CJUE sur renvoi préjudiciel des juridictions nationales par
application de l’article 267 du TFUE. En pratique, l’interprétation donnée par la CJUE induit souvent la réponse à
la question de la compatibilité de la législation interne avec la règle interprétée.

C. La CESDH
o Le contrôle de conformité opéré par le juge français

En France, le respect des droits garantis par la CESDH est assuré par la Cour de cassation et le Conseil d’État.

o Le contrôle de conformité opéré par la Cour EDH

Des exigences de qualité normative sont issues de la CESDH. Plusieurs décisions rendues par la Cour EDH sur le
fondement de l’article 7 de la CESDH. Pour apprécier la qualité du texte pénal, la Cour EDH se réfère à différents
critères :

- La précision, qui conduit à considérer la clarté dans la définition ;


- La prévisibilité ;
- L’accessibilité.

La Cour EDH n’apprécie pas de manière abstraite la conformité de tel texte pénal français à la CESDH. La Cour
EDH se borne à examiner si les sanctions infligées dans telle situation concrète, en application de l’article 7 de la
CESDH, sont justifiées au regard des exigences conventionnelles. (Cour EDH 10 oct. 2006, Pessino c./ France)

La portée des arrêts de la Cour EDH est indéniable, assurant une effectivité de l’exigence de la qualité des textes
pénaux. Les arrêts de la Cour EDH :

- Peuvent être à l’origine de la révision des décisions des juridictions françaises.


- Peuvent constituer une puissante incitation de l’autorité normative à modifier des textes pénaux français
afin de se conformer à la CESDH.
- Imposent aux États membres des « obligations positives » d’établir et d’appliquer de manière effective
des sanctions pénales pour punir les atteintes à certains droits garantis par la CESDH.

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25
Thème 3 : L’applicabilité du texte pénal français

Introduction

Assurément, le texte pénal est l’expression d’une souveraineté nationale. Aussi, l’application du texte pénal doit
être soumise à des limites territoriales.

Depuis 1994, les règles relatives à l’application du texte pénal dans l’espace figurent dans le Code pénal, aux
articles 113-1 à 113-14 ; toutefois, certaines dispositions relatives à la compétence figurent dans le Code de
procédure pénal, aux articles 689 et suivants.

Divers systèmes permettent de retenir la compétence du texte pénal français, et par là même du juge pénal
français ; ces systèmes jouent selon que les infractions sont localisées en France ou hors de France.

Section 1 – L’application du texte penal francais aux infractions localisees en France

Articles 113-2 à 113-5 du Code pénal.

1. Le principe de territorialité (article 113-2 al. 1)


A. Exposé du principe

Le principe de territorialité du texte pénal signifie que toutes les infractions commises en France relèvent du
texte pénal français. Ainsi, aucune condition particulière n’est exigée pour que le texte pénal français soit
appliqué.

B. Les limites au principe de territorialité

Quelques hypothèses dans lesquelles des infractions commises en France échappent à la compétence du texte
pénal, et donc du juge français.

o L’immunité diplomatique

Une immunité protège les ambassadeurs et personnels diplomatiques accrédites en France et leur famille, à
l’exception des personnels consulaires lorsqu’ils ne sont pas en fonction.

Cette protection leur permet d’échapper à la compétence du texte pénal français et des juridictions pénales
françaises lorsqu’ils commettent en France une infraction autre qu’un crime de guerre ou qu’un crime contre
l’humanité.

Il s’agit d’une inviolabilité des locaux diplomatiques. L’obstacle à la répression n’est que procédural : l’infraction
pourra être jugée par l’État dont l’agent diplomatique est ressortissant.

o L’immunité des chefs d’État

Une immunité de juridiction protège les chefs d’État étrangers en séjour en France et les chefs d’État en exercice
pour les infractions rattachables au territoire français qu’ils pourraient commettre.

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2. La mise en oeuvre du principe de territorialité

A. La détermination du territoire français (article 113-1)

o Les espaces terrestre, maritime et aérien

› L’espace terrestre

La République française comprend la France métropolitaine et ses îles proches ainsi que ses extensions Outre-
Mer.

› L’espace maritime : les eaux territoriales

L’espace maritime inclut la mer territoriale où tout type d’infraction peut être relevé, fixée à 12 milles marins à
compter de la côté et la zone économique exclusive -où seules infractions à l’exploration et l’exploitation des
ressources naturelles peuvent être relevées, fixée à 200 milles marins à compter de la côté mais extensible
jusqu’aux limites du plateau continental lorsque celui-ci est plus grand que la zone économique exclusive.

Ainsi, toute infraction commise dans les eaux territoriales à bord ou à l’encontre d’un navire relève du texte pénal
français, que ce navire soit français ou étranger. Toutefois, une exception : c’est la loi du pavillon qui s’applique
lorsque l’infraction a été commise à bord ou à l’encontre d’un navire militaire étranger. Le pavillon correspond à
la nationalité du navire. Tout navire a un pavillon.

› L’espace aérien

L’espace aérien s’entend de l’espace situé au-dessus du territoire terrestre et de ses eaux territoriales.

Ainsi, toute infraction commise à bord ou à l’encontre d’un aéronef étranger dans l’espace aérien français relève
de la compétence du texte pénal français même si l’auteur et les victimes sont étrangers. Là encore, une exception
: les infractions commises à bord ou à l’encontre d’un aéronef militaire étranger relèvent du texte pénal étranger.

o Les espaces assimilés au territoire de la République française

› Les navires français (article 113-3)

Les infractions commises en haute mer ou dans les eaux territoriales étrangères à bord ou à l’encontre d’un navire
français ou à l’encontre des personnes s’y trouvant à bord relèvent du texte pénal français.

La compétence du texte pénal français n’exclut pas la compétence concurrente d’un texte pénal étranger.
Cependant, elle est exclusive en ce qui concerne les navires militaires français.

› Les aéronefs français (article 113-4)

Le texte pénal français est applicable aux infractions commises à bord ou à l’encontre d’aéronefs immatricules
français survolant la haute mer ou l’espace aérien d’un État étranger ou encore posés en territoire étranger, ou à
l’encontre des personnes s’y trouvant à bord. Là encore, la compétence du texte pénal français est exclusive pour
les aéronefs militaires français.

B. Le rattachement de l’infraction au territoire français

Des extensions légales de la compétence du texte pénal français existent alors même que l’infraction n’est pas
entièrement localisée en France. C’est dire que le principe de territorialité est largement entendu.

o La localisation partielle de l’infraction en France (article 113-2 alinéa 2)

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Le fait que l’infraction ne soit que partiellement localisée en France ne fait pas échec à l’application du texte pénal
français.

L’article 113-2 alinéa 2 fait référence à la notion de « faits constitutifs », notion non assimilable à la notion d’«
éléments constitutifs » de l’infraction. Pourtant, à la lumière de la jurisprudence, il apparaît que cette condition
de localisation est très facilement réalisée.

Dès lors que les actes préparatoires ont eu lieu en France ; lorsque la condition préalable à l’infraction a été
commise en France. Parfois, la nature de l’infraction peut venir compliquer l’opération de rattachement
territorial.

- L’infraction simple : la réalisation nécessite l’accomplissement d’un seul acte instantané. Le texte pénal
français est applicable alors même que le comportement fautif a été adopté à l’étranger, mais que le
résultat s’est produit en France.
- L’infraction complexe : la réalisation nécessite l’accomplissement de plusieurs actes de nature différente
(ex : escroquerie). Le texte pénal français est applicable dès lors qu’un seul des actes requis s’est déroulé
en France.
- L’infraction d’habitude, dont la réalisation nécessite l’accomplissement d’au moins 2 actes identiques
qui, pris isolément, ne sont pas punissables (Ex : exercice illégal de la médecine). Le texte pénal français
est applicable dès lors qu’un seul acte a été commis en France.
- L’infraction continue : se caractérise par la réitération constante de la volonté coupable (ex :
séquestration ; recel : fait de détenir un bien dont l’on connaît l’origine frauduleuse). Le texte pénal
français est applicable dès lors que le comportement infractionnel se prolonge pour partie en France.
- L’infraction d’omission (ex : non-représentation d’enfant). Le texte pénal français est applicable dès lors
que l’obligation non exécutée aurait dû être accomplie en France.

o La complicité en France d’une infraction commise à l’étranger (article 113-5)

Le texte pénal français s’applique à l’acte de complicité commis en France d’une infraction principale commise à
l’étranger.

À la vérité, l’ajout d’un deuxième alinéa à l’article 113-5 -à la faveur de la loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant
à protéger les victimes de violences conjugales commande désormais d’envisager 2 hypothèses :

› L’hypothèse générale : les actes de complicité réalisés en France d’un crime ou d’un délit commis à
l’étranger (article 113-5 alinéa 1)

Dans cette hypothèse, l’applicabilité du texte pénal français est conditionnée. Deux conditions sont requises :

- L’infraction principale doit constituer un crime ou un délit puni à la fois par le texte pénal français et
par le texte pénal étranger.
- L’infraction principale doit avoir été constatée par un jugement définitif à l’étranger.

L’application de l’article 113-5 du Code pénal ne se justifie plus lorsque les dispositions des articles 113-6 et s.
permettent de soumettre le fait principal commis à l’étranger et, par là-même, l’acte de complicité qui s’y
rattache, à la compétence du texte français.

› L’hypothèse spécifique : certains actes de complicité réalisés en France de certains crimes commis à
l’étranger (article 113-5 alinéa 2)

Dans cette hypothèse, l’applicabilité du texte pénal français n’est pas conditionnée. En effet, l’acte de complicité
en France peut être poursuivi en France sans contrôle de la double incrimination, ni jugement préalable et
définitif du crime principal.

Les crimes visés sont les crimes prévus au livre II du Code pénal, à savoir : les crimes contre les personnes.

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Les actes de complicité visés sont les actes de complicité prévus au second alinéa de l’article 121-7 du Code pénal
commis sur le territoire de la République, à savoir : l’incitation ou la provocation par dons, promesses, menaces,
ordre, ou encore abus d’autorité.

o La connexité ou l’indivisibilité d’une infraction commise à l’étranger avec une infraction commise en
France

Le principe de territorialité permet d’appliquer le texte pénal français à des infractions totalement commises à
l’étranger dès lors qu’elles présentent un lien de connexité ou d’indivisibilité avec des infractions commises en
France.

- La connexité suppose une unité de temps et de lieu, voire un lien entre les infractions.
- L’indivisibilité s’entend d’infractions liées par une unité de cause ou de but.

o L’extension de territorialité des poursuites pénales en matière de cybercriminalité (article 113-2-1 du


Code pénal)

Tout crime ou délit réalisé au moyen d’un réseau de communication électronique est réputé commis en France
lorsqu’il est tenté ou commis au préjudice d’une personne physique résidant en France ou d’une personne morale
dont le siège social se situe en France. À la vérité, le lieu de résidence de la personne physique ou du siège social
de la personne morale prime sur la localisation géographique de l’atteinte portée par l’usage de ces moyens
frauduleux.

Section 1 – L’application du texte penal francais aux infractions localisees hors de France

Le principe est la non-application du texte pénal français aux infractions localisées hors de France. Pourtant, de
nombreuses infractions commises à l’étranger relèvent du texte pénal français. En effet, lorsque le principe de
territorialité ne peut pas jouer, parce que l’infraction est localisée hors du territoire de la République ou des
bâtiments qui lui sont assimilés, d’autres systèmes de compétence vont pouvoir s’appliquer afin de protéger des
intérêts spécifiques ou pour protéger certaines valeurs.

1. La protection d’interets specifiques

Il s’agit du jeu des systèmes de compétence personnelle et réelle.

A. La compétence personnelle, système de protection des ressortissants français

Le système de personnalité est fondé sur la nationalité.

o Les conditions spécifiques du jeu des compétences personnelles active et passive

› Concernant la compétence personnelle active (article 113-6 du Code pénal)

La solution générale : l’auteur de l’infraction localisée à l’étranger doit être français. La nationalité de l’auteur de
l’infraction s’apprécie au moment des poursuites.

- L’infraction localisée à l’étranger doit constituer un crime ou un délit.

S’agissant des crimes : pour que le texte pénal français s’applique, le crime doit être puni par le Droit Pénal
français.

S’agissant des délits : la réciprocité d’incrimination est exigée sauf si la victime du délit est française.

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Les solutions particulières : pour certaines infractions, des règles spécifiques existent, qui visent à faciliter
l’application du texte pénal français. Le texte pénal français est applicable lorsque les faits sont commis par un
Français ou par un étranger résidant habituellement en France. L’exigence de réciprocité d’incrimination prévue
pour les délits n’est pas exigée.

Pour certaines infractions sexuelles (articles 222-22 al. 3, 227-22..., 225-11-2) ; infractions de traite des êtres
humains (article 225-4-1) ; activité de mercenaire (article 436-3) ; clonage (article 511-1-1) ; certaines infractions de
terrorisme (L. n° 2012-1432 du 21 décembre 2012 relative à la sécurité et à la lutte contre le terrorisme).

Le texte pénal français est applicable aux crimes et délits qualifiés d’actes de terrorisme et réprimés par le Titre
II du Livre IV commis à l’étranger par un Français ou par une personne résidant habituellement en France.

o Concernant la compétence personnelle passive

Il s’agit d’une extension de la compétence personnelle passive concernant l’infraction localisée à l’étranger,
commise contre une personne de nationalité française.

› La solution générale (article 113-7 du Code pénal)

L’infraction doit être, soit un crime, soit un délit puni d’une peine d’emprisonnement ; la réciprocité
d’incrimination n’est pas exigée. La victime doit être française ; la nationalité s’apprécie au moment de la
commission de l’infraction.

› Les solutions particulières

Les infractions visées sont : les violences ayant entrainé la mort sans intention de la donner (article 222-8 du Code
pénal), une mutilation ou une infirmité́ permanente (article 222-10 du Code pénal) ou une ITT de plus de 8 jours
(article 222-12 du Code pénal), commise avec une ou plusieurs circonstances aggravantes.

Victime : personne mineure résidant habituellement en France, quelle que soit sa nationalité.

- L’infraction, contre une personne de nationalité française, commise à bord ou à l’encontre d’un aéronef
non immatriculé en France (article 113-11 1° du Code pénal).

L’infraction doit être soit un crime, soit un délit même non puni d’emprisonnement. La victime doit être française
; la nationalité s’apprécie au moment de la commission de l’infraction.

o Les conditions communes de mise en œuvre de la répression des compétences personnelles active et
passive

› La solution générale (articles 113-8 et 113-9 du Code pénal)

Les modalités d’exercice des poursuites : si l’infraction constitue un délit (article 113-8). La poursuite d’un délit
ne peut être exercée qu’à la requête du Ministère public. Elle doit être précédée d’une plainte préalable de la
victime ou de ses ayants droit ou d’une dénonciation officielle par l’autorité du pays où l’infraction a été commise.

Dans le cadre de l’article 113-11 1°, les exigences procédurales de l’article 113-8 ne sont pas requises.

La règle « non bis in idem » (article 113-9 du Code pénal).

› Les solutions particulières

Les infractions de nature sexuelle : là encore, pour faciliter la lutte du « tourisme sexuel », les poursuites peuvent
être engagées par le Ministère public même en l’absence de plainte de la victime ou de dénonciation officielle du

30
pays dans lequel les faits ont été commis. S’il s’agit d’un délit : inutilité de la plainte de la victime ou de ses ayants
droit ou d’une dénonciation officielle du pays où les faits ont été commis (article 222-16-2 du Code pénal).

Les autres hypothèses : les infractions relatives aux armes et produits chimiques et aux mines antipersonnel...

Ainsi, le texte pénal français n’est pas applicable si la personne justifie avoir été jugée définitivement à l’étranger
et, en cas de condamnation, si sa peine a été subie ou prescrite.

B. La compétence reelle, système de protection des intérêts superieurs français ou de certains interets fondamentaux
etrangers

Le système de réalité est fondé sur l’infraction elle-même, eu égard aux intérêts protégés (article 113-10 du Code
pénal). Ce texte protège les intérêts fondamentaux de l’État français ET certains intérêts fondamentaux d’États
étrangers, ainsi que les agents et locaux diplomatiques et consulaires de l’État français.

Les infractions portant atteinte aux intérêts supérieurs de la France :

- Trahison, espionnage, attentat mettant en péril la République, complot, mouvement insurrectionnel,


usurpation de commandement...
- Infractions contre les symboles de la présence française à l’étranger.

Les infractions portant atteinte à des intérêts fondamentaux français ou étrangers : sont visées les infractions de
fausse monnaie, de falsification de titres et des marques de l’autorité.

2. La protection de certaines valeurs

Il s’agit ici du jeu des systèmes de compétence alternative à l’extradition et universelle.

A. La compétence alternative à l’extradition, système de protection de la philosophie humaniste du Droit Pénal français et
de l’efficience de la justice

Article 113-8-1 du Code pénal. L’État français se réserve la possibilité de refuser l’extradition d’un étranger qui
s’est refugié sur son sol et qui lui est demandé par un État qui souhaite le juger. Et, la compétence des juridictions
françaises est prévue pour juger les personnes dont l’extradition a été refusée, en dehors des cas mentionnés aux
articles 113-6 et 113-7.

L’article 113-8-1 du Code pénal est de nature à faciliter la mise en œuvre de la règle « extrader ou juger ».

L’infraction doit être soit un crime, soit un délit puni d’au moins 5 ans d’emprisonnement. Le refus d’extradition
doit être justifié par la « défiance » des autorités françaises envers l’État requérant ou envers le système judiciaire
de celui-ci. L’article 113-8-1 du Code pénal n’est applicable que si l’extradition a été refusée pour l’une des quatre
raisons suivantes :

- L’infraction est punie par la législation de l’État requérant d’une peine ou d’une mesure de sureté
contraire à l’ordre public français.
- La personne réclamée aurait été jugée dans cet État par un Tribunal n’assurant pas les garanties
fondamentales de procédure et de protection des droits de la défense.
- Les faits reprochés revêtent le caractère d’infraction politique.
- L’extradition ou la remise serait susceptible d’avoir, pour la personne réclamée, des conséquences d’une
gravité exceptionnelle en raison, notamment, de son âge ou de son état de santé.

La poursuite ne peut être exercée qu’à la requête du Ministère public. La poursuite n’a pas à être précédée d’une
dénonciation officielle de l’autorité du pays où le fait a été accompli et qui avait requis l’extradition.

B. La compétence universelle, système de protection des valeurs de la communauté internationale

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Le système de l’universalité est fondé sur l’arrestation. Il y a là une compétence juridictionnelle et non législative
(article 689-1 et suivants du CPP).

o Les conditions générales de mise en œuvre de la compétence universelle (article 689-1 du CPP)

La compétence universelle des juridictions françaises ne peut résulter que d’une convention internationale ; et,
elle ne vaut que pour les infractions désignées par cette convention internationale. La personne qui a commis
l’infraction à l’étranger doit avoir été trouvée en France.

La règle non bis in idem s’applique. En effet, les poursuites devant les juridictions pénales françaises sont exclues
lorsque l’intéressé a déjà été jugé à l’étranger pour les mêmes faits article 692 du CPP).

Aucune plainte ou dénonciation préalable n’est nécessaire ; et la réciprocité d’incrimination est indifférente. Il
suffit que les faits soient susceptibles de revêtir, selon le Droit français, une qualification entrant dans les
prévisions du texte conventionnel fondant leur compétence.

o Les cas de compétence universelle (articles 689-2 à 689-14 du CPP)

Il s’agit du cas de compétence universelle résultant de conventions internationales (articles 689-2 à 689-14 du
CPP).

Les règles supposent que la personne qui a commis l’infraction à l’étranger se trouve désormais en France (article
689-1 du CPP). Elles s’appliquent aux infractions énoncées, et à leur tentative quand elle est punissable.

o Tableau recapitulatif de l’applicabilite du texte penal francais

NATIONALITE
Faits commis en tout ou
(Condition appréciée au jour de la partie en France FAITS COMMIS À L’ETRANGER
poursuite ou de la commission de (ou territoires assimilés)
l’infraction)
Pas d’élément d’extranéité

Principe de territorialité Compétence personnelle passive


AUTEUR = FRANÇAIS
Article 113-2 du CP
VICTIME = FRANÇAISE = Applicabilité du texte pénal français
= Applicabilité́ du texte pénal
français
Principe de territorialité Compétence personnelle active

Article 113-2 du CP Article 113-6 du Code pénal


AUTEUR = FRANÇAIS
Une seule condition : faits Conditions : auteur de nationalité française + Crime ou délit +
commis en tout ou partie en Pour les délits : réciprocité d’incrimination (sauf solutions
VICTIME = ETRANGERE France particulières) + Non bis in idem (article 113-9 du CP) +
Conditions de procédure de l’article 113-8
= Applicabilité du texte pénal
français = Applicabilité du texte pénal français
Principe de territorialité
Compétence personnelle passive

AUTEUR = ETRANGER Article 113-2 du CP


Article 113-7 du Code pénal

VICTIME = FRANÇAISE 1 seule condition : faits commis


en tout ou partie en France Conditions : victime de nationalité française + Crime, ou délit
puni d’emprisonnement + Non bis in idem (article 113-9) +

32
= Applicabilité du texte pénal Conditions de procédure de l’article 113-8 Attention aux
français solutions particulières

= Applicabilité du texte pénal français


Principe de territorialité
Compétence réelle
AUTEUR = FRANÇAIS OU Article 113-2 du CP
ETRANGER 1 seule condition : Infraction portant atteinte aux intérêts
1 seule condition : faits commis supérieurs de la France (Article 113- 10) ou à certains intérêts
VICTIME = FRANÇAISE OU en tout ou partie en France fondamentaux d’États étrangers (fausse monnaie...)
ETRANGERE
= Applicabilité du texte pénal = Applicabilité du texte pénal français
français
Principe de territorialité Compétence universelle

AUTEUR = FRANÇAIS OU Article 113-2 du CP Articles 689 et 689-1 du CPP


ETRANGER
1 seule condition : faits commis Conditions : Infraction portant atteinte aux valeurs de la
VICTIME = FRANÇAISE OU en tout ou partie en France Communauté internationale + Arrestation en France de
ETRANGERE l’auteur + Non bis in idem
= Applicabilité du texte pénal
français = Applicabilité du texte pénal français

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THÈME 4 : La résolution des éventuels conflits de textes pénaux
dans le temps

Eu égard à l’évolution incontournable du Droit pénal couplée à l’inflation normative vertigineuse contemporaine,
il peut arriver que deux textes pénaux se « télescopent ». Alors, il est impérieux de déterminer lequel de ces deux
textes pénaux est spécialement applicable.

Pendant longtemps, les règles relatives à l’application du texte pénal dans le temps ont été d’origine
jurisprudentielle ; depuis la réforme de 1994, elles figurent dans le Code pénal, aux articles 112-1 à 112-4. Les
solutions diffèrent selon la nature des textes pénaux en conflit.

Section 1 – les verifications prealables a la resolution du conflit de textes penaux dans le temps

Avant de tenter de résoudre un conflit de textes pénaux dans le temps, il convient de s’assurer qu’un tel conflit
existe bel et bien.

Ensuite, il est impérieux d’identifier la nature du texte pénal afin de pouvoir discriminer, parmi les principes de
solution prévus le Code pénal, celui qui est adéquat.

Dès lors, ce principe de solution pourra être mis en œuvre et permettra de sélectionner, parmi les 2 textes pénaux
en conflit, celui qui est spécialement applicable.

1. S’assurer de l’existence d’un conflit de textes pénaux dans le temps

Le fait qu’un nouveau texte pénal entre en vigueur ne crée pas nécessairement un conflit de textes pénaux dans
le temps.

A. La date d’entrée en vigueur du texte pénal nouveau

En principe, le texte pénal est exécutoire un jour après la date de publication ; et ce, sur l’ensemble du territoire
(puisque le JORF se trouve sur Internet). Cela dit :

- L’autorité normative peut reporter l’entrée en vigueur du texte pénal à une date postérieure.
- L’autorité normative peut subordonner l’application d’une loi pénale à la publication d’un texte
règlementaire (décret ou arrêté). Aussi, tant que le texte règlementaire n’est pas paru, la loi n’a pas à
s’appliquer : son entrée en vigueur est suspendue.

B. La date du comportement à qualifier

Déterminer la date du comportement à qualifier ne pose pas de difficultés pour l’infraction instantanée : les faits
infractionnels ont une date précise.

Déterminer la date du comportement à qualifier est plus délicat pour les infractions dont la réalisation s’étend
sur une certaine durée.

Ainsi, pour : l’infraction complexe ; l’infraction continue ; l’infraction d’habitude.

34
C. La date du jugement

Un texte pénal nouveau ne remet jamais en cause l’autorité de chose jugée des décisions de justice qui ont été
rendues.

2. Identifier la nature du texte pénal

Il existe trois types de textes pénaux.

A. Les textes pénaux de fond

Les textes pénaux de fond sont relatifs à l’incrimination et à la pénalité. Les textes pénaux de fond déterminent
les actes répréhensibles et les peines qui leur sont applicables ainsi que les conditions de mise en œuvre de la
responsabilité de leur auteur.

Le terme « loi » au sens du Code pénal s’entend du texte (et non pas du Droit non écrit). Au contraire, la Cour
EDH retient une approche matérielle, et non pas formelle, du terme « loi », englobant par là même le « droit non
écrit » (Cour EDH 26 avr. 1979, Sunday Times ; Cour EDH 22 oct. 1981. 1979, Dudgeon ; Cour EDH 30 mars 1989,
Chappell).

Partant, elle a décidé que l’article 7 de la CESDH posant le principe de la légalité ainsi que le principe de non-
rétroactivité de la loi pénale de fond plus sévère était applicable à la jurisprudence. Une sanction pénale fondée
sur un revirement de jurisprudence est imprévisible et donc contraire aux dispositions de l’article 7 (Cour EDH
10 oct. 2006, Pessino c./ France).

Pour l’heure, selon la Chambre criminelle de la Cour de cassation, « le principe de non- rétroactivité ne s’applique
pas à une simple interprétation jurisprudentielle » (Cass. crim. 30 janv. 2002 ; Cass. crim. 5 mai 2004).

Un texte pénal de fond pourra abaisser la peine applicable à une infraction, étendre ou restreindre le champ
d’application de l’incrimination, supprimer une cause ou un nouveau cadre de texte pénal.

B. Les textes pénaux de forme

Les textes pénaux de forme sont tous les autres textes relatifs à la procédure pénale ou à l’exécution des peines.

Ainsi : les textes pénaux de compétence et d’organisation judiciaire ; les textes fixant les modalités des poursuites
et les formes de la procédure ; les textes relatifs au régime d’exécution et d’application des peines ; les textes
relatifs à la prescription ; les textes relatifs aux voies de recours.

C. Les textes instituant des mesures de surete

Les mesures de sûreté tendent à neutraliser un état dangereux ; elles sont dépourvues de véritable caractère
répressif. Un constat : le Code pénal ne vise pas les mesures de sûreté en tant que telles.

Section 2 – la mise en oeuvre des principes de solution

Le Code pénal prévoit des principes de solution qui varient selon la nature du texte pénal.

Lors de l’identification de la nature du texte pénal nouveau, il convient de déterminer s’il s’agit d’un texte pénal
simple ou d’un texte pénal complexe et s’il s’agit d’un texte pénal de fond, d’un texte pénal de forme ou d’une
texte instituant une mesure de sûreté.

35
Dans l’hypothèse d’un texte pénal simple : selon qu’il s’agit d’un texte pénal de fond, d’un texte pénal de forme ou
d’un texte instituant une mesure de sûreté, il s’agira alors de mettre en œuvre les principes de solution
correspondant à la nature dudit texte.

Dans l’hypothèse d’un texte pénal complexe :

- En cas de texte pénal comportant des dispositions de différente nature : il s’agira alors d’appliquer
distinctement les principes de solution propres à chacune des dispositions considérées.
- En cas de texte pénal de fond comportant à la fois des dispositions plus douces et des dispositions plus
sévères : il s’agira alors de déterminer si ledit texte est divisible ou indivisible, c’est-à-dire si les
dispositions qu’il comporte portent ou non sur des objets distincts, puis d’appliquer les solutions de
principe dégagées par la jurisprudence.

1. L’application dans le temps des textes d’incrimination et de pénalité

Article 112-1 du Code pénal.

A. L’énoncé des principes


o La non-rétroactivité des textes pénaux de fond plus sévères

Article 112-1 alinéas 1 et 2 du Code pénal.

› Exposé du principe

Le principe de non-rétroactivité du texte pénal de fond plus sévère signifie que le texte pénal de fond nouveau ne
peut pas réprimer des actes qui n’étaient pas punis ou qui étaient punis moins sévèrement au moment de leur
commission.

Le texte pénal de fond plus sévère s’applique pour l’avenir et donc uniquement aux faits commis après son entrée
en vigueur. Les faits antérieurs restent régis par le texte pénal de fond ancien, même s’ils ne sont pas
définitivement jugés.

Le principe de non-rétroactivité des textes pénaux de fond plus sévères a valeur constitutionnelle,
conventionnelle et législative.

› Les limites du principe

Le domaine de la non-rétroactivité se limite strictement aux textes pénaux de fond plus sévères. Peuvent
rétroagir, notamment : les textes interprétatifs ; les textes déclaratifs ; les textes incriminant des atteintes à des
valeurs essentielles de la civilisation

o L’application immédiate des textes pénaux de fond plus doux : la rétroactivité « in mitius »

Article 112-1 alinéa 3 du Code pénal.

› Exposé du principe

Lorsqu’un texte pénal de fond nouveau est plus doux, il s’applique aux faits commis avant son entrée en vigueur
non encore jugés ou déjà jugés en première instance et susceptibles d’être soumis à une juridiction d’appel ou à
la Cour de cassation, ou après cassation, si les faits doivent être jugés par une nouvelle juridiction.

Ainsi, si une personne condamnée se trouve dans les délais de recours, elle peut interjeter appel ou former un
pourvoi en cassation pour obtenir l’application du texte pénal de fond nouveau.

36
L’essentiel est qu’une décision de condamnation définitive ne soit pas intervenue. Toutefois, des hypothèses sont
à réserver :

- Lorsque le texte pénal nouveau supprime toute incrimination (Article 112-4 alinéa 2 du Code pénal) ;
- Lorsque le texte pénal nouveau abolit une peine.

Le principe de rétroactivité des textes pénaux de fond plus doux a valeur constitutionnelle, conventionnelle et
législative.

› Les limites du principe

Diverses dispositions échappent à l’application immédiate des textes pénaux de fond plus doux :

- Le Droit pénal économique


- L’abrogation d’un texte pénal et l’adoption simultanée d’un texte nouveau concernant la même
infraction.

B. La mise en oeuvre des principes

o Déterminer le caractère simple ou complexe du texte pénal de fond nouveau et apprécier son caractère
plus doux ou plus sévère

Pour comparer la rigueur respective des deux textes pénaux de fond en conflit, la jurisprudence a énoncé des
solutions de principe distinctes selon que le texte pénal de fond est simple ou complexe, c’est-à-dire selon qu’il
comporte :

- Uniquement des dispositions plus douces ou des dispositions plus sévères ;


- À la fois des dispositions plus douces et des dispositions plus sévères.

La distinction entre dispositions pénales de fond plus douces et dispositions pénales de fond plus sévères. Il faut
seulement prendre en considération le contenu, les modalités et le quantum des peines.

La coexistence de dispositions pénales de fond plus douces et de dispositions pénales de fond plus sévères. Le
texte pénal de fond nouveau est complexe. Alors, il faut distinguer selon qu’il est divisible ou indivisible, c’est-à-
dire selon qu’il porte ou non sur des objets distincts. :

- Le texte pénal de fond complexe divisible. La jurisprudence procède à l’application distributive du texte
et elle applique les dispositions de manière séparée ; elle fait rétroagir uniquement les dispositions plus
favorables.
- Le texte pénal de fond complexe indivisible. Parfois, l’homogénéité du texte pénal de fond interdit
l’application distributive de ses dispositions.

Alors : parfois, la jurisprudence retient le critère de la disposition principale, également appelée « de référence »,
du texte pénal de fond nouveau.

Si la disposition principale est plus douce, le texte pénal de fond nouveau s’applique tout entier aux faits commis
antérieurement ; si la disposition principale est plus sévère, le texte pénal de fond nouveau ne s’applique qu’aux
faits commis postérieurement à son entrée en vigueur.

Parfois, la jurisprudence retient le critère de l’appréciation globale du texte pénal de fond nouveau.

Le juge s’efforce de dégager une solution unique. Ainsi, le juge considère l’ensemble du texte pénal de fond
nouveau pour en déduire si, globalement, tous elements confondus, il est plus sévère ou plus doux que le texte
pénal de fond ancien.

37
o Déterminer les dates respectives de l’infraction et de l’application du texte pénal

La question ne pose pas de difficultés pour l’infraction instantanée : les faits ont une date précise. Cette question
peut s’avérer délicate pour les infractions dont la réalisation s’étend sur une certaine durée.

S’agissant de l’infraction complexe : pour que le texte pénal de fond nouveau plus sévère s’applique, il faut que
l’élément matériel et l’élément moral de l’infraction aient été réunis.

S’agissant de l’infraction d’habitude : pour que le texte pénal de fond nouveau plus sévère s’applique, il suffit
qu’un acte d’habitude ait été commis après son entrée en vigueur.

S’agissant de l’infraction continue : pour que le texte pénal de fond nouveau plus sévère s’applique, il suffit que
l’état continu se soit poursuivi sous l’empire du texte pénal de fond nouveau.

2. L’application dans le temps des textes pénaux de forme

A. L’énoncé du principe

Articles 112-2, 112-3 et 112-4 du Code pénal. Ces articles posent le principe de l’application immédiate des textes
pénaux de forme.

o La signification de l’application immédiate du texte pénal de forme nouveau

C’est immédiatement que les règles nouvelles s’appliquent aux différentes étapes du procès ou de l’exécution des
peines qui restent à couvrir.

L’application immédiate est sans effet sur la validité des actes accomplis conformément au texte pénal de forme
ancien.

o Le fondement de l’application immédiate du texte pénal de forme nouveau

L’application immédiate des textes pénaux de forme est justifiée par l’idée qu’un texte de forme nouveau a pour
but une meilleure administration de la justice et sert donc l’intérêt général.

B. La mise en oeuvre du principe

Diverses catégories de textes pénaux de forme sont à envisager.

o Les textes pénaux de compétence et d’organisation judiciaire

Article 112-2 1° du Code pénal.

Ainsi, dès lors qu’une décision de première instance a été prononcée avant l’entrée en vigueur du texte nouveau,
la procédure se poursuit selon les règles de compétence et d’organisation judiciaire en vigueur au moment des
faits.

o Les textes pénaux fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure

Article 112-2 2° du Code pénal.

Les textes fixant les modalités des poursuites et les formes de la procédure sont applicables immédiatement.
Ainsi, les actes de procédure sont effectués conformément au texte applicable lors de leur accomplissement.

L’application immédiate est soumise à deux conditions :

38
- Elle ne doit pas porter atteinte aux droits acquis de la personne poursuivie.
- Elle ne peut pas entrainer la nullité d’actes régulièrement accomplis sous l’empire du texte antérieur.

Dans l’intérêt de la personne poursuivie, le principe de l’application immédiate est assoupli dans trois séries
d’hypothèses. Ainsi :

- Les textes relatifs aux conditions de mise en mouvement ou d’exercice des poursuites. À la lumière de
la jurisprudence, il apparait que c’est seulement lorsque le texte nouveau restreint les possibilités de la
répression qu’il y a application immédiate.
- Les textes relatifs aux modes de preuve. Le Code pénal de 1994 ne comporte aucune disposition
spécifique en la matière. La doctrine est divisée sur cette question.
Première thèse : la matière des preuves concerne le fond du droit, dictant l’application des règles prévues
pour les textes d’incrimination et de pénalité.
Deuxième thèse : le Droit de la preuve doit être régi par le texte pénal en vigueur au jour où la preuve
doit être fournie ; toutefois, les preuves préconstituées conservent la valeur probatoire que leur attachait
le texte pénal en vigueur au jour de leur établissement. Les rares décisions jurisprudentielles tendent
plutôt à conforter cette seconde thèse.
- Les textes relatifs aux voies de recours (article 112-3 du Code pénal).

› Le droit de recours

Les textes relatifs à la nature et aux cas d’ouverture des voies de recours, aux délais dans lesquels elles doivent
être exercées et à la qualité des personnes admises à les exercer, s’appliquent aux recours formés contre les
décisions prononcées après leur entrée en vigueur.

Ainsi, les voies de recours s’apprécient selon le texte qui était en vigueur le jour où le jugement -objet du recours-
a été rendu ; et ce, même si un texte nouveau a modifié les possibilités de recours.

› La forme du recours

Les recours sont soumis aux règles de forme en vigueur au jour où ils sont exercés.

o Les textes relatifs au régime d’exécution et d’application des peines

Article 112-2 3° du Code pénal.

Lorsque les textes relatifs à l’exécution ou à l’application des peines ont pour résultat de rendre plus sévères les
peines prononcées par la décision de condamnation, ils ne sont applicables qu’aux condamnations prononcées
pour des faits commis postérieurement à leur entrée en vigueur.

o Les textes relatifs à la prescription de l’action publique et à la prescription des peines

Article 112-2 4° du Code pénal.

Peu importe que le nouveau délai de prescription soit favorable ou non à la personne poursuivie : le texte nouveau
s’applique immédiatement ; bien sûr, la prescription ne doit pas être acquise.

3. L’application dans le temps des textes instituant des mesures de sûreté

A. La problématique

Le Code pénal ne comporte pas de définition de la mesure de sûreté ; et, quand il en prévoit, il ne les qualifie pas.
Il peut être tentant pour l’autorité normative de recourir à des mesures de sûreté pour contourner le principe de
non-rétroactivité applicable aux peines plus sévères.

39
B. Le traitement du Droit transitoire relatif aux mesures de sûreté

Les mesures de sûreté inhérentes à une peine ou se substituant à une peine : manifestement, ces mesures à
caractère pénal sont toujours soumises au principe de rétroactivité ; et ce, dans l’intérêt de la protection de la
Société.

› Les mesures de sûreté après peine

La surveillance judiciaire : Selon le Conseil constitutionnel, la surveillance judiciaire repose « non sur la
culpabilité du condamné mais sur sa dangerosité », son but étant de prévenir la récidive (Cons. const. 8 décembre
2005, décision 2005-527 DC).

La chambre criminelle a pu appliquer rétroactivement la surveillance judiciaire aux condamnés dont le crime ou
le délit avait été commis avant la nouvelle loi et dont le risque de récidive est constaté après la date d’entrée en
vigueur de la loi de 2005 (Cass. crim. 21 janv. 2009).

La rétention de sûreté : Selon le Conseil constitutionnel, la rétention de sûreté caractérise une mesure de sûreté
en ce sens qu’elle a pour but d’empêcher et de prévenir la récidive des personnes souffrant d’un grave trouble de
la personnalité. Toutefois, le Conseil constitutionnel a refusé la rétroactivité de la rétention de sûreté. En effet, la
gravité de l’atteinte à la liberté individuelle interdit l’application rétroactive de cette mesure eu égard à sa nature
privative de liberté, à la durée de cette privation, son caractère renouvelable sans limites, et du fait qu’elle est
prononcée après une condamnation par une juridiction (Cons. const. 21 février 2008, décision 2008-562).

La Cour EDH a eu l’occasion de se prononcer en la matière.

Il apparaît que l’application dans le temps des textes instituant des mesures de sûreté ne se calque pas sur celle
des textes instituant des peines. Toutefois, cette application dépend des caractères de ces mesures à caractère
pénal.

40
THÈME 5 : La qualification pénale des faits au regard d’un texte
d’incrimination

Introduction

La qualification est une opération qui consiste à mettre en évidence, si elle existe, « l’appellation légale » des faits
commis et à identifier rigoureusement ces faits matériels au regard de ceux visés par le texte pénal. Il s’agit d’un
exercice de confrontation du fait au droit.

Au-delà de la vérification de cette correspondance effective, il convient éventuellement d’opérer une sélection
parmi des qualifications proches pour retenir celle qui s’applique exactement à l’espèce.

Cette opération de « qualification judiciaire » est nécessairement précédée d’une interprétation judiciaire du texte
d’incrimination susceptible de s’appliquer aux faits commis.

› L’interprétation du texte pénal, un préalable à l’opération de qualification des faits.

Une question : quels sont les auteurs de l’interprétation du texte pénal ?

En principe, il incombe au juge pénal d’interpréter le texte pénal. Toutefois, certaines autorités sont amenées à
intervenir.

Not. : l’autorité normative ; le Conseil constitutionnel ; l’autorité administrative

› La sélection de l’exacte qualification pénale des faits

Une question : quelles sont les autorités compétentes pour qualifier les faits ?

Le Ministère public -et plus spécialement le procureur de la République- est chargé de poursuivre les faits
infractionnels commis en retenant une qualification pénale. Toutefois, le Parquet n’a pas le monopole de la
qualification. En effet, la victime peut initier la mise en mouvement de l’action publique ; par là-même, elle
dispose du pouvoir de qualifier les faits.

C’est sous cette qualification que les faits sont soumis au juge d’instruction -dans l’hypothèse où il est saisi- et
aux juges du fond.

Mais les juridictions sont « maitres de la qualification ».

Section 1 – Les techniques de qualification pénale

1. Exposé théorique de l’opération de qualification des faits

A. Les modalités de l’opération

41
Pour apprécier l’existence de la qualification pénale, il convient de se placer au moment où les faits ont été
commis, c’est-à-dire « au temps de l’action ».

La qualification s’opère de façon autonome, c’est-à-dire sans prise en considération des définitions ou
mécanismes propres aux autres branches du Droit.

B. Les principes de qualification

Deux impératifs pour le juge.

o Le devoir de juste qualification

Le juge doit respecter l’acte de saisine. Le juge est contraint de ne pas modifier les faits. Ainsi, la qualification ne
peut intervenir que dans le contexte de la saisine préalable.

Les règles de saisine en matière pénale :

- Le juge d’instruction est saisi in rem, par le Ministère public ou par la Partie civile.
- La Chambre de l’instruction est saisie in rem et in personam.
- Les juridictions de jugement sont saisies in rem et in personam, par le Ministère public ou par la Partie
civile.

Ainsi placé dans le cadre de sa saisine, le juge a le devoir de retenir la qualification la plus appropriée aux faits.

Le juge pénal doit veiller à bien respecter les éléments de définition des textes qu’il sollicite.

« Le juge doit examiner les faits qui lui sont soumis sous l’incrimination qui leur est spécialement applicable ».

o Le devoir de requalification

Le juge pénal peut avoir la conviction que le texte retenu dans l’acte de saisine est inadapté eu égard à la réalité
ou à la gravité des faits commis. Il le « dénonce ».

Le juge pénal doit procéder à la rectification qui s’impose, en retenant une nouvelle qualification qui lui paraît
mieux adaptée, voire en se déclarant incompétent. Le juge pénal a le devoir d’envisager toutes les qualifications
possibles.

Le principe de la liberté de requalification n’est pas sans limites.

Le nécessaire respect des règles relatives à la saisine.

La requalification ne doit pas amener à modifier les faits. Le juge pénal ne peut pas s’autosaisir (règle d’ordre
public).

Le nécessaire respect des droits de la défense.

Dès lors que la juridiction pénale respecte les droits de la défense, elle peut aller jusqu’à étendre sa compétence
à des comportements qui ne figuraient pas dans l’acte de saisine.

Selon la Cour EDH, le juge qui procède à la requalification doit solliciter les observations des parties afin qu’elles
puissent présenter une défense adaptée à la nouvelle qualification. (Cour EDH 25 mars 1999, Pélissier et Sassi c./
France : D. 2000, p. 357)

42
Des exceptions existent au principe de la liberté de requalification (ex : en matière de presse ; lorsque la
qualification est couverte par une loi d’amnistie).

2. La mise en oeuvre de l’operation de qualification des faits

Confrontation du Droit aux faits, à l’épreuve de la pratique.

A. Typologie des pratiques


o La pratique de la sous-qualification des juridictions du fond

La technique de personnalisation des poursuites consiste à minimiser les faits afin de retenir une qualification
moindre par rapport à leur gravité

Généralement, la pratique de la sous-qualification est dictée par l’indulgence. Le principe d’une action fondée
sur la véritable qualification n’est pas jugé opportun.

- La correctionnalisation judiciaire : les faits sont traités comme un délit alors qu’ils sont constitutifs d’un
crime.
- La contraventionnalisation judiciaire : les faits sont traités comme une contravention alors qu’ils sont
constitutifs d’un délit.

Parfois, la pratique de la sous-qualification est dictée par la sévérité (hypothèses de légitime défense).

Confrontées au principe de la légalité criminelle, ces pratiques sont contestables.

o La pratique de la peine justifiée -de la Cour de cassation-

Article 598 du CPP.

Il s’agit d’une technique propre à la Cour de cassation, qui consiste à entériner les erreurs de qualification du juge
sous prétexte que la peine est justifiée ; et ce, pour éviter des renvois et débats inutiles.

Bien qu’efficace, cette pratique n’est pas sans réserve, spécialement quand on pense aux victimes.

B. L’incidence de l’évolution de la qualification


o Au regard de la compétence juridictionnelle

La juridiction pénale initialement saisie reste compétente : aucune difficulté.

La juridiction initialement saisie devient incompétente : elle doit se déclarer incompétente sauf la Cour d’assises,
en raison de sa plénitude de juridiction.

o Au regard de la possibilité de poursuivre à nouveau, la même personne, pour les mêmes faits, sous une
qualification différente

Le principe « non bis in idem » (cf. Protocole n° 7 à la CESDH, article 4). Lorsqu’un fait a été définitivement jugé,
le principe « non bis in idem » exclut l’exercice de nouvelles poursuites contre la même personne tant sous la
même qualification que sous une autre qualification.

Les solutions :

- En matière criminelle, la solution est légale ; elle est claire et spécifique (article 368 du CPP). Ainsi, en
cas d’acquittement par la Cour d’assises, les mêmes faits ne peuvent pas être repris sous une
qualification différente.
- En matière contraventionnelle ou correctionnelle, la solution est jurisprudentielle ; elle est nuancée.

43
Généralement, la jurisprudence considère que le principe « non bis in idem » s’oppose à ce qu’un même fait donne
lieu à deux actions pénales distinctes sous des qualifications différentes.

Néanmoins, parfois les juridictions pénales admettent l’exercice de nouvelles poursuites contre une personne
déjà condamnée pour le même fait, sous une autre qualification ; et ce, en raison de la survenance d’un nouvel
élément.

Section 2 – Le choix de la qualification pénale en cas de conflits de textes

C’est l’hypothèse où les agissements infractionnels peuvent recevoir plusieurs qualifications pénales distinctes

Assurément, la décision de retenir toutes les qualifications applicables ou de n’en retenir qu’une a une portée
pratique importante puisque chacune infraction retenue sera inscrite sur le casier judiciaire de la personne
condamnée et comptera pour l’appréciation de la récidive.

Ce sont des solutions essentiellement jurisprudentielles, systématisées par la doctrine.

Deux situations sont à distinguer, selon que le conflit est véritable ou seulement apparent.

1. Les conflits apparents de qualifications

Dans certaines hypothèses, la concurrence de plusieurs qualifications n’est qu’apparente. Alors, le principe
consiste à ne retenir qu’une seule qualification.

A. Les qualifications incompatibles

Parfois, une infraction est comme la suite naturelle d’une première infraction qui a été commise et avec laquelle
elle se confond. Alors, seule la qualification attachée à la première infraction est retenue (ex : Vol – article 311-1
du Code pénal et recel – article 321-1 du Code pénal).

Pour une partie de la doctrine, cette incompatibilité ne serait que relative. Il s’agirait seulement d’une question
de sévérité ou de libéralisme.

La jurisprudence admet de plus en plus largement la compatibilité (Violences volontaires et Non-assistance à


personne en danger ; Enlèvement de mineur et séquestration de mineur ; Violation de sépulture et Tentative de
vol). Toutefois, elle a toujours maintenu sa position de l’incompatibilité des qualifications de Vol et de Recel.

B. Les qualifications alternatives

Du fait de leur définition légale, les qualifications s’excluent les unes les autres. Exemples : pour le comportement
d’une personne qui a causé la mort d’un autre :

- Assassinat : volonté de tuer avec préméditation ;


- Meurtre : volonté de tuer sans préméditation ;
- Homicide involontaire : volonté d’accomplir l’acte à l’origine de la mort mais non de donner la mort.

Les diverses qualifications en concurrence n’ont pas la même vocation à s’appliquer et le juge pénal doit choisir
la qualification la plus appropriée.

C. Les qualifications absorbantes

44
Parfois, une qualification recouvre des faits qui sont inclus dans une autre qualification. Ainsi, les mêmes faits
constituent à la fois une infraction autonome et la circonstance aggravante d’une autre infraction.

Exemples : délit de Risque causé à autrui (article 223-1 du Code pénal) et délit de Blessures involontaires aggravées
par la mise en danger délibérée d’autrui.

Alors, la qualification la plus étroite est absorbée par la qualification la plus large. Les mêmes faits constituent à
la fois un élément constitutif d’une infraction et la circonstance aggravante d’une autre infraction (ex : Violences
et vol et Vol avec violences).

La loi a prévu un texte spécial et un texte général. En vertu de l’adage « specialia generalibus derogant », la
qualification spéciale prévaut sur la qualification générale.

Parfois, une infraction est le moyen d’accomplir une autre infraction. Ex. : escroquerie commise au moyen d’un
faux. Alors, seule la qualification attachée à l’infraction-but est retenue.

2. Les véritables conflits de qualifications

Les qualifications en conflit, au lieu de s’exclure mutuellement, ont toutes vocation à s’appliquer (ex classique :
viol commis dans un lieu public).

A. Le concours ideá l d’infractions

Il y a concours idéal d’infractions lorsqu’un fait matériel unique viole plusieurs textes pénaux et est alors
susceptible de plusieurs qualifications. L’auteur commet plusieurs infractions simultanément alors même qu’il
accomplit un seul acte (ex : un terroriste qui fait exploser une bombe dans une station de métro commet, par cet
acte unique, des infractions contre les personnes et des infractions contre les biens).

La principale difficulté est de savoir s’il convient de condamner l’auteur du fait matériel unique autant de fois
qu’il y a d’infractions ou s’il convient de ne retenir qu’une seule qualification puisqu’il n’a commis qu’un seul fait.

Aucune disposition législative ne règle cette situation.

o Le principe : le choix de la qualification unique

La solution de principe consiste à ne retenir qu’une seule qualification.

Rappel : le principe « non bis in idem » interdit de condamner une personne 2 fois pour le même fait.

Le principe de la déclaration de culpabilité unique a été dégagé d’un arrêt de principe (Cass. crim. 25 février 1921).
Le principe a été repris dans de nombreux arrêts postérieurs.

La difficulté est de déterminer la qualification à retenir. L’action unique doit être réprimée sous sa « plus haute
expression pénale ».

Ainsi, seule la qualification passible de la peine la plus élevée doit être retenue ; la juridiction pénale compétente
est celle qui connaît de l’infraction la plus grave. Et, seules les peines attachées à la qualification retenue peuvent
être prononcées.

o Les exceptions au principe : le choix du cumul de qualifications

Dans certaines hypothèses, la jurisprudence admet le cumul de qualifications.

La Cour EDH et le Conseil constitutionnel se sont prononcés sur cette situation sans la remettre en cause DÈS
LORS que « les sanctions subies ne peuvent excéder le maximum légal le plus élevé ».

45
À travers l’acte matériel unique procédant d’intentions distinctes, l’atteinte est portée à différentes valeurs
sociales protégées.

L’hypothèse est la suivante : il apparaît que plusieurs intentions distinctes ont animé l’auteur d’un fait matériel
unique, qu’il a porté atteinte à des VSP et qu’en réalité les intérêts protégés par les qualifications en concours
sont de nature différente.

Le juge doit retenir autant de qualifications qu’il y a eu d’atteintes à des intérêts distincts et qui s’accompagnent
de plusieurs intentions coupables.

La solution est donnée par un arrêt de principe rendu à propos d’un terroriste algérien qui avait jeté une grenade
dans un café. Toutefois, depuis un arrêt remarqué du 26 octobre 2016, cette solution semble à nuancer.

L’arrêt Ben Haddadi et le critère traditionnellement consacré des VSP. Référence à la violation de VSP distinctes
(Cass. crim. 3 mars 1960, Ben Haddadi dit « Arrêt de la grenade »).

Dans cette même logique, les poursuites sont possibles : en matière d’accident de la circulation, pour des
contraventions au Code de la route & des infractions d’imprudence contre la vie ou l’intégrité physique.
Également pour : le détournement d’hélicoptère & la prise en otage du pilote ; le crime de guerre & le crime
contre l’humanité...

Lorsque l’existence d’un cumul de qualifications est retenue, il y a plusieurs déclarations de culpabilité.

Certes, la solution est apparue logique ; mais, en pratique, l’appréciation de la diversité des intérêts protégés et
des éléments constitutifs des infractions en concours a pu s’avérer particulièrement délicate. Et, les solutions
jurisprudentielles ont pu dénoter un certain opportunisme.

L’arrêt du 26 octobre 2016 et le critère nouvellement consacré de l’unicité de l’intention et de l’agissement =


Référence aux faits procédant de manière indissociable d'une action unique caractérisée par une seule intention
coupable (Cass. crim. 26 oct. 2016, refusant le cumul des qualifications de recel et de blanchiment). C’était la
première fois que la Cour de cassation adoptait un tel raisonnement ; par la suite, elle l’a systématisé.

Depuis, la référence au critère traditionnellement consacré des VSP semble s’effacer devant le critère
nouvellement consacré de l’unicité de l’intention et de l’agissement.

En effet, à la lumière de la jurisprudence récente, le critère des VSP apparaît secondaire ou subsidiaire ;
néanmoins, il garde sa vitalité à certains égards (pour le cumul en matière disciplinaire et pénal ; pour le cumul
en matière de presse).

Assurément, la question reste complexe et la jurisprudence non uniforme. S’agissant des peines encourues, la
situation est assimilée à un concours réel d’infractions. À travers l’acte matériel unique, une atteinte de gravité
inégale est portée à différentes victimes.

L’hypothèse est la suivante : un fait matériel unique portant atteinte à une seule VSP a entrainé des résultats
différents pour plusieurs victimes (ex : en matière d’accident de la circulation).

Pour des raisons procédurales liées à l’action civile des victimes, le juge pénal retient toutes les qualifications en
cause pour préserver le droit à réparation de chacune des victimes.

Dans la mesure où le fait a enfreint une pluralité de normes protégeant la même valeur sociale, une seule
qualification devrait être retenue, celle correspondant à l’infraction la plus sévèrement punie. Mais, la
jurisprudence considère que la pluralité de victimes dicte d’écarter ce principe. Ainsi, le juge pénal doit retenir
toutes les qualifications en cause ; et, il doit prononcer autant de déclarations de culpabilité que d’infractions
retenues.

46
S’agissant des peines encourues, seule la peine la plus forte est prononcée et le cumul des amendes
contraventionnelles est impossible. Cette situation n’est pas assimilée à un concours réel d’infractions car une
faute pénale unique ne peut être sanctionnée que par une seule peine.

La Cour de cassation réitère fréquemment la solution.

B. Le concours reel d’infractions

Il y a concours réel d’infractions lorsqu’une infraction est commise par une personne avant que celle-ci n’ait été
définitivement condamnée pour une autre infraction. La pluralité d’infractions résulte de plusieurs faits matériels
successifs, non séparés par une condamnation définitive.

Plus concrètement, ce type de concours correspond à la commission de plusieurs infractions sur un laps de temps
plus ou moins long, mais sans que les autorités judiciaires n’aient pu réagir entre elles, ou encore sans qu’elles
aient eu connaissance de chacune d’elles.

Cette situation est visée par l’article 132-2 du Code pénal relatif au « concours d’infractions ».

Elle ne pose aucune difficulté : le juge retient toutes les qualifications pénales en concours. Face aux infractions
en concours réel, le législateur définit le régime juridique applicable (articles 132-3 et 132-4 du Code pénal).

Il faut distinguer selon que le concours réel est traité au cours d’une même procédure ou au cours de procédures
différentes.

o Le traitement du concours réel au cours d’une même procédure

Les infractions sont poursuivies au cours d’une même procédure : avant tout passage en jugement, le délinquant
commet d’autres infractions distinctes.

En matière criminelle et correctionnelle = article 132-3 du Code pénal.

L’article 132-3 du Code pénal pose le principe du non-cumul des peines de même nature et le principe du cumul
des peines de nature différente dans la limite du maximum légal le plus élevé.

Une précision : Lorsque la réclusion criminelle à perpétuité, encourue pour l’une ou plusieurs des infractions en
concours, n’a pas été prononcée, le maximum légal est fixé à 30 ans de réclusion criminelle (article 132-5 du Code
pénal).

Ainsi, une seule peine est retenue ; la peine prononcée est réputée commune aux différentes infractions en
concours dans la limite du maximum légal applicable à chacune d’elles.

En matière contraventionnelle (article 132-7 du Code pénal), le principe du non-cumul n’est pas applicable. En
cas de condamnation pour plusieurs contraventions, toutes les peines d’amende sont prononcées.

La jurisprudence dégagée sous l’empire du droit antérieur est aujourd’hui consacrée (article 132-7 du Code pénal).
Et, de la lecture a contrario de l’article 132-7 du Code pénal, il résulte que les peines complémentaires et les peines
alternatives sont soumises au principe du non-cumul.

o Le traitement du concours réel au cours de procédures différentes

Les infractions sont jugées séparément soit parce que les infractions en concours relèvent de juridictions
différentes en raison de leur nature, soit parce qu’une personne a été condamnée par une juridiction statuant au
fond, et avant que la décision rendue ne soit définitive, elle commet une nouvelle infraction, soit encore parce
que les infractions en concours n’ont pas été découvertes en même temps.

47
Chaque infraction est retenue et chaque juridiction prononce la sanction pénale de manière indépendante.

L’article 132-4 du Code pénal s’applique mais seulement au stade de l’exécution de la peine.

Une précision : Lorsque la réclusion criminelle à perpétuité, encourue pour l’une ou plusieurs des infractions en
concours, n’a pas été prononcée, le maximum légal est fixé à 30 ans de réclusion criminelle (article 132-5 du Code
pénal).

Ainsi, il y a cumul des peines dans la limite du maximum légal encouru pour l’infraction la plus sévèrement punie.

Le cas échéant, il y aura une confusion des peines de même nature.

La possibilité est prévue de demander une confusion des peines de même nature, celles prononcées, et non celles
encourues. C’est la dernière juridiction appelée à statuer ou l’une des juridictions désignées à l’article 710 du Code
de procédure pénale qui procèdera à cette confusion des peines de même nature.

En cas de confusion, la peine absorbée s’exécute en même temps qu’une autre peine plus forte, dite « absorbante
». Cela dit, la confusion de peines peut aussi être simplement partielle.

La confusion ne produit d’effet qu’à compter du moment où les deux peines prononcées pour les infractions en
concours sont devenues définitives.

L’effet de la confusion n’est pas d’enlever aux peines confondues leur existence propre et leurs conséquences
légales, mais de déterminer que leur exécution aura lieu simultanément avec celle de la peine la plus forte.

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Deuxième partie : De la reconnaissance de la culpabilité à l’établissement de la responsabilité
pénale de la personne poursuivie

TITRE I : Le constat d’un fait générateur de responsabilité pénale

› Le principe de culpabilité

« Nullum crimen, nulla poena sine culpa » = Il n’y a pas d’infraction, donc pas de peine non plus, sans faute.

Cette faute est l’expression d’une volonté coupable, soit orientée vers le résultat de l’acte incriminé, soit mal
maîtrisée ; mais invariablement, elle conduit à un dommage dont la production est incriminée (article 121-3 du
Code pénal).

Prolégomènes : L’approche doctrinale de la structure juridique de l’infraction

« Éléments constitutifs de l’infraction ».

Deux composantes controversées : Deux composantes communément admises :

- L’élément légal - L’élément matériel (à distinguer de la « condition préalable »).


- L’élément injuste - L’élément moral.

THÈME 6 : Le « fait de l’Homme » engendrant un trouble à l’ordre


public, levier de la réaction pénale

(Étude de l’élément matériel de l’infraction)

Pour qu’une poursuite soit possible, l’infraction doit s’être révélée à l’extérieur par un fait matériel
objectivement constatable.

Le processus infractionnel : l’inter crimini. On retient quatre phases :

- La résolution infractionnelle
- La préparation de l’infraction
- L’exécution de l’infraction
- La consommation de l’infraction

Section 1 – Le comportement incrimine

Le comportement incriminé est un élément indispensable de la matérialité de l’infraction.

Une réalité : le comportement incriminé peut revêtir des formes très variées.

1. La structure du comportement incriminé

49
A. Infractions de commission et Infractions d’omission

Le plus souvent, le « fait de l’homme » engendrant un trouble à l’ordre public réside dans un acte positif qui
consiste à faire ce que le texte pénal interdit : l’infraction est de commission.

Parfois, ce « fait de l’homme » consiste en une abstention de faire ce que le texte pénal impose en certaines
circonstances : l’infraction est d’omission.

Cette distinction entre infractions de commission et infractions d’omission n’est pas toujours aussi tranchée.

o Une distinction fondée sur la nature des actes d’exécution

L’action : l’infraction de commission. Est incriminé un acte positif d’exécution qui consiste à faire ce que le texte
pénal interdit.

L’inaction : l’infraction de pure omission. Est incriminée une pure omission qui consiste à ne pas faire ce que le
texte pénal ordonne. Autrefois, les infractions d’omission n’avaient qu’une portée restreinte ; toutefois, depuis la
fin du XIXe siècle, elles se sont multipliées (ex : privation de soins à enfant ; abandon d’un incapable ; non-
représentation d’enfant ; abandon de famille).

À la faveur de l’Ordonnance du 25 juin 1945 : omission de témoigner en faveur d’un innocent ; non-assistance à
personne en danger

À la faveur du Code pénal de 1994 : abstention de combattre un sinistre.

Dans ces hypothèses, c’est l’abstention fautive qui est sanctionnée, et non pas ses conséquences.

o Une distinction incertaine


› L’infraction de commission par omission

Est incriminé un comportement passif mais qui conduit à un résultat identique à celui obtenu par un
comportement actif.

Une question : peut-on considérer que l’infraction de commission puisse être commise par un acte d’omission ?

Dans l’ancien Droit, l’auteur d’une omission pouvait parfois être puni comme s’il avait accompli le fait de
commission. En l’absence de dispositions générales dans le Code pénal, la jurisprudence a refusé d’assimiler
l’abstention à une action.

La solution réside dans l’interprétation stricte du texte pénal. En dehors des cas prévus par le texte pénal, il n’y a
pas d’infraction de commission par omission.

Si le texte d’incrimination n’envisage nullement l’omission, l’infraction ne peut pas être réalisée par une
abstention (cf. : Affaire de « la Séquestrée de Poitiers » : CA Poitiers, 20 nov. 1901).

Si le texte d’incrimination évoque explicitement ou implicitement l’omission, l’infraction peut être caractérisée
par un acte d’abstention.

› Pour certaines infractions, l’élément matériel est défini de telle manière qu’il peut être caractérisé́
indifféremment par un acte de commission ou d’omission.

Les infractions d’homicide ou de blessures involontaires peuvent résulter tant d’un acte positif que d’une
abstention (article 221-6 et 222-19 qui incriminent tant la négligence que la maladresse, l’imprudence, l’inattention
ou le manquement à la loi ou au règlement).

50
B. Infractions simples & Infractions à composantes multiples

Que les infractions soient de commission ou d’omission, elles se caractérisent soit par un agissement unique, soit
par plusieurs agissements dont l’ensemble est nécessaire à l’existence de l’infraction.

Une précision : dans toute infraction, il n’existe qu’un seul élément matériel. Pour parvenir à maturité, cet élément
matériel s’extériorise de façon diverse.

o Une distinction fondée sur la structure des agissements

L’infraction est simple lorsque sa matérialité nécessite la réalisation d’un seul agissement. L’infraction résulte
soit d’une action isolée, soit d’une abstention isolée.

L’infraction est à composantes multiples lorsque sa matérialité nécessite la réalisation de plusieurs agissements.
L’infraction résulte de plusieurs agissements.

Typologie :

- L’infraction complexe : L’infraction complexe se caractérise par plusieurs actes de nature différente
mais coordonnés et visant un même but. En effet, aucun de ces actes n’est suffisant à réaliser la
matérialité de l’infraction.
- L’infraction d’habitude. L’infraction d’habitude se caractérise par plusieurs actes de même nature qui
pris isolément ne sont pas punissables et qui sont unis par un rapport fait d’une relation à l’identique
suffisamment proche dans le temps.

Pour la jurisprudence : deux actes suffisent pour créer une habitude. Mais la solution n’est que supplétive par
rapport au texte pénal.

- Intérêt de la distinction
› La situation de l’infraction dans le temps.

Les conflits de textes pénaux dans le temps

C’est le moment où l’infraction a été commise qui permet de situer l’infraction par rapport au texte pénal
nouveau.

- Pour l’infraction simple : le jour où est accompli l’acte unique qui est constitutif de la matérialité.
- Pour les infractions à composantes multiples : le jour où est accompli le dernier acte participant de la
complexité ou de l’habitude.

La prescription de l’action publique

En principe, le point de départ du délai est fixé au jour où l’infraction a été commise, c’est-à-dire à l’instant de sa
réalisation.

Pour certaines infractions qui relèvent d’une certaine clandestinité ou qui permettent des profits substantiels et
durables, le point de départ du délai est fixé au jour où l’infraction est apparue et a pu être constatée dans des
conditions permettant l’exercice de l’action publique.

L’amnistie

Il importe de déterminer le moment précis où l’infraction a été commise afin de vérifier si elle se situe ou non
dans la période amnistiée.

51
› La localisation de l’infraction

Il importe de situer les infractions dans l’espace afin de déterminer la juridiction compétente et le texte pénal
applicable.

2. La duree du comportement incriminé

L’infraction s’inscrit plus ou moins longuement dans le temps.

A. Infractions instantanees et infractions se prolongeant dans le temps

Le caractère du « fait de l’Homme » s’apprécie in abstracto, en fonction du texte pénal et non pas in concreto, au
regard des faits.

Bien souvent, le comportement incriminé est ponctuel. L’infraction se réalise en un « trait de temps » (infraction
instantanée).

Le comportement incriminé peut persister dans le temps. La conduite infractionnelle est susceptible de se
prolonger dans le temps sans changer. En effet, il y a réitération constante de la volonté coupable (infraction
continue).

Le comportement incriminé peut être ponctuel tout en développant des effets susceptibles de se prolonger dans
le temps, sans réitération de la volonté coupable (infraction permanente).

B. L’intérêt de la distinction

Là encore, concernant :

- La détermination de la juridiction compétente et du texte pénal applicable


- Les conflits de textes pénaux dans le temps
- La portée d’une amnistie
- Le point de départ du délai de prescription de l’action publique
- Le principe non bis in idem

Section 2 – Le resultat du comportement incrimine

Élément non indispensable de la matérialité des infractions.

Étude ciblée sur l’infraction consommée, c’est-à-dire l’infraction dont l’activité matérielle décrite par le texte
pénal a été totalement réalisée.

1. La variabilite du resultat en Droit pénal

En Droit Pénal, on parle plutôt de « résultat dommageable ». Ce résultat peut être effectif ou seulement potentiel.

A. L’atteinte effective aux VSP & les infractions matérielles et « de résultat »

L’infraction materielle a pour caractéristique d’inclure le résultat redouté parmi ses éléments constitutifs.

L’infraction n’est juridiquement consommée que par l’atteinte effective et prouvée à la VSP qui lui correspond.

Le résultat effectif doit être entendu de manière large.

52
Quid de l’incidence de l’ampleur du résultat effectif sur la qualification de l’infraction ?

Généralement, l’ampleur du résultat effectif est indifférente. Parfois, le résultat effectif dépend de la gravité de
l’atteinte. On parle d’« infraction de résultat ».

B. L’atteinte potentielle aux VSP & les « infractions de comportement »

Forme d’application du principe de précaution en matière pénale.

o Les solutions traditionnelles : les infractions formelles et les infractions obstacles

Les infractions sont réputées consommées même si aucun résultat dommageable n’est prévu.

L’infraction formelle : est incriminé un simple procédé de nature à porter atteinte à une VSP. En effet, le résultat
est purement juridique ; il se confond avec le comportement incriminé. L’infraction formelle n’inclut jamais une
atteinte effective à la VSP. L’infraction est consommée indépendamment de tout résultat dommageable, même si
le résultat voulu par l’auteur des faits n’a pas été obtenu (ex : pour l’empoisonnement, dès l’administration des
substances mortifères).

L’infraction-obstacle est incriminé un comportement dangereux sans portée dommageable immédiate et


effective et ce, en prévention de la commission d’autres infractions matérielles (ex : port d’arme prohibé ;
conduite en état d’ivresse ou sous l’emprise de stupéfiants). Pour les infractions-obstacles, une simple éventualité
est incriminée (« susceptible de... » ; « de nature à... »).

o Les solutions nouvelles : les infractions de prévention à proprement parler

L’idée est de stopper les comportements à risques d’atteintes à l’ordre public.

L’infraction de mise en danger d’autrui : est incriminé un comportement créant un risque grave d’atteinte à la vie
ou à l’intégrité de la personne. L’infraction de mise en danger d’autrui permet de réprimer indépendamment de
leur résultat dommageable, des comportements créant un risque grave d’atteinte à la vie ou à l’intégrité de la
personne et commis par un individu qui, dans la plupart des cas, ne souhaite pas que ce risque se réalise (ex :
omission de porter secours ; provocation au suicide...)

L’incrimination du risque lui-même : le délit de risque causé à autrui. Est incriminé le risque lui-même (article
223-1 du Code pénal).

Ce qui expose l’auteur des faits aux foudres du texte pénal, c’est la création d’une situation particulièrement
dangereuse pour autrui.

2. L’origine du résultat

Étude du lien de causalité.

A. L’exigence d’un lien de causalité

À l’exception des infractions d’omission, toute infraction n’est matériellement constituée que si elle résulte d’une
action causale.

Une exigence de principe : La plupart des textes pénaux font état de la nécessité du lien de causalité. La Cour de
cassation n’admet de condamnation qu’en cas de preuve d’un lien de causalité certain.

Les assouplissements de l’exigence de causalité :

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- La théorie des « fautes conjuguées » : En matière d’infractions non intentionnelles, tous les participants
à une action dangereuse sont censés avoir eu un rôle causal dans les dommages subis par la victime.
- La théorie de la scène unique de violence : En matière d’infractions intentionnelles commises à
l’occasion d’une rixe, les juges déduisent de la « scène unique de violence » l’égale participation causale
de chacun.

B. La consistance du lien de causalité

Le plus souvent : pas de difficulté dans la mesure où le lien de causalité entre le comportement et le résultat est
évident. Toutefois, parfois, il est fondamental de déterminer avec précision quel dommage est la conséquence du
comportement incriminé.

o Typologie des systèmes théoriques

Il existe trois systèmes théoriques, porteurs de solutions plus ou moins sévères

› La théorie de l’équivalence des conditions VON BURI

Selon la théorie de l’équivalence des conditions, la cause d’un évènement est la somme de toutes les conditions
nécessaires à l’accomplissement de celui-ci. En effet, tous les évènements qui ont concouru à la réalisation du
résultat dommageable sont dits « équivalents » parce que chacun d’entre eux peut être retenu isolément.

Ainsi, si la condition relevée est une condition sine qua non, soit une condition en l’absence de laquelle le résultat
dommageable ne se serait pas produit, il faut lui attribuer le rôle de cause.

› La théorie de la causalité adéquate VON KRIES

Selon la théorie de la causalité adéquate, parmi les conditions à l’origine d’un évènement, seule a valeur de cause
la condition dont il était dans la nature des choses qu’elle produise le résultat. En effet, le critère déterminant
réside dans la prévisibilité du résultat.

Ainsi, il convient d’éliminer les conditions qui ont contribué au résultat dommageable par suite d’un concours de
circonstances extraordinaire.

› La théorie de la proximité des causes

Selon la théorie de la proximité des causes, seul a valeur de cause l’évènement le plus proche dans le temps, celui
qui est en relation directe et immédiate avec le résultat dommageable.

Ainsi, la responsabilité pénale d’une personne ne peut être retenue que si sa faute est une cause prochaine et
immédiate du résultat dommageable.

o Les solutions du Droit positif

Cette question a été clarifiée par la loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits
non intentionnels.

› S’agissant des personnes physiques : l’incidence de la loi du 10 juillet 2000

La pratique judiciaire antérieure à la loi du 10 juillet 2000 :

D’une manière générale, les juridictions pénales retenaient la théorie de l’équivalence des conditions, tant pour
les infractions intentionnelles que pour les infractions non intentionnelles. Parfois, les juridictions pénales ont
pu faire application de la théorie de la causalité adéquate, lorsque la répression d’un comportement ayant
indirectement causé le résultat dommageable paraissait inéquitable.

54
La pratique judiciaire issue de la loi du 10 juillet 2000 :

La loi n’a apporté des modifications qu’en ce qui concerne les infractions non intentionnelles.

Ainsi, en application de l’article 121-3 al. 4 du Code pénal : Si une personne physique n’est que la cause indirecte
du dommage, elle n’est responsable que si elle a commis une faute « qualifiée » : violation de façon manifestement
délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ; faute
caractérisée qui expose autrui à un risque d’une particulière gravité que la personne ne pouvait ignorer.

Autrement dit : les fautes qui n’ont causé qu’indirectement le dommage ne peuvent entrainer la responsabilité
pénale des personnes physiques que si elles présentent un certain degré de gravité.

Si une personne physique cause directement le dommage, elle est responsable de sa plus petite faute.

Autrement dit : la faute « simple » ne peut entraîner la responsabilité pénale des personnes physiques que si elle
a causé directement le résultat dommageable.

› S’agissant des personnes morales

L’absence d’incidence de la loi du 10 juillet 2000, autrement dit : le principe de l’équivalence des conditions reste
applicable.

Les personnes morales restent pénalement responsables même si une simple faute a causé indirectement le
résultat dommageable.

55
THÈME 7 : Le degré d’antisocialité du fait fautif, marqueur de la
qualification de l’infraction

L’élément moral est l’essence même de l’acte infractionnel.

LOYSEL : « La première règle de toutes les règles est celle-ci : nulle infraction sans faute ».

L’élément moral est nécessaire pour que l’agissement infractionnel puisse être imputé à son auteur. Mais
l’élément moral n’est pas le même pour toutes les infractions. Indubitablement, le degré d’antisocialité du fait
fautif est un marqueur de la qualification de l’infraction.

› La gradation des fautes pénales

Summa divisio :

- Infractions intentionnelles
- Infractions non intentionnelles.

Au sommet de l’échelle des fautes : la faute intentionnelle, appelée parfois « intention criminelle » ou « dol
criminel ».

Au-dessous de la faute intentionnelle : la faute d’imprudence ou de négligence.

Ensuite : la faute contraventionnelle.

Section 1 – Le fait fautif revelateur d’une hostilite aux valeurs sociales protegees, marqueur des crimes mais aussi des
delits intentionnels

La Doctrine désigne la faute intentionnelle sous l’expression « dol criminel » ou « dol » ; quant à la Cour de
cassation, elle utilise habituellement l’expression « intention coupable » pour définir la faute intentionnelle. Nous
privilégierons l’utilisation du terme « intention ».

1. La definition de l’intention
A. Ce que n’est pas l’intention

L’intention n’est pas la conscience, laquelle est la manifestation du discernement et par là même un préalable à
toute infraction -intentionnelle ou non intentionnelle.

L’intention n’est pas le mobile.

L’intention se distingue de l’intention de nuire qui implique « le mobile », c’est-à-dire une intention plus précise
qui a déterminé la personne à commettre l’infraction.

Ainsi, le mobile se définit par rapport à l’auteur des faits et varie donc d’une personne à l’autre.
De là : pour une même infraction, il y a autant de mobiles que d’auteurs mais il n’y a qu’une seule intention.

56
› L’incidence du mobile

En principe, le mobile est juridiquement indifférent. Le mobile explique la faute mais il ne la supprime pas.
Exceptionnellement, le mobile est intégré par le Droit.

Le mobile peut être un élément constitutif de l’infraction.

Le mobile peut être un élément de détermination du quantum de la peine. Le mobile peut devenir une
circonstance aggravante entraînant une peine plus élevée. En pratique, les juges et surtout les jurés sont parfois
sensibles aux mobiles.

B. Ce qu’est l’intention : la volonte de commettre l’infraction

L’auteur des faits doit avoir la connaissance de la situation dans laquelle il s’engage. L’intention requiert la volonté
de violer le texte pénal, lequel est présumé connu (« Nemo censetur ignorare legem »).

L’intention suppose de bien appréhender les réalités. Possibilité d’échapper aux poursuites ou à la condamnation
en démontrant l’absence de conscience de l’existence des conditions légales de l’infraction telles que définies par
le texte d’incrimination.

De telles solutions consacrent l’erreur de fait. Pour autant, certaines erreurs sont neutres pour l’intention (ex :
erreur sur la personne « aberratio ictus »).

L’auteur des faits doit avoir la volonté d’agir en opposition aux interdits de la Société. L’intention est la volonté
consciente d’accomplir l’acte infractionnel.

Il y a faute intentionnelle lorsque l’auteur de l’acte a voulu pleinement son acte ET le résultat obtenu ou du moins
recherché. L’intention doit être parfaitement établie. Cette preuve est libre.

Ainsi : appréciation souveraine des juges du fond.

2. Le regime de l’intention

Au-delà de la forme générale, l’intention peut revêtir des formes particulières.

A. Les modalités et les degrés de l’intention


› L’intention considérée dans sa durée

L’intention simple se caractérise par une détermination immédiate et spontanée.

L’intention aggravée ou « préméditée » implique une intention « plus longuement mûrie » (article 132-72 du Code
pénal).

› L’intention considérée dans sa précision

Appréciation eu égard au résultat

L’intention spéciale « dol spécial » : L’intention spéciale s’analyse en une intention plus caractérisée qui est
requise par le texte pénal pour la répression de certaines infractions. L’auteur des faits ne s’expose aux foudres
du texte pénal que s’il a eu la volonté d’obtenir le résultat tel qu’incriminé.

L’intention indéterminée ou « imprécise » « dol indéterminé » : L’auteur des faits a prévu et désiré le résultat
dommageable MAIS il n’a pas pu se représenter l’étendue de celui-ci avec précision.

57
L’intention dépassée ou « praeterintentionnelle » « dol praeterintentionnel » : L’acte produit un résultat
dommageable plus grave que celui qui était prévu et désiré : il a des conséquences plus graves que celles qui
étaient prévues ou prévisibles par l’auteur des faits.

L’intention éventuelle « dol éventuel » : L’auteur des faits n’a pas recherché le résultat dommageable qui s’est
produit ni même d’ailleurs un résultat dommageable quelconque ; cependant, il l’a prévu comme un risque qu’il
espérait éviter et il a persisté dans son action.

B. La preuve de l’intention

Principe de la présomption d’innocence.

En pratique, la preuve de l’intention (générale et spéciale) se déduit le plus souvent de la nature même de
l’agissement. En l’absence de comportement univoque, le Ministère public devra faire la preuve de l’intention
spéciale d’après les circonstances de fait.

Section 2 – Le fait fautif revelateur d’une indifference aux valeurs sociales protegees, marqueur des delits non
intentionnels

La faute pénale est une forme d’indiscipline sociale. Le Code pénal envisage différents degrés d’intensité de la
faute pénale.

1. Les formes de l’imprevoyance

Le Code pénal de 1810 connaissait une seule forme d’imprévoyance : la faute d’imprudence ou de négligence,
laquelle était similaire à la faute prévue par le Code civil à l’article 1383 anc. devenu 1241. Alors, le principe était
l’unité des fautes civile et pénale. (Cass. crim. 18 décembre 1912)

En vertu du principe de l’autorité sur le civil de la chose jugée au pénal (CPP art. 4), le juge civil ne pouvait pas
rendre une décision contraire à celle prise par le juge pénal. Dès lors, le juge pénal était comme « contraint » de
prendre en considération, en tant que faute pénale, des « poussières de fautes » afin de « sauvegarder » le droit à
réparation des victimes.

Aujourd’hui, le Code pénal prévoit trois formes d’imprévoyance :

- La faute délibérée : « mise en danger délibérée » ; « violation manifestement délibérée d’une obligation
de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement »
- La faute caractérisée, qui présente un degré de gravité supplémentaire par rapport à la faute pénale
ordinaire
- La faute pénale ordinaire : faute d’imprudence ou de négligence

La Cour de cassation dissocie nettement faute civile et faute pénale (Cass. crim. 30 janv. 2001). Assurément, le
principe de l’unité des fautes civile et pénale a été abandonné.

A. Les fautes penales aggravees

Insouciance

o La mise en danger délibérée de la personne d’autrui

Article 121-3 alinéa 2 du Code pénal.

58
La mise en danger délibérée est une attitude intermédiaire entre l’intention et l’imprudence. La personne
insouciante sait que son comportement est dangereux pour autrui mais elle persiste dans son attitude ; pourtant,
elle n’agit pas intentionnellement puisqu’elle ne recherche pas le résultat de l’infraction. Au vu de sa gravité, la
faute de mise en danger délibérée de la personne d’autrui peut être retenue, pour les personnes physiques, même
en cas de causalité indirecte.

Deux situations sont à examiner :

› En cas de survenance d’un dommage

Dans les textes d’incrimination, la faute de mise en danger délibérée de la personne d’autrui est visée par la
référence à un « manquement délibéré à une obligation de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le
règlement ».

L’existence de cette obligation imposée par un texte pénal prouve la connaissance du danger par la personne
insouciante et sa volonté d’enfreindre la règle malgré tout.

La violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi
ou le règlement constitue une circonstance aggravante des atteintes involontaires à la vie et à l’intégrité de la
personne.

Articles 221-6, alinéa 2 ; article 222-19, alinéa 2 ; article 222-20 et R. 625-3 du Code pénal.

› En l’absence de survenance d’un dommage

Les articles 223-1 et suivants du Code pénal sanctionnent des « mises en danger de la personne d’autrui ». La faute
est décrite de façon plus stricte. En effet, l’infraction est consommée alors qu’aucun dommage n’est survenu mais
que des personnes ont été exposées à un risque de mort ou de blessures graves par l’attitude de l’auteur.

o Les fautes qualifiées

Article 121-3, alinéa 4 du Code pénal. Deux sortes de fautes graves, « qualifiées » :

› La faute délibérée : une attitude volontaire dans une attitude négligente (volonté du comportement mais
pas du résultat)

La faute délibérée est le plus haut degré de faute. La faute délibérée suppose deux éléments :

- Un élément légal : l’existence d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité Ainsi, il faut un
texte particulier.
- Un élément psychologique : la volonté murement réfléchie de violer le texte en sachant qu’un dommage
peut arriver et en en prenant le risque sans état d’âme.

Cette faute est plus voulue que subie.

› La faute caractérisée : une défaillance inadmissible engendrant un risque particulièrement grave

La faute caractérisée est une faute d’action ou d’abstention d’une particulière évidence, d’une particulière
intensité et qui présente un certain degré de gravité.

La faute caractérisée est factuelle. On peut voir dans cette faute trois éléments :

- Un degré de gravité indéniable ;


- L’exposition d’un tiers à un risque mortel ou invalidant ;
- La prévisibilité de ce risque par l’auteur du dommage : celui-ci n’a pas pu ignorer ce risque.

59
Une appréciation in concreto s’impose.

B. La faute pénale ordinaire

Article 121-3 du Code pénal (faute pénale « d’imprudence ou de négligence » et même « faute pénale »).

o Les formes de la faute pénale ordinaire

À la lecture de l’article 121-3 : deux sortes de fautes pénales ordinaires :

› Première catégorie : la maladresse, l’imprudence, l’inattention et la négligence

Par le passé, la Chambre criminelle a considéré la liste limitative (Cass. crim. 26 février 1863 : D. 1864, I, p. 193)

- La maladresse est un défaut de dextérité manuelle ou intellectuelle.


- L’imprudence est la méconnaissance des règles de prudence qui entraîne la prise d’un risque dangereux
malgré l’éventualité prévisible d’un dommage.
- L’inattention est la légèreté, l’étourderie de la personne, qui « dénote un manque de concentration sur
la tâche que l’on exécute ».
- La négligence est le fait d’omettre de prendre les précautions nécessaires par manque de rigueur,
d’aptitude ou d’habileté.

› Deuxième catégorie : le manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou
le règlement (entendu au sens constitutionnel)

Il convient de prouver la volonté de violer l’obligation de prudence ou de sécurité.

o Le contenu de la faute pénale ordinaire

La personne qui a fait preuve d’inadvertance n’a pas prévu les conséquences dommageables de son acte. Ici,
l’auteur veut quelque chose mais agit de manière différente et il cause ainsi un dommage qu’il n’a ni prévu, ni
voulu.

L’imprudence ou la négligence impliquent le non-respect d’une certaine discipline sociale. La personne viole une
règle de prudence qui s’imposait à elle ou néglige de prendre les précautions qu’elle aurait dû normalement
respecter.

En principe, cette indiscipline présente une certaine gravité.

2. L’etablissement de l’imprevoyance

Article 121-3 alinéa 3 du Code pénal dans sa version issue des réformes législatives des 13 mai 1996 et 10 juillet
2000.

A. Le raisonnement à suivre

Il convient d’analyser le lien de causalité pour déterminer le type de faute d’imprévoyance à retenir afin d’établir
la responsabilité pénale de la personne poursuivie.

Plus le lien de causalité entre la faute et le dommage est distant, plus la faute doit être importante pour que la
responsabilité pénale puisse être retenue.

o L’hypothèse de l’auteur direct


› La notion de causalité directe

60
Article 121-3 alinéa 4 du Code pénal qui se borne toutefois à faire référence à « ceux qui n’ont pas causé
directement le dommage... ». Assurément, les hypothèses de causalité directe sont très réduites. (Circulaire du
ministère de la Justice du 11 octobre 2000 : « En pratique, il n’y aura causalité directe, que lorsque la personne en
cause aura elle-même frappé ou heurté la victime, soit aura initié ou contrôlé le mouvement d’un objet qui aura
heurté ou frappé la victime. »)

› La faute exigée en cas de causalité directe

Hypothèse de l’obligation qui n’est pas formellement mise à la charge d’autrui par un texte.

L’imprévoyance consiste à ne pas se conduire comme l’aurait fait une personne « raisonnable » dans les mêmes
circonstances. Alors, pour s’exonérer, la personne poursuivie doit établir que quiconque placé dans les mêmes
conditions se serait comporté de la même façon.

Hypothèse de l’obligation qui est formellement mise à la charge d’autrui par un texte particulier

L’imprévoyance se déduit de la non-conformité du comportement constaté au comportement préconisé par le


texte en question.

Traditionnellement, la personne poursuivie ne pouvait s’exonérer qu’en démontrant que l’inobservation de ce


texte particulier était due à un cas de force majeure. Cependant, la loi du 13 mai 1996 lui permet d’établir qu’«
[elle] avait accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses
fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont [elle] disposait. ».

o L’hypothèse de l’auteur indirect


› La notion de causalité indirecte

Article 121-3 al. 4 du Code pénal : « Dans le cas prévu par l'alinéa qui précède, les personnes physiques qui n'ont
pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation
du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi
qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité
prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une
particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer. »

Deux définitions :

- L’hypothèse des personnes qui, sans avoir directement causé le dommage, ont créé ou contribué à créer
la situation qui a permis sa réalisation.
- L’hypothèse des personnes qui n’ont pas pris les mesures permettant d’éviter le dommage.

Le critère de la causalité indirecte concerne l’ensemble des justiciables ; mais, il est particulièrement adapté à la
situation des décideurs publics -ainsi qu’aux décideurs privés-.

› La faute exigée en cas de causalité indirecte

La faute de l’auteur indirect n’est prise en compte que s’il s’agit d’une faute « qualifiée », c’est-à-dire :

- Soit une faute délibérée.


- Soit une faute caractérisée.

B. L’appreciation in concreto des fautes d’imprevoyance

Incidence des lois des 13 mai 1996 et 10 juillet 2000.

61
La faute pénale ordinaire est expressément soumise à une appréciation in concreto (article 121-3, alinéa 3 du Code
pénal).

Les fautes qualifiées sont implicitement soumises à une appréciation in concreto. La faute délibérée renvoie à un
comportement dont la gravité est extrême. La faute caractérisée est définie sur la base de critères qui la situent
au sommet d’exigences particulières.

Section 3 – Le fait fautif revelateur d’une discipline sociale, marqueur des contraventions

On se situe dans l’indiscipline et non dans la délinquance. La notion de faute contraventionnelle n’a pas été
modifiée par l’entrée en vigueur du Code pénal de 1994 ; toutefois, le domaine de la faute contraventionnelle a été
nettement réduit.

1. La notion de faute contraventionnelle

A. Le critere de la faute contraventionnelle

La faute contraventionnelle résulte du seul fait de la violation d’une prescription normative. On parle d’«
infraction purement matérielle ». La faute contraventionnelle doit résulter d’un comportement volontaire. AINSI
Elle suppose une volonté libre.

B. La dispense de preuve

Contrairement à la faute d’imprévoyance, la faute contraventionnelle n’a pas à être prouvée par le Ministère
public.

2. Une faute propre aux contraventions

Domaine limité aux seules contraventions. En effet, à la faveur du Code pénal de 1994, les délits matériels ont
disparu.

A. Le principe du caractere materiel des contraventions

L’interprétation a contrario des alinéas 1 et 2 de l’article 121-3 du Code pénal laisse apparaitre que contrairement
aux crimes et aux délits, ni l’intention, ni l’imprévoyance ne sont requises en matière de contraventions.

B. Les temperaments au principe

Le principe du caractère matériel des contraventions n’est pas absolu. En effet :

- Certaines contraventions sont intentionnelles.


- Certaines contraventions sont engendrées par l’imprudence.
- Certaines contraventions résultent d’un manquement délibéré à une obligation légale ou règlementaire
de prudence.

62
TITRE II : L’examen de la responsabilité pénale de la personne poursuivie

THÈME 8 : La participation personnelle à l’infraction, condition


indispensable de l’imputation de l’infraction à la personne
poursuivie

Une règle essentielle : la règle de la personnalité, c’est-à-dire d’une responsabilité exclusivement liée à un fait
personnel, et donc seulement imputable à son auteur matériel.

Section 1 – Le fait personnel, fondement de principe de la responsabilite penale

1. Le principe de la responsabilité du fait personnel

A. Typologie des personnes pénalement responsables

o Les personnes physiques

Les personnes visées sont les majeurs et les mineurs.

Jusqu’en 1994, seules les personnes physiques pouvaient engager leur responsabilité pénale. Mais une distinction
à opérer entre personnes majeures et personnes mineures. La majorité pénale est fixée à 18 ans, tout comme la
majorité civile.

La référence à l’âge est essentielle. L’évaluation de l’âge s’effectue « au temps de l’action ». L’établissement de
l’âge peut se heurter à des difficultés de preuve.

› Le statut pénal du mineur

L’évolution du statut pénal du mineur

Le Code pénal de 1810 exigeait la preuve du discernement pour qu’un mineur soit pénalement responsable.

La loi du 22 juillet 1912 a institué une présomption d’irresponsabilité des mineurs de 13 ans.

L’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 a été largement inspirée du mouvement de défense sociale nouvelle.

Jusqu’à peu, cette ordonnance était le texte emblématique de la justice pénale des mineurs. Mais, elle a été
complétée et modifiée à de si nombreuses reprises qu’elle a fini par perdre de sa lisibilité et de sa cohérence.

Il est apparu impérieux de réformer l’organisation de la justice pénale des mineurs.

Le 13 septembre 2019, l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du Code de la
Justice Pénale des Mineurs a été publiée au JORF ; elle a été ratifiée par la loi n° 2021-218 du 26 février 2021.

63
Le 30 mai 2021, sont parus 2 décrets portant codification de la partie réglementaire du CJPM et trois arrêtés,
chacun en date du 27 mai 2021.

Finalement, la réforme de la justice pénale des mineurs est entrée en vigueur le 30 septembre 2021. Depuis cette
date, l’ordonnance du 2 février 1945 est abrogée : elle est remplacée par le CJPM.

Le CJPM rappelle les principes généraux applicables à la justice des mineurs, à savoir :

- La primauté de l’éducatif sur le répressif ;


- La spécialisation de la justice des mineurs ;
- L’atténuation de la responsabilité en fonction de l’âge, étant précisé que l’âge de la majorité pénale reste
fixé à 18 ans.

Le nouveau Code introduit une présomption de non-discernement pour les mineurs délinquants de moins de 13
ans.

Le Code pénal de 1994 (article 122-8) : La responsabilité pénale des mineurs peut être admise, dès lors qu’ils sont
capables de discernement.

Donc, différents seuils d’âge sont à considérer.

La spécificité du Droit pénal des mineurs

Le Droit pénal des mineurs est une discipline en soi. Il s’est enrichi d’un volet constitutionnel. La spécificité du
Droit pénal des mineurs est manifeste.

Ainsi : existence de juridictions spécialisées ; aménagement de procédures appropriées

❖ Un constat : forme d’« alignement » du Droit pénal des mineurs sur le Droit pénal des majeurs

o Les personnes morales

Article 121-2 du Code pénal : Cet article contient tout le dispositif substantiel relatif à la responsabilité des
personnes morales.

B. Exposé et portée du principe de la responsabilité du fait personnel

o Le fondement du principe

Le « principe de la personnalité » est clairement formulé dans le Code pénal et ses corollaires sont largement
développés en jurisprudence (article 121-1 du Code pénal). Ce principe a une valeur constitutionnelle.

o La mise en œuvre du principe


› La nécessaire identification du fait personnel

Il y a là une exigence incontournable mais qui peut se heurter à la réalité.

Hypothèses de dissociation entre responsabilité et matérialité

- La responsabilité pénale des dirigeants


- La responsabilité pénale des personnes morales

Hypothèses dans lesquelles le recours à la présomption de responsabilité s’impose

64
Les infractions de presse : Responsabilité dite « en cascade ». (L. 29 juill. 1881, art. 42 et 43)

Les infractions en matière de circulation routière : L’article L. 121-1 du Code de la route reprend le principe de la
responsabilité du fait personnel ; mais, des dispositions dérogatoires sont prévues. (cf. C. route art. L. 121-2, L.
121-3)

› L’exclusion de la responsabilité fondée sur un fait non personnel

L’exclusion de la responsabilité de plein droit : Principe de la présomption d’innocence

L’exclusion de la responsabilité du fait d’autrui

L’exclusion de la responsabilité collective

Plusieurs hypothèses :

- Les infractions commises dans le cadre d’une instance collégiale : En la matière, la jurisprudence ne
consacre ni une impunité systématique, ni une responsabilité présumée tirée de la seule participation à
l’infraction. Ici : appréciation souveraine des juges du fond
- Les blessures volontairement faites par plusieurs personnes au cours d’une scène unique de violences,
ou encore les fautes conjuguées liées à une action dangereuse relevant d’une imprudence commune à
plusieurs personnes : En la matière, la jurisprudence retient la responsabilité pénale de tous les
participants, mais, là encore, en restant sur le terrain personnel.

2. Une participation personnelle à degre variable

Article 121-4 du Code pénal

A. Les formes de participation à l’infraction

Deux qualités envisageables

o La participation en qualité d’auteur


› La participation matérielle à l’infraction

- L’auteur isolé
- Les coauteurs :
Une pluralité d’auteurs pour réaliser une seule et même infraction. L’action est collective. Mais
l’infraction doit pouvoir être reprochée à chacun des participants. C’est dire que les coauteurs sont des
auteurs à égalité.
Le régime de la coaction ; En principe, le coauteur est qualifié d’auteur. Parfois, le coauteur est qualifié
de complice.

› La participation psychologique à l’infraction commise par autrui

La personne s’associe à une infraction commise par une autre personne. Et, c’est de cette action ou de cette
abstention que l’auteur moral aura à répondre.

Les hypothèses légales : Bien souvent, la participation psychologique à l’infraction commise par autrui est
incriminée spécialement.

Les hypothèses jurisprudentielles : Souvent, la jurisprudence est tentée d’assimiler l’auteur moral à un complice
par provocation ou instruction. Parfois, la jurisprudence considère que l’auteur moral peut être assimilé à un
auteur matériel en raison de son emprise sur les faits et de son autorité.

65
o La participation en qualité de complice
› La notion de complicité

Il y a là un comportement dépendant. On dit que le complice « emprunte la criminalité d’autrui ». Un fait principal
punissable, c’est-à-dire constitutif d’une infraction, doit exister. La complicité d’un crime ou d’un délit est
toujours punissable. (Article 121-7 alinéa 1 du Code pénal) La complicité d’une contravention est punissable MAIS
uniquement si elle a lieu par provocation ou instruction (article 121-7 al. 2 du CP). Toutefois, des formes de
complicité de contravention par aide ou assistance peuvent être incriminées de manière autonome.

Le fait principal peut être tant une infraction consommée qu’une infraction seulement tentée.

Il n’y a pas de complicité punissable si le fait principal n’est pas punissable. Mais il y a complicité punissable même
si ledit fait principal n’est pas puni.

Le complice doit participer à l’infraction suivant un mode légal de complicité et en toute connaissance de cause
Dans le Code pénal, on trouve deux modes de complicité :

- L’aide ou l’assistance

Article 121-7 alinéa 1 du Code pénal

L’acte d’aide ou d’assistance peut consister en la fourniture de moyens matériels ou d’un simple encouragement
à commettre l’infraction. Cet acte doit avoir facilité la préparation ou la consommation de l’infraction.

Le plus souvent, l’acte d’aide ou d’assistance résulte d’un acte positif, antérieur ou concomitant à l’infraction.
Sont exclus les faits produits postérieurement à la commission de l’infraction. Cependant, la complicité
postérieure reste punissable lorsqu’elle résulte d’« un accord antérieur ».

Au fil du temps, la jurisprudence a accepté d’assimiler l’abstention à l’action lorsque l’aide s’est avérée utile et a
été convenue à l’avance. Ainsi : lorsque la complicité par abstention résulte d’un « accord antérieur » ; à l’encontre
d’une personne qui avait un devoir professionnel d’agir pour empêcher l’infraction et s’est abstenue en sachant
que l’infraction allait se commettre.

Parfois, la jurisprudence considère que la présence au sein d’un groupe d’agresseurs peut constituer une aide
morale, encourageant les auteurs dans leur action.

- La provocation et les instructions

Article 121-7 alinéa 2 du Code pénal

La provocation consiste à inciter une personne à commettre une infraction mais cette incitation doit être
précédée ou accompagnée d’un don, d’une promesse, d’une menace, d’un ordre, d’un abus d’autorité ou d’un
abus de pouvoir.

La fourniture d’instructions vise tout renseignement utile, notamment les conseils, les informations données à
autrui pour lui permettre de commettre l’infraction. Il est communément admis qu’elle n’a pas à être
accompagnée d’un don, d’une promesse, d’une menace, d’un ordre, d’un abus d’autorité ou d’un abus de pouvoir.

La provocation et les instructions doivent être antérieures à l’infraction et consister en un acte positif. L’acte de
complicité doit être accompli en connaissance de cause. L’aide ou l’assistance est un acte intentionnel.

En pratique, les juridictions pénales s’efforcent d’établir que la personne a eu conscience de participer à
l’infraction d’autrui. Et contrôle de la Cour de cassation.

Indubitablement, la jurisprudence simplifie la preuve de l’intention coupable.

66
› La repression de la complicité

Criminalité d’emprunt mais pénalité propre

Sous l’empire du Code pénal de 1810 (article 59 ancien) : Un emprunt de pénalité s’ajoutait à l’emprunt de
criminalité. Ainsi, le complice était puni de la même peine que l’auteur de l’infraction.

Le Code pénal 1994 (article 121-6) : Le complice est puni « comme auteur » et non plus « comme l’auteur » de
l’infraction. Ainsi, pour déterminer la peine encourue, il suffit de raisonner comme si le complice avait lui-même
réalisé l’infraction commise, en qualité d’auteur.

La complicité de complicité et la tentative de complicité ne sont pas punissables.

B. Le degré d’achèvement de l’activité fautive, curseur de l’illicéité des crimes mais aussi des délits intentionnels (Étude
de la tentative punissable)

Articles 121-4 et 121-5 du Code pénal. Ici, deux situations à évoquer

o La tentative interrompue

L’activité fautive a été suspendue.

› Les conditions de l’incrimination de la tentative interrompue


- L’exigence d’un commencement d’exécution

L’absence de définition légale : Le Code pénal affirme la nécessité d’un commencement d’exécution pour
caractériser la tentative, sans en donner la définition. Parfois, ce silence n’entraîne aucune difficulté. Le plus
souvent, il revient au juge d’apprécier si les faits qui lui sont soumis constituent un commencement d’exécution
ou seulement des actes préparatoires qui, eux, ne sont pas punissables.

La définition doctrinale du commencement d’exécution :

- Selon une théorie objective -ORTOLAN, CHAUVEAU et HELIE-, seuls constituent un commencement
d’exécution les actes qui font partie soit des éléments constitutifs de l’infraction tels que définis par le
texte, soit des circonstances qui peuvent en renforcer la répression.
AUSSI Tous les autres actes doivent être considérés comme des actes préparatoires et sont donc exclus
du champ de la répression.
- Selon une théorie subjective -DONNEDIEU DE VABRES-, il y a commencement d’exécution dès qu’on se
trouve en présence d’un acte positif, extérieur, non équivoque, qui, est assez proche moralement de
l’infraction pour que l’on puisse considérer comme infiniment probable le fait que l’auteur serait allé
jusqu’au bout de son projet infractionnel si rien ne l’en avait empêché.
- Selon les théories mixtes -GARRAUD, CARRERA-, l’intention n’est prise en compte que lorsqu’elle s’est
concrétisée par des actes matériels, même si ces actes matériels ne sont pas des éléments constitutifs de
l’infraction.

La définition jurisprudentielle du commencement d’exécution :

Souvent, la jurisprudence adopte une formule faisant à la fois allusion à la théorie objective et à la théorie
subjective.

Dans de nombreuses affaires, la Cour de cassation a affirmé que « constitue un commencement d’exécution tout
acte qui tend directement au délit, lorsqu’il a été accompli avec l’intention de le commettre » (Cass. crim. 29
décembre 1970, affaire Magasins du Louvre : JCP 1971, I, 16770).

67
Dans d’autres décisions, la jurisprudence définit plus objectivement le commencement d’exécution, en indiquant
qu’il s’agit d’« un acte devant avoir pour conséquence directe et immédiate de consommer le crime ».

Les juridictions pénales peuvent déduire l’intention de l’auteur du caractère non équivoque de l’acte lui-même,
des déclarations de l’intéressé ou de circonstances extérieures. En pratique, les antécédents judiciaires de
l’auteur exercent une influence incontestable.

Assurément, la jurisprudence évolue en fonction de considérations de politique criminelle.

- L’absence de désistement volontaire

Toujours dans un but de politique criminelle, l’article 121-5 décidé que l’auteur des faits, même s’il a franchi le
seuil du commencement d’exécution, échappera à toute sanction, s’il s’est volontairement désisté.

L’exigence d’un désistement spontané : Le mobile qui a poussé l’auteur des faits à s’arrêter n’est pas pris en
compte. Le désistement doit être réellement volontaire, c’est-à-dire spontané.

L’exigence d’un désistement antérieur à la consommation de l’infraction : Le désistement volontaire peut


intervenir à tout moment mais il doit être intervenu avant la consommation de l’infraction. En effet, après, il n’y
a place que pour un « repentir actif ».

- L’intention coupable

Pour que la tentative soit punissable, il faut également constater que la personne poursuivie avait l’intention de
commettre l’infraction qui a été interrompue. L’analyse de l’intention permet de choisir la qualification sous
laquelle la tentative doit être retenue.

› La répression de la tentative interrompue


- Le principe

La tentative de crime est toujours punissable ; la tentative de délit n’est punissable que dans les cas prévus par la
loi ; la tentative de contravention n’existe pas.

Lorsque la tentative est réprimée, la peine encourue est la même que celle prévue pour l’infraction consommée.
Cette identité de répression concerne la peine principale, les peines complémentaires et éventuellement les
peines accessoires.

- La pratique judiciaire

L’indulgence dont peuvent faire preuve les juridictions pénales est justifiée par les circonstances particulières de
l’espèce.

o La tentative infructueuse

Ici, l’activité fautive a manqué son effet. L’absence de résultat peut être liée à deux causes :

- La maladresse de l’auteur : l’infraction est dite manquée ;


- L’impossibilité matérielle d’obtenir le résultat : l’infraction est dite impossible.

› L’article 121-5 assimile l’infraction manquée à la tentative interrompue.

En dépit de cette assimilation légale, les deux situations sont à distinguer.

Une différence materielle : L’exécution caractérise l’infraction manquée. Le commencement d’exécution


caractérise l’infraction interrompue.

68
Une différence psychologique : L’infraction manquée n’autorise aucun doute sur l’intention de l’auteur. La
tentative interrompue laisse subsister une part d’incertitude.

Les règles spécifiques de la répression de l’« aberratio ictus » : La jurisprudence retient la qualification de
l’infraction commise sur Y selon les caractères de l’infraction que l’auteur voulait commettre à l’égard de X. (Ex.
: Meurtre et non pas Homicide involontaire).

› La jurisprudence assimile l’infraction impossible à l’infraction manquée

Ici, l’absence de résultat a pour cause l’impossibilité matérielle de l’obtenir ; et ce, du fait de l’inexistence de l’objet
de l’infraction ou de l’insuffisance des moyens mis en œuvre par l’auteur des faits.

Pendant longtemps, cette assimilation a été controversée. Les opposants à cette assimilation faisaient valoir deux
arguments :

- Un argument conforme aux thèses objectives tiré de l’absence de trouble à l’ordre social ;
- Un argument syllogistique selon lequel il n’est pas concevable d’exécuter ou de commencer à exécuter
une infraction impossible. cf. ROSSI

Parmi les partisans de cette assimilation, deux courants étaient perceptibles :

- Les partisans d’une assimilation complète mettent l’accent sur l’intention infractionnelle ou la
dangerosité manifestée par l’auteur d’une infraction impossible. cf. SALEILLES
- Les partisans d’une assimilation partielle ont fait valoir divers critères : ORTOLAN, ceux de
l’impossibilité absolue et de l’impossibilité relative ; GARRAUD et ROUX, ceux de l’impossibilité de droit
et de l’impossibilité de fait.

Désormais, l’assimilation de l’infraction impossible à l’infraction manquée est acquise. La jurisprudence


constante de la Chambre criminelle de la Cour de cassation l’atteste.

Ainsi, a été qualifié de tentative d’homicide volontaire, le fait d’exercer des violences sur une personne dans
l’intention de lui donner la mort quand bien même la personne serait déjà décédée. (Cass. crim. 16 janv. 1986,
Perdereau ; de tentative de vol, le fait de pénétrer à l’intérieur d’un domicile dépourvu de tout objet de valeur. cf.
Cass. crim. 15 mars 1994)

C’est dire que la jurisprudence semble fermement établie en faveur de la thèse subjective. Néanmoins, de rares
cas de survivance de la notion d’infraction impossible sont à garder à l’esprit. À savoir : l’infraction surnaturelle
et l’infraction putative.

Section 2 – La responsabilite penale nee de sources autres que le fait personnel, une imputation fictive ou seulement apparente

De manière exceptionnelle, il peut arriver qu’une personne ait à répondre pénalement du fait d’autrui.
Néanmoins, dans ces hypothèses, la responsabilité pénale demeure personnelle.

1. La responsabilité pénale du dirigeant, une responsabilité personnelle née du fait d’autrui

Étude de la responsabilité pénale dans le cadre de l’entreprise.

A. Une responsabilité de fonctions, fondée sur l’autorité et les pouvoirs

Responsabilité en qualité de « dirigeant d’entreprise » ou de « commettant ».

69
Dès le milieu du XIXe siècle, la jurisprudence a admis la responsabilité pénale du dirigeant d’entreprise en raison
des infractions commises par ses préposés.

Assurément, en sa qualité de dirigeant, le chef d’entreprise doit contrôler l’activité de ses salariés. Dès lors, en
cas de survenance d’une infraction dans le cadre de l’entreprise, le fait matériel du préposé ne vient que révéler
la faute du dirigeant.

o Les fondements de la responsabilité pénale du dirigeant d’entreprise ou du commettant

Parfois, la responsabilité pénale du dirigeant d’entreprise est expressément prévue par un texte légal ou
réglementaire (article L.4741-1 du Code du travail ; article 433-18 du Code pénal).

Le plus souvent, la responsabilité du dirigeant d’entreprise n’a pas de fondement textuel. Sont visées les
entreprises ou professions « réglementées ». À l’origine, la jurisprudence interprétait strictement cette notion ;
mais, cette conception étroite a été abandonnée.

Une entreprise est concernée par la responsabilité pénale de son dirigeant dès qu’une réglementation spéciale
ou générale, quel que soit l’objet de cette réglementation, s’applique à ladite entreprise.

La responsabilité du dirigeant d’entreprise suppose qu’une infraction ait été commise à l’occasion du
fonctionnement de l’entreprise par un ou plusieurs préposés ou employés.

L’infraction sera imputable au dirigeant dès lors qu’il est prouvé qu’il a manqué à son devoir de veiller à
l’application de la loi ou du règlement qui a été violé.

o De la présomption de responsabilité à l’exigence d’une faute personnelle du dirigeant d’entreprise ou du


commettant

Aujourd’hui, pour que le dirigeant d’entreprise soit responsable des infractions commises par son préposé ou son
employé, il faut qu’une infraction ait été commise par le préposé ou l’employé.

Il peut s’agir d’une infraction de commission ; mais, le plus souvent, il s’agit d’une infraction d’omission. Et, le
dirigeant d’entreprise doit avoir lui-même commis une faute.

Remarque : le préposé ou l’employé est l’auteur matériel de l’infraction ; le dirigeant d’entreprise est considéré
auteur indirect de l’infraction. Naturellement, le préposé ou l’employé s’expose lui-même à des poursuites
pénales.

En pratique, si la faute du préposé est infime, le Parquet s’abstient de poursuivre ; et, en cas de poursuites, le juge,
le plus souvent, ne prononce pas de condamnation. De même dans le cas où le préposé n’a retiré aucun profit de
l’infraction et s’il n’a fait que se conformer aux ordres reçus.

Les conditions de la responsabilité pénale du dirigeant d’entreprise sont d’origine jurisprudentielle ; elles ont
évolué.

› Originellement : une responsabilité sans faute

Originellement, la responsabilité pénale du dirigeant d’entreprise était perçue comme une responsabilité du fait
d’autrui.

Le dirigeant d’entreprise devait répondre du fait de ses préposés ou employés en sa qualité de dirigeant : il était
perçu comme le garant de la bonne application de la Loi dans le cadre de l’entreprise. Dans cette logique, les
manquements des préposés dénotaient, à travers la violation des règles techniques particulières, une mauvaise
organisation de l’entreprise.

70
Dans le même temps, des arrêts ont précisé le manquement reproché au dirigeant avant de le condamner.

Cette jurisprudence originelle était particulièrement sévère. La responsabilité pénale du dirigeant d’entreprise
était comme automatique dès lors qu’un accident corporel survenait dans le cadre de l’activité de l’entreprise.
La faute du dirigeant était présumée : le dirigeant d’entreprise ne pouvait pas prouver son absence de faute pour
échapper à sa responsabilité pénale ; seule la délégation de pouvoirs pouvait jouer.

En 1976, le législateur est intervenu. L’article L. 263-2 anc. du Code du travail -devenu art. L. 4741-1- a été précisé
: à la faveur des modifications apportées, une infraction peut être reprochée aux dirigeants d’entreprise
uniquement s’ils ont « par leur faute personnelle » enfreint les règles d’hygiène et de sécurité.

Remarque : la solution a été étendue en dehors du champ de l’article L. 4741-1 du Code du travail. Autrement dit
: la jurisprudence lui a reconnu une portée générale.

Aujourd’hui, la présomption de faute du dirigeant d’entreprise paraît moins absolue : pour échapper à sa
responsabilité pénale, le dirigeant d’entreprise peut soit prouver une délégation de pouvoirs, soit démontrer son
absence de faute.

› Aujourd’hui : une responsabilité pour faute

Il ne fait plus aucun doute que la responsabilité pénale du dirigeant d’entreprise, notamment en matière d’hygiène
et de sécurité, repose sur une faute personnelle.

La faute personnelle du dirigeant d’entreprise peut être une faute contraventionnelle, une faute d’imprudence ou
de négligence ou de mise en danger. Une faute personnelle est exigée.

Ainsi, les juges ne peuvent pas se contenter d’une présomption de responsabilité pour condamner le dirigeant
d’entreprise. La faute personnelle résulte de l’inobservation des prescriptions légales ou réglementaires,
notamment celles concernant l’hygiène et la sécurité dans l’entreprise.

En l’absence de faute personnelle du dirigeant, la relaxe s’impose.

En dépit de ces évolutions, en pratique, la faute du dirigeant peut apparaitre souvent plus affirmée que
recherchée.

Les lois du 13 mai 1996 et 10 juillet 2000 relatives aux infractions non intentionnelles n’ont eu qu’un faible impact
sur la responsabilité pénale des dirigeants d’entreprise.

Dans ces conditions, plus que la preuve de l’absence de faute, le moyen le plus efficient d’exonération pour le
dirigeant d’entreprise reste encore la preuve d’une délégation de pouvoirs.

B. Le transfert de responsabilité pénale par la délégation de pouvoirs

Exonération par la délégation de pouvoirs. Ainsi, à certaines conditions posées par la jurisprudence, la délégation
de pouvoirs est susceptible de décharger le dirigeant de sa responsabilité pénale.

o Le transfert de l’autorité et des pouvoirs du dirigeant d’entreprise


› Le domaine de la délégation de pouvoirs

Le domaine de la délégation de pouvoirs est large : il y a là une cause de justification générale. Mais encore faut-
il que la Loi n’en dispose pas autrement.

› Les conditions de la délégation de pouvoirs

71
La délégation de pouvoirs doit concerner une entreprise de taille suffisante. Le délégué doit appartenir à
l’entreprise et il doit être « pourvu de la compétence, de l’autorité et des moyens nécessaires ».

Aussi, la codélégation est exclue. En revanche, la subdélégation est possible ; mais, elle doit avoir été autorisée
par le dirigeant de l’entreprise.

Toute délégation ou subdélégation de pouvoirs doit porter cumulativement sur la compétence, l’autorité et les
moyens nécessaires et elle doit émaner du véritable titulaire de ces prérogatives. La délégation de pouvoirs ne
peut pas être générale. La délégation de pouvoirs ne requiert aucune forme particulière ; mais, elle doit être «
certaine et exempte d’ambiguïté ».

o Les effets de la délégation de pouvoirs

Deux effets :

- Le dirigeant d’entreprise est exonéré de toute responsabilité pénale. Mais encore faut-il qu’il ne soit pas
impliqué directement dans la commission de l’infraction.
- La responsabilité pénale est transférée au préposé. Naturellement, la personne poursuivie doit apporter
la preuve de la délégation de pouvoirs pour pouvoir bénéficier des effets de celle-ci.

2. La responsabilité pénale des personnes morales, une responsabilité personnelle par reflet

Le Code pénal de 1810 n’évoquait pas la responsabilité pénale des personnes morales. Progressivement, le
principe de l’irresponsabilité pénale des personnes morales a reculé et le Code pénal de 1994 a largement admis
la responsabilité pénale des personnes morales.

Article 121-2 alinéa 1 du Code pénal.

A. Le domaine de la responsabilité pénale des personnes morales


o Les personnes morales visées

Tant les personnes morales de Droit privé que les personnes morales de Droit public, à but lucratif ou non.

› S’agissant des personnes morales de Droit privé : un principe d’application générale.

Les personnes morales de Droit privé sont toutes, sans exceptions, concernées.

Critère : la personnalité juridique. Dès lors les groupements dépourvus de personnalité juridique sont exclus et
il convient d’être attentif à l’incidence que peut avoir la vie des sociétés.

Les actes accomplis pendant la période de formation de la société jusqu’à sa constitution ne peuvent engager que
la responsabilité pénale des fondateurs, personnes physiques.

Pour les infractions commises au cours de sa liquidation, la personne morale peut être poursuivie.

En cas de fusion de sociétés : Pendant longtemps, la société absorbante ne répondait pas des infractions commises
par la société absorbée. En 2015, cette solution a été invalidée par un arrêt de la CJUE du 5 mars 2015.

La Cour EDH avait estimé que la règle de présomption d’innocence posée à l’article 6§2 de la CESDH s’opposait à
ce que les héritiers d’une personne décédée soient pénalement sanctionnés pour des infractions commises avant
le décès (Cour EDH 29 août 1997). Toutefois, cette solution, rendue pour une personne physique, n’a pas été
étendue aux personnes morales absorbées par voie de fusion.

72
En 2016, la Cour de cassation a fait primer le principe à valeur constitutionnelle de la responsabilité pénale
personnelle sur l’interprétation de la Directive relative aux fusions dès SA qu’avait donnée la CJUE (Cass. crim. 25
oct. 2016).

Eu égard au fait que les blocs de conventionalité et de constitutionnalité sont distincts et indépendants l’un de
l’autre : impossibilité, pour une Directive, de déterminer ou d’aggraver la responsabilité pénale de ceux qui
agissent en violation de ses dispositions. Néanmoins, les victimes des faits infractionnels peuvent agir devant les
juridictions civiles : la dette de réparation civile est transmise à la société absorbante.

En 2020, la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence. Ainsi, la société absorbante peut être
condamnée pénalement à une peine d’amende ou de confiscation pour des faits constitutifs d’une infraction
commis par la société absorbée avant l’opération (Cass. crim. 25 nov. 2020 ; pourvoi n° 18-86955).

› S’agissant des personnes morales de Droit public : une exception et des restrictions au principe

La seule personne à être pénalement irresponsable, c’est l’État. Les collectivités territoriales et leurs groupements
sont soumis à un régime particulier.

Article 121-2 alinéa 2 du Code pénal.

Ainsi, seule une infraction commise dans l’exercice d’une activité susceptible de faire l’objet d’une convention de
délégation de service public peut engager la responsabilité pénale des personnes morales de Droit public.

er
Définition de la notion de « délégation de service public », cf. CGCT art L. 1411-1 al. 1

Les collectivités territoriales et leurs groupements bénéficient d’une immunité pour l’exercice des activités qui
leur sont spécifiques. L’identification de l’activité susceptible de faire l’objet d’une délégation de service public.

Pour la Cour de cassation : deux critères : la nature de l’activité et l’absence de dispositions législatives ou
réglementaires contraires ; la possibilité que le financement de l’activité soit substantiellement assuré par des
redevances perçues sur les usagers ou par des recettes liées à l’activité du service

Activités délégables et activités non délégables :

- Au nombre des activités qui sont délégables : la gestion d’un abattoir intercommunal ; l’exploitation en
régie d’un domaine skiable par une commune ; l’exploitation d’un théâtre...
- Au nombre des activités qui ne sont pas délégables : les activités qui sont exercées par les collectivités
territoriales pour le compte de l’État (état civil...) ; les activités qui, par nature, sont insusceptibles de
délégation (police administrative...).

o Les infractions imputables aux personnes morales

Évolution législative

› L’ancien principe de spécialité

Une personne morale ne pouvait être pénalement responsable de telle infraction que si le texte d’incrimination
le prévoyait expressément. Dans le Code pénal de 1994, le nombre d’infractions susceptibles d’être imputées à des
personnes morales était important.

À la faveur de diverses interventions postérieures, le législateur a continué à « gérer » l’extension du domaine de


la responsabilité pénale des personnes morales. Face à cet élargissement incessant du domaine, la question s’est
posée du maintien du principe de spécialité.

73
En 2003, un arrêt a étendu la responsabilité pénale des personnes morales à un domaine dans lequel elle n’était
pas expressément prévue. (Cass. crim. 5 février 2003)

Au vu du manque de logique de l’inventaire dressé par l’autorité normative, la doctrine s’est fait entendre pour
engager le législateur vers une réforme globale abandonnant le principe de spécialité au profit du principe de la
généralité.

› La généralisation de la responsabilité pénale des personnes morales

La loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a abrogé la mention
restrictive « dans les cas prévus par la loi ou le règlement » de l’article 121-2 du Code pénal, soumettant par là
même les personnes morales à un principe général de responsabilité pénale.

C’est dire que depuis le 31 décembre 2005, toutes les infractions sont susceptibles d’engager la responsabilité
pénale de la personne morale.

Remarque : des exceptions sont possibles.

B. Le régime de la responsabilité pénale des personnes morales


o Les conditions d’engagement de la responsabilité pénale des personnes morales

Article 121-2 du Code pénal.

› Une infraction commise par un organe ou un représentant de la personne morale

C’est seulement si l’infraction est commise par un organe ou un représentant qu’elle peut être ensuite imputée à
la personne morale. La notion d’organe ou de représentant :

- L’organe : Il peut s’agir d’un organe de droit ou d’un organe de fait, individuel ou collectif. Les organes
de droit sont désignés par la loi ou par les statuts de la personne morale concernée. Les organes de fait,
la personne qui gère effectivement la personne morale sans en être le dirigeant officiel.
- Le représentant : ordinairement, l’organe représente la personne morale ; mais, dans certaines
hypothèses, tel n’est pas le cas. Ainsi, la personne désignée par la loi pour assurer la gestion de
l’entreprise (même si parfois il ne s’agit pas d’un organe) ; une personne tirant ses pouvoirs de
représentation d’une décision judiciaire ; le bénéficiaire d’une délégation de pouvoirs et le subdélégué

La jurisprudence se montre assez audacieuse.

L’identification de l’organe ou du représentant de la personne morale (jurisprudence évolutive).

- Le temps de l’interprétation souple de l’article 121-2 du Code pénal

D’abord, la Cour de cassation a pu considérer qu’il importait peu que soit identifié l’organe ou le représentant.
(Cass. crim. 21 juin 2000).

Puis, la Cour de cassation a considéré qu’il était possible de retenir la responsabilité pénale d’une personne
morale sans avoir à préciser l’identité du substratum humain dès lors que « l’infraction n’a pu être commise, pour
le compte de la société, que par ses organes ou représentants », c’est-à-dire que l’infraction a été commise dans
le cadre d’activités normalement exercées par des organes ou représentants. (Cass. crim. 20 juin 2006)

Bien plus, la Cour de cassation a précisé que les infractions ne pouvaient être commises que par un organe ou un
représentant si elles s’inscrivent dans le cadre de la politique commerciale. (Cass. crim. 25 juin 2008)

Plus encore, la Cour de cassation a jugé que la SNCF devait être déclarée pénalement responsable des blessures
subies par un de ses agents par suite des insuffisances du plan de prévention des risques nécessairement

74
imputables à ses organes ou représentants sans avoir à préciser quelle était l’identité de l’organe ou du
représentant. (Cass. crim. 15 février 2011)

- Le retour à une interprétation stricte, à une lecture « orthodoxe » de l’article 121-2 du Code pénal

Par un arrêt du 11 octobre 2011, la Cour de cassation a censuré l’arrêt d’une CA au visa de l’article 593 du CPP -
manque ou absence de motifs-.

Ainsi jugé : «la [CA] aurait dû mieux s’expliquer sur l’existence effective d’une délégation de pouvoirs, ainsi que
sur le statut et les attributions des agents mis en cause propres à en faire des représentants de la personne morale,
au sens de l’article 121-2 du Code pénal. ». (Cass. crim. 11 oct. 2011)

Un arrêt du 11 avril 2012 rendu par la Cour de cassation a confirmé ce revirement de jurisprudence. (Cass. crim.
11 avr. 2012)

Le retour à une interprétation plus stricte de l’article 121-2 est plein et entier. Assurément, cette évolution
jurisprudentielle est pérenne. (Cass. crim. 22 janv. 2013 ; Cass. crim. 19 juin 2013).

Plus encore, la Cour de cassation exige même que soit indiquée l’identité de l’organe ou du représentant ayant
commis l’infraction. (Cass. crim. 1er avr. 2014)

- Pour une nouvelle confirmation du retour à une lecture rigoriste de l’article 121-2 du Code pénal (Cass.
crim. 8 avr. 2016).
- Pour une illustration concernant la responsabilité pénale de la personne morale de droit public (Cass.
crim. 16 avr. 2019).

C’est dire que selon la tendance jurisprudentielle actuelle et constante, l’identification de l’organe ou du
représentant agissant pour le compte de la personne morale est consubstantielle à l’engagement de la
responsabilité pénale de la personne morale.

› Une infraction commise pour le compte de la personne morale

Tel n’est pas le cas si l’organe ou le représentant a agi dans son intérêt personnel ou encore si la personne morale
en est la victime.

Tel est le cas si l’infraction a engendré un profit pour la personne morale. Le profit s’entend du gain obtenu ou
de la perte évitée.

Cette condition est entendue très largement.

o La nature de la responsabilité pénale des personnes morales


› Une responsabilité personnelle et autonome

Une responsabilité « reflet ». Les systèmes envisageables (trois théories) : la responsabilité du fait d’autrui ; la
responsabilité par incarnation ; la responsabilité par ricochet.

Malgré quelques hésitations des juridictions de fond, la jurisprudence a consacré la théorie de la responsabilité
par ricochet ou indirecte, par représentation.

= Consécration de la théorie du substratum humain

Une responsabilité indépendante de la responsabilité de la personne physique : à plusieurs reprises, la Cour de


cassation a affirmé que l’infraction devait être caractérisée en tous ses éléments, matériel et moral, dans la
personne des organes ou représentants de la personne morale.

75
- Pour les infractions intentionnelles, l’organe ou le représentant doit avoir eu conscience de commettre
l’infraction.
- Pour les infractions d’imprudence ou de négligence, il suffit d’établir une violation de telle disposition
légale ou réglementaire par l’organe ou le représentant.

C’est dire que la faute commise par la personne physique est nécessaire mais qu’elle est suffisante.

La loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels s’inscrit
pleinement dans cette logique.

› Une responsabilité potentiellement cumulable avec celle des personnes physiques

La possibilité d’un cumul de responsabilités pénales (article 121-2 alinéa 3 du Code pénal).

La responsabilité peut être soit cumulative, soit alternative.

En pratique, le plus souvent, la question du cumul de responsabilités est réglée par le choix du Parquet de
poursuivre soit la personne physique, soit la personne morale, ou la personne physique et la personne morale.
(Circulaire CRIM 06-3/E8 du 13 février 2006)

- En cas d’infraction intentionnelle, il devrait y avoir engagement des poursuites à la fois contre la
personne physique et contre la personne morale.
- En cas d’infractions non intentionnelles ou d’infractions de nature technique, les poursuites contre la
personne morale doivent être privilégiées.

L’incidence de la loi du 10 juillet 2000 : Cette reformé n’affecte en rien la responsabilité pénale des personnes
morales. Ainsi, pour les infractions non intentionnelles, en cas de causalité indirecte : une faute simple ne suffit
pas pour engager la responsabilité pénale de la personne physique ; cependant, cette faute simple s’avère
suffisante pour engager la responsabilité pénale de la personne morale dont elle est l’organe ou le représentant.

Ainsi, dans l’hypothèse de délits non intentionnels et si la causalité est indirecte, la responsabilité pénale de la
personne morale est véritablement « décrochée » de celle des personnes physiques.

76
THÈME 9 : L’aptitude de la personne poursuivie à répondre de ses
actes, préalable indispensable à l’imputation de l’infraction

L’imputabilité, condition essentielle de la responsabilité pénale

Une personne n’est coupable et -donc- pénalement responsable que si elle a compris et voulu son geste. Cette
condition dite d’« imputabilité » a été clairement exprimée par l’arrêt Laboube (Cass. crim. 13 décembre 1956)

D’où deux exigences classiques : le fait doit émaner d’une personne dotée de discernement et être issu d’une
volonté libre.

- Le discernement renvoie à la conscience : c’est l’instrument de perception et de jugement.


- Le libre arbitre s’entend de la capacité de vouloir agir.

C’est ainsi que les « causes de non-imputabilité » ou « causes subjectives d’irresponsabilité » effacent la culpabilité
de la personne poursuivie.

Section 1 – Le manque de lucidite du comportement

Ici, deux situations.

1. L’immaturite du discernement : la minorite penale

Article 122-8 du Code pénal, lequel prévoit les effets de la minorité pénale.

Dans sa version actuelle, applicable depuis le 30 septembre 2021, l’article 122-8 opère un renvoi au Code de la
Justice Pénale des Mineurs -et non plus à une « loi particulière », en l’occurrence l’Ordonnance n° 45-174 du 2
février 1945 relative à l’enfance délinquante.

Le CJPM contient deux innovations majeures :

- L’instauration d’une présomption de non-discernement en dessous de 13 ans. Avant 13 ans : pas de peine
; seules des mesures éducatives peuvent être prononcées.
- La mise en place d’une procédure de jugement en deux temps, et ce pour accélérer la réponse pénale.

Bien sûr, maintien de la primauté de l’éducation sur la répression et de l’atténuation de la responsabilité en raison
de l’âge

Le CJPM comporte un article préliminaire, qui expose les principes fondamentaux de la justice des mineurs ; et,
les premières dispositions de ce nouveau Code sont éloquentes (CJPM articles L. 11-2 et L. 11-3).

Une certitude : le discernement reste le critère essentiel de la responsabilité pénale des mineurs ; mais, il est à
combiner avec le critère de l’âge.

A. L’âge et le discernement, curseurs de la responsabilite penale du mineur

Très tôt, la jurisprudence a estimé que devait se poser la question du discernement.

77
Arrêt Laboube du 13 décembre 1956 : Selon la Cour de cassation, la responsabilité pénale du mineur suppose que
l’acte soit compris et voulu. C’est dire que le mineur non discernant, c’est-à-dire « l’infans », n’est pas pénalement
responsable de l’infraction qu’il commet.

La jurisprudence Laboube a été consacrée à l’article 122-8 du Code pénal par la loi Perben I n° 2002-1138 du 9
septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice.

Depuis, l’article 122-8 du Code pénal prévoit expressément le principe de responsabilité pénale du mineur dès
qu’il est doué de discernement, c’est-à-dire dès lors qu’il a la faculté́ de juger et d’apprécier avec justesse ou
l’aptitude à distinguer le bien du mal.

Jusqu’à tout récemment, il n’existait pas d’âge déterminé de discernement. Aussi, il incombait au juge de
caractériser, au cas par cas, l’existence du discernement ; et ce, après une expertise psychologique et / ou
psychiatrique du mineur.

Depuis le 30 septembre 2021, il faut se référer au CJPM.

La référence formelle à l’âge de 13 ans, seuil déterminant de la responsabilité pénale du mineur discernant (CJPM
article L. 11-1 alinéas 1 et 2).

L’article L. 11-1 du CJPM pose une présomption simple de non-discernement pour les mineurs âgés de moins de
13 ans et une présomption simple de discernement pour les mineurs âgés de plus de 13 ans.

Dans la mesure où il s’agit de présomptions simples, le discernement conserve un rôle déterminant en Droit pénal
; et, son existence reste soumise à l’appréciation des juges.

Une définition légale du mineur discernant (CJPM article L. 11-1 alinéa 3).

B. L’age du mineur discernant, curseur de l’attenuation de la peine ou de la diminution legale de la peine

Des seuils d’âge fixes sont à considérer. Deux catégories de mesures applicables au mineur discernant (et non
plus 3).

o Les mesures prioritairement encourues par le mineur discernant : les mesures éducatives

Objectif : répondre à la délinquance juvénile par une réponse adaptée à la personnalité du mineur et à l’évolution
de celle-ci.

› Des mesures encourues à titre de sanction

CJPM article L. 111-1 : deux mesures éducatives :

- L’avertissement judiciaire CJPM art. L. 111-2 ;


- La mesure éducative judiciaire CJPM art. L. 112-1 et s.

Une sanction à l’objectif affiché / Un dispositif pluriel, à géométrie variable dans son objet et dans sa durée / Un
éventail d’outils variés, basé sur un accompagnement individualisé du mineur (CJPM article L. 112-2).

Ainsi, la mesure éducative judiciaire recouvre divers outils : 4 modules, 3 interdictions et 2 obligations, qui
permettent d’assurer un accompagnement individualisé du mineur discernant.

Cet accompagnement est confié à un service éducatif en milieu ouvert de la Protection Judiciaire de la Jeunesse.
(CJPM article D. 112-1)

78
Il est construit à partir d’une évaluation de la situation personnelle, familiale, sanitaire et sociale du mineur
discernant. (CJPM article D. 112-2)

Une réalité : cet accompagnement constitue le socle commun à toutes les mesures éducatives qui peuvent être
prononcées. (CJPM article D. 112-3)

Une temporalité variable (CJPM article L. 112-4).

Ainsi, la mesure éducative judiciaire permet un accompagnement du mineur discernant d’une durée maximale
de 5 ans (hormis pour le module placement et l’accueil de jour, pour lesquels la durée est d’1 an maximum) ; étant
précisé qu’elle peut être prononcée même si le mineur est devenu majeur au jour de la décision, mais qu’elle
prend nécessairement fin au plus tard aux 21 ans de l’intéressé.

o Les peines subsidiairement encourues par le mineur discernant de plus de 13 ans

À partir de l’âge de 13 ans et dès lors que les circonstances et la personnalité du mineur discernant l’exigent, les
juridictions pour mineurs peuvent prononcer des peines.

Le CJPM prévoit la mesure de la peine encourue par le mineur discernant âgé de plus de 13 ans. (CJPM article L.
11-5). Un arsenal pénal adapté mais non spécifique (CJPM articles L. 121-1 à L. 121-7) : Peines applicables selon l’âge
du mineur discernant et la gravité de l’infraction commise :

- La mesure éducative judiciaire permet un accompagnement du mineur.


- Les peines expressément exclues à l’encontre du mineur discernant âgé de plus de 13 ans (CJPM article
L. 121-1).
- Les mesures expressément exclues à l’encontre du mineur discernant âgé de plus de 13 ans.
- L’interdiction du prononcé d’un ajournement de peine (CJPM articles L. 121-2).
- L’inapplicabilité de la période de sûreté (CJPM article L. 121-5 alinéa 4).

Les peines encourues par le mineur discernant âgé de plus de 13 ans :

- Une peine privative de liberté en principe atténuée ;


- Une peine d’amende nécessairement atténuée et plafonnée à 7500 € en toute hypothèse ;
- Une peine de Travail d’Intérêt Général et de sursis probatoire comprenant l’obligation d’accomplir un
TIG aménagée (CJPM article L. 122-1)
- Une peine de stages adaptée (Code pénal article 131-5-1 alinéa 3 et CJPM article L. 122-5) ;
- Un prononcé des peines conditionné par l’âge du mineur discernant.

Important pouvoir de personnalisation des peines par les juridictions pour mineurs mais nécessaire respect du
cadre légal.

L’interdiction de prononcer des peines à l’encontre du mineur discernant âgé de moins de 13 ans (CJPM article L.
11-4). La possibilité de prononcer une peine à l’encontre du mineur discernant âgé de plus de 13 ans.

S’agissant des peines privatives de liberté : le principe : une peine privative de liberté encourue automatiquement
réduite de moitié par rapport à celle encourue par un majeur auteur de la même infraction (CJPM article L. 121-5
alinéas 1 et 2).

Ainsi, principe du bénéfice de la diminution légale de moitié de la peine encourue. Pour la réclusion -ou
détention- criminelle à perpétuité, la peine encourue est ramenée à 20 ans de réclusion -ou détention- criminelle.
(CJPM article L. 121-5 alinéa 3).

Exceptionnellement, à l’encontre du mineur discernant âgé de plus de 16 ans : la perte du bénéfice de la


diminution légale de moitié de la peine encourue (CJPM article L. 121-7 alinéa 1).

79
Ainsi, pour les mineurs âgés de plus de 16 ans : possibilité d’écarter le bénéfice de la diminution légale de peine
et ce, à titre exceptionnel, compte tenu des circonstances de l’espèce et de la personnalité du mineur ainsi que de
sa situation ; et, par décision spécialement motivée Dans ce cas, pour la réclusion -ou détention- criminelle à
perpétuité, la peine encourue est ramenée à 30 ans de réclusion -ou détention- criminelle (CJPM. art. L. 121-7
alinéa 2).

S’agissant de la peine d’amende (CJPM article L. 121-6). Ainsi, le montant de l’amende encourue est
nécessairement diminué de moitié et, en toute hypothèse, d’un montant maximum de 7500 €.

Une réalité : le CJPM est révélateur d’une prise en compte de la victime.

Objectif : assurer rapidement l’indemnisation de la victime, dès l’audience de culpabilité. (CJPM article L. 512-1 et
suivants).

Deux moyens de prendre en compte la victime dans les réponses éducatives : la possibilité du recours à la justice
restaurative (CJPM article L. 13-4) ; le renforcement des mesures de réparation et de médiation (CJPM article D.
112-28 et D. 112-29).

2. L’altération ou l’abolition du discernement : le trouble psychique ou neuropsychique

Article 122-1 du Code pénal (trouble mental).

Le Code pénal de 1994 opère une distinction, selon que le trouble psychique ou neuropsychique a aboli le
discernement de l’auteur de l’infraction ou que ledit trouble a seulement altéré le discernement de l’auteur de
l’infraction. Et il prévoit une variabilité des effets du trouble psychique ou neuropsychique sur la responsabilité
pénale. Quoi qu’il en soit, le trouble mental doit s’être manifesté au moment de la commission de l’infraction.

Naturellement, le trouble psychique ou neuropsychique doit être prouvé ; la preuve peut être rapportée par tous
moyens.

La question de savoir si la personne était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique
relève de l’appréciation souveraine des juges du fond ; mais, en pratique, le plus souvent, l’établissement de son
existence ressort de l’expertise psychiatrique.

Certes, les conclusions du rapport d’expertise ne lient pas les juges ; cependant, dans l’appréciation souveraine
des circonstances de commission de l’infraction qui appartient exclusivement aux juges, l’expertise psychiatrique
peut être très éclairante et alors s’avérer déterminante pour le sort de la personne poursuivie.

A. Le trouble mental ayant aboli le discernement, une cause d’irresponsabilite penale

Article 122-1 alinéa 1 du Code pénal

o L’abolition du discernement
› Les caractères du trouble mental

Pour qu’il y ait abolition du discernement, la personne doit avoir perdu la capacité de comprendre ou encore
avoir perdu la capacité de vouloir. Le trouble mental susceptible de produire l’abolition doit être exclusif de toute
lucidité.

› La teneur du trouble mental

L’article 122-1 du Code pénal n’opère aucune distinction.

80
Aussi, toutes les formes de trouble mental sont visées, quelles que soient leur origine ou leur nature. Les troubles
mentaux pathologiques ou non pathologiques (maladie provenant d’un traumatisme psychique, d’une lésion ;
trouble non pathologique ; idée fixe ; crise d’épilepsie).

Les troubles mentaux toxicologiques :

- Une situation créée par une tierce personne (spécialement une intoxication involontaire due à l’alcool
ou aux stupéfiants : Jurisprudence divisée) ;
- Une situation créée par l’auteur même des faits infractionnels (une consommation volontaire d’alcool ou
de stupéfiants).

Une certitude : Obstacle au bénéfice de l’irresponsabilité pénale tirée du trouble mental qui résulte de la faute
ainsi commise antérieurement. Cela dit, ce type de situations peut induire de véritables difficultés.

Affaire Sarah Halimi : Ainsi jugé : puisque l’article 122-1 du Code pénal ne distingue pas selon l’origine du trouble
mental qui a fait perdre à l’auteur la conscience de ses actes, l’existence d’une faute antérieure de ce dernier est
parfaitement indifférente. Ainsi, rejet de la théorie de la faute antérieure ; et ce, par une interprétation stricte de
l’article 122-1 du Code pénal (Cass. crim. 14 avr. 2021).

o Les conséquences juridiques de l’abolition du discernement

Evolution législative. En effet : Droit modifié à la faveur de la loi n° 2008-175 du 25 février 2008 (V. également : L.
n° 2011-803 du 5 juillet 2011 et L. n° 2014-896 du 15 août 2014).

› La déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental

La déclaration d’irresponsabilité pénale au stade de l’instruction.

Si le juge d’instruction estime qu’il existe contre la personne mise en examen des charges suffisantes permettant
de supposer sa participation à une infraction, mais que cette personne est atteinte d’un trouble psychique ou
neuropsychique ayant aboli son discernement, il transmet, sur demande des parties ou d’office, la procédure au
procureur général aux fins de saisine de la Chambre de l’instruction. (CPP art. 706-119) :

- Si la Chambre de l’instruction n’est pas saisie, le juge d’instruction rend une ordonnance
d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.
- Si la Chambre de l’instruction est saisie, elle statue aux termes d’une audience publique et
contradictoire. (CPP article 706-122).

Si la Chambre de l’instruction estime que les charges sont suffisantes et que le trouble a aboli le discernement,
elle rend un arrêt de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Cet arrêt est susceptible
de faire l’objet d’un pourvoi en cassation.

Le Tribunal correctionnel peut être saisi pour statuer sur les intérêts civils ; et, la Chambre de l’instruction peut
prononcer, le cas échéant, une ou plusieurs mesures de sureté.

› La déclaration d’irresponsabilité pénale au stade du jugement.

Les juridictions de jugement peuvent également déclarer l’irresponsabilité pénale de l’accusé ou du prévenu sur
le fondement de l’article 122-1 par un arrêt portant déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble
mental prononcé par la Cour d’assises ou par un jugement de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de
trouble mental rendu par le Tribunal correctionnel. Et, elles peuvent se prononcer sur les intérêts civils.

Le Tribunal de police ne peut pas prononcer de mesure de sûreté.

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La déclaration d’irresponsabilité pénale pour trouble mental permet à l’autorité judiciaire d’ordonner diverses
mesures de sûreté (CPP articles 706-135 et 706-136).

S’agissant de l’hospitalisation d’office : Toutes les juridictions pénales, hormis le Tribunal de police, peuvent
prononcer, par décision motivée, l’hospitalisation d’office de la personne dans un établissement. Toutefois, le
prononcé de cette mesure est subordonné à une expertise psychiatrique établissant que les troubles mentaux de
l’intéressé nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte de façon grave, à
l’ordre public. (CPP article 706-135).

S’agissant des autres mesures de sûreté : Les juridictions pénales peuvent ordonner diverses autres mesures de
sûreté pendant une durée qu’elles fixent et qui ne peut excéder 10 ans en matière correctionnelle et 20 ans si les
faits commis constituent un crime ou un délit puni de 10 ans d’emprisonnement. Là encore, le prononcé de ces
mesures est subordonné à une expertise psychiatrique et ne doit pas constituer un obstacle aux soins dont la
personne est susceptible de faire l’objet. (CPP article 706-136).

La personne concernée par ces interdictions peut également demander au juge des libertés et de la détention
d’ordonner sa modification ou sa mainlevée.

La méconnaissance des interdictions qui ont été prononcées constitue un délit (CPP article 706-139).

B. Le trouble mental ayant altere le discernement, une cause d’attenuation de la responsabilite penale

Code pénal article 122-1 alinéa 2.

o L’altération du discernement

En l’absence d’abolition du discernement, il y a simplement altération du discernement. Ne sont pas considérés


comme un trouble : le constat d’un « état d’égarement » ou une « peur irraisonnée », voire la « dépendance
amoureuse » ...

o Les conséquences juridiques de l’altération du discernement

La déclaration de responsabilité : Lorsque le trouble a simplement altéré les facultés mentales, la personne doit
être déclarée pénalement responsable.

Une cause légale de diminution de la peine : Évolution avec la loi « Taubira » n° 2014-896 du 15 août 2014 relative
à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales. Dans sa version originelle, l’article
122-1, alinéa 2 laissait place à l’incertitude quant à la fixation de la peine. À la faveur de la loi du 15 août 2014,
l’article 122-1 alinéa 2 du Code pénal a été modifié.

Lorsqu’une peine privative de liberté est encourue, celle-ci est réduite du tiers ; s’agissant de la réclusion ou
détention criminelle à perpétuité, elle est ramenée à 30 ans.

Ainsi, depuis le 1er octobre 2014 -date d’entrée en vigueur de la disposition-, l’altération du discernement
constitue une cause légale de diminution de peine obligatoire.

Remarque : La juridiction pénale peut, par une décision spécialement motivée en matière correctionnelle, décider
de ne pas appliquer cette réduction de peine d’un tiers.

Lorsque, après avis médical, la juridiction pénale considère que la nature du trouble le justifie, elle s’assure que
la peine prononcée permette que le condamné fasse l’objet de soins appropriés à son état.

Si la personne condamnée dans les circonstances mentionnées à l’article 122-1 alinéa 2 n’a pas été soumise à un
suivi socio-judiciaire, le JAP peut ordonner, à la libération de la personne, si son état le justifie, et après avis
médical, une obligation de soins pendant une durée qu’il fixe, et qui ne peut excéder 5 ans en matière

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correctionnelle ou 10 ans si les faits constituent un crime ou un délit puni de 10 ans d’emprisonnement. (CPP
article 706-136-1).

Sur le plan civil : L’existence d’un trouble psychique ou neuropsychique même total ne fait pas disparaître la
responsabilité civile. (Code civil, article 414-3). À la faveur de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 : Possibilité de
statuer sur les intérêts civils, indépendamment de l’action publique. (CPP article 10 alinéa 4)

Section 2 – L’absence de liberte du comportement

Ici, deux situations

1. Le defaut de volonte resultant de la contrainte

Article 122-2 du Code pénal.

Ainsi, force ou événement qui fait disparaître toute liberté chez l’auteur qui n’a pas d’autre choix que de
commettre une infraction

A. Les formes de la contrainte

Quatre variétés de contrainte : physique / morale ; interne / externe. Ainsi, force contraignante qui agit
physiquement sur la personne et qui lui est externe

o La contrainte physique
› La contrainte physique externe

Force contraignante qui agit physiquement sur la personne et qui lui est externe.

- La contrainte physique externe peut résulter des agissements d’une tierce personne.
- La contrainte physique externe peut découler de la survenance d’un événement naturel.

› La contrainte physique interne

Force contraignante qui agit physiquement sur la personne et qui provient de la personne elle-même sans pour
autant dépendre de sa volonté. Le plus souvent, elle résulte d’une affection particulièrement grave.

o La contrainte morale

Force contraignante qui s’exerce sur la liberté d’action de l’intéressé.

› La contrainte morale externe

Force contraignante qui agit psychologiquement sur la personne et qui provient des circonstances ou d’une tierce
personne

Un constat : les juridictions pénales se montrent plus rigoureuses pour admettre la contrainte morale externe.

› La contrainte morale interne

Force contraignante qui agit psychologiquement sur la personne et qui provient de son for intérieur.

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Un constat : les juridictions pénales n’ont jamais retenu la contrainte morale interne, laquelle apparait comme
une cause purement interne à l’auteur de l’infraction.

B. Les conditions de l’effet exoneratoire de la contrainte

Il incombe à la personne poursuivie de prouver que les deux conditions de la contrainte sont réunies. Alors, la
contrainte supprime la responsabilité pénale et la responsabilité civile.

o L’irrésistibilité, une condition légale

La contrainte doit être irrésistible de façon à avoir supprimé toute liberté de décision chez l’auteur de l’infraction.
Naturellement, il y a là une question de fait laissée à l’appréciation souveraine des juges du fond ; et, la Cour de
cassation opère son contrôle.

Un constat : les juridictions pénales font preuve d’une grande sévérité pour considérer cette condition remplie
(ainsi, pas pour : de simples difficultés ; l’éventualité d’un préjudice même très important).

Pour que la contrainte soit retenue, il est nécessaire que la juridiction de fond établisse l’impossibilité absolue de
se conformer à la loi et qu’elle motive sa décision en ce sens.

o L’imprévisibilité, une condition jurisprudentielle

La contrainte ne doit pas résulter d’une faute antérieure de l’auteur de l’infraction. (Cass. crim. 29 janv. 1921,
Trémintin : Grands Arrêts).

2. Le defaut de volonte resultant de l’erreur sur le droit

Article 122-3 du Code pénal : « Connaissance trompée ». L’erreur sur le droit est une des innovations majeures du
Code pénal de 1994.

À la faveur de la réforme de 1994, en vue de rendre plus réaliste la présomption de connaissance de la loi, le
législateur a admis que la personne poursuivie puisse invoquer l’erreur sur le droit au soutien de sa défense ; et
ce, pour toute infraction, quelles que soient sa gravité et sa nature, intentionnelle ou non.

Autrement dit, l’ignorance est rendue légitime, dès lors du moins qu’elle n’est pas révélatrice d’un mépris envers
l’ordre public.

Comme pour les autres causes de neutralisation de la responsabilité pénale, il appartient à la personne poursuivie
de démontrer que les conditions de l’erreur sur le droit sont réunies.

A. Les conditions d’admission de l’erreur sur le droit

Un constat : la Cour de cassation fait une interprétation très restrictive des conditions mises par le législateur à
l’admission de l’erreur sur le droit. En effet, l’erreur sur le droit s’entend d’une erreur invincible, inévitable et
légitime sur une règle de droit.

o L’erreur doit porter sur une règle de droit.

L’erreur peut porter sur n’importe quelle règle de droit. Aussi, il peut s’agir d’un texte pénal ou non. Le plus
souvent, l’erreur est susceptible d’être invoquée dans les matières techniques et complexes, dont la
règlementation est changeante et difficilement accessible.

o L’erreur sur le droit doit être invincible.

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L’obligation de chacun de s’informer avant d’agir et de s’interroger sur la pertinence des renseignements
obtenus : L’auteur des faits infractionnels doit s’être informé et doit avoir mis en doute les réponses qui lui ont
été apportées ; et, il doit faire primer la jurisprudence de la Chambre criminelle de la Cour de cassation. Au vu de
ces exigences, les cas d’erreur invincible sont rares.

Au cours des débats parlementaires, deux hypothèses d’erreur inévitable avaient été invoquées. À savoir :
l’information erronée fournie par l’administration ; le défaut de publicité du texte normatif.

La jurisprudence est très restrictive. À la lumière de la jurisprudence de la Cour de cassation, il semble que pour
être admise, l’erreur doit avoir été provoquée par l’autorité publique. La personne devait avoir une croyance
légitime dans la possibilité d’accomplir l’acte sans enfreindre la loi pénale. La croyance en la légitimité de l’acte
doit être complète. Pour déterminer cette légitimité, les juridictions pénales prennent en compte des
caractéristiques propres au prévenu, telles que sa profession et son expérience.

Ainsi, appréciation in concreto (cf. Enseignements tirés de la jurisprudence mais aussi de la doctrine).

Pour bénéficier de l’erreur sur le droit, l’intéressé doit prouver avoir recherché le sens des règles applicables
avant d’agir et être de bonne foi.

B. Les effets de l’admission de l’erreur sur le droit

o La neutralisation de la responsabilité pénale

L’erreur sur le droit étant une cause subjective d’irresponsabilité, elle ne devrait pas s’étendre aux coauteurs ou
aux complices. Pourtant en pratique, le plus souvent, l’erreur sur le droit est partagée par l’ensemble des
participants à l’infraction.

L’erreur sur le droit doit pouvoir bénéficier aux personnes morales, si elle est retenue à l’égard de leurs organes
ou représentants.

o Le maintien de la responsabilité civile

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THÈME 10 : L’éventuelle justification de la conduite infractionnelle,
obstacle à l’établissement de la responsabilité pénale de la
personne poursuivie

Il y a là des « obstacles à la qualification ». Ainsi, il n’y a pas d’infraction car le préalable légal se trouve effacé par
une autre disposition expresse d’un texte.

Remarque : divers obstacles à la qualification existent (la prescription de l’action publique ; les immunités
politiques et judiciaires ; l’amnistie...).

Étude des causes objectives d’irresponsabilité pénale, également appelées « faits justificatifs »

Un fait ordinairement répréhensible doit être considéré comme objectivement légitime lorsqu’il apparaît comme
l’exercice d’un droit ou comme l’accomplissement d’un devoir.

Au-delà du fait qu’elles neutralisent la responsabilité pénale de l’auteur des faits, les causes objectives
d’irresponsabilité pénale font disparaître, de façon plus absolue, le caractère infractionnel des faits commis.

Section 1 – Le respect d’une prescription

Ici, accomplissement d’un devoir.

1. L’ordre et l’autorisation de la loi ou du reglement

Sont visés les actes accomplis sur autorisation directe d’un texte.

A. L’article 122-4 alinea 1, fondement d’une cause de justification generale

o L’ordre de la loi ou du règlement

Manifestement, on est en présence de deux obligations contraires.

Le pouvoir législatif ou le pouvoir règlementaire a prévu une exception à l’incrimination. Dès lors, la cause
objective d’irresponsabilité pénale est retenue seulement si les conditions posées par le texte à l’exercice des
pouvoirs en jeu sont respectées.

› L’acte prescrit par la loi (entendue au sens formel)

Une injonction contenue dans un texte législatif impose d’accomplir un acte qui est par ailleurs incriminé. Alors,
la justification s’impose.

- L’acte prescrit par la loi pénale

S’agissant des agents de l’autorité publique : L’utilisation des pouvoirs coercitifs contre les personnes et les biens
qui sont prévus par le CPP ne peut pas caractériser des infractions à la loi pénale. L’ordre de la loi pénale joue un
rôle exonérateur seulement si les conditions posées par la loi à l’exercice desdits pouvoirs coercitifs sont
respectées.

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S’agissant de simples particuliers : Là encore, l’ordre d’une loi pénale peut justifier la commission d’une
infraction.

Et là encore, l’ordre de la loi pénale joue un rôle exonérateur pour autant que les agissements de l’intéressé n’ont
pas dépassé ce qui était nécessaire pour répondre aux exigences de la loi pénale.

- L’acte prescrit par la loi civile

Généralement, les tribunaux sont plus réticents à admettre que l’ordre d’une loi civile puisse justifier la
commission d’une infraction (Ex. : l’article 215 du Code civil relatif au devoir de cohabitation, invoqué en matière
de proxénétisme ou de viol).

L’acte prescrit par le règlement : les règlements d’application peuvent justifier des crimes et des délits. Les
règlements autonomes ne peuvent justifier que les contraventions.

o L’autorisation de la loi ou du règlement

Une injonction contenue dans la loi ou le règlement permet d’accomplir un acte qui est par ailleurs incriminé
mais sans le rendre obligatoire.

› L’acte explicitement autorisé par des textes


- L’acte explicitement autorisé par la loi :

La permission expresse de la loi pénale :

- S’agissant des possibilités d’action des enquêteurs : Les articles 706-32, alinéa 2 du CPP et 67 bis du Code
des douanes autorisent les opérations dites de « livraisons surveillées » ou « contrôlées ». Cette
autorisation judiciaire est prévue par la loi pour exempter les fonctionnaires de leur responsabilité à
raison de leur participation à des infractions à la législation sur les stupéfiants.
- S’agissant des possibilités d’action des particuliers : en application de l’article 73 du CPP, tout particulier
peut appréhender l’auteur d’un crime flagrant ou d’un délit flagrant puni d’emprisonnement et le
conduire devant l’OPJ le plus proche sans être l’auteur d’une arrestation illégale.

La permission de la coutume résultant d’un renvoi exprès de la loi pénale à la coutume : La coutume locale est
expressément visée aux articles R. 654-1 et R. 655-1 du Code pénal à propos des mauvais traitements et des
atteintes volontaires à la vie des animaux.

La permission expresse de la loi civile : Pendant longtemps, le juge pénal a refusé de prendre en compte les lois
civiles en vertu du principe d’autonomie du Droit pénal ; par la suite, il a composé pour des raisons de logique et
d’équité. L’acte explicitement autorisé par le règlement : les autorisations administratives. Aucune autorisation
administrative ne peut justifier une infraction pénale ; et ce, en raison du principe de séparation des pouvoirs.

L’acte implicitement autorisé par des textes :

- La permission de la coutume résultant d’une permission implicite de la loi civile : les dispositions du
Code civil relatives à l’autorité parentale, pour le « droit coutumier de correction manuelle » des parents
sur leurs enfants mineurs ; les textes législatifs ou réglementaires régissant les professions médicales,
pour des actes constituant juridiquement des violences ou blessures volontaires ; la règlementation de
certains sports, pour les violences conformes aux règles du jeu
- Les tolérances administratives : Là encore en raison du principe de séparation des pouvoirs, aucune
tolérance administrative ne peut justifier une infraction pénale.

B. L’article 122-9, fondement d’une justification propre aux lanceurs d’alerte

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La loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la
modernisation de la vie économique dite « Loi Sapin II » a créé une cause de justification spéciale, propre aux
lanceurs d’alerte.

Dès lors, le lanceur d’alerte peut se rendre coupable de violation du secret professionnel, voire d’autres secrets
pénalement protégés.

o S’agissant du lanceur d’alerte

Loi du 9 décembre 2016, article 6 alinéa 1 : définition légale du lanceur d’alerte.

o S’agissant du signalement

Les faits pouvant faire l’objet d’un signalement : L. n° 9 décembre 2016, article 6 alinéa 2. Le signalement ne peut
pas concerner certains faits.

Les modalités du signalement : L’alerte doit être portée en priorité à la connaissance du supérieur hiérarchique,
de l’employeur ou d’un référent désigné par lui. En l’absence de diligences du destinataire, l’alerte peut être
portée à la connaissance des autorités judiciaires, administratives ou professionnelles. En l’absence de traitement
par ces autorités, ou en cas de danger grave et imminent -ou en présence d’un risque grave et irréversible-,
l’alerte peut être rendue publique.

2. Le commandement de l’autorite legitime

Sont visés les actes accomplis sur autorisation indirecte de la loi (article 122-4 alinéa 2 du Code pénal).

A. L’autorite de commandement

Pour que l’irresponsabilité de celui qui exécute l’ordre reçu joue, il faut que cet ordre émane d’une autorité
légitime.

L’autorité doit disposer légalement du pouvoir de commander l’exécution des lois. Ainsi, l’ordre doit émaner
d’une autorité publique, soit civile soit militaire. L’ordre reçu doit émaner d’une autorité compétente et légitime.

L’autorité doit agir dans le cadre de ses fonctions. Spécialement : l’Administration doit exercer ses prérogatives
de puissance publique.

Et, un lien de subordination doit exister entre cette autorité et la personne qui a reçu les ordres.

L’autorité doit être légalement instituée.

B. La legalite de l’ordre

En principe, seul un commandement conforme à la loi peut constituer une cause objective d’irresponsabilité
pénale. Mais, le commandement illégal pose le problème du conflit entre deux devoirs :

- Le devoir d’obéissance ;
- Le devoir de respect des dispositions légales.

o Typologie des systèmes théoriques

Ici, trois positions doctrinales :

- La théorie de l’obéissance passive ;


- La théorie de l’obéissance raisonnée ou « des baïonnettes intelligentes » ;

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- La théorie de l’illégalité manifeste.

o La solution consacrée par le Code pénal de 1994

Sous l’empire du Code pénal de 1810, la jurisprudence s’était nettement prononcée en faveur du système des «
baïonnettes intelligentes ». Le Code pénal de 1994 a consacré la théorie de l’illégalité manifeste.

Ainsi, l’exécution d’un ordre illégal est justifiée si cette illégalité n’est pas manifeste. Mais, l’exécutant ne peut pas
invoquer la justification du commandement de l’autorité s’il est démontré qu’il connaissait le caractère illégal de
l’ordre reçu en dépit de l’absence de caractère manifestement illégal de cet ordre.

Une illégalité manifeste semble être une illégalité évidente. A priori, le caractère évident doit être apprécié in
abstracto, en référence à un citoyen ordinaire, moyennement avisé, placé dans les mêmes circonstances.

Ici, quelques références utiles :

- Critère objectif : la nature même de l’acte dont l’exécution est ordonnée ;


- Critère subjectif : la qualité de l’exécutant

Section 2 – l’accomplissement d’un acte de protection

Des situations d’urgence peuvent commander la commission d’une infraction.

1. La legitime defense (article 122-5 du Code penal)

A. Les conditions de la legitime defense

L’objet de la légitime défense est dual : défense des personnes ou des biens. Dès lors, les conditions de la légitime
défense sont différentes.

o La légitime défense des personnes

Article 122-5 alinéa 1 du Code pénal.

Ainsi, la légitime défense des personnes justifie l’acte qui a visé à protéger soi-même ou la personne d’autrui.

Les conditions relatives à « l’atteinte », c’est-à-dire à l’acte provoquant la réaction de défense :

- Une atteinte réelle : Le péril ne doit pas exister uniquement dans l’esprit de celui qui s’est défendu.
Toutefois, il suffit qu’il ait pu légitimement se sentir en danger pour que son acte soit justifié. Le péril
invoqué doit être imminent pour justifier l’acte de défense.
- Une atteinte injustifiée : L’atteinte constitue nécessairement un crime, un délit ou une contravention.
L’atteinte ne doit pas être fondée sur un droit ou autorisée par la loi.

Les conditions relatives à l’acte de défense :

- Un acte de défense nécessaire : La riposte doit être concomitante à l’atteinte ; la réaction immédiate à
l’atteinte doit être la seule solution pour conjurer l’attaque.
- Un acte de défense proportionné à l’atteinte : l’acte de défense doit être à la mesure de l’agression.

La légitime défense peut concerner n’importe quel crime, délit ou contravention. Alors, ce qui importe c’est que
les moyens de défense employés soient proportionnés à la gravité de l’atteinte initiale. L’appréciation de la
proportionnalité est une question laissée à l’appréciation des juges du fond.

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o La légitime défense des biens

Article 122-5, alinéa 2 du Code pénal.

› Les caractéristiques de l’atteinte

La légitime défense des biens n’est possible que pour interrompre « l’exécution d’un crime ou d’un délit contre
un bien ». Ainsi, elle est exclue en cas de contraventions, c’est-à-dire, en pratique, en riposte à des dégradations
légères (article R.635-1 du Code pénal).

› Les caractéristiques de la riposte

La défense doit avoir pour but d’interrompre l’exécution d’une infraction dirigée contre un bien.

La riposte doit être strictement nécessaire au but poursuivi. La riposte choisie doit être l’unique moyen
d’interrompre l’infraction. D’où l’exclusion de toute riposte violente qui ne serait pas précédée des sommations.

Les moyens employés doivent être proportionnés à la gravité de l’infraction. Le Code pénal précise que l’homicide
volontaire ne peut jamais être considéré comme un acte de défense d’un bien.

B. Le regime de la legitime defense

o La preuve de la légitime défense

Le principe : En principe, c’est la personne poursuivie qui assume la charge de la preuve.

Les présomptions légales de légitime défense. Les situations envisagées (article 122-6 du Code pénal).

Ainsi, les conditions de la légitime défense sont supposées exister sans que la personne poursuivie ait à les
prouver lorsqu’elle agit : « pour repousser de nuit, l’entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité ;
pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence. ». Il y a là des présomptions
simples de légitime défense.

› Les effets de la légitime défense


- Une cause d’irresponsabilité pénale

La Cour de cassation a jugé que la légitime défense ne pouvait pas être alléguée en cas d’infractions d’imprudence
commise pour se défendre (Cass. crim. 16 février 1967, Cousinet). Cette exclusion des infractions involontaires du
domaine de la légitime défense a été confirmée par de nombreuses décisions ultérieures. Toutefois, cette solution
apparaît critiquable et est condamnée par la doctrine.

En visant « un acte », l’article 122-5 du Code pénal n’a ni entériné la jurisprudence Cousinet, ni ne l’a condamnée.
Aussi, la possibilité est ouverte pour la jurisprudence, d’évoluer pour la prise en compte d’actes non intentionnels.

- Une cause d’irresponsabilité civile

La légitime défense est également une cause d’irresponsabilité civile.

2. L’etat de necessite

Article 122-7 du Code pénal.

Ainsi, l’état de nécessité permet à une personne de commettre une infraction lorsque celle-ci est nécessaire pour
éviter la réalisation d’un dommage aussi grave ou plus grave que celui qui résultera de l’infraction.

90
Remarque : cette reconnaissance n’est intervenue que de façon très progressive ; et, la jurisprudence élaborée
sous l’empire du droit antérieur a été consacrée en 1994.

A. Les conditions de l’etat de necessite


o La situation de nécessité
› Un danger réel

Le danger doit être effectif. Le danger susceptible de justifier la commission de l’infraction ne doit pas être
simplement éventuel.

Le danger doit exister pour soi-même ou pour autrui.

L’objet du danger : Le danger peut porter sur la personne de l’auteur de l’infraction. Mais, il peut également porter
sur la personne d’un proche ou même d’un tiers. Le danger peut porter sur les biens. Cependant, le principe de
proportionnalité doit être respecté.

La nature du danger : Le danger peut être physique ou moral.

› Un danger actuel

Le principe : Le danger doit être actuel ou au moins imminent. Aussi, tout danger futur ou passé ne permet pas
d’invoquer utilement la nécessité.

Quelques applications : Affaire de « la voleuse de Poitiers » (CA Poitiers 11 avr. 1997) ; « Affaire des décrocheurs du
portrait officiel du Président Macron ». (C. Cass. 22 septembre 2021).

› Un danger injuste

Le danger ne doit pas être d’origine légale.

L’absence de faute antérieure imputable à la personne poursuivie : La jurisprudence antérieure au Code pénal de
1994 l’exigeait ; et, la Cour de cassation l’a affirmé dans l’arrêt Lesage. L’article 122-7 du Code pénal ne pose pas
cette exigence. Mais, dans la ligne de sa jurisprudence antérieure, la Cour de cassation a posé le principe. Cette
condition est largement critiquée par une partie de la doctrine.

o L’infraction nécessaire
› Une réaction utile

La personne doit être confrontée au choix suivant : commettre l’infraction ou éviter le péril. L’infraction doit être
l’unique moyen d’éviter le péril. L’acte constitutif doit être « nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien
» menacé.

› Une réaction proportionnée

La confrontation des intérêts en présence : L’arrêt Lesage du 25 juin 1958 exigeait que les conséquences de la
réaction ne soient pas plus graves que celles qui auraient résulté du péril. Cette condition fondamentale est
expressément reprise par l’article 122-7 du Code pénal. Aussi, la condition de proportionnalité est appréciée en
considération de l’intérêt sacrifié au regard de l’intérêt sauvegardé.

La confrontation des intérêts en conflit est facile lorsque l’infraction a été commise pour préserver la vie ou la
santé physique ou morale d’une personne. Mais, l’appréciation de la proportionnalité peut s’avérer délicate,
spécialement lorsque les intérêts en conflit sont d’égale valeur.

B. Les effets de l’etat de necessite

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La suppression de la responsabilité pénale.

Des effets sur la responsabilité civile controversés. La doctrine est divisée sur cette question. Le législateur n’a
pas pris position sur cette question. La jurisprudence fait généralement produire à l’état de nécessité un effet
absolu exonératoire de toute responsabilité.

Réflexions sur le rôle du comportement de la victime : Le consentement de la victime n’est pas une cause
d’irresponsabilité pénale. En effet, l’infraction est d’abord une atteinte aux valeurs que la Société protège. Pour la
provocation de la victime : Même logique. Cependant, éventuelle incidence quant à la peine prononcée. Principe
de personnalisation de la peine

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