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U n tableau controversé de l'artiste suisse Miriam Cahn, exposé

au Palais de Tokyo depuis la mi-février, a été aspergé de peinture par


un individu qui a agi seul dimanche, a annoncé le musée qui compte
porter plainte et a reçu le soutien de Rima Abdul Malak, la ministre de
la Culture. Intitulée Fuck Abstraction !, l'œuvre représente une
personne aux mains liées, contrainte à une fellation par un homme
puissant sans visage. Pour ses détracteurs, la victime est un enfant, ce
que dément l'artiste, invoquant la représentation du viol comme arme
de guerre et crime contre l'humanité.
Les associations Juristes pour l'enfance, l'Enfance en partage, Face à
l'inceste et Innocence en danger, considérant le tableau comme
pédopornographique, réclamaient son décrochage mais ont été
déboutées au printemps par le tribunal administratif de Paris puis
par le Conseil d'État. À 15 h 30 dimanche, un homme « a dégradé
volontairement » cette œuvre « en y projetant de la peinture » mauve,
malgré un « dispositif de médiation et de sécurité », a indiqué le
musée à l'AFP, confirmant une information de France Info.
À Paris, le Palais de Tokyo fait face à une polémique aux allures de devoir
de philosophie. Au cœur du tourbillon, une rétrospective des créations
picturales de l’artiste suisse Miriam Cahn, exposée depuis le 17 février
2023. Une œuvre – Fuck Abstraction ! – est particulièrement pointée du
doigt. Il lui est reprochée de représenter, aux yeux de tous, une scène
de pédocriminalité. Imaginez que vous êtes une victime de
pédocriminalité »
Que voit-on concrètement dans ce tableau abstrait, balayé de bleu et de rouge ? À genoux, une
fine silhouette, les poings liés, semble forcée de réaliser une fellation. Au-dessus, un « homme »
aux muscles dessinés retient d’une main la tête de l’agenouillé. De l’autre, il saisit une autre
forme, plus évanescente encore. Ni visage ni décor ne sont formellement représentés.

Partant de là, beaucoup ont vu dans cette figure fluette et dominée, la représentation d’un
enfant victime de viol. « C’est absolument dégueulasse. Imaginez que vous êtes une victime de
pédocriminalité, imaginez que vous êtes un enfant qui vient par exemple avec un groupe
scolaire », s’est indigné Karl Zéro dans un entretien donné au média Ligne Droite.
L’escarmouche déclinée sur Twitter par l’ex-animateur de télévision, engagé dans la lutte contre
la pédocriminalité et accusé régulièrement de complotisme, a largement été relayé par d’autres
internautes. Suivi d’une vague de critiques, donnant corps à une pétition pour le « Retrait des
toiles à caractère pédopornographique de Miriam Cahn », signée par plus de 5 000 personnes.

« L’artiste représente une personne adulte »


« Ces toiles sont-elles un glissement vers la démocratisation et l’acceptation de ce genre de
pratiques qualifiées par la loi encore et jusqu’à nouvel ordre…..de crimes ? », interroge la
pétition à destination de la Mairie de Paris et du Palais de Tokyo.

Face à la montée de la contestation, le musée du 16e arrondissement, géré par le ministère de la


Culture, s’est fendu d’un communiqué.

L'œuvre "Fuck abstration !", fait réagir sur les réseaux


sociaux où elle apparait généralement recadrée ce qui
entraîne une lecture biaisée. L'artiste représente ici une
personne adulte aux mains liées, contrainte à une
fellation. Cette scène, issue du contexte de la guerre, vise
à dénoncer ces actes barbares. Au cours d'un parcours
artistique de près de 50 ans, l'artiste a toujours manifesté
son empathie avec les victimes des conflits (...)
Pas d’enfant donc, mais bien le viol d’un adulte par un autre adulte assure le musée, qui
donne la parole à l’artiste suisse : « Ce ne sont pas des enfants. Ce tableau traite de la façon dont
la sexualité est utilisée comme arme de guerre. Le contraste entre les deux corps figure la
puissance corporelle de l’oppresseur et la fragilité de l’opprimé agenouillé et amaigri par la
guerre ».

Un dispositif de médiation mis en place


À l’ère du « trigger warning« , pratique consistant à avertir de la présence d’éléments pouvant
déclencher le rappel d’un traumatisme, le Palais de Tokyo avait pourtant fait en sorte de se
prémunir de ce genre de polémiques.

La ministre de la Culture a rappelé que la justice avait « confirmé que


ce tableau, tel que mis en contexte, pouvait être présenté au public »,
dans une déclaration transmise à l'AFP après s'être rendue sur place.
« Le Rassemblement national a instrumentalisé ce tableau pour
susciter la polémique et attaquer la liberté de création des artistes », a
affirmé la ministre qui avait été interpellée sur le sujet en mars par la
députée RN Caroline Parmentier. « Sans cette instrumentalisation par
le RN, nous n'en serions certainement pas arrivés là », a-t-elle estimé.
« Nous regrettons les conséquences extrêmes de cette polémique », a
pour sa part déclaré Guillaume Désanges, président du Palais de
Tokyo, soucieux de « soutenir l'art […] avec enthousiasme,
conscience et responsabilité envers tous les publics ». « En accord
avec l'artiste, le Palais de Tokyo continuera à présenter le tableau et
l'exposition » qui a attiré 80 000 visiteurs, « avec les traces de la
dégradation jusqu'à la fin prévue de la saison, le 14 mai », précise le
communiqué.
Emmanuel Macron a « condamné », lundi, cet « acte de
vandalisme ». « En ce 8 mai, où nous célébrons la victoire de la
liberté, je condamne l'acte de vandalisme commis hier au Palais de
Tokyo », a tweeté le chef de l'État. « S'en prendre à une œuvre, c'est
attenter à nos valeurs. En France, l'art est toujours libre et le respect
de la création culturelle, garanti. »

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