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Troyes, le 27 décembre 2017

Association Aube-Durable
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Objet : Enquête publique sur le projet d’incinérateur

Mesdames, messieurs les conseillers municipaux et communautaires,

Vous vous apprêtez, dans les jours prochains, à émettre un avis sur le projet d’incinérateur. Nous tenons à
vous alerter le plus solennellement possible sur la portée du choix qui sera le votre.

D’un point de vue démocratique, ce dossier comporte de nombreuses lacunes :


- Un concertation citoyenne préalable très insuffisante au regard des enjeux de ce projet, de son coût et
de son impact sur les 40 prochaines années. Aujourd’hui encore, peu d’habitants connaissent l’existence
d’une éventuelle construction d’un incinérateur dans l’agglomération.
- L’organisation et la publicité autour de cette enquête nous paraissent très insuffisantes. Le nom donné
à cette enquête (terme d’« UVE » au lieu d’incinérateur), la période choisie, le nombre restreint des
permanences, l’absence de permanences dans plusieurs communes du périmètre de 3km devraient suffire à
considérer l’illégitimité de cette enquête.
La décision que vous allez être amenés à prendre engage pourtant notre avenir pour 40 ans. Elle mérite un
débat plus bien large et ouvert que celui qui n’a pas eu lieu.

D’un point de vue sanitaire et environnemental, les conclusions de l’INVS en 2008 sur les incinérateurs
sont claires : La fréquence des cancers autour de ces installations est plus grande qu’ailleurs et les effets à
long terme de l’exposition des populations pour les nouveaux incinérateurs ne seront pas encore connus
avant 10 ans. L’implantation de ce projet dans l’agglomération et sa durée de fonctionnement (2 générations)
invitent à la plus grande prudence. Par ailleurs, l’actualité montre que même un incinérateur récent
(Lunel), théoriquement aux normes, peut poser de sérieuses questions pour à la santé des riverains1.

D’un point de vue économique, le projet comporte de très nombreuses incertitudes :


- La fiscalité devrait devenir bien plus forte pour l’incinération. (Préconisation de nombreux rapports
parmi lesquels l’avis rendu en janvier dernier par la commission européenne). Cette évolution fiscale
impactera l’équilibre budgétaire de l’incinérateur, les finances des collectivités et la feuille d’impôt des
particuliers.
- Près de 12 000 tonnes de mâchefers sortiront chaque année de l’incinérateur. Véolia fait le pari de pouvoir
écouler ces mâchefers dans le BTP, via une entreprise locale. Partout en France, les débouchés pour les
mâchefers sont de plus en plus minces, voire inexistants. Comment une entreprise locale pourrait faire ce

1 Emilie Bec, « Vives inquiétudes après les conclusions sur le suivie de l’incinérateur », Midi-Libre, 12 décembre
2017
qui devient ailleurs presque impossible ? Sans possibilité d’être écoulés, ces mâchefers alourdiront
fortement le coût de l’incinération.
- Dans 25 ans, l’installation reviendra dans les mains des collectivités. Les meilleures années auront peut être
permis à Véolia de dégager 240 millions de CA. Mais dans 25 ans, vos successeurs hériteront d’un
ouvrage très largement surdimensionné et nécessitant de forts investissements (mises aux normes…).
Comment imaginer qu’une remise en concurrence dans des conditions satisfaisantes puisse être possible dans
25 ans ?
- Enfin, la situation de l’incinérateur de Charente-Maritime devrait tous nous inviter à la plus grande
prudence. 90 millions d’euros ont été dépensés à Echillais (17) pour une installation qui n’est toujours
pas autorisée à fonctionner et ne le sera peut être jamais. Car selon l’analyse du rapporteur public de la
cour d’appel de Bordeaux, celle-ci ne respecte pas la hiérarchie de traitement des déchets. Il nous paraît
donc plus que souhaitable de suspendre ce projet afin d’éviter un gâchis financier considérable.

D’un point de vue écologique, ce projet va à contre-sens de l’histoire :


- La Commission Européenne, l’ADEME, la FNE invitent à stopper la construction d’incinérateur et, à
tout le moins, à appliquer un moratoire sur les projets.
- Tous considèrent que le parc existant est suffisant, que l’incinération représente un frein structurel à la
réduction des déchets et qu’il est donc nécessaire de réorienter les investissements vers la prévention, le tri,
le recyclage ou la méthanisation bien plus efficaces dans la lutte contre le réchauffement climatique.
- Compte tenu de la nouvelle répartition des compétences, l’ADEME invite à attendre la mise en place des
plans régionaux sur les déchets et à mutualiser les installations existantes.
- Toutes les décisions, les perspectives réglementaires, les recommandations orientent les politiques de
gestion des déchets vers la réduction et vers une collecte sélective plus forte. Ainsi, la collecte des bio-
déchets sera en 2023 obligatoire2. Ils représentent près d’un tiers du poids de nos poubelles. D’autre part,
les retours d’expériences de la tarification incitative montrent son efficacité (-30 % à 50 % du poids des
poubelles). La mise en place de ces mesures permettraient de passer sous les 40 000 tonnes d’OMR, bien en
dessous des 60 000 tonnes réclamées par l’incinérateur.

Les élus ne disposaient pas de ces éléments quand le projet d’incinérateur a été imaginé. Mais
aujourd’hui, les évolutions législatives et l’analyse des chiffres rendent ce projet caduque. Ce n’est d’ailleurs
pas un hasard de constater qu’aucune collectivité comparable n’envisage d’imiter notre département. Nous
nous trompons pas d'époque et de combat. L'incinérateur qu'on nous propose, le dernier projet en France,
imaginé il y a 10 ans, incarne le monde d'hier.

En conséquence, nous vous demandons d’émettre un avis défavorable à ce projet, afin que l’Aube ne
construise pas le dernier incinérateur de France. Il ne s’agit pas d’une opposition pure, simple et définitive à
l’incinération mais d’une position qui permettrait de suspendre le projet et d’en reconsidérer l’intérêt. Il
sera possible, au regard des nouvelles conditions législatives et réglementaires et des retours d’expérience de
réduction des déchets, d’envisager le redimensionnement du projet ou d’autres solutions de traitement.

P. HOUPLON (Président d’Aube-Durable)

2 Décision prise le 19 décembre 2017 dans le cadre de la révision du paquet « économie circulaire »

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