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Troyes le 19/01/2019

Association Aube-Durable
41, rue Jaillant Deschainest
10000 Troyes
http://www.aube-durable.fr
mel : ​bureau@aube-durable.fr

Madame, Monsieur,

L’association Aube-Durable, créée en 2015, a pour but de défendre, de sensibiliser aux sujets relatifs à
l’environnement et au développement durable dans l’Aube. Dans ce cadre, elles s’est saisie du dossier
relatif au projet d’incinérateur que le syndicat départemental (SDEDA) souhaite implanter à La
Chapelle Saint Luc.

Le prochain plan régional d’élimination des déchets, s’il était voté en l’état, intégrerait dans sa totalité
le plan départemental (PPGDND) de l’Aube. Dans ce plan, figure le projet d’un incinérateur d’une
capacité de 60 000 tonnes. Pensé il y a 10 ans, notre association interroge l’utilité, le dimensionnement
et la légitimité de ce projet. A ce titre, nous vous alertons sur plusieurs points de vigilance.

D’un point de vue démocratique : en 2014, l​’enquête publique concernant le (PPGDND) n’a reçu
que 2 contributions ​; malgré tout, le commissaire enquêteur et le préfet de l’Aube ont retenu un avis
favorable à ce projet. Il nous paraît impossible d’imposer aux aubois un tel équipement pour une durée
de 40 ans avec ​une si faible légitimité citoyenne. Le contexte actuel nous montre bien que les
citoyens veulent prendre part aux décisions qui les concernent et que ​ce type d’équipement nécessite
une assise démocratique bien plus solide.

D’un point de vue écologique, les études de caractérisation des déchets dans le département montrent
qu’environ ​les deux tiers du contenu des poubelles grises n’ont pas à être incinérés mais recyclés
ou méthanisés. Ce chiffre tend à prouver que l’incinération ne se justifie pas et que, surtout, ​l’effort
préalable à toute réflexion sur les modes d’élimination, doit se porter sur la prévention et la
réduction des déchets. ​A cet égard, en 2015, date à laquelle le projet d’incinérateur aubois a été
validé, 2% seulement de la population du département était couverte par des Programmes de
1
Prévention​. ​De plus, les derniers rapports gouvernementaux invitent à privilégier le tri, le recyclage
plutôt que l’incinération.. Ajoutons enfin, que dans le cadre des objectifs de réduction des gaz à effet
de serre, le choix de l’incinération participerait à accroître ces émissions et non à les réduire. C’est
pourquoi ​un tel outil, dans le cadre de ce plan régional, nous paraît totalement prématuré ​avant
la mise en place d’un programme de réduction digne de ce nom.

1
Cf. Feuille de route sur l’économie circulaire, avril 2018
2
D’un point de vue économique​, les orientations fiscales tendent à pénaliser l’incinération et à
favoriser la réduction et le tri. ​Dans ce cadre cette fiscalité va de plus en plus augmenter et faire
peser sur les collectivités des coûts de plus en plus élevés. Parallèlement, ces mêmes collectivités vont
se priver des recettes liées au recyclage. Nous faisons le constat que ces éléments n’ont pas été pris
en compte dans ce projet élaboré il y a 10 ans. C’est pourquoi celui-ci, dans le cadre de ce plan
régional, doit être reconsidéré. Toujours d’un point de vue économique, l’argument qui consiste à
présenter l’énergie produite par cet outil comme « verte » est mensonger. Car, en l’état, l’essentiel des
déchets brûlés seraient des déchets recyclables. ​Sans une mise en place de programme de réduction
des déchets, de tels projets d’incinérateurs ne peuvent s’inclure dans cette dimension
« circulaire ».

D’un point de vue environnemental, la proximité d’habitations, d’un collège, d’écoles, d’une salle de
sport d’une piscine pose de sérieuses questions quant aux risques sanitaires que ferait poser cette
construction.

Enfin, l​’hypothèse que la région manquerait d’incinérateurs ne suffit pas à justifier la construction du
projet troyen ou de tout autre projet. En effet, ​l’unité Valaubia ne représenterait que 5% de
l’ensemble des capacités d’incinération du Grand Est​. Sa construction (ou son abandon)
n’interviendrait donc que d’une façon extrêmement marginale dans l’ensemble du parc et n’aurait
qu’​une influence insignifiante sur les capacités de traitement nécessaires. ​De plus, ​sauf à
imaginer une autoroute d’ordures ménagères de l’Alsace à l’Aube, la position excentrée de notre
département ne permet pas de faire de l’Aube l’exutoire des déchets des Strasbourgeois ou des
Messins.​ Ce serait là une parfaite aberration écologique. C​e n’est donc pas l’incinérateur troyen
(5% de la capacité totale du Grand Est) qui permettra de répondre à la question des déchets
dans la région mais la mise en place d’un programme de prévention et de réduction des déchets​.
Les marges de manoeuvre sont nettement plus grandes. La dessus, les chiffres à notre disposition sont
éloquents. ​La capacité totale en terme d’incinération s’élève aujourd’hui à 1,15 millions de
tonnes​ pour une population de 5.5 millions d’habitants. ​Cette capacité correspond à un ratio de 210
kg/an/hab d’OMR​ (220 kg/hab en ajoutant le projet troyen) ; ​un chiffre largement à la portée des
habitants du Grand Est​ au regard de ce que font déjà de nombreuses collectivités passées sous la
barre des 200 kg/hab. A cet égard, ​l’impact d’un plan de réduction sur les tonnages globaux à
traiter serait infiniment plus important que les 5% de capacité apportés par le projet
Valaubia​ qui, par ailleurs, serait considéré comme un mauvais signal.

Compte tenu de ces éléments, il n’est pas surprenant de voir la Commission Européenne en 2017
recommander un moratoire sur les projets d’incinérateur. Le CESER, à l’échelle locale, a récemment
adressé la même recommandation s’agissant du projet aubois.
C’est pourquoi, nous vous demandons d’intégrer ce moratoire dans le plan régional afin rendre effectif
(via la mise en place des PLPDMA sur au moins 80% des territoires) le respect de la hiérarchie des
modes de traitement des déchets qui, vous le savez, privilégie la prévention, la réduction et le tri.

P. HOUPLON (Président d’Aube-Durable)

2
Cf. Loi de finance 2019

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