Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Université de Sherbrooke
Travail de recherche :
Les femmes à l’ère du swing
Sherbrooke
22 décembre 2017
En 1917, alors que la Première guerre mondiale bat son plein en Europe, les autorités
le crime et la prostitution règne, dans le but d’éliminer certains éléments de distraction de la vie
des soldats qui y étaient basés. Suite à ces nouvelles mesures de droite additionnées au pressions
politiques faites par des groupes suprémacistes blancs tels que le Ku Klux Klan, on assiste peu à
peu à un exode des musiciens de jazz vers les grandes villes du Nord. Puis, au début de l’année
1920, c’est l’entrée en vigueur du 18e amendement de la constitution des États-Unis rendant illégale
contrebande, jusqu’à exercer un contrôle important sur certaines municipalités à travers le pays.
Les musiciens voient alors leurs opportunités de travail décupler dans les villes comme Kansas
City, New-York et Chicago où un grand nombre de bordels et de bars clandestins ouvrent leurs
portes. Grâce à l’argent de la contrebande, ces établissements étaient en mesure d’engager un plus
grand nombre de musiciens qu’auparavant. C’est la naissance des big bands. On pouvait voir en
tête d’affiche l’orchestre de Bennie Moten, de Fletcher Henderson, celle de Count Basie ou encore
de Benny Goodman. Ceux-ci étaient tous formés presque exclusivement de musiciens masculins.
En effet, quelques femmes pianistes jouaient avec des groupes d’hommes et il était courant
d’entendre des chanteuses, mais les femmes instrumentistes n’étaient généralement pas admises
dans les groupes masculins. Bien qu’elles n’étaient pas représentées en très grand nombre, elles
Au cours des années 1920, il était très rare de voir une femme travailler hors de son foyer.
En effet, bien que le nombre de travailleuses ait augmenté durant cette décennie, on a recensé
environs 10%1 de femmes avec un emploi à cette époque. On les retrouvait notamment dans les
1
https://www.americanhistoryusa.com/working-voting-women-1920s/
domaines de l’éducation et de la santé et occupant des postes de bureau. En ce qui concerne le
domaine de la musique, celui-ci était presque entièrement réservé aux hommes. Cette citation de
George T. Simon, chroniqueur de jazz à l’époque du swing et batteur dans l’orchestre de Glenn
Miller, résume bien la vision qu’avaient les musiciens des musiciennes : « Seul Dieu peut créer un
Au début du siècles, les seuls endroits où les femmes instrumentiste pouvaient se produire
en concert étaient lors de spectacles de Vaudeville. Le Vaudeville est un style théâtral né à la fin
des années 1800 et qui a été populaire jusqu’aux années 1930. On y présentait des numéros de
variété tels des magiciens, des hommes forts, des musiciens, des animaux entrainés et plusieurs
autre choses impressionnantes parce qu’inhabituel. Lors de ces événements, comme il était rare de
voir une femme jouer d’un instrument, on exploitait l’aspect inhabituel de la chose pour créer un
spectacle divertissant et drôle. Un des groupes de femmes instrumentistes parmi les plus populaires
de l’époque Vaudeville était les sœurs Daisy et Violet Hilton. Ces sœurs siamoises jouaient des
duos de saxophone et de clarinette en se déplaçant sur des patins à roues alignées. On donnait
beaucoup plus d’importance à l’aspect visuel et inhabituel de la performance qu’à l’aspect musical.
Ce genre de production a fait en sorte que les consommateurs du divertissement américain se sont
habitués à cette image marginale de la femme instrumentiste. C’est ce qui explique en partie
pourquoi c’était difficile pour elles de se tailler une place en tant que musiciennes professionnelles.
Alors que les Big bands gagnent en popularité, certaines femmes instrumentistes veulent
entamer une carrière de musicienne professionnelle, mais ce n’est pas chose facile. À l’époque, les
2
http://www.nytimes.com/2000/08/10/books/when-women-called-tunes-rediscovering-players-who-
kept-things-swinging-after-men.html
seules femmes qui étaient admises par les hommes pour jouer dans les groupes de l’heure étaient
les pianistes et les chanteuses. On pense notamment à Mary Lou Williams, pianiste et arrangeuse
qui a travaillé avec l’orchestre de Duke Ellington entre autres, et la chanteuse Billie Holiday. Bien
que les femmes pianistes et chanteuses étaient acceptées dans certains big bands masculins, il était
hors de question que des femmes saxophonistes, trompettistes, trombonistes ou jouant d’un autre
instrument de la section rythmique soient admises puisque jouer de ces instruments était vu comme
une tâche exclusivement réservée aux hommes. Devant cette triste réalité sexiste, le seul moyen
pour elles d’exercer leur passion était de former leurs propres big bands avec d’autres femmes.
L’un des orchestres féminins les plus populaires était The International Sweethearts of
des Africaines-américaines, des Asiatiques, des Mexicaines et des femmes caucasiennes. Ce big
band qui, de par le talent des femmes qui le composait, pouvait rivaliser musicalement avec les
groupes masculins de l’heure, a sillonné les États-Unis de la fin des années 1930 jusqu’à la fin de
la Deuxième Guerre mondiale en 1945. Même si elles faisaient partie des meilleures musiciennes
jazz de l’époque, leur histoire n’est pas de tout repos. En effet, elles devaient se battre non
seulement contre la discrimination faite à leur égard à cause de leur genre, mais aussi contre les
lois Jim Crow du Sud du pays. Ces lois racistes imposaient une ségrégation entre les Blancs et les
Noirs et comme il y avait des femmes blanches dans le groupe, elles étaient considérées comme
hors-la-loi. Il régnait un climat de stress et de peur lorsqu’elles faisaient des séries de spectacles
dans les états racistes et elles devaient constamment trouver des stratagèmes pour contourner la loi.
La saxophoniste Rosalind Cron, membre des Sweethearts of Rhythm, raconte dans le documentaire
The girls in the band par Judy Chaikin (2013), qu’elle et les autres filles blanches du groupe
devaient se noircir la peau du visage pour paraitre métisse et ainsi passer inaperçu aux yeux des
policiers qui assistaient aux représentations lors de tournées dans les états du Sud.
Les spectacles de groupe masculins et féminins étaient pour le moins différents. Lorsque
l’on allait voir un big band masculin, c’est la musique que l’on venait entendre. Les musiciens
contrepartie, lors de spectacle de groupe féminin, on misait sur la beauté des femmes. La musique
était certes de très haut niveau, mais on mettait le paquet sur l’aspect visuel pour marquer les
spectateurs. On leur demandait de sourire en jouant de leur instrument, ce qui est très absurde
lorsque l’on joue d’un instrument à vent. Sherrie Tucker, professeure assistante en études des
femmes au Hobart and William Smith College, a même écrit dans son livre Swing Shift (2001) que
certains spectacles de big band féminin étaient « comme des spectacles érotiques »3. Donc, pour
avoir une place dans le divertissement américain, elles se devaient d’exploiter grandement le côté
visuel du spectacle, mais en agissant ainsi, il était alors encore plus difficile pour elles de se faire
professionnelles aux femmes à travers le pays. Elles ont été appelées en grand nombre à participer
à l’effort de guerre en travaillant dans les usines d’armement notamment. Dans un même ordre
d’idées, les musiciennes ont aussi trouvé beaucoup de travail grâce à la guerre. En effet, dû au
nombre non négligeable de musiciens ayant été déployés en Europe, les orchestres masculins ont
été dépouillés de leurs effectifs forçant les gérants de ces groupes à engager des femmes. Il y a
aussi eu beaucoup plus de place sur la scène du divertissement américain pour les big bands
3
http://www.nytimes.com/2000/08/10/books/when-women-called-tunes-rediscovering-players-who-
kept-things-swinging-after-men.html
féminins comme les Sweethearts of Rhythm, le Ada Leonard Orchestra et Ina Ray Hutton and her
melodears. Ces trois ensembles ont participé au divertissement des soldats envoyés de l’autre côté
de l’Atlantique à partir de 1941 jusqu’à la fin de la guerre en 1945. Dès le début de la guerre, on
fonde une organisation de divertissement, la United Service Organisation (USO), qui a pour
territoire occupé. Cette organisation a permis aux ensembles féminins de voyager outremer et ainsi
montrer aux hommes qu’elles étaient en mesure de faire de l’aussi bonne musique que les groupes
masculins. Cela a aussi montré aux jeunes musiciennes qu’il était possible de faire de la musique
Une fois la Seconde Guerre mondiale terminée, les soldats sont rentrés aux pays et sont
redevenus des travailleurs civils reprenant leur boulot d’avant la guerre. Il en fut de même pour les
musiciens, qui reprirent leurs postes dans les big bands où des femmes les avaient remplacés
pendant les quatre années où ils étaient partis outremer. Beaucoup de big bands féminins ont aussi
perdus leurs contrats dans les salles de danse et les théâtres quand les hommes ont repris du service.
Bien que beaucoup de progrès restait à faire, cette époque fut primordiale pour que
d’importantes avancées soient faites vers une acceptation des femmes musiciennes sur la scène
américaine et internationale. De par leur détermination, leur esprits combatifs et leur amour pour
la musique, les musiciennes de l’ère du swing ont pavé la voie aux grandes musiciennes de jazz
SMITH, Dinitia (2000, 10 août). « When Women Called the Tunes; Rediscovering the Players Who Kept
Things Swinging After the Men Went to War ». The New York Times. Sur le site officiel du New York
Times. http://www.nytimes.com/2000/08/10/books/when-women-called-tunes-rediscovering-players-
who-kept-things-swinging-after-men.html
Film
CHAIKIN, Judy. The Girls in the Band. Documentaire, One step Productions, 2011. 86 min.
Périodique numérique
SMITH, Dinitia (2000, 10 août). « When Women Called the Tunes; Rediscovering the Players Who Kept
Things Swinging After the Men Went to War ». The New York Times. Sur le site officiel du New York
Times. http://www.nytimes.com/2000/08/10/books/when-women-called-tunes-rediscovering-players-
who-kept-things-swinging-after-men.html
American History USA. BRYAN, Dan. Working and voting: Women in the 1920s. 2012.
https://www.americanhistoryusa.com/working-voting-women-1920s/, consulté le 20 décembre
2017
Npr music. McDONOUGH, John. America’s Sweethearts: An All-Girl Band That Broke Racial
Boundaries. 2011. https://www.npr.org/2011/03/22/134766828/americas-sweethearts-an-all-girl-
band-that-broke-racial-boundaries, consulté le 20 décembre 2017