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Gratuité sur Internet : entre logiques individuelles et logiques communautaires

G.Dang Nguyen, S.Dejean, T.Pénard.


Gratuité sur Internet : entre logiques individuelles et logiques communautaires
G.Dang Nguyen, S.Dejean, T.Pénard.

Résumé

L a gratuité constitue le modèle dominant de production et d’échange sur Internet,


soulevant une double question : pourquoi tant d’internautes mettent-ils gratuitement
des ressources matérielles et immatérielles à disposition des autres ? Et comment ces
contributions individuelles réussissent à former des productions collectives gratuites de
grande envergure comme Wikipédia ? Nous fournissons des éléments de réponse, en nous
appuyant sur l’économie comportementale (accent sur les motivations et incitations
individuelles à contribuer) et l’approche néo-institutionnalistes (accent sur l’action collective
et les communautés). Wikipédia permet d’illustrer le rôle des communautés dans la
structuration de la production et l’échange de biens et services gratuits.

(Malin et Pénard, 2010). Par exemple, les


1. Introduction entreprises peuvent avoir à l’esprit un
modèle de valorisation de biens et
La gratuité est prédominante sur Internet. services complémentaires. Les internautes
Les internautes ont accès gratuitement à accèdent gratuitement à certains services,
de très nombreux services et applications : mais doivent payer pour se procurer des
moteurs de recherche, réseaux sociaux, services avancés. Ainsi, un site de presse
comparateurs de prix, jeux, musique, peut mettre en ligne des articles gratuits
vidéos, forums, … Une partie des pour attirer les lecteurs et leur vendre des
internautes participent aussi articles ou des services complémentaires,
volontairement (gratuitement) à la comme l’accès aux archives1.
production de certains de ces services et La gratuité peut aussi relever d’un
applications : encyclopédie Wikipédia, modèle de valorisation indirecte de
blogs, avis sur des livres ou des l’audience : l’entreprise cherche à avoir le
restaurants, … Sur des plates-formes plus d’utilisateurs possible, en fournissant
comme YouTube ou dans des des services gratuits, puis se tournent vers
communautés Peer-to-Peer, des centaines les annonceurs pour leur vendre des
de millions de vidéos et de morceaux de espaces publicitaires ou des informations
musique sont partagées et échangées tous qu’elle a recueillies sur ses utilisateurs
les jours (légalement et illégalement) sans (âge, adresse email, goût… ).
contrepartie monétaire. Ce chapitre Enfin, un dernier motif marchand
cherche à comprendre pourquoi la gratuité de gratuité est la valorisation des
constitue le modèle dominant de externalités de réseaux directes2 :
production et d’échanges sur Internet.
1
La première réponse que l’on peut C’est le modèle freemium qui est une contraction
de free et premium. Une entreprise peut aussi
apporter, est que dans de nombreux cas, la fournir gratuitement certains services, mais faire
gratuité sur Internet relève d’une pure payer le matériel qui permet d’accéder à ces
logique marchande et fait partie 2
services.
intégrante de modèles d’affaires Un service présente des externalités de réseau
lorsque l’utilité de ce service (et donc la
générateurs de profits pour les entreprises disposition à payer pour ce service) augmente
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l’entreprise peut décider de laisser une Internet s’explique d’abord par la difficulté
partie des consommateurs pirater ses de valoriser individuellement et
services (c'est-à-dire y accéder directement les biens et services
illégalement) afin de mieux valoriser son numériques, mais également par les
offre auprès des autres consommateurs. motivations intrinsèques des internautes à
Dans ce cas, l’entreprise renonce à des contribuer volontairement à la fourniture
revenus commerciaux sur certains de ces biens et services (sans rémunération
consommateurs, souvent les plus experts directe) et par le rôle des communautés
ou les plus incités à contourner les pour coordonner et pérenniser ces
dispositifs techniques ou légaux de contributions individuelles.
protection3. Ces utilisateurs non payants Nous présenterons dans un premier
lui permettent d’avoir une base installée temps les incitations individuelles à
plus importante, source d’externalités de contribuer à la fourniture de biens et
réseaux et d’externalités informationnelles services gratuits sur Internet. Puis dans un
pour les utilisateurs qui préfèrent payer ou second temps, nous verrons comment les
rester dans la légalité. Ces derniers sont communautés structurent la production et
alors disposés à payer plus cher le service. les échanges gratuits.
Au final, le manque à gagner sur les
utilisateurs non payants peut être plus que 2. Contributions individuelles à
compensé par la hausse des marges la gratuité
réalisées sur les utilisateurs payants4.
La gratuité sur Internet ne peut
toutefois pas se réduire à ces trois modèles 2.1 Internet comme « bien public »
d’affaires car ils ne décrivent que le versant
des entreprises. Or Internet présente des L’ampleur de la gratuité sur Internet tient
spécificités techniques et économiques en premier lieu à la nature des biens et
propices au développement de modèles de services offerts sur ce réseau. Les textes,
production, d’échanges et de les images, les vidéos, logiciels et
consommation entre individus, fondés sur applications diffusés et consommés sur
la gratuité. Le succès du modèle gratuit sur Internet ont comme point commun d’être
des biens numériques (caractérisés par une
avec le nombre d’utilisateurs. La plupart des codage binaire 0/1). Cela permet leur
services sur Internet présente de fortes stockage et leur transport quasiment sans
externalités de réseau. coût, et a pour effet de renforcer leur
3
Ce modèle d’affaires est viable si les
caractère non rival et non exclusif, c'est-à-
consommateurs ont des compétences inégales
pour contourner les dispositifs de protection dire leur caractère de « bien public ». Non
(certains sont experts et d’autres seulement la consommation d’un bien
inexpérimentés) ou une probabilité inégale numérique (écouter un morceau de
d’être détectés et poursuivis en cas de piratage.
4
C’est la stratégie utilisée par les éditeurs de
musique, regarder un film ou utiliser un
logiciels qui tolèrent le piratage de la part des logiciel) ne prive pas d’autres internautes
étudiants (des utilisateurs expérimentés et qui de le consommer, mais il est difficile
ont une faible disposition à payer) pour mieux techniquement et juridiquement de
commercialiser leurs logiciels auprès des
entreprises (des utilisateurs qui sont plus faciles restreindre l’accès à ce type de biens.
à surveiller et à condamner en cas de piratage). Certes, les producteurs disposent
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de droits de propriété sur ces biens, sous l'évolution technique du réseau et les
forme de droits d’auteur, de copyright ou usages des internautes. Cette contribution
de brevets, qui leur permettent en théorie volontaire peut relever de différentes
de contrôler l’usage de leurs biens et d’en motivations.
rendre l’accès payant. Mais, avec la facilité - La première de ces motivations est
de copie, de piratage et de diffusion des l’intérêt personnel : un individu
biens numériques, les producteurs ont du contribue parce qu’il souhaite utiliser ou
mal à faire valoir leurs droits. Il est consommer personnellement les biens
extrêmement coûteux pour ces derniers de et services en question. La contribution
surveiller l’usage de leurs biens et encore répond directement à un besoin ou une
plus coûteux de poursuivre les demande non satisfaite, et la mise à
contrevenants (compte tenu de l’absence disposition d’autrui ne coûtant guère
de frontière à la diffusion de ces biens). Si plus que la production, le bien (public)
le coût technique et juridique de protection ainsi produit pour un usage personnel
d’un bien numérique est supérieur aux ne revient pas plus cher s’il est mis à
revenus commerciaux espérés (sous forme disposition de tous. Le contributeur
de ventes de licence, d’exemplaires peut aussi retirer un intérêt indirect à
physiques ou dématérialisés), le fournir des biens et services, le retour
fournisseur de ce bien peut renoncer à en pouvant être immédiat ou différé. Par
faire payer son usage. C’est ce qui se passe exemple, l’objectif de la contribution
en pratique pour de nombreux biens et peut être de se faire connaître ou de
services sur Internet. Et dans ce cas, signaler ses compétences et ainsi
l’absence de rémunération monétaire d’obtenir des avantages présents et
directe pose la question des incitations ou futurs (cadeaux, offres d’emploi,…)5.
des motivations à produire de tels biens. - Une seconde motivation est l’altruisme :
l’individu contribue pour que les autres
2.2 Les motivations intrinsèques de puissent bénéficier des biens et services
contributions en question. Des auteurs comme
Andreoni (1989, 1990) établissent
Internet, né dans une communauté toutefois une distinction entre
universitaire d'informaticiens adeptes de la l’altruisme pur (lorsque la motivation
diffusion libre d’idées, a engendré des principale de la contribution est
formes d'échanges gratuits et d’augmenter l’utilité ou la satisfaction
d'interactions volontaires qui se des autres) et l’altruisme impur (lorsque
poursuivent et s’amplifient encore, trente le contributeur retire un plaisir direct,
ans après. Malgré l’arrivée massive des appelé « warm glow », à contribuer).
intérêts privés et commerciaux à partir de
5
la fin des années 90 (qui s’est notamment Ce type de motivations se retrouve chez les
manifestée par la « bulle Internet »), la bloggeurs qui peuvent chercher à terme à monétiser
leur audience en écrivant des billets favorables à
contribution volontaire, symbolisée par les
une marque ou un produit. De même, les
expressions « Web 2.0 » ou « User développeurs peuvent contribuer aux projets de
Generated Content », continue à logiciels libres pour signaler leurs compétences de
imprégner très fortement à la fois programmation et valoriser cette expérience auprès
de futurs employeurs (Lerner et Tirole, 2001).
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- La réciprocité directe : l’individu mécanismes de réciprocité est un des


contribue parce que certains ont moyens de limiter ces comportements.
contribué (pour répondre à leurs Lorsque les individus sont engagés dans
contributions) ou pour encourager des interactions répétées, ils peuvent
d’autres à contribuer à leur tour. Ce réussir à s’entendre sur la production de
dernier motif est aussi appelé altruisme « bien publics ». Chacun est incité à
conditionnel (Rabin, 1993) contribuer s’il anticipe qu’une non
contribution déclenchera des représailles
Même si les deux premiers motifs de futures (réciprocité négative) et qu’une
contribution sont très présents sur contribution sera récompensée par la
Internet, le dernier motif est poursuite de la coopération (réciprocité
particulièrement actif dans les échanges et positive). Ce type de stratégies est connu
interactions en ligne et c’est certainement sous le nom de Tit-for-Tat ou donnant-
l’une des spécificités du Net que de donnant (Axelrod et Hamilton, 1981) et se
favoriser la réciprocité sous toutes ces révèle efficace pour faire émerger la
formes. Cette réciprocité se manifeste dans coopération dans des situations où les
l’établissement de liens mutuels entre intérêts individuels incitent à se comporter
bloggeurs ou entre utilisateurs de de manière opportuniste.
Facebook, Flickr ou de Twitter (Gaudeul et La coopération peut aussi émerger
Peroni, 2010, Kwak et al., 2010), dans les dans des situations qui s’éloignent du
partages de films et de musiques sur les cadre d’interactions répétées entre mêmes
réseaux de pair-à-pair (Krishnan et alii, individus. Lorsque les interactions sont peu
2003), dans les évaluations entre vendeurs fréquentes ou ont lieu entre des anonymes
et acheteurs sur les places de marché de (identifiés par des pseudos), la coopération
type eBay (Masclet et Pénard, 2008 ; peut reposer sur de la réciprocité indirecte.
Dellarocas et alii (2006)). Nous allons A peut décider d’aider B même si cette aide
étudier plus en détail les fondements de la ne lui est pas rendue directement par B,
réciprocité et le rôle qu’elle joue dans les mais par C qui d’une manière ou d’une
incitations à contribuer à la production de autre a pu observer l’acte bienveillant de
biens et services sur Internet. A : on parle dans ce cas de réciprocité
indirecte descendante. Autre cas de figure,
2.3 Réciprocité et contribution volontaire B qui vient de recevoir l’aide de A, peut
décide à son tour d’aider C, on parle alors
Comme la plupart des services sur Internet de réciprocité ascendante (Nowak and
ont un caractère de bien public, ils sont Sigmund, 2005). Ce mécanisme de
exposés à des comportements de passager coopération est très puissant puisqu’il ne
clandestin, qui peuvent fragiliser leur nécessite pas d’interaction répétée avec la
production. En effet, il est tentant de même personne pour assurer la diffusion
laisser aux autres le soin de contribuer (en des comportements contributifs. En
termes d’effort, de temps ou d’argent) dès revanche, il est important de disposer de
lors que les services produits sont non systèmes de réputation crédibles et
exclusifs (accessibles à tous, même aux transparents qui permettent d’informer sur
non contributeurs). Le recours à des le « type » des individus : coopérateur ou
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opportuniste. évidence le caractère social du don et du


De ce point de vue, Internet offre contre-don dans les sociétés primitives. Le
un environnement propice à la réciprocité don « pur », altruiste, semble être
indirecte en facilitant la collecte et la l'apanage de quelques individus
diffusion d’informations sur les exceptionnels (les personnages saints dans
comportements passés. Par exemple, le les hagiographies religieuses) ou de
succès d’Ebay repose très largement sur moments très exceptionnels dans la vie de
son système décentralisé d’évaluation qui la plupart des hommes ordinaires. Le don
permet de collecter des notes et des « social » est beaucoup plus commun et
commentaires à l’issue de chaque s'inscrit dans un courant complexe
transaction et d’attribuer à chaque d'échanges entre individus socialisés.
utilisateur un score. Grâce à ce système, Plusieurs auteurs ont rapproché les
chacun est incité à être le plus honnête contributions sur Internet à un « don
possible pour recevoir des évaluations social » présentant toutefois quelques
positives et acquérir une bonne réputation spécificités (Dang-Nguyen et Pénard 2004,
(Cabral et Hortacsu, 2010 ; Houser et Chanial 2008). Dans sa définition
Wooders, 2006 ; Resnick et al., 2006). Ce traditionnelle, le don est « adressé » à une
système d’évaluation est lui-même un personne ou une communauté, avec
« bien public » et les utilisateurs d’eBay l'attente d'une acceptation par celle-ci, et
acceptent, par réciprocité indirecte, d’y d'un acte symétrique de sa part (le contre-
contribuer (en prenant le temps de laisser don). Sur Internet, les contributions sont
une évaluation et un commentaire sur très souvent « non adressées » (un billet
leurs partenaires). C’est la même logique posté sur un blog, une évaluation laissée
de réciprocité qui prédomine sur des sites sur un restaurant ou un livre, un tweet, ..).
comme TripAdvisor. Lorsqu’une contribution est reçue et
La réciprocité directe ou indirecte acceptée, elle peut générer des contre-
sur Internet n’est pas une simple dons directs, mais aussi des contre-dons
agrégation de comportements, elle indirects, en étant relayée ou transmise à
constitue une norme sociale et participe à d’autres. Ces effets de viralité du don et du
une mise en réseau généralisée du don et contre-don densifient les attachements et
du « contre don ». les solidarités au sein du réseau Internet.
Par ailleurs, un des moteurs du don et du
2.4 Don et contre-don en ligne contredon est la confiance. C'est parce que
les internautes font confiance au
Le don se définit, notamment pour les « réseau » (c'est à dire à l'ensemble
sociologues, non pas comme un acte indifférencié et anonyme des millions de
« gratuit » mais comme un transfert contributeurs potentiels) pour qu'ils
obligatoire d'objets ou de services entre
individus mutuellement obligés (Kollock, disponible en version électronique à l’adresse
1999). La réciprocité est indissociable du suivante :
don selon l’anthropologue Marcel Mauss https://docs.google.com/viewer?a=v&q=cache:d
g1c1cmrqgwJ:philo-
qui dans son « Essai sur le don »6 a mis en online.com/TEXTES/MAUSS%2520-
%2520Essai%2520sur%2520le%2520don.pdf
6
Initialement paru en 1923-24, cet essai est
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« retournent » leur don en un contre-don séjour touristique.


que de nombreux biens et services sont - Les communautés de pratique
produits gratuitement. partagent un hobby commun (loisirs,
L’analyse des motivations individuelles à sports, …). Ici, l’expertise et le savoir
contribuer ne peut toutefois à elle-seule faire jouent un rôle essentiel et les
rendre compte du phénomène de la membres de la communauté se
gratuité sur Internet. La plupart de ces transmettent des connaissances plus ou
contributions ont lieu au sein de moins tacites qu'ils se sont forgées ou
communautés. qui leur ont été transmises.
Il est important de comprendre la nature - Les communautés de partage de biens
de ces communautés et leurs modes de numériques. C'est dans cette catégorie
fonctionnement. L’examen détaillé d’une que l'on trouve les communautés de
communauté contributive emblématique, « piratage » de contenu numérique
l’encyclopédie libre et gratuite Wikipédia, (musique, films, jeux vidéo), comme
nous permettra de mettre à jour les Pirate Bay, mais aussi des
principes organisationnels qui font que de communautés légales, comme celles
telles communautés perdurent. constituées autour de Youtube ou de
Flickr.
3. Contributions - Enfin les communautés épistémiques
veulent construire ensemble un savoir
communautaires à la gratuité commun nouveau. L'exemple le plus
significatif est celui des communautés
3.1 Une typologie des communautés de logiciel libre ou de Wikipedia.
contributives
Le fonctionnement des communautés
Internet a favorisé l’émergence de dépend évidemment de l'objet qui les
nombreuses communautés contributives. fonde. En particulier, le vecteur des
Une communauté est une collection échanges (plate-forme centralisée ou
d’individus partageant la volonté de réseau décentralisé) et l'effort qu'une
produire ensemble des biens ou des contribution exige de la part des membres,
services communs. A la suite de Gensollen diffèrent largement d'un type de
(2004), on distingue plusieurs familles de communauté à l'autre.
communautés définies par la nature des S'il s'agit de partager une
services produits et partagés : expérience (séjour dans un hôtel, lecture
- Les communautés d'expérience visent à d’un livre, transaction sur une place de
échanger des avis et commentaires sur marché), la contribution est relativement
des biens et services pour lesquels il aisée, mais subjective, de sorte que la
existe une information imparfaite sur le valeur de l'information produite sera
contenu ou une incertitude sur la largement statistique : la somme
qualité. C’est le cas des biens algébrique des avis se trouvera qualifiée
informationnels comme un livre, un film par le nombre des opinions exprimées. Les
ou un morceau de musique, mais aussi communautés de ce type ont alors intérêt
de services comme un restaurant ou un à se regrouper sur des plateformes
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centralisées et visibles de tous. dans le monde réel (Zhang et Zhu, 2011).


Ces communautés contributives
sont toutefois exposées au paradoxe
Dans les communautés de pratique, d'Olson (1965). Plus une communauté (ou
il existe une dissymétrie naturelle entre les un groupe) d’intérêt croît en taille et plus
« experts » (qui sont des contributeurs) et sa capacité d’action (ou de contribution)
les novices (qui sont les bénéficiaires de collective diminue, parce que les individus
ces contributions). sont plus incités à adopter des
L’appariement entre ces deux catégories comportements de passager clandestin. En
d’utilisateurs nécessite la mise en place d’autres termes, les communautés de
d’une plate-forme d'intermédiation petite taille seraient plus efficaces que les
centralisée (appelé plateforme biface). communautés de grande taille pour
produire des biens collectifs. Selon Olson
Les communautés de partage (P2P) (1965), les larges communautés doivent
fonctionnent le plus souvent sur la base mettre en place des incitations sélectives
d'une organisation décentralisée avec un (par exemple offrir des services réservés
rôle potentiellement symétrique joué par aux seuls contributeurs) pour maintenir un
chacun des participants : tour à tour niveau de contributions suffisant.
fournisseurs et consommateurs de Le problème de passager clandestin
contenus. Toutefois, ces communautés se est bien réel dans les communautés
caractérisent par de fortes inégalités dans Internet, compte tenu de leur taille. A titre
les contributions individuelles. d’exemple, Wilkinson (2008) a analysé la
Enfin dans les communautés distribution des contributions dans
épistémiques, comme celles des logiciels Wikipedia, Essembly (une communauté
libres, la centralisation est nécessaire pour ouverte où les personnes votent sur des
des motifs de coordination. résolutions politiques et se créent des
amis, forment des alliances et des contre-
La contribution demandée est
alliances), Bugzilla (un service de
proportionnelle aux compétences ou à
correction de bugs alimenté par des
l’expertise des participants en raison de
utilisateurs qui déposent des
l'exigence d’une production de qualité.
commentaires) et Digg (un agrégateur
d’information, fondé sur les contributions
3.2 Le paradoxe d’Olson et les conditions et les votes des utilisateurs). Les
de succès des communautés sur Internet « inactifs »7 représenteraient 71% des
éditeurs dans Wikipédia, 95% des
Les productions communautaires n'ont commentateurs dans Bugzilla et
jamais été aussi nombreuses, à l’instar de respectivement 61% et 53% des voteurs
Wikipédia ou Linux devenus par leur taille sur Digg et Essembly. Les différences
et leur impact des emblèmes de la création s’expliquent certainement par les niveaux
collective « libre ». Par exemple, la version d’effort requis : il est plus facile de voter
anglaise Wikipédia regroupait en 2007
près de 6 millions de contributeurs et 7
Un inactif est un contributeur qui ne s’est pas
aucun groupe équivalent de production de manifesté depuis 6 mois dans Wikipedia et
connaissance n’a jamais eu une telle taille Bugzilla, 3 mois dans Essembly et Digg.
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sur Essembly et Digg, que d’éditer un mouvement s'est développé sous le terme
article sur Wikipedia ou de proposer une de logiciels libres, car les programmes sont
correction sur Bugzilla. mis à la disposition de et modifiables par
Les communautés contributives sur tous, concepteurs et utilisateurs (Jullien et
Internet parviennent toutefois à surmonter Zimmerman, 2010, Lakhani et Von Hippel,
ces problèmes de passagers clandestins et 2003). Linux n'est que le produit le plus
à s’affranchir du paradoxe d’Olson, grâce visible et l'emblème le plus éclatant d'une
d’une part à la nature modulaire des biens forme de production extrêmement vivace.
et services produits et d’autre part à la Dans le cas de Wikipedia, l'aspect
mise en place de règles internes et modulaire saute aux yeux, puisque chaque
d’incitations sélectives. Sur le premier article est pour ainsi dire indépendant des
point, Benkler (2006) met en avant la autres, seuls des renvois par lien
production modulaire, comme condition hypertexte et le recours à un outil
nécessaire pour toute démarche collective. commun, le wiki, permettent la
Si on peut découper un problème complexe coordination entre tous les articles.
en un grand nombre de petits problèmes La modularité de la production
plus simples, si les solutions apportées à communautaire est une condition
chacun des sous-problèmes ainsi définis nécessaire à l'effort collectif, mais elle est
peuvent être apportées par un seul ou par loin d'être suffisante. Car le découpage
un nombre réduit de contributeurs n'est qu'une première étape. Ensuite, il
(principe de granularité) en toute faut procéder à la sélection et
indépendance, et si l'ensemble peut être l'assemblage des divers éléments, au
coordonné sans trop de difficultés, alors la contrôle de la qualité et à la résolution
production collective peut être facilement d’éventuels conflits, des étapes qui
réalisable. nécessitent une forte coordination et des
L'écriture des logiciels, une activité capacités d’auto-organisation.
modulaire par essence, est un champ tout Les recherches d'Elinor Ostrom8
indiqué pour la production collective. Le montrent combien l’efficacité d’une
découpage d'un programme même communauté tient à sa capacité à
complexe en groupe de sous programmes concevoir des règles décentralisées et
(eux même divisés en « sous sous- intériorisées, c'est-à-dire acceptées et
programmes »..), puis la mise au point de respectées, par l’ensemble des membres
« langages objets » permettant de (capacité d’auto-organisation) (Ostrom,
travailler sur des sous-programmes 1990). Ces règles définissent les rôles et les
« abstraits » dotés de propriétés posées a contributions de chacun des membres et
priori, ont établi comme un standard organisent l’usage (ou le partage) du bien
universel la production collective collectif. La communauté doit aussi
modulaire des programmes informatiques. disposer de moyens de contrôle et de
Aussi, il n'est pas étonnant que des sanction en cas de non respect des règles
programmeurs autonomes et (Ostrom, 2000).
indépendants aient voulu s'associer
librement pour produire ensemble des 8 Des recherches qui lui ont valu le prix Nobel
programmes (donc un savoir collectif). Ce d’économie en 2009, partagé avec Oliver
Williamson.
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L’histoire des réseaux peer-to-peer en priorité disponibles pour les meilleurs


(P2P) illustre bien l’importance des contributeurs. De même, le ratio minimum
capacités d’auto-organisation dans le de contribution peut être abaissé pour
développement et le succès de ces ceux qui font une donation financière à la
communautés. Aux premières heures des communauté. Enfin, certaines de ces
réseaux P2P (Napster, Kazaa, Emule, ...), communautés se sont spécialisées sur des
les internautes pouvaient télécharger des contenus de niche (film Japonais des
fichiers sans aucune restriction et sans années 70, sport de combat, …)
obligation de réciprocité. Il s’en est suivi permettant de rassembler un nombre plus
une généralisation des comportements de faible d’individus qui partagent un intérêt
« passager clandestin » qui ont mis en péril commun, et favorisant ainsi
la production collective de ces l’établissement d’une norme commune de
communautés. En réponse à ces réciprocité.
problèmes, les communautés P2P se sont Nous allons illustrer l’importance
progressivement privatisées (leurs de règles intériorisées dans l’efficacité et la
promoteurs étaient mus par un intérêt pérennité des communautés sur Internet à
commercial) et spécialisées. Les travers le cas de Wikipédia.
communautés privées Bittorrent sont nées
de ce mouvement et se sont auto- 3.3 Wikipédia
organisées en combinant des règles
coercitives et incitatives. La plupart de ces
L’encyclopédie Wikipédia est née en 2001,
communautés contrôlent l’entrée (par
initialement comme une annexe de
exemple en exigeant que tout nouveau
Nupedia, une encyclopédie ouverte, censée
membre soit « coopté » par un membre
utiliser le système classique de production
existant) et l’activité de partage de chaque
et d’évaluation par des experts10. Le
membre, en imposant un ratio minimum
principe fondateur édicté par Jim Wales,
de contribution9. Ceux qui ne respectent
initiateur de Nupedia et Wikipédia, est que
pas ce ratio se voient appliquer des tout le monde peut y créer une rubrique –
sanctions graduelles allant de la limitation ce qu'autorise le caractère modulaire de ce
de la vitesse de téléchargement à son type de connaissance- mais tout le monde
interdiction et le cas échéant à l’exclusion
peut aussi amender, corriger, voire
définitive de la communauté.
supprimer ce qu'un autre a fait : c'est le
Ces communautés ont aussi su
principe de surveillance ou vigilance
développer une palette d’incitations mutuelle (Cardon et Levrel, 2009). En Juin
sélectives qui visent à récompenser ceux 2003, est créée la Fondation Wikimedia,
qui contribuent et ainsi augmenter le coût dont le but est de garantir le contenu
du téléchargement pour ceux qui ne
« ouvert » de l’encyclopédie. Celui-ci est
coopèrent pas. Ainsi, certains fichiers sont protégé par une licence GNU : le contenu
9
est transparent et peut être lu par une
Pour chaque membre, ce ratio correspond au
machine dans un format dont les
rapport entre le volume de fichiers (en
mégaoctets) téléchargés depuis son ordinateur
10
par les autres membres de la communauté sur le Pour une revue de littérature exhausitive sur
volume téléchargé par ce dernier sur les Wikipedia, on peut se reporter à Jullien (2012)
ordinateurs des autres membres. et Okoli et alii (2012).
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spécifications sont disponibles pour tous. message provenant de son adresse IP, en
cas de changement de pseudonyme. Pour
L’égalitarisme à l’origine du projet,
chacune de ces situations, Wikipédia met
pourrait potentiellement engendrer de
en œuvre des mécanismes correcteurs.
nombreux conflits et problèmes de
Ainsi pour avoir le droit de lutter contre le
coordination et de qualité. Wikipedia s’est
vandalisme, un Wikipedien doit avoir
donc doté d’institutions et de règles
effectué au moins 250 éditions.
intériorisées pour surmonter ces
problèmes. Son succès et le faible nombre Avec son succès croissant,
de difficultés auxquelles le projet a donné Wikipédia a vu une certaine spécialisation
lieu, plaident pour l'efficacité de ces règles. des rôles émerger au sein de la
communauté de ses contributeurs. Peu à
Les règles portent tout d’abord sur
peu, ont été créés des statuts qui
la coordination des contributions. Le
définissent un pouvoir d’intervention
principe général est que les contributeurs
différencié (Kittur et alii, 2008). Un
se corrigent mutuellement et qu'ils doivent
« administrateur » peut protéger ou
s'entendre entre eux pour converger vers
déprotéger des pages, les supprimer ou les
un texte approuvé par tous. Lorsque ce
rétablir, bloquer ou « débloquer » le statut
consensus n'émerge pas, des procédures
d’un contributeur11. Un « bureaucrate »
de gestion de conflits ont été mises en
place. Par exemple, des dispositifs d'alerte participe à la nomination des
et de médiation sont mis en place par administrateurs, peut renommer les
l'intermédiaire d'un bandeau apparaissant pseudos des contributeurs et coopter
sur un article, que tout un chacun peut d’autres bureaucrates. Un « steward »
poser pour signaler une controverse peut changer les niveaux d’accès des
persistante entre deux ou plusieurs contributeurs dans les projets Wikimedia.
contributeurs. Les autres « wikipédiens » Un « superviseur » peut cacher des pages
peuvent même être amenés à voter, non de révisions, un « vérificateur » contrôle
tant sur le contenu lui-même, mais pour les adresses IP des utilisateurs. Un
déterminer si les principes de Wikipédia « développeur » accède aux serveurs de la
ont été violés par le texte posté par l'un ou fondation Wikimedia qui hébergent les
l'autre des protagonistes de la dispute. Il contenus et aux logiciels MediaWiki, sur
ne s'agit pas de stigmatiser les personnes, lesquels le Wiki de Wikipedia est construit.
mais de faire en sorte que les principes de Il existe enfin un Comité d’Arbitrage qui
neutralité soient respectés par les agit en théorie comme instance de dernier
contributions. ressort en cas de litige entre contributeurs.
Ses membres sont choisis à la fois par la
Un autre risque, plus significatif, est communauté et par Jim Wales le
celui de « vandalisme », c'est à dire la fondateur.
diffusion d'informations manifestement
erronées ou fortement biaisées : canulars, Forte et Bruckman (2008) insistent
auto-promotion, propagande, propos aussi sur le fait que la production des
injurieux, etc. Dans ce cas, Wikipédia peut
aller jusqu'à l'exclusion du contributeur 11
Les administrateurs représentent « l’élite » de
(« bannissement ») et le blocage de tout Wikipédia. Ils étaient 1625 dans la version
anglaise au 21 février 2009.
Gratuité sur Internet : entre logiques individuelles et logiques communautaires
G.Dang Nguyen, S.Dejean, T.Pénard.

articles et sa supervision sont devenus de autre: liens pointant vers le site,


plus en plus décentralisés grâce à la commentaires, améliorations, fourniture
constitution des « Wikiprojets » sur de connaissances ou d'informations
lesquels une communauté de Wikipédiens complétant ou enrichissant la contribution
intéressés se concentrent collectivement originelle.
pour rédiger tous les articles nécessaires. La prédominance du gratuit tient
Au sein de ces projets, des principes de aussi à l’existence de communautés
style d’écriture, de création de contenu contributives qui parviennent à organiser
peuvent être spécifiquement mis en avant efficacement la fourniture gratuite de
pour assurer l’homogénéité du projet, biens et services. Enfin, Internet recèle une
mais les Wikiprojets ne peuvent forcer les particularité supplémentaire pour le
participants à suivre ces règles. Les fonctionnement des communautés, c’est la
auteurs notent que l’élaboration d’un quasi-absence de limite à leur taille.
consensus est le fondement de la plupart Compte tenu des facilités de connexion et
des décisions au sein des Wikiprojets. des puissants effets de réseau, les
communautés fait preuve d’une forte
La capacité de Wikipédia à mettre
capacité de résilience, notamment une
en place des règles décentralisées et
capacité d’adaptation et de résistance aux
intériorisées et à les faire évoluer au fur et
menaces olsoniennes de non contributions
à mesure que le projet s’est développé,
généralisées.
explique le succès de cette encyclopédie
libre et gratuite.

4. Conclusion

Tant l'origine de l'Internet que l'émergence


du « Web 2.0 », font une large place aux
comportements collaboratifs. Ceux-ci
pouvaient initialement apparaître comme
« des comportements grégaires » (les
premiers internautes étant
majoritairement des informaticiens et
chercheurs d’universités). Mais avec la
diffusion de l'Internet, ces comportements
sont devenus pour le moins une « norme
sociale » : l’acte de « donner » (son temps,
son savoir), sans contrepartie immédiate,
trouve sa raison d’être dans la propension
des « amis virtuels », des « visiteurs de
site », des internautes en général, à
recevoir et apprécier ce « don », mais aussi
à le restituer sous une forme ou sous une
Gratuité sur Internet : entre logiques individuelles et logiques communautaires
G.Dang Nguyen, S.Dejean, T.Pénard.

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