3

 Éditorial
©Vincent Leloup

ALAIN
BENTÉJAC.

Un contexte
plus favorable

L’
année 2018 s’ouvre sur un contexte que l’on peut qualiier de porteur
tant au niveau national qu’international. Ce que conirment les articles
de ce numéro Perspectives : l’Asie dépasse ses performances de l’année
précédente et tire la croissance mondiale, et en Amérique du Nord l’an-
née 2017 a aussi été marquée par une forte croissance. L’Europe tire
aussi son épingle du jeu. Et comme le fait remarquer Michel Barnier, paradoxale-
ment le Brexit a renforcé l’unité de l’Union européenne.
Même si des incertitudes pèsent bien sûr sur la poursuite de cette croissance en
2018, le moment est favorable pour les entreprises françaises et il faut tout faire
pour qu’elles puissent en proiter. D’autant plus qu’avec un nouveau président de
la République qui a une image très favorable à l’étranger, l’attractivité de la France
est renforcée.
Dans ce contexte les CCE peuvent, plus que jamais, être force de proposition, à la
fois à travers les travaux menés par de multiples groupes de travail en France et à
travers le monde, et à travers les réunions au niveau régional et mondial.
Un de nos objectifs principaux pour 2018 sera aussi de renforcer la notoriété des
CCE. L’anniversaire des 120 ans de l’institution en octobre prochain, avec un ras-
semblement mondial des CCE, sera l’occasion de donner une nouvelle visibilité
à nos rélexions et à nos actions en faveur du développement international des
entreprises françaises. ■

Alain Bentéjac
Président des conseillers
du Commerce extérieur
de la France

Hors série - Entreprendre à l’international

PERSPECT I
3 Un contexte plus favorable
Services
Par Alain Bentéjac Les marchés 50 NUMÉRIQUE : CES 2018 : le
sacrement de la Blockchain ?
Par Gilbert Réveillon, CCE
Baromètre
52 FINANCE : le crowdfunding a
Produits de base le vent en poupe
Par Philippe Tisseau, CCE
28 Un rebond qui devrait
6 Les entreprises françaises se conirmer 54 TOURISME : record de
internationalisées sont Par Philippe Chalmin progression du tourisme
compétitives mondial
Par Bruno Durieux, CCE 34 PÉTROLE : renversement Par François Vellas
de tendance
Par Francis Perrin

Analyses 36 CHARBON : décroissance à Normes

10 INITIATIVE BRI
Qui a peur des nouvelles routes
de la soie ?
Par Paul Clerc-Renaud,
CCE Hongkong et
Christophe Granier, CCE
20 L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE
Une technologie stratégique
Par Guy de Rougemont
l’Ouest, croissance à l’Est 58 CARBONE : prix du carbone et
Par Jean-Marie Martin-Amouroux compétitivité des entreprises
Par Paula Coussy
61 CONFORMITÉ : l’année 2018
Industries sous le signe de la
« conformité »
40 AUTOMOBILE : en progression
Par Isabelle Ginet-Kauders, CCE
encore et toujours
Par Éric Champarnaud
43 AÉRONAUTIQUE :
accélération de la demande
Par François Vellas
47 TEXTILE : vers une
consommation plus responsable
Par Gildas Minvielle

Entreprendre à l’international - Hors série


T IVES 2018
Le monde
Europe
66 Une période de transition
délicate
Par Michel Troubetzkoy, CCE
68 L’Union européenne est à
un tournant
Par Michel Barnier
70 ROYAUME-UNI : Brexit ou pas
Brexit, la vie continue
Par Olivier Morel, CCE
73 ALLEMAGNE : nouveau record
en vue pour la croissance
Par Bénédicte de Peretti, CCE
76 ESPAGNE : « Sol y sombra »
Par Emmanuel Mielvaque, CCE
78 HONGRIE : dépasser l’image
du pays
Par Peter Bosznay, CCE
81 SUÈDE : l’innovation
permanente
Par Guillaume Lefebvre, CCE
Amérique du Nord
84 ÉTATS-UNIS : entre euphorie
et réalisme, les arbres
grimpent-ils jusqu’au ciel ?
Par John Robert Mcintyre, CCE
Amérique latine
90 Croissance modérée et
incertitudes politiques
Par Carlos Quenan
95 BRÉSIL : continuons à y croire
Par Frédéric Junck, CCE
96 ARGENTINE : en passe de
redevenir un pays normal
Par Jean-Bernard Lemire, CCE
98 CHILI : retour de la coniance et
belles perspectives
Par Louis des Cars, CCE
Asie-Paciique
100 La locomotive mondiale
asiatique
Par Jacques Gravereau, CCE
108 JAPON : une plus
grande ouverture
Par les CCE Japon
112 CHINE : déis et réussites
Par Jacques Gravereau, CCE
116 CORÉE DU NORD : le vrai visage
du pays
Par Jacques Gravereau, CCE
 Sommaire
120 INDE : une impulsion nouvelle
Couverture : © Maxger/ISTOCKPHOTO - PHOTOS SOMMAIRE (de g. à d.) : © psdesign1/FOTOLIA - © Corbis. All Rights Reserved -
Par les CCE Inde
122 AUSTRALIE : l’Australie
continue de surfer sur la vague
Par Didier Guérin, CCE
Eurasie
126 2018 : année de toutes les
opportunités pour la France
Par Gilles Rémy, CCE
Proche
et Moyen-Orient
132 Une éclaricie qui pourrait
s’élargir
Par Jacques de Lajugie
141 ARABIE SAOUDITE : la
construction d’un quatrième
royaume
© INchendio/ISTOCKPHOTO - goh chin heng/FOTOLIA
Par Jacques Bourgeois, CCE
Afrique
148 L’entreprenariat : un impératif
à relever
Par Loïc Tribot La Spière et
Henri-Nicolas Fleurance
156 ALGÉRIE : un potentiel de
développement, mythe
ou réalité ?
Par Michel Bisac, CCE
160 AFRIQUE DU SUD : on repeint
l’arc-en-ciel
Par Jérôme Boyet, CCE
Hors série - Entreprendre à l’international
6
 Baromètre CCE
Les entreprises françaises
internationalisées sont compétitives
La situation préoccupante de nos échanges extérieurs en 2017 – le
déicit est considérable et le taux de couverture des importations par les
exportations atteint un bas historique – pose à nouveau la question des
causes de la faiblesse de notre économie dans l’échange international.
Par Bruno Durieux
S
i l’on écarte une
supposée propension
« congénitale » de la
France au déicit exté-
rieur, que rien ne justi-
ie, et que des excédents passés
DR
ont plusieurs fois démenti, il
BRUNO DURIEUX reste trois catégories de causes :
Président les termes de l’échange, la
d’honneur et
administrateur du
conjoncture économique et la
Cnccef, créateur compétitivité. Les variations
du baromètre des termes de l’échange n’ont
des CCE.
sans doute pas joué un rôle si-
gniicatif sur notre solde com-
mercial en 2017. La conjoncture
non plus dans la mesure où la
reprise économique est mon-
diale, où la croissance en France
se compare à celle de ses parte-
naires commerciaux et où elle
ne crée pas avec eux de déca-
lage conjoncturel. La demande
adressée à la France a été sou-
tenue en 2017, tandis que nos
exportations stagnaient. Il est
probable que nos parts de mar-
chés dans le monde ont encore
reculé. C’est donc la compétiti-
vité de notre économie qui est
en cause.
Compétitivité intrin-
sèque, compétitivité
extrinsèque
De quelle compétitivité parle-
t-on ? On distingue souvent, de
manière pertinente, la compé-
Entreprendre à l’international - Hors série
La compé- titivité prix et la compétitivité
titivité de hors-prix. On distinguera ici
plutôt, ce que l’on pourrait
notre éco-
appeler la compétitivité in-
nomie est trinsèque de notre appareil
en cause. productif, de sa compétitivité
extrinsèque. La compétitivi-
té intrinsèque des entreprises
se rattache à leurs capacités
propres, à leurs performances
propres : leur niveau technolo-
gique, leur maîtrise des proces-
sus de production, la structure
de leur capital et leur solidité
inancière, leur position dans
leurs marchés, leurs perfor-
mances managériales, leurs
investissements (notamment
en R&D)… Leur compétitivi-
té extrinsèque est ce qu’elles
doivent (ou ne doivent pas)
à l’écosystème économique
dans lequel elles évoluent. La
compétitivité extrinsèque est
déterminée par les caractéris-
tiques de leur environnement
politique, économique iscal,
social, inancier, juridique, ré-
glementaire, par les infrastruc-
tures dont elles bénéicient…
Elle porte sur des paramètres
voisins de ceux qui déter-
minent l’attractivité d’un pays.
La compétitivité prix est
partiellement dépendante des
paramètres de la compétitivi-
té extrinsèque (coûts d’accès
 7

aux infrastructures, iscalité, entreprises françaises afichent ment, l’indicateur étant dans
charges sociales, salaire mi- le meilleur jugement sur leur cette zone, le plus souvent, su-
nimum…). La compétitivité compétitivité. Supérieur de 2 périeur à la moyenne mondiale.
hors prix est assez proche de à 5 points à la moyenne mon- Le cas de l’Europe retient l’at-
la compétitivité intrinsèque, diale, cet écart positif apparaît tention : en Europe du Nord
sans toutefois se confondre tout au long de la période, ré- (Grande-Bretagne et pays nor-
avec elle. gulièrement et constamment. diques), la compétitivité est
Le baromètre des CCE permet S’agissant de l’économie sans jugée faiblement positive, net-
d’approcher indirectement et doute la plus libérale et la plus tement en retrait de la moyenne
qualitativement la part intrin- concurrentielle du monde, c’est mondiale, comme si nos entre-
sèque de la compétitivité. In- un constat encourageant. prises étaient à la peine sur ces
terrogés mensuellement depuis Très différente est la situation marchés. En Europe continen-
sept ans sur l’évolution de leur au Proche et Moyen-Orient tale (y compris la Russie), les
compétitivité, de leurs marges (PMO) où nos entreprises se performances oscillent depuis
et de leur prix, les CCE appor- jugent insufisamment com- trois ans autour d’un niveau
tent en effet, par leurs réponses, pétitives, ainsi qu’en Amérique proche de la moyenne mon-
des indications précieuses (et latine (sauf en in de période). diale, ce qui correspond à de
uniques) sur leur position Cela tient probablement au bonnes positions compétitives.
concurrentielle dans les zones contexte politique et économi- Ainsi, tout se passe comme si
géographiques où leurs entre- que particuliers de ces régions. nos entreprises étaient partout
prises opèrent. On dispose là Sur les marchés de l’Asie et de dans le monde bien armées face
d’une approximation de leur l’Océanie, où la concurrence est à la concurrence internationale,

trois régions : l’Amérique 

compétitivité intrinsèque, c’est- sévère, les entreprises françaises et n’en souffraient que dans
à-dire de leurs capacités à faire se jugent au contraire positive-
face à la compétition, indépen-
damment de l’environnement
économique national.
Évoo ! " #o$%&'&
Jugements positifs !d !(!%(d!d e("a"d!d
pour la compétitivité… (moyenne mobile 6 mois)
Le jugement porté par les
CCE sur la compétitivité de
leurs entreprises à l’interna- 25
tional est clairement positif, 20
Amérique
et ceci sur l’ensemble des sept 15 du Nord
années couvertes par l’enquête. 10 Monde

L’indicateur pour l’ensemble 5


du monde oscille entre +8 et 0  
+15, et apparaît très stable en -5
6
dé 0

tendance.1 Les dirigeants des

10

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dé

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m

entreprises françaises interna-

tionalisées que sont les CCE
expriment ainsi une apprécia- 20 
tion globalement positive, peu Oc

15
sensible aux luctuations de la 
10 

conjoncture mondiale, sur leur   
1. L’indicateur est
compétitivité intrinsèque. constitué du solde des
5

L’examen par grandes régions réponses en pourcen- 0

tage des entreprises qui
géographiques fait ressortir disent que leur compéti- -5
des différences assez sensibles.
6
dé 0
10

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5
3

14
11

tivité s’améliore et celles

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dé
dé

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m

qui disent qu’elle se

C’est en Amérique du Nord, détériore au cours des
États-Unis et Canada, que les trois mois passés.

Hors série - Entreprendre à l’international

 8

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Entreprendre à l’international - Hors série

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 9

 Baromètre CCE

 latine, le PMO, mais aus- Coniants

si chez nos voisins d’outre- Év/0123/4 567 89:g67 567 642:6;:3767 <:94=93767
sur leur (moyenne mobile 3 mois)
Manche et ceci, indépendam-
ment du Brexit, mais peut-être compétiti-
lié à la dépréciation de la livre. vité, les CCE
se montrent 15
... et réservés sur 10

les marges réservés 5 Asie-

Océanie
Coniants sur leur compétitivité, sur leurs 0 Monde
-5 Amérique
les CCE se montrent réservés sur marges. du Nord
-10
leurs marges. L’indicateur qui ex- -15
prime leur jugement sur celles- -20
ci1 n’a jamais été positif depuis le

16
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dé
dé

dé
dé

dé
m
début de l’enquête. Il oscille, sans
tendance identiiable, autour
d’un niveau moyen légèrement 10 Europe
de l'Ouest
négatif (environ -5). Cette ap- 5 )*+,-.
0 de l'Est
préciation réservée devrait être
-5 Monde
précisée par des investigations -10
plus approfondies.2 Elle pourrait, -15
par exemple, exprimer simple- -20
-25
ment le désir de marges plus éle- -30
vées de la part des CCE.

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dé

dé
dé

dé

dé
m

Mais ce jugement global légère-

ment négatif est cependant in-
téressant : il renforce les vues se-
lon lesquelles les délocalisations
obéissent moins à la recherche de
« superproits » qu’à la nécessité
pour une entreprise à vocation
exportatrice et internationale,
de s’installer à proximité de ses
donneurs d’ordre étrangers, de
ses partenaires étrangers ou de
ses marchés de consommation.
Les marges se redressent avec la
conjoncture. On le vériie ici :
elles s’améliorent dans toutes
les régions du monde avec la re-
prise mondiale en cours. Mais le
jugement moyen sur la période
fait apparaître d’intéressantes
différences entre régions. C’est
en Amérique du Nord qu’elles
jugent leurs marges le plus fa-
vorablement, zone où elles s’es-
timent le plus compétitives. En
revanche, en Asie-Océanie, les
marges sont jugées en général
moins élevées qu’en moyenne
dans le monde, alors que les
positions compétitives sont plu-
tôt positives. C’est aussi le cas et d’étudier plus en détail l’ac-
de l’Afrique : les marges y sont tivité internationale des entre-
parmi les plus mauvaises de prises françaises internationa-
l’enquête. Est-ce la concurrence lisées. Leur chiffre d’affaires
étrangère qui, dans le cas de international est beaucoup
l’Afrique, bouscule des positions plus important que le mon-
françaises historiques, que l’on tant des exportations depuis
cherche cependant à préserver au le territoire français : de cinq à
prix de sacriices sur les marges ? dix fois plus élevé. Comment
Ce point mérite d’être creusé. évoluent leurs implantations,
leur part de marché, leur renta-
1. Il s’agit, comme
pour la compétitivité,
Mesurer le chifre bilité ? Documenter ces points
du solde des réponses d’afaires international est une condition pour mieux
en pourcentage, des Ces analyses tendraient à mettre comprendre les causes profon-
entreprises qui estiment
que leurs marges se hors de cause la compétitivité des et réelles de notre déicit
sont accrues au cours intrinsèque de nos entreprises extérieur, et tenter d’apporter
des trois derniers mois
et celles qui estiment dans le déicit de la balance du à ce déséquilibre préoccupant,
qu’elles ont diminué. commerce extérieur hexagonal ; les bonnes réponses en termes
2. Comme souvent,
dans les enquêtes
elles en feraient plutôt porter la de politique économique. Les
d’opinion, ces résultats responsabilité sur l’environne- CCE, par leurs responsabili-
peuvent être afectés ment économique national, tés à l’international et leurs
d’un « biais à l’origine
des ordonnées » : le point cause d’une compétitivité ex- participations au baromètre
d’équilibre des marges trinsèque médiocre. de la conjoncture mondiale,
correspondrait en fait à
un niveau de l’indica- Il serait très souhaitable de dé- détiennent des connaissances
teur inférieur à zéro. velopper ce type de recherche, inestimables en ces matières. ■

Hors série - Entreprendre à l’international

10

 Analyses

©POOL / GETTY IMAGES ASIAPAC / GETTY IMAGES/AFP

INITIATIVE BRI
Qui a peur des nouvelles
routes de la soie ?
Le lancement à l’automne 2013 par Xi Jinping de l’initiative des nouvelles
routes de la soie, à Astana pour la partie terrestre et à Jakarta pour la
partie maritime, restera un point nodal de l’histoire économique et
politique du XXIe siècle. L’ampleur de ce projet concrétise les ambitions
internationales de la Chine. Quatre ans plus tard, quels premiers
enseignements peut-on tirer de ce vaste canevas censé lier les destins
économiques de trois continents ?

Par Paul Clerc-Renaud, CCE Hongkong et Christophe Granier, CCE France,

coresponsables de l’observatoire de la Chine hors les murs

ficiellement, la BRI paritaire de pilotage n’a encore

(Belt & Road Initiative, vu le jour, un forum a rassem-
ex-Obor, en manda- blé à Pékin en mai 2017 des
rin Yi Dai Yi Lu) ras- représentants gouvernemen-
semble soixante-et- taux de l’immense majorité
onze pays d’Afrique, d’Asie et des pays concernés pour un
d’Europe. Si aucune instance premier point d’étape du pro-

E>?@AB@A>C@A D FGH>?A@>I?HJ>IF - Hors série


jet. Les banques de développe-
ment et plusieurs institutions
inancières nouvelles dédiées
(Asian Infrastructure Invest-
ment Bank, Silk Road Fund,
etc.) ont commencé à distri-
buer les inancements. Lors
de son récent congrès, le Parti
communiste chinois a inscrit le
projet dans sa charte, oficiali-
sant ainsi sa pérennité et ratta-
chant son pilotage au chef de
l’État chinois.
Certains projets de l’initiative
ont été lancés et de larges por-
tions déjà achevées. La prio-
rité donnée aux réalisations
d’infrastructures (ferroviaire,
maritime, de télécommuni-
cation et d’énergie) n’a pas
empêché le gouvernement chi-
nois d’avancer dans d’autres
domaines aussi divers que la
communication, l’environne-
ment, la haute technologie et
l’espace.
Le rail intercontinen-
tal, colonne vertébrale
du projet
La liaison ferroviaire est le pivot
initial choisi pour développer
l’initiative ; la construction de
réseaux ferrés répond parfai-
tement aux objectifs : utiliser
les surcapacités de l’industrie
chinoise en matériels ferro-
viaires, acier, matériaux et
équipements, renforcer le rôle
géopolitique du pays, ouvrir
de nouvelles voies de commu-
nication vers l’Asie et l’Europe
en désenclavant l’Ouest chinois
et faciliter à la fois les exporta-
tions chinoises et les approvi-
sionnements énergétiques ainsi
que l’émergence de champions
mondiaux.
L’expérience acquise en Chine a
permis aux sociétés du secteur
(CRRC et CRG) de devenir des
leaders en effectuant, à partir
de technologies initialement
importées, un bond techno-
logique spectaculaire. Sur les
marchés étrangers, si l’année
2016 avait permis d’engran-
ger 8,1 milliards de dollars
de commandes, dont le TGV
Jakarta-Bandung, l’année 2017
est en retard sur l’objectif de
9 milliards.
Sur les lignes lancées (exis-
tantes et nouvelles), 2017 a en-
registré un bond spectaculaire
des volumes, des fréquences
et des destinations en matière
de fret. CRC fait état de 3 270
trains en 2017 (plus que le total
recensé depuis le début du ser-
vice China Railway Express en
2011). Les volumes restent mo-
destes (1 000 fois moins que le
fret maritime) mais les échan-
ges Chine-Europe ont crû de
16,2 % sur la même période
et les temps de transit et coûts
du fret sont en forte diminu-
tion. Le rail présente l’avantage
d’être quatre fois moins cher
que l’aérien et plus court que le
maritime (10 à 15 jours contre
30 à 40 par mer).
Le réseau d’infrastruc-
tures portuaires, perle
commerciale
Le cluster maritime chinois
(opérateurs, constructeurs de
ports ou de plateformes lo-
gistiques, compagnies mari-
times) met en place un dis-
positif portuaire et logistique
global dans le cadre de la BRI
avec l’appui inancier massif
des institutions inancières
chinoises. China Merchants et
Cosco contrôlent et gèrent res-
pectivement déjà vingt-neuf
ports dans quinze pays et
quarante-trois terminaux dans
treize pays. La priorité est allée
aux ports stratégiques pré-
sentant des dividendes géo-
11
Phases du projet BRI
2013-2016 2016-2021 2021-2049
SOQRNTUQtNKR
MKLNONPQtNKR MNPV VR WOQUV
Source : BBVA
Les inten- politiques, économiques et
logistiques immédiats comme
tions écono-
Gwadar au Pakistan, Djibouti
miques de en Afrique ou Le Pirée pour
la BRI sont l’Europe centrale.
évidentes :
Corridors déclarés
ouvrir la et itinéraires
Chine sur le opportunistes
Parmi les trois liaisons nord-sud,
monde et le
la méiance de l’Inde a condamné
monde à le corridor économique Chine-
la Chine. Myanmar-Bangladesh-Inde à res-
ter à l’état de vœu, laissant l’es-
sentiel des réalisations au cor-
ridor Chine-Pakistan qui relie
le Xinjiang au golfe d’Oman
et l’axe Yunnan-Singapour qui
a surmonté les tensions nées de
la situation en mer de Chine
du Sud. Les axes est-ouest ori-
ginaux ont également vu leurs
tracés évoluer au gré de résis-
tances locales (Turkménistan
lié au Japon dans un projet
concurrent, Russie tentant
d’arbitrer des décisions consi-
dérées comme trop directe-
ment dictées par la Chine)
et de rapprochements orches-
trés à coups de subventions
massives (prêts colossaux à
l’Iran, cour appuyée aux pays
de l’Europe de l’Est).
En matière maritime, la re-
lation stratégique avec le Sri
Lanka a connu quelques heurts
et des pays de la côte orientale
africaine ont été rattachés a
posteriori à l’axe Océan indien-
Méditerranée. La liaison ma-
ritime par l’Arctique pourrait
d’accession à la BRI, et 
gagner ses lettres de noblesse
Hors série - Entreprendre à l’international
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 Analyses
MOSCOU
Rotterdam
Venise
Istanbul
ATHÈNES
 des corridors aériens sont
en cours de développement ra-
pide, contredisant l’aspect bi-
naire terre/mer du projet initial.
Le projet semble avoir trou-
vé aujourd’hui son équilibre
spatial, mais certains pays res-
tent ostracisés (Arménie) ou à
l’inverse choyés (Belarus) pour
des raisons politiques.
Une pensée politique
composite et
accommodante
Si les intentions économiques
de la BRI sont évidentes (ou-
vrir la Chine au monde et le
monde à la Chine), ses impli-
cations politiques restent pour
certains pays partenaires – et
adversaires – obscures voire
dangereuses. Le chevauche-
ment d’alliances et de cercles
d’inluence existants avec
l’initiative elle-même n’est pas
Nouveau pont
continental eurasien
NELB
Corridor économique
Chine-Asie centrale-Asie
de l’Ouest
CCWAEC
TÉHÉRAN
Corridor
économique Gwadar
Chine-Pakistan
CPEC
DJIBOUTI COLOMBO
NAIROBI
Routes maritimes
Les six corridors économiques terrestres
fait pour éclaircir la situation,
et le choix parfois considéré
comme arbitraire des escales
d’aboutissement des routes n’a
pas fait que des heureux.
Pour cette raison, les autori-
tés chinoises ont conservé un
lou artistique sur le périmètre
exact de l’initiative, laissant
des opportunités de rattache-
ment ouvertes. La communi-
cation qui a accompagné les
débuts de l’initiative (les cinq
« tong » : coordination des po-
litiques, connexion des trans-
ports, liberté du commerce,
intégration inancière, lien
entre les peuples) s’est afinée
et tourne aujourd’hui autour
d’un leitmotiv ternaire : « Ou-
verture, Concertation, Par-
tage »1. Englobant l’ensemble
du projet sur le plan des objec-
tifs, cette trilogie peut être éga-
lement considérée comme la
13
Corridor économique
Chine-Mongolie-Russie
CMREC
Ouroumtchi
Kachgar PÉKIN
Corridor économique Xi'an
Bangladesh-Chine- Shanghai
Inde-Birmanie
BCIMEC Fuzhou
Kunming Canton
Calcutta
Hanoi
Corridor économique
Chine-péninsule indochinoise
SINGAPOUR CICPEC
JAKARTA
Source : Merics, Xinhua
Au-delà des suite chronologique des étapes
routes, une à atteindre dans l’esprit des
dirigeants chinois. L’ajuste-
pensée poli- ment est constant et certaines
tique lexible craintes plus ou moins expri-
autour de mées par les pays concernés ont
fait l’objet d’adoucissements
trois axes : eficaces (inclusion d’une vi-
« Ouverture, sion environnementale volon-
Concertation, tariste contredisant l’expor-
tation, crainte de capacités de
Partage ». production polluantes, projets
spéciiques en faveur de petits
pays enclavés, etc).
L’afichage de cette lexibilité
a pour objectif inal la réussite
économique du projet qui doit
permettre à la Chine de fran-
chir un nouveau palier de sa
1. Cité par Zhu Jing, croissance. Dans l’immédiat,
directeur général il est sous-tendu par l’ampleur
adjoint du département
européen du ministère des moyens inanciers néces-
des Affaires étrangères saires à son achèvement, la
ne pourra pas y pourvoir 
chinois à Paris le 29
novembre 2017 lors du
Chine étant consciente qu’elle
Forum BRI.
Hors série - Entreprendre à l’international

Les nouvelles routes de la soie passent par Marseille
et son port ouvert sur le Monde et lien historique entre l’Asie,
l’Europe et l’Afrique
Lors de son premier voyage officiel
en Chine, le Président Macron a indi-
qué « ma volonté est que la France
et l’Europe (…) soient au rendez-vous
offert par la Chine ».
Le Comité PACA & Corse des Conseillers du
Commerce Extérieur de la France, présidé
par Alain MEYSSONNIER, partage pleine-
ment cette vision et confirme sa volonté
d’engagement dans le programme
chinois des nouvelles routes de la Soie.
S’appuyant sur l’expertise des CCEF du
Comité Chine présidé par Jean-Michel
PIVETEAU qui ont constitué un groupe
de travail dédié, le Comité PACA & Corse
n’a eu de cesse depuis plusieurs années
que de souligner auprès des collectivités
publiques et des entreprises de la Région
et de Aix-Marseille-Provence Métropole,
l’impérieuse nécessité de s’inscrire dans
ce programme. Bruno LEFEBURE, avocat,
CCEF depuis 2004, installé en Chine de lon-
gues années et à Marseille maintenant, a
ainsi rédigé à l’attention de ses pairs et des
pouvoirs publics locaux, des notes d’infor-
mation sur le sujet depuis 2015.
Marseille Provence est le territoire fran-
çais par excellence pour permettre à la
France de s’inscrire dans le programme
des routes de la Soie et de s’ancrer ainsi
dans la continuité des travaux des 65
pays qui participent déjà à ce pro-
gramme. Marseille est le lien écono-
mique historique entre l’Asie, l’Europe
et l’Afrique. Du haut de ses 2600 années
d’histoire, Marseille s’inscrit dans une
forte tradition commerciale maritime et
terrestre vers le monde entier. Marseille
a démontré qu’elle était la porte de
PUBLI RÉDACTIONNEL
passage entre l’Asie et
l’Afrique.
Le territoire de Mar-
seille Provence dis-
pose de toutes les
liaisons et dessertes
nécessaire : plus grand
port de France, plus
grande gare de triage
ferroviaire en Europe,
grande capacité aéro-
portuaire, infrastruc- grossistes chinois du textile nouvelle-
tures routières et fluviales. Grande ca- ment installés à Marseille.
pacité aéroportuaire, 1er aéroport français
régional pour le Fret express,...
Plus récemment encore, le 9 janvier der-
Fort de ce constat, le mode économique nier, à l’occasion de la visite du Président
du territoire, en partenariat avec les Macron en Chine, un accord a été signé
CCEF, s’est réuni Marseille les 26 et 27 oc- lançant la phase finale de négociation
tobre dernier en présence de représen- pour l’accueil sur le port de Marseille-
tants de l’Ambassade de Chine à Paris et Fos de l’usine européenne du chinois
du consulat général de Chine à Marseille Quechen Silicon Chemical, le N°3 mon-
dans le cadre du 12ème Forum franco- dial de la silice « pour les pneus verts ».
chinois.
Projet accompagné par les CCE de Chine
Le constat fut unanime : notre territoire et de la Région PACA & Corse, et notam-
doit entrer dans le programme OBOR, ment Bruno Lefebure, depuis plus de
devenu BRI, traduit en français par les deux ans.
routes de la Soie.
Tous les intervenants ont souligné leur
souhait de pouvoir utiliser ces routes.
Ce moment a été l’occasion pour les en-
trepreneurs des deux pays d’évoquer le
MIF68, le Marseille International Fashion
Center qui a pour ambition de devenir le
premier projet marseillais labellisé « Belt
and Road Initiative » (BRI), autrement
appelé « route de la soie ». En perspec-
tive la création de 700 emplois par les

 Analyses
 seule. L’indispensable mu-
tualisation des inancements
et des risques apparaît tou-
jours en pointillé derrière les
décisions récentes concernant
la BRI.
Premiers résultats
dans les cercles
d’inluence rapprochés
Le principal bénéficiaire des
investissements liés au projet
est à ce jour Singapour. Mais
il faut noter que 54 % des
investissements ont eu pour
destination des pays à risque
« spéculatif » dont le dévelop-
pement devient dépendant des
prêts chinois ou syndiqués.
Les zones proches de la Chine
ont logiquement été les pre-
mières bénéiciaires de l’ini-
tiative. En Asie du Sud-Est,
les projets d’infrastructures
destinés au développement
du commerce ont contribué
à un certain apaisement des
tensions alors que les implan-
tations chinoises en mer de
Chine méridionale progres-
sent. En Asie centrale et au-
delà vers l’ouest la moderni-
sation des voies ferroviaires a
apporté une activité nouvelle.
L’activité ainsi amorcée est un
levier de rapprochement poli-
tique dont Pékin a besoin pour
développer harmonieusement
ses relations ; le partage a com-
Poids de la BRI dans le monde
Population
Revenu par habitant
Source : UBS, sept. 2017
Commerce international
Produit national brut
Investissement à l’étranger
mencé et il faut le faire savoir.
Grande bénéiciaire, la Chine
continue à se préparer en in-
terne pour ces chantiers du
xxie siècle. La fusion récente
des cimentiers publics CNMB
et Sinoma pour créer la plus
grande société mondiale du
secteur a par exemple pour
objectif d’implanter 100 ci-
menteries le long des routes de
l’initiative.
Toute médaille ayant son re-
vers, certains projets labellisés
BRI ont récemment vu leur
avenir compromis, les pays
bénéficiaires rejetant la partie
chinoise au motif des contre-
parties demandées. Le Népal
puis le Pakistan vont financer
par d’autres moyens des pro-
jets de barrages apparemment
assortis de conditions de ges-
tion et de propriété excessives.
Dans d’autres domaines que
ceux des infrastructures, du
commerce et des industries
connexes, la Chine profite
déjà du réseau créé. Trente
pays de la route ont déjà adop-
té le système de navigation par
satellite BeiDou et la route de
la soie numérique utilisant
des standards chinois devrait
voir le jour. Pékin avance ses
pions, organisant sous le label
BRI des évènements culturels
et créant des établissements
d’enseignement dédiés. Cet
aspect de l’initiative est dirigé
vers des pays parfois éloignés
des premiers cercles.
Objectifs connexes, les déve-
63 % loppements de l’usage inter-
national de la devise et de la
54 %
langue chinoise sont suivis
avec attention par les res-
35 %
ponsables de Pékin. Partie
intégrante du soft power, ces
35 %
deux facteurs doivent bénéfi-
26 % cier à terme de la BRI tout en
contribuant à sa réussite.
Hors série - Entreprendre à l’international
15
Au bout des routes,
l’Europe est la cible
ultime
Si les déclarations des respon-
sables chinois ménagent pru-
demment les pays situés hors
zone BRI (Amérique latine,
Afrique occidentale, Paciique)
en annonçant des retombées
positives planétaires, la rai-
son d’être originale du projet
persiste : relier l’Asie orientale
à l’Europe. Les réactions mi-
tigées de certains pays de la
pointe occidentale du vieux
continent ont déterminé la
Chine à renforcer son approche
économique vis-à-vis des pays
de la frange orientale (groupe
des seize +1) et à lancer des
initiatives plus diversiiées à
l’attention des pays dévelop-
pés de l’Union européenne.
Déjà impliqués et convaincus,
l’Espagne, le Portugal et sur-
tout le Royaume-Uni qui voit
là une alternative inespérée à
un Brexit douloureux, ont pris
une certaine avance. Terminus
de plusieurs lignes ferroviaires,
l’Allemagne et les Pays-Bas ont
emboîté le pas après une pé-
riode d’observation.
En France, la réaction a été
lente malgré des initiatives lan-
cées par la région Auvergne –
Rhône-Alpes. L’année 2017
a marqué un tournant avec
un intérêt accru et une action
plus volontariste des respon-
sables chinois. Deux forums
(Marseille en octobre, Paris en
novembre) ont apporté une in-
formation parfois manquante
et tissé des liens fondateurs
entre institutions, organismes
agricoles et commerciaux et
cercles de rélexion. Sur le plan
des réalisations concrètes, le
cinquième dialogue écono-
niveau tenu à Pékin début 
mique et inancier de haut
16

Entreprendre à l’international - Hors série

 17

 Analyses

 décembre a entériné des

projets communs, industriels LES VOIES FERROVIAIRES
et environnementaux qui
pourraient être en partie label-
lisés BRI.

Prochaines étapes,
limites et avantages
Dans l’esprit de ses promoteurs
chinois de la BRI, ce projet du
siècle, doit être jaugé à l’horizon
critique du centenaire de la
République populaire en 2049.

© ANDREA BRUCE/The New York Times-REDUX-REA

À cette date, une vitesse de croi-
sière doit avoir été atteinte pour
fournir à la Chine un réservoir
de croissance sufisant.
Les efforts déployés jusqu’à pré-
sent ont porté leurs fruits et des
circonstances externes ont favo-
risé le développement du pro-
jet ; l’accession au pouvoir de
Donald Trump aux États-Unis
KHORGOS
a créé un appel d’air laissant Gare de triage
Pékin prendre le lambeau de à la frontière du
Kazakhstan.
la libéralisation commerciale.
Les déis restant à relever sont
cependant importants :
Le TGV Jakarta-Bandung a été acté en 2016. Le projet stratégique de la ligne
• Les risques inanciers consti-
Kunming-Singapour progresse au Laos et en Thaïlande mais n’est pas acquis pour le
tuent le premier obstacle. Ils tronçon Kuala Lumpur-Singapour qui va être mis en appel d’offres dans les mois qui
sont d’ordre à la fois quantita- viennent.
tifs (les besoins de inancement
Le grand projet Eurasia reliant Berlin à Urumqi devrait être construit d’ici 2028 ;
dépassent les capacités dispo-
pour l’instant, seuls les 700 kilomètres de Moscou à Kazan ont fait l’objet d’un
nibles de pays déjà endettés, en design chinois et les 200 kilomètres de Moscou à Vladimir ont été lancés. Une ligne
particulier la Chine) et quali- reliant Harbin à Vladivostok a été approuvée.
tatifs (certains pays sont ou se-
ront insolvables). Des avancées existent dans le Caucase (tronçon BTK Azerbaïdjan-Géorgie-Turquie
de la ligne Londres-Pékin), en Turquie (Istanbul-Ankara), en Iran (Téhéran-
• L’extension territoriale et la di-
Machhad), en Europe de l’Est où le projet Belgrade-Budapest se heurte aux règles de
versité des pays de la BRI, freins concurrence de l’Union et en Afrique où la ligne Mombasa Nairobi a été inaugurée
à un approfondissement des après Djibouti-Addis-Abeba.
liens, peuvent limiter à terme
les échanges et les objectifs à Des chargeurs très divers (Decathlon, Ikea) sont en train de se convertir au rail et
les transitaires (DB Schenker, Bolloré), d’abord dubitatifs, offrent maintenant une
atteindre.
grande variété de services et de modalités (vêtements sur cintres, températures
• Le contenu logiciel des inten- contrôlées, suivi en ligne des marchandises). Le fret s’est diversiié (bois et matériels
tions de la BRI peut générer de construction de Kubota en Finlande, automobiles allemandes de Munich, biens
des tensions dans des pays ou de consommation chinois vers la Pologne, matériel de forage vers l’Ukraine). La
ensembles régionaux anxieux ligne Wuhan-Lyon est appelée à devenir pérenne.
de voir leurs normes évoluer
Des centres de transfert actifs se sont développés aux extrémités et le long des voies
fatalement vers des standards comme Khorgos à la frontière du Kazakhstan. D’autres suivent, comme en Belarus
chinois. et en Pologne. ■

géopolitique ne sont pas à  

• Les complications d’ordre

Hors série - Entreprendre à l’international


Une nouvelle perception du monde
Grâce à ses logiciels uniques, Arkamys, PME française de haute technologie (75% du CA à
l’international) redonne au son une place aussi essentielle que l’image dans notre perception du
monde.
PHILIPPE TOUR CEO ARKAMYS
Arkamys
L’excellence au service
du son
L’équipe : plus de cinquante
passionnés du son, ingénieurs
de développement, acousticiens,
musiciens, « oreilles d’or »
(équivalent-son des «nez » des
parfumeurs). Multiculturels, tous
fondus d’innovation, ils par-
courent la planète : Paris, Shan-
ghai, Séoul, Tokyo, San Francisco
et multiplient les brevets dans
un seul but : Improve the audio
experience.
L es technologies du 21éme siècle, en
autorisant l’avènement des écrans et
la multiplication des illustrations, ont
tellement favorisé l’image au détri-
ment du son que le visuel nous paraît
souvent plus riche d’informaions que
l’audio. Mais cette hiérarchie est fausse.
Tant que des outils plus performants à
1
Première mondiale du 18 décembre 2017 : retransmission Live sur Facebook en son 360° et vidéo du concerto pour piano n° 27 de Mozart, avec Nicolas
Angelich, sous la direction de Yannick Nézet-Seguin.
la captation comme à l’émission du son
n’existaient pas, qui s’en apercevait ? Les
logiciels d’Arkamys, qui remettent nos
oreilles au cœur de nos perceptions du
monde ont changé la donne.
L’équilibre qu’il y a plus d’un siècle les
technologies du moment avaient rom-
pu, est aujourd’hui restauré par des
technologies nettement plus récentes.
L’impact de ces découvertes sur toutes
les activités humaines est énorme, à la
taille des marchés qu’elles commencent
à générer.
Automobile : plaisir et sécurité
Leader mondial du son, Arkamys tra-
vaille principalement sur deux axes de
développement, le confort et la sécurité
grâce à des algorithmes de spatialisation
du son.
Dans l’automobile, son premier secteur,
il œuvre à l’intérieur du véhicule pour
un plus grand confort, notamment dans
la qualité de restitution de la musique,
mais aussi à l’extérieur de l’habitacle,
avec la mise en place de signatures
sonores, indispensables aux véhicules
électriques devenus silencieux. Mais au-
delà du confort d’écoute, Arkamys amé-
liore aussi l’aide à la conduite. La spatia-
lisation des alertes, émises de l’endroit
d’où provient le danger (dépassement
inopiné, véhicule venant d’un angle
mort arrière…) diminue la fatigue céré-
brale de l’automobiliste. Avec 43 millions
de véhicules équipés en huit ans, la PME
PUBLI RÉDACTIONNEL
française assure déjà 18% d’un marché
mondial en pleine expansion. Son am-
bition, atteindre les 30% en 2020. Parmi
les marques ainsi équipées, on retrouve
Renault, Nissan, Hyundai, KIA, Skoda,
Peugeot, Citroën ou les chinois Rowe,
NIO, SAIC, Dongfeng…
Loisirs : le Live 360° une expé-
rience unique
Qu’il s’agisse de l’immersion lors d’un
concert Live1 ou de la diffusion de films
ou vidéos, Arkamys, expert de la French
Tech en spatialisation du son 360°,
propose des expériences immersives
uniques. L’auditeur (ou spectateur) re-
cevant les sons selon l’endroit où ils ont
été captés vit les scènes, de spectacle ou
naturelle, comme s’il y était, au milieu
des musiciens ou des éléments qui dé-
filent sur l’écran.
Arkamys, déjà actif dans les Smart-
phones, avec 45 millions de modèles
en circulation : Alcatel, TCL, ZTE, entre
autres, voit son avenir en grand. Son
ambition: « adresser tout appareil fai-
sant du son : TV, casque, barre de son,
robot », avec toujours la même approche
: améliorer l’expérience audio grâce aux
logiciels de spatialisation.
Pour demain, au-delà du son « pro-
duit physique », c’est à nos oreilles qu’il
s’adresse avec une personnalisation du
son et de ce qui est précisément audible
pour chaque personne.

 Analyses
 exclure dans un monde
en voie de réorganisation où
certains intérêts contraires à
ceux de la Chine peuvent coa-
guler. Le dialogue quadrilatéral
sur la sécurité1 est à ce titre une
menace pour la BRI, bien que
l’Australie ait récemment pris
ses distances vis-à-vis de ses
alliés américain, japonais et in-
dien. Pour l’instant contrainte,
la position de la Russie peut un
jour évoluer au vu des menaces
que fait planer l’initiative sur
l’Union économique eurasia-
tique qui est son pré carré. Les
risques d’ordre terroriste font
l’objet d’une attention parti-
culière de la part de la Chine
dont la puissance militaire se
renforce considérablement.
Pour les pays invités par la
Chine à rejoindre le projet,
l’attrait l’emporte aujourd’hui
encore sur les menaces poten-
tielles. À l’affût de nouveaux
moteurs de croissance, les pays
développés comme l’Allemagne
ou la France considèrent l’ad-
hésion aux projets de la BRI et
à la quasi-communauté doua-
nière qui pourraient un jour
résulter de la BRI comme
l’avantage premier de main-
tenir la Chine et ses marchés
satellites d’Asie du Sud-Est et
d’Asie centrale ouverts dans
une compréhension mutuelle.
Dans les régions dont le déve-
loppement futur est promet-
teur (Afrique, Moyen-Orient),
ces mêmes pays européens ont
tout avantage à coopérer dans
des projets communs avec la
Chine plutôt que d’avancer
à découvert en concurrents
afirmés. ■
1. Le dialogue quadrilatéral de sécurité, initié
en 2007, est un dialogue informel stratégique
qui rassemble l’Australie, l’Inde, les États-Unis
et le Japon, basé sur leurs intérêts communs
dans la région indo-pacifique.
19
LES VOIES PORTUAIRES
SRI LANKA
Port de Colombo,
un exemple
d’investissement
chinois.
© JOYT / ISTOCKPHOTO
• Gwadar au Pakistan est le débouché de l’Ouest chinois sur la mer d’Arabie. Son
terminal relié à Kachgar par oléoduc est l’assurance pour la Chine contre le blocage du
détroit de Malacca. China Overseas Ports a obtenu le contrôle du port et a sous-traité sa
rénovation. Un don chinois servira à construire hôpital et aéroport et à traiter les eaux.
• Au Sri Lanka, China Merchants a investi dans un terminal du port de Colombo et a
pris le contrôle pour quatre-vingt-dix-neuf ans du port de Hambantota en s’engageant à
moderniser les installations. Un projet chinois de rafinerie et un terminal de LPG y sont
prévus.
• La crainte pour le détroit de Malacca explique également en partie l’investissement de
Citic dans 70 % du port birman de Kyaukpyu. Une zone industrielle et des installations
pétrolières et gazières complètent l’arrivée du pipeline relié au Yunnan.
• En Afrique, l’implantation la plus stratégique est Djibouti où l’armée chinoise a installé
une base militaire. China Poly Petroleum y a un projet de liquéfaction, de terminal LNG
et de gazoduc relié au bassin de l’Ogaden. Djibouti est également le terminal du chemin
de fer d’Addis-Abeba construit par la Chine. Une zone franche y sera gérée par China
Merchants. Au Kenya, Lamu est le débouché des gisements d’hydrocarbures du Soudan
du sud.
• En Méditerranée, Cosco possédait déjà 65 % du terminal de Kumport près d’Istanbul
lorsqu’il a jeté son dévolu sur Le Pirée, porte d’entrée idéale pour l’Europe centrale via
le réseau ferré Athènes-Budapest et bien placé pour prendre la première place portuaire
en Méditerranée. Le gouvernement chinois a engagé des négociations pour le port grec
d’Elefsina et ses activités de vrac, de pétrochimie et de construction navale.
• Ailleurs en Méditerranée, la Chine a investi à Haïfa en Israël (Shanghai International
Group), Valence en Espagne (Cosco/Merchants), Cherchell en Algérie, Vado (entre
Gênes et Nice) et dans le projet de terminal offshore des « cinq ports » de l’Adriatique
Nord. Une concession du port de Koper en Slovénie a également été obtenue par Cosco
ce qui ouvre une autre voie par le Brenner vers l’Autriche et l’Europe centrale.
• Côté Atlantique, Ningbo s’intéresse à Sines au Portugal et Cosco qui possédait déjà
47 % du terminal Euromax de Rotterdam vient d’acquérir Zeebrugge en Belgique dont
il veut faire un hub global stratégique. China Merchants s’intéresse au port de Klaipeda
en Lituanie, bon débouché pour la route ferroviaire. ■
Hors série - Entreprendre à l’international
20

 Analyses
ROBOT MARIN
Un poisson
robot, basé sur
l’intelligence
artiicielle,
développé par
l’entreprise
sud-coréenne
AIRO.

© JKAZUHIRO NOGI/AFP
INTELLIGENCE ARTIFICIELLE
Une technologie stratégique
En quelques années, l’intelligence artiicielle est passée du statut
de fantasme à celui d’enjeu stratégique pour les grandes puissances
mondiales. La maîtrise de cette technologie de rupture pourrait redéinir
les équilibres économiques et géopolitiques.

Par Guy de Rougemont, journaliste indépendant

I
l y a encore peu, l’intelli-
gence artiicielle (IA) était
aux yeux du plus grand
nombre un ingrédient plus
ou moins fantasmatique
des romans et des ilms de
science-iction. Cette percep-
tion s’est modiiée face à l’évolu-
tion très rapide de la technolo-
gie. Rares sont ceux qui doutent
aujourd’hui de l’apparition pro-
chaine des voitures autonomes
dans le paysage urbain.
L’augmentation exponentielle
de la puissance de calcul des
processeurs et des capacités
de stockage, la constitution
d’immenses bases de données
(big data), la multiplication des
objets connectés, la sophistica-
tion croissante des capteurs et,
bien sûr, les progrès des mé-
thodes algorithmiques (dans le
domaine de « l’apprentissage
profond » en particulier) sont
les principaux vecteurs de cette
accélération.
Outre ses multiples aspects
sociétaux et éthiques, cette ré-
volution technologique laisse
présager un bouleversement du
marché du travail, même si les
prévisions sur ce point varient

Entreprendre à l’international - Hors série


considérablement. Selon une
étude menée par des chercheurs
des universités d’Oxford et de
Yale, basée sur les réponses de
350 experts, l’intelligence ar-
tiicielle pourrait remplacer
l’homme dans de nombreux
domaines d’activité au cours des
cinquante années à venir, pro-
voquant un chômage structurel
massif. D’autres analystes jugent
ces prédictions irréalistes, ou as-
surent que les avancées techno-
logiques créeront autant d’em-
plois qu’elles vont en détruire.
Selon le think tank californien
IFTF (Institute for the Future),
85 % des métiers qui existeront
en 2030 sont encore inconnus
aujourd’hui. Parmi ces profes-
sions du futur : « coach de ro-
bots », « détective de données »,
« sherpa de magasin virtuel »
ou « coordinateur humain-
machine »… En outre, de mul-
tiples facteurs sont à prendre
en compte. Le vieillissement de
la population dans les pays in-
dustrialisés, par exemple, va gé-
nérer la création de dizaines de
milliers d’emplois de proximité
qui compenseront l’impact de
l’IA sur le secteur de la santé.
Pour l’instant, l’intelligence ar-
tiicielle est surtout employée
dans les domaines du numé-
rique (assistants personnels,
chatbots, outils de traduction
instantanée et de reconnaissance
visuelle, publicités ciblées, mo-
teurs de recherche), de la mé-
decine (diagnostic, détection),
et de la inance, ilière où son
impact est particulièrement sen-
sible : la banque d’affaires new-
yorkaise Goldman Sachs em-
ployait 600 traders sur le marché
des actions en 2000, ils ne sont
plus aujourd’hui que… deux.
Et à travers l’Europe, de nom-
breuses institutions inancières
automatisent les tâches de ges-
tion de la clientèle. Le prochain
secteur concerné sera celui des
transports, avec la mise en circu-
lation des véhicules autonomes.
Et au rythme auquel la re-
cherche progresse tous azi-
muts, les applications de l’IA ne
peuvent que se multiplier. Les
géants du numérique se livrent
à une course à l’innovation, et
les investissements dans les star-
tups spécialisées sont passés de
415 millions de dollars en 2012
à 5 milliards en 2017, selon le
cabinet d’études CB Insights.
La société d’analyses Tractica
estime de son côté que le mar-
ché de l’intelligence artiicielle
pour les applications en entre-
prise s’élèvera à plus de 36 mil-
liards de dollars en 2025, pour
643 millions aujourd’hui. Une
troisième étude, réalisée par le
cabinet PwC, prédit que l’intel-
ligence artiicielle contribuera à
hauteur de 15,7 trillions de dol-
lars à l’économie mondiale en
2030, soit plus que le Pib actuel
cumulé de la Chine et de l’Inde !
Perçue comme le facteur de
compétitivité majeur des dé-
cennies à venir, l’IA est donc
désormais un enjeu stratégique
pour les grandes puissances
économiques.
Amérique du Nord :
une longueur d’avance
Les grands acteurs améri-
cains du numérique ont été
les premiers à se lancer dans
ce nouveau champ d’innova-
tion. Après avoir fait la tour-
née des centres universitaires
du monde entier pour déni-
cher les meilleurs spécialistes
en IA, ils se sont emparés des
startups les plus prometteuses.
Google a acquis douze sociétés
en quatre ans, dont la société
londonienne DeepMind, consi-
dérée comme un des leurons
21
85 %
du secteur. Apple arrive en se-
conde position avec huit acqui-
sitions, devant Facebook (six),
des Microsoft (cinq), Intel (cinq),
métiers qui Amazon et Twitter (quatre ac-
existeront quisitions chacun). Selon CB
en 2030 Insights, plus de trente startups
dédiées à l’IA ont été rachetées
sont encore
au cours du seul premier tri-
inconnus mestre de l’année 2017, et le
aujourd’hui. mouvement se poursuit.
En conséquence, les centres de
recherche des grands groupes
de high tech s’étoffent à vive al-
lure. Créée en 2016, la division
IA de Microsoft compte déjà
8 000 employés. Celle de Google
est basée dans la Silicon Valley,
mais pour capter les talents
où qu’ils se trouvent, elle a ou-
vert des antennes à New York,
Cambridge (Massachussetts),
Montréal, Toronto, Londres,
Zurich, et depuis peu, Pékin.
Facebook possède trois labo-
ratoires dédiés à l’IA, situés en
Californie, à Paris et à Londres,
et un quatrième s’apprête à ou-
vrir ses portes à Montréal. Et
IBM – dont les programmes
DeepBlue et Watson ont joué
un rôle historique dans le dé-
veloppement de l’IA – entend
bien rester dans la course. La
société a annoncé l’an dernier
la création de laboratoires à
Cambridge (en partenariat avec
le prestigieux MIT), à Munich
et à Montréal.
Le Canada est en effet un
haut lieu de la recherche dans
cette discipline, fort de la pré-
sence de pionniers tels Geoffrey
Hinton (université de Toronto
et Google) et Yoshua Bengio
(université de Montréal et IBM),
et d’enseignants-chercheurs ré-
putés comme Joelle Pineau
(université McGill et Facebook)
ou Richard Sutton (univer-
La métropole québécoise 
sité d’Alberta et DeepMind).
Hors série - Entreprendre à l’international
 22

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 Analyses
 héberge aujourd’hui la
plus importante communau-
té académique travaillant sur
l’IA. Outre Facebook, Google
et IBM, des multinationales
comme Microsoft, Samsung et
Thales y ont elles aussi installé
des centres de recherche.
L’Amérique du Nord compte
donc aujourd’hui le plus grand
nombre de spécialistes, les en-
treprises les plus en pointe et
les fabricants de processeurs les
plus performants (Intel, Nvidia),
mais l’industrialisation de l’IA
n’en est qu’à ses débuts et les
positions ne sont pas acquises.
Les ambitions
chinoises
En juillet 2017, le gouverne-
ment chinois a inscrit dans un
plan national son objectif de
devenir le leader mondial de
l’intelligence artiicielle. Par une
politique incitative, couplée à
des investissements dans la
formation et les programmes
de recherches universitaires,
la Chine compte accroître son
poids économique dans ce do-
maine à 22 milliards de dollars
d’ici à 2020 puis à 59 milliards
en 2025, ain de devenir la pre-
mière puissance de l’IA au dé-
but de la décennie suivante.
Aux yeux des analystes, cet ob-
jectif n’a rien de chimérique. En
premier lieu, la Chine possède
un marché intérieur énorme, et
une population friande d’inno-
vation technologique qui génère
à elle seule, selon The Economist,
presque autant de données que
le reste du monde. Or, les don-
nées sont le « carburant » de
base qui permet aux systèmes
d’intelligence artiicielle d’ap-
prendre et de se perfectionner.
Plus ils en analysent, plus ils
deviennent pertinents. Qui plus
est, l’accès à cette masse d’infor-
mations est très peu réglementé,
et les consommateurs chinois
se soucient pour l’instant assez
peu de la protection de leurs
données personnelles, ce qui
laisse un champ très ouvert à
l’expérimentation. Certains ob-
servateurs remarquent que les
chercheurs chinois disposent
principalement à l’heure ac-
tuelle des données de leurs
concitoyens, quand Google,
Facebook ou Amazon ont des
utilisateurs dans de très nom-
breux pays, ce qui leur permet
d’avoir une approche plus di-
versiiée. Certaines applications
chinoises commencent toutefois
à étendre leur rayonnement : la
messagerie instantanée WeChat,
surtout, revendique 70 millions
d’utilisateurs à l’international.
La Chine ne se mesure pas en-
core à l’Amérique du Nord en
matière de recherche fonda-
mentale, mais le nombre de pu-
blications scientiiques qu’elle
produit a fortement augmenté
en quelques années. En outre,
la barrière du langage avantage
la Chine. Ses chercheurs maî-
trisent pour la plupart l’anglais
– devenu peu ou prou la langue
des sciences – ce qui leur permet
de prendre connaissance des tra-
vaux publiés à travers le monde,
alors que peu de scientiiques
nord-américains lisent le man-
darin. Les chercheurs chinois
sont donc mieux informés sur
l’état de la recherche en AI.
D’autre part, l’intensiication
de la recherche en Chine est le
fait des entreprises plus que des
universités, d’où un fort dyna-
misme en recherche appliquée,
notamment dans des domaines
« monétisables » comme la re-
connaissance vocale ou visuelle.
Car à l’instar des États-Unis, la
Chine a ses géants du numé-
rique, aux stratégies de crois-
23
Le gouver- sance tout aussi ambitieuses.
nement Eux aussi investissent massi-
vement dans la R&D. Le géant
chinois a du commerce en ligne Alibaba
ixé comme revendique 22 000 ingénieurs,
et son emblématique PDG, Jack
objectif de
Ma, a récemment affecté 15 mil-
devenir le liards de dollars à la création de
leader sept laboratoires dédiés à l’IA et à
l’informatique quantique. Cinq
mondial
d’entre eux seront situés hors
de l’IA. de Chine (San Mateo, Seattle,
Singapour, Tel Aviv et Moscou)
pour pallier une main-d’œuvre
locale insufisante. Alibaba n’est
pas la seule entreprise chinoise à
essaimer. Baidu, société éditrice
d’un moteur de recherche sou-
vent comparé à Google, emploie
quelque 300 personnes dans son
centre de recherches en AI de la
Silicon Valley, et Tencent, l’édi-
teur de WeChat, a récemment
ouvert un laboratoire à Seattle.
Pour diriger ces structures, les
« Gafa » chinois n’hésitent pas
à débaucher des dirigeants de
Google ou de Microsoft, et ils
se sont également lancés dans la
chasse aux startups.
Autant d’éléments qui, conju-
gués à une puissante volonté
gouvernementale, amènent les
analystes à penser que la Chine
pourrait remporter son pari.
Une étude du cabinet PwC pré-
dit que l’empire du Milieu sera
le pays qui obtiendra les plus
fortes retombées économiques
du développement de l’IA, avec
des gains de productivité qui
pourraient dépasser ceux des
États-Unis dès 2028. La Chine
s’impose donc déjà comme un
acteur essentiel de la course
à l’IA, loin devant les autres
pays du continent asiatique.
Hongkong, avec ses universités
de qualité, est plus un parte-
naire qu’un concurrent. La Co-
défaite de son héros national 
rée du Sud, touchée à vif par la
Hors série - Entreprendre à l’international
24
 Analyses
 Lee Sedol – grand maître
du jeu de Go – face à un pro-
gramme d’IA développé par
DeepMind, a lancé un plan d’un
milliard de dollars, et le minis-
tère de l’Industrie japonais dit
vouloir investir un montant
équivalent pour booster la re-
cherche et les industries liées à
l’IA, mais les deux pays auront
du mal à rattraper leur retard.
Le seul « dragon » en puissance à
émerger est Singapour. De nom-
breuses entreprises du secteur y
sont déjà installées, et Alibaba va
y ouvrir un centre de recherches.
La ville-État disposera aussi
bientôt du plus vaste incubateur
dédié à l’IA au monde, et son
gouvernement s’emploie active-
ment à développer un écosys-
tème favorable. Singapour igure
déjà dans le peloton de tête des
publications d’articles scienti-
iques sur le sujet.
IA et armement
En juillet dernier, le groupe russe
Kalashnikov a annoncé avoir
élaboré un « module de com-
bat » entièrement automatisé
capable, grâce à son intelligence
artiicielle, d’identiier des cibles
et de « prendre des décisions ».
Quelques semaines plus tard,
Vladimir Poutine déclarait que
« celui qui deviendra le leader
dans ce domaine [l’IA] domine-
ra le monde ». Le président de la
Fédération russe a poursuivi en
évoquant la nécessité d’un par-
tage des connaissances au niveau
international, mais les réactions
n’en ont pas moins été vives, en
particulier outre-Atlantique.
Fidèle à son habitude, le pré-
sident de Tesla et SpaceX, Elon
Musk, a réagi par une formule
choc : « Chine, Russie, bientôt
de grandes puissances infor-
matiques. La compétition entre
États pour la supériorité en IA est
Entreprendre à l’international - Hors série
la cause la plus probable d’une
troisième guerre mondiale », a-t-
il écrit sur son compte Twitter.
Ces propos sensationnalistes
lui ont été reprochés, mais de
nombreux analystes américains
sont inquiets. D’après une étude
du groupe de rélexion Center
for a New American Security,
publiée in novembre, la Chine
serait en mesure de surpasser
l’Amérique en matière d’in-
telligence artiicielle militaire.
Un autre rapport, diffusé la
même semaine, afirme que les
États-Unis risquent de se re-
trouver en situation d’infério-
rité non seulement vis-à-vis de
la Chine mais aussi de la Russie.
Eric Schmidt, le président exé-
cutif d’Alphabet, la maison
mère de Google, a lui aussi fait
part de ses préoccupations.
« L’armée américaine n’est pas
en tête en matière d’intelligence
artificielle », a-t-il afirmé lors
d’une réunion du Defense In-
novation Advisory Board (le co-
mité consultatif en innovation
du Pentagon), dont il est éga-
lement président. Selon lui, le
Département de la Défense n’a
pas perçu le potentiel de l’IA
assez tôt et doit maintenant de-
mander l’aide du secteur privé
pour rattraper le temps perdu.
Outre Schmidt, le Defense Inno-
vation Advisory Board compte
quelques grands noms du numé-
rique comme Jeff Bezos (fonda-
teur d’Amazon), Reid Hoffman
(co-fondateur de LinkedIn) et
Marne Levine d’Instagram, mais
il ne représente pas pour autant
l’ensemble de la Silicon Valley.
Une fraction importante de
son microcosme réclame en ef-
fet l’adoption d’une convention
interdisant les armes « auto-
nomes », au même titre que les
armes biologiques et chimiques.
Plus de 3 500 chercheurs et in-
L’Europe ne génieurs en IA ou en robotique
joue guère ont signé une lettre ouverte
en ce sens, dont des « stars »
pour l’ins- comme Yann Le Cun, Geoffrey
tant qu’un Hinton, Yoshua Bengio, Demis
Hassabis (CEO de DeepMind),
rôle de
Elon Musk ou Steve Wozniak
spectateur. (cofondateur d’Apple). On les
voit donc mal prêter main forte
au Pentagon, à tout le moins en
matière d’armement.
L’IA en France
Dans cette nouvelle industrie
dominée par une douzaine de
grands groupes américains ou
chinois, l’Europe ne joue guère
pour l’instant qu’un rôle de
spectateur, de terrain d’expéri-
mentation et de fournisseur de
données et de matière grise. Les
politiques publiques tardent à
se mettre en place. En France,
notamment, on en est encore
à la production de rapports.
Le premier, commandé par
François Hollande et intitulé
« France IA », a été rendu public
en mars 2017. Selon ses auteurs,
notre principal atout réside dans
la qualité de la formation et de
la recherche, avec un réseau de
plus de 250 équipes regroupant
près de 5 300 chercheurs, et dix-
huit mastères spécialisés (soit
un peu plus de 1 000 étudiants).
De fait, la France a produit des
spécialistes de haut niveau dans
ce domaine. Yann Le Cun, l’un
des pionniers de l’apprentissage
profond, dirige aujourd’hui le
laboratoire de recherche pari-
sien de Facebook. Le centre de
recherche européen de Google
(Zurich, 2 400 employés) est di-
rigé par un autre français, l’ingé-
nieur Emmanuel Mogenet, tan-
dis que le toulousain Luc Julia
pilote le centre d’innovation de
Samsung dans la Silicon Valley,
après avoir participé à la créa-
tion de Siri, le célèbre assistant

vocal d’Apple. Jérôme Pesenti,
quant à lui, a été un des créa-
teurs de Watson, l’IA d’IBM.
Et la jeune génération ne manque
pas non plus d’étoiles montantes,
du trentenaire – et très média-
tique – Rand Hindi (Snips) au
tout jeune Louison Dumont
(dix-neuf ans, créateur de l’avocat
virtuel « Peter »), en passant par
Morgane Barthod (Meteo*Swift)
ou Nicolas Meric (DreamQuark),
pour ne citer qu’eux.
Point commun entre ces poin-
tures : tous ou presque travaillent
pour des sociétés étrangères ou
sont installés hors de France. De
quoi nourrir la crainte souvent
exprimée d’une « fuite des cer-
veaux ». Le rapport pointe du
doigt l’implication insufisante
des grands groupes industriels
dans la recherche en amont. Une
carence qui s’explique notam-
ment par l’absence de géants du
numérique français, ou même
européen, qui irrigueraient la
ilière comme le font Google,
Facebook ou leurs homologues
chinois. La recherche française
reste majoritairement alimentée
par des fonds publics.
Il y aurait actuellement près de
300 startups françaises impli-
quées dans le domaine de l’IA,
et le risque, là aussi, est de voir
les plus prometteuses prendre le
large. Niland, société parisienne
spécialisée dans les algorithmes
de recommandations musi-
cales, a été rachetée l’an der-
nier par Spotify (le leader de la
musique en ligne), et Regaind,
une startup œuvrant dans la
recherche d’images, est passée
dans le giron d’Apple. Le rap-
port France IA suggère d’en-
visager une déiscalisation des
rachats de startups en IA par les
grands groupes français, pour
les inciter à « s’approprier plus
rapidement les technologies inno-
CNAM vantes ». Plus sûrement, l’intérêt
Cédric Villani (à croissant des fonds d’investisse-
gauche) lors du
lancement de ment, sociétés de capital risque
la mission sur et autres business angels français
l’intelligence
artiicielle par le
pour l’IA devrait permettre aux
Premier ministre jeunes pousses de se développer
Edouard Philippe. sans perdre leur indépendance.
Les récentes levées de fonds de
« pépites » du secteur comme
Dataiku, Snips ou Clustree en
sont l’illustration.
En septembre, Emmanuel Macron
a conié le pilotage d’une nou-
velle mission d’information au
mathématicien Cédric Villani,
lauréat de la prestigieuse mé-
daille Fields. Ses conclusions se-
ront rendues dans les semaines
à venir, mais une note d’étape
en a dévoilé les grands axes.
Constatant que « le chemin pour
faire émerger des champions na-
tionaux et européens de l’IA est
étroit », Villani et son équipe
préconisent de se concentrer sur
quatre secteurs clés : la santé, le
transport, l’environnement et la
défense. La création de « lieux
emblématiques de l’IA » est éga-
lement envisagée, ain d’offrir
des écosystèmes plus propices
Hors série - Entreprendre à l’international
25
© TRISTAN REYNAUD/SIPA
aux chercheurs comme aux en-
trepreneurs. Enin, la mission
s’attachera à déinir « une poli-
tique de la donnée adaptée aux
enjeux de l’IA ». Sur ce point, la
note d’étape ne relète guère les
convictions exprimées par Cé-
dric Villani au début des travaux.
L’intelligence artiicielle doit être
« associée à un renforcement de la
démocratie et non pas le contraire.
Un certain nombre d’exemples
montrent que dans certains cas
l’utilisation de l’IA peut avoir des
effets ravageurs… notre but est de
favoriser les garde-fous », avait-
t-il déclaré dans un entretien ac-
cordé au Monde.
Comme le consacre le Règle-
ment européen sur la protec-
tion des données, qui entre en
vigueur en mai prochain, le
respect de la vie privée est une
notion essentielle en Europe,
plus qu’en Chine ou même aux
États-Unis. Entre ce principe et
la boulimie de données person-
nelles qui sous-tend le dévelop-
pement de l’intelligence artii-
cielle, trouver un juste équilibre
ne sera pas chose facile. ■
LES MA R

Entreprendre à l’international - Hors série

A RCHÉS
PRODUITS DE BASE SERVICES
28 Un rebond qui devrait se conirmer
50 NUMÉRIQUE : CES 2018, le sacrement de

PHOTOS SOMMAIRE (de g. à d.) : ©AntonMatveev/ISTOCKPHOTO - ©Yury Gubin/ISTOCKPHOTO - ©Joel Sorrell/ISTOCKPHOTO

Par Philippe Chalmin, professeur d’histoire
la Blockchain ?
économique à l’Université de Paris-Dauphine,
Par Gilbert Réveillon, CCE, président du groupe
président de l’Observatoire des Prix et des Marges
d’expertise TIC et Économie numérique des CCE
34 PÉTROLE : renversement de tendance
52 FINANCE : le crowdfunding a le vent en poupe
Par Francis Perrin, chercheur associé à l’OCP
Par Philippe Tisseau, CCE Autriche avec la
Policy Center (Rabat) et directeur de recherche
collaboration d’Alexis Braillon
à l’IRIS (Paris)
54 TOURISME : record de progression du
36 CHARBON : décroissance à l’Ouest, tourisme mondial
croissance à l’Est Par François Vellas, Isthia,
Par Jean-Marie Martin-Amouroux Université de Toulouse Capitole

INDUSTRIES NORMES
40 AUTOMOBILE : en progression encore 58 CARBONE : prix du carbone et compétitivité
et toujours… des entreprises
Par Éric Champarnaud, C-Ways Par Paula Coussy
43 AÉRONAUTIQUE : accélération de la demande 61 CONFORMITÉ : l’année 2018 sous le signe de
Par François Vellas, Isthia, la « conformité »
Université de Toulouse I, Capitole Par Isabelle Ginet-Kauders, CCE

47 TEXTILE : vers une consommation

plus responsable
Par Gildas Minvielle, directeur de l’Observatoire
économique, Institut français de la mode

Hors série - Entreprendre à l’international

28

 Marchés Produits de base

LITHIUM
La demande est
très forte pour ce
métal rare utilisé
notamment pour
les batteries.

© hekakoskinen /ISTOCKPHOTO
PRODUITS DE BASE
Un rebond qui devrait
se conirmer
Par Philippe Chalmin, professeur d’histoire économique à l’Université de
Paris-Dauphine, président de l’Observatoire des Prix et des Marges1

Après un recul de 10 % en 2016, les prix mondiaux quotas décidés par l’Opep et ses
alliés – au premier chef la Russie –
des principales matières premières échangées dans in novembre 2016 à Vienne.
le monde ont rebondi de 15 % en 2017. Pour 2018, Cet accord était en lui-même
les principales interrogations portent sur l’évolution un petit chef-d’œuvre d’équi-
libre géopolitique puisqu’il met-
du dollar et les choix stratégiques de la Chine.
tait autour de la table des pays
en conlits ouverts, des haines

L
es prix mondiaux
des principales matières
premières ont augmen-
té de 15 % en 2017, de
8 % si l’on exclut de
l’indicateur CyclOpe le pétrole
et les métaux précieux. Pour la
plupart des produits, on reste
loin des sommets atteints du-
rant le « choc » de 2007/2014. Le
rebond des marchés de matières
premières a été plus modeste et
surtout fort inégal avec de pro-
fondes divergences entre l’éner-
gie et les métaux d’une part, les
produits agricoles d’autre part.
Au chapitre des hausses, les plus
notables concernent le charbon
dans le champ de l’énergie, ce
qui peut paraître paradoxal alors
que sa condamnation est renou-
velée de COP en COP, toutes
aussi peu eficaces. Parmi les
autres « stars » notons le cobalt,
le fret maritime sec (marchan-
dises solides en vrac), le palla-
dium et de manière plus anec-
dotique le beurre et la vanille.
Au chapitre des baisses, la palme
revient au cacao et au sucre, tout
ce qui est nécessaire pour faire
du chocolat !
Tensions énergétiques
C’est bien sûr le pétrole qui a at-
tiré sur lui les feux de l’actualité.
L’année 2017 avait en effet com-
mencé avec la mise en place des
ancestrales et bien des faiblesses
politiques : l’Arabie saoudite
désormais dirigée d’une main
qui se veut de fer par le jeune
prince Mohamed Bin Salman
(MBS), l’Iran tout auréolé de sa
« victoire » en Syrie et de facto en
Irak, la Russie bien sûr devenue
l’un des maîtres de ce « grand
jeu » dont les États-Unis de
Donald Trump se sont disquali-
iés. Et puis aussi, en dehors de
1. Derniers livres ce chaudron, des pays comme
publiés : « La France
de François Hollande,
la Libye, le Nigeria et aussi le
chroniques d’un quin- Venezuela, tous bien représenta-
quennat 2012-2017 »
Éditions François Bou-
tifs à un niveau ou à un autre de
rin et « Mon journal la « malédiction du pétrole ».
du monde 2012-2016, L’extraordinaire est que cela
Chroniques d’un écono-
miste engagé » Éditions a marché ! L’Opep a tenu ses
François Bourin engagements, en partie quand

Entreprendre à l’international - Hors série

 29

même grâce à l’effondrement du
Venezuela, les 1,2 million de
barils/jour de réduction des
quotas ont été respectés, tout
comme, avec un peu plus de
lenteur, les 600 000 bj ou pres-
que de la Russie et de ses alliés.
Fin 2017, l’accord a été prolon-
gé alors que le cours du Brent
revenait au-dessus de $ 60 le
baril pour la première fois de-
puis 2015. Il est vrai qu’avec des
prix inférieurs en 2016 à $ 50 le
baril pour le WTI américain, la
production de pétrole de schiste
peu les énormes investissements
réalisés dans de nouveaux trains
de liquéfaction au Qatar et en
Australie. Mais grâce au dévelop-
pement de terminaux lottants
de regazéiication de petite taille,
le gaz naturel devient une source
d’énergie compétitive pour de
nombreux pays importateurs
dont l’équilibre énergétique et
électrique reposait jusque-là sur
des centrales thermiques à
charbon.
La hausse des prix de l’énergie
a en tous cas soutenu les efforts
l’année de l’éclosion de la voi-
ture électrique.
Passions électriques
et chinoises
Il a sufi de quelques études pros-
pectives et du lancement de mo-
dèles dits de série pour que l’on
fasse des véhicules électriques le
nouvel eldorado de l’industrie
automobile mondiale. Il n’a pas
fallu longtemps pour que ceci
se traduise en demande poten-
tielle pour un certain nombre de
métaux : du cobalt, du lithium

du cuivre pour les câblages… 

américain a marqué une légère en matière de nouveaux modes et du nickel pour les batteries,
pause en 2017 en n’augmentant de consommation et 2017 a été
« que » de 380 000 bj même si les
États-Unis, grâce à l’augmen-
tation des différentiels de prix,
sont devenus un exportateur ré-
Les prix des matières premières en 2017
(variation moyenne 2017 sur moyenne 2016)
gulier vers l’Asie.
Mais les autres sources d’éner-
+83


Charbon à coke
gie fossile ont aussi connu une Fret sec +70
Beurre Europe +70
brillante année comme pour dé- Beurre NZ +65
+42
mentir le consensus mou qui de Palladium
Charbon Europe +41
COP en COP essaie avec raison Zinc +38
Charbon Asie +34
de promouvoir le développe- GNL Asie (spot) +32
Ferrailles US +28
ment d’autres énergies. Le char- Cuivre +27
bon vapeur a ainsi terminé l’an- Minerai de fer +26
Gaz naturel Europe +24
née au-delà de $ 100 la tonne en Plomb +24
Acier (Chine) +24
Asie grâce à l’augmentation des Aluminium +23
Acier (Europe €) +23
importations chinoises. C’est Laine +23
même le charbon à coke pour la Pétrole Brent +22
+20
Caoutchouc
sidérurgie chinoise qui a connu Gaz naturel US +20
Pétrole WTI +17
la hausse la plus forte de toutes GNL Asie (contrat) +16
+15
les matières premières en 2017. CyclOpe
Coton +13
Il y a eu enin, le gaz naturel qui Porc (Brésil) +12
Étain +12
a proité quand même, surtout Huile de Coprah +11
Pâte à papier +10
en Asie, d’un report de consom- Nickel +9
mation aux dépens du charbon. Porc US +8
+8
CyclOpe (hors métaux précieux et pétrole)
Le phénomène le plus important Porc France (€) +6
Riz +5
est là le développement d’un vé- Blé Rouen (€) +4
Poudre de lait +2
ritable marché du GNL (gaz na- Or +1
turel liquéié) qui ne s’échangeait Viande de boeuf US +1
Huile de soja +1
jusqu’à présent que dans le cadre Blé +1
Huile de palme +1
de contrats à long terme. Dé- 0 Café
sormais, c’est le marché « spot » -2
0 Argent
Maïs
Source : CyclOpe

qui devient directeur dans un -2

-4
Graines de soja
Tourteau de soja
contexte de forte hausse des prix, -4 Platine
-6 Viande bovine Argentine
liés à la demande. Ceci permet- -11 Sucre
-30 Cacao
tra au moins de rentabiliser un

Hors série - Entreprendre à l’international

30

Entreprendre à l’international - Hors série


 Marchés Produits de base
 C’est là une des raisons de
la reprise incontestable qui a ca-
ractérisé pratiquement tous les
marchés des métaux non ferreux
en 2017.
Au-delà du cobalt et du lithium
dont les prix ont doublé sur des
marchés étroits et devenus très
spéculatifs, la tendance haussière
a été générale pour des raisons
plus directement liées aux fon-
damentaux : grèves, crises poli-
tiques et embargos, fermeture
de capacités par des producteurs
ont joué avec en toile de fond la
Chine, son appétit, mais aussi les
conséquences des mesures prises
en matière d’environnement par
le gouvernement de Xi Jin Ping.
Ceci a tout particulièrement af-
fecté l’aluminium dont la Chine
est devenue – contre toute lo-
gique énergétique et environ-
nementale – de loin le premier
producteur mondial. La Chine
applique désormais des règles
d’hivernage qui réduisent de
manière drastique les produc-
tions d’aluminium, d’acier, de
fonte de nickel des régions les
plus polluées entre novembre et
mars. Pour la première fois en
2017, cela a été appliqué sérieu-
sement avec un impact direct sur
l’équilibre des marchés et donc
sur les prix en Chine et à l’inter-
national : cela a particulièrement
touché le marché de l’acier avec
une forte baisse des exportations
chinoises. Toutefois, la Chine
reste bien la clef des marchés des
minerais et métaux. Cela a été
encore le cas pour le minerai de
fer et le charbon à coke.
Excédents agricoles
Toute autre a été la situation agri-
cole. Cela fait maintenant trois
ans que le monde n’a pas connu
d’accident climatique majeur. Le
résultat ne s’est pas fait attendre.
Jamais le monde n’a produit
31
autant de grains (3,2 milliards
de tonnes en 2017/2018) et la Les prévisions CyclOpe
plupart des marchés agricoles pour 2018
des céréales au sucre, des oléagi- (en % de variation 2018 sur 2017)
neux au cacao ont été excéden- Fret sec +63 +30
taires depuis deux ou trois cam- Nickel +48 +25
Palladium +15
pagnes. Le résultat en a été une Blé Chicago +14
Cuivre
baisse généralisée des prix ou Laine +10
+14
le maintien à des niveaux déjà Riz
Pétrole Brent
+10
+8
déprimés en 2016. Cela a été le Pétrole WTI +7
Or +7
cas des céréales, à l’exception re- CyclOpe +6
GNL Asie
lative du riz, avec en particulier Argent
+6
+5
la spectaculaire augmentation Huile de soja
Café
+5
+5
de la production russe de blé. La Gaz naturel US +4
ZInc +4
Mer Noire est d’ailleurs devenue Cyclope (hors métaux précieux et pétrole) +2
Aluminium +2
le premier bassin d’exporta- Gaz naturel Europe +1
tions céréalières au monde. De Maïs
Platine
0
0
tous les grains, seul le soja s’est -1 Cacao
-4 Charbon Asie
maintenu à des niveaux de prix -5 Plomb
-5 Charbon Europe
relativement élevé : c’est grâce -5 Étain
à la montée des importations
Source : CyclOpe
-7 Minerai de fer
-9 Caoutchouc
chinoises qui sur la campagne -10 Coton
-12 Sucre
2017/2018 pourraient atteindre -15 Graines de soja
les 100 millions de tonnes. -24 Charbon à coke
Mais les excédents ont aussi
touché les produits tropicaux
comme le café et surtout le cacao. (en légère baisse) et maintenant
Enin, cela a été aussi le cas de viande bovine.
du sucre dont l’excédent en Enin, ce panorama des marchés
2017/2018 pourrait selon cer- de commodités en 2017 ne serait
tains analystes atteindre 10 mil- pas complet si l’on ne mention-
lions de tonnes. Au-delà du cas nait deux prix qui ont étonné les
un peu anecdotique de la vanille, observateurs : les 450 millions de
la seule exception agricole a été dollars payés par un prince pé-
en 2017, le beurre dont les prix trolier (MBS lui-même) pour le
ont – en moyenne – augmen- Salvator Mundi de Léonard de
té de près de 70 % provoquant Vinci vendu par un oligarque de
même une crise d’approvision- la potasse et les 222 millions de
nement en Europe. dollars payés pour un footbal-
Cette hausse, qui ne concerne pas leur brésilien par un club inan-
l’autre grande matière première cé par du gaz naturel !
laitière – la poudre de lait –,
est due à des évolutions des ha- Quelles perspectives
bitudes alimentaires (un retour pour 2018
en grâce diététique du beurre) Rarement, le soleil aura autant
ainsi qu’à des problèmes de pro- brillé sur la scène économique
duction en Nouvelle-Zélande. mondiale avec un consensus de
En général, les prix des produits croissance de l’ordre de 3,7 % et
animaux se sont mieux com- une vision positive sur pratique-
portés que ceux des végétaux, ment tous les pays du monde à
pour lesquels, du Venezuela à 
là aussi grâce à l’importance des la notable exception de ceux
achats chinois de viande porcine
Hors série - Entreprendre à l’international
32
 Marchés Produits de base
 l’Angola, du Congo aux pays
du Golfe, la malédiction des ma-
tières premières est une cruelle
réalité. Remarquons seulement
que parmi les « BRICS », le B
(Brésil), le R (Russie), le I (Inde),
le C (Chine) et le S (Afrique du
Sud) n’aficheront que de bien
modestes croissances après des
récessions parmi les plus mar-
quées de leur histoire.
La seule véritable interrogation
concerne l’évolution du dollar.
Va-t-il poursuivre son affaiblis-
sement non seulement contre
l’euro (c’est déjà fait), mais
contre les autres devises notam-
ment asiatiques, ou bien va-t-il
proiter des hausses de taux de
la Fed anticipées en 2018 ? Cette
question est fondamentale pour
les marchés de matières pre-
mières dont on sait la corréla-
tion inverse aux évolutions du
dollar. On peut pencher pour un
affaiblissement mesuré du billet
vert (de l’ordre de 5 % en termes
de taux de change effectif), mais
le risque est là clairement à la
baisse notamment parce que la
nouvelle loi iscale de Donald
Trump va se traduire par une
forte augmentation des déicits
américains. Ce sera là, incon-
testablement un facteur positif
pour les marchés les plus sen-
sibles de l’or au pétrole. Il n’est
pas certain par contre que ceci
se traduise par la poursuite du
renforcement de l’euro dans la
mesure où la BCE ne bougera
probablement pas en 2018 et où
l’incertitude politique continue
à régner en Allemagne.
Le pétrole bien sûr mérite une
attention particulière d’autant
plus qu’il a démarré 2018 en
fanfare à $ 70 le baril de Brent.
On peut estimer que le front uni
de l’Opep et de la Russie tien-
dra le choc de l’aggravation des
tensions géopolitiques en par-
Entreprendre à l’international - Hors série
ticulier entre l’Arabie saoudite
(où le « jeune » MBS a de quoi
inquiéter) et l’Iran. Mais face
à cette discipline, il faut tenir
compte de l’extraordinaire dy-
namique des pétroles de schiste
américains aux vannes lar-
gement ouvertes par Donald
Trump. Dès les premiers mois
de 2018, les États-Unis produi-
ront plus de 10 millions de ba-
rils/jour, à des prix de revient
proches de $ 40 pour le pétrole
de schiste, que leurs producteurs
ont déjà arbitré sur les marchés
à terme. À cela, il faut ajouter de
nouvelles productions de pays
comme le Canada et le Brésil. Au
total, tout ceci devrait compen-
ser, et même au-delà, les dimi-
nutions de quotas de l’Opep et
de ses alliés. Certes, la consom-
mation mondiale va continuer à
augmenter (encore la Chine…),
mais ceci ne sufira pas à réduire
les excédents pesant sur le mar-
ché, ce qui repousse à notre sens
un éventuel rééquilibrage du
marché à 2019 au mieux. Notre
prévision d’un prix moyen du
Brent à $ 60 implique en fait que
le marché repasse durablement
au-dessous de ce niveau.
L’inconnue chinoise
Le pétrole est bien le seul mar-
ché dont la Chine n’est qu’une
variable d’ajustement (c’est aus-
si le cas quand même pour les
produits agricoles tropicaux).
Car pour la plupart des autres,
du minerai de fer à la viande
porcine, l’inconnue chinoise est
déterminante. Le pouvoir de Xi
Jin Ping ayant été conforté par
le xixe Congrès du PCC, celui-ci
a les mains libres pour forcer le
destin de la Chine : d’une part, il
y a l’expansion avec les nouvelles
routes de la soie et les énormes
investissements d’infrastructure
que cela implique ; il y a aus-
Le climat si la nécessité de maintenir la
sera bien croissance chinoise au moins
autour de 6 % pour créer les 11
sûr la va- à 12 millions d’emplois urbains
riable clef nécessaires pour satisfaire les
migrants ruraux. Mais d’autre
de marchés
part, il faut que cette croissance
agricoles soit moins polluante et donc
désespéré- il faut engager une démarche
de plus en plus volontariste de
ment à la
fermeture des capacités de pro-
recherche duction les plus marginales qu’il
de « mau- s’agisse de l’acier, de l’alumi-
nium, de la fonte de nickel ou de
vaises »
l’élevage de porcs.
nouvelles. Autant la croissance de l’éco-
nomie chinoise paraît assurée,
autant sa déclinaison ilière par
ilière est dificile à anticiper tant
les ordres de Pékin peuvent se
heurter à maintes réalités locales.
Ceci étant Xi Jin Ping a les mains
libres pour imposer sa volonté
même aux plus récalcitrants.
Pour le reste, il faut s’attendre en
2018 à des réactions aux hausses
de prix de 2017 pour les mine-
rais et les métaux : des augmen-
tations de production pour le
minerai de fer, des ouvertures
de quelques nouvelles mines et
surtout de mines qui avaient été
fermées. Comme par ailleurs, va
venir le temps de l’évaluation
réaliste de la demande nouvelle
induite par les véhicules élec-
triques avec des échéances pro-
bablement repoussées au-delà
de 2025, un tassement des mar-
chés de la plupart des métaux
est à anticiper, voire un réajus-
tement pour les plus spéculatifs.
Climat et géopolitique
Il reste enin, deux paramètres
aléatoires que l’économiste ne
maîtrise guère : le climat et la géo-
politique. Le climat sera bien sûr la
variable clef de marchés agricoles
désespérément à la recherche de
« mauvaises » nouvelles et qui se
sont mis à espérer un peu entre
 33

la canicule australienne et les

grands froids nord-américains.
Les météorologues anticipent un
nouvel épisode « La Niña », mais
leur propension à se tromper est
aussi grande que celle des écono-
mistes. En tout état de cause, il
faudra plusieurs campagnes pour
diminuer de manière sensible les
excédents accumulés.
La géopolitique est toute aus-
si complexe. L’observateur ne
peut qu’être fasciné par le
« grand jeu » qui se déroule au
Proche-Orient dont le pétrole
et le gaz sont à la fois l’essence
et l’enjeu. L’Arabie saoudite en
est paradoxalement le maillon
faible. Au-delà, que dire du chaos
vénézuélien, des risques sud-
africains et congolais et bien sûr
des tensions coréennes. Ajoutons
à cela une dernière variable, celle
du changement technologique,
dont la rapidité est de plus en
plus étonnante avec des consé-
quences non négligeables tant en
Corrigé des prévisions CyclOpe de 2017
Il est toujours un peu cruel de corriger des
prévisions de marché faites un an plus tôt.
Ceci étant, l’exercice 2017 est relativement
satisfaisant pour CyclOpe. Comme à
l’habitude, cependant, nos anticipations ont
toujours tendance à sous-évaluer la volatilité
effective des marchés et donc l’importance des
rebonds (charbon et fret sec par exemple) tout
comme des chutes (cacao cette année).
Nos prévisions sur le pétrole étaient exactes
tout comme – avec peut-être aussi un peu de
chance – celles concernant le gaz naturel en
Asie, l’étain ou le maïs. De manière générale,
le rebond des marchés des métaux a été sous-
estimé notamment pour le zinc, le cuivre et
l’aluminium. L’erreur la plus grande concerne
le minerai de fer : la baisse attendue des
importations chinoises ne s’est pas réalisée
Charbon à coke
Fret sec (Baltic)
Gaz naturel US
Gaz naturel Europe
Pétrole Brent
Pétrole WTI
Charbon Europe
Gaz naturel Asie (contrats)
+16
+16
Zinc +15
bien au contraire ! Pour le coton, la laine et le
caoutchouc, nous étions aussi trop pessimistes
et avions sous-estimé l’impact de la croissance
de la demande mondiale. Pessimisme excessif
aussi pour les produits agricoles et notamment
pour le soja qui, malgré l’abondance des
récoltes, a profité de la dynamique des
importations chinoises. À l’inverse, la baisse
des prix du sucre a été plus forte avec la
réévaluation des excédents mondiaux. Quant
aux métaux précieux, si la divergence platine/
palladium avait été bien anticipée, l’or s’est
mieux comporté que nous ne le pensions.
Au total, l’indicateur CyclOpe (qui ne reprend
que les produits les plus importants) s’est
apprécié de 15 % contre une prévision de
11 %, ce qui reste relativement positif en
termes de prévisions. ■
+83
+63
+70
+48
+20
+43
+24
+21
+22
+20
+17
+18
+41
+18
+38

termes de demande que d’offre. Palladium +14

+42

Au total, en raisonnant à condi- Cuivre +13

+27

tions climatiques et géopolitiques Charbon Asie +13

+34

« normales » (ce qui par essence CyclOpe +15

+11
est une hypothèse d’école), les Étain +12
+11
marchés mondiaux devraient se Plomb +7
+24

tasser en 2018, du moins si on se Café 0

+6
limite à la logique des fondamen- Aluminium +6
+23

taux : mais – in fine – le physique Argent 0

+5
+9
a toujours raison ! Le mouvement Nickel +4
+5
de hausse de 2017 nous semble Riz +2
+23
avoir épuisé une bonne partie de Laine +2
+20
ses munitions à quelques excep- Caoutchouc +1
+13
tions près. L’indicateur CyclOpe Coton 0
-11 Sucre
ne s’appécierait que de 6 % en -1
Minerai de fer -1 +13
2018, une hausse pour l’essentiel
-2 Maïs
déjà acquise. -2
+1 Huile de soja
Mais, il n’empêche qu’il y aura -5
+1 Huile de palme
certainement en 2018 de nou- -7
+1 Or
velles lambées de prix sur des -8
+1 Blé Chicago
marchés parfois improbables, et -8
-4
Source : CyclOpe

-8 Platine
puis aussi des bulles qui éclate- -2
-12 Graine de soja
ront comme celle, bien probable, -4 Variation effective
-14 Tourteau de soja
de la plus éphémère des commo- -30 Cacao
Prévision réalisée
-25 en janvier 2016 (%)
dités de 2017, le bitcoin ! ■

Hors série - Entreprendre à l’international

34

 Marchés Produits de base

PÉTROLE © alantobe/ISTOCKPHOTO

Renversement de tendance
Par Francis Perrin, chercheur associé à l’OCP Policy Center (Rabat)
et directeur de recherche à l’IRIS (Paris)

Les prix du pétrole sont repartis à la hausse en 2017

après quatre années de baisse. Un changement qui
s’explique par un rééquilibrage progressif du marché.

L’
année 2017 qui vient
de s’achever a été mar-
quée par un important
renversement de ten-
dance en matière de
prix du pétrole. Après quatre
années consécutives de baisse
entre 2013 et 2016 en moyenne
annuelle, les cours de l’or noir
sont repartis à la hausse l’an
dernier pour repasser légère-
ment au-dessus de leur niveau
de 2015.
Si l’on prend le cas du pétrole
Brent produit en mer du Nord,
l’un des principaux bruts de
référence à travers le monde,
son prix est passé de $111,6 par
baril en 2012 à $43,8/b en 2016
avant de remonter à $54,2/b en
2017. En 2013 ($108,6/b), le
prix avait un peu diminué avant
de commencer à chuter en 2014
($99,1/b) et de s’effondrer en
2015 ($43,8/b).
Non seulement les prix ont
augmenté en 2017 mais la
hausse a été importante avec
+24 % pour le Brent par rap-
port à sa moyenne en 2016.
La tendance a été la même
pour d’autres bruts à quelques
nuances près. Pour le panier de
référence de l’Opep — qui est
la moyenne de bruts produits
par les pays membres de cette
organisation et qui est donc
plus représentatif —, le prix
est passé de $109,4/b en 2012
à $49,5/b en 2015 et à $40,8/b
en 2016 avant de s’établir à
$52,4/b l’an dernier. L’accrois-
sement a été de 28,6 % en 2017.
La forte hausse des cours l’an
dernier illustre le rééquilibrage
progressif du marché pétrolier
mondial qui était caractérisé
par un excédent de l’offre de-
puis 20141. Cette situation, net-
tement plus favorable aux pays
producteurs, est principale-
ment la résultante de l’accrois-
sement de la demande pétro-
lière mondiale, de la réduction
de la production de l’Opep et,
pour une moindre part, d’une
dizaine de pays non-Opep et
de la baisse des stocks pétroliers
(brut et produits rafinés) dans
les pays de l’OCDE. L’excédent
de l’offre sur la demande est à
1. Voir les éditions
précédentes de cette présent assez faible et l’équilibre
publication. devrait être atteint en 2018.

Entreprendre à l’international - Hors série


Une demande
en hausse
La demande pétrolière mon-
diale est surtout tirée à la hausse
par les pays émergents et en dé-
veloppement. Selon l’Agence In-
ternationale de l’Énergie (AIE),
basée à Paris, cette demande au-
rait augmenté de 1,5 million de
barils par jour (Mb/j) l’an der-
nier pour atteindre 97,8 Mb/j.
Sur ce total, la part des pays
non-OCDE était de 50,6 Mb/j
et celle des pays OCDE de 47,3
Mb/j. Entre 2014 et 2017, la
hausse de la demande pétrolière
non-Opep a été de 1,5 Mb/j
alors que celle de la demande
non-Opep augmentait de 3,3
Mb/j dans le même temps.
Cette dynamique de croissance
n’est pas achevée puisque la de-
mande pourrait atteindre 100
Mb/j au quatrième trimestre
2018.
Dans la dernière édition de
son Oil Market Report (jan-
vier 2018), l’AIE estime que la
production de brut de l’Opep
était de 32,35 Mb/j en 2017,
contre 32,80 Mb/j en 2016. En
décembre 2017, le chiffre cor-
respondant était de 32,23 Mb/j.
L’organisation, qui regroupe
14 États membres, a fort bien
respecté les engagements de ré-
duction de production qu’elle
avait pris lors de la réunion
de sa Conférence ministérielle
(l’organe décisionnel au sein de
l’organisation) tenue à la in no-
vembre 2016 à Vienne. Sur l’en-
semble de l’an dernier, le taux
de respect est évalué à 95 % par
l’AIE (sur les 14 pays membres,
12 sont soumis à des quotas en
matière de production, la Libye
et le Nigeria en étant exemptés).
Pour les dix pays non-Opep
— dont la Russie — qui coo-
pèrent avec l’Opep pour contri-
buer au rééquilibrage du mar-
ché, l’application des décisions
prises en décembre 2016 est
moins bonne mais le taux de
respect aurait été de 82 % en
2017, ce qui est fort bon. Les
pays Opep s’étaient engagés à
réduire leur production de 1,2
Mb/j à compter du 1er janvier
2017 et les pays non-Opep de
560 000 b/j, soit près de 1,8
Mb/j au total. La validité de ces
accords de réduction de l’offre
a été prolongée jusqu’à la in
2018.
La baisse des stocks
OCDE se conirme
L’excédent de l’offre pétrolière
sur la demande avait contribué
à gonler les stocks dans les pays
OCDE et ceux-ci représentaient
en quelque sorte une épée de
Damoclès qui pesait sur le mar-
ché et contribuait à déprimer
encore davantage les cours du
pétrole. L’augmentation de la de-
mande et la réduction de l’offre
Opep ont logiquement conduit
à une diminution des stocks. Les
stocks commerciaux détenus
par le secteur privé (par oppo-
sition aux stocks stratégiques
contrôlés par les États) dans les
pays OCDE auraient baissé pen-
dant cinq mois consécutifs entre
août et décembre 2017, selon
les données publiées dans l’Oil
Market Report. À la in no-
vembre, ils étaient évalués à
2 910 millions de barils, contre
3 028 Mb à la in juillet. Cette
baisse a été constatée dans
l’ensemble des zones OCDE
(Amérique du Nord, Europe et
Asie). Dans la période récente,
ces stocks avaient atteint un pic
au troisième trimestre 2016.
Le poids des
tensions politiques
Au-delà de l’évolution de cer-
tains des fondamentaux du
Hors série - Entreprendre à l’international
35
marché pétrolier mondial
tels que la demande, l’offre
et les stocks, les prix du brut
ont aussi été tirés à la hausse
du fait de fortes tensions po-
litiques au Moyen-Orient.
Dans cette région, on relève
au moins deux guerres (Syrie
et Yémen), une opposition
très forte et croissante entre
l’Arabie saoudite et l’Iran et
entre l’Iran et Israël, l’émer-
gence d’un axe États-Unis/
Israël/Arabie saoudite contre
l’Iran, des sanctions politiques
et économiques imposées par
le « Quartet » (Arabie saoudite,
Émirats Arabes Unis, Bahreïn
et Égypte) à l’encontre du
Qatar et des tensions en Irak
entre le gouvernement fédéral
et le gouvernement régional
du Kurdistan, la région du
Kurdistan irakien ayant massi-
vement voté en faveur de son
indépendance, sans oublier le
conlit israélo-palestinien. Les
toutes récentes manifestations
dans des dizaines de villes en
Iran sont venues s’ajouter à
cette liste qui n’est d’ailleurs pas
complètement exhaustive.
Certes, l’existence de tensions
au Moyen-Orient ne constitue
pas un scoop même si la situa-
tion semble s’aggraver dans la
période récente. En 2015 et en
2016, les opérateurs de marché
ne portaient pas une attention
particulière à ces soubresauts
politiques en raison de l’excé-
dent de l’offre pétrolière mon-
diale sur la demande et de la su-
rabondance des stocks. Avec le
rééquilibrage progressif entre
l’offre et la demande comme
explicité ci-dessus, les traders
commencent à redécouvrir la
géopolitique et son impact sur
les cours de l’or noir, une ma-
tière première éminemment
stratégique. ■
36

 Marchés Produits de base

ALLEMAGNE
Un des seuls
pays européens
qui reste un gros
producteur de
charbon.

©Flip Franssen/HH-REA
CHARBON
Décroissance à l’Ouest,
croissance à l’Est
Par Jean-Marie Martin-Amouroux
www.encyclopedie-energie.org

L’économie mondiale du charbon minéral n’en est

plus à un paradoxe près. Les prix se maintiennent
malgré une baisse continue de la demande
mondiale. Cette baisse globale ne doit pas
masquer la hausse de la consommation en Asie.

D
’un côté, les prix restent
au beau ixe pour les
producteurs : après leur
doublement en 2016, ils
ne sont pas redescendus
en 20171. La demande des uns
et des autres est telle que, début
janvier 2018, plus de 500 vra-
quiers font la queue devant les
ports australiens, indonésiens
et chinois en vue d’être chargés
ou déchargés. Plus au Nord, un
excès de zèle des douanes de
Mongolie a provoqué la conges-
tion de 130 kilomètres de route
par des camions remplis de
charbon. Plus à l’Ouest, l’acti-
vité du terminal charbonnier
Rosterminalugol en Russie sur
la Baltique a crû de 37 % en
une année2.
D’un autre côté, depuis son

Entreprendre à l’international - Hors série


sommet de 7 978 Mt en 2013, la
demande mondiale de charbon
n’a cessé de diminuer jusqu’à
7 450 Mt en 2016, soit une
moyenne annuelle de -2,3 %
qui ne se prolongera peut-être
pas au-delà, mais qui pourrait
se transformer en une quasi-
stagnation. Dans sa projection
de décembre 2017, l’Agence in-
ternationale de l’Énergie table
en effet sur une croissance
annuelle moyenne 2016-2022
de 0,5 % 3. Loin de tendre vers
les 30 % de la consommation
mondiale d’énergie envisagés
il y quelques années, le char-
bon minéral aurait amorcé un
recul à 26 %. Face à des ca-
pacités de production consé-
quentes, de telles perspectives
de consommation devraient
annoncer une future baisse
des prix. Elle est possible mais
pas assurée, du moins à court
terme, tant les inconnues poli-
tiques sont nombreuses.
Un recul encore plus
rapide que prévu en
Europe occidentale
Avec, en 2016, une consomma-
tion de 727 millions de tonnes
de charbon (houille et lignite),
l’Europe occidentale, Turquie
incluse, pèse désormais moins
de 10 % de la consommation
mondiale. Cette contraction
a été accélérée par un recul de
8 %, beaucoup plus prononcé
en 2016 qu’au cours des années
précédentes. Seuls trois pays
ont encore accru leur combus-
tion de charbon (Danemark,
Finlande et Turquie) tandis que
1. Les charbons vapeur (6 300 kcal/kg FOB Newcastle en Australie) terminent l’année à 97 dollars/
tonne, tandis que les cokéfiables avoisinent les 200 dollars.
2. Ces informations sont extraites de la base de données d’Enerdata SA qui est remerciée pour sa
coopération.
3. International Energy Agency (2017). Coal 2017 : Analysis and Forecasts to 2022. Paris : IEA/
OECD, Dec., 148 p. (market report series : coal) http://www.oecd-ilibrary.org/energy/market-re-
port-series-coal-2017_coal_mar-2017-en
4. Million de British Thermal Unit.
37
tous les autres se sont enga-
gés sur la voie d’une moindre Évolution de la consommation de
consommation. charbon en Europe en 2016
Après la Belgique qui vient
de mettre in à sa thermoélec- Finlande +21 %
Danemark +15 %
tricité charbon, la France, qui Turquie +2 %
n’extrait plus ce combustible -1 % Hongrie
depuis 2004, fermera, avant in -1 % Pologne
-3 % France
2021, ses cinq dernières cen- -4 % Allemagne
trales charbon. Elle sera sui- -6 % Autriche
vie, au cours des années sui- -7 % Pays-Bas
vantes, par l’Italie, l’Autriche, la -8 % Slovaquie
-8 % Irlande
Roumanie, la Suède, le Portugal -11 % Portugal
et l’Irlande, ou encore l’Espagne -12 % Belgique
-14 % Italie
et la République tchèque. En-
-21 % Espagne
gagée sur la même voie, le -23 % Grèce
Royaume-Uni vient de trans- -52 % Royaume-Uni
former en ferme solaire le car-
reau de sa mine souterraine de
Kellingley, un temps la plus tiques de l’Union européenne en
grande d’Europe. La Norvège a faveur de l’eficacité énergétique,
décidé d’interrompre l’extrac- de la qualité de l’environnement
tion de deux mines sur trois et de la protection du climat. À
dans le Spitzberg, tout en reti- quoi s’est ajouté, dans le cas du
rant les placements de son fonds Royaume-Uni, l’effet du Carbon
souverain de toutes les compa- Price Support Mechanism frap-
gnies ayant des intérêts dans le pant tous les combustibles d’une
charbon. Aux Pays-Bas, outre taxe de 18 livres/tonne de CO2.
la fermeture programmée de Dans ce contexte, l’Europe du
toutes les centrales charbon, le charbon se limitera de plus en
port d’Amsterdam devrait deve- plus aux pays capables d’ex-
nir coal-free d’ici 2030. traire de leur sous-sol des com-
L’accélération de cet abandon bustibles, principalement des
du charbon a été poussée de- lignites, susceptibles d’assurer
puis 2016 par plusieurs for- la compétitivité de la thermoé-
ces. La baisse des prix du gaz lectricité charbon. En tête de ces
10 %
naturel au voisinage de 5 dol- pays, l’Allemagne qui, en 2016,
lars/MBtu4, face à une remontée a encore brûlé 230 millions de
des prix du charbon vers tonnes de combustibles fossiles
100 dollars/tonne, a privé ce der- l’Europe solides, suivie de la Pologne qui
nier de son avantage compétitif. occiden- dit vouloir passer de 137 mil-
Cet effet prix a été d’autant plus tale, lions de tonnes en 2017 à 143
puissant qu’il s’est inscrit dans Turquie en 2021. Ces vieux pays char-
un contexte d’hostilité envers le incluse, bonniers sont en train d’être re-
charbon, entretenu par les poli- joints par la Turquie qui afiche
pèse
sa volonté d’exploiter les 13-15
désormais
Gt de lignite de son sous-sol ; la
moins de Serbie, la Bosnie-Herzégovine,
10 % de la le Kosovo et le Monténégro qui,
consom- dans quelques cas avec l’assis-
de la Chine, construisent 
mation tance technique et inancière
mondiale.
Hors série - Entreprendre à l’international
38

 Marchés Produits de base

 des centrales charbon et

ouvrent des mines.

Donald Trump freine

le déclin du charbon
La consommation de charbon
en Amérique du Nord a conti-
nué de décliner en 2016 : -15 %
au Mexique, -17 % au Canada
et -8 % aux États-Unis, en rai-
son d’une moindre demande
des compagnies électriques qui
ajustent leur mix énergétique.
Aux États-Unis qui repré-
sentent plus de 90 % de la

consommation charbonnière
du sous-continent, les 620 mil-
lions de tonnes brûlées en 2016
ont représenté le niveau le plus
bas depuis 1982. Suite à l’élec-
tion d’un nouveau président
qui lui a témoigné son appui
au cours de sa campagne élec-
torale, l’industrie charbonnière
n’a pas manqué de réagir. Dès
janvier 2017, les treize princi-
paux États charbonniers ont
exigé le retrait de la Stream Pro-
tection Rule, adoptée par l’Ad-
ministration précédente. Leur
vœu a été exaucé deux mois
plus tard, en même temps que
l’abrogation du moratoire sur
l’ouverture de nouvelles terres
fédérales aux compagnies mi-
nières. Mais il faut aller plus
loin, ont plaidé les grandes
compagnies charbonnières, en
tournant déinitivement le dos
au Clean Power Plan de Barack
Obama, qu’elles ont déjà fait
bloquer par la Cour suprême, et
en doublant, de 10 à 20 $/tonne
CO2, la taxe-crédit susceptible
de soutenir la Carbon Capture
and Sequestration (CCS), seule
garantie de la pérennité de la
thermoélectricité charbon. Ces
appuis au développement de
l’industrie charbonnière ne pa-
raissant pas sufisants, les légis-
lateurs des États du Kentucky
ÉTATS-UNIS et de l’Ohio n’ont pas hésité, en
Les mesures
récentes vont
mars 2017, à proposer l’abandon
dans le sens des programmes fédéraux en fa-
d’un soutien veur de l’eficacité énergétique et
actif à l’industrie
charbonnière du développement des sources
du pays. d’énergies renouvelables. Si elles
étaient retenues, ces proposi-
tions conforteraient l’annonce
d’une forte réduction des crédits
2017-2018 de l’Environmental
Protection Agency (EPA) ainsi
que les déclarations de Scott
Pruitt, son directeur, en faveur
d’un retour à la thermoélectri-
cité charbon.
Intervenant dans un contexte
de relèvement des prix du gaz
naturel depuis décembre 2016,
toutes ces mesures pourraient
revitaliser l’industrie charbon-
nière. Peut-on, pour autant,
imaginer un retour à un déve-
loppement de l’industrie char-
bonnière sur longue période ?
Rien de moins sûr, car certains
gros consommateurs de char-
bon tels DTE Energy (Detroit
Edison) afirment qu’ils ont
© TODDMEDAI/ISTOCKPHOTO
déinitivement renoncé au
charbon, donc à de nouveaux
projets de centrales thermiques
charbon. Cette évolution ne
pourrait être inléchie que par
une forte hausse des prix du
gaz naturel accompagnant une
large diffusion des clean coal
technologies, dont le CCS, la-
quelle est rendue très incertaine
par les âpres débats dont elle est
l’objet. De là, les prévisions de
production 2016-2040 de l’EIA
allant d’une faible croissance
(+0,8 %), si toutes les mesures
en faveur du charbon abou-
tissent, à des régressions de
-0,8 % et même -1,6 %.
De nouveaux
consommateurs autour
de l’océan Indien
Les déclins charbonniers de part
et d’autre de l’océan Atlantique
ne sont pas de mise autour de
l’océan Indien où les besoins
inassouvis d’acier, de ciment et
surtout d’électricité sont dificiles

Entreprendre à l’international - Hors série


à satisfaire par d’autres moyens
que la combustion de charbon.
L’Inde, avec une consomma-
tion de près de 930 millions
de tonnes en 2017 occupe dé-
sormais la deuxième place à
l’échelle mondiale. Les 6 %
annuels de sa trajectoire de-
puis une décennie sont tombés
à 2,5 % à partir de 2016 parce
que les besoins de charbon ne
parviennent plus à être satis-
faits. En décembre 2017, plu-
sieurs dizaines de centrales
thermiques sont à l’arrêt par
manque de combustible, tandis
que les stocks des autres sont au
plus bas et que les utilisateurs
captifs (sidérurgie, chimie, ci-
menterie) ne sont plus approvi-
sionnés correctement. En cause,
des chemins de fer engorgés que
la multiplication des transports
par camions ne parvient pas
à soulager et l’incapacité de la
grande entreprise publique Coal
of India Limited (CIL) à res-
pecter ses objectifs de produc-
tion. Le gouvernement indien
s’est ixé l’objectif, pour 2022,
d’une production nationale de
1,5 milliard de tonnes (Gt),
dont les deux tiers fournies par
les entreprises publiques (CIL
et Singareni) et le reste par les
entreprises détentrices de mines
captives ou les nouvelles entre-
prises charbonnières privées
dont la création est encouragée
par une politique de libéralisa-
tion du secteur minier.
De la capacité de l’industrie
charbonnière indienne à pour-
suivre avec succès de tels ob-
jectifs dépend en partie l’évo-
lution de la demande adressée
à l’Australie, à l’Indonésie, à
l’Afrique du Sud et, désormais,
à la Russie, à la Mongolie et au
Mozambique. De son côté, tous
les pays de l’Afrique australe
tentent de suivre l’exemple de
L’évolution l’Afrique du Sud qui met en
des prix route ses deux centrales géantes
de Médupi et Kusile (4,8 GW
en 2018 et chacune). Le charbon extrait
au-delà pour satisfaire cette croissance
de la demande le sera moins
dépend
par les traditionnelles multina-
moins de tionales (AngloAmerican, Rio
l’ofre abon- Tinto ou Glencore) que par les
grandes compagnies chinoises
dante en
(Shenhua) ou indiennes (Adani),
Australie, en compétition avec des juniors
Indonésie entreprises locales, nées en
Afrique du Sud de la politique
ou Russie
du Black Economic Empower-
que de ment (BEE).
l’évolution
La Chine, arbitre
des im-
de la trajectoire
portations charbonnière mondiale
chinoises. Entre la décroissance côté océan
Atlantique et la croissance côté
océan Indien, l’évolution de la
Chine reste incertaine. Après
les diminutions de 1,3 % en
2014 puis de 3,7 % en 2015
et 4,7 % en 2016, la suite pa-
raissait d’autant plus évidente
qu’elle s’inscrivait dans un plan
quinquennal 2016-2020 visant
une diminution de 62 à 55 %
de la part du charbon dans le
mix énergétique total. Bien
qu’ils ne soient pas encore dé-
initivement établis, les résultats
de l’année 2017 semblent mar-
quer une rupture de tendance :
à l’issue des dix premiers mois
de l’année, la consommation
de charbon serait en hausse de
3,7 % par rapport à la même
période de 2016.
En cause, une demande plus
élevée que prévue des indus-
tries grosses consommatrices
d’énergie, un passage moins
rapide que souhaité du parc
électrique aux sources non car-
bonées, une impossibilité de
substituer rapidement et mas-
sivement du gaz naturel aux
combustibles fossiles solides
Hors série - Entreprendre à l’international
39
dans les régions septentrionales
très polluées comme l’Hebei et
les villes de Beijing ou Tianjin.
Au même moment, les mesures
de réduction des capacités de
production ont, elles, dépassé
toutes les espérances puisque,
mi-2017, les autorités ont an-
noncé que la réduction de moi-
tié des 800 millions de tonnes
ixées pour in 2020 avait déjà
été réalisée. Ces mêmes auto-
rités n’avaient cependant pas
prévu qu’ainsi réduite l’offre
deviendrait déicitaire, que les
bas prix domestiques de jan-
vier 2016 tripleraient, que les
importations bondiraient, que
le pays redeviendrait le premier
importateur mondial et, par-là,
pousserait au doublement des
prix internationaux.
L’évolution des prix en 2018 et
au-delà dépend donc moins de
l’offre abondante en Australie,
Indonésie ou Russie que de
l’évolution des importations
chinoises. S’il se maintient ou
même s’accroît, leur volume
s’ajoutera à celui en hausse de
l’Asie du Sud-Est et jouera en
faveur des prix des charbons
vapeur et cokéiable peu éloi-
gnés des niveaux actuels. En
revanche, s’il diminue dès 2018
et s’installe sur une trajectoire
de -4 %, il contribuera à une
détente. Cette seconde branche
de l’alternative a les préféren-
ces de ceux qui parient sur la
réussite de la politique chinoise
de contraction de la demande
charbonnière et de modernisa-
tion de l’industrie minière qui
abaissera les prix domestiques et
dispensera d’importer. Nombre
de décisions récentes vont bien
dans ce sens, mais leurs premiers
résultats ne sont pas toujours au
rendez-vous dans une économie
et une société qui s’est considé-
rablement complexiiée. ■
40

 Marchés Industries
PICK-UP
Le modèle
Ford-150 est le
plus vendu aux
États-Unis.

© EL ALDRIDGE/ISTOCKPHOTO
AUTOMOBILE
En progression encore
et toujours…
Par Éric Champarnaud, cabinet C-Ways

Dans le sillage d’une croissance économique

mondiale au beau ixe, le marché automobile
mondial a progressé en 2017 pour une huitième
année consécutive.

A
près une hausse de
5,9 % en 2016, les
ventes planétaires du
marché automobile
ont afiché une nou-
velle progression de 3,3 % en
2017 qui a porté les volumes à
94,2 millions d’unités (voitures
et véhicules utilitaires légers).
Les grands absents de la crois-
sance 2016, la Russie et le Brésil
ont recouvré une meilleure san-
té économique et de meilleures
perspectives. Les ventes auto-
mobiles s’y sont solidement ré-
orientées à la hausse. Le Brésil
dont les ventes avaient fondu
de 44 % entre 2013 et 2016 a
signé une progression de 9,4 %
à 2,2 millions de ventes. Le re-
tour à son maximum historique
de 3,6 millions prendra néan-

Entreprendre à l’international - Hors série


moins plusieurs années. Quant
à la Russie dont le marché
s’était depuis 2012 effondré de
50 % après la crise ukrainienne
et la chute des prix du pétrole,
ses ventes ont repris de 12 % en
2017 avec 1,6 million de ventes.
Là encore, il faudra quelques
années pour retrouver les som-
mets historiques.
États-Unis : le retour
des grosses voitures
Après sept années de croissance
ininterrompue et un record bat-
tu l’an dernier avec 17,55 mil-
lions de voitures vendues, le
marché a en revanche marqué
une pause aux États-Unis. Il
a certes pour la troisième an-
née consécutive dépassé les
17 millions d’unités (17,25
exactement), mais il afiche
néanmoins une légère contrac-
tion annuelle de 1,8 % pour la
première fois depuis 2009. Le
pic du cycle a clairement été dé-
passé et le marché va désormais
affronter une phase baissière.
Avec trois hausses des taux d’in-
térêt programmées cette année
par la réserve fédérale améri-
caine, les clients qui inancent
majoritairement leurs achats à
crédit devront faire face à des
coûts d’emprunts plus élevés
qui pourront les dissuader de
revenir sur le marché neuf. Les
défauts de paiement sur des
prêts automobiles ont explosé
ces derniers mois. Pour autant,
les hausses de taux déjà enregis-
trées en 2017 n’ont pas empê-
ché le prix moyen des véhicules
neufs d’atteindre 35 800 dollars,
un nouveau sommet qui repré-
sente une hausse de 2,3 % en un
an et de 12,1 % en cinq ans. Il
est vrai que cette année encore,
avec un prix des carburants
plutôt faible, la demande est
restée forte pour les grosses voi-
tures (pick-up, SUV et crosso-
vers), tandis que l’intérêt pour
les citadines et berlines plus
économiques continue de fai-
blir. Ainsi la camionnette à pla-
teau Ford F-150, modèle le plus
vendu aux États-Unis, a connu
sa meilleure année depuis 2005.
Ses ventes ont bondi de 9,3 %.
L’ensemble du marché devrait
corriger de 2 ou 3 % en 2018.
Hausse dans l’UE sauf
au Royaume-Uni
Dans l’Union européenne les
ventes ont poursuivi leur crois-
sance pour la quatrième année
d’afilée avec, pour l’ensemble
des véhicules légers1, une
hausse de 4 % sur les onze pre-
miers mois de l’année. Pour les
seules voitures particulières, la
progression a atteint 7,9 % en
Italie (1,97 million), 7,7 % en
Espagne (1,24 million), 4,7 %
en France (2,11 millions) et
2,7 % en Allemagne (3,44 mil-
lions). Seul le Royaume-Uni en
proie aux perspectives du Brexit
a vu ses ventes reculer de 5,7 %
(2,54 millions).
La demande de voitures neuves
devrait encore augmenter en
2018 dans la plupart des pays de
l’Union européenne. Elle sera
portée par une hausse de l’em-
ploi et des salaires ainsi que par
une plus grande coniance des
consommateurs. L’incertitude
relative aux futures relations
entre le Royaume-Uni et l’UE,
parallèlement à une hausse de
l’inlation imputable à la fai-
blesse de la livre sterling, pour-
rait toutefois entraîner une
nouvelle baisse sensible du mar-
ché automobile britannique en
2018. Et cette baisse du marché
britannique pourrait réduire la
croissance globale du marché
européen car il est le deuxième
plus important de la région,
41
La hausse derrière l’Allemagne. Après un
des taux gain de 4 % en 2017, on prévoit
néanmoins que les ventes de
d’intérêt véhicules en Europe gagneront
aux États- encore autour de 1 % en 2018, à
16 millions d’unités.
Unis afecte
les ventes. La chute du diesel
Au-delà des chiffres de ventes
globales, la chute des ventes
diesel est un fait remarquable
en Europe. Longtemps vanté
en raison d’un bilan énergie
et émissions de CO2 meilleur
que celui de l’essence, le diesel
est désormais largement mon-
tré du doigt pour ses émissions
locales de particules ines et de
dioxyde d’azote. Le scandale
Volkswagen du dieselgate a pré-
cipité le recul de cette énergie
qui régresse dans toute l’Europe.
En France par exemple où les
immatriculations diesel culmi-
naient à 73 % du marché en
2012, le taux de diésélisation est
désormais de 47 %.
La hausse des taxes sur les émis-
sions polluantes et des restric-
tions sur le commerce de voi-
tures d’occasion de janvier 2017
ont pesé sur la croissance du
premier marché mondial. Mais
les ventes de véhicules neufs ont
continué de croître à un rythme
modéré en Chine. Elles sont
maintenant soutenues par la
demande dans les petites villes
et les zones rurales des régions
centrales et celles de l’Ouest du
pays, où le nombre de proprié-
taires est encore beaucoup plus
faible que dans les grandes villes
du pays.
Dynamisme asiatique
Le marché de l’occasion est
aussi appelé à exploser en
Chine, il devrait y doubler d’ici
à 2020, passant de 12 millions
d’unités en 2020. Du côté 
1. Voitures particulières
et véhicules utilitaires
d’unités en 2017 à 24 millions
légers.
Hors série - Entreprendre à l’international
42
 Marchés Industries
 du neuf, après 2 % en 2017,
les hausses d’immatriculations
de véhicules neufs devraient
dépasser 3 % en 2018 dans
l’empire du Milieu. Le marché
devrait même franchir la barre
des 30 millions d’immatricu-
lations en 2019. C’est dire si la
dynamique planétaire restera
assurée par ce premier marché
mondial.
En matière de dynamisme,
l’Inde devient également un
gros contributeur grâce à la
taille de sa population qui
est largement et encore sous-
équipée en automobile. L’enga-
gement du gouvernement à in-
vestir dans les infrastructures,
combiné à une demande crois-
sante provenant d’une popula-
Entreprendre à l’international - Hors série
100
tion massive et jeune, soutient
les perspectives positives de
croissance. Sur le sous-conti-
millions de nent, une franche croissance
véhicules est envisagée pour cette année
vendus dans et celles qui suivront. Le mar-
l’année : ché qui vient de dépasser les
ce cap 3 millions d’immatriculations
symbolique en 2017 (+10 %) pourrait ap-
procher les 3,5 millions en 2018
devrait être
(+15 %).
franchi Au Japon, le marché est aus-
en 2020. si reparti à la hausse avec un
gain de 5,3 % et le seuil des
5 millions de voitures ven-
dues a de nouveau été dépassé.
La croissance aurait pu être
plus marquée sans le recul des
volumes Nissan, conséquence
des révélations de procédures
d’inspections qualité inap-
propriées pratiquées dans les
usines nippones du groupe.
Le constructeur automobile,
qui a dû suspendre au Japon
sa production pendant pres-
que trois semaines a de même
été contraint de rappeler
1,2 million de voitures ven-
dues au cours des trois der-
nières années.
Le marché automobile mon-
dial va continuer de croître
dans des proportions non né-
gligeables au cours des pro-
chaines années. Avec un taux
de croissance moyen de 2 %
ces trois prochaines années, il
devrait franchir le cap sym-
bolique des 100 millions de
véhicules vendus sur une seule
année dès 2020. ■
 43

SPACE X
Le marché de
l’aéronautique
sera-t-il, comme
le spatial,
transformé par
la concurrence
extérieure ?

© BRUCE WEAVER / AFP

AÉRONAUTIQUE
Accélération de
la demande
Par François Vellas, Isthia, université de Toulouse 1 Capitole

La pause prévue dans les prises de commandes des

deux grands constructeurs Airbus et Boeing n’aura
inalement pas eu lieu en 2017 alors que les carnets
de commandes sont pleins pour près de huit années
de production au rythme annuel des livraisons.

A
irbus, avec 1 109 nou- sons contre 718 pour Airbus. l’accélération de la croissance
velles commandes nettes, Cependant, l’écart se réduit du transport aérien mondial
dépasse à nouveau Boeing entre les deux constructeurs avec l’augmentation considé-
avec 912 appareils ven- d’autant plus que les réserves rable des nouveaux débouchés
dus. En termes de li- de commandes sont de 7 265 dans les pays émergents combi-
vraisons, Boeing demeure le appareils pour Airbus et seu- née avec le développement des


premier constructeur aéronau- lement de 4 688 pour Boeing. compagnies low cost en Asie du
tique mondial avec 763 livrai- Cette situation témoigne de Sud et du Sud-Est.

Hors série - Entreprendre à l’international

 44

 Marchés Industries

 Cette reprise concerne un nouveau mouvement de tion industrielle dans l’Alabama.
principalement le moyen cour- concentration avec la vente du En trente-deux années passées
rier et provient de la poursuite programme CS de Bombardier chez Airbus, John Leahy, le
du succès des compagnies low à Airbus et avec les négocia- directeur commercial emblé-
cost notamment en Asie du Sud tions en cours entre le brésilien matique d’Airbus qui prend sa
et du Sud-Est qui se dotent de Embraer et Boeing. retraite, aura fait passer la part
lottes homogènes avec les nou- de l’avionneur de 18 % à plus
veaux modèles NEO d’Airbus Airbus toujours de 50 % du marché. Cepen-
et MAX de Boeing. Malgré ces premier mondial dant, malgré tous ses efforts,
succès, tout n’est pas sans pro- Avec un peu plus de 1 000 nou- John Leahy n’a pas pu concré-
blème pour les deux leaders de velles commandes nettes enre- tiser lors du Salon de Dubaï la
la construction aéronautique gistrées en 2017, Airbus est tou- commande de trente-six A380
mondiale qui sont confrontés jours le leader mondial devant auprès de son meilleur client
aux exigences de plus en plus Boeing. Ce résultat provient Emirates. Heureusement l’an-
fortes de la part de leurs clients notamment de la plus grande nonce de la commande de 36
ainsi que des États. C’est ainsi commande jamais enregistrée avions A380 par Emirates en
qu’Airbus dépend très large- par Airbus avec 430 appareils janvier a rassuré. L’A380 souffre
ment de la compagnie Emirates émanant de la compagnie in- d’un double problème, d’une
pour la pérennité de son pro- dienne low cost Indigo. Airbus part les compagnies aériennes
gramme d’A380, alors que les connaît également un très fort ont des dificultés pour le rem-
politiques commerciales plus succès aux États-Unis avec la plir en dehors de quelques lignes
protectionnistes des deux pre- commande de 100 A321 NEO à très gros traic, d’autre part le
mières puissances mondiales de la part de Delta qui s’ac- coût d’exploitation du seul qua-
que sont les États-Unis et la compagne d’une option pour driréacteur actuellement sur le
Chine inluencent de plus en 100 appareils supplémentaires. marché est supérieur, malgré
plus les exportations mondiales À ce succès américain s’ajoute sa capacité plus importante, à
de l’aéronautique en faisant la prise de commande de cin- ceux de ses concurrents B777 et
dépendre les commandes de la quante appareils par le loueur B787 et A350. Le lancement re-
délocalisation des chaînes de AerCap et témoigne du suc- poussé d’un A380 NEO réclamé
montage. Cette politique induit cès de la stratégie d’implanta- par la compagnie Emirates qui
représente la moitié des A380
vendus par Airbus ne paraît pas
susceptible de résoudre tous les
Airbus et Boeing : problèmes. En effet, ce nouvel
évolution des commandes annuelles avion risque de ruiner le mar-
ché de l’occasion qui est juste
Source : Airbus et Boeing, janvier 2018, commandes nettes déduction

naissant et de dévaloriser la
lotte des A380 tout en n’offrant
2000
Airbus pas de nouveaux avantages suf-
Boeing 1456 isants pour réduire notable-
1503 ment le coût par siège.
1419 1432
1204
1500
1203
1144
1355 1 109 Boeing renforce
1055 1044
1036 ses positions sur
1002
1000 731 912
le long courrier
777
805 833
À ces dificultés s’ajoute désor-
608 574 768
790 669 mais un problème de gouver-
361 317 668
381 nance. Le conseil d’adminis-
faite des annulations.

500 367 530

520 269
tration d’Airbus a dû se réunir
294 300 272 263 d’urgence en décembre 2017
219
0 pour résoudre le conlit entre
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017
Tom Enders, président exé-

Entreprendre à l’international - Hors série

 45

cutif et Fabrice Brégier, direc-

teur général délégué d’Airbus
en décidant le départ immé-
Les solutions
diat de Fabrice Brégier et en qui collent
2019 celui de Tom Enders. Ce à vs attentes
conlit à la direction d’Airbus
ne semble pas avoir eu d’impact
immédiat sur les ventes mais a Une gamme
contribué à créer un climat de complète
de colles
déiance alors que pèsent sur aqueuses
Airbus les enquêtes judiciaires et Hot‑Melt
diligentées en Allemagne, en
France et au Royaume-Uni sur Sur‑mesure
les commissions occultes ver- et Innovation
pour des
sées notamment lors de l’ob- solutions
tention de contrats militaires. adhésives
Dans ces conditions, l’incerti- adaptées
tude portant sur la succession
du président exécutif devrait SEALOCK s’engage à respecter et maintenir
ISO 9001:2008 OHSAS 18001

continuer à peser sur l’avenir les plus hauts niveaux de Responsabilités

Sociétale et Environnementale au sein
du groupe, notamment en ce de tous ses processus
ISO 14001 Evaluation CAP 26000
réalisé en 2012

qui concerne le renouvellement

de la gamme des moyens cour- Adhérent

riers. À la différence du long

courrier qui dispose d’avions
de nouvelles technologies avec
l’A350, la stratégie d’Airbus sur
le moyen courrier s’est concen-
trée avec succès sur l’améliora-
tion des performances des appa-
reils existants avec la gamme des
NEO qui représentent une éco-
nomie de carburant de l’ordre
de 15 % mais ne sont pas des
appareils de nouvelles techno-
logies en matériaux composites.
La décision attendue de lancer
le programme de renouvelle-
ment de la gamme des A320
est fondamentale pour espérer
conserver la position de leader à
un moment où arrive la concur-
rence de nouveaux construc-
teurs des pays émergents. Avec
le premier vol en Chine de
la série « C » dont l’appellation
résume à elle seule les ambi-
tions chinoises de devenir le
troisième constructeur aéro-
nautique mondial après le « A »
CONTACTS EXPORT
Martin LUCE : mluce@sealock.fr
Jean-Marc BARKI : jmbarki@sealock.fr
Vague de
concentrations dans
la sous-traitance
La dix-septième édition du
Salon international du Bourget
aura été l’occasion pour Boeing
de présenter une nouvelle ver-
sion du moyen courrier le plus
vendu dans le monde avec la
version MAX9 de son B737 et
surtout de renforcer sa position
dominante dans le long cour-
rier avec la version allongée
de son Dreamliner, le 787-10.
Cependant, malgré les succès
remportés en 2017, le carnet de
commandes de Boeing au mo-
ment du salon du Bourget avec
5 704 appareils demeure infé-
rieur de plus de 1 000 appareils
www.sealock.fr
www.sealock.co.uk
www.sealock.com.pl
www.intermelt.ru
Pour renforcer leur dévelop-
pement, Airbus et Boeing
s’orientent désormais sur le
marché de la maintenance et
des services aux compagnies
aériennes qui est évalué à
plus de 100 milliards de dol-
lars par an et qui devrait de-
venir un relais de croissance
très important pour l’avenir.
Pour conquérir ces nouveaux
marchés aujourd’hui détenus
principalement par les grands
sous-traitants aéronautiques
Boeing a créé le programme
Global Care pour le B787 et
Airbus le programme de ser-
vices aux compagnies aériennes
FHS pour l’A350.
Cependant, les deux grands

pris à leur propre piège. 

d’Airbus et le « B » de Boeing. à celui d’Airbus qui dépasse les constructeurs pourraient être
6 700 commandes cumulées.

Hors série - Entreprendre à l’international

 46
 Marchés Industries
© GILLES ROLLES/REA
ZODIAC
Opérations de
concentration
chez les
équipementiers,
comme Zodiac
racheté par Safran
début 2018.
 La stratégie développée
au cours des dernières années a
consisté à externaliser l’essentiel
de la production en augmen-
tant la part des sous-traitants
dans les nouveaux programmes
dans le but de limiter le risque
industriel et ain de leur faire
supporter le poids d’investis-
sements de plus en plus lourds.
C’est ainsi que plus de 50 % du
programme de l’A350 est ex-
ternalisé et même 70 % pour
celui du B787. Le modèle écono-
mique, comme c’est le cas pour
de nombreux produits à haute
technologie, consiste à serrer
les prix sur les équipements
fournis pour la fabrication des
avions neufs pour dégager par
la suite des marges importantes
sur la vente des pièces de re-
change et sur les services de
maintenance. Cette stratégie
s’est révélée in fine extrêmement
proitable aux sous-traitants qui
dégagent aujourd’hui des mar-
ges moyennes de 15 % alors que
Entreprendre à l’international - Hors série
les deux constructeurs ont des
dificultés à atteindre les 10 %.
Avec le ralentissement des com-
mandes de nouveaux avions
dans les prochaines années,
cet avantage devrait se renfor-
cer au proit des principaux
sous-traitants qui ont engagé
des opérations de concentra-
tions. Aux États-Unis le moto-
riste UTC avec Pratt & Whitney
a racheté Rockwell Collins et
en Europe Safran, en reprenant
Zodiac leader des cabines passa-
gers, s’introduit à l’intérieur
des nacelles. Ces sous-traitants
comme aussi Honeywell, GE
Aviation et Rolls-Royce ont dé-
sormais une taille comparable à
celle de Boeing et Airbus et pour-
raient être tentés à terme de se
lancer dans la construction d’un
nouvel aéronef.
L’avenir sera-t-il
aux Gafa ?
Face aux nouvelles donnes du
marché mondial de l’aéronau-
tique, les deux constructeurs
Airbus et Boeing vont se trouver
en concurrence avec certains
de leurs principaux partenaires
notamment les motoristes et à
terme avec les Gafa (géants de
l’Internet avec Google, Apple,
Facebook et Amazon). Les Gafa
s’intéressent en effet de plus en
plus au domaine des transports
avec les nouveaux modes de
transport autonome.
Dans ces conditions, la cons-
truction aéronautique pourrait
devenir dans les prochaines
décennies l’enjeu d’une révo-
lution technologique semblable
à celle qui secoue actuellement
le marché des lanceurs dans
le domaine spatial. C’est ain-
si que l’américain SpaceX, en
seulement quatre ans, a détrô-
né Arianespace en devenant en
2017 le premier lanceur mon-
50 % dial avec dix-huit tirs de sa fu-
sée Falcon 9 contre seulement
du onze à sa rivale européenne.
programme Le but d’Elon Musk, PDG de
SpaceX est d’augmenter les tirs
de l’A350
de 50 % en 2018 pour atteindre
est une moyenne de quarante tirs
externalisé. par an à la in de la décennie.
Ce bouleversement sur le mar-
ché du spatial est basé sur le
succès de nouveaux modèles
avec l’arrivée en 2018 de la
Falcon Heavy pouvant mettre
en orbite des satellites jusqu’à
un total de 54 tonnes. Face
à cette nouvelle concurrence,
Arianespace mise sur son
nouveau lanceur Ariane 6 qui
devrait permettre de réduire
les coûts de 40 % par rapport à
Ariane 5. Cette nouvelle donne
en matière spatiale pourrait
préigurer une évolution sem-
blable dans le domaine de la
construction aéronautique avec
par exemple la diversiication
dans le domaine du transport
aérien de SpaceX. ■
 47

COTON
BIOLOGIQUE
Intérêt plus
marqué des
consommateurs
pour des produits
éthiques.

© PATRICK ALLARD/REA
TEXTILE
Vers une consommation
plus responsable
Gildas Minvielle, directeur de l’Observatoire économique, Institut français de la mode

La part des dépenses d’habillement a tendance

à diminuer dans le budget des ménages.
Par ailleurs les comportements évoluent avec
des consommateurs qui souhaitent une mode
plus responsable.

A
près avoir perdu plus de près de 10 % observée au cours
10 % de sa valeur de- du troisième trimestre. L’amé-
puis 2007, la consom- lioration de l’environnement
mation d’articles d’ha- économique mais également le
billement a connu en soutien de la météo ont permis
France une légère progression cette embellie. Il reste que la re-

Comment expliquer ces 

1. Source Institut
de 0,2 % en 20171, notamment prise est fragile.
français de la mode. sous l’impulsion de la hausse de

Hors série - Entreprendre à l’international

48
 Marchés Industries
 dix années de recul
de la consommation d’habil-
lement ? L’observation des sta-
tistiques sur longue période
nous enseigne qu’il existe une
forte dépendance des dépenses
d’habillement à l’environnement
économique général. La crise
du début des années 90, tout
comme celle des subprimes en
2007, ont fortement impacté la
consommation d’habillement.
Dans un contexte où la crois-
sance économique est restée
peu soutenue, les ménages ont
été depuis 2007 fortement mis
à contribution par des impôts
supplémentaires pour restau-
rer les comptes publics, ce qui
les a conduits à effectuer des
arbitrages budgétaires plus ri-
goureux. Les dépenses d’habil-
lement des ménages ont ainsi
représenté 3 % de l’ensemble
de leur budget en 2016, contre
5,5 % en 1990 (source Insee).
Ces dépenses apparaissent en
quelque sorte prises en tenaille
entre les dépenses pré-engagées
(loyers et dépenses liées au loge-
ment) et celles issues des nou-
veaux modes de vie (loisirs et
culture, dont équipements au-
dio et informatiques et dépenses
de communication). Par ail-
leurs, d’autres dépenses de mode
semblent avoir mieux résisté que
celles de vêtements au cours de
la même période. La part des
chaussures est par exemple pas-
sée de 1,2 % du budget des mé-
nages en 1990 à 0,8 % en 2016,
tandis que la part de la maro-
quinerie est restée stable à 0,3 %
entre 1990 et 2016.
En 2017, l’accélération de la crois-
sance française a sans conteste
constitué un facteur de soutien à
la consommation d’habillement.
La reprise de la consommation
d’habillement demeure néan-
moins fragile (+ 0,2 % en 2017).
Entreprendre à l’international - Hors série
Consommation :
nouvelles attentes,
nouvelles opportunités
Néanmoins, la révolution nu-
mérique présente de réelles op-
portunités pour le secteur. Une
enquête réalisée en 2017 par
l’Institut français de la mode
auprès de 1 000 consommateurs
a montré que 30 % des per-
sonnes sondées achetaient de
plus en plus leurs vêtements sur
Internet. Le développement des
achats en ligne s’accompagne
en outre d’une plus grande
exigence des consommateurs
qui souhaitent une mode plus
responsable, respectueuse de
l’environnement et des condi-
tions de travail des ouvriers qui
confectionnent les vêtements. À
la question « qu’est-ce qui vous
préoccupe le plus dans les condi-
tions de fabrication des vête-
ments que vous achetez ? » 56 %
des personnes interrogées lors
de cette enquête ont répondu
« Les salaires très bas et les condi-
tions de travail des ouvriers ».
Cette étude a également révélé
que 62 % des personnes inter-
rogées achetaient de préférence
des vêtements dont l’étiquette
indique une fabrication fran-
çaise. À la question « pourquoi
préférez-vous acheter des vête-
ments fabriqués en France ? »,
48 % des interviewés ont ré-
pondu qu’ils ont ainsi l’assu-
rance qu’ils ne sont pas fabri-
qués par des enfants.
L’un des enseignements de cette
étude est donc que la consom-
mation de masse et ses taux de
croissance soutenus est bel et
bien révolue. Elle laisse peu à
peu place à une nouvelle norme
de consommation dans laquelle
les attentes des consommateurs
peuvent constituer des oppor-
tunités pour les entreprises qui
sauront les saisir. C’est ainsi que
La part des ces dernières années, de nou-
dépenses velles marques se sont créées en
répondant aux nouvelles exi-
d’habil- gences des consommateurs et
lement en conjuguant ventes en ligne et
fabrication française.
s’étiole
Le regain d’intérêt des consom-
sur une mateurs pour le made in France,
longue s’est-il traduit par un recul des
approvisionnements en prove-
période.
nance d’Asie ?
La part de l’Asie dans
les importations reste
majoritaire
Au cours des neuf premiers
mois de l’année 2017, les im-
portations d’habillement de
l’Union européenne ont en-
registré une légère hausse de
1 % en valeur par rapport à la
même période de 2016. Après la
croissance de 10 % observée en
2015, les importations se sont
stabilisées. L’Asie reste néan-
moins largement majoritaire
dans les approvisionnements
d’habillement de l’Union eu-
ropéenne (plus des trois quarts
en valeur).
Au sein de l’Asie, les importa-
tions en provenance de Chine
ont connu un recul de 2,2 %,
tandis que les arrivées en pro-
venance du Bangladesh ont
bénéicié d’une croissance de
3,2 %. Par ailleurs, les achats
au Cambodge (+ 6,6 %) et au
Vietnam (+ 4,7 %) continuent
Consommation d’habillement
Source : OCDE, Li and Fung, prévisions FMI
(en milliards de dollars)
386 396 400
353 331
269
UE États-Unis Chine
2016 2025
 49

de se renforcer. De nombreux
industriels chinois ont déloca-
lisé la production dans les pays
voisins pour proiter de la fai-
blesse des coûts salariaux, alors
que les salaires ont fortement
progressé en Chine. L’empire
du Milieu pilote ainsi de nom-
breuses usines de confection en
Asie et se positionne comme le
fournisseur incontournable de
tissus de toute la région. La part
de l’Asie dans les importations
d’habillement de l’Union eu-
ropéenne devrait donc s’élever
à 76 % en 2017 soit un niveau
comparable à celui de 2016.
Cela étant, une partie impor-

tante des distributeurs privilé-
gie les achats tardifs et limite,
autant que possible, la prise de
risque liée aux commandes ef-
fectuées plusieurs mois avant
le démarrage de la saison. Les
approvisionnements en zone
proche permettent notamment,
en optimisant la quantité des
produits achetés, de limiter
les soldes en in de saison qui
mettent à mal les marges des
distributeurs. On estime qu’en-
viron 20 % des commandes des
grandes marques et enseignes
mondiales concernent des
achats tardifs, réassorts et ac-
tualisations, déclenchés après le
démarrage de la saison.
C’est ainsi que le made in France,
même si les volumes restent
modestes au regard des autres
grandes régions de production,
retrouve un certain intérêt pour
de nombreux distributeurs y
compris dans le mass market.
Les pays de l’Est pour les pièces
à manches ou le Portugal pour
les vêtements maille constituent
également des bassins de pro-
duction à même de produire
des vêtements de qualité à des
prix intermédiaires. De même
pour les pays du bassin mé-
LE SLIP diterranéen (Turquie, Maroc,
FRANÇAIS Tunisie…) qui en 2017 de-
Les marques
misent de plus en vraient être à l’origine de 18 %
plus sur le made des importations d’habillement
in France.
de l’Union européenne en va-
leur, soit une part identique à
celle de 2016.
L’Asie source
de croissance
Si la mondialisation s’est tra-
duite par le transfert des acti-
vités manufacturières princi-
palement vers les pays d’Asie,
elle offre aux entreprises occi-
dentales une nouvelle source
de croissance à un moment où
la consommation ralentit. Ain-
si, les exportations françaises
d’habillement (constituées de
produits fabriqués en France
mais également issues de pro-
ductions délocalisées) totalisent
plus de 9 milliards d’euros et
bénéicient d’une dynamique
soutenue. Elles ont enregistré un
taux de croissance annuel moyen
© BENOIT DECOUT/REA
de 5 % par an depuis 2010.
La Chine avec son immense
marché offre un potentiel de
consommation élevé. Dans les
prochaines années, la consom-
mation chinoise devrait pro-
gresser, du fait de la volonté des
autorités de rééquilibrer le mo-
dèle de croissance. Cela permet-
tra, d’une part, de rendre plus
endogène le développement de
la Chine, en l’affranchissant de
sa trop grande dépendance vis-
à-vis des marchés occidentaux
et, d’autre part, d’augmenter
la consommation de la popu-
lation qui dans sa grande ma-
jorité ne fait pas encore partie
de la classe moyenne. Ainsi, la
consommation chinoise d’ar-
ticles d’habillement devrait
avant 2030 dépasser le niveau
du marché américain et eu-
ropéen, ce qui constituera un
bouleversement majeur et un
enjeu de taille pour les marques
françaises. ■

Hors série - Entreprendre à l’international

50

 Marchés Services
CES LAS VEGAS
Une délégation
d’une trentaine
de CCE était
présente à ce
CES 2018, en
partenariat avec
l’Euro Tech Week.

NUMÉRIQUE © JOHN LOCHER/AP/SIPA

CES 2018 : le sacrement de

la Blockchain ?
Par Gilbert Réveillon, président du groupe d’expertise TIC et Économie numérique des CCE

Une nouvelle édition du CES et du CES

Gouvernement vient ponctuer l’innovation et la
transformation numérique de nos projets qu’ils
soient professionnels, personnels ou encore
communautaires et associatifs.

N
otre article de l’année
dernière mettait l’em-
phase sur la nécessité
de prendre conscience
que la quantité de
notre représentation française
risquait de nourrir la stratégie
de prolifération des gadgets
et des egos. Cette année bon
nombre d’acteurs français ont
reconnu que le nombre de star-
tups françaises n’était en rien
un signe de qualité et de perfor-
mance. Même si au-delà du tro-
phée d’être la première nation
étrangère à l’Eureka Park du
CES avec plus de 274 startups
exposantes, la France a obtenu
une moisson de « innovation
awards CES 2018 » très im-
pressionnante. Mais au niveau
de notre écosystème, paradoxe
la France n’apparaît qu’en 18e
place dans le score internatio-
nal d’innovation1, publié par la
CTA (l’association qui détient
le CES), soit en dessous de la
moyenne européenne. Les cri-
tères sont nombreux et variés
dont toujours un même pro-
blème identiié de longue date :
le manque de diversité. Les ef-
fets de notre secrétaire d’État au
numérique, Mounir Mahjoubi,
sur la « French Tech Diversité »
sont plus qu’attendus. D’autre
part ce n’est pas un secret notre
« tax friendliness » mérite un D
- (jamais bon d’avoir un D)…
et le seul A est pour la catégorie
« véhicules autonomes ». Nous
ne sommes pas classés dans les
pays « innovation champion »
mais quand même dans les pays
« innovation leader ».
Parmi le top 10 des priorités
émergeant des réseaux sociaux
pendant le CES 2018, on trouve
en premier l’Iot2, déjà très bien
traité par les spécialistes du
hardware, en deuxième l’IA et
là nous avons quelques décen-
nies de retard en termes d’in-
vestissement mais du talent à
revendre… et le numéro trois
qu’est la blockchain sur lequel
il est intéressant de se concen-
trer car, à la grande surprise de
beaucoup, la France sort et peut
sortir encore mieux son épingle

Entreprendre à l’international - Hors série


du jeu… Le point le plus struc-
turant de cette édition 2018 du
CES c’est que la blockchain de-
vient le système opérationnel,
en décuplant les leviers entre
l’IoT et l’IA. Plusieurs aspects
de la cybersécurité en sont éga-
lement positivement affectés.
Les vainqueurs et licornes de
demain seront ceux qui trou-
veront comment disrupter leur
propre verticale industrielle.
Les tendances clés du
CES Government
Ce que nous apprend le CES
Government est encore plus
pertinent car il s’agit de 300
participants sélectionnés par-
mi les meilleurs fournisseurs
de technologies au monde et
des dizaines d’agences amé-
ricaines qui veulent satisfaire
leurs besoins actuels et futurs.
C’est un espace d’échanges sur
les tendances du futur qui sont
et seront structurantes bien
au-delà de la dispersion et du
gaspillage des gadgets. Au CES
Gov on prend conscience de la
réalité économique et sociale
de la blockchain avec une crois-
sance annuelle des engagements
contractuels du gouvernement
américain en moyenne sur 5
ans supérieure à 25 % et qui se
situe en valeur absolue autour
du milliard de dollars.
Ces projets de blockchain et
d’ICO3 sont la nouvelle dé-
ferlante à laquelle il convient
d’être préparé. Et fort heureu-
sement la France a su préparer
le sandbox, le bac à sable ad-
ministratif, juridique et iscal
qui lui permet de rattraper des
décennies de retard sur ces le-
viers, grâce notamment à la loi
Macron de 2016. Ne serait-ce
que parce qu’elle a permis une
révolution dans les limited
partnerships mais aussi pour le
51
« crowdfunding » et l’émergence des agents opérateurs bien en
des ICO où pour une fois dans la amont et les amenant à propo-
inance et sur plus d’un trimestre ser de s’auto-réguler, sans pour
la France sort chef de ile en autant rentrer aussitôt dans une
Europe avec des acteurs comme démarche d’accréditation. La
DomRaider et Chaineum4... crise des subprimes de 2008 à ce
jour en est une autre illustration
Vers une tokénisation et l’auto-régulation des ICO
de l’économie est un bon point de départ
Le métier de capital risqueur pour repositionner la France
va aussi vers la disruption avec dans le concert mondial des
cette tokénisation de l’écono- ICO. La valorisation actuelle
mie et des actifs associés. En des crypto-monnaies oscille
fait, un token d’usage n’est rien entre 700Bn$ et 450bn$ depuis
d’autre qu’un point de idélité, le début 2018, et cette varia-
gain que l’on peut utiliser pour tion est principalement due au
réserver son siège sur un vol Air Bitcoin, une crypto-monnaie
France pour aller de Paris à New parfaitement spéculative. Ce
York sans débourser un centime n’est pas l’objet spéculatif de
d’euro… L’usage de ce token re- cette crypto-monnaie qui a
présente des trilliards de dollars su tirer l’ensemble des 1 400
de fonds de commerce par an crypto-monnaies vers le haut,
pour les compagnies aériennes c’est la technologie sous-jacente
et autres acteurs du tourisme. qui a permis l’émergence du bit-
Donc on ne change pas la nature coin qui aujourd’hui nous inté-
humaine, on obtient des chan- resse. On sort de l’épiphénomène
gements de comportements en pour rentrer dans l’épaisseur du
associant des récompenses à trait qui ne va que s’ampliier.
des comportements d’achats ou Un pays comme l’Estonie, très en
de fréquentation et d’implica- avance sur le sujet de l’e-residence,
tion. Un token peut tout à fait va lancer son propre token appelé
se limiter à un usage, et ne pas « estcoin ». La France se distingue
être associé à un titre inancier à plusieurs titres en ayant permis
comme une action de détention une coordination à la fois d’au-
d’un droit de vote et de proprié- torégulation des acteurs de ces
1. cf https://internatio- té d’un actionnaire. C’est tout le écosystèmes et aussi de concer-
nalscorecard.com
2. Internet des objets. débat avec la SEC, dans lequel tation en bonne intelligence avec
3. Une ICO (Initial Coin n’est pas tombé l’AMF en France l’AMF, la Caisse des Dépôts et
Offering) est une mé-
thode de levée de fonds,
en initiant des consultations d’autres instances. ■
fonctionnant via l’émis-
sion d’actifs numériques
échangeables contre des
cryptomonnaies durant
la phase de démarrage *Un exemple d’autorégulation des ICO signée par plus de 60 agents
d’un projet (définition économiques européens et soutenues par le groupe d’expertise TIC et
de ICO Mentor). Ces
Economie Numérique des CCE http://www.icocharter.eu
actifs numériques sont
appelés tokens (jetons,
en français). C’est
*Le label ICO Truxt est une initiative de deux acteurs leaders en
pourquoi les ICO sont Europe et en France que sont Exaegis et Chaineum, permettant de
également appelées fournir un rapport de notation sur les risques d’investissements. Ce
« token sales » rapport, qui sera publié, aiguillera les investisseurs dans leur décision
4. Ces acteurs ont permis
et sur la pertinence dans le périmètre d’actions envisagé par le projet.
une levée de 56 millions
d’euros en 2 mois alors Un exemple de rating http://icorating.com/project/379/DomRaider. ■
qu’ils n’en cherchaient
que 35 millions.
Hors série - Entreprendre à l’international
52

 Marchés Services

© WILDPIXEL /ISTOCKPHOTO
FINANCE
Le crowdfunding a le vent
en poupe
Par Philippe Tisseau, CCE Autriche avec la collaboration d’Alexis Braillon

En 2020, le marché du inancement participatif devrait franchir la barre

des 1 000 milliards de dollars, alors qu’il ne dépassait pas les 3 milliards
de dollars en 2012. Démocratisé depuis quelques années déjà grâce à des
sites Internet (Kickstarter.com, Indiegogo.com, KissKissBankBank.com…),
le principe du inancement participatif s’ouvre désormais aux opérations
inancières : prise de participation et prêts aux entreprises.

L
e inancement participa-
tif est selon la Direction
générale des entreprises,
« un mécanisme qui per-
met de collecter les ap-
ports financiers – généralement
des petits montants – d’un
grand nombre de particuliers
au moyen d’une plateforme sur
Internet en vue de financer un
projet ». Cette déinition, assez
large, permet de rassembler
les différents types de inance-
ments participatifs : le don, le
inancement sans contrepar-
ties inancières, le inancement
avec prise de participation et le
prêt participatif.
Le inancement participatif
n’est pas une chose nouvelle.
En 1875, une campagne est lan-
cée pour inancer la statue de la
Liberté. Le nombre de 100 000
souscripteurs est annoncé. Plus
d’un siècle plus tard a été ré-
alisée la première campagne
de crowdfunding en ligne. En

Entreprendre à l’international - Hors série


1997, le groupe de rock bri-
tannique Marillion cherche à
inancer sa tournée en contre-
partie de la précommande
d’un nouvel album en prépa-
ration. Le groupe récolte alors
60 000 dollars auprès de 12 000
fans. Ce n’est qu’en 2006 que
le terme de crowdfunding (lit-
téralement inancement par
la foule) fait son apparition et
deux ans plus tard apparaissent
les premières plateformes dé-
diées à ces collectes de fonds.
Lancée en 2009, la plateforme
américaine Kickstarter, spé-
cialisée dans le inancement
de projets sans contreparties
inancières, a permis de lever
plus de 3 milliards de dollars.
Chaque jour, ce sont plus de
1,5 million de dollars qui y
sont collectés. La plateforme
se targue d’avoir créé directe-
ment et indirectement quelque
300 000 emplois.
Un inancement
participatif multiforme
De très nombreuses sociétés
ont pu démarrer grâce à ces
plateformes en faisant appel
au public pour précommander
leurs produits et ainsi assurer
la réussite de leur entreprise.
En 2012 par exemple, Eric
Migicovsky lance la montre
connectée Pebble sur la plate-
forme Kickstarter.com et celle-
ci atteint en seulement deux
heures l’objectif de 100 000 dol-
lars de précommandes. À la
in de sa campagne, plus de
10 millions de dollars seront
collectés (environ 85 000 mon-
tres). La société connaîtra en-
suite des hauts et des bas et sera
inalement rachetée en 2016
par Fitbit pour environ 35 mil-
lions de dollars.
Si au commencement il s’agis-
sait de soutenir une association
En 1875, une caritative (don) ou de s’offrir le
campagne prochain gadget (inancement
sans contreparties inancières),
est lancée tout le monde peut désormais,
pour inan- en quelques clics, devenir ac-
tionnaire d’une jeune société
cer la statue
innovante (inancement avec
de la prise de participation) ou de-
Liberté. venir prêteur dans le cadre
d’un projet immobilier (prêt
Un siècle
participatif).
plus tard, Les opérations inancières (prise
la première de participation et prêt), réser-
vées jusqu’alors aux banquiers
campagne
et aux investisseurs aguerris,
de crowd- s’ouvrent au grand public. Une
funding en petite révolution permise grâce
à un nouveau cadre réglemen-
ligne est
taire en France, en place depuis
réalisée. le 1er octobre 2014, qui autorise
les startups et les PME à lever
jusqu’à 1 million d’euros par
l’intermédiaire des plateformes
de inancement participatif.
En France, la plateforme Wiseed.
com propose aux particuliers
d’investir dans des startups de-
puis 2009. Les entreprises sont
sélectionnées avec rigueur et les
porteurs de projets doivent non
seulement convaincre les équi-
pes mais aussi la communauté
de la plateforme pour qu’une
campagne de collecte soit ou-
verte. Malgré cela, sur les dix
sorties de la plateforme fran-
çaise, seule une a été positive.
L’entreprise de biotechnologie
Antabio a collecté 300 000 eu-
ros et en a rapporté 522 000 eu-
ros à ses investisseurs.
Aux États-Unis, les opportuni-
tés sont bien plus nombreuses
et les montants bien aussi plus
importants. Ainsi, la plate-
forme CircleUp.com a permis
de inancer plus de 200 projets
depuis son lancement en 2011
pour un montant global de
plus de 300 millions de dollars.
De manière générale et no-
tamment en Europe, pour les
Hors série - Entreprendre à l’international
53
particuliers en quête d’inves-
tissements aux rendements at-
tractifs et aux risques mesurés,
la clé est peut-être le prêt parti-
cipatif. Les promoteurs immo-
biliers s’intéressent de plus
en plus à ces plateformes qui
leur permettent de trouver les
fonds dont ils ont besoin pour
convaincre les banques de les
inancer. Ces dernières exigent
un apport de 10 % à 15 % du
coût total de l’opération. La ré-
munération, sous forme d’in-
térêts, tourne autour des 10 %
bruts annuels, pour un engage-
ment de 12 à 24 mois.
En Autriche, le inancement
participatif est déjà bien ancré
dans les mœurs. De très nom-
breuses plateformes locales
permettent aux Autrichiens
de inancer des projets à la
manière de Kickstarter ou de
jeunes entreprises à la manière
de CircleUp.
Sur la plateforme Conda.com,
la marque de boissons au-
tri-chienne all i need a ainsi ré-
colté 200 000 euros en 2014. Elle
renouvelle l’opération en 2017
et arrive à convaincre cette fois-
ci plus de 400 investisseurs pour
un montant de 500 000 euros.
Une situation gagnant-gagnant :
en faisant appel aux particu-
liers pour son inancement, la
marque gagne en visibilité tout
en proitant de son nouveau ré-
seau d’investisseurs qui contri-
bue au succès du produit. Ces
investissements prennent sou-
vent la forme d’emprunts su-
bordonnés, moins compliquée
à mettre en place et moins ris-
quée qu’une prise de participa-
tion. Les investisseurs s’engagent
pour une période de deux à dix
ans. Les taux sont attractifs et
peuvent varier entre 5 % et 14 %
en fonction de l’âge et de la santé
de la société. ■
54

 Marchés Services

© DALIU /ONLY WORLD/ISTOCKPHOTO

TOURISME
Record de progression
du tourisme mondial
Par François Vellas, Isthia, université de Toulouse Capitole

Le tourisme mondial progresse de plus de 7 % en 2009. Il en résulte que, par rap-

port au dernier record atteint
2017 grâce notamment au redémarrage de l’Europe. en 2008, plus de 300 millions
Le baromètre de l’Organisation mondiale du de touristes supplémentaires se
Tourisme (OMT) indique qu’il a atteint un total de rendent à l’extérieur de leurs
1,3 milliard d’arrivées touristiques internationales frontières. Comme l’indique
le nouveau secrétaire général
dans le monde. de l’OMT, Zurab Pololikashvili
« Les voyages internationaux
favorisent l’emploi, la croissance

P
our ce qui concerne
le transport aérien,
l’Iata (Association du
transport aérien In-
ternational) annonce
une progression presque deux
fois plus rapide de la demande
mondiale avec +6,3 % et un
taux d’occupation record de
80,5 %. Le nombre de passa-
gers du transport aérien est
de 3,7 milliards comprenant
à la fois le traic domestique
et le traic international. Il en
résulte que les capacités conti-
nuent de progresser fortement
de 6,6 %.
De ce fait, 2017 aura été la hui-
tième année consécutive de
croissance des lux touristiques
internationaux depuis la crise
économique et inancière de
PRAGUE économique et les possibilités de
L’Europe du
Nord et
développement pour de nom-
l’Europe centrale breuses communautés à travers
attirent le monde. Mais cette source de
de plus
en plus de prospérité doit être gérée effica-
touristes. cement pour le bien des visiteurs
et des communautés d’accueil.
Nous devons agir pour favori-
ser un tourisme durable à même
de protéger l’environnement de
préserver le patrimoine culturel

Entreprendre à l’international - Hors série


des destinations et d’encourager
le respect des communautés lo-
cales à travers le monde ».
L’Europe
grande gagnante
L’Europe conserve en 2017 son
premier rang mondial avec une
progression de 8 % au-dessus
de la moyenne mondiale. La
progression est qualiiée « d’ex-
traordinaire » par l’OMT avec
une croissance de 13 % pour
l’Europe méridionale et mé-
diterranéenne. L’Espagne pro-
gresse de plus de 7 millions de
touristes internationaux pour
atteindre les 82 millions d’ar-
rivées, malgré les problèmes
en Catalogne au dernier tri-
mestre 2017 qui ont provoqué
une réduction des arrivées no-
tamment à Barcelone.
L’Union européenne à vingt-
huit demeure la principale des-
tination touristique mondiale
et représente plus de 40 % du
total des arrivées touristiques
internationales dans le monde.
Pour l’ensemble de l’Europe,
les arrivées internationales se
sont élevées à 620 millions,
soit 12 millions (2 %) de plus
qu’en 2015. Ce sont les régions
d’Europe du Nord avec +6 % et
d’Europe centrale (+4 %) qui
ont connu la plus forte progres-
sion grâce à l’adaptation de leur
offre hôtelière. En revanche les
deux principales régions euro-
péennes, l’Europe du Sud (1 %)
et surtout l’Europe de l’Ouest
(0 %) connaissent une stagna-
tion. La raison principale pro-
vient de la crise du tourisme en
France notamment à Paris et en
Turquie avec les attentats qui
ont affecté particulièrement les
clientèles asiatique de Chine
et du Japon et américaine des
États-Unis et du Brésil.
En France, la menace terro-
L’Union riste a entraîné une crise du
européenne tourisme dans les principales
régions touristiques qui cache
à 28 cependant de nombreuses dis-
demeure la parités selon les régions avec
principale
des pertes colossales pour l’in-
dustrie touristique parisienne,
destination à hauteur de un milliard d’eu-
touristique ros au cours des huit premiers
mois de l’année 2016 en com-
mondiale.
paraison avec 2015. Cette évo-
lution affecte particulièrement
le tourisme de congrès alors
que la place de leader de Paris
est de plus en plus contestée par
Vienne, Madrid et Barcelone,
dont la progression au cours
des quinze dernières années
est, selon le classement ICCA,
de 220 % pour Vienne, 225 %
pour Barcelone et 250 % pour
Madrid par rapport à seule-
ment 96 % pour Paris.
Cependant, malgré cette si-
tuation préoccupante, de nou-
veaux investissements tou-
ristiques de référence ont été
inaugurés en 2016 dans les
régions avec la cité des vins de
Bordeaux qui prévoit d’accueil-
lir 450 000 visiteurs par an et la
réplique de grotte Chauvet en
Ardèche vieille d’une histoire
de 36 000 ans qui permettent
de renforcer les avantages ab-
solus touristiques de la France.
En Turquie, le coup d’État avor-
té et les attentats qui ont suivis
ont annulé les perspectives de
croissance touristique du pays
avec une stagnation des arri-
vées touristiques internatio-
EUROPE SOUS-RÉGIONS
Europe du Sud et Méditerranée
Europe de l’Ouest
Europe centrale et de l’Est
Europe du Nord
XY Z [\
Source : Organisation mondiale du Tourisme, Baromètre annexe statistiques, février 2017.
Hors série - Entreprendre à l’international
55
nales qui n’est pas compensée
par le tourisme domestique.
Asie et Paciique :
résultat record
L’Asie et le Paciique enregis-
trent un résultat record avec
+8 % et dépasse désormais les
300 millions d’arrivées touris-
tiques internationales. C’est la
région de l’Asie du Nord-Est
avec notamment la Chine qui
attire le plus grand nombre de
touristes internationaux en Asie.
La croissance du nombre de
touristes avec 24 millions d’ar-
rivées supplémentaires en 2016
est désormais le double de ce-
lui de l’ensemble de l’Europe.
Cette très forte progression
bénéicie en premier aux pays
du Paciique avec +10 % pour
l’Océanie avec notamment
l’Australie qui est devenue une
destination privilégiée des tou-
ristes chinois. C’est la demande
touristique intra-régionale qui
est le facteur principal du dy-
namisme du tourisme interna-
tional en Asie avec +9 % pour
l’Asie du Sud-Est.
Consolidation
en Amérique
La région Amériques avec +4 %
consolide les résultats des deux
dernières années qui ont permis
d’atteindre les 200 millions d’ar-
rivées touristiques. L’Amérique
du Nord domine largement.
les pays insulaires de la 
Il convient de remarquer que
ARRIVÉES RECETTES
(en millions) (en Mds $)
228,6 175,9
179,6 146,8
131,8 50,1
79,7 77,4

499 372,6
56

Entreprendre à l’international - Hors série


 Marchés Services
 Caraïbe attirent presque au-
tant de touristes internationaux
que l’ensemble de l’Amérique du
Sud et reçoivent plus de recettes
touristiques internationales.
La croissance est plus rapide
dans les pays d’Amérique du
Sud et centrale avec +6 %. En re-
vanche, les pays de la Caraïbe et
l’Amérique du Nord, qui com-
mencent à être impactés par la
hausse du taux de change du dol-
lar, progressent légèrement moins
que la moyenne avec +4 %.
Part réduite
de l’Afrique
L’Afrique atteint les 58 millions
de touristes ce qui ne représente
que 2 % du tourisme mon-
dial. L’Afrique subsaharienne
grâce aux très bons résultats de
la République d’Afrique du
Sud se situe désormais large-
ment au-dessus de l’Afrique du
Nord à la fois en termes d’arri-
vées et de recettes touristiques
internationales.
Cependant, le tourisme pro-
gresse plus rapidement que la
moyenne mondiale avec +8 %
en 2016, malgré les dificultés
des destinations du Maghreb.
L’Afrique subsaharienne signe
la meilleure performance mon-
diale avec une progression de
+11 % grâce à la croissance de
l’Afrique du Sud et des destina-
tions insulaires de l’île Maurice
et des Seychelles qui bénéicient
de nouveaux investissements
hôteliers internationaux.
Bons résultats
au Moyen-Orient
Le Moyen-Orient a reçu
51,6 millions de touristes inter-
nationaux en 2016, malgré l’ag-
gravation du conlit en Syrie.
Ces bons résultats s’expliquent
par la poursuite des perfor-
mances des Émirats arabes unis
57
Évolution des arrivées touristiques dans le monde, 2000-2017
(en millions)
Source : Statistiques Organisation mondiale du Tourisme, janvier 2018
1500
1 322
1 235
1200 1 138
1 189
1 035
1 087
935
913 983
900 846
908
877
763
700 808
681
680 690
600
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017
La reprise avec non seulement Dubaï mais touristique avec Airbnb, les
également Abu Dhabi et Sharjah. chaînes hôtelières regardent
du tourisme
du côté du Japon et des hôtels
interna- Le secteur de l’éco- capsules. Réduire au maximum
tional nomie collaborative la surface des chambres permet
bouleverse le tourisme de diminuer considérablement
concerne
d’afaires les prix et de retrouver des gains
largement La reprise du tourisme inter- de compétitivité à l’exemple des
le tourisme national concerne largement le Pod Hotels de Manhattan et de
tourisme d’affaires qui repré- Brooklyn qui recourt à l’archi-
d’afaire.
sente en France 48 % des nuitées tecture modulaire. Marriott a
d’hôtels et 30 milliards de chiffre lancé son nouveau concept avec
d’affaires. Cependant, les entre- la chaîne Moxy basée sur un
prises ont de plus en plus recours nouveau design haut de gamme
à une gestion directe des dé- dans lequel tout a été réduit
placements professionnels plu- sauf le lit king size. Toujours aux
tôt que de recourir aux services États-Unis, le concept de micro
des agences de voyages spéciali- hotel lifestyle avec des chambres
sées. Le recours aux réservations de 14 mètres carrés se développe
en ligne est désormais généralisé avec la nouvelle chaîne Tommie
avec les offres des compagnies qui doit ouvrir à Hollywood et
low cost, d’Uber ou de Airbnb Arlo à New York. Ces nouveaux
destinées aux voyageurs profes- types d’hôtels utilisent l’espace
sionnels et qui correspondent à au maximum avec des bureaux
la demande des « millennials de escamotables, des armoires sans
18-35 ans ». portes mais aussi de très grandes
fenêtres ain de donner un sen-
Design intelligent et timent d’espace. De plus l’exi-
réduction de la taille guïté des chambres est com-
des chambres d’hôtel pensée par la multiplication des
Face à la concurrence des nou- espaces de convivialité : bars,
veaux acteurs de l’hébergement lounge et restaurant typés. ■
Hors série - Entreprendre à l’international
58

 Marchés Normes

© CIRANO83/ISTOCKPHOTO
CARBONE
Prix du carbone et
compétitivité des entreprises
Par Paula Coussy, IFP Énergies nouvelles

Les émissions mondiales des six gaz à efet de

serre (GES) couverts par le protocole de Kyoto1 ont
augmenté de plus de 45 % entre 1990 et 2013 et
s’élèvent aujourd’hui à 54 Gt (milliards de tonnes)
de CO2 équivalent. La part des émissions de CO2
liées aux activités humaines représente plus de
66 % des émissions mondiales de GES.

D
ans certaines régions
du monde (Europe,
Québec, Californie,
Nouvelle-Zélande…),
1. Dioxyde de carbone, les émissions de GES
protoxyde d’azote,
méthane, hydrofluoro- sont tarifées à un prix variant
carbures, perfluorocar- de 1 à 130 euros/tonne CO2eq2.
bures et hexafluorure
de soufre.
Ce prix carbone représente un
2. CO2 équivalent. coût de production addition-
nel que les industriels grands
consommateurs d’énergies fos-
siles doivent intégrer dans leur
coût de production. Ce coût
environnemental s’applique à
certains secteurs de l’économie
(industries de l’énergie, indus-
tries manufacturières…). Il
prend la forme soit d’une taxe,

]^_`bc`b^f`b h ijk^_b`^l_km^li - Hors série


d’un crédit carbone ou d’un
permis d’émission négociable
selon les politiques publiques
environnementales mises en
place.
Une tariication va-
riable qui afecte les
coûts de production
Dans la plupart des pays (Russie,
Moyen-Orient, Argentine, la
plupart des pays d’Afrique…)
et pour des raisons historiques
et économiques propres, ces
mêmes émissions de GES ne
sont pas tarifées. Pour autant,
ces émissions seront comptabi-
lisées et viendront s’ajouter aux
1 000 Gt CO2eq correspondant
au budget carbone mondial al-
loué d’ici 2100 pour ne pas dé-
passer une hausse des tempéra-
tures moyennes à la surface du
globe de plus de 2 °C.
Le commerce mondial des mar-
chandises ne tient pas compte
de ce différentiel de coût de
production imposé par la tari-
ication des émissions de GES
lorsque les marchandises tra-
versent les frontières. Ainsi les
prix des biens manufacturés im-
portés en Europe en provenance
de régions du monde n’impo-
sant pas de contraintes carbone,
ne contiennent pas ce surcoût
carbone. Inversement, les prix
des biens produits en Europe
par exemple contiennent ce
surcoût carbone à l’exportation.
Cette asymétrie d’engagement
sur la politique climatique entre
différentes régions du monde
engendre mécaniquement des
problèmes de pertes de compé-
titivité industrielle et de fuites
de carbone à l’international.
Systèmes d’échange
de quotas (ETS)
En 2017, seules 25 % des émis-
sions mondiales de GES étaient
En 2017, couvertes par un prix carbone
seules 25 % réglementé. Toutefois le vo-
lume des émissions tarifées
des émis- depuis 2005 selon un système
sions mon- d’échange de quotas (ETS) a
été multiplié par deux, date de
diales de
la mise en place du premier
GES étaient ETS européen. La Chine a an-
couvertes noncé la mise en place de son
système national d’échange de
par un prix
quotas carbone en 2018. Ce
carbone système d’échange de quotas
réglementé. représentera le plus grand sys-
tème mondial et doublera les
émissions mondiales tarifées
via un ETS à hauteur de 7 Gt
CO2eq. Les émissions de GES
des entreprises sont assujetties
au prix carbone en vigueur là
où elles sont produites. Cepen-
dant, il existe différents prix du
carbone en cours.
Ainsi, le Chili (5 euros/t CO2eq),
la Colombie (5 euros/t CO2eq),
la Colombie britannique (21
euros/t CO2eq) ou le Japon
(2 euros/t CO2eq) sont sujets
uniquement à une taxe
carbone. La Californie, l’État
de Washington, le Québec
et l’Ontario ont un système
Contenu carbone des importations et des
exportations de biens manufacturés
16
14
12
OCDE en 1990
10
8
6
UE 28
4
Chine
2 PMO Afrique
0 Amérique latine
90 92 94 96 98
Approche
Empreinte
Territoire
Source : I4CE à partir de Global Carbon Budget, 2016
59
d’échange de quotas (sans taxe
carbone) dont le prix moyen
des enchères était de 13 euros/t
CO2eq en 2017.
Le cours moyen du quota car-
bone, sur le système d’échange
de quotas carbone européen (EU
ETS), a été très faible en 2017
autour de 5 à 6 euros/t CO2eq.
De plus, selon les pays euro-
péens, l’EU ETS peut être
également accompagné d’une
taxe carbone (130 euros/t CO2eq
en Suède, 31 euros/t CO2eq
en France, 21 euros/t CO2eq
au UK). Sur l’ensemble des
émissions mondiales de GES
réglementées, près des trois
quarts des émissions sont au-
jourd’hui couvertes par un prix
du carbone inférieur à 9-10
euros/t CO2eq. À noter que le
prix carbone compatible avec
l’objectif de l’accord de Paris
serait plutôt de l’ordre de 35-
70 euros/t CO2eq.
Les systèmes de tariication
carbone (taxe et/ou ETS) ne
s’appliquent pas à tous les
teurs économiques les plus 
secteurs économiques. Les sec-
00 02 04 06 08 10 12 14
Transfert de CO2
Importation nette
Exportation nette
Hors série - Entreprendre à l’international
60
 Marchés Normes
 couramment concernés
par un ETS sont les secteurs de
la production d’énergie et de
la production industrielle. Les
taxes carbone s’appliquent di-
rectement à la consommation
d’énergie carbonée (charbon,
pétrole et gaz naturel) et à cer-
tains secteurs industriels. Les
secteurs les moins ciblés par un
ETS ou une taxe carbone sont
l’aviation (secteur qui est en
passe d’être réglementé au ni-
veau international), le secteur
des déchets et les transports
routiers.
Le contenu carbone des im-
portations d’un pays ou d’une
région se lit via l’empreinte car-
bone. L’empreinte carbone d’un
pays est supérieure aux émis-
npqrsurspvrs w xyzpqsrp{qz|p{x - Hors série
sions de son territoire (comme
pour l’OCDE) lorsque le conte-
nu carbone des importations
de biens manufacturés est su-
périeur à celui de ses expor-
tations. Inversement, si l’em-
preinte carbone est inférieure
aux émissions territoriales (par
exemple, la Chine) cela signiie
que le contenu carbone de ses
exportations est supérieur à ce-
lui de ses importations.
Pistes de rélexion
En 2014, l’empreinte carbone
européenne (EU 28) est supé-
rieure à ses émissions territo-
riales. Quelle a été la contrainte
inancière carbone des pays
où ces biens ont été manufac-
turés et importés en Europe ?
Avaient-ils une contrainte car-
bone ? Le contenu carbone des
biens importés dans un pays
n’est pas assujetti à la contrainte
carbone locale (taxes ou quo-
tas carbone) lorsque ceux-ci
passent les frontières. Est-ce
que ces importations de biens
seraient aussi importantes si la
contrainte carbone était inté-
grée aux importations selon le
prix du carbone local ? Est-ce
que les biens manufacturés en
Europe seraient plus compétitifs
si une contrainte carbone inter-
nationale était appliquée ? Telles
sont les questions à explorer
pour avoir une meilleure vision
de l’impact de la contrainte car-
bone sur le commerce interna-
tional de biens manufacturés. ■
 61

© MICROSTOCKHUB/ISTOCKPHOTO
CONFORMITÉ
L’année 2018 sous le signe de
la « conformité »
Par Isabelle Ginet-Kauders, CCE Rhône-Alpes, Osaco Group

Depuis plus d’une année, la France connaît des instaurer un instrument inter-
évolutions importantes dans le domaine de la national contraignant destiné à
prévenir les violations des droits
« Compliance », traduite « conformité ». Des humains par les multinatio-
règlementations exigeantes mais qui peuvent nales et les pénaliser en cas de
être par ailleurs une excellente opportunité manquement. 2018 devrait voir
naître la première ébauche de ce
aux portes de l’international si l’on utilise la traité international.
compliance comme outil de compétitivité *L’anti-corruption : le renforce-
notamment au sein du monde anglo-saxon. ment de l’arsenal français
En 2014, avait été créé le Parquet

L’
année 2018 représente
l’année du respect de
nouvelles réglementa-
tions en matière de
conformité pour les or-
ganisations/ entreprises concer-
nées. Les obligations sont
importantes et lourdes de res-
ponsabilité. De surcroît, l’appli-
cabilité de ces réglementations
est beaucoup plus large dans les
faits que dans les textes.
En France, trois réglementations
importantes ont été élaborées : la
loi sur le devoir de vigilance (ap-
plicable au 1er janvier 2018), la
loi Sapin ii (applicable au 1er juin
2017) et le règlement général sur
la protection des données per-
sonnelles (dit « RGPD », appli-
réglementations varient en fonc-
tion de la taille et des éléments
inanciers des organisations.
*Le devoir de vigilance : vers la
protection des droits humains et
de l’environnement
La loi sur le devoir de vigilance
s’applique à toutes les sociétés
françaises de plus de 5 000 sala-
riés. Les entreprises concernées
doivent établir un plan d’action
visant à réduire les impacts en-
vironnementaux, sociaux et so-
ciétaux, liés à leur action ainsi
qu’à celles de leurs fournisseurs
et iliales.
Un groupe intergouvernemen-
tal de travail a été constitué
auprès du Conseil des droits
de l’homme des Nations unies
national inancier, chargé notam-
ment des enquêtes portant sur les
atteintes à la probité (corruption,
traic d’inluence, égalité d’ac-
cès aux marchés publics, favori-
tisme). En 2016, cela a été l’adop-
tion de la loi Sapin ii, destinée en
particulier à empêcher que les
entreprises françaises ne soient
condamnées à l’étranger (États-
Unis entre autres). Ce texte a
aussi créé l’Agence française an-
ti-corruption (AFA), et introduit
la convention judiciaire d’intérêt
public, ou « transaction pénale ».
*La protection des données
personnelles :
Le RGPD est un règlement euro-
péen applicable à partir du 25 mai
prochain aux vingt-huit pays
membres. Il s’agit de mettre en

procédures de protection et 

cable au 25 mai 2018). et devrait parvenir à un projet place au sein des entreprises des
Les critères d’applicabilité des de traité international. Il vise à

Hors série - Entreprendre à l’international

 63

 Marchés Normes

 d’accès aux données person- tissement demanderont preuve indispensables pour ce sujet :
nelles. L’une des mesures phares du respect de la réglementation. ISO 19600 : 2016 sur la comp-
est la nomination obligatoire Les grands groupes intègrent liance et ISO 37001 : 2017 sur
d’un délégué à la protection des dans leurs appels d’offres la l’anti-corruption. Les deux nor-
données - Data Protection Officer. preuve du respect de la régle- mes sont des guides de mise en
mentation comme un critère. œuvre et de suivi des process
La réglementation Sur la scène internationale, compliance et anti-corruption.
anglo-saxonne et prouver la compliance de nos en- La certiication ISO permet
l’extraterritorialité treprises n’est pas chose aisée en de se prévaloir de la qualité
Les équivalents de nos régle- particulier sur les marchés des mondialement reconnue et de
mentations sont le US Foreign États-Unis et du Royaume-Uni. saisir de nouvelles opportunités.
Corrupt Practices Act (1977) et Il existe une référence inter- À titre d’exemple, Singapour
le UK Bribery Act (2010). Le nationale dont peut se pré- a intégré directement la norme
US FCPA prône le principe de valoir toute organisation et ISO 37001 dans sa réglementa-
l’extraterritorialité : un « lien » communément acceptée sur la tion anti-corruption.
avec les États-Unis sufit à l’ap- scène internationale. Il s’agit Au-delà de sa nécessité légale,
plicabilité du FCPA et à faire des normes ISO - International la compliance devient alors un
sanctionner des entreprises Standards’ Organization. ISO en avantage compétitif et une va-
étrangères. tant qu’organisation interna- leur différenciante de l’entreprise
La France ne prévoit pas le prin- tionale a adopté deux normes sur les marchés mondiaux. ■
cipe d’extraterritorialité. En re-
vanche, la loi Sapin ii ouvre la
voie à la convention judiciaire
d’intérêt public. Ce mécanisme
judiciaire permet à une entre-
prise de pouvoir « négocier » sa
sanction. Il permet également
aux pays de se coordonner ain
qu’une entreprise ne soit pas
sanctionnée plusieurs fois pour
les mêmes faits selon plusieurs
pays. Dans tous les cas, il revien-
dra à l’entreprise de démontrer
qu’elle aura mis tous les moyens
en œuvre pour le respect des
réglementations en interne. Les
différentes autorités (Parquet et
AFA) s’attachent particulière-
ment à ce critère et apprécient la
responsabilité de l’entreprise et
sa motivation à se conformer à
la réglementation.

Les normes ISO, oppor-

tunité de compétitivité
Au-delà de l’aspect naturelle- Trust at the heart of our identities
ment contraignant des régle-
mentations, la compliance doit
être envisagée comme un ins-
trument de compétitivité. Les
établissements bancaires ainsi
que la Banque publique d’inves-

Hors série - Entreprendre à l’international

64

LE
MONDE
EUROPE

66 Une période de transition délicate 78 HONGRIE : dépasser l’image du pays

Par Michel Troubetzkoy, président d’honneur
du comité UE des CCE, vice-président de la
Commission Europe des CCE, senior Advisor
Avisa Partners
68 L’Union européenne est à un tournant
Par Michel Barnier, négociateur en chef chargé
de la conduite des négociations avec le
Royaume-Uni au titre de l’article 50 du traité
Union européenne
70 ROYAUME-UNI : Brexit ou pas Brexit,
la vie continue
Par Olivier Morel, président des CCE
Royaume-Uni, avocat à la cour, Solicitor
of the Senior Courts of England and Wales
Par Peter Bosznay, président des
CCE Hongrie
98 SUÈDE : l’innovation permanente
Par Guillaume Lefebvre, CCE Suède,
Senior Country Oicer, Crédit Agricole CIB
Nordic Region
AMÉRIQUE DU NORD
84 ÉTATS-UNIS : entre euphorie et réalisme, les
arbres grimpent-ils jusqu’au ciel ?
Par John Robert Mcintyre, président d’honneur
du comité des CCE USA Sud-Est

73 ALLEMAGNE : nouveau record en vue pour

la croissance
Par Bénédicte de Peretti, CCE Allemagne

76 ESPAGNE : « Sol y sombra »

Par Emmanuel Mielvaque, président des
CCE Espagne

Entreprendre à l’international - Hors série


AMÉRIQUE LATINE
90 Croissance modérée et incertitudes politiques
Par Carlos Quenan, vice-président de l’Institut
des Amériques
95 BRÉSIL : continuons à y croire
Par Frédéric Junk, président des CCE Brésil
96 ARGENTINE : en passe de redevenir
un pays normal
Par Jean-Bernard Lemire, président des CCE
Argentine
98 CHILI : retour de la coniance
et belles perspectives
Par Louis des Cars, président des CCE Chili,
CEO Coface Chili
ASIE-PACIFIQUE
100 La locomotive mondiale asiatique
Par Jacques Gravereau, CCE, président
d’honneur de l’Institut HEC Eurasia
108 JAPON : une plus grande ouverture
Par le comité Japon des CCE, coordonné par
Jean-Michel Serre, président des CCE Japon
112 CHINE : déis et réussites
Par Jacques Gravereau, CCE, président
d’honneur de l’Institut HEC Eurasia
116 CORÉE DU NORD : le vrai visage du pays
Par Jacques Gravereau, CCE, président
d’honneur de l’Institut HEC Eurasia
120 INDE : une impulsion nouvelle
Par le comité Inde des CCE et le Service
économique régional
122 AUSTRALIE : l’Australie continue de surfer
sur la vague
Par Didier Guérin, CCE Sydney, Media
Convergence Asia-Paciic
et Christophe Bories
65
EURASIE
126 2018, année de toutes les opportunités pour
la France
Par Gilles Rémy, vice-président de la commission
Eurasie des CCE, PDG de Cifal, président de la
chambre de Commerce France-Turkménistan
PROCHE ET MOYEN-ORIENT
PHOTOS SOMMAIRE (de g. à d.) : © NI QIN/ISTOCKPHOTO - © nito100I/STOCKPHOTO - © lucky-photographer/ STOCKPHOTO
132 Une éclaircie qui pourrait s’élargir
Par Jacques de Lajugie
141 ARABIE SAOUDITE : la construction d’un
quatrième royaume
Par Jacques Bourgeois, président d’honneur des
CCE Arabie saoudite
AFRIQUE
148 L’entreprenariat : un impératif à relever
Par Loïc Tribot La Spière, délégué général du
Centre d’étude et de prospective stratégique et
Henri-Nicolas Fleurance, avocat fondateur du
Cabinet De Gaulle, Fleurance & Associés
156 ALGÉRIE : un potentiel de développement,
mythe ou réalité ?
Par Michel Bisac, CCE
160 AFRIQUE DU SUD : on repeint l’arc-en-ciel
Par Jérôme Boyet, président des CCE
Afrique du Sud
Hors série - Entreprendre à l’international
 66
 Monde Europe
Une période de
transition délicate
Par Michel Troubetzkoy, président d’honneur du comité UE des CCE,
vice-président de la Commission Europe des CCE, senior Advisor Avisa Partners
© MEATBULL/ISTOCKPHOTO
L
a période qui s’an-
nonce après l’accord
trouvé le 8 décembre
avec le Royaume-Uni
permettant d’ouvrir les
négociations sur la future rela-
tion assortie d’une période de
transition est sans doute la par-
tie la plus délicate car si, comme
le souligne Michel Barnier on a
vu l’Europe des vingt-sept restée
unie, une négociation commer-
ciale avec un pays qui n’appar-
tient plus à l’Union européenne
comporte nécessairement des
frictions.
Quel que soit le résultat de cet
accord, le Royaume-Uni ob-
tiendra moins que ce qu’il a au-
jourd’hui avec le marché unique.
Pendant plus de quarante ans le
Royaume-Uni, à chaque change-
ment de traité, n’a eu de cesse de
négocier des opt out (exceptions
au traité), aujourd’hui il se re-
trouve dans la situation inverse
pour négocier des opt in.
Les intérêts sectoriels vont iné-
vitablement se faire entendre
car dans le fond quels que soient
les domaines concernés, tout le
Entreprendre à l’international - Hors série
monde cherchera à obtenir le
statu quo mais cela ne sera pas le
cas. (Pas de cherry picking). Ce-
pendant, d’ores et déjà trois do-
maines sont considérés comme
devant faire l’objet d’un traite-
ment spéciique, la sécurité, le
transport aérien et le nucléaire.
Le vrai test d’unité interviendra
assez rapidement lorsque cer-
taines industries ou régions, sou-
tenues par leur gouvernement,
demanderont un traitement ESPAGNE
spéciique. C’est sans doute ce
Pib 1 232
que les Britanniques attendent. Pop. 46,2
S’agissant d’un accord mixte, les Pib/hab. 26 643
votes des parlements nationaux Tx croiss. Pib 2,7
et sub-nationaux seront d’autant Exp. B&S 33
plus dificiles à obtenir. On l’a IDH 0,884
vu pour le Ceta, il y a fort à pa-
rier que ce genre de problème se
reproduira.
Dans cette affaire inédite tous les
scenarii sont envisageables, mais
une chose est certaine cela aura
servi d’exercice de reality check
et compte tenu des dificultés
rencontrées, l’idée qui aurait pu
efleurer certains de faire comme
le Royaume-Uni est réduite au
silence. Même en Autriche la coa-
lition avec l’extrême droite n’a
pas inscrit la sortie de l’Europe PORTUGAL
dans son programme de gouver- Pib 203
nement. Rester dans le marché Pop. 10,3
unique devient une évidence. Pib/hab. 19 707
Espérons donc que la sortie or- Tx croiss. Pib 1
Exp. B&S 40
donnée prévaudra et que cela
IDH 0,843
servira à en tirer les leçons pour
une refondation de l’Europe
chère au président Macron. ■
 67

NORVÈGE SUÈDE
Pib 392 Pib 507
Pop. 5,3 Pop. 10,1
ROYAUME-UNI Pib/hab. 49 824
Pib/hab. 73 450
Pib 2 497 Tx croiss. Pib 1,2 Tx croiss. Pib 3,1
Pop. 66 Exp. B&S 34 Exp. B&S 44
Pib/hab. 37 812 IDH 0,949 IDH 0,913
Tx croiss. Pib 1,7 DANEMARK
Exp. B&S 28 Pib 304
IDH 0,909 Pop. 5,7
Pib/hab. 52 870
Tx croiss. Pib 2,1 POLOGNE
Exp. B&S 53
Pib 483
IDH 0,925
Pop. 38
Pib/hab. 12 721
PAYS-BAS
Tx croiss. Pib 3,3
BELGIQUE Pib 763 Exp. B&S 52
Pop. 17 IDH 0,855
Pib 463
Pib/hab. 44 654
Pop. 11,3
Tx croiss. Pib 3,3
Pib/hab. 40 696
Exp. B&S 81
Tx croiss. Pib 1,7 RÉP. TCHÈQUE
IDH 0,924
Exp. B&S 85
Pib 196
IDH 0,896
Pop. 10,6
ALLEMAGNE Pib/hab. 18 534
SUISSE Pib 3 423 Tx croiss. Pib 3,2
Pop. 83 Exp. B&S 80
Pib 659
Pib/hab. 41 243 IDH 0,878
Pop. 8,4
Tx croiss. Pib 2,2
Pib/hab. 78 245
Exp. B&S 46
Tx croiss. Pib 1,3
IDH 0,926
Exp. B&S 63
IDH 0,939
HONGRIE
AUTRICHE
Pib 125 ROUMANIE
Pib 383
Pop. 9,8 Pib 190
Pop. 8,7
FRANCE Pib/hab. 12 767 Pop. 19,6
Pib/hab. 43 786
Tx croiss. Pib 3,7 Pib/hab. 9 667
Pib 2 420 Tx croiss. Pib 2,3
Exp. B&S 92 Tx croiss. Pib 4,4
Pop. 65 Exp. B&S 52
IDH 0,836 Exp. B&S 41
Pib/hab. 37 294 IDH 0,893
Tx croiss. Pib 1,9 IDH 0,802
Exp. B&S 29
IDH 0,897

ITALIE GRÈCE
Pib 193
Pib 1 807
Pop. 10,8
Pop. 60,7
Pib/hab. 17 805
Pib/hab. 29 747
Tx croiss. Pib 1,4
Tx croiss. Pib 1,4
Exp. B&S 30
Exp. B&S 30
IDH 0,866
IDH 0,887

Pib par habitant Pib par habitant Pib : Pib en milliards de dollars, estimation 2017, FMI
supérieur à 50 000 dollars entre 20 000 et 30 000 dollars Pop. : population en millions d’habitants 2016, FMI
Pib/hab. : Pib par habitant en dollars, prévisions 2017, FMI
Pib par habitant Pib par habitant Tx croissance du Pib : prévisions 2017, Banque mondiale et OCDE, en %
entre 40 000 et 50 000 dollars entre 10 000 et 20 000 dollars Export de biens et services : en % du Pib 2016, Banque mondiale
IDH : indice de développement humain 2015, PNUD
Pib par habitant Pib par habitant
entre 30 000 et 40 000 dollars inférieur à 10 000 dollars

Hors série - Entreprendre à l’international

 68

 Monde Europe

L’Union européenne
est à un tournant
Par Michel Barnier, négociateur en chef chargé de la conduite des négociations
avec le Royaume-Uni au titre de l’article 50 du traité Union européenne

BRUXELLES administration à Washington,

Michel Barnier une exacerbation des tensions
arrivant à une
réunion au siège géopolitiques, une intensifi-
de la Commission cation des attaques terroristes
européenne.
en Europe et la montée des
partis populistes. L’année
2017 aura aussi été marquée
par l’élection en France du
plus jeune président sous la
ve République avec un pro-
gramme et des idées résolu-
ment européennes.
Le péril national populiste
s’est globalement éloigné sans
qu’il disparaisse totalement.
© WIKTOR DABKOWSKI / DPA

La vigilance doit être de mise.

Il y a une différence entre
les conséquences du Brexit
que je suis chargé de gérer
en grande partie et les leçons
du Brexit qui intéressent tout
le monde. Il faut prendre le
temps de comprendre pour-
quoi une majorité de citoyens
Michel Barnier analyse les enjeux des britanniques ont voté ain-
négociations en cours avec le Royaume-Uni si. Je recommande de ne pas
confondre le populisme et le
et au-delà les leçons que l’Union sentiment populaire.
européenne pourrait tirer du Brexit. Le premier doit être combattu
démocratiquement. Le second
doit être entendu et traité par
les politiques publiques au ni-

L’
année 2017 aura
permis de tourner la
page d’une décennie
de crises et de tem-
pêtes dont l’année
2016 aura été emblématique
avec la victoire du Brexit, la
mise en place d’une nouvelle
veau le plus pertinent. Comme
le disait le général de Gaulle
« il faut combattre la démago-
gie par la démocratie ».
Une unité renforcée
2017 pourrait devenir l’an-
née où l’Union européenne

Entreprendre à l’international - Hors série


a compris qu’elle ne devait
compter que sur ses propres
forces. L’année où nous, Euro-
péens, avons compris que nul
ne fera pour nous ce que nous
ne ferons pas nous-mêmes.
De cette décennie écoulée, je
retiens une leçon, ce qui nous
unit, c’est-à-dire nos valeurs
communes et notre envie
d’être ensemble sont plus forts
que tout ce qui pourrait nous
diviser.
Paradoxalement, le Brexit
parce qu’il constitue une re-
mise en cause existentielle de
ce qui nous lie renforce cette
unité. Depuis ma prise de
fonctions, je me suis rendu
dans chacune des capitales
européennes, afin d’y ren-
contrer les gouvernements,
les parlements, mais aussi les
syndicats et les organisations
patronales. Partout, j’ai perçu
une même prise de conscience
collective et un même esprit
de responsabilité devant la
gravité des enjeux et des défis.
Notre devoir collectif en tant
que citoyens engagés est d’ap-
porter, ensemble, des réponses
à ces défis.
Première étape
d’un accord
C’est ce que nous faisons en
cherchant à organiser un re-
trait ordonné du Royaume-
Uni, prélude nécessaire à la
construction d’un partenariat
ambitieux entre ce pays et
l’UE.
Le 8 décembre dernier, nous
avons trouvé avec le Royaume-
Uni un accord qui constitue
un pas important dans la di-
rection d’un retrait ordonné
permettant de garantir les
droits des citoyens européens
vivant au Royaume-Uni et des
Britanniques présents dans
Il est donc l’UE, de solder les comptes
important entre nous et de nous mettre
d’accord sur les conditions
que chaque nécessaires au maintien de
entreprise la stabilité et du dialogue en
analyse Irlande.
Sur la base de ces trois points,
avec lucidi- le Conseil européen du
té son ex- 15 décembre 2017 a recon-
position au nu l’existence d’un « progrès
suffisant » qui nous permet
Royaume- d’ouvrir les discussions sur
Uni et se une éventuelle période de
tienne prête transition et sur le cadre de
notre relation future.
à s’adapter. Cette deuxième phase doit
néanmoins respecter des prin-
cipes essentiels tenant à ce que
le Royaume-Uni deviendra, en
mars 2019, un État tiers, qui
ne saurait être dans une situa-
tion aussi favorable qu’un État
membre. Parmi ces principes,
pensons notamment à l’inté-
grité du marché intérieur, à
l’indivisibilité des quatre li-
bertés (la libre circulation des
biens, des capitaux, des ser-
vices et des personnes) qui en
sont le fondement ou encore à
l’autonomie du processus de
décision de l’Union.
Déinir la relation
future avec le
Royaume-Uni
Quel que soit le cadre exact
de notre future relation, qui
fera l’objet d’une déclaration
politique en octobre 2018,
au moment où nous finalise-
rons notre accord de retrait,
nous devrons laisser le temps
aux entreprises et aux admi-
nistrations publiques de s’y
préparer. C’est l’objectif de la
période de transition qui a été
demandée par le Royaume-
Uni et pour laquelle la Com-
mission a proposé aux États
membres une durée de vingt-
et-un mois, entre le retrait du
Hors série - Entreprendre à l’international
69
Royaume-Uni le 29 mars 2019
et le 31 décembre 2020. Il ne
faut pas oublier qu’une re-
lation commerciale avec un
pays qui n’appartient pas
à l’Union européenne com-
porte nécessairement des fric-
tions. Il est donc important
que chaque entreprise analyse
avec lucidité son exposition
au Royaume-Uni et se tienne
prête à s’adapter.
Pour la première fois dans une
négociation avec un pays tiers,
il ne s’agira pas d’encourager
les convergences réglemen-
taires mais de maîtriser les di-
vergences, ce qui est nécessaire
si nous voulons maintenir des
règles du jeu communes.
Cette question est aussi im-
portante politiquement puis-
que les futurs accords avec le
Royaume-Uni seront très pro-
bablement des accords mixtes
qui exigent, au-delà du parle-
ment européen, la ratification
des vingt-sept parlements na-
tionaux et sans doute de cer-
tains parlements régionaux.
Penser à l’avenir
de l’Union
Cette unité que nous avons
réussi à bâtir autour de la né-
gociation avec le Royaume-
Uni, nous devons aussi l’utili-
ser pour un agenda positif de
réformes et l’établissement de
nouvelles politiques. Comme
a pu le rappeler récemment la
chancelière allemande Angela
Merkel, l’avenir de l’Union est
plus important que le Brexit.
L’Union sous l’impulsion du
couple franco-allemand doit
continuer de travailler dans
ce but.
À l’aube de cette année 2018,
je forme des vœux de bonheur
et de santé aux lecteurs de ce
numéro de Perspectives. ■
 70

 Monde Europe

ROYAUME-UNI
Brexit ou pas Brexit,
la vie continue
Brexit matin, Brexit midi et Brexit soir : le destin du pays et crédibles sur le panorama
économique du pays à court et
est associé durablement à cet évènement existentiel, moyen terme. Deux indicateurs
le plus signiicatif depuis la Seconde Guerre mondiale. clés de la santé et des perspec-
Cela n’empêche pas les ménages britanniques de tives de l’économie britannique
consommer et les entreprises de vendre. méritent d’être examinés : la
consommation, car elle est his-
toriquement un élément mo-
LONDRES
teur de la croissance du PNB et
l’investissement des entreprises.
Il faut cependant faire un point
d’étape sur la situation politique,
qui continue de dicter le tempo.

Panorama politique tou-

jours aussi chaotique
© GIANLIGUORI /ISTOCKPHOTO

Une chose demeure inchangée

depuis le 23 juin 2016 : l’imprévi-
sibilité politique. Imprévisibilité
plutôt qu’instabilité. La Première
ministre Theresa May a été plu-
sieurs fois décrite sur le départ
depuis dix-huit mois – dernière
démission annoncée à la suite
Par Olivier Morel, président des CCE Royaume-Uni, avocat à la cour, Solicitor
d’un calcul politique catastro-
phique : les élections législatives
of the Senior Courts of England and Wales
anticipées de juin 2017, qu’elle
avait elle-même provoquées,

P
our tenter d’aider les en-
treprises et les pouvoirs
publics à déchiffrer
cet imbroglio politico-
économique, le comité
CCE Royaume-Uni a consti-
tué un groupe de travail pour
analyser l’impact prévisible
du Brexit sur l’économie et
les entreprises. Dans la lignée
de notre premier rapport le
23 septembre 2016, « Brexit : la
drôle de guerre » et des mises
à jours régulières, il est oppor-
tun de faire un nouveau point
d’étape, après l’accord de prin-
cipe conclu entre l’Union eu-
ropéenne et le Royaume-Uni
le 8 décembre 2017 sur cer-
tains termes du « divorce », et à
l’aube de 2018, dernière année
pleine de l’Union à vingt-huit.
Le Brexit se caractérise par
la surabondance d’information
supericielle et peu iable et
l’absence de données concrètes
alors que la législature courait
jusqu’en 2020, et qui l’ont vu
perdre sa majorité au Parlement.
Theresa May durera sans doute
car elle représente le plus petit
commun dénominateur politi-
que : les pro-européens du gou-
vernement et du Parti conser-
vateur craignent qu’elle ne soit
remplacée par un ultra pro-
Brexit, et les Brexiters craignent
l’inverse. Le Parlement actuel
est élu pour cinq ans, jusqu’en
juin 2022, mais la prochaine

Entreprendre à l’international - Hors série


grande échéance politique sera
la conclusion des négociations
de sortie de l’Union, et la na-
ture du « deal » sur les relations
futures EU-RU qu’elle aura
négociées. Suite à une bataille
parlementaire homérique qui a
vu quinze députés conserva-
teurs voter contre le gouver-
nement1, l’accord conclu avec
l’UE devra inalement être sou-
mis à un vote du Parlement.
Ce vote est probablement la
prochaine échéance politique
clé, qui pourrait entraîner une
nouvelle crise politique.
Deux épisodes, déroutants pour
un observateur neutre, illustrent
la division qui persiste dans le
pays et le désarroi au sein de
l’appareil de gouvernement :
• 22 décembre 2017 : un tweet
de Theresa May annonce tri-
omphalement le retour du
« précieux passeport britannique
bleu » après la sortie de l’UE,
comme « expression de notre in-
dépendance et notre souveraineté
– symbole de notre appartenance
à une grande et fière nation ».
Annonce aussitôt saluée par les
partisans du Brexit comme une
victoire contre l’immixtion bu-
reaucratique de l’UE qui avait
imposé la couleur rouge foncé
(Burgundy) du document ac-
tuel ; a contrario, les quolibets
des pro-européens ont raillé le
ton nationaliste et nostalgique
de l’annonce, rappelant que
(i) le nouveau passeport bleu
roi ne ressemble en rien à l’an-
cien passeport bleu très foncé,
quasi-noir ; (ii) les pays de l’UE
ont le choix de la couleur du
passeport, à l’initiative du pays
membre ; (iii) le gouvernement
devrait passer son temps sur
des sujets plus sérieux que la
couleur du passeport – et de
conclure qu’« ils réarrangent les
transats sur le pont du Titanic ! » ;
• face aux critiques répétées que
le gouvernement n’avait aucune
idée sur la direction du pays
post-Brexit, David Davis, le mi-
nistre pour la Sortie de l’UE, a
assuré au Parlement que son
ministère avait préparé près de
soixante rapports sectoriels très
détaillés sur l’impact du Brexit ;
il a été sommé à de nombreuses
reprises de les circuler aux par-
lementaires pour contribuer
à un débat démocratique et
transparent sur ce sujet fon-
damental, y compris une com-
parution houleuse devant les
députés de la Commission
parlementaire pour la Sortie de
l’Union ; après être inalement
arrivé à court d’excuses pour
ne pas les publier, et avoir été
menacé d’outrage au Parlement
pour avoir menti aux députés,
les fameux rapports une fois
publiés se sont avérés être une
compilation médiocre qu’un
député a résumé ainsi : « la plu-
part des informations sont sur
Wikipedia ou identifiables avec
une brève recherche sur Google.
David Davis a clairement men-
ti à la Chambre [afirmant que
cinquante-huit rapports très dé-
taillés étaient prêts], puis a confié
à ses fonctionnaires la tâche peu
enviable de créer ces rapports en
deux semaines. Ils ressemblent au
copier-coller d’un étudiant pani-
qué qui rédige une dissertation à
la dernière minute ».
La consommation des
ménages, baromètre de
la santé de l’économie
« Nous avions totalement sous-
estimé l’effet psychologique du
Brexit ! » C’est ainsi qu’un éco-
nomiste britannique respecté
me coniait son mea culpa au
nom de sa profession : la prédic-
tion de catastrophe économique
qui devait quasi automatique-
4,2
% l’UE n’a pas eu lieu. Pourquoi ?
Le
chômage
est à un
plus bas
historique,
le meilleur
chifre
depuis
1975.
1. La profondeur de la
division des Tories se
mesure au fait que la
révolte est emmenée par
deux poids lourds du
parti : l’ancien ministre
de la Justice et
pro-européen Dominic
Grieve et Kenneth
Clarke, « Father of the
house » (député le plus
ancien, depuis 1970),
baron du parti et vété-
ran des gouvernements
Thatcher et Major des
années 80 et 90.
2. https://data.oecd.org/
fr/hha/dette-des-me-
nages.htm
3. L’index trace les
dépenses sur cartes
de crédit, débit et
prépayées et représente
un tiers des dépenses
des consommateurs
britanniques.
Hors série - Entreprendre à l’international
71
ment suivre le vote de quitter
Notre économiste m’explique
que les Remainers, déprimés, ont
adopté une attitude « après moi
le déluge » et les Leavers ont cé-
lébré leur victoire, dans les deux
cas en consommant. La consta-
tation, valide pour Q3 et Q4 en
2016, l’est aussi pour 2017 :
• les ménages ont continué à
dépenser, en s’endettant si né-
cessaire ; les Britanniques ont
un ratio dette/revenu2 dispo-
nible très élevé : plus de 150 %
en 2015, contre 109 % pour
les ménages français ; ce ratio
tendait à la baisse après la crise
inancière et est reparti à la
hausse depuis le référendum ; il
a tout juste commencé à mon-
trer des signes de retour à la
baisse in 2017 ;
• le chômage est à un plus bas
historique – à 4,2 %, le meilleur
chiffre depuis 1975 ;
• Noël 2017 semble également
avoir été un bon millésime
pour certaines marques – les
premiers résultats de la marque
Next (vêtements), du grand
magasin John Lewis, d’Aldi
(supermarché) ou encore de la
chaîne discount Poundland et
Mountain Warehouse (équipe-
ment/vêtements outdoor) sont
très encourageants.
Malgré tout, les signes sont indé-
niables que la consommation
risque de marquer le pas, im-
pactée par la baisse du pouvoir
d’achat réel, avec l’effet combiné
inlation (3 %, le pire score du
G7) et salaires durablement en
berne : en 2018, l’OCDE place
le RU au trente-deuxième rang
(-0,7 %), contre une moyenne
zone euro de +0,6 % ; USA
+1,2 % ; Allemagne +0,9 % et
France +0,8 %.
consumer spending index »3 
D’ailleurs, l’indice « VISA – UK
72
 Monde Europe
 montre une chute de la
consommation en décembre
pour le quatrième mois consé-
cutif, faisant de 2017 la plus
mauvaise année depuis 2012.
Investissements
des entreprises
Alors que l’indice boursier
Footsie 100 continue son
ascension et bat record après
record, relétant en fait la
bonne santé de l’économie
mondiale – les indices euro-
péens, DAX et CAC40 entre
autres, font encore mieux –
l’incertitude sur la future
relation UK-EU et UK-reste
du monde continue de peser
sur la capacité des entre-
prises d’engager des décisions
Entreprendre à l’international - Hors série
structurantes d’investissement.
Toutefois, l’investissement des
entreprises devrait se stabili-
ser et pourrait connaître une
très graduelle hausse sur un
horizon à trois ans, mais selon
le Gouverneur de la Banque
d’Angleterre Mark Carney,
clairement irrité, « si ce n’était
le Brexit, l’économie serait
florissante ».
Un autre indicateur tradi-
tionnel de la santé de l’éco-
nomie, la vente de voitures
neuves, enregistre la première
baisse depuis six ans en 2017,
avec 2,5 millions de voitures
immatriculées (-5,7 % sur
2016). Mauvaise nouvelle tem-
pérée : 2017 reste la troisième
meilleure année de la dernière
décennie et la sixième meil-
leure année jamais enregistrée.
La chute devrait se poursuivre
en 2018, entre 5 % et 7 %.
Côté écosystème de l’industrie
numérique, dont Londres est
une des capitales mondiales,
2017 est une excellente année,
comme en témoignent les der-
nières statistiques de levées de
fonds du secteur1 : les sociétés
basées dans le pays ont attiré
un record de 2,99 milliards de
livres (Md £) – près du double
de 2016, dont 2,45 Md£ pour
les seuls acteurs londoniens.
Cela place le Royaume-Uni en
tête des pays européens, loin
devant l’Allemagne (694 M. £)
et plus que la France, l’Irlande
et la Suède combinés.
 73

Les entreprises
françaises doivent–
elles encore investir
ALLEMAGNE
au Royaume-Uni ?
Le Brexit est avant tout un évè-
Nouveau record
nement politique, qui entre-
tient un climat d’incertitude en vue pour
peu propice à des décisions se-
reines. Mais le volume très im-
portant des échanges commer-
la croissance
ciaux entre le Royaume-Uni MUNICH
et l’UE ne va pas cesser : à titre Siège du constructeur
d’exemple, à eux-seuls, six pays automobile BMW.

de l’UE – Allemagne, Belgique,

Espagne, France, Irlande et
Italie – ont absorbé près de
40 % des exportations du pays

© NIKADA /ISTOCKPHOTO
en 2016. C’est donc dans l’inté-
rêt des entreprises que l’épisode
politique traumatique qu’est le
Brexit laisse de nouveau la place
aux échanges commerciaux. La
transition Royaume-Uni dans
et hors de l’UE sera sans doute
compliquée, mais le commerce Même sans nouveau gouvernement, la
reprendra ses droits. machine économique allemande tourne à
S’il serait très imprudent de
minimiser les risques macroé- plein régime. 2018 démarre sous de bons
conomiques, politiques et so- auspices. L’Allemagne va devoir toutefois
ciétaux du Brexit, il faut aussi trouver des solutions aux problèmes qui
séparer le bon grain de l’ivraie :
le référendum du 23 juin 2016,
se proilent à long terme.
organisé par David Cameron Par Bénédicte de Peretti, CCE Allemagne
pour crever l’abcès trentenaire
que constituaient les anti-

L’
européens de son parti (un
échec spectaculaire !), donne
lieu à une crise existentielle qui
nourrit les réseaux sociaux et
fournit à la presse une source
inextinguible de travail. Et s’il
reste très compliqué de démêler
le sensationnel du fondamental,
on observera qu’une croissance
considérée comme décevante
à 1,7 %, aurait fait jusqu’à ré-
cemment de nombreux envieux
dans d’autres pays. ■
1. Voir rapport publié le 05/01/2017 par London
an passé encore, la plu-
part des experts ont
été trop pessimistes.
Malgré les nuages et
les risques divers, la
locomotive allemande poussée
par la demande mondiale a car-
buré. Porté par les exportations
et la demande intérieure, le Pib
allemand a grimpé de 2,2 % en
un an (+1,9 % en 2016). Un
taux record depuis 2011 et la
huitième progression d’afilée.
Les économistes du coup ont
tous relevé leurs prévisions pour
même une croissance de 2,6 %.
Tous les voyants de fait sont au
vert : les investissements sont
en hausse, les carnets de com-
mandes des entreprises bien
remplis et le taux de chômage
poursuit sa baisse pour tomber à
5,3 %. En 2017, le nombre d’ac-
tifs a atteint 44,7 millions, soit
5 millions de plus qu’à l’arrivée
au pouvoir d’Angela Merkel en
2005. Le moral des entrepre-
neurs est au beau ixe, l’indice de
coniance des industriels ayant
atteint en novembre dernier son

D’après une étude du cabi- 

& Partners www.londonandpartners.com/me-
dia-centre/press-releases/2017/20180105-2017-
2018, certains, comme ceux de plus haut niveau depuis 1990.
record-year-for-london-and-uk-tech-investment. l’IFO de Munich, anticipant

Hors série - Entreprendre à l’international

 74

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Entreprendre à l’international - Hors série

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 Monde Europe
 net EY, le chiffre d’affaires
des 100 plus grandes entreprises
allemandes avait, après neuf
mois, progressé de 7 % à un
total de 1 250 milliards d’euros.
Leur résultat opérationnel a
même grimpé de 21 % à quel-
que 109 milliards. Et le fameux
Mittelstand n’est pas en reste.
« De nombreux secteurs prospè-
rent, de la construction à l’in-
dustrie manufacturière et au
commerce, ce qui explique que
l’indice IFO du climat des affaires
passe de record en record », justiie
le chef économiste de l’institut
de conjoncture de Munich,
Timo Wollmershäuser. L’in-
dustrie électrotechnique et élec-
tronique, devenue en 2017 avec
plus d’un million de salariés la
plus grosse branche industrielle
allemande en termes d’emploi, a
enregistré une hausse de quelque
2 % de son chiffre d’affaires. Mal-
gré la polémique autour du diesel,
les ventes d’automobiles outre-
Rhin, premier secteur industriel
en chiffre d’affaires, ont progressé
de 2,7 % à 3,44 millions d’unités
et les constructeurs allemands
afichent tous des hausses signii-
catives de leurs ventes. La chimie,
troisième branche industrielle,
aura dépassé les 5 % de crois-
sance et devrait encore aficher
une hausse de 2 % en 2018.
Pour 2018, la confédération al-
lemande du commerce de gros
et de l’export (BGA) s’attend à
ce que les exportations et les im-
portations allemandes atteignent
des sommets, les entreprises de
la première économie d’Europe
continuant de tirer proit des
bénéices d’une reprise aux États-
Unis, dans l’Union européenne et
en Chine. Les exportations pour-
raient ainsi augmenter de 5 % à
1 300 milliards d’euros, un niveau
record, tandis que les importa-
tions sont attendues en hausse de
7 % à 1 100 milliards, également à
un niveau sans précédent.
Signes de surchaufe
Un optimisme que tempèrent
toutefois certains économistes
qui craignent la surchauffe : les
dificultés de recrutement dans
certains secteurs provoquent
notamment une tension de la
production dans nombre d’en-
treprises. Plus d’un million
d’offres d’emploi non pourvues
aujourd’hui. D’après l’Institut
der deutschen Wirtschaft (IW),
un tiers des entreprises estiment
leurs carnets de commandes
« surchargés » et les deux tiers
d’entre elles en imputent la cause
au manque de personnel qualiié.
Signe de ces goulets d’étrangle-
ment : en novembre 2017, l’in-
dustrie allemande a relevé ses
prix à un niveau jamais atteint
depuis plus de six ans. Un taux
élevé d’utilisation des capacités
de production et un déicit de
main-d’œuvre qui pourraient se
révéler à risque dans la deuxième
moitié de l’année, selon l’Institut
für Weltwirtschaft (IfW) de Kiel
prudent dans ses attentes. « Un
vrai danger » acquiesce l’éco-
nomiste Phil Smith de l’Institut
IHS Markit. Et pourtant, outre
une hausse des salaires de 6 %, le
syndicat de la métallurgie n’hé-
site pas à revendiquer en ce début
d’année le droit de pouvoir tra-
vailler vingt-huit heures par se-
maine pendant deux ans pour les
3,9 millions d’employés de la mé-
tallurgie. Une baisse du temps de
travail inacceptable pour nombre
d’employeurs qui ne voient pas
comment ils honoreraient leurs
commandes, faute de personnel
qualiié en nombre sufisant.
Certains pensent que l’immi-
gration pourrait compenser ce
manque de main-d’œuvre. Quelle
politique migratoire l’Allemagne
75
doit-elle du coup se donner ? Le
sujet sera un des dossiers urgents
à résoudre pour le prochain gou-
vernement que pourrait consti-
De nom-
tuer la CDU/CSU et le SPD s’ils
breux sec- arrivent à se mettre d´accord pour
teurs pros- former une coalition gouver-
nementale. Une autre question
pèrent, de sera également de déinir com-
la construc- ment employer eficacement les
tion à 38 milliards, soit 1,2 % du Pib
d’excédents publics (au niveau
l’industrie fédéral mais aussi des Länder
manufactu- et des communes) ramassés en
rière et au 2017 ? Les élections de septembre
dernier qui ont permis au Parti
commerce. eurosceptique et anti-migrants,
Alternative für Deutschland, de
faire une entrée fracassante
Timo au Bundestag en devenant la
W}~~€‚ƒ„…‚€
troisième force politique en
Allemagne (13 % des voix et
quatre-vingt-quatorze députés)
ont bien montré la fracture que
vit le pays avec une hausse des
inégalités qui exacerbe les ten-
sions. Le risque de pauvreté
atteint près de 17 % de la po-
pulation, soit trois points de
plus qu’en France, d’autant plus
grand chez les femmes que chez
les hommes du fait d’une forte
inégalité salariale outre-Rhin
(21 %). D’où l’importance des
solutions à apporter.
Pas étonnant que de nombreuses
voix réclament une hausse des
investissements publics, dont
notamment un plan de numéri-
sation de l’économie allemande,
des investissements dans le sys-
tème scolaire et universitaire ou
encore dans les infrastructures
de transport ou l’énergie. Car si
l’Allemagne va bien aujourd’hui,
avec une industrie qui représente
27 % de son Pib, la révolution à
venir avec l’intelligence artiicielle
est un déi qui risque de chan-
ger fortement la donne pour un
pays qui a du mal à recruter dans
les services. ■
Hors série - Entreprendre à l’international
 76

 Monde Europe

ESPAGNE
« Sol y sombra »
L’année 2017 aura fait alterner le « sol y sombra » (soleil et ombre) sur
les terres espagnoles. En efet, le premier semestre économique fut assez
exceptionnel tirant encore largement la croissance européenne avec
pratiquement tous les secteurs économiques dans le vert. Le deuxième
semestre a vu se développer la crise catalane.

BARCELONE Volonté d’indépen-

Des pro-indépendantistes se dance de la Catalogne
manifestent pendant un match
de football le 11 janvier 2018.
Et puis est survenue la crise ca-
talane après l’été. Cela fait près
de sept ans qu’on la voyait se
former, des années de tension et
de mésentente qui aboutissent à
un déchirement sans précédent,
si profond qu’il faut remonter
au coup d’État avorté de 1981
pour voir l’Espagne si divisée.
Personne ne croyait que l’on
© LLUIS GENE / AFP

allait en arriver là et pourtant

un sentiment de tristesse et de
gâchis vient assombrir un cru
qui aurait dû être exceptionnel.
Plus de 3 000 entreprises parties
de Catalogne, des tensions so-
Emmanuel Mielvaque, président du comité Espagne des CCE ciales palpables dans les entre-
prises qui voient se cristalliser
les sentiments pro-nationalistes.

A
lors que le soleil et la
chaleur ont régné cette
année sur la péninsule,
la in d’année 2017 est
à l’image du résultat du
« Clasico » du 23 décembre qui a
vu les Catalans du FC Barcelone
humilier les Madrilènes sur la
pelouse du Bernabeu par trois
buts à zéro.
L’Espagne se redresse, la crois-
sance de 3,3 % en 2016 permet
d’amortir les effets des réformes
structurelles des années passées
et même s’il reste encore du che-
min, notamment au niveau ban-
caire, la coniance des ménages
et des entreprises est au beau
ixe. Les investissements immo-
biliers sont en pleine accéléra-
tion au point que l’on redoute
à nouveau la création d’une pe-
tite bulle. Les grues reviennent
dans le paysage et les prix ont
augmenté de 12,5 % en un an.
Le tourisme bénéicie du choix
des voyageurs vers une valeur
pays refuge. Le secteur a en ef-
fet connu un record absolu avec
près de 80 millions de visiteurs.
Certaines familles se déchirent
et les écoles se convertissent en
lieu de polémique concernant le
programme d’histoire.
Certains journalistes écono-
miques catalans de renom
œuvrant dans de nombreuses
écoles de management au ni-
veau mondial continuent à
croire possible une Catalogne
indépendante et restant dans
l’Europe. Ce cas de igure est
juste inimaginable. Les élec-
tions du 21 décembre n’ont
inalement apaisé les tensions

Entreprendre à l’international - Hors série


et les peurs que pendant la
campagne. Le bon sens et le
naturel économique du mar-
ché ont primé. Retour à la case
départ au niveau politique
puisque si coalition indépen-
dantiste il y a, le nouveau pré-
sident de la Generalitat devra
composer avec la nouvelle pre-
mière force élue en Catalogne,
Ciudadanos après la très belle
campagne menée par une jeune
candidate Ines Arrimadas qui
a notamment mené une lutte
féroce au Parlement catalan
contre l’ex président exilé à
Bruxelles Carles Puigdemont.
Après Ines Arrimadas que faire
des deux forces suivantes qui
voient un chef de ile exilé et
l’autre en prison ? Pour le po-
FRANCFORT
Capital Export, le fonds des entreprises dynamiques tournées vers l’international,
vous présente ses voeux pour une excellente année 2018.
STRATÉGIE
INTERNATIONALE
C a p i t a l E x p o r t Pa r i s
litologue Lluis Orriols, profes-
seur à l’université Carlos iii de
Madrid, la seule manière de
faire bouger le rapport de force
serait de « rompre le front séces-
sionniste » en attirant la frange
de ceux qu’il appelle les « indé-
pendantistes accidentels », c’est-
à-dire les quelque 20 % qui ont
été séduits, durant les années
de crise, par l’argument qu’une
Catalogne seule serait plus pros-
père qu’au sein d’une Espagne
au bord de la faillite, explique-
t-il.
Il est donc fort à parier que les
entreprises continueront pro-
bablement de fuir une région
marquée par l’incertitude et
l’instabilité politique, tout ce
qui empêche de développer
CHICAGO
TOKYO
FINANCEMENT ACCOMPAGNEMENT
EXPORT OPÉRATIONNEL
WWW.CAPITAL-EXPORT.FR
77
tranquillement et sereinement
leurs affaires. Certains de nos
CCE qui vivent à Barcelone
se sentent pris entre l’envie de
chercher plus de stabilité tout
en continuant à vivre dans cette
ville si merveilleuse.
En attendant, ce sentiment de
s’être tiré une balle dans le pied
met l’Espagne de nouveau dans
une situation délicate alors
qu’elle allait assurément reve-
nir dans le trio de tête aux côtés
de la France et de l’Allemagne
pour donner un nouveau soufle
à l’Europe. Certains dirigeants
d’entreprises réclament au gou-
vernement de Mariano Rajoy
de faire face au problème de ter-
ritorialité et de ne plus l’éluder
comme il le fait depuis cinq ans. ■
HONG KONG
ACQUISITIONS
À L’ÉTRANGER
C a p i t a l E x p o r t Ly o n
Hors série - Entreprendre à l’international
 78

 Monde Europe

HONGRIE
Dépasser l’image du pays
BUDAPEST
d’insularité avec une langue à
Le Parlement nulle autre pareille et se trouvent
isolés au centre de populations
parlant des langues slaves, ger-
manique, latine, ce qui a forgé
une conscience nationale forte.
© AURIS/ISTOCKPHOTO

Cette conscience est renforcée

par une histoire douloureuse et
qui remonte à l’occupation par
l’empire ottoman sur 150 ans,
aux relations violentes au sein
de l’empire austro-hongrois, à
l’appartenance volontaire ou
forcée au camp des perdants
Si la Hongrie n’a pas toujours bonne presse, des deux guerres mondiales,
la qualité de ses ressources humaines, ses au traumatisme des accords de
infrastructures et son intégration à l’Union Trianon à l’issue de la première
européenne en font toutefois un partenaire iable. Guerre mondiale, qui divisent
de nombreuses familles qui se
retrouvent à différents côtés des
Par Peter Bosznay, président des CCE de Hongrie
nouvelles frontières, à l’occu-
pation soviétique, à la révolte

L
a Hongrie, au début des
années 90, a été le repré-
sentant modèle des nou-
veaux marchés d’Europe
centrale et de l’Est. Un
environnement iable, un sys-
tème bancaire eficace, un
système politique et un cadre
juridique, une excellente image
du pays ont attiré la grande
majorité des investissements
directs étrangers dans les pays
d’Europe centrale et de l’Est
en Hongrie.
Aujourd’hui, la Hongrie fait
plutôt igure de repoussoir, en
particulier dans les colonnes de
la presse française et ce, depuis
2010 et l’avènement au pouvoir
de Viktor Orban et de nom-
breuses polémiques sur les ré-
formes engagées. Viktor Orban
va briguer un troisième mandat
consécutif, fait unique dans la
vie politique hongroise depuis
la chute de l’empire soviétique
et dont l’issue ne semble pas
faire de doute aujourd’hui, sauf
retournement extraordinaire.
Alors, peut-on encore faire des
affaires, entreprendre et vivre
en Hongrie ? Pour répondre à
cette question, il est nécessaire
de revenir sur le passé de ce pays
à la situation si particulière.
Blessures, culture et
iertés hongroises
La Hongrie est au centre
de l’Europe avec pas moins
de sept frontières (Ukraine,
Slovaquie, Autriche, Slovénie,
Croatie, Serbie, Roumanie). Les
Hongrois ont un fort sentiment
durement réprimée par les
forces armées soviétiques d’oc-
tobre 1956…
Les Hongrois ont un fort sen-
timent de ierté. Leur tradi-
tion artistique continue, dans
le temps et dans tous les do-
maines a donné au monde des
compositeurs tels que Ferenc
Liszt, Béla Bartok, Zoltan
Kodàly, des musiciens tels que
Cziffra, Kocsis, Eva Marton, des
peintres tels que Csontvàry,
Munkàcsi ou Vasarely, des
photographes tels que André
Kertész, Robert Capa, des
écrivains et des poètes tels
que Imre Kertész, Peter
Eszterhazy, György Konrad,
Sandor Màrai, Magda Szabo,
des cinéastes, Michael Curtiz,
Miklos Jancso, Istvan Szabo,

Entreprendre à l’international - Hors série


Làzslo Nemes… Il existe éga-
lement une tradition scienti-
ique forte avec des noms tels
que Albert Szent-Gyorgy, Jànos
Neumann, Léo Szilard, de nom-
breux prix Nobel et des inven-
tions marquantes telles que le
stylo-bille, les allumettes, la dy-
namo, Word et Excel… le Rubik’s
cube. Enin, la tradition sportive
n’est pas en reste dans un pays
classé régulièrement dans les dix
premiers au tableau de médailles
des Jeux olympiques d’été.
Histoire économique
et politique récente
La crise mondiale de 2007/2008
frappe la Hongrie de plein fouet
et vient ampliier les déséqui-
libres déjà existants. Ainsi 70 %
de la dette privée et 50 % de la
dette publique sont libellées en
devises étrangères, en particulier
en Franc suisse. D’où un ren-
chérissement considérable des
remboursements de prêts en rai-
son de l’évolution du cours de
change de la monnaie suisse, qui
devient une valeur refuge. Cette
évolution a des conséquences
dramatiques sur la population et
les inances publiques qui voient
les échéances de remboursement
doubler voire tripler.
Comme beaucoup de leurs voi-
sins, les Hongrois se sont laissé
tenter par les acquisitions de
biens de consommation à cré-
dit et par des taux d’intérêt de
7 à 10 % pour les emprunts en
Franc suisse, comparés aux 18
à 20 % en monnaie locale, le
Forint et le discours vendeur
de la plupart des banques qui
engrangent sur ces prêts des
marges record. Le rembourse-
ment de ces emprunts devient
une charge extrêmement lourde
pour de nombreux ménages
hongrois, étouffés par les dettes.
La crise mondiale de 2008 pousse
la Hongrie au bord de la ban-
queroute. Elle manque de peu de
connaître le sort de l’Islande. Le
gouvernement hongrois fait une
demande de prêt auprès du FMI
et de l’Union européenne de
20 milliards d’euros, ce qui évite
de justesse la mise en faillite du
pays. En 2009, au plus fort de
la récession, la Hongrie connaît
un taux de croissance négatif de
près de 7 % ! Fin 2010, l’écono-
mie hongroise est au bord de
l’asphyxie.
Au printemps 2010, le parti
d’opposition, Fidesz, remporte
les élections parlementaires avec
44,5 % des voix, qui lui donnent
une majorité des deux-tiers
au Parlement. Cette élection
marque également la montée
de l’extrême droite, avec près de
21 % des voix. Ce succès électo-
ral donne au Premier ministre,
Viktor Orban, une extrême li-
berté de manœuvre qui se tra-
duit par une longue série de ré-
formes, la plupart controversées
car touchant à des éléments fon-
damentaux. Le Parlement vote
une nouvelle Constitution plu-
sieurs fois révisée sous la pres-
sion de l’UE. Une modiication
en profondeur des institutions
et des organismes de contrôle
de l’action du gouvernement
est menée avec la réforme de la
justice, la réforme de la Banque
centrale, la loi sur les églises, la loi
sur les médias…
Dès son élection, le gouverne-
ment Orban va prendre des
mesures économiques, que le
Premier ministre qualiie lui-
même de « mesures hétéro-
doxes ». Parmi elles, il faut citer
l’introduction in 2010 de taxes
de crise avec effet rétroactif sur
les secteurs bancaire, de l’éner-
gie, des télécommunications, de
la grande distribution. Ces sec-
teurs détenus en majorité par des
79
27 %
capitaux étrangers sont ainsi du-
rement mis à contribution sans
préavis. Par ailleurs, les fonds de
Le taux de pension privés sont nationalisés
TVA de la sans autre forme de procès et
Hongrie ramènent 11 milliards d’euros
est le plus dans les caisses de l’État. Le taux
élevé de de TVA passe de 25 à 27 %, deve-
l’UE. nant ainsi le plus élevé de l’Union
européenne. Le gouvernement
procède également à la réduction
massive des dépenses publiques
(santé, éducation, culture…).
Enin, il met en place des mesures
autorisant le remboursement pré-
coce des dettes privées à un taux
de change (FS / Forint en parti-
culier) ixé arbitrairement et à
un taux bien inférieur à celui
du marché.
Patriotisme
économique
L’économique doit se soumettre
aux objectifs politiques et le
« patriotisme économique »
devient le nouveau mot d’ordre.
Deux secteurs sont distingués.
Le secteur des services a, selon
le gouvernement, vocation à
être détenu par les Hongrois,
au travers de l’État ou des en-
trepreneurs avec une volonté de
remettre la main sur au moins
50 % du secteur bancaire et de
nationaliser, avec des indem-
nités négociées avec les entre-
prises, le secteur de l’énergie.
Pour ce qui concerne le secteur
industriel, conformément à la
vocation posée de pays atelier,
les investisseurs sont accueil-
lis à bras ouverts et bénéicient
d’aides considérables. Les indi-
cateurs macro-économiques se
redressent lentement, le pays
sort en 2013 de la procédure de
déicit excessif et se dégage de
la tutelle du FMI en rembour-
sant ses dettes de manière an-
avec une nouvelle majorité 
ticipée. Viktor Orban est réélu
Hors série - Entreprendre à l’international
80
 Monde Europe
 des deux-tiers des sièges au
Parlement au printemps 2014
pour une nouvelle législature
de quatre ans.
La Hongrie signe son adhésion
à l’Union européenne en 2004
avec le soutien d’une très grande
majorité de la population qui
y voit l’espoir d’un développe-
ment économique rapide, l’in-
tégration tant attendue à un
espace culturel, économique,
politique européen sur des va-
leurs partagées.
La Hongrie dans
l’Union européenne
La Hongrie bénéicie de fonds eu-
ropéens très importants, 29 mil-
liards d’euros pour la période
2007-2013, 34 milliards d’eu-
ros pour la période 2014-2020.
Ces fonds contribuent à mo-
derniser les infrastructures du
pays. Depuis 2010 cependant,
les relations avec les instances de
l’Union européenne connaissent
de nombreuses tensions relatives
à la nouvelle constitution, aux
lois sur la justice et les médias, à
la vie des entreprises, à des ques-
tions de conformité des réformes
menées et des décisions prises
avec les valeurs européennes. La
Hongrie reste cependant dans
la moyenne des procédures en
manquement lancées par la
Commission européenne jusqu’à
une période récente.
Depuis 2015, de nouveaux
points de tension sont appa-
rus, dont la loi sur l’université,
la loi sur les ONG mais sur-
tout la question des migrants,
la Hongrie refusant les quotas
déterminés par l’Union euro-
péenne, avec d’autres pays de
la région tels que la Pologne
ou la République tchèque. Ces
tensions valent à la Hongrie
d’être aujourd’hui menacée de
l’application à son encontre de
Entreprendre à l’international - Hors série
l’article 7, qui pourrait la priver
de son droit de vote. Cette pro-
cédure inédite a cependant peu
de chances d’aboutir.
Faire des afaires
et investir en Hongrie
Le gouvernement hongrois fa-
vorise de manière très claire,
aux moyens d’outils iscaux ou
d’aides directes, les investisseurs
et les entreprises industrielles,
PME ou grandes entreprises. La
Hongrie présente de nombreux
atouts mais doit également faire
face à des déis. Les indicateurs
macroéconomiques sont au
vert et la croissance est bien
présente, plus de 3 % attendue
en 2018.
La Hongrie bénéicie d’une
position géographique unique
en Europe, entre l’Europe oc-
cidentale et orientale, entre
l’Europe du Nord et les Balkans
et d’une infrastructure autorou-
tière excellente, ce qui la met en
position de carrefour européen.
C’est un pays sûr, classé vingt-
et-unième pays pour la sécu-
rité des personnes et des biens
avec un indice de 83/100 (La
France est soixante-et-unième
avec un indice de 64/100) selon
l’institut Safe around. Un sys-
tème bancaire eficace permet
de inancer investissements et
projets et d’assurer la gestion
inancière des entreprises. Glo-
balement, les ressources hu-
maines sont de qualité, bien
formées, lexibles et impliquées
si elles sont bien gérées.
Par ailleurs, il existe un pôle
industriel important dans le
domaine automobile, avec des
constructeurs présents comme
Audi, Mercedes, Suzuki, Opel,
des équipementiers français
(Valéo, Michelin), japonais
(Bridgestone, Asahi glass, Denso
Corp), coréens (Hankook),
mais également dans les équipe-
ments et matériels de transport,
les équipements électriques, la
pharmacie ou l’agroalimen-
taire. Le système éducatif reste
performant, et les universités
scientiiques attirent de plus en
plus d’étudiants étrangers.
Enin, l’attrait touristique est
fort. Il existe en particulier un
tourisme médical et thermal
avec plus de 40 millions de vi-
siteurs par an, et un aéroport
international à Budapest.
Déis : démographie
et image
Le principal déi est démogra-
phique avec une baisse nette de
la population qui compte au-
jourd’hui moins de 10 millions
d’habitants, une émigration
importante de personnes allant
chercher des emplois très qua-
liiés ou pas, mieux rémunérés,
en Autriche, en Allemagne ou
au Royaume-Uni. Une meil-
leure vision du cadre législatif
à moyen terme est souhaitable,
ainsi que la limitation de la
corruption. Le pays connaît
une montée de la pauvreté et
il existe un contraste impor-
tant entre Budapest, l’Ouest du
pays et les autres régions. Enin,
comme « la perception, c’est la
réalité » l’image récente du pays
constitue également un déi im-
portant. Malgré cela, en un mot
comme en cent, La Hongrie, son
peuple, sa richesse culturelle, ses
infrastructures, sa position géo-
3% graphique, en font une destina-
tion particulièrement attractive
dans cette région de l’Europe
C’est la
pour peu que les pays d’Europe
croissance centrale et orientale attirent à
attendue nouveau investisseurs et entre-
et les prises à la recherche de marchés
indicateurs et de centres de production in-
sont dustrielle, alternatives crédibles
au vert. aux délocalisations en Chine. ■

SUÈDE
L’innovation permanente
GÖTEBORG
Emmanuel Macron et le Premier ministre suédois Stefan Lofven.
© LUDOVIC MARIN/AFP
Le dynamisme de la Suède tient au moins autant à
l’innovation de ses startups, qu’à la capacité de ses
grandes entreprises à se transformer.
Par Guillaume Lefebvre, CCE Suède, Senior Country Oicer, Crédit Agricole
CIB Nordic Region
D
epuis 2011, les taux de
croissance de la zone nor-
dique, et notamment de
la Suède, surperforment
assez nettement ceux de
la zone euro de l’ordre de 1 % au
moins chaque année. Les pers-
pectives pour 2018 et 2019 sont
à l’avenant. Il peut être périlleux
d’essayer d’identiier une cause
première de ce succès durable de
la Suède, mais on peut sans trop se
risquer, l’attribuer à quelques élé-
ments phares de cette économie.
Lorsqu’on l’observe de manière
statique, on remarque rapidement
qu’elle est tirée par un nombre as-
sez remarquable de leaders mon-
diaux, surtout au regard d’une po-
pulation de l’ordre de seulement
10 millions d’habitants, d’une
part. D’autre part, par un nombre
tout aussi étonnant d’entreprises
nouvelles à croissance rapide,
dont certaines deviennent des lea-
ders dans leur domaine.
Ainsi, le pays compte-t-il deux
des leaders mondiaux dans le
domaine des camions (Volvo et
Scania), un dans le domaine de
l’électronique (Ericsson), un dans
le domaine du papier et ses déri-
vés (Essity, anciennement SCA),
un dans le domaine de l’électro-
ménager (Electrolux), un dans
l’ameublement (IKEA), l’habille-
ment (H&M), les avions d’inter-
ception (Saab), la construction
(Skanska), deux dans l’équipe-
ment minier (Sandvik et Atlas
Copco). La liste n’est pas ex-
haustive, mais est en soi impres-
sionnante pour ce « petit pays ».
De même, pour les plus récentes
Hors série - Entreprendre à l’international
81
PARTENARIAT
Le président de la République
et le Premier ministre suédois
ont signé le 17 novembre
dernier à Göteborg, en
marge du Sommet social,
un « partenariat stratégique
pour l’innovation et les
solutions vertes ». Ce
partenariat se compose
d’une déclaration politique
et d’une feuille de route
opérationnelle déclinant
quatre axes de travail :
• les solutions vertes
pour les transports, les
énergies propres et les villes
intelligentes,
• le développement de la
inance verte,
• la « smart industry » et les
startups,
• l’innovation dans le
domaine de la santé et des
sciences de la vie.
Autant de thèmes sur lesquels
la Suède et la France ont un
intérêt partagé pour saisir
les opportunités du concert
mondial de changements
évoqué précédemment et sur
lesquels leur avance constitue
un atout pour chacun des
deux pays. ■
et innovantes avec Skype, King
(Candy Crush), Spotify, Mojang
(Minecraft).
Au premier regard, le constat est
étonnant. On pourrait multiplier
les images en citant un million
d’entreprises pour 10 millions
tups ; ce qui en fait un véritable 
d’habitants et plus de 10 000 star-
82
 Monde Europe
 pays d’entrepreneurs. Le mo-
dèle suédois, c’est aussi ça et on le
voit, les « paisibles » Suédois, tels
qu’ils sont souvent considérés,
sont de véritables intrapreneurs
pour les grandes entreprises et
entrepreneurs pour les startups.
À l’avenant, le Pib par habitant
est de 53 000 euros en Suède pour
37 000 en France.
Les causes premières
de ce succès
Qu’en est-il d’un regard dyna-
mique cherchant à identiier
quelques causes premières à
ces succès ? Quitte à évoquer les
images symboliques des Vikings
voyageurs, il est clair que la Suède
est une plateforme mondiale
d’exportation, mais aussi d’inté-
gration d’idées nouvelles, de pro-
duction de biens et de concepts
(notamment le design d’ameuble-
ment). Et le tout avec une langue
nationale propre, qui cohabite
avec la pratique courante de l’an-
glais, comme langue mondiale,
par 85 % de la population.
La Suède a intégré la globalisation
comme moteur de son dévelop-
pement, en faisant bien entendu
une extension majeure de son
marché local. Elle tire tout au-
tant de la diversité de ses clients
étrangers, une énergie et des idées
inédites. Elles lui permettent de
renouveler ses entreprises « an-
ciennes » et d’en créer également
de nouvelles. Car l’innovation
procède certes de la capacité à
saisir des solutions nouvelles,
mais aussi de la double aptitude à
mettre de la nouveauté dans des
solutions anciennes.
Le creuset économique et social
suédois et son fort investissement
en R&D (cinquième pays du
monde en termes de pourcentage
de son Pib en R&D avec 3,2 %)
sont très certainement à l’origine
de la loraison et de la survie de
Entreprendre à l’international - Hors série
startups déjà évoquée. Cet inves-
tissement est ancien, volontaire
et pérenne et les succès d’au-
jourd’hui sont le fruit de vingt-
cinq ans d’investissements et de
rapprochement et de coopération
luide entre les organismes uni-
versitaires et les entreprises. La re-
cette est éprouvée et connue. Elle
stimule cette loraison de startups
et leur moindre mortalité dans un
microcosme porteur. Elles contri-
buent d’ailleurs à rapidement
transformer l’environnement
social et sociétal. Swish, l’outil
de paiement instantané depuis le
portable en est un exemple éclai-
rant. Le fait est qu’il contribue à
désintermédier les organismes
bancaires, eux-mêmes en trans-
formation.
Peut-être plus étonnant encore est
ce dont on parle moins, à savoir
l’étonnante capacité des grandes
entreprises à se renouveler. Juste
quelques exemples pour illustrer
le propos de ces « grands-mères »
innovantes et en phase avec les
évolutions sociétales et technolo-
giques. Volvo trucks qui investit
dans les camions et les bus élec-
triques, les trains de camions et
la conduite autonome. Volvo cars
dont la tradition d’innovation en
matière de sécurité n’est plus à
faire. Dans le domaine des indus-
tries en « ique », Ericsson et la 5 G,
IP-Only, Telia, Comhem. Bien en-
tendu, ces dernières sont investies
dans les changements technologi-
ques. Mais il ne faut pas s’y trom-
per, elles font aussi preuve d’une
étonnante intelligence sociale en
percevant précocement à quel
point chacun sera prêt à payer
demain pour avoir accès à l’infor-
mation partout et rapidement.
Exploration de terres
vierges
Et se réinventer, c’est aussi ex-
plorer de nouveaux territoires
5 e stratégiques. C’est notamment
le cas de SCA (Kleenex, Lotus),
traditionnellement dans le pa-
pays du pier. Ce groupe évolue vers
monde en l’hygiène en rachetant une en-
termes de treprise allemande du secteur et
pourcen- saisit en même temps l’occasion
tage de son de changer de nom pour Essity.
Pib en R&D. Dans une industrie tout aussi
traditionnelle, la métallurgie
et l’aciérie, l’exemple de SSAB,
qui est passé de l’acier de base
pour les chantiers navals aux
aciers de niche à forte valeur
ajoutée est également éloquent.
Les exemples sont nombreux
et méritent d’être connus. Ils
sont une illustration vivante
du « miracle » suédois, qui est
en réalité assez explicable par
cette capacité durable à la re-
mise en cause des entreprises,
grandes et petites. Le cas des
grandes en particulier mérite
intérêt en termes managériaux
sur le « modèle managérial
suédois ». Celui-ci est construit
sur des décisions consensuelles,
qui lorsqu’elles sont acquises,
garantissent l’adhésion au chan-
gement. Autrement dit, la source
de l’engagement collectif est
dans l’action. « Une fois qu’on
est d’accord, on passe résolu-
ment à l’action ».
La Suède et la France
Oui, la Suède est un exemple
« d’innov’action » à méditer. Les
entreprises françaises qui s’y sont
investies ne le regrettent pas.
La France est un partenaire avi-
sé de la Suède. Cet engagement
de la France est certes altruiste,
consécutivement à COP 21. Il
est aussi avisé sur les dévelop-
pements futurs du monde. Il
trouve parfaitement son illustra-
tion et son incarnation dans le
Partenariat franco-suédois pour
l’innovation et les solutions
vertes du 17 novembre 2017. ■
 83

..
PUBLI-INTERVIEW
V.I.E : conquérir un
nouveau marché
Spécialisé dans les compléments alimentaires, la société ProNutri a ouvert son
marché espagnol grâce aux coaching de Business France et l’hébergement d’un
volontaire international en janvier 2016. Un véritable succès qui se conclut par une
embauche et l’envoi d’un deuxième V.I.E à San Francisco à l’automne 2017.

En Espagne, la mise en place au crédit de Business France Espagne qui,

d’un dispositif d’encadrement
de notre V.I.E a contribué de
manière décisive à notre percée
commerciale» conie Amalric Veret, gérant
de Pronutri, une PME basée au Broc (06).
«Deux éléments ont été déterminants dans
notre décision de faire appel à la formule
V.I.E : premièrement, l’accueil de notre V.I.E
au sein des bureaux de Business France en
Espagne; et deuxièmement, son coaching
personnalisé sur place ain de suivre au plus
près ses avancées commerciales.
Ce suivi par Business France nous a garanti
une bonne mise en place opérationnelle,
et nous rassurait. Un tuteur dédié a suivi
l’avancement sur place de l’activité du V.I.E
de manière régulière et le volontaire, bien
évidemment, a continué à travailler en
liaison directe avec notre siège en France.
Très concrètement, notre V.I.E s’occupait du
suivi des contrats auprès de la direction des
distributeurs, et suivait les commerciaux sur
le terrain pour veiller à la mise en place de
nos produits et de nos arguments de vente.
La signature de nos premiers contrats a
aussi été très rapide. Ce résultat est à mettre
V.I.E : UNE FORMULE GAGNANTE
Instituée en 2000 et gérée par Business France, le V.I.E a largement fait ses preuves : près
de 7000 entreprises – en majorité des PME (66 %) – ont déjà utilisé ce dispositif qui
Conception : www.gayacom.fr
préalablement à l’arrivée de notre V.I.E, a
réuni des distributeurs ain d’évaluer leur
intérêt pour nos produits. Ce faisant, nous
avons bénéicié de la crédibilité de l’Agence,
et généré quasi immédiatement un chiffre
d’affaires.
Aujourd’hui, notre entreprise connaît une
croissance de +30 % par an. Notre V.I.E
y a évidemment contribué ! Pour nous,
cela représente un atout compétitif pour
promouvoir et consolider notre chiffre
Amalric VERET,
d’affaires à l’export. Avec le double avantage Directeur Général
d’être économique et d’une grande
PRONUTRI
simplicité d’organisation, cette formule est
très motivante ! Désormais, nous l’intégrons
dans notre processus de recrutement RH.
En effet, après une mission de 12 mois
réussie, nous avons souhaité engager notre
volontaire. Une évidence puisqu’il maîtrise
GROS PLAN
parfaitement nos technologies, notre réseau
de distributeurs et évidemment le contact SUR PRONUTRI
commercial.
ProNutri développe,
Aujourd’hui, nous partons avec les mêmes
chances conquérir le marché de la côte fabrique et distribue des
ouest américaine ! » compléments alimentaires à
forte valeur ajoutée du fait
d’une innovation
technologique : la libération
contrôlée, encore appelée
micro-granule. Avec 40
collaborateurs, le CA
s’élève à 7 millions d’euros
par an, dont 70% réalisés en
France et 30% sur les

leur permet d’engager ou d’accélérer leur développement international en recrutant

marchés européen,
un jeune diplômé. Business France met à la disposition des entreprises un vivier riche
américain et asiatique.
de 45 000 candidats aux proils et formations très variés. Ses consultants peuvent aussi
les accompagner dans le process de recrutement et la gestion des formalités
administratives : visa et permis de travail, contrat, indemnisation, protection sociale…

Le V.I.E (Volontariat International en Entreprise), permet aux entreprises de droit français de conier
à un jeune, homme ou femme, âgé de 18 à 28 ans, une mission professionnelle à l’étranger allant de 6 à 24 mois.
Il est géré par Business France, l’agence nationale au service de l’internationalisation de l’économie française.
Contact : 0810 659 659 (Prix d’un appel local), infovie@businessfrance.fr, site : export.businessfrance.fr/vie
Hors série - Entreprendre à l’international
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 84

 Monde Amérique du Nord

ÉTATS-UNIS
Entre euphorie et réalisme : les
arbres grimpent-ils jusqu’au ciel ?
Les États-Unis sont un pays de paradoxes. Au seuil de l’année 2018, deux
constatations s’imposent : une vie politique chaotique dans une économie
qui fonctionne bien. Mais la forte croissance de 2017 pourra-t-elle se
maintenir dans un contexte tumultueux ?

au suffrage populaire. Un an
après cette victoire inattendue,
des décisions portant de fortes
implications économiques glo-
bales se conjuguent avec des in-
dicateurs d’une croissance saine,
voire même inattendue. Alors
même que du point de vue po-
litique l’année a été compliquée.
Et pourtant les élections de 2016
ont permis au parti Républicain
de conserver la majorité des
deux chambres ; de reconquérir
une inluence déterminante à
la Cour suprême, et de main-
tenir le contrôle des deux tiers
© SAUL LOEB/AFP

des postes de gouverneurs et des

parlements des États.
Selon l’OCDE, l’année 2017 fut
une année de croissance éco-
nomique marquée. Pour les
« principales économies » de
Par John Robert Mcintyre*, président d’honneur du comité la planète, on n’a pas vu, pour
des CCE USA Sud-Est la première fois depuis 2007,
d’indications de récession dans
les agrégats économiques. Aux

O
n a peine à s’en souve- DONALD TRUMP États-Unis la croissance éco-
nir mais il y a déjà plus Une élection qui nomique s’est accélérée de pair
a polarisé les
d’un an, les médias et États-Unis avec celle de l’économie mon-
sondages en 2016 s’at- mais moins diale, variant de 3,1 % en in
déstabilisante
* CCE depuis 1988, tendaient à une victoire que prévu pour d’année 2016 à 3,5 % cette an-
John Robert McIntyre
est directeur général démocrate aux États-Unis. Ce- l’économie. née, soit son plus haut point
du Centre d’économie pendant Donald Trump, portant depuis 2010. L’année 2017 fut
et de gestion interna-
tionale (GT CIBER) à
l’étendard du parti Républicain, aussi un grand millésime pour
Georgia Tech, Atlanta atteignait la présidence par le les investisseurs. Et le début de
et consultant en biais de la majorité des grands l’année semblerait le conir-
développement écono-
mique international. électeurs, malgré une minorité mer, les bourses mondiales dé-

Entreprendre à l’international - Hors série


Pib par habitant
supérieur à 50 000 dollars
Pib par habitant
entre 40 000 et 50 000 dollars
Pib par habitant
entre 5 000 et 10 000 dollars
Pib : Pib en milliards de dollars, estimation 2017, FMI
Pop. : population en millions d’habitants 2016, FMI
Pib/ hab. : Pib par habitant en dollars, prévisions 2017, FMI
Tx croissance du Pib : prévisions 2017, Banque mondiale, en %
(source OCDE pour Canada)
Export de biens et services : en % du Pib 2016, Banque mondiale
(États-Unis, source CEPII 2015)
IDH : indice de développement humain 2015, PNUD
marrant le cycle annuel sur les
chapeaux de roue, franchissant
ainsi des seuils symboliques, ce
qui ne manque pas d’interpeller
les experts plus sobres.
Force est de constater que le
chômage est au plus bas (au point
optimal et d’aucuns, tel l’éco-
nomiste républicain Douglas
Holtz-Eakin de l’American
Action Forum notent que le
plein-emploi a déjà été atteint) ;
que le Dow Jones est au plus
haut, ayant dépassé la barre des
25 000 points d’indice Dow et
pour l’indice S&P 500 la barre
de 2 600 points ; que la consom-
mation a repris, tous les indi-
cateurs des fêtes de in d’année
CANADA
Pib 1 600
Pop. 36,7
Pib/hab. 43 611
Tx croiss. Pib 3,2
Exp. B&S 31
IDH 0,920
MEXIQUE
Pib 987
Pop. 123,5
Pib/hab. 7 993
Tx croiss. Pib 1,8
Exp. B&S 38
IDH 0,762
le conirment. On constate en
effet une croissance de l’ordre
de 4,8 % sur l’année antérieure,
selon l’indice du Mastercard
SpendingPulse ; et le Purchasing
Managers’ Index (PMI : parfois
tenu pour plus iable que le Pib)
se maintient bien au-dessus de la
barre de 50 points à 59,7, conir-
mant que le tempo de la crois-
sance pointe vers l’expansion.
Une réforme iscale
attendue
Le cercle vertueux tiendra-t-
il ? Pour Mohamed El-Erian,
conseiller économique en chef
d’Allianz la réponse tend vers
le dubitatif. Il afirme qu’il
85
ÉTATS-UNIS
Pib 19 417
Pop. 325,7
Pib/hab. 59 609
Tx croiss. Pib 2,3
Exp. B&S 13
IDH 0,920
Le chômage convient d’exprimer des doutes
et d’examiner les risques à plus
est au plus
long terme associés à « la dis-
bas, le Dow sociation des marchés financiers
Jones au et de l’économie. » La valeur des
actifs, selon sa formule, est dé-
plus haut et
corrélée de la situation de l’éco-
la consom- nomie physique, ce qui laisserait
mation présager un atterrissage rude.
À quel horizon ? 2018 semble
a repris.
improbable. Le train de me-
sures annoncées par le Président
Trump, comprenant l’ajout d’un
plan d’infrastructure, ne s’est
pas encore manifesté. Par contre,
la réforme massive du code
iscal, approuvée à la majori-
a suscité l’optimisme des 
té par le Congrès américain,
Hors série - Entreprendre à l’international
 86
 Monde Amérique du Nord
© ANDREW CABALLERO-REYNOLDS/AFP
ALENA
Une des grandes
interrogations
pour 2018
concerne la
renégociation du
traité ALENA.
 petits et des grands entre-
preneurs. Beaucoup est atten-
du de cette réforme iscale qui
arrive à point nommé pour
soutenir l’élan suscité pendant
la campagne présidentielle. Le
Président a donc décrit la ré-
forme ainsi promulguée comme
un « cadeau de Noël » pour
le peuple américain. On peut,
en outre, s’attendre à un rapa-
triement des activités des mul-
tinationales à l’étranger, attirées
par des réductions signiicatives
de coûts au sein du territoire
américain.
Un de ses avantages majeurs
est de permettre un système
territorial de taxation des mul-
tinationales. Les dividendes de
l’étranger ne seront plus taxés
aux États-Unis, et de forts
avantages sont proposés aux
entreprises, dont une taxe ex-
ceptionnelle de 15,5 % sur le
rapatriement des actifs liquides,
ainsi que la création d’un nou-
veau plancher d’imposition de
10 % appliqué à la base impo-
sable des paiements dits « d’éro-
sion iscale ». Ceci se fait aux
dépens de la dette publique, qui
devrait voir une augmentation
de l’ordre de 1 500 milliards de
dollars sur les dix prochaines
Entreprendre à l’international - Hors série
années. De plus, le taux d’im-
pôts sur les sociétés diminue de
35 % à 21 % en 2018 de façon
permanente. Pour l’instant la
coniance dans les talents éco-
nomiques du Président tient
bon à un niveau relativement
élevé autour de 45 %.
Peu de législation,
mais des décisions
diplomatiques
conséquentes
Le Président Trump a aussi fait
d’autres choix dont les résultats
se matérialiseront au long de
l’année 2018. Donald Trump
refuse le multilatéralisme et,
donc, que les États-Unis sou-
tiennent les coûts transaction-
nels du rôle de leader. Tout
d’abord, la décision des États-
Unis de se retirer des accords
de la COP21 se place en op-
position de la quasi-totalité
des États dans le monde. Ce
choix s’ensuit des promesses
électorales annoncées en 2016,
dans l’idée que « les accords de
Paris pénalisent les États-Unis
au profit de pays étrangers, que
je ne représente pas », pour pa-
raphraser le discours de Donald
Trump à la Maison Blanche
le jour de l’annonce de sa
La pré- décision. Cette prise de position
semble être une victoire pour les
sidence
lobbyistes du pétrole et sources
Trump d’énergie non-renouvelables, qui
représente n’auront pas à craindre des ré-
glementations qui limiteraient
une leurs possibilités au sein du
cassure tant territoire américain.
au niveau Un deuxième choix, dont les
détails seront à conclure début
national 2018 et dans la continuation
qu’interna- de son élan protectionniste,
tional. concerne la volonté du gouver-
nement Trump de renégocier
les termes de l’accord commer-
cial entre le Canada, le Mexique
et les États-Unis et, faute d’ac-
ceptation de la part de ces pays
d’agréer à des termes renégo-
ciés, d’abroger cet accord bé-
néique à l’Amérique du Nord
depuis 1994.
Alors que certains qualiieraient
cela de tactiques de négociation
fortes pour promouvoir l’éco-
nomie américaine, d’autres y
voient une catastrophe assu-
rée. L’échec du renouvellement
des accords entraînerait, selon
Charles Uthus de l’American
Automative Policy Council
(AAPC), « l’équivalent d’une
taxe de dix milliards de dollars
sur l’industrie auto en Amérique. »
Face à cela, on se retrouve une
 87

incertitude inquiétante qui ne autres pays, car, selon lui, « Il politique monétaire, mais plu-
sera levée qu’après d’intermi- est très difficile de concourir sur tôt à des ajustements. Formé en
nables négociations dont les les marchés avec un dollar fort sciences politiques à Princeton
conséquences pourraient effec- alors que les autres pays déva- et en droit à Georgetown, ne
tivement plomber la tendance à luent leur monnaie ». possédant pas un doctorat en
la croissance de l’économie amé- science économique, mais plu-
ricaine. Les élections générales Des changements à la tôt dix ans d’expérience dans un
au Mexique, dont le dénoue- Réserve Fédérale fonds d’investissements avant
ment est prévu à l’été 2018, Dans ce contexte, on ne de rejoindre la Fed en tant que
sont l’une des raisons pour une peut oublier le départ de gouverneur, Powell se montre
conclusion aussi tardive de né- Mme Janet Yellen, présidente comme un choix intéressant,
gociations aussi importantes. de la Réserve fédérale, et l’ar- modéré et prudent, moins at-
Luis Videgaray, le secrétaire des rivée de Jerome Powell. Nom- taché à une école de politique
Affaires étrangères du Mexique, mé à l’origine pour siéger par monétaire déinie rigidement,
a annoncé que le Traité ne Barack Obama en 2014, il va en tant que nouveau président
sera maintenu que si l’intérêt effectivement diriger l’institu- de la Banque centrale.
national du Mexique est préser- tion dans les jours qui viennent. Une autre nomination impor-
vé, et, qu’à ce stade, les condi- Powell est considéré comme tante au Conseil des gouverneurs
tions semblent ouvertement leur partageant un point de vue de la Réserve fédérale est celle de
nuire. Il faudra probablement semblable à son prédécesseur, Marvin Goodfriend, un écono-
s’attendre à ce que les conditions illustré par ses choix similaires miste de renom et professeur à
du Traité soient modiiés au long lors des votes de décisions du la Carnegie Mellon University.
des mois à venir, au risque du comité de politique monétaire On peut attendre de sa part
non-renouvellement de celui-ci, de la Fed. « Ni faucon ni co- une approche plus théorique
avec des conséquences négatives lombe », selon l’ex-président aux décisions économiques du
sur les échanges en Amérique de la Fed de Dallas Richard Conseil, et ses critiques anté-
du Nord. Fischer, Powell, conservateur, a rieures de certaines décisions
Sur le thème des échanges, nous une réputation de prudence et de la Fed vont sans doute servir
en venons à un troisième point : de modération sur le rôle des de guide pour inluencer les dé-
la luctuation du taux de change taux dans la gestion de l’éco- cisions futures du Conseil. Ces
du dollar. Donald Trump a an- nomie. Les observateurs de la deux nominations marquent la

sous l’inluence de son chef, 

noncé que « le dollar devient Réserve ne s’attendent pas à de double entrée parti républicain,
trop fort », et qu’il aimerait « une nouvelles réformes de fond en
politique de taux d’intérêt bas ».
Ceci s’est traduit par une dépré-
ciation du dollar tout au long CONSOMMATION
Les estimations
de l’année, en particulier l’eu- sont optimistes
ro/dollar commençant autour pour la croissance
en 2018.
de 1 EUR = 1,05 USD en jan-
vier 2017, atteignant un sommet
d’environ 1 EUR = 1,20 USD
en décembre 2017. Les prévi-
sionnistes anticipent un taux de
change à 1,30 USD mais cette
estimation doit être tempérée,
© PEETERV/ISTOCKPHOTO

sachant que les mêmes prévi-

sionnistes donnaient la parité
en début d’année 2017 ! Il est
clair que le président Trump
cherche à revigorer les échanges,
mais son motif primordial est
de ne pas céder de quartier aux

Hors série - Entreprendre à l’international

 88

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 Monde Amérique du Nord
 dans les décisions futures
de la Réserve fédérale. Ces no-
minations devront faciliter
les transformations de la po-
litique monétaire des États-
Unis, consolidant le pouvoir
de l’aile droite, mais avec la
lourde charge de lancer la po-
litique monétaire dans une
nouvelle direction – dont les
réductions d’impôts dans un
contexte de croissance trop
lente du taux d’inlation – sans
pour autant faire déraper les
marchés ou l’économie amé-
ricaine. En particulier, la Fed
prévoit de nouvelles hausses
de taux dans le but d’atteindre
l’objectif ixé auparavant d’un
taux d’inlation de 2 % (ac-
tuellement 1,6 %). Le nouveau
patron de la Réserve poursui-
vra la réduction du bilan de
la Banque centrale « à 2 500
ou 3 000 milliards de dollars »
dans les « trois ou quatre ans. »
Plusieurs membres de la Fed
ont fait part de leur inquiétude
sur des risques de déséquilibre
inancier, notamment avec la
dépréciation actuelle du dollar
couplée à la volatilité des mar-
chés inanciers. Une hausse des
taux quatre fois en 2018, allant
de pair avec une baisse d’impôts
de l’ordre de 1 500 milliards de
dollars, l’économie tournant
à plein, accroît les risques de
« surchauffe » suivant l’estima-
tion de Joseph Song, écono-
miste chez Bank of America.
À quoi faut-il
s’attendre pour
l’année à venir ?
« Make America Great Again »,
rendre l’Amérique grande à nou-
veau, proclame Donald Trump
depuis la campagne qui l’a porté
au pouvoir. Les promesses de la
campagne présidentielle visaient
haut : 4 % de croissance du Pib,
Le maintien réduction du taux de chômage,
d’une forte protectionnisme ciblé vers le
Mexique et la Chine ainsi que
croissance la renégociation de l’Accord de
est-elle pos- Libre-Échange Nord-Américain
(Alena), réduction des impôts,
sible dans
un contrôle accru et une ré-
un contexte duction des lux migratoires, et
politique tu- un remplacement d’Obamacare,
pièce législative majeure du parti
multueux ?
opposé.
Nous nous retrouvons à la in
de la première année — dans la
droite ligne d’une élection qui a
polarisé les États-Unis et dont
les conséquences se sont révé-
lées inalement moins déstabili-
santes que prévues — avec des
indicateurs d’une croissance
stable et continue. Les craintes
initiales d’une Amérique plon-
gée dans un chaos politique se
sont révélées trompeuses. Mais
les décisions prises cette année,
dont l’aboutissement n’est pas
clair, peuvent contrecarrer cette
croissance et effectivement de-
venir les éléments déclencheurs
de bouleversements entre les
États-Unis et ses partenaires. La
mondialisation telle que nous
la connaissons est construite
suivant l’architecture libérale,
portée par les États-Unis de-
puis la in de la Seconde Guerre
mondiale. La cassure que repré-
sente la présidence Trump est
donc un choc institutionnel,
tant sur le plan national qu’à
l’échelle internationale et dont
les conséquences imprévisibles
sont autant de remises en cause
de l’ordre établi. Les repères
qui guidaient l’action semblent
perdus.
Certes, les prévisions se fon-
dant sur l’ensemble des indi-
cateurs économiques conir-
ment une nouvelle année de
croissance économique : taux
de croissance du Pib supérieur
à 2 %, un taux de chômage dit
Hors série - Entreprendre à l’international
89
« naturel » oscillant autour de
4,5 %, et, de manière générale,
une estimation optimiste de
l’économie américaine pour
l’année à venir, conduite par
les marchés boursiers et les
effets de la réforme iscale en-
core mal déinis. Mais est-ce
dû à une conséquence naturelle
d’une croissance préexistante,
en continuation de la hausse
d’emplois prometteuse de 2016
qui ralentira en 2018 ? Serait-ce
plutôt les conséquences de la in
de la période d’incertitude qui,
historiquement, se manifeste
autour des élections présiden-
tielles ? Ou encore est-ce une
croissance résultant plutôt de la
forte croissance globale « 3,6 %
cette année, soit son plus haut
niveau depuis 2010 », portée
par les secteurs énergétique, des
matériaux et de la inance, selon
l’OCDE ?
Une question majeure se pose-
ra avec insistance tout le long
de l’année 2018 : la croissance
certes, mais une forte croissance
comme on l’a vu cette année,
est-elle encore possible dans
un contexte politique tumul-
tueux ? Le cercle vertueux peut-
il se poursuivre tout au long
de l’année 2018 et tenir bon
jusqu’aux élections législatives
du « mid-term » (mi-mandat,
où se renouvelle l’intégralité de
la Chambre des Représentants
et d’un tiers du Sénat fédéral) ?
Les pronostics actuels donne-
raient le parti Démocrate majo-
ritaire à la Chambre des Repré-
sentants, avec une majorité de 9
à 12 sièges, suivant un mouve-
ment du pendule assez typique
mais qui pourrait déboucher
vers des confrontations poli-
tiques paralysantes. ■
Remerciements à Nathanael
Bellaiche, ICN et Georgia Tech.
 90

 Monde Amérique latine

Croissance modérée et
incertitudes politiques
Le rebond modéré de la croissance en 2017 devrait se rafermir en 2018
grâce à la poursuite de la relance dans les économies les plus grandes de
l’Amérique du Sud et à un environnement international plus favorable.
Et ce, même si la normalisation progressive des politiques monétaires
des pays développés, et la hausse des taux d’intérêt qui en découlera,
pourraient modiier à terme le sens des lux inanciers internationaux.
Toutefois, les tensions, la polarisation et l’incertitude caractérisant le
cycle d’élections présidentielles et législatives à venir dans plusieurs
pays dont le Brésil et le Mexique peuvent perturber la reprise en cours.

de la demande domestique, qui a

progressé de près de 2 % en 2017
grâce à la reprise modérée tant de
la consommation que de l’inves-
tissement privé.
En termes de sous-régions, le
passage de la variation du Pib en
© STARCEVIC/ISTOCKPHOTO

territoire positif résulte du retour

Par Carlos Quenan, vice–président de l’Institut des Amériques
Un rebond modéré
en 2017
L’économie latino-américaine a
connu en 2017 une inlexion
conjoncturelle. Après le cycle
récessif 2014/2016 (net ralentis-
sement en 2014 et recul en 2015
et 2016 avec une variation du
Pib qui a été ces deux années de
-0,3 et -0,9 % respectivement)
consécutif à la phase d’expansion
soutenue ouverte en 2003 qui a
pris in en 2013 (croissance de
4 % en moyenne pendant cette
période), l’Amérique latine a ex-
périmenté un modeste rebond
avec une progression de l’activité
qui a été légèrement supérieur
à 1 %. Cette performance de la
région s’explique par un plus
grand dynamisme des exporta-
tions et surtout par une relance
de la croissance en Amérique du
Sud après deux années de réces-
sion du fait notamment de l’amé-
lioration de la conjoncture en
Argentine et au Brésil (crois-
sance de 2,9 % et de 0,9 % en
2017 après un recul de l’activité
de -2,2 % et de -3,5 % en 2016,
respectivement). Toutefois, le
Venezuela, aux prises avec une
COLOMBIE grave crise économique et po-
2018 sera une litique, a continué à tirer vers le
année électorale.
bas la croissance en Amérique
du Sud, avec une chute du Pib
que l’on estime à 14 %. Pour
leur part, le Chili, la Colombie et
le Pérou, toujours caractérisés
par leur stabilité macroécono-
mique, ont connu un ralen-
tissement par rapport à 2016,
avec des taux de croissance se si-

Entreprendre à l’international - Hors série


tuant entre 1,5 et 2,5 % en 2017.
Parallèlement, les économies de PANAMA
l’Amérique centrale demeurent Pib 59
en termes agrégés les plus dy- Pop. 4
namiques de la région, avec une Pib/hab. 14 515
croissance qui, en moyenne, a Tx croiss. Pib 5,2
Exp. B&S 45
été proche de 4 % en 2017. Le
IDH 0,788
Mexique, pour sa part, a eu une
performance supérieure aux
prévisions effectuées en début
d’année – en raison notamment
des menaces et des incertitudes
découlant du discours et des
propositions de l’Administration
Trump –, mais reste dans un ni-
veau de croissance modérée d’un
peu plus de 2 % par an. Les petites
économies de la Caraïbe, quant à
elles, ont connu, comme les an-
nées précédentes, une piètre per-
formance en 2017. La croissance
y a été cette année pratiquement
nulle à la suite de leurs fragilités
structurelles et des effets négatifs
des phénomènes climatiques su-
bis par cette zone, surtout les ou-
ragans Irma et Maria.
Néanmoins, dans toutes les
sous-régions il y a eu en 2017
des « champions » de la crois-
sance. C’est le cas de la Bolivie
et du Paraguay en Amérique du
Sud, avec une croissance d’envi-
ron 4 %, d’Antigua et Barbuda
et de la République dominicaine
– toujours caractérisée par une
forte croissance ces dernières an-
nées – dans les Caraïbes et dont
le Pib a progressé de près de 5 %,
et Panama en Amérique centrale,
qui fait partie du peloton de tête
depuis plusieurs années, et qui est
le seul pays de la région montrant
un taux de croissance supérieur à
5 % en 2017.
Dans ce cadre général de reprise,
les autres fondamentaux ont
connu, en termes agrégés, une
évolution plutôt satisfaisante.
C’est le cas de l’inlation qui,
ayant été pour l’ensemble de la
région de 6,3 % en 2014, de 7,9 %
91
COLOMBIE
Pib 306
Pop. 49,2
Pib/hab. 6 216
Tx croiss. Pib 2
Exp. B&S 14
IDH 0,727
BRÉSIL
Pib 2 141
Pop. 207,6
Pib/hab. 10 308
PÉROU
Tx croiss. Pib 0,3
Pib 207
Exp. B&S 13
Pop. 31,8
IDH 0,754
Pib/hab. 6 506
Tx croiss. Pib 2,8
Exp. B&S 22
IDH 0,740
ARGENTINE
Pib 629
CHILI
Pop. 44
Pib/hab. 14 267
Pib 251 Tx croiss. Pib 2,7
Pop. 18,3 Exp. B&S 13
Pib/hab. 13 662 IDH 0,827
Tx croiss. Pib 1,5
Exp. B&S 29
IDH 0,847
Pib par habitant
entre 10 000 et 15 000 dollars
Pib : Pib en milliards de dollars, estimation 2017, FMI
Pib par habitant Pop. : population en millions d’habitants 2016, FMI
entre 5 000 et 10 000 dollars Pib/ hab. : Pib par habitant en dollars, estimation 2017 , FMI
Tx croissance du Pib : prévisions 2017, Banque mondiale, en %
Pib par habitant
inférieur à 5 000 dollars
Export de biens et services : en % du Pib 2016, Banque mondiale
IDH : indice de développement humain 2015, source : PNUD
en 2015 et de 8,4 % en 2016 a re- ment une inlation de 2700 % en
culé pour se situer, en rythme an- 2017) annonce une dérive vers
nuel, à 5,3 % en octobre 2017 se- l’hyperinlation en 2018.
lon les estimations préliminaires De même, le solde budgétaire
de la CEPAL, même si ceci en- de la région prise dans son en-
globe des situations très diverses semble a connu une légère amé-
allant des cas de l’Équateur, de lioration contrastant avec la
Panama et de la République do- progressive détérioration consta-
minicaine, avec une hausse des tée entre 2009 et 2016. Selon les
prix d’un peu moins de 2 %, à données de la CEPAL, le déicit
ceux de l’Argentine, toujours ca- primaire de la région est passé de
ractérisée par une forte progres- -1 % à -0,8 % du Pib alors que le
sion des prix à la consommation déicit global est resté au niveau
(24 % en 2017), et surtout du de 2016 (-3,1 % du Pib) du fait
la dette publique de la plupart 
Venezuela dont l’escalade des de l’augmentation du service de
prix (des sources privées esti-
Hors série - Entreprendre à l’international
92
 Monde Amérique latine
 des pays latino-américains.
Sur ce plan, la situation de la ré-
gion est restée presque inchangée
en 2017 : la dette publique rap-
portée au Pib se situe comme en
2016 à 38 %, une stabilisation qui
intervient après plusieurs années
de hausse (ce ratio était à peine
supérieure à 30 % en 2011) et
englobe une grande diversité de
situations nationales.
Une croissance
rafermie en 2018 …
Le rebond de la croissance inter-
venu en 2017 devrait se raffer-
mir en 2018. Selon les diverses
prévisions l’Amérique latine et
les Caraïbes devraient croître à
un rythme d’un peu plus de 2 %
en 2018 en raison tout d’abord
d’un environnement internatio-
nal plus porteur.
Même si on s’inquiète des
facteurs structurels limitant la
croissance potentielle, tant la
Banque Mondiale que le FMI
tablent sur une augmentation du
Pib mondial pouvant se rappro-
cher de 4 % grâce au plus grand
dynamisme des pays développés
et émergents. Ceci devrait per-
mettre, après un mouvement
orienté plutôt vers la hausse en
2017, une stabilisation de la de-
mande et des prix des matières
premières et une poursuite des
conditions assez favorables en
matière d’accès au inancement
extérieur même si la normalisa-
tion progressive des politiques
monétaires des pays développés
et la hausse des taux d’intérêt qui
en découlera, ainsi que d’autres
facteurs comme la réforme is-
cale aux États-Unis, pourraient
modiier l’orientation des lux
inanciers internationaux dans
un sens défavorable à la région
latino-américaine.
Dans ce cadre, l’économie du
Brésil, sortie de la récession en
Entreprendre à l’international - Hors série
2017 grâce à un choc positif
du côté des exportations et à la
réaction de l’activité aux inci-
tations favorables à l’expansion
de la demande domestique (po-
litique de réformes pro-marché
mise en œuvre par le gouver-
nement pourtant faible du
président Temer qui créé un
meilleur climat pour les inves-
tissements, surtout baisse des
taux d’intérêt domestiques fa-
vorisant la relance du crédit et
de la consommation…), devrait
poursuivre sur sa lancée et afi-
cher une croissance d’au moins
2 % en 2018. Cette croissance
devrait aller de pair avec des dé-
séquilibres externes maîtrisés :
le déicit du compte courant de
la balance courante, en franche
diminution en 2017, est tombé
pour se situer à 0,4 % du Pib
– ce qui explique la réduction
du déicit courant de la région
latino-américaine en 2017 –. Sur
le plan des équilibres internes la
situation est contrastée : l’inla-
tion se trouve dans le minimum
historique mais l’accroissement
de l’emploi va de pair avec une
précarisation considérable – qui
peut fragiliser la croissance –
alors que le déicit budgétaire
reste proche de 8 % en 2017 car
les autorités n’ont pas réussi à
renverser la trajectoire haus-
sière en vigueur ces dernières
années. Ceci soutient la pro-
gression de la dette publique du
Brésil qui se caractérise par le
ratio d’endettement le plus élevé
de la région (75 % du Pib).
Bénéiciant du rebond du Brésil,
l’Argentine va connaître une
deuxième année de croissance
après la récession de 2016.
Le gouvernement du président
Mauricio Macri, élu in 2015 à
la tête de la coalition Cambiemos
a commencé comme prévu par
la dévaluation et la libération
Le du taux de change et l’élimina-
Venezuela, tion ou la diminution des di-
verses taxes sur les exportations.
aux prises Tout en menant à bien, à pas
avec une de charge, les négociations avec
les créanciers en litige avec
grave crise,
l’Argentine pour pouvoir accé-
a continué à der au inancement extérieur,
tirer vers le il a renforcé sa position sur
l’échiquier politique grâce à sa
bas la crois-
victoire aux élections législa-
sance en tives intermédiaires qui ont eu
Amérique lieu en octobre 2017 sans pour
autant être majoritaire dans les
du Sud,
chambres. Toutefois, l’essor des
avec une investissements domestiques
chute du et étrangers se fait attendre et
la reprise se base surtout sur
Pib estimée
un regain de dynamisme de la
à 14 %. consommation privé et sur la dé-
pense publique – par le truche-
ment des travaux publics. Alors
que le gouvernement envisage
des réformes visant à réduire le
déicit budgétaire et à lexibili-
ser l’économie (après la réforme
des régimes de retraite et iscale
adoptées in 2017 le gouverne-
ment proposera au Parlement,
en 2018, des changements dans
la réglementation du marché du
travail) on s’attend à une crois-
sance de plus de 3 % en 2018.
Toutefois, plusieurs facteurs as-
sombrissent les perspectives de
l’économie argentine. À court
terme, les dificultés à maîtriser
l’inlation vont s’accentuer. À
moyen terme, l’augmentation de
la dette publique (le ratio dette
publique/Pib se situe à 53,7 se-
lon la CEPAL, le deuxième de
la région après celui du Brésil),
notamment extérieure, interve-
nue en 2016 et 2017 et l’accu-
mulation d’échéances au cours
des prochaines années pourrait
devenir une source de vulnéra-
bilité importante si, comme il
est prévisible, les conditions de
l’environnement inancier inter-
national changent.
 93

Bien entendu, les perspectives de Mexique à la mi-2018 consti-

croissance en 2018 seront aussi
affectées par l’évolution de l’éco-
nomie mexicaine, la deuxième
de la région. Elle est toujours aux
prises avec de persistantes difi-
cultés structurelles (la faiblesse
de la productivité et du taux d’in-
vestissement, le haut degré d’ex-
clusion sociale qui, associé avec
un taux d’informalité parmi les
plus élevés de la région, affecte
négativement le dynamisme du
marché intérieur, le risque poli-
tueront l’un des moments forts
du cycle électoral régional qui
a commencé en novembre-
décembre 2017 avec les élections
au Honduras – victoire dans
un duel très serré du président
sortant de droite, Juan Orlando
Hernandez, contestée par l’op-
position de gauche qui dénonce
une fraude – et au Chili – où le
candidat de centre-droit et an-
cien président Sebastian Piñera
s’est imposé largement au deu-

tique associé au narcotraic et à
la violence…). À cela s’ajoutent
des problèmes conjoncturels tels
que la hausse de l’endettement de
l’État ces dernières années même
si le ratio dette publique/Pib a
connu une légère baisse en 2017
et surtout l’accélération de l’inla-
tion, qui a été de 6,4 % en 2017
– en moyenne – contre 3,4 % en
2016. Toutefois, en 2018 la crois-
sance devrait être un peu plus
dynamique – tout en se situant
toujours entre 2 % et 3 % – grâce
à un environnement internatio-
nal porteur même si les doutes
concernant l’avenir de l’Accord
de libre-échange de l’Amérique
du Nord, l’ALENA, peuvent af-
fecter négativement l’activité éco-
nomique. Mais les conséquences
des positions protectionnistes
des États-Unis sur l’avenir des
échanges extérieurs du Mexique –
qui doit miser sur une progressive
diversiication de ses partenaires
commerciaux – n’est pas la seule
source d’inquiétude pouvant
affecter l’économie de ce pays.
L’autre facteur d’incertitude a
trait au rendez-vous électoral que
ce pays va vivre en 2018.
… accompagnée
d’une incertitude
politique élevée
xième tour face au candidat du
centre-gauche.
Entre in 2017 et décembre 2018,
huit pays de la région seront en
effet passés par les urnes pour
élire les plus hautes autorités de
l’État. Plus important encore,
ces élections concerneront une
bonne partie des pays les plus
grands ou les plus peuplés de
l’Amérique latine : la Colombie,
le Venezuela et surtout le Brésil
et le Mexique – ce qui arrive tous
les douze ans – qui, à eux deux,
concentrent plus de la moitié de
la population et environ 60 %
du Pib de la région.
Dans le cas du Mexique, carac-
térisé par un système électoral à
un seul tour qui peut permettre
d’élire un président ne disposant
pas de majorité parlementaire
pour gouverner et affaibli d’em-
blée par un taux de rejet élevé, le
panorama électoral est clair pour
ce qui est des candidats des prin-
cipaux partis même si des can-
didats indépendants pourraient,
s’ils se présentent, troubler le jeu.
Le Parti révolutionnaire institu-
tionnel (PRI) du président Peña
Nieto, dont la popularité est très
basse du fait notamment de l’ab-
sence de résultats probants sur le
plan socio-économique, cherche
à ratisser large dans l’électorat
© MARCELLOLAND/ISTOCKPHOTO
L’économie poste de ministre des inances
alors qu’il a été il y a quelques
du Brésil est
années ministre, aussi, de l’an-
sortie de la cien président Calderon du
récession Parti d’Action National (PAN,
de droite). Ce parti aura comme
en 2017.
candidat son ancien président
Anaya et vise, du moins partiel-
lement, le même électorat que
le PRI même si son principal
allié dans le front Por Mexico al
Frente, le Parti Révolutionnaire
Démocratique (PRD, de centre
gauche), qui est certes en perte
de vitesse, pourrait lui appor-
ter des voix à gauche. Toutefois,
le favori des sondages demeure
Lopez Obrador, le leader du
Mouvement de Régéneration
Nationale (Morena), qui se
présente pour la troisième fois
consécutive à la présidence avec
un discours de gauche, très cri-
tique à l’égard de la corruption
caractérisant le système poli-
tique et d’extrême fermeté vis-

nistes et de rejet des migrants 

Les élections présidentielle et de centre droit avec son candidat à-vis des positions protection-
législative qui se tiendront au Meade, qui a démissionné de son

Hors série - Entreprendre à l’international

 94
Le comité des CCEF de Colombie est engagé dans l’attractivité de
la Colombie; la France, premier employeur étranger en Colombie
● Xavier Pinot (SAINT GOBAIN)
● Jean Claude Bessudo (AVIATUR)
● Saniago Arroyo (SETEC)
● Jean Luc Audureau (VINCI GRANDS PROJETS)
● Bruno Pareni (AIRBUS)
● Alberto Preciado (Alberto Preciado & Asociados - Abogados)
● Jean Claude Federak (Omexom)
● Madeleine Langand Derocles (AXA Colpatria)
● Jean Hugues Chailley (AGRO y FINANZAS SAS)
Entreprendre à l’international - Hors série
● Laurent Charpin (Service Economique de l’ambassade de France en Colombie)
● Gauier Mignot (Ambassadeur de France en Colombie)
● Patrice Tauzia (MP Colombia BV)
● Alexandre Toulemonde (TXT SA)
● Roberto Diez (Business France)
● Thomas Marx (Service Economique de l’ambassade de France pays Nord Andins)
● Gregoire Toulemonde (Lefebre y Mesa Subastas)
● Joel Doglioni (Transpack)
www.cnccef.org

 Monde Amérique latine
 mexicains de l’Administra-
tion Trump. L’éventualité de sa
victoire n’est pas vue d’un bon
œil par une bonne partie des
milieux d’affaires.
Au Brésil l’ex-président Lula, le
candidat du Parti des Travail-
leurs (PT) et d’autres forces de
gauche pour le premier tour
de l’élection présidentielle qui
aura lieu le 7 octobre 2018, est
le favori des sondages grâce au
soutien des secteurs les plus dé-
favorisés de la population qui
ont bénéicié des programmes
sociaux qu’il a mis en place
entre 2003 et 2010. Or la parti-
cipation de Lula à cette élection
est compromise car, en conir-
mant un jugement précédent, la
cour d’appel de Porto Alegre l’a
déclaré coupable de corruption
le 24 janvier 2018. Cette accusa-
tion, qui intervient dans le cli-
mat dégradé par la grave crise
politico-institutionnelle qui a
donné lieu à la destitution en
2016, à travers une procédure
d’impeachment, de la présidente
en exercice Dilma Rousseff – ac-
cusée de maquiller les comptes
publics – et à la formation d’un
nouveau gouvernement autour
du vice-président Michel Temer,
lui-même accusé de faits de
corruption comme d’autres
dirigeants politiques, est reje-
tée par Lula qui clame son in-
nocence. En outre, lui-même
et ses partisans dénoncent la
célérité inhabituelle de la jus-
tice qui a décidé de prononcer
une peine de prison de 12 ans
et demi qui ne pourra pas être
appliquée que lorsque tous les
recours seront épuisés. Ces re-
cours, que Lula pense utiliser
tout en dénonçant une tentative
de coup d’État déguisé, peuvent
rallonger la procédure de plu-
sieurs mois et vont constituer
un ingrédient important dans
95
un processus électoral inédit de la reprise perceptibles en
qui s’annonce très incertain, 2018, et à l’instar de ce qui s’est
tendu et conlictuel. produit dans d’autres régions
Mais au-delà du cas du Brésil, du monde, une déiance crois-
où la corruption touche l’en- sante de l’opinion publique à
semble du personnel politique, l’égard des élites politiques. Les
à travers notamment les scan- tensions, la polarisation et l’in-
dales Petrobras et Odebrecht, certitude caractérisant ce cycle
le cycle électoral en cours en électoral décisif pour l’avenir
Amérique latine sera fortement politique de la région peuvent
inluencé par les affaires qui ont perturber le rebond en cours
secoué la plupart des pays de la alors que la plupart des pays de
région. Ceci et les effets sociaux la région ont toujours du mal à
négatifs d’une « demie-décen- mettre en place des politiques
nie perdue » après plusieurs économiques à même de favo-
années de croissance négative riser la diversiication produc-
ou très molle alimentent, mal- tive et le renforcement de la
gré les signes de renforcement croissance sur le long terme. ■
LE BRÉSIL : continuons à y croire
Par Frédéric Junck, président des CCE Brésil
Croire et travailler
Grâce au travail mené en profondeur par de puissants procureurs, le Brésil fait un
assainissement complet des maux publics et privés du pays. Nous voyons déjà de bons
résultats à l’horizon, bien qu’il reste encore beaucoup à faire. C’est pourquoi vous pouvez
croire que l’ «hygiénisation» du système continuera.
Confiance et dignité
Aujourd’hui, les Brésiliens sont à la recherche de leur dignité perdue. Ce sont sans doute
ces mêmes Brésiliens qui montreront leur insatisfaction lors des prochaines élections de
2018. Le résultat des urnes apportera la coniance en un avenir meilleur.
Balance et gestion
Il n’y a pas de résultat positif dans le public ou le privé, s’il n’y a pas un équilibre dans les
comptes. Il faut rechercher une gestion professionnelle eficace qui garantisse un résultat
durable et pas épisodique. Cette nouvelle gestion émerge au Brésil avec de nouvelles
pensées et apporte de l’espoir aux Brésiliens.
Transparence et stabilité
Nous vivons dans un pays où les gens savent que la stabilité viendra avec la pratique de la
transparence que cela soit dans les relations de la vie personnelle, dans la vie professionnelle
ou dans la vie publique. Aucun de ces secteurs/aspects ne peut être laissé de côté.
Courage et réalisation
Cela n’a jamais manqué dans ce pays. Les Brésiliens ont le courage de lutter pour ce qui
est juste et ce qu’ils ont toujours cru être juste. Un meilleur Brésil pour tous les Brésiliens,
qu’ils soient hommes d’affaires, ouvriers et même dirigeants, pourquoi pas?
Admiration et respect
Le respect et l’admiration sont gagnés, non achetés. Les nouvelles forces politiques qui
émergent se rendent compte qu’il n’y aura pas d’autre moyen de gagner les élections si ce
n’est celui de présenter un vrai programme. Nous sommes sur le point de sauver ce qui est
vital pour le Brésil et pour la vie de tous les Brésiliens: l’ordre et le progrès. ■
Hors série - Entreprendre à l’international
96

 Monde Amérique latine

ARGENTINE
En passe de redevenir
un pays normal
BUENOS AIRES
Quartier de
La Boca.

© DIEGOGRANDI /ISTOCKPHOTO
Entre projets de réformes, volonté gouvernementale
de réduire la pression iscale et d’augmenter la
productivité, l’année 2018 sera décisive pour le
pays. Quant au risque populiste, il semble avoir été
totalement écarté par le président Macri.

Par Jean-Bernard Lemire, président des CCE Argentine

A
lors que la victoire élections de mi-mandat (oc-
de Mauricio Macri tobre 2017) viennent de mettre
aux élections prési- un terme « déinitif » à l’uto-
dentielles 2015 a per- pie hégémonique et malsaine
mis à l’Argentine de de Cristina Kirchner. Mauricio
tourner de justesse le dos à la Macri a donc toutes les chan-
tentation populiste qui me- ces de devenir le premier prési-
naçait de la transformer en dent non péroniste à terminer
un nouveau Venezuela, les son mandat depuis la première

Entreprendre à l’international - Hors série


DAKAR 2018
La quarantième
édition du rallye
Dakar est arrivée
le 20 janvier à
Cordoba.
élection de Peron en 1955. Les
pronostics sont très favorables
pour qu’il puisse briguer un
deuxième mandat.
L’Argentine conirme ainsi sa
vocation à redevenir un pays
« normal » même si certains
secteurs de la gauche radicale
et les supporters de l’ancienne
présidente sont prêts à tout pour
mettre les bâtons dans les roues
de ce retour à la normalité qui
impliquerait pour eux une mort
politique. Les troubles de la in
de l’année 2017 à l’occasion du
vote de la réforme prévisionnelle
en sont une illustration.
Pour les investisseurs étran-
gers, de nouvelles opportunités
s’ouvrent, notamment dans le
domaine des énergies renouve-
lables et des infrastructures de
transport où le gouvernement a
lancé un programme d’investis-
sement de 26 milliards de dol-
lars où il invite le secteur privé
à participer sous un régime de
PPP (partenariat public-privé).
Les déis Au niveau macroéconomique,
pour des progrès ont été enregistrés
au niveau de l’inlation (24 % en
l’Argentine 2017) et du déicit public (4,2 %
restent en- du Pib) même si leurs niveaux
tiers : forte restent élevés et l’économie est
sortie de la récession, avec une
pression croissance de l’ordre de 3 % en
iscale, 2017. Par ailleurs, l’Argentine
devrait en principe intégrer pro-
faible pro-
chainement les rangs de l’OCDE.
ductivité et
surévalua- Réformes de la iscali-
té et des systèmes de
tion chro-
retraites en projet
nique de Mais les déis pour l’Argentine
la monnaie restent entiers : la forte pression
iscale, la faible productivité et
locale.
la surévaluation chronique de
la monnaie locale conspirent
contre la compétitivité des pro-
duits « made in Argentina ».
Le gouvernement a afiché son
intention de s’attaquer aux
deux premiers facteurs, ce qui
ne sera pas chose facile car cela
implique de bousculer des pans
entiers de l’organisation sociale,
Hors série - Entreprendre à l’international
97
© FLORENT GOODEN / DPPI
notamment réduire la taille de
l’État et le nombre de fonction-
naires, et remettre en chantier
la législation du travail. Une
réforme de la iscalité et du sys-
tème des retraites sera mise en
œuvre dès le début 2018 et une
réforme du droit du travail de-
vrait suivre.
La surévaluation du peso ar-
gentin devrait a priori perdurer
tant que l’Argentine continuera
à inancer son déicit iscal par
une augmentation de sa dette
externe impliquant d’énormes
lux entrants de devises. L’année
2018 sera une année décisive
pour l’avenir des politiques me-
nées par le gouvernement. Face
à un péronisme divisé mais nos-
talgique de l’exercice du pou-
voir, les équipes de Mauricio
Macri devront démontrer, grâce
à une présence parlementaire
renforcée, leur capacité à trans-
former les structures archaïques
de ce pays et a le projeter vers
l’avenir. ■
98

 Monde Amérique latine

CHILI
Retour de la coniance
et belles perspectives
Le Chili a enregistré un signiicatif ralentissement
de sa croissance avec 1,5 % en 2017. Il faut rappeler
que la croissance entre 2010 et 2013, était en
moyenne de 5,4 %. Pour 2018, les projections font
état d’une reprise de la croissance entre 3 % et
3,5 % et surtout d’une reprise des investissements
en raison du retour de la coniance.

SANTIAGO
DU CHILI
La capitale
du pays est
entourée par
les sommets
enneigés
des Andes.

© TIFONIMAGES/ISTOCKPHOTO

Par Louis des Cars, CEO Coface Chili, président des CCE Chili

P
lusieurs facteurs ex- quatre ans. Le lendemain de
pliquent cette récupé- l’élection, la bourse chilienne
ration de l’économie a augmenté de 7 % et a totali-
chilienne. En premier sé une croissance de plus 33 %
lieu, les dernières en 2017, anticipant la réélection
élections présidentielles en dé- de Sebastian Piñera (conformé-
cembre 2017 se sont traduites ment à la constitution chilienne,
par l’élection du conservateur le nouveau Président prendra
libéral Sebastian Piñera qui ses fonctions en mars 2018). Il
avait déjà été président il y a faut préciser que sous la pré-

Entreprendre à l’international - Hors série


sidence de Michelle Bachelet
s’était instauré un climat de dé-
iance vis-à-vis du pouvoir en
place, en raison principalement
de réformes mal menées dans le
domaine du droit du travail, du
droit iscal et de l’éducation. De
ce fait, les investissements aussi
bien étrangers que nationaux
étaient tombés au plus bas. En
second lieu, cette restauration
de la coniance après l’élection
a eu un effet immédiat avec
un changement du climat des
affaires, le retour de l’enthou-
siasme qui va se traduire par la
reprise tant des investissements
étrangers que ceux des propres
Chiliens. En troisième lieu, les
résultats de l’élection prési-
dentielle se conjuguent avec la
reprise des prix des matières
premières liés à la reprise syn-
chronisée de l’économie mon-
diale. Ainsi les prix du cuivre et
du lithium ont fortement aug-
menté en 2017. Cette hausse du
prix du cuivre a bien évidem-
ment un impact signiicatif sur
l’économie chilienne, puisque
le cuivre représente 50 % des
exportations chiliennes, le Chili
étant le premier producteur
mondial.
Vision positive sur le
long terme
Le Chili reste le meilleur risque
pays d’Amérique latine, en ter-
mes macro-économique. Le
système inancier est solide et
sain. Dans l’échelle d’évaluation
des risques pays de la Coface, le
Chili se situe dans la catégorie
A3 (la meilleure note dans le ba-
rème Coface est A1). Il convient
de noter que la Coface considère
que le climat des affaires se situe
dans la catégorie A2 qui est une
excellente notation.
Le Chili continue d’offrir de
nombreuses opportunités d’in-
RESSOURCES
Chuquicamata,
plus grande mine
de cuivre à ciel
ouvert du monde.
L’industrie vestissements. Contrairement à
automobile de nombreux pays d’Amérique
latine, il a démontré sa résilience
s’oriente face à des chocs externes (baisse
vers le tout des prix des matières premières
électrique, entre 2013 et 2016) et à des dif-
icultés internes sous la prési-
d’où la dence de Michelle Bachelet avec
hausse des un niveau particulièrement bas
de la croissance, lié en partie à
prix du
une forte baisse des investisse-
cuivre et du ments. La vision est positive sur
lithium qui le long terme. Il existe de nom-
breux secteurs porteurs comme
bénéicie
les infrastructures, l’énergie,
au Chili. le transport, l’agroalimentaire,
l’environnement, l’hôtellerie, le
secteur inancier et les produits
de grande consommation.
Les politiques de lutte contre le
réchauffement climatique qui
conduisent en matière d’éner-
gie à s’orienter vers des éner-
gies propres favorisent des pays
comme le Chili. Ainsi à titre
d’exemple, le fait que l’industrie
automobile s’oriente vers le tout
électrique favorise la hausse des
cours du cuivre et du lithium.
Le Chili dispose des toutes pre-
Hors série - Entreprendre à l’international
99
© ROCCOMONTOYA /ISTOCKPHOTO
mières réserves au niveau mon-
dial, ce qui lui permet d’aug-
menter progressivement et de
façon soutenue ses revenus.
Large ouverture
Le Chili est un des pays les
plus ouverts au monde pour le
commerce international. Il est
le Singapour de la région. C’est
le pays qui a signé le plus d’ac-
cords de libre-échange dans le
monde. Cinquante-sept traités
de libre commerce ont été si-
gnés avec l’Union européenne,
les États-Unis mais aussi la
Chine, le Japon… Cela permet
au Chili de constituer une plate-
forme commerciale idéale entre
l’Amérique latine et l’Asie, et
représente une porte d’entrée
privilégiée sur les États-Unis.
De plus, il convient de no-
ter que le Chili fait partie de
l’Alliance du Paciique (Chili,
Colombie, Pérou et Mexique)
qui est constituée par les pays
les plus en pointe de la région et
permet donc de bien proiter de
ces différents marchés. ■
 100

 Monde Asie-Paciique

La locomotive
mondiale asiatique
Dans une conjoncture de reprise économique
mondiale générale, l’Asie dépasse ses performances
des années précédentes et continue, encore plus
qu’auparavant, à tirer le mouvement global, avec
5,1% de croissance moyenne en 2017 alors que la
moyenne mondiale est de 3,6%.

PAKISTAN
Pib 284
Pop. 197
Pib/hab. 1 468
Croissance 2017 5,3
Export B&S 9
IDH 0,550

INDE
Pib 2 455
© NIKADA/ISTOCKPHOTO

Pop. 1 326
Pib/hab. 1 850
Croissance 2017 6,7
Export B&S 19
IDH 0,624

Par Jacques Gravereau, CCE, président d’honneur de l’Institut HEC Eurasia

L
a Chine afiche une
puissance économique
égale à elle seule à la
moitié de l’ensemble
de l’Asie (du Pakistan
au Japon). Elle justiie donc
liards de dollars. Sa croissance
s’est élevée au niveau remar-
quable de +6,9 % en 2017. Elle
devrait enregistrer des perfor-
mances proches en 2018, ce Pib par habitant
qui témoigne d’une excellente supérieur à 35 000 dollars

naturellement toute l’atten- maîtrise de la politique éco- Pib par habitant

tion, surtout au lendemain de
la reconduction triomphale de
Xi Jinping au pouvoir suprême
entre 20 000 et 35 000 dollars
nomique sous la houlette du
Pib par habitant
Premier ministre Li Keqiang. entre 5 000 et 10 000 dollars
Pib par habitant

à grande vitesse, avec une 

à l’automne 2017. Son Pib est L’Asean continue à progresser inférieur à 5 000 dollars

passé aujourd’hui à 11 900 mil-

Entreprendre à l’international - Hors série

 101

CORÉE DU SUD
Pib 17 410
CHINE Pop. 51
Pib/hab. 34 368
Pib 11 795
Croissance 2017 3
Pop. 1 391
Export B&S 42
Pib/hab. 8 480
IDH 0,901
Croissance 2017 6,9
Export B&S 20
IDH 0,738

BANGLADESH
Pib 249
Pop. 163,1
Pib/hab. 1 524 HONGKONG JAPON
Croissance 2017 7,1 Pib 332 Pib 4 841
Export B&S 17 Pop. 7,4 Pop. 126,4
IDH 0,579 Pib/hab. 44 751 Pib/hab. 38 281
Croissance 2017 3,5 Croissance 2017 1,5
Export B&S 187 Export B&S 18
THAÏLANDE
IDH 0,917 IDH 0,903
Pib 433 TAÏWAN
Pop. 69 Pib 567
Pib/hab. 6 265 Pop. 23,5
Croissance 2017 3,8 VIETNAM Pib/hab. 24 027
Export B&S 69 Croissance 2017 2,1
Pib 216
IDH 0,740 Export B&S NC
Pop. 93,6
Pib/hab. 2 305
MALAISIE Croissance 2017 6,8
Export B&S 94
Pib 309
Pop. 32,1
IDH 0,683 PHILIPPINES
Pib/hab. 9 623 Pib 330
Croissance 2017 5,4 Pop. 106,3
Export B&S 67 CAMBODGE Pib/hab. 3 102
IDH 0,789 Croissance 2017 6,6
Pib 20
Export B&S 28
Pop. 16
IDH 0,682
Pib/hab. 1 308
Croissance 2017 6,9
Export B&S 61
SINGAPOUR IDH 0,563
Pib 292
Pop. 5,7
Pib/hab. 51 431
Croissance 2017 2,5
Export B&S 172
IDH 0,925
INDONÉSIE AUSTRALIE
Pib 1 020 Pib 1 360
Pop. 261,9 Pop. 24,6
Pib/hab. 3 895 Pib/hab. 55 215
Croissance 2017 5,2 Croissance 2017 2,7
Pib : Pib en milliards de dollars, estimation 2017, FMI Export B&S 19 Export B&S 19
Pop. : population en millions d’habitants 2016, FMI IDH 0,689 IDH 0,939
Pib/ hab. : Pib par habitant en dollars, prévisions 2017, FMI
Croissance 2017 : croissance du Pib en %, FMI (source OCDE pour l’Australie)
(source OCDE pour Corée du Sud et Australie, source : ministère du Commerce et
de l’Industrie pour Singapour, ministère de l’Économie pour Taiwan, FMI pour Hongkong)
Export de biens et services : en % du Pib 2016, Banque mondiale
IDH : indice de développement humain 2015, PNUD

Hors série - Entreprendre à l’international

102
 Monde Asie-Paciique
 croissance moyenne de
5 % en 2017, supérieure de 0,6
points par rapport à l’année
précédente. Seuls Singapour
(2,5 %, mais en progression
de 1,3 point) et Bruneï contri-
buent à contraindre ce score
remarquable, sinon la perfor-
mance serait de 5,4 %.
La Thaïlande a célébré en 2017
le deuil de son roi Rama ix, qui
a culminé avec les cérémonies
grandioses de sa crémation in
octobre. Son ils Vajiralongkorn
devrait être couronné en 2018,
mais son impopularité rend le
paysage morose. Sur le front
économique, on a assisté à une
nette reprise, avec une crois-
sance de l’ordre de 3,8 % tirée
par le rebond des exportations,
Entreprendre à l’international - Hors série
la croissance du tourisme et les
investissements en infrastruc-
tures, malgré une consomma-
tion intérieure encore atone.
Les prévisions globales sont
bonnes. La population pri-
vilégie la croissance écono-
mique et accordera sa légiti-
mité au gouvernement actuel
là-dessus. La vie politique est
plate, à la suite de la loi mar-
tiale décrétée par le général
Prayut Chan-Ocha en 2014,
lequel a tout de même promis
des élections libres, sans doute
in 2018, mais encore dans
les limbes. L’isolement actuel
de la Thaïlande vis-à-vis de
l’Occident, à cause de son ab-
sence passagère de démocra-
tie, renforce l’inluence de la
Chine, qui n’en a cure et qui en
proite pour pousser son avan-
tage sur tous les plans, écono-
mique et politique.
Les Philippines ont généré
une croissance de 6,6 %, ti-
rée par une consommation
très dynamique et la reprise
d’investissements étrangers.
La Chine a notamment pro-
mis 24 milliards de dollars au
cours des prochaines années.
Les exportations, notamment
électroniques, se portent bien.
Dix millions de Philippin(e)s
travaillent à l’étranger et leurs
virements à domicile repré-
sentent 33 milliards de dollars
(10 % du Pib). Les fondamen-
taux économiques sont ro-
bustes. La population est jeune
et généralement anglophone.

La lune de miel soudaine entre
le Président Rodrigo Duterte et
Pékin, dès sa prise de fonction
en 2016, avait mis sous le bois-
seau le règlement du conten-
tieux sur l’île de Scarborough
par la Cour internationale
d’arbitrage de l’ONU, dans le-
quel la Chine avait été fustigée
sans appel. Mais l’année 2017
a été moins simple, lorsque les
Chinois ont annoncé unilaté-
ralement qu’ils construiraient
une grande station météo sur
cette même île. La guérilla is-
lamique sanglante déclenchée
par la branche locale de Daech
sur la grande île de Mindanao
a été réprimée à grand-peine,
avec le concours massif des
forces spéciales américaines,
pour venir à bout de quatre
mois de siège sanglant de la
ville de Marawi. L’alliance
stratégique historique avec
les États-Unis, un temps dé-
noncée de façon tonitruante,
s’est révélée déterminante sur
le terrain. Elle est donc loin
d’être enterrée, par-delà les dé-
clarations à l’emporte-pièce de
M. Duterte. Ce denier a conti-
nué à accorder à sa police et à
son armée un permis de tuer
les traiquants de drogue ou
supposés tels, et l’on estime ces
exécutions extra-judiciaires à
7 000 personnes en dix-huit
mois, au grand dam des démo-
crates philippins authentiques,
qui ont été muselés.
L’Indonésie poursuit à son
rythme de 5,2 %, en pro-
gression par rapport à l’an-
née précédente, et vient de
dépasser le seuil symbolique
des 1 000 milliards de dollars
de Pib. Rappelons qu’elle est
membre du G20. Les fonda-
mentaux macro-économiques
sont bons. La consommation
des grandes villes est le prin-
cipal pilier de la croissance,
103
© ASIANDREAM /ISTOCKPHOTO
JAKARTA mais la remontée des cours
La consommation des matières premières mon-
dans les grandes
villes est un
diales a également contribué
des piliers de la à la bonne santé de grand pays
croissance. agricole et minier. Les remous
politiques de 2017 sentent leur
ferment islamiste. Le brillant
maire chrétien (et chinois) de
Jakarta, Ahok, ayant cité une
sourate du Coran à mauvais es-
cient, d’après ses détracteurs, a
été condamné à deux ans d’em-
prisonnement pour blasphème
en pleine campagne électorale
pour son renouvellement. Cet
immense pays de 258 millions
d’habitants à majorité écra-
sante musulmane est traversé
depuis longtemps par des ten-
tations extrémistes islamiques,
jusqu’ici contenues sous le
boisseau, mais qui n’hésitent
pas à s’exprimer de manière
virulente de temps à autre.
Peut-être plus intéressant : le
immiscé dans le débat sur 
timide Président Jokowi s’est
Hors série - Entreprendre à l’international

 Monde Asie-Paciique
 la suzeraineté en mer de
Chine, en annonçant un ren-
forcement sans précédent de la
marine militaire indonésienne,
ce qui peut faire sens pour les
intérêts à long terme de son
pays, qui est le plus grand ar-
chipel du monde.
Le Vietnam enregistre ses
meilleurs scores économiques
de la décennie, avec 6,8 % de
croissance en 2017. Ses ex-
portations ont progressé de
20 % et dégagent un excédent
commercial de 3 milliards de
dollars. Le groupe sud-coréen
Samsung est à lui seul respon-
sable de 23 % desdites expor-
tations. Les investissements
étrangers, principalement dans
les industries de main-d’œuvre,
ont atteint 16 milliards de dol-
lars l’an dernier. Les marchés
d’actions ont bondi de 48 %,
et les prêts bancaires de 19 %.
La grande question à suivre en
2018, qui nous concerne direc-
tement, sera la ratiication de
105
© GNOMEANDI /ISTOCKPHOTO
VIETNAM l’accord de libre-échange entre le de la minorité Rohingya, dans
De bonnes
performances
Vietnam et l’Union européenne. l’ouest du pays. Un million de
économiques. Rohingyas musulmans habite
La Birmanie n’a pas tant at- en Birmanie depuis des géné-
tiré l’attention par ses perfor- rations. Mais l’État central ne
mances économiques robustes les a jamais considérés comme
(7,2 % de croissance, mais sur des citoyens normaux, même
un Pib par habitant encore dans ce pays qui est une mo-
modeste de 1 300 dollars), que saïque d’ethnies différentes.
par les exactions extrêmes de L’escalade de la violence est at-
l’armée birmane à l’encontre tisée par les prêches enlammés
BIRMANIE
Les violences
ont obligé
de nombreux
citoyens de la
minorité Rohingya
à fuir le pays.
© MICHAŁ FIAŁKOWSKI /ISTOCKPHOTO
Hors série - Entreprendre à l’international

106
PROPRIETE INTELLECTUELLE EN ASEAN : Une Zone riche
d’évolutions à aborder avec le soutien de l’INPI
D
epuis quelques années, les plans
d’actions et les réformes légales se
multiplient en matière de Propriété
Intellectuelle (PI), en voici quelques illus-
trations.
Singapour, avec un IP Hub Master Plan,
plan décennal lancé en 2013, revu cette
année, veut devenir le Hub de la PI en
Asie grâce notamment à son environne-
ment des affaires fort appréciable pour les
entreprises. Mais les autres pays ne sont
pas en reste. La Thaïlande a lancé une
feuille de route en matière de PI sur 20 ans
à l’été 2016 dans le cadre de la Politique
4.0 du pays. L’Indonésie a tout comme
le Vietnam entamé des discussions pour
définir un plan national stratégique en
matière de PI à court terme.
En matière de lutte anti-contrefaçon, on
peut noter en Thaïlande la dernière loi sur
les Douanes prévoyant explicitement des
amendes pour les produits contrefaisants
en transit ou en transbordement. Les dif-
férents efforts du pays pour renforcer la
lutte anti-contrefaçon ont été reconnus
dernièrement par les Etats-Unis. Cette re-
connaissance s’est traduite par une sortie
récente du pays de leur liste dite « Priority
Watch List » et un nouveau classement
dans un niveau inférieur, dit « Watch
List » au côté du Vietnam. En Indonésie,
la récente réforme sur les Douanes, pré-
voit notamment un registre de droits de
PI pour lutter plus efficacement contre
la contrefaçon. La Birmanie, de son côté,
devrait disposer d’une « vraie » loi sur les
Marques courant 2018.
Enfin, les entreprises françaises peuvent
plus facilement envisager des dépôts de
marques en Thaïlande et en Indonésie
depuis quelques semaines grâce à l’en-
trée en vigueur du Système de Madrid
(marques internationales) dans ces pays.
Ces initiatives des pays de l’ASEAN visent
non seulement à rassurer les investis-
seurs étrangers mais ont pour but éga-
lement d’inciter les entreprises locales à
s’approprier et utiliser les outils juridiques
à disposition. Une étape indispensable au
développement économique de ces pays
sur le long terme. Dans cet environne-
ment complexe et non homogène, il est
recommandé aux entreprises françaises
de se faire accompagner par un spécialiste
conseil en Propriété Industrielle, avocat
spécialisé qui pourra avec l’appui de son
réseau de collaborateurs ou confrères
locaux aider l’entreprise à mener à bien
ses projets en ASEAN.
De façon tout aussi incontournable, l’INPI
assure son soutien depuis Singapour aux
entreprises qui souhaitent développer
une activité sur la zone.
Le Conseiller INPI articule ses missions au-
tour de 3 axes : la coopération sur le plan
technique avec les administrations char-
gées de la délivrance et de la protection
des droits de PI et de la lutte anti-contre-
façon dans les pays de la zone couverte,
l’accompagnement et le suivi des acteurs
économiques français, notamment les
Mondial des CCE, octobre 2017
PUBLI RÉDACTIONNEL
startups, les PME, les Grands Comptes,
présents ou souhaitant venir sur la
zone (information, appui institutionnel,
contentieux, etc.) sans oublier la veille de
la législation et des pratiques relatives à
la PI dans la zone. Il travaille sous l’égide
de l’INPI et du Service Economique de
l’Ambassade en coopération avec les CCEF,
Business France, Bpifrance, les Chambres
de Commerce et les autres acteurs de l’in-
ternational afin d’être toujours au plus
près des entreprises.
L’INPI propose parallèlement en France
des accompagnements spécifiques pour
aider les entreprises à mieux appréhender
les outils et les stratégies de PI au service
de leur politique globale de dévelop-
pement. L’une des clefs pour mettre en
place des pratiques adéquates est l’anti-
cipation et la connaissance de ces outils
et des règles associées. Ceci est d’autant
plus vrai lorsque l’entreprise opère sur
des marchés étrangers. Les Conseillers
Régionaux sont là pour l’aider.
Par Stéphanie Leparmentier, Conseillère
Régionale en PI pour l’Asie du Sud-Est,
expert INPI, Ambassade de France à
Singapour

 Monde Asie-Paciique
 de moines bouddhistes en
vue, dont on attendrait censé-
ment des vertus de compassion.
Elle se nourrit de massacres et
de viols à grande échelle per-
pétrés en toute impunité par
les soldats de l’armée oficielle
birmane, qui ont provoqué la
fuite de 600 000 réfugiés, au
bas mot, vers le Bangladesh
voisin. Même la visite sur place
du Pape François à l’automne
dernier n’a pas pu calmer les
esprits. Aung San Suu Kyi, prix
Nobel de la paix bien connue,
dirige de fait le pays depuis
2016, bien que la présence
persistante des généraux ame-
nuise ses marges. Le silence as-
sourdissant de Madame Aung
San sur les Rohingyas ternit
l’image de madone que nous
avions admirée et révèle sa
posture de nationaliste issue
de l’ethnie Bamar au pouvoir,
dans laquelle elle rejoint son
père héros de l’indépendance,
le général Aung San. L’univer-
sité d’Oxford, son alma ma-
ter, a décroché son portrait de
TAIPEI sa galerie d’anciens célèbres
Taïwan est la en guise de protestation. La
sixième économie
de la zone question reste entière en 2018,
avec un climat tant les autorités birmanes
d’afaires très
favorable. campent sur leurs positions
en refusant tout ce qui pour-
rait apparaître comme de l’in-
gérence, même des Nations
unies. S’il y en a certains que
cette situation n’émeut pas, ce
sont les Chinois, qui terminent
au Nord du pays l’aménage-
ment massif du port en eaux
profondes de Kyaukphyu, futur
terminal du pipe-line achemi-
nant le pétrole et le gaz interna-
tionaux vers le Yunnan, premier
pas stratégique du contourne-
ment du détroit de Malacca.
Taïwan n’est plus très souvent
sur les radars. C’est dommage.
C’est la sixième économie de la
zone, juste derrière les monstres
asiatiques. Le climat des affaires
y est très favorable. La liberté
d’expression y est garantie. Ses
exportations (287 milliards de
dollars) sont très supérieures à
n’importe quel pays de l’Asean,
Hors série - Entreprendre à l’international
107
© SEAN PAVONE/ISTOCKPHOTO
en excédent massif (+60 mil-
liards) sur les importations.
Elle est membre de l’OMC.
Son premier client est la Chine
continentale, mais les ventes à
l’Asean ont bondi de 20 % en
2017. Après deux ans de crois-
sance décevante, celle-ci s’est
reprise et on attend 2,5 % en
2018, ce qui est solide pour
un pays dont le Pib par habi-
tant s’élève à 24 000 dollars.
Les relations politiques avec
Pékin ne sont pas au beau ixe
depuis la prise de fonction de
la Présidente Tsaï Ing-Wen en
mai 2016, laquelle a refusé d’ad-
hérer au « consensus de 1992 »,
dont l’esprit d’ouverture et de
détente avait été encouragé
par son prédécesseur du Parti
Kuo Min Tang, le Président Ma
Ying-Jeou. La vindicte verbale
de Pékin à l’encontre des velléi-
tés de sa « province » chinoise
s’est durcie, mais au quotidien
le statu quo demeure la règle,
comme en témoigne l’accrois-
sement des touristes étrangers
vers l’île. ■
 108

 Monde Asie-Paciique

JAPON
Une plus grande ouverture
La croissance un peu lente de l’économie japonaise ne doit
pas faire oublier le niveau très avancé de ce pays, qui compte
des entreprises performantes dans des secteurs technologiques,
de consommation haut de gamme ou encore des créneaux
porteurs comme la santé pour les seniors. Le Japon airme
aussi ces dernières années sa vocation touristique.

par la Banque du Japon d’une

politique monétaire très ac-
commodante. Cette croissance
molle devrait se poursuivre
jusqu’au troisième trimestre
2019, date à laquelle nous anti-
cipons une deuxième augmen-
tation du taux de TVA (cette
fois-ci de 8 % à 10 %) qui de-
© PEETER VIISIMAA /ISTOCKPHOTO

vrait peser sur la demande.

Sur le plan monétaire, la
Banque du Japon a poursuivi
en 2017 sa politique de Quanti-
tative and Qualitative Monetary
Easing with Yield Control Curve
introduite en septembre 2016
et qui lui permet de contrôler
à la fois les taux à court terme
Par le comité Japon des CCE, coordonné par Jean-Michel Serre, et ceux à dix ans. Cette poli-
président des CCE Japon
tique a eu pour conséquence
de réduire les achats annuels de
bons du Trésor japonais par la

L’
année 2017 a été mar-
quée par les élections
législatives qui ont
consolidé la majorité
du Premier ministre
Shinzo Abe. La croissance
économique, certes lente (en-
viron 0,9 % pour le Pib réel),
s’est poursuivie en 2017 grâce
à la politique de soutien du
gouvernement et au maintien
CONSOMMATION Banque du Japon de 80 trillions
Une dynamique de yens par an à environ 50-60
plus forte grâce
aux jeunes et aux
trillions de yens. Toutefois, cela
touristes. ne devrait pas représenter un
changement de stratégie pour
la Banque du Japon dont l’ob-
jectif principal reste un taux
d’inlation à 2 %. Les prévisions
tablent sur une progression très
lente de l’inlation qui pourrait
atteindre 1,1 % in 2019.

Entreprendre à l’international - Hors série


Il faudra aussi suivre le résul-
tat des négociations salariales
au printemps 2018. L’objectif
du Premier ministre est une
revalorisation de 3 % incluant
l’ancienneté, ce qui est bien
au-dessus des augmentations
accordées ces dernières années.
Enin on peut s’attendre à la
très probable réélection en sep-
tembre 2018 de Shinzo Abe à la
tête du Parti libéral démocrate
(LDP) pour un troisième man-
dat de trois ans. En l’absence
d’alternative crédible, cette ré-
élection semble assurée. La
question est de savoir si Shinzo
Abe concentrera par la suite son
action sur les réformes écono-
miques ou constitutionnelles.
Les évolutions à prévoir pour
le Japon peuvent aussi se per-
cevoir à travers l’analyse de
quelques secteurs clés pour son
économie comme l’automo-
bile, le luxe, la santé ou encore
le tourisme.
Un appétit pour
la technologie
L’industrie automobile ja-
ponaise entre graduellement
dans une phase de transition
vers une industrie de mobilité.
Cette transformation repose
sur quatre piliers : Connected,
Autonomous, Shared et Electric
(connecté, autonome, partagé
et électrique) pour répondre
aux impératifs de la société,
notamment le vieillissement
de la population, l’évolution
des besoins de mobilité dans
un contexte d’urbanisation et
des infrastructures de trans-
port très développées, ainsi que
les réglementations en matière
de réduction des émissions
polluantes.
Les différents acteurs de l’in-
dustrie japonaise s’associent
ain de proposer un écosystème
regroupant des produits, des
services, des technologies et
des innovations répondant aux
besoins de mobilité. De nom-
breuses initiatives telles que
celles prises par Softbank (SB-
Drive) ou DeNA pour les véhi-
cules autonomes ou bien NTT-
DoCoMo-CarShare pour la
location de voitures montrent
l’avidité avec laquelle des ac-
teurs non-automobiles essaient
de pénétrer ce nouveau marché
de la mobilité, où les places ne
sont pas encore prises. Même
si le Japon continue à soutenir
les initiatives pour développer
des voitures à pile à combus-
tible à l’horizon 2020 pour les
Jeux olympiques, l’infrastruc-
ture de distribution d’hydro-
gène reste très insufisante.
Cependant un consortium de
onze compagnies vient d’être
créé pour accélérer son déve-
loppement. D’autre part, des
restrictions de circulation et
des exigences de zéro émission
dans certaines villes ou pays
obligent les grands construc-
teurs à focaliser leurs efforts de
recherche sur des architectures
de propulsion électrique à bat-
terie. Malgré cette tendance
et l’amélioration continue de
la technologie des batteries,
certains constructeurs comme
Mazda continuent de miser sur
le développement de moteurs à
combustion interne plus efi-
caces et moins polluants.
À court terme, le marché auto-
mobile japonais reste atone, ré-
sultat d’une démographie sous
pression et d’une économie à
faible croissance. Néanmoins,
l’appétit pour la technologie
continue de stimuler l’intérêt
pour certains produits. L’en-
semble de l’industrie automo-
bile continue dans ce contexte
son processus de lente conso-
Hors série - Entreprendre à l’international
109
lidation avec différents parte-
nariats, capitalistiques ou non.
Conirmation de la
vocation touristique
Le Japon devrait accueillir
vingt-huit millions de visiteurs
internationaux en 2017, soit un
chiffre en croissance de 19 %.
Après deux années dificiles, les
Japonais ont été 6 % de plus à
voyager vers l’étranger notam-
ment vers l’Europe (+11 %) et
la France (+30 %). Cette nou-
velle dynamique constitue une
situation favorable pour les en-
treprises françaises du secteur :
compagnies aériennes qui aug-
mentent leur offre (+18 % pour
Air France en 2018), aéroports
qui voient leur traic augmenter
dans un contexte de privatisa-
tion des aéroports de province,
hôtels dont la demande reste
très élevée ; et bien entendu
tous les acteurs spécialistes de
la gestion d’évènements inter-
nationaux avec en perspective
la Coupe du monde de rugby et
les JO. Enin, cette nouvelle vo-
cation touristique est une réelle
opportunité pour l’ingénierie
touristique française. Son ex-
périence d’un tourisme réparti
sur le territoire et de l’accueil
d’une grande diversité de seg-
ments de clientèle seront des
clés pour atteindre l’objectif de
quarante millions de visiteurs
internationaux en 2020 !
En 2018 un marché à suivre
de près sera bien sûr celui des
grands évènements sportifs.
2019 Coupe du monde de rug-
by au Japon, 2020 Jeux olym-
piques et paralympiques de
Tokyo-2023 Coupe du monde
de rugby en France, 2024 Jeux
olympiques et paralympiques
de Paris : heureuse conjonction
le couple Japon-France dans 
évènementielle qui va inscrire
110

 Monde Asie-Paciique

 l’histoire du sport et de son quipements sportifs, des géants de visiteurs étrangers attendus.
économie. Organiser deux des comme GL Events aux startups Cela sans compter les entre-
trois plus gros évènements spor- innovantes, sont déjà, dans prises déjà bien implantées qui,
tifs mondiaux en moins d’un an leur grande majorité, déjà pré- des équipements industriels
présente tant pour le Japon que sentes au Japon et commencent aux produits alimentaires et
pour la France des déis inédits : à engranger des contrats tels luxueux, voient en 2019 et 2020
toute l’attention du monde en- Natural Grass qui réalisera la de belles opportunités d’affaires
tier se concentrera sur un seul pelouse du stade de Kamaishi ; mais aussi une répétition utile
pays où seront expérimentées celles liées au tourisme et à pour 2023 et 2024.
en situation réelle toutes les der- l’évènementiel y arrivent pour
nières technologies. bénéicier des énormes marchés Dynamisme pour
Les entreprises françaises d’é- que vont générer les millions le luxe
Le Japon est le deuxième mar-
ché mondial du luxe1, et connaît
une très forte dynamique de-
2018 « année des noces puis plusieurs années, avec une
franco-japonaises » croissance de 4 % en 2017 tirée
notamment par les cosmétiques
et le luxe d’expérience. Il de-
vrait continuer d’être porteur
en 2018 grâce à trois effets. Tout
d’abord, les effets continus des
Abenomics (politique de re-
© ANSONMIAO/ISTOCKPHOTO

lance de la consommation, ef-

fet richesse lié à la dynamique
boursière) qui stimulent la
consommation, notamment au-
près des jeunes plus dépensiers
et épicuriens que leurs aînés, et
des seniors qui disposent d’une
épargne importante. Ensuite,
2018 célèbre le 160e anniversaire de l’établissement des relations l’expansion massive et conti-
diplomatiques entre la France et le Japon. Le 9 octobre 1858 les nue du tourisme, notamment
deux pays signaient à Edo le premier traité de Paix, d’amitié et chinois. Ce tourisme, promu
de commerce. Napoléon iii avait dépêché pour ce faire le baron par le gouvernement, est stimu-
Jean-Baptiste Gros. lé par l’attrait de la culture japo-
2018 célèbre aussi le centenaire de la chambre de Commerce naise, un taux de change du yen
et d’Industrie française du Japon, fondée par une poignée plus favorable et la perspective
d’entrepreneurs français résidants au Japon. Ils avaient déjà des JO. Enin, l’accélération des
compris l’importance de l’Archipel pour l’économie de l’Hexagone. rénovations de grands maga-
La plus ancienne des chambres étrangères du Japon, aujourd’hui sins dans les centres villes ou les
rebaptisée chambre de Commerce et d’Industrie France-Japon, est
« station building » et d’innova-
devenue la première chambre européenne avec près de
tions de formats de distribution
600 membres.
(e-commerce, Ginza 6 ouvert
2018 célèbre en France le 150e anniversaire du début de l’ère 1.Plus d’information en 2016, parfumeries spéciali-
Meiji. Le Japon organise sa plus grande manifestation culturelle à est disponible dans
sées avec service semi-assisté).
l’étranger sous le titre « Japonismes 2018 ». Plus de 300 évènements l’étude du luxe conduit
par le comité Luxe des Dans ce contexte, les maisons
inancés en partie par le gouvernement japonais s’enchaîneront du CCE Japon :
mois de juillet à in février 2019 dans la capitale mais aussi dans
françaises historiques comme
https://www.cce-japon.
toute la France. 2018 célèbre ce mariage d’exception entre deux pays org/publications/ les nouvelles marques de niche
unis par leur sensibilité pour l’histoire, l’industrie, la culture, les À lire aussi la brochure continueront d’afirmer leur
« Japon : Affaires ou ne
arts, l’innovation, la tradition, sans oublier la gastronomie. ■ pas faire ! Spécial secteur leadership car elles offrent des
agroalimentaire ». produits de qualité, une ex-

Entreprendre à l’international - Hors série


périence unique et innovante
et un vrai savoir-faire, qui sont
très recherchés par la clientèle
japonaise (la plus exigeante
au monde).
Et la santé
Les personnes âgées de
soixante-cinq ans ou plus, re-
présentent aujourd’hui 26 %
de la population totale du
Japon. C’est le taux le plus
élevé dans le monde et pour
cette raison, la réduction des
frais médicaux devient un pro-
blème urgent au Japon. Troi-
sième plus grand marché phar-
maceutique dans le monde, le
Japon reste un marché clé dans
la vente de médicaments. Tou-
tefois, les compagnies pharma-
ceutiques devront affronter un
environnement d’affaires plus
dificile. Ainsi une politique
de révision des prix de plus en
plus drastique et une volonté
de favoriser la consommation
de médicaments génériques
(de 65 % en ce moment à 80 %
à l’horizon 2020), obligera les
fabricants de médicaments à
revoir leurs stratégies de ventes
et pourrait avoir également des
implications importantes dans
le développement de produits
innovants. Ce secteur de la san-
té semble rentrer dans un cycle
plutôt déprimé pour les cinq
ans à venir, affectant les taux
de croissance. Même si avec
des consommateurs japonais
toujours de plus en plus
concernés par leur santé et
une politique de préven-
Hors série - Entreprendre à l’international
111
tion favorisée, le marché des
produits d’auto-consommation
(compléments alimentaires, pro-
duits anti-âge et autres) pour-
raient représenter des oppor-
tunités dans un segment en
croissance.
Cependant, le gouvernement
japonais considère le secteur
de la santé en général comme
l’un des secteurs importants de
sa « nouvelle stratégie de crois-
sance ». Il envisage la création
d’un modèle de société basée
sur une longévité saine qui
devrait contribuer à la créa-
tion d’une société dite « sustai-
nable super aged society » et qui
pourrait également être expor-
tée vers d’autres pays confron-
tés à de semblables problèmes
démographiques. ■
112

 Monde Asie-Paciique

CHINE
Déis et réussites
La forte croissance chinoise, 6,9% en 2017, se
centre désormais sur la qualité plutôt que la
quantité, avec des priorités nouvelles.

CHINE
La reconnaissance
faciale alliée au
Big Data envahit
le quotidien des
Chinois.

© WANG CHUAN / IMAGINECHINA/AFP

Par Jacques Gravereau, CCE, président d’honneur de l’Institut HEC Eurasia

L
es priorités viennent
d’être ixées par Xi Jinping
lui-même in décembre
avec le slogan des « trois
batailles clés » : contre le
risque inancier, la pauvreté et la
pollution. La méthode privilégie
une centralisation encore plus
poussée par Pékin des décisions
et du contrôle, où la marge de
manœuvre des cadres provin-
ciaux se voit considérablement
réduite. Ils sont priés d’obéir. De
même la qualité de la croissance
est-elle désormais privilégiée par
rapport à sa quantité.
Concrètement, la lutte contre
l’endettement excessif (250 %
du Pib pour les entreprises
non-inancières en 2017) passe
par un renforcement des régle-
mentations qui avaient déjà été
mises en place l’année dernière.
Mais cela se mène « aux carac-
téristiques chinoises » : l’objectif
n’est pas tant de réduire en soi le
taux global d’endettement que de
resserrer le ratio de dette/capital
des entreprises d’État, lesquelles
avaient laissé déraper leurs émis-
sions d’obligations à des niveaux
insoutenables de leverage, ainsi

Entreprendre à l’international - Hors série


que d’assécher progressivement
le niveau des prêts inter-bancaires
risqués, notamment en direction
du très vaste secteur mal maî-
trisable du shadow banking, qui
continue à être une source de
crise inancière potentiellement
grave. En revanche, le secteur
clé de l’immobilier (15 % du Pib
chinois) continuera à faire l’objet
de toutes les attentions. Son tas-
sement relatif actuel nécessitera
la poursuite de plans de relance
récurrents — sans que le nom
soit prononcé — au rythme ha-
bituel assez court du cycle de la
construction (dix-huit mois), et
pour des montants considérables.
Réduction drastique
dans les industries
lourdes
À cette première restriction
inancière s’en ajoutent deux
autres, qui forment le slogan
du San Qu (trois réductions) :
réductions des stocks et des
surcapacités, que la déinition
oficielle, parfois mal com-
prise, appelle « réforme de la
politique de l’offre ». Il s’agit
de réductions drastiques des
surcapacités dans les industries
lourdes peu rentables, mises en
place en 2016 sur un planning
de trois à cinq ans. Les objec-
tifs en ont été chiffrés à une
contraction de la production
de 140 millions de tonnes pour
l’acier (sur 620) et de 800 mil-
lions de tonnes pour le charbon
(sur 4,3 milliards). Fin 2017, le
gouvernement a annoncé que
ces réductions avaient déjà at-
teint 82 % des objectifs pour
l’acier et 55 % pour le charbon.
Dans le même temps, une res-
tructuration massive du secteur
a eu lieu, avec notamment la
méga-fusion récente du char-
bonnier Shenhua et de l’élec-
tricien Guodian, qui accouche
du tout premier groupe éner-
gétique mondial. La fermeture
drastique de centrales à char-
bon polluantes s’est doublée
de la construction de centrales
modernes « supercritiques » ou
« ultra-supercritiques », qui dès
aujourd’hui dament le pion à
leurs homologues occidentales.
Cette politique volontariste a
aussi d’importants dommages
collatéraux sociaux, quand on
sait que 4 millions d’employés
de ces secteurs lourds ont été
licenciés au cours des trois der-
nières années.
Des avancées contre
la pollution
Pour en inir avec des années
de laxisme, la lutte contre la
pollution est devenue le nou-
veau mantra. Après « l’airpo-
calypse » des deux derniers
hivers, Pékin et Tianjin ont
mis brutalement le fer dans la
plaie. Les principales cimente-
ries et les quatre gigantesques
centrales à charbon proches
de Pékin ont été purement et
simplement fermées sur ordre
gouvernemental quasi-militaire,
où l’on a tordu le bras aux se-
crétaires locaux du Parti et aux
grandes sociétés d’État. La ré-
duction des émissions nocives
a été spectaculaire, avec en 2017
trois fois moins d’épisodes
critiques que lors des années
précédentes. Mais il y a encore
très loin pour que les citadins
respirent un air pur, car on a
ixé le seuil oficiel d’émissions
à 60 µg/m3 de particules ines
alors que la cote d’alerte de
l’OMS est de 25 µg/m3. Dans
ce même élan, on a enjoint aux
millions de foyers citadins, un
peu partout en Chine, d’aban-
donner leurs briquettes tra-
ditionnelles de charbon pour
passer au gaz, à grands coups
Hors série - Entreprendre à l’international
113
de slogans, de banderoles et
même de sbires oficiels détrui-
sant les poêles individuels. Mais
le bât blesse des deux bouts.
Sur le plan macroéconomique,
la brusque demande supplé-
mentaire de gaz provoque des
goulets d’étranglement sévères
que l’approvisionnement nor-
mal du pays ne peut satisfaire.
Pour les ménages modestes, la
rupture est si brutale que plu-
sieurs millions de foyers en sont
réduits à geler chez eux dans
le glacial hiver du Nord de la
Chine. Les oficiels un peu trop
enthousiastes viennent d’être
priés d’aménager la transition
avec un peu plus d’humanité,
face aux véhémentes protesta-
tions sur Internet.
Dans le même esprit, on en-
courage vigoureusement l’achat
de voitures électriques, dans
un marché automobile local
qui a encore battu des records
(24 millions de véhicules ven-
dus en 2017, contre 17 aux
États-Unis). La Chine à elle seule
pèse déjà 52 % du marché mon-
dial. En 2019, la Chine produi-
ra 815 000 voitures électriques,
contre 600 000 dans le reste du
monde. Après l’engouement
récent pour les SUV, la mode
chinoise se porte maintenant
sur l’électrique, bien que les im-
matriculations ne représentent
encore que 1,5 % du marché.
Elle est en train d’y acquérir
une sérieuse longueur d’avance,
quelles que soient les avancées
de Tesla. Ce secteur est foison-
nant : 200 entreprises chinoises
ont annoncé s’y intéresser de
près. Mais il dépend encore
étroitement des subventions
publiques. Un coup de rabot
de 20 %, en janvier 2017, dans
lesdites subventions a provoqué
une année très compliquée. 
la panique et le leader BYD a eu
54

Entreprendre à l’international - août-septembre 2016 - n° 587


 Monde Asie-Paciique
 Le « score national
de coniance »
D’autres réussites fulgurantes
sont issues des derniers déve-
loppements technologiques.
Alibaba, le roi de la vente en
ligne fondé par Jack Ma, a
maintenant une capitalisa-
tion boursière de 500 mil-
liards de dollars qui tangente
celle d’Amazon, tout en res-
tant (pour l’instant) à l’inté-
rieur des frontières chinoises.
WeChat (Weixin en chinois),
du groupe Tencent dirigé
par Pony Ma, truste massive-
ment le marché de l’internet
très au-delà des réseaux so-
ciaux, avec un nombre d’ap-
plications intelligentes que les
non-Chinois ne soupçonnent
pas. Tout le monde, par exemple,
paye désormais par WeChat ses
achats avec son smartphone,
pour lequel les marques chi-
noises se bousculent (Xiaomi,
Huawei, OnePlus, Oppo). La
reconnaissance faciale alliée aux
Big Data envahit le quotidien,
avec de nouveaux logiciels so-
phistiqués qui émergent chaque
semaine. Son application mar-
chande est testée dans de nou-
velles supérettes, où le client est
automatiquement reconnu et
ses achats débités directement
sans qu’il ait rencontré igure
humaine.
Les mêmes technologies ont
des dérivées plus contestables,
car la sécurité publique s’en
est emparée. Tant qu’il s’agit
de fustiger Monsieur Wang qui
a traversé malgré le signal
rouge, nommément désigné
sur l’écran géant du carre-
four et puni automatique-
ment d’une amende, le citoyen
moyen le tolère. Même chose
tant qu’il s’agit de distribuer
à l’usager d’une toilette pu-
blique, après l’avoir identiié
par caméra et logiciel (on est
prié de se placer bien au centre
de la lunette !), ses soixante
centimètres de papier-toilette
réglementaires, pas un de plus !
Mais Big Brother sait tout de
vous. Le climat de répression
croissante de l’internet et des
réseaux sociaux, servi par tout
l’éventail de ce genre de techno-
logies, s’est encore alourdi. Et
vous n’avez encore rien vu. Le
gouvernement a planiié depuis
2014 la montée en puissance
d’un « système de mérite so-
cial », qui sera étendu à chaque
citoyen en 2020. Les données
personnelles les plus ines se-
ront recueillies, avec l’implica-
tion active des grandes sociétés
de l’internet, pour attribuer
à chacun un « score national
de coniance » selon ses com-
portements, ses appétences, sa
réputation, ses fréquentations
bonnes ou mauvaises, avec un
système de récompenses et de
punitions s’étendant jusqu’au
domaine professionnel ou à la
liberté de voyage. Va s’ouvrir
bientôt un juteux marché : le
« marché noir de la réputa-
tion », où l’on pourra rache-
ter des points de réputation,
comme on peut déjà rajouter
artiiciellement des likes à son
compte Facebook.
Élevons le débat scientiique.
La Chine a réussi en sep-
tembre 2017 la première com-
munication véritablement in-
violable par cryptage quan-
tique, entre l’Autriche et la
Chine, dont la tête pensante,
Pan Jianwen, peut être com-
parée à Graham Bell, qui avait
réalisé le premier appel télé-
phonique de l’histoire en 1876.
Le professeur Pan partage la
gloire de cette avancée avec ses
collègues autrichiens dans une
belle collaboration scientiique
Hors série - †‡ˆ‰Š‹‰Š‡Œ‰Š  Ž‡ˆŠ‰‡‘ˆ’‡‘Ž
115
internationale. L’impunité des
hackeurs de tout poil sera
bientôt derrière nous.
La force du Parti
Retour enin sur la politique.
Le dix-neuvième congrès du
Parti communiste chinois a
sufisamment été commenté
pour que l’on n’y revienne pas.
Une seule notation au-delà du
sacre de Xi Jinping, admis au
Panthéon comme « Dirigeant
central » et dont la pensée
a été gravée dans le marbre
de la charte du Parti, de son
vivant, comme Mao Zedong.
Pour la première fois entre au
Comité central du bureau po-
litique un idéologue pur jus,
qui n’a jamais eu de respon-
sabilité de secrétaire de Parti
provincial : Wang Huning (aca-
démique shanghaïen et franco-
phone conirmé), et ressemble
beaucoup à l’idéologue en
chef de l’ère Brejnev, Mikhaïl
Souslov. C’est un signe qui ne
trompe pas : le Parti aura tou-
jours raison quoiqu’il arrive.
Aux marches de la Chine, la
Corée du Nord a alimenté la
chronique en 2017 (Cf. article
p. 116). Plus au sud, Pékin a
géré un peu plus discrètement
ses gesticulations sur les îlots
de la mer de Chine méridio-
nale, après son bétonnage to-
nitruant de plusieurs atolls l’an
passé. Mais elle a dans le même
temps enfoncé plusieurs coins
dans l’unité de façade des pays
de l’Asean, ain d’étouffer leurs
revendications sur des eaux où
ils se proclament également
suzerains. Ce dossier ressorti-
ra bientôt dans l’actualité, car
la Chine pratique la politique
du cliquet d’horlogerie : le
cliquet avance plus ou moins
vite, mais il ne revient jamais
en arrière. ■
 116

 Monde Asie-Paciique

CORÉE DU NORD
Le vrai visage du pays
Des lots d’articles ont disséqué les gesticulations
de la Corée du Nord en 2017, mais au-delà des
commentaires redondants dans le feu de l’actualité,
il est utile de rappeler deux ou trois choses, parfois
contre-intuitives, sur la Corée du Nord.

L’échange d’insultes digne d’un

combat de coqs entre Donald
Trump et Kim Jong-Un a en-
core pimenté le débat. Les réu-
nions désormais rituelles du
Conseil de sécurité de l’ONU
ont renforcé sur le papier les
sanctions contre celui que les
Chinois qualiient de « petit
frère dévoyé ».
Les dirigeants de la Corée du
Nord (CDN) ne sont pas irra-
tionnels : ils poursuivent une
© TARZAN9280 /ISTOCKPHOTO

politique dûment planiiée,

bien sûr dans leur logique à
PYONGYANG, eux. La CDN ne renoncera ja-
Très peu de
voitures dans
mais à ses capacités nucléaires,
les rues mais car elle se sent encerclée (voyez
les vélos sont la géographie), et désormais af-
désormais
nombreux. franchie de son statut de vassale
de l’empire du Milieu qui avait
été son destin constant pendant
Par Jacques Gravereau, CCE, président d’honneur de l’Institut HEC Eurasia
mille ans d’histoire, et plus ré-
cemment d’obligée de l’Union
soviétique. Le régime n’est pas

L
es lancements de mis-
siles balistiques survo-
lant la mer du Japon
et l’île japonaise de
Hokkaïdo, ses essais
nucléaires de plus en plus puis-
sants, quand ce ne fut pas l’as-
sassinat du frère du leader, Kim
Jong-Nam, le 13 février à l’aé-
roport de Kuala Lumpur ont été
au cœur de l’actualité en 2017.
en train de s’effondrer, quitte à
réprimer toute velléité et à res-
ter étanche aux inluences exté-
rieures, sur lesquelles d’ailleurs
les hauts échelons du pouvoir
sont parfaitement informés, à
commencer par Kim Jong-Un
lui-même, fervent internaute.
Le fait d’avoir à son actif plu-
sieurs années d’études dans un
pensionnat suisse huppé lors-

“”•–—˜–—”™–— š ›œ”•—–”ž•Ÿ”ž› - Hors série


qu’il était adolescent (il com-
prend le français et l’anglais)
n’a pas adouci les mœurs du
« jeune dirigeant » une fois
arrivé au pouvoir. On pense
à Bachar Al-Assad, ophtalmo-
logiste londonien dans une
première vie.
Un grand écart
ville/campagne
L’économie de la CDN est sous
contraintes, mais elle n’est pas
en perdition. Des estimations
récentes et convergentes et des
observations in situ de voya-
geurs étrangers (il y en a plus
qu’on ne le pense) permettent
d’avoir quelques idées. Le Pib
nord-coréen serait de 28 mil-
liards de dollars, ce qui, avec
une population qui approche
les 25 millions d’habitants,
donne un Pib par habitant de
1 100 dollars (équivalent de la
Birmanie ou du Cameroun ;
Corée du Sud : 27 500 dollars).
Ce chiffre moyen masque des
différences béantes entre le ni-
veau de vie dans la capitale et le
reste du pays. Après des années
de régression ou de stagnation,
la croissance du Pib aurait été
proche de 4 % l’an dernier.
La population est éduquée, avec
une alphabétisation proche
de 100 %. Elle ne manque pas
de jeunes : 35 % ont moins de
vingt-quatre ans. Il y a un cli-
vage entretenu entre la ville et
la campagne, car la population
est divisée en huit classes plus
ou moins « politiquement sû-
res », où seules les trois classes
« supérieures » sont autori-
sées à habiter en ville, dont
celle du premier rang, la haute
nomenklatura. 37 % de la po-
pulation est coninée dans
l’agriculture, laquelle est large-
ment une agriculture de sub-
sistance (un excellent riz, mais
une seule récolte par an), peu
mécanisée, très dépendante des
phénomènes naturels comme
la sécheresse ou les inonda-
tions. Une grande famine a fait
de l’ordre de trois millions de
morts en 1997, et s’est repro-
duite à un degré moindre en
2015. Une aide alimentaire in-
ternationale est active, mais on
a peu de moyens pour tracer sa
destination inale.
63 % de la population vit en ville
et travaille principalement dans
les services divers et dans l’in-
dustrie. La capitale Pyongyang
rassemble trois millions d’habi-
tants et l’on trouve de grandes
cités supérieures à 600 000 ha-
bitants sur la côte Est du pays
(Chongjin, Wonsan, Hamhung)
ou à l’Ouest (le port de Nampo).
La vie quotidienne de cette po-
pulation urbaine a beaucoup
changé dans les cinq dernières
années, notamment grâce à
une libéralisation rampante et
oficieuse où de petits marchés
libres ont peu à peu émergé dans
un paysage jusqu’alors dominé
par les bons d’achat en nature
attribués par les unités de tra-
vail. On estime que la moitié de
l’économie dans les villes est au-
jourd’hui aux mains du secteur
« privé », mais elle est encore
parcimonieuse.
La nomenklatura consomme
des cosmétiques occidentaux,
comme elle l’a toujours fait,
dans des magasins spéciaux
où l’on paye cash en euros (le
dollar est banni). Près de trois
millions de téléphones por-
tables sont aujourd’hui en cir-
culation, avec un opérateur
unique, Koryolink (JV avec le
groupe égyptien Orascom)…
parfaitement équipé en sys-
tèmes d’écoutes. L’internet re-
pose sur le fournisseur d’accès
Star (JV avec le Thaïlandais
117
Jilin
Changchun
Yanji
CHINE
Shenyang Chongjin
Fuxin
Hyesan
Sijung Kanggye
CORÉE
Sinuiju Pyongsong DU NORD
Hamhung
PYONGYANG
Wonsan MER
Nampo
Sariwon Kaesong DU JAPON
MER Chunchon
JAUNE
Inchon SÉOUL
CORÉE
DU SUD Taegu
Pusan
L’économie Loxley Paciic) et il y a environ
10 000 internautes, uniquement
de la CDN
dans les sphères gouvernemen-
est sous tales. Il y a une soixantaine de
contraintes, sites web nord-coréens. Seize
grandes tours peintes en cou-
mais elle
leurs pastel ont été érigées au
n’est pas en centre de Pyongyang. Un grand
perdition. mall commercial s’y est ou-
vert récemment. La fameuse
tour de l’hôtel Ryugyong (300
mètres de haut) était la risée
de la ville, car sa carcasse non
terminée rouillait depuis vingt
ans. Elle a été enin complétée
par une façade de verre grâce au
même groupe Orascom1. Mais
elle n’est toujours pas opéra-
tionnelle. On voit aujourd’hui
partout des milliers de vélos, de
marques chinoises, là où il n’y
en avait pas un seul il y a en-
core cinq ans. Plus surprenant,
des centaines de voitures (Audi,
Toyota) ont fait leur appari-
tion, ainsi que six compagnies
de taxis, malgré un contexte de
pénurie d’essence. Ces voitures
ne sont pas « privées », mais
1. Via une JV locale qui propriété sur le papier d’entre-
les Donju (riches « maîtres 
lui a coûté 155 millions
de dollars et dont il s’est
prises oficielles avec lesquelles
fait expulser ensuite !
Hors série -  ¡¢£¤¥£¤¡¦£¤ § ¨©ª¡¢¤£¡«¢ª¬¡«¨
118
 Monde Asie-Paciique
 de l’argent ») organisent
des passe-droits en graissant
certaines pattes. Ce qui indique
qu’il y aurait une corruption
étendue dans ce pays censément
vertueux.
La politique oficielle du
« Byungjin » prône le dévelop-
pement simultané de l’éco-
nomie et de la puissance mi-
litaire. Elle n’a pas aboli le
dogme du « Songun » (l’armée
d’abord) inscrit dans la consti-
tution, qui donne priorité ab-
solue à l’armée. Celle-ci est un
État dans l’État, qui consomme
de l’ordre de 6 milliards de
dollars par an (Corée du Sud :
36 milliards) et dispose d’un
million d’hommes, de 4 000
chars et de 800 avions. Le ser-
vice militaire obligatoire est
de dix ans. L’armée gère éga-
lement ses propres entreprises
et ses propres magasins, qui
vont jusqu’à vendre des pou-
lets rôtis ou des petits pains
aux citadins dans la principale
avenue de Pyongyang ! Elle est
choyée, mais la moindre défail-
lance ou le moindre soupçon
peuvent directement mener
ses généraux au goulag ou au
peloton, comme on en a vu des
exemples récents.
Quels liens avec
la Chine ?
Les échanges extérieurs de la
CDN sont limités mais pas nuls.
Ce sont principalement sur eux
que se focalisent les sanctions
internationales. Les exporta-
tions de la CDN sont de l’ordre
de 3 milliards de dollars par an,
principalement du charbon,
des vêtements, des crustacés, du
lithium et du marbre, destinés à
90 % à la Chine, mais aussi des
missiles ou des équipements
de communication militaires
destinés à la RD du Congo ou
­®¯°±²°±®³°± ´ µ¶·®¯±°®¸¯·¹®¸µ - Hors série
Les pro- à l’Érythrée, ainsi que… des sta-
vocations tues en bronze à la gloire d’auto-
crates divers (Mugabe et autres)
de la CDN ou bien encore des dessins ani-
mettent la més sous-traités à des petites
mains fort habiles. S’ajoutent
patience
à ces recettes les revenus, inté-
du grand gralement rapatriés, de quelque
voisin chi- 150 000 ouvriers nord-coréens
loués par leur État, esclaves mo-
nois à rude
dernes embauchés par la Russie,
épreuve. la Chine ou la Mongolie, spécia-
lement dans le bâtiment, où les
ouvriers nord-coréens sont les
seuls à pouvoir travailler l’hiver
par -30°. Des sociétés écrans
très agiles, avec la participation
active de certaines banques du
Nord-Est chinois, permettent
de gérer ces devises, malgré les
sanctions internationales.
Le commerce avec la Chine
passe essentiellement sur le
grand pont ferroviaire et rou-
tier de Dandong, au nord-ouest
du pays, et aussi par le nord-est,
en direction du port de Rason.
N’oublions pas que la Chine
et la CDN ont ensemble 1 416
kilomètres de frontière. Dans
l’autre sens, la CDN achète à la
Chine 500 000 tonnes de pétrole
brut (elle possède une vieille
rafinerie), ainsi que des objets
de consommation divers ou des
équipements de transport, pour
environ 3,5 milliards de dollars
au total. La Chine s’est engagée
depuis un an auprès des Nations
Unies à ne plus acheter de char-
bon nord-coréen. Le dixième
train de sanctions onusiennes
rend contraignante à compter
de janvier 2018 la limitation
des exportations de toute na-
ture à la CDN, mais leur chif-
frage (pas plus de 4 millions
de barils de pétrole brut par an)
est proche du tonnage constaté
actuellement. C’est un signal
fort, mais on doute de son im-
pact réel sur ce pays qui a tou-
jours su s’adapter en se serrant
la ceinture.
On a semblé découvrir en 2017
que la CDN aurait fait un bond
technologique subit dans le
domaine des fusées et des arse-
naux nucléaires. Cette montée
en puissance était en réalité
continue et planiiée de main de
maître depuis vingt ans. Elle re-
posait au départ sur des techno-
logies russes (missiles SCUD et
autres), et bénéiciait d’experts
soviétiques. Mais une formation
autochtone de haut niveau a su
se substituer à l’apport russe
de scientiiques qualiiés (qui
continue d’ailleurs sous le man-
teau). Dans les technologies
sensibles, un réseau sophistiqué
d’approvisionnement a été mis
en place grâce au Pakistan,
et – on le sait beaucoup moins –
par le truchement de l’Égypte,
qui a constamment aidé la
CDN, y compris pour ses tests
de missiles en Égypte, sous
Sadate puis Moubarak.
Une situation
hautement volatile
Les provocations de la CDN
mettent la patience du grand
voisin chinois à rude épreuve.
Sous Kim Jong-Il (décédé en
2011) une certaine détente
avait semblé se faire jour, avec
trois voyages du « cher leader »
où les Chinois lui avaient fait
visiter les leurons de la réus-
site chinoise, à commencer par
Shanghai. Sous le règne du ils,
le « jeune leader » Kim Jong Un,
aucun voyage n’a encore eu lieu,
et les émissaires de bonne vo-
lonté ont été sèchement débou-
tés. Ce dernier s’ingénie à titil-
ler systématiquement Pékin,
encore plus que Washington.
Tous les essais nucléaires ou ba-
listiques nord-coréens des trois
dernières années ont en effet

été déclenchés le jour même
d’évènements hautement sym-
boliques pour les Chinois : le
jour du quarantième anniver-
saire du décès de Mao, le jour
de l’ouverture du sommet des
« nouvelles routes de la soie » à
Pekin en mars 2017, le jour de
la visite de Rex Tillerson à Pékin
en mai, le jour du sommet des
Brics à Xiamen en septembre,
et ainsi de suite. C’est pour les
Chinois une « perte de face »
qui se paiera un jour. Le dernier
essai nucléaire de septembre,
qualiié de première bombe
H nord-coréenne, a été gigan-
tesque – probablement une
grosse bombe A en réalité – et
suivi de dommages collatéraux
très importants, où une mon-
tagne aux marches directes de la
Chine s’est ouverte de fractures
béantes irradiées. Sans compter
deux cent militaires nord-co-
réens piégés dans les grottes
jouxtant l’explosion et carboni-
sés à jamais.
La Chine a joué le jeu des Nations
Unies et a voté à chaque fois sans
barguigner les rafales de sanc-
tions économiques prônées par
les Américains au conseil de sé-
curité. Les applique–t-elle ? Les
sanctions américaines ont ciblé
avec précision des banques et des
sociétés de commerce chinoises
engagées dans des transactions
avec Pyongyang. Pékin a com-
mencé à rendre effective son an-
nulation d’achats de charbon à la
Corée du Nord. Mais les traics
plus modestes sur le grand pont
de Dandong continuent comme
à l’accoutumée. Les ventes par
la Chine de pétrole devraient
suivre, pour lesquelles elle s’ap-
prête à serrer progressivement la
vis de -15 % par an, ce qui pour
le coup est vraiment stratégique
pour Pyongyang. Si la Chine ne se
dédie pas, le nœud coulant va se
MISSILE
Le leader
nord-coréen
Kim Jong Un
observant un
test de missiles
en mai 2017.
La montée resserrer sur les capacités opéra-
tionnelles de l’armée de la CDN.
en puis-
Mêmes engagements de la part
sance des Chinois et des Russes pour
nucléaire expulser les ouvriers nord-co-
réens (curieusement, la position
était en
de la Mongolie, qui héberge
réalité – fort mal – 30 000 de ces ou-
continue vriers, est beaucoup plus loue).
La Chine n’ira certainement pas
et planiiée
beaucoup plus loin. Parce qu’elle
depuis ne le peut sans doute pas, encore
vingt ans. que l’on ignore l’implantation
réelle des services secrets chi-
nois en CDN, et parce qu’elle ne
le souhaite pas. Car la moindre
déstabilisation du régime nord-
coréen ouvrirait, à ses yeux, un
boulevard à une présence stra-
tégique accrue des États-Unis à
ses frontières du nord-est. Ce qui
est l’exact contraire du but re-
cherché. Donald Trump, par ses
foucades brouillonnes et bruyan-
tes, est pour Pékin une partie
du problème nord-coréen plus
qu’un partenaire pour réguler
les excès de son turbulent voisin.
Le fait que Washington attise ses
alliés de Séoul et de Tokyo com-
plique la situation aux yeux de
Hors série - º»¼½¾¿½¾»À½¾ Á ÂÃÄ»¼¾½»Å¼ÄÆ»ÅÂ
119
© STR / KCNA VIA KNS / AFP
Pékin. Dire que la situation dans
le nord-est asiatique est volatile
est une litote. Le pire scénario
serait le déclenchement d’une
guerre catastrophique à la suite
d’un accident non-intentionnel.
En avril 2017, un missile balis-
tique Hwasong-12 a eu un pro-
blème de moteur et s’est écrasé
sur la ville nord-coréenne de
Tokchon, à quarante kilomètres
du site de lancement. Si cela ad-
venait un peu plus loin, sur le Ja-
pon par exemple, quelles seraient
les réactions en chaîne ? La CDN
a mis un bémol à ses menaces à
l’occasion des Jeux olympiques
d’hiver de Pyeongchang. Mais
surtout, malgré ses rodomon-
tades guerrières, l’énorme puis-
sance militaire de l’Amérique et
la diagonale du fou des postures
de Donald Trump la font ré-
léchir à deux fois sur la pour-
suite de son escalade. L’option
la plus optimiste pourrait voir
Kim Jong Un, enin rassuré sur
son statut de puissance respec-
tée, s’ouvrir au monde de façon
moins virulente. Ce n’est qu’une
hypothèse. ■
 120
 Monde Asie-Paciique
INDE
Une impulsion nouvelle
NARENDRA MODI
ambassadeur
controversé mais
charismatique
de la croissance
économique
indienne.
© PRAKASH SINGH/AFP
L’année 2017 aura été, pour l’Inde,
mouvementée mais surtout positive.
Croissance dynamique et vent de
modernisation ont permis la montée en
puissance du pays.
Par le Comité Inde des CCE et le Service économique régional
L
’année 2017 a d’abord
été celle de la crois-
sance avec l’arrivée de
l’Inde en pole position
mondiale mais on s’en
souviendra aussi comme étant
celle de l’uniication iscale du
pays, avec le remplacement de
dix-sept taxes régionales par
une TVA unique, la GST. Mal-
gré une mise en place dificile
qui aura sans doute coûté au
gouvernement Modi quelques
points de croissance, cette ré-
forme est unanimement consi-
ÇÈÉÊËÌÊËÈÍÊË Î ÏÐÑÈÉËÊÈÒÉÑÓÈÒÏ - Hors série
dérée comme une étape indis-
pensable au développement du
pays dans les années à venir.
2017 restera également l’année
du renforcement de l’image
internationale de l’Inde, por-
tée par Narendra Modi, am-
bassadeur controversé mais
charismatique de la croissance
économique indienne. Son ef-
fort de promotion aura porté
ses fruits : du bond sans précé-
dent dans le classement Banque
mondiale « Ease of doing
Business 2017 » (+30 places, du
jamais vu) au rapprochement
avec les États-Unis (l’arrivée
de Donald Trump au pouvoir
a eu des effets essentiellement
positifs pour l’Inde) ou à la dy-
namique impulsée au dévelop-
pement des énergies nouvelles,
la place du pays sur la scène
mondiale a pris une ampleur
sans précédent.
Croissance : une mise
à l’épreuve pour
l’instant réussie
La croissance économique,
portée par le dynamisme de la
consommation intérieure et
mise en valeur par le ralentisse-
ment chinois, s’est établie, sur
le dernier exercice budgétaire
clos (avril 2016-mars 2017), à
7,1 % en termes réels, soit un
rythme nettement supérieur à
la moyenne des pays émergents
(4,1 % selon le FMI). L’Inde
afiche toutefois des signes de
ralentissement sur les quatre
derniers trimestres (de 7,9 % au
Un regain T2 2016 à 5,7 % au T2 2017). En
dépit de ces alertes, la croissance
d’ardeur du
remonte à 7,4 % in 2017 (FMI).
commerce Après deux années moroses
extérieur et marquées par la chute du
cours des matières premières
des IDE.
et l’atonie de la demande mon-
diale, le secteur externe indien
a renoué depuis le deuxième
semestre 2016 avec une dyna-
mique haussière. Sur l’exercice
budgétaire 2016-2017 (avril-
mars), le montant des échanges
extérieurs a marqué une hausse
de 5,3 %. Les exportations ont

ainsi progressé de 7,9 % tandis
que les importations afichaient
une progression plus modérée
(+3,5 %).
Depuis plus de dix ans, la Chine
apparaît comme le principal
fournisseur de l’Inde. Ce pays,
dont provenaient 16 % des im-
portations enregistrées l’année
dernière, a par ailleurs été le qua-
trième client indien à l’export.
Les États-Unis sont toutefois
demeurés, pour la quatrième
année consécutive, le premier
client de l’Inde (15,3 % des
exportations) devant les Émi-
rats arabes unis (11,3 %). Les
échanges commerciaux entre la
France et l’Inde, traditionnelle-
ment excédentaires en faveur de
cette dernière, se sont progressi-
vement rééquilibrés depuis deux
ans ; le déicit français au titre des
échanges de biens est ainsi passé
de 2,6 milliards d’euros en 2014
à 760 millions d’euros en 2016 et
475 millions d’euros sur les neuf
premiers mois. La France a été le
vingtième fournisseur et le sei-
zième client de l’Inde au cours
du dernier exercice, durant le-
quel le ministère du Commerce
indien fait état, pour la première
fois depuis 2009-2010, d’un
excédent français vis-à-vis de
l’Inde. La France apparaît enin
comme le cinquième ou sixième
investisseur G20 en Inde avec un
stock de 5,75 milliards d’euros
selon la Banque de France.
Les lux d’IDE marquent en Inde
une nette montée en puissance
au cours des dernières années.
Ils ont atteint, en 2015, un pic
historique de 44 milliards de
dollars en termes nets qui main-
tient l’Inde dans les dix premiers
récipiendaires d’IDE au niveau
mondial.
Si cette tendance, qui contraste
avec l’orientation à la baisse des
IDE indiens dans le reste du
monde, devrait marquer un lé-
ger coup d’arrêt en 2016 du fait,
essentiellement, d’une accéléra-
tion des désinvestissements et
rapatriements de capitaux, elle
n’en apparaît pas moins inscrite
dans la dynamique globale de
renforcement de l’attractivi-
té poursuivie par les pouvoirs
publics. Celle-ci n’apparaît ce-
pendant pas sans ambiguïtés
alors que la contribution des
IDE à l’économie indienne de-
meure encore très en-deçà de
son potentiel.
Droit des afaires : un
vent de modernisation
Des grandes réformes structu-
relles introduites ces dernières
années, la mise en œuvre d’un
Code des faillites est probable-
ment celle qui a jusqu’à présent
reçu le moins d’attention. Elle
constitue pourtant, quelques
mois après l’institution des pre-
miers tribunaux de commerce et
spécialisés et la réforme des pro-
cédures d’arbitrage, une étape
importante dans le mouvement
de modernisation de la justice
commerciale et l’amélioration
du climat des affaires. À travers
cette réforme, qui dote l’Inde,
sur le papier, de l’un des meil-
leurs régimes d’insolvabilité au
monde, le gouvernement entend
accélérer la fermeture des socié-
tés en faillite et assurer un meil-
leur recouvrement des dettes
pour les créanciers. L’Inde es-
père ainsi luidiier le fonction-
nement du marché du crédit,
rééquilibrer les rapports entre
débiteurs et créditeurs et en-
courager le développement des
marchés obligataires. La bonne
mise en œuvre de la réforme, qui
pourrait nécessiter quatre à cinq
ans, rendra cependant nécessaire
le renforcement des capacités du
système judiciaire.
121
+30
Énergies nouvelles :
un dynamisme certain
L’engagement de Narendra Modi
En un an dans le développement des éner-
l’Inde a gies renouvelables est visible sur
gagné de nombreux fronts : mise en
trente avant dans le programme des
places Smart Cities, forte présence à la
dans le COP21, hébergement du siège
de l’Alliance solaire internatio-
classement
nale… les signes se multiplient.
Doing La capacité installée en éner-
Business de gies renouvelables (solaire, éo-
la Banque lien, petit hydro et biomasse)
mondiale. est passée de 39 GW in 2015
à 50 GW in décembre 2016.
Fin août 2017, elle a atteint 59
GW. Le secteur renouvelable
représente ainsi aujourd’hui
18 % de la capacité électrique
installée, et un tiers de la capa-
cité électrique installée en Inde
provient désormais de sources
d’énergie non fossiles. L’éolien
représente la principale source
d’énergie renouvelable du pays
(55 % de la capacité totale d’ori-
gine renouvelable). Si la part de
l’énergie solaire demeure faible
(24 % des ENR), sa progression
sant de 4,9 GW in 2015 à 
a été impressionnante, pas-
ÉNERGIES
NOUVELLES
© BREMECR/ISTOCKPHOTO
Hors série - ÔÕÖ×ØÙ×ØÕÚ×Ø Û ÜÝÞÕÖØ×ÕßÖÞàÕßÜ
122

 Monde Asie-Paciique

 9 GW in 2016, et à 14 GW
en août 2017. La biomasse re-
présente 14 % des ENR (avec 8
AUSTRALIE
GW) et la petite hydro-électri-
cité1 représente 4 GW.
L’Australie continue
La montée en puissance de
l’Inde est aujourd’hui indiscu-
de surfer sur la vague
table, en dépit des dificultés
qu’elle rencontre. Si le bilan du

© MYFANWYJANEWEBB/ISTOCKPHOTO
gouvernement Modi est mitigé
à plus d’un titre, il faut lui re-
connaître un talent certain pour
les relations publiques et – sur-
tout – pour la politique, talents
dont il aura besoin pour faire
face à l’échéance électorale de
2019. S’il réussit à tenir en laisse
les franges les plus extrêmes du
BJP – parti religieux hindou –
pour maintenir le cap sur la
croissance économique et à gar- Avec des performances plus liées à
der le contrôle exclusif du parle-
une conjoncture favorable qu’à une
ment, il se pourrait qu’il arrive à
transformer les essais marqués capacité à réformer son économie,
durant ce premier terme et à du- l’atmosphère économique en Australie
rablement inscrire la croissance est au beau ixe.
indienne dans une dynamique
de long terme dont l’Inde a, plus Par Didier Guérin, CCE Sydney, Media Convergence
que jamais, besoin. ■
Asia-Paciic, et Christophe Bories
1. Installations inférieures à 25 MW

QUELQUES
CHIFFRES
Les principaux
partenaires de l’Inde :
Chine, États-Unis,
EAU, Arabie saoudite,
Allemagne, Singapour,
Royaume-Uni (pour
2008/2009 la France est au
quinzième rang)
Exportations françaises
vers l’Inde : 4,57milliards
d’euros en 2016
Importations françaises
depuis l’Inde : 5,08
milliards d’euros en 2016
Source : Direction générale du Trésor
L’
Australie entre dans sa
27e année de croissance
ininterrompue, qui de-
vrait se poursuivre au-
tour de 2,5 % pour l’an-
née budgétaire 2017/2018. Malgré
un troisième trimestre d’expan-
sion négative en 2016 (le seul
depuis 2011), l’Australie a connu
une croissance de 2 % sur l’année
budgétaire 2016/2017 et l’acquis
de croissance est déjà de 2,1 % sur
les trois premiers trimestres 2017.
Dans un pays de 24 millions d’ha-
bitants, 403 000 emplois ont été
créés en 2017, plus des deux tiers
à temps plein, et le chômage s’éta-
blit à 5,5 % proche de son plus bas
depuis cinq ans.
En 2017, l’augmentation des
résultats et des investissements
des entreprises australiennes a
été à son meilleur niveau depuis
la crise inancière mondiale en
2008, touchant presque tous les
secteurs à l’exception de la grande
distribution. Le principal index
de la bourse de Sydney (S&P/
ASX 200) a connu une hausse de
11,8 %. Cependant, la consom-
mation des ménages a connu
sa plus faible croissance depuis
2008, suite à la faible hausse des
salaires et à la forte augmentation
des prix de l’énergie. Ce décalage
entre l’optimisme des entreprises
et le pessimisme des consom-
mateurs semble néanmoins se
résorber. En effet, début 2018, la
coniance des consommateurs a
atteint son taux le plus élevé de-
puis quatre ans, laissant espérer

áâãäåæäåâçäå è éêëâãåäâìãëíâìé - Hors série


un rebond de la consommation
des ménages soutenant la crois-
sance en 2018.
Tout comme le taux de chômage,
les taux d’intérêt demeurent bas.
Les taux d’emprunts immobiliers
sont même tombés à leur plus
bas niveau depuis 62 ans.
L’atout des richesses
naturelles
Grâce à la demande chinoise, les
recettes d’exportation liées aux
ressources minières et énergé-
tiques se sont maintenues à un
niveau plus élevé que prévu. En
particulier, la hausse des prix
du minerai de fer et du char-
bon (pour lesquels l’Australie
demeure le premier exportateur
mondial) a entraîné une hausse
des prévisions de recettes à un
montant record de 214 milliards
de dollars australiens pour l’an-
née iscale en cours qui se ter-
mine au 30 juin prochain. Les
exportateurs de gaz naturel
jouissent d’une demande accrue,
après une croissance de 11,6 %
de la consommation mondiale
en 2017. Suite à de larges investis-
sements en grands projets extrac-
tifs, l’Australie augmente rapide-
ment sa capacité de production
de gaz naturel et d’exportation
de GNL. Cet accroissement de-
vrait continuer l’année prochaine
et en 2020.
Il existe un proverbe récent à
Canberra selon lequel : « quand
la Chine va bien, le budget va
bien ». La conjoncture écono-
mique favorable a permis une
augmentation des recettes is-
cales plus forte que les prévisions.
Cela a entraîné une stabilisation
du déicit budgétaire à 33,2 mil-
liards de dollars australiens, soit
4,4 milliards de mieux que pré-
vu (1,9 % du PNB). Il s’agit du
plus faible déicit depuis 2013. Le
ministre des Finances continue
d’envisager le retour à l’équilibre
budgétaire pour l’année budgé-
taire 2020/2021 avec un excédent
de 10 milliards AUD.
Un coût de la vie élevé
Cependant, l’économie aus-
tralienne n’est pas à l’abri de
plusieurs champs d’inquiétude.
Le coût de la vie demeure élevé
et l’endettement des ménages
est tiré par les prix démesurés de
l’immobilier, surtout à Sydney
et à Melbourne, légèrement in-
férieurs à ceux de Londres. Ce-
pendant, le marché de l’immo-
bilier connaît une baisse depuis
quelques mois, notamment à
Sydney - la ville la plus chère du
pays avec un prix médian des lo-
gements atteignant 895 000 dol-
lars australiens – qui a connu
une baisse de 2,1 % au quatrième
trimestre 2017, après avoir at-
teint un glissement annuel re-
cord de +17,1 % mi-2017. Alors
que la stagnation des salaires a
été une préoccupation en 2017,
les économistes s’accordent
pour estimer qu’une réaccélé-
ration devrait se produire cette
année, même si cette situation
risque d’affecter la compétitivi-
té des entreprises australiennes
contraintes de payer des salaires
bien supérieurs à ceux des pays
concurrents.
Autre sujet d’inquiétude le mon-
tant de la dette australienne. Avec
un Pib de l’ordre de 1 720 mil-
liards dollars australiens, la dette
publique brute atteint 768,7 mil-
liards, soit 44,7 % du Pib. Certes,
il s’agit d’un chiffre réduit en
comparaison internationale, mais
qui est considéré en Australie
comme « unacceptably high ».
Questions sur
la iscalité
La iscalité continue d’être un
point faible de l’Australie qui
Hors série - îïðñòóñòïôñò õ ö÷øïðòñïùðøúïùö
123
ne dispose pas d’un système de
taxation moderne. Le pays est
toujours sous-taxé et mal taxé
avec une imposition directe do-
minante. La TVA locale (Good
and Service Tax) instaurée il y
a dix-huit ans, possède un taux
unique à 10 % et ne couvre pas
les produits alimentaires frais,
les services inanciers, ceux de
la santé, de l’éducation et l’im-
mobilier. Ainsi plus de 53 % de
la consommation échappe à
cette taxe.
Concernant l’impôt sur les so-
ciétés, il demeure ixé à 30 %,
même si le gouvernement
Turnbull a réussi à « arracher »
au Sénat – où il n’a pas la ma-
jorité – une modeste réduction
à 25 % d’ici à 2027 pour les
entreprises avec un chiffre d’af-
faires inférieur à 50 millions de
dollars australiens. La nouvelle
baisse (à 21 %) de la iscalité
des entreprises aux États-Unis
ne sera pas sans conséquences
sur l’Australie, qui demeure un
pays importateur de capital,
dont elle a besoin pour soutenir
ses investissements.
Le Premier ministre Malcolm
Turnbull est soucieux de baisser
le taux d’imposition de toutes les
sociétés à 25 % sur une période
de dix ans. Son gouvernement ne
dispose pas du capital politique
nécessaire pour réformer le pays.
Les prochaines élections législa-
tives qui auront lieu au plus tôt
le 4 août 2018 et au plus tard – et
le plus probable – au début 2019
risquent d’écarter toute initiative
de réforme ambitieuse.
L’Australie semble ainsi de-
voir continuer à vivre avec son
éternel paradoxe du Lucky
Country, se réformant lente-
ment mais proitant de ses im-
menses richesses naturelles et
de la bonne santé économique
de ses clients. ■
 PUBLI RÉDACTIONNEL

L’Australie, point d’ancrage en APAC

Très souvent vu comme la passerelle entre l’Asie et les pays de l’Ouest, l’Australie est la base idéale
pour s’implanter dans la zone Asie-Paciique. Lointaine des contrées européennes, l’Australie est
néanmoins idéalement située. A seulement 8h de Singapour et 14h du Golfe Persique, le pays est à
égale distance avec l’Europe des pays du BRIC. Sa géographie est donc une force qui lui permet de
partager les mêmes fuseaux horaires que 60% de la population mondiale, critère non négligeable et
atout de taille à l’heure de la mondialisation.

Damien Richard
Expatrié en Australie depuis 6
ans, son expertise du marché
français couplée à celle du
marché australien fait de Damien
l’allié incontournable en termes
d’implantation “Down Under”.
Polyglot Group
Polyglot Group est une agence
globale d’origine Australienne
qui accompagne les entreprises
de toutes tailles et industries
à s’internationaliser et à se
développer de façon durable.
Depuis plus de 20 ans, Polyglot
Group offre des solutions à la
carte et personnalisées au besoin
de chaque entreprise. Avec un
rayonnement international et
un réseau de partenaires dans
le monde entier, Polyglot Group
est le partenaire ultime en
matière d’expansion durable à
l’international.
LES FORCES DU MARCHÉ
AUSTRALIEN
Avec une croissance ininterrompue
depuis plus de 26 ans qui se poursuit,
le dynamisme du secteur Australien
n’est plus à démontrer.
La croissance de son voisin Chinois
est un des facteurs explicatifs. En
effet, la Chine est le 1er partenaire
commercial de l’Australie et aussi le
1er investisseur du pays. Ce lien n’a
de cesse de se renforcer notamment
avec l’accord de libre-échange éco-
nomique qui vient d’être signé le
17 juin 2017 abolissant les droits de
douanes entre les deux pays dans les
services et les marchandises. L’an-
crage de l’Australie dans le paysage
Asie-Pacifique est donc bien entre-
pris et laisse présager des opportu-
nités durables.
Ce développement rapide et constant
s’explique aussi par la combinaison
d’une demande forte et d’un pou-
voir d’achat élevé. Car en plus d’être
friands des savoir-faire Français, les
Australiens ont la 5ème place mon-
diale en termes de pouvoir d’achat
et ce taux a augmenté de 43% en 15
ans. Bien que la majorité des habi-
tants australiens sont d’origine euro-
péenne (92% de la population), la
part des habitants d’origines asia-
tiques ne cessent d’augmenter et
atteint aujourd’hui 7% contre seule-
ment 4% quelques années en arrière
(source: Australian Bureau of Statis-
tics - ABS). Ceci facilite l’implanta-
tion de produits et services de par
la similarité culturelle d’une part
et représente un marché test idéal
en vue de s’immiscer sur le marché
asiatique d’autre part. Il n’est donc
pas surprenant que les exportations
Françaises vers l’Australie s’élevaient
à plus de 2.23 Mds d’euros en 2016.
Et ceci n’est que le début. Que ce soit
dans les secteurs de pointes, l’agro-
business ou encore la construction
d’infrastructure (notamment du
transport ferroviaire), les opportuni-
tés sont bien réelles pour les entre-
prises Françaises !
LES SECTEURS PORTEURS
L’Australie est de par sa taille, 14 fois
plus grande que la France et 2 fois
plus grande que l’Europe. Cepen-
dant, sa population est dérisoire en
comparaison de son territoire. En
effet, on compte seulement 3 habi-
tants au km2 en Australie pour 105
en France. L’espace, notamment les
richesses naturelles du pays sont
donc à utiliser, et les opportunités ne
manquent pas.
Face au déclin de l’âge d’or minier,
l’économie Australienne est à un
tournant majeur de son histoire et
doit trouver de nouveaux moteurs de
croissance.
Dans un premier temps, les secteurs
de pointes comme la défense, l’élec-
tronique, la biotech ou les télécoms
constituent des perspectives de niche
pour le marché local ainsi que pour le
marché asiatique. Le développement
de l’économie numérique étant une
priorité pour l’Australie.
Le secteur agricole et agro business
a également son rôle à jouer compte
tenu des richesses locales inexploi-
tées du territoire et des secteurs
porteurs que sont le développement
durable, les énergies renouvelables
et l’environnement.
Enfin, le dernier mais pas des
moindres : le secteur touristique. En
croissance de 9% comparé à l’année
2016, le tourisme est une des indus-
tries motrices en Australie qui de-
mande à être développée.
L’attractivité du marché Australien
n’est donc plus à questionner et la
communauté Française, qui est la plus
importante dans la région APAC (hors
Nouvelle-Calédonie et Dom-Tom) est
là pour vous épauler. Les conseils
notamment en termes de différences
culturelles peuvent s’avérer très pré-
cieux tout comme ceux concernant la
création d’entreprise.
LA CRÉATION D’ENTREPRISE : UNE
DÉMARCHE SIMPLE ET RAPIDE
Classée 7éme meilleur pays au monde
pour la facilité de création d’entre-
prise, l’Australie est la cible à privilé-
gier lorsqu’il s’agit d’intégrer le mar-
ché Asie-Pacifique
Qu’il s’agisse d’un bureau de repré-
sentation, d’une branche ou encore
d’une filiale, créer une structure en
Australie requiert seulement 3 pro-
cédures contre 4.8 dans les pays de
l’OCDE soit plus de 3 fois moins de
temps (2.5 jours en Australie contre
8.30 jours dans les pays de l’OCDE)
(source Doing business).
Parmi les 5 types d’entreprise exis-
tantes en Australie, la forme de
société la plus répandue en est la
“Propriety Limited” (équivalent de la
SARL). Pour cette forme précisément,
aucun capital minimum n’est requis
et la responsabilité des associés est
limitée au montant des apports.
Une fois le numéro de taxation fiscal
demandé, la déclaration de l’entre-
prise faite et l’Australian Business
Number (ABN - équivalent du numé-
ro siret) demandée, l’entreprise peut
commencer son activité de façon ins-
tantanée.
VISAS : UNE ÉTAPE À NE PAS
NÉGLIGER
Si l’attractivité économique et les
atouts de l’Australie en termes de
création d’entreprise ne sont pas à
discuter, le pays est toutefois très
régulé en matière d’immigration. Il
est donc essentiel de s’informer sur
ce sujet au préalable.
Les 2 principaux visas permettant
de créer son entreprise en Austra-
lie sont le Business Innovation and
Investment (subclass 188) et le Skil-
led - Independent (subclass 175).
Qu’il s’agisse de l’un ou de l’autre,
leur condition d’obtention est très
réglementée et requiert des points
spécifiques tels qu’un bilan de com-
pétence.
Si toutefois vous optez pour l’im-
plantation d’une filiale de société
existante, votre organisation devrait
pouvoir prétendre à l’obtention d’un
visa travail pour ses salariés expatriés
en fonction de leurs compétences
(subclass 457).
“The Lucky country” comme cer-
tain aiment l’appeler est donc riche
d’opportunités pour les entreprises
souhaitant poursuivre leur croissance
internationale. Sa robustesse et l’ou-
verture de son économie combinée à
une concurrence encore assez limitée
dans de nombreux segments de son
industrie en font une cible de choix !
126

 Monde Eurasie

2018 : année de toutes les

opportunités pour la France

© ADAM NURKIEWICZ / LAUREL PHOTO SERVICES

ACHGABAT
Ouverture des 5e jeux
de sports en salle en
septembre 2017.

L’année 2017 aura été une année de reprise pour la région Asie centrale/
Caucase. Après une phase morose sur le plan économique, la croissance
est repartie, tirée par la hausse du prix des hydrocarbures. Dans la majorité
des pays de la région, cette croissance dépasse la moyenne mondiale.
De zone enclavée, la région passe au statut de corridor des échanges
Europe-Asie au cœur des routes de la soie. La coopération interrégionale,
paradoxalement si faible depuis l’indépendance de ces États, proite
aujourd’hui de l’impulsion de la Chine et d’une nouvelle vision de dirigeants
arrivés au pouvoir au cours des deux dernières décennies.

Gilles Rémy, vice-président de la commission Eurasie des CCE, PDG de Cifal

Groupe, président de la chambre de Commerce France-Turkménistan

L
es échanges diploma- la reprise des vols entre plusieurs
tiques et économiques in- capitales. Ce qui peut paraître
tra régionaux ont connu banal d’un point de vue euro-
une dynamique nouvelle péen n’était pourtant pas évident
au cours de l’année écou- dans une région où chacun de
lée avec, comme traduction ces États nouvellement indé-
concrète pour les populations, pendants a privilégié jusqu’alors

ûüýþÿEþÿü þÿ
üýÿþüýü - Hors série

 127

Pib par habitant

supérieur à 10 000 dollars
RUSSIE
Pib par habitant
Pib 1 560 entre 5 000 et 10 000 dollars
Pop. 143,3 Pib par habitant
Pib/hab. 10 885 inférieur à 5 000 dollars

Tx croiss. Pib 1,3 Pib : Pib en milliards de dollars, estimation 2017, FMI
Export B&S 26 Pop. : Population en millions d’habitants 2016, FMI
Pib/ hab. : Pib par habitant en dollars, prévisions 2017, FMI
IDH 0,804 Tx croissance du Pib : prévisions 2017, Banque mondiale, en %
Export de biens et services : en % du Pib 2016, Banque mondiale
IDH : indice de développement humain 2015, PNUD

UKRAINE
Pib 96 KAZAKHSTAN
Pop. 42,4 Pib 158
Pib/hab. 2 261 Pop. 18
Tx croiss. Pib 2 Pib/hab. 8 667
Export B&S 50 Tx croiss. Pib 2,4
IDH 0,743 Export B&S 33
IDH 0,794

OUZBÉKISTAN
GÉORGIE Pib 68 KIRGHIZISTAN
Pib 14 Pop. 31,7 Pib 7
Pop. 3,7 Pib/hab. 2 154 Pop. 6,1
Pib/hab. 3 715 Tx croiss. Pib 7,6 Pib/hab. 1 166
Tx croiss. Pib 3,5 Export B&S 21 Tx croiss. Pib 3,4
Export B&S 44 IDH 0,701 Export B&S 37
IDH 0,769 IDH 0,664

ARMÉNIE AZERBAÏDJAN TURKMÉNISTAN TADJIKISTAN

Pib 11 Pib 39 Pib 7
Pib 42
Pop. 3 Pop. 9,6 Pop. 8,8
Pop. 5,5
Pib/hab. 3 591 Pib/hab. 4 032 Pib/hab. 819
Pib/hab. 7 645
Tx croiss. Pib 2,7 Tx croiss. Pib -1,4 Tx croiss. Pib 5,5
Tx croiss. Pib 6,3
Export B&S 33 Export B&S 47 Export B&S NC
Export B&S NC
IDH 0,743 IDH 0,759 IDH 0,627
IDH 0,691

l’afirmation de sa souveraineté. ploitation commune éventuelle ses grands voisins asiatiques et

Il est signiicatif que le nouveau
président ouzbek Mirziyoyev ait
réservé à Achgabat sa première
visite à l’étranger après son élec-
tion. Dans le même sens, le pré-
sident turkmène Gourbangouly
Berdymoukhamedov a ensuite
rencontré son homologue azer-
baïdjanais Aliyev à Bakou en
août dernier. Au cours de cette
réunion, les deux chefs d’État
ont approché leurs positions sur
plusieurs sujets sensibles qui pe-
saient sur les relations entre les
des champs de Kyapaz/Serdar, européens. Prise au sens large,
ainsi que l’élaboration d’un pro- la région eurasiatique constitue
jet de corridor gazier transcas- un super continent qui compte
pien. On soulignera aussi le dé- les deux tiers de la population
veloppement des échanges avec mondiale et 60 % de la pro-
les pays de la région hors CEI duction. Aujourd’hui, 90 % des
comme la Chine, l’Afghanistan, marchandises de la Chine vers
le Pakistan, l’Inde et même l’Europe sont encore transpor-
le Moyen-Orient, illustration tées par bateau via le canal de
d’une diplomatie économique Suez (quarante-huit jours en
à la fois diversiiée et équilibrée. moyenne) ; le reste par air, sans
Cette coopération s’inscrit de- bénéice pour l’Asie centrale.
puis plusieurs années dans Mais la situation évolue très ra-
une dynamique d’intégration pidement. Le choix de privilégier

seulement à une exigence de 

deux pays : limitation des eaux régionale plus large qui relie les voies terrestres n’obéit pas
territoriales de la Caspienne, ex- l’Asie centrale et le Caucase à

Hors série - 



   
 
128
 Monde Eurasie
 rationalisation économique,
il répond à une vision géopoli-
tique impulsée par la Chine vi-
sant à édiier un ensemble régio-
nal eurasiatique d’échanges et
de coopération entre l’Europe,
l’Asie et le Moyen-Orient dont
la région Asie centrale/Caucase
constitue le cœur. Cet espace
en formation doit contribuer
au développement économique
régional et à la stabilité des ré-
gions périphériques : le Xinjiang
chinois, l’Afghanistan et le
Pakistan, mais aussi la Sibérie.
On assiste à la mise en place ac-
célérée d’infrastructures majeu-
res (voies ferrées, routes, plate-
formes multimodales, pipelines)
avec trois directions principales :
• le corridor nord qui lie l’Europe
et le Paciique par l’Allemagne,
la Pologne, la Biélorussie, la
Russie, le Kazakhstan, la Mongolie
et la Chine ;
• le corridor sud qui va de l’Europe
au Sud-Est asiatique, connectant la
Turquie, l’Iran, le Pakistan, l’Inde ;
• le corridor nord-sud qui lie
l’Europe du Nord au golfe per-
sique, via la Russie, la Géorgie,
l’Azerbaïdjan et l’Iran.
La Chine à l’avant-
poste de l’intégration
eurasiatique
Dans cette intégration régio-
nale en gestation, la Chine est à
l’avant-poste. Le projet « Nou-
velle route de la soie » lancé par
Xi Jinping en 2013, détermine
une large part de la nouvelle
organisation logistique régio-
nale. La Chine s’appuie sur une
vision à long terme et une ca-
pacité d’investissement qui lui
donne le leadership dans la ré-
gion y compris sur le Japon et la
Corée pourtant très actifs écono-
miquement. Le gouvernement
chinois estime que son initiative
« One Belt, One Road » peut gé-
    - Hors série
De zone nérer une production de richesse
enclavée, de 21 000 milliards de dollars.
Pour accélérer les investisse-
la région ments dans les infrastructures,
passe au les autorités chinoises ont créé
un fonds de 40 milliards de dol-
statut de
lars dédié directement au pro-
corridor des jet et qui s’ajoute à 50 milliards
échanges de dollars d’investissements
déjà réalisés dans la région.
Europe/
Deux projets majeurs lient déjà
Asie. l’Asie centrale à la Chine. L’oléo-
duc entre le Kazakhstan et la
Chine réalisé entre 2001 et 2009
avec une capacité de 20 millions
de tonnes de brut par an. Le se-
cond est le gazoduc qui fournit
du gaz turkmène à la Chine
avec un objectif de 80 milliards
de mètres cubes par an en 2020.
D’ores et déjà, le Turkménistan
fournit plus du tiers des besoins
en gaz importé de la Chine. À
ce stade, on passe déjà d’une
relation de dépendance à une
relation d’interdépendance.
L’airmation sur la
scène internationale
Si la région Asie centrale/
Caucase compte huit pays issus
de l’Union soviétique, il en est
quatre qui représentent un enjeu
signiicatif en termes de marché
pour la France : l’Azerbaïdjan, le
Kazakhstan, le Turkménistan et
l’Ouzbékistan. L’Azerbaïdjan, à
l’image des pays pétroliers, sort
de deux années dificiles sur le
plan économique et inancier.
Après une récession de 3,8 %
en 2016, la croissance écono-
mique a atteint à peine 0,2 %
en 2017, mais sera de 1,5 % en
2018. L’Azerbaïdjan a joué un
rôle essentiel dans le dévelop-
pement des corridors : inan-
cement et approvisionnement
des gazoducs TANAP et TAP
vers les marchés européens,
construction de la voie ferrée
Bakou-Tbilissi-Kars, promotion
de l’axe ferroviaire nord-sud et
développement du port d’Alat
au Sud de Bakou. Avec le lan-
cement prochain de la phase ii
de Shah Deniz et le début du
développement d’Absheron, le
retour à une croissance forte et
durable est assuré. Les indus-
triels français, soutenus par des
inancements Coface et AFD
sont actifs dans la réalisation
de ces projets avec Total, Engie,
Thales ou encore Alstom dont la
première des quarante locomo-
tives commandées par Azerbaïd-
jan Railways est sortie de l’usine
de Belfort en octobre 2017.
Le Turkménistan a aussi choisi
de développer ses infrastruc-
tures de transport en particu-
lier vers l’Iran et l’Afghanistan.
De la même façon, le port de
Turkmenbachy sur la Caspienne
est en cours de profonde moder-
nisation. Les cinquièmes Jeux
asiatiques des sports en salle
et des arts martiaux en sep-
tembre 2017 à Achgabat ont
mobilisé une part signiicative
des inances du pays, mais ont
assuré au Turkménistan un
rayonnement inédit dans la
région. La croissance se main-
tiendra à un niveau élevé en
2018, à hauteur de 6,3 %, un
taux comparable à celui de 2017.
Plus que tout autre pays, le
Turkménistan prend une part
essentielle, et insufisamment
appréhendée en Europe, à la
stabilité régionale, à travers
notamment le projet TAPI.
Ce gazoduc Turkménistan-
Afghanistan-Pakistan-Inde, pré-
vu pour être opérationnel en
2020, acheminera chaque an-
née pendant trente ans, 33 mil-
liards de mètres cubes de gaz
en provenance du gisement de
Galkynysh, soit l’équivalent des
trois quarts de la consomma-
tion française de gaz. Ce projet

aussi ambitieux que coûteux,
fait l’objet d’un soutien total et
sans faille des autorités turk-
mènes qui ont un besoin impé-
rieux de diversiier leurs clients.
Il doit également favoriser la sta-
bilisation du lanc sud de l’Asie
centrale et en premier lieu de
l’Afghanistan, en associant au-
tour d’un intérêt commun des
États aux relations traditionnel-
lement dificiles. Financé dans
sa phase initiale par la Banque
asiatique de développement et la
Banque islamique, le projet n’est
pas dans les radars français et eu-
ropéens. Pourtant, outre les op-
portunités pour nos entreprises
parapétrolières, ce projet est à
ce jour le seul exemple de coo-
pération proitable aux popula-
tions des quatre pays concernés.
Quant à la première économie
de la région, le Kazakhstan,
après deux années de quasi-
stagnation (1,1 % de croissance
en 2016), elle a retrouvé un
rythme de croissance honorable
qui devrait atteindre près de 4 %
en 2017 et 3,5 % en 2018. L’ex-
ploitation longtemps retardée
du champ géant de Kashagan a
déjà donné cette année des effets
appréciables. L’exposition inter-
nationale d’Astana consacrée
à l’énergie du futur, avec cinq
millions de visiteurs, s’est avérée
un vrai succès malgré l’enclave-
ment d’Astana. Sur un pavillon
national unanimement salué, la
France a pu y présenter son offre
dans plusieurs domaines d’in-
novation : la ville durable et les
énergies renouvelables notam-
ment. Le Kazakhstan s’afirme
aussi sur le plan politique et
diplomatique en accueillant les
négociations à Astana du proces-
sus de désescalade en Syrie asso-
ciant les puissances régionales et
les parties prenantes du conlit.
En Ouzbékistan, après l’élec-
OUZBÉKISTAN tion du président Mirziyoyev
Un marché à en décembre 2016, un vent de
Tachkent, la
croissance renouveau semble soufler et
économique de ce laisse présager d’encourageantes
pays a été de 6 %
en 2017. perspectives pour l’année 2018.
La convertibilité de la monnaie
nationale, le Sum, le prolonge-
ment de la durée du visa touris-
tique à un mois sont autant de
signes prouvant la volonté d’ou-
verture des nouvelles autorités
ouzbèkes. Tenant compte des
changements en cours, la France
montre son intérêt pour ce pays
le plus peuplé de la région dont
la croissance économique se
maintient à un haut niveau (6 %
en 2017, 5,4 % en 2018). L’AFD
inance désormais de nombreux
projets dont le montant cumu-
lé pourrait l’année prochaine y
dépasser le montant de ses prêts
dans les autres pays de la région.
Il reste que notre relation éco-
nomique bilatérale manque de
projets majeurs, à la hauteur du
potentiel entre nos deux pays.
Quelle ambition pour la
France dans la région ?
Si l’Union européenne a été re-
lativement active en termes di-
plomatiques dans le Caucase,
Hors série - !"#$%&$%"'$% ( )*+"#%$",#+-",)
129
© OZBALCI /ISTOCKPHOTO
elle n’a en revanche ni vision
ni intérêt marqué pour l’Asie
centrale, si ce n’est, depuis
vingt-cinq ans, d’exprimer le
souci qu’elle ne réintègre pas
l’orbite russe. Concernant les
principaux pays européens,
leur implication est limitée. La
Grande-Bretagne, si présente
historiquement, est aux abonnés
absents de la diplomatie, toute
concentrée qu’elle est à gérer le
Brexit. L’Allemagne d’Angela
Merkel, notre compétiteur eu-
ropéen principal, n’a que peu
d’empathie pour ces pays qu’elle
a placés dans la case des pays au-
toritaires. L’Italie, très active éco-
nomiquement, n’a pas le poids
diplomatique que ces pays at-
tendent d’une relation bilatérale
stratégique. La France est donc
objectivement le pays européen
le mieux placé pour développer
une présence à la fois diploma-
tique et économique conforme
à nos intérêts fondamentaux.
Dans le Caucase, nous avons
établi un dialogue de qualité
avec l’Arménie et la Géorgie sa-
chant que ces marchés sont très
de leur poids économique. 
limités en raison de la modestie
130
 Monde Eurasie
 L’Azerbaïdjan est incontes-
tablement l’enjeu essentiel de
la période à venir. Le centième
anniversaire de la première
République que la France
avait fortement soutenue en
1918, pourrait être l’occasion
d’un nouveau départ de la
relation bilatérale, concréti-
sé par une coopération stra-
tégique dans la construction
navale avec Naval Group.
En Asie centrale, les investisse-
ments de Total dans Kashagan
et d’Areva dans l’uranium au
Kazakhstan placent déinitive-
ment notre coopération avec
ce pays dans le cadre d’une
priorité stratégique, même si
pèsent des interrogations sur
la succession du président
Nazarbaïev au pouvoir de-
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./012312/412 5 678/021/908:/96 - Hors série
puis plus de vingt-cinq ans.
En Ouzbékistan, le pays le
plus peuplé de la région, l’ar-
rivée d’un nouveau président
dont la visite est attendue en
France devrait permettre de
refonder et nourrir nos rela-
tions économiques. Enin, le
Turkménistan présente plu-
sieurs atouts. Pays doté d’un
statut unique de neutralité
permanente, son président est
clairement demandeur d’une
relation particulière et au plus
haut niveau avec la France.
Le président Macron a fait
de la lutte contre le terrorisme
la priorité diplomatique de
la France. La victoire se joue
aussi en Asie centrale. Tous
ces pays consacrent des moyens
importants au contrôle de leurs
Une zone frontières et à la lutte contre
clé pour le djihadisme. Pays laïques de
culture musulmane, ils pro-
la lutte tègent une liberté religieuse,
contre le quasi inexistante dans le monde
arabo-musulman. Leur position
terrorisme.
géographique est devenue stra-
tégique dans l’équilibre mon-
dial. Cette région riche nous
offre un marché au potentiel
de développement d’autant plus
intéressant que ses besoins cor-
respondent à nos savoir-faire.
Si elle le veut, la France peut
devenir leur ancrage occiden-
tal et leur premier partenaire
politique et économique euro-
péen. Elle en a les atouts. L’élec-
tion d’un jeune président fran-
çais ouvert et pragmatique n’est
pas le moindre. Tout se jouera
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132

 Monde Proche et Moyen-Orient

Une éclaircie
qui pourrait s’élargir

© VALENTINRUSSANOV/ISTOCKPHOTO
En faisant le bilan de l’année 2016 il y a un peu
plus d’un an, on pouvait espérer que l’année 2017
soit à la fois diférente et moins agitée. Tout en
étant conscient des limites de l’exercice visant à
faire le tri entre l’essentiel et l’accessoire, on peut
retenir de l’année qui vient de s’achever plusieurs
éléments marquants.

Par Jacques de Lajugie1

C
omme on pouvait s’y DUBAI venu au tout début du mois
Émirat réputé
attendre, l’année 2017 pour son
de décembre 2016 entre l’es-
a été marquée par une shopping de sentiel des pays producteurs,
reprise du marché in- luxe et son y compris la Russie. Dans
architecture
1. Les appréciations et ternational des hydro- ultra moderne. ce contexte, le prix moyen

té dans des proportions 

les analyses contenues
dans cet article n’enga- carbures, partiellement due à de l’Opec Basket a augmen-
gent que leur auteur. l’application de l’accord inter-

;<=>?@>?<A>? B CDF<=?><G=FH<GC - Hors série

 133

TURQUIE
Pib 794
Pop. 80,7
Pib/hab. 9 826
Tx croiss. Pib 3,5
Export B&S 22 IRAN
IDH 0,767 Pib 368
Pop. 81,4
Pib/hab. 4 525
Tx croiss. Pib 4
Export B&S NC
LIBAN
IDH 0,774
Pib 54
Pop. 4,6
Pib/hab. 11 615
Tx croiss. Pib 2,5
Export B&S 55
IDH 0,763
KOWEIT
Pib 127
Pop. 4,3
Pib/hab. 29 240
Tx croiss. Pib 3,6 BAHREIN
ISRAËL Export B&S NC
Pib 34
Pib 340 IDH 0,800
Pop. 1,3
Pop. 8,6 Pib/hab. 25 494
Pib/hab. 39 125 Tx croiss. Pib 1,9
Tx croiss. Pib 3 Export B&S NC
Export B&S 30 IDH 0,824
ÉGYPTE IDH 0,899

Pib 332
Pop. 92,2
Pib/hab. 3 684 QATAR E.A.U.
Tx croiss. Pib 4,3 Pib 174 Pib 407
Export B&S 10 ARABIE S.
Pop. 2,6 Pop. 10,1
IDH 0,691 Pib 707 Pib/hab. 64 446 Pib/hab. 40 162
Pop. 32,3 Tx croiss. Pib 3,2 Tx croiss. Pib 2
Pib/hab. 21 847 Export B&S 48 Export B&S 104
Tx croiss. Pib 0,6 IDH 0,856 IDH 0,840
Exp. B&S 31
IDH 0,847

OMAN
Pib par habitant
supérieur à 45 000 dollars Pib 71
Pop. 4
Pib par habitant
entre 30 000 et 45 000 dollars Pib/hab. 17 485
Tx croiss. Pib 0,9
Pib par habitant
Export B&S 56
entre 20 000 et 30 000 dollars
Pib : Pib en milliards de dollars, estimation 2017, FMI IDH 0,796
Pib par habitant Pop. : population en millions d’habitants 2016, FMI
entre 10 000 et 20 000 dollars Pib/hab. : Pib par habitant en dollars 2016, FMI
Tx croissance du Pib prévisions 2017, Banque mondiale en % (source OCDE pour Israël)
Pib par habitant Export de biens et services : en % du Pib 2016, Banque mondiale
inférieur à 10 000 dollars IDH : indice de développement humain 2015, source PNUD

Hors série - IJKLMNLMJOLM P QRSJKMLJTKSUJTQ

 134

LA BANQUE
DELUBAC & CIE,
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 Monde Proche et Moyen-Orient
BAHREIN
est une étape
importante
sur les routes
commerciales,
et ce depuis
l’Antiquité.
 voisines de 30 %, passant
de 40,70 dollars en 2016 à
52,50 dollars en 2017. Il s’est
établi à près de 67 dollars au
cours de la première moitié du
mois de janvier.
Reprise du marché
des hydrocarbures
qui proite aux
producteurs
C’est évidemment une bonne
nouvelle pour les pays pro-
ducteurs dans la région, no-
tamment ceux dont la situa-
tion financière était la plus
tendue, l’Irak entre autres. Elle
n’en a pas moins une double
limite. D’une part parce que
l’intérêt des producteurs po-
tentiels (à commencer par
celui des producteurs de pé-
trole de schiste aux États-
Unis) à reprendre des travaux
de forage ou à en accélérer le
rythme augmente dès lors que
le prix du baril se situe dans
une zone comprise entre 60 et
70 dollars. D’autre part parce
que le niveau atteint par le
prix d’équilibre1 dans les pays
du Golfe est tel qu’un prix
moyen du baril compris entre
50 et 60 dollars n’est pas suf-
fisant pour que tous soient en
mesure de résorber leurs dé-
ficits « jumeaux », comme on
1. Prix du baril permettant d’équilibrer les
comptes publics (Fiscal Breakeven Oil Price)
et la balance courante (External Breakeven
Oil Price).
Hors série - cdefghfgdifg j klmdegfdnemodnk
135
© FRANKVANDENBERGH/ISTOCKPHOTO
peut le constater à Bahreïn et
à Oman.
Recul de Daech
Même si l’année 2017 n’a mal-
heureusement pas permis de
mettre un terme aux conflits
meurtriers qui déchirent la
région, que ce soit en Sy-
rie (où la guerre a fait plus
de 343 000 victimes depuis
le mois de mars 2011) ou au
Yémen (où la guerre civile a
fait près de 9 000 victimes et
plus de 50 000 blessés depuis
le mois de mars 2015), Daech
n’en a pas moins perdu l’es-
sentiel des positions qu’il avait
acquises dans le courant de
(comme l’atteste la chute 
l’été 2014, que ce soit en Irak
136

pqrstustqvst w xyzqrtsq{rz|q{x - Hors série


 Monde Proche et Moyen-Orient
 de Mossoul) ou en Syrie
(comme en témoigne la chute
de Raqqa). C’est une excellente
nouvelle, même si les résultats
qui ont été engrangés récem-
ment ne signent ni la défaite
définitive, ni la capitulation
en bonne et due forme, ni la
disparition de Daech. D’une
part parce que la perte de son
emprise territoriale, la fin de
ses ambitions institutionnelles
et, par voie de conséquence,
la dispersion de ses effectifs
n’épuisent pas sa capacité de
nuisance. D’autre part parce
que les « cellules dormantes »
que Daech a constituées et les
soutiens dont il dispose encore
lui permettent de rester pré-
sent à la fois sur le terrain de
La région la guérilla et, plus encore, sur
reste un celui du terrorisme, comme
on vient malheureusement de
marché qui le constater à Bagdad.
compte 320
millions de Des ajustements
engagés
consomma- Si incertaine que soit encore
teurs la situation sécuritaire dans
une partie des pays de la ré-
potentiels.
gion et bien que la cohérence
du Conseil de coopération
des États arabes du Golfe
(CCEAG) soit pour le moins
fragilisée depuis le tout dé-
but de l’été 20171, il y a encore
et il y aura des opportuni-
tés à saisir au Moyen-Orient.
D’abord parce que la région
reste un marché qui compte
320 millions de consomma-
Hors série - }~€‚€~ƒ€ „ …†‡~€~ˆ‡‰~ˆ
137
teurs potentiels et dont le Pib
est évalué à 2 800 milliards de
dollars. Ensuite parce que les
pays de la région ont enregis-
tré en 2017 et vont enregis-
trer en 2018 une croissance
positive, la seule exception
à la règle étant celle des pays
en situation de conflit (Syrie,
Yémen). D’après la prévision
la plus récente des services
du FMI, le taux de croissance
moyen de la zone Afrique du
Nord/Moyen-Orient passerait
ainsi de 2,2 % en 2017 à 3,2 %
Enfin parce que les ajus- 
en 2018.
1. Par la crise ouverte entre le Qatar d’une part,
Bahreïn, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes
unis d’autre part.
…
LE COMITÉ DES CCEF DE
BAHRAIN EST ENGAGÉ
DANS LA CROISSANCE ET
LA DIVERSIFICATION

Le Comité des CCEF de Bahrain

Amane Advisors Christophe Guillet JTPC Services Jean De Tinguy

APTTECS Herve Chauvin Medmark Robert Kikano
Axa Vincent Pluchet National Bank of Bahrain Jean Christophe Durand
BNP Paribas Jacques Michel Sixco Benoit Vadani
Michel Hamenthienne
SULB Pascal Genest
Carrefour Etienne Cavaciuti
Technal Jean Marc Luvisutto
Jerome Akel
Unanime Architectes Didier Garcin
DDB Bahrain Francois Bourgoin
Investcorp Tristan De Boysson

www.cnccef.org
 139

 Monde Proche et Moyen-Orient

MOSSOUL
Les habitants
reviennent
après la chute
de Daech.
© IVOR PRICKETT/THE NEW YORK TIMES-REDUX-REA

 tements qui s’imposaient et l’actualité du problème pa-

d’autant plus qu’ils avaient été lestinien, les incertitudes qui
trop longtemps différés ont pèsent sur l’accord nucléaire
ini par être engagés (même avec l’Iran et la volatilité qui
s’ils l’ont été inégalement) à la caractérise encore la situation
fois dans les pays exportateurs au Liban, il reste à espérer que
d’hydrocarbures (comme on l’éclaircie observée à certains
le constate dans des pays aussi égards en 2017 perdurera et
différents que l’Arabie saoudite s’élargira en 2018. C’est en
et l’Irak) ou dans les pays tout cas ce qu’on peut et doit
importateurs d’hydrocarbures souhaiter. ■
(comme l’attestent les exemples
de la Jordanie et, plus encore,
celui de l’Égypte dont la situa-
tion n’a aujourd’hui plus rien
à voir avec ce qu’elle était à la
in de l’automne 2016). Le fait
© TOM DULAT / GETTY IMAGES EUROPE / GETTY IMAGES/AFP
qu’une bonne partie des pays de
la région aient été en mesure de
solliciter avec un plein succès le
marché international des capi-
taux ou, plus simplement, d’y
faire leur retour (ce qui a été le
cas de l’Égypte et de l’Irak) peut
être considéré comme révéla-
teur à cet égard.

Quelques
incertitudes
Même si les choses sont loin MUSÉE
Le Louvre
d’être stabilisées au Moyen- d’Abu Dhabi a
Orient, comme l’attestent tout été inauguré en
novembre 2017.
à la fois la persistance, l’acuité

Hors série - Š‹ŒŽŽ‹Ž ‘ ’“”‹ŒŽ‹•Œ”–‹•’

 140

The knowledge we build

is knowledge we share

L E A D I N G PA R T N E R F O R L U X U R Y
ACROSS THE MIDDLE EAST W W W. C H A L H O U B G R O U P. C O M
—˜™š›œš›˜š› ž Ÿ ¡˜™›š˜¢™¡£˜¢Ÿ - Hors série
 141

 Monde Proche et Moyen-Orient

ARABIE SAOUDITE
La construction d’un
quatrième royaume
RIYADH
se trouve sur
un plateau
désertique au
centre du pays.
© SWEETMANGO /ISTOCKPHOTO

L’année 2018 devrait être marquée par le rajeunissement des élites, la

libération des mœurs et l’entrée dans l’ère post-pétrole. Le roi Salman
Ben Abdelaziz Al-Saoud continuera de tenir fermement les rênes
du pouvoir. Son jeune prince héritier lui sert d’orilamme dans un
pays où les moins de trente-cinq ans représentent plus des deux tiers
de la population.

Par Jacques Bourgeois, CCE Arabie saoudite

N
’en déplaise aux mé- pays où les moins de trente-
dias, ce pays est un cinq ans, dont il fait partie,
royaume. Il est donc sont plus de 70 %. De bouclier
dirigé par Salman ben pour un père de quatre-vingt-
Abdelaziz Al-Saoud et deux ans bien décidé à ré-
non par son fils Mohammed, gner et que ni la lucidité ni la

jusqu’à présent abandonné. 

qui lui sert d’oriflamme et de mobilité géographique n’ont
bouclier. D’oriflamme dans un

Hors série - ¤¥¦§¨©§¨¥ª§¨ « ¬­®¥¦¨§¥¯¦®°¥¯¬

 142
BEYLIER Benoit, Société : GL Event Middle-East
BOUIN Xavier, Société : Tan Services
CAIA Charles, Societé : Ponticelli
CAMBOLIVE Fabrice, Societé : Renault
CHALHOUB Patrick, Societé : Chalhoub Group
CHARPENTIER Cedric, Societé : Axa-Gulf
COHU Eric, Societé : BNP Parisbas
COLLEUIL Alexandre (Vice Président), Societé : Bloombox
DAIX Roger, Societé : Thales
De RICAUD Raphael, Societé : Rothschild
GIARD Matthieu, Societé : Air Liquide
GIRAUD Jean‐Pierre, Societé : Honoraire
GRANET Olivier, Societé : Accor
HARRIS Françoise, Societé : Harris & Co
HASHIM Marina, Societé : EDF
HIJAZI Sylvain, Societé : Archirodon
HOBEILAH Nicolas, Societé : Legrand
HOUARI Mikail (Président), Societé : Airbus
JAOUEN Isabelle, Societé : Dellisse Industries
KASSIS Marc, Societé : Simstream
KERVREN Yves (Vice Président), Societé : TechnipFMC
LADEGAILLERIE Franck, Societé : Assystem
±²³´µ¶´µ²·´µ ¸ ¹º»²³µ´²¼³»½²¼¹ - Hors série
www.cnccef.org
Le comité des CCE EAU c’est :
● plus de 50 membres avec une majorité de responsable
régionaux sur l’Afrique, le Moyen Orient et l’Asie
● un grand prix VIE depuis presque dix ans
● un grand prix PME
● et une première mondiale dans tout le réseau :
le parrainage par les CCE de VIE présents dans le
pays ( près de 200)
LAURENTI Jean‐Pierre, Societé : Ateeq International
LE GUENNEC Anne (Vice Président), Societé : Enova
LEBEL Claude, Societé : CMA CGM GULF
LECOQ Michèle (Secrétaire Générale), Societé : MLP Consulting FZE
LORTAL Philippe, Societé : Bollore Logistics
MARIE Laurent, Societé : Trouvay & Cauvin
MATTEI Claire, Societé : Millicom International Cellular
MECELLEM Adelane, Societé : Axa-Gulf
NATALI Patrick, Societé : Safran
NUSEIBEH Hatem, Societé : Total
PETIT Olivier, Societé : Egis
PIAT Michel, Societé : MBDA Systems
ROCHE Gilles, Societé : Air France - KLM
RYCX Jean‐François (Trésorier), Societé : RYCX Legal Consultants
SABBAGH Martin, Societé : JC-Decaux Middle-East
SALLOUM Samir, Societé : Salloum & Partners LLC
SCHEUER Jean‐Paul, Societé : Sanofi
SEGUILLON Jérôme, Societé : Edge Technology Business
SOUNDARDJEE Richad, Societé : Société Générale
THOUVENEL Jean‐Luc, Societé : Naval Group
VILLAIN Jean‐Paul, Societé : ADIA
WITEK Franck, Societé : Winenergies Consulting
 143

 Monde Proche et Moyen-Orient

 Un redoutable tandem. Le
premier choisit la route, tient
le guidon, maîtrise les freins,
simule parfois l’absence, pour
voir… Le second pédale,
communique et s’expose aux
regards.
Mais pourquoi Mohammed
et pas son aîné, Sultan, né en
1956, le premier astronaute
du monde arabe, très connu
à l’étranger ? La destinée de
cet aîné fut en fait scellée lors
du divorce de sa mère… C’est
donc une autre épouse de la
tribu des Ajman, qui a engen-
dré l’heureux élu, Mohammed
(1985), mais aussi Turki
(1987), président du SRMG,
(ils du roi, ministre d’État de
1998 à 2015) Salman pâtit en-
suite de la volonté d’Abdallah
de récupérer pour son compte,
puis pour son ils Miteb, la ges-
tion des clientèles tribales. Et il
faillit perdre tout espoir de ré-
gner quand Nayef fut nommé
prince héritier. Leurs relations
n’étaient pas bonnes. Mais
Nayef mourut en 2012, Salman
fut nommé à sa place et devint
roi au décès de son demi-frère
Abdallah, le 23 janvier 2015.
Sa traversée du désert était
inie. Il n’oubliera jamais cette
période dificile.
Intrigues de palais
en vie et sauta par-dessus leurs
ambitions dès son intronisa-
tion pour livrer contre toute
attente la position de prince
héritier à Muqrin, le plus
jeune d’entre eux. Puis, après
avoir défrayé celui qui n’était
que le fils d’une esclave yé-
ménite, il « accepta » sans état
d’âme sa démission quatre
mois plus tard. Mohammed
ben Nayef – cinquante-huit
ans et présentant l’avantage de
ne pas avoir de fils – fut ravi
de le remplacer. Le vieux roi
ne faisait que paver la route à
sa progéniture.
Le 20 juin 2017, soit le 26 du
mois de Ramadan, « la nuit

Nayef fut convoqué par le 

Khaled (1988), pilote de F15, Il s’employa d’abord à disqua- du Destin », Mohammed ben
et Nayef, Bandar, Rakan, plus lifier ceux de ses frères encore
jeunes encore. En cas d’acci-
dent, de décès impromptu, la
relève serait donc assurée…
Mohammed ben Salman est
devenu prince héritier en
juin 2017. Doté d’une grande
mémoire il connaît bien les
histoires de famille, les affaires
tribales et se rappelle tou-
jours de ce qu’on lui a fait…
comme son père, bien connu
pour prendre des décisions
frontales, rapides, et pour ne
revenir pratiquement jamais
en arrière.
Pendant le règne du roi Fahd
dont il était le favori, Salman
fut le principal tuteur du clan
des Al-Saoud et le gestionnaire
attentif des relations avec les
tribus. Gouverneur de la pro-
vince de Riyad pendant cin-
quante-cinq ans, entre 1955
et 2011, il traversa pourtant
une période dificile dès 1995,
date de l’embolie cérébrale de
Fahd, et ceci jusqu’à la mort
du Prince Nayef. D’abord
marginalisé sous la régence
d’Abdallah par l’activisme ef-
fréné d’Abdelaziz ben Fahd

Hors série - ¾¿ÀÁÂÃÁ¿ÄÁ ŠÆÇÈ¿ÀÂÁ¿ÉÀÈÊ¿ÉÆ


 Monde Proche et Moyen-Orient
 Roi qui le it arrêter. Puis le
conseil d’allégeance accepta de
le remplacer par Mohammed
ben Salman (trente-deux ans).
Par décret royal, la Loi de
succession fut amendée ain
que les petits-ils d’Abdelaziz
soient éligibles. Simultané-
ment Abdelaziz ben Saoud ben
Nayef (trente-trois ans) fut
nommé à la tête d’un ministère
de l’Intérieur réduit à la por-
tion congrue et ceci à la place
de son oncle Mohammed.
Salman avait donc choisi son
neveu pour être le cheval de
Troie de son ils. Si Mohammed
ben Nayef avait décliné la pro-
position, arguant qu’il avait
encore d’autres oncles à servir,
peut-être serait-il resté dans la
ligne successorale . Mais l’his-
toire ne repasse jamais les
Sur un plats. Le Roi le sait, qui jour et
fond de nuit veille au grain.
patriotisme Arrestations
émergeant, historiques
À Riyad, dans la nuit du 4 no-
le souverain
vembre 2017, un missile Scud
a su faire de longue portée, de concep-
adhérer tion iranienne et provenant
du Yémen, se dirigea vers l’aé-
les jeunes
roport. Il fut détruit par les
Saoudiens à Patriot de l’armée saoudienne.
un nouveau Dans les heures qui suivirent
s’accumulèrent des nouvelles
projet de
inattendues. Dans les ports et
société. aéroports du pays, les départs
des avions et yachts privés des
personnes les plus inluentes
du Royaume furent interdits.
À l’hôtel Ritz Carlton, onze
princes, des dizaines d’anciens
ministres et fonctionnaires,
des businessmen furent inter-
Hors série - ËÌÍÎÏÐÎÏÌÑÎÏ Ò ÓÔÕÌÍÏÎÌÖÍÕ×ÌÖÓ
145
© STR/AFP
nés. Plus de 3 000 personnes
furent ensuite mises en exa-
men et leurs comptes ban-
caires gelés.
Miteb ben Abdallah ben
Abdelaziz Al-Saoud, ministre
de la Garde nationale, faisait
partie des personnes arrê-
tées. La dernière force armée
– 100 000 hommes, très bien
équipés, avec une réserve
tribale de 50 000 bédouins –
non encore contrôlée par
Mohammed ben Salman, était
décapitée. Dans le même
temps, le pouvoir religieux
fut recadré. Plus de quatre-
vingt-deux dignitaires furent
emprisonnés, des imams, des
membres de la police reli-
gieuse, des clercs ayant inancé

Daesh, Al-Qaïda ou émis des
prêches non conformes.

 Monde Proche et Moyen-Orient
OPÉRATION
ANTI-CORRUPTION
Plusieurs princes et
dignitaires ont été
retenus au Ritz Carlton
en novembre dernier.
 En deux ans, tout en osant
prendre des initiatives fortes
lors de deux nuits historiques, le
Roi Salman a donc patiemment
placé ses pions sur l’échiquier
saoudien, mettant inalement
mat ses opposants putatifs : le
conseil d’allégeance – miroir
de la famille royale – l’a sui-
vi à 91 % ; les oulémas ont été
recadrés ; la Défense nationale,
la Garde royale sont restées
sous contrôle ; le ministère de
l’Intérieur a été décapité, puis
fractionné ; les ministères clés
et les Affaires étrangères ont été
retirés aux princes… La Garde
Nationale a été enlevée au clan
Abdallah après plus d’un de-
mi-siècle de domination.
Sur un fond de patriotisme
émergeant, le souverain a su faire
adhérer les jeunes Saoudiens
à un nouveau projet de société
(sauts de génération à la tête de
l’État et des ministères, saoudi-
sation accélérée, retour à la so-
ciété plus libérale d’avant 1979,
projets futuristes, rêve spatial,
ouverture du champ des loisirs :
cinémas, théâtres, concerts…)
obtenant plus habilement que
son prédécesseur l’aval de la
majorité de ses sujets féminins
(relâchement du carcan social,
permis de conduire des voitures
– et des camions ! – rejet des
idées religieuses extrémistes,
affaiblissement de la police des
mœurs…). Des illes et des
épouses qui avaient été trop
longtemps marginalisées et ré-
duites à l’ennui. Dans un pays
où il n’y a pas de trottoirs, la rue
ne risque donc pas de gronder à
court terme, d’autant que très
nombreux sont ceux qui dans
le peuple et parmi les jeunes
princes apprécient le discours
et la pratique musclée du
Hors série - ØÙÚÛÜÝÛÜÙÞÛÜ ß àáâÙÚÜÛÙãÚâäÙãà
147
© GIUSEPPE CACACE/AFP
pouvoir contre la corruption.
Ce dernier ils d’Abdelaziz vient
de construire les bases de ce
qui pourrait devenir à l’issue
de son règne, le quatrième État
des Al-Saoud1, celui des pe-
tits-ils d’Abdelaziz. Un État en
rupture profonde par rapport
au précédent qui pourrait être
marqué par le rajeunissement
de ses cadres, par une libération
accrue des mœurs, par l’entrée
dans une ère d’après-pétrole et
de relux de l’extrémisme. Tou-
jours un Royaume, mais déjà
une monarchie moins absolue,
évoluant pas à pas du tribalisme
vers le patriotisme, le berceau
d’une puissance régionale qui
en continuant à se débrider
aura à éviter de sombrer dans
un nationalisme incongru. ■
1. Lire : Arabie saoudite, l’incontournable,
Jacques-Jocelyn Paul, Riveneuve
148

 Monde Afrique

L’entreprenariat :
un impératif à relever
L’Afrique fait l’objet, depuis quelques années, de toutes les attentions.
Elle attire et il y a lieu de s’en réjouir tant elle présente de nombreux
atouts naturels mais aussi humains. Les richesses minières, hydrauliques,
les capacités énergétiques fossiles ou renouvelables, les ressources
agricoles — la terre africaine est extrêmement fertile, elle s’adapte à
toutes les cultures et toutes les semences — contribuent à faire de ce
continent un véritable Eldorado.

© MARTHE VAN DER WOLF/DPA/AFP

Par Loïc Tribot La Spière, Délégué général du Centre d’étude et de prospective stratégique
et Henri-Nicolas Fleurance, avocat fondateur du Cabinet De Gaulle, Fleurance & Associés

C
ertains États ont fait
Tramway.
de l’entreprenariat en
Afrique un axe privi-
légié de leur dévelop-
pement, un véritable
levier de croissance. C’est le cas
de la Chine, dont plus d’un mil-
lion des ressortissants se sont
installés depuis quelques an-
nées sur ce continent, et qui a su
ADDIS-ABEBA en Éthiopie, au Gabon et des
projets stratégiques notamment
avec Djibouti. Néanmoins, un
certain nombre de points in-
terpellent car ils pourraient se
révéler être de véritables freins
à la dynamique engagée.
Disparités régionales
L’Afrique est un large terri-

immenses, une terre de 

initier des projets économiques toire dont les disparités sont
de grande ampleur en Algérie,

åæçèéêèéæëèé ì íîïæçéèæðçïñæðí - Hors série

 149

ALGÉRIE TUNISIE
Pib 174 Pib 40
Pop. 41,5 Pop. 11,3
Pib/hab. 4 187 Pib/hab. 3 553
MAROC
Tx croiss. Pib 1,8 Tx croiss. Pib 2,3
Pib 106 Exp. B&S 24 Exp. B&S 40
Pop. 34,1 IDH 0,745 IDH 0,725
Pib/hab. 3 092
Tx croiss. Pib 3,8
Exp. B&S 35 MALI TCHAD
IDH 0,647
Pib 14 Pib 10
Pop. 17,4 Pop. 12
Pib/hab. 825 Pib/hab. 790
Tx croiss. Pib 5,3 Tx croiss. Pib 0,2
SÉNÉGAL
Exp. B&S 21 Exp. B&S 30
Pib 15 IDH 0,442 IDH 0,396
ÉTHIOPIE
Pop. 15,8 Pib 78
Pib/hab. 973 Pop. 92
Tx croiss. Pib 6,7
NIGÉRIA Pib/hab. 845
Exp. B&S 29 Pib 400 Tx croiss. Pib 8,3
IDH 0,494 BURKINA FASO Pop. 188 Exp. B&S 8
RD CONGO
Pib 12 Pib/hab. 2 123 IDH 0,448
Tx croiss. Pib 1,2 Pib 41
Pop. 19
Exp. B&S NC Pop. 86,6
Pib/hab. 647
IDH 0,527 Pib/hab. 474
Tx croiss. Pib 6,1
Tx croiss. Pib 4,7
Exp. B&S 25
Exp. B&S 25
IDH 0,402
IDH 0,435
CÔTE D’IVOIRE
Pib 37 CAMEROUN KENYA
Pop. 25 Pib 29 Pib 75
Pib/hab. 1 477 Pop. 24,3 Pop. 46,7
Tx croiss. Pib 6,8 Pib/hab. 1 217 GABON Pib/hab. 1 607
Exp. B&S 33 Tx croiss. Pib 3,9 Tx croiss. Pib 5,5
Pib 14
IDH 0,474 Exp. B&S 23 Exp. B&S 15
Pop. 2
IDH 0,518 IDH 0,555
Pib/hab. 7 448
Tx croiss. Pib 1.3
Exp. B&S 41 TANZANIE
IDH 0,697
Pib par habitant Pib 51
supérieur à 10 000 dollars
Pop. 49,6
Pib par habitant Pib/hab. 1 032
entre 5 000 et 10 000 dollars
Tx croiss. Pib 7,2
Pib par habitant Exp. B&S 18
entre 2 000 et 5 000 dollars
IDH 0,531
Pib par habitant
inférieur à 2 000 dollars

Pib : Pib en milliards de dollars, estimation 2017, FMI

Pop. : population en millions d’habitants, 2016, FMI
Pib/ hab. : en dollars 2016, FMI
Tx croissance annuel du Pib : prévisions 2017, Banque mondiale AFR. DU SUD
Export de biens et services : en % du Pib 2016, source Banque mondiale
IDH : indice de développement humain 2015, source PNUD Pib 317
Pop. 56,8
Pib/hab. 5 588
Tx croiss. Pib 0,6
Exp. B&S 30
IDH 0,666

Hors série - òóôõö÷õöóøõö ù úûüóôöõóýôüþóýú

ÿE

E
  E 
E 
E  - Hors série
 151

 Monde Afrique

 contrastes où se côtoient

des pays riches et d’autres très
pauvres et dont les écarts ne
vont cesser de se creuser. Plus
les inégalités de revenus sont
fortes, plus la croissance est
faible, ce qui n’est pas sans inci-
dence sur la formation, la santé,
l’accès à l’emploi et la capacité
à entreprendre.
La sécurité demeure un point
incontournable pour assurer
un développement économique
pérenne. Constatons qu’elle

reste à préserver ou à recon-
quérir dans un certain nombre
d’États du continent malgré de
réelles évolutions constatées.
Chacune des cinq grandes ré-
gions qui la composent est
confrontée à l’heure actuelle à
des menaces, des tensions. Les
réponses apportées varient en
fonction des contextes écono-
miques et culturels, du niveau
d’organisation politique et des
capacités militaires avec des ré-
sultats extrêmement contrastés.
Croissance démogra-
phique sans précédent
Par ailleurs, la pression socio-
démographique et les priori-
tés se ressentent différemment
suivant que l’on se trouve au
Bénin, Gabon ou Soudan du
Sud. L’Afrique connaît une
croissance démographique sans
précédent et représente plus du
quart de la population mon-
diale. Selon les prévisions de
l’OCDE, elle pourrait passer de
1,5 milliard en 2030 à 4,3 mil-
liards en 2100. Dans ce contexte,
les villes africaines sont vouées
à connaître une croissance
exponentielle. Aujourd’hui des
mégapoles comme Lagos ou
Kinshasa concentrent une gran-
de part de la population et la
TANZANIE tiers de la population afri-
Terres arables. caine vivront en ville avec des
conséquences signiicatives en
matière d’infrastructures (lo-
gements, transports, sécurité)
et aussi en matière alimentaire
et bien sûr sanitaire. Le pire
scénario imaginable serait que
certains États se résument à
un, deux voire trois grandes
villes : que l’Afrique ne soit plus
qu’une collection de mégapoles.
Dans son dernier rapport
concernant l’Afrique, le Centre
de développement de l’OCDE
souligne que les villes d’Afrique
grossissent très rapidement
mais créent relativement peu
d’emplois « décents » et que,
globalement, les populations
souffrent aujourd’hui des in-
convénients de l’urbanisation
sans en tirer tous les bénéices
espérés.
Soulignons cependant des
contre-exemples de politiques
urbaines, volontaristes, concer-
tées, menées en Afrique, no-
© 1001SLIDE /ISTOCKPHOTO
autour de dix villes à taille in-
termédiaire), au Maroc (avec
des programmes d’améliora-
tion des habitats et de réfection
des sites, notamment à Fès, à
Tanger) ou en Éthiopie (avec
le développement de transport
public de masse, notamment le
tramway d’Addis-Abeba).
Réservoir d’avenir
La jeunesse est l’une des très
grandes richesses de l’Afrique
(70 % a moins de 30 ans et
dans certaines régions le ra-
tio peut dépasser les 80 %). La
jeunesse est un potentiel mais
également une ardente obliga-
tion à l’action, à l’éducation, à
la formation (il y aura environ
700 millions de jeunes Africains
à scolariser dans les quinze pro-
chaines années), à la création
d’emploi, au partage des res-
ponsabilités, une obligation à
agir différemment dès à présent.
C’est à travers ce formidable
réservoir d’avenir qu’il faut

ain de relever le déi de 

tendance ne paraît pas faiblir. tamment au Rwanda (avec une repenser le système éducatif
À ce rythme, en 2050, les deux stratégie de développement

Hors série -      

 152

LE GROUPE SNCF EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE

SNCF est l’un des premiers groupes mondiaux de transport de voyageurs et de logistique
marchande avec 31,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2015 dont 33% à l’international, dans
120 pays.

A travers ses filiales, le groupe propose une offre adaptée aux besoins actuels de l’Afrique en
matière de mobilité :
• la conception et la modernisation des infrastructures ferroviaires ;
• l’entretien des parcs ferroviaires ;
• la conception et l’exploitation des gares ;
• la conception ou l’exploitation des transports collectifs en site propre urbain et des
axes ferroviaires à haut débit ;
• l’apport de solutions intégrées sur la chaine logistique ;
• ou encore la formation des personnels et l’assistance aux décideurs.

Dans le domaine de la logistique, SNCF Logistics (Geodis), est

opérateur dans 11 pays du continent avec des implantations
principales en Afrique du Sud, Cameroun et Tchad, employant plus
de 400 personnes. Le groupe intervient principalement dans les
activités de freight forwarding et de logistique industrielle dans les
secteurs pétroliers, miniers et énergétiques.

Systra, groupe de conseil et d’ingénierie, leader mondial

de la conception des infrastructures de transports a
réalisé de nombreuses études sur le continent pour des
projets de réhabilitation de chemins de fer nationaux ou
des infrastructures nouvelles. Systra intervient aujourd’hui
en assistance à maitrise d’ouvrage au Sénégal sur le
projet du TER de Dakar ou encore en Ethiopie pour la
construction de la nouvelle ligne ferroviaire Awash -
Kombolcha - Hara Gebeya.

Pour tout contact :

Frédéric BARDENET, conseiller diplomatique & directeur développement Afrique

frederic.bardenet@sncf.fr / +33185078182

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Etoiles - Hors
– Secrétariat série
Général Groupe – 2 place aux Etoiles
CS 70001 – 93633 LA PLAINE SAINT-DENIS cedex - France

 Monde Afrique
 l’emploi qui passera par la
formation, la diversiication de
l’économie, l’industrialisation,
et le développement du secteur
tertiaire. Mettre l’homme en
situation de comprendre, c’est
nécessaire, mais le mettre en
capacité d’entreprendre, c’est
encore mieux. À cet égard, il
sera intéressant de suivre les ex-
périences menées au Maroc, au
Kenya, au Ghana, en Éthiopie.
Les déis de
l’économie
Constatons globalement que
les structures existantes et la
faible diversiication du tissu
économique ne permettent pas
de relever pleinement le déi
de l’emploi. Relever le déi de
l’économie est et reste le grand
challenge de l’Afrique. En l’oc-
currence, le premier déi à rele-
ver est celui de l’éducation et de
la formation : réduire l’inéqua-
tion du système éducatif à la
réalité du quotidien, revoir les
matières étudiées, promouvoir
plus systématiquement l’ensei-
gnement professionnel, repen-
ser les méthodes d’enseigne-
ment, veiller à l’adaptation et à
l’actualisation des compétences
du corps enseignant, inciter les
jeunes diplômés à tenter l’initia-
tive entrepreneuriale. Dévelop-
per les échanges intra-africains
est aussi une priorité. Ils repré-
sentent 12 % en Afrique (à titre
de comparaison, les échanges
intra-européens sont d’environ
60 %). De même que poursuivre
les efforts déployés en matière
153
Les villes d’infrastructures routières, éner-
d’Afrique gétiques, aériennes ain de faci-
liter les échanges et développer
grossis- l’activité économique.
sent très
rapidement
Dynamique nécessaire
de diversiication
mais créent et d’entreprenariat
relative- Veiller à ce que les politiques et
les administrations se mettent
ment peu
au service d’une vraie dyna-
d’emplois mique de diversiication et
décents. d’entreprenariat est une né-
cessité. Globalement, les éco-
nomies africaines restent trop
dépendantes des matières pre-
mières et bien sûr de la varia-
tion de leurs cours. Les entités
qui gèrent ces activités créent
peu d’emplois et n’offrent pas
à une population jeune et 
des proils de carrière sufisants
Hors série - %&'()*()&+() , -./&')(&0'/1&0-
 154

G U I N E E CO N A K R Y

Les Entreprises françaises sont à votre disposition pour

vous accompagner dans vos investissements en Guinée

Sont aussi présents sur la photo :

Mr L’ambassadeur de France Jean-Marc GROSGURIN, Mr le Premier Conseiller de l’ambassade de France
Mr Laurent FAVIER, Mr Lognara TRAORE Mission Economique

Agro industrie SOBRAGUI (Groupe CASTEL) ARISKY AZOUG

Produits pharmaceuiques LABOREX (CFAO) FREDERIC BRECHAT
Transports aériens AIR France HENRY LEDOUX remplacé par LAURENT ESNAULT
Logisique transports BAL (BOLLORE) BERNARD DE BUOR et MARC GERARD (absent)
Mines SMB FREDERIC BOUZIGUES
Automobiles CFAO JEAN-MARC JUILLIEN
BTP SOGEA SATOM LIONEL EXPERT
Gaz industriels SOGEDI CHARLY PERNOUD
Banques SOCIETE GENERALE MARC LEGUEVAQUES
Hôtellerie HOTEL NOOM JEAN-FRANCOIS REMY
Impression - Communicaion - Évènemeniel LA CARTERIE CONCEPT SYLVIE PASSEBON
Telecoms ORANGE BRELOTTE BA
Santé CLINIQUE A PARE NABIL SAAD
Audit experise BIVAC, VERITAS OLIVIER LEDERER
Pétrolier TOTAL CHEICK OMAR DIALLO
234567563856 9 :;<34653=4<>3=: - Hors série

 Monde Afrique
 dynamique. Il conviendra
notamment d’accompagner et
de soutenir la création d’en-
treprises mais aussi de suivre le
développement de ces activités
ain de les faire passer du stade
de PME au stade d’ETI et d’of-
frir un cadre juridique et iscal
beaucoup plus prévisible. Par-
mi les autres déis à relever, il
faudra veiller à une meilleure
circulation inancière et à une
mise en place de politique de
crédits ambitieuse. Saluons, à
cet égard, le rôle joué par les
grandes bourses africaines et
par les grands réseaux ban-
caires répartis dans plusieurs
États. Il conviendra aussi de
faciliter l’accès des entreprises
africaines au marché boursier.
Soulignons, à cet égard, le rôle
signiicatif mené par la bourse
de Casablanca au cours de ces
quinze dernières années. Ef-
fectivement, en quinze ans, la
bourse de Casablanca a en-
registré 43 introductions en
bourses et le marché a permis
ainsi aux entreprises de lever
environ 9 milliards d’euros.
Dans les années à venir, les
dirigeants africains devront
construire les fondements
d’une économie plus formelle
ain de créer des conditions
plus favorables à un dévelop-
pement harmonieux et pé-
renne. L’économie informelle
peut représenter plus de 80 %
du Pib dans certains États.
Plus de 85 % de la population
subsaharienne est exclue du
système inancier formel. Ils
Hors série - ?@ABCDBC@FBC G HIJ@ACB@KAJL@KH
155
auront aussi à mener des po-
litiques foncières innovantes,
qui sécurisent les agricul-
teurs, accompagnent et recon-
naissent les éleveurs notam-
ment au Sahel et à renforcer
la ilière agro-industrielle. En-
viron 60 % des terres arables
non exploitées se trouvent en
Afrique. La ilière agro-in-
dustrielle représente 15 % du
Pib africain. Cependant, elle
n’est portée que par quelques
États comme l’Afrique du Sud,
la Côte d’Ivoire, l’Égypte, le
Kenya, le Maroc, la Tanzanie,
la Zambie, qui transforment
localement un tiers de leurs ex-
portations agricoles. Et bien sûr,
ils ont à construire, dès à
présent, le fondement d’une
économie digitale… ■
 156

 Monde Afrique

ALGÉRIE
Un potentiel de développement,
mythe ou réalité ?

ALGER
La corniche.
© GUIDE D ALGER

Depuis une dizaine d’années, l’Algérie est portée par un vent de

libéralisation de l’économie et un désir airmé de l’État algérien
d’attirer les investisseurs étrangers. Malgré certains blocages politiques,
juridiques et économiques, ce pays garde toujours aujourd’hui un
potentiel extraordinaire de développement. Avec une population de plus
de 40 millions d’habitants dont 70 % ont moins de trente ans, les marges
de progression sont énormes.

Par Michel Bisac, président des CCE Algérie

F
orbes et Control Risks
viennent de classer
l’Algérie parmi les
trente derniers pays
(sur 154) dans le
monde où il fera bon investir
en 2018. Son voisin marocain se
place à la cinquante-cinquième
place et même l’Iran (100e) et
l’Égypte (101e) sont en meil-
leure position. Les facteurs rete-
nus dans cette étude sont entre
autres, l’innovation, les taxes, la
technologie, la corruption, les
risques politiques, la qualité de
vie, le droit de propriété.
Un potentiel de
développement qui se
transformera en succès
La loi de juillet 2009 sur le 51/49
(obligation d’avoir un parte-
naire algérien majoritaire) et la
baisse des tarifs du pétrole à par-
tir de l’été 2014 ont quelque peu

MNOPQRPQNSPQ T UVWNOQPNXOWYNXU - Hors série


refroidi les ardeurs. L’Algérie
se cherche, et a enin compris
que le travail, la diversiication
de l’économie, la production na-
tionale étaient des valeurs fon-
damentales pour ne plus avoir
les yeux rivés sur un cours luc-
tuant du baril de pétrole. L’ère
des marchands et des proits
rapides est terminée et l’impor-
tation sans valeur ajoutée ne
restera pas éternellement le mo-
dèle économique national. Un
seul mot d’ordre aujourd’hui :
restaurer les équilibres budgé-
taires tout en préservant les ré-
serves de change.
Des réformes
chaotiques
Des mesures incitatives à la subs-
titution aux importations dans
de nombreux secteurs (agricul-
ture, agroalimentaire, secteur
minier, matériaux de construc-
tion, pétrochimie, pharmacie,
plasturgie, construction métal-
lique, textile, automobile, élec-
troménager, électronique,….)
sont prises mais, au coup par
coup, sans une vision globale
et provoquant parfois des blo-
cages directs de l’économie.
Ces mesures font souvent l’ob-
jet d’ajustements, d’ordres et
de contre-ordres, empêchant
toute planiication et visibilité
à moyen terme (ne parlons pas
du long terme) compliquant
ainsi l’établissement des bu-
siness plans dont nos entreprises
ont besoin pour se développer.
En 2017, le pays a connu trois
Premiers ministres successifs
(Sellal, Tebboune, Ouyahia) et
la perspective des élections pré-
sidentielles de 2019 ne rassure
pas les investisseurs avec la suc-
cession du Président Abdelaziz
Boutelika ou la possibilité d’un
L’assèchement des liquidités 
cinquième mandat.
157
L’Algérie a
compris que UN MODÈLE ÉCONOMIQUE
la diversii- FONDÉ SUR LE SECTEUR DES
cation de HYDROCARBURES
l’économie En matière d’hydrocarbures, le pays est :
permet • 18e producteur mondial de pétrole brut et 15e exportateur
• 11e producteur mondial de gaz naturel et 8e exportateur
de ne plus doté de réserves importantes en hydrocarbures de schiste et un
avoir les potentiel majeur en énergies renouvelables.
yeux rivés Le secteur des hydrocarbures représente :
sur un cours • 19 % du Pib en valeur (30 % en 2014)
• 95 % des recettes d’exportations mais 2 % de l’emploi.
luctuant
du baril de Le secteur des hydrocarbures finance :
• le budget de l’État, à hauteur de 40 %
pétrole. • les importations du pays, dont l’intensité au Pib s’établit à 26 %
• la croissance hors hydrocarbures via les programmes
d’investissements publics
• les transferts sociaux (26,5 % du Pib).
DE NOUVELLES CONTRAINTES
À SURMONTER D’ICI 2019
Effets de l’ajustement budgétaire après un déicit de 13,7 %
en 2016, qui s’articule autour d’une réduction des dépenses
d’équipement (-28 % en 2017) et une progression de la iscalité
ordinaire. Le inancement monétaire du déicit comporte des
risques inlationnistes.
• Une contrainte extérieure qui reste importante :
- une balance courante en déicit (18 milliards de dollars en
prévision en 2017)
- une baisse des réserves de change (94 milliards de dollars en
prévision à in 2017)
- une dépréciation du dinar face au dollar de 20 % en 2015 et de
3,2 % en 2016
FACTEURS POSITIFS
• Des réserves de change à un niveau confortable (94 milliards
de dollars en prévision pour in 2017), qui représentent
environ vingt mois d’importations.
• Une faible dette publique (17,3 % prévu en 2017) et un faible
endettement extérieur (2,7 % prévu en 2017).
• Un niveau d’investissement public qui devrait demeurer élevé
(12 % du Pib chaque année jusqu’en 2019).
• Un niveau d’infrastructures développé par rapport
aux voisins (routes, raccordements électricité et gaz,
assainissement).
• Un secteur privé dynamique (agroalimentaire, BTP, santé). ■
Source : FMI, (*) prévisions
Hors série - Z[\]^_]^[`]^ a bcd[\^][e\df[eb
158

ghijkljkhmjk n opqhikjhriqshro - Hors série


 Monde Afrique
ALGER
Le port.
© GUIDE D ALGER

est aussi un autre facteur
d’inquiétude avec un allonge-
ment des délais de paiement
mettant en grande dificulté les
entreprises peu soutenues par
un système bancaire, qui devient
de plus en plus frileux pendant
que le commerce informel re-
présenterait presque 50 % de
l’économie. Le recours au i-
nancement non conventionnel
(autrement dit la planche à bil-
lets) pose aussi de nombreux
questionnements sur les dérives
possibles en termes d’inlation et
de dévaluation d’une monnaie
déjà en forte baisse : 140 sur le
marché oficiel et plus de 200
sur le marché parallèle. Vu de
l’extérieur, ces réformes parais-
sent bien chaotiques et l’insé-
curité politique bien réelle. Les
états-majors des grands groupes
se posent donc des questions
légitimes sur le bien-fondé de
leurs investissements et pour-
raient remettre en question leurs
priorités.
Le bon moment pour
prendre position
Le pays se réforme à marche for-
cée et la volonté de changement
159
est réelle. Une fois la phase d'ap- Les besoins sont énormes dans
prentissage dépassée, ceux qui tous les domaines et plus parti-
auront fait le pari de la réussite culièrement dans les secteurs de
des réformes entreprises auront l’agriculture, de l’agroalimen-
et garderont une avance certaine taire, de l’industrie (tous secteurs)
et des avantages concurrentiels et bien entendu du numérique
dificiles à rattraper. Pour les et des énergies renouvelables.
PME, il faut aussi proiter de L’Algérie est un pays d’une ap-
cette période de redressement proche compliquée qu’il convient
car le pays a besoin de savoir- peut-être de déconseiller aux pri-
faire dans tous les domaines. Et mo exportateurs.
même si cela reste compliqué, Toutefois, les opportunités sont
c’est le moment de trouver des nombreuses, à condition de sa-
partenaires algériens sérieux, voir identiier les projets et les
grâce à une sphère privée qui re- partenaires et surtout de se faire
gorge d’entrepreneurs de talent, accompagner. Patience, persé-
désireux d’investir et de déve- vérance, choix du bon parte-
lopper l’économie de leur pays. naire, accompagnement de qua-
Ces partenaires existent, l’argent lité sont les clés du succès dans
aussi et la main-d’œuvre est as- ce pays qui ne demande qu’à
sez bon marché et de plus en transformer son potentiel en
plus qualiiée et volontaire. réussite éclatante. ■
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de froid industriel et de traitement d’air pour les
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160

 Monde Afrique

AFRIQUE DU SUD
On repeint l’arc-en-ciel
CIRYL
RAMAPHOSA
Président de
l’ANC depuis
décembre 2017.

© GLYN KIRK / AFP

L’African National Congress vient de porter à sa tête Cyril Ramaphosa que
nombreux voyaient comme le successeur de Mandela dès 1999. Est-ce que
ce changement de leadership permettra à l’ANC de retrouver le supplément
d’âme qui lui a fait défaut pendant les années Zuma et de donner au pays
un nouvel élan pour réduire enin les inégalités et reprendre le chemin de la
croissance réelle dont il a besoin ?

Par Jérôme Boyet, président du comité Afrique du Sud des CCE

L
es milieux d’affaires Changement de
et les agences de no- paradigme politique
tation ont tendance à Jacob Zuma, igure historique
répondre positivement en exil et président de l’ANC
à cette interrogation. depuis le congrès de Polokwane
2018 pourrait voir l’économie en 2007 a cédé sa place à Cyril
sud-africaine enin dépasser ses Ramaphosa lors du congrès de
prévisions de croissance. décembre 2017. Pour rappel,

‚ƒ„…†„…‚‡„… ˆ ‰Š‹‚ƒ…„‚Œƒ‹‚Œ‰ - Hors série

 161

l’ANC est le parti au pouvoir
depuis l’élection de Nelson
Mandela en 1994. Jacob Zuma
reste formellement le président
de la République d’Afrique du
Sud. L’arrivée de Ramaphosa
est perçue par les observateurs
comme marquant la in des
années Zuma, caractérisées par
de nombreux scandales de cor-
ruption et un népotisme avéré
et décomplexé. L’espoir d’un
retour à une ANC plus proche
des valeurs de Nelson Mandela
se formalise. Cependant, cette
élection a laissé des fractures
profondes au sein du parti au
pouvoir et le nouveau leader
devra, avant toute initiative,
1. Stat SA : Poverty faible et ne permet pas la réduc-
Trends in South Africa
report 2017 – Individu
tion des inégalités, reparties à
vivant avec moins la hausse ces dernières années.
de 992 ZAR / mois À titre indicatif, on peut utile-
(65 euros).
2. L’État dépense ment rappeler que 55 % de la
l’équivalent de 6 % du population vit en dessous du
Pib dans son système
éducatif mais moins de seuil de pauvreté1. Cette pau-
15 % d’une classe d’âge vreté affecte particulièrement
entre à l’université.
3. Born Free Genera-
les jeunes de moins de vingt-
tion : personnes nées quatre ans, en lien direct avec
après 1994 (fin du leur faible niveau d’éducation.
régime d’apartheid).
L’éducation, problème sous-
jacent à beaucoup d’autres
devra être remise dans une lo-
gique d’eficacité et de qualité
pour tous permettant aux gé-
nérations futures de se battre
à armes égales avec les autres
nations et les émergents conti-
correctement qu’un nombre
trop faible de jeunes pour réel-
lement impacter la situation de
l’emploi2.
Enin, il n’y a plus dans la « born
free generation3 » de sentiment
de gratitude vis-à-vis des aînés
qui ont lutté contre le régime de
l’apartheid. Il est urgent pour le
pays d’intégrer ces jeunes dans
l’économie réelle qui est plus
une économie développée avec
de nombreux exclus qu’une
économie en développement
comme le martèle le gouverne-
ment. Élevés dans les idéaux de
justice sociale post-apartheid,
ils s’impatientent de la lenteur
de la transformation du pays et

richesses après vingt-cinq 

rassembler en interne. Issu de nentaux. L’éducation coûte de la faible redistribution des
l’action syndicale et de la lutte cher à la société et ne forme
contre l’apartheid, Cyril Rama-
phosa est vu comme libéral par
les milieux d’affaires du fait no-
tamment de sa réussite écono-
mique lors des vingt dernières
années.
Le premier test de Ramaphosa
sera sa capacité à surmonter les
divisions internes et à prendre
rapidement la présidence du
pays (le président sud-afri-
cain n’est pas élu en son nom
propre. Il est le représentant du
parti élu à la présidence du pays
et pourrait donc changer avant
la in de son mandat prévu à
la mi-2019). Au-delà de la po-
sition formelle, ce changement
de personne rendra sa capacité
d’action au gouvernement.

Des enjeux bien réels

Après environ huit ans d’inac-
tions, les principaux chantiers
« sociaux » du gouvernement
devraient être centrés sur la
lutte contre le chômage, l’édu-
cation et un meilleur partage
des richesses. La croissance de-
vra être redynamisée. Depuis
2011, celle-ci s’avère plutôt

Hors série - Ž‘’“‘’”‘’ • –—˜’‘™˜š™–

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 Monde Afrique
© BEN 1183/ISTOCKPHOTO
 ans de règne ANC. Les iné-
galités restent fortes entre une
population urbaine riche et
majoritairement blanche et les
campagnes, noires et pauvres.
Pourquoi s’intéresser
à l’Afrique du Sud
en 2018 ?
Tout d’abord, il ne faut pas
sur-réagir au jeu politique.
Malgré les dificultés évoquées
plus haut, l’Afrique du Sud
reste le pays le plus industriali-
sé du continent et une des trois
plus grosses économies. Ain
de maintenir cette position,
le gouvernement doit agir en
2018 et montrer des résultats
tangibles sur ses objectifs so-
ciaux notamment. Le statu quo
favoriserait l’érosion de l’élec-
torat ANC à la veille des élec-
tions présidentielles de 2019.
On rappellera que les dernières
élections municipales ont été
globalement perdues par le
pouvoir en place.
Cyril Ramaphosa est réputé
11:11
pour ses capacités de négocia-
teur. La situation dont il hérite
au sein de l’ANC et du gouver-
nement étant complexe et sa
base de support étroite, il sera
contraint de négocier pour ré-
former le pays. Les annonces et
les actes ne seront donc pas for-
cément toujours en adéquation
prima facie et le jeu politique
sera complexe et permanent.
Il devient donc indispensable
dans ce contexte pour les en-
treprises présentes en Afrique
du Sud, ou voulant y investir, de
rester au plus près de l’actualité.
Encore une fois, les actions plus
que les paroles ou promesses
seront à analyser.
Par ailleurs, il faut proiter
d’une sérénité retrouvée. Ces
réformes impacteront l’envi-
ronnement des affaires et de
nouvelles lois devraient faire
leur apparition ain de favori-
ser l’emploi formel. En consé-
quence, des ajustements seront
sans doute nécessaires pour que
les entreprises puissent proiter
163
© RAPIDEYE/ISTOCKPHOTO
CAPETOWN au mieux de la coniance re-
L’Afrique du Sud
est une terre de
trouvée dans le pays mais aussi
contraste entre dans la région. L’embellie sur les
une population matières premières et les renou-
urbaine riche et
majoritairement veaux politiques au Zimbabwe
blanche et les et en Angola devraient impacter
campagnes,
noires et pauvres. positivement l’activité sud-afri-
caine, favorisée par sa capaci-
té productive, sans équivalent
dans la zone.
L’élection du nouveau président
de l’ANC ouvre également une
nouvelle période dynamique
économiquement et stable po-
litiquement. Après des années
Zuma chaotiques et les chan-
gements tragiques de gouver-
nement, on devrait assister à
une normalisation de l’action
gouvernementale propice à
une amélioration du climat
des affaires. Cyril Ramaphosa
a été le grand organisateur de
la revue stratégique conduite
en 2015 par l’Afrique du Sud et
connue sous le nom de Natio-
nal Development Plan (NDP).
tions proposées devront être 
Même si quelques-unes des ac-
Hors série - ›œžŸ žŸœ¡žŸ ¢ £¤¥œŸžœ¦¥§œ¦£
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Document Classification: KPMG Confidential

 Monde Afrique
 actualisées, les grandes
lignes de ce plan, approuvé
par le parti, restent valides. La
ligne directrice des années Ra-
maphosa est connue.
Enin, malgré des prévisions
de croissance encore modeste
au regard de ses voisins du
continent, l’Afrique du Sud,
par sa taille et ses capacités de-
vrait arriver (en valeur) à res-
ter au contact des pays à forte
croissance comme le Kenya et
l’Éthiopie. Cela est particulière-
ment important car l’économie
sud-africaine, de par son sec-
teur bancaire fort et internatio-
nalisé reste très dépendante des
évolutions du taux de change
et des investissements directs
étrangers.
À surveiller :
consommation des
ménages, entreprises
publiques et pro-
gramme BBBEE
Grand indicateur de la santé
de l’économie sud-africaine
dans les dernières années, la
consommation des ménages ne
faiblit pas malgré les dégrada-
tions de note souveraine. Même
si elle est portée en partie par le
crédit à la consommation (dont
le taux de défaut reste très bas,
prouvant la solidité du système
bancaire et la maturité des mé-
nages) elle reste un bon indica-
teur de la santé de l’économie.
La crise que traverse l’entre-
prise Steinhoff (acteur inter-
national de la grande distribu-
165
La tion) depuis in 2017 pourrait
consomma- avoir impacté la coniance des
consommateurs et les chiffres
tion des du premier trimestre 2018 se-
ménages ne ront à surveiller. Cependant, le
« scandale » Steinhoff (des er-
faiblit pas
reurs comptables mises à jour
malgré affectant le bilan) pose princi-
les dégrada- palement le problème de « la
véracité » des comptes des en-
tions
treprises en Afrique du Sud. Le
de note sujet est déjà présent dans les
souveraine. scandales de corruptions dans
les entreprises publiques.
Moteurs de croissance mais
surtout acteurs majeurs de l’ac-
tion sociale, les entreprises pu-
bliques ont perdu leur compas
moral sous l’administration
les équipes dirigeantes re- 
Zuma. 2018 devrait donc voir
Hors série - ¨©ª«¬­«¬©®«¬ ¯ °±²©ª¬«©³ª²´©³°
 166
 Monde Afrique
© PAUL MAYALL/PICTURE ALLIANCE/DPA/AFP

nouvelées et les objectifs
revus et clariiés. Leur puissance
inancière et leur compétence
technique devraient permettre
un rebond rapide. Ce retour à
la normale est essentiel pour les
entreprises françaises qui sont
très compétentes dans les sec-
teurs concernés (eau/énergie/
électricité/transport/aviation/
armement etc…). Ce contexte
devrait également permettre
de faire bouger les lignes et de
casser certaines rentes de situa-
tion connues dans les proces-
sus d’achat de ces monopoles
d’État, ce qui est autant d’op-
portunités à saisir.
Enin réformées, les « SOEs1 »
Éditeur : CCE Communication SARL
au capital de 15 000 €
RCS Paris B 393 472 600
22, av. Franklin-Roosevelt
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Marie-Danielle Bahisson
Cogérants : Marie-Danielle Bahisson et
Emmanuel Montanié
Comité de rédaction :
• Membres : Marie-Danielle Bahisson
Claude-Bernard Dubédat,
Emmanuel Montanié, Jean-Pierre Salawi
µ¶·¸¹º¸¹¶»¸¹ ¼ ½¾¿¶·¹¸¶À·¿Á¶À½ - Hors série
doivent pouvoir pleinement
jouer leur rôle de développe-
ment et de « dynamiseur » du
pays, notamment s’agissant
de la modernisation des in-
frastructures. La réforme sou-
haitée par bien des observateurs
(notamment les agences de no-
tation) inclut une révision de
leur mode de gouvernance2.
En ligne avec les idéaux de la
« Freedom Charter » de 1956,
l’Afrique du Sud démocra-
tique a créé un système d’ac-
tion afirmative appelé BBBEE
(Broad Based Black Economic
Empowerement) dès la in des
années 90 ain d’effacer les iné-
galités du passé. Cependant, les
Journalistes : Sophie Marek
Tél. : 01 53 83 93 07
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Sandrine Weisz
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Secrétariat de rédaction :
Marie-Christine Claquin
email : mcclaquin@cnccef.org
Conception : Studio Baylaucq
Réalisation : Structure Visuelle
email : structurevisuelle@wanadoo.fr
Administration et gestion : Patrice Thiault
objectifs de transformation de
l’économie ne sont pas atteints
et depuis vingt ans le cadre rè-
glementaire de ce programme
est en perpétuelle évolution.
Les rapiéçages successifs de ce
système par les différents inter-
venants le rendent aujourd’hui
complexe, souvent contre-pro-
ductif, et freinant la croissance
car d’un coût élevé pour les i-
nances publiques et impactant
négativement les lux d’IDE.
Si les nombreux commentaires
des agences de notations et du
monde des affaires sont pris en
compte par le nouveau gouver-
nement, nous devrions assister
à une simpliication et une plus
grande lisibilité du système. Le
CONSOMMATION niveau d’inégalité dans le pays
SIgne positif de reste tel que la disparition d’une
l’économie, les
Sud-Africains forme de compensation entre
consomment. les communautés n’est pas en-
visageable.
Enin, plus que jamais, l’Afrique
du Sud est « la porte » qui
ouvre sur un marché régional
(Afrique australe) qui semble,
sous le coup de la reprise de la
demande mondiale et d’évène-
ments plus locaux, devoir entrer
dans une phase d’expansion. ■
1. State Owned Enterprises : nom habituel des
entreprises sous contrôle de l’État.
2. Au-delà des comités de direction, la tutelle
des entreprises publiques n’est pas unique. Cela
crée des conflits d’intérêts, de la distorsion de la
concurrence et des problèmes de responsabilité
des décideurs.
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Impression : Jouve, Mayenne
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