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Cas pratique : RS
Le cas RS, ou la volonté de susciter l'apprentissage organisationnel pour mieux gérer les
changements
L'entreprise RS, installée en Moselle, s'est créée dans les années 30 autour de la production
d'agrafes et d'appareils d'agrafage. En 1989, l'entreprise est rachetée par le groupe suédois IR qui
reprend à son compte l'activité des appareils d'agrafage. En 2010, RS emploie 147 personnes pour
produire et emballer des agrafes, pour un chiffre d'affaires de 60 millions de francs et 70 % des
parts du marché français. L'intégration au groupe suédois, suivie par l'arrivée d'une nouvelle équipe
dirigeante, explique, au moins en partie, les transformations rapides que connaît depuis RS :
changements technologiques et organisationnels significatifs, impulsion d'un nouveau style de
management. RS démontre une volonté certaine de développer des processus d'apprentissage
organisationnel, à travers une démarche planifiée et outillée du changement. Ces processus sont
notamment facilités par un style de management adéquat, mais ils se heurtent aussi à plusieurs
obstacles humains et culturels.
C'est une véritable stratégie de changement qui est mise en place depuis cinq ans dans l'entreprise :
d'une part, on note un fort volontarisme dans les actions et les transformations ; d'autre part, les
dirigeants ont un comportement d'anticipation par rapport aux évolutions externes et internes; enfin,
des objectifs explicites et précis sont formulés sur la base d'un diagnostic et des outils et démarches
sont mis en place pour tenter de répondre à ces objectifs. Il s'agit pour RS, selon son directeur, de “
réaliser des gains de productivité et de rationaliser la production pour répondre à une tendance du
marché à la baisse depuis huit ans et à une forte concurrence des pays asiatiques ”. Cette stratégie
de changement est planifiée et réalisée en deux temps : entre 2005 et 2008, une rationalisation de
l'outil de production, qui se concrétise par le passage d'une organisation en machines
conventionnelles à une organisation en lignes de production, avec pour toile de fond une démarche
de certification qualité et un aménagement du temps de travail ; entre 2008 et 2011, la mise en place
d'équipes autonomes ou îlots de production. Cette seconde phase est détaillée ci-après au sein de
l'atelier “ photocopieurs ” (A-900).
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La cadence et les objectifs de production restent le domaine sur lequel les salariés semblent les plus
sensibles à ce nouveau type de management, plus participatif. Les objectifs sont mieux acceptés
puisqu'ils sont discutés au préalable et non plus imposés. Mais la vision des salariés de ce
management participatif récemment instauré n'est ni naïve ni utopique. Ils sont conscients et
acceptent aisément que les décisions importantes soient du ressort de la direction. Ils apprécient
simplement d'en être mieux informés, de mieux comprendre les situations, les décisions, les
problèmes éventuels, et d'être mieux écoutés et mieux considérés. Des gestes aussi simples qu'une
poignée de main, une visite régulière dans les ateliers, une écoute disponible sont les manifestations
concrètes et quotidiennes du changement de style de management et contribuent manifestement à
établir un climat de confiance et d'échanges entre salariés et dirigeants.
Des obstacles principalement culturels mis en avant dans les discours des dirigeants
Ce style de management, insufflé depuis quelques années chez RS, est vu comme une condition de
réussite majeure du changement, mais il est aussi la manifestation des obstacles humains et culturels
que rencontre cette même stratégie de changement. En premier lieu, les responsables soulignent une
remise en cause culturelle difficile à mettre en action : le nouveau style de management bouleverse
1'habitude de la hiérarchie, le sens du respect et de la peur du chef, le comportement
traditionnellement passif des salariés de RS. Et, si les salariés de l'A900 majoritairement récents
chez RS ont facilement accepté et su apprécier ces nouvelles relations hiérarchiques, ce n'est pas le
cas de l'ensemble des salariés de l'entreprise, notamment les plus anciens. En second lieu, on note
également dans les discours des dirigeants une insistance sur la peur des salariés face au
changement, leur méfiance systématique, un certain manque d'ouverture, et le trop faible sentiment
d'appartenance au groupe suédois. Enfin, le responsable de production insiste sur le fait que le
changement de management n'est ni facile pour les salariés, ni pour les dirigeants. L'évolution ne
peut être que progressive et le projet des “ 5S ”, à travers les formations qu'il implique notamment,
est aussi destiné à constituer petit à petit ce ciment nécessaire au fonctionnement en équipes et à
l'esprit de groupe. Ainsi, les responsables de RS placent au cœur du processus de changement
l'évolution du style de management et tout ce qui l'accompagne : elle est à la fois, selon eux, le
facteur de succès du changement et en contient en même temps les limites et obstacles. Les salariés
de l'atelier A900, alors qu'ils se trouvent en pleine phase de changements organisationnels et
managériaux, expriment une opinion et une vision globalement approbatrices du changement, mais
non dénuées de perplexité, voire de critiques.
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cette participation n'est souvent que factice et que, bien que consultés, les salariés n'ont “ finalement
rien à dire” face à des décisions qui “ viennent de plus haut ”, comme celle de venir travailler le
samedi par exemple, ou encore celle d'augmenter le nombre de palettes à produire par jour. Certains
vont même jusqu'à évoquer un climat de méfiance entre salariés et avec les animateurs, ce qui
conduirait les salariés de l'atelier à ne plus s'exprimer sur les problèmes rencontrés ou des demandes
à formuler.
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ou seul, ça ne change rien. Mis à part le salaire qui peut peut-être motiver!; c'est ce que chacun
recherche quand même. Je lui ai dit, on n'a rien pour rien. Donc, il faut voir ...”.
Une emballeuse
Apparemment vous n'étiez pas là, mais il y a eu un changement de direction il y a quelques années,
est-ce que vous avez l'impression que cette équipe dirigeante essaie d'instaurer le dialogue ?
On a un bon directeur. Même un jour, on avait des problèmes aussi, et il nous a dit que sa porte était
toujours ouverte. Donc moi 'e n'attends pas trop longtemps. Il faut aller voir si ça marche. On y est
allé, il nous a écoutés, et la réunion s'est faite l'après-midi sans problème, Donc, c'est un directeur
qui est à l'écoute.
Une emballeuse
Monsieur x vient tous les mois nous faire une réunion îlot, donc il décide ce que l'on avait décidé ou
pas. C'est comme le cas là : il y a une dame qui est enceinte qui vient de la 110, donc elle n’est
souvent pas là, elle est absente. Donc on a demandé ce n'est pas normal qu'elle soit dans l'efficience,
parce que c'est nous qui prenons. On a dit que l'on n'était pas d'accord. Parce que de toute manière,
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après elle retourne à la 110, donc ce n'est pas la peine qu'elle soit dans notre îlot, Nous on n'est pas
d'accord, donc on s'est rassemblées. Et Monsieur x a décidé qu'elle ne serait pas dans notre îlot. De
ce coté là, c'est bien.
Et vous avez l'impression que c'est bien pris en compte, qu'il y a une écoute ?
Oui.
Ce qui n'était pas le cas avant ?
Il y en avait moins. Moi, j'étais très autonome, je savais où tout était, parce que chacune était seule
sur sa machine. Nous, on n'avait pas commencé les îlots. Quand on avait un problème, on allait chez
le chef d'unité.
Et la réunion à laquelle on a participé la semaine dernière, on vous donne un certain nombre
d'indicateurs, on fait le point mensuel. Est-ce que vous participez à la définition des objectifs qui
sont fixés ?
Oui. On l'avait fait, c'était la réunion au mois de décembre, on avait fixé nos objectifs, parce que M.
1., il avait dit : “ c'est à vous de voir ce que vous voulez atteindre ”. Nous, on a mis tout ça en place,
et c'est vrai qu'actuellement on les tient. Donc, c'est vrai que, d'un côté on est fiers aussi de pouvoir
y arriver et d'atteindre ces objectifs. On participe oui, peut-être pas à la dernière réunion, parce que
c'est juste les chiffres que les animateurs donnent et ce sont eux qui font les calculs, mais quand on
a mis ça en place, on a bien participé.
Et ça contribue à vous... vous pensez que ça vous motive plus au travail, de dire “ on s'est fixés les
objectifs nous-mêmes” ?
Oui. On est plus motivés.
Et au plan des relations humaines? Très bien.
Ça a changé depuis que vous êtes là ?
Avant on avait un autre directeur, il passait, c'était bonjour sans serrer la main, alors que là, M. W.,
il vient chez nous, il nous serre la main...
Le changement n'est ni facile pour les salariés, ni pour les dirigeants. L'évolution ne peut être que
progressive et le projet des “ 5S ”, à travers les formations qu'il implique notamment, est aussi
destiné à constituer petit à petit ce ciment nécessaire au fonctionnement en équipes et à l'esprit de
groupe. Ainsi, les responsables de R8 placent au cœur du processus de changement l'évolution du
style de management et tout ce qui l'accompagne: elle est à la fois, selon eux, le facteur de succès
du changement et en contient en même temps les limites et obstacles. Les salariés de l'atelier A900,
alors qu'ils se trouvent en pleine phase de changements organisationnels et managériaux, expriment
une opinion et une vision globalement approbatrices du changement, mais non dénuées de
perplexité, voire de critiques.