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Psychologie des grands

calculateurs et joueurs
d'échecs / par Alfred
Binet,...
Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque H. Ey. C.H. de Sainte-Anne
Binet, Alfred (1857-1911). Psychologie des grands calculateurs et joueurs d'échecs / par Alfred Binet,.... 1894.

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Binet A.

Psychologie des grands


C~M~~M~M~M~

Hachette

Paris 1894
Symbole applicable
pour tout, ou pa~t!e
des documents microfilmés

Texte détérioré reliure défectueuse

N F 243-120-~
Symbote applicable
pour tout, ou partie
des documents microfitmés

Or<g<naH«<s<bte

NPZ43-120 ~!0
PSYCHOLOGIE

DES

GRANDS CALCULATEURS

ET

JOUEURS D'Mt~CS

PAR

ALFRED BINET
Utt'Ct'teur
adjoint
du Laboratoire de p«ycho!û{tic des Hautoa Ktudos
ph;'s!o!ogi({uo
ta Sorhonne
~<

Co
S

PARIS

LIBRAIRIE HACHETTE ET C'~

BOULEVAHD 19
~9, SAtNT'GERMAtN,

18~4
FSYCH~LCGtE

n):s

GKAND8 CALCULATEURS
MT

JOUEURS
D'i~CHECS~
AUTRES OUVHAGË~ DE M. A. BtNKT

,I, r

Le Magnétisme animal (en co!taborat.to~ avec M. Cu. FÉt~),


4° édition, 1894; < vol. ÎQ-8 de la ~~M~~Me ~ctpt~t~Mf
<M<e<'Ma~oHa~ (Parts, F. Atcan.)

Les Altérations do la personnalité, 1 vol. h<-8, t892, de ht

~tA~o/Ac</M<' &c~M<~Ke <M<et~<ï~tOM~~e (Paris, F. Atean.)

OM~rage Ctm)'ottn6 par rActutônth* des 8o!o)ee~.

La Psyohologie duraisonnement, recherches part'hyp~oUsmc;


vol. m-i2, ~8û, de la Bt6~o<?Me de p~?~~tc cc/~cw-

p~tMC (Paris, F. Atcan.)

La Perception extérieure (Mémoire couronne par rAcadcmtc


des Sciences morales et potiUques~

Études de psychologie cxpôyimentate (le fettchtsme dans


!'amont', la vie psyctuqae des mtcro-orgamsmcs, etc.). 2"édt-

Hon, i89t. (Paris, 0. ï)om.)

PsycMo Mfo of Micro'organiams~ traducttcn ang!n!sc de


Me Connack. Chicago, i89U.

Das Seelenleben der klefnsten Lebeweson, traduction aHc-


mande du W. Mcd:cus. ttaHe, i89~.
i

Double Consciousnesa. Cliicago, t89i.

ïntroduotion à la psychologie expérimentale, i vol. !o-i2, 1S94.

(Par:s,F.A!can.)

Bulletins du laboratoire de psychologie physiologique, pubHcs


sous la direction de A!M. Beaunts et Mmet, années i8U2 et
t893. (F. Atcan, Parts.)

Con!f<nnttcF~. tmp. t'ACt. BHOUAUt).


ir
PSYCHOLOG~
6~4
DES

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L<tbfn'a<oirM <!f<t
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H!aSofbottne

PARIS
LIBRAIRIEHACHETTE ETC~
ROULKVAtW
79, SAtNT-GEHMAtX,
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DroIte
ci' 1894
tt.1'de
"p,odtletlon
rit4rt4t
A

M. H. BEAUNIS

MRECTEUR OU t.ABOMTO!M DR PSYCMOLOOtR PttYSMt.OOÏQMB

OH LA SOMttONK!!
PRÉFACE

Depuis plusieurs mmées, je poursuis des recher-


ches sur les diverses tortues de la mémoire~ avec
ridée directrice que ces recherches pourront être

de quelque utilité pour la pédagogie.


Je me décide aujourd'hui a publier cptelques-uns
de mes résultats partiels.
On trouvera dans ce livre deux études la pre-
mière concerne les calculateurs prodiges; elle a
été faite, en grande partie, sous l'inspiration de
M. le professeur Charcot, mon regrette mattrc.
Mlle rentct'Mc des aperçus nouveaux sur la
mémoire des chiures~ sur les calculateurs du type
auditif et du type visuel~ et sur la famille natu-
relle des calculateurs prodiges. La seconde étude~
dont ridée m'a été suggérée par M. TainCy n
t'K~FACË.

pour objet ta memotrc des


joueurs d'échecs
qui
jouent l'aveugle. ~y décns, !a
poMf première <bt8

pcut-~tre, une ibrme de la


par~tcuttère mémoire

visuelle, que je sous !e nom de ~wo~


désigne
p~
~o~c~c.
PSYCHOLOGIE

DES

$MND~CALGUM~

ET JOUEURS D'ÉCHECS

PREMIÈRE PARTIE

CHAPITRE i

!Ï!STOR!QUE.

Connue introduction a Fctude cxpcnnMntatc que


~nous aUons présenter sur quelques
calculateurs remar-
~qumMes, nous pensons qu'il peut être utHe de rappeÏcr
brièvement les noms des calculateurs prodiges qui les
Ont précèdes, et d'entrer dans quelques détails relati-
~vcment n tapsychotogte de ces catcutatcurs.
~ctrc étude, à teur égard, restera matheureusemeut
~superucieUe, parce qu'elle sera faite de seconde main,
sur des documents écrits~ et en outre parce que ces
~documents sont toujours très incomplets. Pour les plus
t
2 PSYCttOLOGtB DES (iKAXDS MLCULATËUKS.

anciens calculateurs, rien d'étonnant & cela; on peut

supposer que ïes écrits de ceux qui les ont étudiés

ont disparue !a des documents est plus éton-


pauvreté
nante et plus regrettabtc quand H s'agit de catcutateurs

qui appartiennent à notre stccte. Henri Mondeux~ te

pÏus connu de t&u~ s'est présenta t'Ac~ademîe des

Sciences en 1840; t! a été !'ob;et d'un rapport étendu

que nous pubÏions Ïoin~ et c~i émane de Cauchy,


plus
Ï'ittustt'e mathématicien. On pouvait donc supposer

que ce calculateur a eu !a bonne fortune d'être exa-

mine sous toutes ses faces. Erreur comptète. Pour


.7
montrer par un seul mot les lacunes des recherches

dont il a été nous nous contenterons de dire ?


l'objet,

qu'on n'a pas mcme à mesurer régulièrement sa r


songé
mémoire des chiHres.

Le nom te plus ancien de catctuateur prodige est 1.;


celui de sur donne }~
tcquct M/Scripture~
les suivants « Lucien disait
renseignements qu'il ne

pouvait mieux kuer un catcu~ateur que de dire qu'il


calculait comme Nikomachos, de Gerasa. Ceci se rap- <

porte-t-tt aux pouvoirs de calculateur de Nikomachos,


ou à !a fameuse introduction à Farithmétique qu'il
a écrite? On ne sait. De Morgan incline vers !a pré"
mière opinion, Cantor tient pour Ïa seconde. La tra-

duction Mttérate du passage pÏacc indubitabicment {


Nikomachos les caicu!atcurs habiïes. M (.
parmi
Z~ /M~c/f~M<~ ~~c/ ~e«M~. M. Scripture }
donne quelques renseignements très brefs sur ces

1. ~w<K'~ /oMrM<t~ o/' /c~o~, avt'tt t88t, v<~L tV, p~ i.


M. ScMpttH'c M pubtté une t'ctnat'quubtc étuJc ht<ttot'Êqnc sur Ïc~
cotc~iateMM prodt~s! M<t8 lui ferons do hM'~es emprunts.
H!eTO!UQUB. S

marchands, qui étaient, paralt-i!, très habiles à cal-


culer de tête dans leurs marchés, où ils avaient affaire
à des Anglais qui se servaient de crayon et de papier;
mais on ne cite aucun exemple de ces calculs. 11 nous*.

sembb et on nous~ a souvent dit –tt~Ïcscom~


mcrçants trouvent de grands avantages dans le calcul

mental ils ont parfois besoin, pendant une négocia-


tion, de céder surun prix et de se rattraper sur un
autre~ toute l'opération doit être faite de tête, très

rapidement, pour que le client ne s'en aperçoive pas


et ceux qui n'ont point d'aptitude au calcul mental ont
une grande infériorité. Dans beaucoup d'écotes com-
tnerciates, par exemple à récote La Martiniere de Lyon,
on développe spécialement le calcul mental.
~<A~M le Cc~. L'indication de ce calculateur est
tirée d'un article fort intéressant
BeMgne dans de M.
la ~'M<? <?~cy<<' (1893). Cet auteur a trouvé le 1
no<n de Mathieu le Coq cité dans la relation du 3" voyage

accompli en Italie, en 1664, par Balthasar de Monco-

nys, que le duc de Chevreuse accompagnait.


« Le voyageur raconte que se trouvant à Florence,
le 15 juin, « un Lorrain nommé Nicolas le Coq, qui
« se môle de peinture, amena un petit-fils qu'il a,
« nommé Mathieu, Agé de huit ans seulement, lequel
« dès l'âge de six ans commença de faire sans savoir ni
« lire ni écrire toutes les plus difficiles règles d'arith*

« metique, comme les quatre premières, la règle de


« trois, de compagnie, racines carrées, cubes, et cela &
c l'instant qu'on lui en fait la proposition; il est assez
« beau, répond et spirituellement aux
agréablement
c choses qu~on lui dit, et a le teint un peu plombé M.
PSYCHOLOGtË DES GRANDS CALCULATËUHS.

« Monconys mourut l'année suivante à Lyon, sa viÏÏe

nataïe, et on n'a pu trouver nuï!e part aiÏïeurs trace


de rendant précoce, dont les bonnes gens attribuaient,
non sans raison, dit naïvement ïe narrateur, ïc mcr-
veiÏÏcux talent a Ïa coÏïaboratjon active de~q
~s~it ~amffier. M

S! ce récit ne tenait pas presque entièrement de la

Ïegende, ce serait Ïa peine de remarquer que Mathieu


ïe Coq présentait deux caractères fréquents dans ta
famuie des caîcuÏâteurs prodiges précocité et !gno-
t'ance. !Ï est à noter que la plupart de ses paretts pous-
sent très totn Ïa <acuhé de calcul mental avant de savoir
lire et écrire.
¡,
T~w 7~< Thomas Fut!ey~ surnommé Ïe catcu-
htteur de Vtrgime, ou Ïe catcuTateur nègre, est un

exemple curieux de calculateur ignorant} iî était esclave


f"
dans Ïa Virginie et ne savait ni lire ni écrire, iï i
mourut à quatre-vingts ans sans avoir jamais appris, t
C'était un cscïave africain, qui vivait vers ïe milieu du
siccÏc dernier. On
rapporte à son sujet quelques anec-
dotes qui manquent un peu de précision. V~ici l'une
d'cÏïes. « Quand i! avait environ soixante-dix ans (on j,
voit que ses pouvoirs de calculateur ont résîstc aux

années), deux gentlemen de Pcnsyïvanie.WHÏiam Harts-


i:
horne et Samuel Coates, hommes dignes de toute ¡
confiance, ayant entendu parler de FuUer, curent Ïa
curiosité de Ïc ~aire venir devant eux, et lui posèrent t;~
Ïc~ probïcmcs suivants D'abord, combien y a-t-iï de
secondes dans une année et demie? Fuïïer répondit,.

1. Sct'tptm'c~ o~. c~ p. 2, ctA'~<M'c/~c /~oy~A«'~tc/e de


Didot, arL t'*ULtEM.
HÏSTOÏUQCK. 5

en deux minutes, qu*i! y a 47304000 secondes. En


second lieu, combien de secondes a vécu un homme

qui a soixante-d~x ans,


dix-sept jours et douze heures?
Fu~cr réponde, en une minute et dénué, 2210800800.
..a.
Unde&mcAsieur&quLl'exaHunaient ava~~
de faire le calcul avec le crayon a la main, et dit a
FuHcr qu'il se trompait, et qucÏc nombre des secondes
était moins grand. Mais Ï~uÏïer lui montra avec
vivacité que la différence des deux resuttats tenait
aux années bissextiles. a Les exemptes que nous don-
nerons plus loin montreront que le vieux Mtep n'était
dans Si les chifR'es
pas très rapide ses calculs. qu'on
nous a transmis sont exacts~ on peut s'étonner que,
quoique la seconde opération citée soit beaucoup pms
cotnptiquec que la première, elle ait pris cependant
moins de temps. Ce simple détail evcine notre
méfiance. ~'attachons pas trop de valeur a des docu-
ments aussi anciens
J~c~M/t ~M<~oM Né en 1702, a Etmeton, près
de Chesterneld (Angleterre), mort en 1762, Buxton a
été le contemporain de Thomas Ï~uUer. C'était un

pauvre ouvrier, qui ne reçut aucune éducation; bien

que fils de maître d'école, son instruction fut négligée,


on ne sait pour quelle cause, au point qu'il était inca-

paMc de griffonner son nom. On voit que nous ne


sortons pas des calculateurs ignorants. Celui-ci était
même, à ce qu'on assure, d'une intcUigence au-dessous
de la moyenne, et ce fut avec les plus grands efforts

t. Yoh' H. Gt't'g'~tpc, J~e~t /t~'<ï~<* </M ~V<~<'ca.


2. Sct'tptuM, < ct< D!<tot, o/c~ Mtchaud, ~<o~A/<'M~<-
~Mc~< art. BuxTttx. ·
6 PSYCHOLOGIE DES GHA~&S CALCULATEUns.

qu'il parvint à <âire vivre sa nombreuse famiïÏe. H <ai*


sait pendant Fbiver le métier de batteur en grange, et
H était pêcheur pendant i'cté.
On a souvent raconté jusque quel point it poussait
ia manie du caïcut, ne voyant partout qM des cbiNres
et es prétextes a opérations mentales, rcsprtt com-
p!ctement pour le reste. Lorsqu'il vint à Lon-'
dres se soMmcttrc à !'examen de ïa Socïétc roya!c, on
Ïc mena au théâtre de Drury-Lanc, pour lui montrer
~c~jouc par Garr!ck. On !m demanda ensuite
sï !a représentation lui fait p!a!Str it n'y avait
trouve qu'une occasion de faire des catcuïs; pendant
les danses, H avait nxe son attention sur !c nombre de
pas exécutes iï y en avait 5 202; H avait également
compte ïe nombre de mots que les acteurs avaient pro-
nonces ce nombre était de 12 445 i! avait compte a
part Ïe nombre de mots prononces par Garrick, et tout p
cela fut reconnu exact, h
Payons maintenant de sa puissance de calculateur.
H avait appris ïa table de muttipticatton; citait la {
seule instruction qu'it eût reçue it conservait en outre 'y
dans sa mémoire un certain nombre de produits qui
facilitaient ses catcu!~ comme te nombre de secondes
contenues dans une année. II ramenait toutes tes ton"

gueurs a un éta!on bizarre, répaisseur d'un cheveu, et


savait d'avance combien i! y avait de ces épaisseurs
dans un miUc 'ICO~ mètres}. Sa tabïe de mesure,
qui était fondée sur des expériences, était !a sut-
vante
HÏSTOMQUE. 7
<
S 200 gt'ams d d'otk~e
20ü orge
3Qt~t;rtlirts de
SOOgt'atcsdch'omcttt ft`atttettt t
M2g't'a!n8d<'M!e
MOgrnmsd'~ne M,,t contenu d~
ots ttn cetl~e ~`ctn P'
do pûttee.
(
~M~
~0 ÏcnttHcs
2 ~Ot cheveux longs d'M:< pouce
j

On cite l'exemple suivant d'un de ses catcuts

¡ QMe!qH"un lui ayant demande combien dans un corps

c~t: auratt 231457~ \-c:'gcs de Ïong, 5642732 de

Ïargc, et 54~65 Je tmu~ t!yade huitièmes de pouce

cubique, ctnq heures lui suffirent pour donner la

réponse exacte, bien qu'il fit ce calcul au milieu du

brutt, entouré par plus de cent de ses compagnons de


travatt. Son attention~ quand il calculait, était si bien
nx6e sur les chîures, que rien ne rcn pouvah dtsh'atre.
Ce n'était pas seulement un calculateur mental de

pu!ssancc;
grande u avmt en outre Ïe coup d'œU très

juste, ce qui lui donne une pïace à part dans la grande


famtUe un peu monotone des calculateurs. On dit de
lui qu*i! parcouratt à grands pas un pays, ou un simple
morceau de terrain, et pouvait ensuite en donner la
contenance avec autant d'exactitude (?) que s'it t'avatt
mesure avec ïa chaîne. !t mesura de cette manîèrc
toute Fétenduc de la seigneurie d'Elmeton, de quetques
nnuters d'acres (l'acre est de 4 04~ mq.), et donna le
resuttat, pour sa satisfaction personnelle, en pouces
carres, et même en carrés ayant l'épaisseur de che-
veux

Buxton mourut pauvre et ignoré dans son


village
il mourut, comme Thomas Ftiller, a un Age avancer
PSYCHOLOGIE M8 GttANOS CALCULATEURS.

ces prodiges ne sont pas nécessairement condamna


comme on Fa dit parfois, à disparaître jeunes.
–Pour un moment, nous quittons la ~amiHc
des calculateurs professionnels, pouf dire
quelques
mots des mathématiciens qui ont etc des caicniat~m*~

pûînarqu~îcs. J~a~ Ïe scntttMent que ce sont ià deux

groupes bien distincts d'individus. Le calculateur, teï~

que Fuuet*, Buxton et bien d'autres que nous citons

plus loin, reste calculateur' toute sa vie, tournant dans


un cercle étroit; son esprit n'est point ouvert aux ma.-

thematiques, et ators même qu'i! trouve un maître


habite pour lui enseigner les cïements des sciences, il

profite peu des leçons. Les mathématiciens présentent


parfois, dans les premières années de leur
enfance, la
même aptitude pour les opérations de calcul mental; f
mais ce n'est qu'un accident dans Ïeur existence ils
sont destinés à s'élever bien plus haut.
La vie d'Ampère (André-Marie) n'appartient donc

que par les premières années à notre sujet d'étude;


pour !e reste, cet esprit si !ar~ctncnt encyclopédique
ressemble bien peu, avouons-le, a l'esprit fermé des
calculateurs de profession. On rapporte d'Ampère qu'ii
manifesta son précoce génie dans sa passion pour
l'arithmétique. Agé de quatre ans, ne connaissant ni
ses lettres ni ses chiUrcs, il mettait à bien de longues

opérations de calcul mental au moyen de petits cai!-


Ïoux
Ca~ Ce mathématicien, que l'on a considéré

de Mtehaud, nouv. t'd.,


1. Ara~, d«tts /7<'<~«t/~c MMt'<'<'Mc//<'
art. AMt'RHR. Voit' <atcmcttt Didot, f~. cil., et Satnte-Bcuvp,
~w<' ~<~ ~< ~w~M, 1837, t. tX, p.
HtSTOM~UB. 9

comme le plus grand géomètre de ce siècle, était ega-


lement un calculateur prodige; seulement te mathé-
maticien a fait oublier le calculateur. On rapporte une
anecdote qm, si elle est exacte, prouve chez lui une

pTécoeité vraiment e~trao~pdinMpe~Son~p


l*habitude de paycf ses ouvriers à la fin de la semaine,
et il ajoutait le prix des heures supptémentatres cal-
culé sur le prîx du salaire de chaque jour. Au moment
où son père venait de finir un de ses calculs et tirait

l'argent, l'enfant, qui avait alors trois <ï~ peine, et


qui avait suivi les opérations de son père sans qu'on

prit garde à lui, s'écria « Père, père! le calcul est


faux; voici la somme ». On refit t'opération avec une

grande attention, et on s'aperçut a l'étonnement géné-


rât que la somme était bien celle indiquée par le petit
enfant.
Zc~A Co~M. L'histoire de ZcrahCotburn serait
extrêmement intéressante si elle reposait sur des docu-
ments dignes de confiance; il n'en est malheureusement

pas ainsi. Leprincipal document qui reste de lui est


son autobiographie, et comme il s'est exhibe dans des

représentations publiques, et qu'il parte de lui-même


avec une vanité insupportable, on peut supposer à bon
droit que cette biographie est une réclame.
Xerah Coiburn naquit le i~ septembre 1804 dans
t'Ëtat de Vermont (Ktats-Unis). Son père s'aperçut un
jour par hasard de ses aptitudes singulières pour le
calcul mental. L'enfant répétait tout haut les produits
de la table de multiplication « six fois huit font qua-
rante-huit, etc. ». Le père, voyant que ses réponses
étaient correctes, lui demanda combien font 13 X ~7?
1

!0 PSYCHOLOGtE DES GRANDS CALCULATEURS.

et l'enfant répondit aussitôt 126L !î avait aïorssix


ans c'est Zerah Coïburn lui-même qui rapporte t'anec-
dote. Le père vit dans ce don pour !c calcul un moyen w
de gagner de {'argent, et il eut ridée d'exhiber son ï
fils. Coïburn est ïe premier catcutateur qu'on ~it tait
voir dan$ des Mpt'éspntat~ons publiques. Il inaugure
!a série des ~M~~c~. ï! fut montré à MontpcÏicr

(Amérique), puis à Boston, puis fut amené à Londres,


et vint à Paris en i8i4. Là ses représentations n'eu-
rent pas grand succès, ce qu'il attribue & la frivojite
du peuple lançais. Grâce à l'appui et aux recomman-
l'
dations de Washington h'ving, il fut admis comme {
eÏèvc au Iycéc Napoléon. Son père,, se trouvant sans
ressources, eut Ï'idce de le pousser vers le théâtre; il
se nt acteur, mais sans succès; en i821, abandonnant
cette nouvelle carrière, il fonda une école privée, qui
ne dura qu'un an. Ï! retourna en Amérique et ses idées
se tournèrent vers la religion il s engagea parmi les
Méthodistes, fit des sermons, fut ordonné diacre. Le
dernier de ses avatars nous le montre professeur de
latin, de grec, de français, d'espagnol et d'anglais dans
un semina!rc portant te nom de « Norwich Univer-

sity M. Ïï mourut à trente-cinq ans, laissant une femme


et trois enfants t.
Cette existence mouvementée est l'indice d'un esprit
un peu bizarre; Co!burn a passe pour un individu
d'une intc!!igence médiocre, et crevant d'orgueu; sa

biographie en donne mi!!e preuves naives, et il


affirme a plusieurs reprises qu'on doit le considérer

t. 8ct'!ptMfc~<y. c/V., p. t(!.


Ht8TOR!QUB. il

plus grande intelligence de la terre. A l'école,


~omrneia
passait pour un enfant arriéré, et ceux qui l'ont
~t
dans le courant de sa vie, ontU'ouvé qu'il
approche,
incapable de toute application pratique. U a donc
Jetait

~té, comme la ptupart de ceu~q~~ nous avon~ étudia


~~c~~<? ~K c~e, à peu près fermé &
~jusqu'ici, M~
le reste.
~tout

Autant qu'on en peut juger, ses facultés de calcula-


teur se sont dcvcÏoppées spontanément, sans le secours

d'aucun maître; et il a commencé à calculer avant de


Ë savoir lire et écrire deux traits communs avec ses

prédécesseurs. Ce qu'it présente de particutier, c'est

(,
qu'a un Age relativement précoce, avant vingt ans, il

perdit ses quatitcs pour le caïcuÏ~ c'est depuis cette

époque qu'on le voit se tourner avec inquiétude vers


d'autres can'ières. Nous manquons de détaits sur la
manière dont se fit cette
disparition de facultés bril-
htntes il est probable que ce ne fut pas une destruc-
tion brusque, mais un affaiblissement lent, qui tint à
des circonstances très simples. Les représentations

pubtiqucs de Paris n'ayant pas eu de succès, il cessa

pendant: quelque temps de calculer; trois mois de


ï repos, nous apprend-on, lui firent perdre de
beaucoup
sa vitesse de caÏctdatcur. Un repos plus prolongé sans
doute a sufn pour tout détruire, ~ous retrouverons
cette mente inuucnce chez d'autres calculateurs, mais
en traits moins marqués.
Go!hut'n présentait une curieuse particularité phy-
sique un doigt surnuméraire à chaque main et un
orteil surnuméraire a chaque pied; ces doigts étaient
attachés au petit doigt et au petit orteil et présentaient
12 PSYCHOLOCÏB DBS GRANDS CALCULATEURS.

un devctoppement complet
phalanges. des trois
Col-
hurn partageait cette poïydactyne avec deux (ou trois)
i
de ses frères it h tenait de son père et de son arri6rc<-

grand'mere.
~~Mw~. C'était un petit pâtre sictUc~j~ui
vint en 183~ âge d~dt~anë,~ Paris, pour se faire
examiner par Arago. U était fils d'un pauvre paysan,
qui n'avait eu les moyens de lui donner aucune ins-
truction. U avait trouvé lui-même des procèdes de
caïcuï mental qui lui servaient à résoudre des pro-
b!6mes compliqués, mais qu'on n'a jamais cxpHquës
d'une manière satisfaisante. Man~tameÏe fut présenté

par Arago a l'Académie des Sciences. II résolut plu-


s!eurs questions devant rassemb!ce. On lui demanda

par exempte Quelle est la racine cubique de 37964 i6?


Au bout d'une denn-minute, il répondit 156, ce qui
est correct.
Bien que les différents ca!cu!ateurs que
nous passons rapidement en revue appartiennent~ par
suite d'une foule de traits communs, a une sorte de
famille naturelle, queïqucs-uns gardent leur origina-
lité
propre, et se distinguent des autres par quelque

quaMte. Dasc est de ceux-là calculateur mentaÏ d'une

grande puissance, il a mis ses aptitudes au service de


la science; il a eu le temps et la patience de ca!t'u!cr
les tabÏes de logarithmes; il n'a pas cteseuîemcnt un

prodige, mais encore un homme utile.


Né en il possédait,
i824, comme ses ëmutes, un
don naturel pour le calcul, don que l'exercice n'a fait

qu'agrandir. Calculateur dans le sens étroit du mot, il ne

put jamais apprendre les mathématiques, malgré l'effort


H!STOM!Q~E. 13

~dc maîtres émments qut Stnteresserent àlu~ on ne

-vint pas & faire pénétrer dans sa tête la plus simple


géométrique. H était même, a ce qu'on
~proposition
assure, d'une intelligence très obtuse pour tout ce qui
~.fn~ctatt pas ~aîcuîmcn~
Comme catcutateur mental, Dase pcuntssait deux
qut,
quaHtés au d!rc des autontcs en !a mattère,
sont

§ égatement nécessatrcs à ces exercices Ïa mcmotpe des


chiffres et Faptttude a catcuter. tt semble cependant si
on en cpott quelques observations qut nous sont par-
venues, que chez lui la facutté de catcul étatt beau-
coup plus faible que la mëmotre; celle-ci avait une
amplitude remarquable. Gauss en a fait la remarque.

II constate que Dase a besoin de 8 heures 3/4 pour


multiplier mentalement l'un par l'autre deux nombres
composas chacun de 100 chiffres; c'est là, pense-t-il~ une
forte de temps, car un calculateur
perte (Fune habileté
modérée pourrait faire la même opération sur le papier

dans la moitié du temps indiqué.

Cependant Schumacher a donné quelques autres


résultais, qui semblent contredire l'opinion de Gauss.
? Dasc multipliait deux nombres de 8 chiffres chacun en
54 secondes; deux nombres de 20 chiffres chacun en
G minutes. I~ous croyons que c'est là une rapidité fort
considérable, et supérieure a celle d'Inaudi
Les principaux travaux scientifiques qu'on doit a
Dasc sont le calcul des logarithmes naturels des nom-
brcs depuis 1 jusqu'à 1005 000 et la table des facteurs
et des nombres premiers depuis le septième jusqu'au

1. î! teste a savoh's! t'obsct'vatt~n est exacte.


14 P8YCHOL06tE DES GRANDS CAMULATEUKS.

huitième million. On a également noté chez Dase une

grande rapidité de perception et de mémoire visuene

pour reconnaître des objets et en donner Ïe nombre.

par exemple te nombre de livres dans une bibliothèque.


~<*M/'< ~w/<?~t' Né en 182~, mort en t8~,
Henri Mondeux étai~uw petit paysan, Ïe fils d'un

pauvre bûcheron des environs de Tours. Tout jeune, à


Fagc de sept ans, pendant qu'il gardait des moutons, il
s'amusait à faire des calculs dans sa tête, et montrait

déjà dans ces exercices une habileté extraord!natrc. On

parla de lut à un instituteur de Tours,


M. Jacoby, qui
vint ïe voir, s~ntéressa à lui, entreprît, sans grand
succès, de lui donner des leçons~ et finalement, se fai-
sant son précepteur et son imprésario, le conduisit il
Paris, où Mondeux fut présenté à l'Académie des
Sciences. !Ï intéressa qui nomma une com-
l'Académie,
mission pour l'examiner et déposer un rapport. Arago
et Cauchy faisaient partie de la commission; ce dernier
fit un rapport bien connu, dans lequel on trouve heu-
reusement résumés, avec Ïe style fleuri de répoque,
tous les faits intéressants qui concernent Mondeux.
~ous donnons ici le rapport in extenso.
r

~<7~û/~ ~M' les /?/'<?f~~ de f~CM7 tWa~MC~


et w~ CM jp/'a~Mf p~ MMy<?M~e ~<v~c ~c l'otiruine.

(CotKnt!S8a!fCa MM. AKAGO, SERRES, STOKM, LtCUVtLLB,


AuGUSTtX CAUCMY,MtppOt'tcur.)

« L'Académie nous a chargés, MM. Arago, Serres,


Sturm, Liouviite et moi, de lui rendre compte des pro-

i. J<t<'Mby. /~<«? ~7/cM~< JMoM~cM.r,184$. Barbier, ~c


~7/CWt ~?1. v
~fMtT,
HtSTORÏQUE. 15

~ccdés a Faide desquels le jeune Henri Mondeux par-


~vient à exécuter de tête, et en très peu d'instants, des
~calculs très compliqués.
>~
Que sans secours, et abandonné a lui-même, un

entant ppéposé à ta garde des troupeaux acfive à exé-


un grand nombre
~cutcr de mémoire et très facilement

d'opérations diverses, c'est un fait que seraient tentés

de révoquer en doute qui n'en auraient pas été les


ceux
témo!ns,
et dont te merveiHeux rappeHe tout ce que
l'htstotre nous raconte du jeune Pascal s'élevant à Fage

de douze ans, et à t'aide de ligures tracées avec un


charbon, jusqu'à ta 32<* proposition de ta géométrie
d'Eucude. Toutefois ce fait merveiUeux s'est déjà pré"

sente dans la personne d'un jeune berger sicilien, mais


avec cette dinérence que les maîtres de Mangianifele
ont toujours tenu secrètes les méthodes de calcul dont
il se servait, tandis que M. Jacoby, qui a recueilli
chex lui le jeune pâtre des environs de Tours, a
offert lui-même de mettre les procédés employés par
son étève sous tes yeux des commissaires de l'Aca-
dctnie.
Dès
sa plus tendre enfance, le jeune Henri Mondeux
s'amusant a compter des cailloux rangés à côté les uns
des autres, et à combiner entre eux les nombres qu'il
avait représentés de cette manière, rendait sensible, à
son insu, Fétymologie latine du mot calculer. A cette

époque de sa vie les systèmes de cailloux semblent


avoir été plus particulièrement les signes extérieurs

auxquels se rattachait pour lui l'idée de nombre; car il


ne connaissait pas encore le; chiffres. Quoi qu'il en
soit, après s'être longtemps exercé au calcul, comme
~YCHOLOGtB DES 6RAKDS CALCU~ATEUMS.

nous venons de te dire, ït unit par ou*rir aux personnes


qu'iï rencontrait détour donner la solution de quelques
problèmes, par exempte tic leur apprendre combien
d'heures on même de minutes se trouvaient renfer-
mées dans te nombre d'années
qui exprimai !eur âge.
Frappa de tout ce ~ueroM racontait du jeune pâtre,
M. Jacoby, instituteur A Tours, eut ïa cunositë de ïe
vo!r. ~prôs un mots de recherches~ it rencontre un
enfant dont l'attitude est celle d'un homme absorbe par
1
une méditation profonde. Cet enfant, appuyé sur un
bâton, a les yeux tournés vers !e ctet. A ce signe,
M. Jacoby ne doute pas qu'U n'ait atteint le but de
ses courses. H propose une question, à Henr~ qui Ïa
résout à Hnstant mémc~ et H hn promet de Finstrutre.
Mathettrcusement ce!ui qut se rappeHe si bien les nont-
brcs a beaucoup de peine a retenir un nom ou une
adresse. Henri cmptoïe un mois entier en
à son tour
recherches infructueuses avant de retrouver M. Jacoby.
Enfin les vœux du jeune pâtre sont exaucés~ U a Ïe
bonheur de recevoir des ïccons d'arithmétique. Mais
les moments de !ibcrté dont H peut disposer !e soir

pour cette étude lui paraissent trop courts Henri,


depuis quelque tcutps, était à ïa soÏde d'un fermier
étabti près de !a viHe. Ï! avait pour appointements trois
paires de sabots par du pain notr a discrétion,
et un peu d'ait quctquetbis. Un jour H quitte ta ferme
en dc< !araut qu*it a trouvé une bonne et M. Ja-
coby~ qui voit Ï'cnfant arriver à Tours avec quelques
bardes sous !e brus, accueille avec bonté ce nouveau
pensionnaire que ïa Providence ïui envoie, ce pauvre
orphctin auquc! it devra dcsormats servir de père.
M!8TÔ!UQUR. 17

ous ta direction de M. Hcnn Mondeux, en


Jacoby,

de se Ih rcr à son étude favorite, est devenu


ontinuant

habUe dans ta science du calcul, et a commence à


~{us
sous d'autres Au{ourd'huï i!exécute
S~'mstrutre rapports.

de tête, non scu!crncnt les dtverscs


'ncucment opera-
mais encore, dans beaucoup de
-o!'ts de FarithmétÏquc,

cas, Ïa résoîutton des it


nutnertquc cquattons; imag!nc

des rctnm'qtta!)!cs pour résoudre


procèdes (juetquc(b!s

~Unc muhttudc de dtvcMcs l'on trattc


questions que

l'aide de t'atgébre, et détcrmïnc~ à sa


~ordinah'cmcnta

~manicre, tes valeurs exactes ou des nom-


approchées

~hrcs entiers ou fractionnah'es qm doivent rempttr des

Arrêtons-nous un moment A
~condtHons !ndtquées.

adonner une !dee des méthodes qu! sont Ïe <amt-


plus

au calculateur.
i~K'rcs jeune
n de Fautre des nom.
Quand s'agit mutt!pHer Ï'unpar

~bt'cs enttcrs, Henr! Mondcux partage souvent ccsnom-

en tranches de deux chtffrcs. H est arrh'e de Ïu!"

à rcconnuïtre dans te cas ou les (acteurs


~ntcmc que,

Sont dcv!cnt et les


égaux, ropcratton pïus s!înp!c, reg!es

pour tbrmcr le ou
~qu'tt etnp!o!c<uors produit pïutut

~ta demandcc, sont prcciscfnent cènes


pmssancc que
Ïa fbrmutc connue sous te nom de bmomc de
adonnerait
Gu!dc ces ï! énoncer, à Fins-
iNe%toti. par règles, peut

tncmc ou ou les demande, les carres et les cubes


tant

d'une muh!tudc de nombres, par te carre


exempte

de i 204 ou te cube de 1 00~. Comme tt sait à peu


près
cœur les carres de tons les nombres enttcrs infe-
par

rtcurs à 100, te des nombres cons!dera-


partage plus
en tranches de deux cbtftres hn d'obtenir
btcs permet

ptnM fac!tcmcnt tcurs C'est atnst est


qu'il par-

2
ÏS P8YCHOLOC!B DES CHAMPS CALCULATEURS.

venu, en présence de l'Académie, à former presque


immédiatement le carré de 755.
est parvenu
Henri seul a retrouver le procédé connu

qui donne la somme d'une progression arithmétique.


Plusieurs des règles qu'il a imaginées, pour résoudre
diMerents problèmes, sont celles qu< se dédm&ent~ de
certaines formules
algébriques. On peut citer, comme

exemples, les régies qu'it a obtenues pour calculer la


somme des cubes, des quatrièmes et même des cin..

quièmes puissances des nombres naturels.


Pour résoudre deux équations simultanées du pre-
mier degré, Henri a eu recours à un artifice qui mérite
d'être signalé. a cherche d'abord la diMerence des
inconnues, et, pour y parvenir, il a soustrait les deux

équations Fune de l'autre, après avoir la


multiplié
première par le rapport qui existe entre les sommes
formées successivement pour l'une et pour l'autre,
avec les coefncients des deux inconnues. On pourrait,
en faisant subir à ce procédé une ïegère modification,
se borner à soustraire l'une de !'autrc tes deux équa-
tions données, après avoir divisé chacune d'eues par la
somme des coefncicnts qui affectent dans le premier
membre les deux inconnues, de laquelle on déduit
sans peine, comme !'a vu Henri Mondeux, ces incon-
nues elles-mêmes; et ron obtiendrait ainsi, pour la
réso!ution de deux
équations du prenner degré, une
méthode qui offrirait cet avantage, que le calcul reste-
rait symétrique par rapport aux deux inconnues dont
on cherche les valeurs.

S'agit-il de résoudre non plus des équations simul-


tanées du premier degré, mais une seule équation d'un
MtSTOKtQUE. ~9

degré supérieur au premier, Henri emploie habitucUe-


ment un procédé que nous allons expliquer par un
exemple. Nous avons proposé & Henri le probtcmc
dont voici t'énonce
Trouver un nombre tel, que son cube, augmenté de
84, fournisse une~ somntecgate au produit de ce
nombre par 37.
Henri a donné, comme solutions du problème, les
nombres 3 et 4. Pour les obtenir, it a commencé par
transformer Féquation qu'il s'agissait de résoudre, en
divisant les deux nombres par le nombre cherché.
Alors la questton proposée s'est réduite à la suivante
Trouver un nombre tel, que son carré, augmenté du

quotient que l'on obtient en divisant 84 par ce nombre,


donne 37 pour somme.
A l'aide de la transformation que nous venons de

rappeïer, Henri Mondeux a pu immédiatement recon-


naitre que le nombre cherché était inférteur à la racine
carrée de 37, par conséquent à 6~ et bientôt quelques
faciles essais !'ont amené aux deux nombres que nous
avons indtqués.
Les questions même d'analyse ïndétermînée ne sont

pas au-dessus de la portée de Henri Mondeux. L'un de


nous lui a demandé deux carrés dont la dtuerence fut
133. ï! a donné hnmédmtement comme sotutton le

système des nombres titi et 67. On a insisté pour


obtenir une so!ution plus simple. Après un moment do
réttexion, il a indiqué les nombres 6 et i3. Voici de

que~e manière Henri avait procédé pour arriver à Fune


et à l'autre solution. La différence entre les carrés des
nombres cherchés surpasse te carré de leur dinerence
20 P8YCHOLOGÏB DES CK.~M CAMCMTEUR8/

d'une quantité qui est ég'ate au double de cette difle-


s
ronce par te plus petit. La question
multiplié proposée
peut donc être
ramenée à la suivante Soustraire du il
nombre 133 un carré tel, que le reste soit divisible pat' 'k
le double de ta racine. Si l'on essaye l'un après l'autre
les carrés 1, 4~ 9, 10, 25, 36,49, on reconnaîtra que~ ~`
.papmic~ carres t et ~ÏTsc~nfïes seuls qui satisfassent
à la nouvelle question. En les retranchant de 133, et y
divisant les restes 133 et 84 par les racines doublées, j
c'est-à-dire par 2 et par 14, on obtient pour quotients `~
tes nombres 66 et 6, dont chacun répond à Fune des
solutions données par Henri Mondeux. On conçoit
:7
d'aiÏÏeurs qu'en suivant la marche que nous venons de

rappe!er, Henri n'a pas rencontré d'abord celle des


deux solutions qui nous parait la plus simple, mats
ccHe qui offre les carres dont les racines sont phts
rapprochées Func de Fautre.
Nous avons été curieux de savoir quel temps emptoic*
rait Henri Mondeux pour apprendre et retenir un f
nombre de 24 chiffres partages en quatre tranches,
de manière à pouvoir énoncer à volonté les six chiffres
renfermes dans chacune d'etÏcs. Cinq minutes lui ont
sufR pour cet objet.
Henri a une aptitude mervcIÏÏcusc a saisir les pro-

positions rotatives aux nombres. L'un de nous lui ayant

indiqué divers
moyens de simtp!if!er les opérations de

l'arithmétique, it tes a mis immédiatement en pratique


avec ta plus grande facilité.
Au reste, on serait dans l'erreur si l'on croyait que
ta mémoire de Henri, si prompte a lui présenter tes
nombres, peut être aisément appliquée à d'autres
HtSTOHtQUE. 2t
T:

usages. Comme nous l'avons déjà remarqué, tt a de ïa

peine a retenir les noms des lieux et des personnes. U


!ui est pareillement difncHe de retenir les noms des

<d)}ets qui n'ont pas encore nxc son attention par


exempte, îes noms des ngures (~ue l'on considère en

géométrie; et la construction des carrés et des cubes


t'mtcressc moins
que la recherche des propriétés des
J nombres par iesqucts on les rept*csente. J)'a!eurs !Ï

ne se laisse pas aisément distraire des calculs qu'il a


cnireprts. Tout en rcsoh'ant un
problème, il peut se
!<\rcr à d'autres occupations qui ne t'empêchent pas
d'anctndre son but; et lorsque raitcntton de Henri
t s'est portée sur
quelques nombres qu'H s'agit de com-
btncr entre eux, sa pensée s'y attache assez fortement

pour qu'U putsse suivre en esprit Ïes progrès de t'opc-


ration, comme s'it était complètement isolé de tout ce

qttt t'cnvtronne.
Hcnrt Mondeux doit beaucoup à M.Jacoby. Lorsque
celui-ci consentit à scrvtr de père et de maître au jeune

berger, Henri ne savait ni lire ni écrire, it ne connais-


sait pas les chiffres. S'H montrait une grande aptitude
pour le calcul, son instruction, sous tous tes rapports,
et, ce qui est beaucoup plus triste, son éducation même
datent complètement à faire. On doit savoir gré à M. Ja-

coby de ne s'être point laissé effrayer par les obstacles


que semblait opposer d'abord au succès de son cntrc-

prise ïë caractère vio!cnt et sauvage du jeune Mon-


dcux~ et l'on aime aujourd'hui a retrouver un enfant
re!ig!cux, caressant et docile dans le petit vagabond
de Mont-Louis. 11 est vrai que, dans sa pénible tache,
M. Jacoby a été soutenu et encouragé par les heureuses
22 !*SYCHOLOCÏB DES GKANOS CALCULATBUMS.

mcUnattons que Henri Mondeux laissait entrevoir sous


rccorcc la phts rude. Naturellement vif et emporté, cet >;
enfant avait un cœur reconnaissant et une tendre cha"
rite pour les pauvres, auxquels il distribuait volontiers
le peu qu'il possédât. Ces bonnes dispositions ont

augmenté rattachement de M, Jacobyp~Hr son cfcvc,


~ont ïe carac~re est devenu ptus doux. Mats, pour
réussir, M. Jacohy a etc d~abord ob!tgc de séparer

complètement Henri
Mondeux de ses autres pension-
naires et de lui donner une éducation toute spéctaïe.
L'éducation, l'instruction de renfant sont-cltes autour-
d'hui assez. avancées pourpouvoir être continuées et

comptetecs en la présence et la compagnie d'autres


etèvcs? M. Jacohy ne le pense pas, et les membres de
la commission ne !c pensent pas non plus. Nous

croyons d'aiHeurs que !'Acadcmie doit reconnaître ïe


xcïc et le nobÏc dévouement que M. Jacoby a déployés
dans le double intérêt de son eïêvc et de la science,

encourager sescftbrts, le remercier de ï'avoir mise à

portée d'apprécier la mcrveiUeuse aptitude du jeune


Henrï Mondeux pour les caïcuÏs, cnnn émettre le vœu

que le gouvernement fournisse à M. Jacoby les

moyens de continuer sa bonne oeuvre et de développer


de plus en plus ïes rares facuh~s qui peuvent faire

espérer que cet enfant extraordinaire se distinguera


un jour dans la carrière des sciences.

On sait que, malgré les prédictions optimistes du

rapport, Mondeux mourut dans l'obscurité.


Nous ne cherchons pas, dans ce denté de
une bihHogr&phie complète, ma!s
figures, à présenter
H!STOtUQUB. 23

.t indiquer chacun des calculateurs le trait carac-


pour

téristique qui le distingue de ta foule. L'originalité de


Bidder est que, né dans les conditions les plus
modestes, fils de maçon, il s'éleva par son intelligence
à une haute position sctcnHnque. Cotame tous ses
~ntute~ !~n~ofttt'a dc" .1. ..d~
six ans, sa puissance de calcul; il émerveillait teÏte-
ment ceux qui lui donnaient des ppobîcmes pat* la
raptdhé et l'exactitude
de ses réponses, que son père
espéra gagner qùctque argent en le montrant en pub!ic.
Vers douze ans seu!emeAt il fut envoyé à t'écote, où il
se signala aussÏtot par son mteîHgencc. En 1832 (u
avait ators seize ans), il remporta le pnx de mathema-

ttqucs à rUnivcrstte d'Edtmbourg. i! entra


plus tard
a t* « Institution of civil Eng!nccrs H, en devint le

préstdent, et fit construire sous sa direction les Docks


de Vtctorïa à Londres. H fut un des hommes de
science les plus distingues de son époque. On assure

qu'H ne perdit à aucun moment de sa vie ses apti*


tudcs de calcul mental, et que mctnc ses aptitudes ne
th'ent que cro!tre avec les années. Son nts, Georges
Biddct\ hérita d'une partie de ses dons, et Fon en
retrouve quetques traces chez ses petits-enfants et
dans quelques autres membres A ce de sa farniHe.

point de vue encore, Bidder se distingue des autres


calculateurs, chez lesquels on ne trouve point d'ordi-
naire lune influence héréditaire.

Après ces courtes notes d'introduction, parlons des


c<dcu!atcurs mentaux que nous avons pu étudier nous-
tnême.
1
I~`

LE CALCULATEUR JACQUH8 Ï~AUDt. t!ÉRÉMTH.

EK~AKCË. ETAT ACTUEL.

Les mathématiciens, les médecins et les philosophes


ont eu, dans ces derniers temps, l'occasion inapprc"
ciabÏc d'étudier un nouveau ca!cMÏateur prodige c'est
un jeune homme de vingt-quatre atts, appcM Jacques
Inaudi, que M. Darboux a présenté au mois de
février 1892 à une séance de rAcademie des Sciences;
ce jeune homme exécute mentalement, avec une rapidité

surprenante, des opérations d'arithmétique portant sur


un grand nombre de chiffres,

L'Académie~ après avoir assiste à quelques-uns des


exercices habituels de M. Inaudi, a nommé une com-
mission, dont faisaient partie plusieurs mathématiciens

(MM. Darboux, Poincarc, Tisserand), et M. Charcot;


remincnt professeur de la Salpêtrière était charge
spéciatcment d'examiner M. Inaudi au point de vue de
la psychotogic physiologique.
M. Charcot voulut bien, dès
ta première heure, nous
convier à étudier avec lui un sujet si intéressant. Nous
LE CALC~ATKUK JAC~ESiNAUBï. 2S

avons vu trois
fois le jeune calculateur à la Salpetriérc,

pendant que M. Charcot l'étudiait~ nous l'avons revu


ensuite au laboratoire de psychologie physiologique
de la Sorbonne, où il a bien voulu se rendre, avec
M. Thorcey, son imprésario, pour se soumettre a

dtvcrsés cxpcrfcM tte mesure. M. Ïnaudi nous a


accordé avec une amabilité parfaite toutes les séances

que nous lui avons demandées; il est venu au labo-


ratoire pendant deux années, en 1892, en 1893, toutes
les fois que nous le lui avons demande; il nous a
accorde a peu près une quinzaine de séances.
Nous avons publié les premiers résultats de nos
recherches d'abord dans la 7~~<3 <~ Z!e~ jM<M~<

jio juin 1892), où nous avons traité la question d'une


manière générale, et ensuite dans les bulletins du
laboratoire de la Sorbonne (année 1892), où nous
avons indiqué les détails techniques des expériences
enfin, en décembre 1892, M. Charcot, notre vcncrc
maître, voulut bien nous demander de faire une leçon
sur la mémoire des calculateurs prodiges dans son

amphithéâtre de la Salpêtrière.
Nous comptons réunir ici, dans une étude dénnitivc,
au moinspour nous, ces différents documents, en

y ajoutant un certain nombre d'expériences récentes et


encore inédites.
Avant d'entrer en matière, nous nous faisons un
devoir de remercier ceux
qui ont bien voulu nous aider
de leurs conseils dans ces études. C'est avec un pro-
fond sentiment de reconnaissance que nous nomme-
rons tout d'abord M. le professeur Charcot; nous
n'avons fait- que suivre et développer les indications
~6 PSYCHO~OGtB CM GKAN08 CALCULATBUH9.

qu'il a données et c'est lui qui le premïcr a constate


ce fait bien curieux~ que Jacques Inaudi apparUcnt au

type auditif. Nous nommerons ensuite notre vieil arnï


M. F. Henne~uy, préparateur au CoHege de France,

qu! a coÏ!abore à un grand nombre de nos expe-


riences techntques~ et qm a bien yout~~gnep avec
nou&t'ctttd~ partie dans le butictin; enfin, plusieurs
élèves du ïabot'atoire, et notamment M. Vtctor Henrit
M, Phïttppc (chef des travaux) et M. Courtier (chef
adjoint des travaux), se sont associes à nos recherches.
Nous avons écrit, en coHahoratton avec M. V!etor
Henri. un article sur la ~WK~M wcwMn? </c~
c~ qui sera mser6 un peu plus loin.
//f/'e< Jacques Inaudi est né le 13 octobre 1867~
à Onorato, t dans le
Piémont, it est d'une famille

pauvre, ou p!utot appauvrie par !es dépenses exagérées


d'un ascendant paterne! qui n'a jamais eu de conduite.
Cet ascendant, par ses bizarreries de caractère, repré-
sente le scuï ciment psychopathique de la famille; il

n'a jamais pu exercer une profession


réguUcre, et il a

longtemps aux dépens du jeune


cherche & vivre calcu-
ïateur. Dans cette <am!Ï!e, point de catcuÏateurs;

Jacques Inaudi a plusieurs frères qui occupent aujour-


d'hui encore des situations modestes l'un est garçon
de café, l'autre cordonnier. Exchcs par l'exemple de
Ïcur frère, ils ont voulu s'essayer au calcul mental,
mais n'y ont pas réussi On nous a communique
récemment unrenseignement curieux sur !'hcredité
d'Inaudi, ou pïutut sur certaines influences qui ont pu
agir sur lui pendant ta période de gestation nous don-.
nons ce renseignement à titre de curiosité, et avec `
LE CALCULATEUR
JACQUESÏNAUM. 27

toutes les reserves qu'on peut supposer, tï paraît que


la mère d'înaud!, pendant qu'elle était enceinte de lui,

passa par de dures morales.


épreuves Elle as8Îsta!t
aux dilapidations de son mari, et voyaM t'argent €~u!
allait manquer pour payer de nombreuses échéances;
sous FctHptre de a cra!nte de la sa!8ie, elle catcutatt

dans sa tête les économies à réaliser pour faire face


aux ses journées se passaient dans les
engagements;
chiffres, et elle en était arrivée à une véritable manie
de dalculer. Le fait a été rapporté dernièrement à
M. Thorcey par le frère de lait d'Inaudi

/:M/~Mc< Jacques passa ses premières années à


1. Deux potnts d'tntct'o~at!on Le f~tt est'U exact ?8~t cat exact,
t'6tat mental de In mère o-t'i! pu r6cn<ncnt agir sur Ïc fils?
28 t'8YCHOLOG!E DES GRANDS CALCULATEUMS.

garder des moutons. C'est vers rage de six ans qu'H


fut pris par la passion des chiffres. Tout en venant
sur le troupeau, il combinait des nombres dans sa tête.
Bien différent de la plupart des calculateurs connus,
il ne cherchait pas à donner à ses calculs une forme

matcrieHc, en comptant sur ses doigts ou au moyenne


Mondeux et Ampère. Toute
caiHqux commute faisartcn!;
Fopération restait mentale, et se faisait avec des mots
il se représentait les nombres par les noms que son
frère ainé lui avait récites. Fsi lui ni son frère ne
savaient lire apprit donc par l'oreille
à cette
époque.
les noms de la série des nombres jusqu'à cent, et il se
mit à calculer avec ce qu'il savait. Quand il eut épuise
ses prcmicres connaissances t il demanda qu'on lui

apprît tes nombres supérieurs a cent, ann d'étendre te


domaine de ses opérations; il ne se rappeHc pas que
son frère lui ait enseigné la table de multiplication.
Ces circonstances du premier ~ge ont peut-être exercé
sur les
procédés de M. Inaudi une influence particu-
Ïicrc~ que nous indiquerons plus loin.
Grâce à un exercice continuel, et surtout à ses apti-
tudes prodigieuses, le jeune calculateur fit des progrès

rapides. A sept ans, nous


il était déjà capabÏc
dit-il,
d'exécuter de tête des mu!tip!ications de cinq chiffres.
Bientôt le jeune pâtre piémontais abandonna le pays
natal pour faire, à ta suite de son frère, une course

vagabonde en Provence; le frère jouait de l'orgue,

Jacques exhibait une marmotte et tendait la main. Pour

augmenter ses petits bénénccs, il proposait aux per-


sonnes qu'il rencontrait d'exécuter des opérations de t
calcul mental; sur les marchés, il aidait les paysans à
LE CALCULATBUn JACQUES ÏNAUD!. 29

faire leurs
comptes il se montrait aussi dans les cafés,
et résolvait avec une grande rapidité toutes les opéra-
tions d'arithmétique qu'on lui proposait. Un impresario

s'empara de lui et lui fit donner des représentations


dans lcs grandes villes.

ÏÏ Y~t pour ta~ prËm~ere Ms a~Paris en 18~, c~~


présente a la Soctété d'Anthropologie par Broca, qui
écrivit même sur son cas une courte note. Broca con-
state que la tête
du jeune Inaudi est très volumineuse
et très irregu~fre, il rctèvc un certain nombre de
dcformattons qu'on retrouve encore aujourd'hui mais
un peu effacées, « L'enfant, ajoutc-t-i!, est très intel-

ligent son regard est vif, sa physionomie animée. H


n'a aucune ttnndhc, il ne sait ni lire ni écrire. !î a
lcs chiffes dans ta tête, mais ne tes écrit pas. a Broca
rapporte les catcuts auxquels le jeune Inaudi se livre,
il indique te temps nécessaire pour résoudre les pro-
blèmes posés, et il essaye mctne d'expliquer les pro-
cédés employés. Malheureusement, l'enfant était encore

U'~p jeune à cette époque pour se faire bien compren-


dre, ce qui explique les quelques erreurs que Broca a
pu commettre.
Depuis 1880, c'cst-a'dirc depuis douze ans, M.!naudi
a fait de très grands progrès d'abord, circonstance

importante, il a appris a lire et à écrire; et ensuite la

sphère de ses opérations s'est agrandie.


Par ce (lui précède, on peut voir qu'il
possède un
certain nombre de caractères des calculateurs pro-
diges, sa précocité, son ignorance, sa naissance dans
un milieu misérable, etc.
7~~ ~c~ M. Jacques Inaudi est aujourd'hui un
30 PSYCH()t.OC!E HE8 GRANDS CALCULATBUMS.

jeune homme de vingt-quatre ans; il est petit {i m. 52),


ramassée il a!'a8pect robuste d'un paysan mat dégrossi.
La tête est restée forte, quoiqu'elle soit pÏus propor-
tionnée au corps que pendant ï'entancc, où elle était si

grosse qu'on Ïe croyait incapable de vivre; la figure

est~atmcy ~utière; s~rmontcc'un front frcs grand,


carré, aussi haut que large; les yeux sont bridés, le
nez est fin et droite la bouche petite, ï'angtc facial très

dëvcÏoppc, presque droit (89"). A ïa Sa!pêtrière, sous


Ïa direction de M. Charcot, on Ï*a soumis â un long
examen anthropométrique.
Nous ne nous étendrons pas sur tes résultats de cet
examen nous extrayons simpÏcnient les Ïigncs suivantes
du rapport de M. Charcot « Le crâne, nettement pÏa-
giocephaïc, présente, en avant, une Ïegere saillie de ta
bosse frontale droite, et, en arriére, une saillie parie-
tale gauche; à la partie postérieure de la suture inter-

parieta!e, on perçoit au toucher une crête longitudinale


de 0 m. 02, formée par le pariétal droit relevé; les
oreilles sont symétriques, détachées de la tête en enton-

noir Ïa face est Ïegcren<ent asymétrique, Ïc côte droit

plus petit que !e gauche; les autres mensurations


cranio-faciaïes n'indiquent aucune anomaMe rcmar-

quabtc. L'examen méthodique de la vue et de Fouïe n'a


révélé dans
ces organes ni atteration ni hyperacuitc. a
En somme, il présente quelques signes de dégénéres-

cence ces signes sont peu nombreux et peu importants~.


C<~<ïc/~< M. Ïnaudi a un caractère doux et mo-

1. Il Citt plus petit que tous ses ft'èrcs, qui sont, m'a-t-on dit,
de tau!c ordtnMn'c.
2. Chez qui n'en tt'ouvc't-on aucun?
M; CAtCU~TBUtt JACQUES ÏNAUM. 31

dcste; il est calme, tranquille, il n'a pas les manières


embarrassées; il parle peu, garde une attitude plutôt
réservée. Ït montre plus d'apÏomb en public. Enfant,
il était très espiègle; aujourd'hui, il a souvent un tour

d'esprit ironique~ dans ses séances sur le théâtre, il

exptiquc ~e~prorcédeg aH puM


tice que rien n'est plus simple et que tout le monde

peut en faire autant U paraît sincère (comme Broca


t'avait déjà remarque) et il est le premier a reconnaître
les erreurs de calcul qu'u commet. !t n'est point sus-

ccptibÏe et se met rarement en colère.H est modeste, s


mais naturellement très fier de sa puissance de calcul,
et il s'inquiète un peu des comparaisons qu'on cherche
a faire entre ses facultés et celles des autres calcula-
teurs prodiges. Son amour-propre le rend très attentif
aux expériences, auxqucnes il donne son maximum
d'attention.
Son instruction est restée
peu développée, car il n'y
a guère que quatre ans qu'il a appris à tirc~ ses sujets
de conversation sont assez limités; mais on n'a pas de

peine à s'apercevoir qu'il a une bonne intelligence


naturelle. Au laboratoire, il s'est intéressé aux appa-
reils qu'on faisait fonctionner devant il a compris
lui;
le maniement du chronomètre de d'Arsonva!, avec une

promptitude d'esprit qui nous a frappés d'autant plus


que la majorité des personnes sont très lentes à com-

prendre comment on doit réagir.


Hn dehors de ses exercices, il lit
les journaux et

s'occupe de politique; il joue aux cartes et au billard.

t. H faut tenir compte que M. tntUMt!prend en pnbt!c tonjoMt's !?


tHctne nUttude et ~u'!t tl un fcp~t'toh'c de ycncxtotts et de npostc!{.
32 PSYCHOLOGIE DES GRANDS CALCULATBUB8.

ÏI parte peu de chinrcs parais il est préoccupé par


un problème qu'on lui a posé et qu'it n'a pu résoudre;
alors il s'abstrait du monde extérieur et n'écoute plus
personne, Il mange beaucoup et dort longtemps. Il
rêve parfois de chiffres et de nombres; ce sont Ïa tes
seuls rêves dont il garde un souvent djstmct ait rey~iL
T~cs besoins sexuels sont chez lui bien développés.
H ne
s'occupe point lui-même de lapubticité a donner
â ses expériences; nous a paru ptut~t disposé n sub!r
la direction des personnes pour lesquelles il a de la

sympatbtc; il ne sembte pas avoir de grands besoins.

d'indépendance.
On le dit sujet à de nombreuses distractions, et ses
oub!t8 des choses de la vie quotidienne forment un

piquant contraste avec sa mémo!re énorme pour les


c!uffrcs. Souvent son
imprésario a remarqué qu'il ne
rcconnatt pas une ville où il est déjà venu donner des
séances. P!us
qu*un autre, il oublie ses gants et, sa
canne en visite, et ses heures de rendez-vous. Peut-
être y met-il un peu de malice, pour se donner l'occa-
sion de plaisanteries faciles.
I~ous reproduisons d'après un spécimen de son écri-
ture; c'est ïa fin d'une lettre qu'it nous a écrite de Lon-
dres. ïï nous
paraît probabtc que la lettre a été écrite
d'abord par Hmpresano et recopiée par M. ïnaudi; Ïc
fond lui en est étranger; mais nous lui attribuons la

partie catïtgraphiquc. C'est l'écriture d'un enfant.


Cette écriture est assez significative; elle est la

marque de son défaut d'instruction, Ily a dans son


esprit de targcs p!aincs qui n'ont reçu aucune cuhure.
Kh bien, on peut se demander si le défaut de cuhure
3
MYCHOLOCm DES GKAKt~S CALCULATBUKS.

n'est point une condition nécessaire au développement


de'cet immense pouvoir de calcul mental tes calculs
mentaux, avec ta masse énorme de chiffres qu'i!s met-
tent en mouvement, prennent de !a piace ils ont besoin
de trouver de grands espaces vides. Mondeux, Man-

giameïe, Cotburn ta plupart des ca~uta~eurs prodiges,


étaient des ignorants. Ce n'est peut-être pas là une
circonstance frivote ceux des caicuïatcurs qui, comme
Gauss et Ampère, sont devenus des mathématiciens,
ont très probabtcment perdu une bonne part de leurs
aptitudes au calcul mentaL Je ne vois guère que Bidder
qui fasse exception.
Kn résumé, M. Inaudi, envisagé en dehors de ses

opét~ations de caÏcuï, nous appat'aU comme un jeune


homme intelligent, mais très ignorant, et dépourvu de
besoins intellectuels. Sans être aussi spécia!isé pour
les chiffres que ce Buxton dont nous avons retracé
l'histoire, it
parait voutoir se cantonner dans son
métier de calcul mental, fort indiftercnt pour le reste.

L'cmptoi du temps dans une de ses journées ordinaires


le montre bien. ï! se lève fort tard et arrive au déjeuner
de midi les yeux gros de sotnmci!. 1/après-midi se

passe a jouer aux cartes ou bien au billard, paisible-


ment après le <ner du soir, it part pour le théâtre ou'
le café-concert où it donne représentation, sa
il ne
rentre chez lui que fort avant dans la nuit. A part quel-

ques séances en ville, chaque jour ramené la même


série d'occupations, qui se succèdent mécaniquement.
Le voità stéréotypé, n'ayant nut désit de changer une
existence qui !!attc son amour-propre et subvient à
tous ses besoins.
CHAPITRE II!

M. t~AUDt. EXEHCÎCËS M C.U.CUL MENTAL.

Les opérations que M. Inaudi exécute sont des


additions, des soustractions, des multiplications, des
divisions, des extractions de racines; il résout par
{'arithmétique des problèmes correspondant à des equa'
t!ons du premier degré, et, en outre, un de ses exer-
c!ccs tavorïs est de dire le jour correspondant à une
date quelconque qu*on lui indique. Ce sont là pour lui
des exercices de 6'<ï/c~ Nous entendons par ce
mot calcul mental un catcut qu! est fatt de tête, sans

que la personne emploie la !ccture


des chiffres, ou
rccrtturc, ou un moyen mater!c! quc!conque ayant pour
but de soulager la mémoire, Le catcu! mental est donc
un calcul <att de mémoire.
Pour bien se rendre compte des facultés d'une per-
sonne, U faut exanuner contmcnt elle exécute les actes
dont cUe a Fhabttudc et l'etudtcr autant que possible
dans son nuHcu. Nous commencerons par décrire les
36 PSYCHOLOGÏE MS CHA3~S CALCULATEUHS.

exercices qui sont habituels à M. Ïnaudi et qu'il t


montre régutieretncnt chaque soir sur un théâtre.
A chaque représentation, il fait simuttanément et de
mémoire les opérations suivantes i" une soustraction
entre deux nombres de vingt et un chiffres 2" une
addition de ch~q nombt'cs de sî~c~~ chacun ~? le
carre d'un nombre de quatre cbiftres; lu la division de
deux nombres de quatre chiffres; 5° la racine cubique
d'un nombre de neuf cbiMrcs~ 6~a raoïnc cinquième
d'un nombre de douze chiffres
Voici comment M. Inaudi fait ces opérations, quand
il est en représentation. Des de !'assistance t
personnes
disent les chiffres. M. Ïnaudi les répète a mesure, pour
s'assurer qu'H est d'accord avec toutes ces
personnes, f:
et l'impresario écrit sur de grands tableaux noirs les 4
chiffres dits, sous la dictée de M. Inaudi. M. Inaudi ii
ne se tourne pas une seule fois vers les tabteaux noirs;
il reçoit tes ctntÏres et les nombres par l'audition, et 'i;:<

comme nous le verrons tout a l'heure, il se sert de la ;?;


mémoire auditive. Pendant toute la durée des calculs,
M. Inaudi reste bien en face de l'assistance, bras
croisés. Quand la série de chiffres nécessaire à une
des opérations est écrite à la craie *sur le tableau noir,
M. Inaudi la fait énoncer par son imprésario, qui a
soin de prononcer les chiures lentement, en les art:-
culant avcc force. M. Inaudi répète ensuite les chiffres.

Quelquefois il fait ta répétitîon avant celle de t'imprc-


sario, qui se contente dans ce cas de rectifier ses
>

1. Le n~tnbt'e et lit Tatcut* des Mc{nes vuncnt smvant tes jottt's.


putsquc les opct'ftU~ns sont proposées par Ics t!pcctatcnrs.
M. Inaud! n'accepte pas de pt'oMetncs en scène. <
Ë
M. ÏKAUDï. BXtîHCïCBS DB CALCUL MEKTAL. 37

t ct'reurs. Puis on passe à la seconde opération dès

flue les chiffres en sont écrits, M. Inaudi les fait

t'cpétcr, puis tes répète tui-môme comme les précé-


dents. Ce travail est assez tong, et M. Inaudi t'exécute
avec autant de précision que possible, car il cherche
avant tout a donner ~fes rcsuttats ûxacts. QuancT Ïa

sct*!c des a été ainsi, ces


opérations pat' pcpettttons

succcssîves, b!cn gravée dans son esprit, H commence


son trava!t mental en fa!sant une récapitulation géné-
)'a!c de tous les chiffres inscnts sur le tableau non*,
anquet il tourne le dos.

Comptons le nombre de répétitions que fait M. Inaudi


t" répétition âpres le spectateur j; 2" répétition au
Hument de l'inscription des chiffres sur le tableau
n~!r; 3~ rcpétttton totale de tous les chiffres avant de

procéder aux opérations. Ces rcpétit!ons nombreuses


sont un grand secours la memotre. Pendant les
pour
<a!cuts, il fait dtnercnts gestes, tics sans importance
et du reste très
valables il chuchote des chtttrcs; il
n'e~-t point troublé par le bruit qu'on fatt autour de lui,

pat' les réclamations des assistants, etc. il conserve


son sang-froid, et il a même pris l'habitude, pour
:t!mcr l'impatience du public, d*6meUre, pendant ses
<atcuts, quelques réflexions piquantes; il lui arrive
par<ots de répondre avec esprit à une question, et
nous t'avons vu, à la Salpêtrière, soutenir une conver-
`
sation avec-M. Charcot pendant qu'il résolvait de tête'
!m problème cette conversation ne t'cm-
compliqué;
~'Quittait pas dans ses calculs, elle en a simplement

pt'otong~ la durée.
D'ordinaire, il demande qu'on lui dise des dates, se
38 P8YCHOLOOÏE DES GRANDS CALCULATEUnS.

faisant fort d'indiquer !e jour correspondant. Les


demandes de dates pïeuvent de toutes parts, et it y
répond avec une rapidité surprenante et une par'.
faite exactitude, connue j'ai pu te constater moi-même.
Pour trouver Ïa solution de ses six calculs, M. Inaudi
met un temps r~atixetnen~ très- court, éi~c & dotfxe
minutes; au théâtre~ ii ne reste pas plus longtemps en
scène et dans ces dix minutes faut comprendre non
seulement te calcul, mais ta répétition des données des
problèmes.
Pour conduire au résultat Hnaî de tettcs opérations,
it faut que M. Inaudi ait une mémoire des chiffres
extrêmement développée; car pendant ces dix minutes
il a été oMigé d'apprendre et de retenir sans erreur
tous les chim'cs écrits sur ïe tabÏeau; U a du en outre
retenir les chiffres des résultats énonce, et enfin
qu'it
les chiures des solutions partieUcs qu'it a du nécessai-
rement trouver ann d'arriver aux solutions dc(tnitives.
Ces chiHres dépassent certainement te nombre de deux
cents

1. Le notnbt'c des ctnn'rc!: !nsct'tts sm' le tubtcnn n~tf penJtUtt


tes t'cprcscntattttH:! donne Hcn twc t'm'ieusc iUuston~cct'tHtns
Mpccttttetn's pt'ctcndcttt ~u'tt y en a KMntotns ~00; «r M. Tho~'ey,
i'tmpt'cs«t'to, m'affh'tnc qn on n'nUcint presque jKtnms Ïc nombre
de 300. PMttquc nous nvons rocKasiondcparTey dct nhtMons du
pnbUc, dtst'tts nuost un mot sur !'Mt't de provoque!' <'cst!hts!oM~
c'cst t ce <{n'onttppclle l'art ,le la L'itsipre."rit) qui
faH !cs ci)t!t:u!ssur te r<tr<
ccstccqtt'ottMppctÏc tab!cnu non' pcndu<tt que
<~p~e&cM~<fo/<. M. ïnottdt
L'hnpt'csurt~ les
tes
f~tt mentalement, se tt'otnpc qttctqucfMtNrcc!!cnK'<tt, e! pht~ sou-
vent U feint de se tromper, potn* nmetter une dt~'t~ston, qtn
tourttc tottjottfsa !'M\H<ttM~c de M. ÏKtUtdtet suutcvc les t'tt'f~.
De plus, ttitn de ntcttt'e bten en htmtcrc !a t'ttptdttc de tatcu! de
M. Ïnaud!, l'huptcsMt'to K sotMde fan'e Ju!-mMntc1 operatton tr<'s
ïctttctHcnt; et, p<n' un rnfthtemcnt d'art, donne l'ttiuston qu'ti
se presse en exag~ym~t te Mouvement <tc 8<ttnutn quand t! ccpît
M. t~AUC!. HXRHCÏCRS RE CALCUL MENTAL. 39

A ta a !a Un d'une séance avait duré


Satpetrtére, qui

environ deux heures, et où on Ïui avait di~erents


pose

lui Ht tous les Ht


chin'res~ il îe
p"ob!èmcs, on répéter

te nombre totat était de 230. Nous avons


erreurs;

vérifier l'exactitude de !a car les


pu parfaite répétition,

(Mfrrë~ ccrtt. t~n


avaient etce~ par rapporte

dans une donnée à Ïa Sorbonnc


que, représentation

devant les étévcs des M. Inaudi a


îycecs, répète

400 chiffres. ~Se connaissant ce résultat de seconde


que

nous ne en t'exactitudc.
main, pouvons garantir

au caractère vraiment extraordinaire


Ce qui ajoute

(te cette mémoire, c'est M. Inaudi ses tours


que repète

de force tous les dans des


soirs, régulièrement, repré-

sentations et deux fois !e dimanche.


theatrates, par jour

H donne en outre de nombreuses séances en ville, a ta

dans des chez des et on


presse, lycées, particutiers~

en et en restant bien au-dessous


cvatuer,
pcnt moyenne,

de !a vérité, a 300 !c nombre de chinrcs


qu'il grave

dans sa mémoire tous les


jours.

xn thtth'c ou tt'ttce une bat'rc. Tout cetn Mt tntcrcMant K notcf,

'-t tmmh'c, comme nous !c dh~ns !o!u n des cchcc~,


plus propos

«Mnhtctt est dtfncttc UKX tthMtons dans !cs


d'cchnppct* t'cpr6"

~cntHttotts
publiques.
CHAPÎTREÏV

M. tKAUD!. MÉMOÎREDRSCHH'TRES.

L'observation de M. 1 naudi apporte un nouveau


document a ht théorie, aujourd'hui bien connue, des
mémoires partienes. Disons d'abord queiques mots de
cette théorie et rappctons rapidement en quoi elle con-
sïste.
Il est d'usage d'emptoyer le terme wcw<?<c dans un
sens général pom' exp!mer la faculté que présentent
tous les êtres pensants de conserver et de rcpro*
duïre les ïmprcsstons reçues; tna!s
l'analyse psycho-
logique et un grand nombre de ftnts de pathoto~ie
mentale ont montre qu'on ne do!t pas considérer la
metnotrc comme une faculté un!quc, ayant un siège
distinct; en derntcre analyse, la rnémoirc est un
ensemble d'opérations. U n'existe, comme dit très bien
le rapport de la commission académtque, que des
mémoires parneites, spechttcs, locales, dont chacune a
son domaine propre, et qui possèdent une indépen-
dance telle, que l'une de ces mémoires peut s'anatbÏh*,
M. INAUDI. MÉMOtttB DES CHtFFttBS. 4t

disparaître, ou au contraire se déveïopper à F excès,


sans que les autres présentent nécessairement une
`
modincatioR correspondante.
Les anciens psychobgues ont méconnu cette vérité

d'observation, quicependant n'avait pas échappe au,

vu!ga!rc. ~<nsT,Duga!d Sfe~~ lia vrrrr~tt`~it~s~


de la mémoire, dit que ces différences sont dues au
choix de t'esprit ou a Feftet de t'habitude. GaU, Ïe pre-
mier peut-'ôtre, eut l'idée d'assigner à chaque faculté

~a mérno!re propre, et il fonda !a théorïe (!es méfnotres

/part!eÏtcs. De nos jours ïes faits qu! servent d'appui à


cette théonc se sont tnu!t!pHés. On en doit un grand
nombre à M. Taine, qui a étudié avec tant de profbn"
dcur la question des
images. U faut relire à ce propos
tout le premier chaphre de ~e~cc, ce Mvre si
abondant en détails instructifs. M. Taine a cité, entre
autres, le cas de « ces peintres, dessinateurs, statuaires,
(pu, après avoir considère attentivement uu modèle,
peuvent faire son portrait de mémoire. Gustave Doré
et Horace Vcrnet avaient cette tacutté. » Ce sont là de
beaux exemptes du développement d'une seule mémoire,
!a visuelle. Pour ta mémoire musicale, on invoque
d'ordinaire t'observation de Mozart notant de souvenir
le ~M'c~f de la Chapelle Sixtine après l'avoir entendu
deux fois
Dans ces dernières années, Fétude des maladies du

langage a renouvelé cette question. Rappetons seutc"


ment que chez certains malades une seute mémoire du

langage, très limitée et très spéciate, est abolie, tes

t. Pour rhétorique de lu qucstton et le t'csumc de son état


nctuet, von' Rtbot, Maladies de la ~~to~c, p. 106.
43 PSYCHOLOGtR DES Gn~NM CALCULATHUM8.

autres mémoires restant intactes; il y a des malades

qui, sans être paraïysés, ne peuvent plus écrire, mais


continuent à parler; d'autres perdent la (acuhe de tit'e,
tout en conservant celle d'écrire, de sorte tpl'Hs sont
incapabïesde rcHreiaïcttre qu'ils viennent de tracer.

M. Ribote~ ~LCharcot o~
tout Fintéret psychologique de ces curieuses disscc-
tions tncntate~ que la nta!ad!c arrive parfbîs a opérer.
La Ïtttérature de ~aphasie est trcs abondante. Nous

renvoyons aux ouvrages de Kussmauï, les ?~<?~

~o/6~ Bernard, /t< Ballet, le Z<xM~~ t~

/'<eMr, etc.
L'étude des calculateurs prodiges nous présente !a
tneme qucstton sous un autre aspect chez eux, aucune
tnefnoirc n'est détruite; mais une des tncmo!res, cc!!c
des chtH'res, acquiert
une extension anormate, qui
excite !'étonnctncnt et î'adm!rat!0t), tandis que tes
autres tnétttoh'es, constdér~es dans leur ensemble, ne

présentent rien de parttcuner; cHes restent parfo!s


même au-dessous de la mesure commune.
On a pu faire des observatïons anatogucs sur
M. tnaudi, qui present~déveïoppetTtent exccptionneÏ
d'une seule espèce de ntemoirc, la mémoire des chiures.
C'est ce dont on s'aperçoit facilement lorsqu'on com-

pare chez hti deux choses presque identiques, !a mé-


moire des chiffres et la mémoire des !etH'cs. Voici
comment nous avons fait t'cxperiencc. On prononce
devant tui, une seule Pois, une sérte de tettrcs ne for-
tMant aucun tnot, conune a, r, f, s, m, t, u, etc.; tes
g,

lettres doivent ctre prononcées du tneme ton, sans


inflexion de voix, et avec une rapidité moyenne de
M. ÏNAUD!. Mï~MOÏRE DES CHtFFRES. 43

deux lettres par seconde; par des tâtonnements suc-


cessifs, on arrive a savoir quel est le nombre tnaxtmum
de Ïcttrcs que M. Inaudi peut retenir âpres une seu!e
audition. Puis on refait ta même expérience, exacte-
ment dans les mêmes conditions, en remplaçant les

~ttre~ par tey cbtn'res~. A prenriere YMf, i~ sen~bte que


h' son articulé d'une lettre c~'on
prononce est aussi
facHe à retenir dans l'oreille que celui d'un chift'rc; en
fait, il est bien constate que les personnes ordinaires
retiennent, âpres une audition, un nombre un peu infé-
rieur de lettres; soit, en moyenne, (nettres et 8 chif-
frer. Chez M. Inaudi, ce rapport se trouve détruit. Sa
mémoire des chiffres que nous allons cxamincf tout
a t'heurc methodiqucnicnt est près de cent fois supc-
t'icure à la moyenne; sa mémoire des tettres est faibte
il est incapable de répéter
de cinq a six !cHt'es?
ptus
même impuissance pour répéter deux tignes de prose
<tu de vers; il hésite, perd de son assurance, dcctarc

qu'H ne peut pas répéter, et en somme se dérobe à

l'expérience, par crainte de ne pas donner de résnttat~


hriUants. Les autres mémoires de M. Inaudi ne pré-
sentent rien de remarquable; on l'a longuement inter-

rogé; il parait ne pas se souvenir d'une manière ndt'ïc


des figures, des lieux, des événements, des airs de

musique. On a essayé dans ces derniers temps de !ui


faire utiliser tes procédés connus de la mnémotcchnic

1. La mn<'m<~cchnic,dont nous nuroM t'occasion de pHt'tct*HM


peu p!tt« loin, Mcomine but prtnctpat de secourir la n)c<hou'e
des ch!nt'c~ en t'cmpîac~nt le cht<Tt'c, <;ui en tut-tn~mc n'a
'«'nvent Kucttn Mns, par un met intelligible. On cutnpfcttd que
<'H pt'ocedc devait échouer duns le cas de M. Innudt, puisqu'it
u!ta!t CHsens conh'airc de ses aptitudes ttatut'cncs.
44 PSYCHOLOCÏË DB8 GHA?!D8 CALCULATEURS.

i! a fallu y renoncer; le mot ne se gra~e point dans sa


mémoire; il ne peut pas apprendre, paraît-il, de dates
d'histoire; la date reste, comme chinre,.mais sans signi-
fication. Ï! n'y a qu'un seul cas oit il se rappctte exac-
tement une suite de mots c'est quand ces mots font

~~ie de iénoncé d'un probté~n~. Ce~ ea~mtéressant


et montre combien l'attention et l'exercice sont des
acteurs Importants dans la formation des mémoires

partie! tes cette formation ne repose probablement


pas, selon nous, sur un fait anatomique, mais btcn sur
un fait psychologique; nous entendons parÏà fpte ce

qui produit le dcvetoppement d'une mémoire, c*est–


outre une condition physiotogique inconnue un
ensemble de facultés mentales, t'attcnHon, la volonté,
la persévérance e!. par-dessus tout un goût passionné
pour le genre d'études qui est en connexion avec cette
mémoire.
Partons maintenant de la mémoire des chiffres. On
sait que c'est la faculté maîtresse de M. Inaudi, celle

qui se prête le mieux au contrée et a la mesure; tes


calculs qu'il exécute intéressent surtout les mathéma-
ticiens de profession; sa mémoire des chiffres est tout

spéciatement un sujet d'étude pour tés psychologues.

Lorsqu'on parcourt les études biographiques qui ont


été publiées jusqu'à ce jour sur tes calculateurs pro-
diges, on s'aperçoit que les auteurs n'ont point fait
cette distinction importante entre !a mémoire et le
calcul; surtout its n'ont pas cherché a prendre une
mesure de la mémoire. Cette distinction apparait pour
la première fois, si je ne m'abuse, dans le rapport aca-

démique de M. Charcot.
M. tNAUOï. MÉMOtME CES CHtPPHRS, 45

Nous avons été amenés par l'étude de M. Inaudi a


distinguer deux choses dans la mémoire des chiffrés
i° le nombre maximum de chiffres qu'un sujet peut
répéter après une seùle audition c'est ce que nous

apposerons le ~o~po/ ~c<o/< de la mémoire;


8~ te nomhpe-d~ chin'ces q~'un suj&t peut c&nser~'er
dans sa mémoire, en les apprenant par plusieurs fois
c'est r~t'Mr~c de la mcmo!re. Exammons séparément

ces deux points, qu'on a génera!ement ïe tort de con-


fondre.

P~M(W/' <f~C~«~~ WCMO/C ~S C~~Vc~.

Nous venons de rappeler comment on mesure dans


les laboratoires de psychologie la mémoire des chiffres

par une récitation ininterrompue d'une série de chif-


fres, prononcés avec une vitesse de 2 chiffres par
seconde. Toutes les conditions de cette épreuve sont

importantes; si on met des intervaHesde repos dans


la récitation des nombres, si on distribue ceux-ci dans
des opérations distinctes, en augmentent
qui rintérét,
on soulage le poids de ta mémoire, et on modifie les
conditions de ~'expérience.
généra!, un individu En
normal peut répéter de 6 à 12 chiffres après une pre-
mière audition. Ce nombre varie avec un grand nombre
de facteurs, le degré d'attention volontaire, F~ge, etc.
Nous avons engagé un élève du laboratoire, M. Gaut-
tier, à faire des recherches sur la mémoire des chiffres
et des tettres~ de ces recherches, nous extrayons les
résultats suivants, qui serviront de point de comparai-
son pour apprécier les aptitudes de M. Inaudi.
46 PSYCHOLOGtR DES GRANDS CALCULATEURS.

Le nombre moyen de chiures retenus est


1~ Quand les chiffres sont prononcés avec une voix
monotone:?;
2" Quand les chiffres sont prononcés avec une voix

rythmée 9;
3*~Quand îes chifffes spn~ gmu~s ;~r d~
4° Quand les chiffres sont groupés par deux et en
outre 12.
rythmes

Le nombre de chiures qu'une personne retient en


une seule fois, sans être absolument nxe et immuable,

présente cependant une certaine constance, comme le

prouve ce fait curieux


que, si Fon prie une personne
d'apprendre un nombre de chiffres supérieur à la

moyenne qu'etle peut retenir après une seule audition,


on voit le temps nécessaire pour apprendre la série de
chiures s'étever
brusquement; ainsi une des personnes
examinées met 2 secondes pour apprendre de 4 a i chif-
fres elle met 3 secondes pour apprendre de 8 a 10 chif~

très; 4 secondes pour il chiffres; 38 secondes pour


13 chiures; 75 secondes pour i4 chiiTres.
M. Ebbinghaus, qui a fait des recherches anatogucs
sur les sv!tabes dépourvues de sens, dit qu'après une
seule lecture il pouvait se rappeler 7'sy!!abes; pour
se rappeler 12 syllabes, it fallait 16 lectures; pour 24,
44 lectures; pour 2C, 5~ lectures. clas Gc~c~/<

~~s, 1885, p. 64.)


Ceci nous montre une curieuse loi de progression,
non encore formule nettement, mais entrevue. Entre
une personne qui apprend C chiffres ou syttabes à une
seu!e audiuon et une autre personne qui en apprend
12, il n'y a pas la diHercnce du simptc au doub!e; le
M. tNAUDt. MÉMOtRE DES CHÏFFMËS. 47

temps nécessaire it l'acquisition des chttfres croît, non


proportionnellement au nombre
des chith~es, mais beau.

coup plus vite disons, pour faire image, qu'il croît


comme le carré ou le cube du nombre
J'ai fait, il y a un an~ avec l'autorisation de
Mv Butsso~r'~ t'scherches sur l~m~~
chinrcs dans les écoles primaires élémentaires de
Paris; j'ai fait répéter des chiffres a environ 400 gar-

çons de huit a treize ans; j'ai vu, comme on l'avait

déjà noté, que le nombre de chiffres retenus croît avec

l'âge. J'ai rencontré très peu d'enfants dont la mémoire

dépassât ta moyenne de l'adulte, et qu'on pourrait


considérer à ce point de vue comme des petits pro.
diges. Je donnerai cette simple indication sur 100 en.
fants au-dessous de treize ans, je n'en ai vu que quatre

qui pouvaient répéter~ dans les conditions que j'ai


dites, 12 à 15 chiffres; ce sont peut-être des calcula-
teurs prodiges en herbe
Examinons maintenant ce que peut faire M. Inaudi.
M. Inaudi a l'habitude dans ses exercices de répéter

1. Il n'y a pasdf loi pt'cc!sc A posct'; le résultai dépend d'uno


f<n~e de cn'constatM'cs, Mptttudcs !ndtvi<tncnes, bonnes dïspos!*
tions de santé, etc.
2. Plusieurs auteurs ont étudt~ la mémotre des chiffres d~tts
les ec~tcs~ notntntMcnt M. Jncobs, qui a cru trouver une relation
entre la postttttn d nn 6!cvc dans sa classe et le nombre de cltif
fres qu'il petit t'etetth'. Je n'a! pas réussi M<'on(tnncr cette expc'
t'!cnee, et je tn'cxp!iqnc rcFf<:t!f de M. Jacobs de lu mantcrc
~utvantc U confiait rcxpMt'!cn<'c att professeur de la ctassc, et
et: dct'n!ct% conttat~sant les é!cvcs, poussait et fA<w~~ davan'
tage, sans en avoir conscience, les bons cteves. C'est ce quej aï
conatatô en confiunt lit t'ccbcrchc a un profcsscut'; toutes les
fois que j'at opc<6 tHOt-m~tnc, sur des <Hcvcs dont j'tgnot'aîs te
ctassentent, j'at obtenu dca rcauÏtats bien dtH'ércnts. (Voir Jacubs,
~/K< XÏÏ, p. ~5. Bolton, Jw~. /~r~. M/cA., IV, p. 362.)
M PSYCMO~OCtE DES CKAKM CALCULATE~H9.

24 chines; on les dtvtse par tranches de trois et on


en dit la valeur; M. ïnaudt répète, à la suite de celui

qui énonce, chaque tranche, avec l'indication de la


valeur; puis t! répète la série entière. Dans cet acte de

rappe!, H est guidé par le son Je sa propre vo!x qu'H


entend retentir en !m (audition ment~c),JLe fait d'ar-
ticuter tui"m6me des nombres facilite sa mémoire,
comme l'indication de ta vateurj
quand la sét'!e entière
vtent d'e!re énoncée, M. Inaudi a le sentiment qu'il l'a
appnse et peut la répétera il ignore à quel signe il
reconnaît que la série est apprise.
H a pu répéter une fois, nous dit-il, une série de
27 chiffres, Nous proposons de lui en th'c 36, en les

groupant a sa manïèrc~ il y consent. Noustï~ons sim-

plement les ch!nit*es par tranches de trois; lui-tnemc,


en répétant chaque tranche immédiatement après nous,
ajoute l'indication de la valeur. La répétition de la série
entière se fait sans aucune erreur* mais le sujet, pen-
dant l'expérience, a <ait des efforts visibles d'attention;
il a cïighé des yeux et de temps en temps fermé éner-

giqucmcnt tes poings, comme pour forcer un souvenir


à revivre il s'est repris une ou deux fois. tt remarque
alors qu'it lui est plus facile de répéter 400chtH*rcs
résultant de problèmes divers qu'on lui a posés pen-
dant une soirée, que de répéter d'une façon continue
une série de 36 chitn'cs. Voict la raison qu'i! en donne

quand il répète les 400 chiffres, il est aidé par le sou-

1. Dttns cette expMficttcc, j'Mt mis une m!nmc A énonccr Ïcs


36 chtt~'cs, M. InRudi les rcpétttnt tt mesm'c, après moi. Après
<ttt itttervaUc de 3 secondes, M. htaud! Mrépète la série entière;
il î'n fuit en tO secondes.
M. tNAU~t. MKMOÏRË CK8 CHÏPFMKS. 40

venir des problèmes posés, qui ont contribue a bien


fixer son attention sur tes dtifl'res et ont donné à ces
chiffres un caractère intéressante la série monotone de
cInfFres sans signification éveille moins son atten-
tion. Nous pouvons ajouter comme seconde raison que
tes mtërv~t~es d(frëp~d d,Jfvërrf"êlî'ë'ûrHes''l)()'ül¥ s'as'si=
miter tes chaires; la série de 36 doit être apprise d'une
manière continue, et c'est là un enbrt pénible.
Nous demandonsensuite, quelques minutes après, a
M. Inaudi de répéter 51 chiffres. H y consent, non
sans appréhension. Quand le vingt-sixième chiffre
vient d'être prononcé par l'expérimentateur, M. tnandt
s'arrête, très troublé. « C'est curieux, dit-il, je n'ai
jamais éprouvé cela, je sens que je vais oublier les
chiures que vous vcncx de réciter. »
A quel signe reconnaît- ce trouble de la memotre!*
11 n'a pu le dire. Toujours est-il
que, revenant en
Mt'ricrc, il répète la série des 26 cbiu'rcs qu'on vient
de
dire, puis demande à l'expérimentateur de contmucr

expérience. ÏI n'a pas pu répéter les 51 chiures, ïl en


a omis, transposé, il a commis des erreurs sur environ
10 chinres; 42 ont été répétés exactement. Dans ces
diverses épreuves, M. Inaudi a demandé que les chit-
fres fussent prononcés très lentement. Il attribue son
!nsucccs partiel à ce que la disposition de l'expérience
n'éveillait pas suffisamment son attention sur la série
des chi lires.
Ce nombre de 42 doit donc ctrc conservé comme

exprimant le pouvoir d'acquisition de M. Inaudi. ~tous


ne possédons malheureusement pas de documents ana-

logues sur les anciens calculateurs prodiges, nous per.


4
M <~YCKOt<OC<Ë DM ~MAKMS CALCUMiKUKS.

MMUMtde fan*c une c~tHp~t'm entre Ïcu<' n~tHon'e et


ccHc d~ M. Ïntmdh N~ttM av~M
~on~'ntdtt~uc !'ht~to!<'c

~ctcnti~fpjc dcH <tm;jtcnH cutctdaK'Mt'M pt'od! Manque


en ~n~'at de prec~ï~n, et qtte t'hypct'hotc cntttftUM~stc

y t'cHtphtcf! tr<~ M~tj~cm ta pxych~Mtétt'tC. Hxc~pthtn


~~r~~ ~!<Mn~ p~M
n<~i~ tinc ob~t'VttH~tt in~tfMCtivc de
!c~uet p<d<Hts

Cauchy, rédacteur dtt rapp~t't acad~wïque; ct~t'e


cette obset'vaHon OMt-et!~ ~scx vague. L'exp~r!cftcc de

Cauchy à fa~<* ap~t't'nd~c


conmstc & Mond~x un
noHthr< de M ch<<cf~ partagé en qMatt'c t!'anchcM, de

fnan{cfe&pouvo!r énoncer & votonté ~ftC chtH'rcH enfer-


H)!~ dans chacune des tranf:hcs. Pour art'tvcr & c~

r~suhat, M<~tdcnx t~ït mtntitcs. M. !<mudt !<'<i CM


bes~tn <{Mcd'entendre t~n<tnc<~ dcH 24 <'h!«'t'cn, et de tc~

t'~p~et' uhc t<nH~ < qu! pt'f'nd ~OMCcondeM; i! consct'v~


donc !'av<ânta~e ~Mr ~~M dcvanctcr.
Un <tut!'c p~htt d<' c~tup&t'a!s<~t <~t a c!t< Mt:nt
cct(j!!t-ïà app<'th* h'~ p!t~ cxpt~sscM t'ct'v~'M. t~ns tin
art!c!<: de M. LaMt'cnt CALCUL MMNTAL de ïa
(arttch'

(~e ~7~) il <~t pari~ d'tjnt cah'tdM~'ur pro-


dt~e noMt~ Vht<'k!et% <pn Murait ~<t utte exp~rîencc

t'ctftMrq<j<th!ca t'tnnwt'Mtt~ d'Oxf~'d~ t'~p~a~O~chtP'


fres hn htt datts tf co'ur.mt d'un
~tt'on ~pr~s-~tid!.

M. L<tHt'<'r<<, qui n'ass!sta!t pas !'cxp~r!<*nc< ne

t«mg<' cvKt<'«nn<'«t paM a ~'<;rt pontet' ~ar.mt; p~ur


m~pa~,jc tte ptttu rM<{~!ct* (;unt<~<: v~t'ttaMc'. ~u

r<"tt< M. La<n'<'nt t'onMtdct'c c~uttte nn t«ur df fot'c<"

phis <;xtt'.to<'<t!tt.nr<; <'nc'n'<' !'(;xp~t'K'tK'c stitvMnh', ~ut

1. L<'« t~HK~HtMfif t'<'Xpt~t< tt«' tt<~)t, <tK' <t{t-<ttt, MtOt'tK aUJ~Ut'*


tt'ttUt, Vttt<t<t<'t'Utttt<tt. C<) tt<'<tt{<!uK~tttttt<' té~M<t<
?. tNA~~t. JttKMOittK BKS CMtt~MKH. M

aH~ut et~ faite, lui témoin, par Vinctder. Cette expé-


rience a con~i~t~ a un nombre d<; chif-
décomposer

frer en 4 carrer il ent tout nennin'e


prouve que peut

être d~contpoH~ en 4 carr< n<atM on ne p~MMeJc

pMM CM <MMth4mai!queM de fn~th~de p(~!f cct(<; d~coHt-


~uM~Ïon~ (jjuc J'fjjrt ~nt umqucfncnt par t~<~mc«tcnt.
Je crtMs que ta d~!c<i!t~ df cette déc~rnpoMtHoH doît
varier beaucoup avec nombre choM!, et pas scu!e-
tttcnt avec !a grandeut* Quoï qu'tt en de ce nombre.
~ott, Vmek!cr aurait tM<s 5 minutes pour cette décom-
position. M. ïnaudi a t'avantage Mur lui; je lui ai fait
faire cette expérience de catcuï, qu'il ne connaissait
pa~, et ii n'a pa~ fni~ phis d'une Minute a trouver !eH
4 chin'rf'sdc la ~o!ution.J'cnconc!uM donc que, puisque
~f. tnaudi qui est supérieur il Vinckier sur h~

pointM ou on peut teM cornparer ne répète pa~ pïuH


<te 42 chinreH apr<~ une neute audition, H serait invr~aï-
sctnbtabie que dau~ tes me~x~ conditions Vinckter en

t'<petât4~0'.
A propos de ce n~nnn'e
de 42, qui <t, connnc disent t
h'}t auteurs Mn~ain, !e w<?~ d'tnaudi, je doin
pt'<~enter une remarque importante. M. ïnaudi a pein~
.< adnt<'ttre que ce chinrc soit !a nnnte de sa n~ntoire~
H inHi~te ~ur ta facuttc q!i'it a de r~p~tcr, à t'i~HUt:
d'une séance, tous teM ctnn're~ avec h'squetH il a tra-

\an!é; cc~ ctnH'res dépassant Houventh: nomhre de ~00.


tt n'y a point de contradiction entre tes deux exp~-

t. S' f<ttt<n<il t'~ft pt'tx <ttn' cx~Hf'atf~tt p~m* «tt fuit <ÏoMt tfi
)«tttt<* tttMtf'<t<'t!<t tt <'f~ 4~ntM<ttt'<'< tt~Mtt dh't~ttX '}tt'<ttt p~Mt'-
ptttt
nt{t v<'«!t«'t<thtMb!<'tM<'ttt for«' utHjth~uc ri <:<«)
f«tt<: titt t~tn' dt*

)m <~t. <tH<hm' « v!mt(t<}f t'tt t'ttt~t~ynot !<'« t'cstn/Mt'ce~ ~c


"t tt<utc<'ht<!<
52 P8YCHOÏ.06!E DES GRANDS CALCOLATBUttS.

riences. Les 300 chiffres qu'il repète a la fin d'une

séance, il ne les a pas appris les uns a la suite des


autres sans interruption x ces chifires
proviennent
d'expériences distinctes, où le calculateur n'a conné

chaque fois à sa mémoire que des séries de 24 clunres

au~plus~et~es chines appa~enaient & des proMê


distincts. Ïl y a donc eu des intervalles de repos, si
courts qu'on les suppose, et des diversions d'attention

qui ont facilité l'assimilation de ta masse totale, vrai-


ment énorme.
Pour bien faire comprendre ma pensée, j'aurai
recours à une image empruntée à ta physiologie de
l'effort musculaire. Quand on cherche à connaître la
force de contraction musculaire et volontaire d'une

personne, on lui fait serrer avec autant de force que


possible un instrument approprié, et on la prie de
soutenir son effort de contraction jusqu'à ce qu'elle
soit vaincue par la fatigue. La durée de t'eHort ne

possède une
signification que si la contraction a été

continue; le moindre intervalle de repos permettrait de


faire une contraction beaucoup plus longue. On peut

supposer, à bon droit, qu'il en est de même pour l'ef-


fort qui consiste à se rappeler des nombres~ il doit'
être relativement plus facile de retenir 400 chiHres,
quand on les a appris par séries de 24, avec des inter-
valles de repos, que si on était obligé de les apprendre
d'une manière continue, les uns à la suite des autres.
Tout récemment (novembre 1893), ayant eu l'occasion
de revoir M. Inaudi au laboratoire, nous avons cherché
à nous rendre compte du temps qui lui était nécessaire

pour apprendre et réciter sans erreur iOO chiffres.


M. !NAUM. –MËMOÏBE DK8 CtHFPRES. 83

Cette recherche, comme on voit, digère sensiblement


de celle qui a été précédemment indiquée et qui por-
tait sur la mémoire de 52 chiffres dans cette dernière

expérience, on ne permettait à M. Inaudi que d'en-


tendre une seule fois l'énonciation des chiffres à retenir.

AM contraire da~sl'e~xpérienee des tOOehiffr ,la,


feuille sur laquelle ils étaient inscrits a été connée à

l'impresario qui les a lus et répétés aussi souvent que


M. Inaudi les lui a demandés, et on a mesuré le temps.
Voici comment on a procédé. L'imprésario a d'abord
lu j.8 chiffres (groupes en nombres de 3 chiffres) que
M. Inaudi a ensuite répétés lentement, avec effort,
comme s'il avait eu de la peine a les entendre. La répé'
tition s'étant faite exactement,
l'imnrcsario a tu les
15 chiffres suivants, et M. Inaudi l'a alors arrêté, pour
répéter les 36 chiffres. Tout cela a été fait en une
minute et demie. Puis l'imprésario a lu 21 chiffres de

plus, et M. Inaudi les a répétés exactement en même

temps que les précédents, total 57 chiffres, qui se trou-


vaient appris en 4 minutes. Puis, lecture de i8 nou<
veaux chinres, et répétition totale; on arrive à ce
moment à cinq minutes et demie; puis 33 nouveaux
chiffres sont lus, appris, et ajoutés aux autres; cela
fait environ neuf minutes. Après une nouvelle lecture

générale pour consolider les résultats, M. Inaudi a pu


réciter les 100 chiffres en réalité il y en avait i05), et

l'expérience totale a duré douze minutes.


Cet essai a été fait vers la fin d'une séance assez

fatigante, et M. ïnaudi pense que s'il s'était livré à cet


exercice au début de la séance, il aurait pu apprendre
les iOO chiures en moins de temps, en dix minutes
54 PSYCHOt.OGtË MKS GRANDS CALCULATEURS

environ. Son sentiment est aussi que ce sont tes chiures


du mitieu de
la série, pat* exempte de 40 a 70, qui lui
ont donné le plus de peine.
Kn tenant compte de la marche de l'expérience, on
voit qu'elle peut se décomposer de la manière suivante

M. ïttMttd! M appt*!s en ~30' 3(t ('htH't'cs.


~M. 57

~3~ 75

t2' ~0

Si nous faisons
la part des vanat!ons de l'attention
et de la fatigue au cours de t'expericnce, nous consta-
tons ici, pour cette magnifique mémoh'e, la métne règtc
de progression du temps qu'Ebbinghaus a si bien mise
en lumière par des
expériences faites sur ïu!-mcme.
Les 36 premiers chiffres ont été appris en une minute
et demie; si cette v~csse d'acquisition avait pu être
conservée, la série des 100 chtfTt'es aurait été retenue
en quatre minutes et deunc~ or il a tattu près du tt'tpte
de ce temps-tà, ce qui montre bien que ïe temps n'est

pas proportionnel au nombre des chiffres, mais aug"


mente beaucoup plus rapidement.
Terminons sur ce point par une remarque accessoire.
M. Inaudi nous a dit que ta série de 100 chiffres qu'on'
lui ava!t proposée présentait des difficuttés parucu-
Ïicrcs, parce que les chiu'res se suivaient au hasard
et n'avaient aucune liaison. U nous a expliqué ce qu'il
faut entendre par cette liaison, et comment elle facilite
le travail de ta mémoire. Quand deux nombres cotnmc
~24, 825 se suivent, ils ont une liaison entre eux au
24 du premier nombre succède le 25 du second; ils sont
M. !NAUO!. MKMOtHE DES CHtPFRBS. 55

ptus (acnés retenn*. Fréquemment, quand une per-


sonne cherche à ecnre rapidement, pour ïes nécessités
d'un probtètne ou d'un exercée de memoh'e, 50 & iOO
chntres, elle fmt des n:usons de ce genre, sans s'en
douter, parce que les chinres ont quetque tendance
tm e tend ance trè<! ta tbte rM e~ entendu à éynquer
dans t'ordre où us ont été appris et M. tnaudt pronte
de ces tïïnsons tnconsc!entes

~fe~~MC de wc~M~rc.

Ït faut entendre par étendue de la mémoire sa capa-


cité, soit le nombre maximum d'objets qu'elle peut
retenir. L'étendue de la memoh'e des chiffres estexprï<
mée par le nombre de chtnres qu'une personne peut, a
un moment donné, réciter de mémoire.
En géttërat, lesqu'un ('hi(frcs
individu normal

apprend par séries de 8 ou 9 dans une expérience, et


au prix d'un grand eHbrt, ne restent pas dans la
mémoire plus de quatre ou cmqsecondes~ ils font dans
la mémoire comme un ïéger bruit qui bientôt dis-

parait. Des chiffres assemblés au hasard et qu'aucun


tien logique ne rattache les uns aux autres ne se
fixent point facilement dans l'esprit; ils ne présentent

pour nous rien d'intéressant, ils n'ont, peut-on dire,

1. Nous a~ons remafqué que cct'ttuncs pepsonnes cpfottvent


une ~rnndc d!f<tcu!tc u t'Mnprc !a ttntMn nHhn'c!tc et Mt'ct'h'c ctt
8er!e des ch!Tt'M qm ~e se stuvcnt. pa: M. Charcot, !t nous en
suuvtent, ctaît très senstMe a !u dtfHcuUc, et & son insu ii <t
<!onttudevnnt ÏH con<nnss!ott de t'Acadenne, pom' les exp6r!cn<'cs
d<; i'ccbtquïct', que nous deertfons ptus loin, beaucoup de ch!f-
frcs qm se &u!vaicnt.
56 P8YCHOLOG!E BBS GRANDS CALCULATEUHS.

aucun caractère intelligent qui éveille notre attention.


Chacun peut s'en assurer sur lui-même avec la plus

grande facilité.
La disparition du souvenir de 9 chiures
est presque
infaillible quand nous cherchons, après les avoir

répété!?, :t cf~ rcten it~trnre nouvel! e série de f~. A ïno'hfs

d'empioyer quelque artifice du genre de ceux qu'en-


seigne la mnémotechnie, nous constatons, dès que
nous faisons efÏbrt pour apprendre la seconde série,
que la première s'est cotnptctement évanouie.
M. Inaudi n'est pomt sujet à ces faiblesses de
mémoire; après lui avoir donné une première série de
24 chiffres, on peut lui en donner une seconde, une
troisième~ il tes répète toutes, et les dernières ne font
aucun tort aux premières. C'est ainsi qu'il peut arriver,
à la fin d'une séance, à répéter 300 chiffres provenant
des différents pt'obtèmes qu'on lui a posés.
Nous allons citer un curieux exempte de la per-
sistance de sa- mémoire des chin'rcs. M. Darboux, à
une séance de la commission académique, donne à
M. Inaudi 2~ chinres à répéter. M. Inaudi s'en sou-
vient quatre ou cinq jours après, dans une séance à la

Satpctrièrc. Nous n'avons pas pu nous assurer de


l'exactitude de
la répétition~ n'ayant pas assisté à ta
séance de la commission. Mais nous écrivons les chif-
fres dits par M. tnaudi à la Satpêtricre; quarante jours
après, nous te revoyons; dans cet intervalle, il a chaque

jour, dans les séances qu*it donne en ville et sur les


théâtres, opéré sur 300 chinTres au minimum de plus,
it n'était nullement averti que nous lui demanderions
la série de chiures donnée par M. Darboux; cependant
M. ÏNAUM MÉMOÏRB OE8 CKtFFRKS. 57

il a pu en retrouver un peu plus de la moitié, en fai-


sant un grand effort d'esprit.
Nous avons en outre interrogé M. Inaudi sur ce point,
et voici ce qu'il nous a appris il oublie en quelque
sorte volontairement les chiffres des séances publi-
ques; quand ce~chif~s~~pfésententau~u~~ i-ntérêt.}"il
retient au contraire les chiffres qu'il a reçus dans des
conditions particulières, qui ont fait l'objet d'un pan,

ou qui se rattachent à un problème nouveau. J'ai alors

prte M. Inaudi de bien vouloir réciter tous les chiM'res

qui, a ce moment-là, étaient contenus dans sa mémoire;


inutile de dire que le jeune calculateur était ainsi inter-

rogé à rintnrovtste et n'avait pas pu se préparer à

l'expérience. J'avoue que j'avais cru que la mémo!re


de M. Inaudi devait contenir au moins un millier de
chiffres, et je m'apprêtais à faire l'inventaire de cette
mémoire. En fait, M. Inaudi n'a pu se rappeler que les
230 chiffres provenant de la représentation publique
de la veille au soir (c'est-à-dire seize à dix-huit heures

auparavant) et quelques chiffres un peu plus anciens,


remontant à cinq ou six jours. Le reste était oublié.
Pour nous assurer de l'exactitude de la répétition, nous
avons prié M. Inaudi de nous redire deux fois ces
230 chiffres, et les deux
répétitions ont été conformes.
Le résultat négatif de cette expérience ne manque pas
d'intérêt; elle montre que M. Inaudi est comparable,
dans une certaine mesure, a l'écolicf au travail facile,
qui apprend très vite de mémoire ce qui est nécessaire
à un examen, et, l'examen passé, oublie tout Chex

t. Cette, facuttf de se t'uppctcr scttïetnc!~ pour un temps,


fttcuuc h'cqucntc non seulement chez reco!ict', tMMtschex l'avocat,
S8 PSYCtMLOGtE DES GRANOS CALCULATEURS.

M. Inaudi, il y a un balayage périodique de !a mémoire


1
des chitfres, qui permet aux chiffres nouveaux de

prendre la ptace des ancîcns.


La vente de cette interprétation est encore attestée
une seconde expérience, à résultat négatif connue
par
ïa pt'enu~fc jdjLex M. lnaud4 ie~ reauttat~ né~ttfs ont
toujours de la va!eur, a cause de rmtét'ct et de t'atten-
tion qu'il apporte a toutes les expériences. Vo!ci ce

qui s'est passé. Ayant constaté que M. Inaudi pouvait


répéter facilement les 230 chKn'cs de la représentation

publique de la veille, je lui demandai s'n serait capable


de refaire ce tour de force a ma conférence de la Sat"

petrière sur les calculateurs prodiges, conférence où

Ï'hommc politique, n été étudiée par M. Verdon (cité par W.


James, /~c~~o~y, p. 685, t. !). Je ne suis pas en mesure d ex-
pHquer complètement cette faculté de métnoirc tempora!rc~ qui
est dcve!cppec it quoique degré chez tous les hommes ;~e t'omnu'*
qucya! seulement que, si pom' quctqucs'Mtt!! eï!c est une preuve
de fatb!c8sc de la tnftnoh'c, elle constitue chcz d'aMtrcs une
WHtoh'c pct'fccttonnce; il y a !htcfet en ei~et, dnns cet'ta!nes <f'
<'(tt)stnt<ccs~ & ne se r«ppc!cf que pour nn espace de temps d~t<'t'.
tntnc, et lit fttcuhc d expuiscr de su mcn<o!rc un fait dottt Ïn
cotnmtssMttcc devient hmHÏc peut ett'e considth'ec comme un
sét'fcnx avnntn~M pom' Ï {ndivtdn qui Ïn possède tÏ ïne sctnbtc
qtt'on doit ttt't'tvct', pat' un cn~t't votoMttt)t'< il devetoppct' en so!
('cttc modaHi'' de lit tnctnoH'c.Ston vcut<'oftset'v<'t'ttn touvctttf
pour une tt'cf! longue dm'ct~ il est bon de !c t'Mppe!ct' de temps
en temps it ta t'onsc!encc. et de le fortifier par une t'cpctttion
mentatc; si on ncgUj~cou mctnc qu'on cvttc de penset' u ce sou*
vcntt\ ott tn laisse «'afttttbHt' et dt8pat'«!tt'c. Rn second lieu. il
y n d~ns la ntotncre dont on acqu!ct't le souvcnh', un pt'occdc
potn* en faire un souvcnh' dumbh' ou cphcmft'c si on apprend
vite, ttt'on appt'cnd tncc<tn!qMcntent, sans ctassc~ te souvcnh',
sttns en <tppporondh' t<; ttcns, il y <t hcttMcoup de chances pour
que ce sottvcnh' dt!tpttMH~«c il scm pÏus tenucc si on se t'<ts-
a!mt!c lertterttettt, Hi on cherche ù nouer un grund Mombrc de
rctutions entre te f(ttt nouveau et !ca f«!ts anctcns qu! sont dans
la poMcsstOM de notre mémoire.
M. tNAUDL MËMOtMB OH8 CtHFPRM. M!

il aurait à apprendre 230 chiffres nouveaux il s'y

engagea, par excès d'amabintc; or, a la conférence,


quand il eut confié it sa mémoire les 230 chiffres nou-

veaux, et que le moment fut venu de répéter les anciens,


il eut un moment d'hésitation; il eut le sentiment qu'H
ava~t oublie en part~&etteL série anciennCt et en 0~
il ne put pas répéter tous les chtu'res. Kvtdcmment, la

charge nouvelle c~u'it venatt de conucr à sa mémoire


avait eu pour effet d'éliminer en partie ces souvemrs
de date antérieure; et quoique je ne doute pas que
M. Inaudi puisse, dans de meilleures conditions, ras-
sembler 500 chiffres et plus dans sa mémoire, il est
certain que le déblayage de ses souvenirs anciens faci-
lite Facquisition des souvenirs nouveaux.
CHAPITRE V

M. tNAUDL CALCULATEUR DU TYPE AUMT!~

U faut maintenant examiner de près ce qu'on entend

par c la mémoire des chiffres ?. Nous avons employé


ces mots comme s'ils avaient pour tout le monde le
même sens. Cette opinion était admise autrefois on

croyait toutes les intelligences construites à peu près


sur le même plan; mais aujourd'hui que l'on connait
Fimmense variété des
types psychologiques, on sait

qu'une même opération mentale peut être comprise et


exécutée par deux personnes sous des formes absolu-
ment diuerentes. !t en est bien ainsi *pour la mémoire
des chiures il existe plusieurs procédés pour se

représenter les chiures, pour les fixer dans la mémoire


et les faire revivre; en d'autres termes, on peut
employer a cet cu'ct plusieurs images d'un genre diffé-
rent. La f'omtnission
académique qui cette a étudié

question avec beaucoup de soin a pu constater un fait

surprenant les procédés de M. Inaudi sont contraires


aux opinions courantes sur les calculateurs prodiges.
M. ÏNAUDÏ. CALCULATEUR BU TYPE AUBÏTÏP. 6l

Ces derniers paraissent, d'après leur propre témoi-

gnage, prendre pour base principale de leurs opéra-


tions mentales la mémoire visueHe. Au moment où l'on
énonce devant eux les données du probtcrne, ils ont la
vision intérieure des nombt~es énonces, et ces nombres,
pendant tOMtt~temp~nécessstre à i'opération~
devant teur imagination comme s'ils étaient écrits sur
un tableau fictif
ptacé devant leurs yeux. Ce procédé
de c~<t~<ï<MM comme disent les auteurs anglais
ëtatt celui de Mondeux, de Coïburn, de tous ceux
en un mot qui ont eu l'occasion de s'expliquer claire-
ment. Ceci posé, rien de p~s simple que d'expliquer
la tacutté de caÏcuÏer sans rien tire ni écrire. Du
moment qu'une personne dispose d'une mémoire
visuelle très nette et très sûre, elle n'a nu! besoin
d'avoir les chiures les yeux, de les lire et de les
sous
écrire, pour en tirer des combinaisons; x elle peut
détourner les yeux de l'ardoise où ils sont écrits,

parce qu'ils sont également écrits à la craie sur te


tableau que sa mémoire tui représente. L'explication
parait si satisfaisante, que Bidder, un des plus grands
calculateurs mentaux du siècle, a écrit dans son auto-

biographie qu'il ne comprendrait pas la possibilité du


calcul mental sans cette faculté de se représenter les
chinres comme
si on les voyait.
Les recherches de M. Galton, le savant anthropoio-
giste angLais, ont
apporte une confirmation a ï'inter~'

prétation précédente. En interrogeant un grand nombre


de calculateurs et de mathématiciens de tout ordre et
de tout âge, M. Galton a constaté que la plupart ont,
pendant leurs caÏcuÏS) limage visuelle des chines
62 t~YCHOLOGtB RKS GMANOS CALCUI.ATBUNS.

cette image ofR'e parfois de curieuses dispositions


individucHes Ïa série naturcnc des chiffres se pré-
sente sur unc!igne droite ou suit les contours d'une

!igne compliquée; chez certaines personnes, les chif-


fres apparaissent p!acés en regard des barreaux d'une
écheUe, chex d'autpe~r -i~ sont enfermés dans des
cases ou dans des cercles.
M. Gatton a donné à ces images le nom de nM/M~

/brws. U faut que l'image visuelle soit bien nette pour


que tant de détails y puissent être,reconnus
Enfin, M. Taine, qui a étudié avec tant de soin le

phénomène de l'image, a étabÏi un rapprochement


entre les calculateurs mentaux et les joueurs d'échecs

qui ont la tacuhé singulière de jouer sans regarder


t'echiquier. Rappelons en quelques mots les procédés
de ces joueurs. On a numéroté les pions et les cases; ia

chaque coup de l'adversaire, on leur nomme la pièce

déplacée et la nouvelle case qu'etîe occupe; ils com-


mandent eux-mêmes le mouvement de leurs propres
pièces et continuent ainsi pendant plusieurs heures.
M. Taine explique ce tour de force par la netteté de

l'image visuelle. « Il est clair, dit-il, qu'à chaque coup


la ngure de l'échiquier tout entier, avec t'ordonnance
des diverses pièces, îeur est présente, comme dans un
miroir intérieur, sans quoi ils ne pourraient prévoir
les suites probables du coup qu'ils viennent de subir,
et du coup qu'its vont commander, » Le témoignage
direct des joueurs connrme cette interprétation. « Les

t. ~M~«ttWt'st~o /<MM<M/t-M~. p. n4. M. Ftoumoy tt pubttc


t~ccmtnpKt un MtvMge très httcrcssant sur !es ~M~s/M, ou it
<Hudtc tes schcmcs vtSMcts (HMW~pr-/brwa).
M. tNAUDÏ. CALCm.ATEU!t BU TYPE AUDtTtF. <!3

yeux contre
le mur, dit ï'un d'eux, je vois simuhanc-
ment tout Féchiquier et toutes tes pièces telles qu'cHes
étaient en réatité, je vois la pièce, la case et la cou-
îeur exactement telles que le tourneur les a faites,
c'est'à"dire que je vois Ï'échiquier qui est devant mon
adversaire, etnon paa~un auÏrc "cc~iqu~
un dernier trait qui montre l'étendue de cette mémoire
visueïte le joueur
précédent a souvent fait des parties
d'échec montâtes avec un de ses amis qui avait la même
faculté que lui, en se promenant sur les quais et dans
les rues'.
Cet ensemble de documents explique comment il
existe une sorte de théorie toute faite sur les procédés
des calculateurs prodiges. On est natureUement porté
à croh'e que tous opèrent de même, par un développe~
ment considérable de la mémoire visuelle. L'étude des

procédés de M. Inaudi est venue montrer qu'on ne


doit pas ti rer des faits précédents une conclusion

généraïe. La vision mentale n'est pas le moyen unique


pour calculer de tête il y a d'autres moyens qui sem-
bÏent avoir la même efMcacité et la même puissance.
M. Inaudi, que Ïa contmission académique a interrogé
avec soin sur ce point important, déclare sans hésiter

qu'il ne se représente aucun chiffre sous une forme


visible. U connait les tours de force accomplis par les

<. De /<e~cc, p. 80, t. î. Sut* ïcs tt~H~cs ntcnta!c«, qui


ont Mtc soM~cttt ctudtccs dans ces dertttcrcs années en ~ratM'è
et M l'ctt'attgcï', je renvoie aux ouvragea suhants GaÏton, o~.
<< p. 83 Chat'cot, ~c~ M<~les jVa~~c~ ~M a~~Mtc ae~'eM.f,
B!nc~ ~~f/tM~/p /Mnt'M<eM~, ch«p. i<;ct ~<afoM
fMc~<t~, Mcv. ph!!os., t. XXVtt Stt'tckct') la ~M~~e ~M~He;
K~Ct', /o/c ~<t'~re; Saint-Paut, ~Mt ~Hr ~H~<~c
/~<c7'/<'M~; Myct'N, ?*A<'
~Mw/c~Me~M~fM. m S. P. R., 18'!2.
<~ PSYCHOLOGIE DES GUANOS CALCULATEURS.

joueurs d'échecs qui jouent les yeux fermés, mais il


serait absolument incapable de les imiter, en se

représentant la vue de i'échiquicr. Lorsqu'it cherche


à retenir une série de 24 chiffres qu'on vient de

prononcer, comme lorsqu'il combine des nombres

en~ued'u~pp~Mème~a résoudre~ i! ne vof~~j~


chiffres, mais il les entend. « J'entends les nombres,
dit-il nettement, et c'est l'oreitte
qui les retient; je tes
entends résonner à mon oreille, tels que je les ai pro-

nonces, avec mon propre timbre de voix, et cette


audition intérieure persiste chez moi une bonne partie
de Ïa journée. » Quelque temps après, répondant à une
nouvelle demande .qui lui est adressée par M. Charcot,
il renouvelle son assertion. « La vue ne me sert à rien;

je ne vois pas les chiffres; je dirai même que j'ai beau*


coup plus de difncuîté à me rappeler les chinres, les
nombres ïorsqu'Hs me sont communiqués écrits que
lorsqu'ils me sont communiqués par la parole. Je me
sens fort gêné dans le premier cas. Je n'aime pas non
plus écrire moi-même les chiffres; les écrire ne me
servirait pas à les rappeler. J*aime beaucoup mieux
les entendre.
Ces affirmations si explicites semblent ne laisser

place à aucun doute. évidemment, M. Inaudi n'est

comparable ni à Mondeux, ni à Colburn, ni à ces


autres calculateurs qui voient clairement les chiffres
devant eux. Il demande à l'audition mentale ce que
ces calculateurs demandent à ta vision
L'attitude qu'il prend pendant ses exercices et

1. lt. Rtbot u note que qudqMcs cutcuttttcut's entendent teut'a


calculs (Jt~a~ <~<'la 3~<Kûtf<'<pt 108, en note).
M. INAUDI. CALCULATEURDU TYPE AUMTtF. 65

diverses observations qu'on peut faire sur lui viennent


confirmer son témoignage sur cette question, si impor-
tante pour la théorie. Nous avons dit déjà qu'il reçoit
en général par la parole les nombres à répéter et les
données du problème à résoudre. Si on veut lui pré-

senter tes nombres par écrtt,~ et;-


revenant par un artifice très simple au procédé qui lui
est le plus naturel, il prononce à haute voix les nom-
bres écrits, de sorte qu'il se place à peu près dans les
mêmes conditions que si les nombres lui avaient été

communiqués par l'audition; puis, lorsqu'il commence


les opérations de calcul, il détourne les yeux des
chiffres écrits, dont la vue, loin de servir à sa mémoire,
ne ferait qu'embarrasser ses opérations. Il fait a propos
de ses procédés une remarque pleine de justesse
« On me demande, dit-il, si je vois les chiffres com-
ment pourrais-je les voir, puisqu'il y a quatre ans à

peine que je les connais (il n'a appris à lire et a écrire


que depuis quatre ans) et que bien avant cette époque
»
j'ai calculé mentalement?
II est à prévoir que beaucoup de personnes qui
liront ces lignes auront peine à comprendre comment
on peut calculer mentalement sans voir les chiffres et
seront amenées naturellement à douter du témoignage
de M. Inaudi. Il peut donc être utile de montrer en

quelques mots la posstbmte de calculer avec des

images auditives.
Calculer est une opcratîon qui, envisagée sous sa
forme la plus simple, consiste a mettre en œuvre des
associations plus ou moins automatiques, et ce travail
d'association peut se faire sous des formes bïen d<H'e-
5
? PSYCHOLOGÏB DES GRANDS CALCULATEURS.

rentes. Prenons t'exempte d'une multiplication de deux


nombres, soit 12 a multiplier par 4. Que fera une

personne du
type visuel pour multiplier mentalement
ces deux nombres? Elle verra, dans son esprit, le.

multiplicateur 4 place à cote ou au-dessous du multi-

p~candË i2et eH~e exécutera i'op~rattONd~ns sa tâte


comme ellela ferait sur le papier, en posant chaque
chiffre à sa place et en tirant une ligne horizontale
avant de faire le total. L'auditif ne voit rien de tout

cela, et on peut imaginer qu'il exécute le même calcul


à peu près de la façon suivante; il entend ou se dit
à voix basse des paroles comme celles-ci « Quatre
fois deux font huit, quatre fois dix font
quarante,
quarante et huit font quarante-huit ». Il arrive donc au

produit 48 sans avoir seulement entrevu un chinrc.


La plupart des personnes, très probablement, font
dans une certaine mesure les deux choses à la fois

pendant un calcul mental, elles voient les chiffres, les

placent les uns au-dessous des autres dans l'ordre


voulu, et en même temps elles repètent à voix basse,
tout en posant les chiffres, un discours semblable à
celui que nous venons de transcrire; mais on peut
s'imaginer facilement des visuels ass~z purs pour voir
les calculs sans rien dire et sans rien entendre, et des
auditifs assez purs pour parler et entendre intérieure-
ment les calculs sans rien voir

1. On M to~ntts~ u ce pt'opos, M. hmttdï a quelques cxp~


r!cncea tntct'essantcs de psychomc~'ïc, quî oMt montré qu'it
apparient bien r6cHetncm au type audttïf. Nous n'indiquerons
pas
ces
expériences ici, tnaia un peu plus loin. Nous avons eu
J'occasion d'etudiet*, avec M. Chat'cot, un calcuîatcut* du type
visuel, que nous avons soumis exactement aux mêmes épreuves}
M. !NAUDÏ. CALCULATEUR DU TYPE AUDÏTtP. 67

Si M. Inaudi n'est
point un calculateur visuel, qu'est-
il donc? S'it ne se sert pas d'images visuelles, quelles
itnages emptoie-t-il? Nous avons laissé supposer qu'il
emploie des images auditives. Cette supposition n'est

peut-être pas absolument juste. !I faut bien remarquer

qtte l'existence~ d'un auditif pur doit- être as


les images et sensations auditives des mots sont asso-
ciées aux mouvements du larynx et de la bouche
nécessaires pour les prononcer, et lorsqu'une personne
se représente un mot sous ta forme du son, elle doit
en même temps éprouver dès sensations particulières
dans les organes de la phonation, comme si le mot
allait être prononcé en d'autres termes, pour ce qui
concerne le langage, le type auditif a les plus étroites
connexions avec le type moteur; les deux choses doi-
vent être te plus souvent combinées.
C'est probablement ce qui se réalise chez M. Inaudi.
~ous avons vu que, pendant qu'il travaille, ses tèvres
ne sont
pas complètement closes; elles s'agitent un

peu, et il en sort un murmure indistinct, dans lequel


on saisit cependant, de. temps à autre, quelques noms
de chiffres; ce chuchotement devient quelquefois assez
intense pour être entendu a plusieurs J'ai pu mètres.

m'assurer, en prenant la courbe respiratoire du sujet,

porte la marque bien nette de ce phénomène,


qu'elle
alors même qu'on ne l'entend pas ses organes phona-
teurs sont donc réellement en activité pendant qu'u
calcule de tête. M. Charcot, désirant se rendre compte
de l'importance de ces mouvements, a cherché à voir

et il sera p!us htteressant de présenter Sttnuït&ncmcHt l'étude


de ces deux catcuïatcm'a de type dttKt'cnt.
68 MYCHOLOGtB DES GRANDS CALCULATBUM8.

ce qui se produirait si on les empêchait de s'exécuter,


et il a prié M. Inaudi de faire un ca!cut en tenant la
bouche ouverte mais cet artifice n'empêche pas corn-
plètement les mouvements d'articulation qui conti-
nuent à se manifester, et que le sujet perçoit nette-
ment. Un autre rMoyen m'a paru ppéferabte pom*
empêcher M. Inaudi d'articuler des sons à voix basse

je l'ai prié de chanter une voyelle pendant son calcul


mental; si le son de la voyeUe conserve la pureté de
son timbre, il est à peu près certain que le sujet n'ar-
ticule point de chiures. Cette expérience cause un

grand embarras à M. Inaudi; il conserve encore la


faculté de calculer de tête, mais il met deux ou trois
fois plus de temps que dans les conditions normales,
et il n'y parvient même que parce qu'il triche un peu,
c'est-à-dire qu'i! fait a voix basse quelques articula-
tions de chiHres, dont on reconnaît tout de suite la

production lorsqu'on écoute, d'une oreille attentive,


le timbre de la voyelle chantée.
M. Inaudi s'est
à ptusieurs
pr~te reprises à cet
essai. Pour obtenir deux
résultats comparables, nous
lui avons posé une première fois le probtéme suivant
Combien y a-t-iï de secondes en 94 ans, 7 mois,
3 jours ? Le calcul a été fait pendant que le sujet chan-
tait la voyelle i la réponse a été donnée en 50 secon-
des. Le sujet a remarqué, comme nous-metnc l'avons
fait, qu'il a plusieurs fois triché, et cessé de
pro-
noncer la tcttre i. Un
probtcrnc analogue (combien de
secondes en 78 an~ 3 mois, 8 jours?) fait ~ans chanter
a été rcso!u en 22 secondes, c'est-à-dh'c en tnotttc
moins de temps.
M. tNAUD!, CALCULATRU~ DU TYPK AUMTïF. 69

Maigre son résultat précis, nous ne pensons pas que


cette expérience tranche définitivement la question des

images elle est trop compliquée pour être bien signi-


ncative. Le retard quemet M. Inaudi dans ses calculs

quand il chante peut provenir i" du trouble et de ta

g~nc produTts par une côhdttion êxper~men~ate a


laquelle il n'est pas habitué; 2" de la nécessite de

s'occuper à la fois de son calcul mental et de son


chant.
Nous admettons cependant que, puisque M. Inaudi

prononce des chiffres et marmotte sans cesse pendant


ses calculs il doit employer concurremment des

images auditives et des images motrices d'articulation.

Lequel de ces deux éléments prédomine? Est-ce retc-


ment sensoriel ou retcment moteur? Il serait fort
difficile de le dire; nous ne connaissons aucun moyen
expérimentât permettant de les analyser et de faire la

part de chacun d'eux. Notons seulement que M. Inaudi

pense que c'est le son qui le guide, et que le mouve-


ment d'articulation n'intervient que pour renforcer

l'image auditive.
Voici maintenant quelques détails curieux sur tes

images auditives de M. Inaudi.


En -se rappelant les chiffres~ M. Inaudi se repré-
sente simplement le timbre de sa propre voix; il pré-
tend qu it ne se rappelle pas tes voix des personnes
du public quitui dictent les chiffres. On croirait cepen-
dant, à première vue, que le souvenir de ces différents
timbres devrait être un secours pour sa mémoire; mais
il est très afûrmatif sur ce point. Son imprésario a eu
l'idée, dans ces derniers temps, de trouver quelques
70 PSYCHOLOGIE DES GMANM CALCULATEURS.

applications nouveues à sa mémoire; M. Inaudi s'ef-


force maintenant d'imiter tes joueurs d'échecs qui
mènent plusieurs parties simultanément sans voir

réchiquier~ seulement il ne choisit pas un jeu compa-


rable à celui des échecs; il exerce sa mémoire sur !e
.haccara, le toto et tes dominos; t!pe~nsearrh~erh~
à mener simultanément ces trois parties, indiquant
chaque fois quel coup il faut jouer aux dominos et au
baccara, et quels sont les numéros sortis du jeu de loto

qui occupent les cartons distribues au public, Pour


`
pouvoir faire ces désignations, M. Inaudi commence

par se faire répéter aussi exactement que possible tous


les numéros des cartes, des dominos et des cartons
de loto. C~est donc toujours sa mémoire extraordinaire

pour le chiffre qui intervient. Remarquons aussi qu'il


se représente la série de chiffres sous une forme suc-
cessive, telte que la comporte la mémoire auditive; il
ne se représente pas la position respective des chiffres
sur le carton, ce qui exécrait l'intervention de la
mémoire visuelle. semble qu'on ne puisse pas déve-

lopper sa mémoire dans ce sens, ou tout au moins qu'on

éprouve quelques difficultés.


Nous lui avons demandé à plusieurs reprises s'i!

possède quelque schème visuel des


(nMw&er'/b~w
Anglais), et il a toujours répondu négativement a nos
questions présentées sous toutes les formes possibles.
Nous en concluons que, qucHe que soit l'utilité des
schèmes pour le calcul mental uti!itc sur laquelle
M. FÏournoy a fortement insisté, et avec raison, un

i.M<~c~, p. 200.
M. INAUDI. CALCULATEUR DU TYPE AUHïTÏP. 71

calculateur mental de première force peut se passer do


ce secours.
Tous les détaiÏs que nous venons de donner présen-
tent ce caractère qu'ils font de M. Inaudi type ~~y
modèle.

Neantnoïnsi!~tuti?<T garder d<r toute exagération y


on ne doit pas supposer qu'il existe, même pour une
mémoire partielle, un type auditif ahsoÏumentpar~ ïa
vie réelle ne fait pas de ces schémas. M. Inaudi, en
somme, n'a perdu l'usage d'aucune de ses mémoires
dans son cerveau les centres sensoriels de la vue et de
t'ou!e sont en continuité de tissu; il serait donc bien
invraisemblable quejamat~ pendant ses operat!ons de
calcul mental, ïcs centres de la vision mentale ne fus-
sent mis en exercice. En réaUté,
quand on dit qu'une

personne appartient au type auditif (en ce qui con-


cerne une opératïon particulière, bien entendu c'est
encore une réserve qu'on oublie de faire bten souvent),
on veut dire simplement que chez cette personne la
mémoire auditive est p/?~<?. Je suppose que,
du moment que M. Inaudi a appris depuis quatre ans la
forme visuelle des chiffres et sait les Ïïre~ l'image
visuelle doit être maintenant exottée faiblement toutes
les fois qu'iï pense à un ch!nre; s'i! pense au chiffre
il l'entend prononcer en lui-même et en même temps

l'image auditive doit, qu'on me passe l'expression,


tirer la ficelle de limage visuelle. Il en est ainsi, du

reste, dans toutes les opérations de notre esprit il ne


s'éveine jamais une seuïe image, à t'ctat isoîe, mais un

groupe d'images, dont quetques-uncs, plus nettes et

plus vives que les autres, attirent seules l'attention et


72 PSYCHOLOGIE DES GRAND8 CALCULATBUK8.

donnent au groupe sa physionomie, état mental parti-


cutier auquel on peut donner le nom de ~&o~M~M
des MM~e~, et que j'ai étudia dans Fhystërie (Vision
mentale, .Hctw /~<~6~M<?, t. XXVtt, p. 337).
M. FIournoy, dans une étude récente sur les réactions

d'un sujet du type xisue~ est arrivé a ta même inter-*

prétation (~c~. </c~ ~/<c<?~ ~Mc~ K~M'e~?,


oct. 1892, p. 319).

Quelques obscrvationsdh'ectesmontrent qucM.ïnaudi


peut se servir à l'occasion dans une faobte mesure, il
est vrai de la mémoire visuelle dans ses calculs.
nous a dit, par exemple, que torsqu'tt recueille tes chif-
fres et les nombres de toutes sortes qui !ui sont
adresses par !cpubHc, il se rappelle ensuite assez bien
la position du spectateur qui hîi a envoyé tel ou tel
chinre.
En outre, et cette réserve est peut-être la plus
importante de toutes, it ne faudrait pas croire que
M. Inaudi soit, en dehors de ses exercices protes-
sionnels de calcul, un auditif; il l'est pour ses calculs,
c'est-à-dire pour une mémoire partielle, spéciaÏc, bien
délimitée; rien ne prouve qu'il Je soit pour ses ault'es
facuttés.
CHAPITRE Vï

M. ÏNAUM. OPÉRATIONS DE CALCUL.

<

Après avoir étudie chez M. Inaudi la mémoire des


chiffres, examinons ses opérations de calcul.
A-t-it des procèdes personnels de catcuÏ? Oui, ses

procédés sont dï~rcnts des nôtres et, Men que depuis


quatre ans qu*ïï sait lire et écrire il ait appris les
méthodes ordïnaires de calcul, il ne s'en sert pas.
M. Charcot lui a fatt faire à la SaÏpêtrîère deux divi-
sions d~cga!e difficulté, l'une sur le papier avec nos
méthodes, l'autre de tête avec la sienne; la seconde a

pris quatre fois moins de temps que la première.


M. Inaudi est resté fidèle a ses procédés d'enfant, qu'il
manie a~ec une surprenante dextérité il les a perfec"

tionnés~ dcvetoppcs, agrandis, mais il n'en a pas


changé la nature. M. Darboux remarque avec raison

qu'it n'a jamais eu de maître.


Pour la soustraction, il opère par tranches de trois
74 P8YCHOÏ<OG!E DES GMANOS CALCULATHURS.

chiffres, en commençant par !a gauche. Ainsi, quand i!


faut retrancher

da
dn 428 38~
~2fi 38r~ ti~i1
631
227 M9 472,

iÏ opère de Ïa manicrc suivante Hdit (~t ee mo~


est particulièrement juste) 227 êtes de 426, il reste 199;
mais comme il y a une retenue pour le nombre sui-
vant, il reste 198 seulement; 529 ote de 1384, il
reste ~8, etc.
La base de ses calculs est la multiplication; même

pour diviser et pour extraire une racine, il muittpïte ·,


il fait alors unf set e de multiplications approchées;
dans une division, par exemple, c'est par tâtonnement

qu'il trouve le quotient, en cherchant et en essayant le


nombre qui, multiplié par le diviseur, reproduit le
dividende. Ces tâtonnements successifs ont été com-

parés, avec beaucoup d'ingéniosité, par Broca à la


recherche d'un mot dans un dictionnaire.
Pour cuectuer une multiplication, il suit une marche

qui lui est particulière; quand la multiplication com-

prend ptus d'un chiure, il ne la fait pas d'embtee, car


il ne possède pas, comme on
pourrait te croire, une
table de multiplication pïus étendue que la nôtre, com-

prenant par exemple les produits de nombres de deux


chiffres; son procédé consiste à décomposer une mul-

tiplication complexe en une série de multiplications

plus simples. Soit 325 X (!38. M. Inaudi calcule ainsi

300 x ~00 == 180000


2& X 600 == ~OOC
300 x 30 == 0000
M. !NAUM. OPÉRATIONS DB CALCUL. 75

300 X 8 = 2MO
25 x 30 =. 750
25 x 8 == 200

En somme, il fait six multiplications au lieu d'une.


Ït commence par la gauche, par conséquent en multi-

ptmnt tes ~MfFrû~ de p!as granrdc valeur. Ban? d~tfes


cas, it attërc compt~tement les données au lieu de mtd-

tiplier par 587, il multiplie par 600, puis par 13, et


retranche le second produit du premier
H nous semble que ces procédés très simples
n'offrent rien departtcuUërement mtéressant, et que
ceux qui ralculcnt de tête, comme par exempte les
caïssters des magasins de nouveautés, ne proc&dent

pas autrement, à cette d!nerence près que M. Inaudi


commence toujours par la gauche, par les plus grands
chiffres,
Relativement aux probtèmes que M. Inaudi résout
et a ses facottcs
mathématiques, nous renvoyons au

rapport de M. Darhoux. On y verra que M. Inaudi ne


résout de problèmes
pas très compliqués, et qu*ït a

pour procédé de solution le tAtonnement. Il est tnca-

pabte de décomposer un nombre en facteurs premiers


comme le faisait Cotburn; il est également inférieur a
ce point de vue à Mondeux.

t. M. Darbottx, dans le rapport acadcm{quc qit'tl a rédige sur


M. ÏtttUtd!, cherché dans les usages de peuples étrangers une
anutegtc a\ec ces procédés de calcul (voir ce rapport, que nous
publions en appendice). Il est pcut.étre important de faire
Mmfn'qucr & ce propos que le f<nt de commencet' les opérations
pltr les chiffres de gauche, qui sont les plus cïcvcs comme valeur,
s'e~t rcttcotttré chez beaucoup de calculateurs prodiges, chez
Cbtburn, chcx Btdder, etc. Nous n'insistons pas sur ces qucs-
tions, qui !«trtent -de notre compétence.
76 PSYCHOLOGIE DB8 GHANBS CALCULATBURS.

A titre de curiosité, nous donnons ci-après les prin-

cipaux prohïèmes que M. Inaudi a exécutés, soit


devant nous, au laboratoire, soit dans d'autres eu'*
constances.

1" Trouver le nombre dont la racine carrée et la

paeine~M~~ue diffèrent (te 18. Réponse 729, !ndiqu6e


en une minute cinquante-sept secondes (~w<* ~<?~-
~MC).
2" Trouver un nombre de deux chiures têt, que ta
différence entre quatre fois le premier chif~*e et trois
fois le deuxième et que, renversé,
égale le nombre
7,
diminue de 18. (ProMcme posé devant MM. Bourgeois
et Gréard. Solution négattve, trouvc.e après deux
minutes. Nous ignorons si le temps a été mesuré exac-

tement.)
3" Trouver un nombre de quatre chînrcs dont la
somme est 25, étant donné que la somme des chiffres
des centaines et des mille est égatc au chiure des
dizaines, que la somme des chiffres des dizaines et des
mille est
égale au chiffre des unités, et que si l'on
renverse te nombre, il augmente de 8082.

Réponse M Putsquc ïe nombre augmente de 8082

quand on le renverse, c'est donc que le chÏtfrc des


mille doit être 1, et le chiffre des unités 9; je retranche
donc 9, qui est le chiure des unités, de 25; it me reste
16 pour les autres trois chiffres. Ensuite le chiffre des
mille et celui des centaines égalent cetui des dizaines;
le chin'rc des dizaines doit être nécessairement la
moitié de i6, c'est-à-dire 8. ? Trois des chiffres étant
connus, it suffit de les retrancher de 25 pour avoir
ce!ui des centaines, 7, et pour reconnaître que le
M. tNA~Dt. OP~HATtONS OB CALCUL. 77

nombre demandé est 1789. (Article de M. Béugnc,


~(~<M<~c~<<)
Voici en outre six probtèmcs qui nous sont cotnnm"
niques par M. Thorccy, l'impresario de M. ïnaudi.
1~ La somme de deux nombres est 18. MuhipHés l'un

par raut~e, ils nedonnentq~ei7. Repense =; 17 e~l.


2~ La somme de deux nombres est 1254 et leur pro-
duit 353 925. Réponse = 825 et 429.
3<*La somme de trois nombres est 43 et ceUe de leurs
cubes 17299.Réponse =25, 11, 7.
4" Trouver un nombre de quatre chiB'res dont t&somme
des entres soit i6, étant donné que le 3~ est le doubte
du t~ que le 4" égatc 3 fois le 1~ plus le 3~. Ce nombre
t'en versé augmente de 3456. Réponse == 1825.
5~ La somme de trois nombres est de 65; la somme
des cubes par les carrés donne 7C, 405, 013. Trouver
ces nombres. Réponse ===32,21,12.
6" De Paris à Marse~c la distance est de 863 kttom.
Un train part de Paris à 8 heures 1/4 du matin pour Mar-
seille avec une vitesse de 39 kilomètres à l'heure Un
autre train part de MarseiUe pour Paris à 10 heures 1/2
du matin à la vitesse de46M!om. 500 à t'heure. Trouver
à quelle distance des deux villes les deux trains devront
se rencontrer. Réponse A 7 heures 31 minutes
13 secondes 4/6 du soir et a 419 Mtom. 451 mètres
80 centimètres de MarseiÏtc et & 443 ki!om. 548 mètres
20 centimètres de Paris.
Deux points méritent une mention particulière. Nous
avons dit pïus haut que nous avons appris par M. Lau<-

rent, examinateur à FËcoie polytechnique, que 'Vinctder,


un caicutateur qu'il a connu, était capabte de décom-
?a MYCMOLOCtBDES GRANDSCALCULATEURS.

poser un nombre en quatre carres. On lui donna


un nombre Je 5 chiures, et il ne lui fallut que trois
minutes pour fournir plusieurs soÏutions. Lebesgue,
l'auteur de r~t~o~Me~o~ ~~o~f des ~<Mn~
avouait que quinze jours !m auraîent été nécessaires

pour arrivera un parcH resuïtat.


A acux reprises, nous avons soumis M. înaudi a
cette expérience. La première fois, le nombre donné
était de 5 ctnH'res c'était le nombre 134i.i. M. Inaudi
n'a pas mis plus de trois minutes à trouver les quatre
chiffres de la solution, qui sont

115 donUccan'ccst. 1~225


M 169
16
1 .1
1~411

Une mmutc apt'cs~ M. Inaudi trouvaH une solution


nouvelle
113 don~te can'e est. 137<H)
2& 625
4 Ï6
1 _1
1~411

QueÏquc temps âpres (te temps exact n'a pas etc


nxc), M. Inaudi ïndïquatt une troisième solution.
113 dont to carre est. 12 769
23 &2~
8 64
7 49
13 411
A ta seconde épreuve, te nombre 15 663 a été donné
a M. ïnaudï, et H tu! a fallu environ i5 minutes pour
M. ÏNAUDt. OPÉKATtON$ DE CALCUL. ?U

trouver les quatre sortions 62, 57, 83, 41. Quctques


mmutes après, il a indiqué une solution par quatre
autres chiffres 62, 41,97, 27. M. Inaudi reconnaît

qu'ii n'm'dve à trouver la solution que par tâtonne"


ment, en essayant un gt'and nombre de carres; cela

pesse~bt~ & ce jeu de patt~nce qu~ constste & tïtmve~


les petits morceaux de bois qui s'ajustent pour former
des figures.
Le second point à signaler, ce sont les problèmes
cle calendrier. M. Inaudi indique Ïejour correspondant
à une date quelconque U donne cette indication avec
une très grande rapidité le temps, pris avec ie micro-
phone enregistreur de Roussetot, est en moyenne de
deux secondes.
CHAPITRE VIÎ

M. ÏNAUDt. LA RAPIDÏTÉ DES CALCULS MENTAUX.

M. Inaudi montre dans ses calculs une rapide qui


a été reconnue, vantée et exagérée par beaucoup d'au-
teurs. Diverses remarques doivent être faites tout

d'abord, pour éviter des illusions faciles. Le plus sou-

vent, M. Inaudi commence à calculer pendant qu'il


écoute les données; si l'énonciation de ces données

prend 30 secondes, c'est autant de gagné pour lui, et


quand il dit « je commence M il a ert réatité termine
une bonne partie du travail. Exempte
On lui pose le probtèmc suivant, qui est du genre
de ceux avec lesquels on Fa familiarisé Combien y a-
t-il de secondes en 39 ans, 3 mois et i2 heures? La

réponse a été trouvée en 3 secondes. Trois secondes, est-


ce maiérieHement possible pour un tel calcul, même en
admettant que le sujet connaisse d'avance les secondes

d'un jour, d'un mois, d'une année? Nous ne le croyons


M. INAUDI. RAMMTï~ DES CALCULS MENTAUX. 81

voici ce qui s'est


pas. Maïs, en réalité. passé. Nous
avions prononcé avec une très grande lenteur le
nombre des années, des mois et des jours; et M. Inaudi
avait commencé les calculs tout en prêtant !'oreille.
Autre remarque Il est certain que M. Inaudi connaît
d'av~ceh~ucoup de résu!tatS"
utilise à chaque occasion nouvelle sa mémoire a
retenu les racines d'un grand nombre de carrés par-
faits; H sait aussi le nombre d'heures, de minutes et
de secondes contenues dans l'année, le mois, le jour.
Bien qu'il a!t quelque peine à entrer dans des aveux
sur ces points délicats, nous avons pu cependant le
du<dcr, en le priant de résoudre un probïème de
secondes, dans lequel !es jours étaient censés n'avoir

que vingt-trois heures, et les heures que cinquante


m!nutcs, etc. M. Inaudi
a remarqué alors qu'il pren"
drait ptus de temps que d'ordtnatre pour résoudre un
te! prohicfne, et qu'il savait par cœur les secondes d'un
4~
jour, d'un mois et d'une année.
Pour mesurer exactement le temps nécessaire au
catcut mental, nous avons d'abord songé à FappareiÏ
de M. Wundt mais nous avons été obïigés d'y renon-
cer, par suite de difficultés de réglage. Nous n'avons

pas cmpïoyé le procédé élémentaire qui consiste à agir


sur un courant par un interrupteur en w<~<? few/M qu'on

prononce un mot; nous avons dit déjà, dans une étude

précédente sur r~M~~K co~ que le sujet, dans


ce cas, a une tendance a mouvoir la main avant de pro-
nouccr le mot, de sorte que le temps de réaction qu'on
1. ~oA. ~?., !ï, p. 337, édit.
2. avr:l 1892.
6
82 MYCHOLC~E DES GRANDS CALCULATEUKS.

est trop court. Cette cause d'erreur, déjà


enregistre
chez des ëtevcs qui cherchent à faire les
appréciable
expériences avec le plus de conscience possible, serait
devenue énorme avec un calculateur tel que M. Inaudi,
d'honneur à calculer dans le moins
qui met un point

de tem~§ posstb!c, Nous avons~.ret~


moyen. Sur les indications que M. d'Arsonval a bien i
~`
voulu nous donner (et dont nous le remercions vive-

ment), M. Ch. Verdin a construit pour notre labora-


toire un petit appareil formé de deux gouttières, por-
tées sur des lames métalliques flexibles qui s'adaptent
exactement aux tèvres du sujet en expérience. Ce petit f

appareil est mis en relation avec le chronomètre de


d'Arsonvaï. Quand le sujet ouvre ta bouche pour par-

ter, les deux gouttières, qui étaient rapprochées l'une t;


de l'autre dans la position de la bouche fermée, s'ecar" l'

tent, et la tige nxee sur la base de l'une d'eUes vient


buter contre l'extrémité d'une vis dont on peut régler j
t:
la distance par rapport à la gouttière; le contact entre
¡:
ces deux pièces ferme un courant, qui a pour effet
l'
d'arrêter l'aiguille du chronomètre. Voici donc com- t
ment t'expérience se dispose. L'expérimentateur donne
le signal verbal de la reaction en ouvrant le courant qui 1.
fait partir l'aiguille du chronomètre par exempte, s'i!
veut mesurer le temps nécessaire à une multiplication,
it dit trois fois cinq au moment où il prononce
le mot cinq, it agit avec la main sur un interrupteur;
car it a tout toish'pour préparer ces deux actes peu l
arriver, avec un peu d'habitude, à les (aire presque
simultanément. Le sujet, des qu'il a entendu le nombre

cinq énonce, fait sa muitipÏication mentale; il la fait îa


M. ÏNAUM.– KAPÏDtT~ DES CALCUL MENTAUX. 83
a

bouche fermée~ dès qu'il a trouvé ta


solution, H
!Tenoncc et comme, pour renoncer, H ouvrer bouche,
cet te le petit appareil
agit sur
que nous venons de

~décrire, et raiguiiïe du chronomètre est arrêtée. Nous


avons expérimenté cet appareit sur nous-meme il peut
M<~nne~ bons r~ttats qtMnd o~ et
~aussi, naturellement, quand on a l'intention de faire les

cxpértences avec te plus grand sotn, sans tnehene petite


«tt grande. En général on a une tendance à ouvrir trop
la bouche, on ne l'ouvre pas ~OM/' parier, on rouvre
~t~t
de parler, queÏquetots aussi avant d'avoir trouve
~tw~
~cc qu'on doit dire. Apres avo!r expérimente ce procède!

~s«r M. ïnaud!, nous avons dû t'abandonner.


St nous entrons dans le dCtaU de ces recherches,
c*cst que nous les croyons udÏes a connaître tous les

psychologues~ certainement, ont eu à s'occuper des

~moyens de prendre les temps de réaction par la parote,


ces temps ont une grande importance psycho!o-
~(ar
~gique; mais on n'a pas encore trouvée à notre connais.

~sancc, un procédé d'enregistrement à la fois précis et

~cotntnodc
Cetui que nous avons adopté, après bien des taton-
.$nemcnts, a la première de ces deux quaMtés~ non ta

~seconde, Il consiste à placer un pneumographe sur la


de ~'expérimentateur, et un autre sur celle du
~poitrine
les deux pneumographes s'inscrivent chacun
~sujct;
~séparément sur un cylindre enregistreur dont la marche

Depu! que ces t!gnc<; ont été cc~M, ta !acunc que nMts
~))d!qnftnsH <'t<'<<nb!<'c pat' M. t'abbc RoHssc!o~donttctn!ct'<t-
un tt'cs «me. Kco~tMn'ons t'occn*
~)b<nt<' h)sct'!{ttcm'c!<t uppm'cit

de utt toin de ce
~!on ptn'tcf peu plus nttct'ophonc.
84 PSYCHOÏ.OGÏR DES CKANDS CALCULATEURS.

e.
est par un diapason
contrôlée électrique. L'expérience ¡-
est faite dans les condUtons aujourd'huï cîassïques que
M. Marey a décrites. Un aide surveille le tracé du pré- );
mtor pneumographe et le tracé du second; Ï'expert- r
mentateur a soin, en donnant te signal verbal, de parter

(hEt.~ te su}et e&t prié d'en fan'& autant ~and~ i~ péa~


Il en résulte sur tes tracés respiratoires a
par la parotc.
une ïegèrc modification, de nature variabte, mais !c

plus souvent bien reconnaissable, qui permet de savoir


a quel moment précts les deux paroles se sont pro-
duites.
Ce procédé d'étude nous a servi pour mesurer des

temps d'opérations très courts; pour ces operat!ons


qui durent des fractions de seconde, la montre dont on
se sert en gênera! ne peut suffire il faut des appareïts

plus précis.
Nous avons d'abord mesure te temps nécessaire pour i
extrah'e une racine carrée; voici les temps, mïs en

regard des opcrattons

Demande ~(M5. Réponse 25 Temps ~49.


~24. 18 i',22.
~M7. 28 (t'c~tc, 53). 2',5C.
~~40. 2~. (t'estc, 15). -i',68.
~20. 70 (res~ 20). S',00.

Le temps te plus Ïong a été, on te vo!t, de trois


secondes, ce qui donne absohtment~aux temotns de ces

cxpét'tcnccs, te sent!mcnt de nnstantanéïte. Les reste*


cntctc indtquésapt'cs et ne sont pas cornpn~dans te

temps. i
Les dtvtstons ont donne les résultats savants
M. ÏXAUM. RAPÏOtTB DES CALCULS MENTAUX. 86

2
Demande 2& 15. Réponse 1 Temps 0',9S.
-)-
9. 9-{-2. 1'
388 M. 16-{-20. 3',30.
MO SC. 13+2. 4',S6.
35 8. ~3. 0',79.

Le temps à été c~ ~ië-Ia fâçôr~ suivante 1/cxpc-'


rimentateur donne
d'abord, lentement, le dividende,
le diviseur, et c'est à partir du
puis, brusquement,
moment où le diviseur a été dit que le temps est cal-
culé. Nous avons ensuite mesuré le temps de quelques

multiplications, avec le même procède.

P&mande 25 x Temps 0*,57.


M x 13. 0~,79.
15 x 7. l',29.
S5 x 13. l',32.
&8 x 15. l',36.. 1

Bnim, on a mesure le temps nécessaire à une addi-


tion simple; le chiffre à addtttonner étant de 7, le temps

moyen a été de 05,82; le chiffre étant de 2, le temps

moyen a été de 0~75; enfin pour l'addition d'une unité,


le temps a été de 0",35.
Nous avons ensuite employé une seconde méthode,
plus expéditive que la première; voici en quoi elle
consiste Une série d'opérations sont inscrites sur
une feuille de papier; le sujet est averti d'avance qu'il
doit faire, sans interrompre, et sans prendre aucun

repos, ~toute ta série de problèmes. On marque avec


une montre à secondes te temps total de la série, et on
divise le total
par le nombre d'opérations. Ce procédé
permet de connaître le temps moyen d'une opération
très courte, trop courte pour qu'on pût la mesurer avec
8$ MYCHOLOGtE t~ËS GKAN08 CALCULATMUK8.

la montre. Pour éviter les erreurs autant que possible, i


trois personnes exercées étaient chargées de prendre
les temps avec leurs montres, et on conservait la

moyenne des temps que ces trois personnes indi-

quaient.
Ce procéda nou~ & d'abord servr à ettîdiëf une "scrîc

d'opérations très simptes, des additions. Sur une suite


de feuilles de papier sont inscrites des colonnes de
20 chiffres. Le sujet doit ajouter un chiffre, toujours le
même, à chacun des chiffres de la colonne; il ne lit- pas
à haute voix le chi~e de la colonne, il se contente
d'énoncer chaque fois le résnttat de l'addition. Suppo-
sons qu'une des colonnes se rornpose des chtfTrcs 3~
9, 2, 3, 6, 3, i, etc., et que Ic chtH're 4 doive être

ajoute. Le sujet devra parcour!r des yeux la colonne,


et dire à haute voix 7, 1~, C, 7~ 10~ 7, 5, etc., ctuffres
qui sont le résultat de raddttion de 4 aux chiffres de la
coïonne. Nous avons établi de la sorte 12 colonnes,
dans lesquelles il faHmt ajouter successivement les
nombres i, 2,3, 4, 5, 6, 7, 9, 12, 18, 22, etc.
Ces expériences ont été répétées sur des calculateurs
de profession aKn de donner des termes de comparaison.

Remarquons que ces expériences ne sont point com-

parables à celles
qui ont été faites avec le cylindre

enregistreur; avec !e dispositif du cylindre, le tujet


entendait le chiffre dit et répondait, maintenant il lit,
circonstance qui gêne un peu M. Inaudi, comme nous.
l'avons vu précédemment; de pÏus, et par une sorte de

compensation, le sujet, tout en prononçant un chiure,

peut déjà lire tcsuivant, ce qui lui fait gagner du temps..


Kotrc nouvelle expérience n'est comparable qu'à e!te-
M. tNAUD!. HAPtMTÉ DES CALCULS MENTAUX. 87

t~tttc. les temps que nous avons obtenus


Voici pour
tes différentsgenres d'addition pour 1, te temps est
de 0*,58; pour 2, de 0",55; pour 3, de 0\6; pour 4,
de 0%7; pour 5, de 0",C8; pour 7, de 0",73; pour 9, de
g 0%7; pour 12, de 0",77; pour 15, de 0",7; pour 23,
dc~,7;pour ~,Je ()%~7
de 0%7; pour 2435, de 0*,85.
I~ous avons ensuite propose à M. Inaudi des séries

d~ddtHons dans îesquettes chacune des addtttons dtf-

fcre de ta précédente en ce que chacun des deux nom-

hres entre tesquets se fa!t l'addition est augmenté d'un


$ chUfrc. ~ous jugeons qu'il vaut la peine de donner ici
expérience complète, avec les chinrc's mêmes qui ont

scr~i u rexécuter, parce que te lecteur se rendra mieux


de !a nature des résuttats.
En jetant un coup d'œil sur les obtures des addi-
tions (voir ci-après, 1). 88), on voit que M. Inaudi a
eu à additionner successivement te nombre 43

aux nombres 22, 3S, 47, 52, 64. Dès que M. ïnaudi
A avait terminé une des cinq additions, H donnait !e total
a haute voix, et passait à Faddition suivante. On mesu-
mit !e temps à ta seconde; on ne mesurait pas Ïe temps
g parttcuuer à chaque addition, mais Ïe temps total des
cinq additions, en prenant comme point de départ te
moment où t'en découvrait les chiffres devant M. Inaudi,
et comme point d'arrivée te moment où M. Inaudi
disait te nombre de ta cinquième addition; en dtvi-
sant ce nombre par 5, on a le temps moyen d'une
addition unique.
En regard de chaque groupe de cinq additions, on
trouve le temps total et te temps moyen.
88 PSYCHOLOGIE DES GKANDSCALCUL~TEURS.

Apres cette
expUcatton~ je pense qu'on n'aura pas de
pcme à cotHprendt'c Ïes autres tabÏes, qm cont!ennent
Ïes r~suhats d'cxpenenccs anatogucs, exécutées sur des
soustractïons~ des muïHpÏïcattons et des disions.

TRMt'~MOVttX
M)ttTtO!<!< fRMt'aTOTAt. p~M UtMttOMtc
op<;pati~.t.
22 + M== <;5
38-~ == 81
47 + == 90 4' 0',8
58 + === 95
64 + == 107
75- ~== lt8\ j
~+ == 1~3
27 + === &'
¡J' 1~0
1',0
70} )
39-~ == 72~
38~ = ~)
S25+ S25== HMt
4~+ = ~2~/
767 + == 1 5U2 U' 3'~
625 + ~~C~
3&S + ==~1 t7a )J
822 + ?5=== 1M7~
:~7+ ït72/
&25-t- 1:~0~ 7' l',4
328- HM~
~5 + =: 1 270 )
825 == 1 3 1
522 -{-
633 + == 1458.
288-<- == ~13 <&5 1~2
827 + =s 1C52
637 + == 1 J
7 42~ -{- C35 == U 064
6 O~S-t- == <t 728
8025 + == il<!eo } îl'
1111 2%2
2',2
734C+ ==iOU8t~
3282 + == C917)
482~ + 8725
8 == Ï3554
C C2~ ==: <5 348 j
32'.8
+ + =
==Ï1973.
U 973 -171
i7' 3'
3'/1.
8273 + 16998
6458-{- ==15183
M. tNAUNÏ.– KAPÏDÏTÉ DES CALCULS MBKTA~X. 89

aouSTHACTMtta KMTK TKMt'8 TOTtt. H!Mt'S MOIfBK

9– 2
7==+ +

& ==– 2
2– ==– 5 4' o',8
4 ==–3
8– ==+ 1

22– ~~==–21\

47--
I.i =
==-)-+ fj 4'
/101 0%8
0',8
4
52-- =+ 9\
64– =-{- M)

325 825 == 500


M3– =– :~2
967~ ~-{. 1~2 8' l',(;
625– ==– 200
3~– ==– 483

4 829 8 8 725 == 896


?62: ==–2102.
3M8–
32'.8 =
=–~477 ;,IJ77 1~'
'1fl' 2',8
28,8
8273– =– 4M
6 458 == 2 2(;7
û 831 3 635 == t96

U2H8 ==-~560~

6 :49;)
M:~5– = + 2700
==-~2760 22*
22' 4',4
'j',It
8 2:;8 === 4 603
72M ==-}-3GtU

MmstoStt TRMt'SVOTAL 'FEMt'SMOYËK

6 4=1~2
==3/4
=1-{-~ 4' 0%8
:) =21/4
2 ==1/2
22 «. t6=t+ G
? .=:2-{-
6j
~7
fJ7 =
==2+2 + 15
~5 jsg
73 'Pl.
t%4
&2 =::< 4
64 ==~ 4 (
522 M2==t+ HO
<m ==!-{- 221
~;)8
9~'8 =
==2+2 + 174
1 ¡II. 12',5 5
12-,5 2',$
2',5
827 ==2+ 3
637 ~=1+ 225 (
? PSYCHOLOGIE DES GKANMS CALCULATEURS.

MtVtMotte TBMMTfOTAt. TRMt'SM~KX


522 412== 4 + Ilo
829 =s2- 1
778
778: = + 5 son
==1 f +53Ct; t'
U' l',8
1',8
847 ==2-{- 2:t
?5 ==1~ 2~ ¡
9425 3(!35 == 3 + 2155
53M
===t-174<
xp
.i-ë~pY~~y"
3%8 ==!+ 32:~
?235 ==t-(-a60o)

MCt.TH't.tCATtO~tt 'FKMt'ttTOTAL tt!Mt'SMO'VeK


6x 7== ~3

a~< == 21
()~< == 0 0',C
8X ==
5t;
2X == t4

2~X M== ~M7


?>< == 15~
M X
18 ===
= 774
¡¡Il 10'
10. 2'~
2',0
2(!X == ~H8
95X == 4985

~x 825==
?8~5~
433 X ==
3a7325/
9<;7 x
9n1 ==
= ?97 77~
7977¡r) ~2'
32' 6'/t
O"i
}
625 X == 6t5625~
348 X === 287t~;
624~x 3C35i== 3268G~5 { 2t'

32 978 X 62 834 == 2 0?Z l~ ?2 { 40'

Les résultats que nous venons 'de donner scra!cnt

de stgntfïcatïon, si Fon ne ta!-


comptëtcmcnt dépourvus
sa!t pomt de comparaison entre M. Inaudi et d'autres

ca!cttÏatcurs, ou n!c<nc des qu! ne sont po<nt


personnes
exercées au calcul.

On peut fah'e cette comparatson de deux manîcrcM

d'abord en comparant M. tnaud! a des personnes ~'ef-

forçattt de fau'c eomtne lui des calculs mentaux; en

second lieu, avec des personnes auxquenes on permet


M. tNACD!. –RAPttUTÉ DES CALCULS MENTAUX. M

de calculer sur te pap!cr.


temps m'a manqué
Le pour
fa!rc les deux expéftences. J'ai choisi la première,

qut m'a paru la plus intéressante de toutes; je l'ai


faite sur des caissiers des magasms du Bon Marche, et
`
sur des étèves de notre laboratoire.
Les obsërvatîons ont porte sut~qu~ personnes
etnptoyées en qualité de caissiers dans les magasins
du Bon Marche Tous quatre sont entrés au Bon
Marche vers F Age de quinze à dix-huit ans; après un

stage dans des bureaux de verHïcatton où ils étatent

charges de découvrir tes erreurs de caisse, avec une

prune pour toute erreur


supérieure à 20 centimes, ils
sunt devenus caissiers; ils ont rhahuude de calculer
tt'us les jours, le dunanche excepté, pendant une partie
de la ïnatïnécet raprès-nttdt en cutter. En moyenne, ils
< ah'uîcnt depuis quatorze ans (Us ont environ trente-

ctnq ans).
Les opcrattons d'arithmétique qu'ils résolvent à Ïeur
<'a!sse sont des additions, composées partbts de ton-

gttcs colonnes de chiures, des soustractions et des

multiplications, Ils ont t'habitude de faire beaucoup


de !)tutt!pncat!onsde tête; seulerncnt ils ont sous les

yeux tes deux facteurs de la mutttpHcatton (le métrage


et le prtx) et ils n'ont pas besoin' de conserver la
ntCtnoh'e de ces deux nombres; le calcul mental con-
siste seulement à retenir
produits partiels. Ït faut
les
en outre remarquer que le ptus souvent le prix se ter-
tmnc par un 0 ou par un 5, ce qui facilite beaucoup
tes opcrattons.

1. Nous Fcmet'ct~na, u ce propos, M. Pôt'tUat, adtntnMtraKWt


pout* sa ~rundc ubttgeance.
92 PSYCHOLOGÏË DES GRANDS CALCULATBUH8.

Nous interrogeons d'abord ces personnes sur leurs

aptitudes natureUes. Aucune d'eues n'a commencé &


calculer avant d'apprendre a lire et a écrire. Leur
instruction n'est point
développée, et n'a point dépasse
les timites de l'enseignement de FécoÏe primaire. Une
seule, M. Leur., des aptitudesr
paraît ayotr montré
spccîaîes pour !e calcul dès ïa première enfance;
M. Lour. raconte que les calculs qu'iÏ trouvait dans les
livres ï'intéressaient beaucoup il a eu souvent le pre-
mier prix de calcul de l'école. Les tro~ autres per-
sonnes n'ont rien remarqué de ce genre.
MM. Lour., Ret., etc., interroges sur le dévelop-

pement de leurs facultés de calcul, n'hésitent point à


décorer que, depuis cinq à six ans (c'est-à-dire après
dix ans d'entraînement)~ ils ne progressent plus; au
contraire, ils perdent; ils calculent moins vite qu'au-
trefois, et avec moins de sûreté. Ce témoignage nous
a paru intéressant à recueiHir.
La mémoire des chiHres prononcés est bien déve-

ïoppée en générât; ils


peuvent répéter exactement de

sept à dix chiures its vont jusqu'à douze quand les


chiures sont groupés en nombre. C'est là une bonne

moyenne de mémoire de chiffres, nTais elle n'est pas


sensiblement supérieure à la moyenne normale et en
tout cas elle est hors de comparaison avec la mémoire
de M. Inaudi. Nous allons voir que, pour exécuter
de tête des opérations simptcs, ces calculateurs de pro-
fession n'ont pas une rapidité inférieure à celle de
M. Inaudi; en d'autres termes, la faculté du calcul a

acquis chez eux un dévetoppement notable; au con-


traire, la mémoire des chiffres n'a point participé à ce
M. tNAUDÎ. KAP!!)ÏTÉ DES CALCULS MENTAUX. 93

développement. Il s'est produit ï& une dissociation, qui


conduit à admettre qu'il existe deux mémoires de chif-
fres, bien distinctes et bien indépendantes l'une de
l'autre la mémoire des chiffres proprement,dite, et la
mémoire des relations de chiures cette dernière seule
est~ta base-da t'atcut.

Apres avoir essaye, par des épreuves successives,


de mesurer chez ces sujets l'étendue de la mémoire
des chiffres, nous leur posons quelques questions pour
connaître la nature des représentations mentales qu'ils
emploient dans ces exercices nous leur demandons
s'ils ont vu les c/t~M écrits quand ils cherchaient à
les retenir, ou s'ils les ont conservés dans l'oreille. Ces
deux expressions, constamment
employées dans les

demandes, sont utiles pour se faire bien comprendre


des personnes qui n'ont aucune notion de psychotogic.
Trois des calculateurs répondent sans hésiter qu'ils
ont vu le chiffre écrite le quatrième hésite un peu; il
dit qu'il a entrevu le chiure, mais qu'it s'est servi aussi
du souvenir de l'oreille pour le retenir.
Ï! résulte de ces diverses réponses que ces personnes
font usage des images visuelles des chiffres~ par ce
caractère, elles diffèrent de la majoritc des personnes

qui, soumises & cette même expérience, prétendent ne


rien voir, et simplement retenir les chiffres par l'oreille.
ït est probabtc que rhabitudc journauère de calculcr
sur le papier est le véritable motif pour lequel ces cal-
culateurs de profession visualisent les chiffres. Les
habitudes sont ici prédominantes, et le fait de tenir
constamment une ptumc à la main a une action directe
sur la façon de penser et de se représenter les choses.
Û4 PSYCHOLOCtB DES GRANDS CALCULATEURS.

Nous remarquons que quelques-uns d'entre eux,


quand ils cherchent a se rappeÏer la série de chères t,
qu'on vïent d'énoncer, et aussi quand ils font de
tête une opération d'arithmétique, articulent des
nombres a voix basse, confnne un éïèvc d'école pri- t
maire qui cherche & apprendre une ïeçon par co~up. Ge
peUtdétaM d'expérience est utii~ à retenir. U nous

apprend que des personnes utilisant des images


visuelles de chiffres peuvent les articuler comme le
font les personnes qui se servent d'tmages auditives;
l'articulation fatbte~ qui sert en générât à renforcer

l'image auditive, peut donc se rencontrer chez une per-


sonne appartenant au type visuel. H taudra voir si
cette observation se vérifie chez d'autres personnes,
car eïïe nous paraît contraire à l'opinion courante.

Nous arrivons maintenant aux


opérations de calcul,

pour lesquelles nous devons étudier plusieurs ques-


tions 1~ l'étendue de la faculté du calcul mental 2~!es

procédés employés; 3~ ïa raptdtte du catcut.


Pour mesurer Fétendue de la faculté du calcul men-
tal, nous avons tenu
à ne potnt ptacer les sujets d'expé.
rience dans des conditions dont ils n'ont point Ï'habt-'
tude pat' conséquent les chtffres sur ïesquets ils dosent

opérer ont été mts sous tcurs


yeux; on les a snnpÏe-
ment prtés de fatre tes solutions part!c!!e8 de tête;
ainsi, dans une <nuTttpï!caHon de 35 par 67, ils ont eu
sous les yeux ces deux nombres, mais ils ont dû retentr
les produtts purtïeÏs pour les additionner, et retenir
le produit totat poHr t'cnoncer. Dans cescondtttons,
ce sont surtout les multiplications qui exigent un calcut
M. !NAUM. RAPtOÏTé DM CALCUL MENTAUX. 95

mental compuqué. Tous les quatre calculateurs ont pu


faire sans peine des multiplications de deux chiffres;

quelques-uns ont pu faire, avec un certain effort, des


multiplications de trois chiffres (chacun des facteurs

ayant trois chitfres); aucun n'a pu aller jusqu'à quatre


eM~re~ r
G'e&tta t~motr~ qut p~s~ te~ te~H
sujets ne se rappellent pas, quand ropérat!on est com-

ptexe, les solutïons part!e!!c8 qu'ils obtiennent succes-


stvement; par conséquent, ils sont obligés de renoncer
a r ope ration.

Quant aux procédés employés, ils consistent dans


une décomposition de roperatton, analogue du reste
a celle de M. Inaudi. Au lieu de multiplier par i9,
on multiplie par 20, puis par 1, et on retranche le
second produit du premier. Chose curieuse, cette

decomposttton se présente tmmédmtement à t'esprit,


sans qu'on la cherche elle constitue un acte automa-
dès que ropératton est proposée, te catcu!ateur
tique
la façon dont il doit la décomposer la
perço}t pour
rendre plus factte.
Sur la raptdîtc des calculs, nous devons donner

quelques d~taus plus étendus. Nous parlerons des


additions et des multiplications.
<i<M<MK. I~ous donnons sous forme de tahteaux
les résultats de nos expériences à la fois sur les ca!s-
siers du Bon Marché, sur M. Inaudi et sur des élèves
du taboratotre de la Sorbonne. Dans notre premier
tahleau,il s'agit de sér!es de 20 additions exécutées
de la mamère suivante 20 chiffres sont écrits les uns
au-dessous des autres, en colonne verticale, sur une
feuille depapter; à chacun de ces 2C chiffres, il faut
? MYCHOLOGtE DES GRANDS CALCULATEURS.

que Ïe sujet en expérience ajoute un c!u(R'e ou un


nombre~ toujours le même, et qu~it énonce ïa somme
à mesure qu'tt la trouve. Dans une première série de t,
20 ad<ï!t!on8t on ajoute simplement Funïté; dans ïn
· 41
seconde série de 20, on ajoute 2, et ainsi de suite.
On note avec une montre à secondes !e temps~tota~
e
pour esecutep tes 3~ ~ddittons~
Nous résumons maintenant nos résultats dans le
tableau suivant, où nous désignons par~ nos 20 cht~es
de la colonne verttcaïc donc -}- 4 indique ropératton
des 20 addïttons fahes entre le chKTre 4 et Ïcs chtn'fcs r,
de la colonne verticale.

ADDtTtO!<8 tKAt'Ht h. MtSStRttR. <:At)Wtt:W


~<.KV<! Kt.HV~ Kt.KVK

H -{-I1 11'~ 8' ?' 1~~ M* t(t'


M-.3 H* M' 13\5 2~'
M- 12' i?' 27' 20'
M–4 f<' ~0'~$,. ?~ 1~ 2<t' M'
M-.5 ~5 tt* ?' ?' 25' M'
M--7 7 t4'.f; H' !C' 2~'a 23' 28'
~9 1~ 12'~ 10' 24' ?'
M--12 1~5 ~2' ~2' 2: 35'
M--1& 1~ 14' 12'.5 W~ 3~
?–23 12' 1~' 27'~ 41' :?'
?--28 <3' m' 22' 44' ?'
?--47 7 15'Il 12" 1~' ?' 43' 4~
M M~ t4' 21' 20' 4~' 44' 33'
M-t-2477 17" 21',5 t~' 40' 50' 48'

L'cnsemMe de ces chères montre tout d'abord quêtes


c!cvc! c'est-à-dtre tes personnes
qui ne sont pas rom'*
pues ait calcul ment&~ ont besoin
d'un temps beaucoup
ph~ tot~ que les autres non seulement !e temps est

ptus Ït~ug, ma~ ïÏ augmente avec ta compUcation .de


Faddtttcn; et les dern!ëre~ additions prennent A peu
M. tNAUM. RAPïDÏTÉ DES CALCULS MBKTAUX. ~7

près un temps tnpte des pretHteres. Cependant les


<verses additions qu'onteur a fa!t ~m'e ne présentent
t'ceUemcnt pas une dtMcuhe croissante; qu*on ajoute 5
on 2435, cela revient à peu près au même, puisque le
f <htffFC 5 est en quelque sorte !c seul actif des deux
addhbns; H n'y a donc ïa (pi'une dtntcutté arttnde!!c,
toute en apparence,
Les résultats donnés par les caissiers se rapprochent
au contraire de ceux de M. Inaudi.

MM~«w. Le tableau de' la page 98 représente


tous les résultats pour une vue d'ensemble, ÏI s'agit.
nous le rappelons, de multiplications faites mentalement,
au moyen de données qui restent sous les yeux du cal-
culateur. On voit que si M. I naudi a en générât une

supériorité marquée, il est cependant inférieur, pour


la multiplication des petits nombres, a un caissier,
M. Leur., te meilleur et le plus rapide catssïer du
Bon Marché, qui ne met que 4* dans un cas où M. Inaudi
met G%4. Il s'agit de petites opérattons. M. Lour. ne

pourrait pas soutenu* la lutte pour des opcrattons plus


complexes, parce que la mémotrc lui manquerait.
La discussion de ces dKïercnts résultats numériques
soulève une intéressante question de psychotogïe. On

peut expliquer de ptusteurs manières bien distinctes la

rapidité avec taqucHc M. Inaudi et d'autres personnes


caÏcutent.
La 'pretnière expncatton est fondée sur des pro-
cédés spéciaux pour
abréger les calculs. Nous ne pou-
vons que peu de mots, pour ne pas
en dite allonger
notre étude. M existe un ensemble de procédés qui
permettent d'eucctucr exactement les opérations de
7
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M. ÏNAUM. RAPÏMTÉ DES CALCUM MENTAUX. M

<-alcul, tes quatre règles et les extractions de racine,


avec plus de rapidité que lorsqu~on se sert des procédés
ordinaires; ces procédés spéciaux sont assez compli"'
qués à apprendre, mais ils peuvent rendre quelques
services dans la pratique.
Ccrfamcment Us. prêtent un secours des plus efR-
caces au calcul mental, d'abord en diminuant le
nombre des chiffres sur lequel on opère ce qui est
an allégement pour la mémoire, et en second lieu
t'n augmentant la rapidité, de ropératton. Il n'est pas
ttouteux qu'une personne entraînée dans ce sens cal-
ctuera plus vite de tête que si elle était obligée de
suivre les grands chemins battus de t'anthméttque.
M. Inaudi se sert-H réellement d'une méthode d'abpc-
viation qu'il aurait inventée pour ses besoins person-
nds?Jc ne vois, pour le moment, aucun moyen de le
savoir sans recourir a son témoignage. H affirme qu'n
n'a pas d'autres procédés que ceux que nous avons
décrits plus haut. Natureltcment, connaît la « sténa-
rtthnnc et même il en admire les effets. Un de ses

imprésarios nous a raconte à ce propos le fait suivant


U y a deux ans environ, M. Inaudi avait donné une
séance dans
un café à NeuiHy-sur-Scinc~ à la fin de la
séance, un jeune homme s'approcha du calculateur, et
s'offrit à calculer, avec la sténarithmie, aussi vite que
lui. L'otfre, fattc avec courtoisie, fut acceptée; les deux
calculateurs reçurent la même multiplication, commen-
cèrent en môme temps et unirent en même temps. 11

est juste de dire que M. Inaudi fit tout le calcul menta-


lement, tandis que son concurrent traçait quelques
chitt'rcs au crayon.
100 PSYCHOLOGtE DES GRANDS CALCU!<ATBUn8.

2" Un second procède qui permettrait d'augmenter


dans une
!argc mesure la vitesse des calculs, surtout
en ce qui concerne la multiplication, consiste dans
une extension de la table de multiplication. En gênerai
cette table ne dépasse pas te nombre cent comme pro-
duit supérteur en Angleterre f on apprend aux êÏëves
les produits jusqu'à 12 par 12; il ne serait pas très
difficile, à ce qu'on pense, de les apprendre jusqu'à
20x 20; et en tout cas, les calculateurs de nrofess!on
trouveraient un très grand intérêt à savoir par coeur
une table qui contiendrait mcme les produits de lOOx
100. On a la preuve que Mondeux possédait au moins
une partie de cette table eïarg!e. Nous n'avons pas pu
savoir, malgré de patientes interrogations, si Inaudi
en possède une de ce genre. U prétend qu'il ne sait

pas autre chose que sa table de multiplication ordi- Œ


naire.
3° La troisième solution du problème est d'un ordre r~
tout différent. On pourrait supposer que M. Ïnaudi
calcule d'une manière en quelque sorte inconsciente, et ;t
`
arrive au résultat par un effort d'intuition, sans passer

par les étapes intermédiaires. Lui donne-t-on à faire


une multiplication de trois chiffres par trois cbiHres, il
<
se pourrait qu'il v!t de suite, par te seul aspect de ces ',Ï
chin'res, ce que le résultat peut être et le calcul patient

auque! il se livrerait ensuite ne servirait qu'à vérifier


la justesse de ce premier coup d'œU.
M.
Scripture a discuté avec beaucoup de jugement
ce que peut donner l'inconscient comme calculateur; il
a d'abord constaté, après différents auteurs, surtout
après M. de Morgan, qu'il est possible d'abréger ïe
?. ÏHAUM. KAPÏMTÊ DES CALCULS MENTAUX, loi

temps des calculs mentaux en supprimant la série de


mots qu'on intercale d'ordinaire dans les opérations
pour en indiquer la nature.
Comme la question présente un certain intérêt, nous
commencerons par exposer les idées développées par
~f Sërtpfur~e. Cet autcur~ que Ïes opérations
<< arithmétique reposent sur des associations de nom-
bres. On apprend à Ï'écoïe & dire que « i et i font 2 »,

que « 2 et i font 3 », etc., que a 1 moins 1~ reste 0 H, que


« 2 moins i, reste i », etc., que « 1 muhtpHépar i fait 11~

que « i multiplié par 2 <att 2 », etc., que « i divisé par 1


cgate 1 )~ que « 2 d!v!sé par 1 égale 2 a, et ainsi de suite.
Par ces répétitions de formules, il s'étabHt de fermes
rotations graduelles entre deux chiffresquelconques
jusqu'à 10 et même jusqu'à i2; et ces relations se trou-
vent rcatisées toutes les fois que nous effectuons une

opération. Ainsi, supposons que nous ayons à trouver


!a s~mme des deux nombres 2571 et 4249. Les opéra"
~ons à faire sont !cs suivantes

') c~ 1 font 10, on pose 0, et on retient 1;


c~ 7 font 11, et 1 de retenue font 12, on pose 2~ et on
tettcnt 1
2 et font 7, et 1 de t'ctcnue font 8;
et 2 font 6.

r<~ 6 mille 8 cent 20.

Prenons d'une 136 muh!-


l'exemple muhïpïtcaHon

43. Nous nous dh'ons a nous-même, en


pUc par cxccn-

tant ce tra\'att

3 fois 6 font 1~, on 8, on retient t


pose
fo!s 3 font 9, et 1 de retenue font 10, on 0, et on
pose
t'ettent i
H fois 1 font 3, et 1 de retenue font

y'o~ 408.
102 PSYCMOLOCtE ~?8 GRANDS CALCULATEURS.

& fot8 6 font 24, ott pose 4, on t'cHent 2;


4 fois 3 font 12, et 2 font M, on pose <t, on t'cttcnt
4 foM~fottt<t,cMfont5.
y~:544.
S..
4ct0font4;
4ct4foMt8;

/~M~:5848.
5. a 848.

M. Scnpturc fait une preînicre remarque tccatcu-~


lateur a !e choïx entre plusieurs procèdes~ on peut
soit suivre tranqttttïement, îcntemen~ posément, Ïc~
chemm r~guHer, répéter à propos de
chaque* cht~Ïre
avec lequel on travaiÏïe Ïes petits mots qui servent à
[1
tndtquer t operatton à accomplir; quand il s'agit d une w°:

multiplication, dire par exemple 9 fois 5 /bK< 45; quand

tt y a une retenue, dire je ~e~ 4, et je ~o~e 5. Si


l'on craint du se tromper, si t'en a besoin de lutter t
contre la fatigue et la distraction, il est bon de répéter
ces mots mdicateurs~ mats & la rigueur en peut s'en

passer. H n'est pas absolument nécessaire de les dire


à haute voix, ou de les marmotter à voix basse; sufRt :<
d'y penser; moins que cela encore, it suffit d'avoir _t
dans l'esprit ridée directrice de roperation qu'on
cherche à exécuter. Si on veut faire une addition entre
9 et 5, on aux trois chiffres 9, 5, 14; on
pense sait,

on sent qu'it faut ajouter 9 et 5; c'est une tendance

qui reste à demi consciente, et (lui suffit pour evciUer


i'idee nette du total 14. S'il s'agit d'une muïtipHcation,
les deux chiffres et 5 cvci~cnt Fidec du produit 45
par un mécanisme analogue. Cela n'est pas taciÏe &

expliquer, et cependant le fait est bien réel. Ces deux


chiffres et 5 cvcineront, suivant les cas, i4 ou 45,
M. tKA~M. KAMMT6 DES CALCULS MENTAUX. 103

nans qu'on ait eu besoin de d'autres mots,


prononcer
< <-t par te seul fait dans un des cas on a l'idée d'une
que

? addition, et dans le second cas l'idée d'une multiplica"


tion.

j Avec !a des mots indicateurs, ta mutti-


suppression

la"' rôi;mc Ul-


~p~~tioï~qwe nous avions doi~e~c~p
vante

3, 6, t8, 1, 8;
3, 3, 9, 10,1, 0;
3,1,3,1,4;
408.
4, 6, 24, 2, 4
4, 3, 12, 2, 1~ 1, 4;
4, 1, 4. 1, 5;
r.44.
5848.

A cette économie de
prcmicre temps, qui supprime
tous les mots !nuti!cs, on en une autre.
{ peut ajouter

Au !tcu d'c!ioncer Ïc chiftrc retient, on !c garde


qu'on
dans sa mèttoirc~ et on Ïc moment en
l'ajoute quand

est venu ainsi au lieu de dire

3, 6, 18,1, 8,

on dira

K, 6,18, 8;

et à suivante, au lieu de dire


ligne

3, 3, 9, 1, 10,
en dira

3, 3. 9, 10 <.

On voit ces forinu!es différent des précédentes


que
!c chinre 1, est rccHement retenu, n'est
parce que qui

1. Pour b!en compt'cndt'cccs opct'attons aht'cgécs, se reporter


& l'opct'attoo nous avons donnée plus buu~.
co!))ptctc, que
~4 PSYCHOLOGIE DES GMAN08 CALCULATEURS.

point indiqué au moment où on te retient mai~ ajoute 1

quand on doit l'ajouter.


Autre simpïiHcation~ autre exempte de ce que tes >

Angïats appencnt ïe ~M~M~ c~ Il ~ut eucctucr ropë-


ration, par exemple ta mu!tip!ication des deux chit-
fres 3 et 6, avant que ces nombres entrent. dan~J~a `:

pt~ine conscfencc de ïn~tre esprit. Ceci est encore du-


nci!e à expliquer. Il s'agit de se comporter en sort~

qu'on ne pas de temps à regarder


perde les facteurs et

qu'on pa~se de suttc au produit. Une compara~on


.`
nous fera b!cn comprendre, Il y a en psychotogtc une
naison des ptu~
raptdcs/cc!!e du stgne A ta chose

stgninec, par exempte de la lettre au son qu! Ïa carac'-

tcr~e; en Hsant un Ïivrc, on passe si a~étnent du mot


Ïu au mot entendu, et de cetui-ct au sens du mot, que
ta vision des caractères cents devient setni-consctcnte.
C'est à cette dcmt-conscience
que doit arriver Ïc ca!-

cutateur~ it faut que tes deux facteurs d'une muhïpn-


cation, comme et (~ ne so!ent point tus comme its
sont « trois et six mai< comme s'Hs vouiaient dire
K dix-huit ?; ctant donne Ïcur rôïe de facteurs d'une

mtUtipÏicatton~ ils changent de nom, et cet assemble


des deux formes particulière~ a et 6 doit être consi-
déré comme ~'o/9~<?~ <f dix-huit ?. Avec cette conven-
tion, on peut
représenter de ta manière suivante la

~uttip!ication qui nous a servi jusqu'ici d'exempte, en


écrivant en caractères pïus petits tes chiures qui res-
tent a Fêtât semi-conscient t

~.<8~ t
~~9,t0;
Y
S. 4;
408.
M. Ï~A~D!. RAPtMTÉ DES CALCULS MENTAUX. 105

~.24;

~i3,M4;

~<-4,5;

'M4.

~8.

<~

Tout ce qui procède, nous le repeins, a été bien


11'6 üs~'n'av(jjls'râir'
~Hf!n tow~~ par~t. S~c~
ressentie! de ses dëvctoppements.
~quc reproduire
Nous avons attiré !'attent!on de M. Inaudi sur ces
<itfîcrettts et it a remarque,
points, m~ïs moïtement,

qu'!t fait partons !a suppre~ston de ces mots parasites.


Xous devons dire cependant qu'à notre sens ces s!m-

ptincattons ne jouent pas grand r~!c dans ses exer-


i «ces; parfois, quand il marmotte, dans ses catcuts,
d une voix asscx d!st!ncte pour qu'on puisse coït!-

;n'cndrc ce qu'U dit, nous avens saisi les mots /MM~-

/c/7~ ~/e/M~ i! les prononce, donc i! tes con-


serve.
On pourrait faire, à ce propos, une seconde hypo-
thèse, qui ne serait que t'exagération des cxpncations

précédentes, ï/ïnconscient qui est en nous, et que Ïa


psychologie de ces dernières années a réussi souvent
a bien mettre en tumicre, est peut-être capabîc de pré-
voir ïa sotution d'un probîcnte ou d'une ïonguc opé-
ration d'arithmétique, sans effectuer ïc detaii des cal-

cuîs; et on pourrait supposer que M. Inaudi possède


un inconscient de ce genre, mais bien pius développe
et ptus inteHigent (j~ue cetui du commun des hommes.
C'est de cette manière que procèdent une foule de

professionnels, ceux par exemple qui d'un coup d'oeH


apprécient !a contenance d'un terrain, et qui évaïuent
te nombre de stèt'cs représentes par des arbres qu'on
1M PSYCMOMGtB DES GKANM CALCUt<ATBUK8.

n'a pas encore abattus il est môme de notoriété que


l'exercice arrive a donner une justesse extraordinaire
à ces calculs approchés qui se font en un instant. Scm-
blaMentent, on peut suppose!' que, lorsqu'on donne à
I;
M. Inaudi une multiplication, par exemple 38 972 X ~`'

6385346, il a Fitupression que le produit ~er~ 6<~fK- `


prts entr~te! ette~W~ Sur que! bernent pourrai ~°
se fonder cette impression, en quoi consistcrait-'ellc
au juste? Je ne le sais pas et ne prends pas la peine
de le rechercher, puisqu'it s'agit d'une hypothèse; j'in-
dique simplement l'hypothèse, parce qu'elle présente
quelque vraisemblance.
M. Inaudi ra rcpoussce bien loin; it m'a assuré avec
une certaine chaleur qu'il n'a aucun instinct des soÏu-
tions avant de les avoir qu'il ne les devine
trouvées,

pas, et ne cherche pas à les deviner, et cela pour une


raison qui paraît fort sérieuse S'il cherchait a deviner,
il n'arriverait qu'à des approximations, tandis qu*U
s'est toujours attache à donner des solutions absolu-
ment justes; pour la solution juste, il faut effectuer
tous les calculs; il n'y a pas d'autre moyen de pro-
ccder.

Quelques observations fortuites nous ayant suggéré


l'idée que M. ïnaudi présente un développement remar-

quabtc non seulement de la mémoire des chiffres et cte


la faculté de calculer, Mais encore de quelques facultés

connexes, nous avons entrepris une série d'expériences

qu'il nous reste à indiquer.


M. ÏNAUM.– MAMRÏTB DES CALCULSMEKTA~X. 107

?f~.s f~c~M. Ils ont été mesufés avec le


~j chronomètre de d'Arsonva~ an moyen de signaux audt-

~t!fs (un choc sur UHC pïecc de bots), tactiles (un con-
tact sur te dos de la main gauche) et visuels (~ per-
ccpdon de la mtse en mouvement de FatguHÏe du cadran).

~îfS Ïe~ coMMon~ oi!f Ses ëxpërïënccs se font ImN-.


tueHement, et avec le mUteu psychoîogtque ou nous
nous ptaçons, tes réactions des sujets ~~crc~ ont un

temps moyen de i2 centtcmes de seconde. Chex tes

personnes non exercées on obtïent le plus souvent~


(ptand on cxpcrhttente pour la premicre foïs, des réac-
tions très longues et surtout très irreguïïères (deux
caractères qu! vont îe plus souvent ensetnbte}. Voici
tes rcsuhats de t'expônencc sur M. Inaudi

J. ÏNAUDÏ

TE~n'S CE R~ARTÎOK
.~«~«oH (brMtt t!c ho!<t).

Temps moyen. O',086


max~nmm. 0*~05
m!n!mu)n 0%0(!5
Va t'tHtion tnoycnnc 0*,009

~'««w (p(n)tt Je tt~part de !'a!gH!c~.

Temps moyen. s O',089


maxhnutn C'1
winimum. O',070
Vm'iat.t0tt moycttne, O',0l0
7'<w<t~ (<'onta<'t m«nt gao<t«').

Tctnps Moyen. û*,<)88


maxitnunt. 0%12
mtntnmm. O',070
Vnt'tatton moyenne. O',0it

Cette scrie de chîHres suggère p!us!eurs remarques.


D'abord il faut noter que le temps moyen de réaction
~â PSYCHOLOGÏE DES GRANDS CALCULATEURS.

reste à peu près le même, quelle que soit la nature du

signal, ce temps moyen est de O',08. On aurait pu


supposer que M. Inaudi, appartenant, d'une manière

presque exclusive, au type auditif, ses réactions audi-


tives seraient les plus courtes. Nous avons même eu,
un moment, l'idée (lue la méthodedes temps 4e réac"~
titon potîr'rait ~trc utihsce pour connaître le type de
;i
mémoh'e des personnes. Nous ignorons si cette hypo-
thèse doit être abandonnée ou non; peut-être rexpé<-
rience, tentée sur des hystériques, donnerait-elle
quel- H'

ques résuhats intéressants eUe a été, en toMt cas,

complètement négative en ce qui concerne M. ïnaudi. ?<


On remarquera en outre la rapidité des temps moyens SŸ

de réaction; elle est tout à fait renîarquahîe chez un ¡~

débutant (c'ctat t Ïa seconde


fois qu'on prenait !es temps 3
i!s furent pris une première fois au milieu du bruit; les
résultats sont donc entaches d'erreur, mais cette pré"
mièrc épreuve a eu l'avantage d'habituer ïe sujet). ÏÏ
est clair que M. Inaudi, tnctnc pour un acte aussi eïë"
mcntaire qu'un mouvement de la main,
est supérieur à

htmajot'tté des individus. Ceci tient sans doute à son

pouvoir d'attention volontaire, autant qu'à la rapidité


de Facto pris en lui-même.
La variation moyenne des temps de réaction a été
extrêmement faible: 0",01; encore une preuve de la
force que possède son pouvoir d'attention.

Ayant remarqué que pendant ses calculs il articule


des noms de chiffres avec une très grande voïubiMte,
nous avons mesuré le temps qui lui est nécessaire pour
prononcer la série de chiffres depuis 1 jusqu'à 50
première expérience, i2",(~ seconde expérience, i3',5.
M. tNAUD!. RAPt~ïT~ DES CALCULS MBKTAUX 109

temps est court, mais ne présente rien


~c d'excep-
ionnc!.
Sa tbrce muscutaire dynamométrique est moyenne,
40 kHogrammes.
~cnvh'on
S E!ie est à peu près égale pour les deux mains; comme

beaucoup Je personnes quf exercent p~rtî~


tcurs fscu!t6s intellectuelles, M. Inaudi estambidextre
Ett t'ésutnc, nous remarquons chez M. Inaudi r
Un dévetoppement remarquable de !a métBOtre
(les chiffres qui lui permet de retenir de 200 à 400 chtt-
<es qui lui sont dits dans une même séance.
2" La force d'acquisition de la mémoire des chiffres
a pour limite 50 chtHres.
M. Inaudi est un exemple remarquaMe de méritoire

pardeUe~ les autres mémotres,m6mcceÏ!e des lettres,


sont chez lui très peu développées.
4" Dans ses opérations, M. Inaudi ne se sert point
d'images visuelles, mais d'images auditives et motrices.
t! est le premier exemple connu d'un grand calculateur
monta! qui n'est pas visuel.
5~ Comme calculateur, M. Inaudi n'est pas ptus
rapide que beaucoup de calculateurs de procession.
(~ Sa force d'attention, constatée par les temps de
réaction, est considéraMe.

1. Le notnbt'c de 40 kuogratnmes, par des comparaisons mu!-


t!p!!ces.fa!tes avec Mo~podyttammmett'e sur différentes pM'8<~nncs,
nous pat'tdt ch'e un nombre Mtoyen.
CHAPITRE Vm

M. MAMA~N, CALCULATEUR MENTAL.

Bans les
premiers mois de l'année 1893, un jeune
homme grec, M. PcricÏcs Diamandi, se fit présenter à
Ï'Acadcmie des Sciences, où il était désireux de mon-
trer ses aptitudes pour Ïe calcul mental. L'Ac&demïe
eon~ l'examen de M. Bmmandt à la commission qui
avait cté chargée de faire le rapport sur M. Inaudi.
Cette comttusston assista & quelques expériences, mais
ne fit aucun rapport. M. Darboux, membre de la com-
nusston, voulut bien m'adresser M. D!amandt au ïab~-
ratotre de la Sorbonnc; et M. Charcot~ avec qui je
m'entretins de ces questions
peu après, me proposa
de faire avec lui une étude sur les procédés psycbolo-
gtqucs et sur la mémoire de M. Diamandi. Notre étude
fut pubUee, en juin 18~3, dans la ~c~~ ~o~M~
sous la forme d'une courte note.
Je me propose maintenant d'étudier ce cas nouveau
avec les développements qu'il mérite. Iï sera surtout
intéressant de marquer les différences qui séparent
M. MAMANM~ CALCULATEUR MENTAL.

M. !uaudt et M. Diamandi. PourÏedtre tout de suite,


le premier est un catcutateur du type auditif, et te
second un calculateur du type visuel. Nous aurons à
suivre les conséquences de ce fait capital.
Nous allons, pour cette étude, faire des emprunts à
!a nuîc que~ous ~vons M. 6~nrcot; nous

y ajouterons le résultat de recherches que nous avons


poursuivies pendant plusieurs mois sur M. Diamandi,

qui est venu au laboratoire pendant une quinzaine


de séances, <!c trois à cinq heures chacune.
M. Riamandi, ne en 1868 a PyÏams (îtes Ioniennes),
appartient a une tatniUe de commerçants en grains; il
est aUc a Fecoïe a Ï~gc de sept ans, et tout ïe temps
de ses études il était constamment le premier en

mathématiques. En 1884, il quitta rccote et commença


tl~ PSYCKOLOGÏR DES CBAND8 CALCULATEURS.

à faire le commerce des grains. C'est à ce moment


qu'il s'est
aperçu qu'il honnes
avait de
dispositions
pour Ïe ca!cu~ mental; ces dispositions lui étaient fort
utiles pour son commerce.
H appartient aune tamiue nombreuse iï aeu quatot~e
frères et sœMfs~ cinq seulement sncmveKt~tttTe~ûr?
et u~ petit frcrepara~ avo!t* tes mêmes apt!tudes

que lui pour te calcul. Ï! croit tenïr de sa mèrc~ qui


a une excellente mémoh'c pour toutes sortes de choses.
!i a aujourd'hui abandonne le commerce, mais ne
reste pas inactif; il lit beaucoup~ it a lu presque tout i
i
ce qu'on a écrit sur le calcul mental il fait lui-même
des romans et des vers, et nous a confié un de ses
manuscnts il connaît cinq tangues le grec~ Ïe rou--
main, le françats~ l'allemand et l'anglais.
Ces premiers détails nous montrent déjà des d!Hc-
rences mtportantcs avec l'enfance de M. Inaudi. M. D!a-
mandi a été beaucoup moins
précoce pour le calcul
mental, et de plus il a appuque sa mémoire à un grand
nombre d'objets différents; au contraire, M. Inaudi n'a

jamais cultivé que les chtHt'es~ il est resté un spéc!a-


liste du chiffre, fort tndi~et'ent à tout le reste. Au phy-

sique, même contraste. M. Ï)!a~nand! est très grand,


très fort, large d'epautes~ les yeux brillants, la m~choh'e
forte, les lèvres épaisses.
Ayant lu un jour, par hasard, dans un jout'na!, le

compte rendu d'une séance de M. Inaudi, M. Diamandt i


a été pris d'un sentiment d'émuïatton. ïi a donné des
séances de calcul mental en Grèce, puis à Bucarest
et it est ennn venu à Paris, dans te but de se mesurer
avec son rival. A ptusicurs reprises, il nous a demandé
M. DLUÏANM, CALCULATEUR MENTAL. H~

~c le mettre au !aboraton'e en présence de M. Inaudi,


f; 't d'ctabHr un concours entre pour savoir lequel
'atctde te ptus vite ou peut apprendre te pîus grand
ttombre de cbinres. Pour des raisons qu'on devine,
!uous n'avons jamais donné satistactionà cette demande
s~H~rrë'nou~
M. Dmmandt, d'après son témoignage, procède tout
~.ttttrcmcntquc M. Inaudi dans se~ catcuts mentaux U
s'annonce cotnme vtsue~ c'est sous !a forme visuelle

t qu'it se représente les nombres, c'est-a-dtre que les


uttUthres !m parassent écrtts sur un tabîeau mental

<{< regarde, et qu'il lit quand on lui demande de


rcpctcr des châtres de mémoire. Par Ïà son h!stoh*e se

rapproche de ceue de la plupart des calculateurs

~rodtges, qu!, au dire de M. Scripture, sont des


vt~ucts.
Nous avons cru tout d'abord
que M. Dtamandi ne
possède po!nt de schème numurat 1. Malgré les ques-
tttms nombreuses que nous !m avions posées à cet
f~ard~ tt avait toujours répondu négativement. Une tb~s
st'utcutent, !t nous ava!t dit que les châtres lui appa-
ratsscnt dans une de ses circonvolutions ccrebrates,
pïaccc en avant et à gauche; n'ayant pas compris cette
.tsscrtton et ta jugeant un peu pucrHc, nous ne l'avions
tttcmc pus notée. Tout dcrntcrcmcnt, nous lui avons
demande a qucHc distance H projette l'image visucne
de ses chuircs, et si cette hna~c couvre les objets
cxtcrtcurs. Au lieu de répondre directement à cette

t. C'est ccqut est dtt (tana une M~cde t'<u'Hc!e pubUc en cot*
!ab<n'MHonuvec M. Chut'cot. Ïi fnut supp~uncr ccH.c note, (lui
fuM~cnt unecrt'cut'.
8
il4 PSYCHOLOGtB DES GMAN08 CAM~LATBUKS.

question, il est entré dans


des explications détaiiiccs

qui nous ont montré qu'U possède un schème numéra!

compïexe. Nous notons en passant qu'H nous a fanu


plus de deux mois pour nous apercevoir de Fcxis-
tence de ce schéma qu*on juge par là de la difticuïtc

qu~on éprouve a faire avouer a une personne de~phé~


nom~ncs"psychiques auss! déttcats.
Je ne pense pas qu'iï soit indtspcnsabïe d'expU~uer
îonguetnent ce que c'est qu'un schème numérat. On u

pubUe deï'nï6rement d'excellents ouvrages sur la ques-


tton et le lecteur qu! s'intéresse aux choses de

t'esprit doit être


parfaitement t'enseigne. Il suftïra de

rappcÏer en quetqucs rnots que la plupart des Individus


se représentent la série naturelle de chiffres d'une
manière queïconquc~ gré de !cur fantaisie;
au en ce

qui tne concerne, je puis me représenter les enivres


de i à 100 écrits sur une ligne horixontatc ou verticale,
ou autt*ement; je n'ai aucune représentation favorite,
et je puis forger les représentations que je désire.
Certaines personnes au contraire dont il reste à
fixer le nombre, et qui sont probablement plus nom-
breuses qu'on ne pense ont l'habitude de se repre"
senter la série nature~c des chiffres dans une image
visuelle à caractères presque invariables; la fornie de
cette image et sa ÏocaÏisation par rapport à la personne
sont des ctémcnts que la volonté peut rt peine modifier.
U en est qui visualisent les chiftt'cs écrits sur une

ligne droite, courbe, brisée, sinueuse pour d'autres,


les chiures apparaissent sur les échelons d'un escalier;

Ï. Vo!r surtout i'~out'noy, ~/<o/ Gctu'vc, 18~.


li(! PSYCHOLOGIE DES CKANOS CALCU~ATEUKS.

pour d'autres, ils sont enfermés dans des cases ou des

figures pïuscompttquees.
~ous donnons ci-dcssuH le schème numéral de
M. Diamandi. C'est un schème zigzague qui ne présente
aucune particularité rcmarquabtc~ en le comparant
aux
stat istiqucs qui on!, ét~ pubHee& pap tes atitcuT~
sur ces questions, on constate qu'il fait pat'~ecïu genre
le plus cotnmun; il oi!rc les caractères suivants, qui
sont usuels direction de gauche à droite; ~gncs
bt'{~ec8j: espace relattvement pïus cons!derabïe occupa
par les premiers chUfres de la série. Ajoutons que la
ïocansaHon de ce schéme se fait a gauche, dans ht
tête
(~c qui est plus curieux, c'est que ce prcn~er schéme
est localisé dans un second schème qui lui sert de
cadre.
Cette b{xarrcne d'images mcntaïcs n'a peut-être pas
encore été signalée jusqu'ici essayons de nous faire
bien comprendre. M. Diamandinous cassure que, toutes
les fois qu'H pense visueUement à un objet, i! Ïe vo!t

apparattrc au contre d'une


comptexc, c~ui reste
ngurc
constamment ta même, quel que soit l'omet pense.
Cette ~gt)re (voir lig. 3), qu'IÎ a dessinée avec soin,
est formée de plusieurs masses de couleur grisâtre,
qui entourent un espace \'tdc; c*est dans cet espace

qu*appara!t la ngurc de Fob~et pense, chicn~ maison,


ami, etc. Quand M. Diarnandi pense à un chiure, tt Ïe
voit cgatctnent dans cette sorte de scène de théâtre;

1. Cette qttcstton de la pfnje<'tton exict'n<! des ïtnttges est cneoM


ub~cm'c et peu utudtéc. Nous nm*ott9 i'occastttn d'y rcvcnit'n propos
des joucuM d cchccSt
M, DtAMANDt, CALCULATBUM MBKTAL. ~f?

et s'H pense à la sérte naturelle des chères, H !a voit

cnraccourcrou U n'en voït~u'un fragment.


A peine est* besom d'~outer que nous ne nous

nuUement garant de ces apparences subjec-


portons
ë Hvcs nous nous contentons de les noter. On saura un

'~r''CR'iï'e"tottt'cet~sign:r~'

~f. 3. ScbctMc cttC!t(tfan< <!c M. !)!aMan<H.

M. ~iamandt a également de l'auJttton colorée pour

!cs jours de !a semaine.


Vote! les couleurs tndïquccs
Dmtauchc Manc et gr~;

Lundt.: Mtart'on clair;


Mcrct'cd! bhmcct noir;
.ïcttdt rouge café;
Ycndrcdt btamc et noir;
Samedi rouge café.
iM PSYCHOLOGIEDES CttANM CALCULATEURS.

A deux
reprises, nous lui avons demandé sa liste de
couteurs et ses réponses ont été concordantes. Les
noms ont aussi des couleurs Inaudi, bleu; Charcot,
blanc luisant,; psychologie, noir, etc.
Donnons maintenant quelques détails sur les images
se sert ,,1
visuelles dont M. Diamandi.
~ptjLt c& <~ui suit,
H Mtnm~ toutce (~ur prccéue, repose sur son témoignage,

uniquement, Nous exposerons dans le chapitre suivant


le résultat de nos expériences.

D'après son témoignage) les chiHres lui apparaissent


écnts, dans sa mémoire, non pas tels qu'ils ont été
traces sur
le papier par l'expérimentateur, mais avec
tes caractères de sa propre écriture~ les 4 et les 5,
notamment, ont la <brme particulière qu'il a {'habitude
de leur donner. Quand les chiffres lui ont été montrés
sur un tableau noir, ils apparaissent dans sa mémoire
écrits en b!anc sur fond noir. Si queïqucs-uns de ces
chiures sont écrits en couleur, cette couleur pour
chaque chiffre reste apparente dans sa vision inté-
rieure~ ainsi, dans une expérience où on lui a fait

apprendre un tableau carré composé de cinq rangées


de cinq chiffres, il a pu indiquer sans difficulté la

place et les noms de six chiffres dessinés en rouge.


La première fois que nous avons vu M. Diamandi, il
nous a présenté une grande feuille de papier sur

laquelle il avait écrit réguticrentent 2000 chi~'es dis-


tribués sur 40 lignes de 25 chiffres chacune. M. Dia-

t. Kotts savonspar cxpcftcttcc qttc ces coÏnt'attons de mots

paraMsent btcn btXMft'cs aux personnes qm n'ont poînt d'MMdi~


tton colorée. Nous t'cnvoyonM, pom' ce qui concct'ne r~udc de <
la quMttott, aux tMemctrcs apectuux.
M. BAMAKO!, CALCULATEUR MEKTAÏ<. 11~

mandi nous a ce
appris qu'iï pouvait, ayant appris
!ab!eau cœur, chitfre a
par indiquer n'importe quet

\o!ontc. Ncu~ reviendrons bientôt sur cette cxpc-

r!cnce, pour tah'e comprendre est à cn-


qu'c!!c sujette
Pour ïc moment, nous n'en
ttfpte. prenons qu'un point

I~ôus deïtm ù' lU: "Diaffïiffiâi'êOï iin1cï1t"


par~cu!tc~.

U peut visualiser !e tabteau ender de 2 000 chnfres, et

~it tes voit nettement tous à ta fois. Sa est


réponse

t'uneuse. n à son tableau, tt ne voit


Quand pense pas

(listinctement tous ton chtfh'es te mats


quî composent,

voit comme un t! faut fasse un


nuage gt~sâh'c; qu'il

({tort d'attention un point de son


pour regarder

tahtcau, et ators les chiffres situés en ce point se déga-

du et apparaissent nettement.
gent nuage
cmprmEÏX

M. MAMANDt. MHMOH~R DES C!ïn''FRRS


ET CALCUL MENTAL.

!~ous nous proposons de décrire avec soin les pro-


cèdes dont se sert M. Dtantand! pour retenir des
chines, la persistance des chtf~cs dans sa tnctnoh'c,
et quelques questions connexes.
~'OC~(~ ~.C~<M~ des ~y)'~ ~M~ loi W<~<)~
–M. Diamandi peut recevoir renonce d*un p~ob!ètne
soit par raudïtton, y soit par la vision directe de
l'énoncé ecnt~ dans le premier cas, il paraît embar-
~asse~ hésite, commet des en'eucs, et demande qu'on
lui t~pcte pÏusteurs fois les chiures. Ses hésïta-
tions pt'ovïenncnt~ à ce qu'il assure, de plusieurs
ch'constances la nécessité d'évoquer r~nage visuelle
des nombres qu'on prononce, et aussi une certaine
difficulté à comprendre le français; il t~ut les calculs,
dit-il, dans sa Ïan~ne maternelle
grecque, et quand on
lui pose un probïcnte en lançais, il est obÏigé de
faire une traduction mot à mot, avant de se donner
M. DtAMANIM. MËMOME CES CHïFFRES. 121

inMgc visueHe des chiffres. H éprouve beaucoup moins


de difficultés si on lui montre la feuille de papier sur

!aqueHe tes chiures sont écrits.


Dans ce dernier cas, il jette un regard sur le papier,

pois ferme les yeux, appUque tes deux poings sur ses
t~ 1"
.'1 1. 1
? f ('<it~es,"et ~st~un moment îmNbBtÏ~ fête pëncM~'
faisant entendre un 1res Ïég~er murmure; ensuite il jette
tin nouveau regard sur le papier, referme les yeux, et
recommence cette suite d'opérations jusqu'à ce que tous
{' chIHres soient appr~.
Ainsi, quand il apprend par les yeux, t'cxpénence
s<' divise très nettement en deux temps le pretnier~ où
tt regarde renonce écrit, et ïe second, où i! fait des
< ttot'ts évidents qui ont pour but de vivifier l'image
visuelle des chiffres. Ces deux opérations, qui chez
hn sont constamment distinctes, et dont la seconde

paraît aussi importante que la première, sont doutant

ptus nécessaires à signaler qu'elles ne se produisent


p'~nt chez M. Ïnaudi; ce dernier peut répéter la série
'!c chiffres aussitôt âpres ravoit* entendue, sans avoir
hesoin de faire une répétition mentale.
H est assez difficile de déterminer exactement le

~nps nécessaire à M. Diamandi pour apprendre par


cn'ur un nombre donné de chiffres; moins régulier que
M. Inaudi sans (toute parce qu'il s'exerce depuis
ntoins longtemps, il est quelquefois très lent, quelquc-
fois très rapide. Pour apprendre par la vue 24 chiures,
î~ il a mis un jour trois minutes et demie dans une autre

t xpcricnce, ou on lui montrait 18 chinres, iï ne les a

!'< gardés que neuf secondes; puis, âpres une répétition


ntcntate d'une minute environ, il les a énoncés tous
122 P8YCHOt.OC!B DES GRANDS CALCULATBUK6.

exactement; il n'aurait pas pu les énoncer tout de suite

après les avoir vus. Quand il apprend par Ï'oreiHe, il


commet tant d'erreurs de répétition, que le temps de
l'opération perd presque toute signification; notons,
à titre d'exempte, que pour retenir 25 châtres, qu'on
ïul a dits pÏusteursL foisy ii a Htis envrrotf trois minutes,
et a commis huit ou dix erreurs. De ces quelques <aits
il faut surtout conclure que l'acquisition des ch!Hrcs

par la vue est plus rapide chez lui et surtout plus


exacte que par l'audition.

Ayant eu tout le loisir nécessaire pour étudier


M. Diamandi. nous avons vou!u poursuivre a fond
t'étude du temps nécessaire pour apprendre des chif-
fi-es. Nous avons procédé de la manière suivante Dans
une première série d'expériences, on lui fait apprendre

plusieurs séries de chiures, en nombre croissant, et on


note !e temps tota! nécessaire pour apprendre chacune
de ces séries.
Dans une seconde série d'expériences, nous avons

p!acé sous les yeux de une série M. Diamandi


de
chinrcs écrits, en t'avertissant d'avance qu'il ne pour-
rait Ïcs regarder que pendant un temps limité par
nous; ce temps, d'ordinaire tort court, variait entre
50 centièmes de seconde et cinq secondes.
/<<~ s~c ~'<J/<~Mcs. ./V<fw~c ~y/rc~
~c/M/~J. ?~w/~
~Mf/~c/wM~. Nous répétons
que,
dans ces
expériences,
on prie M. Diamandi

d'apprendre par la vue un nombre déterminé de


chiffres, et on le laisse libre de prendre, pour Fopéra-
tion, autant de temps qu'il le désire. Seu!cmcnt, il est
évident que M. Diamandi a cherché à apprendre !a
M. PtAMAMM. MÉMtMRE DES CHtFFRES. 123

série de chiffres avec Ïe plus de rapidité possibÏe;


gnous devons ajouter que M. Diamandi, supposant
qu'on lui ferait faire quelques exercices de calcul

§ mentaÏ avec les chiures qu'il apprenait, a toujours


cherche & les apprendre avec la plus grande exac-

g~ ne ~o~nrcontcnté (Tun a peu~~p~


verrons tout à l'heure que cette seconde condition ne
se trouvait point réa!<sée dans notre seconde série

d'expériences.
Le nombre de chiffres que M. Diamandi a eu à

apprendre ont été


première épreuve~ de 10 seconde

épreuve, de 15; troisième, de 20; la quatrième, de 25;


la cinquième, de 30; la sixième, de 50; la septième, de
100; la huitième et dernière~ de 200.
Les temps ont été pris de la manière suivante on
le moment où tes chiffres, s écrits d'avance,
} notait
) étaient ptacés sous les yeux du sujet, qui commençait
ï dès lors à les apprendre, en essayant d'y mettre le
moins de temps possible; puis on notait le moment ou
le sujet, croyant être en possession des chiffres, aban"
donnait la feuitÏe où iÏs étaient inscrits, pour faire
ttnc répétition mentale de ce qu'il venaitd'apprendre;
on notait, en troisième lieu, Ïe moment où le sujet
commençait a écrire les chiffres, car c'est toujours
sous cette forme
que se faisait réprouve de la mémoire;
et enfin, en dernier Heu, on notait le moment où le
dernier chiffre était écrit. En réalité, chacune de' ces
trois opérations ne restait pas toujours distincte des

autres le sujet, même quand il avait les chiffres sous


les yeux, en faisait une répétition mentale, et cette

répétition avait lieu aussi, très souvent, pendant que


i24 PSYCHOLOGIE HBS GRANDS CALCULATEURS.

Ïe sujet écrivait, et allongeait consMérabïement Ïe


temps de récriture. D'autre part, iï est arrive une <bis

que Ïe sujet, après avoir écrit ïa pÏus grande partie


des chines, a demande à revoir Ïe modèle, et a recont-
mence ensuite à écrire Ïa série enttère. On voit donc
que ces différentes opérations, !oin de restée con~M
~amme~ ~tïccessï~s~ se sont souvent enchevêtrées; r'
c'est ce qut nous a détermine à ne prendre en considc-
ration que !e temps total de l'expérience s'écoutant
depuis Ïe moment ou on montre les chiffres pour !a
première fois jusqu'à celui où Ïe sujet écrit de mémoire
Ïe dernier chiure. Ce temps total se trouve inscrit
dans ie tabïeau suivant. Les nombres du tabïcau
n'expriment point des temps moyens, mais les temps '(
d'expériences uniques

Temps n<!cG<«;:<h'e
pottf «ppfCKttrc
NfXtthfo<!e~titTrcBa{tpr!s. tesf'h!t!r<"t.
M. !7'
1"
20. 2'ty

:?. ~,20'
50. 7~
1~ 25'"
SfO. 3'
M. MAMANM. MÉMOÏKR BBS CHtFFKBS. 12&

~es chiffres des premières sénés étaient écrits sur


me ligne horizontale, et ceux de h séné de 100 étaient
crits sur deux lignes. M. Diamandi s'est plaint de

~cttc disposition linéaire; il aurait préfère qu'on les


~ut cents en carrée de ~çon qu'il lui fût possible
~fcÏcscmbraëëcr~
~tcurs fois que le groupement des chUfres de la façon

HtMnquéc auratt factUte son travaU de nictnoîpc. Quand


ccrh'att les chKfres de souvenir, à la fin de chaque
on a remarqué
épreuve, qu'il commençatt toujours par
!a gauche, et que c'est dans la parttc de droite qu'H
~ava!t le plus de peine à retrouver les chiffres. Les
erreurs commises ont été insignifiantes, ne portant
que sur un chiffre ou deux.
L'épreuve de 200 chiffres a occupé une séance
cnt!cre; elle s'est passée dans les mêmes conditions

(pte les autres, et on a remarqué encore que c'est dans


ïa partie de droite que les oublis se sont produits. Au
bout du temps indiqué, M. Diamandi a pu écrire sans
erreur la série entière des 200 chiures. Cet effort de
ntctnoire l'avait beaucoup
fatigué.
Cette dernière expérience est peut-être la plus com<

ptctc que l'on ait faite jusqu'ici, et elle présente ce


car<M;tere bien intéressant, qu'une personne de mémoire
ordinaire ne pourrait
probablement jamais raccomplir,
quelque temps qu'elle y mit. Ce qui fait la difficulté de

l'expérience, c'est que les chiures forment une série


monotone, et ne correspondent pas à des problèmes
dtsttncts, dont la signification faciliterait le travail dE
la nténïoirc.
Un coup d'ceil jeté sur le tableau montre qu'il con-

Ii.
128 PSYCHOLOGtB DES GKAKD8 CALCULATEUHS.

nrme les par dont a:


règles posées Ebbinghaus, règles
nous avons déjà parte.
~'M.M* NJ/'tC ~r/~CM. ?~M~
jVow~c tle <~< M~cw~M~. L'expérience con-
siste a montrer à M. Diamandi une longue série de
chiffres, et& les lui laisser regarder pendjMtuMem~
déterminéT on constate ensuite combien de chifires
M. Diamandi a pu retenir. Dans ces expériences,
M. Diamandi a cherché à aller vite plutôt qu'à graver
proïbndétaeïtt les chiffres dans sa méntoire. A ce pro-

pos~ observation importante îe sujet peut apprendre


de deux manières des chiffres ou bien, il en apprend

beaucoup. Mais sans être capable de les retenir long-


temps; ou bien, il en apprend moins, mats de manière
à les retenir longtemps. Ce sont pour lui deux modes
différents de la mémoire.
En 3 secondes, M. Diamandi retient en moyenne
11 chiiires.
En 5 secondes, i6 chiffres.
En 6 secondes, 17 chiures.
Si ï*on rapproche ces queïqucs résuttats de ceux que
nous avons donnes dans notre précédent tableau, on
voit de suite une différence considérable 10 chiffres
ont été retenus dans le premier cas en i7 secondes et
dans te second cas en 3 secondes seulement. Tout le
commentaire que nous poumons ajouter ne saurait

ajouter à Févidence des faits.


Calcul w~ Nous ne dirons
que peu de mots
des exercices de calcul rnentaÏ auxquels se livre M. Dia"
mandi nous n'en dirons que ce qui peut intéresser
ta psychologie.
M. DtAMANM. MÉMOtRE OE8 CHIFFRES. 121

M. Piamandi fait de tête à peu près les mêmes ope.


t'attend <nte M. Inaudi, additions, soustractions, mul-

nptications, divisions, extractions de racine et petits


problèmes. En général, il a besoin de calme et de

silence le bruit des conversations le trouble, l'énerve;


et quand on te di&trai t p&c quelq ue question tmpor*
tune au moment de ses calculs, il perd le fil; il prétend
que ses images visuelles des chiffres disparaissent,
dans ce cas, d'une manière subite, et il a besoin d'un
certain temps pour les faire
La rapidité de ses
revivre.
t-a!cuts est dimcHc à nxer, parce qu'il est très jour"
uaHer; certains jours, U est très rapide; d*autres fois,
il est beaucoup plus lent.
Nous lui avons fait faire une série de multiplications
ntcntates les chiffres, écrits d'avance, lui étaient pré-
sentés, puis
cachés des
qu'il les avait appris par cœur;
on notait le temps de Fopération, en prenant comme

point de départ le moment où on lui montrait les chif-


fres, et point d'arrivée le moment ou il traçait le der-
nier chiffre du produit. Nous donnons la série d'opé-
rations, en plaçant en regard la durée de chacune

:? ~< 7 .== 252 <

~t9 x 6:i === 3087 i7'


3t!'t x < === 20 737 3t*
~t:Mx 5~ == 24 &84 38"
?37 X 224 === ~t268!; 5G*
257 x (MU == 2 08t 223 92'
8 <t7 x 4 ~38 == ? !? 70G 2" ,7'
.<;5879 x 2M7 === 167135023 3",10'

Nous observons
que c~uaud il exécute ces opérations,
M. Diamandi n'attend de conna!trc la somme
pas
totale pour t'écrire it écrit à mesure qu'il calcule,
128 PSYCHOLOCïB DES CMAN&BCALCULATEURS.

en commençant par h droite. Ainsi dans Ïa muhipÏi- ~l"


cation suivante:

39 257 X 870326 3 428156 782,

opération qui lui a pris 4'° 35% H a d'abord écrit 2,


pMts 8, puis 7, et ainsi de sutte.~oM& axons no~ï~~
ÎKomcnt o~ Ïe~ dnt~t'ents chin'res du prodmt ont ctc
écrits. (M. Dtamand! a contnds pÏusteurs en'eurs dans
cette muÏtîpttcadon, mais cela tmpot'tc peu a notre

analyse.)

Aubotttdc2'" itcct'tt. ?8.2


2' 6
3" S
3't&* 1
~t~ 8
~O* 2
4'&* 34

Nous avons ensuite demande à M. Diamandi !e motïf

pour ~cq~~ct îl cent d'abord les chères de moindre


vateur, et tÏ nous a expUquc de ïa mamcre suivante
son procède, qui présente quelque intérêt psychoÏo-
gique. Prenons encore un exemple de multiplication
qu'il a faite mentatement en 2" 30" «.

4C 273
72U
~tIC~~7
i
~2~
323~H 1
33 733 un

M. Diamandi cotunicncc
par rnubipUcr par 3 27;
iÏ pose, au produit total, 7, et retient 2; ensuite, i!
muhtplie 9 par 7 == 63; ii ajoute 2 de retenue ===65;
M. t)!AMAN!M. MBMOÏRE DES CHtPFRES. i~

pose 5 et retient 6. Jusqu'ici, rien de phts simple; t


nais& ce moment il fait intervenir le deuxième chiffre
[ht muttipÏicande, qui est 2, et il multiplie 2 par 3 ==6;
t! ajoute (! a 5 ===il, pose i au produit total et retient

L On comprend la marche qu'il suit au lieu d'obtenir


['t~tct'ctMcnt les t~ots pt'ojuîts pai't!e!s pour arriver au

produtt totat, il calcule séparément les chinfes des pro-


thnts partiels qui se trouvent sur la même rangée ver-
Hcaïc, atm d'arrtver de suite à un chiffre du produit
totat. Ains~ it obtient
7~ puis il obtient
d'abord 5 et 6,

qu'i! additionne, ce qui lui donne 1, puis il obtient 4~


puis ~t,puis i, qu'il additionne et qui avec les retenues

hn donnent 0. Uc même, il obtient 6. puis 5, puis 1,

qu't! additionne et qui avec les retenues lui donnent 3.


Nous pouvons afurmer que cette explication n'est

pas une explication de fantaisie, et que M. Diamandi


~ctdou!c de la manière qu'it mdic~ue, car nous avons

~(''m~tate de nos yeux que, pendant ses opérations men-


il écrit en commençant par les
~t.dcs de muttipUcation,
~< hitfrcs de droite, et i! va de droite a gauche tentement,

~tocHant plusieurs secondes entre chaque chiffre qu'it


~cctit. Quct est t'avantage de ce procédé? C'est pour
~tni une économie de mémoire; il cherche de suite le
( !nt!rc du produit totat pour ne pas avoir besoin de
conserver dans sa mémoire les produits partieïs; aussi

~(!<~ qu'ti a pose 7, il n'a plus besoin de se souvenir

~dcs chiffres qui ront amené à ce totaLAuxcaîcuÏateurs

~dc juger si cette marche est réeUcment meilleure

qu une autre. Probabïcment chacun préfère les moyens

~dont il a l'habitude et qu'il a créés à son usage.


;$ M. Inaudi nous en a fourni déjà un exemple.
130 P8YCHOLO(Ï!E DES GRANDS CALCULATBUMS.

S! j'ai expliqué aussilonguement Ïe procédé de mn!.

tipïication que M. Diamandi a imagine, c'est que j'y


vois une démonstration mtercssantc de son type visuc!
de méntoire.
En cfRît, quand nous examinons Ïc c:n'act<;t'c essentu!
de ce procéda de nmh!nHcat!on, i
nous ~~ûH~ q~~ e~<~
sîsfc a tcn!t' compte de Ïa position des chtfÏrcs les un-,
par rapport aux autres; on prend ~ncccsstvcfMcnt dans
!e tHuhtpHcande et !c muhtpûcateur tous ics chîfT!
dont te prodt!~ se trouve sur une même i!~nc vcrt!ca!<-
et on addittotmc ensuite tout ce qui tigurc sur ccHf'
vcrttcate. Pour se reconnaître dans cette operat!ott
compHqucc, n faut aYo!r une rcnrcsentatton pr~ftsp
de ïa posïtton des chiffres. Or n me scnthîe que ht
visuansatÏon, c~cst-à-dtrc ïa représentation de ren-
scnthïe de t'opération comme si on !a voyait, est !t'

procède ïc ptus direct et Ïe plus simpte pour se rendre


compte de ta position.
Nous allons du reste entrer dans de minuttcux détail
retativement à cette question si hnportatttc pour nous
de ïa mémoire visuc!te.
CHAPITREX

MÉMOÏRE VÏSUELLE ET NKMOtRE AUMTtYE.

Ce chapitre est te p!us important, pour ta psycho-


!()g!< de tous ceux que nous avons à écrire sur les
caicutateurs prodiges; les chapitres précédents ne
sont qu'un acheminement & celui-ci. Nous nous pro-
posons de faire un parallèle entre la mémoire visuelle
(tes chtnres et la mémoire auditive, pour montrer les
caractct'cs dt<!ercnt!cts de ces deux mémoires, Ïeurs

avantages et leurs inconvénients; ou pour mieux dire,


u~us n~tudterons pas cette question en termes géné-
raux, ce qui est toujours un danger; nous opposerons
Tun à l'autre deux calculateurs, dont run,M. Inaudi,
sert de procédés de fixation auditifs, et dont rautre~
~se
ËM. i)!amand!, se sert de procèdes \!sueïs.
C'est M. le
professeur Charcot qui a le premier
tttontt'è l'importance en psychologie des types de me-
~mon'e; c'est lui qui, à propos d'Ïnaudt et de D~mand~

a \u de suite le point important à élucider, comme en


fa~t foi la note que nous avons publiée ensemble.
132 PSYCHOLOGIE DES GRANDS CALCUt~ATE~ns.

Nous commencerons par exposer quelques resuttats


de nos recherches sur ta métnoh'e visucHe de M. Dia-
mandi; nous ferons ensuite un psrauèÏc réguner entre
lui et M. Ïnaudt, en prontant de Ï'heureux hasard qui
a ~sttt que ces deux calculateurs appartiennent M des
types absolument différents.
JM~~t<y~ C~f~ /0/'MC$ e/ COM~~W.
M. a remat'quc
I)!an<and< que torsqu'i! apprend par
cceur une serte de chtffres, après Ïcs avoH' regardes
un moment, U se représente Ï'image vtsueïïe du papîcr
et des chîftres qui y sont tracer; on pourratt. croh'c
que c'est cette tmage v!sucnc qu'il conserve dans s.t
metn~ire et qu'H !it mentaÏcment, comme s! c'étatt une
épreuve photograptitnue, qnand on lui (tentande de

répéter les chtffrcs qu'iï a appris.


St cette explication est par~ttentent juste, st !:t
métnoh'e v!sne!!e n'est que ta lecture d'une photogra-
phïc mentatc~ \'oïct !a conséquence qu'on peut en ttt'er
M. D~amand! dans sa mémoire~ !cs chifÏres avec
verra,
ta forme I)artîeulîère, ou ils ont été ecrtts; t! les verra
de !a manièt~e ou ils ont cte ranges si queiques-uns
ont été écrits en noir, d'autres
en couîeur, t! verra net- S
tctncnt teur couïcur; et remarquons ce point tmpor-
tant puisque encore une fois U s'agit par hypothèse
d'une mémoire qui
photographie l'omet, M. Diamand! i ?.
n'aura aucune peine a indiquer tous ces détails d'ccri-
turc; iî ne lui faudra pas un sut'croM de travan po {
se rappeler que te! chiure est en rouge, tel auh'e
en hïeu.
Nous nindiquons Ïa, bien entendu~ qu'une hypo"
thèse, et nous avons hâte d'ajouter que cette hypothèse
MKMOtttB VÏSUEt.LE ET M~MOÏRE <~UO!HVB. 133

.t été, en ce qui concerne M. Diamandi, Cornplètelnent


détuentie par rcxperience.
D'abord, M. Diamandi ne se représente pus ïes chif-

ft'cs dans ta forme où ils ont été écrits sur Ïe papier

tt substitue à cette sou-


torme, dont ïï ne garde pas le
Ycnir, ceHc de '?a propre ecr!ture. Un Si,
exempte
dans une série de chiffres a apprendre~ on a tracé un 5

en fonnc de \rguÏc~ M. Diamandt se représente néan-

tttom~ !e 5 sous Ïa forme on on l'imprime, parce que


c'est sous cette det'n~rc forrue qu'tt a t'habitude de

!'ccrh'c Prcmtct'e tuf!crence de rimage v!sueUe avec

une hnage photograph!que. ¡


La seconde d!fférencc que nous signalerons est

cm orc plus st~nincattve; elle a trait à ta représentation


des couleurs M. Diamand~ quand on lui demande ta

(-Mueur a\cc taquette tt se représente les chiffres,

répond qu'il les hnag!ne tels qu't! les a vus en Manc

st on Ïcs a tracés a !a craie sur une ardoise~ en noir si

'm les a écrits a rcncre ou au crayon. U c~t de fait

torsqu'on lui présente une vingtaine de chiures


que
Ecrits en noir, et parmi ces chiures quelques-uns tracés

nu crayon rouge ou b!cu, M. Diamandi est capable

d'mdiqucr exactement, par Ïa mémoire~ ia couÏeur des

1. On po<tt't'a!t crott'c A une assct't!on de ptn'c f~ntatSte que


t'tctt ne (tétnotttt'c po«!' pt'cvcnh' les soupçons, n<ms indtqKons
x i «h pctH faH qut scntbtc bien dumontret* swcM~c de
M. Btatttttndt. Pendant ses st'ttttCM au iab~t'atoa'~ i! H eu roc-
<tott d'ect'u'e M des tnntncnts dtiÏct'cnts pÏus d'un mïtiter de
< ht~t'cs. Kfms vcno~ de pat'com'h* !ca fetti~cs nombreuses sur
!c-«{ttc!tc8 ces <'h<n't'cs ont ctc tantôt ccrtts tctttcmcn~, tantôt
Kt'tQonncs it la htttc, scÏon les besoins d'une expérience; ton-
jotn's ttwts t'ctt'ouvons les c!nq avec lu forme cort'ccte que
M. D'tanmnd! as~ttt'c lui ctt'e habituelle.
i~ PSyCHOLOGtE HBS CHANOS CALCULATEURS.

chtures qu'H a appr!s. H (Ura, sans hcsiter, que ïc


8~ chiffre est rouge, le 15" bteu, et cela est exact, j
Mais sous cette forme t'expéricnce ne prouve rien,
parce qu'eue est mal ftite. Remarquons h!en quel est
le point à cchdrc!r. De deux choses Fune la mcmoïre
YÎS!tct!c est-c~e f.ntc JeteUc sojt'te q~&t ~sq~~sc
reprcseme, après Favoir vu, un chtiT~c trace en coM-
Ïeut't on se rappcUc en ntctnc temps et avec la mcrne
facilité la forme et la cou!cut'? ou bien faut-il un prc- r`

mier effort de mémoire visuelle pour se rappeler !a


forme et un second effort pour se rappcter ta couÏeur?
Si
on emploie à cet cHet !a mémoire verbale, point
de doute. Si on cherche
a se rappeïer ïa couleur des

chiffres, en même temps que les cliiffres, au moyen


des mots qui expt~ment ces quaHtés, il faut le doub!e
de mots; quand un 5 a été tracé au crayon vert, au
lieu de se rappeler le mot c~, il faut se rappeler les
deux mots c~ et vert, et ainsi de suite pour tous les

chiffres; donc double charge pour la mémo!re verbale. rt


,i
Pour la mémoire visuenCt il semble en être autrement,
parce que la forme vue et la couleur vue du chiffre ne i
font qu'un.
Afïn de t'endre concluante Ï'cxp'ënence, qui seutc
peut trancher ce pomt, il faut mesurer le temps
dont une personne du type visuel a besoin pour
apprendre une série de chiffres de même couleur, et
mesurer ensuite le temps nécessaire à cette personne a
pour apprendre une séné analogue de chiffres tracée
avec ptusïeurs couleurs différentes. Nous avons fait
r
cette mesure sur M. Diamandi, 25 chiffres lui ont été

proposés; pour les apprendre quand ils n'ont qu'une


MHMOtRB VtSUEî~B ET M~MOtRB AUDXTtVR. 13~

(outeur unique, M. Bmmandi met en moyenne 3 mi.


nutes; pour apprendre à la fois les chiures et les
coûteux, quand celles-ci sont <!iffcrentes, it met en

moyenne 8 minutes, sott 5 minutes de plus.


Entrons dans quetques détails. Les 2~ chiffres sont

(~rit~ en carre, sur & Ugne& d~ & chiffres chacune~


et M. Diamandi, avant de commencer à les apprendre,
a toujours so!n de distinguer par un point le dernier
< hin't'e des mille et le premier chin'rc des centaines. Le

temps nécessaire pour apprendre ces ~Schiffres~ quand


ils sont tous écrits en noir, à l'encre, a été mesuré a
!n montre dans une dizaine d'épreuves diMerentes; la

moyenne a été de 3 minutes et la variation moyenne


tout à fait insignifiante le temps le plus long a été de
minutes et deti-tie, dû à la distraction produite par
des conversations et un bruit extérieur.
Les couleurs à apprendre ont été présentées d'abord
a M. Diamandi sous la forme de petites croix; 25
petites croix sont déposées en tableau comme les
< hitt'rcs; il y a dans ce tabtcau six couleurs différentes,
<{<![se succèdent sans régularité rouge btcu, jaune,
vct't marron vio!et Le temps nécessaire pour
;tppt'endrccciab!eau a été de 8 minutes; il a ensuite
< te récite avec trois erreurs. A une autre occasion,
M. Diamandi a cherche à apprendre un autre taMcau
de couleurs, sctnb!ab!e au précèdent, mais où les croix
étaient remp!aeces par de petits carres; temps total,
5 minutes. Cette différence entre ta durée des deux

expériences tient vraisend)tab!emcnt à ce que M. Dia.


mandi n'en a pas encore pris rhabitude~ tt s'est exercé

jusqu'ici exclusivement au calcul mcntat, et it faut un


M6 PSYCHOLOGIE DES GMAN&8 CALCULATEURS.

certain entraînement de la niétnoire


pour donner con-
stamment les metnes résultats. A part ces variations, on

peut reniarqucr que généraïement M. Diamandi est

pÏus lent pour apprendre un certain nombre de cou-


leurs que pour apprendre le même nombre de chiures,
c'est peut-être encore reHet d'un dé~tut d'habitude~
arrivons à
Mamt~nan~ p~W termmer, l'expérience

décisive d'un tahtcau de 25 chiffres dont tes chiffres


sont ecnts avec d!vcrses couleurs. Le n~ccssatre
temps

à la fixation du tout dans la mémon'e a été de 8 nnnu-

tes, soit 5 nnnute~ de plus que dans le cas où la cou-


leur des chiffres est un!formc~ et en outre, il s'est pro-

duit, sans que nous le cherchions, un fait bien curieux.


M. Diamandi, sans aucune soUicitation de notre part,
et en prenant le chetnin qui lui paraissait le pÏus
facile, a commence à apprendre les chiures sans se

préoccuper des couleurs; les chiffres


une fois appris,
il a procédé à la seconde partie de ~'expérience en

apprenant les couïeurs Rien ne montre mieux qu'il

s'agit là de deux actes de mémoire bien distincts.


H faut se garder de faire une théorie de la mémoire
visuelle avec robsct~ation d'un seul individu; nous ne

pouvons faire qu'une chose, cngag'er eaux qui auront


l'occasion d'étudier la mémoire visuelle à reprendre
notre expérience. En ce qui concerne M. Diatnandi, on
voit que sa mëînoirc visuelle ne retient pas' simultané-
tuent, d'un même e~ort, la couleur et la forme. Il faut
un acte d'attention spéciai pour chacune de ces deux

I. M. Diamand! n'MVMt Jamais CMl'idée de cette exp<h'!cnce, et


c'eat au Ïaboratoïrc, sous nos ycMX, qu'il I'& fattc pour la prc*
mi&re f<M9.
MÉMPÏME VÏ8UEMJ! BT MÉMOÏRE AUDÏTtVE. 137

sensations différentes, et le temps de ropération totale


s'en trouve considérabtement accru.
~f~Mr~c visuelle des ~o~o/M. Un des caractères

IcspÏns frappants de ta mémoire visuelle, c'est d'être


une vision dans l'espace, une perception de la position

des objet~~ Quand ~nvisua!ise un éhsc~


on a le sentiment de voir leurs relations l'un est
situé à droite, t'autre à gauche, ou au-dessus, ou au-
dessous, ou en avant, ou en arrière. H est fréquent de
rencontrer des personnes qui af~rment que, torsqu'eUcs
se rappellent une phrase dans un Hvre, elles visualisent
si hten 'cette phrase qu'eues peuvent dire si eUc est au
recto, ou au verso, en haut de la page, au milieu, ou
au bas, ou encore si la phrase est au commencement
d'un aUnéa.
On peut se demander jusqu'à que~ point la mémotrc
visuelle contient l'indication exacte de la position des

objets qu'elle figure; cela revient à se demander si Facto


de visualisation ressemble & un acte de vision réelle;
c'est toujours la même question qui se pose, sous des
aspects différents. Il y a quelques mois, pendant que
je disais des recherches sur la mémoire dans ÏcsécoÏes

primaires de Paris, je rencontrais souvent des enfants

qui, à propos d'une Ïeçon apprise par coeur, disaient


ou expliquaient qu'ils !a lisaient mentalement dans leur
t<tc. Je prenais le Hvre, et je leur demandais de penser
un moment à un. mot du texte appris puis, quand tcur

pensée avait trouvé ce mot et s'y


était fixée, je
leur

demandais de me dire où ce mot était p!acé si c'était


nu commencement ou à la fin d'une ligne; je leur
demandais aussi d'indiquer le mot de ta ligne de dessus
138 MYCHOLOGÏB &B8 GMANDS CALCULATEUKS.

qui était situé au-dessus du mot en question. Bien des :`,:


fois j'ai répété Ï'expérience, grâce à Ï'amahinté des

protesseurs qui voulaient bien la faciliter en donnant


à toute leur classe des passages de morceaux choisis <t r

apprendre. J'ai constate qu'on se représente visueUe-


y
ment !es grands potnts~ topographie, tels que ~a
place d'un passage au recto ou au verso, au milieu ou
au bas de la page; on se rappelle à quel mot commence
un annéa, et A quelle distance se trouve FaUnca du bas

detapage; on se rappeUe it peu près la place exacte


dans une ligne d'un mot qui se détache en ttaUque,

parfois d'uu nom propre, enlin de tout mot qui d'une


manière parttcunerc a reussî à attirer l'attention de
l'enfant pendant qu'il regardait son
de teçon. Celivre
sont à peu près toutes tes indications que î'e!éve donne
exactement, dans les cas les plus favorab!es; en dehors
de ces points, il va au hasard, tâtonne, se trompe. Si
on lui cite un mot insignifiant, il ne sait où Ïc situer,
et il dira aussi bien que le mot est à la fin d'une ligne
qu'au commencement de l'autre. La situation d'un mot
étant uxée, t'ëtcve arrive quelquefois à dire le mot situe
au-dessous dans la ligne suivante; il ne le fait pas en
visualisant, il le fait au moyen d'un arti~ce qui con-
siste à réciter mentalement le reste de la phrase, et à

apprécier le nombre de mots nécessaire pour remptir


une ligne procédé qui n'a aucun rapport avec la visua'
lisation.
Ces observations ont été faites et répétées sur un
assez grand nombre d'enfants pour nous permettre de

prendre des conclusions termes tatssant de côté les


cas et les prodiges, on peut dire
cxceptionnels que les
NÉMOtRB VÏSUELM ET M~MOtNB AU&ÏTtVE. ~39

enfants qui se représentent le livre de tcçon comme s'ils


ïc voyaient, n'en font pas, cn recïtant par cœur, une
vraïe lecture ïïtcntate. L*ïma~e visueMe qu'ïïs ont dans

t'cspWtcontïent quelques grandes indications topogra-


phtques, de la nature de ceÏtes que nous avons md~

~Mee~ mat! encore une <<n8y ~Me ~e&t pas compacaMe


a une épreuve photographique
Après cette courte dtgress~on,je reviens au cas de
M. Diamandi. J'ai répète sur lui la même expérience
que sur les enfants des écoles prïmaîres. Je lui ai fait

apprendre en ma présence cinq ou stx lignes de prose


chotstes dans le premier livre venu, sans î'avcrUr
d'avance de ce que je cherchas à savoir. Au bout de

Dans un HvM récent, des plus curieux, que nons avons dejA
c!té, M. Ï* toMt'noy fait Ï'obscfvntion sutvantc, M propos de certains
'«hentes vtsuels, qu'il appelle des scbemcs écrits parce q~ïs
conttcttncnt des mots d'écrîturc Le sujet sa!~ que sont achcmc
<ont!cnt tel mot, par exemple les noms des mois ou des jours;
il !c suit, mais le pïus souvent il ne peut pas lire distinctement
<*cs mots do<t8 son image mentale, comme il te fet'<t!t s'îts étaient
ccr!ts yee!te<nc<tt MM' une fc«i!tc de pcp!er. J'a! pense qu'U pou-
vait ~tt'e utUc de rapprocher ce faït de ceux que je donne dans
le texte, relativement n ÏM mémoire vtsueUe des enfants et des
cah'Mtuteufa prodiges; le rapppochctnent tne panut d'autant plus
Ïeg!tttne que, scton toute vt'oiscmbttthcc, les sch~mctt visuels sont
f<nts de la Htèmc~toNb que tes hno~cs v!suûlics, Dans tous ces
<'<ts, on voit que tmng~c visuelle ne contient pas, nmtgt'6 les
!'ppat'cnccs, de signes typo~t'aptuques lisibles.
Qucïqucf pcMonnce, d'après ut<c técente enquête de M. Th,
R!bot, pensent et se rcpt'éscntcn~ les objets pMf imuge visuelle
typogfttphtquc. Quand on leur demande ce qui se passe dans
leur esprit au moment où on leur nomme un objet familier, cMca
répondent ne v!suattscnt pas cet objet, mais se repré-
quittes
sentent son nom écrit. La queKt!on est de savoir si cette t'ept'e-
sentation typographique est recttcntCttt visuelle, ou si elle n'est
pas plutôt auditivo-visuelle; d'après cette dermerc tntet'pt'etn-
Hon, on aurait une image visuelle très vague, presque !t!îsibtc.
(}u! donnerait la suggcstion de r!M«g~e audUtve du mot.
PSYCHOLOG!E DES GRANDS CALCULATEURS.

deux minutes, M. Diarnandi


répétait par cccur les cinq
lignes, en oubliant toutefois un membre de phrase,

composé de trois mots, qui occupait le milieu de !a t


troisième ligne. Je lui demandai de m'indiquer ta pïace ~r
de différents mots du texte, et je lui posai FensemMe de (

q!t<t<?~~ q~ej~t thdt~Gcdë. n~ liiaI1ièl~ê"g'én'é'i'arê.


M. Diamandi répondait plus exacternent que les élevés
des écoles prïmaircs, ma<s sa réponse n'était pas abso- <
lument et rigoureusement exacte il situait Icstnotspar

à peu près. Par suite de FoubU commis sur un membre


de phrase, tous les mots (pu suivaient ce membre de

phrase étaient indiques en avance d'une demi-ngnc sur


leur position véritab!e. M. Diamandi
a retnarqué lui-
même, spontanément, que, bien qu'ayant la représenta-
tion visuelle de la page et de l'endroit, il ne pouvait

pas indiquer tes rapports de position existant entre des


mots de deux ngnesdittcrentes, parce qu'il n'avait point
songé à porter speciaïement son attention sur ce point,
au moment où il apprenait la leçon. Retenons rexpïica-
tion elle nous sera uti!e au moment où nous dévelop-
perons les conclusions gencraÏcs de cette étude sur !a
mémoire visuenc.
Zcc~M~e ~ic~c <~M<? de c/f~'cs. Même pro-
blème sous une forme dinet'cnte, et peut-être plus
précise. On fait apprendre à une personne, douée de
mémoire visuelle, des chiffres disposes sur cinq lignes
de cinq chiffres chacune, et on demande a cette per-
sonne d'indiquer les cbim'cs situes au-dessus, a droite
ou a gauche d'un chinre lui désigne.
quelconque qu'on
La première idée de cette expérience appartient à
M. Pierre Janet, qui l'avait imaginée pour rechercher
~HMOtRB VtSUELLE BT MBMOtKEAUDtTi~B. 1~ 1

st M. tn&udt appartient ou non au type auditif. M. Janet

{<itt'ta!t de cette idée qu'une personne qm ~îsMuUsc un


(an'edc chtffres, dtspo~~ dan~ rordre ci-après:

58245
69287
10~95
–g-
·
~5927

n'aura de les reciter dans Fordrc de


pas phis peine

à droite, où on a t'habitude de les Hrc~


g:mche que

un ordre verticat ou dans ïe sens de ïa dîa-

~onate.

~ous allons d!scutcr î<t à fond, en


question compa-

rant M. !n.tudt et M. Dtam&nd!, et nous ~en'ons ce

a de et de faux dans l'idée dh'ectnce de


<{tt' y juste

ces les obser-


expériences. Commençons par exposer

va<îons nous avons fattcs sur M. DtanmndL


que

Nous notre entrevue avec


rappc!ons qu'à prcmîère

lui, M. Dtamand! nous une fcuHÏc


présenta grande

f<m verte de 2000 avait cœur;


chïu'rcs, qu'H appris par

!<'s t'htn't'cs eta!cnt ccrtts sur des horÏxontatcs de


ugnes

25 ohnFres, et !es eta!ent


Hgnes ptacces rcgutterement

an-dessous les unes des autres U resuhatt de cet

nrc te tab!eau sott hor!zon-


.~rangement qu'on pouvait

ttdemcnt de à droïtc, soit vcrticaîcmcnt de


gauche

haut <'n bas. Ce fut de notre


t'obJet premtcre expe-

rtence. Nous n'avons eu de à


pas peine remarquer que

M. Dtamandt récttatt très tes chiffres de


rapidement

~.mche à droite, et de
qu'il éprouvait beaucoup plus

.<ntncu!te a les rëctter dans k vertical. Matheu-

rcusemcnt/ cette M être


expérience pouvait pas prise
142 MYCHOÏ.OGtE OE8 6RANP8 CALCOMTEOR8.

en considération, car nous ne savons pas commenta 7


tabteau avait été compose, 6t i! pouvait exister que!qtt(~
c!cf~. Nous n*avon8
pas insisté.
4F

V'M~M ~C 9~ C~hCN.

385 824 Û38 8S9


4<H2 ?8 629
45 647 625 ?3 3M
5M 817 ~30 012
638 ?9 237
M9 826 6(!C 534 t2U
394 3t8
694 332 M& 001 836

Pour nous placer dans des conditions meitïeures,


nous avons écrit noms-même un tableau de 92 chiffres, `,r
dans lequel nous avons !a!ss~ & desseiit des lacunes,
destïnees à augmenter la d<Htcu!té. Ce tableau a été
conuc à M. Diatuandt ïe jeudi, avec invitation de l'ap- `a

prendre par cœur. Le samedi tHOU~ revoyons le cal- `~


cutatettr, qui a le sentiment de pouvott' réciter les
92 chiffres sans faire une etTeur. Nous les lui <a!sons
d'abord péetter de gauche à droite, ordre dans !eque! 1
U tes a appris; temps 64'. Ensuite, nous les lui fu- r.
`~
sons rectter par coïonnes descendantes, en partant de
'`
la dro!te; il se
trompe plusieurs fois, de est obïïge
recommencer; nous ne tenons compte que du cas où il
a pu aller jusqu'au bout sans grandes erreurs temps
168% soit à peu près le tr!p!c. D'où nous concluons

que M. D!amandt, quoique visuel, ne peut pas énoncer


les chiCres d'un tabicau mental avec la même raptdÏtc

1~ On verra dans le chapttfc atthant & quel art!8ce nous fut-


aons allusion.
MÉMOÏRE VtSUBt~B ET MÉMOÏRB AUO!T!VB. i4à

!ans tous les sens. Ceux qui Font cru se sont trompés.
t y a dams t'iïnage visueUe de ce catcutateur des dïrec-
ions que son attention suit plus facilement
que les
mtres ce sont les directions que son attention a sui-
tes en apprenant les chtnres.
IL en e&t de même pour te tableau,. composé de
25 petits carrés de couleur, que nous avons fait

rapprendre à M. Diamandi dans une expëraence rclatée

)!u<; haut. Si on hn fait rëcher de mémoire ies cou-


curs du tableau en suivant l'ordre de gauche à droite,
~M. D~mandi tnct un temps ég<~ a ta moittc de cetut
~({m tut est nécessaire pour notnmer les couleurs en
smvant Fordre de haut en bas. Ce resuïtat est bien

significatif.
~a~/<* ~<~<? 7~ M. ~M/~L Ce pa-
ta!tè!e a porté principalement sur rexpér!ence dont
ttotts venons de partcr, expérience' qui constste à faire

apprendre au calculateur un carre de chiffres, en le

~t'tant cnsuttc d'énoncer les chtR*rcs de ce carré suh'ant


dHtcrentes dtrect!ons.
`'
L'idée
première de cette expenence, qui est relatée
tout au long dans le rapport académique de M. Ch&rcot
sur Jacques Inaudi, était la suçante pour une per-
sottne du type auditif, tes chiffres ne sont point ordon-
nés dans t'espace, mais dans les temps; ce sont des
mots qui n'ont entre eux que des rapports de succes-
sion ils sont p!accs Fun après l'autre, et non l'un
.m-dessus de !'autre. Par conséquent, si on prie une
personne du type auditif d'apprendre par cceur un
carre de chinres, pour ta mémoire de cette personne
'chiures seront simplement disposés en série de
tes
P8YCHOLOCÏJ! DES GRANDS CALCULATEURS.

succession. Si on tu! demande de réciter les chi~'cë


du carré suivant la.diagonale, elle sera obtïg'6e de t~t.~
sonne! de se dh'e que te premict* nombre fournit
premier chtO~'e de diagonale, que Ïc secottd nombre
(burnit ïe second chifït'e, et ainsi de suite ce sera un~
travail très penïbtc. Au contrah'c~ te visuc! qui &.dAns~
~a têti~~rit T.itbîeau ~e chtiER'es <cra plus (act!emcnt cette

lecture il n'a qu'a parcourir son image visuelle dans r


le sens nécessaire.
VoHà ie point de départ, et nous avons pensé que

t'hypothese est assez intéressante par elle-même pour .f


mct'kcr d'être conspuée ici. Remarquons que, pour v
vancr i'cxper!encc, on peut demander à !a personne

qui sert de sujet de réciter mentalement le carré dans

plusieurs directions différentes; ces directions sont: la t;

dia~ona!e de droite a gauche, ceÏïe de gauche à droite,


celle de bas en haut et de droite à gauche, cette de
bas en haut et de gauche a droite inutile de donner
des figures pour des directions aussi simples à com-
~§~

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ÏO
1M PSYCHOLOGIE DES GRANDS CALCULATRUHS.

prendre. On également
peut réciter te carré paj
cotonnes ou descendantes,
ascendantes en commençai
par !a droite ou par la gauche, ceci se compret~
encore sans figure. On peut encore suivre des sécant
tes, comme t'indiquent les nèches de ta ttgure 4, ou Ïc~
sécantes sont dirigées de droite à gauche et de basLea,
on pcutenun suivre une ligne capricieuse indi*

quée par Ïa ngurc 5. ?


Dans ces épreuves, deux points sont à noter 10 ïe

temps total Mts à réciter les chiffres dans un ordre

quelconque~ 2~ les Jccïarations du sujet sur les pro*


cèdes qu'il emploie pour venir à bout de
t~expérïencc.
En ce qui concerne Ïe temps, je crots qu'il ne dépend
pas seulement du type de mémoire du sujet, mais de
la force de sa memotre~ on suppose qu'un visuel n'a

qu'à regarder son Image pour voir les chiffres de la

diagonale. Soit; mais quand même cette hypothèse serait


exacte, ce visuel ne pourra lire ntcntatcmcnt que s'it
se rappelle exactement les chiffres, s'iï ne les transpose
pas, s't! n'a pas d'hésitations; la mémoire a ses degrcs
M~MMM VtSURLLE ET MEMOIRE AUMTtVE. 147

S <'t, toutes choses égates d'aïUeurs, Favantage doit


rester à ce!ut qui a la mémotre la ptus sûre
Le témoignage du sujet, nnta!gré son caractère sub-

jcct!f~ doit toujours être pris en constdéraHon deux


cas sont & prëvoïr le sujet trouve directement, en

f~ydftn~
s~n iwagn?, î<s cM fh'ë énoncer, ou B!en H
est obligé de compter et de faire un raisonnement.
Nous donnons ct-après les résultats obtenus sur

~ï. Diamandi et M. Inaudi, qu! tous deux, pendant


? ptusïeurs séances, ont été soumis à la même expé-

ttcncè, sHr te même carré de chtfft'es. Le temps a été


~ntcsure aussi exactement quepossible avec le micro-

j)hone enregistreur de Rousselot, dont nous publions


quelques tracés.
tf M. Dinmandt. M. ÏMaud!.

Tctnps nccessa!rc pour apprendre une


séné <io25chta'rc8. 3'" 0'a~g'
j T<'mpsK6c<'ssatfepoufrép6tercesch)iS'pes
<tt' gauche a <!t'o!te. 0"9' O'19*
T<'<nps nëccssntre pout* répéter dans le
mcmc «rdrc les chiN*rcs Rous forme de
ttombrcs. 0"9' 0'7*
Temps ttcccssaîrc pour répéter un tttb!cnu
«trré de 25 chiffres par colonnes dcsccn-
dant~ 0'35* 0~,60'
Tctttps nccessnh'e pnur répète!'un t«b!can

j < urre de 25 cht~rcs par cotonnes ascen-


dantes. 36' 96'

t. P~ous rcv!cndt'ons aiHcm's sut' tes degrés de force de ïa


tu tuotrc. D!sons ccpcndunt tout de suite ce que nous entendons
? p: t of terme. Supposons doux pct'sonnea qui ont appfts paf
tu' un ntorceau de poes!e et sont toutes deux capables de le
t' tt<'<' snnB uno fntttc. Il M peut que tcur memoh'e ne soit
p: s d'une force egnte, et que les mots cotnpoNant le morecau
:tj pus par coeur ne soient pas dnns les deux cas ussociés aussî
t xncmcnt; n'est ce dont ott pourra N'assurer en faisant des
t xpt'rtcneea de psycbotuch te.
1~8 PS~CHÔLOûH! M8 GRANM CALCULATEURS.

M. MamamH. M. htaM<H. i

Tempe neccsMtrc pour répéter un tabïcau


c<n'féensuîvantMneï{g'noaph'ate. a 3< 80'
Temps n6ccR8&h'cpoarpép6teyMntaMe<m
caï'fc4e25<:hî<ï't'escn8tnvMntde!!t!~nc$
paMHMea, coMpant ïe tableau oMique.
s ,a r
ment.< &3' ç
168' J

:1
L'examen de ce tableau montre tout d'abord que
M. Inaudi fixe
beaucoup p!us rapidement que M. Dîa'
mandi une même quantité de chiH'resdans sa mémoire:~
M. Inaudi est environ quatre fois plus rapide que.~
M. Diamandi; i! est par conséquent, à part son typc~
de mémoire, dans de meilleures conditions généraÏes~
que son concurrent pour conduire à bonne fin Ïcs~

expériences. ?
Les deux calculateurs sont à peu près aussi rapides

pour répéter les cinq nombres composant le carré;


M. Inaudi a l'avantage de deux secondes, mais c'est

peu de chose. Au contraire, pour répéter par chinres,~


M. Inaudi est beaucoup ptus Ïcnt 19* au lieu de 9"
diHerence considérable.

L'avantage appartient à M. Dianmndi pour répète!*


les chiffres dans un ordre difierent.
Ainsi,
pour énoncer les chiffres du 'tab!eau en §
colonnes ascendantes ou descendantes, M. Diamandi
est en moyenne deux fois plus rapide; il conserve h~
tneme supcrioritc pour énoncer les chinrcs suivant une
ligne spiratc à spires convergentes et it met même
trois fois moins de temps pour énoncer tes chiffres
selon une série de sécantes parallèles, traversant !e
tableau de gauche à droite et de bas en haut. D'où
peut provenir cette différence? Très probablement
.a.a


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t -1. 1 <. t 1"

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150 P8YCHOLOGÏB DES GRANDS CALCULATEURS.

elle provient en partie du type de mémoire, de ce fait

que M Diamandi voit et que M. Inaudi entend.


M. Inaudi, qui nous a exptiqué clairement ses pro-
cédés, arrive à bout de l'expérience en se laissant

gutderpar ~a ~~M~~
par colonnes ascendantes, il prendra d'abord les unités
de chaque nombre, puis les dtza!ncs,puis les centaines
et ainsi de suite; dans la diagonaïc, il prend l'unité
du premier. nombre, la dizaine du second, la centa!ne
du troisième, etc., ce qut t'obttgc à se remémorer le
nombre entter. De là la longueur de Ï'opératïon
En ce qui concerne M. Diamandi, nous pouvons
constater qu'il se tire brillamment de ces expériences,
mais qu'il n*amve point à réciter tes cinftres suivant
la diagonale avec autant de rapidité que de gauche à
droite. Nous avions déjà constate cette dinerencc dans
une expérience anter!eure.
Je termine sur ce point par quelques observations

personnelles.
J'a! appris derntcrement un tableau de 25 chiffres.
Les 2 premiers nombres, de 5 chiffres chacun, sont de
fantaisie. Le 3° est une date 1415, augmenté du
chiffre 6, pour comptétcr la ligne; au-dessous, j'ai
inscrit deux dates encore, 1893 et 1789, et, pour com-

pÏcter ces deux !tgnes,j'ai ajoute a F un un 3 et à Fautrc

un 6, avec Hdco que ces deux chtn't'cs forment mon Age.

1 Y a-t-t! lit ut~ peu <rnuto-sM~C8tîott? C'est Mcn posstbtc.


M. Inaudi est (mdïttf, on te ht! a d!~ il le s<t!t, c<t fait partM'
itttOMtctt~nt de su personnaUt~; on ppochnnc ic fnit datts ses
aénnccs puhHqucs mnt~t'~ hn, il doit subh' t'ctttptt'c < cette
«!cc, et il est <n<«ntcnant tt'op tm'd pour 6tud!ct' sm' hu tes c(m-
SHquenccs <ht type nudttïf.
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153 PSYCHOLOCÏR DES GttANDS CALCULATEURS.

avoir apprts ces nombres, j'ai mis pour les


Apres
répéter de gauche à droite 14"; puis 10'; puis 10% Une
demi-heure après, à la suite de nombreux exercices de
Mémoire sur ce tableau, je ï'ai répète de nouveau, et
cela m'a pris 13", 12", 12', 11%
Pour répéter le tableau par chiffres, bien entendu
dans l'ordre de gauche à droite, j'ai mis successive-
ment 15', 12', 12% 10% 13', il".
Donc

Temps moyen pour tn t'cpH~tton en nombres. ~5


en t-h:nrc~ t ~%&

différence qui
paraît me
insignifiante, étant donnée
`
rimportancc de la variation moyenne.
J*ai ensuite répété par colonnes descendantes j'ai
mis 55% 40% 45% 40", 27% 35% ~5% 55% 35% 37". Temps

moyen 40", 5.
Puis, par colonnes ascendantes, 60", 45% 40', 40*,
38% 35% 22% 37". Temps moyen 39%5.

Ces deux temps ne diucrcnt point.


Rnun.par sécantes, après quatre échecs successifs,
et des c!Ïbrts pénibles, je ne suis arrivé que deux
fois la première fois j'ai mis li2% et la seconde (;5".
Je remarque que pour toutes ces
expériences la pre-
mière épreuve dure toujours le plus longtemps; ensuite
le tra\aii est considérablement plus facile. Ainsi, pour
chacune de mes épreuves j j'ai
Tc<n})Sttet<tTctt(;<
t~'<~)feMve.!Mt<y~tt.
R~tatinnde8nombt'<'s<ïc~<ntch<ttt dt'otto.. 14' 11'
eht~'cs 1~'
Hccttt~ton pHt'~otoKttcs dcsccnthmtt's. M)* 40'
nscctuhmtcs. (K<* 39*
Rcci~itottpat'sccm~es. 112' (;&*1
M~MO!RB VïSUEUB BT MÉMOtRB AUOÏTtVB. 163

On peut remarquer grande en outre


étendue de une
la variation moyenne. On est parfois bïen disposé, par*
fois au contraire on s~accroche à chaque pas. Aussi le
temps moyen n'a-t"it pas souvent une grande
sïgunÏcatïon. î! me serait impossible de dire exacte-
ment si je vois les chinres. Pour les deux derniers,

je les prononce rapidement, pendant les répétitions

par colonnes, pour trouver le chiffre convenabte. Pour


les deux premiers, je tes a! chacun divisés en deux
nombres~ composés chacun de 2 et de 3 chiffres de
la manière suivante 34 825 et 72 639. Ainsi,
quand je suis par exemple la 3~ colonne dans un ordre
ascendant, et que j'arrh'e au second chinre, je sais
~<*<?~<*M~ que c'est 6, sans avoir besoin de me

répéter 72639; de même, pour le premier chiure.

Quant aux chtfft'es 6, 3, 6, qui terminent les trois


dernières lignes, je les connais en quelque sorte
isolément.
!ï me scmhtc que pour i4i5, je le vois un peu
mais je n'en suis pas sûr.
Mon efibrt de vision me parait surtout net lorsque je
cherche à lire le tableau suivant les sécantes; mais
tout cela est bien brouillé. Je ne compte jamais d'une
manière exacte le chiffre à prendre~ je vais par taton-
ncments.
Une des ptus grandes difficultés que j'éprouve dans
toutes ces opérations, c'est de me rappeler qttctÏe
tranche je v!cns de suivre, si c'est par exemple !a
3'' pu la 4~. Je m'embromUc p~rfots.
Si Mtmntenant je compare mes résultats à ceux de
M. Dtamandt (je compare, Hen entendu, nos premières
~4 PSYCHOLOGIE M8 GKAt~S CALCUt<ATBUM8.

expériences à tous deux), je me vois bien inférieur.


Ainsi
PmmaMd!. Rinet.

nombres. 13', 4 14'


Tc<np8pom't'ceitct*lca
les ch~'M. 15'

Cototmes descendm~m. t~y*


CoÎRttttps ttscendtUttct! 3R%5 €0'

53'
Séf'tUttM. 112'

Mais en revanche, chose bien 8ïnguticre,je suis p!us


paptde que M. ïnaudi.
HtKCt. tKMMdt.
TctMps pour t'~pctcf des ncnnbt'ca de
~ttuchc <t dt'oitc. M* 7'
Pm' colonnes desccMduHtes. Sa* <ï0'
Par coïoMttcs ascenduntes. 60' 9(t*
Par sécantes. 1!2' ~68'

Ceci donnerait ou que M. ïnaud! est


lieu à penser
encore moins v!sucï que mo!, ~< /<* ~M~ s/ ~CM, ou
qu'H a f&!t Ï'cxpet*tence en y mettant une lenteur cal-
cule.
CHAPITRE XI

LA SÏMULATÏON DH LA MÉMOIRE DES CHÏPFRES

La plupart des
opérations psychologiques peuvent
être simulées, c'est-à-dire remplacées par d'autres qui
ne leur ressemblent que par l'apparence et qui diffè-
rent en nature. On peut simuler plus ou moins; il y a
des simulations légères souvent insignifiantes
auxquelles personne n'échappe; un auteur a dit avec
raison qu'on simule toujours quand on parle de soi-
même il y a aussi des simulations grossières et bru-
tales, cotnme on en voit se produire parfois dans les

représentations publiques et payantes.


On peut a~trntcr que presque toutes les exhibitions
de phénomènes psychiques, comme les transmissions

1. Ce chapitre n'est en grande partie que Ïn reproduction


<t'mn; <'t)j<!c fa!tt' <'ttcoUaborati~n avc<: M. \ctor Uchr!, ctfvc
<ht tMborttt'm'R ~<: p)tycbo!f~ic M ta Sorbunne, et pubHéc dans
Ïa ~<'f'Mp~<'M<?~M< tojnin 18~.
156 PSYCHOLOGIE DES GRANDS CALCPÏ.ATBUR8.

de pensée, l'hypnotisme et le spiritisme, contiennent


une large part de fraude.
Nous avons pu parfois nous en assurer par nous-
mêmes, et plus souvent encore nous avons eu t'occaston
derecuëîn!r!cs cô~dë~e~ de ~rR~~
ment encore, nous avons fait quelques études sur une

personne qui a pendant des années


joué le r~Ïe de
pattent dans des expériences publiques d'hypnotisme.
C'est un homme fort intelligent; il simulait le sommeil
au point de tromper non seutement tes journaïïstes,
ce qui est facïïe, mais aussi les nïédectns, ce qui parait

egatement facile. t! ne se prôtaît pas, il est vrat, à des


épreuves d'!nsensib!ttté sér!euse, qui sont toujours un

peu pén!b!es quand on n'est pas réellement insensible,


mais il simulait ranesthés!e de !'odorat, les attitudes

cataleptiques et t*arrct du cœur. Voici comment,


d'âpres son propre témoignage, ces expériences se

pt'attquent
Pour t'anesthésïe de ï*odorat, on passait raptdement
devant ses narines un paquet d'allumettes soufrées en

îgmtton; il sufnt, parait-il, de suspendre un moment


sa re~jHratîon pour ne pas ctre tncommo~c et ne pas
faire de mouvement de défense. En ce qui concerne la

catalepsie, Ïc tour est assez facile à jouer, pour peu


que l'on ait quelque apÏomb. Le magnéttseur étendait
te bras du sujet et disait que ce bras, transforme en
barre de fer rigide, ne pourraït être plié par personne;
ce qu'il y a de p!us étrange, c'est que cette personne
ne dispose réellement pas d'une grande force muscu-
laire (32 kilogrammes au dynamomètre). Sur l'invita-
1
tion du magnétiseur, assistants montaient 1
plusieurs
t
LA StMULATMN HE LA MÉMOtRB HB8 CHtFPMS. i&7

sur l'estrade, et essayaient de plier le bras étendu du

sujet; ils n'y parvenaient pas, pour plusieurs raisons


d'abord, ne s'étant pas concertés d'avance, ils- pous-
saient chacun dans un sens différent et contrariaient
~curg cH~rts gênes et în~midés
en outre, d*ctre sur
une estrade, craignant aussi de faire du mal au pré-
tendu cataleptique, ils ne disposaient pas de tous leurs
moyens; de sorte que cette épreuve était purement
illusoire. Si par hasard le magnétiseur craignait que
le sujet ne se fatiguât, il arrêtait l'exercice pour en
montrer un « bîen plus remarquable
autre ?, et ren-
voyait tes assistants à leur place. La même personne
nous a expnqué le moyen classique emptoyé pour
arrêter en apparence les battements du cceur
nous donnons ce procédé sous toutes réserves, n'ayant
pas eu le temps de le vért6ef. Un tnédecm met le doigt
sur l'artère radiale du sujet; cetut-cï, qui avant i'expé-
rience a logé secrètement une balle de caoutchouc sous
son aisselle, peut à volonté, en serrant le bras contre
le corps, comprimer Ï'artère humérale et suspendre la
circulation dans Fartère radiale; la supercherie est
vraiment grossière, et l'on comprend qu'un tracé

sphygmographique du pouls pris dans ces conditions


est tout à fait illusoire. On a publié récemment un
tracé de ce genre, avec sans doute l'idée de montrer

que le coeur cesse de battre pendant 23 secondes con"


sécutives. Comment l'auteur, qui est certainement de
très bonne foi, n'a-t-il pas songé à cette cause d'er-
reur et à d'autres causes analogues?
Les fraudes du même genre sont encore plus fré-
quentes dans les expériences de transmission de pensée
158 P6YCHOLOG!B DBS 6RAN&8 CALCULATEUMS.

et U nous parait inHniment regrettable que des savants


se soient laissé tromper par des expériences de ce

genre. Nous n'en dirons pas davantage sur ce point.


Le but de la présente étude est de rechercher s'it est
w
possible d'employer ta simu!ation. dans tes ~erciccs
de Tnémôtrc et particutiércfnent dans les exercices de
mémoire des chiSres nous nous proposons de mon-
trer dans queUe mesure une personne habile arrive à

remplacer la tnémoire naturelle des chiffres par des


artifices n'exïgcant pas une mémoire particuttèrement
de~etoppée.
On peut, à première vue, ne pas comprendre la pos-
sibtnté de faire de la simulation à propos de la mémoire
des chitfrcS) et on est disposé à admettre que lorsqu'un
individu est
capable de répéter 25 chiffres après une
seule audition, cet individu ne
peut recourir qu'à un
seul moyen, sa mémoire. Il est de fait que si Ï'on par-
court l'histoire des calculateurs prodiges, on ne trou-
vera part une aUusion à la simulation.
nulle M. Scrip-
ture~ à Fétude duquel nous avons fait souvent allusion,
ne semble pas avoir pensé un seul instant à cette cause
d~errcur. EUe existe pourtant et nous en avons eu
tout récemment la preuve. Un prestidigitateur très

distingué, qui pratique depuis longtemps la mnémo-


tcchnie dans un intérêt professionncÏ, M. Arnould,
a bien voulu nous prêter son concours pour cette
éluder ii a appris devant nous, au laboratoire de psy-

chologie, des séries de chiffres au <noycn de la


mncmotechnie~ et nous avons pu, par ce moyen, nous
assurer des différences qui existent entre la mémoire
'natttreHe et la mémoire artiâcieHc ou mnémotechnie,
Ï.A MM~LATtON DB LA M~MOmB DES CH!FFRE8. IM

et de la facilité surprenante avec laquelle un observa-


teur non prévenu est trompé par un simulateur mnémo-
technicien.
Pour mieux nous rendre compte des signes auxquels
on feconnait une sirnt~ation par ~a mnémote~~
nous avons fait des études de comparaison entre des
calculateurs mentaux et notre mnémotechnicien, en
nous attachant
a répéter sur tes uns et sur tes autres
exactement le même genre d'expériences. Les termes
de comparaison nous ont été fournis par deux calcula"
teurs mentaux, M. fnaudi etM. Diamandi. Nous avons

longuement prolongé nos expériences; ce n'est pas en


une heure ni en un jour que l'on peut connaître la

psychologie d'un individu; les procédés d'exploration


individuelle sont encore trop mal nxés pour permettre
d'opérer en psychologie avec autant de rapidité qu'on
peut le faire en médecine; nous avons donc poursuivi
nos expériences pendant plusieurs séances sur chacun
des trois calculateurs. M. Inaudi, malheureusement,
obligé de quitter la France, ne s'est rendu que pen-
dant deux après-midi à notre laboratoire nous
n'avons pas eu, par conséquent, le loisir de le sou-
mettre a une série méthodique d'épreuves; les résul-
tats qui le concernent sont partiels, et simplement
donnés comme échantittons. En revanche, M. Diamandt
et M. Arnould ont été examinés avec tout le temp&
désirable; le premier a été étudié pendant dix séances

différentes, et le second pendant cinq séances; cha-


cune de ces séances a duré en moyenne trois heures.
Nous n'avons pas, malgré la longueur de cette étude,
l'idée de donner des signes définitifs qui permettent
MO PSYCHO~OGÏB M8 CMANDSCAt,CU!<ATEUC8.

.de dépister dans tous les cas t'exMtence d'une simu-


lation portant sur la mémoïre des chtfFfes. Le but de
cette étude est ptus restreint
et plus modeste. Nous

prenons sîmptemcnt comme pomt de départ ce fait

que l'un de nos sujets, M. Arnould. est mnemotcch&t-~


e~ de pfOtfessîon, et déclare spontanément qu~
cherche à simuler une mémotre qu'il ne possède pas
réellement; les deux autres personnes, au contra!re,
assurent qu'eHes n'emploient aucun procédé mnémo-

techntque. Ceci étant établi, nous avons ~'ccherché s'H


était possible, dans ce cas
parttcuHer, de trouver des
différences marquées entre ces différentes personnes,
quand elles font des exercices de mémoire dans les
mêmes conditions extérieures, c'est-à-dtre sur le môtue
nombre de chÎH'res

C*est le moment de dire avec précision ce qu'il faut


entendre par shnuîatton de mémoire au moyen de Ïa
Kmemotechntc.

Quand une personne cherche à rctemr une série de


chiffres sans mnémotechme, eUe grave dans son esprh
les chtHt'cs tels quels, sans leur assoeier aucune st~n!"
fication partïcuUct'e si elle a appFts les chiffres par
l'audition, elle les conserve le plus souvent dans la

t. La question de la suMMiattOMdanit Hn <'tt8pnt'ttt'utter ne peut


être tranchée que si on ttcnt compte d'utt grand nombre de <*h'-
<*oHStonc<!&. 0(t peut ppcsutHCt d une mantct'c géhcratc quMnc
personne qu!jo!nt At{t tncmcm'c de eh!n't'cs la facnttcdc co!t'Mtc<'
ïntentKÎcmcnt avec rapidité use d'une tnénM~c OHtureUc.
LA St:m!LATtOK OH LA MÉMOUtR DBS CHH'FttKS. 1(~

mémoire comme sons articuïes cpn continuent a retentir


dans son audition intértcure~ elle peut également se

rappe!cr la forme des chiffres écrits, leur simouettc,


et en avoir, pat* ta mémoire, une vision intérieure; il
ë~ïstë/ a cef c~ variétés mdivtdueues
mais ces variétés uni
toujours ce trait commun que le
cbtn're est retenu en tant que chinre, e'cst-à-dtre
comme sensation pour la vue ou pour l'ouie.
La tnnémotcchnte a pour but de substituer à la
mémoire des sensations une memotre des ïdécs; eUe
se propose de donner aux chères une signification
part!cu!t&rc, tout artificielle, qui permet de les retenir

ptus facilement.
Nous ne décrirons pas Ïonguement les procédés de
la mnémotcchnic. C'est un art d'une origine très
ancienne, et qui a joui, it y a cinquante ans, en France,
d'une certaine vogue 1; la vogue a passée et la mné-
motechnie est aujourd'hui bien délaissée; personne ne
lit plus les deux volumes, pourtant intéressants et
nourris, d'Aimé Paris un des maîtres en la matière;
on ne perdrait pourtant pas son temps en jetant un

coup d'<fi! sur un petit opuscule, plus récent, de


t'abbe JMoigno, qui a simplifié et perfectionné la
méthode, surtout par l'introduction de nouveHes tables
de cent mots de rappel. L abbé Moigno décrit dans
son style eoloré comment, à trente-cinq ans, il s'cn-
bousiasma pour la mnemotechnie; il ne savait alors

1. ÏÏ a ctc pttbHc, (ï!t f))t, phts de 300 voïumcs sm* !a mncnto-


tcfhnte.
2. A!m<' Pfn'<, <M~y~ et tt/c~wt~ f~e ~<t ~MPwo~cfAM~
Pnt'ts, 1833. Cottsuttct' aussi P!cjk, ~cmo/'y ~M~ tl,e ~<ï~'o~<ï~
M<M~ rtf <M/of~j il, Londres, 186t
n
162 PSYCHO~OGtB DES GHANM CAÏ.CULATBUR8.

pas un mot d'histotre, de chronologie et de geogra-


phte grâce &h mnemotcchme, ït devînt, dit-il !m-

mente, d'une sctcnccvcrt!gmeuse;itpouva!t répondre


mstantancmcnt a quelque chose comme dix mille <
d'un très tnterêt;~etai~ s
questïons grand devenu pour
htt-ïWâme un mystère et un phénomène effrayant;
« n'était-ce pas, en effet, un exercice au-dessus des
forces humaines, quand on me demandait les noms
du 10", du i2i° et du 177'' pape, que de pouvoir
`
nomtner
nam~ner immédiatement
i~nmét.iiaternent Anicet,
~nicct, Innace~nt ÏV?
Lantian, innocent
Landon, F' M y>
L'abbé Mo!guo raconte qu'il lui est arrivé souvent
d'étonner Franço!s Arago en te forçant, accidentelle-
ment, de constater ce qu*on peut apprendre par la
mnémotechnie. « Un jour, comme pour prendre sa
revanche, Arago se vanta de sa\o!r par cœur les seize

premiers chtnrcs du
rapport de la c!rconfcrcnce au
diamètre, et il se mit à les cnumérer. « Que vous êtes
« mal tombé! m'écnaï-~e. Je sais le rapport de la cir-
« conférence au diamètre avec cent v~ngt-hutt dectmates~
« et si vous me demandez les dix chHires successifs à
« du sotxanUcme~ vous dtrat 4,4~ 5, 9~ 2, 3,
partir je

« 0, 7, 8, i. H m'arrêta~
presque courrouce. M
Les choses qu'on indique comme pouvant être rete-
nues par la mnctnotcchn!e sont d'ordre très divers; les

gens de l'art ont étudtc d'une manière toutespéciale


les points suivants 1" la liste des rots, des papes~ des

aatnts, des hommes cetèbres, avec les dates de leur


naissance et de leur mort; 2" la liste des événements
les plus importants; 3~ la liste des départements, avec
teur poputat!on et le nom des chcfs-Ueux 4~ t'alutude
des différentes montagnes; 5~ les poids spécifiques
L~ SÏMULÂTÏON DU LA M&MOtKB DES CHÏFFMB8. 183

des corps~ 6" le calendrier perpétuel etc. Au moyen


de formules mncmomques, dont quelques-unes sont

baroques~ et dont d'autres, au contraire, sont fort


heureuses, on arrive & iïxcr n'es facHemcnt dans !a

m~Mot~ë d~ësgroup~é~ ~f:Ît~ff'1T~S qu'on aura! beau-

coup de peine à retenir d'une autre façon. Voici un


excellent exemple de formule tnnomontquc que nous
empruntons a t'abbô Motgno. Pour se rappeler ta date
de la tuort de Henrï IV~ on ent « La chemise de
Henrt tV
po!gnardé fut ~c~cc ~c Les trois
derniers mots de la phrase sont sacratncntcts us sont
la traduction de ta date 1610, comme nous rcxp~quc-
rons plus to!n.
Peut-être u'ouvera-t-on que ces apphcattons de 1a
nmemotechme sont un peu puériles et inutiles, et on
aura raison; car, en somme, il n'y a aucun avantage
à ce que chacun charge et fatigue sa mcnt0!rc d'une
fou!e de renseignements qu'it trouve dans le livre

quand il en a besoin quoique faciles à retenir, les


formules mnémoniques encombreraient notre esprit,
au détriment de connaissances plus HtHe~. Nous

croyons donc qu'on perdrait son temps en suivant

{'exempte de l~bbc Motgno, et en apprenant a enchaî-


ner les dates et les principaux événements de Fhistoirc

par cette méthode artificielle. Nous n'éprouvons aucun


dcsir d'apprendre les trente-cinq formules d'Aimc
Paris, qui ïnéncnt à la solution de près de trois mil-
lions de questions chronologiques.

Citons comme exemple (le futUttcs tnnemotct'hniqHea,t


<}tt'A«tt<'Parts apprend <t ses icctem's A !!ct* cnscmbtc ics numf-
ros et les titres de chnpttrcs d~ns les Ë'~H~ de Montaigne.
i6~ P8YCHOLOGÏE DES GHANOS C.~CU~ATEUHS.

Mais itya autre chose dans la mnémotechnic~cet


art peut devenir un instrument utile et puissant pour
l'observation journalière, nous avons tous besoin, à
certains moments, de retenir des chiffres, des nombres
incohérents, et on n'a pas toujours te temps d'écrire
sur Mn ~epm c~qu*on veut retenir; ii peut même se

présenter des cas où, dans un motif de surveillance,


une personne a un grand intérêt à retenir une foule de
choses qui se passent sous ses yeux, et à tes retenir
sans que d'autres le sachent; la mnémotechnic peut
devenir dans ces circonstances d'un grand secours;
nous ne parlons pas de formules mnémotechniques
toutes faites, mais de l'art même de créer des formules

pour retenir des chiffres, des nombres, des mots, des


suites de cartes, les personnes présentes ou absentes.
Cet art de la mnémotechnie, envisagé ace point de vue,
devrait être enseigné dans les écoles au même titre

que le catcut mental et la sténographie on devrait

renseigner, non pour développer l'intelligence, mais

pour mettre entre les mains des individus un instru-


ment utile d'observation et de recherche. On s'étonne

que notre éducation moderne, matgrc son caractère


essentiellement utilitaire, n'ait pas remis ta mnemo-
technie à son rang.
Chacun de nous possède une sorte de mnémotechnie
rudimentaire et instinctive, dont on se sert pour se
rappeler les dates d'histoire ou les numéros des
adresses; ces procédés ont l'inconvénient de ne pas
se prêter à des généralisations régulières, comme ceux

que nous allons maintenant décrire.


Parmi les procédés réguliers, enseignés dans des
LA 8!MCLAT!OK DB LA MÉMOÏHR DES CHïFFRES. 16&

ouvrages de mnémotechnie, nous n'en prendrons que


deux.
Le premier, qui est utile pour retenir des chin'res
et des nombres, consiste à faire une traduction de ces
cîufïrés et de ces nombres, qui n'ont aucun sens, en
autant de mots qui ont un sens et qu'on enchaîne
ensemble pour faire des phrases et des récits. Le
travai! de traduction terminé, te mnémotechnicien
oublie les chiffres et tes nombres, et ne s'en préoccupe

ptus; ce qu'il grave dans sa mémoire, c'est la suite de


mots, te petit roman qu'il a inventé; d'où on peut
conclure que la mnemotechnie repose sur la substitu-
tion d'une mémoire verbale à la mémoire numérale, et

exige de la part de celui qui s'y livre une certaine

ingéniosité d'esprit.
La traduction des chiffres en mots se fait d'après
les principes suivants On a établi une concordance
entre les dix chiffres et les différentes consonnes de

l'alphabet chaque chiffre, pour le mnémotechnicien,

représente toujours la même consonne, et rien n'est

plus simple pour lui que de remplacer le chiffre par la


consonne appropriée ainsi 3G4 se remplace par /M. c/f. r,
parce que 3 correspond à 6 correspond à cA et 4 cor-

respond à Cette première traduction n'a aucun sens,


et il est aussi difficile de se rappeler w. ch. r. que de
se rappeler 304. Mais le travail ne s'arrête pas là;
quand on a trouvé les consonnes, que te on n'a encore

squelette du mot; pour créer un mot réel, on y intro-


duit des voyelles. Sur ce point, la mnémotechnie ne

pose aucune règle, afin de laisser la plus grande tthggtsS!'

possible au praticien. Chacun peut à sa, jBsa~ë~i~


i6C t'SYCHO~OG!M D!!8 CHAÏfDS CAt.CUt<ATËUn8.

duire dans
Ïc squelette tes voyelles qu'H désire} d'où
Ïa possibintc d'inventer plusieurs mots dinerents à 1

propos d'un même nombre, mots qui auront les mêmes


consonnes et se distingueront par les voyelles; ïe ('

squelette w. c/f.
devenir~ peut en.ymtt~dtM~nfi~s~
yoyeit@s;4e!? d~ax n<ots d'amitié w~ ~M'<?.
Encore dans le but d'augmenter la facilité de tra- i

duction, mn~motechnie fait correspondre a chaque


chinre j~usicurs consonnes, de manicre qu'on peut 3
choisir entre ces consonnes différentes celle qui cbn-
vient le mieux pour chaque cas particulier. La série
de chinres, de 1 à 10, correspond aux consonnes
`
suivantes

1. 2. :{. a. C. 7. 8. ih 0. <
de lie tnc t'c le je ~ttc vc pc se
te gnc ch tto fe bc zc -a
t?"~

Cette convention~ faisant correspondre & chaque >


chiffre plusieurs lettres, facilite ïa traduction des
chiures en mots; suivant les besoins, on prendra telle
consonne plutôt que telle autre. Ainst le nombre

te ic ic t'o
d<! t! de re

peut se traduire ainsi

idohttt'f,

UtiHtc tilt t'ttî,

tUttcidnu<th'c,

ct6}nttrc,

tous les dons t'uytmx, etc.

Atntc Pttt'!a, c~ 4~.


a~. p.
M SÏM~ATÏON PB LA MthtOÏHB DES CHtFPRBS. 107

On choisira le mot le mieux approprie à la significa-


tion de la date. !t résulte de cette facilite &traduire les
chiffres en mots une difficulté à taire deux fois une
traduction identique.
Le second procédé de ~wn~ntcc~c~
associer ïes mots par tesque~s on traduit les chinres
avec des images connues d'avance. C'était le procédé
des anciens, qui, lorsqu'ils voûtaient se rappeler plu-
sieurs objets ou noms, les localisaient par l'imagination
dans un édifice construit d'avance, dont ils connais-
saient toutes les pièces et l'ameublement; on localisait,

par exempte, un nom sur le mur de droite, un autre

près de la fenêtre, un troisième sur une statue, etc.


Les modernes ont repris et perfectionné cette
tn~hode~ en imaginant les tables de mots de rappel;
tna!s le principe est resté à peu près le même, ce qui
nous dispense d'insister sur t'explication. Le procède
des images, peut-être plus rapide que celui des phrases
iso!ccs à construire, a l'inconvénient de ne pou- pas
voir servir plusieurs fois de suite; on est obligé de
!<tc:discr ptusicurs souvenirs au nteme endroit; de là
des confusions qui se produisent nécessairement entre
des sénés diHerentcs de souvenirs il faut alors que le
mncmotechnicict) fasse un effort pour oublier les pre-
micres séries, et vider en quelque sorte les cases où il
!<n atise ses souvenirs, afin de pouvoir y introduire des
tnots nouveaux.
168 = PSYCHOÏ<OCM DES CMAXOS CAt<CULAFKUKS.

H!

La mémoire des chiffres nous trois ~its &


présente

considère))' i" 2~
l'étendue; ht rapidité d'acqui~onr

3~ ia erbatc.
ra~j[d~ de ~pedfion

/:y<?/<' ~/<? /~wc/<?. Ktab!issons tout de suite un

nos trois On sait M. !naudi,


para~ètc entre sujets. que

nous cotntttcnccrons notre


par lequel descrtptton~

dans sa chacune de ses


emfnagas<nc n!CtM(nrc, a t'eprc-

sentatiotis de 200 à 300 chïf-


pubUqucs tpt~ttdtcnnes,

ft'cs~ i! a atteint te nombre de 400. Tous ces


pat'~bts

ch!ffres ~'oub~ent ils sont en sorte


Yhc~ quetque

!c lendemain ~ah'c à des châtres


bataycs pour pîacc

nouveaux; de sorte sï un demande à


que Ï'hnprovtstc

a M. Inaudi de tous les chtures renferme


répéter que

sa mtcmou'C) comme nous Favons fait un ï! ne


jour,

en d'autres ceux de ïa vcuic.


peut guère répéter que

Pt~obab!cntcnt n arrtveratt à doubler ou à ce


tripler

s'it ïe mais n'a été


uontbrc, dés!ratt, pas
Ï'expet~ence

et un !c nombre maximum de cbHfres


<a!tc, {gnore qu'H

est de retenu* a un donné. !ï faut


capable moment

au nombre de ~00 les nombres servent en


ajouter qui

sorte d'outils à M. ïnaudt ses


quelque pour opcrattons

menta!es et conserve constamment dans sa


qu'il

mémoire, comme, les carrés et les


par exempte, cubes,

les ractucs carrées et des nom-


cubiques principaux

bres.

M. Diamandi a cherche a !'ëten-


exptorcr !ui-mctnc

due de sa mémoire des chiffres. La fois


première que

nous Favons iï nous a une feuiHe


vu, présente grande
LA StMULATtON DE LA MÉMOIRE DES CH!PPHBS.

de papier sur laquelle 2000 chiffres étaient écrits et

déposés en ordre régulier, formant un carre de


25 chiffres de large sur 40 chiffres en long. M. Dia-
mandi ne peut pas dire exactement le temps dont il a

en besoi n"pour apprendre cette nrasse cotnsîdérablë o~ë


chines; il les a appris, dit-il, par groupes de 100 et
de 200~ les derniers ont été d'après son iémoi-

gnage beaucoup plus difficiles à retenir que les


pt'cmtcrs. Toujours est-il que M. Diamandi est capabîe,
soit de récÏtcr les chtf~es de son tabteau dans t'ordre
naturel, de gauche à droite, soit de dire exactement un
chiure du tableau qu'on lui demande, par exemple, le
<;78' Cette dernière opération prend un temps très va-
riable dans
une expérience, e!tc & été de 40 secondes.
M. Arnould, le mnémotechnicien qui a bien voulu se
prêter à nos recherches~ n'a pas eu de peine à nous
C
montrer qu'au point de vue de l'étendue, la mnémo-
tcchnie peut lutter avec avantage contre la mémoire
naturelle, ït faut ici distinguer deux cas très différents

pour tout tnnétnotechnicien dans Ïe premier cas,


c'est lui qui choisit les chiures à retenir; dans le se-
cond cas, on lui donne des chiures, et il doit les retenir
tels qu'on tes lui a donnés. Quand c'est le mnémotech"
nieien qui choisit les chiffres, il éprouve une si grande
facilité que le nombre qu'il peut retenir, grâce aux
ressources de son art, est ~?/ Nous soulignons le
mot, parce que le fait est à peine croyable à première
vue, et cependant il est très facile à comprendre.
M. Arnould nous a montré que si on lui laisse réciter
des chinres à sa fantaisie, il pourrait en réciter plu-
sieurs rniHiers pendant des heures entières; il pourrait
170 i'SYCHOLOGîE DES GRANDS CALCULATBUKS,

endictcrmiUe, dix mille, et même unmit-


mille, cent
non & un secrétaire xé!é, puis il pourrait les répéter
tous exactement, dans le même ordre, sans en oubUcr.
Nous avons commencé et si nous ne
ï'expcrience~

l'avons pas poussée jusqu'au bout, ce n'est-pas par


manque~~ patience –-nous avons <ait des expériences

plus longues, c'est parce que nous nous sommes


convaincus avec la plus grande facitité que rien n'est
plus simple. Voici le moyen empÏoyé. Le mnémotech-
nicien sait par cœur une centaine de vers ou même
deux à trois cents; il traduit les consonnes des mots en
chiffres; il fait cette traduction avec la dextérité d'es-

prit que lui donne l'exercice; les deux ou trois cents


vers qu'il sait par coeur lui fournissent déjà deux à
trois mille chiffres. Quand il a terminé cette série, H Ïa
recommence, en convenant avec lui-même, pour varier,
que dans la seconde série il augmentera chaque chiffre
d'une unité; il pourra de même, pour la troisième
série, augmenter chaque chiffre de deux unités; puis,
dans une quatrième série, il fera une addition plus
forte. Remarquons que le nombre de ces variations
est pratiquement indéfini, puisqu'on .peut, après avoir
fait des additions, faire des soustractions~ avec tous
les chiffres, puis des
multiplications, et ainsi de suite.
On arrivera sans
peine à cent mille chiffres nous sup-

posons même volontiers que le million peut être atteint


sans difficulté sérieuse. Tout cela est très simple
quand on connaît une cîcf de mnemotcchnte; et cette
clef, chacun peut ia créer à son usage, et s'en servir

après quelque exercice. C'est presque un jeu d'enfant.


Il en est un peu autrement quand le mnémotechni-
LA StM~JLATtON DE LA M~MOÏRB DES CHÏFFHBS. m

cien reçoit d'une autre personne les chiffres à retenir.


Le travail qu'il doit faire dans ce dernier cas est l'in-
verse du précèdent au ïicu de traduire des mots en
chiffres, il traduit des chiffres en mots, et cherche à

gt'avcr ces ttiot~ sa mcmoTrë, po~ tra-


duire de nouveau en chiffres quand le moment sera
venu. C'est donc
toujours par substitution qu'il pro-
cède au lieu de retenu~ des ch~fres, H retient des mots,
des phrases, des idées; et on comprend,
sans qu*H so!t
nécessaire d'insister, qu'il est plus facile d'apprendre
une phrase de dix mots qui a un sens que vingt chiffres
assemblés au hasard. La grande différence qui sépare
ce cas du précédent, c'estque le mnémotechnicien ne

peut pas employer plusieurs fois les mêmes mots pour


retenir des chiffres dittcrents, en adoptant une variante
comme celle
que nous avons mdiquee plus haut. Ce-

pendant, comme une personne qui a une bonne mé-


moire naturcHe peut apprendre, en y mettant le temps,
deux à trois mille
lignes, elle pourra, par conséquent,
apprendre une trentaine de mille chiffres.
ïï est clair
qu'au point de vue de Ïa quantité de
chinrcs, la mémoire naturelle reste constamment infé-
rieure a~a mnemotcchmc; de ce chef, it n'existe aucun

signe caractéristique permettant de distinguer le natu-


t'cï de t'artinciet, et on serait même ptutut tenté, quand
une personne prétend avoir appris un très grand
nombre de chiures, de supposer qu'elle emploie une
ressource mnémotechnique ressource
peut dont elle

disposer remarquons-Ïc bien soit que les chiffres


aient été inventés par la personne elle-même, soit

qu'ils lui aient été proposés par une autre personne.


172 PSYCHOLOGtR DES GRANDS CALCULATEOMS.

!V

Rapidité <MM~< ~ous entendons par ces


termes le temps nécessaire pourjRxer dans ~esprit un
nombre déterminé de souvenirs, soit, dans notre cas

particuner, un nombre déterminé de chifïires. C'est là


la première étape de ta mémoire, et il est curieux que
d'ordinaire les psycho!ogues négligent d'en par!et'
dans une analyse générale de fa mémoire: oubli équt-
vaÏcnt à celui d'un phystolog~îste qu~ dans une des-
criptïon genéfaîe de la nutrition, oublierait de parler
de Ja masttcatton.
On peut mesurer le pouvoir d'acquisition de la mé-
motre de ptus!eurs manières d!fïerentes;!a mesure la

pÏus précise, au point de vue théorique, consiste à


faire répéter à une personne une série de chim'es, et
à compter les répétitions nécessaires pour que toute la
série soit retenue exactement. Un. procédé
pré- moins
cis est de noter simplement !e temps que le sujet met
pour apprendre la série de chiffres) depuis le moment
où on les lui a présentés écrits; dans ce second cas, on
ne se préoccupe point du nombre de répétitions, mais
du temps total qui a été empïoyé. ïï est possible que
le premier genre de mesure soit préférabÏe pour étudier
la mémoire sur des sujets bien dressés; mais il n'est

pas applicable à des personnes qui n'ont point ï'babi-


tude des expériences de psychologie, et auxquelles il
faut laisser le plus de liberté d'esprit qu'il est possible.
Nous avons donc employé surtout le second moyen,
qui consiste à noter la durée totale de inexpérience.
s
LA S!MUt.ATJtOX DE LA M!!MO!RE DES CHÏPPHBS. 173

Le tabteau suivant indique !es yé~nitats obtenus par


M. Dtamandi et M. ArnouÏd.

Towpa tM~ceaaMra
pour apprcMttfe !ca chttîrca.
Nombro
de eMttfe~NpppM*. M < 0!am<mdtt Mt AMtOMM:
10. ~7' i 20'
s
~5. ~5' ~4S'
t
20. 2"t&' 3~0'

25. 3~0'
90. n <t"'2&* 3~'

50. 7" ?
!00. 25"* 15"
200. 1"1~2&* 45~

?<Jous avons dit déjà (chap. !x) cofumcntFexpérience


a été ftUtc par M. Diamandi.
M. Arnould, ite mnémotechnicien, s'est soumis a son
tour à la même série d'épreuves, qui ont été faites dans
des conditions équivalentes, avec les mêmes chtiTres
écrits sur les mêmes feuilles de papter. Le temps a été
noté de la même façon. Chose Stnguttct'e, rien dans
Ï'attttude exténeure de ces deux personnes n'est venu
revoter que leurs opérations de m~mo!re se faisaient
dans des conditions si différentes. M. Arnould, comme
M. Dtamand~avatt l'attitude de l'écolier qui apprend
une leçon, tantôt en regardant !e livre, tantôt en de*
tournant les yeux pour marmotter à demi-vo!x.
La différence se trouve dans les temps des opéra-
tions c'est .ïa psychométrie qui donne icHe renseigne-'
ment utile. En consultant la table, on remarque qu'un
des sujets n'a pomt été, d'une manière constante, pÏus
rapide que l'autre; la différence de vitesse dépend,
avec une grande régutartté, du nombre de chères.
Pour Fepreuve de dix chifït'cs, M. Diamandi est un peu
~74 PSYCHOLOGUE DES GRANDS CALCULATEURS.

plus rapide que M. ArnouÏd; pour ccne de quïnxc;


chm~es, H conserve aussi t'avantage; pour F épreuve de?
vingt et ccïïc de vingt-cinq, les deux~ rïvanx s'~aUsent; x
au-dessus de ce nombre, M. Arnouïd prend sa revanche,
et sa supériorité est d'autant
d' 1
plus accuser que 1Ï~
nombre de ch~es à retemr est plus considérable.
existe un po!nt où les deux catctdatcurshtttent a
égautCt ou a peu prés c'est quand on leur donne à
retenu* vingt-cinq obt~'es. Par une Mnnetdcnce en-
t'icase~ nous avons commence les recherches par-ce
nombre de cht~rcs et nous avons obtenu des rësuttats
cquivatents~ dont nous avions eu un moment t'idee de
nous contenter. Ce nombre de vin~t-c~nq cb~'es est, <
du reste, en quelque sorte consacré par l'usage c'est
cchn que M. Inaudi a pris rbabïtude de répéter après j
une seule audition; c'est ausst celui sur tequet Ïacont*
mission de !'Acadcnue des Sciences a autrefbîs exerce
!a mémotre de Mondeux. On lit, en effet, dans ïc rap-

port de Caucby, que les aeadcnuftens iïrent répéter un


nombre de v!ngt-ctnq cb!(n*es à Mondcux et que cc!ut-ci

!'apprïten cinq nnnutes.


Nous pouvons cttcr a ce propos une anecdote eu-
rieuse. M. Arnotdd nous a rapporte que, dans des re-
présentations pubHques, t! annonçait qu'i! avait une
ntémoïrc supérieure a cc!!e de Mondeux, et au moyen
d'un !cgcr arti~cc H en donnait une détnonstration

apparente i! priait une personne de t'assistancc

d'écrire vingt-cinq cbinrcs; puis it se les faisait dicter


un à un, ct~ en les écrivant lui-même, i! les retnp!açait

par des consonnes, avec ÏesqueUes H formait presque


Instantanément des mots et des phrases; grâce à cet
LA StMULATMN DE LA MÉMOÏRB DES CHÏFFRBS. 17$

retenir 25 chères en moins de


~n't!(!ce, ït pouvatt

~ctMpsqueHennMondcux.
mamtenant les résultats ob-
Essayons d'mterpféter

tenus notre étude M ressort de ces


par mcthodtque.

~rcstïttats qt~ h menrnh~~


a savoir Ïe néces-
~a !a rcg!e d'Ebbtnghaus, que ternes

satrc des scrics de chiffres


pour apprendre n'augmente
au nombre des chtHres, mais
pas {~roporttonnenemcnt

b!en ptus rapidement.

Chez M. Arnoutd~ !a progression est ntoin~


beaucoup

et, de phts, motns


t'cguHèrc, beaucoup Faptde.

] S! nous cherchons à ces nous


expHquer d!tfcï'ences~

t'hypothésc stuvante Rn ce concerne


proposerons qut

M. Dîamand!, n'a ainsi dire be-


l'exper!encc pour pas

~om d'être expUquee~ rentre dans ta


ptusqtt'cUe règ!c

commune it se chez lui ce se chez


passe qut passerait

ttons-'mômcs st nous faisions effort rcten!r


pour ptus

<!p chtffres ne en conserver une seule


qu'on peut après

aud!tton. Pour M. Arnou!d~ ta mcmoh'c des chiRres

n'tntcrvtentà aucun te met n


degré temps qu'H

fatrc se dépense dans !a traduct!on des


rcxpcnencc

f'hnrres lui donne en mots et en


qu'on phrases appt'o-
tttots une fots trouvés, H
pues; tes, mncmoteohntques

effort à fah'e les rctenh~ H en


"Y P~~ grand pour

t't~uhc donc st M. Arnoutd traduire 20 t'h!f-


que peut

très en mots en nn donne ta traduction de


temps

40 chtHres se fera en un
approx!mat!vemcnt temps

1. ~«nts nvtimsmMMfé în tn~motfc dct <'h!fft'M chcxM. Arno!tt<ï

p!n' tu méthode oï'dtnnh'c; cHc e~t. <~atc n ht non~atc, phttôt


!hfth'!t:Mt'< ApMs Mnf scu!c aMdittot~ M. Arnoutd ne peMt vcpc-
t~'f (ptc sïx a sept chîm'M.
i76 PSYCHOLO~tt: ÛBS (!RAKCS CALCUÏ<ATBOM8.

double du prenne~ les variations d'une épreuve a~


l'autre rendront à des circonstances accessoires, tenes

que la fatigue du sujet, cérames dinïcuïtes 8pe-


ciales de traduction
pour des chiffres redoublés et
la nécessité de répéter de temps eR tefnp& i& sépt~ eK-~

tté~e de<r fncM~ tfadùÏts pout'être certain de n'enoubUer


:f
aucun, car, si on en oublie, il faut en <ah'e d~ nou-
·

veaux.

ÏÏ résulte de ceci que si i'on veut faire une compa-


raison significative entre un mncmotechntcïcn et une

personne douée d'une grande mémoire naturelle, il `~ï


<aut (ah'e des exercices de memotre sur les termes
extrêmes de îa série, c'est-à-dire sur des chÎMres en
nombre meneur a 15 ou supérieur à 100. (La limite

supepicure dépend certainement des sujets, et peut-être

qu'une expérience de cent chtnres ne suntrait pas à


distinguer M. Arnould et M. ïnaud!.)
Quoi qu'it en soit, il est curieux de constater que ta
meilleure épreuve qui dinerencte la mctnoire de M. Dia-
mandi et la mnemotechme de M. Arnou!d consiste â

opérer sur de petits nombres.

J'?<~<~«~ ~c~ c~ Pour ce troisième gToupc


de recherches, nous avons emp!oyé un appareil qui
nous paraît destiné a rendre de grands services a la

1. Le
l. ~sC mtteodtotechntctctt
111t1t;tlÿUtG~C~ltilCïCl1 nut'nit
tiltt't11~ u~sa cct'tatnc
une ~eine MconvcrUf
~e~·tuinc pctttc i~ eanverf:ir
c<t tnota des scrK's de chtiTrcs seotMabîcs, cotMtMc tro!~ &,
8Îx$, etc., séries qu'iï acfatt MUccHtran'e fnetîc de t'ctcn! MYec
la Mtctnoh'e nat<tt'clïc.
t,A StMULATtON DE LA MEMOtRË OE8 CHtPFRES. 1?7

psychologie expérhnentaÏe; cet appareil est le micro-

phone enregistreur du M. Roussetot', qui permet


d'étudier non seulement le tentas total de la répétition
vcrhate, mais la durée ~e chaque mot, tes intervalles
f~un fn~ ? ~a~tre~ t~~s te~détaits de~~
On a déjà vu plus haut t~uetques-uns de ces tracés du

microphone, réduits au tiers par !a photographie; nous


en donnerons d'autres, qui ont été fournis par des
expériences sur M. ArnouÏd.
La première question, ïa plus simpïe~ est ecïte de
savoir avec quelle rapidité maxima on peut répéter des
chiH'rcs appris paf cœur. H est facUe de se rendre

compte que cette


rapidité dépend de plusieurs circon-
stances d'abord de la facitité avec laquelle on prononce
les chiffres, et ensuite de la rapidité avec laquelle chaque
chiffre se présente à Fesprit, quand son tour est venu
en d'autres termes, sûreté de la mémoire verbale et

rapidité d'articulation. nemarquons-ie en passant, cet


exercice psychomctrtque montre qu'il y a plusieurs
manières de savoir une même chose la cohésion des
souvenirs a ses degrés~ et la mesure du temps de la

répétition est un bon m~ycn d'éprouver cette cohésion


des états de conscience.
Si Fon fait répéter plusieurs fois la même série de
chiures, on obtient un certain
gain de temps, plus
~'and aux premières épreuves, moins grand ensuite,
jusqu'à ce qu'on atteigne une nmitc. Si un expérimen-
tateur <'hcr< he a comparer deux personnes différentes
au point de vue de la vitesse de répétition, il devra,

1. ~,t' MtO(~<'f<~M~ ~/«~t~<~MM f~M ~tM~ft~C, Pt)M9, ~M~


f. t~.
~2
~7S t'SYCMOLOC~ DES GRANDS CALCULATEURS.

pour se mettre dans des conditions comparaMes, choï- ?


sir des épreuves du m~mc genre, par exemple la pré- y
mièrc épreuve, qui est souvent h plus significative de
:3
toutes. H faut apprendre à éviter queÏques autres ;'ï;
causes d'erreur.
Dans une série de répétittons ver-
bates~ !a var~atio~ ? temps reste toujours ?:
c'est-à-dh'e est tantôt
considérante. lent,
qu'on plus

tantôt plus rapide; parfois on hésite sur un chiffre, ou


on batbutic, on veut se reprendre~ on se trnub!e, on ?

perd son temps. Pour amortir l'effet de ces petits acot-


dents, peuvent quitt'oubter ïa pre!n!èrc épreuve comme s
les autres, le nncux est de calculer te temps moyen de

plusieurs expérïences, en supprïmant ccUes qui s'eÏot-

gncnt trop manifestement de la normale. Tenant compte


de toutes ces
perturbations, nous n'indiquerons que
des temps moyens~ les traces que nous pubuerons,
étant toujours ceux d'une expérience parttt'u!H'rc, ne
sont que comme cchantitions.
donnes
Nous étudierons la rcpëtttton normate, désignant v:'
par ce terme la rcpctitton (ïe gauche à droite, rcpro*
duisant t'ordre même où les ch!nrcs ont été appris.
Sur
ce point, nous avons pu faire des expériences
complètes sur M. Inaudi, M. Diamandi et M. Arnouid.
Ces expériences ont consisté a leur faire apprendre
une série de 25 chiures, qu'ils ont ensuite répétée au
microphone, avec ïe plus de rapidité et d'exactitude pos-
sihtc. que nous ne nous occupions
Bien plus en ce mo-
ment du temps nécessaire pour apprendre ces séries, ?
comme ce temps est en rotation avec cehu de Ïa répétition
et qu'il faut tenir compte de ces deux facteurs pour juger
la mémoire d'une personne, nous noterons, sans autre
LA SiMULATÏOM DE LA )U~O~B DES CH~FFKES. i?9

les 25 chiffres,
otnmentah'e, que, pour apprendre

tL ïnaudi a mis 25 secondes, M. Dtamandt 3 mmutes

secondes, et M. Arnould 3 mmatcs.

M. Inaudi tes 25 chiffres avec un


répète appt'!s

~rnps moyen de 7 secondes~ ÎF a pu Ïc <aïrc quëîque-


uts en 5 secondes 5, comme ïe montre Ïe trace a de !a

tgure 6.

C'est !à sans doute un maxtmum de vitesse; on ne

)cut, nous !c a~er vite; ~a Hnoïte est


supposons, pîus
non Ïa mémoire, c'est-à-dh'e Ïa
)osée, par par raptdÏté

~dc rcvocatïon des mais îa nécessït~ de


images, par
les noms des chïH'res en d'autres termes, ce
j )t'ononcer

n'est pas un de memoh'e, c'est un temps d'arti"


temps

cuÏatton.

Chose cuneuse, M. Inaudi est lent,


plus beaucoup

lent, U cherche à Ïa sértc de


{~us quand fepéter

chtMrcs chiffre au lieu de les répéter


par par

nombre ïc tracé suivant en fait <o! 6, tracé


(Hg. b).

Nous ce fait bien établi,


proposons, pour rcxpt!-

<:ttn)n suçante M. Inaudi se danssamémotre


rappette
!<' nombre et non Ïe nombre nombre,
(~répéter par

ccst ce a conné à sa mémoire; au con-


répéter qu'

sï o,n lui demande de répéter par chtnres, 11 est


tt'a!rc,
de (au'e une traduction; ce n'est ïa même
? ob~gc pas

chose un audtttfdc dire ~M/'ou M~, de


pour M<?M/

dn*c ~~ra~/e-~M~c ou ~c~ < Kous avons eu ta

de cette d<tncuîtc en faisant sur nous-


preuve petïte

tncmc des nous avions


expériences analogues appris

Ï'oretUe un carré- de nombres dans


{mr tequet Rguratt

te nombre soixante-quinze mille, etc., et nous


quand

avons cherche à répéter chtnres, au lieu de


par répéter
PSYCHOLOMB DB8 RRA~&S CALCULATEURS.

par nombres (forme ~ous laquelle nous avions appr!s


le carré), nous avons commis constamment l'erreur de
dire s<.r, cinq, au lieu de sept, cinq.
M. Diamandi, comme temps moyen de t*épétmonde
2~ ctufTres apprïs dans tes mêmes cpnd!ttons, met de
9 à 10 secondes; pour répéter par nombres, il met un

peu plus la différence n'est pas grande. (Voir fig. 7~ a


et ~.)
Ce fait serait-il du à ce que M. Diamandi se repré-
sente les cht~cs sous la forme visuelle, et peut par

conséquent les nrc mentalement, avec une (~cïtite

égale, comme chtfh'es et comme nombres? C'est pos-


s!ble.
M. Arnoutd a appris également un tableau de 25 chif-

fres, mais avec des procédés tout différents au lieu


de retenir les chiffres, il retenait des mots. Voici, à
titre de curiosité, les phrases mnémotechntquesqu'tt
a imaginées

86439 VtCttx fuMchcttt' aitne bien.


25762
;'r ? G 2 Kie
i~ïe te
le cas,
Gu~, on
otE~c:hafauci,
échafaud. t
~1735 A moi ta ~anK'Ïtc.
ï 8 4 La tu veux ramct'.
2~581 1 Un homme il la fête.

Pout*
répéter, par chiffres, ce tableau de 25 chtn'res,
M. Arnoutd a mis un temps sensiblement plus long,
soit 31 secondes (voit. fig. 12). Ce temps exprime
bien la vttcsse de la rcpétttton, car il ne s'est produit
aucun oubli, et les intervalles entre les mots sont régu<
liers. M. Arnould nous a fait remarquer à ce propos

que, s'il ne peut pas accétcrer davantage la rcpcttt!on


des chtdrcs appris, ceta t!ent à ce qu'on ne lui a pas
LA SïMULATÏON DE LA MÉMO!HE DBS CHtPFRBS. < tM

taîssé le loisir nécessaire pour former


avec ces chiffrer des phrases cor-
s

rectes; il peut, nous a-t-il dit, réciter

ptus rapidement des chinées corres- 's

<t

"f!

pondant a de~ phrases qtt'M coïïïfatt w

par cœur depuis longtemps. <e

&.

Nous avons fait cet essai sur le pre- e.

mier couplet et le refrain de la J~ 1

M. Arnould nous l'a d'abord


R

dicté en chiffres; puis il !'a


répète
aussi rapidement que possibte. La .a

répétition était saccadée, tantôt ra- -S

c 's
J

pide, tantôt plus tente (ce qui tenait w


S

'c

a la difncutté de traduction que pré- s


s

-2 g

sentent certains
mots). Le temps total ~0 S

a été de 80 secondes. Le nombre total


~-?

de chiffres était de 100. En calculant s~.

le temps moyen nécessaire pour en æ


::1
répéter 35, on obtient 20 secondes. -M

Pour un mnémotcchnicien, évidem-


mcnt~ cette allure est assez rapide;
maiselle est beaucoup ptus lente que à

cène de MM. Inaudi et DiamandL -c

Pour être bien cc~ain que ces dif- §

férences ne sont pas accidentelles, s

nous avons recommencé plusieurs fois ~t


t

des cxpcrtcnccs du même genre, en


des chiffres à ré- K

variant le nombre

péter. t! suffira de citer un scul exem-

pic. M. Diamandi et M. Arnouïd, après


· · · ~· f
avotr de mcmotrc uae série de 100 les
appns chtifres,
182 P8YCHOÎ<OGÏB DES MAN&8 CALCULATEURS.

ont répétés à plusieurs reposes dans le microphone ta

répétition ta plus rapide, pour chacun d'eux, & été de


46 secondes pour M. Diamandi, et de 72 secondes

pour M. Arnould (ug. 13 et 14).


Comment devons-nous expU~uer ces divem résut-
fats, (Ïônt ta constance bien manifestée montre qu'ils
ne sont point dus au hasard ? La lenteur de répétition
de M. Arnould nous paraît provenir de la nécessité où
il se trouve de traduire en chiffres les mots retenus par
sa mémoire. M. Arnoutd, comme H nous l'a fait remar-

quer souvent, ne
préoccupese point des chtu'rcs

jusqu'au moment où on lui demande de les répéter;


il exécute à ce moment-Ïà une traduction qu~ quelque
rapide qu'elle soit fendue par un long exercice, néccs-
&ite toujours un certain temps, et ce temps supplémen-
taire n'existe pas dans tous les cas où ta mémoire des
chiffres est seule en jeu; cette nécessité de la traduc-
tion verbale a des conséquences que t'on peut mettre
en lumière en priant M. Arnoutd de traduire en chiures
un texte quelconque placé sous ses yeux (voir ng. 1~).
Encatcutant les temps sur ce tracé, on constate que
M. Arnould est plus lent en traduisait un texte lu

que M. Diamandi en répétant des chiures appris par


coeur: 12 secondes et demie pour 25 chiures, au lieu de
U secondes; c'est donc bien le temps de traduction qui
allonge, dans ce cas, la durée de ta répétition, et cette
tcntcur est donc bien, comme nous le pensons, un cnet

propre aux procédés de !a mnémotechnic

i. Koua MVOMa fMtt tt'èt ~n<t<d n~tnhfc d cxpct'tehccs atudo.


gucs, qu'il tous put'n!~ mtttttc de notcf en <!ctMH toutes u~t
MK~t~t'éqtte!'6ttOt!CtnUt'n dcschttTt'cs est phm Ictttc chez le nm~tM~*
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i8~ PSYCHOLOGIE DR8 (mAMB8 CALCULATEURS.

~1

L'étude que nous venons (Tcxposer ne peut conduire


à aucune conctus!on générée, putsqu*cuc porte u~
qu~ment~îrtrotS personnes. C'est une stmpïc contrt-
button à une question qui jusqu'ici n'avait pas encore
été examinée, et qui même à tous égards d'attirer
Fattcution des psychologues.
La seule conclusion gcnerate que nous puissions
nous permettre est ta suivante On ne doit attacher
aucune importance au nombre de chiures qu'une per"
sonne possède à un certain moment dans sa mémoire~
et qu'cïte peut répéter à volonté, sans commettre d'er-
reur; carnen n'est ptus facile pour un mnemotechnt-
cÏen de stmuïer une grande mcmou'e. Un mnémotech-
ïuctcn peut réc!ter des chtn'res en nombre mdeMm

tcchtttCMM q~e chex !cs deux aMtt'cs personnes. C'est donc it\
qu' fun~ cbcfchcp te n!~nc d!st!tt<'t!f. Nous chet'ons, sans ms!«-
tct~ tes cxpet'tCMR~sttivnntcs 0<t <nc~sous les yeux desSttjt'ts
un tabtcfttt muet, ott tes 25 cht~t'es qn'!tx v!ctment d'Kppt'cttdt'e
so~t i~titqués pxr des po!nti4 )es aa~cts dcuvt'ut, dt s qu'~n pt't'-
ttmtcc tM chitTrR, tndt~nct' sa p!a<'<;dans te tn~tcMt; pouf
ctn'c~tstrot* !c montfttt cxnct où !c eht~rc est pt'omtncc, on sf
sept du <Htcropbouc;!e sujet, d'tuttpc part, n etth'c !c~ ttnmtf nn
pct!t tnartcau pouf (h'~i~ttct' mt po!<ttqMc!cunqjttedu taht<'<tu; et
t'c tnat't~Mtt, un tMomcnt tncntc on ott ruppmc sut' Ïc tableau,
interrompt, un Mm'tmt <'t ag~tt sur ntt stgttut Dcsprcx. Avec <t'
dii<po8)t.tfd'cxppr!ence~ <to<tsavotts c~Mstutc que M. Aynuutdcst
beaucontp plus tcHt qnc tcit deux pt'é<;cd<*tttsc~Ctttatcttt's !t;
tc<np8 tt~ycn pouf <~st~ttct' Ïa phn*c d'utt <:h!HMsm' te tab~'mt
muet €8~ pou? M. ïmmdt, de 2 Mcondc~ pom* M. DttttMKndî,de
S secondes; pttMfM.At'tM~utd, de 4 seconde' Nous <tv<mse~utc-
ment futtheaucoup d'fxpcnettt'c!! sn<* îa pépétittw du tahtctUt
sunant dcx d!u~un<dt:s M. est chcorc, A ce pomt de
~ue, cït retard sur M. tMnuwndï
Ï.A S~MU~ATÏON DE LA MÉMOÏBB DES CHÏPFRB9. ~85

et tes répéter ensuite exactement; de pïus, il peut

apprendre presque en nombre indéfini tous les


chiffres qu'une personne étrangère lui propose. Ce
n'est là que de la mnémotechnie vulgaire. Notre étude,
mème~n se b~pnant a inettr~ ce p~n~
de doute, ne manquerait point d'utiÏité.
Hevcnons maintenant au paraître que nous avons
cherche à établir entre M. Diamandi et M. ArnouÏd.
La différence de ces deux ca!cu!ateurs a été étudiée à
un double point de vue, par la méthode psychorné-
trique temps nécessaire pour apprendre tes chinrcs,

temps necessaïre pour les répéter.


La mesure du temps nécessaire pour apprendre les
ch~fres a donné des rcsuïtats curieux, que nous rap-
pelons en quelques mots M. Diamandi est un peu
plus rapide pour apprendre un petit nombre de chiures}
M. ArnouÏd gagne en vitesse pour Ïes grands nombres.
En somme, le mnémotechntcicn avéré possède, pour
racqu!s!t!on des chtffres, un avantage constdérabte
sur son riva!; il se fatigue moins et gagne du temps.
Nous ignorons s'it en serait de même pour M. Inaudi;
c'est une étude
(lui reste à faire.
Pour ïe temps de la répétition verbaÏe des chif~'c~
les résultats sont précisément inverses c'est ici,
comme nous l'avons déjà dit, que s'est montrée avec
le plus de netteté la diu'ércncc entre les trois personnes

que nous comparons. Les tracés publiés en ~bnt foi.


M. Arnould, !e mnémotechnicien, a toujours été inca-

pable de répéter tes cbinres appris avec autant de

rapidité que M. Diamandi et que M. Inaudi sa tcn-


tcur t~c répétition nous para!t ôtrc le signe extérieur
186 PSYCHOLOCtE DES CïHANDS CALCULATEURS.

et patp&hïe de traduction qu'it est obïtg~ de fnh'c


pour fCïnptaccr par des chtfft'es les phrases mnemo"
techn~ues.
H est à 8ouha!tcr que d'autres observateurs conti-
nuent ces expériences, et recherchent s! ce dernisi*
ph~no~e~Ë con&tîtM~ oc rr~n un sÏgne <'aractértst!quc
pour Ïa sïmtt!aHon de !a tncfno!rc des cht~cs~
CHAPITRE XH

LA FAMÏLLE KATURELLË DES CALCULATEURS PRODIGES.

On a dût remarquer à plusieurs reprises que tes


deux calculateurs dont nous avons donne l'observa-
tion ressemblent, par beaucoup de caractères, aux
calculateurs prodiges qui les ont précèdes. Les carac-
tères de ressemblance sont si nombreux et si impor-
tants, qu'on peut en tirer cette conctusion, qu'il existe
réeUemcnt une famille de calculateurs prodiges, Nous
allons chercher a décrire cette famille, par un court

rappeî des observations et des remarques qui se trou-


vent disséminées dans !cs pages précédentes.
Le calculateur prodige vient au monde, dans la plu-

part des cas, sans y avoir été prépare par une hérédité
bien marquée, et il est assez étonnant que cette faculté
de calcul mental, qui est bien un don de naissance, une

aptitude innée, ne résulte pas constamment d'une


in<!ucnce héréditaire. Ne parlons point des anciens
catcutateurs prodiges vieux de plusieurs siècles, sur

tesqueïs les documents précis font absolument défaut


188 PSYCHOLO~ïE DBS GRAN08 CALCULATEURS.

on ne fait pas de science avec ~a légende~ Laissons donc


de côté et Ntchomachos, et les Marchands d'esclaves,
et Fuller, etc., tenons-nous-en à ceux de notre époque
ils sont assez nombreux pour une étude (~ensemble.
Zerah Colburn, autant qu'on te sache, n'avait pas pour
père un caicuiateur~ et s~nbéréd~c ne présente qu'un
ëcuÏ caractère curieux, Fcxistence d'une polydactyMe
hérèdttau'c. Sur rhepcditc de Mangmmcte, on ne satt
pas autre chose
que cect c'etâït le fils d'un berger
stctUen, indh~du de pauvres ressources qui ne put
donner à son enfant aucune éducation. Sur rheredtté
de !)ase~ on ne nous apprend rien d*tnteress&nt. Mon-
deux étatt ~e n~ d'un bûcheron tourangeau qut n'a
pomt fait pa~eï' de lui. Btddep étah Ïe n!8 d'un tnaçon
ses enfants, et surtout son fils Georges, auqud tt a
transnaïs une partte de ses dons pour ïe calcul mental
sont les seuls
exemples bien nets de transmïssbn héré-
ditaire. Pour Inaudi, nous avons vu à quot ta question
se reduh. i pomt d~hercotté apparente, mais une anec-
dote cuneusc et n~heurensemcnt sujette n cau-
tion sur rdat mental de ta mcrc pendant !a gesta-
Hon. En<tn Dtamandt n'offre sous
ce rapport nen de
particulier, bteu qu'il fasse remonter ses aptitudes à sa
mèrC) qui est douée, a ce assure, d'une tnctnon*e
très développée pour toutes sortes d'objets.
On voit qu'en mettant a part te ca<~ de Bïddct', (lui
se distingue nettement des autres par un autre carac-
tère sur lequel nous auons revenue u nous reste une
scnc de ca~u~atem's (pn ne sont potnt nés d'ascendants
catcuhteurs. En rcaÏttc~ ces ascendants po~scdaicnt-ns
pour le calcul mental et pour tes mathcmattqucs des
LA PAMtLLB DES CALCULATEURS PRODÏGB8. 189

aptitudes qui ne se sont pas manifestées faute d'une


occasion favorable? C'est bien possible, et nous ne
voulons point révoquer en doute que des aptitudes de
ce genre soient restées latentes dans quelques cas par-

tjtcuners et excepttQnn~s~ii nous paj'ait piu~ dimcHe


d'admettre qu'elles sdient restées toujours latentes,
dans tous les cas qu'on & pu recueillir; devant cette

quantité de cas négatifs, il vaut mieux dire que, chez les


calculateurs prodiges, la forme particulière d'hérédité,
qu'on appettc l'hérédité similaire, ne s~est presque

jamais manifestée.
Nous avons dit que chez Zerah Cotburn on trouve
un caractère de dégénérescence, un doigt surnuméraire.

Ajoutons qu'un autre calculateur, appelé Protongeau,


que nous n'avons pas encore nommé était né sans
bras ni jambes.
La plupart des calculateurs prodiges sont nés dans
des conditions sociales analogues, dans des milieux

pauvres et même misérables. Ce sont, pour la plupart,


des enfants d'ouvriers ou de paysans Mangiamele,
Mondeux, Inaudi, fils de paysans. En générât. ils ont
reçu peu d'éducation, même ce Buxton, dont l'origine
était un peu plus relevée, car il était fils d'un institu-
teur. U faut ajouter que plusieurs calculateurs ont été
considérés d'abord comme des enfants arriérés. Col-
bum était le dernier de sa classe. Buxton était d'une

intdtigcncc si obtuse, qu'il ne pouvait tracer son nom.


Dasc aussi avait une intelligence au-dessous de la

moyenne. Mais la question est de savoir si cette

~<tf/<<j </< ~'<~c~fc.y, 1SM. Sm* ht d~ t'bére-


!!H~nt(tcn~n

<!tK' <nuLm't*. \ot<* t~érc /«/~e Mft'Mc.' At<an, ~89~.


190 MYCKOLOC!R M!8 GMAKDS CALCULATEURS.

mténonté InteUeetueHe
pas été quelquefbïs
n'a ptus
apparente que ~éeUe, et due à ce que l'entant s'absor- `:
j,
bait dans des problèmes que l'on ne soupçonnai pas.
Quox qu'il en soit, ce qui est d'évidence même, c'est
que rien dans le milieu extérieur où se sont dévetoppés
les cateutateurs prodÏ~es ne cous donner Ï'expîtcation
d~ tctrrs ÏacuItc8:Hs n'ont subi l'influence d'aucun
maître et d'aucun
exemple ils n'ont point été entraînes
dans leur voie par des conseils ou par une instruction

réguMére. U y a dans l'éclosion de leur faculté quelque i


chose qui ressemble à une sorte de ~énératton spon-
tanée. C'est à ceux qui crotent fortement à l'influence
du milieu à s'arranger pour mettre d'accord de tels
faits avec leur théone. Quant aux faits, ils sont si
nets, qu'on ne saurait ~es révoquer en doute. En reH-
sant les hïographtcs des calculateurs, nous constatons

presque toujours rëtonnement des parents et de t'en-

tourage, assistant pour la prcmtère fois aux manifes-


tations du petit
prodtgc~ cette surprise montre bien

que la personnalité du calculateur résulte de causes


absotument cachées nt rhercdtté, ni le milieu nous
le répétons ne peuvent en fournu* la moindre expÏt"
`
cation.
Un dernier trait ache\c de peindre les prenueres ma..
mfestattons du catcutateur prodtgc c'est sa précocité.
Hue est tcHc, que pour part eUe a valu
une bonne au
calculateur de passer pour un prodtge. M. Scnpture, à

qui t'hnportance de h< question n'a point échappe, a


dresse une liste des calculateurs rangés par précocité
de début; nous la lui empruntons
Gauss, trois ans
1 LA
DES CALCULATEURS
PKODMBS.
191
Wkateïey, trois
ans;
Ampère, entre trois et cinq ans;
SaHbrd, six ans;
Colburn,. six ans;
ProÏong~eau, six ans et demi~
Bidder, dix ans;
Mondeux, dix ans; r
Mangiameïe, dix ans.
J'avoue que la précoce de Gauss et de Whatetey
me paraît un peu suspecte; en les mettant à part, il
reste bien avéré que les calculateurs prodiges ont une

précocité moyenne de huit ans. 11 faut ajouter & la liste


Inaudi, qui rentre à peu près dans la moyenne; ses

prcm!ers calculs à ce qu'on nous assure (?) datent


de FAge de six ans. Dtatnandt, qui a débuté beaucoup
plus tard, apparient d'une manière moins sûre a la
même famille de catcuïateurs prodiges.
Dans chaque branche de FacUvite humaine, il y a un

degré dtSet'ent de précocité; celle du calcul mental est

peut-être la plus marquée de toutes; elle est bien plus

grande, que ceUc de la peinture


certa!nement, et de la
littérature, et même de la musique. H sttffit de se rap-

pcter ce qu~cst un enfant de six ans, dont toute Fatten*


tton est tournée d ordmah'e vers te!? choses du monde
senstbtc, pour t'omprendre ce qu H y a de surprenant
a voir un enfant de cet âge s'absorber dans des spécu"
!~ttons aussi abstrattcs que celles des chtnres.
Beaucoup de catcu!ateurs prodiges ont commencé
il catcuÏcr avant de savoir Hrc ou écrire et fait ptus
curieux avant de savoir écrire des chinrcs. Ces
enfants faisaient des numérations dans leur tête sans
4&2 PSYCHOLOGtE DES GRANDS C~CULATRUKS.

pouvoir comprendre le sens d'un chiffre écrit. Que!-


ques-uns, on a cite comme exemptes Ampère, Mon*- <
deux, Bidder, etc.~ s'exerçaient avec de petits caiï- :1
Ïoux qu'ils réunissaient en tas pour faire les additions,
ou qu'ils d!sposa!ent en carres reguUers pour ~tre tes
mutttpïtcattons. On satt qu'ï~a~t se-eontë~
rKMrïïTnrerîës nombres~ et pcut-ÔH'e les comptatt-M sur
ses doigts.
A mesure que les jeunes calculateurs prodiges se

développent~ on voit s'ctabUr entre eux des d!Herence8

profondes ils se reparUssent d'o!*dtna!re en deux

groupes, dont Faventr est bien


duïerent tes uns ont
commence par être des calculateurs; c'est sous cette

première forme que s'est evetHé t'hez eux le génie des

mathématiques; leur esprit en se dévetoppant s'ouvre


à d'autres conceptions, a la géométrie, à t'atgèbre et
aux mathématiques supérieures telle fut ta destinée
de Gauss et d'Ampère, qui, pendant leur enfance,
auraient pu rivaliser avec Mondeux~ Us sont montes

plus haut, et le mathématicien a étouu~ le calculateur.


Ils ont perdu en grande partie, en avançant en Age,
leur mémoire des chiffres et !eur aptitude de calcul
`
mental.
Le second groupe de calculateurs prodiges est
appeîc a un avenir beaucoup ptus modeste ils restent
ca!cutatcurs prodiges, comme ils l'étaient dès leurs pre-
mières années; ce sont en qttciquc sorte des enfants
qui ne vieillissent pas. H ne faut pas prendre cette
comparaison au pied de la lettre. Beaucoup perfection-
nent !eurs procèdes,
et acqmcrcnt, par un exercice
cotninue!, une puissance qu'ils étaient loin de pos-
FAMÏLLE DES CALCULATEUKS PRODïGBS. 193

séder & leurs


débuts mais ils ne sortent pas du cercle
étroit du calcul mental: ils ne deviennent pas mathé~
maticiens. C'est un fait instructif que leur incapacité
à comprendre les leçons régulières d'un professeur
de mathématiques. On & essayé pour Mondëttx, potir
Inaudi et pour d'autres, de voir ce que donnerait une
cu!ture scientifique; on a complètement échoué. Est-ce

par impéritie des maitres, qui, pour de tels esprits,


auraient dû trouver des méthodes nouvelles d'ensei-

gnement ? On l'a dit, mais nous ne


croyons pas cette
opinion sérieusement fondée. Quand on a vraiment
Faptitude mathématique, elle arrive à se faire jour.
Beaucoup de calculateurs prodiges ne Font eue à
aucun degré.
Quelques rares individuantés semblent servir de
transition entre ces deux groupes si distincts de cat-
cuïateurs. D'une part, il existe un exemple, unique a
la vérité, d'un calculateur prodige authentique, qui est
devenu un des ingénieurs les plus éminents de son

pays sans rien perdre de sa puissance de calculateur


c'est Bidder. t)'autre part, certains calculateurs ont
su trouver d'eux-tnemes certains procédés ingénieux
pour la solution des problèmes, qui montrent qu'ils
n'étaient pas dépourvus d'aptitudes mathématiques. On
<Ht que Colburn savait décomposer les nombres en fac-
teurs premiers; Mondcux résotvait des problèmes en

employant a son insu des formules algébriques assez

<ompttquées.
Les calculateurs proprement dits, ceux cmi restent
toute leur vie des spécialistes du chiffre, ont souvent
montre une intelligence médiocre; ils ont même été
i3
M~ PSYCHOLOGÏR DES GRANDS CALCULATEURS.

incapables de conduire leurs propres affaires. En


dehors des chiffres, des problèmes, rien ne les ïnte-'

resse; ils vivent dans un cercle d'idées très étroit et


très systématisé. Inaudi ne fait pas exception à la

règle. On ne peut pas dire qu'ils manquent d'intcHi-


gencc, mais its sont un~ementa~t~orbés par ïes ca~ J
cuÏs, surtout quand ceux-ci constituent un exercice ,'4

professïonncL Nous en avons déjà donné tant d'exotn-

p!cs, qu'ti est inutile d'insister.


H y a dans le calcul mental tel qu'ils le pratiquent, I
deux étéments distincts et tndépcndant!; l'un de Fautre
z:
ces deux cléments sont la mémoire et le calcul. Toute

opcMtton de calcul faite mentalement suppose la réu-


mon du calcul et de la mémoîre. De ces deux facultés
on ne saurait dire queUe est la plus importante, puisque
chacune est indispensable; mais on peut se risquer
à chercher celle qui
distingue le mieux le calculateur

prodige. Je crois que c'est la mémoire. Pour le calcul,


de personnes savent calculer très vite avec 'e
beaucoup
'`
le crayon et du papier, et beaucoup de pFodtges ne
vont guère plus vite qu'un catcuïateur exercé qui écrit
Ïës chiffres. U en est ainsi notamment pour Inaudi,
quand il fait des multiplications, ou même des addi-
tions simples, Nous savons que si on le compare comme
calculateur à des caissiers de magasins, il ne leur est

pas toujours supérieur, ïï est supérieur pour ht


mémoire. La mémoire constitue, à mon avis, le trait
essentiel du calculateur prodige; par la mémoire, il
est inimitable et infiniment supérteur au reste des
hommes. On n'a pas assez remarque, je crois, Fabîme
séparant Inaudi, qui âpres une seule audition fccite
t,A PAMÏLLE OBS CALCULATEURS PRODMES. 19&

24 cbiurca et le premier individu venu, qui ne peut


en réciter, dans les mêmes conditions, que 10. Si on

compare ces deux résultats en tenant compte des


observations faites par Ebbinghaus, et que nous avons

rappetées pht~ haut, on Krrîv~B a ~dirc que Ïa mémoire


d*tnaudi n'est pas deux fois, mais cent fois plus
étendue que la moyenne des mémoires.
Comment peut-on expliquer ce développement si
considérabÏc de la ntémoire des chiures ? Queïte est la

pat't<nnnettc? queue est la part acquise par rcntraî-


ncmcut? On Fignorc. Pour le savoir, il auratt fallu
mesurer la mémoire d'un calculateur prodige à d!f!e-
t'cnts âges; mais ce sont de ces expériences qu'on
dc~tre et qu'on ne peut jamais faire. M y a cependant

quc~ues remarques importantes à présenter sur les


deux points que nous venons d'indiquer.
l~our rinncitc, on peut se demander quel est le
maximum atteint par la mémoire des chiffres dans un

groupe d'individusqui n'ont jamais songé à s'en-


U'aîncr. J'ai déjà parte d'une enquête de ce genre que
J'ai faite dans tes éco!es primaires de Paris sur des
enfants de huit à douze ans. Chez les enfants de cet

.~c, Ïa moyenne des chiffres retenus après une seule


audition est de G ou 7 chiures, tl y en a cependant un
bon nombre, 10 pour
environ i00~ qui, des cet âge,
ont une mémoire des chiures égale à celle des adultes;
<~ faitptus curieux encore, on rencontre environ 4 ou
enfants sur 100, qui peuvent, à douze ans, répéter
12 à i4 chiures, nombre bien supérieur a la moyenne.
On peut se demander si ces enfants ne sont point des
< a!cu!aieurs
prodiges en herbe qui peut-être, au
196 PSYCHOLOGIE MS GRANDS CALCCt.ATBURS.

moyen d'un entraînement soutenu, y arriveraient `


donner un grand développement & leur mémoire. Je ne
f
fais qu'indiquer cette question, qui n'est guère suscep.
tible d'une solution directe.
Sur l'influence de l'entraînement, t nous savons :,y

quelque chose de pLus noua s~OYï~ ce que


l'histoire des calculateurs nous a appris. C'est par un
exercice répète qu'ils ont acquis leur supériorité et

qu'ils la maintiennent. Quand, pour une cause ou une


autre, ils cessent de s'exercer, ils perdent rapidement (
du terrain.

Quelques calculateurs prodiges et notamment x


Georges Bidder ont prétendu pouvoirque de leur
calcul tient moins d'un don naturel
que des effets d'un
entraînement continu. H semble que cette assertion
renferme une grande part de vérité. Le calcul mental S
est une de ces choses qui s'apprennent vite et s'ou- j
Mient vite. M. Laurent, le mathématicien bien connu, $
nous communique à ce sujet un renseignement « ÏÏ
y a un fait intéressant que l'on peut constater à FÉcote
alsacienne dans les classes inférieures, on exerce un

peu les ctcves au calcul mental, et il y en a quetques-


uns qui arrivent à des résultats remarquab!es; <oM~

perdent peu a peu cette faculté de calcul mental dans


les classes supérieures. D'autre
part, il est digne de

remarque que, lorsque les calculateurs prodiges cessent


de calculer pendant un certain temps, soit pour se r
reposer, soit pour perfectionner leur instruction mathé-

matique, ils perdent rapidement quelque chose de leurs


f
facultés. Colburn essaye de s'instruire pendant trois
et cesse ses représentations ,}
mois publiques quand il
LA FAMÏLLB DES CALCULATEURS PRODtCBS. M7

se remit à calculer, on s'aperçut qu'il avait moins de


facetté, n est arrivé la même mésaventure à M. Inaudi

ayant consacré un mois à des études dans les livres~


it vit qu'il perdait beaucoup de son pouvoir mental.
~e catcut Tnentat ne se nfâinticnt citez ÏuÏ que par suite
d'un entraînement continuel. Voilà un fait qui me

parait bien étabtt.


!t nous semble que cette question de l'exercice et de
t'entraïnement présente un grand intérêt pour la péda-
gogie. Tout d'abord, it est incontestable que, queue que
soit la part de rinnéite chez le calculateur prodige,
c'est rcntraînemcnt ce qu'il
qui le fait
est; chez un
individu comme Inaudi qui a une mémoire capable de
retenir 24 chiffres après une récitation unique, le don
nature! donne peut-être de 15 à 18 chiffres, et très

probablement l'exercice donne le reste, c'est-à-dire la


meilleure part. Ceci montre ce que peut faire la volonté,
non une volonté explosive et spasmodique, qui se
dépense en un instant, mais l'eHort patient qui se
manifeste chaque jour sans interruption. Ceci montre

également A quet point les facultés mentales de ta

Moyenne des individus restent encore perfectibles.


Outre ces. considérations générâtes que nous nous
contentons d'indiquer, nous désirons attirer t'attention
sur l'influence que l'exercice produit d\tne manière

spéciale dans certains groupes d'études. Ces observa-


ttons sont peut-ctre de nature à faire rénéchir les péda-

gogues sur t'cmptoi du temps et ta répartition des


études. U paraît constant que certaines études, qui
mettent moins en œuvre de profondes conceptions
qu'une sorte d'habiteté intellectuelle comme le
l$a PSYCKOt.OGtË DES CRAKDS CALCULATEUMS.

catcut mental, les langues étrangères, la sténogra-


phic, etc., –demandent à être faites d'une aMurc;
rapide~ si on rapproche tes leçons, on produit un~
entraînement qui facilite le travaU et solidifie les résul-
tats fixes dans la mémoire; on commet au contrau~~ `:
une erreur en ~Ot~!Mmt!es en Ïe~ répartis-
tenons, et
sant sur un trop tong espace de temps. Pour prendre v

un exemple, dix tcçons d'anglais pnscs sans interrup-


tion tous tes matins, auront un effet plus durable que
le même nombre de leçons prises seulement une fois

par semaine. S'H y a une question pratique pour Ïes


éducateurs, c'est bien ceUc-Ïa; et il serait à désirer

que t'on sounut toutes ces questions à Fepreuve de

rexpériencc.
En résume, nous voyons que les calculateurs pro-
diges forment réellement une famille naturelle, dont les
caractères distinctifs sont les suivants pas d'influence
héréditaire, ni d'influence de milieu, naissance dans
un milieu miscrabie, précocité très grande (8 ans en
moyenne), aptitude au calcul se manifestant chez fcn-
fant encore illettré, absorption de toute rintcUigcncc
par les chin'rcs, et cnnn aptitudes se devcïoppant par
rcxcrcice et dimmuant rapidement par le non-usage.
APPENDICE

RAPPORT DE M. DARBOUX t SUR J. ÏKAUM

Au rapport si ïnteressant que FAcadeïme vient d'en-


tendre, la commission a cru devoït' ajouter quelques
détails sur la manière dont tnaud~ exécute les opéra-.
tions d'arïthna~ttquc qui lui sont demandées, et elle
m'a con~c cette parUc du rapport. La tâche m'est
rendue facile par les tnnombraMcs expériences aux"

qucHes Inaudt a bien voulu se prêter. !t s'est tenu à


notre disposition et à celle de tous les savants seneux;
et les renseignements que nous avons obtenus sont
aussî complets que nous pouvtonH le dcstrcr. Le
rcsuhat de notre examen nous paraît tnenter d'être

cotnmuaïqué à rAcadetmc ïnaïs, t pour apporter


quelque clarté dans notre exposé, il nous paraît indis-

pensable de séparer) dans Inaudi, le caïcuïatcur qui

1. Rapport Ïu u ï'Acud~mtc des Sciences te 7 juin 18!)2.


20~ PSYCHOLOGÏB OB8 GRANDS CALCULATEURS.

effectue des opérations arithmcttques élémentaires c~


rhomme qui résout, d'une manière plus ou moin~ `;
compiètc, les probîëmcs de mathématiques dont !<<
solution lui est demandée. Je parlerai d'abord du ça! '¡
cutateur.
îc~ t'estihatu véritablement.
tou~ é'~ho~d, `~
nc~to!;§"ie
extt'aordtnaiFes dont nous avons ét~ témoins reposent a
avant tout sur une tnetnotpe prodigieuse. A fin d'une ~¡
séance donnée aux crèves de nos ïycées~ ïnaudi a répéta i:
une sérte ({c nombres comprenant plus de 400 chtMt'cs,
et s'il
y a eu une ou deux hésitations, Inaudi n'a eu L
besoin de personne (il a même prie qu'on ne Ï'aidat f

pas) pom' recUnct* tes erreurs minimes qu'il commet-


tait, ou pout* ~cU'ouvet* des ch!fft'es un peu ouMtes.
Dans une de nos réunions, nous avons donné à Inaudi
un nombre de 22 chHfres~ Huit jours après, il pouvatt
nous le répéter, bien que nous ne t'eussions pas pré- y~
venu que nous le lui demanderions de nouveau. ït est
inutile d'insister sur les faits de ce genre; nous ferons
toutefois remarquer que la mémoire d'~naudi s'est

beaucoup accrue par remerciée. !ïya quelques années


a peine, à Lyon, il se contentait de multiplier des
nombres de 3 ch!ffres. Actuellement il peut effectuer
des multiplications dont chacun des facteurs a au
moins d' chiures. Ces opérations se font avec une rapi"
dite extraordinaire, et Inaudi a mis certainement
moins de dix secondes à euectuer le cube de 27<
RAPPORT M M. DARBOUX SUR tNAUM. soi

Un second point, qui me parait des pïus importants,


a été taïssc de côte par ta p~up&rt des personnes q~~ont
cxam!nc. On a analyse avec som les procédés, à coup
sûr très stmptes, qu'emploie Inaudi pour exécuter les
dtffcrentes opcrattons mais on n'a pas assez remarque
nn fait qui est de toute évidence c'est que ces pro-
cèdes ont été ïmagtnes par ïe caïcutatcur Ïm-môme,
~M's~~ ~M~ ~<f o~~MM.K. Ainsi, tandis que Mon-
deux et bien d'autres prodiges avaient été instruits par
des hommes qui leur commumquatent les méthodes
usucHes, Inaudi, n'ayant jamais eu de maître, cer"
tamement tmagme tes règles qu'il appUque à chacune
des opérations. Et ce qu'il y a d'intéressant, c'est que
ces W'gïes dirent de celles qui sont enseignées par-
tout en Europe dans les ecotes primaires, tandis que
quctqucs-unes se rapprochent, à certains égards, de

celles qui sont suivies chez les Hindous, par exemple.


C'est ce que mettra en é~dence rexposé suïvant
~~< Inaudi ajoute facilement 6 nombres de
4 ou 5 chiffres mais il procède successivement, ajoutant
les deux premiers, pms la somme au suivant, et ainsi
de suite. H commence toujours l'addition par la

gauche, comme le font


aujourd'hm les Hmdous, au
lieu de la commencer par la droite comme nous.
.yoMs~fïc~t. C'est un des tnomphes d'ïnaudL tt
soustrait facilement l'un de t'autre deux nombres d~une

vtngtame de chiffres, e~ co~w~< CFîco~ par la


~CMC~C.
202 PSYCHOLOGIE MS GRANDS CAt<CULATEUHS.

~MM~~<?~«w. Les procédés suivis sont tous eté"


menfatres, mais ils extgent mcmotre d'ÏnaudL Par

cxemptCt pour multiplier 834 pa!' 36, il fait les decotn"


positions suivantes

800 X 30 == 24000
r., r ~>< X
800 (r=.w,~2~oOO
30 4~
Total ~ü U2t~
30X 36== i080(
4 x 36 == i~4 }

Dans toutes ces


multiplications partielles, un des
facteurs n'a jamais qu'un chiffre stgntitcatif. Cependant
Inaudi connaît et emp!o!e la propnétc du tacteur 25~
il sait que pour ntutttpïter par ce nombre il suffit de

prendre le quart du centuple. Par exemple, pour le


carre de 27~ il fera la décomposition smvantc

25 X :~i G7a
Total 7*-)9
'=1~

Quelquefois il emploie des produtts partiets affectés


du signe Par exemple, pour le cube de 27, c'est-
à-dire le produit de 729 par 27, il effectuera la dceom-

position
700 X
20 ) 1 ouou ¡30
730 X 27 = Ï9710
700 X 7 ( 27 27
30 X 20 (
XO X 7 ) Résult
Rcsuttat. lu (?3

Division. Ïc! Inaudi suit au fond la règle ordt-


nau'c, qui ramène la division à une soustraction, mats
en employant quelquefois les simplifications que lui
permet sa mcmoh'e, à laquelle il faut toujours revcn!r.
J~~<ï~M <ïM.r pM~<ïMc~. Pour rcïévat!on aux
RAPPORT DB M. DAMOCX sun J. tMAUDt. 203

carrés, ïnaudt connut et appïïque Ïa règle rc~tïve au


carré d'une somme. Par exemple, pour ïe carré de
234 567, u empïoïe Ïa déromposition

234 000 -t- 2 X 23~~ Il


~72

t,i'.rii-actiote des "acines. Ici, aucune règle n'est


/~c~~c~/< t! n'y a a r<ïctKc~.
sut~ïe~ que de stmptes
ïct, aucune
tâtonnements.
r&gïe Par
Par
exemple, pour trouver une racme qut est 14 672, Inaudi
aura essaye i4 000, et 15 000, puis 14 600, puis 14 650,
14660~ 14 670. et, chaque fois, !a puissance du nombre
essayé aura été retranchce du nombre donne.
Pour les racines d'ordre
supérieur, tï est clair que
Fop~ratton est d'autant plus facile que rmdtce de ta
racînc est plus ctevc. C'est ce que ne comprennent pas
toujours les personnes qui s'cmerveuïent de l'extrac-
tion d'une raetne cmquteme.

Ut

Il nous reste & dire quelques mots des proMèmcs

qu'tnaud~ de tuî-mcme, a commence à résoudre dans


ces dernières années. Nous ne parlons pas ici des ques-
ttons qui se ramènent d'une manière évidente à une
suite de calculs. Inaudi, par exempte, a su évaluer
avec
t'aptdtté
le nombre total de graïns de bÏé que,
dit-on, l'inventeur du jeu des échecs réctamatt comme

récotnpense il lui a sufS de calculer et d'ajouter suc-


eesstvement les nombres de grains qui devraient être

piacés sur chacune des cases de Féchtquïer. Mais il a


204 PSYCMOMMïtB~E& GRANDS CAMUÏ.ATEUK8.

pu résoudre quelquefois des questions d'arithmétique


et d'algèbre p!us difficiles dont la solution était fournie

par des nombres entiers. ï! trouverait rapidement les


racines entières de certaines équations algébriques;
mais quand nous lui avons pose des probïemes qtM
condu~ntâ deg équations dtu premier degré~ nous
aYons vu que ses procédés sont de simples tâtonne"
ments et qu'it commence par supposer entières les
solutions cherchées, ïl ne
peut guère en être autre-
ment. On ne peut lui demander de retrouver tout seul

l'algèbre et les mathématiques tout entières. Mais nous


avons reconnu
qu'il est intelligent et qu'il a l'esprit
bien ouvert. Si nous remarquons aussi que la mémoire
dont il est doue s'est rencontrée chez plusieurs matne-
maticiens célèbres, nous devons regretter que dans
l'âge où il pouvait étudier il n'ait pas reçu les leçons
d'un maître inteHigent et habile.
DEUXIÈME PARTIE

LA MÉMOIRE DES JOUEURS D'ÉCHECS

CHAPITRE 1

UNE ENQUÊTE SUR LE JEU D'ÉCHECS A L'AVEUGLE.

H n'y a pas longtemps encore, quand un psychologue


voulait traiter la question si importante des grandes
mémoires, il allait chercher dans sa btbUothéque les
recueils' d'anciennes histoires et d'anecdotes curieuses.
Les livres d'Abercrombtc, de Bncrre de Boismont et
de quelques autres étaient vraiment utiles à consulter.
Pour la mémoire visuelle, on citait l'exemple connu
d'Horace Vernet, capable de peindre un portrait en

pied âpres avoir vu une seule fois te modete pour la


mémoire auditive du musicien, on reproduisait l'his-
toire de Mozart notant, après deux auditions, le ~f~-
2M PSYCHOt.OCtE DRS JOUEURS ~'ÉCHECS.

~~e de la chapeHe Sixtine; pour le calcul mental,


l'usage était de par!er de Henri Mondeux.
La psycho!ogie contemporaine, sans dédaigner ces
documents historiques, mais les jugeant parfois sus-

pects et toujours incomplets, se tourne pÏus volontiers


vers Ï'observation et t'expéripnce. S! nous désirons
connaître le mécanisme de la mémoire des ch~Mre~
nous préférons à la lecture des ouvrages admiratifs de
Jacobi sur son élève, le pâtre Mondeux, deux heures

d'expérience passées au laboratoire avec Jacques


Inaudi. Si nous sommes curieux de connaître l'éten-
due de la mémoire musicale, nous entreprendrons, à

i'exempïe de M. Courtier, processeur de l'Université,


une étude sur la mémoire des solistes, qui pourraient
jouer, sans
partition, pendant ptus de vingt-quatrc
heures. Combien ce genre d'études n'est-il pas plus
intéressant, p!us instructif, pïus fécond que celui de
l'historien Au Ïieu d'avoir affaire à un document inerte
et mort, on analyse une personne vivante.
Me conformant à cette tradition nouvelle, j'ai fait, et

je veux résumer ici, une étude de


psychto!ogie sur la
mémoire des joueurs d'échecs qui sont capabïes de

jouer sans voir les échumiers <, voici comment j'ai été
amené à m'occuper de cette question. U y a un peu

pÏus de trois ans, en février i89i, j'appris par hasard


qu'un jeune Alsacien, M. Gœtx, venait de jouer au

t. J'exehts de mon étude toas les dcta!ÏH tcchmquctt, de mn-


nterc n pouvoir être lu ntëntc par ceux qui H'ont (lue des nott~Ms
tveMStUHnttttt'cs sun' !p jeM des échecs; !t sttHtrtt en en'ct, pour
tout compt'endve, de contMtttï'c tetf notnx des p!(;ecs et iûttr
ntot't'ht; sut' t'ccïtiqutC!
et d'avatt' FM~c ttt
plus sotttttMth'c d'une
pafttf/
ENQUÊTE SUR LE JEU D'~CHEC8 A L'AVEUGLE. 207

ca<e de la Régence huit parties sans voir. J'eus un


entretien avec M. Gœtx.je lui demandai de m'expU"

quer les moyens d'action dont il se servait.


ït faut remarquer qu'à cette époque la question
n'avait pas été encore étudiée réguHèremcnt. Parmi
les rares joueurs qui avaient eu l'occasion de s'expli-
quer à ce propos, quelques-uns, comme Zukertort,
parlaient par énigmes. Qu'on en Juge. J'emprunte la
citation suivante à M. Bctigne « Quand il jouait

plusieurs parties sans von', les parties se trouvaient

rangées dans sa mémoire comme dans différents tiroirs.


A. chaque partie, le ttrotr correspondant s'ouvrait pour
lui, tandis que tous les autres restaient fermés. Le

coup joué, ce tiroir se


refermait pour laisser place au
second. ? L'explication me parait si peu întettig!Me
ce n'est qu'une tautologie grosstëre que je soupçonne
Zukertort de s'être agréaMement moqué de ceux qui

l'interrogeaient.
Les auteurs qui ont consenti à écrire plus clairement
ont tous admis que le tour de force repose sur la me~
moire visuelle. Lowcntha!, par exemple, considère
comme indispensable au jeu sans voir la faculté de

pemdre sur la rétine une reprcscntatïon de l'échiquier


et de ses pièces, avec les changements que leur font
subir les
coups successifs.
Mais c'est M. Taine qui a dcvebppé cette cxptïca-
tion avec !e plus d'ampïeur*. M. Tainc a pubHé une
observation prise sur un Amértcain de ses amis qu'il
ne nomme pas; cette observation, malheureusement

1. De ~<c~Mcc, t. p. 80.
208 P8YCHOLOGÏB HES JOUEURS B~CHECS.

peu détaillée, est assez courte


pour que je puisse la }
reproduire ici <Mc~~Mso eMe est ainsi conçue
« On rencontre des joueurs d'échecs qui, les yeux `;
fermés, la tête tournée contre le mur, conduisent une
`

partie d'échecs. On a numéroté les pions et tes cases


a

à chaque coup de Ï'adveï'sairey o~Ïeurîïomtnc la pîcce


déplacée et la nouvelle case qu*eUe occupe; ils com-
mandent eux-mêmes les mouvements de leurs propres
pièces, et continuent ainsi pendant plusieurs heures;
souvent ils gagnent, et contre de très habiles joueurs.
U est clair qu'à chaque coup la figure de réchtqutcr
tout entier, avec l'ordonnance des diverses ptèces,
leur est présenta comme dans un miroir intérieur,
sans quoi ils ne pourraient prévoir les suites probables
du coup qu'ils viennent de subir et du coup qu'ils vont
commander.
« Un de mesamis, Amencam, qui possède cette
facuÏté, me la décrit en ces termes « Quand je suis
a dans mon coin, les yeux contre le mur, je vois ~MM~-
(t MM~/Me~< tout l'échiquier et toutes Ïes pièces telles
« qu'elles étaient en réalité au dernier coup joué. Et
« au fur et mesure qu'on déptace une pièce, Fécht-
« qutcr m'apparatt en cntïer avec cd nouveau change-
« ment. Et lorsque j'a! quelque mon espritdoute dans
« sur la position exacte d'une
pièce, je rejoue mcnta-
« lement tout ce qui a été joué de la partie, en m'ap-

<t puyant particuHcrcment sur les mouvements succes-

i. U ne fnwh'&tt pns <'rot!'e que ce numérotage dont parle


M. Tahtc soit une comvftttion faite & propos dM jeu sons von';
`
de to«t temps, il y <t en duns le jeu d'cchccs une nomcncïatwt'c
pet'MMU~nt de se tcndt'e UM compte exact de ÏM postiton des
pièces.
ENQUÊTE 8U!t LE JEU D'ÉCHECS A L'AVEUGLE. 209

« sifs de cette pièce. Il est bien plus facile de me trom-

« pcr lorsque je regarde l'échiquier qu'autrement. Au


<(contraire (quand je suis dans mon coin), jedénc qu'on
« m'annonce à faux la marche d'une pièce sans qu'à un
« ce rta i n m ornent je m'en apcpcmve. Je vois ta pièce
u la case et la couleur c.t<ïc~Me~ telles que le tour-
< ncur les a faites, c'est-à-dire que je vois t'échiquier
« qui est devant mon adversaire, ou tout au moins j'en
« ai une représentation exacte, et non pas celle d'un
« autre échiquier. C'est au point que moi, qui n'ai phio
« depuis longtemps l'habitude de jouer~je commence
« toujours t avant d'aller dans mon coin, par bien
« regarder Fechiquier têt qu'il est au début, et c'est à
cette première impression que je me rattache et que
reviens mentalement. )? D'ordinaire, il ne voit ni
je
le tapis vert, ni t'ombre des pièces, ni les très petits
(!etaits de leur structure; mais, s'il veut les voir, il
le peut. Il a souvent fait des parties d'échecs mentales
avec un de ses amis qui avait la même faculté que lui,
en se promenant sur tes quais ou dans les rues. Comme
on s'y attend, une représentation si exacte et si intense
se répète ou dure involontairement. « Je n'ai jamais
« joué une partie dit-it, sans t'avoir
d'échecs,
rejouée
« seul quatre ou cinq fois la nuit, dans mon lit, la tête
« sur t'oreitter. Dans l'insomnie, lorsque j'ai des
« chagrins, je me mets à jouer ainsi aux échecs en
« inventant une partie de toutes pièces, et cela m'oc"
t< cupe je chasse ainsi quelquefois tes pensées qui
« m'obsèdent. ?
L'ami de M. Taine voyait donc pendant le jeu t'échi*

quier et ses pièces comme dans un ~r<w /~<~<*M~


210 PSYCHOLOGtB DES JOUEURS D'ECHECS.

Cette description servait & M. Taine à iMustrey 'et à


démontrer la règle qu'il cherchait à établir, à savoit' r
qu'une image est une sensation spontanément renais-
sante, ordinairement moins énergique et moins préciser
que la sensation proprement dite, mais pouvant deve*~ :v
ntr plus o~moin~ énergique crprectsc seÏon les indi-
vidus et selon les espèces. Nous allons voir bientôt
de M. Taine. `~
quelle correction il faut apporter aux idées
L'observation citée fait partie d'un admirable cha-
pitre où M. Taine a traité pour la première fois a~vec K
un éclat incomparable la question fondamentale du ,~F

rapport de la sensation et de l'image; il a mis en pleine


lumière beaucoup de faits exacts et. nouveaux; on ne
saurait lui faire un reproche d'avoir commis quelques
erreurs ou quelques oublis. l~
Je supposais~ il y a trois ans, en me fondant sur t:
t'obscrvation de M. Taine; qu'un joueur ne peut pas

jouer à !'aveug!e sans recourir & la mémoire visuelle,


et fj{ue la mctnoh'e visuelle, en représentant rechiquier .A
devant l'esprit du joueur est véritablement la base
de ce tour de force. C'est dans ce sens que j'inter"

rogcai M. Gœtx.
M. Go'tz, consulté sur cette question, me répondit qu'il
avait à cœur de me démontrer que la mémoire visuelle
ne joue aucun rôle dans le jeu sans voir. Nous primes
un rcndez-vous, et il m'exposa ses impressions pcr-
sonnelles. Je dois avouer que je ne le compris pas
bien. C'était le premier
joueur d'échecs que je voyais,
et ses explications, pour être bien comprises, auraient
eu besoin d'être cciaircies par les explications d'autres

{oueurs. Je m'empressai cependant de conseiller &


ENQUETE SUtt LB JEU D'ÉCHECS A L'AVËUCM. 3ti
4
~L Goetx de rédiger son auto-observation. Il me le

)rom!t. La dif&cutté du sujet l'arrêta longtemps. Use


iécMa ennn, en 1892, & publier un court article sur le
eu sans voir, dans un journal spécial des échecs, ~e. n..
9~~<qm est dirigé pa~T M. N~uma~
J L'article de M. Gœtz est intéressant, très bien écrit,
tort obscur *< M. Gœtzy soutient cette idée que
uais
c joueur sans voir ne procède pas par ta meKtoire
VtsueUe; il ne se représente pas réchiquter comme
s'H le voyait; mais il caïcute. A plusieurs reprises,
Gœtz revient sur son aHn'malion, le jeu sans voir,
M.
~a son avis, et d'après son expérience personnene,
3 serait fondé uniquement sur le raisonnement et te
? catcut.
Il me semMa difucite d'accepter une pareille hypo-
dtcsCt et plusieurs joueurs de première force, consultés
sur ce point, n'ont point partagé l'opinion de M. Gcetx.

j M est clair que le raisonnement et le calcul intervicn- i


rtcnt dans le jeu sans voir, ainsi du reste que dans le
jeu sur l'ccbiquier; mais ce raisonnement et ce calcul
ont un objet, ils portent sur quelque chose, sur la

position des pièces et leurs mouvements; dès lors le

joueur sans voir est obligé de connaître et de se repré.

senter, sous quelque forme que ce soit, les positions


successives des parties. Cela est évident et sans

tcphque.
Mais, d'autre part, l'article de M. Gcctz prouve que
ce distingué Joueur d'échecs ne se sert pas d'une
mémoire visuelle concrète; il n'a pas le sentiment dj

h KotmtcpubHonsci-ujM'M en Mp~cndïce.
212 PSYCHOLOCtE DB8 JOUEURS D'ECHECS.

~<r Téchiquier, la couleur de ses cases et la forme dc~


ses pièces~ il ne procède pas comme'le joueur amen* r~Ï
cain dont parle M. Taine.
C'est là un secondfait~ qui ne manque pas d'impôt~
tance; et quoique ce fait ne nous soit connu que d'une

manière indï~ e hhnôfgnage M. Gcctx, it ~°~


1

semble difficile de le révoquer en doute. Du moment

qu'un joueur nous dit que, pendant


le jeu sans voir, il `~
ne voit mentalement ni rech!quïcr,
ni les pièces, il est
clair qu'il ne se sert pas de la memon'e visuelle.
La compïexite de la question m'intrigua. Je compris

que, pour t'éctaircit% il n'y avait qu'un moyen taire ~r.


une enquête aussi generate que pos8U)!c, et recueUÏir
les observations de la plupart des personnes capables j~
de jouer sans voir.

Depuis longtemps~j'ai insiste sur l'importance de~j

enquêtes méthodiques en psychologie; elles tburnisscnt


le meilleur moyen d'éclaircir les questions obscures,
et de faire le triage entre la vérité et l'erreur. Quand.
pour une
question, on reçoit cent réponses qui cma-
nentde sources différentes, et que dans ces réponses Ïc
même fait se trouve a<Yh'mé vingt fois, trente fois, cin-
quante fois, et afnrmc presque dans les mêmes tcrtncs.
on peut avoir confiance; le fait est important, et il con*
tient une part de vcritc; ce qu'il faut considérer comme
suspect et mettre à part, ce sont les faits rares, excep-
tionnels, (lui ne se trouvent consignés que dans une
geuîe réponse.
Je me décidai donc à publier dans le journal la t~<- j
~M un questionnaire adressé aux joueurs sans voir;*
voici ce questionnaire
'f.
'?: ENQU&TB SUR LB JEU D'ÉCHBCS A L'AVEUGLE. 2tS

/OC(~~ (les ~0~<?M/ ~~C~<?~ qui /CM~ sans P<?~

« Le très intéressant article que M. Gcctx vient de


«ttbïtcr sur ce probïéme dans !e dernier numéro de
~< (août 1892) nous a donné Hdée de <a!re une

enquête parmi les lecteurs dece journal, ïes profes-

stonneïs et les amateurs d~checs; nous leur adressons


ici un questionnaire auquel nous les prions de bien vou*
toh* répondre. Ce questionnaire résume aussi briève-
ment que possible les travaux récents sur la mémoire,
c'est-à-dire sur la faculté qui est nécessaire à celui qui

jonc (c sans voir On remarquera qu'il est possible


de se représenter sous des formes nombreuses et bien
distinctes une partie d'échecs. Un tel se servira de la
tttcmoïro visuelle des couleurs; un autre de la mémoire
visuelle des formes; x un troisième, de la mémoire
visuelle des mouvements. D'autres ferontappct n la
mcmoirû des mots d'autres encore à la mémoire du
toucher. H serait très utile de connattre les procédés
de chacun et nous espérons que les personnes compé-
tentes voudront bien méditer un moment sur les ques-
tions suivantes
« i~ Etes-vous capable de jouer des parties d'échecs
sans voir? Combien? Pouvez-vous citer quelques par-
ties que vous avez jouées en public dans ces condi- `
tions?

Cf2" Etes-vous un
joueur de première force ou de
force moyenne ? (Prière de répondre sans vanité et sans
fausse ïnodestie.)
« 3~ Avez-vous, d'une manière généraÏe, une bonne
2t4 PSYCKOLOCtB DB8 JOUEURS B'éCHBCS.

mémoire 1
?(Rxemp!cs à l'appui.) Avez-vous desdisposi.
tiens pour les mathëmatïques? Etes-vous un bon cat-~ 1
cuïateurdctétc?
a 4~ Comment vous représentez-vous les positions J
dans une partie jouée sans voir ? Pour bien connaître i~
ïa manière dont vous
vous !es représenta, H est bon ""<
depënsct'a Ïa manière dont vous ïesr~r<w<~s quand
vous revcncx a une partïc que vous avez abandonnée
pour jouer une parttû dnÏ~rente ?
« 5" Vous représentez-vous réchiqutenndtVtdueÏ dont
vous vous servez, avec ses déta! particuliers, ott !a
forme des pïèces et leurs accidents (forme Rcgcncc,
Staunton, etc.), ou bten est-ce un ëchtqmer sans came.
tores tndtvtduets ? Vous représentez-vous ïa positon
de t'cchtquïcr par rapport à vous (a drotMou à gauche,
devant ou derrière) et ïa per<;onnaÏ!te de votre adver-
saire
« (Ï° Vous représentez-vous rcchïquicr et ses pttcccs
StmuÏtancment dansÏcur enscmbtc, eu bien seulement
par parties qm vous apparaïsscnt d'une manière suc-
cessive ?
« 7~ Avcx"vous Ïc sentiment de w/~ dans votre
esprit, l'échiquier, ou bien de ne 'pas !e voh' du tout?
« 8" S! vous Ïc voyez, dans votre esprit, est-ce que
votre représentation est comparahtc à une photogra-
phie de Ï'et'htqnicr et de ses pièces? Voycx<'vous nette-
tnpnt Ïa co~t~' des et des cases? ï)istingucx-
vous, par Ïcur couÏcur, les Mânes et les noirs des deux
camps ? Distinguez'vous Ta couïcur du buis ou du païis-
sandre ou de !a peau qui ~ont ïa matière de t'cchiquier ?
En resuinc, votre imacc de rérhinuier ost-eMe coÏorce?
BNQU&TE SUR t~E JEU D'ÉCHECS A !/A~EUGLE. St8

« 9° Vous représentez-vous aussi bien ou mieux que


couleur la forme des pièces? Voyez-vous, mcntaïc-
ment, la <!gurc du Fou et celle du Bot? Est-ce par leur
figure que vous les reconnaissez dans votre mémoire ?
« 10~ N'avez-vous nuïÏc conscience de la forme et de la
couleur, et vous reprc&cntex-'vous, quand vous pensez
a une position, la place des pièces et leurs relations

réciproques? Vous représentez-vous aussi, dans ce


dernier cas, le mouvement possible, le trajet des

pièces, tel qu'il est détermine par tes règles du jeu ?


En d'autres termes, au ucu d'une image des couteurs
et des formes, avez-vous une image des positions dans

l'espace et des mouvements?


« ~i~ !ï est
possible que vous vous rcpresent!ex!a
position à l'aide de mots que vous prononcez à voix
basse (langage intérieur). Vous arrive-t-il, quand vous
vous représentez, par exemple, le Fou, de penser

vaguement à son nom, et de vous dire mentalement,


d'une manière indistincte )) (t le Fou ? Quand vous

pensez au coup qui vient d'être fait, le fbt'muïez-vous


comme on le formule dans les descriptions, et vous
ou bien vous une for-
répétez-vous, représentez-vous

mule analogue à ccïÏc-ci TD- ICt)? Vous rappelez-


vous la voix de cetui qui vous annonce que tel coup
vient d'être joué? Vous rappelez-vous votre propre
voix commandant un coup? Quand vous pensez à la.
position, vous la définissez-vous par une suite de mots,

que vous vous


rappcHercz ensuite, de sorte que c'est
votre description verbale dont le souvenir vous permet
de retrouver la position ?
« 12° Supposez un aveugÏc qui aurait appris les échecs.
21S PSYCMOLOMB DES JOUEUKS n~CHBCS.

La tonne des
pièces et leur position ne lui seraient
connues que par le toucher. Sa main lui donnerait tes
renseignements que nous devons à notre cet!. Vous
semMe-t-H que, lorsque vous jouez les yeux fermés,
vous vous représente:! une pièce par le contact des

doigts, et Ïe mquvementde~cett~ pie~e par 1c gcst~


~a main que vous faites pour la déplacer?
« i3" H est possible que vous ayez d'autres l,'
procédés
que ceux que nous indiquons, et qu'il existe même des J
trucs et des ~ceHes. Prière d~nd!quer ce que vous
connaissez à cet égard.
« 14~ Tous Ïes renseignements sur des questions ana- ,y
Ïogues aux précédentes seront les bienvenus. »

Ce questionnaire pubtié d'abord dans <y~e,


a été reproduit dans la ptupart des journaux cchi-

qucens de rétrangcr) et traduit en ptusicurs langues,


en russe, en anglais, en a!!cmand, en espagnol, etc.
il a donc fait le tour du monde des échecs. Chose
curieuse, ma!gt'é Finvitation qui Ïcur en était faite, les
joueurs n'ont guère répondu; le questionnaire n'a pas

provoqué ptus de dix réponses. Pour avoir l'opinion


des maîtres de
t'échiquier, j'ai 'dû leur écrire des
lettres pcrsonneHes. Je me fais un plaisir de citer -les
noms de ceux qui ont le plus contribué a m'éclairer.
C'est d'abord M. Moriau, un de nos compatriotes
,fixé a Londres depuis plusieurs années. M. Monau,

qui joue jusqu'à six parties sans voir, et qui est le

champion du plus important cercle des échecs de Lon"


drcs, a bien voulu m'écrire de nombreuses !cttres sur
son cas; c'est à lui que je dois tes observations de
EKQU&TB SUR M JEU B~CKBCS A !AVEUG!.Ë. 217

ttusieurs forts joueurs anglais, MM~ Percy Howeï~


Cunnock, Moorc, Bowtes.
M. Cunnock, & son tour, a interviewé pour moi
M. Btackburne, que l'on considère aujourd'hui comme
te plus fort joueur sans voir. M. BIackburne, malgré
Je nombreuses demandes, s'est toujours renfermé dans
un mutisme absolu. tl prétend qu'il ignore complète-
ment les
procédés qu*it emploie pour jouer sans voir,
et que quand même H ïes connattrait, il serait !ncapab!e
(te les expliquer. Sans se laisser décourager par cette
réponse de sphmx, M. Cunnock a eu l'esprit d'cntre-

pt'cndre des discussions avec M. Btackburne sur la

question, et de l'exciter par des paradoxes. Dans !e


feu de la discussion, M. Btackburne s'est laissé aller
à fuire des aveux intéressants, que M. Cunnock m'a

envoyés et dont j'ai pu tirer parti.


En Allemagne, je dois beaucoup à l'obligeance de
M. Heydebrand von der Lasa, qui a bien voulu tra-
duire lui-même mon
questionnaire, et le faire parvenir
aux plus grands joueurs de son pays; c'est grâce à son
intervention que j'ai pu avoir les observations de
MM. Fritx, SchaHopp et Tarrasch; ce dernier auteur
a rédigé une observation si intéressante, que je la
publicrat c~c~so dans l'Appendice, à c~té de celle
de M. Gœtz. M. von der Lasa s'est mcrnc donné ta

peine de traduire pour moi et d'annoter les observa-


tions qu'it m'a communiquées.
ty Espagne, j*aire~u de nombreuses lettres de ta part
<tc M. Totosa y Carreras, à qui je dois de bien curieux

renseignements et enfin, à la Havane, qui possède un


cercle d~cchecs renommé, M. Vazquex a fait une enquête
0
2i8 PSYCHOLOGIE DES JOUEURS 0'~CHBC6.

surp!acc; i! a publié tui-même Ïcs observations qu't~< c


arecueinies*. 1

A Paris, les professionnels les plus connus on 1


consenti non seulement à répondre à mon questionnaire 1

mais à se rendre au laboratoire de p sycliologie de !a~


Sorbonne pour se soumettre ~queïqMe~experïcnce~ 1"
dtrccCEfs. Je citerai M. Rosenthaï.M.GcBtx, M. Arnous
de Rivière, et p!usicurs professionnels du cercte d
ïa Régence, MM. Sittenfeld, Taubenhaus~ Janowsk!
ainsi que quelques amateurs ccïaires, MM. Formste-~
cher, Lochard et Place. Piusieurs ppofessionneÏs on~

joue devant nous au laboratoire des parties sans voir,


ou récite de mémoire des parties anciennes.
Parmi les personnes qui ont répondu spontanément
à mon questionnaire, faisant preuve d'un xé!e bien

rare, je signalerai MM. Anosoff, Coure!, Forsyth,


Néron, EhveÏt, Ïe générât Seliabelsk-y, Eisenti. Ennn,

je n'aurai garde d'oubÏicr M. Prêt!, !c sympathique


directeur du journal d'échecs ~<x~ qui a tenu
dans mon enquête !c rô!c de celui
que les Anglais
appeïtcnt en politique Ïe (~ Je connais peu d'hommes
aussi aimahÏcs, aussi modestes et aussi obligeants.
En 'cette 'i
somme, je puis considérer enquête comme

ayant pleinement réussi, puisqu'ene a permis de


recueiMir les opinions de tous les maîtres de Fcchi-

quier, à de rares exceptions près.


La valeur des réponses m'a toujours paru très satis- S

faisante, comme on pouvait du reste s'y attendre, étant


donne que tes correspondants sont tous des hommes

1. j4/<<*s de ~CMWw, Ïïabatttt, tSM.


ENQU&TB SUR LE JEU D~CHBCS A L'AVBUGLB. 2t~

.f)uesde connaissances les échecs. Seu-


speciates sur
des ont saivi
~etnent, quelques-uns correspondants

MèTcment les demandes du se con-


n'np qttesUonnatre,
? tentant de ou! et non, sans se laisser
répondre par par

a~er a un développement origïnst de leurs idées. Je

comme cctÏcs
~prcTBrë de Beaucoup Ïcso~~

de M. Tarrasch, par exempÏc, qui n'a considère te

comme un canevas, et a
questionnaire que qui exposé
à sa manière Ïa du sans
J cotnptctctnent question jeu

voir.
CHAPITRE H

LE MONDE DES ÉCHECS.

Avant d'entrer en mattere, d!sons un mot du monde


des joueurs, ann de renseigner !e lecteur sur !e mtiïeu

part!cuHer où nous le menons. Nous nous en tiendrons


à l'essentiel, n'ayant nullement l'intention d'écrire un
`
article d'anecdotes.
Les joueurs d'échecs sont de deux sortes, amateurs
ou p~o~ssionncïs; ces derniers seuls, comme le nom

nndiquc~ ont trouvé dans le jeu d'échecs un moyen


d'existence; ils prennent le titre de professeurs; qucÏ-
ques-uns donnent des Ïeçons qu!' se payent fort cher;
mais c'est le petit nombre, la plupart cumulent avec
la quaHte de professïonneï un autre emploi plus lucratif;
d'autres, moins heureux, se tiennent dans quelques
cafés connus, ou ils attendent !e cHcnt amateur qut
veut bien Ïeur payer v!ngt sous une partie d'échecs

1. OH tt~M~ <'otn<nmnquc (tes t'Mtsctgttctncnt~ c&tnptcntcntnh'cs


sm* lit tMttMCM <!ottt h's grands joue«M d'ccheca ~Mg'Met<t!cut*
vie. Gettct'atctncttt, Us ne gM~ttcnt paa dtt'cctctncnt !cMt* v!c p!tt*
LB MONDE DES ÉCHECS. 221

Les cafés et les cercles sont les lieux ordinaires des


out'noïs et des matehes. A Paris, on joue aux échecs
ut café de la Régence, au Grand Cercle de l'Union

.ttinc, au cercle Magenta~ etc. Les échecs sont cultives

nans le monde entier, depuis S~nt-Petersbourgjusqu'~


!.t Havane; et tes plus forts joueurs ont pu se mesurer
ensemble, grâce aux nombreux matchcs qui se font par
correspondance, et même par télégraphe.
Dans quelle parité du monde les échecs sont-ils le

plus en honneur? Avant la fin du siècle dernier, les

forts joueurs ctatcnt exclusivement des Latms, Italiens,

Espagnols ou Portugais ils s'appelaient Greco, Lucena,


Satvio, Carrera, Damiano, Lopez, etc. Les biMiothe-

qucs de France et d'Allemagne renferment une grande


'? de traductions de leurs ouvrages.
quantité
Après avoir tenu le sceptre des échecs pendant plu-
sieurs siècles, la race latine l'a perdu et ne semble

~as avoir quelque chance de le reconqucrir; les Ger-

t~tf cchccM. C < tout~ a f«!t pot* cxccptton que <'ct'ta!ns d en~'c
? eux ttt'r!vettt a <!onnet' des Ïccotts K <Ïcs prix cteves. T~chi~m'hM*
ne professe pas il H étc notnntc dh'c<'teut'<tM CcMte des Échecs de
S:t!nt.-P6~et'8hcn<t'~) et ~ttchc pt'ubahtctncnt de ce chef de hotts
{tppotntcmcnts; de plus, il t'cdtge une colonne dcchcc:; dans un
df~ journaux politiques tcit pîu<( !<npot'ta<tttt de son p<tys. Steinitz
et Guttsbcrg gagnent de FMt'~cnt sm'tnut cutntne ~out'ntdtstcs.
tMuc~burnc ~te par tM séunces de jeu sans voir, et par les
scunccs des pMfttcs sunMttnncca qu'H donne constatntnent. On
nous tt afSrnt~ qu'une sca~ce sans voir lui ctHÏt payée 10 Hvt'cs
'`~
stct'ttng (250 ft'uncs~ et Mnc séance de parties s!tnu!tan<:cs de
t à 2 Hvrcs stct'ttng seutcntCHt.
Quant & ce que peut Mtpportct* t'cnjcu des pm'ttcs d'uchccs, un
shilling & Londres, un franc A Parts, c'est très M~atoh'c; en
définitive, sauf ccyttuns cas d'hHbUctc pcMMnncttc, de conduite,
ptutôt que de tatent, ht pt'ofesston de joueur d'uchecs est peu
îucrMttvc.
Ji
223 PSYCHOLOGIE CBS JOUEURS O'~CHBCS.

mains, tes Slaves, ÏesAngïo-Saxons, les Jui~s surtout,


nous ont iargement dépassés.
M.Preti a bien voulu dresser pour moi une liste
des céiébritcs échiquéennes et une liste des joueurs
d'échecs actuellement vivants; sur ces deux Hstes, q~,
nous repPoduÏ~RS cr~cowïrc~~ on trouve !'indication du v;
lieu de naissance, de la religion et de la race.

D'après cette liste, on compte dix-huit juifs sur ~Av


soixante-deux joueurs; parmi ces juifs une Moitié est
de la PoÏog'nCt l'autre de la Hongrie presque tous les
forts joueurs juifs sont des « professionnels », ce qui
montre bien le caractère sérieux de cette race. En
i! a pas de fait `:
Allemagne, n'y professionnel et,
les torts ~i
digne de remarque, joueurs sont presque
toujours des hommes dont la position sociale a exi~é
des études sérieuses; M. Berger est professeur,
M. Fritz est
magistrat, M. Gaetz, Alsacien, est doc-
teur en phiÏosophie, M. von der Lasa est ministre pîé~
nipotentiaire, M. Tarrasch est médecin. Les Germains
r:
étudient les échecs scientifiquement; c'est parmi eux

qu'on trouve ie plus grand nombre de joueurs de pré"*


m!êre force.
Les Anglais considèrent plutôt te jeu d'échecs comme
un délassement d'esprit ils n'en font pas une étude

approfondie, mais le pratiquent beaucoup; c'est la J


nation où ce jeu est te plus en honneur, et qui compte °
le plus de joueurs de force moyenne. Quant aux Latins,
ils scmbÏent voutoir prendre au pied de la lettre Ïa ::}
maxime d'après laquelle les échecs sont trop frivole~
pour une étude, et trop sérieux pour servir de délasse- A
ment.
â~~Prnt.

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LB MONDE DES ÉCHECS. 22~

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LE MONDE DES BCHECS. 228

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IS
226 t'SYCHOLOGÏE CES JOUEURS t)'RCHBCS.

Je voudrais maintenant essayer de présenter un por-


trait iidèÏc de joueur d'échecs.
Plus ou moins,
beaucoup de gens jouent aux échecs,
et le goût pour ce jeu ne me paraît être, chez î'ama-
teur, la marque d'aucune aptitude particuïière. Des

phi~sophes eon~mc Vohairë~ et Rôusscau~ aux


échecs. Vohah'e tuttait en adversaire maÏheureu~ contre
un abbc et Rousseau se mesurait contre PhiÏidor, qui,
dédaigneusement, lui faisait avantage de la tour. Stuart
MiU était un bon joueur; nustonen Buckte était un

joueur excédent, n y a même en des poètes ~ai se


sont intéresses aux combats de t'échicpucr. Musset (qui
t'eût dit?), Musset a inventé un problème. Devant tut,
un jour, au caf<~ on avait prétendu qu'il était impos-
sible de faire échec au roi avec deux cavaliers; il

partit, ruminant la question dans sa tête, et, le tende-


main, il en trouvait la solution) attachant son nom a
un problème qu'aujourd'hui tout le monde connaît le

problème des deux cavaliers.


Laissons là ces anecdotes et partons du fort joueur,
de celui qui porte au plus haut degré de perfection
tous les caractères de sa procession. D'abord, qu'est-ce
qu'un fort joueur? C'est celui qui possède une grande

puissance de combinaison. Le jeu d'échecs est une


bataille que deux adversaires se livrent sur un cchi-

quier de 64 cases, au moyen de deux armées qui se

composent chacune de 16 pièces; le but du jeu est de

s'emparer du roi de l'adversaire, de le faire w< Ce

qui donne à ce combat une grande complexité, c'est que

chaque pièce a une marche particuHcrc, et que le nombre


de combinaisons possibles est pratiquement indéfini.
LE MO~DB DES ÉCHECS. 23?

Quand un joueur est sur le point de déplacer une

pièce, il doit passer en revue, mentalement, tous les

coups possibles, et choisir le meilleure son choix fait,


il doit prévoir les ripostes possibles de son adver-

saire, et se rendre compte des mqd~cadons qui en


rt'sulteront pour la position sur l'echiquier~ l'avantage
appartient à celui qui a la faculté de prévoir le plus
de possible
coups et qui raisonne le mieux sur ces

prévisions. Les maîtres de l'echiquier, nous dit-on,


ne risquent jamais un mouvement sans de mûres
t'cuexions, et passent en revue jusqu'à quatre et cinq
cents coups.

Cetteanalyse sommaire laisse supposer qu'il existe


une analogie entre le jeu d'échecs et la science des cal-
culs; l'analogie me paraît réelle. J'ai demandé à un

~taud nombre de joueurs d'échecs de première force


des renseignements sur leurs aptitudes mathématiques;
la plupart environ dix sur douze m'ont répondu
qu'ils sont d'excellents calculateurs mentaux. Cette

réponse est assez significative; il est vraisemblable

qu'on n'en obtiendrait pas d'analogue en s'adressant à

U est ïmptM'tnnt de t'cm<tt'quet' que le plus fot't joucut' de


AUctnagn-c~ M. Tarfasch, ne se rcconna~ que des «pthndc~
t'~rt médtoct'cs
pouf le cutent montât et pour les mathcmuttquM.
n'y « dottc pas identité cntfc FMptîtudc MMcalcul et l'aptitude
.<nx cchcfs. n faudra dtt reste bien peu conno!trc lu vnt'tctc et
!.t cotttpîcxttc de ta vie p!!ych"!o~tque pour ct'on'c & l'identité de
K"! deux tendnttccs. Scuîctnettt, c'est un fuit digne de rcnun'quc
'('te presque tous mes correspondants Ne t'econMMissont des qMa-
lités pouf
tttcs irour Ies mutltumtttiqttcs. hI.
Jcs tnathonMtiqttcs. M. Gtjptz
Gc~etxest
est un
uo cxccî!cttt
exc;elIent caten~-
citlctrltt-
<n' de tctc; M. TttubctthaMS c<dcutc mtcux de tôtc que sut' te
paptct*; M. Mofiatt faîsa!t& douze ans des multiplications (le tète
<!c ptMS de sept cbtM'fcs; M.Ft'ttx se dit bon culcutMtcuf; M. Cun-
nock n rhubttudc p~fc~s!onnc!tc du catcui tncnttd; etc.
~28 MYCHOLOGtB DES JOUEURS B'ÉCHRCS.

d'autres catégories de personnes, et notamment aux ,i

peintres; ceux-ci se vantent trop souvent de ne pas ~ï:


savoir faire une addition pour qu'il n'y ait pas quelque `:`;
vérité dans leur Sére déclaration d'ignorance.
D'autre part, les mathématiciens se sont souvent
intéresses aux échecs, et i'on~ a constaté que, dan~
Tannée, c'est Fartiucrie, !a marine et le génie qui four-
nissent le plus grand nombre d'abonnés aux journaux
d'échecs; mais peu de mathématiciens éminents ont
été joueurs de première (brce.

Quelques grands mathématiciens ont écrit sur les f


échecs d'abord Euler, a qui l'on doit une théorie de
la marche du cavalier; mais je ne sache pas qu'il ait
été unfort joueur. De nos jours, un' Russe, le major

Jaenisch, a pubtié un Traité ~<?~ applications (le ~'<ï/M-

lyse w<ï~M<ï~Me au ycM f~ ~c/f~cs; cet ouvrage est, ë

parait-il, si savant, que peu de personnes sont capa-


bles de le lire. Le seul exemple d'un mathématicien qui
ait été
grand joueur est Anderssen, Fauteur de la
« Partie immortelle w c'est le cas typique, et il est à i.

peu près le seul.


On voit combien il serait difficile de faire Ïa synthèse
de ces différents documents; j'admets, pour ma part,
assez volontiers qu'il existe une analogie entre les

mathutuatiques,spéciaÏement entre le calcul mental et


les échecs, mais ce n'est point une identité
d'opéra- ?
tions mentales. M. Arnous de Rivière porte sur ta
question un jugement intéressant « Les échecs et 'j
les mathématiques, dit-il, sont des lignes paraHèîes. M
En d'autres tertHcs, ces deux genres d'étude ont un~ ?
direction cotumunc, ils supposent un même goût pour
LE MONDE DES ÉCHBC8. 229

des combinaisons à ta fois abstraites et précises, et


une forte dose de patience et d'attention.
Les femmes ne brillent point aux échecs; on cite une
dame qui a composé un probtôme; une autre, que l'on
~n~tQèpe en ee moment con~me ta~ meHt~upe jo<teu&e
de Paris, ne dépasse pas une force moyenne d'ama-

tcur; un professionnel lui ferait avantage de la tour


Le jeu d'échecs présente un second caractère dïs"'
nnct!~ qui manque aux mathématiques c'est qu'il est
un combat; les deux adversaires luttent l'un contre
Vautre d'intelligence, de sang-froid, de prudence et
d'adresse il y a dans une partie d'échecs tout ce que
!'on trouve à la guerre, les fausses manœuvres, les

U est dtMtcUc de mesurer exactement lit force des femmes


aux échecs, parce que leurs adversKtpes ne mettent pas en génc-
tat le même acharnement il tes combattre que s*!ts jouatcn~
tontrc des hommes, et aussi parce que les femmes ne jouent
potnt dans les tournois.
On peut remarquer cependant que les femmes n'ont jamais
bt'tUe aux échecs. En France, on ne rencontre de dames cu!t<vant
<'c jeu que dans la haute aristocratie du faubourg 8a!nt-Gcf"
matn en An~tetcrrc, cttes sont plus nombreuses, et de qudqucs-
ttncs on peut dire qu'elles jouent <tM c échecs et non pas avec
«'AcM Des femmes, des filles d'amateurs Hvrent entre cttes
des combats par correspondance. Une fois par an, on ot'ganïsc
an tourne! spécial pour le beau sexe. A Br'guton, raa dernier,
il y a cu un tournoi de dames, et Mme Ladov!ct a gagné par
des parties très bien jouées. Aux Etats-Unts, il y a egntcmcnt
des joueuses d'échecs. On a c!t6 dans ~ra~M une dame qui,
t~n jouant par correspondance, a annonce un mat en 35 coups;
seulement il est dttucne d'affirmer qu'cUc n'a pas et6 atdec.
En tout cas~ aucune dame n'a acquis une notortéte compa-
rabte au moïns eétebrc des mattres modernes, et on petit être
< onva!ncu qu'!t n'existe pas dans le monde entier une dame M
taqueUe Stc!mtx ne pourrait t'cndfe un cavaHcr ou même ta
tour, ce qui correspond a un degré de 4" à 5" force.

Ce mot cet do M. Preti.


sso PSYCHOLOGIE DES JOUEURS t)'ÉCHBC8.

embuscades, tes ruses, les menaces, les charges à ~on<!


de train le joucut* heureux possède, je ne dirai pas
des quaHtés guerrières, mais une certaine aptitude
pour le combat des idées, et en somme autant de qua"
lités morales que de qualités intellectuelles. Ajoutons
aussi ïa vtgueur ~by~que. Le joue première
force a besoin d'un tempérament vigoureux, pour ;v'

pouvoir lutter dans les tournois, qui sont souvent


d'une longueur interminable. Ennn, une dermère qua.
lité, c'est la jeunesse. On donne de v!ngt-cïnq à qua- ¡:
rante ans son maximum de force; à partir de cet ége,
il est rare que le jeu se perfectionner le contraire, Ÿ;
4.
sauf exceptions, paraît être la rcgtc..
Vouàïes qualités des joueurs d'échecs. Quanta leurs
défauts, ils se résument en un seul, la vanité c'est
une vanité énorme et naïve, égale a ceue des comédiens,
et peut-être supérieure. Sur leur manière de se corn"

porter devant l'échiquier, nous avons recueilli les ren-

seignements suivants, puîsés à des sources diverses


« D'une manière générale, pendant le cours de la par-
tie, les maîtres sont impassibles et ce n'est que lorsque
la lutte est finie que le caractère se fait voir. M. A.,

par exemple, lorsqu'il a perdu une partïe sérieuse;


est accablé il avait un violent mal de tête, il était
malade avant de jouer. Si au contraire il a gagné,
c'est une grande exaltation pendant Ïongtcmps il

parle a tout le monde partie de aviez


cette « Si vous
<tvu comme je !'at tortillé, au i0" coup il ne pouvait
« plus bouger, t! a joué comme un enfant. R,dtt-n. A

part quelques natures mieux trempées, comme Stcmitz,


c'est le type ordinaire des joueurs d'échecs. On nous a
LB MONDE DES ÉCHECS. 3M

raconté que pendant le match Harwitx-Morphy, après


les premières parties gagnées parHarwlt!s, celui-ci ne

pouvait contenir sa joie; il riait en allant et venant


dans le café de la Régence et en se frottant les -mains;
mais lorsqu'il eut perdu quelques parties, il fut si
anéanti qu'il tomba malade et refusa de terminer le
tnatch. Sa défaite lui a été si sensible, qu'il a presque
immédiatement abandonné les échecs, dont il avait fait

jusque-là sa profession. Morphy était impassible aussi


bien dans la défaite que dans la victoire c'était du reste
nne nature tout à fait indolente.
? M. B., s'il
a gagné, montre sa partie à tout le monde,
met en évidence toutes les beautés et, naturellement,
par l'analyse qu'il en a faite, trouve des combinaisons

qu'il n'a pas soupçonnées en jouant la partie, mais

qu'il présente tout de même comme les ayant prévues.


S*i! montre la partie lorsqu'il a perdu, c'est pour
démontrer qu'à un moment donné il avait une position
gagnée et qu'à un certain coup il a fait une faute
« Comprenez-vous, dit-il, qu'un joueur comme moi
« puisse commettre une pareilte erreur c'est incroya'-
« blé! un moment d'aberration! C'est le hasard des
« échecs et je n'ai
pas de chance. »
<t M. C., après une partie perdue, est grincheux; je
l'ai vu presque insolent avec son adversaire.
« Sur M. D. il est difficile
de se prononcer, car il n'a

joué que très peu de parties sérieuses, au café de X.


U les a gagnées par sa science, ce dont il ne veut pas
convenir. J'appelle science l'application de combinai-
sons connues à des positions similaires, travail dont le

principal moteur est la mémoire. Je le crois d'un carac-


3$2 P8YCHOÏ<06!B DES JOUEURS D'ÉCHMS.

tère très h'rïtabïe s't! perdait. Du reste, au whist c'est


un joueur trcs désagréabte; il trouve
toujours, p&rtois a
en termes désobligeants, que son partner a mat joue. »
L'ensemble de qualités intellectuelles qui font Ïc
grand joueur peut être inné, et se développer de
bonne heure, avant toute étude sérieuse. Le ptus bd

exemple de précocité qu'on puisse citer est celui du


céïêbre Pau! Morphy; c'étatt un Américain de la Nou-
veUe-Orteans. A Fage de douze ans, il gagnait tous
les forts joueurs de son entourage. En 1858, âgé de.

vingt ans, après avoir subi avec succès des examens


de droit, il vint en Europe, où il battit les pïus forts
joueurs, en faisant preuve d'une supériorité écrasante.
On le considère comme le Mozart des échecs; en euet,
il a vaincu des joueurs qui avaient plus de vingt ans
de pratique, lui qui n'a pas connu les longues et p~ni-
bles études auxquelles les maitres de notre temps sont
obligés de se soumettre. La plupart des joueurs aiïe-
mands céÏëbres ont débuté sur les bancs du collège.
Le docteur Tarrasch, le champion actuc! de rAUc-

magne, qui n'a encore que trente ans, a commencé a

jouer aucollège. Ncumann, autre


joueur, ~rt
mort

aujourd'hui, a raconté à M. Prcti père qu'au coÏÏége,


tout en suivant les explications de ses professeurs, il

jouait une ou deux parties sans voir avec ses camarades;


it écrivait les coups sur un bout de papier, qu'il passait
à ses voisins, et ceux-ci lui renvoyaient la réponse de
la même manière.
Passons aux Français. Môme précocité encore chez
La Bourdonnais, le plus grand joueur que la France
ait produite Son père, gouverneur de la Guadeloupe,
LE MOKDE DB8 ÉCHECS. 233

l'avait envoyé à Paris pour ses éludes; le jeune


homme, au lieu de suivre les cours, fréquenta le ca<é
Je la agence et devint bientôt sans rival. C'est à dix-
huit ans que Phitidor jouait sans voir. M. Moriau, un
Français établi à JLandres~quL est te aetueUement

champion du Ctty of tendon Chcss Ctub, nous cent

qu'H a débuté aux échecs à onxc ans. M. Gœtx nous

apprend qu'il a débuté vers le même âge. ïncontcsta-


hïcmcnt, ce sont de beaux
exemptes de précocïté, bien

que cette précocité ne puisse être nullement comparée


a ceUc des mathématiciens tels que Gauss et Ampère,

qui, dtt-on, ont commencé a calculer entre trois et

cinq ans. Le dévetoppement plus tardif de l'aptitude


aux échecs tient en partie a des circonstances parttcu-
Hcrcs, telles que la nécessîté d'apprendre des règles

<omp!excs~ ou de posséder un jeu d'cchccs~ etc. il n'en


est pas moins vrai que certams individus pnvîtégtcs
arrivent, presque sans études, à être de première force,
ce qui indique un véritable don de nature.
L'action de rhérédtté n'a pas encore pu être con-
statée nettement dans le monde des échecs on ne con-
naît point de famées de
joueurs comparables aux
familles célèbres de musiciens ou de savants les

grands joueurs du siècle n'ont point laissé leur talent a


leurs descendants.

Quant aux matadtcs auxquelles les joueurs sont

sujets, eUes n'offrent rien de particulier; on n'en cite


que deux qui soient devenus fous, Morphy et Neumann.
Pour Morphy, on ne saurait accuser les échecs de lui
avoir fatt perdre la raison. Son père possédait de

grandes propnétcs dont l'exploitation se faisait par


~1

234 PSYCHOLOGIE DES JOUEURS D'ÉCHECS.

des esclaves~ & la suite de


ta guerre de Sécession,

lorsque la Hberté des esclaves eut été proc!amée, les


domaines de Morphy furent liquidés avec de très

grandes pertes; ce fut la ruine. Morphy aurait pu faci-


tement tirer profit de sa réputation et de son taïent
aux éctiaespoup gagner desr sommes consititérabÏes,
mais il ne le voulut pas; aux Etats-Unis, on considérait
alors le gwM~cr, c'est-à-dire celui qui joue pour de

l'argent, comme un homme méprisable. Il y avait plu-


sieurs années que Morphy ne jouait plus quand il
devint fou.
Zukertort, un très fort joueur, le seul qui ait conduit
simultanément seize parties sans voir, est mort à qua-

rante-cinq ans d'une congestion cérébrale qui le frappa


devant l'échiquier. Cependant ta partie qu'il jouait
n'était pas sérieuse; son adversaire était un amateur
faible, à qui il faisait avantage. Deux ou trois ans avant
sa mort, Xukcrtort avait perdu un match contre Stei-

nitx, alors qu'it se croyait sûr de la victoire. Cette


défaite l'avait profondément affecte, et a partir de ce
moment on le vit décimer peu à peu.
A part ces quelques exceptions, t'immense majorité
des joueurs, même des forts, est soumise à la règle
commune; on rencontre parmi eux de robustes consti-
tutions et de beaux cas de longévité.
CHAPITRE ÏH

LE JEU A L'AVEUGLE.

Le jeu sans voir a son histoire de vieux livres


racontent que les Arabes y ont cxceHé; mais c'est
Phindor, le compositeur de musique bien connu, qui
est Ïc vcritaMe initiateur de ce genre de sport. Vers la
fin du siècle dernier, en 1783, il joua à Saint James
Chess CÏub deux parties sans voir et une partie en

voyant. Ce tour de force de mémoire souleva t'enthou-


siasme des
contemporains, et fut enregistré par FËn"
cycïopédie. ï! ne fut recommencé que longtemps après.
La Bourdonnais s'y essaya, mais ce jeu ie fatiguait

horribÏement; Kiezeritxky montra quelques bri!!antes

aptitudes. En i859, Paui Morphy vint en Europe et

joua à trois reprises, à Manchester, à Londres et a

1. Nous empruntons queÏque~uns des détails qui suivent A un


articte de M. Bh'd duns !c /M~A CAc~ ~~<Mc; les autres
rcnsetg'ttcments nous ont été foMmis en partie par MM. G<ctx et
I'roti, Pour
ï~'cii. l'uE»· Mvuip
avoir ün
Mnhistot'tqucptus c·.oruület,t!il fuut
hixtoriqerepltt~ comptet, faut I!t'e
lire untut an't!<'t(;
nt·tïc·.l~
t<jut t'éccMt et très bien !nf&t'm<*de M. Bctt~nc dans ht Ac~Kc
<'Mc~e~c<K€ da t~~avril 18~3.
y
236 PSYCHOLOGIE DES JOUBUR8 D'ÉCHECS.

Paris, huit
parties simultanées sans échiquier~ U !es
toutes. On a conservé le procès-verbal
gagna presque
de ces parties ce sont, à ce qu'on assure, de vérita-
bles modéïes de profondeur et d'élégance, qui restent
un sujet d'admiration pour !es connaisseurs. A jpeu
présve?stam@MC~)oque,P~ en Amérique
dix parties sans voir; et a Londres, en 1861, à Simp-
son's Divan, il en joua douze. Le nombre de parties
le plus é~cvé apparttent au médeetn Zukertort, qui, le
21 décembre 1876, a Saint George's Chess Club, &

Londres, lutta, le dos tourné, contre seize adver-


satrcs.
Tousces grands joueurs d'échecs sont morts a~oor-
d*hu~ mais ils ont eu des successeurs qui possèdent
la même faculté merveilleuse, et ces derniers sont si
nombreux qu'on doit renoncer à les compter. On admet

généralement dans le monde des joueurs que tout ama-


teur de première force peut jouer sans échiquier au
moins une partie. Cela se comprend d'autant mieux

que, pour jouer avec FJchiquier sous les yeux, il faut


cela semble extraordinaire jouer sans voir.
a L'amateur qui dresse un plan dans sa tête, écrit
Selkirk, un auteur estimé, est oMigc de se représenter
les positions des pièces après quelques coups sup-
poses; à ce moment, la vue de Fechiquier ne servirait

qu'à FembrouiUer. Cette observation nous parait


très juste et elle nous a été présentée spontanément
par un grand nombre de nos correspondants. a Tout
le jeu d'échecs, nous écrit le docteur Tarrasch, se
fait en parue sans voir. Toute combinaison de cinq

coups, par exemple, s'exécute mentalement, avec ta


LE JEU A L'AVEUGLE. 837

scutc différence que l'on a t'cchtqmer devant sot. Les

{uèces qu'on regarde gênent bien souvent les calculs. ?


H faut cependant ne pas exagérer t'tmpOFtancc de ce

t'approchement. Dans le jeu devant t'echtquier, on n'a


a se représenter que la position future, tandis que
<îms ïe jeu sans voîr~~ gc rèprcsen~er a ïa foîs ïa
;<o8ttton présente et la posïtton future, chose d'autant

plus difficile que le futur n'est qu'une modification du

présent. Quoi qu'il en soit, la principale difficulté du

jeu sans vo!r réside dans le nombre des


parties qu'il
faut mener simultanément sans les confondre. Quand
ce nombre est de 6, de 8 et même de 10, l'effort & ~nre

ex!ge une amplitude de mémotre qui reste toujours le

pt'n'uège d'un petit nombre. Parmi les joueurs vivants,


Ïes plus célèbres sont MM. Bîackburne~ Fritz, Goctx,
Rosenthal, Tarrasch, Tschtgor!ne~ etc.
Existe-t-il une relation exacte, mathémattque, entre
ïa force de combinaison pour tes échecs et le déve-

loppement de la mémotfe ? En d'autres termes, les

L J'admets ici implicitement que le jctt sons voir t'cposc, en


partie aM nto!n!<~ sttf in tncmoh'c. Cette proposition est si évi-
(tentequ'cHc peut se passer de démonstration. Dans te q~esHon*
natfc, j'avaïs Htttré l'attention des joueurs sans voir sut* ce point.
La question posée était Avcz~ous une bonne mémoire ? Les
reptWitca obtenues me parKtsscnt si confuses, q«c je ne puis rien
et) tirer. Très pfobHhiemcnt il est dif6ctÏcpout' une personne qui
n'est po!nt psych<oguc d'analyser an mcntott'c et surtout den
mesurer l'étendue. L'impression d'ensembto qui se dc~a~c, c'est
qttc tes g~ftmdtt joueurs satts voir ont, m~mc pot!t* ce qui n'est
pas les écbccs, une mémoire très dévetoppcc, et sMpcficnfC u la
commune mesure. Beaucoup se vantent de pouvoir l'éciter par
ctfUtt' un tpcs gftMtd nombre de vers. J ttJoutcfMt que pÏUNtoupa
ont obscfvc qu'ï~ oublient avec une dcptufMbtc facilité tes cv6'
ttcïttcnts sons hnpoftancû; l'un d'eux se ptaint d'oublier souvent
h< clef de 8M Mtnt~oM, et cependant c'est un de ceux qui peuvent
338 PSYCHOLOCtE BB8 JOUEURS D'JÉCHRCS.

joueurs les plus Ports sont-ils ceux qui peuvent mener


à FavcugÏe le plus grand nombre de parties? Je sou-
Ïève, en passant, cette question, parce qu'eue a été
souvent posée en psychologie, sous une forme un peu
dtnerente on s'est demande quelle relation existe
entre ïa ntcmqiree~i'mteUtgenc~ ou entre îarne~moÏrc
et Ïe jugement.
Conçu dans ces termes
généraux et vagues, !e pro-
bÏètne échappe'à toute solution prectse, et chacun peut
y répondre à son gre~ les uns, pour montrer à quel

point la încmotre est indépendante du jugement, cite-


ront des idiots
c~uï, tncapaMes de se nout'r!r seuÏs, ont

parfois une ïnentoh'c étonnante, rccttent sans faute la


liste des papes ou rcpètcnt, sans oublier un mot, une

page qu'on leur a lue une seule fois; en faveur de ropt-


nion inverse, d'autres personnes invoqueront la !uo-

graphïe de quelques hommes ëmînents, comme Victot'

Hugo, dont la mémoire était si puissante, qu'elle con-


servaït non seulement les faits importants, mais tes
tnctdents tes plus frivoles. En rcatth', aucun de ces

exemples n'est convaincant ce sont des documents

incomplets et disparates, dont on ne peut t!rer que des


conclusions contradictoires. Si ron* veut savoir bten
exactement dans quetÏe mesure une grande intelligence
suppose une grande mémoire, il faut ctud!er des groupes
d'individus du même genre chez lesquels l'intelligence
varie d'ampHtude, en cherchant en même temps quelles
sont les modifications correspondantes de la mémoh'e.

jouer pcndtmt quinze jom's de suite des scuMccs de six partîcs K


l'aveugle. Ce ne «ont pomt !A A pMpt'cmen~ parler des ÏMeuncs
de lu tnéntMrc, mais ptutût dcN dtstt'ttctïct~.
LE JBU A L'AVEUGLE. 239

L'étude des joueurs d'échecs satisfait à cette pre-


<tnere condition; de plus, cette étude n'est point arrêtée

par une difficulté que l'on rencontrerait nécessaire-


tncnt si Fon soumettait à la même anaïyse des hommes
<tc génie, choisis les savants et les artistes.
parmi Pour
<es derniers, i! paraît assez dimcite, presque impos-
sthte, de mesurer le degré de l'intelligence; les mani-
festations de leur génie sont si variées, et en m6me

temps dépendent si étroitement de circonstances acci-


(lentelles, qu'on ne peut pas les réduire à une commune
tncsure, et la précision qu'on voudrait y mettre serait
)ttï trompe-rcei!. Malgré l'abus que la rhétorique a fait
tics parallèles, qui pensera à comparer Victor Hugo et
Napoléon ? Et même si Fon prend des hommes appar-
tenant a la même catégorie, ne sera-t-il pas embarras-
sant souvent de comparer l'intelligence stratégique de
(!cux généraux qui se sont trouvés aux prises avec des
ch'constances absolument différentes? Pareille dif8-
cutté ne se présente pas pour les joueurs d'échecs

l'échiquier donne leur mesure exacte; t'échiquier est


comme un champ de bataille idéal, où le hasard ne

prend aucune ptace, car la lutte ne se poursuit qu'entre


des idées, dont les pièces sont les signes matériels.
On connaît aujourd'hui la force de tous les joueurs

qui ont joué en public et dont les parties ont été impri-
mées. Chacun a son nom sur une cote, qui n'est écrite
nn!ie part, mais que tous les connaisseurs ont dans la
mémoire. Pour à quel
montrer point les idées sont

précises, nous rappellerons la classification que l'on


fait habitueHement entre les joueurs.
Sont considérés comme de première force ceux qui
2M PSYCHOLOGÏiS DES JO~BUMS D*BCHBCS.

luttent à égalité contre ies plus forts; un joueur lutte


a égalité ou à but, quand on ne lui fait aucun avantage,
et on ne lui en fait aucun parce que le moindre de
ceux qu'on lui concéderait lui assurerait infaillible-
ment la victoire. Les joueurs de première tbrce, évi-
demment~ ne sont tous de Jomeégatef nous res-
sayerons pas d'etabïirune hiérarchie entre eux, pour
ne pas froisser inutilement leur amour-propre; disons
seulement que, du consentement de tous, on place au

premier rang un Américain, M. Steinitz, qui tient


depuis vingt-cinq ans le sceptre des échecs et auquèl
on a donne le beau titre de champion du monde.
Les jouéurs de seconde force sont ceux auxquels les

joueurs de première force rendent un pion et accor-


dent !e trait, c'est-à-dire la faculté déjouer le premier;
et Ï'on caractérise de même
les joueurs de troisième,

quatrième et cinquième force, suivant qu'on Ïeur rend


la tour, le cavalier ou la dame
Ces différences de force entre les joueurs tiennent

1. Les auteurs allemands ont chc~cb~ & oxpt'MnM en ch!<ft'ea


la valeur de chaque joueur. en se fondant sur le nombre de
pMrUcs gagnées, perdues et nulles qui lui ont cte attptbuéc~ dons
les toMpno!$. Le& t'ésuttata auxquels ils &ont arrivés par cette
méthode ne peuvent ~tt'c cûKMtdct'cs comme rigoureux, porec
q<tc tous les tom'no!s ne sont pas cqutvatotts il est clair que
les tournois auxquels des hommes t'onmm Steinitz, Tschî~nnc,
ont pris part ont une impot'tancc bcauctmp ptua grande que
ceux oit ces ~t'ands joueurs se sont abstenus. Apres avoir fait
ces t'éscrvcs, nous donnons. d'après te j&cM<fA~ ~cAc~c~cA
(~ juillet 1893), que M. Prêt! Mbien voulu noMNcomttmmquer, un
aperçu de ce tMVKtï parmi ceux qui ont joué phts de 300 par-
tics, on place en prûmtcrc ligne ~«c~cns<c, q<tt en a gagné 67,3
par 100, pttts ~<t<'A~Mrfte, clui en a 65,3. hu'ïnï cctt~ qui ont
j~ué plus de 15Û parties, tes deux prenners sont Stcinttx (73,8)
et Xukcrtort (65,8).
LB JEU A L'AVEUGLB. 2M

moins, m'assurc-t'on, à l'influence de l'exercice qu'à


l'inégalité des intelligenccs. La maîtrise aux échecs est
nn don de nature. Sans doute tout le monde peut
apprendre les échecs; toute personne intelligente et

appHquce pcuj~ amycr à joue!' convenablement que!-


(lues-uns seulement sont marqués pour devenir de

première force; on devient bon joueur; on naît joueur


de première force. C'est
que chaquesi vraipersonne,
après avoir atteint par la pratique et l'étude un certain

degré de force, ne dépasse p!us guère ce degré; c'est


!a limite naturelte de son esprit. Prenons des exemples
octobres voici MM. Btackburne et
Steinitz, deux

grands maîtres. Depuis vingt ans, ils se sont bien sou-


vent mesurés ensemble toujours M. Steinitz a eu le
dessus; sur une dizaine de parties jouées, M. Steinitz
a toujours gagne la majorité, au moins six. La con-
stance de cette supériorité est d'autant plus curieuse

que t'inéga!ité de deux joueurs de ce genre est extrê-


mement petite c'est une nuance; si M. Steinitz faisait
le moindre avantage à son adversaire, f6t*ce d'un pion,
il. serait sûr d'être battu.
Ces distinctions étant établies, il nous sera facile de
rechercher si le nombre parties des
jouées sans voir
présente quelque relation avec la force du joueur. Deux

propositions nous paraissent résumer assez fidèlement


les faits que nous avons recueillis.
D'une part, il est à peu près certain que tous les pro-
fessionnels et amateurs forts sont capables de jouer
sans voir, au moins une partie. U existe donc une
relation directe entre la mémoire du joueur et sa
force de combinatson; on ne saurait du reste s'en
16
242 PSYCHOLOGIE M8 JOUEURS D~CHBCS.

étonner, puisque même devantt'échiquier on joue dans


une large mesure sans voir et que les combinaisons se
font de tête.
D'autre
part, et cette seconde proposition corrige
un peu t'CHCt de la première, il n'existe aucune pro-
portion ~xaete~ntr~ te nombre des parties jouées de
mémoire et la force du joueur. Sur ce point, tes témoi-

gnages abondent. M. Steinitz, dont nous venons de


citer le nom, et qui est le premier joueur de notre épo-

que, n'a jamais joué que quatre parties sans voir, .ce

qui est un assez médiocre tour de force de mémoire

pour lui; des adversaires qu'il battrait avec (acitite lui


sont bien supérieurs à ce point de vue.
Un jeune magis-
trat d'Auemagne, M. Fritz, qui a joué sans voir jus-
que treize parties, n'est pas de ta force de M. Steinitz.
M. Bird, joueur anglais, qui depuis plus de qua-
rante ans tient tête d'une manière honorable aux plus
célèbres n'a jamais
joueurs, fait ou laissé publier une

partie sans voir.


M. Gunsberg, qui a joué vingt-quatre
parties & la fois contre de très forts adversaires en
moins de deux heures, les trois cents premiers coups
occupant trente minutes, et qui dans ces circon-
stances a gagné presque toutes les parties d'une manière
correcte et souvent brillante, est loin de conserver tes
mêmes qualités dans le jeu sans voir.
Ainsi se trouve éclaircie une question importante.
y a certainement, dans la plupart des cas, une coïnci-
dence entre la mémoire nécessaire pour te jeu d'échecs
et la puissance de combinaison; la pïupart des forts

joueurs peuvent jouer sans voir; mais cette rotation


entre les deux facultés n'est point nécessaire; ta règle
LB JBU A L'AVEUCLE. 243

nous l'avons montrée de nombreuses excep-


~)scco(Ïï'e,
tions et en outre, H n'existe aucune relatton ppopor-
<innneUe entre ïe nombre des papttes jouées sans voir
et h tbrce de caÏcuL Cette dernïct'e observation, Ïa pïus
on
hnportante de toutes, montre comb!en auratt tort

<!<'chercher en psychoîogïe à étab!!r dans tes reiattons


des dï verses facuïtes ta rïgueuf des proporttons mathé-

tM<<t!ques.
CHAPITRE ÏV

LES SÉANCES.

Nous avons assïsté


a pïus!eurs séances de jeu sans t
voh'~ M. RosenthaÏ a donné, !e 23 fé\r!er 1~3, une 'i
séance de huit parties au Grand CercÏc des Kchccs de
Pans.
Plus récemment, !e 26 nrtars 18~3, M. Gœtz a donne
au Cerctc arUsttque de Ïa !'ue Vo!ncy une séance de
<Hx parties. La séance s'est tet'mtnée par C parttes r
gagnées, 3 nuHes eL 1 perdue. M. Gœtx a joué sans
aucune tntcrruption de trois heures à sept heures du
sotr, et pendant ces quatre heures H a fa!t sur certa!n$
écht~Utcrs de 25 a 30 et sur d'autres de 20 a
22 coups, 7 part!es cta!cnt tcrn)!nées. A Ïa repnse,
qu! a eu Ïtcu à neuf heures~ M. Gœtx a rappelé tons
les coups joues, ce qui était un cttbrt de mémoh'e tr<
sértcux, car toMtes les part!cs étaïent sorties de ta
période connue du début.
Votct comment ces séances sont organisées. Le fort
joueur est assis ïo!n des échiqu~ers. Une personne de
LRS SÉANCES. 345
34&

bonne votonte, sorte de maître des cérémonies va

à Fautre, et dit au «
d'un cchiquier joueur L'échiquier

t~ tel & La
joue coup, que répondez-vous réponse

donnée, on a n" 2, on recommence la


passe l'échiquier

et toute
question l&mponse~ et ams~ de suite pour

f sct'ic des on revient au n"l. Jouer


échiquiers; puis

consiste donc à
~mtultanement pÏusteurs parties passer

à d'une *a l'autre.
~ucccsstvement chaque coup partïe

au îa a iaîssée sur
Pour rappeler joueur position qu'il

on lui donne deux indications, te


chaque cchtquier,

de et te dernier de i'adver'-
numéro rcduquter coup

sah'e.

Le autour des tables, $uH îe


public, répandu rap-

dans sa d'un à Fautre


tour promenade echÏquter

mieux se rendre de
f~tetques personnes, pour compte

ht marche d'une se d'une manière


partie, groupent

durable autour d'un Ces Mdeîes ne


cchtqutcr. manquent

de causer avec Fadversatre du sans voir,


pas joueur

? d'cmcttre des et de lui donner même des


opmions,

ces conseils ta force de


peuvent augmenter

rés{stancc d*un médiocre; Ïe sans voir


joueur joueur

ne lutte donc dans ce contre un adversaire


J pas, cas,

mais contre adversaires réunis en


unique~ plusieurs

<onsuttat!on.

h Cette n'a en Ftattce d'~Mtye ~h'c


)1 personne pas reçu pat't!-
!t!!cr cetMt de on te
que en An~tetct't'e, l'appcHe
~c//<'r. ït est tt'cs !mpot'tMttt (t'avait*, ~fMnces de jeu sans
po<n' Ica
«tt bfKt tet!c< <t ht vo!x t'hut'c et btcn M)t't!<'u!c< aHn qu'on

le compt'cnth'e a~Hs cH'tx't; tui «t'ttctttc m«t, on


peut~

p!pn<h'e Mn un Mutrc de ht des ct'rctu's alors


coap pom' quî,
mmm aont recHaces scuMcc tu!aaent
~u'eUcît tenante, quelque
'«en ti~<t<!e dans du
!'cspt'it joueur.
24C PSYCHOLOGIE DES JOUBUKS D'ÉCHECS.

està remarquer que le joueur sans voir a moins


de temps pour combiner ses coups que son adversaire
le voyant. On accorde à ce dernier un assez long
loisir~ car il ne déclare le coup auquel il se résout que

lorsque le joueur sans voir revient à son échiquicr;

amsi, dan~s une séanee dis dix par l'adversaire


refïëchit et combine pendant tout le temps que le
joueur sans voir prend à tutter contre les neuf autres

personnes.
En revanche, ce qui aide un peu !ejoueur sans voir,
c'est qu~on lui énonce le dernier coup de l'adversaire;
c'est une indication qui le met sur la voie et lui apprend
de quoi il est question. Si on demandait simplement
au joueur « Que faites-vous à t'cchiquier 4 ? ? il aurait

beaucoup plus de peine à reconstituer la position que


lorsqu'on lui donne le dernier coup de son adversaire.
Ce sont les adversaires voyants qui sont chargés de
noter les coups, a mesure, sur un morceau de papier,

qui sert de procès-verbal. Ce procès-verbal est fort


utile, et on y a souvent recours pour mettre un terme à

quelque contestation sur la position d'une pièce. Ces


contestations sont d'autant plus fréquentes que les

personnes qui entourent les échiquiers dérangent


parfois les pièces, soit par mcgardc, d'un coup de
coude, soit en proposant au joueur une combinaison,

qu'on lui fait mieux comprendre par un déptacement


réel des pièces sur l'échiquier. Parfois on oublie de
remettre exactement tes choses
en état, ce qui amène
des troubles dans la suite du jeu le joueur sans voir,

qui ne se doute pas de ces irrégularités, commande,


par exempte, des coups qui sont rendus impossibles
t,B8 SEANCES. 247

fautif des pièces; de là des contes-


par l'arrangement
tations, parfois des réflexions aigres; on recourt au

procès-vcrbat pour mettre fin au confïit. Ces incidents


sont fréquents. M. Moriau nous en cite un exempte

cu~eux.

Il y a queïqucs années, Btackburne, jouant plusieurs


parties à la fois, commanda un certain coup, et le rap-

portcur lui dit que le coup était !mpossibïe, une pièce


noh'e étant ~e <t' c'est-à-dire barrant le passage.
DÏackburn rcHechït pendant quelques secondes, et dit
« H n'y a point de pièce barrant le passage ». Le rap-

porteur lui repondit « Si, il y a un cvêque noir, » et


BÏackburne de reprendre « n n'y a point d'évoqué
ttoir à cet endroit ». Alors Blackburne rappela la partie

par la fin, et il se trouva que le joueur et queÏques


{unis qui t'aidaient avaient analysé la partie en dépïa"
oant les pièces, et avaient oublié de faire retracer les

pas de Fcvcque noir.


Ces incidents, je le répète, sont si fréquents, qu'ils
ne font défaut dans presque aucune séance je crois
même
que, s'ils faisaient défaut, quelque ami du grand

joueur sans voir aurait l'esprit de les provoquer exprès,


ann d'assurer à ce dernier un succès facile. Le public
ne reste pas indifférent devant ces contestations; et il
est porte à adfnircr et à applaudir. On entend dans ce
cas tout le monde faire la réflexion suivante « M. un
têt, ne voit pas
qui les échiquiers, se rend mieux

compte de la position que M. un tel qui les regarde


L~annonce des coups se fait au moyen de termes
conventionnels auxquels on donne le nom de Mof<~t<w&.
Ïï y a deux notations principales, raUemande et la
248 PSYCHOLOGtB DBS JOUMK8 D'ÉCHËCB.

française. La notation chacune


française
désigne des

huit rangées de cases par le nom de la pièce qui l'oc-


cupe réguïtérement au commencement du jeu; et la
case de chaque rangée est indiquée par son numéro
d'ordre. Ainsi, 4 F R veut dire la quatrième case
de ia pangce dont la p~mtère~ ~~e csf par
Ïe fou du rot. 2 T D veut dire !a deuxième case de Ïa

rangée dont la première est


occupée par la tour de
la dame. Pour annoncer que le pion du fou de la damo
va, par exempïe, à l'une de ces cases, on dit « Pion
fou dame, case 4 fou roi a. C'est la notation dont
on se sert non seulement en France, mais en Ang!e-
terre, en Espagne, en Italie, en Amérique. Elle

présente, ce me semble, le défaut suivant c'est qu'une


même case porte deux noms di~ercnts suivant qu'on
l'envisage du côté des btancs ou du côte des noirs.
Ainsi la case qui, du côté des blancs, porte le nom
de 4 dame, porte celui de 5 dame si on la compte du
côte des noirs.
La notation allemande, qui est également en usage
en Prusse, en Sucde~ en Norvège, en Danemark et
dans les Pays-Bas, est fondée sur un principe un peu
différent. Les t'angees de cases sont désignées par les
lettres de FaÏphabet, A, B, C, D, E, F, G, M, à partir
de la droite, prise du côté des b!ancs~ et également à

partir des blancs, les cases de chaque rangée reçoivent


leur numéro d'ordre. Cette nomencÏature, dite algé-

brique, n'impose qu'un seul nom à chaque case. Ainsi


D 5 désigne la case qui, du côté des btancs, dans la
nomenclature française, s'appeHc 5 roi, et du côté des
noirs, 4 roi. Cela évite des confusions.
LES SÉANCES. 2M

La notation anemande a aussi


l'avantage d'indiquer
non seulement la case où une pièce est portée, mais la
case que cette pièce quitte; ainsi, dans !a notation

a!!emandCt on ne dit pas seulement Tour 3 dame,

ce qui signine que cette tour est ptacéc sut' la case


les mots 3 dame; on dit Tour de
désignée par
5 dame à la casepar conséquent, 3 dame
le joueur
sans voir apprend à la fois où va la tour et d'où elle
vient, comme M. Hcydcbrand, von der Lasa me t'a Ïaj~

remarquer, cette notation doubb est un grand seco

pour la tnémoh'e. /~f/


La difficulté du proMème à résoudre par la mémotrcj
d'un nombre de circonstances · la
dépend grand
durée de la séance, le nombre des parties, la
io!rc~
des adversaires. Disons un mot de ces différen

points.
D~'cc ~c~ ~~Kc&'s. La durée des séances est assez
variabte. général, Enune séance de huit parties,
conduite jusqu'à la fin, dure de cinq à six heures. Ce

temps comprend deux choses le rappel de la posi-


tion et la combinaison des coups nouveaux; en d'au-
tres termes, la part de la mémoire et celle du raison.
nement. Dans les séances de parties simultanées,
où un joueur lutte contre plusieurs adversaires en

regardant chaque échiquier, l'exécution de 30 parties


dure seulement de quatre à cinq heures. On voit que
les séances
de jeu sans voir sont beaucoup plus Ïon-
gues, ce qui tient à la lcnteur de la mémoire et a son
infériorité sur la perception visuelle de réchiquicr.
J'airetBarqué, dans tes séances auxquelles j'ai assisté,
qu'H se produit une perte de temps bien appréciable au
MYCHOLOGtE ORS ~OUËUK9 n~CHBCS.

moment où ron dit au joueur le dernier coup de s~j~


adversaire.
J'ai entendu à ce moment M. Gœtx, par exempte,~
murmurer à voix basse « Je ne comprends pas'~
Qu'est-ce que cela veut dire? » Puis au bout de que!

ques secondes d'hésit&tion, ta~ ~~ttïdn de Ya partie ~c ?~.


dessine et tout devient clair. Un grand nombre de mes

correspondants m'ont sïgnalc cette même lenteur a


''<
rett'ouvet' une position.
Le nombre de coups joués par partie, dans le jeu
sans vo!ï', est assez difficile à mdtquer. Dans les séances
de 8 à 10 parties, on ne pubÏte que les plus remaf-
quables, et les autres sont jetées au pâmer. D'aun'c
part, quand une des 8 ou 10 parties menace de se

prolonger, celui qui la tient, voyant qu'il reste seul,


abandonne prématurément le combat ou demande la
r'
nullité, par simple poHtesse, pour éviter toute Mguc
inutile au joueur. !Ï n'y a qu'un seul maître dont on
ait conservé integratcment toutes les parties c'est >5:;

Morphy la moyenne des coups, calculée sur 24 de ces


a été de 30. 4=
parties,
=:
Comme la longueur de ces combats peut paraître
fastidieuse pour le public. souvent ignorant et frivoÏe,

qui forme la galerie, on cherche à en relever l'attrait a


par quetquc diversion; ainsi les joueurs ont l'usage de
réciter à un certain moment tous les coups joués sur v

t'cchiquicr depuis le commencenoent de la séance~ et y


les secrétaires contrôlent sur le procès-verbal l'exac-
titude de la
répétition. On milieu
nous écrit qu'au 2
d'une séance M. Goetx a pu répéter presque sans hési-
tation les 336 coups qui venaient d'être joués.
MS SÉANCES. 25~

Le nombre des parties menées simultanément aug-


.~nentc
dimculte;
grandement
nous avons
la dit que
sont capables de jouer sans peine ·
beaucoup d'amateurs
?~ tnc partie, et (lue les professionnels ont pu en jouer

~=0i~ ctAS~ MM fbïs par


n'a pas été dépassé. Cette limite dépend de
~ukcrtort,
force physique des joueurs au moins autant que de
~a
de leur mémoire le jeu sans voir exige une
~'étendue
~concentration de l'attention, qui, au bout de six à huit
heures, devient doutoureu~c et fatigante~ aussi, comme
H faudrait prolonger la séance davantage pour ter-
tîtiner
15 parties, on a renoncé a dépasser ce chinre.

Cependant M. Rosenthal, M. Gcctx, M. Btackburne

et bien d'autres pensent qu'on pourrait jouer 30 et

j 40 parties a l'aveugle, à la condition de le faire en plu"


< sieurs séances avec des repos on ne jouerait que quel-
qucs heures jour; parpendant les intervalles des
séances, les joueurs seraient surveilles assez étroite-
utcnt pour qu'il leur fût impossible de se servir d'au-
cune note.
A ce propos il faut répéter ce que nous avons déjà
dit le jeu à l'aveugle exige une bonne constitution

physique. Les séances, telles qu'elles sont organisées,


durent plusieurs heures, pendant lesquelles le joueur
doit constamment concentrer son attention sur un
même
objet,
faire à la fois des efforts de combinaison
et des eQbrts de métnoire, et cela au milieu d'un bruit
incessant de conversations qu'il faut savoir ne pas
entendre. Les bons joueurs, quand ils sont d'une com-

picxion délicate, ne peuvent guère se permettre un


exercice aussi fatigant; ils réserveront leur force pour
252 MYCHOLOGtB DES JOUEURS ~BGHECS.

d'autres combats, par exemple pour tes tournois par


correspondance, qui laissent plus de loisirs. Ceux qui
briMcnt dans les séances sans voir sont de corps
robuste, comme M. Tschigorine, ou comme M. Black-
burne, qui est un ancien portefaix. Pour tous, ces

s~nce&n& manquent ~oïnt~<~ f~i~;itë~ e uëf4. S-


uns en sortent épuisés.
M. Gœtz éprouve, pendant les jours qui suivent, une
douleur au vertex, sensibte au peigne. M. Rosenthal
ne peut pas, de son propre aveu, tenir à une séance

pendant plus de cinq heures, et il se soutient en


buvant force thé pendant piusieurs jours. Après, il a
les tempes douloureuses au toucher, et ne peut jouer
aux échecs. M. Cunnock m'écnt à ce propos « Je
n'ai pas conscience de la qui m'envahit
fatigue à
mesure que la séance se prolonge, mais je deviens de

plus en pîus incertain sur la position; les pièces sem"


Ment attaquer ou défendre des cases qu'elles ne peuvent
réellement pas atteindre. Alors, je sais que je suis
fatigué. Mais je n'éprouve ni ma! de tête ni lassitude.
Je ne puis jouer que trois ou quatre heures de suite, s
~i~Mo~cc des M<x~. Laissons là le nombre des

parties jouées simultanément, et indiquons une ques-


tion connexe qui présente un grand intérêt. La mémoire
des joueurs peut montrer sa puissance sous une autre
forme, par l'annonce des mats il est des cas où il est

ptus difficile d'annoncer te mat d'une seule partie que


d'en jouer six simultanément sans rien annoncer.
Voici en quoi consiste l'annonce du mat.
Un joueur peut prévoir, dans certains cas, que, quel
que soit le coup joué par son adversaire, celui-ci sera
LES SÉANCES. 253

obïïgé de laisser
prendre son roi et de perdre par
conséquent la partie; on prévoit alors le mat en un

coup, c'est-à-dire qu'on reconnaît que t'advcrsaire, en

jouant un coup unique, ne peut pas défendre son roi.


H est plus difncite de prévoir le mat en deux coups
ou en trots} car H ~ut pour ceÏa se ?
les séries possibles de deux coups que l'adversaire

peut jouer et en calculer ies effets. Ce travail sera


rendu encore plus difficile le jeu sans voir. On
par
nous rapporte que M. BÏackburne, en jouant sans voir,
arrive souvent à annoncer le mat en trois coups. Il y
a mieux. M. Vazquez, dans une lettre qu'il nous écrit,
nous rappelle que M. Maczuski a joué en 1876, à Fer-
rare, en ïtatie, une partie sans voir où, au moment du

dix-septième coup, il a annonce le mat en onze coups} t


la partie est bien connue, elle a été publiée dans îe

journal la ~M~/<* de la même année.


Nous donnons ci-après, d'après le petit livre de
M. Vaxquez, cette partie remarquable; un diagramme

indique la position au dix-septième coup.

GAMBÏT CENTRAI

MLAKCS KOtKS

(~<<M~<.) } ~/«Kf~<H<
1 P4R P4H
2 'P4Ï) 2 PxP
P3FD a F4F6
4 F4F~ 4 D~FR
5 C~~R & PâTR
<; Ppt'.f 6 F3CO
7 C~FÏ) 7 C2R
P5R 8 DSCR
FM!) P4FM
1M P p< P en pttSMttt t) pt*. PF
25~ PSYCHOMMMB DES JOUEUH8 D'ÉCHBCS.

BLANCS K<MR8
(~<'<M~t.) (Jf«::<~tM).)
11 C4R 11 D2FR
12 C&R 12 t)3R
13 D &TR <.<'hec 13 P 3 CR
14 D4TR 14 C4FR
15 C 6 FR ~chcc 15 R 1 F
i<; ~pf.C 1S F 4 TD échec
.t-P" 17 D pp. F
`
Les personnes compétentes que nous avons consul-
tées sur ce point nous ont fait remarquer qu'il y a mat
et mat; quand il s'agit d'une position simple, quand
l'adversaire a des réponses forcées, on peut, *à !a
rigueur, prévoir ses réponses onze coups d'avance et
annoncer le mat. II en est tout autrement quand il y a
des variantes, c'est-à-dire quand l'adversaire a le choix
entre plusieurs coups; alors l'annonce d'un mat en
onze coups est considérée comme impossible. Dans la

partie de M. Maczuski, la position était compliquée,


c'est vrai mais le mat qu'on prétend avoir été annoncé
en onze coups comportait une série d'échecs succes-
sifs, ce qui rendait t'opération un peu moins difficile.
Un tel déploiement de la mémoire représentative doit

porter, ce nous semble, quelque préjudice à la faculté


de combinaison, et c'est une question intéressante de
rechercher si une même personne joue mieux avec ou

sans échiquier. M. Rosentha!, à qui nous avons posé la

question, nous racontait que pendant le fameux match

qu'il soutint contre Vienne par tétcgraphe, en i884-


1885, il avait une semaine pour combiner un de ses

coups il pensait a ce coup pendant toute la journée,


non seulement devant réchiquier, mais à tabte, dans ia
rue, en voiture, et c'est sans voir qu'il a trouvé ses
!,E8 SÉANCES. 855

combinaisons les plus pfetondes. Ceci n'est possïbïe


que pour une seule partie; il est évident que ïorsqu'on
joue ptusieurs pattes simultanément, Ïe dos tourné, !a

puissance de combinaison s'afMbïtt de tous !e8 efforts

que !'o~ donne ~t'acte~ .ç,Qmro~, J),Q"l~Ldlt


M. de Rhdcre, ce que l'on gagne en surface,
jtïstenntent
on te perd en profondeur. Supposons deux joueurs de

Fig. M. t*n!t!ttonde la partie do M. Macxuttktapf~ la 1T<'coup.

force rigoureusement égale; si Fun d'eux seulement

joue à l'aveugle, il est ~robabÏe que çe!ut-Ï& perdra la

partie, et s'il faut faire un pari, le mieux est de parier

pour celui qui joue en voyant. M. Vaxquex m'écrit que


les joueurs du Ccrctc des Échecs de la Havane, dont il
a pris !cs avis constatent que, Ïorsqu~s jouent &

l'aveugle, ils perdent, comme dirait Samt-Atnant, un

~g~ chaleur. M. Schallopp va même plus tom


« Ce fut pour la dern!crc fois au Congrès des amateurs
d'échecs Berlin, en i88i, que je jouai dans une séance
25~ PSYCHOLOCtB DES JOUEURS D'ECHECS.

publique huit parties à la fois sans voir. Depuis ce

temps, j'ai abandonné cet exercice, pour !a raison que


je crois m'être aperçu qu'après avoir joué de mémoire,
l'intensité de mon jeu dans les parties des tournois
diminuait tant soit peu. J'en conclus que si ie jeu sans
voir ne mejatigue-pas tmmédiatcmcnt~ pour-
tant une influence défavorable sur mes forces mentales.
C'est peut-être Ïà une iïiusion de ma part, car à Ï'occa-
sion d'autres congrès, où je ne jouais pas de mémoire,
encore que ma!gre cela je gagnais 'v
je remarquais com-
parativement ptus de parties au début que dans !a
seconde moitié des
Depuis tournois.
1881, je n'ai plus

joué sans voir que dans des cercles privés.


Du reste, on est arrivé à mesurer exactement, ou à

peu près, ce qu'un joueur perd de sa force en cessant


de voir Fcchiquier cela dépend du nombre de parties;
en gênera!, on admet et on admettait déjà du temps
de Phiiidor qu'un joueur sans voir doit choisir des
adversaires auxquels il pourrait rendre le cavaÏier, ou,
comnte on dit encore, des joueurs au cavalier. ît
battrait de tels adversaires en un clin d'ceit s'it jouait
devant F~chiquier; mais pendant te jeu à t'aveugle it

éprouve plus de peine, parce qu'i! ose moins H ne

risque pas de ces coups hardis et vigoureux, qui sont


considérés comme admit'ah!es scion i'csthetique des

joueurs i! ne fera pas, par exempte, le sacrince de la


dame pour amener un beau mat se dcnant de sa

1. Ccw cMntttdt't'MttotM n'ont point la vn!cm* de régies 6xcs et


«bauhtca; nous nous contentons de noter ce qu! «t'ftve Ic plus
{!ou\'cMt.t! est ctnh' qu'un jouetn* snns voir peut, qunnd il est sût'
de ta pM<t!on, ~c naquer n ftnrc !c sacrtHcc de lit datnc~ une
rcccntc p<~rttc (îc M. MonttU en fom'ttît un exctnpto (~~<P).
LES SÉANCES. 257

mémoire, craignant d'avoir oubUé quelque pièce ou


d'amour une image trompeuse de la position ou der
tomber dans un piège qu'il n'aura pas découvert, il

temporise; sans doute il attaque toujours, parce que


c'est ptus facile que de se défendre, mais H se borne &
faire ie coup à peu. prés juste qui ne compromet rien
et permet d'attendre la faute de l'adversaire. Ceci rend

p!ns facile
de jouer sans voir un grand nombre de par-
ties mais il est bien évident que la valeur d'une séance
dépend moins du nombre des parties que de la beauté
des combinaisons.
Les erreurs par le Joueur sans voir ne pro-
commises
viennent pas en général d'une perte subite de mémoire; r
cela peut arriver, mais ce n'est pas fréquent. La
source la ptus ordinaire des erreurs tient à une parti.
ctuarite du jeu. On joue un coup sur chaque échiquier,
puis l'on passe à Fechiquter suivant; or le joueur,

âpres avoir commande son coup, y peut songer un


tétant, avant d'abandonner sa partie, à la riposte de
son adversaire, et rechercher quel est le meilleur coup
que cetui-ci imaginera; et, dent en aiguise, il pensera
natureHement au coup que hn-meme fera ensuite. Tout
< e travail de combinaison reste dans la mémoire, et

quand, au bout de dtx minutes par exemple, l'ordre du

jeu ramènera le joueur sans voir à cette partie, il se

rappcUcra ses prévisions seulement, bien souvent it


commettra une erreur sur la position actuelle de la

part!e pourra ne pas savoir exactement si son

avt'tt 1893), m<tts, n'm Ïe répétons, tes coMps de ce genre sont


tnntns f)*~qnchta d<um les pm'ttcs auns éch!qu!ef quc dans les
parties devant r~chtquîct*.
17
SM PSYCHOLOGtB DES JOUEURS D'ECHECS.

adversaire a réeUement joue le coup prévu. C'est ce

que nous écrit M.Cunnock. « Il arrive parfois que je


commande un mouvement, anticipant une certaine !igno
de combat, et que, revenant ensuite au même échiquier,

je ne sais si cette ligne a été acceptée ou non. Ainsi,

je suppose que j'o~e un échanger de d~tncs en reve-


nant à cette partie, j'oublie si mon adversaire a pns
ma reine et si j'ai pris la sienne en retour, ou non. S'il

joue dame pour daine, tout va bien. je suis édiné,je


sais où j'en suis. ~ïais s'il fait autre chose, je dois
trouver un moyen de le forcer à mouvoir sa reine si
elle occupe toujours la même place, et je sais par là
s'U a conservé sa reine ou si rechange a été fait. ?
Pour éviter les erreurs de ce genre qui consistent a
confondre uncoup joue avec un coup simplement
prcvu, les joueurs ont l'habitude de retenir avec soin
!e nombre de coups joués sur chaque cchiquier; en cas
d'incertitude, ils font ta récapitulation des coups, et i!§
voient par le nombre qu'ils comptent si tel coup qui
teur paraît incertain a été réeÏtementjaué.
Insensiblement nous sommes amené à dire un mot
d'une question déticatc la part de la fraude dans le

jeu sans voir. Puisqu'on ne peut pas éluder cette ques* >
tion dans une recherche qui doit être scientifique, il
faut l'aborder franchement. Dans mon questionnaire
j'ai demandé aux joueurs d'échecs « Connaissez-vous
les trucs et ficelles qui peuvent être employés pour
jouer sans échiquïer? ? Les uns ont répondu négative-
ment; les autres m'ont indiqué beaucoup de procédés
illicites et j'en ai dressé une liste assez longue. Cer-
taines supercheries sont grossières. Des joueurs à
LBS SÉANCES. 259

l'aveugle ont un petit échiquier peint sur leur man-


chette ~d'autres regardent un ptatbnd divisé en cases

qut rappettent celles du damier; l'examen de ces cases

petit rendre beaucoup plus facile la représentation


d'une partie; il est probable, m'écrit M. VazqueZt que
Phindor « te subtil), qui jouaitdeux parties à l'aveugle
et une en voyant, se servait de t'échiquier visible pour
combiner les coups des deux autres parties. On a
encore vu des joueurs réciter des parties apprises
d'avance avec un homme de paille. Toutes ces fraudes
sont triviales, assez rares et en somme faciles à démas-

quer. Ce qui est plus fréquent, c'est que le joueur ait

près de tui une personne bienveillante, qui, en annon-


çant les coups, l'avertit discrètement d'une erreur,
l'encourage pendant une défaillance, ou lui tend la

perche quand il se noie. On me dit que les meilleurs

joueurs se noient toujours une ou deux fois par séance.


Cetui qui annonce les coups, le rapporteur, est en

~encrât tout dévoué au joueur sans voir; et si celui-ci


commande un mouvement très mauvais ou même

impossible, le rapporteur pourra affecter de ne pas le

comprendre~ et même il pourra prétendre que le joueur


n'a pas bien entendu le coup de so.t adversaire. Tout
<cta n'est pas bien grave. Cette collaboration ne peut
mener loin. Je crains davantage, je l'avoue, les fraudes

qui proviennent de la compticité inconsciente du

~Mhtic. Le public ne porte dans ces séances aucune

disposition d'esprit propre à t'observation; il a ses


idées toutes faitessur le joueur, il ne demande qu'a
admirer et à applaudir répandu autour des tables
d'échecs, il n'a ni le sang-froid, ni la persévérance
~60 t'SYCHOLOGÏE DBS JOUBOM n'~CMECS.
t.

nécessaires pour surveiller sérieusement la partie, de


sorte qu'il ne sait rien de ce qui se passe sous ses ~f-

yeux, à deux mètres. Quant aux commissaires du

jeu, leur position me paraît bien embarrassante si, au


moment décisif où le joueur sans voir répète les coups ~r
Joues sur r~ctuqu~er~des erreurs
se c~mTn~cttent, iî y
a peu de commissaires
qut etùvcnt ta votx gâter le ;`

tr!omphe du joueur, troubler une fête où Fon est stmpte


invité ne serait guère po!t on laisse passer les erreurs =
`
en baissant la tete~ un ami enthousiaste cWe « Bravo! a
et la foule innocente applaudtt de bon CŒur, en ayant
t'ittuston qu'eHea ëtetémom d'un prodige de mémoire.
On ne saurait evtdcmment te ntôme juge- '°
appÏïqucr
ment à toutes tes représentations pubnques~ il en est t:
de frh'otes, il en est de sérieuses; ce <pn est vrai des r
unes ne l'est pas des autres; et nous laissons d'aH!curs
de côté tous les grands joueurs sans voir qui, comme
B!ackbut'ne, TchigoDne, Gcetz, Rosentha~ ont fait
leurs preuves dans des
tournois rcguHcrs, sous FœH

vigilant de leurs rivaux; mais, prenant ïa question en


cUe-meme, au point de vue de la méthode scicntinque,
on peut dire que t'observatcur scrMputeux ne saurait
assez se métier des représentations données pour 'Ÿ
ï'amuscntcnt du public; qu'il s'agisse des échecs ou de

l'hypnotisme ou de toute autre chose~ la représentation

publique multipHe les chances d'erreur et rend les


observations exactes bien difncites.
)!
CHAPITRE V

BRUMTiON ET PMATÏQUEDE L'ÈCH!QU!EK.

Je me propose maintenant d'étudier le mécanisme

psyeho'!ogiqnc du jeu sans voir et les conditions dont


il dépend.
Les correspondants (lui ont bien voulu m'envoyer
tours observations n'ont pas tous eu l'idée de traiter
!a question d'une manièregénerate et d'indiquer tes

prmctnaux éléments qut entrent dans le jeu sans ~on*.


La plupart se sont contentés de repondre avec soin aux
demandes que je leur faisais dans mon questtonnan'e; t
et comme j'avais compose ce questionnaire précisé..
ruent pour m'instruire, je ne pouvais pas leur indiquer
d'avance les points essentiels a examiner. C'est là le
défaut de ces sortes d'enquêtes elles sont toujours
orientées dans une direction particulière par celui qui
( rédige le questionnaire, et on ne répond qu'aux qucs-
ttons qu'il a songé à adresser.

Quelques joueurs cependant ont eu l'excellente idée


262 fSYCHOLOCtË UM ~OUKUHS D'ÉCMËCS.

de traiter ie à leur manière, et,ils ont touche


probtétne
a des n'avais ce nombre
points que je pas De
sont MM. Tat'rasch, Fritx, Carreras, etc. Ces
To!osay

joueurs se sont trouvés d'accord, sans ïc


distingués

savoir, rattacher te à à trois condi-


pour jeu l'aveugle

tton~ sent r
<p'ïtdamc~t~e~ f~tM

L'ërudtHon;

L'tmagtnattott
La mémoire.

U existe aussi conditions accessoh'e~ dont


quet~ues

j'ai comme !a ~brce ïe


déjà parte, pHystque, sang-

froid, etc. Je revïendraî et me bornerai à


n'y pas, je

devetopperscparemcntïestrotspotnts pr!nc!paux que

je viens de s~gnater.

Parlons d'abord de r<w.

Pour arriver à se de nous a-t-on


passer rëchiquicr,
dît et dans tous les termes !t faut
répète posstbtes,

avoir U faut ïe con- j


tonguen<ent pratique rechiqutcr,
naître à fond; un bon voir c~t un j,
joueur sans toujours
(brt thcoi~cten. « St me la
je pms rappcïcr posttjion,

nous dit M. Hosenthat dans un familier et


langage

clair, c'est connais les échecs comme


parce que je

chacun connaît son metîet*, comme vous-n~tne con-

na!sscz vos de » M. Totosa


apparcits psychologie. y

Carreras~ un de ceux m'ont le mieux fait com-


qui
ïa de !a insiste aussi sur
prendre cotnptextte ~uestton,

ia de t'erudttionet de rcxercice dans sans


part te jeu

voir. II cite cet « Un amateur à on vien-


exempte qui

drait les du serait de


d'apprendre règles jeu tncapabïc

sans queiie fût retendue de sa


jouer echiquicr~ que

mémoire
KMUOn'tOK ET t'MATtQUB DB L'ÉCtitQUtBH. ?3

C'est aussi
t'opmton émise par M. Taubenhaus~ par
M. Cœtx, par M. Tarrasch. Ce dernier, précisant un

peu in pensée des autres, déclare que la meilleure pré-


paration au jeu ir Faveugte consiste dans l'étude et la
`
pratique de réchiquier vide il faut savon', et avoir

appris d'une ntanière inconsciente par un long exer"


nice, non seulement la position de chaque case, mais
ses propnétés, et les effets une
que peut produire
pièce qui y est portée. U faut aussi s'exercer à jouer sur

t'cchiqmer sans ptéccs. On acquiert amst des connais-


sances stratégiques, qui sont nécessaires pour corn"
prendre les ressources d'une position.
D'autre part,
les nombreuses conversations que

nous avons eues avec les maMres de réchiquter nous


ont montreque ce qui permet de graver dans la
ntctnotre une sorte de coups ou une posttton, c'est la
(acuité (le donner a ces coups et cette position une

stgniRcatton préctse. Ce point est très important;


c~Uquons-Ïc avec quelque detath

Qu'un ignorant essaye de retenir une partie dont il


entend annoncer les coups, quelle que soit la sûreté de
sa mémoire on peut être certain d'avance qu'il n'y
parviendra pas, at moins de passer des journées à se

répéter les mots bizarres qui servent de notation aux

coups, ou & faire


repasser le tableau de Fëchiquier
devant ses yeux. C'est précisément parce qu'il ne com-
prendra pas le sens des coups qu'il aura tant de peine
> à les retenir; il est dans la même situation d'esprit
qu'un illettré qui voudrait se souvenir d'une ligne
imprimée, de manière à reproduire Metement la forme
de lettre qu'il ne comprend pas; pour nous, il suuit
M% P8YCHOLOCÏB DES JOUBORS B'ËCHBCS.

de jeter un simple coup d'œil sur la ligne, et nous


retenons toutes les lettres qui la composent. Pourquoi P.
Parce que nous comprenons le sens des Mots les
mots ne sont pas simplement desfigures noires sur
fond blanc, visibles pour nos yeux, mais encore des

signes d'idées vis~Mes pour ïtotre esprit et la sugges-


tion d'idées qu'ils provoquent sert a les retenir. C'est
là un curieux paradoxe de la mémoire on allège le

poids de sa charge en l'augmentant. Si je ne me

trompe, cette comparaison des lettres et des mots rend


un compte exact de ce qui se passe dans le jeu sans
voir; si le joueur peut retenir les coups joués dans
cinq, dix parties, ce qui fait un total de plus de trois
cents coups, c'est parce qu'il a en même temps con-
science des raisonnements qui ont amené ces coups, et

qu'il se rend compte de la genèse psycho!og!que de la

partie; en un mot, c'est parce que, pour son esprit, Ïa


partie n'est pas simplement une lutte entre des pou-

pccs de bois, mais une lutte entre des idées.


Quelles idées? demandera-t-on. Les idées que peu-
vent susciter les manœuvres des pièces ne sont-elles

pas peu nombreuses et peu varices? Les personnes

qui n'ont pas approfondi le jeu d'échecs s'imagineront


peut-être que les raisonnements qu'il éveiÏtc sont
courts et et peuvent
rudimentaires, s'exprimer dans
des phrases comme les suivantes « Si je vais ici, je

prends~ si je vais là, je suis pris ». Ceux'Ïa ne con-


naissent pas les ressources, nous dirons même la phi-

losophie du Jeu d'échecs, qui présente pour ses adeptes


un attrait si vif, qu'il a, dit-on, le pouvoir de iajre
oublier toutes les douleurs. Écoutons parler quelques
ËRUMTÏON ET PRATIQUE DE L'~CHIQUtBR. 265

joueurs; voyons comment ils décrivent une position,

essayons de comprendre ce qu'ils ressentent.


M. Gcetx écrit « Aussi bien dans la partie vue que
dans la partie jouée sans voir, chaque position que je
crée ou
que je vois se former devant mot parte au deta
de mon raisonnement, à ma sensibilité, elle me fait
une impression slti ~M<?~ Je !a saisis comme te
musicien saisit dans son ensemble un accord ?. Plus
ioin, M. Gcetx ajoute « Je suis souvent porté à
résumer dans une cpitkete genératc le caractère d'une

position ». Sur ma demande d'cxpÏications relative-


ment à ce mot d'c, il ajoute « En fait d'epithétc,
il me serait aussi difficile de caractériser une partie

qu'un morceau de musique. Cela vous a l'air simple,


faut Hier, ou bien original, excitant, suggestif, et l'on

éprouve du plaisir à voir cela comme si t'on revoyait


une ancienne connaissance; mais aussitôt que vous
tcntex de préciser votre épithctc, le charme s'évanouit,
la chose s*ëpaissit~ s'alourdit, et vos impressions s'ef-
tacent.
C'est donc gr~ce ac une foule de suggestions d'idées

qu'elle éveiue qu'une partie devient intéressante et se


fixe dans le souvenir. Ajoutons un nouvel élément qui
entre en ligne de compte, la pcrsonnaUté de Fadver-
saire. I~tusieurs joueurs dignes de foi, par exempte
M. Arnous de Rivière, m'ont affirmé qu'à travers te jeu
de !eur ils peuvent
adversaire discerner sa nature et
son tempérament. !I y a une façon de jouer qui est
simple, franche, droite; d'autres sont plus compti-
quccs, plus entortillées, p!us hypocrites. Il y a des
modes d'attaque et de défense qui rcvcîcnt un esprit
~!<< PSyCMOLOtitK nus JOUBUB8 ~*KCHMCS.

têtu; d'autres ont de l'ironie, ou sont franchement

comiques. Les auteurs compétents ont pu determinef


le caractère du jeu de chaque grand Joueur. On dit de
Cochrane, par exemple, que son jeu impétueux et
aveu~Ïc rappelait la charge des mamelouks venant, a
la batatHe dea Pyramides, ae faire~enfïpatër, hônnnës c t
chevaux, sur les batonnettes françaises; cotfune con-
traste, on cite le styïe sévère et froïd de Popcrt, et
finesse de M. Heydcbrand von der Lasa. On connaît
aussi Fardeur et la nertedu jeu de La Bourdonnais~
~e mesurant avec la patience et la persévérance de
M'D~nne~son adversaire habituct; M. de Rivière dit

qu'il y a la tnëmc différence entre ïejeu noble ctsintp!e


de Paut Morphy et le jeu savant, mais entor~He et
tortueux de Steinitz, qu'entre HaphaëH et Quashnodo.
S'i~ est vrai que le jeu reçoit avec ce degré de netteté

l'empreinte de la personnalité d~t joueur, Ïe joueur


sans voir doit y trouver une aide puissante pour sa
mémoire; évidemment il sera d'autant plus facile de se

rappeler une partie qu'elle présentera une physio"


nomic plus distincte.
Cette physionomie change avec les temps comme
avec les races. Les joueurs exerces et instruits recon-*
naissent, à ta simple (orme des combinaisons, tes par-
ties d'un autre temps celles de Phittdor et de ses

c!èves, qui dateut de la fin du siëcte dernier, ont


toutes un air de famine.Aujourd'hui, on joue aux
échecs sur tous les points du gÏobe, en Amérique, aux
Indes, en Chine; les milieux, les races, tout ce qui
innue sur la nature des hommes influe aussi shr la
nature du jeu; il paraît même qu'on ne joue pas de Ïa
ÉKUiMTtON BT P~ATtQUË HK L'KCMï~iRK. 2<;7

tttétne taçon en Angteterre et en Amérique. M. Arnous


de Rivière, qui a bien saisi t'intérêt de
phiïosophique
ces
questions, pense qu'on pourrait arrtver a distinguer
les parles angtaises et américaines, en opérant sur un p

grand nombre.
Mais laissons là ces considérations anecdotiques.
Pour le grand joueur, ce ne sont pas des faits de cet
<dre qui marquent d'un caractère une partie;
spécial
ce caractère dépend du type même des combinaisons.
tï faut savoir que Fart des échecs est aussi une science,
et que l'on a écrit
ce jeu plus de mille votuntes
sur

d'anatyses. Le plus célèbre de ces volumes est un gros


manuel allemand, le /~H<~cA .y~«~/r~/c~) dans

lequel se trouve anatysé le genre d'attaque ou de


défense qui caractérise chaque partie; c'est le résumé
d'un travail « L'en"
qui dure depuis plusieurs siècles
semble de ce travail, nous écrit M. Goctx, s'appelle la
théorie des débutn. La théorie enseigne, en deux mots,
le dévetoppcment rationnel de nos forces et Fcxpbi-
tation des fautes ou erreurs de t'adversaire pendant la

phase primordiale de la partie. Ces débuts se divisent


en deux grandes catégories. Par une série de subdivi.
siens, on arrive A ctasser dans sa mémoire de joueur
tous les débuts qui sont reconnus bons, et les coups

qui ne rentrent pas dans ces subdivisions sont classés

/<M~o comme devant être inférieurs, tt n*est pas


certain que ces coups soient inférieurs; on
toujours

décnuwc encore aujourd'hui de nouvenes lignes et for-


mations de combat, auxqucttes personne n'avait songé,
tandis d'autres façons de jouer, fort usitées dans
que
le temps, tombent en désuétude. Mais on peut sup-
268 P8YCHOLOGÏB DES JOUËUMS H'~CHBCS.

peseta avec
beaucoup de chance de tomber juste, qu'un
coup qui sort des lignes tracées par la théorie est infé-
rieur. Résumons ou bien la partie se classe dans un

département connu, ou bien elle s'en sépare à un


moment donné; similitude ou diversité, deux points
de repère pour lamémoire ~.Ajoutons qu Ïa plupart
des débuts importants et bien caractérisés portent un
nom; on appelle gambit (de ~<~K~o, croc-en-jambe)
un début où t'on sacrifie une pièce pour acquérir, en

échange, une belle position; le gambit Evans est celui


où l'on sacrine un pion; le gambit Cunningham, où
l'on sacrine trois pions; le gambit Muzio, où l'on
sacrifie un cavalier, etc.
Ces différents débuts sont si familiers à un bon
théoricien que, si on le met en présence d'une partie

régutierc, il pourra le plus souvent en indiquer le


début, auque! il n'aura cependant pas assisté. La con-
naissance des débuts, ainsi que la connaissance de
toutes les ressources de Féchiquier, en un mot une
somme considérable d'érudition, voilà, d'après ropi-
nion des personnes compétentes, la condition primor-
diale du jeu sans voir.
M. le docteur Tarrasch nous décritfrap- en termes

pants ce qui se passe dans son esprit quand iÏjoue sans

l'échiquier. On saisit là sur le vif tout le travail psy-


chologique qui accompagne le mouvement des pièces
« J'entends !c rapporteur annoncer par exempte
« Partie quatre, roi à la case de la dame ?. En ce
moment, rien autre ne se montre dans mon esprit
qu'un grand chaos. Je ne sais pas même de queJÏe

partie il est question, ni quelle peut ctt'c la signin-'


~RUMTÏON ET MATÏQUË BB ~ÉCHÏQUÏRR. 269

cation ou la portée du coup annonce. J'entends seule-


ment l'expression du coup fait par mon adversaire. Je
commence alors par me demander quelle est cette

partie quatre. Ah c'est ce gambit du cavalier, dans


`
lequel la partie adverse s'est défendue d'après les

rcgîcs jusqu~u~r~ elle uf Te coup extraordi-


naire du pion du fou de la dame un pas, par lequel du
reste elle se procura une bonne position. Par bonheur,

cependant, bientôt après mon adversaire commit la


faute de permettre que je fisse !e sacrifice du fou à la
deuxième case du fou de son roi. Maintenant il n'a pas

pris mon fou, mais il a joué le roi à ta case de la dame,


comme il me l'annonce. » Ainsi, ajoute le même cor-
respondant, « une bonne partie d'échecs peut être
racontée comme une série de faits Ués les uns aux
autres o. Et cela est si vrai, pouvons-nous ajouter,
que lorsque des joueurs ont bien voulu, au laboratoire,
nous réciter par cœurquelques parties anciennement

jouées de préférence des parties gagnées, car on


retient mieux les parties gagnées, nous avons con-
staté qu'its oubliaient plus facilement les coups isolés,
ne se rattachant pas au reste; ils retenaient l'ensemble
des coups faits sous l'influence d'une idée
directrice,
comme on retient un ensemble de raisonnements bien
tics.
Bref, le joueur arrive à retenir une partie en gra-
vant dans sa mémoire non seulement te spectade chan-

geant du mouvement des pièces, mais encore les idées,


te<< raisonnements et les désirs qui ont accompagné
ces manœuvres et les souvenirs stratégiques qu'elles
éveillent.
270 MTCHOLOGtE DB8 JOUEURS n'!{CHECS.

A ce point de vue, on peut dire avec M. Gcetx que ta


mémoire déployée dans le jeu sans voir est avant tout
une mémoire de raisonnements et de calculs; quand on
revient a une position, c'est le souvenir du raisonne.
ment qu'on a fait qui met sur la voie du coup joué; on
se rappelé, non qu'on a dépecé son ror dans tel sens,
mais qu'à un moment donné on a eu tel projet
d'at-

taque et de défense, et que par conséquent on a déplacé


son roi; le coup n'est qu'une conclusion d'un acte de

pensée, et c'est en retrouvant sa pensée première qu'on


retrouve le coup qui i'a manifestée. !t n'y a guère
d'exception à cette règle que pour certains coups de
ï'advcrsairc; souvent, dans une partie, Fadversaire
fait un coup qui étonne, parce qu'on ne Fa pas prévu
et qu'on n'en comprend pas le but; alors il peut arriver
que ce coup même, avec le sentiment d'éionncmcnt qui
en a accompagné Fannonce, se grave dans la mémoire;
mais c'est assez rare.
Ainsi chaque partie se retient d'autant mieux qu'elle
représente un ensemble d'idées mieux dénnies. Cette

explication convient non seulement au souvenir d'une

partie isolée, mais a celui de ptusicurs parties simulta-

nées pour empocher leur confusion~ une seule condi-


tion est sursaute c'est qu'on donne à chacune d'elles
une physionomie aussi diuërcntc que possible; plus
elles sont bien individualisées, moins on aura chance
de les confondre. ~'est-ce pas une vérité de bon sens?
Plusieurs joueurs nous ont fait part des procédés par
lesquels ils réussissent à éviter toute confusion ils

s'arrangent pour orienter différemment chaque parité


en termes plus précis~ ils donnent à chaque partie ce
~nJDÏTÏON &T PRATÏQUB DB L'ÉCH!QU!EK. 271

une « ouverture H diu~rente, ce qui leur


qu'on appelé
c~t d'autant plus facile qu'ils jouent les premiers

Pour distinguer les six parités qu'H mène à Faveugte,


!c habile essayera exemple dé faire de ta
joueur pat'
un Lopex, de ta seconde un gambit Ëvaps,
première
et atns! de suite, et it associera ïe nom de chacune au

numéro de l'échiquier chacune ayant dés lors sa phy-


sionomie propre et c'est toujours là que nous en

revenons, il ne sera pas plus dtfncue de distinguer


ta numéro i de la partïc numéro 2 n'est
partie qu'it
dtfuctÏc pour ~n'H de disttnguer le rouge du cela
jaune;
n'a rien de commun. La vraie d~Mcuhé ne commence

que du moment où deux parties présentent des post-


tions identiques; je ne sais pas si on pourrait
presque
sans \'oir huit « siciliennes &.
pmer

partie d'cchecs a pour le fort un


Puisqu'une joueur

1. C'est en eSctr la règle


que Ïc joueur & l'aveugle a le trait,
ccnt-n'd!rc!afocn~édojoMût' !c pt'ctntcr.~Oo nous apprend qut%
pap une innovation hardic, M. Fritz a consenti dans ses séances
M ne conserver le trait que pour la moitié des parties jouées
sans voir; il perd ainsi, dans une certaine mesure, la possibilité
<t M'tcnter dans le sens qu'il désire les parties oit il ne joue que
le second.
2. Parfois le joncat', ne parvenant pas il introduire entre les
parités simultanées des dtif6renccs intellectuelles, du genre de
t'eues que nous venons de ~~naïer, est obligé de se contenter
<}e dtMcrences purement Mtatcr!e!Ïca. M. Mortaa nous donne
(~tctqucH curteax exemptes de ces expédients '< La qucsHon la
plus importante, dit-il, est d'tndivtduatiscr les parités, afin
d éviter qu'une posit!on se confonde avec une autre. Par.exem-
pte, Mnjour, l'échicluier 1 ctatt une sicilienne, et le n" qu'on
appetait hntncd!atemcnt avant, était aunsi ttae stctiicnnc; btcn
({tie je fisse au n" 1, 2 C 3 t'' D et au n" 6 2 P 4 F R, au 2" coup
tes deux
positions étaient identiques. N'ayant qu'un rapporteur,
je ne pouva!~ m'y rcconnattre par le son de !a voix. J'ttnagtna!
utors de caMcr (mcntatenKmt) la t&te du roi de rcchiquîcr n'* 1,
ttttn d'cntpecher tca confusions, t
272 PSYCHOLOGÏR DES JOUEURS B'~CHECS.

sens aussi défini


qu'une page de roman ou de poésie,
on comprend qu'it existe beaucoup de joueurs qui
trouvent du pïaisir a apprendre par coeur des parties
célèbres, et les montrent à droite et a gauche 5~~
pour
faire preuve d'érudition. Ce petit exercice est aussi

~ciïeque deréciter une pi~ce de vers; !a succession


fogtquc des coups les enchaîne dans la mémoire,
comme la cadence des vers. Beaucoup d'érudits peu- Ï~
vent reconstituer sur l'échiquier au moins une douzaine
de parties cé!cbrcs. A plus forte raison se souvient-on
mieux de celles qu'on a jouées sot-même. U est incon-
tcstab!e que les joueurs <réchccs de bonne force se

rappct!ent pendant fort longtemps des parties jouées


en voyant ou sans voir, surtout si elles offrent une
combinaison remarquable ou curieuse. Quand M. Preti
père voutut pubuer les parties de Paui Morpby, il en
réunit un certain nombre et les soumit à l'auteur.
Celui-ci lui répond!! a Vous n'avez pas telles et
teï!cs parties que j'ai jouées contre telles et telles per-
sonnes. Ecrivez, je vais vous les dicter. » Et sans cchi-

quier, il dicta huit à dix parties jouées huit mois aupa-


ravant. H serait assez difficile au joueur sans voir de
dire exactement ce que sa mémoire contient. Quand
une parité a quelque mérite, celui qui Fa fa!te!a montre
souvent a ses amis sur réchiquier, et de cette façon
rafraîchit ses souvenirs. Mats, d'une manière générale,
on peut afurmer que toute série de coups qui ourc
(metque intérêt reste tongtcntps dans la mémoire.
A ce propos, qu'on me permette une courte compa-
raison entre les joueurs d'échecs et les ca!cutateut's
prodiges, comme M. Inaudi, dont j'ai étudie plus haut
~KUMTtON ET PKATtQUE DE L'~CHtQUÏBR. 2?$
tes curieux exercices. J'ai montré comment ce jeune
calculateur a été amené & adopter cette singulière pro-
fession qui consiste à retenir chaque jour plus de deux
cents chiffres; c'est la ration
quotidienne de sa mé-
moire, et voilà plus de dix ans que cette mémoire subit
sans dé<a<t!ances.un pare!! entraînement. Combien de
chiffres M. Ïnaudi a-t-il retenus, jour par jour, depuis
sa naissance? Certainement, plus d'un million. Et com-
ttten lui en est-il resté? Je lui ai posé la question, un

jour, & rimprovtstc, en vue d'une conférence que


M. Charcot m'a demandé de faire à la Salpêtrière sur
la physiologie de la mémoire. M. Inaudi, ce jour-ta,
n'a guère pu citer que trois cents chiffres provenant de
la veille et de l'avant-veille; tout le reste avait disparu.
Je ne doute pas que M. Inaudi, averti devance et faisant
un effort de volonté, aurait pu en rassembler un p!us

~rand nombre. Toujours est-il (lue sa mémoire pré-


sente un caractère transitoire; c'est celle de récolter

qui apprend très vite, pour un examen, et ~examen

passé, oublie tout; c'est aussi celle de l'avocat, qui


s'assimile avec
rapidité, pour une affaire, des détails

techniques, et ne se souvient de rien après les plai-


doiries. Le caractère éphémère de ces souvenirs paraît
tenir à ce qu'ils portent sur de simples sensations. Il
en est bien ainsi pour M. Inaudi les chiffres qu'il
cherche a retenir sont
signification sans
et sans intérêt;
ce sont des sensations pour son oreitte, rien de plus;
ils sont assembtés sans raison; ils représentent le

hasard, le chaos, l'incompréhensible c'est pour ce


motif qu'ils ne se fixent pas profondément dans la

mémoire; de même, t'écotier qui apprend vite oublie


18
274 PSYCHOLOCtE DES ~OUKUMS D'ECHECS.

vite, parce qu'il apprend sans comprendre et ne cherche


à emmagasiner que le bruit des mots et non leur sens;
de même encore, l'avocat, avec son habileté spéciale à
s'assimiler à demi, apprend des formules techniques
qu'il ne comprend guère et qu'il confie simplement a
sa mémon'e verbale tout cela disparaît ~it<y
On pourra!! donner, comme je l'ai déjà dit, à cette
forme spéciale, non encore décrite, de la mémoire, te
nom de w~Mc~'c cles ~c~o~
Par
opposition, on pourrait appeler w~Mo~e des
<~c% celle qui repose sur t'enchaïnement logique des
idées, sur le raisonnement et la classification des sou-
(~
venirs.

A ce point de vue, on doit 'considérer la mnémo-


technie comme une forme de passage entre ces deux

espèces de mémoire ou plutôt ta nmémotechnic

représente un enbrt imaginé par des esprits ingé-


nieux pour faire bénéficier les souvenirs qu*ou retient
ordinairement par la mémoire des sensations, des res-
sources fournies par la mémoire des idées. La mné-
motechnie consiste à donner un sens à des choses qui
n'en ont pas son secret est d'attacher des idées & des
sensations idées artiSciettes, dont la bizarrerie et le
ridicule, non compris par les adeptes toujours aveu-

gles d'une méthode nouvelle, ont compromis la nrné-


motechme. Mais je crois que la mnémotechnie est
tombée de nos jours dans un discrédit immérité.
Par opposition a la mémoire des calculateurs pro"
diges, la Hiéntoirc des joueurs d'échecs est une mémoire
d'idées elle repose sur des raisonnements, des liai-
sons d'idées, des rapports; ou, pour parler plus exac-
~RUDtTïON ET PKATtQUB M L'ÉCHtQUtE~. 2?5

tement, elle consiste à se rappeler des sensations asso-


ciées à des Idées, à des raisonnements, a des émotions,
a des a des phénomènes
déstrs, psychologiques de
toutes sortes; le rappel de cet ensemble peut se faire
~tt par le rappel direct de la sensatïon, comme pour
!a mcmoÏre du ~h!f~e~ so~t par le rappel des états
intellectuels et moraux qui ont la première fois accom-

pagne cette sensation. Cette mémoire a plus de soUd!té,

ptus d'attaches, et par conséquent plus de chances de


durée que l'autre et en même temps, comme elle fait

partie de faits plus connus et plus accessibles à tout le


monde, elle tient moins du prod!ge.
CHAPITRE VÏ

RËPRËSËKTATiO~ VISUELLE DE L'ËCHïQUiER.

J'arrive & la seconde condition


du jeu sans voir

t'~M~Ma~o~. Par ce terme, à sens un peu vague, nos

correspondants ont certainement voulu parler de la


facutté de t~M~ une position, c'est-à-dire de se ht

représentet* aux yeux de ï'cspnt comme si on la voyait


rceUement. Le joueur sans voir do!t être capable de
voir mentatement la position des pièces sur t'échïqutCt
à un moment donné de la partie, les relations rectpro-
qucs des pièces, et les diverses actions qu'eHes peu-
vent exercer les unes sur tes autres.
M. Tarrasch nous donne une bonne description de
cette visualisation.
« Pour me représenter la position, je la tiens pré"
sente à mon esprit comme un objet plastique. Je me

figure Ï'cchiquicr très distinctement, et pour ne pas


entraver la vue intérieure par des sensations visuelles,
je ferme les yeux. Ensuite, je garnis ï'echiquicr du ses
pièces. La première de ces opérations, c~est-à-dire la
KBPnÉSËNTATMN VISUELLE OE L'ÉCHIQUÏER. 277

représentation de t'échiquier, est ce qu'H y a de plus


cssentieL Quand on est arrivé à pouvoir, Fceit fermé,
voir nettement Féchiquier, il n'y plus de dinïcuïté
se représenter aussi les pièces, d'abord dans leur posi-

t tpn primitive, q~ cgt ~mUMrs à tout JM~eur. Mahte~


nantta partie commence. Supposons que c'est moi qui
fiasse le premier coup.e le vois immédiatement s'exé"
mter sur i'échiqmer qui est distinctement présent à
mon esprit. L'image que j'ai devant moi est un peu

changée par ce coup~je cherche à la retenir dans sa


condition ainsi trans~brTnéc. L'adversaire
répond de
t.nn c«te, et modifie de nouveau ï'intage~dontje retiens
trmt de suite la nouvelle forme, comme la ptaque du

photographe reçoit l'impression de l'objet ccîairé. ?


Nous avons tenu à mettre sous les yeux du lecteur
e<~te description vivante, parce qu'eue fait bien côn<
naître ce qui se passe dans Fesprit du joueur.
K!!c exprime, du reste, t'opinion commune. Dans
notre questionnaire nous avons accordé une ptace con-
sidér&b!e à la mémoire visuelle, de sorte que tous nos
correspondants sans exception ont cu à s'expnquer
~nr ce point. Tous, à part deux ou trois, ont répondu

q<i!f! emploient ta mémoire visuelle pour jouer sans


v~ir.
M. SIttenfeÏd dit qu'il s'explique le jeu sans voir par
ta mémoire visuelle. M. Btackburne voit ta position
sur réchiquier aussi nettement que s'iï avait celui-ci
devant les yeux. M. Pcrcy Howeï voit rcchïquicr,
mais pas clairement; son image manque de netteté, et
est à cette absence de netteté qu'il attribue ses erreurs
de combinaison. M. Moriau compare sa vision à une
878 MTCHOLOfHB DES JOUEUKS D'~CHMS.

photographe de Fcchiquicr. M. Cunnockdit: « J'ai~


certainement te sentiment de voir un echiqmer devant
moi ». M. Moorc dit qu'il a l'échiquier entier dans son
ceit mental de sorte que, lorsqu'on appeHe un coup,
voit te mouvement de Ïa pièce. M. SchaMop? « Je
vûisdant~ te progrès du jeu Tes cctuquiers correspon-
dants, présents à mon œ tnteneur ». M. Taubenhaus J
« U me semble qu'il n'y & pas d'autre moyen de jouer
sans vo!r que de \'o!r
(tMentstement) réchtqmer; t!
m'est arnve qu'au moment où je passais d~une partie x

!'autrc,je n'avais aucun souvenir de la position; ma!s


l'annonce du coup joué par mon adverMÏre me faisait
ren'et d'un ~o!!e qui se so~ève je me rappelais aïors
!c début de !a partte~ et ta position m'apparaîssait très
nettement ». M. EtweÏ compare sa représentation :t
une peinture mcntaïc. M. Sob!cs!<y « Tout se passe f
comme s! je voyais Fechtquter M. Fpttz « J'at ïc j
sentiment d'une visïon ïnteUcctueUe
». Ces cxpïïcat!ons
diverses ne dînèrent que par les mots cUes s'accorden
à reconnaître que !e joueur sans ~o!r fait usage de h
mémoire visue~e.
Sur ce point, les recueUHs sont, en
témotgnages
grande ntajontc, d'accord avec !'observation pubticc
par M. Taine.
Quelques joueurs (M. SchaHopp~M. Tarrasch, etc.
disent que leur représentation des échiquiers se fatt

plus distinctement quand ils ferment les yeux que s*i!s


les tiennent ouverts.
/n~ ~<3 f~A~M~r. Pour !a position dans

Tous ÏM tno~s cntpc parenthèses sont routés p<u' moi, et


~cst!ne!t n ~)'!aircM' le tcx~.
REPRÉSENTATION VISUELLE OB L'ÉCHÏQUÏBR. 379

laquelle on se représente l'échiquier, les réponses dif-


férent peu nous transcrivons ici les plus importantes.
utl'. yb/y
J!f. Ccr.rv·erc~s. «a J'imagine
~'nlo.sczC'a'e/ J'ima~ine que j`ai en
c~uej'ai en face ded~
moi mon adversaire, dont je vois partaitenaent ta per-

~onnatitc, et cj~ne tes pièces dont je me sers vont de bas


en haut de ï'échiquier. H est bien entendu que je puis,
par un effort de ma volonté, jouer des parties sans voir
en imaginant que mes pièces vont de haut en bas de
t'cchiquier, mais alors it m'est beaucoup plus difficile
de faire les combinaisons, »
M. C*ocA\ « Je vois l'échiquier devant moi, mais
je n'ai l'idée d'aucun adversaire au delà de l'échiquier
sm' îequetjejoue, il y a un vide. »
~f. ~bo~. « Je suis obligé de me représenter mes

opposants placés devant moi. Si, avant de commencer


a jouer, j'avais aperçu un des echiquiers placés derrière
moi, cela me donnerait un travail consideraMe, parce
que je serais obligé de tourner mentalement ma per-
sonne de manière à être en face de Fechiquier. Ceci
rne semble prouver qu'il y a dans la vision mentale

quelque chose de mécanique. Le camp des blancs est

plus près de moi que celui des noirs, o


/~(~c/. « Je me représente î'échiquier dans dit-
fcrentcs positions par rapport à moi, parfois sur la
table, parfois dans les airs. Je ne me représente pas
mon adversaire, mais je tiens compte des connaissances
<r;uc je puis avoir sur le style de son jeu. c
j~f. DoK~ /~rs~< « Je ne personnine pas mon
adversaire; mais si, par connaissances personnelles,
~c sais qu'il est faible pour certains débuts, j'essaye de
ramener à adopter ces débuts-là. Quand je ne joue
28(t t'SYCMOMGtR nRS ~OUBfHS O'~CHSCS.

seute <
qu'une partie je me représente
sans voir, Fechï" [
quier et les pièces p!accs devant moi dans la posttton j
habituelle employée pour jouer. Si je joue deux part!cs

stmuÏtanétnent, je me représente rechïqu!er n° i pïacé


à main gauche et le n" 2 pïacc à droite; si je joue trois

parttes, te n? i est gaMehCt n" 3 est a frotte, et ïe


n" 2 au milieu; pareillement pour le cas d'un plus
grand nombre de parties. La situation ima~tnée pour
chaque echtqu~er m'aide a me rappeter la posït!on. » ?
M. <?~~s~ « Je me représente le jeu comme
étant pose devant mai. »
y~M&CM~a~ « Je me représente mon adver~atre
en face de mot. ? ?
~r. ~~3. « Mentalement, je ne p!ace réchÏqutcr
dans aucun rapport d'espace relativement à ma pcr-
sonne et re!at!vement à mon advcrsa!re.
~f. ~o~MM. « Je regarde t'echtqmer (mental comme
si j'étais assis devant la tabÏe, c'est-a"dtrc comme si

FëcÏuquter était a ta dtstancc hahttuette de mes yeux. Si

je ne joue qu'une seute part!e, je me figure mon


adversa!re tel que je le connais. Mats dans une séance
de ~tx
parties je ne sais jama!s quï joue tcl ou têt
échtquter, et le joueur n'est pour moi qu'un numéro.
Si à la fin d'une partie il y a des coups à compter, je
retourne souvent rcchtqmer dans mon esprit, et je

regarde la postt!on du côte de mon adversaire.


Ces quelques réponses effleurent, ptutôt qu'elles ne
traïtent rceHcntent, une qaestton emportante, la locali-
sation des images mentales relativement à notre corps.
Depuis Ïongtemps mon attention a été atttrcc sur. ce

point, si négligé jusqu'tct par les psychologues. J'aï


MRPMKSBKTATMN VtSUEt.LE DE L'BCHtQUMM. 2M

adressé de questions
beaucoup aux personnes qui me
paraissaient capables de s'analyser et je suis arrivé à
tnc convaincre que le mode de projection et de locali-
sation des images varie avec les personnes et aussi
avec les circonstances n
6~/w~~Mr ~Vw~ Apres la localisation de

image visuelle de Ï'ëchïqmer,


disons un mot des
dnnensions de cette image. La question 6, qui attire
t'attendon des joueurs sur ce point, est ainsi conçue
'( Vous représentez-vous t'echiquier et ses pièces
'<!tnu!tancment dans leur ensemble, ou bien seulement

par parties qui vous apparaissent d'une manière suc-


<c~si\e? ? Cette question a provoque des réponses

peu dttFerentes. Un seul joueur, M. Tarrasch, anirme

<pt'i! visualise t'échiquicr entier, et que cette visualisa-


tton totale est nécessaire; sans cela, dit-il, l'action
d'une ptcce pourrait facilement
échapper à l'attention
(ht joueur à l'aveugle. Mais comme n ajoute qu'il se

tcprescnte un échiquier petit, afin que le regard mental


puisse passer pïus facilement d'une case à l'autre, il
<t bien évident que sa visualisation est successive.
~L Sc!m!iopp dit simplement « H est des cas où je
vois l'cchiquier en entier, mais il en est aussi d'autres
ou je ne vois principalement que la partie de l'ëchi-

quier sur laquelle le combat est actuellement engagé


Cette dernière de la réponse
partie résume assez.bien

l'opinion de la majorité des joueurs, Ïl est de règle,

t. U<t cit'vc de hntt'e ïnbofntoh'c, M. E. M!tbau<t, il qMt j'ttt


tudtt' !'etttdf! t'e~ttHcrc de cfUc qncstton, n Msutne ses t'échu.
h<'s dans Mue courte note de la ~('f'f«* ~/«7(w~<M<' (18~4,
1 'JMtUct). J'y renvoto.
282 PSYCHOLOGIB DBS ~OttR~nS D~CHECS.

peut-on dire, que les joueurs ne se représentant qu'une Î~


partie de l'échiquier. M. Moriau, qui exprime l'opinion f
écrit « Par suite de !a ~çon dont les v
moyenne,
chaises et les tables sont placées, il est imposstbie à
Fogtt d'embrasser tout l'échiquier et toutes les cases i
d'un seu! cpup;li ~t ppat~queme~tprô~m Ïe regard
sur l'échiquier. De même, mentalement, je parcours
les différentes parties de t'echïquier. et j'y vois tes

pièces et leurs positions respectives a. M. Preti m'en-


voie l'observation suivante <ï J'ai voulu me rendre

compte si je verrais toutes


pièces tes
et t'échiquier
entier; j'ai pris une petite partie dont le mat est au

septième coup, et je l'ai tne mentatement en suivant le


mouvement des pièces. Au début, je vois très distinc-
tement la double rangée des pièces blanches et noires
et Ï'cchtquier tout entier.

t–P4R C 4R
2 C 3 m c~m
C H) p ~t)

« îct je vois Ïe centre de Fcchtqme! c'est-a-dtrc les


rangées dans ÏesqueH~s des ptfccs sont jottces à
droite et à gauche cc!a semhtc s~efîaccr et cependant
je vois encore

4–Pp)'P P5R
f;–t)~ F&CK
~–CprP PprC
7–CppCtnnt.

« Je vois très distinctement que !e mittestdona~par


!c doubte cchec de da!ne et du c<tva!!ct' et que ces
MBPH~SBNTATÏOKVïSUELLB DE L't!CHtQU!ER. 283

deux pièces sont en pWse, Les bords de rëchtquter


sont un peu vag~ues~ cependaRtje pourrais nommer s~c-
cesstvement Ïa place que les pièces occupent. »
En résumant toutes les t'éponses rccueHttes sur ce

point, on peutf!tfc que Ïa vtsïon fnentaïe ~e !~chïqu!et'


se (a{t par portions successives.
CHAPITRE VH

MKMOÏRE tSURLLE CONCRÈTE


HT MHMO!RK \!SUHLLK ABSTRAtTE.

J'aborde dans ce chapitre une des questions les plus


curieuses et peut-être tes plus originates que l'enquête
ait rëvétees; je vais montrer qu'il existe phtsïeups
espf'ces différentes de mémoire visuelle.
On saït déjà, pan* des obscrvatîons anter!em'es, et
surtout par l'analyse psychoÏogtquc, que la mémoh'c
visuelle contpt'cnd deux mcmoh*es bien distinctes et

indépendantes l'une de !'autre la ménto!re des conteurs


et celle des formes.
ÏÏ est probaMc qu'on doit pousser
plus avant cette subdivision et reconnaître, dans la
mémoire des couleurs par cxcmpÏe, la Ïumtërc, les
couleurs, les nuances, etc. est TraïsembÏabÏe que
certaines personnes sont plus sensibles attx degrés
différents de la !umièrc et de l'ombre; que d'autres
retiennent mieux, avec p!us d'exactitude, les nuances
de couleur, les teintes délicates; que d'autres ennn
notent de préférence les assemblages de couïeurs et
M~MOtKK VtSUBLLË CONCMKTË. 38&

!eurs relations réciproques. Toutes ces questions méri-


~tcnt d'être étudiées expérimentalement.
La distinction que nous cherchons a introduire dans
!amémoire visuelle, à la suite de nos études sur ies
toucurs d'échecs, est d'un ordre tout dincrent eHc ne

repose point sur. la nature de la sensation visuelle qui


est rappelée et ressuschée dans la mémoire, mais sur
les tnodiitcations que l'attention et l'attitude de Fesprit

impriment à cette sensation. Entrons dans quetques


détails, pour nous <aire bien comprendre.
On a cru jusqu'ici, quand on a cherché à s~expHquer
les facultés des joueurs à l'aveugle, que teur mémoire
visuelle est une répétition des sensations reçues par
rceii lorsqu'on regarde un échiquier pendant le combat.
On a,
implicitement, supposé que la vision mentale
~f~ <!u joueur ressemble à la vision réelle comme une copie,
comme une peinture exacte, comme une photographie
r en couleur.

Pendant longtemps, le seul document qui existât


dans la science était l'observation pubtiée par M. Tainc.
M. Taine écrivait au sujet de !a mémoire
visuelle des

joueurs « ït est ctair qu'à chaque coup la figure


<!e Ï'échiquier tout entière avec l'ordonnance des
diverses pièces leur est présente, comme dans un
tniroir intérieur, sans
pourraient quoi ils ne prévoir
les suites probabïcs du coup qu'Us viennent de subir
et du coup qu'ils vont commander
cette expression « La figure de i'échi-
Remarquons
quier leur est présente coM/Mc ~M.? un w~w !Ï
serait difficile de dire plus clairement que la mémoire
du joueur d'échecs est une mémoire concrète. L'obser"
2M PSYCHOLOCÏB DES JOUEURS D'ÉCHBCS.

vation de M. Taine, nous avons pu nous en convaincre


facilement, n'a point une portée elle n'est r;
générale
pas vraie de tous les joueurs; et si l'on veut se rendre
un compte exact de leur <açon de procéder, il faut éta-' <
btir entre eux plusieurs n
catégories.
un& & renMrquë e
Commentons par fair~ nnportantc
dans le but de prévenir quetques erreurs d'interpré-
tation. Quand on cherche à dénnip tes images dont se t
sert une personne donnée, il faut ne pas oublier que
la nature de ces <
images peut varier dans une mesure
eonsïdcrabïe suivant le sens dans tequet se porte Fat-
tentïon de la personne. Ce qui caractértse son type de
tncmoïre~ ce qui <att que cette personne est par exemple

plus voisine du type visuel que du type auditif, c'est

qu'elle a l'habitude de préférer les images vtsucHcs


pourïe~ dHtercnte~ opérattons de son esprit; mais *il

n~enrésuhenuueînentque les hnages auditives sotent

complètement cte!ntes cette


personne du type ~!sueÏ

pourra, si eUe te veut, si elle fait eubrt~ évoquer des


de son absolument nettes et très intenses. !Ï y 3
images
a donc lieu
de distinguer les <wa~<'s s~o~cs et les

WM~cs ~t~Mc~. Cette distinction s'applique aux joueurs


d'échecs. Tout joueur qui tnanic depuis des années des i

pièces d'échecs doit être capable, quand it concentre


son attention sur ce point, de se représenter fidèlement
la couleur d'un fou ou la forme d'une tour; c'est alors
une image évoquée. Ce que nous nous proposons d'élu"
dtcr, ce sont les images naturelles et spontanées du
joueur, celles qui se forment dans son esprit a un
moment où il ne cherche qu'à exécuter des combinai- ;<
sons d'échecs.
MBMOtRE VtSCELLB CONCRÈTE. 2~7

Donnons encore quelques renseignements prétimi-


taircs sur les échecs et les échiquiers que le joueur
sans voir doit
se représenter, pour se que le lecteur
asse une idée des variétés que peut présenter i'image
mentatc du joueur. L'échiquier sur lequel on joue est

t'otnposé, on Ïc sait, ()e 64 cases alternativement bïan-


!chcs et noires; les échiquiers se font soit en carton-

{ucrre recouvert de papter ou de toile, soit en peau,


soit en boîs de noyer, de palissandre ou de houx, soit
en ivoire. Les pièces d'échecs se font en buïs, en ébène
<~uen ivoire. La forme des pièces varie un peu; on'en
connaît de deux tnodeÏes principaux le modcÏe Régence,

qui est éÏe~ant et bien proportionné, et le modèle

an~Ïais connu sous le nom de .y~K~/t c~c~ wcK, qui


cat plus Ïourd, plus massif. A part !e cavalier et la
tour, aucune pièce d'échecs ne rappelé la forme de

t'omet dont e!îc porte le nom; ce sont de simpÏcs


qui!!es, qui diucrent entre elles par la taille et le
nombre des ornements. Quant à la couteur, une dis-
tinction est à faire. Les pièces du camp des noirs
sont réellement noires; les pièces blanches ne sont pas
recHement blanches, mais en généra! d'un jaune plus
<~u moins clair.
Ceci dit, nous allons résumer les réponses des

joueurs d'échecs à notre questionnaire, en nous eHbr'-


~ant de leur laisser Ïe plus souvent possibie Ïa paroîe
nous durons seulement le soin, pour mettre un peu de
clarté dans ces
documents, de donner un ordre parti-
culier aux réponses nous commençons pas ies obser"
vations dans lesquelles la mémoire visuelle de Fécbi-

quier est concrète; et nous rangeons à la suite les


2<M PSYCHOLOCÏB DES JOUBUHS O'RCHBCS.
f
autres observations en suivant l'ordre de rabstractio~
croissante r
~f. ~aM<?, un amateur, de bonne force, qui a jouc~
sans voir deux parties simultanées, a pendant !e jeu~
une représentation concrète de i'échiquier et des~
pièces; iÏYqit les Man~s et ie8~eirs,b~ ~è

lesquels il joue étant plus rapprochés de lui; réchi-~


quier est posé devant lui comme dans les conditions~
ordinaires du jeu. C'est du coté des blancs
qu'it aper-
çoit la partie; il ne pourrait pa$ changer son point
de vue, et H a essayé sans succès de jouer avec les
noirs. Les pièces qu'il se représente dans son imagi- ~r
nation ont la forme de celles qui servent à son jeu
ordinaire; ce ne sont pas des pièces quelconques Ïeur
forme est bien visible et bien nette; il voit, dit-il, les

petits yeux du cavalier. !t a chez lui un petit échiquicr


de voyage, qui se terme en boite; c'est sur cet échi-

quier qu'il imagine d'ordinaire la partie, et il en aper-


çoit la charnière. Ce dernier détail montre bien qu'il
d'une vision mentale concrète. v
s'agit
/"b~ compositeur deprobtèmes, n'a
jamais joué sans voir et se croit incapable de ce tour
de <brcc mais, à propos 'des problèmes d'échecs, il
nous fait part d'une remarque intéressante. Quand i!
pense à un probtcme, il ne se représente pas un échi- (

quier réel avec ses pièces, mais un diagramme d'échi"


quier, du genre de ceux qui lui servent pour envoyer &
ses prob!entes aux journaux. t)c plus, s'il lui arrive de

songer à un probtème qui l'avait occupé autre<bis, il

peut souvent reconnaitre Forigine de ce problème~


savoir, par exemple, s'il est orig'tne française ou
"'3
M~MOtttB YÏ8UKLM5 CONCUBTB, 289

itnghnse, en examinant avec soin Ïa forme des ngures


sur son diagramme mental; ainsi, ïes.probtèmes
hosées
angtais se distinguent des français par ta (orme du
ton; le fou anglais est un cvéquc, et il est représente
dans Ïes diagrammes par le dessin d'une nntre.
~f. y~M~H~ paraît avoir une mémoire visuelle

k'oncrete~ mats tt donne peu de détails. « Mon opinion,

ccrit'n, est qu'on voit tout à fait réchiquier, et dans !a

~t'andeur de celui dont on a ï'habhude jede se servir;


ttïe représente rcchiquiejr parei! a ceux dont je me sers
d'habitude je vois nettement la cou!eur des pièces et
des cases. » Ce mode de ~'isuatisation est à noter, car
il est assex rare chez les joueurs de la force de M. Tau*
hcnhaus, capabïe de jouer sans voir six parties sinnd-
tances.
Jtf. CoM/'<?~ amateur distinguée nous envoie les ren-

seignements suivants d*un « Je me sers echiquier


modèïe Régence, et je me représente un échiquier
modéïe Régence abstrait, sans détails ou accidents
individuels. Je îne représente aussi bien ia ngure que
!a coutcur des pièces; je vois mentaÏement !a figure du
fou et celle du roi. C'est par leur figure que je tes
reconnais dansnta mémoire. M

A~«& « Aveugïe depuis six ans, j'observe

que ma mémoire s'est extrêmement déveïoppée durant


ce !aps de temps. Je n'avais jamais essayé autrefois de

{oner a i'avcugïc; ot% ma cécité et Famour du jeu


d ccbecs m'y ont porté à présent, et à l'heure qu'it
est je joue à ravcugïcavcc beaucoup de faciÏité. Je
me représente toujours Féchiquier et ïes ugures dont je
1
tue suis servi avant de devenir aveugle. La couleur des
l!)
S90 PSYCHOLOCtË OKS JOUËCns B'~CHECS.

cases se présente très distincte; !acou!eur des pièces


n'attire pas mon attention, mais je ne confonds jamais
tes figures bouches et les ngurcs noires, étant guidé i

par ta position de Ïa partie. Je me représente tes cou- f


c,~
leurs de mon ancien échiquicr jaune et noir. Je me

représente la fbpnM des n~ aussi Bien que Ïeur


couleur; et en me représentant la figure je n'en sépare
pas le mode de mouvement. Lorsque je reftéchts à Ïa j

position de la partie, je me représente réchtqmer avec


ses figures comme si je Ïcs voyais, et je déplace les
pièces dans mon imagination tout comme je Fa! fait
avec ma main.
N'ayant perdu !a vue que depuis six ans,

j*a! assez bien conserve Ï'impresston de la forme des Ï.

Heures pour pouvoir me les représenter sans avo!r


besoin de recourir au toucher. Je trouve que pour Jouer
a ï'avcug!e il est absolument nécessatre de Men étudier

!'éch!qu!€r, c'est-à-dire de connattt'e la posttton qu'oc-


cupe chaque case sous le rapport de la longueur, de
la targeur et de la diagonale sur ï'ech!quïer. n faut
aussi ctre trcssûrdc la couleur de chaque case. Je suis
'r~
parvenu à si fermement connaitre ï'échtquter que tout
endorm!jepourra!s dire la couleur et la position de la
case tnd!quée. II doit en ôtre de même des mouvements
des ngures; ainsi sufut qu*on me nomme le cavauer

ptacé à F 4 pour que les huit cases qu'il défend se

présentent à ma mémoire. ? Ajoutons un détail sur les


forces de notre correspondant « Je n'ai jamais, dit-il,
essayé déjouer à î'aveugte pÏusieurs parties à la fois
en présence de mes partenaires, mais je joue contre six
partenaires à la fois par correspondance, cela est certes

ptus facile, vu qu'on a le temps de la t'éuexion. Depuis


MÉMOmE VtSOBLLE CONCRÈTE. 29t

es huit motsque je me suis engage dans Ïe jeu de ces


:ix parties, je n'ai jamais été dans le cas de me les faire

'~pctcr, tellement elles sont bien imprimées dans ma


httcmoirc. 0
a
A quelques nuances près, ces premières observa-

~tous appartiennent au même genre de mémoire, à la


mémoire visuelle concrète. Cette mémoire reproduit
!es caractères de Ï'échtqmet~ c'est-à-dire
prînctpaux
r La couïcur des cases;
j 2~ La couteur des pièces
3" La forme des pièces, avec Ïeurs detaiïs caractéris-

ttq<tes.
Cependant nous ne croyons pas qu'on puisse com-

parer la représentation menta!c, mcmc concrète, de

t~hiquier, a ce que peut donner !a vision recÏtc~nous


j doutons tort que le paratÏcte soit juste limage visueÏÏe
di~re de la réalité; elle en diffif're comme un portrait
diffère d'une photographie, part'cf~cetnentsemi-voïon-
!<tirc de détail sans
Importance;
!a plus be!!e mémoire
\tsueHc ne retient pas les choses telles qu'eïïes sont

pour Fœ mais opère un choix intelligent


qui dépend
ttu but que Fon se propose en évoquant un souvenir.
v en a fait ta remarque a propos
5: M. Tainc du jeu
<échecs. Hc~ardons un moment un echiquier et ses

pièces en position que de dctaiïs insignifiants nous

apcrcevous! La forme bixarrc des Otnbres portées, la


t'exion de la ïumicre sur !'cchiquier, et une foule
d'autres choses qu*H n'est nu~entent nocessaire de se

rappeler pour jouer sans voir, parce que ce sont des


a< cidents. Quand on presse de questions le joueur,
tttcmc celui qui se vante de copier dans son imagina-
292 PSYCHOMGtE OBS JOUEURS D~CHECS.

tion le spectac!c des yeux, on n'a pas de peine à 8<~


convaincre que cette copte n'est point serviie, mai~~
inteÏngcnte, etrcpose sur un choix; ainsi !ejoueur nc~
voit pas mentalement Fombrc des pièces pendant qu'i!
joue. C'est un premier degré d'abstraction.

Maintenante nous ~onsexan~tnerde~sob~


a ;y,
d'un ordre dînèrent, dans lesquelles la rnëmoire visue!!c
subit un travail d'abstraction pÏus considérable.
M. 2~3. Un intérêt particuticr s'attache aux réponses
de M. Fritz, car c'est ïe joueur actuellement vivant qui
a réussi it conduire le plus grand nombre de parties a~
Favcugiû 11 parties. « L'echiquier qui m'apparaît est
sans signes caractéristiques~ et les pièces aussi. ~Lc?

correspondant veut dire que ses pièces n'appartien- ï


nent à aucun
type particuMcr~ Régence, Staunton on
autre. « Louage de i'~cbiquier et des pièces apparaît
avec leurs couleurs, et cela plus vivement pour !es
pièces qucjcjouem~i-mênte. La forme des pièces n'y y<

est pour rien. HHes ne m'apparaissent pas avec une


forme déterminée, quoique les diverses pièces se ïnon-
trent avec des dimensions différentes, par exemple Ïc
pion plus petit que le cavancr, et celui-ci plus petit
que la reine. 'J
Par plusieurs cotes, sans contredit, la représenta- j 'v
tion mentale de M. Fritz reste concrète~ elle devient
abstraite surtout
par!'cnacenïcntdetaforme des
pièces.
On voit que la conteur des pièces continue a être nette-
ment perçue.
/~fe~ //c«'<?~ amateur distingue, nous donne une
description analogue à la précédente. « Mon échiquif!'
mental consiste seulement en C4 cases colorées aiter-
MÉMQtttE VÏSUBt~E CONCMKTt:. 293

cet n'a de nord~ les


~aUvement; echtqmer pas pièces,
tes cases, se leurs couleurs
~'otnmc dtsttnguent par

et noires. Les <!c forme


p!ancbes pteces n'ont potnt

)arttcu!tére; ~~7~ /<' ~/s /Ms~c~e~eF<< ce ~M'c~/cs

j w~. jt P~MS Jtotn t ie même correspondant ajoute

Mon est distincte et ce te


unage toujours peu qui

n'nuvc, c'est ta couleur hÏanchc des de


que pïèces

(ton c*cst ce défaut de netteté


camp m'apparaît en gt'ts

E:tns mon de bïen


tm:tge tnentatc qu! m'empoche jouep

Je reconnais les a leur


l'aveugle. pièces- pouvotF~

à leurs tnou~emcnts dans une


~'cst-à-dtpe posstbtcs;

mesure Itmttec, teut's tnouYctnents rcc!pro"


je perçoîs

<}UC'S. ?
y<<j'Ar/x y C~w~.<. « de mieux répondre

aux questions vous avex tbrntuîécs~ j'ai joué hter


que
une sans voit% et je vous aturmer Fecht-
partte puts que

<ptter sur n'avatt de carac-


(tnentat) lequel je jouais pas

~res indtVtduets, mon adversan'e sur un


quoique jouât

pcUt de et vu cetéchtquter
échtquter poche~ que j'eusse
< et les en ordre de batatUe, avant
petites ptèces rangées

<!c tourner !e dos. » En ce concerne !a


qu! representa-
t<on de ïa couÏeur et de ta fbrute~ ~t. Tolosa ajoute
Cela de ma volonté voh' ncttetncnt !a
dépend pour

ttu~cur des et des cases, tcur


pièces dtsttnguer, par

«mteur, !es Mânes et tes noirs des deux dts-


camps,

hngucr !a couïcur du buis, du on de îa


panssandrc,

peau qu! font !a tnattèrc de H faut


Ï'échiquïer, que je
<r un acte de conccntratton~ à
tasse ~~o/f~~ je joue
sans à tout cc!a,
~avcugîc penser jamats et je puis jouer
colore. » Dans une autre
sans\oh*t'iniagedc rech!(~u!er

ïcm'e, Ïe même trahs &


correspondant ajoute quetqucs
2Mt i'SYCHOt.OME DES JO~EUKS D~CHMCS.

sa « Par un acte de tua


description. simpic votontë,jc

pms me !a forme exacte et Ïa couïcur


représenter de}.§

sur cette
pièces posées i'echiquier~ représentation est
Ïa on exacte de et
toujours copie image Féchiquier dcn~'

pièces dont suis habitue & Me servir.


je Je crois qujij~
est et
trè& uti~ d~ se TBprésent~ couleur
des pièces, surtout dans les premières parties sans
voir ï'on et aussi a
qae joue, iorsqu'i! y Ïongtemps

qu'on n'a à Faveu~îe. Du reste, crois dans


joue je que

quelques cas (par lorsque devient


exempte Hmagtnatïon

paresseuse, ainsi dans telle ou teHe face ou


que pcr!od<'

de it est tout à fa!t nécessaire, même


partiel pour
ceux sont habïtucs à sans voir,
qui d~à jouer de

demander à cette aïïn de


appui représentation, ca!cu!cr

mieux les m'être bien exa-


coups. Cependant, après

mîne, dédare dans ta des cas,


je que je joue, plupart
en meniaÏcment un cases Manches
voyant échiquieren

seu!etnent, et ca!cu!er les


que je peux parfaitement

ta forme et !a couleur des


coups, quoique pièces se

dans sous une forme et une


représentent ~'imagination

couleur très Pour voir en ~c~c-


vagues. imagination

wc~<, soit coïorc, soit !a forme ou !a cou-


!'echiquier
leur des dans i! faut un
pièces !'espace, que je fasse

acte de concentration ou abstraction psychique.


~f. ~fûrMM. « Je crois très fort ana-
qu'un joueur,

iysant profondément une doit à peine faire


position,
attention à ta forme des i!
pièces regarde Ï'cchtquicr

d'une manière Dans son cerveau, les pièces sf


vague.
meuvent suivant leur mouvement et ce n'est
propre,

les individuatiser leur donne


que pour qu'i! un'nom.
La même chose existe dans !e sans voir; rien de
jeu
MËMOt~Ë VtSUKLLE CONC~BTË. 2~5

~pïus, rien de moins. Le modeste


joueur qui perd une
pièce, disant qu'il n'a pas vu qu'cïie était en prise, ne

pourra pas comprendre cela, car il lui faut de beUes


pièces bien distinctes, et une bonne lumière venant de
derrière. Ma!s tout cela n*est pas néccssaïre a un Port

joueur. ? Plus toin, te même correspondant ajoute


« Je puis me représenter exactement la forme d'un
fou, la forme d'une machine à vapeur, changer les

tuyaux, etc. J'ai fait plusieurs inventions et j'ai toujours


exécuté mes dessins dans ma tête avant de !cs mettre
sur le papier. Mais quand je combine, je ne me
représente pas la fot'mc du fou. Le joueur sans voir,
s'U pensait à la forme des pièces ou a la couleur des
s cases, ne pourrait pas en même temps penser aux com-
~5

( binaisons. Je crois vous avoir écrit que BÏacÏtburne


m'avait
dit une fois qu'un Joueur sans voir transcendant
ne devrait voir ni formes de pièces, ni couleurs de
? cases, mais les attributs des pièces et 64 cases, et
calculer les mouvements. Ceci serait l'idéal, que per-
sonne au monde n'a jamais atteint, car
un joueur a
besoin de s'aider de petites choses, comme vous l'avez
deviné dans votre questionnaire. » J'ai demande a
f M. Moriau de bien vouloir dessinerla forme des pièces
telles qu'H les voit mentalement pendant une partie, 11
me répond « Votre demande nous paraît, à M. Cun-
nock et à moi, très difficile. Nous avons essayé de
nous rendre compte, et nous trouvons que nous ne

prenons ni la peine ni ie temps de dénnir la forme des

i pièces dans notre mémoire ~<~f ~~co~~ scM~Mc~

[ que C'C«< MM C«t'«'r 0~ MM /«M, S~M~ MC~ CfC~


~<' r~~< Si r!î!tcrct de la partie est concentré
296 PSYCHOMGtR DH8 JOUKURS O'HCHBCS.

sur une ou queïques pièces, que je deptacc (mentale-~


tnent) pour analyser la position, alors je m'aperçons
que lorsque je remets (mentatement) les pièces en ptacc p
pour les jouer a:t!eurs, je Ïeur donne leur forme habi-
tucHe,a6n de comprendre la position comme si j'avais r
un echiquicr devant moi. Majis cecL~'est f~'cxceptioh-
rtëî; en ~<htet'a!,je déplace les pteccs sans m'occuper;
de leur <brme. Ces explications sont à rapprocher de
celles de M. To!osa y Can'efas, avec lequel it semble
bien que M. Monau est d~accord sur tf fond de la

c~ues~ton. Les deux correspondants reconnaissent qu'i!~


nev!suattscnt la fonnc que pat* exception, et que cette
visualisation cxce~~onneÏic peut servir à nueux nxcr te
souvenir d'une posh!on.
jtf. ~iMo~o~ « En jouant a Faveugte, je n'at aucune
idée de forme ou de coutcur. Les figures se divisent
en ttgures hosttÏes et aHiées. J'oubite Ïcur forme exte~ 'j
rieure, et je ne me souvtens que de leurs quaïttes et de
la situation dans laquelle elles se trouvent récïproquc-'
ment. Si j'oubtîe ceta, si je commence à douter où nej
trouve une certaine ugtn'e~ je répète en esprit la partie

depuis le commencement. ? Cette brève description


reproduit assez exactement celles de M. Moriau et
To!oxa y Carreras~ avec, semb~-t-i~ un degré d'abs" >
traction de pïtts. Cn a du remarquer cette phrase
t< Les /~w~f se divisent e~ /~<c~ et alliées ». Si je <

c'omprcnds bien M. Anoso~f, il sait qu une ptece lui


appartient, non parce qu'ii s'aperçoit, dans sa vision
mentale, qu'elle est h!anchc~ mais parce qu'iî a le sen-
timent qu'it peut en disposer. r
i
Af. F/<c. Son observation ne nous est point
MÉ~O!RB VtSUEL!.K CONCKRTB. 297

parvenue directement, t mais par l'intermédiaire de


M. Moriau etdc M. Cunnock, qui, en faisant causer le
cctèbre joueur anglais, sont parvenus à lui arracher des
c~nudenccs, qu'its ont été assez aimables pour m'en-
voyer. M. Biackburnc a dit Men des fpts que~ p
~Ket' sans voir, il faHait être un &or/t 6/M~/bM c/~css*
~a~c~. Quant à lui, il répète qu'H ne sait pas com-
tttcnt Hjouc aux échecs sans vc!r, et que~s'~ te savait,
il ne pourraït pas ï'expHqucr. M. Moriau nt'envote en
t~utrc ce rensetgnctttent ? J'a! son autonte pour dire
<{H'a son point de vue un bon joueur ne doit s'oc-

i <«per ni de ta couteur des cases ni de ta forme des

ptcccs, mais de leur puissance. En revanche il dit, et

je lc crois~ et ses parties setnbîcnt le prouver, qu'il


voit !a position sur l'échiquier aussi exactement (lue
s'il avait celui-ci devant les
yeux. ? Les renseigne"
ments envoyés par M. Cunnock confirment pleinement
tes précédents. « M. Biackburne m'a dit qu'il ne
voit pas du tout la couleur et la forme despièces
pendant les parties. C'est pour lui une auairc sans

KHportance que son échiquier imaginaire ait 1 mètre


(~ 50 mètres de longueur et de largeur. Le crité-
t'tum dont il se sert pour dire s'il voit les cou-
tcurs des cases ou non « QueUe est la
est le suivant
<«utcur de la case 7 du fou de la reine ?. Il est obligé,

pour répondre, d'y reucchir à fond. (~ Aa~ <~ ~~A-

~Mf.) ft ne voit pas cela de suite. H A une autre occasion,


il s'est servi de la comparaison suivante « Si vous

songez à votre chambre à coucher, vous serez capable


de vous rappeler la position de votre lit, des chaises,
de la table, du tavabo, de la porte, de la fenêtre, du
~8 ~SYCHOLOGÏB DES JOUËUMS U'ÉCMBCS.

tapis; vous vous rappellerez la couleur du papier peint,


et ain~i de suite; c'est justement de cette manière que
je puis me rappeler les positions sur l'échiquier. Si,
quand vous rentrez chez vous, vous trouviez les objets

changes de p!ace, vous vous en apercevriez de suite.


Ou encore mte~x,~que~tr'OtTfëna~ dire que _.f
le lit a été éloigné de la fenêtre et rapproche de la chc'
minée, cela vous donnerait ia même information que of:'
lorsque mon rapporteur appelle le mouvement d'un
pion ù 4 roi.
Cette dernière métaphore me paraît être d'un sens ;:=

passablement obscur; et sans perdre notre temps à :-·


:I:
expliquer les réponses un peu cmgmatiques de Ï'oracÏe,
nous ferons simplement la remarque que, sur beaucoup
de points, M. Btackburne donne précisément les
mêmes réponses que les autres joueurs; l'effacement t
de la couleur et de la forme montre que ce joueur se
sert d'une mémoire visuelle abstraite.

<y~M/ « Je commence par citer un fait qui se

rattache directement au jeu sans voir ce fait consiste


a suivre sans échiquier une partie imprimée. H m'ar- j
rive fréquemment de le faire, et je puis constater que
je suis extrêmement journalier sous ce rapport. Par-
fois je le fais avec la plus grande facilité tout comme
devant un ecb!quier, je suis les idées
joueur,du je :.a.

devine ses combinaisons et je fais même un peu

d'analyse. D'autres jours, cela me vient très pénible-


la partie, =~
ment, et pour retenir à peu près toute je suis
~`'
obït~e de surcharger ma mémoire.
« Je m'explique ce phénomène (!ejcu sans votr} par
la mémoire visuelle dont mon cerveau est phts ou
MKMOtRE VïSURLLK CONCKÈTK. 2UU

moins susceptible. Lorsqu'une partie sérieuse, telle


une partie d'an tnateh,d'un concours, ou toute partie
où mon amour-propre est fortementengage, m'inté-
resse vivement, la vision de l'échiquier, ou phitôt la
vision de& pGSttiQn~ successives &ubsist& très nette-
ment longtemps âpres ta partie terminée. Non seule-
ment je me rappeUe les combinaisons que j'ai vues ou
cherchées séance tenante, mais aussi les combinaisons

qui m'ont échappé et les erreurs commises.


« Pour b!cn rendre ma pensée, je devrais remplacer
!e mot cch!quier par celui de la position, chaque fois

qu'il s'agit de ta mëmotre VtsueïÏe, car je ne vois


rceHcment qu'eHe. Mon cchiquîer imaginaire n'a ni
hords ni couleurs distinctes pour ses cases c'est
comme un transparent grisâtre où les points plus ou
moins foncés forment la position, et où je reconnais
telle ou telle pièce non par sa forme spéciate, mais
hten par son mouvement possible, c'cst-a-du'c par son
action. Du reste Ïa couleur de teïte ou telle case m'itn-

porte très peu.


M. SittenfeÏd, sur no~c demande, a bien voulu
dessiner pour nous la manière dont it se représente
une position pendant une partie. Nous donnons son
dessin et ta légende dévetoppée qui l'accompagne.
« Pour faciïitcr ma tâche, nous écrit M. Sittenfetd~

je vais choisir une position simpte, où la combinaison


est très facile à comprendre.
« Supposons que j'aie joué une partie
et que je sois
arrivé à cette position (voir fig. 17), et alors je vais
la dessiner telle (lue je ta fixe dans ma mémoire avant
de chercher un coup pour moi (voir ng. i8).
300 PSYCMOLOGtË nBS JOUBOK8 &'ÉCMEC5.

<.S!tnm<~cmn~Tpt'Ptt4t), Tp~T
Tpt'T Tpt'T
DpfT DprPcch
FS Cd D~ C~
t''pt'D Hptt''

P4 Td

w (.te tt'sr~ct~~ d'UR~


tes deux cases.)

« Dans ia premtcre je vois toute FacttOti ~e


concentrer autour du pton a 41).
« Dans !a dcuxîème, c'est-a-dh'e après Ïa dîsparÏtto~
des ptcces, je qu'H me faut 5 temps pour fah'e une
dame et que le t'«t adverse ne peut pas rempcchcr,

puisqu'il lui faut C temps, a


Nous supposons que !c dessht de M. Stttcnteïd est

légèrement symhottque; par les Hgnei; tracées, M. SM-


tcnfcld a sans doute \ouÏa indtqucrta dtrectton des
mouvements que les pièces sont capitbÏes d'exécuter,
MÉMOtRE VMUBLU! CONCHÈTB. soi

ï'ensefnbte de Ïa fait bten Fen-


ûgure comprendï'e, par

chevôt t'entent des et leur dh'ectïon, Fêtât mental


Ugnes

très coînptique quî se sans voir.


prodmt pendant le jeu

Cî-aprcs, nous donnons con-


quetquesop!n!ons qut «

t't{î. 18'. t~M)) <!<: M. 8tttf't)<*<4<t ))M)H* farnt't~nser !t)K)gc v!t.uc!tc


d'une p)n't!e d'echoee.

arment les déductions précédentes. « La


complètement
terme des pièces et tem* couleur
n'importent point,
nous dit M. Arnous de Rt\'tère; dans te jeu sans voir,
les pnnc!paux éîéments qui servent aux combïnatsons
sont Ïa Ugne de d!rectïon que d<nt suivre la pièce et le
<'hHh*e de la case où !a ptéce doit s'arrêtera le joueur
302 PSYÇHOLOGtE OE8 JOUËM8 p'~CHBCS.

sans voir se donne, dans son esprit, la yeppesentat!on


de lignes mobiles qui s'entre-cro!sent; c'est de Ïa

géométrie de situation. »
Un élève distingué du !aborato!ye de la Sorbonne, i
i
M. Vtctor îïenr!, s'est essaye à jouer sans voir une

partïe qu'U a menée ju&qu'a ta ~n~ se~ ïmpressîons r


ressemblent un peu à celles de M. Gcctz; pendant le

jeu, il voit nettement les cases, il ne se représente a


aucun degré les pièces; il sait qu'cHes occupent une r=;
certaine pos!Hon et il ne pense pas à leur forme, mats
à !eur portée, et surtout à leur nom. Le mot devient, t
dans ce cas, le substitut de l'intage.
J~. 6~3, dont nous avons déjà, au commencement
de ce trava! ïndtqué les procédés, et on les trou-
vera exposes longuement dans son article que nous

puh!!ons en appcndïcc, nous a, sur notre demande, i-


donné les rensetgncmcnts suivants
<t S!, dit-il, en jouant sans vo!r, je pouvais distinguer
devant mon œ!t tuterieur toute la partie aussi ctatrc-
ment que si eUe tombait sous mes yeux, je déda!gnera!s
ce moyen, qui n'est pas dans Ï'espt'tt de la chose.

qui n'est qu'une sotut!on de parade. Sur nos


demandes directes, M. Gœtx a bien vouïu t'even!r sur

que!ques"unes de ses afnrmattons et les prëctser. ÏÏ

peut, s't! le d6sh'e, nous apprcnd-u, t'~M<c/' une w


partîe, c'est-à-dh'c se représenter t'cchtquicr comme
s tt le voyait~ c'est ce qu'il a <ait au laboratoire de la
Sorbonnc, ou il a joué sans voir contre M. Beaunis.

Quand il joue stmu!tanement six à huit part!cs, il


abandonne ce moyen, qu! ne lui est d~aucun recours,
et qui n'aurait d'autre eftet que de te <at!gHer. ït ne
J
MÉMOtKE VISUELLE CONCRÈTE. 303

se représente donc ni la forme des pièces ni leur cou-


!cur. « Je peux tottjours dire, m'ecrit-i! encore, si

j'avais les blancs ou les noirs, parce que la position


des pièces est asynuétrique. U en résulte que l'un des
joueurs a son roi dans !a moitié drotte de rechtqmert
tandis que l'autre a te sien dans la moitié gauche. En
dehors de cela, je ne vois aucune déférence. ? Voilà

pour la couleur. M. Gœtz n'est pas moins explicite


sur ta perception des formes. « Quant aux pièces, je
ne vois pas ïeurs formes, mais pas du tout; je joue
mes parties tantôt avec des pièces forme Régence~
tantôt avec des pièces anglaises dites forme Staunton.
Or il me serait hnposstbte de dire si je vois des formes
Staunton ou des formes
Régence en jouant sans voir.
Je ne vois que la portée, l'action des pièces. Ainsi,
par exemple, la tour marche en ligne droite. Une tour

postée quc!quc part me fait r<?Het que doit faire à


urtitteur son canon, dont il devine plutôt qu'il ne
voit l'emplacement derrière un rempart. C'est l'ac-
tion, la portée du canon qu'iï doit envisager. Ainsi,
un fou n'est pas pour mon cei! intérieur une pièce
tournée plus ou motns baroquement~ c'est Une force

"bÏiquc.
Nous avons dit en commençant notre travail que Jes
explications de M. Gfctx sur sa mémoire nous avaient

paru presque inintelligibles, et que, dérouté dés .!c


<!ebut, nous avions a!)andonne nott'c étude. La ïumiêro
s'est faite maintenant; le lecteur prévenu comprendra
que les cxpucations Je M. Cœtz constituent une des"

'-ription très juste et très fine de ta mémoire visuelle


abstraite.
304 PSYCHOL06ÏK DES JOUR~RS D'RCHECS.
H
M. ?~v'< Nous extrayons de sa remarquab!<~ i
observation le passade suivant
? En jouant devant t'échiquicr, un novice peut seu!
voir en défait t'échiquier et la forme particulière d'es~
pièces, parce qu'il ne saisit pas leur signiScation~
intrinsèque.
intrïn~ë~u.· Au contraire t'amatcm~, donftcs~
~ut~cont~·aire~=.art~r~teu~d~c~~i~lé~ ~ïi;~nséës~,
sont absorbées parles combinaisons du jeu, ne voit pas
une pièce de bois à tête de cheval mais une pièce qui `;

possède la marche pat~ttcuUèt'e du cavalier, et qui équ!-

vaut à peu près & trois pions, qui, pouf le moment, est 3
peut-être mal p!acce au bord de rechtquîcr, ou qui est :j
sur te point de faire une attaque décisive, ou que l'ad-
versaire menace de clouer sur p!ace~ etc. EnSn, il ne
voit pas une poupée de bois, tïn'en voit pas la madère, ~<
il voit la valeur de la pièce comme cavalier. Plus !a Ï
pensée s'engage dans !esconr)bmaisons, moins les yeux
s'aperçoivent de ta matière de Pechïquier et de ses

pièces. L'attention tout entière du joueur se concentre


intérieurement en îui-ntcme, et son regard, qui tombe
encore instinctivement sur les accessoires extérieurs,
ne se rend pas compte de leur nature. Voici queïques
exemples a l'appui. Je ne saurais diresi les échiquiers

employés lors du dernier tournoi à Dresde (en i892)


étaient en bois ou en carton, mais je sais par cœur °

presque toutes les parties que j'y ai faites. Bien pïus


si à Dresde même, et au moment où je quittais ma table
de jeu, qucÏqu'un m'avait demandé sur queMe c&pèce
d'ecbiquier j'avais joué Ïa
partie,dernière ? j'aurais ct~

incapab!e de répondre.
Voici un autre exempte. La
dame bïanche des échecs dont je me sers a la maison a

perdu sa pointe~ et ma femme ta cotte à sa place seute-


MËMOtKB VtSUBLLB CO~CMJ~TB. 30G

ornent de temps en temps avec de ta cire d'Espagne.


Après la partie, je ne saurais
dire si la pièce avait,
cette fois-ci, sa pointe ou non.
a Au jeu ordinaire, on n'aperçoit donc pas tes objets,
ou du moins on ne tes voit que très imparfaitement,

Comment ~es apercevrait-on en jouant sans voir? Je

puis seulement dire que je me représente Féchiquicr


assez petit, à peu près de la grandeur d'un diagramme

(c'est-à-dire de huit centimètres de largeur), pour


mieux embrasser la totalité, et pour faire passer le

regard mental plus vite d'une case à une autre. Je ne


vois pas les cases distinctement noires et blanches,
mais seulement claires et foncées. Pour la couleur des

pièces, la dinerence est encore beaucoup moins mar-

quée. Kïtcs se montrent à moi pÏutot comme ennemies


ou aniées. La forme des pièces ne m'apparaM qu'indis'
Hnctemcnt; je considère principalement leur faculté
(r action. »
On voit que, comme M. Moriau, M. Tarrasch i'ait
une comparaison très juste entre la manière dont le
fort joueur regarde Fechiquier et la manière dont il se
le représente.
Nous réservons pour la fin deux observations curieu-
ses, qui scmbïcnt dincrer des précédentes par un pïus
haut degré d'abstraction. Tous les joueurs dont nous
venons de faire connaitrc les
explications s'accordent
sur ce point qu'its ont le sentiment de voir mentale-
tncnt t'cchiquier pendant le jeu a l'aveugle; ils ont
conscience de faire un appel à leur mémoire visuelle.
Deux joueurs dont il nous reste à parter s'expriment
un peu différemment.
20
306 PSYCHOLOCtE UKS JOUËUKS C'~CMECS.

M. /s~, qui a cinq parties à l'aveugle,


joue [1

simuhanément, nous envoie une observation curieuse,


dont nous suit
extrayons ce qui
« 7~ ~<f M<s du tout mais,
~s ï'cchiquicr, maÏgrc i

ce!a, pense à un échiquier Je ta grandeur de ceux

sur ÏcsqueÏs j'ai l'habitude ~ejou~p.~peHSC~a~ cases


comme étant éclairées ou obscures; et quant aux

pièces, quoique j'imagine qu'elles sont de couleur d)tf- ?

ferente, je fais ptus d'attention -t ce ~att qu'eHes sont

des forces m'appartenant ou des forcer hostues. Quant,

Je joue avec les bïancs,je conserve en vue que mon roi

est à ma droite, et que !a diagonale de cases bhnches

passe a mon 4 roi (c'est ta 4** case de ïa iigne du roi); ¡


de même, avec tes noirs, pense à mon ~i
quand je joue je
roi étant a gauche, et à ia diagonale blanche passant à

travers ïc 4 roi. Je donne très peu d'attention aux

formes et aux couleurs des Le de ta


pièces. pouvoir

pièce, pïut~t que sa forme, est t'idée importante. Bien

que je pense confusément à !a forme, reconnais les


je

pièces principatement leur pouvoir, et leur forme


par
est dans une certaine mesure associée à leur pouvoir.
Pour nnir, ta suivante « Quand une per-
comparaison
sonne a vécu un considérable dans une
pendant tem'ps
maison contenant beaucoup de chambres et de cabi-

nets, et qu'eue s'est familiarisée avec les corridors, ïes

étages, les chambres et les cabinets, U serait très facitc

pour cUc, même sans voir, de se rendre dans queïque

HcmarqMcns t'e~e d!st!nct{on « je ne vo!~ pu~, tHn!s j~


pcttsct..
pense. elle
)); H;cttc indi<lue
indtquc probab~ment.
probablement. un
un dùfitMt
dèfnut de Itcltclê
nc~tctc de
Ï*<))tM~e mcttt<t!c; pcMt-~tt'c y n.t't! autre chose. Cc~ phénomènes
sont cncot'c !n~tt obscoM. i
M~MOtKB VtSUBLLB CONCmSTR. 307

mdroit particulier de la maison qu'on lui nommerait.


*areit!ement, un joueur d'échecs éprouve aussi peu de
tHfncutté & déplacer une pièce d'une case à une autre;
connaissant les cases qu'il traverse et tes cases qui sont

aproyimitc.
?
~f. ~ose~ constaté sut* ces questions, m~écrit

que pendant les parties it ne voit ni Féchiquier ni les

pièces « Je ne procède point par vision, mais pac


calcul mathématique raisonné; it y a des joueurs qui
procèdent par vision; teurjeu est incertain et ils per-
dent la majorité des parties ?. Au ïaboratoire de la
Sorbonne, M. Rosenthal a dévebppé oratement sa
manière de voir, et sans être certain de l'avoir toujours
bien compris, nous extrayons de nos notes prises au
«totnent même les renseignements suivants « D'abord,

tlit-il, cj~u'entendez-vous par vision mentale ? Mt

t'cponse dépend du sens que vous attachez à ce mot,


i .!e voist'echiquier comme on voit la rue où l'on passe,
sans y faire attention quand vous ouvrez votre armoire,
vous savez où sont tous tes objets, et cependant vous
!ïc les voyez pas tous; t~oMs /<c les /<M~/)~ pc~ ~<'a~
<~ ~'f&t'. n en est ainsi pour la vue des coups joués
~ur t'échiouier. » Pour lui, quand il s'aperçoit qu'H
voit (visuaUse) la partie, iî se dit « Je vais la perdre H,
f il se remet à calculer. Qu'est-ce que ce mot de calcul,
<{ui est passablement obscur? M. Rosenthai paraît
entendre 'paria qu'il récapitule tous tes coups prëcc"
Jant une position donnée; cette répétition se ferait

presque instantanément dans sa mémoire. M. Roscn~


x th<d prétend ne donner à cette répétition ni le son de
su voix, ni le son de ta voix d'un ami; mais it fait ta
3(M! PSYCHOLOCïB DES JOUËUN8 ~CHECS.

répétition
en murmurant
avec rapidité. Le fait est quc~t J

lorsqu'il veut donner un exemple, il répète rapidement'


à mi-voix les coups joués, coïmnc on répéterait les ver~

précédente d'une tirade pour arriver au vers que i'on~'


veut citer à haute voix.

Bn mettartt à part ces Jc~ 4- observations,


surtout la dernière, qui renferme plusieurs points
obscurs, il est a remarquer que la grande
majorité de~<
les parties sans échi- l
joueurs emploie, pour jouées
quier, une mémoire visuelle abstraite, dans laquelle un~ ]

grand nombre des sensations de la vision se trouvent J

supprimées. Si nous fusons !e compte de ce qui est~

supprime et de ce qui reste, nous arriverons à décrire~


cette mémoire visuelle abstraite de la manière suivante
Dans la piupart des cas, le joueur conserve le senti-
mont de voir mentalement l'echiquier; un seul joueur, j
M. Forsyth~ fait une distinction et prétend ne pas voir

Ï'cchiquicr~ mais y penser; les autres ont tous la con-


viction d'une vision intellectuelle. L'image mentale est
localisée devant le joueur~ qui en gênera! n'aperçoit a
la fois qu'une partie de rccmqutcr, celle où se produi*
sent les incidents les plus intéressants de la bataille.

L'ëchiquier mental n'appartient d'ordinaire à aucun' `:


forme parttcuticrc; c'est, comntc dit un correspondant, j
un échiquier abstrait, composé simplement de 64 cases:
très souvent, les bords de !'ech!quier disparaissent. ?
La couleur des cases est visualisée parfois avec sot)

opposition de blanc et noit'~ plus souvent, les couleurs


sont moins tranchées. L'échiquier apparaît dans une
teinte grisâtre, où les cases sont alternativement c!aire~
et foncées. Pour quelques joueurs, certaines diago-
MÉMOÏKE VÏSUBLLB CONCK&TB. 309

tates, offrant pour le jeu une importance particuuôre,


n)nt vues plus nettement que les autres.
La couleur des pièces est un des attributs qui s'eu~"
'ont les premiers; la couleur des pièces disparaît avant
<t fortne des pièces~ e~aussi avant ~couteuc des cases,
~e joueur à t'aveugle a l'habitude de jouer avec les
)!ancs~ il ne peut donc pas oublier qu'H a les blancs;
mais les pièces des deux camps r!vaux se distinguent
en générât par d*autres caractères que la couleur.
~D'âpres M. FrUx~ ta couleur de son camp lui apparaît

~phts nettement que ceUe du camp ennemL Le Manc des


~nèces, quand il est visuattsc, paraît souvent grisâtre.
Quelques joueurs exptiqucnt clairement qu'ils parvien-
ttcnt à e!imtner rétcfnent couleur de leur vision men-

tide sans courir le risque de commettre des erreurs


'de combinaison. Que!ques-uns~ comme M. Gœtx et
M. Forsyth, remarquent que la position des pièces

dans les deux camps est asymétrique; s'ils ont les


htancs, ils ont leur roi à droite de la reine; cette
notion de position notion géométrique remplace
jusqu'à un certainpoint ta sensation de couleur. Cepen-
? <tant, quand le combat est engagé et que les pièces ont
abandonne depuis Ïongtemps leur position de début,

t! nous semble que cette considération ne peut plus


snfnrc pour distinguer deux pièces, par exemple deux
fous~ appartenant l'un aux blancs, Fautre aux noirs.
D'autres joueurs,
en très grand nombre, donnent une
raison dHMrente et bien curieuse les figures, disent-
ils, se distinguent en hostites et alliées; on a le senti-

ment, en d'autres termes (si je comprends bien l'ex-


pression), de commander les unes et de combattre
310 t'SYCHOLOGtB DES JOUM!R8 O'ÉCHBCS.

contre les autres. Ce sentiment prient sans dou.te~ `~


d'un souvenir abrégé des incidents antérteurs de ïn~ 1

partie. n est instructtfde remarquer que les joueurs~


arrivent à remplacer un éiérnent aussi simple que !a~
couleur noire d'une pièce par un éïotnent r. complexe~

<~mme t'hostMité de c~tfe pic<'c i


La forme des pièces paraît être un des éléments qu! 3
s'effacent le plus difficilement de l'image mentale. Lc~
p!us souvent, iî reste une représentation confuse de ta
forme, ou une représentation abrégée et schématisée;~

quelques auteurs ont pris le soin de décrire ces simpH-~


ncations. Pourd'autres~ rares à la vérité, il semble que
toute ngurc s'évanouit~ et la pièce est réduite à une
sorte d'entité (Forsyth, Gcetx) ou un nom (Henri). Cu
Ceux qui poussent le p!us loin ce travail
d~ahstraction
ne sont pas les derniers à remarquer qu'ils ont partbis
une vision ptastique de la partie~ 'et que dans certains i
cas la représentation de la forme et même de la couleur

peut rendre des services à la mémoire.


Tous les joueurs se représentent nettement, ou du
moins avec autant de netteté que possible, la position
des pièces sur ï'échiquier et les rapports spatiaux j
qu'elles affectent entre elles. Sur ce point, ils sont una- ~.f°`;
nimes; on comprend que sans cette représentation df `~~
la position itn'y aurait pas de combinaison possible. ü`.r
Ils se représentent aussi ce qu'ils appe!Ïcnt la puis-
sance de la pièce, entendant parier probablement du :v

Cela t!cnt sa~s dotttc A ce que la couteta' est uncspt)s<ttt«n,


tand!a que l'/tM~/f~' cût't'cspnttd A un ett!<cntb!c d'idée~ de
choses !nt<Ï!Mps, et qu une des to! de ht tnémotre constate
H foire pénëiref de rtntc!cncc dans les foits.
M~MOtM VtSURLLE CONCRÈTR. 311

mouvement que ta pièce peut exécuter; bien entendu,


t!s ne se représentent pas, à propos de chaque pièce,
tous les mouvements possibles, mais seulement ceux

qui sont utiles au jeu et font partie d'une combinaison..


Le mouvement de ta pièce ast associé souvent ~t~

t'epresentation de saugurc.

Voilà quels sont les principaux trahs de la mémoire


visuelle du joueur; en tenant compte de ce fait qu'eue
conserve s!tTtpte!nent!es positions des pièces et ~e~!rs
mouvements, on peut, avec M. Charcot, lui donner le
nom de M~wo~'c <~«?~' ~o/M~M<
Les auteurs contemporains, en décrivant les images
mentales, ont parfois fait usage de cette expresston;
mais je croîs que c'est ici, dans notre étude, qu'on
trouvera la première descrtptton de cette mémotre,

accompagnée d'un certain nombre de documents précis.


Cette vancte de mctnoïre visuelle est, comme on le

comprend facilement, le produit cl'un travail d'abstrac-'


tion; elle résutte de la dtrcctton que le joueur donne à
<:on attentton si le joueur arrive à ncg!{ger forme et
couteur, c'est parce qu'tï veut faire Feconomte de ces

représentations qui ne sont pas indispensables aux


combinatsons. H paraît rcsuttcr de notre enquête que
ce sont surtout les forts
joueurs qui usent d'une
mcntoircvtsucHe abstraite; cela tient peut-être a ce

que l'exercice facilite t'abstraction de Ïa mémoh'c,


peut-être aussi a ce que la profondeur des combinai-
sons ne taissc pas au joueur le loisir de se donner une

représentation pïastiquc.
Quelques-uns des correspondants, y entre autres
MM. Tarrasch et Moriau, ont eu ridée d'exptiqucr la
312 PSYCHOLOCtEDES JOUBUnSO'UCHECS.

nature abstraite de leur ntémoire visuelle en rappetant


Ja manière dont un ~rt joueur regarde t'échiquicr. En
jouant avec réchiquier sous les yeux, le fort joueur ne

songe pas à regarder la <brme et la couleur des

pièces il n'a de tout ce!a qu'une perception semi-con-

sdentc, et M regarde au dcfa de m eme, quand nous


ouvrons notre piano pour jouer, nous ne regardons pas
avec attention les touches, et quand nous prenons
notre fusil pour a!ter à la chasse, nous ne songeons

pas à examiner les détails de la crosse; de. même


encore, pourrappeter les comparaisons de MM. Rosen-
thaï et Forsyth, qui ont au fond le même sens, nous
circutons dans notre apparteuient.ou nous prenons un

o!jjet dans notre armoire, M/~ /<! p~ les o~/c~


~o~ ~«.r; notre œit, ~aminarisé avec certains ri;
:~{;
objets, n'en prend que ce (lui lui est nécessaire. Utili-
taires avant tout, nous percevons dans l'objet les
détails nécessaires à l'usage que nous en faisons; ce
sont des objets sitnpÏincs, des schèmes d'objets, des

espèces de fantômes que nous percevons; c'est de cette


manière abrégée que nous percevons les pièces de
notre appartement, et souvent aussi les personnes
qui vivent avec nous. y
û
C'est cette même tendance à l'abstraction qui se
manifeste dans le jeu
à Faveugïe. Le joueur regarde
mentalement Féchiquier comme il a t'hahitude de le
I'`
regarder avec ses yeux ouverts, c'est-a-cÏïre en nëgÏi-

geant tous les éléments qui ne sont pas nécessaires


aux combinaisons de pièces. Tout cela est simpic,
clair, logique; et l'on comprend que les joueurs exercés -r_
laissent aux simples amateurs ta vision concrète de
MÉMOtKB VISUELLE CONCH~TB. 313

vision imitUe et natve, pour ne pas dire


~{'échiquiert
~dus.

Ceci nous rappeUe une particularité bien interes-


santé que M. Galton a rencontrée au cours de 8aremap-

~uabÏe enquête su~ les tm~~ mentais ~.M~


demandatt aux personnes si, quand e!!es cherchent
à
~c représenter un objet quetconque, par exempte t'as-
pect d'un déjeuner servi, eHes en ont une vue mteneure
comparabÏe dans quelque mesure à une vision réelle.
Ce sont, parait-il, les femmes et les enfants qui ont le
mieux compris la question; les personnes habituées à

l'analyse intellectuelle, et parUcuÏièrement les savants,


tUtt rarement de « belles images visueUes
pleines de
(auteurs »; ils font plutôt usage d'images visueUes
abstraites qui difPÈrent profondément des sensations
de t'oeit. On peut en conclure que ces images abstraites
t'csuÏtent d'un perfectionnement inteHectuc!, et sont en

queÏque sorte plus cïcvces en dignité que les images


visuelles concrètes.

~oc. c~ p. 83.
CHAPrmH YÎH

MÉMOtRE VRRBAm.

Deux paragraphes de notre quesHonnaïre, te<! para*


11 et i2~ ont été avec t~dée les
graphes rédiges que t
joueurs d~cchecs peuvent enudoyer, pour se repré-
senter Ï'cchtqu!et\ d'autres memoh'cs que celle des

yeux. Nous aUons résumer les t'éponses que ces ques-


tions ont provoquées.
A prendre !a questton en termes généraux, on peut
dire que nous sommes capables de fa~rc rcv!vre dans

notre pensée un absent en nous te représentant


objet
sous toutes les fortnes où nous sommes capabtes de

!e perce\oh'. ~ous avons autant de memoh'es dîne-

tentes que nous de ~cns dinercnts. St nous

cherchons à nous représenter un echiquïcr et ses

p~ces en batan!c, nous avons trois dcÏefah'c


moyens

Lamemotrcdcsycux;
La mémotre du toucher;

La mémotrc vcrbaïe

1. Pour Mtr<* compïct, <t fa<tdt'attMju<ttct': !a m~MMtt'e ahs-


trm~, forntcc pur ta qu!t!tC88Cttce des scttsa~ons.
MÉMOtMR VBMRALB. 31&

La membre des yeux n'a plus besoin d'explication;


nous en avons parte si longuement qu'H est inutile d'y
revenïr; c'est une vision intérieure ou, coMme on dit,
une vision mentale qui reproduit, en la modifiant, une

visjon cxteneure
recHe.
La mémoire du toucher est un souvenir de sensa*
tions éprouvées par la peau, tes articulations et les
muscles; c'est, si l'on veut, la mémoire de la main. On

peut supposer, comme nous l'avons fait dans notre

questionnaire, qu'un joueur sans \'oir se rappcUera


quelquefois les pièces par les sensations de contact

qu'ii éprouve en les maniant sensations qui seraient


exclusivement perçues par un aveugle de naissance
sachant jouer aux échecs. Nos correspondants ont tous

répondu négativement à la question. Us ne connaissent

pas cette mémoire du toucher, et ils prétendent ne pas

t'empïoyer. Le sentiment est unanime. Quetques-uns


même ont ajouté à ce propos un détail fort curieux
it leur sembte, disent-ils, que, pendant le jeu sans

voir, tes pièces, dociles aux commandements des

Joueurs, se meuvent spontanément, sans contact des


mains.
Partons maintenant de ta mémoire verbaÏe.
La psychologie moderne s'est beaucoup occupée de
la mémoire verbale, et elle a bien montré l'importance
du mot dans notre vie intellectuelle. On sait que .nous

possédons tous un langage mtcrteur, qm accompagne


ndètcmcnt la plupart des actes de notre pensée, tes

précise et les achevé. Chaque fois que nous faisons


avec conscience et avec attention un raisonnement,
une voix s'éÏcve en nous qui formule ce raisonnement
3t6 PSYCHOLOGtE DES JOUEUM8 O'~CHBCS.

en mots, en phrases; de même, fois i


chaque que notre
attention se fixe sur un objet intéressant, pour nous
rendre compte de sa couleur, de son contour ou de ses

usages, notre engage intérim' s'éveiUe, et cherche à ¿.


dénnir par des mots la sensation éprouvée. En pré- g
senced'uneLcUe étende soi~ ravit notre
(ï*it, nous nous surprenons parfois à penser au nom de
la nuance, et à nous la décrire, comme si nous avions
if
un entretien avec nous-même. !ï y a des personnes
chez lesquelles t'entretien se fait à haute voix, et tout J
le monde a entendu dans la rue ces passants solitaires
r:
qui gesticulent, et s'arrêtent parfois sur le trottoir s

pour dire avec un geste violent « Jamais je n'y con-


sentirai î Leur langage intérieur devient externe its
crient ce que nous pensons a voix basse. Toutes nos

opérations psychiques, de quelque nature qu'eues


soient, sont accompagnées de langage; et par conse- ,)¡

quent, lorsqu'on cherche à se rappeler un souvenir

quelconque, un tableau
qu'on a vu, une
émotion qu'on
a éprouvée, ou une décision qu'on a prise, ce souvenir

peut nous revenir sous deux tonnes distinctes, en sen-


sation ou en mot. Cela est vrai potu* les échecs comme

pour tous les objets susceptihtes d'être analysés par le


langage. Chaque pièce du jeu ayant un nom, et chaque
case de réchiquicr ayant ëga!c!ncnt un nom, on peut,

pour se représenter une pièce ou une case, choisir entre


deux procédés l'image visuelle et le nom.
`
Ainsi, prenons la case que Fon appeUe 3 TD (3 Tour
.y
Dame); il y a deux manières d'y penser. On peut avoir
la vision mentale plus ou moins nette de sa couÏeur
et de sa position par rapport au hord du damier et par
M~MOnm VERBALE. 317

rapport aux autres cases on peut donc se la fcprc-


senter comme si on la voyait. On peut aussi se repré-
senter simplement son nom.

Examinons maintenant cette image verbale, ce nom,


et nous verrons qui! existe, relativement a ia nature
de cette image, ptusicurs observations a faire. K!Ïe
consiste, sous sa forme la plus habitueHe, dans une

répétition mentale d'une parole prononcée; c'est une

!tTtage auditive d'un


mot,, ou d'une série de mots; or,
comme la mention d'un coup sur rcchiquier peut être
taïtc soit par le joueur lui-même, çoit par le « te!tcr~
il est possible que, suivant les cas, rimagc du mot
conserve le timbre de voix particulier, et bien recon-
naissabtc, appartenant à t'unc de ces deux personnes
!e joueur, en se représentant le nom du coup joue,
pourra se le rappeler avec sa propre voix ou avec la
voix du teller. Ce n'est pas une conjecture; il en est
rccl!cntent ainsi. ))ans les observations qu'on nous a

envoyées, nous lisons frcquetnment des phrases connue


<'e!!c-(;i, que j'extrais de ~'observation de M.
Schat-

!opp <f Hn rccapitutant ~cs coups joues~ comme ceÏa


devient parfois nccessaire,jc me sens aidé de temp~
a autre par le souvenir de la voix de celui qui m'a

Indique les coups (le rapporteur) ou par le souvenir de


ma propre voix M. M. Moriau dit c~a!cînent « Sou-

vent, en me rappelant ta position sur un cchiquicr,

j'entends le dernier coup répète dans mon cerveau, tcl

que te tetter t'a prononce a.


M. Tarrasch, d'autre part, a très bien compris et
nettement indique que la notation des coups sert à la
3t8 MYCHOLOCtK CES JOUËUKS D'ÉCHKCS.

constructton de
l'image visuelle, l'image visuelle de' v;

i'echiquier et de la position n'est point le résultat d'un


acte de mémoire c'est un acte d'imagination, qui
au moyen des renseignements `:i
s'exécute qu'on annonce
au joueur à haute voix; !e joueur traduit en termes
visuels ïcs notions jquLiui sont ~urnie~ par Fàu~
a mesure qu'on lui apprend un coup nouveau, ii change
un peu son image visuelle, ainsi que M. Tarrasch
nous Fa si bien décrit, et cette traduction est parfois
dtntCMe~ par exemple pour les mouvements du cava*
lier, qui sont p!us compliqués que ceux des autres

pièces.
Cette faculté de reconstruire ï'échiqu!cr parrimag~
nation visuelle est, d'après de bons juges, la plus neces-
~ah'e le jeu à l'aveugle.
pour « Je ne regarde pas,
dit M. Tarrasch, la Metnoire comme la condition mdts-

pensabÏc, mais plutôt la facuttc


ïmaginattve. Tout

joueur possède assez


de mémoire pour se rappeler

l'historique d'une partie. Mais ce n'est pas le premier


venu qui peut mettre les pièces en rapport convcnabtc
dans une bonne représentation visuelle. »
Plus loin, à propos du langage intérieur, M. Tar-
rasch ajoute « Je fonnute le coup que i'on m'annonce
tout comme si je t'écrivais par exemple, Boï à la case
de la Dame. Mais, pour jouer, il faut que je transfère
ce coup du langage hiéroglyphique des échecs dans ta
réalité des faits (en d'autres tertnes, M. Tarrasch veut
dire traduction de l'image verbale en image visuelle),
it faut que je me représente quel est le changement sur

i'echiquier indique par le coup du Roi. » Rien de pjus


net que cette explication, et je crois que s'il est fort
MÉMOtKB VHfHïALË. 3iU

tttncilc dans la pratique d'exécuter cette transposition,


théorie du moins en est très simple.
M. Tarrasch indique encore que dans certains cas il

[ pu oublier de faire ce travail de transposition. « Je


'cviens, dit-il, au souvenir des paroles, quand j'ai
{ueîque doute si un coup insignifiant a été réeïlement
oué; dans ce cas, le souvenir des paroles peut reve-
ïir, être utile. Mais c'est un cas fort rare, attendu

lue je tache toujours d'attacher quelque signification


mx coups de mon adversaire. Au besoin, je note
!ans mon esprit qu*a tel et tel endroit dans cette

partie il fut fait un coup insignifiant, La mémoire


tes paroles n'est donc pas entièrement dénuée d'im-

portance. ?
M. Heydebrand von der Lasa, qui a eu l'obligeance
~tc traduire et d'annoter les difp&rents documents qu'il
m'a envoyés, a écrit, au sujet du souvenir du mot, une
note instructive, que je donne ici parce qu'elle éctaire
un peu le mécanisme de cette mémoire. Au sujet de
observation de M. Tarrasch, il dit « !i me parait

qu'it s'agit ici moins du son de la voix que de la


valeur des mots par lesquels les coups sont commu-

niqués de part et d'autre. tFb/ïc/r~~ est l'ex-

pression dont M Tarrasch s'est servi et que j'ai


constamment rendue par « mémoire de la parole H.
M. Scha!!opp avait fait allusion, plus d'une fois, au
'-ouvenfrde la voix (6'~ww<* en allemand). Le fond de
la pensée, je m'imagine, est pourtant le même dans l'un
comme dans l'autre cas. n Sans doute le fonds de la

pensée est le même, mais les deux genres de mémoire


ne sont pas identiques. Le souvenir de la parole dinere
~20 PSYCHOLOCtB DBB JOUEURS D'KCHBCS.

du souvenir de la voix par un certain degré d'abstrac-


tion dans
ce premier souvenir, la voix subsiste comme
mots articulés, elle disparait comme timbre, c'est-à-dire
avec sa musique particuticre, qui permet de reconnaître

que le mot a été prononce par telle personne; ce n'est

plus qu'une ypt~ b~nchei incoïore, une sorte (ïè voîx

anonyme. Les psychologues savent bien (me, dans !c

langage intérieur qui accompagne nos pensées, c'est


tantôt une voix bien caractérisée qui se fait entendre,
notre voix ou celle d'un am~ d'une personne connue,
et tantôt c'est une voix sans ttmbre. Dans ce (ternier

cas, on a parfbts quelque peine à reconnaître la nature


auditive du mot.
Je citerai encore Fobservation de M. Moriau. C'est
un des joueurs qui sentent le plus vivement le besoin
d'avoir une représentation visuelle de t'echiquîe!' et de
ses pièces pour jouer à l'aveugle. Ït (ait Jt'observation
sutvante, qui est assez curieuse <t A quinze ans, j'ai
joue !na première partie d'échecs sans voir, notant les

coups sur une feuille de papier, chose que je n'ai


jamais répétée depuis, car ce travaU détourne l'atten-
tion de Hmage visuelle de la position de la partie ».
St nous comprenons bien le fait, M. Moriau veut dire

qu'il préfère garder le souvenir de la position comme

image visuelle que de garder le souvenir verbat de !a


suite des coups.
H est cependant des cas où les coups sont si sim~cs,
si bien enchainés, qu'on peut les comprendre et les
retenir sans les visualiser. Supposons qu'un des adver-
saires ait joué Pion 4 Roi; t'autreajouéPion fi Dante;

naturellement, par suite d'une longue habitude de ce


MÈMOntE VËMDA!.Ë. 32i

début, tout
joueur sait quêtes deux pions sont en

prise, et on n'a pas besoin de regarder mentatement


rceniquier pour commander le coup. De même, si ta
t)atnc est à 3 Roi, on sait qu'elle commande le 3 Ct)
(!e radversatre. M. MoriaM m'écrit a c& sujet & Quand
«n joueur sans voir a préparé une combinaison de 3
ou 4 coups, il est évident
qu'il peut jouer, et joue de
~mte un ou deux coups sans regarder (mentalement),
parce qu'il a préparé dans sa mémoire que, si son
adversaire joue tel ou tel coup, il répondra par tel ou
têt autre. Ceci arrive
en voyantaussi
Féchiquier. Ce
n*est qu'après que la combinaison est jouée que Ïe
joueur sans voir prend le temps de se rappeler la posi-
tion et de ~examiner à nouveau ?. A part tes cas de
<e genre, M. Mo ri au ne pense pas qu'on puisse se

passer de visualiser t'echiquier.


Dans certaines circonstances exceptionnelles, M. Mo-
t iau se sert, mais t~'ès partiellement, de ta mémoire audi-
ttvc. tt en donne t'exempte suivant « H m'est arrivé

plusieurs fois ceci que, m'attendant à un certain coup


de mon adversaire, par exempt F 4FÏ), donné comme
meilleur, on appelle F 3CI), et malgré cela je ptacc le
Fou à 4FD (dans l'image visuelle de Féchiquier). Puis
subitement la ntemoirc auditive tnc répète le coup,

F 3CD, il y a écart, et je suis obligé de demander qu'on


t le dernier coup M.
t6pètc
M. Sittenfctd est aussi affirmatif (lue le joueur précè-
dent; il traduit tout de suite la notation dans le mou-
vcmcnt visible sur t'echiquier, et c'est cet cchiquicr
<pt'H se représente mentalement. Seu!ement, il n'en est
amst que torsqu'on est au coeur de la partie. Jusqu'au
2t
322 MYCMOLOHtË DES JOUEUKS t/ÉCHBCS.

quinzième coup environ, il va sans rien se représenter ~°


c'est une suite de répliques connues.
Cette question des images auditives des mots est ;'Ÿ
une de celles sur lesquelles mes correspondants se t
sont expliqués le plus brièvement. I! est tetle observa.

tiontr&s complète, par~ celle de M. Cunnock,


où it n'en est presque rien dît. M. Cunnock remarque
simplement que les mots ne servent que comme expri-
mant des idées; en d'autres termes, le souvenir verbal
ne lui serait utile que pour évoquer ou méditer.U~age
visueUe.
Nous n'avons
parte jusqu'ici que du mot retenu pat'
Ï'orettte. L'image du mot, dont la psychoÏogic moderne
a <a!t, a la suite de M. Charcot, une étude si comptète,

peut ne pas se présenter sous la forme auditive, mais


sous ta terme visuettc le mot est pense comme s'il
était écrit; il est tu mentalement. Un seul de nos cor-

respondants, M. Coure!, emploie ce qu'on appettc


« l'image verbale typographique KesunMut son pro-
cédé, M. Couret dit d'abord qu'à chaque coup qu'on
lui annonce, it voit « la pièce qui change de place et
de notation ?. Plus loin, it donne quelques détails
curieux, « Quand je pense à une pièce, je pense surtout t
à la lettre de sa notation ainsi le fou est pour moi ta
lettre F. Quand je pense au coup qui vient d'être joué,
par exemple TD iCD (ce qui veut dire que la Tour de
la dame a été portée a ta case appelée un cavalier dame),
je me le 'eprésentc tantôt avec sa notation française
susdite TD ICI), surtout si c'est un coup rapproché
mais le plus souvent je me le représente avec ta lettre
initiale de la notation française et les ch litres et lettres
Mt~MOtMË VËHMALË. 3~
e,

ta notation allemande pour le mouvement de la


~<!e
~pt<ce; ainsi, si Je joue le Fou du Roi a 5CD, j'ai pré.
sent à l'espt~it la formule suivante F/'i 5. Si je
~\cux vériner à un moment donne la position, je passe
ern'evue la entonne avec ses chiffres, ~s'etc.,

et ainsi de suite. S'il y a deux pièces sur la colonne <r<,


un pion blanc < et un pion noir f~~ je
}tar exemple
t«c t'appettc ta formute < mais pas comme une
~pm'c abstraction algébrique; je me représente vague-
ment une pièce d'une forme déterminée à chacune de
~<cs cases, » On ne peut exprimer plus clairement

t cmptoi de la notation dans la mémoire d'une position.


Coure! cumule les deux mémoires, celle de l'objet
et cette du nom il se représente la pièce et la formule

cchtquéennc qui en fixe la nature et la position.

remarquons bien que la représentation de la formule

~(st, selon toute vraisemblance, une représentation


typographique, puisque, pour chaque pièce, ce joueur
se la représente par une par la première
lettre, lettre
du nom. En résumé, image visuelle de la pièce et

tmage visuelle de la notation écrite, tels sont les deux


moyens qu'emploie M. Coure!.
J'arrête ici les renseignements fournis par les lettres
de mes correspondants, et je termine sur ce point en

xposant quelques expériences directes qui montrent


<{ttc le langage intérieur fournit à l'imagination visuelle
«n secours efficace pour la représentation mentale de

t cchiquier vide. L'échiquicr est composé de soixante-

quatre cases alternativement blanches et noires, dont


< lacune a un nom spécial; c'est un tableau que le

Joueur sans voir a dans la tête, comme un bon capt"


m MYCHOLOMtR Dns JOUBUM8 D'BCMBCS.

taine qui doit connaître à fond toutes les ressources j


du terrain surtcc~e! iHivre bataille. on peut
supposer que la représentation de t'echiquicr est
affaire de mémoire visuelle et que seule la mémoire 1
visuelle peut le reproduire exactement. Onse trompe"

t'ait, ~'at~it sut* phïsîcurs joueurs, et M. Ï~reti a répète


sur d'autres, une expérience bien sintpte on les prie
de dire la couïeur d'une case nommée au hasard. La t,
on pourra!t même dire tous, `~.
plupart, quo!qu'i!s possè-
dent nmage visuelle de Fëchtquïcr v!de~ ne perçoivent ?:;f
pas d'une manière directe la conteur de la case indi-

quée ils sont obHgés de raisonner et d'emp!oyer des


procèdes detourn<~s de mnémofechnic, qui prouvent
Fintervention du
langage intérieur. On ne saurait
croire à la variété de ces procèdes; chacun a le sien

queÏques-uns de ces procédés sont volontaires, d'autres


inconscients. Citons M.Tauben- ~Ÿ
quetques exemptes
haus, qui voit mentalement rechiquier pendant !ejeu,
ne peut cependant nommer !a couleur des casc~

qu'après !e petit raisonnenuent suivant, c~u'iï exécute j


très vite Les colonnes TD, en par-
FB, R et CR,
tant des b!ancs, ont en noir leurs cases impaires et en
blanc ïeurs cases paires; c'est le contraire pour les
autres coÏonnes ?. M. ToÏosa y Carreras a associa
inconsciemment, par suite d~unt' longue pratique, ht
couleur de chaque case avec son nom. M. Janowski a

pris la peine d'apprendre par ca'ur la couleur des


cases, suivant la notation a!~cbriquc ou allemande; il

répond instantanément que tci!e case est noire, telle


autre est blanche il sait cela comme la table de mutti-

p!ication; mais si on le questionne suivant la notation


MÉMOtttH VHHHALR. 325

trançaise, qu'il compfendtit repond tout de travers.


M. Stttenfeld a un procédé mnémotechnique comme
M. Taubenhaus c Dans la notation allemande, la

première colonne à gauche des htancs est la colonne <t,


!a deuxième s'appose puis vtcnt <?,ctc.; or toutes Ïes
cases paires c, c, sont bïanchcs o. M. Gœtz ne
vo!t pas davantage ht couleur de la case qu'on lui ï
notnmc; cependant il répond instantanément) parce
(lue son esprit a étabÏi une corrélation entre la case

indtquéeet les pièces qui peuvent roccupct*;atnst5CR


des bïancs est !& case ou le FD blanc cloue le CR
adverse elle est noire; 5TR. et 4TD sont tes cases où
la dame btanche fait échec au R noir eUes sont
Manches; 5R, le CRy va en deux coups
blanc elle
<;st notre la grande habitude qu'H a de réchiquîer lui

permet de faire ces raisonnements très raptdentcnt. U


t'n est de tnéme pour M. Bïackburne. D'après Cun-
nock, M. BÏackburnc ne voit pas les couteurs des
cases~ et il se rend
compte de ce fatt par le moyen
suivant si on lui demande qneHe est la couleur de la

case sept du Fonde ta Rcmc?!! faut qu'ny réfléchisse,


il ne vo!t pas la couleur de suite. t'h~un j'aï eu rocca"
sion d'interroger !à-dessus M. Roscntha!; je lui ai
demande la couteu!' de déférentes cases il a répondu
sans trop se presser, et it s'est trompe quetqucfots,
< ommc tut-mûmc en a fait spontanément la remarque.
Résumons. Bien qu'H soit toujours (itMeHe de faire

synthèse d'observattons
provenant de personnes
tufterentes, je vai$ me risquer a dire quetques mots en
tcnnmant (les parts respectives de la mémoire verhate
et (le la memotrc visuelle dans Ïcjeu sans voir. Ce qui
326 t~YCHOt.OCtE OM JOUKUM8 D'MCHHCS.

me d'abord, c'est ta mémoire verbale, &< on


frappe que
en croit te des ne tient rAÏc
témoignuge joueurs, qu'un

enacé, tandis dans!e cas où Fon essaye


que que!ques

expériences directes, on s'aperçoit que son importance

est ne Ïe croient.
beaucoup plus grande que ïes joueurs
!t est possible que Ïe mot ~~esou~e~nt dan~ te~pien*

"gecs'a Ï'etat demî-conscientc, servant à fixer


d'image

et à les autres rendant ainsi de nom-


prectscr images,
brcux scr\!ces restent et c'est ce
qui ignorés; pour
motif les souvent si dans la des-
que joueurs, proÏixcs

de !curs visueUes~ ne disent s


cription images presque

rien de Ïeurs verbatcs j


images

Le intérieur est tout d'abord d'un cmpïoi


langage
incessant dans les raisonnements et les catcu!s !c~
que

joueurs exécutent à des comman-


propos coups qu'Us
dent ou subissent de ïa de leurs advcr- j
qu'iÏs part

saircs~ chacun de ces d'un com-


coups s'accompagne

mentaire destine a en saisir te motif et Ïe but. Pbts

d'un sans doute, à voix basse ses raison-


;oueur, parte
nements et marmotte Ïe ceux sont
pendant jeu qui
st!cncieux ne !e sont des lèvres; s'ils ne
que parlent
ils des mots, des entières, ana-
point, pensent phrases

logues à celle-ci, est !a t~orme !a élémentaire


qui plus
de ces raisonnements « Si vais ici,
stratégiques je je

prends; si vais ta, suis


je je pris M..
En second ïicu, Ïe souvenu' verbat des coups

annonces sert à !a construction de l'image de


visuelle
!a nous avons montré avec détaiÏs ic
position; que

sans voir traduit b's de Ïa


joueur expressions notation

Nous snnnnM <!<'ja n)'t'!v<~ a tme <'o<t<hts«tn KCtnbhtb! <t

propos de ht tcctttt'c tn<'ttta!c d'Mne Ïccon np~rist'.


MÉMOtHK VBRHA!.E. 327

t~ns visuels, et exécute dans son


tcurs équivaïents
visueïÏc tes dits !e H est
«nage coups par rapporteur,
ccrta!ns oubït ou tout
t- pendant coups quî, par par

motif, ne sont le mouvement


attire pas remplacés par

et sont conserves dans Ïa mémoire du


vtStbte, joueur

en ~nt qu'îmagcs \'crBà!cs. sont ïcs coups ïhstgnT-

<!ants (Tarrasch), ou bizarres ou


(Tolosa y Carreras~
<nauva!s bref ce sont tes ont
(Mortau), coups qu! peine
M entrer dans Ïa de ïa ils restent à
ïogtque parité~ part
t!t; v!sue!te. Les auteurs ~embtent ausst s'ac-
!ïnage
corder à admettre ïes coups de début, sont
que qu!
connus a fond îe ne sont v!suaHsés;
par joueur, po!nt

une peut avancer qutnxièmc coup, et


partte jusqu'au
Ïo!n encore, sans ta tâche
p!us que te joueur s'impose

<!c construire une mentaïe de ta ce


pcmture position;

n'est moment où un nouveau ouvre ïa porte


qu'att coup
a t'tnconnu <~ent ta nécesstte de faire ce travail
qu'on
de visuatisation.

La mémoh'e vcrbate fourn!t en outre quelques (br-

ttttdes servent à faire connaître


mnemotcchntqucs qui

!a couteur de certaines cases, en l'absence d'une vtsua-

tisatton directe de ces cases.

Vottà, les documents rcun!s, à


d'après que j'a! peu

tous !cs services rendus !a memotrc verbale à


pt'cs par
!a d'une
t'eprésentation posttton.
CHAPITRE IX

LA RÉCAPITULATtOK t) UKEPART!

Ce chapitre est consacré a une question que je


n'avais pas prévue dans mon enquête, et qui cependant
présente une si grande importance, que presque tous
mes correspondants y ont fait attusion. !Ïs sont dac-
cord pour anh'mer que !e joueur sans voir doit être
capable, à tous les moments (rune parité, d'en rccap!-
tu!er !'htstot*iquc en énonçant tous tes
coups joues
jusqu'à ce moment- et en suivant ï'ordrc exact dans
toque! les coups ont été joues.
Cette récaptttdatton fait paÏ'Hc intégrante des exer-
cices du jeu sans voir on n'y manque jamais dans Icx
séances briuantcs generatcment on y procède à !a
reprise du jeu, après un entracte; j'ai déjà eu Ï'occa-
sion d'en partcr dans un des chapitres précédents.
Les joticurs ont donne des notns différents à !a mc-
moire qui est Ïa base de cette recapitu!ation i~ 'rar-
rasch, si je ne me trompe, Ï'appeue mémoire des f~tjts:
~t. Tolosa y Carreras !'appe!!c mémoire (tordre,
LA M~CA~TULATION O'UNB PARTtB. 329

parce qu'elle reproduit dans leur ordre !es coups joués


sur Fechiquier ~d'autres joueurs, et c'est te plus grand
Mombr'c, l'appcncnt simplement mémoire. A ht repré-
sentation visuelle de l'cchiquter on donne le nom
d'imastnation~ et a la recapitulation ,t. des coups on
~&t.
donne le nom de ntcmoh'e. Nous rcvtendrons sur cette

tcrmtnotogîe, et nous montrerons qu'elle renferme un

probtème de psychologie assez compttque.


Pour le moment, sans nous préoccuper de ta nature
`s exacte de cette
rccapttutatton, est de faire l'essentiel
scnt!r en (~uo! eUe dttfcre de la t'eprcsentation de la

pos!t!on. EUe en dinere en ce qu'elle est successive.

Quand on se représente vtsueUctncnt une position, on


ta \'o!t pour ainsi dire
en btoc, d~un scut coup Quand
r "n récapitule, on suit t'ordrc des evenetHents~ on voit
les positions des pièces se succéder et non coexister.
Une récapitulation méthodique et complète, à haute
voix, d'une partie avancée~ est une opération assez

tondue. Exempte M. Gcetx a joué devant moi au tabo-


ratoire de la Sorbonne une partie contre M. Beaunis;
cette partie a compte 27 coups joues par chaque adver-
~tire~ soit un total de 54 coups. A la nn, M. Gœtx a

répète dans l'ordre toute la partie sans erreur; il a mis

quatre minutes a faire cette répétition.


Du moment qu'on possède un souvenir bien fixe de
ta position, i! sctnbtc inutile de pouvoir se rappeler la
série d'événements
qui
ont abouti a cette position.

Mats les joueurs sont, je !e t'epctc, d'accord pour

!.Kot; études s<n' les cutc<t!ntc<tt' mcot.Httxnous on~ tMOtth'c


'{<«'t'oppui;!tton des deux procèdes Mt n~'ins tt'mn'h~cqu'cttcttc
}'<n'<t!t.
33~ MYCHOLOGtR DRS JOUBUKS O'~CHECS.

amrmer cette nécessité, et its ne trouvent nuttement

que les deux opérations fassent


double emploi.
M. TarrascÏt dit, sans insiste!* « Quand je <ais plus
d'une partie simuïtanément, il faut, pour que je re-
prenne ht suite des idées de la prochaine partie, que je
m'en rappeue bneycment l'bistoriqM~ Cette récapitu-
tation, il est vrai, se fait ici en très peu de tefnps. »
M. Schattopp dit « Ïï rne faut parais menta-
répéter
lement tous les coups d'une
partie pour bien constater

quelle est la position du jeu et si, par exemple, le pion


de la tour se trouve encore & sa place primitive du s'il
a fait un pas en avant. Quelquefois je me rends compte
des coups pour m*assurer davantage qu'une ligne dia-
gonale qui se présente a mon esprit comme étant Ïibre
est réet!ement inoccupée dans tout son parcours sans

qu'il y eut peut-être tel petit pion qui s'y fut gMssé~ et

qui pourrait me jouer un tour par sa présence, si par


hasard j'indiquais, maigre lui, un coup qui devrait
passer tout le long de la ligne ?.
M. To!osa y Carreras, à qui je dois des communica-
tions nombreuses et nourries, s'explique de la manière
suivante sur l'importance de la rëcapituÏation. Il donne
à cette mémoire, nous le rappelons, le nom de w~wc'<'
f/V//Y'.
« Il est évident que celui qui joue sans voir doit se
servir de la mémoire d'ordre et qu'elle est un élément
tout à fait indispensabÏe ~~ou!' calculer et combinef Ïes

coups à l'aveugle. L'expérience démontre que ceux qui


peuvent jouer sans voir doivent de même être capables
de réciter par cœur les coups qu'ils ont joués et les

réponses des adversaires, et les réciter dans Ford~c


LA RÉCAMTULATtON O'UNt: t'AKTtR. 331

de succession avec le quel ces coups et ces réponses


ont été joues. Cependant, si je dois en juger d'après
ce (pu m'arrive lorsque je joue sans voir, la mémoire
d'ordre n'entre en activité que dans quelques cas

(~ceptionnets i." quand. suivant Georges Watter, te

jeu o~ëS'tcn~ ü'~s~û~ Ïa


position retativc des

pièces commence à se brouIHcr dans l'esprït et qu'U

n'y a pas d'autre remède que de recommencer la part!e


ann d'en reprendre le fil jusqu'au point où on a été
arrêta; 2~ lorsque je veux me rendre compte de !a

I)osition exacte d'une pièce ou d'un pion dont j'ai


oubuc !c pïacctnent parttcuuer; 3" lorsque les coups
de mon adversaire n'ont pas de rapport avec ïes miens;

par exemple, !<)rsque, âpres les coups suivants

(I)P~ P~tR,
~3)C ~FR,

mon adversaite répond P ~TD; ou bien s*H tâche de

tn'cgarer en jouant des coups bizarres.


« Hn dehors de ces cas cxceptîonnets, la mémoire
d'ordre ne m'est pas nécessatre pour jouer sans vo{r,
< 'est-a-dtre que je ne rejoue pas la partie à chaque

coup de Fad~ersaire, même en jouant deux parties


a !a.fb!s; mcsufut de mettre en pleine activité rima-

gination (il faut entendre l'image visucHe de rech!-

quier) et le <~cu!, qui sont, à mon avis, les deux


céments les
p!us essentiels pour jouer a Favcugte.
t)u reste, je dois noter qu'un joueur peut posséder
à un très haut degré ta mémoire d'ordre, et cependant
ne pas pouvoir bien jouer sans voir, par suite du

manque d'imagination (visueHc~ suffisante pour com-


332 P8YCHOLOC!B DES JOUBUHS D'ECHECS.

biner des mouvements sans avoir réchi-


stratégiques

sous les M
quier yeux.

Ainsi, pour M. Totosa y Carreras, i'imagination

visueUe est au sans voir et ïe


indispcnsabïe jeu occupe
comme !a mémoire de réca-
premier rang importance;

utHe sttrtfyut datt~ des cas


est ëxceptionneis.

Voici un de ces cas à à !a tiste des


ajouter précédents
« une seule sans ~oh\ ne
Lorsque je joue partie je

rarctnent les
recaphutc que coups précédents, parce
Ïa à comme un
que position m'apparaît chaque coup

tableau. Lorsque deux suis


je joue parties, je obttgé
de dans cas, les
rccapituter, quelques coups précé-

dents. Récemment, essaye de tt'oïs parties


j'ai jouer
sans von*. Eh htcn! je \ou!ats retrouver !a
lorsque
de n" H ~Hait
positton !'cchïqu!cr toujours récapt-
tuter îcs nommer ces à voîx
coups précédents, coups

basse, sans U m'etatt de me


quor tmposstbÏc repré-
senter cette dans n! cor-
pos!tîon !*espace, repondre

i,ectement aux de mon advcrsa!rc. Du reste,


coups
st voutaïs faire
j'ent'ouvats quelque ~tïgue, je usage

des autres sortes de tnctnoh'e tiïtcux me


pour rcpre"

senter Ïa du troisi~nte »
position cchtqmer.
Cet est très intéressant et très
exennue suggestif.

Ainsi, Fauteur peut se représenter sous Ïa forme de

tableaux visucÏs deux d'échecs pour trois


parties
c'est sa mctnoirc visuelle est
parties, impossit~e;

comme encombrée les deux tabtcaux t! ne reste


par
de alors i! recourt à îa méthode de rcca-
n!us ptace;

pituïation vet'haÏc, et c'est par cette méthode qui!

arrive à connaître ta de !a Cette


position pat'tic.
cottaboration de mémoires di~erentes d'obvier
permet
LA KÉCAPH'ULATÏOX D'UNE MMTHÏ. 333

au remplissage d'une mémo!re particulière. J'ai observé


un fait analogue sur moi-même dans l'expérience sui-
vante Je cherchais à graver dans mon souvenir,
n'importe comment, une douzaine de carrés de couleur
dessinés sur une papier, feuitte
et disposes ende

figure. Inconsciemment, je nommai les huit premiers,


me confiant à ma mémoire verbale, et je retins les

quatre autres sous forme d'images visuelles J'ar-


rivai de la sorte à tes retenir tous. Par ma seule
mémoire verbale (en énonçant une seule fois les noms
des couleurs) je n'aurais certainement pas réussi. Te!
est l'avantage des mémoires différentes
M. Rosenthat sent profondément, nous lavons déjà
dit, la nécessité de la répétition mentale, et n'arrive
même à la position qu'en faisant cette récapitulation
à ( haque coup.
M. Gcetz remarque que c'est peut-être a cette c!r-'
constance qu'est due une certaine lenteur dans te jeu
(te M. Rosenthat. Quant a lui, quand H Joue plusieurs
parties, il retrouve ordinairement ta partie !à où i! t'a
laissée; mais.s'il y a hésitation sur la place d'une

ptcee, il récapitule toute la partie. Cette récapitulation


est une béquitte pour la mémoire.
M. Fritz est du même avis « Certaines positions ne

peuvent être retrouvées que par la répétition de tous


les coups qui ont déjà été joués, principatemcnt
torsqué les parités ont été conduites dés le début avec
une certaine négligence ?.
Je ne fais pas d'autres citations, pour éviter les

L Von' sut' ce potnt f!~s cxpth'!c<tc<'<t toutes t'cntcs de


M. MUnsteybct'~ (/~ycA. ~t'fiftt'. New York, n" l8!t~t).
334 MYCHOLOC!H t)H8 JOUEURS D'ÉCHBCS.

répétitions inutiles. Je pense résumer d'une manière


exacte toutes les réponses obtenues de mes corres-

pondants en disant que dans la grande majorité des


cas (!) fois Hur 10 em'iron) le joueur sans voit\ en

passant d'une partie a Fautre, ~K~~ quJL


ag~~p~ ~~ë~ !e nu~ de rechiquicr. Mais toutes
!cs <ois qu it existe quelque incertitude sur la position
d'une pièce, on recouri: a la tncmoire de rccapituÏationt
et on rejoue îMcntaÏcment la partie entière. Ces de«x
mctMoires sont considérées comme indispensables
toutes les deux; cHcs
prêtent se un mutuel appui. Le

ptus souvent, la premict'e– ou mémoire de position


sert à combiner les coups; et la seconde, mémoire de

rccapitutation~ sert à veri~cr l'exactitude de la prc-


nucre.
Nous avons dit qu'it existait, à ce propos, un pro-
bïcme de psychologie dont nos correspondants ne se
sont pas rendu compte; ce pmbÏéme est de savon*

que!!c est ta nature des itnages qui forment ces deux


mémoires différentes. On sel'ait tenté, a première vue,
de supposer que pos!t!ort s'obttent par la mémoire
visuelle, et la recaphuÏatton pa~ la memotrc verbale.
Nous savons déjà que les choses sont moins simples.
Nous avons tuontre que si la position est constituer

principa!entcnt par!*imagevtsue!!c< des éléments ver-


baux en font partie intégrante et peuvent remplir ïc~
`
lacunes de !a vision tnentatc. Pareillement, nous

croyons que la mémoire de récapitulation est princi-


paternent de
nature verbale, peut tnais qu'cHe étt:e
aidéc~ de temps en temps~ par des souvenirs vis~s.

U y a, en cnet, deux moyens de' rccupnd!er une


~A tŒCAMTUM'ftON t~'UNH MH'ftH. ~35

partie. Le premier moyen consiste a enchaînet* les


noms des coups, sous la forme où ils sont appcïés pat*
le rapporteur au cours de la partie, c'est-à-dire sous
ta foyîne de mots~ te second moyen consiste a sutvrc
sut' !'echtqujer M~ ïe deptaceme~ des
p!cccs~ comme si on y assistait les yeux iixcs sur

t'cchtquic! Cette questton de la nature des image:

paraît ici de valeur secondaire. Les joueurs n'y ont


point attaché d'importance, et les explications qu*i~
ont données sont obscures. Je crois que ta distinction

t'apitaïc a faire est celle de Ïa mémoire de position et


de la mémoire de récapitulation.
CHAPITRE X

COXCLUSïOK.

En entreprenant une enquête sur le jeu d'échecs a

Ï'aveug!e~ nous avions comme idée directrice de taire


rétudc d'un phénomène de mémoire. Kn parcourant tes

pages précédentes, le lecteur a du


s'apercevoir plu-
sieurs fois (lue notre sujet s'est ë!argî et a presque
''onstantment déborde le cadre étroit dans lequel nous
a\ !ons eu l'intention de !e contenir. Cet inconvénient
à supposer que c'en soit un ne manque jamais
tt'amvcrpour les sujets d'étude que l'on prend dans !a
t'éaîité de la vie. Si Ï'on veut étudier une fonction tso!cc,
pat* exempte un acte de ntétno!rc ou un acte de raison-
nement) il faut prendre un exemple hypothétique, que
t'on creo de toutes pièces a sa fantaisie. Les traités de

psychotogic sont remplis de ces cxempïes. Pour un


acte de mémoire, on analysera le fait suivant Je

regarde une pottunc, je ferme les yeux, je me repré-


sente la pomtue. Avec des faits de ce genre, <~u*on
CONC~USÏOK. 337

ne soumet a aucune observation directe sérieuse, mais

qu'on se contente de concevoir dans le silence du


cabinet, on n'étudie que
des schémas, des fantômes,
des ombres.
Ït vaut bien mteux.traYatïtcr sur ï~n~
ment solide et féconde d'un fait observé, alors même

que ce fait serait constitué, comme dans le cas de la


mémoire des joueurs, par toute une série d'opérations
mentales enchevêtrées les unes dans tes autres.
Nous l'avons dit souvent, il y a de tout dans le jeu
sans voir grande puissance physique, sang-froid,
patience, et faculté peu commune de concentrer son
attention sur une image pendant plusieurs heures,
sans se laisser troubler par le bruit incessant des con-
versations. Ce sont là tes bases essentielles de ce

genre de sport, ses conditions en quetque sorte.


Les éléments mêmes du jeu sans voir, si on en croit
!es joueurs, se réduisent à tro!s princ!paux
L'érudition
La mcmoh'e

L'imagination.
~ous ne faisons f;ue
rcprodutre ici roptnion des

joueurs ics ptus compétents, MM. Fritz, Tarrasch, etc. ·


Pour rimagtnat!on, nous avons vu ce qu'it faut
entendre par ce terme. Les joueurs lui donnent te
même sens que dans notre langage technique nous
attribuons à p~M~/wt; c'est !a facutté de se repre-*
scntcr, comme si on la voyait, la pos!tton que les
ptéccs anectent sur i'echiquier. Tout individu ordi-
natre a plus ou moins de mémoire visuelle et d'hnagi-
nation vtsuc!!c mais tout le monde n'a pas une visua-
22
:;3~ PSYCHOLOCtR t)BS JOUEUHS ~'KCHËCS.

usation assez
pu!ssantc pour percevoir tes retatton~

exactes de sur un
nombreuses pièces échiquier.

~ous avons ne faisons


~vu, et que rappeler~ que cette

v!suaHsauon a un caractère eÏ!c est !e


speciat phis

souvent c'est-a-du'e
abstraite, ~u'cHe ahstrat~ (jp~'c~e

arrache de visuansé les scu!es


détache,
qu'eue t'objct

necessau'cs aux coînbinatsons


qua!!tcs du jeu; cestpta-

¡¡
t!tcs étant !a des et ïcur
posÏtton réctproquc ptt'ces

du est une de
mouvement, t'imagc joueur ïmage posï- 1

t!ons nxes et de mouvements c'est-a~-du'e


posstbtcs,
1,

M~<' ~M<?//c trouve


/w<ï~ ~<w~r/< Aïnst defîme,

a t'aïde de non)brcux documents, une curîeusc


vartctc

de mémoire vtsue!!e.

:(
Nous avons montre en outre cette ntémoire n'est
que

de tout cément et !c ~ous


pas étt~nger, que mot,
pure

~cs nombreuses fortnes où on !e servtr :t


connatt, peut

ren~rccr à !a vertitcr et à eu boucher


t*tmagc vïsuette,

les trous.

Le second etcment du sans voir est ta mémoire


jeu

de <acu!tc de tous tes


récap!tu!atton,ou répéter coups

dans t'ordre meute où ils ont ctc Le


joues. jeu sans

vo!r sur un exercice df ces deux !:t


repose mcmoh'es,

tnemotrc de et !a tncmoh'c de
pos!t!on rccapttutatïon.

Cette dtstincHon
para!! être beaucoup pîus mtpot'tantc

cène fatt d'ot'd!uatrc dcrtver de ta nature


que qu'on

visuelle et \crba!e des Ce n'est une d!s-


hnages. po!nt

ttnctmn mats une disthtcttou nous


d cc(dc, reene, (lui

a été un notnhre de
proposée spontanément {)ar ~rand

à
joueurs t aveugte.

La trotstème coudttton du sans vo!r est


jeu dtfucHc

a rcsunter en tnots. Les !a


quctqucs Joueurs destinent
CO?ÎCLUSïON. 3:)9

sous le nom d'érudition et de pratique de t'cchiquier.


~ous avons montre qu'ctte consiste dans une masse
t;onsid6rab!e de connaissances dans !esqueHes le sou-
venir récent d'une partie en cours vient se fondre. Par
lit nous avons comprïs t~ caractère Vcrîtu! ile

qu'on peut appeterta fnctnoire des idées; tout souvenir


récemment acquis n'est qu'un anneau de plus rattache
a une longue chaîne d'anneaux. Si je ne me trompe,
h psychoto~ie moderne n'a pas encore suffisamment
attaché d'importance au rote que jouent les souvenirs
anciens dans ~'acquisition de souvenirs nouveaux.
~ous terminons ici notre ctude, avec le sentiment

profond de ne pas avoir tout dit et d'être incapabÏe de


tout dire on a beau fouittcr tes choses et les examiner
a la loupe, on ne peut pas arriver à rendre exactement
lit compïexitc de ta vie intellectuelle. Si l'on pouvait
t'cgarder ce qui se passe dans la tête (t un joueur,
on y verrait s'agiter tout un monde de sensations,
d'images, d'idées~ de mouvements et de passions~ 'tn
tburmH!etnent intini d'états de conscience, auprès
nos descriptions tes plus attentives ne sottt
tiuquei
(tue des schfmf's d'une simplicité grossiér<
APPK~DICR

Réflexions sur le }eu d'échecs }oué sans voir,


M. i
par 6<Btz

ÏÏ~Ax~5s:ct.

Ce sont tes ma!trc<% des s:c!ences exactes au moyen


âge, tes At'ahcs, qui ont !es premters cuhh'e r~tton-

ne!!emcnt~ dh'ais pt~sqne sctcn~Uquetucnt, te jeu


d'cchccs. Des !e Xtt'' stèt;!e H ex!statt chez eux une

th<'()r!edccejeu,as<<cz(ic\etop~ec. Le savant ÏtVt'cdc


van dcr L!ndc ~~c/f/c/~<' Z~f~ ~t'x .y<?/c~

j~ Bo'!tn, 1874, 2 vo!. nous t'<!nse!~nc d'une fa~on


trcs précise sut' ïcnrthcor!<' des <nt\ct'~tt'cs Ta h!yat,.
Le t'ctoHt' ft'<<{uent des mcmcs (Ïchuts atuenant sonven!
des postions scmbtabïcs, il se H'ou\a déjà à cett<

époque tksjtUM'ut's ctoucs d'un<" tnctn~n'c p~tssantet't ¡


d une ttuagmatton fcrtUc qm se sont exerces à jouet
tme ou fumeurs ~art!cs sans Toh' rcchtqu!cr.
Les Ooctdentanx, qui apprh'ent te jeu d'echcos .des

Arabes, ne para!ssent pa~ avoh* enhh < oette spec!att<<


KMFLBXtONS SU!t LE JEU iJ'KCMBCS JOUK SAKS VOIR. 3~1

pendant fort îongtemps. Peut-être les modïncatïons

apportées au jeu pendant les xv~ et xvr~ siècles y sont-


cttes pour quetquc chose. Ce n'est que vers la fin du
stccte dermer que le créateur de la théorie moderne,
A~dr4 Danican PhtUdor, tn ~cettuer }oucu~ d'échecs
(le son temps, fit des parties « à Favcu~tc comme on
(lisait ators. Cela tut étaÏt d'autant ptus facHe que, ton-
dateur d'une theortc qui cmbrassatt t'cnsctnbtc du jeu,
!a parttc dans toutes ses phases, ît avait su
îfnposcr
«'ttc ttteortc a ses coniemporams en France et un

Angleterre, ce (lui donne un ait' de fandUc à toutes les

parties fpte nous connaissons de ce célèbre maître, et


h' nombre cnesttresconstderabte. Hcom'tcnt d'ajouter
que PhHtdor a alteint du prettttcr coup taperfectton.
Ses parties jouées sans \oh' peuvent encore aujour-
d'hu! servir de tnodë!cs du gcm'c.
Avec Ïc dcveioppentcnt de !a conn:t!ssancc du jeu,
!<' nombre des joueurs sachant condutre une ou ptu-
stcum parttCt; sans \'o!r t'~chtquicr s'accrut rapidement.
Chon~ parnn les phts connus Bt!gucr, Louts Pautscn,
Pau! Morphy, Zukcrtort, et parmi les vivants Btack-

tturnc, Tsch!gortne, t RosenthaÏ, Frttx et beaucoup


d'autres. On peut hardhncnt afttrntcr que tout antatcur
de pt'enttcrc force sa!t jouer aujourd'hut au rnoms une

pa!'t!c sans voh', et cotnmc tcur nombre se chttfrc par


centaines, voire par milliers, il est clair que nous ne

pouvons pas songer a une cnutncratton, quelque som-


tnan*c qu\'Hc soit.
Le pins ~rand notnbrc de parités jouées sans votr
''si de 20, chmrc réalisé Loms Pautscn, st ne
par je

tttc trompe. Xukcrkurt en a joué i<). Ma<s les dtmcuhus


~2 t'8~CHOLO<K N!!8 JOURUttS M'HC!tR(:

phy~qucs et la Ïongueur du temps necessah'es pour


une pare!c démonstration font t'cdutre habituellement t
le nombre à 8, ce qui para!t ~trc chtnre (
c!as~!que.
Pourquoi Je n'en sais trop r!en, mais il me setnbÏe

que !e fait que Morphy a donne tr~ts séances fBtrmtn*

ghant~ ~arts~ t~ondpe~ avec r~îrcft~brë p~~ n~cst


pas etrangct' à la preffh'encc accot'dcc habituellement a
ce ch!(ït'c,
Kn dépit de ce nombre cons!dérahïc de H<a{tt'c~ de

rcc!nqutcr in\~<hïe, nous avons très peu de rcnsc!-


~nements su!' les procèdes employés pom' jouet* sans
vo!t'~ sur les trucs et ficelles, pour par!ct* vu!gah'ernent,
s! trucs et iiceHes il y a. Cela est d'autant pht~ étou"
naut <p!c certainement la prenuérc questïon pt~cc a
<'etuï qu! joue une ou ptustcurs parties sans \'o!r est
''e~e.d « Mais connncnt fa!tcs-vous pour vous caser
tout cela dans la tête ?
Souvent question de pure potttcsse <m !néme de
hadauderie, car aussh~t vous
(lue essayez d'anatyser

vos moyenK d'action devant votre tttter!ocutcur) vou~ [


vous apercevez qu'~t n'y est ptus.
Une seuïe fois on m'a pose une <~ucst!on vrahncnt

précise à ce sujet; c'ctaïi un le nos p!us d!st!n~ue~


professeurs de psychotogte (pn me demanda F=
« Le j<;u d'échecs sans votr pt'or<*(tc-t-tï exchtSt\'c-
ntent de la tnctnotre v!suct!c? M
C'est a cette questton que je vaîs tn'etÏbrccr de

repondre dans les ît~ncs suivantes. 1


M. Tatnc a adnns (pt't! en eta!t .nns!, sur !a fo! d'un

joueur de ses anus, qui !m afnnnatt \'o!r dts!!nctctnent


devant son esprtt ï'ech!quter avec toutes ses pièces.
ttKFLBXtONS SUH ~H JEU D'BCMECS JOUÉ SANS VOtR. 3M
1
Mats j'entends, par contre, direà M. Rosentha! qu'en
jouant sans voir it procédai exchtstvcnïcnt par calcul
et qu'H ne voyait ni echiquiers, ni pièces. Kt moi"
môme qui suis compïetemcnt dépourvu de mémoire
!ocatc, qui p~set'a!s dc~x cents fot8 dans b même rue
sa ns pouvoTr me ~tïrc phts q tFu ne Ï(î<?c très vague/une
fois passe, des maisons qu! s'y trouvent, qui suis
capabte de m'~arcr dan~ un coin de montagne ou
j'aurais passe plusieurs fois, qui ne saurais me repï'e-
Mcnter Hgut'e d'une personne avec laquelle j'aurais
passe une ou plusieurs journées, je parviens faciÏe<Ttent
a jouer ces parties d'cchecs sans voir.
J'avoue cependant que, pour que!qu'un qui a tou-
jours ressent! une froide horreurpour ïe lit procustéen
de ta logtquc d'ccoÏe et A qui les arcanes de !a psycho-
!ogie ont toujours paru itnpenétrabÏes, i! est assez
embarrassant d'analyser exactement et methodiquenoent
une chose aussi compliquée. Mais, comme mon philo-
sophe tM'a dit que !cs natvctes, dans une observation
de soi'tncme, étaient ïnevitahïcs pour un îa!que et
avaient, en outre, une certaine saveur pour tes initiés,
je m'enhardis et j'y vnis bravement et naïvement.
îî y a d'abord à distinguer entre une scu!c partie

jouée sans voir et pÏu~ieurs parties jouées simutta-


netnent.
Je me rappettc avoir !u que!que part, en son temps,
une interview de Zukcrkort après une de ses séances.
~e cé!cbrc maître y dcchtrc qu'en jouant plusieurs
parties sans voir, ces parties se trouvaient rangées
dans s.< mémoire comme dans dinerents tiroirs. A
chaque partie !e tiroir correspondant s'ouvrait pour
m t'SYCHOLO<HE i)K8 JOUËUM8 D'~CHBCS.

!ui, tandis que tous autres restaient termes. Le coup


joué, ce tiroir se fermait pour baisser !a p!ace au sut-

vant, etc.
Certainement cette
explication est bien rudtmen taire,
et cependant i! paraît difficile de dire davantage sur ce

~~oint. Gaf ta facut té d'ë! H~ner, pat' un eÏiort de n ot re


voïooté, de notre attention tel o!)jet ou teHe idée pour

porter aHtcurs notre observatuon se mamtestc cont!-


nuetteinent dans notre cerveau. C'est même une cond!-
tïon cssentte!!e de î'tntegr!té de nos foncttons psy-
t htques, car, cette tat'nttc aboHe, nous ne ~crion~ plus
maîtres de nott'f raison. Detnandez donc A un jouem'
de cartes pourqu(n H ne ~on~bnd pas p!qu<' avec f'ar-
rcau et cœur avec trôner demander à un géncraÏ pour*'
(pto! H ne confond pas, dans Ïc pÏan de campagne qu't!
poursutt dans sa tête, Ïc terratn avec ce!m d'une bata!e

<pt'iÏ vtent de se remëmorer demandexau mathcmattctcn


cotMtnent peut passer sans d!u!cuïtc de Ïa gcotnctr!e

descrtpttve au catcut ïntegra! et de Ïà aux comptes de


sa cutsïnière; ils vous répondront que ceta est pu!s<pte
ccta est, ou phttot ils ne vous repondront pas. Ators
ptmrquotun joueur d'échecs jugera!t-!t nécessairr, de
vous expliquer pourquot les parties passées, présentes
et à venir ne forment pas dans sa tête un tncxtrtcab!c
chaos ?
Mais, sauf !c cas où deux parties onriratent des post"
ttons d'une grande ressemblance, ce serait lui fah'c

injure que de supposer qu'H puisse confondre Ïe russe


avec Ïc chinois ou une
égtise avec une pépinière. Ptus
cela sera dissetnbïabïc, mieux it saura ïe tenir sépare.'
C'est une erreur très répandue que (te tt'oirc que
MHFLBXtOKS SUR LE JRU B'KCHBCS JOUR SANS VOm. 345
J

l'on ouïsse égarer un hon joueur sans von'en hd jouant


des coups htxarres, extraordmatres. La jot!e parttc

Mornhy-Carr prouve ïe contraire.


(Btrmtngham)
!t est vrat que ta puissance de distinction pour deux

positions données cs.t tr<es ~Mg~lc, et t<ct ~$ ~ue~r~


d'échecs seront seuts à me comprendre.
Ce n'est pas par un enet de hasard ou de dévetop-

pement historique du jeu que les parties, dites fertnees

ou !rréguî!ères,qut ne débutent pas parP 4R des deux

cot~s nou~ para!ssent plus d!<ci!es a saïstr et M ana"

!yser que les ouvertes. Certainement tout !e


parties
n<ondc~ a peu de
d'excepttons près, a joue plus patt«'M.
ouvertes que de parles trréguttères. Ma!s~ en fût-H

autrement tes nettes et franches, ou les


postHons

ptèces prïnciptdes entrent en acHon, «tt


rapidement
tes !t~ncs d'attaque sont p!us vtvement dégagées~ offri-

r.tîent cependant ptus de pr!se a !a tnctnoïrc et M Hma-

~!natton les fermées ou te dégagement


que parités
taboricux et untfornic tend à étouffer l'mhtaUvccttc

g<'n!c des échecs sous les du w~</er/< c~

Ce n'est certes pas !a dHf!cu!tc du jeu de dames quî


a jusqu'à ses adeptes de jouer san~
présent empêché

voh', ntats c'est runtfortntté desespérante qu~offrent à

t'œit et à les setnbÏabtes de


rcspr!t coups toujours

< haquc début, c'est t'abscncc de toute tdée sa!antc,


de totite conngurat!on ptastîque dans les portions

th~nnées par ce jeu. Pour parÏcrà ta tnémotre~ à runa-

gtnLatton, d n'y a rien de tel que ta dtverstté non pas


!c chao~ ma!s Ïa diversité harmonieuse, enchaînée

dans te cadre du connu. Pour que !e rythme frappe

rhnagmatton, u faut qu'il soh rehausse par ta métodte,


346 PSYCHO~OCtB DK8 JOUEURS D'KCHECS.

ia méïodie a !a it faut
mais, mémoire,
pour que parïc

$oit Ïiée et divisée Ïc


qu'eHe par rythme.

Pour me conditiott essenticÏÏe


récapitulera !a pour

retenir et sans les confondre deux ou


para!!é!e!ncnt

d'échecs est t'en se soit rendu


plusieurs parties que

de ~ur ta Ii;
diversité; de
compte ph~ionôhne~

Hcre de Ceci ie nombre de


adm!s,
chaque partie. par-

ttcs à n'est Hmtte t'ïnsuu!sance


jouer pÏus que par phy-

de nos tnaudt ne catcutera avec des

s!que organes, pas

nombres de 500 chtffres et n'a a


personne son~é jouer

J.OO sunuÏtancmcnt et sans voir.


parties

La <t
du record du nombre et de ta vitesse
questtoti

de et ne rentre
dépend t'organisatton indi\'tdueï!e

dans Ïe cadre de mes observations


guère générâtes.

Dans son Traite des M. SeÏkirk chcr<hc


Kchecs,

a rcaîiser t'idee vou!oir


singuïtére de apprendre aux

te d'échecs sans voir. Les indications


commençants
jeu

fournies < et bien ne au


auteur,
par que répondant pas

but s'était sont


qu'u moins
propose, n'en pas précieuses

amateurs, ~insi les différentes déductions sur


pour tes

!a corrctation entre et ta marche des


Fechiquier pièces

sont fort et certainement doivent être


justes connues,

de tout chacun sans


fut-ce inconsciemment,
qui joue

voir Mais fauteur est un


Fechiquicr. pedadoguc trop

i! ne se rend
hardi, suffisamment des dim-
pas compte

cmtes a surmontées hti-mcme au


arriver
qu'it pour

de fort iï
et lui
degré rcssembïe,
joueur pour emprunter

une au de
comparaison, professeur mathématiques qui

voudrait aux cÏcves et !a


apprendre jeunes l'algèbre

avant soient ferrés sur les


trigonométrie qu'IÏs quatre

en îc d'échecs sans voir


Quoi dise,
règles. qu'il jeu
ttKt~K~ONS SUM LB JEU H'KCHBCS JOU~ SANS VOIR. 3~7

suppose une certaine force acquise sur l'échiquier.


Les grands joueurs sans von* ont tous été de forts
thcorictens.
M. SctMrk est de ceux qui ne voient dans le jeu
d'échecs sans voir qu'une fonction de la mémoire
vtsuënc. E~t, arrive .ici devant mon veritabte prohtèrnc~
je confesse qu~a première vue il pouvait en être ainsi,
du moins pour certains individus. On peut sans doute

s'ttnagtnerqu'ttn jouetn', d'une mënf!f)}pe vtsuene très

de\'eÏopp<;e, putsse avoh* quasiment devant les yeux


tes 64 cases. Les documents me manquent comme j'ai

dttptus haut, pouf Y~nuer ce fait; mais, en renéchts-


sant et en cherchant des ana~g~es~ ceta me paraît de

;dus en plus douteux. Le champ que peut embrasser


notre irriagination ressemb!c tantôt a une grande toUe
de Rubens~ tantôt à un peut tahteau de Mctssomcr.
Ou h!en nous nous représentons vaguement une grande
surface ou bien nous dct:nt!ons minutieusement un

petit co!n. Les tteux choses a la fois nous sont impos-


sih!es nous ne pouvons pas embrasser en une fois un

panorarna, parce que notre perception visuelle n'en est

guère capabtc. La memotrc visuelle, (pti n'en est que


Ic corottairc ou le déca!que, ne saurait certes en faire

davantage.
Mais qucUcs sont tes timites de cette vue en détail?
tJn échiquicr est-il, dans son ensemble, j)our nous un
Meissohterou un Rubens? Question déticatcs'it en fut.
Pour moi c'est cette dernière supposition qui
est ta

vraie, et pour tous tes joueurs d'cchecs que j'ai connus


en était de même. Je me dispense d'insister.
SeÏkirk fait une rénexion fort simpte et judicieuse
348 PSYCHOf.OGtE ttBS JOUBUMSD'KCMECS.

c'est que, même en jouant devant rechuter, chaque


amateur joue cependant sans voir.
En effet, dans le plan qu'il dresse dans sa tête et
cherche à faire prëvdoir sur les enbrts de son
qu'it
adversaire, il cstobtigé de se représenter tes positions

de~ pièces après quelques coups supposés Notre


auteur ajoute un peu dédaigneusement, udèïe & son
intention pédagogique~ que la vue des pièces sur rechi-
quier était a ce moment de très peu d'utile et ne ser-
vait generatcment qu'a embrouiller le joueur ce.qui
est une assertion très contestante.

A ce compte, il n'y aurait ptusd'echiquiers que pour


les premiers commençants et tout te monde jouerait t!c
mémoire.
Matheureusement, le jeu sans voir devant Ï'cchiquier
n'est justement pas une <b notion de la mémoire visuelle.
Car la mémoire, vistïeÏte ou autre, ne peut s'exercer

que sur des choses vues ou perçues, tandis que la


(acutte de combiner n'est autre que ceite de penser et
de raisonner Ïogtquenicnt.
La mémoire, qui sert à retenir les prémisses de nos
ronciusions, est certainement très précieuse à cet effet;
mais ce n'est certes plus une mémoire
visuene, c'est un

simple dérive de ta faculté d'imagination.


Mais tous ceux (lui partent de mémoire visuelle
oublient eotnpïctemcnt qu'une partie d'échecs n'est pas
une suite de tableaux successifs, pas un capricieux
kaléidoscope, mais un encha!nement de conclusions,
une série de syHogismes ptus ou moins correctement
menés, chatne toujours brisée et toujours réparée. Une
position d'échecs n'est pas une t'hose stabÏc, c'est une
ttt~BXtONSSUKLR JEU O~CHBCS JOUK SANS VO!M. 3~

evoïution, une transformation constante de la matière


matérielle et intellectuelle. représentent les 32
que
pièces sur les 64 cases.
Toute position donc, hormis celle du commence-
ment, suppose une genèse, demande un point d'arrivée,
un Dénouement. La jj~r~ pë~i~t-_d~ir~'c:.°~i°i~~
t~wrrï~c.~`tt'~të
par la mémoire visuelle, comme elle représenterait
successivement les paysages que Ï'on aurait vus pen-
dant une promenade et qui se seraient gravés en nous.
Pattes assister a une
quelqu'un qui ne connaî-
partie
trait pas le jeu, mais qui serait doue de la mémoire
vtsueHe la plus prodig!euse que ron puisse imaginer,
je vous mets an défi de faire relouer la partie par ce

spectateur.
Ce que la configuration ptasttquc donne par le chan-

gement des pièces ne parte qu'aux yeux de celui qui


réf!6ch!t et qui a<'comp!!t en soi-tnême en quetquc sorte
tes séries de déductions~ qui se font dans l'esprit des

joueurs.
Mais non, c'est la mémoire des conclusions, la
mémoire des raisonnements qui préside exclusivement t
aux ébats de notre jeu, qu'il soit joué devant t'échi-

quterou le dos tourné, et si, en jouant sans voir, je


pouvais distinguer devant mon œiî intérieur toute la

partie aussi clairement que si elle tombait sous mes

dédaignerais <'c moyen, qui n'est pas dans


veux, je
t'esprtt de !a chose, qui, pour être une sotution,'n'est
guère qu'une solution étrangère à la question, une solu-
tion de parade, comme les mathématiciens forts aiment
à tes employer pour étonner Ïeur auditoire.
Otti, mnnsicttr Hosentha!, vous avez tntHe fois raison
360 f8YC~Ot<OCtK DES JOUBUKS D'KCHBCS.

quand vous dites procéder exclusivement par le calcul.


H ne pourrait en être autrement.
Ceci bien etabH, nous comprenons aisément pourquoi
il est beaucoup plus difncHe de retenir une position de

problème qu'une partie jouée, quehme <'omp!iquec


~u'ene soit. Tott~ Ïes: rédacteurs Déchet s m'approu-
veront torsqueje leur rapl)ellerai que tes cotnposïteurs
de prob!èmes, quand ils ne montrent pas justement
!cur dcrntcr-nc, ont besoin <te teut* carnet de dia-

grammes pour placer !a position qu'ils ont cn~tntée~


tandts que le joueut* quï teur soumet une partie gagnée,
quetque anc!enne qu'elle soit, le fait par cœur. Mats
s'H y avait de la memoh~c visuelle, qp pourrait rctenh'
50 probÏcmcs pendant f~u'on garderait en mémoire une
seule partie, et c'est ptutôt t'inverse qui est vrai.
Pour toute chose souvent raisonnee, il arrive un
moment où on ta possède inconsciemment. H existe, au
fond de chaque joueur, une foule de syllogismes echi-

quéens à rétat tatent, (lui lui permettent de sauter, en


un clin d'œi!, d'un bout de Ïachame à l'autre, de trouver
entre mille les deu\ ou trois coups (lui entrent en < on<
sidcration, d'avoir ce que l'on appelé le sentiment de
la position. Aussi bien dans la partie vue que dans la

partie jouce sans voir, chaque position que je crée ou

que je vois se former devant moi parle, au delà de m<m


raisonnement, à ma sensihihtc, eHeme fait une impres.
sion sp~ciate et ~c/

Conrnne pour le poète sensitif son a sa cou-


chaque
leur, chose qui me paraît très simple si l'on fait abs-
traction de t'insuftisance de notre langage, de même jt'
suis souvent porté à résumer, dans une épithète géne-
HKt'ONSKS DU M' TAMKA8CH.

rate, le caractère d'une positon. Chaque situation que


je possède bien forme pour moi un ensembtc je !a
saisis comme le musïcten saisit dans son ensembte un
accord. Les d!ucrents tons quï le composent lui sont
bien connus et s*tï voutatt recourt r à. Ï'anstyse, à ta
r~texton, !t vous tes nonmterah hico. Ma!s ï'enscrftMc
ht! suffit.
Voilàcom'ftent: je vois les pos!Hons de tnes partît
sans voir. 64 cases et 32 ptèces dessus! Fi donc Je
vois le choc des tdces et des convo!t!~es~ je vois un
CO~tUOS.

Réponses du B' Tarrasch aux questions relatives


au jeu sans voir.

1) Je joue sansjusqu'à (~ et 8 parUes


voir en ntême

temps etj'a! fait cect ttérattvement. Je crois m~me pou'


votr atter plus loin; seulement la durée du jeu se pro-

longerait alors. La derntcre fois j'aï fait, récemment


<t parUes simultanées sans \'otr, au Cercle d'échecs
<( Anderssen )~ a Francfort-sur-Meïn. Ces parUes
furent~ pour la plupart, pubH~es en Allemagne dans la
Gaxett~ de la Saa~e~ te Journal de Francfort et dans la
Hevue hebdomadatre des échecs de Berlin.
2; Prem!cre force.

~) ~!a mémoire, a tout prendre, ne peut guère


passer que comme touchant a Ï.t moyenne. J'oub~e
352 PSYCHCLO<E DES JOUBUBS D'ECHECS.

surtout, avec une rapidité étonnante, les événements

deÏavieJournaticrc. Souvent des ctients que j'ai soignes


me saluent dans la rue sans que je puisse me tes
remettre. En revanche, si ma mémoire est mauvaise

pour tes petits événements qui m'arrivent et pour tout


ce qui se passe devait moi accident~Hemeiit, eMe est
bonne et très s~re pour tout ce que je tiens à me

rappctcr, que j'étudie ou que je lis avec intérêt. Kncore

aujourd'hui je sais réciter de longs passages d'Hotncre,


SophocÏe, Horace~ que j'ai appris par cœur ct&nt au

lycée, il y a phts de douze ans. Je me rappeÏÏe toujours


très exactement tes ma!adies de mes cHentS) mctnc si
le souvenir de leurs
personnes s'est déjà cvanouh
Quant au jeu des échecs, ma mémoire est particuMcre-
ment ndé!e parce que je m'y intéresse tout speciaÏernent.
Ïï y a peu de temps, j'étai' dans le cas de reproduire
de mémoire une partie, un peu extraordinaire à dire
vrai, que j'avais jouée à Berlin il y a une douzaine
d'années et que je n'avais jamais reconstruite
depuis.
J'en avais besoin pour la faire entrer dans une collec-
tion de parties que j'avais jouées. Je retiens toujours
en substance une partie dont j'ai !u ou répète tes coups,

pourvu que la partie possède un'contcnu passabÏemcnt


marquant.
Ma disposition les mathématiques
pour est médiocre.
Sans avoir été range au lycée parmi les mauvais eco-
tiersdcs sciences exactes, je ne m~y suis pourtant pas
non plus distingue. Dans le catcut mental je suis très
faible, et c'était
déjà mon cas à !'cco!e.
4) Comment je me représente la position du jeu sans
voir? C'est chose très sintptc :je me ta tiens présente a
K~PONSBS t)U TAKttASCH. 3&3

l'esprit, comme un objet


ptastique. Je me figure féchi-

quier très distinctement, et pour ne pas entravera vue


intérieure par les impressions de l'organe visuel exté-
rieur, je ferme même parfois tes yeux. Ensuite je
garnis j'èchiquier de ses pièces. La pt~emtere de ces
opérations, c'est-à'dire la représentation de t'cchiquier,
est ce qu'H y a de ptus essentiel. Pour qui est arrivé à

pouvoir, r~tt ferme, vo!r nettement Ï'echKju!er, il n'y


a phts de dïMeutté à se représenterles pièces, aussi
d'abord dans leur position primitive qui est familière à
tout joueur. Maintenant la partie commence. Suppo-
sons que c'est moi qui fasse le premier coup. Je le vois
i!umcdiatetnent s'exécuter sur l'échiquier qui est dis-
tinctement présent à mon esprit. Limage que j'ai
devant moi est un peu changée par <'e coup. Je cherche
a la retenir dans sa condition ainsi transformée.
L'advcrsan'e alorsrépond de son c~té et modme de
nouveau t nuage, dont cependant je me hâte de m'im-
primer tout de suite la nouvelle fortnc, comme !a

phtqnc du photographe reçoit l'impression de rot~et


cchuré. Jetixe donc l'image a l'aide de mon imagina-
tion, mais en retenant a coté de cela, également gravés
dans tna mémoire, les faits, c'est-à-dire tout ce qui s'est

passé, car il se passe continuellement quelque chose


au
jeu des échecs. Tantôt tt se fait une attaque ou une
défense, on est dans t'expectative ou bien on commet
une on prend
bévue, ou l'on (''change 4tne pièce, etc.
Une bonne partie d'échecs peut être racontée presque à

Fégat d'une série de faits !iés les uns aux autres. Les
accidents d'une partie sont logiquement connexes, ce

qui fait qu'il y a moins de difficulté à s'imprimer l'his-


2:ï
354 PSYCHOLOGIE DES JOUEURS Û'MCMECS.

torique d'une
partie que de retenir par cœur un petit
poème. Quand je tiens mentatcment présente la posi-
tion actuelle du jeu contrôle par la mémoire des taits,

je coutbine les coups tout comme je le fais devant rechi-


quier réet.

~o~c~pôurîe jeu sans voir d'une ~M/<? partie. Quant t


aux parties dinerentes jouées à la fois, je tes tiens

séparées pat' Ïa même mémoh'e des talts. Chaque partie


a son caractère individuel, dans chacune d'eïïes il se

passe quelque chose de particuHer qui me sufutpour


ta distinguer des autres.
J'entends le rapporteur annoncer par exemple « Par-
tic quatre, Roi a ïa case de la Dame ?. En ce moment
rien autre ne se montre dans mon
qu'un grand esprit
chaos. Je ne sais pas même de quelle partie il est ques<
tion, ni qucHe est la situation du jeu, ou quelle peut
être la signification et la portée du coup donné. J'en-
tends seulementl'expression de ce coup fait par mon
adversaire. Je cotnmence alors par me demander queUe
est cette « partie quatre Ah c'est ce gambit du cava.
Mer dans la partie
lequel ad verse s'est défendue d'âpres
les regtes jusqu'au tnoment où elle lit le coup extraor-
dinaire du P du F de la D un pas (i7-i6 selon la
notation a!gcbrique) par ïequet du reste elle se procura
une bonne partie. Par bonheur cependant, bientôt

après, mon adversaire commit la faute de permettre

que je fisse te sacriuce du a !a 3 du Fou du son R

(f;. Maintenant il n'a pas pris mon Fou, mais il a joué le


Roi à la case de la D (Re8-d8), comme il me l'annonce.
La récapitulation de la partie se fait rarement d'une
manière aussi circonstanciée. A mesure que les partie
MKt'ONSËS MU U*' TAnttASCtt. 3~5

avancent, ettes digèrent davantage entre elles et ces-


sent de pouvoir être confondues. A la fin t'annonce (ic
la quatricmc partie et de F du R a la case du K
(F h 8- 18) sufnt pour me rappeler que c'est la partie
dan&~a~queUe te sacMftce du Fou ne TMt pa~ aee~pté.
C'est ainsi que je me rappelle avec plus ou moins de
détatt la marche de cette partie. Ses positions respec-
t!ves se gravent petit à petit jusqu'à la clarté partaite
dans mon esprit et je puis a Ï'aise faire mes combinai-
sons et indiquer mes coups.
Le même procédé se repète ensuite pour la partie
suivante. Partie cinq, me crie-t-on, P de la D deux pas

(d 7-d 5). « Ah c'est la partie écossaise dans laquelle

j'avais beau jeu des te début, sans que mon adversaire


ait pu développer ses pièces. Maintenant il essaye d'y
parvenir en sacrifiant un pion. Tant mieux, etc. »
En pensant ainsi, je me sens parfaitement orienté
et je vois Féchiquicr devant moi avec toutes les pièces
dans la position de la partie.

5) En jouant sur l'échiquier et avec les pièces devant


soi, il ne peut guère y avoir que les amateurs peu rou-
tiniers qui verraient t'échiquier en détait et les formes

particulières des pièces. Les personnes non initiées


n'ont pa& besoin de voir la signification intrinsèque
de Féchiquier et des pièces. Httes ne seraient pas
même en état (t'apprécier cette signification. Par
contre, t'amateur dont les pensées sont absorbées dans

t. C'est eneot'c ici un des caso~


î'cxttct~udcdc la notation
~bt'tqne vient
pMissammcnt en (t!dû u ht m~moit'c du jottcttf
qMt ne voit pas. CctMt-c! n'a pHs besoin de se t'oppcÏcr pendant
tonte ta partie lequel est le C de lit ~<twe ou le F du Ao<.
3M MYCKOLOCtH MES JOUEUKS M'ÉCHBCS.

les combinaisons du jeu ne voit pas une pièce de boisa


tête de chevat, mais une pièce qui possède la marche

particutièrc du CavaHer et €{ui équivaut à peu près à


trois pions, qui, pour le moment, est peut-être mat

placée, qui est sur le point de fa<re une aM


sive ou que Ï'adversaire menace de clouer à sa place,
et laquelle, & tout prendre, n'est pas bien située au
bord de
t'cchtquter, etc. Ennn il ne voit pas une
poupée de bois, i! n'en voit pas la matière, mais sa
valeur contUtc cavalier en généra!, 11 s'occupe piutAt
de reconnaître l'importance qu'exerce la pièce dans ta

position actuelle du jeu. Plus la pensée s'engage dans


les combinaisons, moins les yeux s'aperçoivent de l'ef-
fectif de l'écliiquier et des pièces L'attention tout
entière du joueur se concentre intérieurement en lui-
tneme et son regard qui tombe encore instinctivement
sur les accessoires extérieurs, ne les embrasse pour-
tant pas au point de s'en rendre compte. Voici quct-
dues exemples qui éclairciront encore
davantage nies
assertions. Je ne saurais, par exemple, dire si les échi-

quicrs employés lors du dernier tournoi à Dresde (en


1892) étaient en bois ou en carton, mais je sais par
ca;ur presque toutes les parties que j'y ai faites. rtus
encore, si à Dresde même et a« moment où j'aurais

quitté la table de mon jeu, quelqu'un m'avait demandé


sur quelle espèce d'échiquier j'y avais joué la dernière
partie juste terminée, j'aurais été incapable de !ui

répondre, à moins d'avoir ré~échi attentivement. Voici


un autre exempte. La dame blanche des échecs dont je
me sers à la maison a perdu sa pointe. L'aîné de mes
enfants la lui a cassée et ma femme la coHc a sa piacc
MtiPONSES DU D'' TARHASCH. :??

de temps en temps avec de!a cire


d'Espagne. Après la
partie je ne saurais jamais dire, excepte le cas ou, par

hasard, j'aurais expressément fait attention, si ta pièce,


cette fois-ci, avait sa pointe ou non.
Au jeu ordinaire on n'aperçoit donc pas les objets
1 ou du moins on ne ÏesvbH que très î~
Comment les
apercevrait-on en jouant sans voir ? Je

puis seulement dire que je me représente Féchiquier


assez petit, à peu près de la grandeur d'un diagramme

(e'<7~ c~~w~'c~ ~M/* ~M< au ~~<s),

pour mieux embrasser la totalité et pour faire passer


le regard rnentat p!us vite d'une case à une autre. Je ne
vois pas les cases distinctement noires et blanches,
mais seulement claires et foncées. Pour la couleur des

pièces, la diftcrcnce est encore beaucoup moins mar-

quée. Elles se montrent à moi plutôt dans leur signifi-


cation comme ennnemies ou aHiées. La forme des

pièces ne m'apparaït qu'indistinctement, je considère


principalement leur faculté. diction. Je me figure

l'échiquier pose droit devant moi. Ïï n'est pas placé à


côte de moi et ta personne de l'adversaire n'y parait
pas du tout.
6) Je me présente l'échiquier en enticf dans son
cnsemb!c avec toutes ses pièces; non pas une partie
spéciate de Féchiquier. Ceci est de rigueur, car sans
cela l'action d'une pièce pourrait facilement échapper
a t'atteMion du joueur qui ne voit pas.
7) Je vois t'échiquicr très distinctement et je crois
que ceci est la <acu!té la plus essentielle pour jouet* à
l'aveugle. !t n'y a de véritable joueur sans voir que
f'htï fpti peut se représenter l'echiquipr nettement.
358 PSYCMOLO~tB CES ~URUMS D'~CHBCS.

Voilà pourquoi je ne regarde pas la, mémoire comme la


condition ta plus indispensable, mais plutôt la faculté

Imaginative. Tout joueur possède assez de mémoire

pour se rappeler ta marche de la partie. Mais tout

joueur n'est pas capable de mettre en rapport CM~M~

les pièces qu'Use reppésent~ a t'esprit et qu~ doit 3îs-


poser sur un terraitt égaiement Rctif pour y former des

plans et des combinaisons solides. Pour faire tout cela,


il faut posséder la faculté bien dcveÏoppée de !a repyc<-
sentation mentale. faut encore que l'on ait de la cor-
rection dans tout ce qu'on se représente, car jouer ~<x/
sans voit' est l'affaire de tout le monde.

8) La comparatson avec la photographe est très frap'

pante. Quant aux couïeurs~ \'oyex 5). Je me représente


rcchtqmer coloré, mais seulement légèrement nuancé.

9) (comp. 5). Les formes des pièces m'apparaissent


égatement peu
marquées tout comme les couleurs.

~0) Correspond à peu


près a ce que j'ai exposé ptus
haut. Les rapports entre
tes pièces et leurs combinai-
sons sont ce que je vois, non exc!usivcment, mais tout

particulièrement, mêles seulement a quelque chose


comme la couleur et la forme. Avant tout je me repré-
sente la localité où se passe le combat. Je vois nette-
ment réchiquicr, quoique, pour ne pas être distrait par
des objets étrangers, ma pensée s'attache moins aux
formes et aux couteurs qu'aux ~t~M qui subsistent
entre les cases et entre celles-ci et les pièces.

il) Le langage intérieur se produit naturcttement


tans cesse. Les expositions précédentes en fournissent

dé~à la preuve. Je formule te coup que l'on m'annonce.


tout comme si je t'écrivais, par exemple R à la case de
RÉPONSES CU Dr TARMA8CH. g89

la D (R e8'd 8). Mais pour jouer il faut que je transfère


ce coup du langage hiérogtyphique des échecs dans la
rcanté des faits, il faut que je me représente quet est
le changement sur ï'echiquier indique par le coup du
Roi. Je n'entends la vo!x du rap-
presque pas du tout `.
porteur ou la mienne. La mémoire des paroles est pas-
sabïement accessoire en
comparaison de la mémoire
des faits. Ce n'est que dans des cas assez rares que je me
vois force de récapituler toute la partie depuis son or!-

gine. Ceci ne regarde cependant pas l'appréciation <!e

l'historique de la partie, mais seulement les coups en


eux-mêmes, parce que cela ne se fait que quand j'ai
quelque doute si un coup a été réellement joué qui ne
signifie rien pour l'historique de la partie et lequel,

pour cela, j'aurais peut-être omis d'exécuter dans

l'image de la position. C'est alors que la mémoire de la

parole se fait sentir. Mais c'est un cas fort rare, attendu

que je tache toujours d'attacher quelque signification


aux coups de mon adversaire. En cas de besoin je note
dans mon esprit qu'à tel ou tel endroit dans cette

partie il fut fait


un coup insignifiant. La mémoire des

paroïes n'est donc pas entièrement dénuée d'importance.

i2) Non i3 et Je n'ai pas d'autres moyens auxi-


`
liaires à indiquer.
Pour résumer encore une fois mes remarques, je
dirai que j'envisage comme la condition la plus essen.
tielle ta faculté représentative du joueur sans voir.
C'est elle qui le met à même de se tenir i'~c/f pré-
sent a l'esprit. En seconde ligne vient la ~~K~c
La w~MM~ la parole, enfin, peut rendre des
services accessoires dans des cas spéciaux.
360 PSYCHOLOGIE BE8 JOUEURS &'HCMEC9.

H est encore un point qu'il ne faut pas négtiger.


Tout amateur voulant jouer sans voir doit posséder
un empire absolu sur t'cchiquier. H doit connaître la
couteur de chaque case, doit toujours savoir quels sont
les endroits, à partir d'une case donnée, auxquels un

ca~att@t* pourra ê~trepoft~.t~doîf~a


(indépendamment de la vue mentale qui lui démontrera le

fatt) qu'un Fou &ta case d~ CavaHer de ia Dame blanche

(F b t) vise dans la direction trans\'ersaie jusqu'à ia


seconde case de la F du Roi no!r (h 7).

1/écMqUtcr continuellement, et rien que ï'cchtquicr!


Les pteces sont bien moins essentielles, elles prennent
!cur§ places d'cUes-mômcs. Jouer sur réc!uqu!er sans

pièces est chose très aisée, presque pas plus dimcile


qu'avec les ptèces. Tout le jeu d'échecs se fait en par~e
sans voir. Toute combinaison de cinq coups, par
exemple, s'exécute mentalement, avec la seule t!ine"
rencc que l'on a t'echit~ier devant soi. Les pièces;
bien des fois, y gênent même te calcul. Le bon joueur
d'échecs, dans ce sens, est joueur sans voir. Voilà ce

qut explique comment des joueurs qui savent très bien


analyser une position donnée se montrent parfois inca-

pables de combiner trois coups en jouant une partie.


C'est encore la raison
pour laquelle une partie jouée
par correspondance ne fournit pas la mesure de la force

qu'auront les participants, dans le jeu actuel. Une qua-


lité, et même celle qui est prédominante chez l'amateur

pratique, se trouve être suspendue quand on analyse


en essayant. C'est la facuïtc et !c besoin de se repré-
senter les positions. A l'aide de cette <acu!tc, t'imagc
ptastique d'une situation future se montre a notre
K~PO~SES MU t~ TAKt!ASCM.

esprit aussi nettement que si elle était déjà présente.


t~!tc n'existera pourtant qu'âpres un certain nombre de

t'oups, mais matgré ceta nous pouvons, dés à présent,


nous former une idée de cette position. Nous la rcje-
t tons ctunme devant conduire notre dctaite, pu btcn
nous t'admettons comme !nd<ucrente sinon cotmnc

avantageuse pour nous.


Le joueur ordinah'c t!ent rc<;htqu!er sous les yeux,
le joueur sans voir doit se le représenter. Voilà où gît
toute la différence.
Pour bien
comprendre !c jeu sans voir, le mieux
sera de ne s'occuper d'abord que de ce qui se passe au

jeu d'une parité faite scuk. Ce procède s!mpttMera


t'analyse du problème. C'est pourquoi la recommanda-
tion contenue au n~ 4 tne j~aratt un peu anticiper sur
ce qui va seulement vcntr. Pour t'cxëcutton de plu-
sieurs parties faites a !a fois, il faut encore ajouter la
<acutte qu'exige la conduhc des partîcs simultanée~
jouées a rordinaïre. Quand je <a!s ptus d'une partie
sunuhanëmcnt, avec les ccÏuqutcrs et leurs pièces
devant moi, il faut néanmoins, pour que je reprenne la
suite des idées de ta prochaine partie, que je n~en
rappeUe brièvement t'historique. Cette récapitulation,
il est vrai, se fait ici en très peu de temps. Au premier

instant,quand je passe à une nouvcttc partie, j~prouvc


dans mon esprit a peu près ta mente sensation de con-
fusion que j'ai décrite ptus haut en parlant du jeu sans
voir de plusieurs parties.
TABLE DES MATIÈRES

PREMtËRE PAME
Cn~ftTKE Historique. 1
Il.
Ut Le cutctttatcttf
caletctateur Jacques
Jacda~es Innttdi.
tnnud! ~~t·é-
Hét'c-
dtté. Entancc. État achicÏ. 24
ttî. –M.ïnaud!ExcfCtcesdccatcutmcnta!. 3~
tV. –M.tnaud!M6mo!yc des c!ttCh'es. 40

V.–M.ïnaud!CutcutateurdMtypcnudit!f. CO
VL –M. !<Mmd!Opet'a~Mts de cntcut. 73
~iL M. tnMudi.–LarMptdttcdesca!cutsmctt-
taux. 80
VIII, M. PtaMMttdt.– CatcutateuftMcntat. ~t0
IX. M. Dtatunnd!. M6mo!re des ch!{ft'cs
et ctdctd mentat. Ï20
X. Mfmoh'e visuelle et mëmott'e auditive. ï~
XI. –Lnshnutattottdctantcmoh'cdcschtBfrcs. ta~
Xï!. Lu fMnuHc tta~n'cïÏe dc~ caÏcutatctu's

pt'odt~es. t87

Apt'ËKptt:Ë. t~Hppot't de M. Dm'boux our J. Ïnaud! t99

DEUXtÈME PART!E

CHAprtKK Une enquête 8t<t' la jeu d'ccbeM ta


ï'~vengte. 205
Le tnondc des cchect! 220
U!. Le jctt M rnvcugte. 235
t\ Les SHuncM. 244
36~ TAtMLE ORS MATtÈUKS.

CttAPtTKK V. Érudîtton 0!. prat!qMC de t'cchiqtnet' 2tH


Tt. Rcpc~sc~tt~ott vîsucHe do t'cctMqMÏcï' 276
V! Mômoïfc ~titucUe concrète et mémoh'c
viaittcHe ab~rattc. 28t f
VÏH. Mcmo!t'c vct'bute MA
!X. La t'Mpttutattott d'une pm'Uc.
X. CottfhtsmtM. ~t!

~At't'E~~tCB h R~nëxîon~ jeu déchet~ j~ut* «ans


vo!r. ?0
tt. Réponses <ht B' 't~n'ntsch mtx <CN~<o~)s
rctutîvcs nu jeu s«ns von'

CoMto'tMm!cr<f. tm~. t~t:<. UMOt~A!

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