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L’augmentation de 20 % des

rémunérations dans les cabinets


ministériels prête à polémique
2 nov. 2017, PAR Pierre Laberrondo

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WITT/SIPA

Si les effectifs des membres des cabinets ministériels ont été réduits de 47 % sous l’ère Macron, le
niveau des rémunérations a, lui, augmenté de plus de 20 % en moyenne. C’est le calcul qu’a effectué,
à partir du jaune budgétaire consacré aux cabinets, l’ex-député apparenté PS René Dosière, bon
connaisseur du sujet.

Des conseillers ministériels nettement moins nombreux, mais sensiblement mieux payés ? C’est
l’analyse – porteuse de polémique – développée par l’ex-député apparenté PS René Dosière,
spécialiste de l’argent public, qui a analysé le “jaune” budgétaire annexé au projet de loi de finances
pour 2018 consacré aux personnels affectés dans les cabinets ministériels et rendu public le
27 octobre. La publication de ce document fait chaque année le bonheur de la presse et livre souvent
son lot de polémiques, soit sur l’augmentation des effectifs, soit sur le niveau des rémunérations. Les
informations du jaune budgétaire, pesées au trébuchet, y sont souvent partielles et pas forcément
toujours très lisibles – malgré des progrès ces dernières années –, laissant aux commentateurs tout
loisir d’interpréter. Aux risques et périls du gouvernement.

La première année du quinquennat Macron marque une rupture en matière d’effectifs, avec la
limitation drastique du nombre des collaborateurs des cabinets décidée par Emmanuel Macron dès le
mois de mai dernier. Des cabinets réduits afin qu’ils soient privés de la faculté de doublonner
aisément le travail des administrations centrales. Une des critiques historiques du modèle français.
Désormais, un ministre a droit à 10 collaborateurs au maximum, un ministre placé auprès de lui à 8 et
un secrétaire d’État à 5.

Baisse des effectifs des fonctions supports

Les effectifs du 1er août 2017 s’élèvent à 300 agents, soit une baisse de 47 % par rapport aux effectifs
recensés au 1er août 2016 (563 agents), indique le jaune budgétaire qui, après une courte note de
présentation, enchaîne une succession de tableaux livrant des chiffres ministère par ministère. Le
document budgétaire permet aussi de connaître le nombre de personnes affectées aux fonctions
support des cabinets, c’est-à-dire les “petites mains” : officiers de sécurité, huissiers, gardiens,
secrétaires, maîtres d’hôtel et chauffeurs.
En ce qui concerne ces fonctions support, les effectifs s’élèvent à 2 040 agents, soit une baisse de
près de 16 % par rapport à 2016. Cette diminution est concentrée sur les effectifs d’assistance
administrative et de logistique (notamment chauffeurs), qui baissent de plus de 20 %, selon le
document budgétaire. “À l’inverse, les fonctions de protection du ministre, de sécurité des bâtiments et
d’intendance, qui ne dépendent pas directement du nombre de membres de cabinet, diminuent dans
des proportions plus réduites”, note le document. Une réduction qui résulte là principalement de la
diminution du nombre de ministres, 30 au lieu de 38 sous l’ère Hollande (et donc de cabinets), note
René Dosière.

Mais l’ex-député est surtout chagriné par les rémunérations. “La rémunération moyenne brute (primes
comprises) des 232 membres des cabinets ministériels s’élève à 9 186 euros mensuels soit + 20,5 %
par rapport au gouvernement Valls”, écrit sur son blog l’ancien député dans une note de 9 pages.

Explosion des rémunérations

“Côté rémunération, le document est discret, commente-t-il. Il se contente de faire apparaître des
chiffres globaux et on le comprend, car c’est à une explosion des rémunérations que l’on assiste”,
poursuit-il en reconnaissant que cette année, le jaune budgétaire donne la totalité des rémunérations
(contre 73 % l’an dernier). Du coup, René Dosière a lui-même fait ses petits calculs, à l’aune de ceux
auxquels il s’était livré les années précédentes. Il qualifie la hausse des rémunérations de
“vertigineuse”, jugeant même qu’elle n’a pas de précédent. “Elle rompt avec l’évolution constatée au
cours du gouvernement Valls où l’on assistait à une diminution progressive des rémunérations”, note-il
en relevant qu’en entre 2014 et 2016 la rémunération moyenne a diminué de 4,4 % au cabinet du
Premier ministre et de 9,7 % dans les cabinets ministériels. Selon ses calculs, les rémunérations ont
augmenté, entre 2016 et 2017, de 3,3 % au cabinet du Premier ministre et surtout de 20,5 % dans les
cabinets des ministres.

Parmi les 10 cabinets qui payent le mieux : Santé et Solidarités (11 665 euros bruts mensuels en
moyenne, + 22,5 %), Justice (10 549 euros, + 71 %), Économie et Finances (10 276 euros, + 39 %),
affaires étrangères (10 042 euros, + 70 %), Travail (9 860 euros, + 23 %) et Éducation nationale
(9 703 euros, + 23 %). De gros ministères très exposés. “Il apparaît que les rémunérations du cabinet
du ministre des Affaires étrangères ont désormais « rattrapé » le niveau des autres ministres
régaliens, note René Dosière, à propos du Quai d’Orsay, désormais dirigé par le puissant Jean-Yves
Le Drian. Jusqu’alors, j’avais relevé la faiblesse (relative) des rémunérations de ce ministère.”

Dans 12 ministères, la rémunération des membres de cabinet est supérieure à 9 186 euros bruts
mensuels. Au total, plus de 80 membres de cabinet seraient mieux payés que leur ministre, relève
l’ex-parlementaire. “L’ampleur et la généralisation de ces hausses ne sont pas le fait du hasard et sont
choquantes”, conclut René Dosière. Sollicité par Acteurs publics pour apporter des précisions ou un
commentaire à l’analyse du député, Matignon n’a pas répondu à nos demandes.

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