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Valois - N - Les Cinq Livres Ou La Clef Du Secret Des Secrets PDF
Valois - N - Les Cinq Livres Ou La Clef Du Secret Des Secrets PDF
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lusieurs versions de ces ouvrages non imprimés ont circulé. En l’occurrence, la version
présentée ici semble être celle correspondant au manuscrit C dont parle Chevreul, portant la
suscription ex libris Clavier. Il se compose de trois volumes reliés, dont deux renferment le
Traité de Vicot et le troisième, le Traité de Valois et le Traité de Grosparmy. Les Cinq Livres de
Valois font par ailleurs partie du manuscrit A qui contient la Clef du Secret des Secrets que l’on
lira ci-dessous.
Tous ces traités et leurs variantes semblent ne pas avoir été appréciés à leur juste mesure. Chevreul écrit :
« La cause n’en est-elle pas que la spéculation y domine trop sur la pratique, et que leurs adeptes s’accordent
à justifier l’obscurité de leurs écrits, en même temps qu’ils renvoient le lecteur à un certain nombre d’écrits
alchimiques. »
Le Livre Premier se recoupe, pour beaucoup, avec le traité de Nicolas Grosparmy.
Le Livre II cite la graisse de la Terre et les petits corbeaux, que l’on retrouve dans d’autres ouvrages : Huginus
à Barma ; Commentaire d’Hortulain à la Table d’Emeraude ; L’Œuvre Secret d’Hermès. C’est dans ce livre qu’on
trouve l’une des plus belles sentences du corpus alchimique : « La Patience est l’échelle des Philosophes, et
l’Humilité est la porte de leur Jardin », expression reprise par Fulcanelli, permettant de lier le sable à la terre
pour qui a quelque teinture de cabale.
Le chapitre II du Livre III donne à voir l’image type de l’athanor des Sages. Nous ne saurions d’ailleurs
mettre en garde l’étudiant contre le danger – l’inutilité – qu’il y aurait à ériger pareil fourneau dont la valeur
est toute allégorique.
L’ensemble des traités de Vicot, Valois et Grosparmy se trouve dans trois mss de la bibliothèque de
l’Arsenal :
2221. Paris, Bibliothèque de l’Arsenal MS. 2516 (166 S.A.F)
259 (+ p A-F) + 227 (+ p A-H) + 207 (+p A-D) pages. Paper. 241x178mm. 17th Century.
1. Livre de N. Grosparmy et de N. Valois.
p C-F Table.
a) p1 ‘OEuvre ou traité premier de Nicolas Grosparmy de Normandie.’
b) p79 ‘Le très grand secret des secrets, autrement le Trésor des trésors de Nicolas Grosparmy.’
c) p129 ‘Les Cinq Livres de Nicolas Valois, compagnon du seigneur Grosparmy.’
[Bibliotheque de M. de Paulmy.]
D engendré son Fils, desquels procède les possesseurs d’iceux se corrompront en leurs
le Saint Esprit, un seul Dieu en mœurs ; car c’est un secret réservé du bon Dieu pour
Trinité, qui a fait le Ciel et la Terre, et ses Élus qui font ses divins commandements ;
tout ce qui y habite. Il a aussi fait le lesquels sont par lui choisis selon la pureté de leur
Soleil, la Lune et les Etoiles, lesquelles jettent leurs cœur.
influences dans le ventre du vent, comme dans le Car il sait pénétrer le secret de nos Consciences et
premier vaisseau de nature, c’est cette triple prévoit les débordements qu’apportent
semence qui se convertit en la substance de toutes ordinairement les autorités et richesses des hommes
les choses qui sont au Monde, c’est-à-dire à chaque mondains, aussi ne la donne-t-il qu’à ceux qui sont
règne séparément, sans qu’aucun puisse aller de l’un dignes d’un si grand Trésor ; c’est à savoir aux
à l’autre, mais multiplient en eux par leur propre humbles de cœur, patients et charitables. Ainsi ces
vertu leur semblable, sans rétrogradation d’iceux, Vertus te conduiront à ce haut secret, pourvu que tu
que par la réduction en leur première Matière saches les Principes métalliques et les opérations de
universelle, qui est le Limbe et le Chaos de la Nature ; car par icelle Nature tu seras illuminé,
Nature. pourvu que tu sois en grâce. Mais j’omettrai encore
Au nom de Dieu tout puissant, sachez, mon fils bien quelque chose à dire, qui sera la vérité de la
aimé, l’intention de Nature par les Enseignements ci Pratique, laquelle tu trouveras assez dans les anciens
après déclarés. Quand aux derniers jours de ma vie, auteurs, pourvu que tu saches découvrir leurs
mon Corps prêt d’abandonner mon Âme, ne faisait intentions, qui sont cachées sous une confusion de
plus qu’attendre l’heure du Seigneur et du dernier vaines paroles, et te faut comme en un Jeu de cartes
soupir, désir me prit de te laisser comme un mêlé, savoir ranger chaque chose selon sa valeur. Je
te conduirai à cette connaissance mieux qu’homme
1 Lire le Traité de Nicolas Grosparmy, le Trésor des du monde saurait faire, quant à la Théorie et
Trésors ou Clavis Majoris Sapientiae. connaissance des premiers Principes qui sont les
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l est une Pierre de grande vertu, et est Soleil rouge. Lulle et autres enseignent tout ce qui
dite Pierre et n’est pas Pierre, et est est requis au surplus ; mais comme j’ai dit sous
Minérale, Végétale, et Animale, qui Figures et Allégories, car saches que toutes les
est trouvée en tous lieux et en tous matières par eux déclarées, ne sont pas les matières
temps, et chez toutes personnes, en leur Essence, mais figuratives des effets que
laquelle il faut putréfier au fumier neuf jours, puis produisent ces deux et uniques matières en l’Œuvre
en distiller les Éléments ; de laquelle naîtra un des Philosophes.
sperme multiplicatif de toux Métaux, c’est à dire une
semence minérale qui se perpétuant de soi-même, DU PREMIER AGENT
atteindra la perfection d’une génération infinie. OU PRINCIPE
Prends 8 onces de ce que les Philosophes te a Pierre des Philosophes n’est rien
commandent, que tu broieras sur le marbre, puis
l’imbiberas avec 12 onces d’huile commune des
Philosophes, tant qu’elle soit comme pâte, laquelle tu
mettras sur le feu et la dissoudras. Et quand tu
verras l’écume rouge monter, ôte-la du feu, puis la
L que l’Or très parfait, c’est à dire
amené à tel degré de perfection qu’il
puisse parfaire tous les Corps
imparfaits. L’or est donc cette Pierre,
mais non le vulgaire, car il est mort, et le nôtre est
remets sur le feu, et tant réitère que tout soit fait vif. C’est celui là qu’il faut prendre, mais sache quel
épois comme Cire fondue. De laquelle il faut extraire est cet Or vif. Quand les fruits sont mûrs ils
ton Lait virginal par voie de philosophie ; puis apportent semence, par laquelle ils peuvent être
sépareras les Éléments et les conjoindras ensemble, multipliés jusqu’à l’infini ; ainsi l’Or est un fruit qui
projetant sur l’Argent vif, tu le remettras en autant n’a jamais acquis cette maturité dans les minières, et
de fine Lime ; puis continuant ton Magistère sera par conséquent est dit mort ; car sa semence est la
aussi fait Pierre rouge qui aura même Vertu sur le chose qui le peut faire vivre et végéter comme les
rouge que sur le blanc. deux autres règnes. Mais nous lui pouvons imaginer
Mais garde-toi de l’obscurité d’aucuns, lesquels cette semence, laquelle est déjà en lui
trompent plus qu’ils n’enseignent, principalement potentiellement, car il est créé pour multiplier, ainsi
aux préparations te commandant d’user de ce dont que ses deux autres frères, autrement, il pourrait être
Nature ne sait rien, et t’enseignent matières non dit l’impuissant de la Nature. Il a vraiment cette
requises à notre Œuvre ; mais ils parlent aux semence imaginée, que Nature a tâché par tous
entendus, et non aux ignorants ; car sous ces moyens de lui faire mettre à effet ; mais ses forces
énigmes tout est compris ; mais il faut rassembler le n’ont pas été assez grandes et demandent le secours
bon grain du mauvais, et ne te décourage si tu de l’Artiste. C’est pourquoi il est dit : Aide moi et je
entends parler de cette sorte. t’aiderai. Tiens donc pour très certain que l’Or est le
commencement de notre grand Œuvre. Mais non
SECONDE PRATIQUE pas en l’état qu’il est, parce qu’il est dur, solide et
très uni en toutes ses parties ; mais il le faut rompre,
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renez deux parties de Saturne, s’il est
besoin, au Soleil ou à la Lune de puis après faire opérer Nature. Aussi est dit, qu’il
Jupiter, et trois parties de Mercure faut le réduire en sa première matière, qui n’est
pour faire amalgame, qui devient autre chose que Vif argent, duquel ledit Or a été
Pierre frangible, laquelle broieras premièrement créé et engendré ; mais d’autant que
plusieurs fois sur le marbre, et imbibée de vinaigre pour le réduire à cette première matière, il est
très aigre et Eau de sel commun bien préparé, nécessaire d’un aide et d’une chose liquide, ainsi que
imbibant et séchant souvent jusqu’à ce qu’il le Safran jette sa teinture. Car quelle chose peut
contienne en soi une très grande substance des rendre liquide un Corps qui de soi est dur et sec, si
Cieux. Alors imbibe derechef cette Eau d’Alun, ce n’est une matière liquide, comme on voit que la
jusqu’à ce qu’elle soit pâte molle, et la mets fange est faite d’Eau et de Terre. Il faut donc une
dissoudre, puis la congèle, et tu auras une poudre Eau tiède dans laquelle ledit Corps se convertira, et
qui convertira Jupiter en Lune. au lieu qu’il est épois, il se tiendra boueux et
Mais pour le Soleil, prends Vitriol de pierre et fangeux. Et cela se fait pour deux raisons, la
calciné rouge, et le dissous en l’urine des enfants, et première pour nettoyer ledit Corps, et le purger
distille tout, et le faits tant de fois jusqu’à ce que d’aucune impureté qui par nature sont demeurées
l’Eau soit bien rouge. Alors conjoints cette Eau avec en lui, et ne peut être nettoyé, qu’en lui étant sa
la susdite Eau, avant qu’il soit congelé et mets ces dureté, d’autant qu’en l’état où il est, ni même
deux Eaux sur le fumier par quelques jours, afin quand il est fondu, rien n’en peut être séparé, à
qu’il soit mieux incorporé. Et distille ensemble ces cause qu’il est si bien uni, qu’une partie suit toujours
l’autre. Mais lorsqu’il est ainsi amolli par la solution
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lusieurs ont estimé que l’Eau, premier monde, et dans icelle s’il y avait quelque chose
Principe des Philosophes, était la d’étranger, elle ne pourrait jamais venir à son effet,
simple Eau élémentaire, ou de pluie, que ladite chose n’en fût séparée.
ou de mer, d’autres la rosée du Ciel ; C’est pourquoi il nous la faut préparer avant toutes
d’autres l’ont cherchée dans les choses, ainsi que le Corps, de peur que quelque
simples, herbes et animaux, et telles choses mélange et chose contraire ne s’oppose à la
hétérogènes, interprétant à tort le dire des conjonction des deux. C’est donc une Eau forte, car
Philosophes, et s’attachant à leurs paroles au lieu de si elle n’avait une grande et admirable force,
prendre leurs intentions. Comme quand ils ont parlé comment pourrait-elle rendre le Corps parfait en sa
d’Eau de Vie, de Vin rouge et blanc, de vinaigre, première matière. L’Esprit de sel commun dissout
huile de tartre et telles semblables choses, ainsi que bien l’Or, mais il ne se mêle pas avec lui
l’Eau de notre mer. Car il faut que tu saches qu’ils inséparablement. Mais notre Sel le dissout d’une
parlent en plusieurs façons, comme quand ils dissolution admirable, et telle qu’il n’y a aucune
disent : Prends l’eau de notre mer ; en un autre lieu différence entre l’Or et l’Eau, et est faite une même
disent : Mercure, ou notre Vif argent, parce que ce chose.
mot de Notre emporte un autre sens ; car s’ils
disaient Eau de mer, on pourrait être déçu en cet Or ce qui en est cause, je te le dirai. L’Or en son
endroit, mais l’Eau de notre mer, qui est la mer des premier commencement fut fait de Terre et d’Eau
Philosophes, est une autre chose. Ils entendent par qui sont entendus Soufre et Mercure, lesquels étant
leur mer, la généralité de ladite Eau, parce qu’elle est assemblés l’un avec l’autre par le mélange de
par tout, en tout lieu. Elle est dans le Ciel, puisque le l’ingénieuse Nature, furent par longueur de temps
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on cher Fils, quand d’abord, volonté
en vie, et l’Eau qui jointe a été à icelle, laquelle ne se
me prit de te donner lumière, pas ne
voit que quand le métal est en fusibilité ; mais ladite
croyait l’Amour d’un Père si fort
essentialité est l’Âme ou Feu d’icelui métal, qui lui
envers son Enfant, que force me fût
donne moult de Vertu, pourvu qu’il soit dépouillé
de te déclarer plus outre ; mais
d’icelle Terre c’est à dire qu’elle soit purgée ; car
comme croyant ton naturel bénin et mu de bonne
sans le Corps l’Esprit ne peut agir, et sans l’Esprit, en
volonté, je veux déposer sur ta conscience les Secrets
vain le Corps désirera l’Âme. Avise donc ce que tu
occultes de mon cœur, pour être moult conservés
cherches, et tu trouveras que ce n’est que séparation
dans le tien, sans qu’aucun puisse iceux usurper au
de ces trois, afin de les disposer mieux qu’ils
péril de ta conscience, sur laquelle je te les laisse, afin
n’étaient auparavant, parce que Nature n’avait du
qu’après cette vie, aucune nuisance jà ne
temps suffisant pour les concoctionner ; mais par
m’advienne, et crois que plus grand Trésor à toi ne
notre Art nous les perfectionnons, et pour y
peut être donné, car nul autre ne peut être comparé
parvenir, nécessité nous est de tirer en première
à icelui.
instance le lien des deux autres, qui est l’Esprit
Je t’ai déjà donné les primordiaux Principes par mes moult condensé, lequel parti, nulle accordance ne
précédens Chapitres, et suivant mon propos, à chef peut demeurer en iceux ; mais l’Âme désirera de
viendras de ton entreprise, si le Créateur de toutes suivre l’Esprit, et ainsi dépouillé le Corps sera moult
choses le permet. Sinon je te commande sur peine blanchi comme tel par calcination convenable,
d’anathématisation, toi ou tel autre qui les voudra auquel par après sera baillé l’Esprit petit à petit, tant
ensuivre, de les mincer et mettre en cendres, afin qu’il soit fondant comme Cire, et icelui Esprit sera
que profanement n’en soit fait et échec n’en alors dit Menstrue végétable, parce qu’il revivifiera
advienne, car mes propos sont simples ; mais Vérité la Pierre, et aidera à icelle putréfier, afin qu’il soit
y est mise, tant que connaissance m’en a été donnée. fermenté de son âme.
Car par autre manière ne pouvons pas pratiquer
Car note que toutes les choses du Monde sont
icelle, en sorte que les Anciens ont eu autre manière
composées de cinq choses, dont la première est
d’ouvrer, toujours leur besogne n’est qu’une et ne va
flegmatique, qui est une humidité superflue ; la
qu’à une même fin, et tout enfant simple et de bonne
seconde est mercurielle, qui est substance d’icelle ; la
vie ne peut errer, comme dit est, ayant les susdits
troisième est oléagineuse, qui est l’Âme vivifiante ;
Principes, et sachant ce qu’il cherche, quoi qu’il
la quatrième terrestre, qui est le Corps ; et la
puisse prendre un chemin pour l’autre et errer
cinquième, la superfluité de la Terre, qui est
quelque fois, comme j’ai fait.
convertie aux individus, qui est clamée teste noire ;
Mais nul n’est au monde vivant, qu’au plus simple mais notre Composition n’est pas flegmatique, mais
besoin ne se fourvoyé, si par aucun Maître n’est chargée de cette Terre damnée, laquelle est la prison
introduit, et pour cela n’en doit retirer sa main ; car de notre Pierre. Et par ainsi icelle Terre maligne
cet Art qui passe tous les autres, est bien de plus séparée avec ingéniosité de l’autre Terre pure, sera
grand prix que patience ne doive accompagner tous notre dit Composé, la matière de la Pierre sans
ceux qui icelui cherchent ; et quand ce Traité ne te retardation et empêchement. Ainsi plus clairement
serait baillé qu’au prix de tous les biens que je te ne peux-tu être enseigné. Car d’autres régimes ne
laisse, pourvu que tu boutes taon soin, assez auras t’en faille, sinon de dissoudre ton Métal petit à petit,
de chance ; ayant, comme dit est, icelles vertus et ainsi que Nature opère et non hâtivement ; puis ce
sachant quelle chose tu cherches. Car la Pierre n’est Corps étant dissous, fait séparation d’icelui Corps
pas ce que tant d’imposteurs assurent, expliquant dans les Eaux, et le subtil étant bien séparé, lave la
plus subtilement le dire des autres, que la chose ne le fondrière, tant que blancheur y arrive ; puis boute
requiert. Et sans appeller tant de fatras, où tant de l’Esprit sur le Corps et pourris iceux, et lors
personnes se sont abusées, crois seulement que apparaîtront plusieurs couleurs. Car ces deux
l’homme engendre l’homme, et le métal le métal, car Matières appelèrent nouvelles formes et le Dragon
l’Or, combien qu’il soit dit mort, a pourtant en lui sa non encore séparé, et le Feu et l’Eau combattront ;
semence, par laquelle il peut être multiplié à l’infini, puis ténèbres viennent sur la Terre ; puis la lumière
et est ledit Or composé de trois choses, dont deux apparaîtra et sera fait un baume, que nécessité sera
sont superficielles, et une essentielle. Car l’Or et de multiplier à volonté.
l’Argent ne sont que terre rouge et blanche, par icelle
Car autant en un mot qu’en un mil, l’Or est notre
Corps, lequel il faut moult subtiliser et pourrir dans
A
choses moult déduites, il s’ensuivrait que jamais nul
n’y arriverait par Livre, contre le dire de Cyrus en la nécessité est de dire du Fourneau,
Tourbe. Elle est si noble qu’elle se peut comprendre lequel doit ressembler Nature en son
en une heure, savoir la Science simplement et non Feu égal et proportionné digérant la
pas toutes les dépendances d’icelle ; car nul vivant matière, telle qu’à la minière tu
n’a encore eu toutes ces connaissances, qui l’auras aperçu, dont encore sont de tels plusieurs en
s’étendent sur toutes les choses du Monde, car le divers lieux de France, comme Paris, où tout
seul Élixir par différents accommodements est l’Œuvre a été achevé. Mais le mien sera fait en globe
médecine sur tout, ce que Hermès n’a pu rond et entier ayant diamétralement un pied ou
expérimenter pour avoir eu trop courte vie. Mais environ, ou comme la quantité de ta matière
quant à la simple Pierre, elle peut en peu de paroles apparaît, fait d’une bonne Terre résistante au Feu, et
être entendue par un homme de bonne foy. Comme faire ce globe de quatre doigts d’épaisseur. Au
qui dirait la Pierre est l’Or que la Nature a laissé milieu sera un petit cercle de fer rond attenant aux
dans la minière imparfait, lequel l’Artiste doit côtés des parois, dans lequel sera suspendu un
vaisseau de bon bois de chêne vieil, sec et nullement
1 « Archélaüs est plutôt un titre d’ouvrage qu’un nom poreux, tranché par le milieu rond en deux
d’auteur ; c’est le principe de la pierre, du grec αρχη hémisphères, dont à celui du haut sera pendu un fil
[arch] principe, et λαος [laos], pierre… » – Fulcanelli, de laiton, qui passera par la souveraine partie du
in Demeures Philosophales [I, p. 158] fourneau, pour lever ces hémisphères quand besoin
T
’ayant déjà enseigné la Matière qui Le Fourneau ci-dessus te suffira pour achever ton
contient l’Eau, dont tu as besoin, tu la ouvrage ; considère le bien pour en comprendre
sépareras de cette manière. Dissous l’Usage.
icelle en eau commune distillée, et
étant dissoute, purge icelle par la
filtration du papier gris, puis la cuis en vaisseau de mets le feu par degrés 10 ou 12 heures, et tu auras
terre, en l’écumant souvent ; avant qu’il se congèle d’une livre de matière 12 onces d’Esprit, lequel
broyé le sur le marbre, et mets dessus trois parties de faudra bien déflegmer et rectifier icelui, puis étouper
menus sablons, moult lavés et desséchés dans un le vaisseau finement que les Esprits ne sortent, et
fort vaisseau de verre de pierre, bien lutté, avec un ainsi continueras tant que tu aies desdits Esprits à
grand récipient lequel sera assis dans de l’Eau, pour suffisance.
par icelle humidité condenser l’Esprit au fonds, puis
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r mon Fils, d’autant que mon faut réitérer ce travail, et qu’il se tire de cette Terre
principal dessein n’a pas été de te ce qu’on en pourra tirer ; et quand rien ne pourra
déduire par le menu toutes les choses plus passer, il faut la recalciner. Ce qu’étant
nécessaires à l’œuvre, qui accompli, la fondrière sera alors nettoyée, puis
apporteraient confusion et seront toutes lesdites Eaux mises ensemble, et
rompement de cervelle, mais te déclarer simplement séparées de leur Terre pour recommencer ce labeur,
quelle est ladite Œuvre, de quelle manière elle se qui toujours durera tant qu’en icelle Terre sera
commence, par quelle voie elle se parfait. trouvé d’impureté. Et les labeurs ne sont autre chose
Je laisserai arrière toutes les autres choses assez que l’extraction de l’Âme et la calcination du Corps,
connues des vulgaires opérateurs, desquels tu lesquels étant ainsi accomplis ; aies du Mercure
pourras prendre leçon pour lesdites opérations, et animé douze fois le pesant de ladite Terre, et feras
non de ces miens Chapitres ; lesquels jamais ne digérer jusqu’à semblance de fixation, puis mettras
furent écrits, mais sont obscurcis sous allégories et encore une part, et ainsi jusqu’à douze parties, et
répétitions inutiles ; et parce que en iceux, confier on après mettras à une grande digestion. Mais garde
ne se doit, opère en cette manière. que le Volatil ne s’en aille et que ton Feu soit si
Quand tu auras bonne quantité de l’Eau susdite, naturel, qu’icelui se réjouisse.
mets la en deux vaisseaux bien étoupés, ce fait, La digestion étant accomplie en 30 jours, laisse
prendras Or ou Argent bien purgé par le Cément et refroidir tes vaisseaux et sépare tes matières, et en
en poudre impalpable, que laveras et dessécheras, tire ton Argent vif par la suite du Feu, que tu
puis mettras en une Cucurbite et verseras dessus de garderas en lieu tempéré, alors auras la Terre
ton Eau tant qu’elle surnage d’un doigt, puis étoupe imprégnée, de laquelle besoin sera de séparer
le vaisseau de l’Alambic sans bec, digère un jour l’humidité en claire Eau, que tu tiendras en lieu net ;
naturel, puis distille à chaleur lente les Esprits plus puis incère goûte à goûte l’huile ou l’Âme ci-devant
volatils. Ce fait remettras sur ton Métal autre Esprit gardée, tant que son Corps en soit rempli et sera en
comme devant est dit, et distilleras, et ainsi consistance de Cire fondue, avec laquelle tu mettras
réitéreras tant que ton métal retienne la moitié de la dixième partie de Vif argent que tu en as séparé,
son poids des Esprits plus fixes, en ayant chassé tout lequel servira de Menstrue à la Pierre.
le flegme dans le bain bouillant ; ce fait, sépare L’autre manière de procéder est telle. Prends et
d’avec les Cendres ledit Esprit joint au Métal, puis purge ton Corps comme dessus, puis verse dessus
recommenceras tout de nouveau à remettre sur ledit ton Eau, tant qu’elle surnage d’un doigt, digère 29
Métal d’autre Eau, comme devant est dit, jusqu’à ce heures, comme dessus, puis distille par le bain fort et
que ce Métal soit changé de la moitié de son poids réitère jusqu’à tant que le Corps n’en soit plus teint,
des Esprits plus fixes de ladite Eau, et tu tireras tous puis tire ton huile et la repasse tant de fois qu’il n’y
lesdits Esprits, et demeurera l’Eau simple et sans demeure plus de terre ; ce qui ne se peut que par le
acrimonie. moyen de nos Eaux ; alors ladite huile bien purifiée
Ce fait, prends toutes ces Eaux, que tu mettras goûte doit être lavée par plusieurs lavements, et gardée
à goûte sur ton Métal, que mettras inhumer tant que nettement. Ce fait, de l’autre partie de l’Eau déjà
ton Eau soit teinte, puis la tireras par la Cendre, et gardée, faut tirer l’Esprit de la Terre, comme dessus
mettras autre Eau comme dessus, et continueras tant est dit, et faire une Terre nouvelle, jetant la vieille
que ton Métal soit décoloré. Ce fait, mettras toutes qui ne peut plus servir ; puis laver icelle Terre tant
tes Eaux ensemble que tu feras digérer, puis tireras de fois qu’aucune impureté n’y demeure, puis que
l’Eau de dessus ton huile d’Or. Ce fait, par autre manière que devant cela ne se peut, rejetez
recommenceras tout ton labeur sur ladite huile, avec les Eaux dorées sur ledit Corps par petites digestions
tes Eaux, comme il a été pratiqué, tant que ladite et imbibitions, puis retirez les Eaux à bain doux : et
huile aura toute passé par icelles Eaux. ce, tant de fois réitérez que la Terre reboive son
Et si après icelles passées, comme dit est, au fond du Esprit ; et pour ce faire, il n’est pas nécessaire de
vaisseau demeure quelque impureté, comme la séparer ladite Âme d’icelle Eau.
première Terre, faut icelles Terres mettre ensemble, Mais note que la Terre ne reboira pas son humeur si
et ce jusqu’à ce que ladite huile ne fasse plus de en icelle il demeure quelque ordure, et étant
terre. Ce fait, tire toutes les Eaux de dessus ladite rejointes ensemble avec raison ; c’est la matière de la
huile, mets les dans un vaisseau de verre bien Pierre que tu remettras au fourneau, au
étoupé, alors prendras le Marc, ou terre qui est parti pourrissement comme sera ci-après déclaré car tu
de l’huile, et tireras d’elle sa substance, puis la verras une parfaite sublimation, qui séparant le pur
calcineras à Feu fort. de l’impur fera sortir le Mercure clair et
Ce fait, prends l’autre Eau gardée et recommence
T
out inquisiteur d’aucun Art doit être
noble matière, dans laquelle est ce que nous
Théoriquant, avant que de mettre la
cherchons ; mais il la faut dépouiller par un régime
main à la Pratique ; car qui moult
très lent et doux ; que son humidité radicale n’en
n’entend ce qu’il cherche, à tard peut
reçoive dommage, mais hâte est à fuir, et nécessité
à chef venir, comme tant de
est que les Saisons apportent feuilles, fleurs et fruits.
labourants ineptes, qui sont simples sophistiques,
Car les plus hauts sapins n’ont été élevés tout d’un
perdent leur temps et leur bien, sans rien trouver de
coup, mais petit à petit, goûte à goûte ; ainsi faut que
ce qu’ils cherchent ; mais au contraire celui qui
le Corps soit mené en sa nature par même manière
chemine en quelque lieu qu’il connaît, quoi qu’il
qu’il a été fait Corps ; savoir par dépurations, car
puisse s’égarer, il arrive pourtant tôt ou tard au lieu
l’Esprit sortira du Corps, et désirera de suivre l’Eau,
où il désire : et quand connaissance n’aurait de la
et l’Âme semblablement.
situation du lieu où il tend, autrement que vers le
Levant ou le Septentrion, toujours viendra-t-il à Ainsi demeurera la Terre seule, laquelle sera aussi
l’achèvement ; car à force de marcher vers ce climat, élevée par l’Eau, jusqu’à ce que rien ne monte ; et ce
trouvera en fin finale quelqu’un qui lui enseignera la qui restera au fond sera inutile, puis faudra retraire
Cité, si il en sait le nom. sa terre, c’est à dire la séparer de l’eau. Et
recommencer ce dernier labeur tant de fois qu’il n’y
Ainsi est-il de notre Œuvre ; car celui qui ne sait quel
demeure plus de fondrière, alors sera la Terre
chemin prendre, pourra consommer tout son temps
purgée, sur laquelle petit à petit tu rebouteras
sur le Plomb, sur l’Etain, ou quelque autre matière
l’Esprit, et quand iceux seront ainsi assemblés, mets
qu’il désirera, par quelque conformité de nom ou de
tout le feu dans un rond vaisseau, d’où il ne sortira
qualité qu’il trouvera écrite ; mais au contraire celui
que tu ne voies ta Matière sortie en Mercure clair,
qui s’étudiera sur le plus noble, pourra bien attendre
qui s’attachera au côté du vaisseau ; alors
une plus noble issue. Car quand on n’aurait autre
amalgameras ce Mercure avec l’Or des Philosophes,
avertissement, que chaque chose ne peut donner que
qui est l’Âme susdite que mettras dans un matras au
ce qu’elle a, n’est-ce pas suffisamment pour nous
fourneau que je t’ai enseigné.
faire chercher perfection dans la perfection, et non
dans l’imperfection ; encore que sans icelles choses Et là sera 40 ou 50 jours, avec un feu très doux que
imparfaites, la Pierre ne pourrait étendre sa Vertu : tu régleras, boutant souvent la main dans le
car c’est la Terre, où besoin est de jeter notre fourneau, ou jugeant de ton œil à la matière ; qu’elle
semence, pour la convertir en icelle semence. ne soit point trop vite menée. Car note qu’en icelle
matière est un feu enfermé, tant petit qu’en bref
Ainsi l’Or est donc la Matière, lequel doit être
temps il peut être suffoqué. Et icelui feu avons
ramené à sa première Matière, savoir en Soufre et
besoin de conserver ; car pourvu que mort ne lui
Mercure, par la séparation et purgation d’iceux ;
arrive, ayant pris à gré notre feu, il se réjouira en
c’est à dire de leur Terre impure, qui tient ce Corps
icelui, et de lui s’augmentera si fort qu’il dominera
enseveli comme dans un sépulcre, qui est la cause
l’humidité de la Matière ; alors force sera que
pourquoi l’Esprit ne peut agir, comme il fera après
putréfaction arrive de toute la Matière pêle-mêle, et
qu’il en sera dépouillé, non que besoin soit de
sera tournée en la couleur du Vert lézard, qui petit à
séparer toute icelle terre, mais la purifier et la
petit se tournera sur le basané, puis en noir, que tu
nettoyer, comme dit est ; car elle est le Corps, comme
regarderas souvent par les fenestrages en levant la
l’Eau est l’Esprit, et le Feu, l’Âme et la splendeur, qui
moitié du vaisseau de bois avec le fil d’archal. Ici est
rend illuminé ce Corps. Mais d’autant qu’en mes
la grande difficulté de l’Art, figurée par tant
petits Chapitres, tant de détours ne sont trouvés qu’à
d’allégories des Philosophes ; c’est aussi leur mer,
cause de Rasés et autres ; n’entre en doutance, que
leur forêt et en un mot tout l’Œuvre ; car par icelle
Vérité n’y soit, car obscurité ne sert qu’à desvoyer.
putréfaction, la Nature se convertit et change de
Et je te veux au clair mettre.
forme, et nul changement ni mutation ne se peut
Car si en iceux n’est trouvée chose suffisante selon faire d’aucune chose qui soit au Monde que par la
ton opinion, cherche la où je te l’ai enseignée, encore putréfaction. C’est l’Eau mystique des Philosophes,
que je t’aie tout dit ; mais quantité d’opinions qui est vile en toutes choses, et sans laquelle rien ne
confortent les résolutions. Et si tu crois que je n’aie s’engendre. Et si l’on te demandait le moyen de faire
dit choses suffisantes, pourtant n’ai-je dit choses la Pierre, comme aussi toute autre chose, tu le
inutiles : mais surtout garde silence, et si profit ne pourras enseigner par icelle parole : Putréfie. Car
t’advient d’icelui mon Traité mince le, comme dit sans icelle putréfaction rien ne se fait, et icelle seule
est ; car tel ne sait à profit mettre, ce qu’autres suffit.
recueillent bien, donc quelque fois arrivent
Ainsi ne cherche autre chose, mais qu’à icelle tu
inconscients, et contre opinions d’aucuns
puisses parvenir ; car pour garder brièveté, comme
investigateurs ruraux, mes dits veuillent être notés
E
blanchissement parfait ; car alors il se doit ncore que dans les Livres des
augmenter doucement, et non tout d’un coup, à Philosophes la Projection y soit, si est-
mesure que le Corps croît nourrissement lui doit être ce que pour ne rien oublier ; afin que
baillé. Et le lait de notre Pierre est le Feu ; car elle force ne te soit d’iceux requérir, je
n’est que Feu, laquelle requiert fort Feu, selon la dirai. Que tout assemblage de parties
force de la complexion, et icelle fut figurée par le contraires ne se peut faire sans quelque médiateur
Prophète Élie, qui dévorait les flammes de Feu qui aie de la pénétration aux volontés de l’un et de
toutes entières. l’autre pour les savoir unir. Or l’Elixir est si éloigné
Entre les prédites couleurs, en adviennent moult des Métaux imparfaits, qu’en iceux il ne voudrait se
d’autres, mais icelles ne dois rechercher, comme marier, sans l’obligation et engagement de la foi
folles fleurs qui de rien ne servent ; et par ces brèves promise. Et pour ce que cet Élixir est venu de l’Or,
paroles as toute la Science décrite, qu’aucune chose cet Or a ce pouvoir sur l’Elixir de lui faire promettre
demeure à dire ; mais le labeur sera à toi liaison et mariage avec soi sans crainte, lequel le
enseignement, quand plusieurs choses arriveront tenant fermement le force d’entrer en iceux autres
contre ta pensée, lesquelles souvenance auras Corps ; non toutefois sans regret qu’il en reçoit, ce
d’avoir leu dans les Livres, dont le nom de Dieu soit qu’il témoigne par la plainte qu’il en fait en sa
béni. Et ce qui me reste encore à recommander est projection.
foi, patience, et pureté, sans laquelle avec la Il faut donc mettre trois ou quatre parts d’Or affiné à
proportion et tes agencements retardement serait. fondre dans un creuset ; lequel étant fondu, mettras
Venons donc au reste de l’œuvre. une partie de ton Élixir dessus, et iceux remueras
avec un petit bâton tant qu’ils soient bien mêlés, puis
CHAPITRE VI les jetteras en lingot, et sera Médecine pour les
DE LA MULTIPLICATION Métaux. Et si ton Œuvre est au blanc, mets de
ermentation est extraction de la l’Argent au lieu d’Or. Mais pour la Médecine des
M
on très cher et naturel Fils, quoi que ou en un instant plusieurs reptiles et animaux sur la
par ci-devant, l’Amour paternel m’ait Terre. Item pluies et tonnerres, ce qui a fait dire que
induit à te déclarer moult choses les ruraux ont cru que cette Magie fût de la part de
grandement hautes et merveilleuses, Satan, changeant le mot de Magie en Sorcellerie et
lesquels jà homme m’avait tant enchantement. Tels savants Philosophes ont été
clairement dit, mais chaque obscurcissant icelles par Hermès, Joseph, Amanadus, Ptolémée, Apollonius
similitudes figuratives, afin de dévoyer les indignes [Apollonius de Tyane que cite Fulcanelli comme jeu
qui ce noble Art recherchent, et enseigner les Enfants de mot] et plusieurs autres, lesquels il serait long de
de Science, lequel je te commande garder sous raconter ; mais surtout Salomon Roy fils de David,
silence, et icelui à nul homme révéler sous peine de lequel était si moult savant et subtil personnage,
damnation, comme il nous a été enchargé par ceux qu’il arguait et disputait depuis le plus haut cèdre
de qui icelui tenons. Car toutes choses seraient du Liban, jusqu’à la plus petite feuille d’hysope [cf.
avilies sur la Terre ; mais icelui garde en ton cœur, Atalanta fugiens XLII].
autrement ne t’enseignerais pas ; lequel toute Tels ont été aussi ceux qui, en l’enfantement du Fils
signifiance et déclaration te donnera : car quoique de Dieu, vinrent lui porter présents mystérieux et
par ci-devant aie vérité certaine d’icelui Art, convenant à sa grandeur et à la capacité de leur
pourtant en lui sont plusieurs visages, desquels cette doctrine. Depuis, iceux ont été maints labourants en
présente Théorie te gardera, pourvu que tu sois vrai icelui Art, comme Arnaud, Bacon, et plusieurs
imitateur de doctrine et pieux. autres ; entre lesquels de bonne mémoire fut le bon
Car quand par tes mains propres aurais vu tout Lulle, tant recommandé, principalement son
l’Œuvre mené à fin, jà n’en serais pour cela plus Testament et son Codicille. Car encore que je t’aie
savant, si ta conscience était souillée, parce que donné la Science tant bien écrite, pourtant ne
dévoiement arrivera à tout homme qui icelle croira t’ébahis pas si en iceux écrits, sont aucuns points
usurper et déjà n’arrivera à l’effet de ses pratiques, obscurs aux ignorants. Car quiconque donnerait
quelque bon engin ait-il, et quelque droite voie pût-il icelle en telle manière que tout le monde pût icelle
tenir. Car assez ont été d’icelles par leurs vices pratiquer, mériterait plus d’Enfer et de damnation
déboutés, en sorte qu’ils en eussent expérience. Et qu’il n’y a de brins d’herbes sur la Terre.
pour ce ont les Juifs et Arabes icelle perdue, comme Et quand par un Juif, Flamel eut explication de ses
indignes, lesquels pourtant l’avoient entre eux par Tableaux, pourtant fut-il longtemps, premier qu’à
tradition, comme Cabale traditionnelle ; laquelle fut icelle venir ; car tout ouvrier, tant bien endoctriné
par le Tout Puissant donnée à Moïse sur la soit-il, doit moult contribuer de son labeur avec
Montagne de Sinaï, et icelle ainsi gardée de Père en patience, constante et ferme Foy en Dieu. Ainsi ne
Fils, sans écriture, jusqu’à Esdras ; et puis d’Esdras à t’en préoccupe pas, d’icelles obscurités ; mais qu’on
David Roy, par certains chiffres et caractères, parmi lui boute ta cure, et en iceux mes Écrits, réservant
les sacrées histoires des Hébreux, pour par icelle, toutefois par dessus tous, ceux de Lulle, tant par moi
être fait et construit ce moult et merveilleux édifice recommandé, pour ce qu’il m’est impossible de tout
du Temple de Dieu. Mais icelui Roy David se dire, quoi que tout par moi ait été dit ; mais non
corrompant en ses mœurs par l’impureté, fut, non successivement, mais suivant raison et connaissance.
seulement destitué d’icelui Art, mais encore privé de
Car comme dit est, le Labeur à toi sera
voir la construction de ce bel édifice.
enseignement, pourvu que tu ailles par le droit
Ce que je te dis, comme il m’a été enseigné, par une sentier, considérant tout premier, quelle chose tu
certaine copie d’icelle Cabale traditionnelle judaïque, cherches, pour quelle fin, et par quels moyens. Et je
laquelle était dite Magie, qui est la Science ne m’ébahis pas, si peu sont aujourd’hui qui à cet
philosophique, de laquelle Hermès, Pythagore, Art arrivent, vu la l’empressement, incrédulité, et
Numa Pompilius, et plusieurs autres, ont fait école à impatience des Labourants, qui voudraient qu’icelle
la jeunesse, non point pour icelle Science seulement, à eux vint sans s’enquérir, et icelle se fît sans main
ou Art de la Pierre savoir, mais pour toutes les mettre. Car tels y a, qui ne se voudraient pas donner
connaissances de Nature, accord et connaissance le temps, ni la peine de mettre en pratique, voire
d’icelle, et aussi pour découvrir les choses occultes et l’eussent-ils plus au clair que je ne te la donne.
cachées aux hommes, en joignant les choses
Hélas ! Un pauvre Étudiant est si tenu à un Livre,
supérieures aux inférieures, par vrai mariage.
qui lui donnera seulement un mot de ce précieux
Et appliquant par nature les choses actives aux
L
a connaissance de ce noble Art à nous
est venue par Livres, tant Théoriques feuille.
que Pratiques : ainsi comme le Traité Et lorsque l’Eau n’a plus force de monter, porte une
de la Cabale judaïque, que le Seigneur vapeur subtile qui se fait fleur ; puis s’épaississant se
donna à Moïse, pour être chèrement fait fruit, au centre duquel se forment de petits
gardé entre les Enfants de Dieu, auxquels est donnée grains dans lesquels l’Âme est imaginée par la vertu
la connaissance parfaite de toute la Nature, tant du Feu, comme dans le tout de l’Arbre. Laquelle par
inférieure que supérieure ; par laquelle, comme die la Vertu du Soleil se mûrissant vient en acte et Vertu
est, sont les Enfants endoctrinés à conjoindre les d’Âme. Et ainsi, l’espèce est continuée par sa
choses selon leur propre genre et espèce, pour semence, et par cette similitude ; l’Or a une semence
produire des choses de leur Nature, et merveilleuses imaginée, par laquelle il peut être multiplié, et fait
à entendre. Médecine sur les Corps imparfaits.
Donc plusieurs, comme dit est, par icelles Mais l’Or vulgaire est comme mort, et n’a aucune
connaissances, ont fait des miracles, comme les semence en lui : car il est comme l’herbe arrachée
Magiciens de Pharaon contre les miracles de Moïse, avant saison. Mais qui pourrait replanter icelle herbe
lesquels, selon l’opinion d’aucuns, tiennent icelle et la faire mûrir, elle apporterait semence. Car
science dès le temps du déluge : mais icelle multiplication d’herbes, ne gît qu’en herbes, et si
connaissance naturelle se divise en plusieurs parties, icelle herbe n’a point de semence pour n’avoir pas
desquelles la première est la connaissance astrale et eu assez de nourrissement dans la Terre, cherchons-
conjonction des Éléments supérieurs et inférieurs, nous icelle semence en herbe plus crue et plus verte,
comme la génération des pluies et tonnerres : aussi comme ceux qui vont aux Métaux imparfaits,
des reptiles et mouches par la puissante Vertu lesquels sont plus crus et verts, que n’est pas l’Or et
naturelle, mais d’icelle n’entendons parler, mais de l’Argent ; ou bien ceux qui plus subtils que Nature
la seconde, qui est de notre intention, laquelle a même, vont aux quatre Éléments primordiaux,
mêmes principes et mêmes objets ; quoi qu’en partie desquels Nature pourrait aussitôt faire un cheval
elle soit restreinte et obligée à quelques Corps qu’un Métal ; ou bien croient prendre la première
naturels, au lieu que la première est libre et non Matière de toutes choses, ne jugeant pas que Nature
affectée à autre intention qu’à celle de l’ouvrier. est impuissante d’aucune nouvelle création, laquelle
La troisième, sont les Vertus occultes des Animaux à Dieu seul appartient.
et Végetaux, que les ruraux et mondains Médecins Car il lui a plu créer toutes les choses du Monde de
croient moult entendre, laquelle dérive et dépend de la première Matière, et donner à Nature puissance
la seconde. Et par elle peut être sue et conçue de tout sur la seconde, savoir sur la semence ; quoiqu’il
Artiste, icelle seconde est la Pierre en toutes ses apparaisse sortir de Terre aucune chose sans
circonstances, laquelle quoiqu’elle soit en tous lieux, semence, car aucunes fois, aucun lieu, ou matière, a
n’est pourtant très parfaitement qu’en l’Or seul. Car pouvoir de donner forme nouvelle sans semence ;
en icelui est enclose toute la puissance de Nature, comme les vers au bois ; car alors l’espèce peut
qui est dite Soufre, ou Feu. Car c’est une Vertu naître de la matière, et non point de l’espèce. Mais ce
astrale qui après plusieurs circulations dans la Terre, n’est pas de la seule première Matière universelle ;
c’est condensée et épaissie par double Vertu avec mais d’un Soufre contenu en icelle Matière qui a
l’humidité de l’Air, qui à mesure lui est adjoint. pouvoir et vertu de produire telle espèce.
Ainsi l’Or est la Médecine universelle et la fontaine
Car tout Soufre est mâle et levain, qui convertit la
de Vie.
première Matière. Mais nous lui donnons la seconde.
Et pour icelle Médecine avoir, il faut considérer Car Nature m’a donné mon Corps, mais sans ma
premièrement ce que tu cherches, et par quelle voie semence, impossible est à Nature de faire un
L
a Nature est moult simple, et n’opère
Terre, sur les végétables, par une réparation et
point diversement, mais avec mêmes
rétablissement d’humeur vivifiante perdue et
Vaisseaux et Matières en ses
consommée, par la débilitation et courte durée
opérations. Car le haut est comme le
d’iceux Végétables. Et sur les Animaux par une
bas, et au contraire. C’est à dire qu’ils
Vertu séparative du pur d’avec l’impur, lequel
sont faits d’une seule et unique Matière, et par
impur cause corruption en nos Corps, et diminue
même régime, gardant toutefois l’ordre et
l’humidité radicale et chaleur naturelle d’iceux.
l’observance des régimes différents. Car le Soufre
Ainsi ramenant la santé, rétablissant la jeunesse, et
animal jà n’aura puissance de congeler le Mercure
mieux disposant le Corps proportionnellement en
végétal, ni le Végétal l’Animal, ni l’un ni l’autre
ses Éléments.
coaguler, ni être coagulé par le Soufre ou par le
Mercure minéral. De sorte que l’extérieur qui parait débilité par la
débilitation intérieure reprend sa première verdeur,
Ainsi se trompent ceux qui croient extraire leur
tant en iceux Végétaux qu’Animaux ; et est par icelle
première matière du Végétal, se fondant sur ce que
Médecine dépouillé des incommodités accidentelles,
notre Pierre est dite végétable, ou de l’Animal étant
qui lui étaient venues à cause des humeurs
dite animale. Car l’Animal demeure au règne
superflues et corrompantes, ou siccité astrale, d’une
animal, le Végétal au végétal, et le Minéral au
nature débile et languissante.
minéral, quoique substance animale soit faite
végétale, par conversion d’une Nature en l’autre, C’est pourquoi les Sages Médecins défendent l’Or de
selon la digestion du convertible. Mais déjà le Métal chimie aux médicaments, parce qu’il n’est pas
ne sera fait Végétal ni Animal, ni l’Animal et le dépouillé de son Feu contre nature, et n’a pas acquis
Végétal, fait Minéral. Car le Métal demeure en sa icelles perfections par iceux pourrissements qui
Nature métallique ; en sorte qu’il puisse aller à l’un séparent parfaitement ces choses.
et à l’autre, mais c’est par Médecine du parfait Elixir CHAPITRE IV
ou Pierre parfaite. Ainsi quand nous disons que
M
notre Pierre est végétale, nous le disons à raison ais j’ai dit que rien n’est
quelle dépend de la Nature universelle et végétale, primordialement engendré d’une
laquelle cause en elle nouvelle végétation et nouvelle matière seule, parce qu’une matière
vie. Elle est de plus appelée végétale, d’autant n’a point de mouvement, ni ne peut
qu’elle pénètre dans les Végétaux, et répare la agir sur soi-même, et partant convient
Nature aux végétables, comme il appert dans Lulle en avoir deux de diverses natures, qui soient comme
en la vertu de ses médecines. Et ce que nous la Mâle et Femelle, quoi, comme dit est, qu’aucunes
disons animale, est parce qu’elle est composée de choses soient, qui sont hermaphrodites et portent en
Corps, d’Âme et d’Esprit, et est antidote et médecine eux mâle et femelle, comme Métaux et Végétaux ;
aux Animaux comme aux Végétaux. mais pourtant en iceux convient avoir une matière
qui fasse acte de femelle, et est dit menstrue, pour ce
Car elle prolonge la vie des hommes, et rétablit leur
que la matière se corrompt en icelui, et d’icelle
jeunesse, quoiqu’elle ne soit primordialement que
corruption naît autre Menstrue plus prochain et
minérale ; mais par degrés successifs, parvient à
voisin à la matière métallique, que celui descendu
icelle animation, ainsi comme au pourrissement,
du genre très général, dans lequel et duquel naît
dont l’un même à icelle végétation, et l’autre à icelle
l’Enfant des Philosophes, par la semence du premier
animation. C’est pourquoi il est dit que l’Œuvre se
Mâle, lequel, comme dit est, attire et convertit toute
fait en deux nuits et en trois jours. Les jours étant
la vertu d’icelui menstrue en sa substance première.
similitude des trois règnes, et les nuits d’iceux
pourrissements qui sont les dissolutions tant Mais pour bien entendre l’ordre de la Nature des
recommandées, car quoi qu’ils soient plusieurs Métaux par leur génération, je dirai par répétition,
dissolutions, il n’en est pourtant que de deux sortes, que toutes les choses du Monde sont composées de
dont l’une est rurale et violente, l’autre douce et quatre, qui sont chaud, froid, sec, et humide,
philosophique, sous laquelle elles sont ensemble descendues primordialement de chaleur et de froid,
comprises. qui sont selon Parménides les deux principes de
Nature, mais par moyennes conversions de l’un à
Ces trois Pierres sont aussi figurées en l’Œuvre, par
l’autre ; lesquels sont Feu, Eau, Air et Terre. Le Feu
les trois Soufres d’iceux trois règnes. Car par la
est chaud et sec ; l’Air est humide et chaud ; l’eau est
Pierre minérale, ou degré minéral, vient la couleur
froide et humide et la Terre seiche et froide.
de Soufre métallique ; par le degré végétal, vient la
Coagulation et odeur du Soufre végétal ; et par le C’est pourquoi le Feu peut être fait Air, pour leur
degré animal acquérant icelle perfection, par iceux convenance et à cause de la chaleur qui est Moyen
degrés, sur iceux règnes comme sur les Métaux pour entre eux. L’Air fait Eau par humidité,
iceux dépouiller de leur impureté et ordure, rendant semblablement Moyen entre l’Air et l’Eau. Et l’Eau
T
ous ceux qui ont écrit de la noble
Ainsi se fait Métal, quand principalement telle Pierre, ont plutôt embrouillé les
rencontre se fait en lieu propre et convenable à Étudiants, qu’enseigné la vraie
icelles digestions. Ainsi comme dans une montagne opération d’icelle, et pourtant
à voûte, à guise de four, pour ce que icelles vapeurs plusieurs ont été, qui sont parvenus à
qui toujours montent se trouvent là enfermées et celle Science par Livres. Car aussi les Sages ont jugé
n’en puissent sortir, que parce que aussi les Eaux et qu’il devait suffire d’entendre et savoir sans autre
pluies qui roulent et découlent environ icelles intelligence, qu’il était une Pierre de grande Vertu,
Montagnes, sans faire retardation ni demeurance sur parce que tout homme de bon sens, doit sur les
icelles ; car aux lieux aplanis comme campagnes, onc simples dits des Philosophes, imaginer choses moult
ne fut trouvée Minière, parce que les pluies faisant là grandes, non seulement par leurs effets, mais par
demeurance, entrent enfin en icelles Terres, en raisons naturelles. Ainsi comme quand tu n’aurais
laissant la superficie d’icelle destituée, qu’en qualité connaissance aucune, sinon qu’il est une Vertu
médiocre pour les simples Végétations seulement, séparatrice des choses pures d’avec les impures et
mais toujours le Soleil, père et première cause des convertissables des impures aux pures. Laquelle a
choses, restaure par ses rayons icelle Vertu débilitée. plus particulièrement puissance sur les Métaux, ne
Car iceux rayons et vapeurs ont alliance et attraction serait-elle point suffisante, pour te faire comprendre
entre eux, et par ces rayons icelles vapeurs, comme que l’origine d’icelle doit être d’iceux Métaux.
dit est, sont restaurées pour produire herbes, arbres, Car si tu connais la Nature des choses, tu sauras que
bled et autres choses semblables, parce que tout ce chaque Soufre n’a pouvoir de coaguler que son
qui est d’icelles relève, et rien ne naît au Monde Mercure, étant chose impossible et hors de Nature
autrement. Ainsi, à l’abri des vents et de la pluie, les de joindre le Lion à l’Homme, ni l’Homme au Métal.
Métaux sont engendrés, d’autant que le Feu y agit Et quand quelqu’un dirait que la plus noble Vertu
plus puissamment et naturellement qu’il ne ferait qui soit en Nature, doit procéder de l’Homme,
pas en lieu découvert, où l’Air et les Eaux mettent
FIN