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2 La tenue au gel

Parmi les actions susceptibles de provoquer des tive de cycles de gel et de dégel, ou une brusque
dégradations des ouvrages ou des voiries, le gel chute de température superficielle généralement
peut constituer un facteur particulièrement actif, provoquée par l’action des sels de déverglaçage.
notamment lorsqu’il s’accompagne de cycles de gel
et de dégel rapidement alternés. ■ L’action des cycles gel/dégel
Les dégradations par le gel ne peuvent intervenir
que lorsque les matériaux sont au contact de l’eau, Il est généralement admis que l’accroissement de
dans un état voisin de la saturation. Le béton durci, volume accompagnant la transformation de l’eau en
dans la majorité des cas, résiste aux effets du gel ; il glace (de l’ordre de 9 %) n’est pas la cause princi-
arrive cependant que des conditions climatiques par- pale de la dégradation du béton, ainsi que l’ont mon-
ticulièrement sévères puissent entraîner la dégrada- tré les recherches menées notamment par Powers
tion de bétons mal formulés, mis en œuvre de façon ou Litvan.
incorrecte et, de surcroît, saturés d’eau. En effet, ce sont les pressions engendrées par les
Le gel n’est donc susceptible d’occasionner des mouvements de l’eau interne vers les « fronts de
dégradations aux ouvrages en béton que dans des congélation » formés à certains emplacements du
cas limités, où se trouvent simultanément réunies béton, qui sont considérées aujourd’hui comme la
plusieurs conditions défavorables. cause principale des dégradations.
Selon leur disposition et l’exposition, les ouvrages
supportent plus ou moins bien ces actions. ■ L’action des sels de déverglaçage
Dans le bâtiment, les balcons, les parties en saillie, Il est admis que les causes de dégradations dues
dans les ouvrages de travaux publics, les corniches aux sels de déverglaçage sont principalement :
de ponts, les bordures de trottoirs, les chaussées
sont plus exposés aux dommages dus au gel que les – des causes physiques prépondérantes, liées au
parties verticales. choc thermique consécutif à la fusion de la glace ;
– des causes chimiques provoquées par la diffusion
A l’action du gel, il faut ajouter celle des fondants
des sels dans le béton.
(plus couramment appelés sels de déverglaçage),
utilisés sur les routes, les pistes, les parkings, qui L’importante chute de température de surface, due à
peuvent affecter les ouvrages voisins par rejaillisse- la quantité de chaleur consommée pour provoquer la
ment : piles de ponts, bordures de trottoirs, murs de fusion de la glace, amplifie les effets du gel dans la
soutènement. zone du béton proche de la surface (la chute de tem-
pérature de surface peut atteindre 4 °C/minute au
Le bon comportement d’un ouvrage en béton lieu de 4 °C/heure habituellement). La dégradation
dépend directement de la prise en compte de ces qui peut en résulter se traduit par un phénomène
différentes actions dans la formulation du béton et sa d’écaillage.
mise en œuvre, d’une part, dans la conception géné- Les causes chimiques, considérées comme moins
rale de l’ouvrage, d’autre part. dangereuses, ont trait à l’action des chlorures sur les
aciers, entraînant leur corrosion, et aux attaques de
certains sels contenus dans les fondants, tels que
Les mécanismes développés par le gel les sulfates.

Les dégradations occasionnées par le gel sont de Les principes de prévention


deux types :
– une fissuration répartie dans la masse du béton, ■ Contre le gel
provoquée par un mécanisme de gel interne ;
– un délitage de la zone superficielle, appelé écailla- Pour empêcher l’apparition de pressions excessives
ge, qui résulte d’un gradient thermique important au dans le béton, on crée, grâce à un entraîneur d’air,
voisinage de la surface. un réseau de bulles qui doivent être nombreuses et
Ces deux types de dégradations, qui peuvent se pro- bien réparties :
duire simultanément ou de manière indépendante, • leurs dimensions ne doivent pas dépasser
sont dus à des mécanismes distincts : l’action répéti- quelques dizaines de micromètres ;

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• leur espacement, qui détermine le niveau de pres-
sion, proportionnel au trajet parcouru par l’eau pour
atteindre le front de gel le plus proche, doit être infé-
rieur à une valeur critique de l’ordre de 400 µm.
Le rôle de l’entraîneur d’air est double :
• introduire un pourcentage d’air supplémentaire de
l’ordre de 5 % du volume de béton ;
• fractionner les bulles en de nombreuses petites
bulles de faibles dimensions.

Fragment de pâte de ciment contenant un capillaire et deux bulles d'air.


Des cristaux de glace se sont formés dans le capillaire et les bulles,
au contact de leur paroi. L'eau afflue vers ces cristaux.
Les granulats
■ Contre les sels de déverglaçage Les granulats gélifs sont évidemment à rejeter ; il
conviendra donc de s’assurer qu’ils satisfont aux
La création de bulles d’air dans le béton apporte une essais de sensibilité au gel définis par la norme
amélioration, notamment vis-à-vis du choc ther- NF P 18-593. Le critère de porosité n’est, en effet,
mique, mais elle n’est pas de nature à prévenir la dif- pas suffisant, la gélivité dépendant de la taille et
fusion des sels dans le béton. de la répartition des pores.
De ce point de vue, la qualité générale du béton et les Les sables, favorisant le ressuage (sables creux ou
soins apportés à la mise en œuvre, en particulier la sables contenant du mica), sont à écarter.
vibration et le surfaçage, constituent les meilleures
précautions. Les adjuvants
L’efficacité des entraîneurs d’air, dont l’emploi est
impératif, doit être vérifiée au regard du facteur d’es-
La conception du béton pacement et de sa reproductibilité, d’une part, de la
résistant au gel stabilité du réseau de bulles, d’autre part.

■ Les catégories de bétons ■ L’étude du béton

Les différentes parties d’un ouvrage ne sont pas Pour résister au gel et aux sels de déverglaçage, un
soumises au même niveau de risques à l’égard du béton doit nécessairement satisfaire deux conditions :
gel. • un réseau de bulles approprié ;
La qualité du béton devra donc tenir compte de plu- • une classe de résistance mécanique élevée.
sieurs critères selon le niveau de sécurité recherché :
Le coefficient d’espacement du réseau de bulles (1/2
• exposition de l’élément concerné ; distance moyenne entre bulles) ne doit pas dépasser
• exigences mécaniques pour la partie d’ouvrage ; 200 µm.
• degré de durabilité souhaité. La recherche d’une résistance élevée du béton
Le guide du SNBATI, « Durabilité des bétons durcis nécessite une étude approfondie de sa composition.
soumis à l’action du cycle gel-dégel », prévoit trois En effet, la loi de Féret établit la relation entre la
catégories de bétons G1, G2, G3, selon les niveaux résistance en compression du béton et les propor-
retenus pour ces critères. tions de ciment, d’eau et d’air selon la formule
Leurs caractéristiques sont précisées au tableau ci-
après.
Rc = K ( c
c+e+A )2

Le supplément d’air entraîné A impose donc d’être


■ Les constituants du béton compensé par une diminution de la teneur en eau
« e » et une augmentation du pourcentage de
Les ciments ciment « c » (de l’ordre de 10 %) pour ne pas dimi-
Vis-à-vis de la seule action du gel, tous les ciments nuer la résistance.
de classe 32,5 et plus, le ciment fondu et le ciment Il faut d’ailleurs remarquer que la limitation de la
prompt, conviennent. Leur choix est déterminé par teneur en eau, et plus précisément du rapport e/c,
d’autres critères, tels que la résistance mécanique est favorable à l’obtention de bulles de petites
aux échéances prévues. dimensions. L’emploi d’un plastifiant peut faciliter la
mise en œuvre du béton, mais il faudra vérifier qu’il
ne nuit pas à la stabilité du réseau de bulles.

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Corrélation entre le facteur E/C cycle gel-dégel », récapitule les exigences essen-
et la dimension des bulles d'air. tielles que doivent satisfaire le béton et ses consti-
tuants pour résister au gel.
Ces recommandations ne sont applicables que pour
des bétons traditionnels mis en œuvre par des
moyens classiques, en atelier ou sur le chantier.
Elles concernent aussi bien les bâtiments que les
ouvrages d’art, mais ne s’appliquent pas aux bétons
tels que :
• les bétons spéciaux (bétons de fibres, de granulats
légers) ;
• les bétons de hautes performances ;
• les bétons préfabriqués faisant l’objet d’une
La classe de résistance du béton ne sera jamais marque ou d’un agrément ;
inférieure à B 25 (25 MPa à 28 jours) et de préfé- • les bétons étuvés à plus de 50 °C ;
rence B 30 pour les bétons soumis à des conditions
sévères. • les bétons pompables ;
Le tableau suivant, extrait du guide du SNBATI • les bétons routiers ;
« Durabilité des bétons durcis soumis à l’action du • les bétons de barrages.

EXIGENCES SUR LES CONSTITUANTS ET LES BÉTONS


(tableau récapitulatif SNBATI)

■ Le contrôle des bétons la stabilité des bulles constituant les facteurs de


réussite de la résistance au gel.
Les essais d’étude découlent actuellement de
normes américaines (ASTM), dans l’attente de la ■ La fabrication
norme française qui doit être basée sur la même
démarche : Le malaxage, toujours important pour le béton, l’est
– essai de comportement au gel interne ; encore plus lorsqu’il faut créer un réseau de bulles
– sensibilité à l’écaillage principalement dû aux sels d’air de petit diamètre et bien réparties. Il doit être
de déverglaçage. énergique, effectué à vitesse élevée et suffisamment
long.
Ces essais consistent à soumettre le béton à un cer-
tain nombre de cycles de gel et de dégel, avec ou
sans présence de solution saline. Les mesures d’al- ■ Le transport
longement, d’évolution du module d’élasticité et de
perte de poids, doivent demeurer en deçà des seuils Si le béton est fabriqué hors du chantier (centrale de
fixés par les normes. Ces essais d’étude sont confir- BPE par exemple), l’organisation du transport doit
més sur le chantier par des essais de convenance, être soigneusement planifiée, afin d’éviter une atten-
portant sur la teneur en air entraîné et, pour des te prolongée avant mise en œuvre, qui peut influer
ouvrages importants, par des mesures du facteur sur la teneur en air.
d’espacement.
■ La mise en place
La mise en œuvre du béton La pervibration régulière et uniforme permet de frac-
tionner les grosses bulles instables. Lors du surfaça-
Les différentes phases de la mise en œuvre du ge des surfaces horizontales, il faut éviter un talo-
béton, de sa fabrication à la mise en place, doivent chage trop poussé qui favorise les remontées d’eau,
être particulièrement soignées, la qualité du béton et ainsi que les ragréages.

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■ La cure et le durcissement Les parties d’ouvrages plus particulièrement expo-
sées en génie civil sont les suivantes :
La cure est particulièrement importante pour les • piles et culées de pont en bordure de chaussées
bétons destinés à résister aux effets du gel et des ou situées en zone de marnage ;
sels. • murs de soutènement et murs de quais ;
Il est donc impératif de protéger le béton contre la • corniches de ponts ;
chaleur, le dessèchement et le froid, pendant sa
prise et son durcissement. • bordures de trottoirs et caniveaux ;
• Par temps chaud, l’humidité du béton jeune peut • plots de barrières de sécurité et séparateurs ;
être maintenue par arrosage, sacs humides, mise en • murs antibruit ;
place d’un film de polyéthylène. Si on utilise un pro- • blocs de défense maritime ;
duit de cure, il doit être pulvérisé de façon régulière
et appliqué immédiatement après mise en œuvre du • entrées de tunnels.
béton. Les dispositions constructives suivantes seront donc
• Par temps froid, le béton doit être abrité et éven- appliquées avec d’autant plus de soin que les
tuellement maintenu à une température de 10 °C au ouvrages ou parties d’ouvrages sont plus exposés.
minimum.
Une longue période de maturation est recomman- ■ L’enrobage des aciers
dée avant exposition au gel.
Le minimum prévu par la réglementation est de
2,5 cm, porté à 4 cm pour les ouvrages soumis à des
La conception des ouvrages conditions sévères en matière de gel et exposés aux
actions des sels fondants (règles BAEL 91).
Un béton durci, protégé contre l’humidification, n’est
pas gélif ; il peut cependant être vulnérable au gel
lorsqu’il occupe dans une construction une position
plus exposée à des risques d’accroissement de l’hu-
midité : parties horizontales non protégées, parties
d’ouvrages en contact avec l’eau ou un sol humide.
Dans les bâtiments, on peut définir quatre zones par
ordre croissant de risque d’exposition au gel : ■ Le dispositif de collecte des eaux
• parties en élévation constituées par les murs verti-
caux protégés des eaux de ruissellement ; Il est impératif que tout l’ouvrage présente un écou-
• parties en rejaillissement des murs verticaux ; lement d’eau conçu pour éviter l’accumulation ou le
ruissellement sur les parties non protégées des
• balcons, acrotères, appuis de fenêtres, socles et ouvrages.
soubassements qui reçoivent directement les eaux
de pluie ou qui sont soumis à une humidification par Les parties extérieures de surface plane et horizon-
capillarité ; tale favorisent l’accumulation d’eau et la saturation
du béton. Il faut donc toujours chercher à donner une
• dallages extérieurs qui retiennent les eaux le plus pente, une dépouille à toutes ces surfaces (trottoirs,
longtemps. face supérieure des corniches de pont, toitures-ter-
rasses). Cette pente sera au minimum de 3 %.
Dans tous les dispositifs, il est important de prévoir
un système de goutte d’eau (larmier) empêchant les
retours vers l’ouvrage.

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