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Annales de pathologie (2013) 33, 373—374

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ScienceDirect
www.sciencedirect.com

ÉDITORIAL

BRAF : l’oncogène préféré du pathologiste


BRAF: The pathologist’s favorite oncogene

La pathologie moléculaire est maintenant clairement une branche de l’anatomie et


la cytologie pathologiques. L’article de Washetine et al. « L’accréditation selon la norme
ISO 15189 d’un laboratoire de pathologie et de génétique somatique (LPCE, CHU de Nice) :
retour d’expérience » [1] démontre l’intégration de la pathologie moléculaire dans le fonc-
tionnement d’un service de pathologie avec ses avantages (phase pré-analytique maîtrisée)
et ses contraintes (accréditation COFRAC).
La pathologie moléculaire n’est pas toujours morphologique mais elle vient compléter
l’arsenal technique mis à la disposition du pathologiste pour affiner son diagnostic. De
plus, c’est bien à partir du prélèvement fixé dans le formol et inclus en paraffine qui a
servi à l’établissement du diagnostic histologique que l’on établit maintenant un diagnostic
moléculaire : recherche d’une instabilité microsatellitaire, recherche d’une mutation des
gènes EGFR, KRAS, NRAS, BRAF, PIK3CA, HER2, etc.
BRAF (v-RAF murine sarcoma viral oncogene homolog B1) représente l’archétype de
l’oncogène : c’est une protéine clé située sur la voie de transduction du signal médié
par le récepteur membranaire de l’Epidermal Growth Factor (EGFR). BRAF est locali-
sée juste après la protéine KRAS sur la voie des MAP kinases Mek1/2 et Erk1/2. BRAF
est une sérine-thréonine-kinase qui se bloque en configuration activée lorsqu’elle est
mutée, en particulier dans le codon 600 de l’exon 15. Quatre altérations sont possibles
au niveau du codon 600, constitué par le triplet GTG : la mutation V600E/GAG est la plus
fréquente (93,2 %), les autres variants étant plus rares, V600 K/AAG (5,6 %), V600R/AGG
(1 %) et V600D/GAT (< 1 %)1 . Cette mutation entraîne une activation constitutive de la
protéine, ce qui la découple du signal en amont et qui induit des signaux de sur-
vie/prolifération/mobilité/angiogenèse très utiles à la cellule tumorale conférant ainsi
à BRAF mutée un véritable statut de driver mutation. C’est pourquoi de très nombreuses
néoplasies sont porteuses de cette mutation : parmi celles-ci, les mélanomes malins de
type SSM présentent une mutation V600 de BRAF dans environ 40 % des cas.
Le vémurafénib2 (PLX 4032) est un inhibiteur de la forme mutée V600 de BRAF qui a été
développé par l’industrie pharmaceutique : cet inhibiteur a un effet remarquable chez les
patients atteints d’un mélanome métastatique avec mutation BRAFV600 [2]. Le vémurafé-
nib, compte-tenu de son extrême efficacité, a obtenu très rapidement une autorisation de
mise sur le marché et est ainsi devenu le standard thérapeutique pour les patients porteurs
d’un mélanome métastatique avec mutation V600 de BRAF. La recherche des mutations
V600 de BRAF est donc devenue un prérequis indispensable pour la prise en charge des
patients. Cette détermination se fait soit au niveau de la tumeur primitive soit au niveau
d’un site métastatique, cette driver mutation étant très stable dans l’histoire naturelle
de ce cancer.

1Base de données COSMIC : http://cancer.sanger.ac.uk/cancergenome/projects/cosmic.


2Vémurafenib : v pour V600, mu pour mutation, raf pour BRAF et nib pour inhibiteur = inhibiteur spécifique de la forme
mutée V6OO de BRAF.

0242-6498/$ — see front matter © 2013 Publié par Elsevier Masson SAS.
http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2013.11.001
374 Éditorial

Récemment, un anticorps monoclonal (clone VE1) dirigé phologique (IHC pour BRAF V600E) ou non morphologique
contre la forme mutée T1799A de la protéine BRAF a été (par technique de SNaPshot® par exemple).
produit (commercialisé par Spring Bioscience® et Roche-
Ventana® ) [3]. Cet anticorps a été généré à partir d’un
peptide de synthèse comportant la zone de mutation (acides Déclaration d’intérêts
aminés 596 à 606). VE1 reconnaît électivement la forme
L’auteur n’a pas transmis de déclaration de conflits
mutée V600E (acide glutamique remplaçant une valine), la
d’intérêts.
forme sauvage et les autres variants rares mutés V600 K,
V600R et V600D n’étant pas détectés [4]. Cet anticorps
semble très utile en pratique clinique : il permet de détec- Références
ter par immuno-histochimie (IHC) la présence de l’oncogène
muté dans de très nombreuses situations ou localisations [1] Washetine K, Long E, Hofman V, Lassalle S, Ilie M, Lespinet V,
tumorales [5]. L’équipe de Paul Hofman a même très et al. L’accréditation selon la norme ISO 15189 d’un laboratoire
récemment rapporté la possibilité de détecter par IHC la de pathologie et de génétique somatique (LPCE CHU de Nice) :
protéine mutée au niveau de cellules tumorales circulantes retour d’expérience. Ann Pathol 2013;33:386—97.
chez des patients atteints d’un mélanome métastatique [2] Chapman PB, Hauschild A, Robert C, Haanen JB, Ascierto P,
Larkin J, et al. Improved survival with vemurafenib in mela-
[6].
noma with BRAF V600E mutation. N Engl J Med 2011;364:
Cela veut-il dire que la détection immuno-histochimique
2507—16.
de BRAFV600E pourrait se substituer à l’identification molé- [3] Capper D, Preusser M, Habel A, Sahm F, Ackermann U, Schindler
culaire de la mutation ? G, et al. Assessment of BRAF V600E mutation status by immu-
Oui, si l’on cherche à mettre en évidence uniquement la nohistochemistry with a mutation-specific monoclonal antibody.
mutation V600E : ce peut être le cas en pathologie tumorale Acta Neuropathol 2011;122:11—9.
colorectale, où la mutation de BRAF n’est pas en faveur d’un [4] Long GV, Wilmott JS, Capper D, Preusser M, Zhang YE, Thompson
syndrome de Lynch dans le cas d’une tumeur avec instabilité JF, et al. Immunohistochemistry is highly sensitive and specific
microsatellitaire (statut lui-même identifiable par IHC). for the detection of V600E BRAF mutation in melanoma. Am J
Non, si l’on recherche toutes les mutations V600. Or, Surg Pathol 2013;37:61—5.
[5] Koperek O, Kornauth C, Capper D, Berghoff AS, Asari R, Niederle
dans la pratique clinique pour la prise en charge de patients
B, et al. Immunohistochemical detection of the BRAF V600E-
atteints d’un mélanome métastatique, toutes les mutations
mutated protein in papillary thyroid carcinoma. Am J Surg Pathol
du codon 600 doivent être recherchées. Cependant, l’IHC 2012;36:844—50.
peut servir à screenner les cas : on peut ainsi mettre en évi- [6] Hofman V, Ilie M, Long-Mira E, Giacchero D, Butori C, Dadone
dence par IHC la mutation V600E dans 40 % des cas et ne faire B, et al. Usefulness of immunocytochemistry for the detection
la recherche des autres variants V600 que dans un deuxième of the BRAF(V600E) mutation in circulating tumor cells from
temps. metastatic melanoma patients. J Invest Dermatol 2013;133:
Les thérapies ciblées entraînent malheureusement 1378—81.
de nouvelles situations cliniques : des phénomènes [7] Capovilla M. Effets secondaires carcinogènes et des résistances
d’échappements thérapeutiques sont hélas maintenant aux thérapies ciblées anti-BRAF. Ann Pathol 2013;33:375—85.
rapportés. Mathieu Capovilla [7] dans ce numéro des
Annales de Pathologie décrit les principaux mécanismes de Jean-Christophe Sabourin
Service de pathologie, pôle de biologie clinique,
résistance au vémurafénib : ceci permettra au pathologiste
pathologie, physiologie, CHU de Rouen, 1, rue de
de mieux comprendre la complexité des traitements ciblés.
Germont, 76000 Rouen, France
BRAF est bien l’oncogène préféré du pathologiste : il
concrétise ainsi leur rôle primordial dans la détection des Adresse e-mail :
mutations V600 de BRAF que se soit par une approche mor- jean-christophe.sabourin@chu-rouen.fr

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