Suite de la page 57.
et, aussi, des petits boulots provisoires qui beur-
"Valoi nous voulons tout, tout de suite », comme les
un livre autonomes » disent maintenant : « Nous
ötonnant... voulons vivre le communisme. » V.L.R. s'etait
Je recom- dissous pour laisser vivre les communautes, les
mande mouvements de fernmes, d'homosexuels, de
Pierre Dann squatters, de prisonniers, de psychiatrises, les
cette lecture
comites de quartier ou d'usine, tous les desespe-
insolite." res, les ecologistes et bien d'autres.
(LOUIS
Le mythe de Pendant cinq ou six ans, tous ces decentra-
PAUWELS)
procre'ation lises de la revolution ont cultive leur jardin
ou developpe leurs experiences, et puis ii y a
eu Malville : rnanifestation ilon violente, insou-
bar' oilue lag
ciante. Pas pour la revolution, juste contre un
surregenerateur, contre le nucleaire, contre un
choix grave, impose sans debat. Resultat : un
mort, des amputes. Le reforrnisme, decidement,
'aurert
n'est pas plus facile que la revolution. Une rage
a surgi, inconnue en Maj, faite, dejå, de soli-
"La Strega est darite avec ces jeunes Allemands si peu å leur
un livre de place dans leur pays et qu'un prefet trop zele
fåte, nocturne assimilait å des nazis avant de les expulser.
et flamboyant: Baader et ses camarades trouves morts dans
leurs cellules, suicide ou assassinat, c'etait trop :
(LIBERATION) ils etaient freres des jeunes rebelles frangais,
enfants de la m8me revolle qui se cherche
depuis les annees 1960, fourvoyes sfirement
mais, certainement, tombes victimes du,meme
uide pratique ennemi — l'Etat, celui de Giscard ou de
Schmidt —, de la solidarite dans la repression
du et de rexclusion de ceux « qui pensent autre-
ment ». « Les dissidents, disent les " autono-
mes", existent aussi å l'Ouest » : maniere de
saluer ceux de l'Est tout en rappelant qu'on
existe. Devant ces morts, la gauche, pour la-
quelle Baader etait tout sauf un camarade, se
taisait. L'extreme-gauche, mal å l'aise, se (16-
marquait autant qu'elle protestait. Un commu-
nique dans « Liberation», signe de l'Organi-
sadon communiste libertaire (0.C.L.) — le seul
groupe politique accepte dans r « autonomie »
appelle å une reu.nion tous ceux qui veulent
1 1" reagir. Desormais, les « autonomes » ont leur
dossier aux .Renseignements generaux.
Nur beurrer l'erdreeöte
Et c'est parti. Parti pour une manifestation
"Ses partisans comme ses adver- gare Saint-Lazare, pour roccupation de « Libe-
saires ont souvent recommandå aux ration » — meurtre symbolique de l'huma-
Francais la lecture du Programme nisme liberal porte par ce rameau-lå de Mai —,
commun. Beaucoup l'ont trouvee fort pour une coordination reguliere tous les lundis.
indigeste. Avec ce guide, le Pro- Arrive ensuite la manifestation Croissant, le
chahut au meeting de la Ligue des Droits de
gramme commun devient vivant, lu- rHomme, des assemble.es generales, et meme
mineux. Le lexte sacre pane enfin un un journal : « l'Officiel de l'Autonomie » !
langage comprehensible, et pourtant Dans la revolle brute, confusement, une vo-
c'est le sien. Le guide peut måme, å la lonte politique se dessine. Un militant de
rigueur, dispenser du Programme. l'O.C.L. : « Jusqu'alors, rinitiative des appari-
Mais il ne dispensera personne de tions publiques appartenait å la Ligue et aux
prendre ses responsabilites, en mars autres organisations. Maintenant, nous- pouvons
1978. Simplement, on le fera, apres prendre nos propres decisions. » Decisions am-
cette lecture, en meilleure connais- bitieuses ! Un membre du bureau politique de
sance de cause." (ALAIN PEYREPITTE) la Ligue ironise : S'ils veulent fedgrer les
mouvements des femmes, des squatters, des
psychiatrises, je leur souhaite du plaisir. » En
effet.
Jeudi 24 novembre, six jours apres la mani-
"Un roman festation Croissant, amphitheåtre 34 de la facul-
troublant de te de Jussien, assemblee generale convoquee
la ferninite, dans « Liberation » par « des copains et des
Yr/. dans une copines du cortege autonome ». Ces « autono-
Sff Iangue tms »-lå, qui ont presque tous, au moins, un
colOree, morceau de licence en poche, forment une
immobile et autre bande. Une autre histoire. Celle de gens
chaude." qui se sant connus, rannee derniere, en formant
(LES un comite de chömeurs dans un arrondissement
jokil NOUVELLES
LITTERAIRES)
de Paris. Parce qu'ils pensent que nous sommes
entres, pour tres longtemps, dans l'ere du "« chö-
et laTare, mage endemique de masse », ils reclamaient
ChaidalChatevf non plus le droit au travail mais « le dtioit au
salaire ». Leur unite a vecu. Ils opt entre vingt
Ruutu et trente ans, souvent un passe de militant d'ex-
auvert treme gauche, une solide merfiance enxers le
leninisme, une longue experience du desespoir
rent les entrecötes « requisitionnås ».
La violence, ils sont decides å « rassumer ».
Parce que « ce super-besoin de violetzce, il est
dans nös t&es et dans nos mains, un besoin
de casser totu ce qui donne prise, toutes les
-
tentacules, tous les symboles, tout le silence,
aussi, de cet Etat ». Mais ils refusent « d'e‘tre
coinces dans la double spirale du "P. 38"
et du "compromis historique" des organisa-
tions ». Ils craignent que la violence ne finisse
par resumer r « autonomic », qui doit aussi
etre heureuse et faite d'escarmouches quoti-
diennes. Le mystere de l'incendie des panneaux
d'affichage Decaux, par exemple, est une page
de 1' « autonomie »...
Un douz cobblaue
A Jussien, donc, ce devait etre un debat ce
fut un happening. Deux heures quinze minutes
de therapie par le eri autour d'un fond de
bouteille soixante-huitard et d'un theme : « Des
espaces infinis s'ouvrent å l'autonomie. » Pen-
dant que les acteurs-spectateurs prennent place,
un Malin souriant 6crit au tableau noir : « Pro-
gramtne du cours : Qu'est-ce que r autonomie ?
Comment e‘tre un(e) bon(ne) autonome ? Un(e)
m&hant(e) auton aine ? Les deux å la lois ? »
Un long jeune homme, sur ies murs, ecrit å la
craie : « A bas rautonomie phallocratique !
Vive les p&Ms ! » Un tract, de bonne fac-
ture situationniste, circule : « Casseurs, atten-
tion ! Un nouveau danger nous guette. » Le
danger, c'est rapparition de « leaders auto-
nomes », leur « empressement å se constituer
en positivit politique » et le « detritus neo-gau-
chiste trop heureux d'hbiter de troupes qui ne
demanddnt qu'a en cMborder ». Pour « en de-
coudre », mais en plus fin.
Un « leader » en herbe prend la parole
« Tout le monde en" pane, l'idee d'autonomie a
pris. S'il ,y a tant de monde ici, aujourd'hui,
c'est y a une demande politique. L'auto-
nomie, c'est un certain nombre de pratiques. Ii
faut que nous en discutions, au /and, maine
si c'est difficile. » Silence, bruits divers. Un
doux, å rair de col-blanc fauche « Tout rai-
sonnement politique cotzduit immMiatement
au boulot, dond au Goulag : c'est la tne'rne
chose. Nous devons rompre avec tout le dis-
cours politique traditionnel. Nous ne devons pas
parler politique. » Un grand, moustachu
C'est a, quctnd rEtat t'aura envoy une
"offensive" dans la gueule, on en recausera. »
Du fond gauche : « Vive les pedes ! » Du
fond droit, une jeune fille serieuse : « J'ai lu
rappel dans "Libe , je suis int&esse par rau-
tonomie si ce n'est pas que la violence. Je vott-
drais qu'on me renseigne. » Les' bruits sont
devenus hurlements. Les squatters du
arrondissement, qui se sont fait expulser le ma-
tin meme « datzs la plus conzpldte ilMgalit >>,
demandent que l'A.G. sOit levee pour qu'on
aine tous rejoindre une manife,station en cours.
Apres plusieurs appels sana succes, ils partiront
seuls. Le doux col-blanc revient å la charge
« Quand je suis dans le trztro, je ne me sens
pas dan,s mon Mnzent, j' aimerais qu'on m'aide
å me sentir dans mon eltnent. C'est a, pour
moi, rautonomie. » Le moustachn : « Oh !
la ferme 1 » Un petit barraque « La manif
syndicale du 1" de cembre, on y va, oui on
.
non ? » Tolle presque general : « Tu clzoisis
encore les echeances fixees par les autres. Y'en
a marre ! »
Dans un coin, ies animateurs de la revue
theorique « Camarades », proche des expe-
riences « autonornes » italiennes, deux ans
d'åge et tie plaidoyers en faveur de runite des
« autonomies » frangaises, prennent leur mal
en patience : ca avance, dqucement. Un jeune
homme tres deliberement froufroutant explique
qu'il 'est « autonotne depuis dix ans parce que
p~raste » mais qu'il ne peut pas se reconnai-