Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Résumé
Cet article vise à estimer l’impact des guerres de la Révolution et de l’Empire sur la production agricole française. Malgré
la rupture des séries statistiques sur lesquelles repose l’histoire quantitative de l’économie rurale d’Ancien Régime, il reste
d’autres sources utilisables pour cette période : enquêtes du début et de la fin de la période (Expilly, Lavoisier, Chaptal),
statistique annuelle des récoltes par département à partir de 1800, baux de fermes, notamment ceux des hôpitaux…
S’appuyant sur ces sources, les auteurs soutiennent que l’économie agricole subit une longue crise pendant une bonne
partie de la période. La viticulture semble avoir bien résisté, mais la production céréalière et animale décline sérieusement
avant d’entreprendre une récupération, à partir du Consulat. Les raisons de cette chute sont à chercher dans les
réquisitions révolutionnaires, le contrôle des prix, et les impôts élevés, qui avaient tous concouru à décourager
l’investissement.
Abstract
French Revolution and Rural Economy
This article attempts to estimate the impact of the wars of the Revolution and Empire on French agricultural production.
Many of the quantifiable sources used for the Old Regime rural economy disappeared in 1789, but others can be used:
statistical overviews from the start and end of the period (Expilly, Lavoisier, Chaptal), annual statistics of cereal production
in each departement from 1800 onwards, series of leases especially those from hospital archives... On the basis of these
sources, the authors argue that the agricultural economy suffered a long crisis over much of the period. The exception is
viticulture, which did rather well. More typically, cereal and livestock production declined considerably before recovering
under the Consulate. The reasons lie in the requisitions, price controls, and high taxes of the revolutionary period, which
discouraged the investment needed for real growth.
Sutherland Donald M. G., Le Goff Tim J. A. La Révolution française et l’économie rurale. In: Histoire & Mesure, 1999
volume 14 - n°1-2. Varia. pp. 79-120.
doi : 10.3406/hism.1999.1503
http://www.persee.fr/doc/hism_0982-1783_1999_num_14_1_1503
Résumé. Cet article vise à estimer l'impact des guerres de la Révolution et de l'Empire sur
la production agricole française. Malgré la rupture des séries statistiques sur lesquelles repose
l'histoire quantitative de l'économie rurale d'Ancien Régime, il reste d'autres sources
utilisables pour cette période : enquêtes du début et de la fin de la période (Expilly, Lavoisier,
Chaptal), statistique annuelle des récoltes par département à partir de 1800, baux de fermes,
notamment ceux des hôpitaux... S'appuyant sur ces sources, les auteurs soutiennent que
l'économie agricole subit une longue crise pendant une bonne partie de la période. La
viticulture semble avoir bien résisté, mais la production céréalière et animale décline
sérieusement avant d'entreprendre une récupération, à partir du Consulat. Les raisons de cette
chute sont à chercher dans les réquisitions révolutionnaires, le contrôle des prix, et les impôts
élevés, qui avaient tous concouru à décourager l'investissement.
Abstract. French Revolution and Rural Economy. This article attempts to estimate the
impact of the wars of the Revolution and Empire on French agricultural production. Many of
the quantifiable sources used for the Old Regime rural economy disappeared in 1789, but
others can be used: statistical overviews from the start and end of the period (Expilly,
Lavoisier, Chaptal), annual statistics of cereal production in each departement from 1800
onwards, series of leases especially those from hospital archives... On the basis of these
sources, the authors argue that the agricultural economy suffered a long crisis over much of the
period. The exception is viticulture, which did rather well. More typically, cereal and livestock
production declined considerably before recovering under the Consulate. The reasons lie in the
requisitions, price controls, and high taxes of the revolutionary period, which discouraged the
investment needed for real growth.
79
Histoire & Mesure, 1999, XIV-1/2
80
Tim J.A. Le Goff & Donald M.G. Sutherland
81
Histoire & Mesure, 1999, XIV-1/2
82
Tim J.A. Le Goff & Donald M.G. Sutherland
83
Histoire & Mesure, 1999, XIV- 1/2
Il n'est pas facile de faire la part du vrai dans ces affirmations des
contemporains. D'ailleurs, il n'existe aucun traitement historique sérieux
de la conjoncture révolutionnaire 10. La rupture, vers 1789, de la
continuité des sources habituelles en est une des raisons. Les états des
récoltes, dressés avec régularité par l'administration royale durant la
seconde moitié du XVIIIe siècle cessent, ou deviennent aléatoires, et
difficilement vérifiables, pendant la décennie révolutionnaire. L'abolition
de la dîme nous ôte un précieux indicateur indirect du mouvement de la
production. Le chaos institutionnel, l'introduction de l'assignat,
condamné à une dévaluation rapide entre 1790 et 1797, brise les séries de
prix, tout en transformant, à l'apogée des années inflationnistes, la
comptabilité centrale du gouvernement en exercice de roman de science-
fiction. Ce n'est qu'au prix des plus vaillants efforts que les démographes
sont parvenus à reconstituer le mouvement de la population pendant ces
années en recourant à des échantillonnages de l'état civil. De rares
comptabilités privées, sources précieuses qui permettraient peut-être de
pallier aux carences, existent, mais se pose alors la question de leur
représentativité. Les impressions et les statistiques publiées de temps en
temps par les fonctionnaires du Consulat et de l'Empire ont pendant
longtemps constitué la seule documentation d'ensemble accessible aux
historiens, mais leurs auteurs avaient leurs illusions quant à l'avenir et
leurs réticences à l'égard des années précédentes. Nous sommes donc
obligés de procéder à la manière des médiévistes, qui, travaillant sur des
indications fragmentaires, reconstruisent patiemment, en partant d'un
faisceau de symptômes, les causes inconnues des phénomènes qu'ils
observent. Les résultats obtenus seront provisoires, mais un tel réexamen
reste sans aucun doute préférable à l'optimisme ambiant, dépourvu de
fondement solide.
10. L'article d'A. Soboul, 1976, est assez faible sur le mouvement de l'économie
avant 1797 et suit étroitement celui d'A. CHABERT, 1949. Pour la période suivante.
M. Agulhon, G. Désert et R. Specklin, 1976, n'apportent pas non plus beaucoup de
lumière sur l'économie rurale. Détails plus brefs encore dans R. SÉDILLOT, 1987 pp.
149-174 (pessimiste) et F. Hincker, 1988 (optimiste). Voir aussi le débat demeuré sans
conclusion dans La Révolution française et le monde rural, 1989, pp. 199-231 avec une
contribution de M. Morineau. La synthèse la plus récente se trouve dans un remarquable
essai de G. Postel-Vinay, 1989, pp. 1015-1045. Nous sommes d'accord avec la plupart
des conclusions de cet article tout en restant plus pessimistes quant à la croissance de la
production céréalière et animale.
84
Tim J.A. Le Goff & Donald M.G. Sutherland
2. La production céréalière
11. Perrot, J.-C. & Woolf, S., 1984 ; voir surtout S. Woolf, 1984, pp. 81-194, qui
dépasse largement l'ancienne étude d'O. Festy, 1956, pp. 43-59.
12. À en juger d'après les documents restants, on n'avait pas demandé à tous les
départements des détails complets ou du moins les préfets n'ont pas tous suivi les
directions ministérielles avant 1810. À partir de 1812, les chiffres sont liés à la superficie
cultivée, une pratique qui continuera sous la Restauration et la Monarchie de Juillet. En
1812, les préfets suivirent l'ancienne formule pour leurs estimations de la récolte à
remettre au Ministère de l'Intérieur et la nouvelle formule pour celles destinées au
Ministère du Commerce et de l'Industrie ; pourtant, les résultats sont semblables. En
1813, on a envoyé les deux types de résultats au Ministère de l'Intérieur.
13. A.N., F 252 ; on trouvera les matériaux préparatoires dans F10 254.
85
Histoire & Mesure, 1999, XIV-1/2
tableau 1) 14. On peut aussi lier ce chiffre à ceux, publiés sous un format
virtuellement identique, de la Statistique générale de la France pour la
période postérieure à 1815 (Cf. tableau 3) 15.
Les années 1810-1813 nous fournissent ainsi la première statistique
de l'ensemble de la récolte céréalière depuis 1789, voire la première
statistique globale sérieuse jamais produite. Elle indique une production
annuelle moyenne de 107,1 millions d'hectolitres de céréales pour la
consommation humaine, pendant ces quatre années, à l'intérieur des
frontières de 1815 16.
Tableau 1. Production de céréales pour la consommation humaine 1810-1813
14. Production totale selon les nouveaux critères dans la France des frontières de
1815 : 157 984 711 hl., mais ce chiffre ne comprend pas la production des départements
des Ardennes, de l'Ariège, de la Côte-d'Or, de la Haute-Marne, de la Meurthe-et-
Moselle, du Nord et des Pyrénées-Atlantiques, dont les données manquent, sans doute à
cause de la menace d'invasion par les Alliés à la fin de 1813. En revanche, il rend compte,
fait nouveau, des grains nécessaires aux animaux domestiques, et de la production de
bière et d'autres boissons alcoolisés. Il faut donc augmenter ce total afin de tenir compte
des départements qui n'avaient pas répondu, et ensuite le réduire pour en exclure les
nouvelles catégories d'aliments. Nous avons fait ce dernier calcul à partir des proportions
qui résultent des chiffres de consommation pour 1821-1825 et qui figurent dans les
Archives statistiques du Ministère des Travaux Publics, de l'Agriculture et du
Commerce, Paris, 1837, pp. 132-133. Les chiffres qui suivent indiquent le pourcentage de
chaque espèce de grains nécessaire à l'alimentation humaine et à la semence : froment,
99,6 ; méteil, 99,2 ; seigle, 98,3 ; sarrasin, 68,0 ; blé noir, 85,6 ; maïs et millet, 83,7 ;
orge, 10,9 ; légumes secs, 82,2 ; autres légumes, 28,4. Quant aux pommes de terre, nous
avons calculé la consommation humaine sur la base de la moitié de la récolte.
15. Cf. A. Chabert, 1949, pp. 50-54, qui nie (à tort) la possibilité de lier les
statistiques napoléoniennes à celles de la Restauration.
16. Chabert, A., 1949, p. 52, produit un chiffre pour la récolte de 1805, mais pour
tout l'Empire, à partir des estimations des préfets de la différence entre la production
d'une vague « année commune » et celle de l'année courante.
86
Tim J.A. Le Goff & Donald M. G. Sutherland
17. Indices de la production établis d'après les statistiques des A.D. Eure, 7M 3, 7M
4 ; A.D. Eure-et-Loir, 7M 5, 7M 6 ; A.D. Seine-Maritime, 6M 1223-7 ; A.D. Yvelines
(anciennement Seine-et-Oise), 13M 1 ; A.D. Oise, M (série non classée, 1810-1813) ;
Durand, R., 1927, pp. 38-41, pour les Côtes-du-Nord ; A.N., F10 252, F11 454, 456-7,
462-3, 465-7 pour les départements suivants : Aisne, Ardèche, Charente, Côtes-du-Nord,
Eure, Eure-et-Loir, Mayenne, Nièvre, Oise, Seine-Inférieure, Seine-et-Marne, Seine-et-
Oise, Deux-Sèvres, Somme, Vendée, Haute- Vienne et Yonne. Nous avons inclus l'orge
dans la consommation humaine dans les chiffres des départements suivants : Eure,
Eure-et-Loir et Seine-et-Marne. Dans le cas de plusieurs départements, pour les
premières années de notre série, nos chiffres proviennent des statistiques de la production
nette, à laquelle nous avons ajouté une estimation de la semence tirée des quantités
ensemencés en 1812, selon les rapports de 1813. L'excédent de la récolte pour tout le
territoire sous domination française se trouve dans A.N., AFIV 1058 : Ministère de
l'Intérieur. Le résultat des tableaux de la situation des récoltes en grain de la France dans
les huit années qui ont précédé 1810, [18 juin 1810] qui comprend l'excédent en grain
des années antérieures. Pour les chiffres des années 1810-1813 : A.N., F10 252, avec le
bilan de 1813 réduit comme dans le Tableau 1 ci-dessus. Une analyse serrée des
documents laisse croire que la gamme des céréales considérées comme propres à la
consommation humaine a été élargie au cours de cette période mais au moins notre source
reflète-t-elle le sens des variations d'une année à l'autre. Le bilan des exportations se
trouve dans C.-A. COSTAZ, 1843, II, p. 60 mais se trouvent des chiffres légèrement
différents dans A.N., AFIV 1058, Résumé des tableaux... Le prix du froment estimé de
E. Labrousse, R. Romano, F.-G. Dreyfus, 1970, pp. 9-10.
18. Sur les variations annuelles, voir aussi les remarques des préfets dans les sources
citées dans la note 17. Notre indice minimise l'apport à la production totale des grands
départements céréaliers tels l'Eure et l'Eure-et-Loir, dont la production était moins forte
que la moyenne dans les années antérieures à 1810. D'ailleurs, nous avons incorporé dans
cet indice une généreuse estimation des grains ensemencés, tirée de la récolte de 1813,
87
Histoire & Mesure, 1999, XIV-1/2
pour les départements n'ayant pas fourni le produit net de la récolte avant 1808. Il faut
ajouter qu'il y avait probablement une tendance croissante pendant cette période à
cultiver des céréales d'appoint et des pommes de terre aux dépens des céréales
« nobles ». Tous éléments qui aboutissent sans doute à une surestimation du volume des
récoltes antérieures par rapport à celles de 1810-1813.
19. Schnerb, R., 1934, pp. 27-49 ; Merley, J., 1974, pp. 288, 294-295 ; FoURAS-
tté, J., 1956, pp. 1-10.
88
Tim J.A. Le Goff & Donald M.G. Sutherland
89
Histoire & Mesure, 1999, XIV-J/2
90
Tim J.A. Le Goff & Donald M.G. Sutherland
l'Empire que pendant la Révolution 24. La hausse des prix des grains
trahit les tensions de l'offre, et ce malgré l'absence de milliers de jeunes
gens qui, au sein des armées de la Grande Nation, consommaient la
production des pays occupés. (Cf. tableau 4).
24. Population totale dans les frontières de la France actuelle : 28,6 millions en
1790; 29,1 millions en 1800; 29,5 millions en 1805; 30,6 millions en 1816 selon
J. Dupâquier et al., 1988, Ш, pp. 67-70 et 123.
25. A.D. Oise, M (série non classée), Questions adressées à Mr. le préfet..., 2 octobre
1811.
26. Postel-Vinay, G., 1989, p. 1022.
91
Histoire & Mesure, 1999, XIV-1/2
3. De l'élevage à la viticulture
Millions
Bœufs 1,72
Vaches 4,05
Tous bovins 7,88
27. En 1813, la récolte de pommes de terre était quelque peu inférieure à 23 millions
d'hectolitres tandis que celle de céréales dépassait les 163 millions. D'un point de vue
calorique, les pommes de terre ne représentaient que 1 % ou 2 % de la récolte entière de
céréales. Voir A.N., F10 252 et Ministère de l'Agriculture. Bureau des Subsistances,
Récoltes des céréales et des pommes de terre de 1815 à 1876, Paris, 1878. On trouvera
les équivalents en calories dans C. Chatfield, 1949, pp. 8-11.
28. Morineau, M., 1970, pp. 1767-85.
29. A.N., F10 510 : Ministère de l'Intérieur. Recensement des bêtes à cornes.
Circulaire du 11 mars 1809. Voir aussi A.N., F20 103 et F20 403. Une autre version de ce
document, apparemment rédigé plus tôt, est reproduite par M. Baudot, 1970, I,
pp. 51-68 ; mêmes données avec des variantes dans J.-P. Bachasson DE Montalivet,
1813, pp. 41-42, tableau 22 ; et (sans chiffres pour les veaux) dans J.-A. Chaptal, 1819,
p. 197. Voir aussi M. Block, 1850.
30. Lavoisier, A.-!., (éd. J.-C. Perrot), 1988, pp. 185- 90.
92
Tim J.A. Le Goff & Donald M.G. Sutherland
93
Histoire & Mesure, 1999, XIV-1/2
35. Bachasson de Montalivet, J.-R, 1813 et J.-A. Chaptal, 1819, 1, pp. 179 et
222.
36. Herbin, P.E., an XII/1803, p. 289.
37. Par exemple, R. Haurez-Peuch, 1987, pp. 40-49 ; G. Lemarchand, 1983,
p. 238 ; voir aussi G. Postel-Vinay, 1989, p. 1028, qui est trop optimiste.
38. Chaptal, J.-A., 1819, 1, p. 179 ; Toutain, J.-C, 1961, pp. 169-170.
39. Peuchet, J., 1805, p. 42.
40. A.N., F10 500. Les tableaux complets fournis par les douze départements (voir
O. FESTY, 1941-1946) en réponse au questionnaire de l'an III montrent une grande
stabilité entre 1794-1795 et les résultats de l'enquête de 1809-1811 (pour moutons et
brebis).
94
Tim J.A. Le Goff & Donald M.G. Sutherland
41. Lachiver, M., 1988, pp. 368-393. Sur la consommation grandissante des
spiritueux, voir, inter alia, M. MARION, 1919, II, pp. 95-98. Sur la croissance de
l'investissement dans le vignoble après 1760, voir E. Labrousse, 1944.
95
Histoire & Mesure, 1999, XIV-1/2
ailleurs 42. Mais, après l'intégration de cette aubaine dans ses comptes, sa
part de la récolte en grains oscillait entre d'étroites limites. En effet, sa
récolte de 2 600 boisseaux (mesure de Laval) en 1792 représente un
record qui ne fut même pas dépassé dans les conditions plus stables de
l'Empire, où les récoltes fluctuaient entre 1 500 et 2 300 boisseaux. Ce ne
fut qu'après 1830 que le plafond de 2 300 boisseaux fut crevé, pour
atteindre des récoltes de 3 000 boisseaux 43.
42. Le Goff, T.J.A. & Sutherland, D.M.G., 1983, pp. 65-87 ; 1984, pp. 123-146 ;
cf. l'opinion contraire de RM. Jones, 1988, pp. 98-100.
43. A.D. Mayenne, 179J 27, 62, 64-65 : Chartier d'Hauterive.
44. Lallier, F., 1858, surtout pp. 42-43.
45. Massé, P., 1956, pp. 125-31. Après 1812, les baux exigeaient une proportion fixe
de la récolte, d'où la difficulté d'estimer exactement ce que le propriétaire recevait du
fermier après cette date.
96
Tim J.A. Le Goff & Donald M. G. Sutherland
46. Chaline, J.-R, 1968, pp. 185-202. Voir aussi les remarques méthodologiques de
С Gindin, 1982, pp. 1-34.
47. Clère, J.-J., 1988, pp. 340-343 : baux à Hortes, Beauchemin et Langres. Nous
avons réduit les chiffres à un indice commun (base 1790 = 100), en interpolant des
estimations des années 1799-1804 pour Beauchemin par régression loglinéaire.
97
Histoire & Mesure, 1999, XIV-1/2
Année Indice Année Indice Année Indice Année Indice Année Indice
1790 100 1796 100 1802 115 1808 123 1814 124
1791 100 1797 100 1803 115 1809 123 1815 124
1792 100 1798 112 1804 115 1810 123 1816 127
1793 100 1799 114 1805 115 1811 123 1817 117
1794 100 1800 114 1806 115 1812 123
1795 100 1801 115 1807 115 1813 124
Dans la plupart des cas, des baux sont stipulés en argent. En 1893.
D. Zolla avait déjà étudié, plusieurs dizaines de baux en provenance
d'institutions hospitalières, et couvrant qui allait du XVIIe jusqu'au
XIXe siècle 49. À partir de son travail et de quelques autres monographies
48. AD, Loir-et-Cher, Hôpital de Blois, baux des métairies du Mairie, du Portail et
de Champoteau, В 142, 143, 160. Prix de 1790 à Blois en série P (non-classée), Tarif du
prix des grains et autres denrées, de l'an XIII à 1816 dans E. Labrousse, R. Romano &
EG. Dreyfus, 1970, p. 124.
49. Zolla, D., 1893, pp. 299-326, 439, 61, 686-705 ; 1894, pp. 194-216, 417-32, et
surtout, 1888, pp. 49-78. Voir aussi P.-C. Dubost, 1870a, pp. 329-351, 1870b, pp. 17-
37 ; F. Lallier, 1858. Notons que les revenus fonciers de l'hôpital du Mans n'ont
augmenté que de 16,5 % entre 1790 et 1816. Ce chiffre assez modeste s'explique en
partie par la vente de quatre fermes, onze bordages et quatre pièces de terre détachées
sous le régime de la loi du 23 messidor an nqui exigeait la vente des terres des institutions
hospitalières. Les administrateurs des hôpitaux firent opposition à cette loi un peu
partout. (A.D. Sarthe, Hôpital du Mans, HG 1159/1, « État des dotations de l'hospice
civil du Mans... », 20 juillet 1816). Nos chiffres diffèrent, et de loin, de ceux fournis par
l'hôpital. Selon les baux conservés dans les archives de l'hôpital, le loyer de trente et une
métairies avaient augmenté de 47,1 % entre 1790 et 1816 (/Wi/.,dossiers individuels des
fermes). La différence provient, sans doute, de la méthode adoptée par les administrateurs
98
Tim J.A. Le Goff & Donald M. G. Sutherland
de la même époque, nous avons établi les indices suivants pour les baux
en 1789 et en 1815 {Cf. tableau 7) 50 :
1789 1815
Indice Nouvel
Zolla indice
Hospice de Rouen (10 fermes près de Rouen) 100 136 140
Hospice du Mans :
- Arrt du Mans (19 fermes) 100 126 126
- Arrt. de La Flèche (4 fermes) 100 130 139
- Arrt. de St-Calais (3 fermes) 100 117 116
- Arrt. de Mamers (4 fermes) 100 136 131
- Arrt. de Mamers, Le Mans etc. (groupe
supplémentaire, 28 fermes) 100 124 132
- Dépt de la Mayenne (5 fermes) 100 92 95
Hospice de Sens (4 fermes) 100 159 165
Hospice de Bourg (Ain, 26 fermes) 100 100 100
qui calculaient les paiements en nature et qui ne comptabilisaient que les paiements
vraiment reçus, et non pas ce qu'ils auraient dû recevoir selon les baux. En fait, l'hôpital
ne recevait qu'une partie de ses loyers, signe de difficulté pour les fermiers. En 1788, on
ne payait que 60 % des loyers des métairies ; en 1789, 55 % (Ibid., HG 113-14, Sommaire
des comptes).
50. Nos indices proviennent des pourcentages calculés par D. Zolla qui a
additionné les revenus des groupes de fermes. Nous présentons entre parenthèses un total que
nous avons recalculé, quand cela a été possible, à partir des indices de chaque ferme.
51. Voir surtout D. Zolla, 1888, pp. 50-1.
99
Histoire & Mesure, 1999, XIV-1/2
Localités Périodes
1789 1795-99 1799-1804 1804-1815
1er baux 2d baux
Région de Rouen 100 (10)* 125 (1)* 112(8)* 110 (5)* 140 (10)*
Arrt. du Mans 100 (19) 112 (130) 124 (11) - 126 (19)
Arrt. de La Flèche 100(4) - 116 (3) 139 (4)
Arrt. de Saint-Calais 100(3) 120 (10) 114 (2) 116 (3)
Arrt. de Mamers 100(4) 99(2) 110 (4) 131 (4)
Ens. des données Zolla 100 (40) 112(17) 117 (28) 110 (5) 131 (40)
Hospice de Bourg (Ain) 100 (26) 150 (26) 100 (26) 100 (26) 100 (26)
Prix du froment (France)** 100 107 125 101 137
100
Tim J.A. Le Goff & Donald M. G. Sutherland
53. Chaline, J.-P., 1968. À rencontre de la plupart des baux pendant cette période,
ceux-ci ne préconisaient pas un retour aux paiements en nature pendant les années
d'instabilité monétaire. Ces données représentent un exemple extrême de la hausse des
loyers. Les fermes de l'hôpital de Rouen étaient situées dans une des régions les plus
riches de France, là où se produisaient les hausses les plus fortes retrouvées dans le
sondage très large mené par Zolla. Pendant la période 1790-1815, cette hausse dépassa
celle du prix des grains de 3 % à 22 %. Acceptons l'estimation tout à fait vraisemblable
de Zolla selon laquelle la dîme représentait l'équivalent de 10 % du prix du bail et
retranchons ce chiffre de la hausse constatée ; la hausse réelle, même dans cette région
riche, se réduit à un taux oscillant entre -7% et + 12%. En employant une régression
loglinéaire pour aligner la courbe des baux de l'hospice de Rouen sur celle du prix des
grains à l'échelle nationale, nous obtenons les valeurs du trend pour les prix et les baux
en 1790 et 1814 reproduites ci-dessous. Prix du froment tirés de E. Labrousse,
R. Romano et F.G. Dreyfus, 1970, pp. 9-10 avec estimations pour la période 1793-1796
de E. Labrousse, 1984, p. 105, que nous avons convertis en hectolitres. La variation des
prix par régions, que nous avons calculée, n'affecte que très peu les résultats pendant
cette période.
101
Histoire & Mesure, 1999, XIV-1/2
54. Taux de croissance annuels (en %) du prix des grains et du montant des baux.
102
Tim J.A. Le Goff & Donald M.G. Sutherland
55. A.D. Seine-Maritime, 7J 37, 77. Cette ferme, située dans la commune de Clères,
avait une superficie de 48 hectares environ. Plus tard, le prix du bail fut réduit à
2 000 francs seulement jusqu'en 1845, mais (signe de la révolution agricole), le locataire
était obligé alors de partager les frais d'assurances et de marnage.
56. Il augmenta de cinq hectares la superficie des prés, et aussi de cinq hectares celle
des bois. Puis, il mit le prix du bail à 2 200 francs en 1825 et, enfin, après 1834, à
1 800 francs.
57. Lemarchand, G., 1989, p. 541 citant A.E. Lechevalier, 1911, pp. 117-163,
273-302 et A.D. Seine-Maritime 3P4/215. Nous avons utilisé les baux d'Angerville-
l'Orcher (1-2), Écultot (3), ferme Dupillon à Bacqueville (4), Anneville (5) et Bertreville
(6). Nous avons laissé de côté les baux hospitaliers contenus dans ce tableau, comme
d'autres dont les montants semblent avoir été mal reproduits. Nous avons utilisé
également P. Brunet, 1960, pp. 509-510 et A. Descoqs, 1923, pp. 387-389. Sur la crise
presque ininterrompue dans le Calvados entre le Premier et le Second Empire (1810-
1855), voir aussi G. désert, 1977, pp. 30-40.
103
Histoire & Mesure, 1999, XTV-1/2
Domaines
Pays de Caux/Seine-Inférieure Avranchin Île-de-France/Picardie
12 3 4 5 6 7 8 9 10 11
1774 65
1777 91 69
1778
1779 100 100
1780 100 100
1784 100 100
1785 100
1786 100 100 100
1789 100
1790 100
1791 180 112
1792 109
1793
1794 119
1795 150
1796 156
1797 83
1798
1799 81
1800
1801 83 120
1802 96
1803
1804 131 190
1805
1806 76
1807 127 253
1812 119 208
1813
1817 150 110
1818 110
104
Tim J.A. Le Goff & Donald M.G. Sutherland
58. Cité par D. Zolla, 1888. Voir aussi P.-C. Dubost, 1870b, pp. 18-21.
59. Contribution foncière, contribution mobilière, patente et, dès 1798-1799, impôt
sur les portes et fenêtres. Les sources utilisées sont les suivantes : A.N., С 393 (503) ;
A.D. IX 505, 583, 585-586 ; AF III 120 (559), 130 (608). B.N., Lf15816, État des recettes
et dépenses faites au trésor public..., Paris, 1790-91 ; Lf158 19-20, Compte rendu à la
Convention par les commissaires de la trésorerie nationale de leur administration depuis
le 1er juillet 1791, [s.d.], [s.l.] et par les commissaires de la trésorerie nationale..., [s.d.],
[s.L] ; Lf158 32-35, Administration des finances..., Paris, an VIII- 1808 (B.N., Lf158 32),
Compte de l'administration des finances, Paris, 1809-1814, Compte rendu par le ministre
secrétaire d'État des finances, Paris, 1817-1824 et Compte général de l'administration
des finances, Paris, 1825-1859 ; 4° Lf156 26, Comptes rendus par les ministères, Paris,
1814-1843 ; Lf190 3, Département des contributions publiques. Compte rendu par le
ministre au 1er février 1793, Paris, 1793 ; Bruguière, A., 1969 ; Archives
parlementaires, 2e sér., XV, pp. 564-568 ; Ramel de Nogaret, D.V., an IX ; Hennet, A.-J.-V,
1816 ; Braesch, F., 1936 ; L. Salefranque, 1897, pp. 55-61. Nous avons estimé les
centimes additionnels des départements et les frais de collecte à 20 % (ce qui est plutôt
en-dessous de la vérité pour la période 1791-1795 et à 10 % pour la période antérieure
à 1789. Nous avons ensuite converti les valeurs originelles (données entre parenthèses)
en utilisant la table de P. Caron, 1909, LII-LV. Nous avons calculé les chiffres par tête
d'après L. Henry et Y. Blayo, 1975, p. 95. On trouvera d'autres estimations,
mensuelles, des impôts au début de la Révolution dans S. Harris, 1930, pp. 47-53 et dans
F. Braesch, 1934. S. Harris et F. Braesch traitent du total des impôts mais leurs
données ne sont pas incompatibles avec les nôtres.
60. Selon un technicien du fisc de l'époque, les impôts fonciers sous l'Ancien
Régime auraient constitué 80 % des impôts directs (Hennet, A.-J.-V, 1816). Cette
proportion tomba aux trois-quarts environ après 1790 et demeura plus ou moins stable
jusqu'à la fin de la Restauration. En 1830, la proportion était de 70,6 % ; elle continua à
105
Histoire & Mesure, 1999, XIV-1/2
C'est sans doute ici que l'on trouve l'explication la plus probable du
mouvement des loyers pendant cette période. Dans les années de hausse
des prix agricoles, les paysans supportaient tant bien que mal les
augmentations de loyer, mais les refusaient lorsque les prix s'orientaient
à la baisse. La lenteur que mirent les révolutionnaires à imposer la
nouvelle fiscalité votée en 1790 donna un répit au monde rural : les
propriétaires en profitèrent pour incorporer dans le loyer la dîme, puis les
droits seigneuriaux. Avec un peu de retard, la nouvelle rigueur dans la
collecte des impôts, dès 1797, explique en partie la baisse ou la
stagnation de la rente foncière après le tournant du siècle. De la même
manière, la montée de l'impôt après 1809, conjuguée avec la chute des
prix agricoles dans les années 1820, explique le gel des loyers après
baisser par la suite tout au long du XIXe siècle ; voir aussi L. Salefranque, 1897,
pp. 56-57.
61. D. Zolla croyait que les impôts directs avaient décliné pendant toute la période
révolutionnaire parce que le principal de la contribution foncière était en chute constante
à partir de 1791 et jusqu'au dix-neuvième siècle (voir D. Zolla, 1896, pp. 139-213).
Mais ses calculs ne tiennent pas compte des centimes additionnels des départements et
des communes, lesquels variaient d'une année à l'autre et pouvaient être très lourds par
moments. Par exemple, sur les domaines de l'hôpital du Mans, les centimes additionnels
représentaient au moins un cinquième de l'impôt foncier de l'an VII (AD, Sarthe, Hôpital
du Mans, HG 1466, « Extrait des matrices des rôles de la contribution foncière de l'an
1 ... », s.d.). En revanche, les centimes additionnels dus par la ferme de Bonneuil, qui
appartenait à l'hôpital de Gonesse, ne représentaient que 13 % de l'impôt total. Le niveau
de l'impôt était très élevé, presque 35 % du revenu net dans les deux cas (Archives
hospitalières de Gonesse, P 21). D. Zolla ignorait aussi l'effet de l'inflation monétaire et
des arriérés sur la collecte des impôts, tous facteurs de grande importance pendant la
Révolution. Enfin, il n'a pas calculé les sommes réellement collectés par l'État, ce que
nous avons fait.
106
Tim J.A. Le Goff & Donald M. G. Sutherland
107
Histoire & Mesure, 1999, XIV-1/2
62. C'est ainsi qu'après une récolte relativement bonne et à la suite de la chute des
prix de 1810, le préfet de l'Eure fit remarquer au Ministre de l'Intérieur qu'« en Beauce
les fermiers sont aux abois pour payer impôt et fermage vu la baisse soutenue des
grains ». A.D. Eure 7M 4, Série de questions adressées à MM. les Préfets.... [brouillon du
4 octobre 1810].
63. Voir, inter alia, H. Clout, 1983, surtout pp. 60-63 et l'analyse, remarquable, de
ce mouvement par G. Grantham, 1989, pp. 43-72, tous deux accompagnés de notes
bibliographiques particulièrement abondantes.
108
Tim J.A. Le Goff & Donald M.G. Sutherland
109
Histoire & Mesure, 1999, XIV-1/2
110
Tim J.A. Le Goff & Donald M. G. Sutherland
Nous voilà donc revenus aux résultats des décisions prises par les
législateurs. Car ce que les rentiers, les journaliers, les propriétaires et les
usuriers laissèrent au producteur fut pris, tôt ou tard, par l'État. La
Constituante ayant fixé l'impôt direct à un niveau proprement
astronomique en 1791, son fardeau ne fut atténué que par l'inflation, les
conquêtes, et la résistance des contribuables. Même au plus fort de
l'inflation monétaire, les autorités réussirent à faire rentrer des sommes
importantes 73. C'est ainsi que, en 1793, les producteurs furent obligés
d'utiliser les bons de réquisition qu'on leur avaient délivrés au taux fixe
du maximum, en échange de leurs produits dont les prix s'envolaient
avec l'inflation révolutionnaire, pour payer l'arriéré de leurs impositions
ainsi que les deux tiers des impôts de l'année courante : pas de gain
inflationniste pour ces producteurs 74. La fixation des prix à un niveau
artificiellement bas par les lois du maximum en 1793 et 1794, et la
manipulation du marché des espèces dans les campagnes 75 gonflèrent le
montant de l'impôt payé par les ruraux au-delà même de ce que
laisseraient entendre les estimations du tableau 9, établies d'après les
taux officiels de conversion. À partir de 1797, l'impôt direct
effectivement perçu s'approchait, voire dépassait son niveau d'Ancien Régime,
pour ne baisser que dans la décennie 1820. Ce qui ne dut guère
encourager l'investissement productif.
Mais c'est l'économie dirigée de 1793-1797 et ses séquelles, la
dépression de 1797-1798 en particulier, qui paraissent les plus néfastes.
C'est une erreur commune de croire que l'effort dirigiste des
révolutionnaires se limita au fameux Maximum de l'an II, comme c'en est encore
73. Ramel de Nogaret, D.V., an IX, pp. 30-31 et 35 estime le rendement moyen
annuel du revenu des impôts perçus à 300 millions de francs argent, même à cette
époque, mais ce chiffre comprend des impôts indirects et d'autres recettes.
74. Bloch, C, 1915, pp. 447-449.
75. Sur la manipulation des assignats par les receveurs eux-mêmes, voir R. SCH-
NERB, 1933, p. 260.
111
Histoire & Mesure, 1999, XIV-1/2
une de penser que l'abolition des contrôles vers la fin de 1794 rétablit le
libre-échange. En fait, le marché céréalier resta étroitement réglementé
jusqu'à la fin de 1797. La Terreur finie, la Convention accorda aux
autorités locales des pouvoirs contraignants plus forts que pendant
l'an II, y compris l'arrestation des contrevenants, la prise en otage des
maires ruraux, et l'établissement de garnisons dans les communes
réfractaires à la loi. De toute façon, la fixation des prix, combinée avec
l'obligation d'accepter en paiement un papier-monnaie dont la valeur
s'effondrait chaque jour, agissait comme un impôt clandestin sur les
surplus agricoles. On toucha même à l'outil de travail par les réquisitions
de bétail, de chevaux et de charrettes. Certes, le Maximum avait facilité
les opérations des fournisseurs militaires, ainsi que l'approvisionnement
des villes. Mais ce sont les campagnes qui en payèrent le prix : il faudra
du temps pour remplacer les animaux réquisitionnés, ou pour compenser
le départ des journaliers à l'armée 76.
Puis, à partir de 1797, les autorités ayant enfin décidé d'exiger la
totalité de l'impôt et des arriérés, en imposant, au besoin, des garnisons
chez le paysan, ceux-ci furent obligés d'inonder le marché de leurs
produits. Les prix, déjà déprimés par une récolte abondante, chutèrent.
Comme le dit justement R. Schnerb « les ruraux troquèrent le maximum
et les réquisitions contre la mévente et un plus grand besoin d'argent » 77.
Dans les deux cas, ce furent précisément ceux qui, dans le scénario
physiocratique, auraient dû constituer le fer de lance de l'expansion, qui
finirent par financer, non l'essor agricole, mais plutôt la dilatation,
éphémère, des frontières nationales.
À cause de ces difficultés, ainsi que des pertes occasionnées par la
guerre civile dans l'Ouest, les éleveurs eurent bien du mal à profiter du
court intermède, au début de l'Empire, durant lequel le déclin des prix
céréaliers et la hausse du salaire semblaient leur promettre des débouchés
plus larges. En 1805, les hauts prix, selon un observateur bien informé,
étaient le fait d'un manque de bétail, fruit des désastres de la décennie
précédente : « la Révolution et ses événements les ont rendus beaucoup
plus rares... La Vendée et le [sic] Cholet, depuis les guerres civiles,
produisent moitié moins d'élèves qu'avant la Révolution... Les marais de
Rochefort ont... conservé leur belle espèce [mais] ils fournissent
beaucoup moins qu'avant la Révolution. L'espèce est prête à manquer
partout ». On tua plus jeune à cause du manque de fourrage, ce qui
diminua d'autant le poids de viande. « La Révolution, la guerre, les
besoins extraordinaires, les sécheresses de l'an 10 et 11 [1802-1803] ont
112
Tim J.A. Le Goff & Donald M.G. Sutherland
78. A.N., F10 510 : Vrai point de vue sur l'État des Bestiaux en France [1805]. Il est
intéressant de noter que la plupart des observations citées dans A. Chabert, 1949, pp. 91
et suiv. décrivant l'abondance de la viande dans le régime des paysans viennent de
voyageurs anglais visitant la France après la paix d'Amiens, donc lorsque la crise
fourragère, à laquelle nous venons de faire allusion, les obliger à abattre leurs bestiaux.
Nous restons quelque peu sceptiques à l'égard des affirmations d'A. CHABERT (1949,
pp. 220) et de G. Postel-Vinay, 1989, p. 1028, concernant l'abondance du bétail
pendant la Révolution et l'Empire. Sur la nécessité d'avoir recours aux importations de
bestiaux de l'étranger pour approvisionner Paris, voir L. Bergeron, 1963, [1964],
pp. 197-232 et A.N., F10 510 : rapport au Ministre de l'Intérieur, 10 septembre 1810.
79. Dupâquier, J. & al., 1988, pp. 77-80.
80. Marion, M., 1927, p. 201, n° 3 ; Husson, A., 1856, pp. 149, 154 et 195 ;
Benoiston de Châteauneuf, L.-F., 1820, pp. 106-109 ; Bergeron, L., 1963 ; Lachi-
ver, M., 1984, pp. 344-354.
113
Histoire & Mesure, 1999, XIV-1/2
114
Tim J.A. Le Goff & Donald M. G. Sutherland
115
Histoire & Mesure, 1999, XIV-1/2
Régime. On ne doit surtout pas combler le vide statistique entre les deux
dates par une ligne horizontale en tirets. Un tracé concave, en forme de
soucoupe, conviendrait mieux pour commémorer, sobrement, la perte
d'une génération de croissance et de développement économique.
BIBLIOGRAPHIE
Aglhon, Maurice, DÉSERT, Gabriel & Specklin, Robert, Histoire de la France rurale,
III, Apogée et crise de la civilisation paysanne, 1789-1914, Paris, Seuil, 1976.
Archives statistiques du Ministère des Travaux Publics, de l 'Agriculture et du Commerce,
Paris, 1837.
BACHASSON de Montalivet, Jean-Pierre, Exposé de la situation de l'Empire présenté au
corps législatif, dans la séance du 25 février 1813, Paris, Imp. de Hacquart, 1813.
Baudot, M., «L'enquête de 1813 sur les bovins», Actes du quatre-vingt-douzième
congrès national des sociétés savantes, Strasbourg et Colmar 1967. Section
d'histoire moderne et contemporaine, Paris, Bibliothèque nationale, 1970, I,
pp. 51-68.
Benoiston de Châteauneuf, Louis-François, Recherches sur les consommations de
tout genre de la ville de Paris en 1817 comparées à ce qu'elles étaient en 1789,
Paris, chez l'auteur, 1820.
BERGERON, Louis, « Approvisionnement et consommation à Paris sous le Premier
Empire », Paris et Ile-de-France, XIV, 1963, [1964], pp. 197-232.
BLOCH, Camille, Les contributions directes. Instructions, recueils de textes et notes,
Paris, E. Leroux, 1915, pp. 447-49.
Block, Maurice, Statistique du bétail en France. Statistique comparative des animaux en
France d'après les recensements de 1812, 1828 et 1839, Paris, Société nationale et
centrale d'agriculture, 1850.
BONNAIRE, Félix, Mémoire au ministre de l'Intérieur sur la statistique du département
des Hautes-Alpes, Paris, Impr. Des Sourds-muets, an DC.
Braesch, Frédéric, Finances et monnaie révolutionnaires, I-II, Nancy-Paris, Maison du
livre français, 1934-1936.
Braudel, Fernand & Labrousse, Ernest, (eds.), Histoire économique et sociale de la
France, III, 1, Paris, PUF, 1976.
BRUGIÈRE de Barante, Claude-Ignace, Observations sur les états de situation du
département de l'Aude envoyés au Ministère de l'Intérieur..., Paris, [s. п.], an X.
Bruguière, Michel, La première Restauration et son budget, Genève, Droz, 1969.
Brunet, Pierre, Structures agraires et économie rurale des plateaux tertiaires entre la
Seine et l'Oise, Caen, Soc. D'Impr. Caron, 1960.
Bruslé de Valsuzenay, Claude-Louis, Tableau statistique du département de l'Aube,
Paris, Le Clere, an X.
Caron, Pierre, Tableaux de dépréciation du papier-monnaie, Paris, Impr. nationale, E.
Leroux, 1909.
Chabert, Alexandre, Essai sur les mouvements des revenus et de l'activité économique
en France de 1798 à 1820, Paris, M.-Th. Genin, 1949.
Chaline, Jean-Pierre, « Les biens des hospices de Rouen. Recherches sur les fermages
normands du XVIIIe au XXe siècle », Revue d'histoire moderne et contemporaine,
LXVI, 1968, pp. 185-202.
Chaptal, Jean-Antoine, De l'Industrie françoise, Paris, A.-A. Renouard, 1819.
116
Tim J.A. Le Goff & Donald M.G. Sutherland
117
Histoire & Mesure, 1999, XIV-1/2
118
Tim J.A. Le Goff & Donald M. G. Sutherland
119
Histoire & Mesure, 1999, XTV-1/2
Zolla, Daniel, « Les variations des prix et du revenu des terres », L'Économiste
français, II, 1888, pp. 629-632.
Zolla, Daniel, « Les variations du revenu et du prix des terres en France au XVIIe et au
XVIir siècle », Annales de l'École libre des Sciences politiques, VIII, 1893,
pp. 299-326, 439, 61, 686-705, IX, 1894, pp. 194-216, 417-32.
120