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54 CORRESPONDANCE LITTERAIRE,

de Farchevêque de Cantorbérya Varchevêque deParis ( i )>


écrite de Ferney, dans le procès de Bélisaire, était supé­
rieure à la Lettre de Pinzo pincé. Je vois dans celte Lettre
que le pape à écrit un bref à M. le maréchal de Biron
pour le remercier d’empêcher les Soldats aux Gardes de
lirê \ Encyclopédie. Au reste, après les familiarités que
le Patriarche se permet avec Sa Sainteté, si je sais bien
juger le baromètre de Ferney, nous devons trouver dans
la première production un grand éloge de Ganganelli
Clément X I V , pour effacer ce petit péché.
Le seigneur Patriarche est prédestiné à recueillir du­
rant sa vie tous les hommages et toutes les'injures; mais
les hommages se perpétueront d’âge en âge, et les injures
disparaîtront, comme les petits torts seront oubliés à la
suite de tant de signalés bienfaits envers le genre hu­
main. M. de Caux de Cappeval, attaché à la cour pala­
tine, vient de publier la Henriade en vers latins. Il ne man­
que à M. de Caux de Cappeval que d’être un Virgile pour
rendre cet hommage aussi éclatant que flatteur; mais je
crois que l’on continuera de lire la Henriade en fran­
çais (2).

Immédiatement après l’hydroscope provençal et son


évangéliste ( 3 ) M arin, marchera dans la Légende dorée
de 1772 M. l’abbé Desforges, chanoine d’Etampes, avec
son .char volant. Si la promesse magnifique de voyager
dans les airs et de faire trente lieues par heure n’a pu se
faire écouter au milieu du tourbillon de P aris, je vois
qu’en revanche elle a fait une forte sensation dans les
pays étrangers, et qu’on s’attend en plusieurs endroits de

(x) V o l t a ir e , édit. Lequien , t. X L V ,p . 2 77.


(2) V oir t. I I , p. 1 0 1 , et notes. ( 3) V o ir précédemment p. 42»

fl
J U IL L E T 1772 . 55

voir arriver le chanoine Desforges dans sa gondole aé­


rienne. Mais son premier essai n’a pas été heureux. 11
s’est fait porter par quatre paysans sur une hauteur, près
Etampes; et dès qu’il leur a dit de lâcher la gondole,
il est tombé à terre; mais il en a été quitte pour une lé­
gère contusion au coude. On ne brûlera jamais le cha­
noine d’Etampes comme sorcier. Tout ce qu’il sait de
magie se réduit à une chose très-simple : il a fabriqué
une espèce de gondole d’osier, il l’a enduite de plumes,
il l’a surmontée d’un parasol de plumes; il s’y campe
avec deux rames à longues plumes, et il espère, à force
de ramer, de se soutenir dans les airs et de les traverser. ( 1)
Le miracle ne s’est pas encore fa it, mais il peut se faire
encore, et la foi du chanoine se soutient malgré sa cul­
bute. Au reste ce n’est pas la première fois que l’abbé
Desforges a fait parler de lui. Il composa, il y a douze
ou quinze an s, une brochure pour prouver l’obligation
où était tout prêtre catholique d’épouser une fille chré­
tienne (a). Cette production édifiante, n’ayant pas per­
suadé la cour de Rome, lui procura un logement à la Bas­
tille, d’ou il fut envoyé au séminaire de Sens. Pendant ces
deux pénitences, ayant eu le loisir d’examiner à fond les
amours des hirondelles, il composa un poème sur ce su­
jet. 11 voulut le faire imprimer. On n’y trouva point d’hé­
résies, mais tant de sottises et de détails lubriques, qu'on
lui défendit de le publier, sous peine d’être enfermé de
nouveau, et pour toujours. Depuis ce temps, il s’est jeté

(1) Une expérience un peu plus heureuse a été faite par un horloger de
Vienne, nommé Deghen , qui s’élança du sommet de la cathédrale de cette
capitale, élevé de i 38 mètres. U renouvela ses essais en i 8 i 3 au jardin de
Tivoli à Paris. U n appareil volateur est en ce moment (octobre 1 8 2 9 ) bout
mis à l’examen de l’Académie des Sciences. (a) V o ir t. I I \ p. 276.
56 CORRESPONDANCE LITTÉRAIRE,
dans la mécanique. Sa première idée fut de donner des
ailes à un paysan. Il l’empluma de la tête aux pieds, le
mena dans cet équipage au haut d’un clocher , et lu i
ordonna de s’élancer hardiment dans les airs. Le paysan
eut le bon sens de n’en rien faire et de lui rendre ses
plumes. Alors le chanoine eut recours à sa gondole vo­
lante, et la proposa par souscription. Il est aisé de pré­
voir qu’elle le mènera droit aux Petites-Maisons.

Histoire abrégée des Philosophes et des Femmes célè­


bres; par M. de Bury ; deux volumes in -ia . Si vous vous
rappelez YHistoire de Henri IF et de Louis X III ( i ) , par
ce M. de Bury, vous vous dispenserez de lire son His~
toire abrégée des Philosophes, et vous ferez fort bien.
Il dit qu’il n’a ^>as composé pour les savans, mais pour la
jeunesse; et si la jeunesse doit être nourrie de platitudes
et de lieux communs, elle trouvera en M. de Bury un ex~
cellent père nourricier. Cette Histoire commence par le
philosophe Hénoch, fils du philosophe C aïn, qui assomma
son frère le piétiste Abel, et finit par l’athée Spinosa f dont
les idées ont été mises depuis quelque temps à la portée
de tout le monde. Quant aux femmes philosophes, M. de
Bury commence par la prophétesse Débora, femme de
Lapidoth, et finit par l’impératrice-reine Marie-Thérèse
d’Autriche, fille de l’empereur Charles VI. Agnès Sorel,
maîtresse du roi de France Charles V I I , se trouve ainsi
placée, dans le bréviaire M. de Bury, entre une prophé­
tesse de l’Ancien Testament et l’auguste régénératrice
de la maison d’Autriche.
Feu M. de Bernstorf eut le tort de protéger ce B u ry;

(x) VHistoire de la vie de Louis X III , de de Bury, est de 17 6 7 et form e


quatre vol. iu -ia . Pour celle de Henri IF , voir précédemment t. V , p* 35 .

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