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DOI : 10.4000/books.septentrion.14806
Éditeur : Presses universitaires du Édition imprimée
Septentrion ISBN : 9782859398972
Lieu d'édition : Villeneuve d'Ascq Nombre de pages : 232
Année d'édition : 2005
Date de mise en ligne : 11 octobre 2017
Collection : Éducation et didactiques
ISBN électronique : 9782757418994
http://books.openedition.org
Référence électronique
BRONCKART, Jean-Paul (dir.) ; BULEA, Ecaterina (dir.) ; et POULIOT, Michèle (dir.). Repenser
l'enseignement des langues : Comment identifier et exploiter les compétences ? Nouvelle édition [en ligne].
Villeneuve d'Ascq : Presses universitaires du Septentrion, 2005 (généré le 18 octobre 2017). Disponible
sur Internet : <http://books.openedition.org/septentrion/14806>. ISBN : 9782757418994. DOI :
10.4000/books.septentrion.14806.
Jean-Paul Bronckart
Ecaterina Bulea
Michèle Pouliot
(éds)
REPENSER
L’ENSEIGNEMENT DES LANGUES :
comment identifier et exploiter
les compétences ?
La collection « Education et Didactiques »
est dirigée par Yves Reuter
REPENSER
L’ENSEIGNEMENT DES LANGUES :
comment identifier et exploiter
les compétences ?
En application de la loi du 1er juillet 1992 relative au code de la propriété intellectuelle, il est interdit
de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage sans autorisation de l’éditeur ou du
Centre Français d’Exploitation du Droit de Copie.
(20, rue des Grands Augustins - 75006 Paris)
ISBN 2-85939-897-x
ISSN 1281-7597
Livre imprimé en France
INTRODUCTION
Pourquoi et comment repenser
l’enseignement des langues ?
Jean-Paul Bronckart, Ecaterina Bulea &
Michèle Pouliot
UNIVERSITÉ DE GENÈVE
1. Ce programme de formation continue a été mis en place en 1991 par Daniel Coste,
alors directeur de l’Ecole de Langue et de Civilisation Françaises de l’Université de
Genève (ELCF). Dès 1993, il a été placé sous la direction de Jean-Paul Bronckart, pro-
fesseur à la Section des Sciences de l’Education de la même université ; il est actuelle-
ment pris en charge conjointement par cette section et par l’ELCF, et bénéficie
également de la collaboration de l’Ecole de Français Moderne de l’Université de
Lausanne. La conception du programme implique le suivi et l’évaluation de cinq
modules thématiques, correspondant à un total de 30 crédits ECTS.
8 REPENSER L’ENSEIGNEMENT DES LANGUES :
sent pour la même fin : devenir des hommes, c’est-à-dire des créatures
raisonnables, maîtres de la création et images de leur créateur. Ce sont
donc tous les enfants qu’il faut élever, de manière à les pénétrer de
savoir, de vertu et de religion. » (Comenius, Didactica Magna, traduc-
tion in Prévot, 1981, pp. 70-71)
5. Comme le relève Puren (1989, pp. 11-12), en France, certains ont imputé la défaite de
1870 à la « supériorité de l’enseignement allemand », et ont considéré que la maîtrise
des langues vivantes constituait désormais un enjeu de « défense nationale ». Bien
plus tard, des positions analogues ont été soutenues aux USA : la défaite de Pearl
Harbor, comme la supériorité technologique de l’URSS (avec le lancement du premier
spoutnik) y ont suscité la mise en place de nouveaux programmes et de nouvelles
méthodes d’enseignement des langues étrangères.
20 REPENSER L’ENSEIGNEMENT DES LANGUES :
6. Extrait des Instructions du 29 septembre 1863, cité par Puren, 1989, p. 14.
7. « En tête de toute méthode pour apprendre une langue vivante, il faut inscrire le mot :
prononciation […] Apprendre une langue, c’est d’abord se mettre en état de produire
les sons dont elle se compose. » (Extrait des Instructions du 13 septembre 1890, cité par
Puren, 1989, p. 17).
COMMENT IDENTIFIER ET EXPLOITER LES COMPÉTENCES ? 21
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Enjeux
2. (Re)définir la compétence
3. Une interprétation
interactionniste de la compétence
Individuelle vs collective
La compétence ne relève pas uniquement de la responsabilité indi-
viduelle du sujet parlant ; elle est au contraire liée aux activités d’autrui
aussi bien qu’à des échelles de valorisation et de légitimité collective-
ment élaborées et implicitement ou explicitement partagées par les
membres de groupes sociaux.
Isolable vs contingente
La compétence est contingente à d’autres compétences relevant des
processus de socialisation de l’acteur dans des contextes culturels spé-
cifiques ; les compétences langagières et communicatives interagissent
par exemple de manière complexe avec des capacités socioculturelles
plus larges.
4. Compétences langagières
et pratiques interactives en contexte scolaire
2. Ces extraits sont tirés d’un corpus de leçons de conversation recueillies dans le cadre
du Projet National de Recherche 33 (subside 4033-037912 ; Pekarek, 1999). L’extrait (2)
a fait l’objet d’une analyse antérieure orientée vers des enjeux d’un autre ordre
(Pekarek Doehler, 2002a). Voir en annexe les conventions de transcription.
COMMENT IDENTIFIER ET EXPLOITER LES COMPÉTENCES ? 51
(6) mond/ENV07123e
[Exercice sur les démonstratifs ; les élèves doivent tour à tour proposer
un SN démonstratif. E est l’enseignante.]
1 E Musa. au suivant.. le suivant/après ballon
2 M cette cette trousse
3 E CETTE trousse/comment on écrit
4 (0.5 s)
5 M té [er o u ((en épelant))
6 E [c– non/trousse c’est écrit/mais CETTE trousse
7 M mhm es e ((en épelant))
8 E cé/((en épelant))
9 M cé e té té e ((en épelant))
tatifs, elle peut jouer un rôle tout à fait décisif dans le bon fonc-
tionnement des échanges communicatifs et des pratiques
sociales.
Se pose dès lors la question de savoir comment penser la
coexistence de la stabilité et de la sensibilité contextuelle des
compétences. Sur le plan didactique, une réponse à cette ques-
tion a été proposée avec la notion de genre textuel, désignant des
« formes langagières historiquement forgées, relativement stabi-
lisées, conventionnelles et reconnues socialement » (de Pietro,
2002, p. 57), telle qu’elle est comprise dans les travaux didac-
tiques de Dolz & Schneuwly (1998) par exemple. La notion est
dans ce cadre interprétée comme renvoyant non pas à des types
de productions discursives statiques, mais à des formes de pra-
tiques discursives dotées d’une certaine stabilité, régularité,
organisation récurrente, qui peuvent à leur tour revêtir des
formes variées de réalisation dans différentes situations com-
municatives. Cette notion confère une certaine stabilité aux
compétences à l’intérieur de chacune de ces « formes langa-
gières historiquement forgées », tout en soulignant que le pas-
sage d’une forme à une autre présuppose une adé-
quation/ré-élaboration partielle de ces compétences. Il s’agit
dans cette optique d’enseigner les genres « en tant qu’instru-
ments d’adaptation et de participation à la vie sociale/commu-
nautaire » (Bronckart & Dolz, 2000, p. 37).
Une voie assez semblable a récemment été proposée par Hall
(2003) dans le domaine de la recherche sur l’acquisition des
langues secondes. Cet auteur propose de penser la stabilité des
compétences en termes non pas de genres mais plus générale-
ment d’agrégats de pratiques discursives (aggregates of discour-
sive practice). Cette notion focalise des réseaux d’activités
sociales, et notamment discursives, aux frontières perméables,
qui se déploient et se développent au sein de ce que Lave &
Wenger (1991) appellent des communautés de pratiques ; elle
permet d’envisager les pratiques discursives à la fois en termes
d’accomplissement local et d’activités situées socio-culturelle-
ment, mobilisant des formes de faire et d’agir en partie stabili-
sées et donc régulières, routinières. Elle rejoint la première
proposition en considérant les compétences, dans le cadre d’une
conception du discours comme action, comme des maîtrises
pratiques en vue de la participation aux activités communau-
taires.
COMMENT IDENTIFIER ET EXPLOITER LES COMPÉTENCES ? 65
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXE :
Conventions de transcription
[ ] chevauchements
. .. … pauses
(2 s) pauses en secondes
/ \ intonation montante/descendante\
xxx segment inaudible
exTRA segment accentué
((rire)) commentaires du transcripteur
: allongement vocalique
par- troncation
(il va) essai de transcription d’un segment difficile à identifier
La didactique de l’oral :
savoirs ou compétences ?
Serge Erard et Bernard Schneuwly
IFMES ET UNIVERSITÉ DE GENÈVE
1. Nous utilisons ce terme pour des raisons essentiellement pragmatiques ; s’il est vrai
qu’à un moment très bref de l’histoire de l’enseignement du français, c’est bien
« l’oral » qu’on a proposé d’enseigner, de fait c’est à produire et à comprendre des
textes et à une vision de ce qu’est produire et comprendre que forme l’école ; nous y
reviendrons. Comme formule brève et compris en ce sens, le terme peut être utile, tout
en mobilisant des connotations parfois fâcheuses, notamment par la dichotomie qu’il
introduit entre oral et écrit, dont on sait les problèmes qu’elle pose pour l’enseigne-
ment du français langue première.
2. Ronveaux (2002, 2004) et Rey (2001, 2004) présentent des histoires dédiées spécifique-
ment à l’enseignement de l’oral ; on trouve des éléments dans les histoires de la disci-
pline (voir Boutan, 1996 ; Chervel, 1998 ; Savatovsky, 1999) ; pour une vision de
l’histoire plus récente de l’enseignement de l’oral, voir Marchand, 1971 ; Schneuwly,
1996/7 ; Dolz & Schneuwly, 1998.
3. Pour cette périodisation, nous nous basons également sur un chapitre de la thèse en
cours de rédaction de Thérèse Thévenaz.
COMMENT IDENTIFIER ET EXPLOITER LES COMPÉTENCES ? 71
4. Voir Programme national de pilotage (2003) pour un ouvrage récent qui rassemble diffé-
rentes conceptions de l’enseignement de l’oral.
72 REPENSER L’ENSEIGNEMENT DES LANGUES :
8. Nous nous centrons plutôt sur les capacités de production orale, tout en incluant éga-
lement des dimensions d’écoute et de compréhension. L’ouvrage de Soussi, Baumann,
Dessibourg, Broi & Martin (1998) donne une excellente vue d’ensemble des représen-
tations de l’oral et des capacités de compréhension des élèves de sixième primaire ; il
esquisse également quelques pistes pour développer de nouvelles pratiques qui pro-
longent celles que nous décrivons ici.
74 REPENSER L’ENSEIGNEMENT DES LANGUES :
9. On trouvera dans Dolz, Noverraz & Schneuwly (2001) des exemples de séquences
d’enseignement qui mettent en pratique en classe les éléments ici proposés. Des
démarches similaires ont été entreprises notamment par Vilà i Santasusana (2002) en
Espagne, ou Cordeiro (2003) au Brésil. Les principes organisateurs de ces séquences
sont également en partie à la base du plan d’études cadre suisse romand (PECARO)
actuellement en consultation (www.ciip.ch/ciip/pdf/index-pecaro.pdf).
COMMENT IDENTIFIER ET EXPLOITER LES COMPÉTENCES ? 75
ORAL
ORAL PRIVÉ ORAL PUBLIC
ORAL SPONTANÉ ORAL CONTROLÉ
≠ ORAL SOUTENU ≠ ORAL SOUTENU
ORAL FORMEL
11. C’est la raison pour laquelle nous parlons d’un interactionnisme social et instrumen-
tal (ou sémiotique), mettant en évidence la dimension essentielle des outils sémio-
tiques, dont l’appropriation seule permet la construction de systèmes psychiques
relativement stables, appropriation garantie par les interactions sociales dans les-
quelles fonctionnent d’ailleurs ces outils, sous des formes extérieures et donc diffé-
rentes. Nous n’entrons pas ici en matière sur le processus complexe d’intériorisation
qui est toujours aussi condensation, transformation des outils, différenciation et arti-
culation de systèmes psychiques.
COMMENT IDENTIFIER ET EXPLOITER LES COMPÉTENCES ? 79
12. Nous avons développé en détail ailleurs (De Pietro & Schneuwly, 2003) notre concept
de modèle didactique, en montrant notamment qu’il peut être plus ou moins intuitif
et explicite et en analysant la place théorique qu’il occupe dans le champ de la didac-
tique (du français).
80 REPENSER L’ENSEIGNEMENT DES LANGUES :
Tableau 2
Elaboration d’un modèle didactique du débat
COMMENT IDENTIFIER ET EXPLOITER LES COMPÉTENCES ? 81
13. Nous pourrions bien sûr aussi écrire : savoir-écrire, savoir-lire,… variantes orthogra-
phiques pleines de significations. Laissons la question ouverte et acceptons les deux
orthographes, car les deux font sens ici.
COMMENT IDENTIFIER ET EXPLOITER LES COMPÉTENCES ? 83
saires pour cette construction. Ces savoirs sont d’ordres très dif-
férents, mais peuvent pour l’essentiel être regroupés dans les
grands domaines identifiés par la tradition scolaire depuis
Comenius14, à savoir :
• les langues avec, d’une part un travail sur la langue mater-
nelle dans ses dimensions pratiques et de connaissance,
d’autre part l’apprentissage d’autres langues, conditions pour
connaitre sa propre langue et celles d’autres cultures ;
• les mathématiques ;
• les sciences de la nature, se différenciant notamment en phy-
sique, chimie et biologie ;
• les sciences sociales, principalement la géographie et l’his-
toire ;
• l’expression artistique, comprenant la musique, les arts plas-
tiques, mais également les travaux manuels et l’artisanat ;
• les activités corporelles et physiques, comprenant les activités
de rythmique, de gymnastique, d’éducation physique et spor-
tive.
C’est dans le cadre de ces domaines (ou « disciplines ») sco-
laires que se définissent les savoirs à acquérir, qui sont autant de
manières de répondre à des situations ou problèmes attestables
dans ces mêmes domaines. Rappelons que pour nous, la notion
de « savoir » est large, et inclut les dimensions de savoir faire
aussi bien que celles de connaissances explicites ; dans cette
perspective, les savoirs scolaires se définissent, en principe15,
précisément par le fait que ces deux dimensions y sont inextri-
3.2. L’enseignement
comme dispositif central et
condition du développement
Les savoirs sont instaurés en objets d’étude par l’acte d’en-
seignement, d’abord par le fait qu’ils sont extraits de leur espace
social habituel et rendus présents sous des formes spécifiques
qu’ont développées les différentes disciplines scolaires ; ensuite
par le fait qu’ils sont présentés en tant qu’objets de discours, ce
qui leur donne une forme d’ordre « théorique » ; enfin par le fait
qu’ils s’exercent systématiquement. Cette conception n’im-
plique en rien une démarche d’enseignement à sens unique,
mais insiste sur le fait que l’école est fondamentalement un lieu
où la forme d’apprentissage dominante est celle induite par
l’enseignement tel que nous venons de le définir : l’instauration
de savoirs en objets d’étude. Cette instauration a plusieurs
corollaires intrinsèquement liés à la forme scolaire, et plus par-
ticulièrement les suivantes.
• Le caractère inéluctable de la transposition didactique : les
savoirs, outils des pratiques, y compris scientifiques, sont sor-
tis de leur réseau premier de significations dans des pratiques
sociales et ré-intégrés dans un nouveau réseau qui est celui de
l’espace scolaire, plus particulièrement celui de l’enseigne-
ment/apprentissage ; ils sont mis en scène et re-contextualisés
artificiellement en classe.
• Les effets en sont la désyncrétisation, la dépersonnalisation, la
programmabilité, l’accessibilité/publicité du savoir et le
contrôle social de l’apprentissage. Le savoir utile fonctionnant
comme un tout dans une situation sociale, est fragmenté en
COMMENT IDENTIFIER ET EXPLOITER LES COMPÉTENCES ? 85
16. On voit ainsi autrement encore ce que peut vouloir dire la thèse vygotskienne selon
laquelle le langage écrit réorganise le langage oral.
17. Cette conception contredit fondamentalement certaines lectures américaines de
Vygotski (voir Wertsch, Rogoff ou Cole notamment) mais aussi la conception du
savoir distribué développée par Lave et d’autres, comme le montre Moll (2004) dans
sa thèse récente (voir également Moro, 2001, pour une critique approfondie d’un
point de vue sémiotique). S’il est vrai que toute réalisation de capacités construites
par un sujet implique l’adaptation à un contexte spécifique, il n’en demeure pas
moins qu’il y a une certaine réalité psychique tout de même, une certaine stabilité,
résultat, par l’appropriation d’outils, d’une construction sociale, qui seule permet le
fonctionnement psychique. L’« immédiatisme » de l’ethnométhodologie tend à
négliger ces constructions dans le long terme du développement individuel.
COMMENT IDENTIFIER ET EXPLOITER LES COMPÉTENCES ? 87
18. Ces disciplines sont le fondement de la culture scolaire au sens de Chervel (1998).
19. Il serait intéressant ici de définir quels sont les objectifs réels d’apprentissage de la
langue orale étrangère. L’envahissement de l’école obligatoire par l’apprentissage
des langues pourrait laisser penser qu’il s’agit avant tout d’apprendre à communi-
quer en langue étrangère. Ceci est évidemment aussi le cas. Mais il serait intéressant
de réfléchir autrement à cet apprentissage à l’école obligatoire : « Elle [l’assimilation
d’une langue étrangère] permet à l’enfant de concevoir sa langue maternelle comme
un cas particulier du système linguistique et, par conséquent, lui donne la possibilité
de généraliser les phénomènes propres à celle-ci, ce qui signifie aussi prendre conscience
de ses propres opérations verbales et les maitriser » (Vygotski, 1985, p. 290) ; c’est-à-
dire comme contribution à une meilleure connaissance de son propre fonctionne-
ment langagier, de son identité de locuteur et de la diversité des langues. La
construction de ce type de connaissance implique une expérience du fonctionnement
langagier autre et exige sans doute une méthodologie d’enseignement et d’appren-
88 REPENSER L’ENSEIGNEMENT DES LANGUES :
tissage qui soit moins orientée vers le tout communicatif ; les approches d’eole
(Perregaux et al., 2001) nous paraissent à cet égard prometteuses. En d’autres termes,
apprendre une langue — ce qui doit être fait autant que possible dans les situations
particulières de la classe — est tout autant connaitre ce qu’est une langue (une autre
ou la sienne) qu’apprendre une langue. Tout comme apprendre le français n’est pas
seulement apprendre à communiquer efficacement et sans faute, mais connaitre cette
langue dans son fonctionnement et construire des outils pour comprendre ce qu’il y
a de particulier ou de général dans ce fonctionnement : c’est cela qui facilitera non
pas des transferts, mais la construction de « compétences » dans des situations
diverses, nécessairement imprévisibles.
20. Nous ne nous référons pas ici au concept innéiste de Chomsky ni à celui qui vient de
la théorie hymesienne par exemple, en dehors de questions de formation, comme
COMMENT IDENTIFIER ET EXPLOITER LES COMPÉTENCES ? 89
23. Cependant, la diversité des interprétations possibles du concept est telle que celui-ci
peut tout inclure, y compris ce qui paraissait être presque son contraire : une défini-
tion de situations et de problèmes essentiellement à partir des disciplines. Dans la
conception de Klieme (2004) à laquelle se réfère le projet HARMOS par exemple, le
modèle de compétence s’élabore surtout à partir de situations et de problèmes défi-
nis par la discipline scolaire.
24. Certains vont plus loin encore dans la critique de la notion de compétence. Dans la
mesure où elle est empruntée au monde du travail (être opérationnel dans des situa-
tions complexes, être efficace, être rentable), elle est régie par des contraintes le plus
souvent étrangères au monde de l’éducation. Même si l’école publique et obligatoire
subit de fortes pressions des milieux économiques, nombreux sont ceux qui refusent
une école à visée utilitariste. De là à considérer « la logique des compétences asser-
vie au projet dérégulateur de l’idéologie néolibérale », il n’y a qu’un pas, que Crahay
(2003) n’hésite pas à franchir.
94 REPENSER L’ENSEIGNEMENT DES LANGUES :
En guise de conclusion
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Exemple 2
Je suis de ceux qui ont horreur Je suis de ceux qui pensent que
des entractes ainsi que des la lecture des bandes dessinées
bruits qu’ils génèrent ! Cela dit, par un enfant est mauvaise.
comme j’ai deux jeunes enfants Cela dit, comme il y a des
qui aiment le cinéma et adorent enfants qui aiment beaucoup
les petits à-côtés que celui-ci lire, je proposerais que les
comporte (pop-corn, coca, etc.), parents choisissent le type de
je proposerais que l’on fasse un bande dessinée pour éviter une
entracte pour les films destinés influence nuisible.
au jeune public et pas d’en-
tracte pour les autres.
3. Nous nous référons ici aux situations des départements de FLE des univer-
sités suisses romandes, dans lesquelles les apprenants ont des provenances
linguistiques diverses.
COMMENT IDENTIFIER ET EXPLOITER LES COMPÉTENCES ? 109
4. Conclusion
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Francis Grossmann
UNIVERSITÉ STENDHAL, GRENOBLE 3
Introduction
2. Les théories qui sous-estiment la part de codage des expressions linguistiques sont
parfois conduites à assimiler sens et stéréotypie, risquant alors d’étendre cette der-
nière notion démesurément ; or, si bon nombre de ces stéréotypes sont partagés par la
COMMENT IDENTIFIER ET EXPLOITER LES COMPÉTENCES ? 121
3. Evidemment, d’autres considérations, liées au peu de probabilité qu’un tel acte soit
commis et à sa faisabilité entrent également en ligne de compte.
126 REPENSER L’ENSEIGNEMENT DES LANGUES :
4. J’en profite pour faire une expérience de lecture : si vous n’avez pas trouvé d’autre
interprétation, reportez-vous au paragraphe suivant.
COMMENT IDENTIFIER ET EXPLOITER LES COMPÉTENCES ? 127
5. On ne peut exclure totalement une interprétation que ne semble pas avoir prévue
Kleiber : celle qu’il y ait un jeu de mots intentionnel sur cette « bonne » partie du
Finistère, qui peut-être, représente ou est à l’image d’une bonne partie du Finistère…
128 REPENSER L’ENSEIGNEMENT DES LANGUES :
6. Cet exemple est également utilisé par Dufays (1994), dans une optique différente de
celle exposée ici.
7. Si l’on fait l’hypothèse fictive – en vérité peu probable – d’un lecteur qui connaîtrait le
sens de « problème philosophique » sans connaître celui de « suicide », on conclut
qu’il construirait le sens de « suicide » comme étant une certaine sorte de problème
philosophique.
132 REPENSER L’ENSEIGNEMENT DES LANGUES :
8. Certains lecteurs ont imaginé par exemple qu’il s’agit d’un endroit « sale ».
COMMENT IDENTIFIER ET EXPLOITER LES COMPÉTENCES ? 133
reconnaisse que, dans hier encore il était vivant, encore porte sur
hier, tandis que dans hier il était encore vivant, encore porte sur
vivant. Quant au champ d’interaction de l’expression, il ne s’identi-
fie pas à la portée, mais prend en compte les éléments du co-
texte immédiat permettant d’interpréter correctement une
expression ou un énoncé. Ainsi, dans un de nos exemples pré-
cédents, le champ d’interaction de l’expression laboratoire com-
porte le verbe locatif sortir de qui permet d’identifier laboratoire
comme un type de lieu. Il est donc assez naturel que le lecteur,
même s’il ne connaît pas le sens du terme, ou qu’il en connaît un
qui ne convient pas, puisse malgré tout reconnaître dans le labo-
ratoire un type de lieu, dans lequel une certaine sorte d’activité
peut être effectuée. Ce sens vague peut suffire, au moins dans
un premier temps, à éviter la panne interprétative. La structura-
tion du co-texte ne se fonde pas toujours sur une base indiscu-
table. Ainsi, dans un texte d’Alexandre Vialatte9, donné à
commenter à des lycéens, une série de phrases indépendantes
permet de peindre par petites touches un décor rural :
L’automne s’obstine au flanc des coteaux. Du maïs, des oiseaux s’en-
volent. Des feux s’allument dans les jardins. Il en monte de hautes
fumées. (…)
Conclusion
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Voir par exemple Lüdi & Py (1986/2002), De Pietro (1988a), Lüdi, Py et al. (1995).
140 REPENSER L’ENSEIGNEMENT DES LANGUES :
Pôle exolingue
(1) (4)
(2) (3)
Pôle endolingue
142 REPENSER L’ENSEIGNEMENT DES LANGUES :
4. Bien que souvent présentée et expliquée, cette typologie présente encore une certaine
variation quant à la visualisation des axes et l’attribution des pôles… Nous reprenons
ici les emplacements tels qu’ils sont présentés dans de Pietro (1988b, p. 72), mais le
système orthogonal est emprunté à Lüdi & Py (2002, p. 161). On trouvera des extraits
de conversation illustrant ces différentes interactions types dans Matthey & de Pietro
(1997).
COMMENT IDENTIFIER ET EXPLOITER LES COMPÉTENCES ? 143
7. L’explication est en fait beaucoup plus longue et a été abrégée pour des raisons de
place. On voit que les opérations à la poste ne demandent pas seulement des connais-
sances lexicales, mais également un savoir-faire culturel qui peut à l’occasion être
explicité.
COMMENT IDENTIFIER ET EXPLOITER LES COMPÉTENCES ? 147
13. http://crim.inalco.fr/recomu/colloque/22.phtml
152 REPENSER L’ENSEIGNEMENT DES LANGUES :
19. Diego Marani, traducteur pour le Conseil des ministres européens, a tenu une
rubrique de politique satirique en europanto dans Le Temps. Il a également écrit Las
Adventures des inspectors Cabillot, (Editions Mazarine, 1999). L’europanto mixe sans
complexe les langues européennes majoritaires (français, allemand, anglais, espa-
gnol, italien) et quelques autres (flamand, latin…).
156 REPENSER L’ENSEIGNEMENT DES LANGUES :
4. Conclusion
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. La Problématique
1. Schneuwly (2000, pp. 24 et sqq) distingue deux gestes : le geste de présentification par
lequel l’enseignant rend présent une première fois l’objet d’enseignement et le geste de
pointage par lequel il déplie, élémentarise, décompose l’objet d’enseignement. Il fau-
drait revenir sur cette distinction, en particulier sur la définition de la « présentifica-
tion » comme milieu didactique dessiné par une « forme quelconque (texte, fiche,
enregistrement, formule, schéma, notation au tableau noir) », selon les termes de
Schneuwly (2000, p.25), mais notre objet est autre ici. A l’occasion du colloque du REF
qui s’est tenu à Genève en 2003, nous avons présenté, avec J.-L. Dufays, une première
formulation de ce qui paraît être au cœur de la médiation. Quant aux questions de
méthodes, notamment celles qui prévalent dans les découpages séquentiels et hiérar-
chiques, elles sont à replacer dans le contexte de la recherche (FNRS 1214-068110),
menée actuellement par le Groupe Romand d’Analyse du Français Enseigné
(GRAFE), visant à décrire et à comprendre la construction et la transformation des
objets enseignés en classe de français.
164 REPENSER L’ENSEIGNEMENT DES LANGUES :
2. L’enseignement belge comprend quatre réseaux gérés par des organes de coordina-
tion autonomes, qui décident des grandes orientations méthodologiques, et qui tra-
duisent en programme les Instructions officielles délivrées par le Ministère. Ces
programmes ne valent que pour les enseignements qui relèvent de leur compétence.
Les deux principaux réseaux, regroupant 84 % de la population scolaire, sont l’ensei-
gnement de l’État, dit « officiel » et l’enseignement subventionné confessionnel, dit
« libre ». Le programme que nous avons analysé relève du réseau libre.
3. Le niveau auquel renvoie cette dénomination correspond au niveau du collège en
France et du cycle post-obligatoire en Suisse.
COMMENT IDENTIFIER ET EXPLOITER LES COMPÉTENCES ? 165
3. Méthodologie de l’analyse
4. Le terme de Van Dijk (1976), repris notamment par Eco (1985, p.130), vise à rendre
compte du moment où le lecteur, après avoir identifié un topic, est prêt à synthétiser
le texte ou une de ses portions en une proposition englobante, résumante. La macro-
proposition de Eco s’applique au récit de fiction ; dans notre analyse des textes offi-
ciels, le terme désigne la structure d’une prescription. Ici, cette structure renvoie à une
ligne de conduite définissant les objets d’enseignement prioritaires. L’appartenance
de ces textes au genre du « décret » est déterminante pour la forme que prendra la
macroproposition de la prescription. Le même raisonnement doit être tenu sur les
macropropositions des essais travaillés en classe par les deux enseignants.
L’appartenance de ces textes au genre de l’« essai » est déterminante pour la forme
que prendra la macroproposition. Nous considérerons que ce terme s’applique à une
structure organisationnelle et renvoie à une forme stéréotypée correspondant peu ou
prou à la structure textuelle (et non à la structure d’un monde auquel le lecteur aurait
recours à l’extérieur du texte). Il faut garder à l’esprit que cette macroproposition est
construite sous le régime d’une coopération textuelle ; à ce titre, elle s’établit sous le
contrôle du texte et dépend du projet générique du texte.
COMMENT IDENTIFIER ET EXPLOITER LES COMPÉTENCES ? 167
6. Au moment de rédiger cet article, Georges Legros faisait une présentation remarquée
de ce document au colloque de l’AIRDF à Québec en août 2004. La rédaction de ces
quelques lignes doit beaucoup à cette présentation critique.
172 REPENSER L’ENSEIGNEMENT DES LANGUES :
Elè. : xxxxx je suis en train de réfléchir c’est avec un film que j’ai vu La
cliente// qui est passé à
Ens. : oui oui oui oui oui ;
Elè. : oui/bien ça me fait/ça m’a fait exactement penser à/à Francis
Huster/quand il/quand il découvre justement ce qui s’est
passé/avecE/avec la famille de son amie/// ça
Elè. : ben que c’/ par exemple ici l’écrivain (élève lit l’extrait du texte 4) suit
sa route et le hasard où les déterminations sociales et psychologiques l’en-
traine/ça m’a fait penser justement que c’est le hasard qu’il
découvre/et quE/et qui ré/et qui réagit d’une façon différentE/euh
de son ami/euh face à sa découverte
Ens. : le/le film dont il parle c’est une adaptation de d’un roman de Pierre
Assouline qui s’appelle La cliente/et donc c’est un/un écrivain qui
en faitE/est spécialisé dans les biographies d’auteur et qui a décidé
d’écrire sur un auteur qui avait eu/une histoire dura/durant la
seconde guerre mondiale/et en fouillant des pièces d’archives/ilE
trouve/unE lettrE/dénonçant la famille de son meilleur ami/euh
comme étant juif/
Elè. : il décide
Ens. : il décide (opine du chef) et selon quel critère// faut bien quand
mêmE/(2s) qu’est-ce qui lui permet de décider
Elè. : que l’élève lui propose mais bon que/avec certaines tec- xxx certaines
sections que avec ses choix à lui aussi quoi// xxx
Elè. : il prend le programme en fonction de lui
Ens. : et avec ses connaissances
Elè. : oui
Ens. : avec sa formation puisqu’il faut quand même reconnaitre/et là c’est
quand même une distinction/qu’on va que tout le monde
accepte/l’enseignant a quand même unE formation// qui n’est pas
terminée// mais euh il a un savoir et un savoir-faire/en plus de
l’élève puisqu’il a il a fait au moins trois ou quatre ans d’étudE/en
plus//
————————————————-recours à un scénario intertextuel
je vais vous prendre un petit exemple qui concerne Saint-
Nazaire/cette école-là avait lié dans les cours les cours de voiles// et
ils euh travaillaient/euh/// en faisant une sorte dE mi-temps/péda-
gogique et/et sportif et la/le côté sportif c’était la voile/il est évi-
dent/que l’enseignant qu’apprenait/euh la conduite des bateaux/il y
a toute une série de cours/ben lui/il a un savoir et on/c’est/des élé-
ments qu’on ne discute pas (mouvement de la main)/doncE/il le
donnait et il fallait comme quand vous passez un/un brevet// ou un
permis/il fallait connaitrE/la matière// elle est indiscutable/donc il
y a des zones/où le le pouvoir ne se discute pas/(Ens. s’assied et
remet ses lunettes)/enfin c’est comme ça que je comprends le/le
texte/parce qu’il ne/n’est pas entré dans le détail///
8. Conclusion
L’analyse des textes officiels a montré que les grandes finali-
tés et leurs traductions en contenus d’apprentissage ne se décli-
naient pas forcément de manière univoque. Cette déclinaison
porte les traces de l’affrontement de deux paradigmes : celui de
l’approche par compétences et celui de la transmission de réfé-
rences culturelles. À quel paradigme peut-on rattacher les pra-
tiques des deux enseignants analysés ci-dessus ? Qu’elles soient
centrées sur le texte du patrimoine ou sur le texte d’actualité,
l’exercice de la lecture que nous avons observé ne correspond ni
à une approche par compétence ni à une approche culturelle.
Toutes les deux sont centrées sur le texte comme « artifice syn-
taxico-sémantico-pragmatique dont l’interprétation prévue fait
partie de son propre projet génératif », pour reprendre les
termes de Eco (1985, p. 84). C’est l’explicitation sémantique de
ce projet génératif qui est visée par les enseignants. Cette acti-
vité éminemment sémiologique se construit sur un double mou-
vement : du lecteur vers le texte lorsque ce dernier avance ses
topics et construit du sens ; du texte vers le lecteur lorsque le
sens construit est contrôlé par les isotopies du texte. Il y aurait
donc un tertium nomen à l’opposition des deux paradigmes qui
s’affrontent dans les textes officiels : une position, somme toute
assez ancienne10, qui articulerait la textualité comme artifice,
10. N’était-ce pas le projet des Cahiers d’analyse textuelle tel qu’il a été formulé par
Georges Legros (1978) ?
190 REPENSER L’ENSEIGNEMENT DES LANGUES :
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Les citations munies d’un astérisque sont reprises du répertoire élaboré par
Toupin, 1998, p. 34. Dans l’ensemble des citations, les soulignements (en gras)
sont de nous.
196 REPENSER L’ENSEIGNEMENT DES LANGUES :
5. Comme on le sait, les conditions d’emploi des termes « agir », « action », « acti-
vité » ou « praxis », sont éminemment problématiques, et nous en avons proposé
ailleurs une analyse que nous ne pourrons reproduire dans le cadre de cette
contribution (voir Bronckart, 2004). Dans la mesure du possible, nous tenterons
de nous en tenir à la notion d’« agir », chaque fois que nous désignerons ce réfé-
rent que constitue l’activité/action pratique humaine.
COMMENT IDENTIFIER ET EXPLOITER LES COMPÉTENCES ? 201
7. Terme créé par Clausius en 1865. Cette notion étant souvent associée à celle de
« désordre », et en général mal comprise, nous en reprendrons la définition de
Lestienne, qui nous paraît la plus compatible avec la théorie originelle de
Clausius : l’entropie est « ce qui change réellement quand en apparence tout
redevient pareil » (1990, p. 171) ; même quand en apparence tout redevient pareil,
ajouterions-nous.
8. L’expression « flèche du temps » a été introduite au début du XXe par le physicien
anglais Arthur Eddington, pour exprimer l’écoulement « directionné » et irré-
versible du temps.
COMMENT IDENTIFIER ET EXPLOITER LES COMPÉTENCES ? 207
5. La compétence langagière
comme processus dynamique
12. A titre d’exemple, la non-congruence de l’énoncé : « Les cinq continents sont les
quatre suivants : l’Europe, l’Asie et l’Afrique » est d’ordre logique et non pas lin-
guistique (2001, p. 144).
COMMENT IDENTIFIER ET EXPLOITER LES COMPÉTENCES ? 215
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
18 €
F 109435
ISBN
2-85939-897-X
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