©CLAUDIOZACC-FOTOLIA

ETUDE

Supply Chain, lusieurs facteurs clefs caracté-

levier de P risent la Supply Chain des

pays émergents. Tout d’abord,
il est essentiel de ne pas sous-
estimer la diversité considé-
rable qui caractérise les marchés
émergents. Le terme « émergent » n'est

compétitivité pas un terme générique qui recouvre

un groupe homogène de marchés.
Ensuite, accéder aux marchés grand

dans les marchés public de façon efficace implique le

développement et l'optimisation de
filières dynamiques. La pénétration
des circuits de distribution au sein

émergents des marchés émergents est une opéra-

tion ardue en raison de leur
fragmentation. L'Inde, par
exemple, compte environ
Les marchés émergents offrent des opportuni- 13 millions de points de
tés de croissance que les industriels, à commen- distribution (les Etats-Unis,
un peu moins de 950.000).
cer par ceux des produits de grande consom-
mation (PGC), ne peuvent se permettre de rater. Un immense potentiel
Mais pour en tirer partie, une approche adéquate Le phénomène des écono-
©SOLVING EFESO

de la Supply Chain est nécessaire. Ce document mies émergentes est bien

parcourt les spécifications clés des Supply Chains connu en général (mais
moins en détail, principale-
classées triple A (Abordable , Accessible , Clive Geldard ment en raison de la fré-
Attrayant) dans les marchés émergents à partir Vice-Président Groupe
Supply Chain et Distribution quence et de l’intensité des
d’une étude réalisée par Solving Efeso. Solving Efeso changements et de leurs

76 N°68 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - OCTOBRE 2012

impacts). Les économies du groupe
BRIC, formé par le Brésil, la Russie,
l'Inde et la Chine, sont au cœur du
sujet, bien que ces pays ne couvrent
pas l'ensemble du périmètre.. Ils repré-
sentent près de 85% de la population
mondiale, en considérant qu'environ
77 % de la population en Asie ne vit
que dans deux pays, la Chine et l'Inde.
Leur croissance est exponentielle mal-
gré leur dépendance toujours signi-
ficative à l'égard de la demande exté-
rieure (mais ceci est déjà en passe de
changer). Des multinationales telles
que Coca Cola, Unilever, Danone et
PepsiCo réalisent 20 % (voire plus) de
leur CA dans les principaux marchés
émergents. Cependant tous ces pays ne
peuvent être abordés de la même
manière. Une prise de connaissance
des spécificités de chacun par une
approche terrain est cruciale.
Desservir les villes,
mais pas seulement
L'émergence rapide de la classe
moyenne en Chine et en Inde est un
point crucial. L’urbanisation de cette
classe de population est rapide et
continue. Fin 2008, environ 45 % de
la population de Chine (600 millions)
vivait en zone rurale, contre 75 % en
1990. Mais l'urbanisation est encore
loin des niveaux atteints dans les
marchés développés.
Les entreprises doivent donc trouver
comment toucher la majorité de la
population vivant hors des principales
zones urbaines. En Inde, par exemple,
près de 75 % de la population vit dans
les campagnes. Autrement dit, envi-
ron 12 % de la population mondiale
vit dans les zones rurales de l'Inde.
La nécessité de Supply Chains dyna-
miques et d'approches flexibles est
largement dictée par les forts
contrastes de densité de la population
rurale et urbaine. Accéder à un mar-
ché considérable en zones rurales en
Asie et en Afrique impose de mainte-
©AUDREY ARKUSHA-FOTOLIA
nir des réseaux de distribution très
étendus.
Les entreprises sont néanmoins sou-
vent confrontées à l'absence de
réseaux routiers ou à leur mauvais
entretien, au faible développement des
infrastructures et au défi que repré-
sentent les distances, parmi d’autres
contraintes géographiques. Réussir forte diversité culturelle si bien qu’à
implique d’adapter les moyens de 200 km près, le profil du marché et les
transport. Unilever, par exemple, aspirations des consommateurs peu-
recourt à une flotte de motos pour vent radicalement changer. Par ail-
livrer ses clients de petits villages iso- leurs la volatilité des prix est plus
lés de pays tels que l'Indonésie. prononcée encore au sein des marchés
émergents, en particulier pour les
Les challenges géographiques denrées agricoles et périssables. Ainsi,
Les dimensions géographiques de en quelques saisons, le prix de la lai-
nombreux pays concernés sont consi- tue a quintuplé au Moyen-Orient en
dérables. Les distances, le climat, entre raison de mauvaises conditions
autres défis rencontrés dans les mar- météorologiques.
chés développés, sont démultipliés En plus du climat et du ravitaillement
dans les économies émergentes (le en eau, d’autres facteurs perturbent la
Soudan à lui seul représente la super- stabilité des approvisionnements et
ficie de l'Europe de l'Ouest). des prix : les variations d’afflux de
Les densités inégales de population devises (problème majeur en Chine et
ont des incidences sur les schémas au Brésil, par exemple) ; l'évolution de
industriels, la planification logistique la réglementation des standards de
et le déploiement de la chaîne d'ap- production (la législation sur les rési-
provisionnement. Ainsi les aspects dus de pesticides cloisonne certaines
géographiques influent-ils aussi bien sources d'approvisionnement) et les
sur les cultures que sur les architec- prix du pétrole agissent sur les coûts
tures de réseaux industriels et logis- de production, de transformation et de
tiques. Ces grands espaces et leurs transport. Tous ces facteurs doivent
territoires sont caractérisés par une être parfaitement compris pour défi-
La Success Story de Cadbury en Inde
Cadbury Inde est un excellent exemple d'entreprise ayant
réussi dans les marchés émergents en introduisant un produit
(relativement) de luxe dans le marché grand public : le choco-
lat. L'étendue du marché était proportionnelle à l'ampleur du
défi. Par ailleurs, les qualités physiques du produit devaient être
maintenues malgré des températures qui avoisinent régulière-
ment 43°C (le chocolat fond à 36°C). Le réseau de vente en
gros était inexistant ou inadapté car davantage focalisé sur des
produits non périssables tels que les savons et les détergents.
Le réseau de distribution Cadbury comprenait 2.100 distribu-
teurs et environ 450.000 détaillants mais la principale difficulté
était d'éviter l’effet de cannibalisation sur les produits vendus
plus chers du fait du nouveau format de packaging, conçu pour
être plus accessible aux consommateurs ruraux.
La solution retenue a été de créer deux réseaux de distribu-
tion distincts, l’un concentré sur les clients grands comptes
déjà présents et l'autre focalisé sur les marchés grand public.
La fixation des prix a joué un rôle clé afin de rendre le chocolat
accessible autant que désirable. Cadbury a adopté la stratégie
clairement définie de générer de la croissance grâce à l'intro-
duction d'unités de packaging plus petites et une gamme plus
concurrentielle alignée sur les prix du marché. Le coût de mise
à disposition est donc devenu un paramètre critique de l'équa-
tion, de même que la mise en place d’une distribution bon
marché. Cadbury est une preuve de réussite sur des marchés
émergents grand public. Cette réussite est le fruit d’une atten-
tion particulière portée à un mix produits adapté de même
qu'une gestion efficace de la Supply Chain. ■
OCTOBRE 2012 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°68 77
 SOURCE : SOLVING EFESO 2011
ETUDE
nir la planification et développer les
moyens opérationnels d'une Supply
Chain capable de fournir des avan-
tages compétitifs concrets et des per-
formances optimales.
Quatre conditions
de « performances optimales »
Dans les marchés émergents, une Sup-
ply Chain assurant des performances
optimales et conférant un véritable
avantage concurrentiel est possible
moyennant :
■ La création et le soutien d'un réseau
logistique classé triple A, capable de
fournir des produits abordables,
accessibles et attrayants à tous les
marchés cibles.
■ Une maximisation des capacités
opérationnelles pour maintenir une
disponibilité élevée et un taux de
pertes minimal (l'Inde est le 1er pro-
ducteur en volume de fruits et
légumes frais mais près de 40 % de sa
production est gaspillée le long de la
chaîne d'approvisionnement avant sa
mise sur le marché).
■ L'exploitation complète des diffé-
rents réseaux et canaux de distribu-
tion afin d'éviter la dépendance, les
contraintes exercées par les grands
distributeurs et ainsi conserver des
niveaux de marge sur le long terme.
■ Le développement et la mise en
©IMAGE SOURCE IS2-FOTOLIA
œuvre de mécanismes de retour d’in-
formation rapide et précise sur les
ventes pour s’adapter rapidement aux
évolutions de tendance de la demande.
78 N°68 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - OCTOBRE 2012
Tout ceci s'entend dans un contexte
de marchés diversifiés et une frag-
mentation des réseaux.
Maîtriser la qualité
du produit en amont
Les multinationales peuvent pénétrer
les marchés des PGC dans les marchés
émergents par le biais d'acquisitions
locales ou développer une base de
fournisseurs robustes et performants
dans le cadre d’activités de partenariats
industriels ou de sous-traitance. Dans
les deux cas, elles doivent garder la
main sur les spécifications des matières
premières et les technologies utilisées.
L'urbanisation implique de repenser
l’organisation des capacités indus-
trielles et le réseau de distribution afin
de répondre à la demande des grandes
villes. A titre d’exemple,un marché très
dense impose une production de proxi-
mité, flexible et avec des usines de
petite taille. Les avantages potentiels
générés sont la rentabilité, une Supply
Chain plus courte et des produits plus
« frais ». L'efficacité de la Supply Chain
passe avant tout par la stratégie indus-
trielle. Il faut apprendre à rentabiliser
les dépenses structurelles importantes
et en faire des leviers de compétitivité
dans les marchés émergents. Colgate
constitue un bon exemple avec au
début des années 90, une prise de
participation substantielle dans la
société chinoise Sanxiao (fabriquant de
dentifrice) qui a permis, grâce à une
production locale, de réduire les coûts
de 60 %.
Une distribution aval
qui gagne en maturité malgré
les défis à relever
En général, les marchés sont physi-
quement et commercialement frag-
mentés et donc difficiles à atteindre et
à servir. Les évolutions sont rapides et
les taux de croissance, élevés (parfois
suivis d’un déclin tout aussi rapide de
la consommation, comme en Russie
en 2009). Ces marchés ne sont pas
toujours propices au business en rai-
SOURCE : SOLVING EFESO 2011
son de réglementations inadaptées en
termes de taxes d'entrée, d’impôts
nationaux et fédéraux, ou de cotisa-
tions diverses et variées, etc.
Les problèmes d'infrastructure à sur-
monter concernent, en particulier, la
planification et la construction de
réseaux routiers, ferroviaires, mari-
times fiables et des solutions d’entre-
posage appropriées pour supporter
la chaîne du froid. Même les pro-
grammes accélérés de développement
d'infrastructures sur certains marchés
peuvent s'étaler sur plusieurs années
pour résoudre tous les problèmes.
Pourtant, malgré ces nombreux défis,
de nouveaux réseaux apparaissent, de
même qu’une approche moderne du
commerce tournée vers la distribution
et pilotée par des intermédiaires. Des
modèles logistiques complexes sont
développés avec succès. Ils font appel
à des véhicules non standards et des
approches dynamiques capables de
gérer des contraintes telles que des
tailles de commandes limitées néces-
sitant des points d’agrégation ou des
changements rapide de réseaux phy-
siques. L'objectif étant toujours de
répondre au marché grâce à des points
de vente accessibles et toujours à un
coût acceptable (triple A).
Un réseau intégré répondant
à des demandes ciblées
Le réseau est encore fragmenté et les
acteurs communiquent peu entre eux.
La visibilité est faible, malgré un
niveau de complexité élevé. Pour
améliorer la situation et envisager une
croissance rentable sur le marché
grand public, les marques de PGC doi-
vent améliorer la visibilité en aval et
relayer les informations de la Supply
Chain à tous les maillons. Les réseaux
actuels sont souvent le réceptacle de
« connaissances latentes » qui renfer-
ment des données disparates. Une fois
« connectées », ces données peuvent
jouer un rôle décisif dans des
domaines clés, comme la disponibilité
continue des produits. Si les produits
©DAVIDASMUTH-FOTOLIA
sont peu disponibles et mal mis en
valeur d’un point de vue merchandi-
sing, la demande risque d’être insatis-
faite, et le consommateur, peu séduit.
D’où une faible fidélité aux marques.
Ces dernières ne doivent pas compter
uniquement sur le réseau pour tout
faire, elles doivent adopter une nou-
velle approche qui consiste à privilé-
gier un assortiment ciblé, adapté au
point de vente, à la zone de chalan-
dise, au réseau routier, etc. A l'avenir,
les réseaux de distribution efficaces
devront garantir une visibilité cons-
tante sur les produits phares. La per-
formance du réseau se mesure par des
indicateurs clés comme la productivité
des points de vente, la fréquence des
commandes, de même que le ticket
moyen et les commandes suggérées.
Le taux de pénétration par point de
vente, défini sur la base du nombre de
références, doit également augmenter.
L'approche du portefeuille de produits
doit être précise, au travers des pro-
duits phares, d’articles nécessairement
présents dans les points de vente avec
le support d’actions promotionnelles
solides. Les améliorations au niveau
des points de vente doivent aller de
pair avec une hausse de la couverture
globale, des circuits de distribution et
du nombre de magasins par circuit.
Ces améliorations se traduiront par
une hausse de la rotation des stocks,
une augmentation des parts de mar-
ché et l’optimisation des tournées
de livraison. Leur combinaison peut
OCTOBRE 2012 - SUPPLY CHAIN MAGAZINE ■ N°68 79
 ETUDE
assurer un avenir rentable porté par la
croissance des volumes et un coût
complet réduit.
Développer une chaîne logistique
classée triple A (Abordable,
Accessible, Attrayant)
Comme nous l'avons vu précédem-
ment, afin de développer une chaîne
logistique capable de fournir de façon
cohérente et prévisible des produits
abordables, accessibles et attrayants, il
existe des préalables indispensables et
des facteurs de réussite.
Une croissance digne de ce nom
implique le développement d'un réseau
de distribution adapté au marché grand
public émergent. Ainsi sera-t-il néces-
saire de développer de nouveaux
réseaux et partenariats avec des distri-
buteurs multi-tiers.
Pour être rentables, les entreprises doi-
vent baisser leurs coûts par le biais
d'économies d'échelle. Les partenariats
et la recherche de synergie entre les
fournisseurs et les distributeurs sont
alors essentiels. Pas de collaboration
passive ou réactive mais un travail en
commun pour atteindre des enjeux
tangibles.
Il est impératif de maîtriser la com-
plexité et de surmonter les impacts
négatifs de la localisation souvent
caractérisés pas des circuits de distri-
bution trop fragmentés et non coor-
donnés. Une même « chaîne globa-
80 N°68 ■ SUPPLY CHAIN MAGAZINE - OCTOBRE 2012
©JÖRG HACKEMANN-FOTOLIA
lisée » ne sera jamais performante dans
tous les contextes. En revanche, la
création de chaînes logistiques régio-
nales ou fondées sur des réseaux
locaux peut être envisagée. Cette
approche ne se limite pas à réduire les
kilomètres, elle sera aussi plus adaptée
aux habitudes et aux goûts locaux.
Capitaliser sur les talents locaux et ren-
forcer leurs capacités progressivement,
offre une compréhension et une vision
uniques du marché. Ainsi l'organisa-
tion est-elle en mesure d'éviter les
pièges que rencontrent inévitablement
les acteurs extérieurs. Ne pas confon-
dre « tradition » et « résistance au chan-
gement ». En effet, la main d'œuvre et
Synthèse du Livre blanc
« Gaining Supply Chain Advantage
in Emerging Markets »
Rédigé par Clive Geldard,Vice-Président Groupe
Supply Chain et Distribution, Solving Efeso
Contact France :
arnaud.domas@solvingefeso.com
Pour consulter l’intégralité du Livre blanc :
http://www.solvingefeso.com/upload/SE_Supply_Chain_E_M_Wh_Pa_web.pdf
les managers locaux sont souvent très
enthousiastes à l'idée d'exploiter sur
place l'approche des meilleures pra-
tiques. Par exemple Procter & Gamble
qui, en Chine, recrute à 98 % sa main
d'œuvre sur place.
Une intervention extérieure
peut être un plus
Les nombreux changements et inno-
vations abordés dans ce document
requièrent une remise en question glo-
bale de la Supply Chain, de sa concep-
tion à son management opérationnel.
Optimiser la Supply Chain ouvre alors
le chemin vers les marchés émergents
grand public et à des volumes consi-
dérables grâce à la vente de produits
abordables. Y parvenir permet de s’ins-
crire sur une échelle d’activité diffé-
rente, avec un taux de croissance et
une rentabilité importants.
Cependant, en considérant tous les
défis énumérés précédemment, les
organisations doivent s’y préparer et
comprendre les incidences majeures
sur la Supply Chain – de la stratégie
au fonctionnement opérationnel. Des
conseils externes, qualifiés et chevron-
nés peuvent apporter une contribution
essentielle qui favorisera la définition
de la stratégie et le développement des
aptitudes opérationnelles. Pour accéder
à une large palette de meilleures pra-
tiques, les acteurs les plus motivés
choisissent des consultants en mesure
de développer progressivement les
talents locaux sur la voie du progrès
continu et de les maintenir à la pointe
des connaissances. Les enjeux Supply
Chain sont tels dans les marchés émer-
gents qu'il faut être prêt à une remise
en question permanente afin de main-
tenir les avantages compétitifs. La Sup-
ply Chain triple A est un potentiel
atteignable et dans les marchés émer-
gents, les efforts sont payants. ■