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OMMAGE À MAÎTRE JIGŌRŌ KANŌ

J’ ai souvent évoqué le Maître


Jigōrō KANŌ au cours de mes
Chroniques Martiales (devrais-je
tous les sports au Japon. Ce qui mon-
tre son vif intérêt pour le sport. Éton-
nant, non ? Les « Historiens » évitent
Maître Kanō, en effet, adorait tout
ramener au JŪ­DŌ. Il disait, par
exemple, « le Kendō n’est rien d’au­
dire « Martiennes » ?). Certains jeunes de le dire. Mêler sport et Būdō, ça tre que du Jūdō avec un Shinaï »,
lecteurs s’en étonnent, ne retenant fait désordre sans doute.
ou « le   Kyūdō,   c’est   du   Jūdō   avec
dans le nom KANŌ que le fait qu’il Pourtant le « sport » a ses intérêts. Il
un   arc », « L’aïki,   c’est   du   Jūdō
ait été le créateur du Jūdō en 1882. n’a rien de honteux. On y apprend à
Je n’ai pas une envie particulière de se dépasser, à dépasser les autres avec   des   chutes   roulées » et « le
mettre Jigōrō Kanō sur le podium (rituel), à entretenir son corps. Mais le Karaté est du Jūdō avec des coups
des Būdō, encore que j’y serais tenté « sport » n’est qu’un « jeu », avec les de poings et de   pieds ». Il faut dire
par l’amitié que me liait avec son fils, inconvénients du jeu (vanité, règles, qu’à l’époque, le Karaté­jūtsū était
Riseï   Kanō, Président du Kōdō­ spectacle, argent, …). « Art de la Main de Chine » et com-
kan. En juillet de cette année, avec les prenait de nombreuses projections,
Mais il faut savoir que les BŪDŌ rencontres internationales de Tennis, luxations et même strangulations, il
les Championnats du Monde d’Escri-
actuels ne seraient pas ce qu’ils sont, ne deviendra « Main   vide » qu’en
me et le Mondial de Foot aux USA,
et peut-être même n’existeraient pas, 1936 … ce qui pour moi était hier,
que j’ai dévorés à la TV (on venait de
si … le maître KANŌ n’avait pas fait j’étais en seconde au lycée.
m’installer le câble avec 30 chaînes !),
ce qu’il avait fait. Les Būdō en question auraient
je faisais comme le maître Kanō, qui
Que fit-il pour les BŪDŌ ? C’est parfaitement pu dire que le Jūdō
adorait tout ramener au Jūdō.
simple, Tout. Et même plus, car il n’était que du Kendō sans Shinaï, du
En voyant les combats d’Escrime au
développa également le sport au Ja- Kyūdō sans arc, …
Sabre, par des combattants au plus
pon.
haut niveau mondial, en kō­kūtsū et Maître Kanō eut donc un rôle
Chers « G.L » (Gentils Lecteurs,
zen­kūtsū « parfaits » (pied arrière essentiel en Būdō et en sport :
comme on aurait dit au Club Med), si
dirigé vers l’avant et non pas - Il eut l’audace de créer un sport nou-
vous saviez comment sont traficotées,
désinformées, occultées, les latéralement), alors qu’en Champion- veau, « plus  qu’un   sport », en 1882,
nats de Karaté et similaires, on ne voit en piquant dans le Jū­jūtsū ce qui
« Histoires vraies … de tel Būdō »,
vous tomberiez de haut ! On vous rien de semblable, j’étais ravi : « ça pouvait intéresser les Occidentaux et
c’est du vrai karaté martial ! » me en supprimant tout ce qui était trop
bourre le crâne, on vous invente des
légendes, et l’on passe tout ce qui est disais-je. « Toujours penser que bras dangereux (donc « efficace » …). On
« dérangeant » pour chaque légende, faisait d’une pierre deux coups :
et   jambes   sont   des   sabres » dit le
1) on limitait les accidents,
mais qui serait extrêmement intéres- 15ème Kyōkūn (Précepte du Karaté) 2) on évitait de révéler aux Occi-
sant pour les « Chercheurs de Véri­ … autrement dit : toujours penser dentaux les secrets du vrai Jū­jūtsū
té » dans le Būdō en question. que l’Art du Karaté martial et martial . On vous avait déjà présenté
Le plus terrible de « l’Histoire », si je similaires est de l’Escrime et non pas
l’Histoire des Būdō sous cet angle ?
peux dire, est que ces désinforma- une forme de boxe primaire. Et ces
- Il aida la création d’autres BŪDŌ.
tions historiques, ou disons modifica- « penalties » ou « tir au but ». C’est
C’est lui qui favorisa la renaissance du
tions historiques, viennent de « hauts pas du vrai karaté martial, ça ? Un
Kendō, en 1903, dont la pratique
gradés » Būdōka, souvent japonais, combat mental « extrême » entre le avait été interdite par l’Empereur Meiji
tireur et le gardien du but. Très physi-
qui n’ont brillé qu’intellectuellement (Mūtsūhitō). Les « Historiens » en
que bien sûr, mais tout en détourne-
dans le Būdō qui est leur gagne-pain. question vous l’avaient déjà dit ?
ment d’esprit.
Passons sur cette question épineuse,
Merveilleusement martial. Du vrai - Il eut l’idée de modifier le Kyū­
d’autant que les élèves de ces « Maî­ Iaï­jūtsū avec le ballon rond ! Quand jūtsū (les Samouraïs tiraient leurs
tres   charlatans » n’en croiront pas au Tennis, on voit bien que ceux qui flèches plus vite que leurs ombres, et
un mot, et voyons quelques occulta- gagnent, qui tiennent le coup durant avec la même précision que Lucky
tions historiques … vous en mourrez une ou deux heures, ce sont de vrais Luke !) et de favoriser l’invention du
d’envie, non ? Kyūdō à la même période. Puis, pour
« Guerriers » (et « Guerrières » …
Allez, on y va. même si ces dernières sont générale- enfoncer le clou « Būdō », il créa le
Trois ans avant de créer son « JŪ­ ment plus attirées par les femmes que « San­Dō­Kaï », l’Association (Kaï)
DŌ », le maître KANŌ avait fondé le par les hommes, comme c’est souvent des trois (San) Dō (voies : Jūdō,
premier Club de Base-ball japonais. Ce le cas en Karaté). Kendō, Kyūdō).
fut même le premier club sportif de
- Il invita le maître Fūnakōshi à jeune maintenant), en revenant du noire » qu’il délivra le fut à Taïrō
Tōkyō, pour des démonstrations au Caire où s’était tenue une assemblée Shirō en 1883.
Kōdōkan, alors que le maître du Comité Olympique. Il avait beaucoup de sympathie pour
Fūnakōshi et son élève-ami - Il ne suffisait pas de vouloir aider la
les Senseï tentant de lancer un nouvel
création des Būdō et développer le
Gūima  avait été « recalés » par le Art Martial. Ainsi, lorsqu’en 1923
sport japonais. Il fallait pouvoir le faire
BŪTŌKŪKAÏ  en 1917 puis 1922 Maître Fūnakōshi manqua d’élèves,
dans le climat bouleversé de cette
(Maître Kanō avait pourtant pris sa époque post-moyenâgeuse où cer- Maître Kanō lui envoya une vingtaine
retraite en 1920 à l’âge de 60 ans). Et tains voulaient raser le passé de ceintures noire de Jūdō – ce qui
ce que les « Historiens » en question « glorieux », et d’autres innover à faisait un peu désordre, une vingtaine
disent rarement, c’est que le Karaté tout va. Maître Kanō fut en mesure de débutants avec la ceinture noire …
ne fut jamais admis en tant qu’Art d’avoir cette influence, que n’eurent De même, lorsque le maître Ūeshiba
Martial à part entière par le BŪTŌ­ aucun autre pionnier des Būdō, les voulut promouvoir son Aïkidō en
KŪKAÏ, mais que c’est avec la com- maîtres Ūeshiba et Fūnakōshi y 1938 (encore très « Aïki­Jūtsū »,
plicité de Maître Kanō (super influ- compris. avec coups et sūtemi), il lui envoya
ent), que le Karaté fut finalement re- Maître Kanō était né en 1860. Il était une dizaine de ceintures noires de
connu, en 1935, en tant que … partie issu d’une famille de hauts Jūdō, dont plusieurs remarquables,
« Atemi » du Jūdō Kōdōkan. fonctionnaires (=Samouraï) impériaux. tel que Minōrū Mōchizūki.
Vous aviez déjà lu ça auparavant ? Lorsque le dernier Shōgūn fut Comme vous le voyez, et comme je
Pourtant, c’est la plus stricte vérité. destitué et l’Empereur remis sur son l’avais dit en début de Chronique, les
À propos, qu’était le « BŪTŌKŪ­ trône (Ère Meïji). Būdō ne seraient pas ce qu’ils sont si
KAÏ » ? Maître Kanō devint, en 1884, maître Jigōrō   Kanō n’avait existé.
C’était une association gouvernemen- Professeur à l’école des Pairs Peut être même les Būdō n’auraient-
taliste, paramilitaire (les « ultranatio­ (réservée aux enfants impériaux et ils jamais existé et le Bū­jūtsū se
nalistes » contrôlaient tout la politi- nobles). En 1882, il avait créé son serait-il éteint, peu à peu, dans
que japonaise et même l’Empereur), « Jūdō   Kanō » en synthétisant les l’indifférence.
créée en 1895. techniques Jū­jūtsū des Écoles
Son comité était constitué d’ex-sa- Tenjin­Shin­Yō­Ryū et Kitō­Ryū
mouraï … ayant eu l’habileté d’éviter (où il s’était entraîné quelques années
« l’épuration » (la caste fut dissoute) sans obtenir de « titre   honorable »
parce qu’ils étaient Senseï ou Han­ particulier), et d’autres Écoles de Jū­
shi, donc assez satisfaits d’eux et jūtsū japonais et de Wushu chinois
chargés de reconnaître les Būdō, (ça, les Historiens japonais évitent de
d’une part, et les Ryū survivantes (les le dire), car il s’arrangea, à plusieurs
écoles d’Arts Martiaux vrais, non- reprises, pour être envoyé en Chine en
Būdō), d’autre part, qui avaient le mission officielle (en 1902, 1905, 1912),
et en Europe où il profita de son
droit d’exister. En fait, les membres
passage officiel pour parler de son
du BŪTŌKŪKAÏ restaient attachés
Jū­Dō et le démontrer. En 1915, le
aux vrais arts martiaux et au passé
Roi de Suède (je relève cela dans une
glorieux japonais. Par deux fois, ils
« Histoire » du Jūdō et je me
refusèrent de reconnaître la « Main
demande comment la chose fut
de   Chine », présentée par maître possible en pleine Guerre Mondiale, il
Fūnakōshi, comme un véritable Art est vrai que le Roi de Suède pratiquait
Martial ou en tant que nouveau le Jūdō à cette époque) remit à
Būdō. Cette association paramilitaire maître Kanō, la médaille des Jeux
fut dissoute par Mac Arthur en 1945. Olympiques en récompense de ses
Quelques Dōjō accueillirent les ex- efforts pour promouvoir le sport dans
membres du BŪTŌKŪKAÏ, et l’un un esprit plus élevé que le sport
d’entre eux est bien connu en France, ordinaire.
puisque c’est le Yōseïkan de - Et, enfin, il fut l’inventeur en 1882 du
Shizūōka. Les « Historiens » vous système paramilitaire DAN­Kyū …
ont dit ça aussi ? que copièrent tous les Būdō.
- Maître Kanō fut désigné par le Probablement parce qu’il ne pouvait
Japon pour être membre du Comité utiliser le « Système   Honorables »
International Olympique. Il décéda
des Menkyō. La première « ceinture
d’ailleurs d’une pneumonie, en 1938 (à
l’âge de 78 ans … cela me paraît bien

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