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La faune endogée
A cette profondeur il y a des racines qui meurent. De nouvelles racines arrivent. Il existe
heureusement une faune qui se nourrit de ces racines mortes - qui nettoie toutes ces racines mortes -
et qui va libérer de nouvelles galeries pour les racines suivantes, c’est ce qu’on appelle la faune
endogée. Alors on retrouve les mêmes groupes qu’en surface, des collemboles, des acariens, des
vers, sauf qu’ils sont petits, aveugles et leur boulot c’est toujours de nettoyer les racines. Pour vous
donner une idée du travail de cette faune endogée, un blé fait 200 km de racines, et 5000 km de
poils absorbants. 1 blé hein !Nous en mettons 200 au m2, c’est à dire qu’un blé c’est 4 milliards de
km de racines. Eh bien ces 4 milliards de km de racines seront mangés par la faune endogée
pendant l’hiver, et permettront à l’orge qui suivra de s’enraciner.
Le complexe argilo-humique
Alors on voit que l’argile est produit en profondeur, l’humus est produit en surface, il y a une faune
épigée qui aère le sol en surface et une faune endogée qui aère le sol en profondeur, mais comment
argile et humus se rencontrent ? Il faut bien qu’ils se rencontrent pour former le sol.Eh bien ils vont
se rencontrer grâce à une troisième faune que vous connaissez généralement tous, qui sont les vers
de terre. Alors dans les pays tropicaux ce sont les termites qui ont le même rôle. Les vers de terre
qu’est-ce qu’ils font, ce sont les grands lombrics, ce qu’on appelle la faune « anécique » Ils
habitent des galeries eux, il habitent des terriers, ils ne sont pas comme la faune épigée ou la faune
endogée qui changent d’endroit tout le temps, eux ils ont des galeries, toutes les nuits ils sortent, ils
laissent l’arrière de leur corps dans la galerie pour pouvoir rentrer dedans s’il y a un prédateur, et ils
prennent de la matière organique, ils l’emmènent, ils redescendent, là ils remontent de l’argile,
parce quand ils ont fait demi-tour ils vident leur intestin pour fabriquer une crotte qu’on appelle un
turricule, et il se trouve que les vers de terre ont dans leur intestin une glande qu’on appelle la
glande de Morène qui est très riche en calcium. Donc ils remontent de l’argile, ils mélangent dans
leur intestin de l’argile et de l’humus, et il se trouve que les argiles sont négatifs, les humus
sont négatifs et le calcium est un ion qui a deux charges positives, donc une charge positive
attachée à l’argile et une charge positive attachée à l'humus. Et ils vont fabriquer du complexe
argilo-humique.
Deuxième erreur on a apporté les engrais chimiques. Qu'est-ce que font les engrais chimiques ?
Ils stimulent les bactéries. Or les bactéries elles sont minéralisatrices, elles ne font pas d'humus,
elle minéralisent. Et les bactéries elles se multiplient 20 fois plus vite que les champignons. Donc
qu'est-ce qu'ils se passe quand vous mettez des engrais chimiques ? Vous accélérez la
minéralisation de la matière organique. Quand la matière organique tombe trop bas, la faune
disparaît parce qu'elle se nourrit de cette matière organique. Un pays comme la France nous
sommes passés de 2 tonnes de vers de terre en 1950 à l'hectare, à moins de 100kg. Qu'est-ce qui
se passe quand il n'y a plus de vers de terre. Eh bien les vers de terre je vous ai expliqué qu'ils
remontaient tous les jours de la terre. Ils remontent de la potasse, du phosphore, de la magnésie, du
calcium. Plus de remontée par les vers de terre, les éléments vont descendre. Polution des
nappes, pollution des rivières. Vous rentrez dans ce qu'on appelle, après cette dégradation
biologique des sols, vous rentrez dans ce qu'on appelle la dégradation chimique. Votre terre va
perdre ses éléments nutritifs. Vous allez envoyer de l'azote dans les nappes, vous allez envoyer
du phosphore dans les rivières, vous apauvrissez vos sols. Or il se trouve que lorsque le taux de
matière organique est tombé trop bas, et que vous avez minéralisé des ions fondamentaux qui
attachent argile et humus, comme le fer, le calcium, etc... eh bien l'argile n'est plus attaché, l'argile
s'en va, les rivières se chargent de boue dès qu'il pleut, c'est la dernière mort, ce que j'appelle la
mort physique des sols, votre sol part à la mer.Et c'est comme ça que vous ruinez un sol, et c'est
comme ça que des agricultureurs qui à l'heure actuelle, moi je travaille avec des agriculteurs depuis
89, des gens en Bauce qui étaient très fiers de faire partie du club des 100 quintaux, ils roulaient des
caisses, à l'époque ils avaient des blés qui en génétique étaient des blés à 110 quintaux, donc ils
faisaient presque le rendement génétique, maintenant ils ont des blés à 150 quintaux et les mêmes
agriculteurs ne font plus que 90 quintaux. C'est à dire qu'ils ont des ferraris et ils roulent sur des
chemins de terre. Pas la peine d'avoir une ferrari si c'est pour rouler sur un chemin de terre il vaut
mieux avoir une 2 chevaux. Ils peuvent raconter tout ce qu'ils veulent, ils ne valorisent plus la
génétique de leurs plantes. Et on sait que cette génétique est valable puisque récemment ils ont fait
une expérience en Nouvelle Zélande sur un sol qui n'avait jamais été labouré, jamais touché, et ils
ont fait 162 quintaux en semi direct, et ils ont fait 152 quintaux en labour. Donc cela montre que le
potentiel génétique est bien existant mais ce sont nos sols qui sont à genoux. Donc qu'est-ce que
cela veut dire pourvoir faire une agriculture durable ? C'est reconnaître que la propagande des
multinationales n’est que de la propagande, ce n'est pas de la science, il va falloir remettre de la
science dans l'agriculture, or l'agriculture n'a plus de science depuis 50 ans, elle n'a que de la
technique, elle n'a que des produits chimiques, elle n'a que des grosses machines, c'est à dire qu'elle
fait tourner le business agro-industriel. Mais cette agriculture n'est pas là pour nourrir les hommes,
elle est là pour enrichir l'agro-industrie. Or le problème qu’on a maintenant avec 7 milliards
d’individus, c’est qu’il va bien falloir se décider à nourrir les hommes. Nous avons aujourd’hui 1
milliard d’hommes qui souffrent de la famine. Donc la révolution verte c’est un échec total, le
problème c’est que cette société qui est obsédée par le profit elle ne veut pas reconnaître ses tords,
elle ne veut pas reconnaître qu’elle est responsable de la famine d’un milliard de personne, c’est à
dire autant d’habitants qu’il y avait en 1800 sur cette planète. Donc il va falloir changer
complètement notre agriculture, il va falloir à mon avis dissoudre des sociétés comme Monsanto,
Novartis et compagnie qui sont des assassins, il va falloir qu’on crée une espèce de justice
internationale pour crime contre la vie, ce sont des criminels contre la vie ces gens là, moi l’activité
biologique des sols elles ne cesse de baisser depuis que je la mesure, je la mesure depuis 89, elle est
en baisse constante.Quand je compare avec les chiffres de 1900, nous avons perdu à peu près
90% de notre activité biologique.Et en particulier les grands disparus ce sont les champignons, les
champignons ont complètement disparu avec les engrais chimiques, or ce sont eux qui font l’humus.
Depuis qu’il n’y a plus de champignons, vraiment les sols vont très très mal. Et c’est pour ça tout à
l’heure vous parliez du BRF (bois raméal fragmenté), pourquoi le BRF a un effet tellement
spectaculaire sur la relance de la vie des sols, c’est que vous apportez de la lignine, c’est que vous
redonnez cette substance que seuls les champignons sont capables d’attaquer, et vous remontez le
C/N, c’est-à-dire vous remontez le rapport carbone azote. L’agriculture elle n’a pas besoin d’azote,
elle a besoin de carbone, c’est cela que les agriculteurs n’ont pas compris. Comme les agronomes
ignorent tout de la vie des sols - la chaire de microbiologie a été fermée en 1986 - là vous avez
devant vous un fossile vivant, les microbiologistes des sols on n’en fabrique plus en France. Les
150 agro qui sortent de la boite n’y connaissent rien des cycles microbiens, c’est quand même
hallucinant, ils ne savent pas distinguer une bactérie d’un basidiomycète, ils ne savent pas que les
rôles sont complètement différents. Donc si on veut remettre de la vie dans les sols il va bien falloir
qu’on remette de la science et qu’on arrête d’inventer des modèles artificiels type « révolution
verte », de donner le prix Nobel à un mec qui a ruiné 300 millions d’hectares de sols avec sa
révolution verte, c’est pas ça le but, le but c’est de remettre de la science pour qu’on puisse à
nouveau regarder les sols comme ils sont, parce que le grand livre, c’est la nature, ce n’est pas
derrière un ordinateur qu’on découvre le fonctionnement d’un sol, c’est en faisant des trous, avec
Lydia on en a fait plus de 12 000 à travers la planète, depuis l’altiplano des Andes en passant par les
sols norvégiens et les sols d’Amérique et de Bornéo. Les sols on sait comment c’est parce qu’on en
ouvre et qu’on regarde la faune et qu’on regarde les racines, mais ce n’est plus ce que font les
agronomes.