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de l’Unité de Recherche
Pratiques spéculatives
3 et 4 avril 2018
La spéculation ne va pas sans suspicion. Elle désigne une pensée abstraite qui édifie des
systèmes théoriques sans égard pour l’expérience et la pratique, quand elle ne stigmatise pas
des manipulations boursières et financières de plus en plus détachées de l’économie réelle.
Speculare, speculatio… ce qui provient, étymologiquement, de notre activité spéculaire ne
peut qu’instiller le doute : ce qu’on observe, ce qu’on espionne, ce qu’on contemple, et à
partir de quoi s’élaborent nos calculs et nos projections, tient-il à autre chose qu’au reflet de
notre propre pensée dans le miroir qu’on lui tend et qu’on lui fabrique sur mesure ?Toute la
question du rapport entre la pensée, le réel et l’expérience est alors posée, en même temps
que celle du rôle que doit jouer la représentation dans ces rapports. Les arts, les sciences et la
philosophie modulent et modélisent diversement ces articulations. On peut, par exemple,
vouloir traverser le miroir, y plonger, le retourner, le détruire totalement, le déconstruire ou le
briser en fragments, en démultiplier les reflets pour diffracter la position de celui qui observe,
ou encore construire des mondes possibles dont on ne fait l’expérience qu’à travers le jeu des
images.
L’enjeu de la représentation n’est pas le seul soulevé par la question de la spéculation, mais il
apparaît incontournable dès lors que la question est posée à partir du champ de l’art.
Certaines conditions technologiques et surtout les usages contemporains des images
n’instaurent-ils pas un nouveau régime spéculatif de la représentation ? Un fonctionnement
de l’image dans lequel, par exemple, la narration, la fiction, le calcul, la construction ration-
nelle s’autonomise vis-à-vis de nous autant que de la réalité dont elle est la représentation.
Plus besoin dans ce cas de détruire le miroir de la représentation, d’en appeler à une forme
pure ou même de ramener l’œuvre à l’exposition d’un concept pour rendre effective la
pensée : toute représentation pourrait alors être activée selon une modalité « spéculative ».
Comment la question du rapport au réel se reformule-t-elle alors ?
Durant ces journées nous voudrions construire un lieu d’observation (autre sens de specula-
tio) qui permette d’élaborer cette question, à travers une connexion entre des recherches
issues de domaines divers (philosophie, économie, physique théorique, architecture) et des
pratiques de recherche en art. La question de la spéculation fournit un « connecteur » d’autant
plus pertinent que le monde de l’art a été partiellement traversé ces dernières années par un
engouement, à première vue étonnant, pour une tendance philosophique appelée réalisme
spéculatif. La question de la spéculation nous permettra donc non seulement d’examiner ce
symptôme métaphysique du régime discursif de l’art contemporain, mais aussi d’élargir le
questionnement à ce qui, dans les œuvres elles-mêmes, développe des pratiques de pensée
où se reconfigure le rapport au réel.
Les intervenant·e·s :
- Naïm Aït-Sidhoum, Architecte et producteur de cinéma
- Joerg Bader, Directeur du Centre de la photographie de Genève
- Aurélien Barrau, Physicien, Laboratoire de physique subatomique et de cosmologie
de Grenoble
Un volet complémentaire de ces journées, consacré au projet La Machine Pollet sera organisé
à une date ultérieure, autour de la présentation et de la projection par Jean-Paul Fargier de
son film Parle-moi encore (Documentaire, France, 2016, 60 minutes), et de discussions
animées par Jean-Marc Chapoulie, Alexandre Costanzo et l’équipe du projet La Machine
Pollet.