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Annales de chirurgie 128 (2003) 349–350

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Éditorial

Traitement des cancers coliques en occlusion


Treatment of malignant colonic obstruction

Mots clés : Cancer colique ; Stent ; Chirurgie ; Colostomie

Keywords: Colonic cancer; Surgery; Stent; Colostomy

En France, 70 % des occlusions coliques sont dues au les séries et l’état des patients traités. Pour les patients qui ont
cancer, et 16 % des cancers colorectaux sont diagnostiqués pu avoir une exérèse de la tumeur dans un deuxième temps, la
au stade d’occlusion [1]. Ce taux atteint 25 % au-dessus de mortalité cumulée des différents temps varie de 2,7 à 10 %.
80 ans. L’âge moyen des patients opérés d’une occlusion par Dans certaines séries, jusqu’à 50 % des patients ne vont pas
cancer colique en France est de 66 ans. Deux occlusions au bout des différentes étapes du traitement, en raison d’un
néoplasiques sur 3 siègent entre le tiers gauche du transverse cancer avancé ou d’un état général altéré. La colostomie
et la charnière rectosigmoïdienne. Plus du quart (28 %) des première est l’attitude recommandée pour le traitement des
tumeurs du sigmoïde sont diagnostiquées au stade d’occlu- cancers coliques gauches en occlusion par la conférence de
sion. Le risque relatif d’occlusion est élevé (40 %) pour les consensus française sur le traitement des cancers du côlon [7]
tumeurs de l’angle splénique. L’occlusion est une variable et par l’Association américaine des chirurgiens colorectaux.
pronostique péjorative indépendante. Les malades sont en
L’exérèse de la tumeur lors du premier temps opératoire
moyenne plus âgés, les tumeurs moins souvent résécables,
est possible, sans rétablissement de la continuité (interven-
les suites opératoires plus souvent compliquées et la morta-
tion de Hartmann). Elle est plus difficile qu’une simple co-
lité opératoire plus élevée que dans la chirurgie à froid. La
lostomie, et dans les conditions de l’urgence, les conditions
survie à 5 ans des cancers coliques opérés en occlusion, tous
techniques ne sont pas optimales pour une chirurgie carcino-
stades histologiques confondus, est de 22 % (12 à 32 %), et
logique réglée. La mortalité de cette intervention est de
de 39 % (21 à 54 %) lorsque ne sont pris en compte que les
l’ordre de 10 %. Le rétablissement de la continuité est pro-
malades ayant fait l’objet d’une résection à prétention cura-
grammé 3 mois plus tard ce qui oblige à prévoir la gestion de
tive.
la stomie en ambulatoire durant cette période. Sa morbidité
Les problèmes thérapeutiques ne se posent en pratique est élevée, et 30 à 60 % des patients n’ont jamais de rétablis-
que pour les cancers siégeant en aval de l’angle gauche ; les sement de la continuité. Les méthodes qui ont pour but
cancers qui siègent en amont peuvent être traités par une d’éviter une stomie, même temporaire, sont techniquement
colectomie droite élargie vers la gauche, avec anastomose plus exigeantes. La colectomie subtotale d’amont conduit à
iléocolique. Il existe pour les cancers du côlon gauche en une anastomose dans le même temps entre l’iléon terminal et
occlusion plusieurs attitudes, en un ou plusieurs temps opé- le côlon. La distension et l’absence de préparation du côlon
ratoires. La colostomie première latérale sur baguette, faite d’amont ne sont donc plus un obstacle. Cette intervention
par une voie d’abord élective lève l’occlusion. Les contre- permet également de prendre en compte la souffrance du
indications à la voie d’abord élective sont la suspicion de côlon d’amont et les éventuelles lésions tumorales coliques
perforation diastatique et l’occlusion du grêle associée. synchrones (adénomes et cancers). La mortalité de cette
Lorsqu’une colostomie première a été réalisée, l’exérèse de intervention est de 3 à 13 %. La morbidité est voisine de 8 %,
la tumeur est faite 8 à 15 j plus tard, dans le cours de la même avec un risque de fistule de 4 %. L’intérêt de l’absence de
hospitalisation ce qui limite le handicap fonctionnel et psy- colostomie temporaire doit être nuancé en fonction du résul-
chologique de la colostomie. Ce délai est mis à profit pour tat fonctionnel définitif : nombre de selles par 24 h, selles
préparer le malade et le côlon et compléter le bilan, à la nocturnes et diarrhée chronique. Cette intervention n’est
recherche de lésions synchrones ou de métastases à distance. donc pas recommandée en cas de fonction sphinctérienne
Le siège de la colostomie dépend de celui de la tumeur. La déficiente. La colectomie segmentaire associée à un lavage
mortalité de la colostomie première varie de 0 à 39 %, selon peropératoire par irrigation antérograde du côlon au-dessus
© 2003 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/S0003-3944(03)00114-7

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de la tumeur, nécessite, pour faciliter la propulsion du liquide mise en place de la prothèse [8]. Le choix tactique de l’inter-
et du contenu colique, de mobiliser les 2 angles du côlon. La vention de Hartmann est contestable en général et dans l’en-
mortalité de cette technique varie de 0 à 11 % et le taux de vironnement de soins en Côte d’Ivoire en particulier [9]. Le
fistules anastomotiques de 0 à 4 %. Les avantages de cette choix de la colostomie première permettrait d’éviter le han-
technique sont de n’entraîner aucun sacrifice colique inutile. dicap de la gestion d’une colostomie en ambulatoire et de
On fait en revanche, l’impasse sur les lésions synchrones du préparer le malade pour une réintervention dans les 8 à 15 j,
côlon d’amont qui n’a pu être exploré. surtout si celle-ci envisage le traitement associé de métasta-
Il n’existe pas d’étude prospective et randomisée compa- ses hépatiques, comme cela a été le cas chez 6 malades. La
rant les attitudes en un temps aux attitudes en plusieurs faible incidence des cancers et le jeune âge des malades
temps. Une étude prospective et randomisée a comparé après traités à Abidjan mérite commentaire. L’incidence des can-
une incision médiane, la colostomie première à la résection cers colorectaux est, selon les derniers relevés, de 60 pour
première sans anastomose [4]. La mortalité postopératoire 100 000 en France et l’âge moyen des malades ayant un
des 2 groupes était identique. Il y avait moins de complica- cancer sporadique est de 69 ans. Les formes associées à des
tions et de transfusions dans le groupe des colostomies pre- anomalies génétiques représentent 3 à 5 % des malades et
mières. La survie à distance n’était pas différente. La propor- surviennent plus tôt dans le cours de la vie. L’interprétation
tion de patients survivant à la résection, sans colostomie de ces données justifierait de connaître l’espérance de vie
définitive, était plus élevée dans le groupe des colostomies moyenne de la population en Côte d’Ivoire et mériterait,
premières. Une étude prospective et randomisée a comparé la sinon une enquête oncogénétique, au moins l’exploration de
colectomie subtotale d’amont à la colectomie segmentaire la généalogie chez les malades traités, si elle est possible.
avec lavage peropératoire [6]. La mortalité (13 contre 11 %)
et la morbidité postopératoire n’étaient pas significativement Références
différentes. Le taux de fistules anastomotiques était de 9 %
après colectomie totale contre 5 % après lavage (ns). Le [1] Champault G, et al. Les occlusions coliques. Étude rétrospective
coopérative de 497 cas. J Chir 1983;120:47–56.
nombre de selles par 24 h et la fréquence des selles nocturnes
[2] Desroches E, Faucheron JL, Sengel C, Lachachi F, Risse O, Delan-
étaient plus élevés après colectomie subtotale. Deux patients noy P, Arvieux C, Rolachon A, Létoublon C. La prothèse métallique
étaient incontinents après colectomie subtotale, et 15 % des auto-expansible dans le traitement du cancer obstructif du côlon
patients ont gardé une stomie définitive, soit pour une com- gauche. Résultats préliminaires et revue de la littérature. Ann Chir
plication soit pour un échec fonctionnel. La différence était 1999;53:1029–32.
[3] Khot UP, Lang AW, Murali K, Parker MC. Systematic review of the
significative avec le groupe des patients ayant eu un lavage
efficacy and safety of colorectal stents. Br J Surg 2002;89:1096–102.
peropératoire (2 %). [4] Kronborg O. Acute obstruction from tumour in the left colon without
La levée de l’occlusion par la mise en place par voie spread. A randomized trial of emergency colostomy versus resection.
transanale d’une prothèse métallique auto-expansive est Int J Colorect Dis 1995;10:1–5.
d’introduction récente dans l’arsenal thérapeutique [2,3]. La [5] Morino M, Bertrello A, Garbarini A, Rozzio G, Repici A. Malignant
colonic obstruction managed by endoscopic stent decompression fol-
prothèse est mise en place sous contrôle radiologique ou lowed by laparoscopic resection. Surg Endosc 2002;16:1483–7.
endoscopique. Les complications sont soit la perforation du [6] The Scotia Study Group. Single-stage treatment for malignant left-
côlon (4 %), soit des hémorragies. La dilatation de la tumeur sided colonic obstruction: a prospective randomized clinical trial
pour mettre en place la prothèse augmente le risque de comparing subtotal colectomy with segmental resection following
perforation tumorale et doit être évitée [2,3]. Les échecs sont intraoperative irrigation. Br J Surg 1995;82:1622–7.
[7] Tiret E. Quelle est la conduite à tenir en situation d’urgence devant un
soit techniques (impossibilité de mise en place 8 %), soit cancer du côlon ? Conférence de consensus : prévention, dépistage et
cliniques (absence de levée de l’occlusion malgré la prothèse prise en charge des cancers du côlon. Janvier 1998. Gastroenterol Clin
en place 12 %). La coloscopie d’amont au travers du stent Biol 1998;22(3bis):S102–7.
n’est pas recommandée. La colectomie a lieu quelques jours [8] Scortu R, Barrier A, André T, Houry S, Huguier M. Prothèse métal-
plus tard, dans des conditions proches de la chirurgie élec- lique expansive dans le traitement palliatif des occlusions colorectales
malignes : risque de perforation. Ann Chir 2003;128:359–63.
tive, éventuellement sous cœlioscopie [5]. Lorsque le bilan a [9] Kouadio GK, Turquin TH. Cancers coliques gauches en occlusion en
montré la présence d’une extension importante et que le Côte d’Ivoire. Ann Chir 2003;128:364–7.
pronostic à court terme est réservé, la prothèse peut être [8] Scortu R, Barrier A, André T, Houry S, Huguier M. Prothèse métal-
laissée en place à titre palliatif. En situation palliative les lique expansive dans le traitement palliatif des occlusions colorectales
risques secondaires sont la migration de la prothèse (10 %) malignes : risque de perforation. Ann Chir 2003;128:364–7.
[9] Kouadio GK, Turquin TH. Cancers coliques gauches en occlusion en
ou son obstruction (10 %). Cette méthode thérapeutique n’a Côte d’Ivoire. Ann Chir 2003;128:364–7.
pas été validée de façon comparative par rapport à la chirur-
B. Millat *
gie première. Une étude randomisée est en cours aux États-
Service de chirurgie viscérale et digestive,
Unis et une autre vient de débuter en France.
hôpital Saint-Éloi, 80, avenue Augustin-Fliche,
Les 2 séries rapportées dans ce numéro de la revue [8,9] ne
34295 Montpellier cedex 5, France
sont pas discordantes avec l’état des connaissances actuelles.
Adresse e-mail : b-millat@chu-montpellier.fr.
La forte morbidité observée chez les malades traités à Tenon
confirme les risques connus de la dilatation tumorale à fins de * Auteur correspondant.

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