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LES ARMES À LÉTALITÉ REDUITE

J.J. Dorrzapf

Sommaire :

• Introduction - Définition
• Les différents types d’armes à létalité réduite
• Les armes à létalité réduite antimatérielles (ALR – AM)
• Les armes à létalité réduite anti-personnelles
• Les armes à létalité réduite anti-personnelles autres qu'à énergie cinétique
• Les armes à impulsions électriques ( le pistolet à impulsions électriques Taser®)
• Les armes à létalité réduite anti-personnelles à énergie cinétique
• Les armes à létalité réduite : réalité ou utopie ?

Conférences du 2éme congrès de balistique lésionnelle sur les Armes à Létalité Réduite >>

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I – Introduction - Définition

I – 1 – Introduction

L’évolution des sciences et techniques de même que les changements profonds des mentalités dans les options
stratégiques choisies pour répondre à une nouvelle forme de conflits au cours desquels le recours aux armes
conventionnelles létales ne s'avère pas justifié, a porté au premier plan les armes à létalité réduite. Il en est de
même, en temps de paix, pour les missions de maintien de l’ordre à l’occasion desquelles on tente de doter le
policier de moyens de riposte gradués, intermédiaires entre les mains nues et l’arme létale.

Si les Etats-Unis se sont, les premiers, manifestés de manière officielle dans la recherche sur les armes à létalité
réduite, d'autres pays, notamment la France ne sont pas en reste. Le ministère français de la défense, par
l’intermédiaire de la Délégation Générale à l’Armement travaille activement dans cette voie. Il en est de même du
ministère français de l’intérieur au sein duquel le CTSI (Centre Technique de la Sécurité Intérieure) ex-CREL
(Centre de Recherche et d’Etudes de la Logistique de la police nationale) teste et adapte, depuis plus de 10 ans,
des systèmes d'armes à létalité réduite.

On constate donc que le concept d’armes à létalité réduite n’est pas nouveau. Surtout si l’on se réfère à des
écrits, datant de 500 ans avant J.C., sur « l’Art de la Guerre » attribués au stratège chinois Sun Tzu qui
considérait déjà que soumettre une armée ennemie sans perte, ni pour l’un, ni pour l’autre, et que s’approprier un
territoire intact plutôt que ses ruines était l’art suprême de la guerre.

I – 2 - Définitions des armes à létalité réduite

Le mot « définitions » mérite le pluriel car il faut bien admettre, qu’à côté d’une définition très générale qui touche
plus particulièrement le cadre militaire, il en existe d’autres définissant les armes à létalité réduite nettement plus
contraignantes selon les pays et leurs cadres d’emploi (le maintien de l’ordre en temps de paix en particulier).

La définition la plus générale est peut-être celle que l’on trouve dans la directive 3000.3 concernant, à l’époque,
les armes non létales, publiée en 1996 par le Department of Defense américain. :
« Les armes non létales sont des armes discriminantes qui sont explicitement conçues et principalement utilisées
pour frapper d’incapacité le personnel et le matériel, tout en minimisant le risque mortel, les lésions permanentes
au personnel et les dommages indésirables aux biens et à l’environnement.
1 – Contrairement aux armes létales conventionnelles qui détruisent leurs cibles par explosion, pénétration ou
fragmentation, les armes non létales utilisent des moyens autres que la destruction physique totale pour
empêcher une cible de continuer à fonctionner.
2 – Les armes non létales sont destinées à avoir au moins une des caractéristiques suivantes :
a) elles ont des effets relativement réversibles sur le personnel et le matériel ;
b) elles affectent les objets différemment dans leur zone d’influence.

On se rend compte que cette définition, déjà un peu ancienne, concernant les armes non létales (non lethal
weapons) paraissait plus souple que son titre puisque l’on souhaitait, avec ces armes "non létales", minimiser le
risque de mort et de lésions irréversibles sans toutefois l’exclure à 100 %. C’est vraisemblablement la raison pour
laquelle ces armes ont été rebaptisées « less lethal weapons » soit armes « moins que létales » ou « armes sub
létales ».

En ce qui concerne le maintien de l’ordre en temps de paix, notamment en France, la définition des armes à
létalité réduite précise que l’utilisation de ce type d’arme ne doit pas entraîner la mort ni de lésions irréversibles.
Comme on le verra, si cette volonté de protéger la vie et l’intégrité physique de la personne atteinte est louable,
elle n’en est pas moins un vœu pieux. Si cette définition très restrictive de non létalité absolue est toujours
d’actualité, d’aucun, spécialiste dans ce domaine, la qualifie d'utopique, la considère comme une limite vers
laquelle doit tendre, de manière malheureusement asymptotique, la recherche dans ce domaine.

II – Les différents types d’armes à létalité réduite

Les types d’armes non létales sont nombreux, vouloir en dresser une liste exhaustive tiendrait de la gageure.
Une classification possible est de distinguer les armes destinées à être utilisées directement contre l’homme,
ALR-AP (armes à létalité réduite anti-personnelles) et les armes présentant une action anti-matérielle, ALR-AM.

Nous survolerons très rapidement ces deux catégories dans le but d’informer le lecteur sur les nombreuses
recherches menées dans ce domaine. Nous nous focaliserons ensuite sur une gamme d’ALR-AP dites à énergie
cinétique dont le but est d’interagir plus ou moins violemment, par choc contondant, avec un individu dans
l'objectif de le rendre incapable de continuer son action. C’est le domaine de prédilection de la balistique
lésionnelle dont une de ses missions est de tester le potentiel lésionnel des munitions utilisées et de déterminer
des niveaux énergétiques acceptables.

II – 1 – Les armes à létalité réduite antimatérielles (ALR – AM)

Nous commencerons par cette catégorie, que nous parcourrons rapidement, et nous étendrons plus longuement
sur les ALR-AP.

Les ALR-AM, comme leur nom l’indique sont destinées à perturber, bloquer le fonctionnement des machines et
engins, mécaniques, électroniques ou informatiques afin d'annihiler les capacités d’action de l’adversaire
(moyens de transport, de communication, etc.). Les ALR – AM visent également les bâtiments et autres
structures.

Parmi les moyens susceptibles d’être utilisés contre le matériel roulant, on peut citer des substances modifiant les
caractéristiques des carburants, solvants attaquant la matière des pneus, cordeaux détonants brisant les roues,
émetteurs hyperfréquences perturbant ou détruisant les systèmes d’allumage électroniques des moteurs.

Les systèmes électroniques et informatiques peuvent être perturbés ou détruits par des impulsions
électromagnétiques de forte intensité ou par le largage de micro fibres de carbone ou de produits fortement
chargés en graphite qui vont s’insinuer à l’intérieur des appareils électriques et électroniques et créer des courts
circuits.

Les bâtiments, voies de circulation, ouvrages d’art seront attaqués à l'aide de produits chimiques fragilisant les
aciers et bétons, dissolvant l’asphalte…
Si l’action directe de ces produits est destinée à se porter sur les matériels, l’influence indirecte sur l’homme peut
ne pas être négligeable. En effet, pour ne parler que des moyens de communication et des voies de circulation,
leur blocage ou destruction peuvent entraîner de graves conséquences pour les populations (famine, privation de
soin…) qui, à l’origine, n’étaient pas visées.

Les moyens d’influencer le climat sur des zones géographiques plus ou moins étendues sont également à l’étude
et ont vraisemblablement été utilisés lors des conflits passés (guerre du Vietnam, notamment).

Les ALR-AM semblent avoir vocation à n’être utilisées que dans les actions militaires. C’est vrai pour nombreuses
d’entre elles et certains pays investissent des sommes énormes dans ce domaine de recherche. Cependant
certaines ALR - AM répondent parfaitement aux besoins du maintien de l’ordre civil en temps de paix. Citons,
pour exemple, les systèmes d’immobilisation des véhicules et les brouilleurs de télécommunications.
De plus les missions de sécurité intérieure et extérieure accomplies par les forces de police pour les unes et
armées pour les autres, font souvent appel aux mêmes matériels d’intervention et présentent souvent de fortes
similitudes (lutte antiterroriste, contre les narcotrafiquants, maintien de foule, etc.).

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II – 2 – Les armes à létalité réduite anti-personnelles

Les armes à létalité réduite anti-personnelles sont également nombreuses tant il existe de manières variées
d’incapaciter un individu. Nous en indiquerons brièvement un certain nombre en commençant par celles qui
concernent le moins la balistique lésionnelle, pour terminer par celles à énergie cinétique qui sont susceptibles de
générer des lésions plus ou moins graves chez la personne atteinte et qui sont, quant à elles, l'objet d'études et
de tests en balistique lésionnelle.

II – 2 – 1 - Les armes à létalité réduite anti-personnelles autres qu'à énergie cinétique

On peut dresser un rapide inventaire des ALR-AP autres que celles utilisant l'énergie cinétique d'un projectile, en
commençant par les armes psychologiques.
Comme d'autres, ce domaine est vaste, mais il est possible de l'illustrer avec la diffusion, par exemple, de
paroles, d’idées ou d’images choquantes, voire insupportables vis à vis du fond culturel ou religieux des individus
vers lesquelles elles sont dirigées.

L’épandage de produits psychotropes ou fortement sédatifs sous forme d’aérosols a été à l’étude. Il n’y a rien de
vraiment innovant dans ce procédé car il ne s’agit en fait que d’une version « adoucie » de l'usage des gaz de
combat.

La biologie n’est pas en reste. La dispersion d'agents bactériens capables d’incommoder, d’affaiblir pour un
temps, un groupe d’individus est un bon moyen de freiner voire d'arrêter un adversaire.

La perturbation des sens offre également un large panel de moyens d’incapacitation.


En ce qui concerne la vue, des flashes ou projecteurs de forte puissance aveuglant temporairement l’individu ou
des sources lumineuses stroboscopiques réglées sur une fréquence déterminée connue pour déclencher des
crises d’épilepsie peuvent être utilisés et certaines le sont déjà.

Des sons plus ou moins discordants émis par des sources sonores de forte intensité deviennent rapidement
insupportables à l’ouie. Des sons également de forte amplitude mais de fréquence très basse (infrasons) peuvent
être à l’origine de nausées, de troubles de la vision, de désorientations, éventuellement de lésions par la mise en
résonance d’organes internes.
L’odorat peut également être attaqué par des substances nauséabondes (hydrogène sulfuré, par exemple)
obligeant les occupants d’une zone à la quitter. Les gaz irritants (CS, CN, poivre -oléorésine capsicum-) sont
toujours largement utilisés.

Les chocs électriques délivrés par des dispositifs électroniques utilisés au contact ou à distance sont à inclure
dans l’arsenal des ALR-AP. On peut parler, à ce sujet, du pistolet à impulsions électriques TASER® qui projette à
distance deux dards reliés par des fils conducteurs et dont les trains d’impulsions, générés à une fréquence de
récurrence bien déterminée, entraîne une disruption neuromusculaire annihilant toute commande volontaire des
muscles se trouvant dans la région d’influence du courant.

Le marquage d’individus à l’aide de substances colorantes, plus ou moins indélébiles et détectables dans le
visible ou l’ultra violet, permet leur identification à distance dans le temps et l’espace.

Ayant passé en revue, certainement trop rapidement, quelques moyens de frapper d’incapacitation un individu ou
un groupe d’individus, nous allons aborder les ALR-AP à énergie cinétique, considérer leurs avantages et leurs
inconvénients.

II – 2 – 2 - Les armes à létalité réduite anti-personnelles à énergie cinétique

Dans la famille des armes à létalité réduite anti-personnelles, celles à énergie cinétique sont classées au bas de
l’échelle de la sophistication. En effet, elles ont pour but de donner un choc, un coup à l’adversaire susceptible de
l’incapaciter, pour parler simplement : de le mettre KO ou dans un état proche du KO afin qu'il ne puisse continuer
son action. Ce mode de neutralisation remonte à la nuit des temps.
Une condition, cependant : le projectile devra se comporter comme un objet contondant et non perforant.
Occasionner une "simple" douleur est généralement insuffisant tant le seuil de perception de cette sensation est
variable selon les individus, leur état d'excitation ou de sujétion à un produit psychotrope (alcool, drogues…)

Ces armes présentent les avantages de leur simplicité : elles sont relativement efficaces, faciles à transporter et à
mettre en œuvre (la formation à leur utilisation est simple), leurs effets prévisibles, leur prix peu élevé. Elles
peuvent faire l’objet d’une dotation collective ou individuelle.
C’est pour toutes ces raisons qu’elles sont finalement autant utilisées, notamment en France par les forces de
l’ordre sous l’appellation de Lanceurs Sub Létaux de Balles de Défense (LSBD).

Les projectiles tirés par ces armes sont souvent réalisés en caoutchouc plein ou alvéolé, parfois en matière
plastique souple, afin de minimiser les lésions lors de l’impact. En effet, ces projectiles censés s’aplatir à l’impact,
transmettent leur impulsion sur une surface plus grande que leur calibre initial. Les risques de lésions graves des
organes internes s’en trouvent diminués.
On trouve également des projectiles constitués d’une enveloppe de matériau divers, caoutchouc, toile, etc.
contenant un lest sous forme de poudre, grenaille de plomb ou autre composant dont le but est également de
s’étaler le plus possible lors de l’impact.

Les calibres des projectiles, tous matériaux confondus, des ALR - AP sont variables. On peut citer, pour les plus
courants :
- 9 mm pour les armes de poing, parfois du calibre 12 à cartouche raccourcie (12-50)
- calibre 12 (caoutchouc, matière plastique) pour les fusils à pompe (mono projectile, bi projectiles, chevrotine)
- calibre 37-38 mm prévu pour ne tirer que des projectiles à létalité réduite et se différenciant du lanceur de 40
mm, capable de tirer des projectiles à létalité réduite et létaux.
- 40 mm tirés par des lanceurs polyvalents (munitions sub létales, et létales).
- 44 mm tel le FlashBall en dotation dans la police nationale française.
- 56 mm pour les projectiles pouvant être tirés par des lanceurs de grenades lacrymogènes de la police nationale
française.

Ces ALR-AP à énergies cinétique semblent donc d’une simplicité déconcertante, voire triviale.
Cependant, lorsque l’on soumet ces armes à des tests et des évaluations poussés, on se rend compte que leur
simplicité n’est qu’apparente, et que l’exercice consistant à vouloir rassembler dans un lanceur donné des
qualités d’efficacité en même temps que de non létalité absolue pour une plage de distances de tir suffisamment
étendue pour un usage opérationnel, est proche de la quadrature du cercle.

Ce problème s’explique aisément lorsque l’on considère que l’importance des lésions générées par ces armes est
en étroite dépendance avec l’énergie cinétique de leurs projectiles ou, pour être plus en accord avec les
observations expérimentales, leurs impulsions ou quantités de mouvement.
En effet, le projectile, comme tous les projectiles, dès sa sortie du canon, perd de sa vitesse, donc de son
efficacité ou de sa dangerosité selon les distances d’utilisation pour lesquelles le lanceur a été conçu.
En clair, si l’on étudie un projectile tel qu’il puisse neutraliser un individu à 20 mètres de distance, donc possédant
encore suffisamment de vitesse pour être toujours efficace sans pour autant générer de graves blessures aux
organes sous-jacents à la zone d’impact, on peut parier qu’à une distance de tir de 2 mètres ce même projectile
pourra engendrer des blessures très graves voire mortelles étant donné qu’à cette distance il possède une
vitesse bien plus élevée qu’à 20 mètres.
D’une manière schématique on peut considérer que les caractéristiques balistiques des ALR-AP à énergie
cinétique doivent évoluer dans une zone plus ou moins étroite dont la limite inférieure représente le seuil
d’efficacité et la limite supérieure le seuil de létalité ou de lésions irréversibles.

Les lésions irréversibles posent, à leur tour, un problème d’importance : quel(s) organe(s) doit-on prendre en
référence pour évaluer ce potentiel lésionnel ?
Si l’on choisit le foie ou la rate (organes fragiles et fortement vascularisés) tout n’est pas perdu pour les LSBD. Si
c’est l’œil, on peut raccrocher définitivement ces lanceurs de balles de défense à leur râtelier quand on sait
qu’une simple chiquenaude sur le globe oculaire peut entraîner un décollement de la rétine.
D’où la nécessité pour les concepteurs et surtout les testeurs de ce genre d’armes de mettre au point des
protocoles de tests rigoureux afin d’éliminer les risques de létalité ou de blessures graves tout en restant dans
une logique opérationnelle.
A cette fin, les testeurs ont pour mission d'évaluer les lanceurs et leurs projectiles afin de déterminer leur potentiel
lésionnel et de valider (ou non) ces armes comme répondant aux critères de létalité réduite ou non.
Selon la demande, les testeurs auront la charge de déterminer un seuil énergétique ou impulsionnel pour un
usage opérationnel.
A l'heure actuelle, seule la balistique lésionnelle permet d'apporter la réponse à ces questions.

II – 2 – 3 - Les promesses du futur : un potentiel lésionnel acceptable et constant sur toute la plage de
distances d’utilisation

La solution pour obtenir une efficacité et un potentiel lésionnel acceptables et constants sur une plage étendue de
distanced’utilisation passe par la visée télémétrique. La possibilité de déterminer la distance entre le tireur et la
cible permettra d’adapter la vitesse de départ, et par conséquent d'impact, du projectile.
Cette idée n’est pas neuve. Elle était freinée par des problèmes techniques qui sont en passe d’être surmontés. Il
existe quelques prototypes.

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III – Les armes à létalité réduite : réalité ou utopie ?


Facteurs modulant la dangerosité

Si l’on avait conservé leur appellation originelle, « armes non létales », nous pourrions parler d’utopie
Si l’on s’en tient à leur appellation actuelle, on peut considérer qu’elles font partie de la réalité.
Le risque de mort inhérent à leur utilisation est très faible, mais pas nul.
Encore ne parlons-nous que des risques directs. En effet, l’utilisation d’un dispositif destiné à crever les roues des
véhicules automobiles peut ne pas avoir les mêmes conséquences sur un véhicule à quatre roues et sur une
motocyclette. Mettre en panne un moteur n‘aura pas les mêmes effets sur un véhicule terrestre ou sur un
aéronef.
Les conséquences pouvant découler de la perturbation des voies de circulation terrestres, de communications
hertziennes, du climat peuvent être fortement létales : famine, manque de soin aux populations civiles,
impossibilité de maintenir l’ordre, villes ouvertes aux bandes de pillards organisées.
On constate la complexité inhérente à l’usage des armes à létalité réduite.
On vient de mettre en évidence le facteur de dangerosité environnemental ; dans un certain contexte, certaines
ALR pourront être utilisées à moindre risque, dans un autre, il vaudra mieux s’abstenir.
Existe-t-il d’autres facteurs modulants de la dangerosité ?
Certainement oui. La mise en évidence d’un autre facteur de dangerosité des ALR-AP est due aux
expérimentations en balistique lésionnelle. Il s’agit du facteur temps : plus on souhaitera un effet rapide sur un
individu, plus on se rapprochera du seuil de létalité.
Prenons pour exemple un individu ou un groupe d’individus qui occupent indûment un local dans un but de
revendication. Face à cette situation, plusieurs comportements sont envisageables.
On pourra attendre que les individus se lassent et, finalement, abandonnent les lieux même s’ils considèrent que
leur action n’a pas entièrement porté ses fruits.
Dans ce cas, la patience a été une sorte d’ALR.
Si l’on souhaite qu’ils vident les lieux plus rapidement, on pourra utiliser une substance malodorante qui les
incommodera. Le local pourra être libéré en quelques minutes et, vraisemblablement, personne n'aura à en pâtir,
sauf peut-être l’honneur.
Mettons-nous dans une autre situation, plus pressante. On se trouve face à un individu excité, très menaçant. Le
danger est imminent. Il faut le neutraliser. Quelle que soit l’ALR-AP dont on va se servir (énergie cinétique, gaz,
électricité), on attend d’elle un temps de réponse très court. Le choc, quelle qu’en soit sa nature, devra perturber,
déséquilibrer les grandes fonctions physiologiques de l'individu (respiration, fonction neuromusculaire, peut-être
circulatoire), et ce de manière d’autant plus intense que l’on souhaite une action rapide de la part de notre moyen
de défense. On risque, de ce fait, de frôler le seuil de létalité, surtout si l’individu se trouve fragilisé par une
maladie, le stress, des substances psychotropes etc.
Sans être inconditionnellement adepte de l'effet "papillon", on peut gager qu'il existe très certainement de
nombreux autres facteurs susceptibles d'accroître la dangerosité d'une ALR.

IV - La dichotomie armes létales – armes à létalité réduite


Sa réalité, ses dangers

Stricto sensu, les armes létales, contrairement aux armes à létalité réduite, sont destinées à tuer. Pourtant, selon
les rapports des chirurgiens de guerre, les blessures par armes conventionnelles (balles, éclats) ne sont mortelles
que dans 20 à 25 % des cas. Les taux de blessures mortelles par balles sont encore plus faibles dans le secteur
civil. On peut considérer, cyniquement, que les armes létales ont un bien mauvais rendement. Il n’est pas interdit
d’envisager que les armes conventionnelles, létales, le seront d’autant moins que la médecine d’urgence fera
plus de progrès. La frontière armes conventionnelles – armes à létalité réduite deviendra de plus en plus floue.
Pour l’instant, cette dichotomie est encore bien ancrée dans les esprits. Elle n’est pas sans danger, ne serait-ce
que sur le plan éthique lorsque le policier, lors de l'accomplissement de sa mission, doit choisir entre arme
conventionnelle et ALR.
En effet, ce dernier, ne disposant pas d’un moyen de défense proposant un continuum de riposte finement
graduée, sera forcé dans son action, de franchir l’échelon ALR - arme létale.
L’évolution des mentalités pourra conduire l’opinion publique à reprocher à ce policier, qui aura décidé d’utiliser
son arme létale, de s’être érigé en juge et exécuteur.

V – Conclusion

Le survol du domaine des armes à létalité réduite a montré les avantages qu’elles apportent en comblant des
vides dans les moyens de défense ou de riposte, d'ouvrir la voie vers un continuum entre la négociation et l’usage
des armes conventionnelles létales.
On a vu également que les conséquences de leur utilisation, selon l’environnement dans lequel elles sont
employées et la rapidité avec laquelle on souhaite que leurs effets se manifestent, sont fortement variables et
peuvent frôler les limites de la létalité.
Elles peuvent soulever d’autres problèmes.
Si on hésite à recourir aux solutions extrêmes, on se rabattra plus facilement sur les moyens intermédiaires. Leur
quasi non létalité pourrait amener leurs possesseurs à en abuser, à les utiliser de manière systématique voire à
titre préventif afin de maintenir des groupes d’individus et/ou des pays entiers sous leur contrôle.
D’où la nécessité d’une plus ample vigilance, d’un plus grand contrôle dans leur emploi.
Les armes à létalité réduite, dont le but est de préserver la vie de l’Homme, ne doivent pas permettre d’aliéner sa
liberté.

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